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PIER RE WUITHIER
INTR ODUCTION
Les réactions d'addition d'oléfines sont connues depuis fort longtemps et exploitées industriellement pour
la production de polymères liquides essentiellement. En concurrence avec !'alkylation. la polymérisation a
beaucoup contribué à l'élaboration des quantités massives de carburant -aviation nécessaires pendant la der-
nière guerre. Depuis cette époque, de nombreuses unités ont été arrêtées et il ne semble pas que la polymé-
risation puisse retrouver son développement à l'occasion de la course à l'octane. Toutefois, en pétrochimie.
elle est devenue un des points-clés de la fabr ication des polymères solides : caoutchouc et plastiques.
Par rapport à !'alkylation, la polymérisation présente de nombreux désavantages :
- la matière première est entièrement oléfinique ; or. les oléf ines légères n'existent ni dans le pétrole brut,
ni dans le gaz naturel. Il faut les rechercher dans les effluents de craquage catalytique ou thermique ; mais ces
opérations sont et seront de plus en plus souvent effectuées en présence d'hydrogène, ce qui vient réduire la
production d'oléfines en tant que sous-produit ;
- le produit da la réaction est lui- même une oléfine, c'est-à- dire un produit instable, susceptible de pro-
duire des gommes. Pour un carburant de qualité aviation, il sera nécessaire d'hydrogéner le polymère, alors que
des additifs appropriés pourront être suffisants pour stabiliser un carbrant-auto. En outre,le nombre d'octane F2
est nettement plus faible que pour un alkylat ;
- ily a dégradation par formation de polymères lourds qui peuvent, dans certains cas, représenter jusqu'à
10% de la charge et qui sont versés aux fuels ;
- enfin la réaction s'effectue à une température notablement plus élevée.
Seules deux raffineries françaises possèdent des unités de polymérisation qui avaient été installées avant-
guerre en vue de la production d'essence-av iation. Actuellement, ces unités ont un fonctionnement très inter-
mittent et ne sont mises en route que pour intervenir dans des fabrications spéciales.
Les réactions de polymérisation sont exothermiques et conduisent à une réduction du nombre de ·molécules.
Il en résulte qu'elles sont équilibrées et que les conversions à l'équilibre sont augmentées par une dimin14lion
de température et un accroissement de pressi n :
2 C3 H 6 C 6 H12
3 C3 H6 C9 H,8
(isooctènes)
844 L E P i: T R O L E . R A F F I N A G E E T G IÔ N I E C H I M I Q U E
Les chaleurs de réaction moyennes sont de 370 kcal/kg pour la polymérisation du propylène et de 220 kcal/kg
pour la polymérisation des butènes, donc légèrement supérieures à celles observées en alkylation.
Les polymères du propylène sont plus stables que ceux des butènes. Cela constitue rune des raisons pour
lesquelles les polypropylènes sont préférés aux polybutènes comme matière première en pétrochimie.
Le propylène, seul, est plus difficile à polymériser que les butènes. Toutefois, quand on traite simultanément
en charge non sélective le propylène et les butènes, c'est sur le propylène que le taux de conversion est le
meilleur.
L'activation des réactions de polymérisation est réalisée cata.IYtiquement dans les procédés qui traitent
des gaz insaturés, ce qui est le cas le plus fréquent, et thermiquement dans les installations alimentées en gaz
saturés.
Ces dernières. appelées polymérisat ions thermiques, réalisent successivement deux opérations :
- la déshydrogénation thermique des butanes et du propane, donnant naissance aux butènes et au propy-
lène; cette opération s'effectue à des températures de l'ordre de 600°C ;
- la polymérisation de ces insaturés, sans catalyseur, grâce à une température suffisante pour obtenir
des vitesses de réaction acceptables.
Bien que ce procédé ait acquis un certain développement (en 1955, il fournissait le tiers de la production
d'essence de polymérisation fabriquée aux U.S.A .), il semble qu'i l doive disparaitre.
C'est pourquoi nous restreindrons ceue étude aux procédés catalytiques.
A. LOCALISATION DE LA RÉACTION
Le plus souvent le catalyseur est constitué par un solide divisé, imprégné d'acide de sorte que la réaction
s'effectue au niveau de la surface des grains . Actuellement, on pense pouvoir utiliser racide directement il
l'état liquide, sans support solide, comme en alkylation.
Alors que dans les premières unités, on opérait avec une charge vapeur, presque toutes les installations en
service actuellement introduisent l'alimentation en phase liquide.
B. LES CATALYSEURS
craquage catalytique qui contiennent moins de propylène et de butylène-2. C'est pourquoi on ne l'utilise prati-
quement plus.
Il est à signaler que le soufre ne constitue pas un poison de l'acide phosphorique (ilempoisonne toutefois
le pyrophosphate de cuivre).
Sont des poisons :
les produits alcalins (soude, ammoniaque ...} qui détruisent le catalyseur ;
les composés nitrés organiques basiques, notamment la diéthanolamine utilisée en désulfuration ;
l'oxygène qui favorise la formation de goudrons qui se déposent sur le catalyseur ;
le butadiène, dont la polymérisation donne des goudrons.
Il semble qu'il ne faille pas dépasser 3% de butadiène dans la charge.
Les variables opératoires importantes sont le temps de réaction, la température , la pression, l'activité du
catalyseur et son degré d'hydratation.
1. Temps de réaction
S'il est trop faible, le taux de conversion est bas ;s'il devient excessif,les produits contiennent des polymères
trop lourds et leur intervalle de distillation s'allonge (le point final de distillation peut dépasser la valeur
limite admissible pour un carburant).
En pratique, le temps de réaction est repéré par la vitesse spatiale : volume de charge passant par heure
et par unité de poids de catalyseur. Pour obtenir des carburants à haut indice d'octane, les différents procédés
requièrent des vitesses spatiales allant de 0,12 à 0,46 m3 /h.kg. Le contrôle de cette variable opératoire doit
être fait de façon sévère. La figure 111.11.1 donne une corrélation conversion-vitesse spatiale, pour une charge
butènes-propylène, avec l'acide phosphorique comme catalyseur.
100
95
\
I \ \.
90
C»
\
\.
85
BO
'\
c.: 75
'\
. '
• 65
:? 70
'
0
60
r\.
SS ' \
0 1 2 3 4 5 6 7 8 9 10
vitesse spolia le
f;fres/ h et kg catalysecA'
Fig. 111-1 1.\. - Corrélation conversion -vitesse
spatiale pour la polymérisation d'un mélange de
propylène et de butènes.
846 LE P T R O L E . R A F F IN A G E E T G N IE C H I M I Q U E
2. Température
Les hautes températures provoquent une augmentation de la vitesse de réaction, ce qui se traduit par une
élévation des taux de conversion obtenus industriellement .
Mais les températures élevées favorisent la formation de hauts polymères {goudrons) qui. en se déposant
sur le catalyseur . réduisent sa durée de vie. JI en résulte qu'il n'est pas toujours profitable d'élever la tempé-
rature. Dans la pratique, on opère le plus souvent entre 170 et 225°C.
3. Pression
Ilfaut noter que, dans le cas d'une alimentation à l'état vapeur et pour une vitesse spatial e donnée, la pres-
sion influe sur le temps de réaction. Une augmentation de pression accroit la densité des vapeurs d'hydrocar-
bures, donc le temps de séjour dans le réacteur; la formation de goudrons devrait être accrue. Or, l'expérience
a montré que. même pour une unité fonctionnant avec une charge vaporisée, une augmentation de pression
diminuait le cokage du catalyseur et son encrassement par les goudrons. On suppose que le passage d'une
phase vapeur dense sur le catalyseur lave celui-ci des goudrons qui ont tendance à s'y déposer .
Les premières unités construites ont fonctionné à des pressions de l'ordre de 17 kg/cm2. Le catalyseur devait
être fréquemment régénéré. Les installations plus récentes fonctionnent entre 28 et 80 kg/ cm2 . La pression
optimale dépend de la composition de la charge_
Les oléfines contenues dans les gaz de craquage peuvent être concentrées de plusieurs façons qui
dépendent de la pression à laquelle elles sont disponibles et de l'intérêt économique que présente leur récupé-
ration plus ou moins poussée.
Il est rarement rentable de récupérer l'éthylène pour la product ion de carburant ; aussi, la préparation de
la charge consistera donc le plus souvent à retenir la coupe C3 -C4 • Celle-ci peut être encore fractionnée ulté-
rieurement si l'on désire polymériser sélectivement l'un ou l'autre de ses composants insaturés .
Il existe cependant des unités qui traitent la totalité de la coupe {C4-) des effluents de craquage . Cette
méthode n'est employée que lorsque la pression des gaz est élevée (8 à 12 kg/cm2 ) . Pratiquement, on emploie
l'une des deux méthodes suivantes :
1. A bsorption et stabilisation
Lorsque le gaz est disponible sous faible pression, comme c'est le cas pour les gaz de craquage catalytique,
on utilise une unité classique de fractionnement des gaz comportant un absorbeur pour éliminer la coupe
(C2 -} et une colonne de stabilisation qui permet de sortir au fond l'essence pratiquement débutanisée et au
sommet la coupe butane-propane qui constituera la charge de polymérisation (fig. 111.11 .2) .
111.11 • P 0 L Y M E R 1 S A Tl 0 N 847
A B SOR PTION
COMPRESSEUR
--- chorgt:
â po/ym.
--...,.esHOCe drUx.1tonisée
... ---41
Fig. 111.11.2. - Préparation d'une coupe C3-C. comme charge de polymériSlltion .
Le tableau 111.11.1 donne un exemple de composition du gaz sortant de l'absorbeur et de la charge dirigée
vers l'unité de polymérisation.
TABLEAU 111.11.1
2. Stabilisation simple
C'est la méthode la plus utilisée car elle ne nécessite aucune compression : la charge oléfinique ne provient
que du liquide de tête du stabiliseur de l'essence de craquage. Cette dernière est stabilisée aussi profondément
que possible (T.V.A . de 0,3 à 0,5 kg/cm2 ), en évitant toutefois d'entrainer les pentènes dans le produit de
tête.
Une fraction des oléfines échappe à la polymérisation, car un peu de propylène se perd avec les gaz
sortant du ballon de reflux du stabiliseur.
B. DSULFURATION
Bien que le soufre ne soit pas un poison du catalyseur, la charge est toujours désulfurée : cela évite d'avoir
à désulfurer le polymère. Le soufre contenu dans la charge se retrouve en effet en totalité dans essence
produite, sous forme de mercaptans lourds dont l'extraction est coOteuse. Ceux-ci abaissent non seulement
la susceptibilité au plomb des polymères, mais également celle de toute essence à laquelle ils seront mélangés.
LE P TR OLE . R A FFI NA G E ET G t N I E CH I M I QU E
Si la charge contient peu de soufre, un lavage à la soude suffit à éliminer l'hydrogène sulfuré et les
mercaptans légers. Sinon. on a recours à un lavage à la diéthanolamine {procédé Girbotol) . Dans les deux
cas, unlavage à l'eau est nécessaire pour éliminer les traces de soude ou de D.E.A. qui détruiraient rapidement
le catalyseur .
1. Procédé U.O.P.
Deux types de réacteurs sont utilisés
- type tubulaire :le catalyseur est disposé dans des tubes autour desquels circule de l'eau, pour assurer
le contrôle de la températl.U'e du réacteur ;
- type à chambre : c'est le plus répandu. Le catalyseur est divisé en plusieurs lits entre lesquels on peut
introduire du propane froid prélevé sur l'effluent, afin d'ajuster la température . Un recyclage de propane peut
être prévu dans ra charge, dans le même but.
La figure 111.11-3 montre le schéma d'une installation de ce type à chambre.
Conditions opératoires :
- température 175-225°C ;
- pression 28 à 84 kg/cm2 ;
- catalyseur type granulé.
CHAMBRE
OE REACTION
GUENCH C3
charge
l:::? volume
c::::::::i lempérotvre°C
0 pression atm.
Conditions opératoires
température : 150 à 19ooc ;
pression : de 11 à 42 kgfcm2 ;
vie du catalyseur : 0,85 m3 de polymère / kg d'acide phosphorique ;
nature du catalyseur : quartz imprégné.
Ce procédé nécessite remploi de matériaux résistant à la corrosion par l'acide phosphorique liquide. Le
schéma en est représenté à la figure 111.11.5.
La charge mélangée à l'acide froid est introduite dans un réacteur de faible dimension où il n'est pas
utile de prévoir un système de refroidissement. a réduction du temps de contact est compensée par un large
excès d'acide qui eS1 décanté, refroidi et recyclé. Ce système de contrôle par le débit d'acide permettrait d'obtenir
une température très constante dans le réacteur et des conversions atteignant 98 %.
Actuellement. ce procédé nouveau n'est encore représenté que par une unité-pilote.
0::
:;)
refroidiss .
de f'acidtz
w
0::
r:havffage
à la vapeur
ess. pOl ymlrisée
Fig. 111.11 .5. - Schéma du pilote de la C.R.C. pour la poly mérisation à l'acide phosphorique liquide.
850 L E P É T R O L E . R A F F I N A G E E T G É N IE C H IM IQ U E
C. PR OCÉDÉ THERMIQUE
Ce procédé permet de fabriquer de l'essence à partir des gaz saturés. En 1955. il représentait aux États-
Unis te tiers de la capacité de production d'essence de polymérisation. Depuis, il semble qu'il tende à dispa-
raitre. Mais on peut imaginer que ce procédé pourrait être utilisé pour résorber les exdès d'essence légère à
faible nombre d'octane pour les transformer en polymères très indétonants.
Les caractéristiques du procédé étaient les suivantes :
- Conditions opératoires : 500 à 600°C et 130 kg/cm:i.
- Charge : principalement du butane {le propane demandant des conditions opératoires encore plus
sévères pour être converti).
Produit obtenu :le tableau 111.11 .2 donne une indication des propriétés des essences obtenues.
TABLEAU 111.11.2
NO F2 ..... . . . . • .• • . . . • .. 77,5 75
NO de mélange ··········· 87 -
- Rendements : essence : de 62 à 72% poids de la charge, avec production simultanée de produits
lourds (goudrons) représentant 5 à 10% du poids de la charge.
Quelle que soit la mise en œuvre de l'acide phosphorique, les caractéristiques moyennes des essences
de polymérisation dépendent avant tout de la nature de la charge.
TABLEAU 111.11.3
B. BUTYLÈNES
Les butènes donnent par dimérisation des octènes. En choisissant des coupes contenant sensiblement
la même quantité d'isobutène et de normal butène, on est arrivé à produire sélectivement des isooctènes qui.
hydrogénés. donnaient de l'isooctane.
TABLEAU 111.11.4
PROPRIETES
Densité .. . . . . • • • . • • 0.740
T.V.R. (kg/cm2) .. . . . . 0,140
A .S.T.M. P.1• . • • • . . • • 60
(oC) 10% 100
50% .... . . 117
90 % ...... 182
P.F . . . . . . . . 228
NO F1 cLair ..• . . . • . 99
+ 3 cm3.. . . . 102.3
NO F2 cla ir . _ . . . . . . 81
+ 3 cm3• . • • • 84,2
C. PR OPYLËNE
TABLEAU 111.11.5
R FÉRENCES
JONES (E.K.). - Polymerization of olefines from crackad gases. Hill Book Cy, New Yoric. 1958 (4• éd.).
in : Advances in catatysis. Ill, p. 219. Acadt1mic Press, /ne..
New York. 1956.
Petro/tlum Ref/ner . -1952, 31, 8, p. 79 ; 1958, 37, 5. p. 173;
NELSON (W.L ). - Petroleum Refinery Engineering. Mc Graw- 1960. 39. 9. p. 229.