Rabaté Laurent, Rabaté Jean-Michel. Pekka Tammi, Problems of Nabokov's poetics : a narratological analysis. In: Revue des
études slaves, tome 58, fascicule 2, 1986. Tome 58, fascicule 2 : École et enseignement en Russie et en U.R.S.S. de 1860 à
nos jours. pp. 257-258;
https://www.persee.fr/doc/slave_0080-2557_1986_num_58_2_7244_t1_0257_0000_2
munion ecciésiale, et on pose notamment le problème des relations entre l'Église et le monde.
D'autres courants multiples et variés, dont il n'est pas possible de donner ici l'inventaire, vont
suivre les voies, bien connues, du rationalisme, du positivisme, de l'ontologisme, bien d'autres
encore, poser, sans cesse, les éternels problèmes sociaux qui tourmentent les esprits.
Ce gros ouvrage, d'une lecture agréable, éveille tout un monde spirituel qui fait partie
intégrante de notre passé européen et projette une lumière saisissante sur notre présent.
Michel EVDOHMOV
Personne n'avait encore tenté une étude systématique des stratégies narratives de l'ensemble
de l'œuvre de Nabokov, qui, si elle offre aux narratologues de nombreux cas de figure
intéressants, semble par sa complexité, sa virtuosité et son dédain affiché des classifications résister à
toutes les typologies romanesques. Nabokov prétendait qu'un des objectifs de son œuvre était
de prouver que le « roman en général » n'existe pas ; que les catégories des critiques ne
renvoient qu'à la stérilité d'analyses de professeurs pour des étudiants ; que seul compte le monde
fictif créé par un auteur au sens plein du terme. Or, si cet ouvrage s'adresse certes en premier
lieu au spécialiste, au narratologue, ou aux étudiants que ne rebuterait pas la technicité du
vocabulaire — il faut, afin de suivre les analyses, apprendre par cœur la liste des abréviations
du lexique de base de narratologie p. 364, et découvrir que ND signifie « narrator's discourse »
et CD « character's discourse », qu'on ne parle pas de « narrateurs » et de « personnages »
mais ď« agents narrateurs » et ď« agents personnages » — il faut le recommander tant aux férus
d'analyse textuelle qu'aux passionés de Nabokov. Aux premiers, il apportera une mine
d'exemples très bien analysés et argumentes en fonction d'une théorie générale et cohérente, aux
seconds il révélera le sens des expérimentations les plus subtiles de leur auteur favori, et les
fera pénétrer dans les dédales de son univers romanesque.
Il faut dire que cet essai volumineux commence curieusement lorsqu'il prétend fonder
une typologie des fonctions narratives (illustrée en de nombreux tableaux qui distribuent les
textes de Nabokov en cases dont la fonction n'est pas évidente) sur le repérage préalable de
constantes thématiques, que l'on aurait plutôt situées en conclusion d'une étude d'ensemble.
En fait, cette approche se justifie dans la mesure où le dénominateur commun obtenu par
abstraction de tous les textes principaux vise à définir l'unité du texte nabokovien, une unité
qui se redouble dans la visée centrale : l'ordre du texte est toujours redoublé par la
constitution de l'ordre, l'unité imposée aux fragments chaotiques de toute existence humaine
correspond à l'effort le plus originel de l'artiste qui compose son œuvre. Le poète, l'artiste,
deviennent des paradigmes universels de l'ordonnancement du sens, et « la relation entre la vie
humaine et ses représentations littéraires dans le texte devient le thème dominant de Nabokov »
(p. 21). Il est donc crucial de comprendre le rapport hautement surdéterminé entre le
narrateur et le personnage ou les personnages, puisque c'est à travers lui que l'on saisit comment
l'auteur forme et forge son monde.
Ainsi le classement effectué p. 52-56 déborde des limites d'une taxinomie pure et simple,
et sert de tremplin à l'analyse de cas délicats : le Don est le meilleur exemple des changements
de points de vue et de temps qui ont longtemps laissé les commentateurs divisés et incertains.
Pekka Tammi adopte une position extrêmement souple, récuse la thèse d'un roman écrit
dans une sorte de monologue intérieur libre, et montre très nettement que le personnage
principal, Fyodor, est à la fois « sujet » narratologique, ou, comme le stipule Bakhtine, «
porteur de son propre monde » fictif, et « objet » narratologique, contrôlé par un auteur qui
ne se montre pas mais souligne tout ce qui sépare le personnage de ses ambitions littéraires,
de son désir d'être auteur à son tour. Nabokov varie donc les modes narratifs, passant sans
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