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Association internationale de la sécurité sociale

Colloque des directeurs d'institutions de sécurité


sociale des pays francophones d'Afrique
Limbé, Cameroun, 28-30 janvier 2004

L'extension de la sécurité sociale aux


populations non couvertes
Rapport de la Tunisie

Mounir Cherif
Sous-directeur de l'Unité des études statistiques, financières et actuarielles
Kamel Essoussi
Directeur de l'Unité des études juridiques
Centre de recherches et d'études de sécurité sociale (CRESS)
Tunisie
ISSA/AFR/RM/CAMEROUN/04/2c
L'extension de la couverture sociale aux
populations non couvertes
Rapport de la Tunisie

Mounir Cherif
Sous-directeur de l’Unité des études statistiques, financières et
actuarielles
et
Kamel Essoussi
Directeur de l’Unité des études juridiques
Centre de recherches et d'études de sécurité sociale (CRESS)
Tunisie

Introduction
L’histoire de la sécurité sociale tunisienne remonte à plus d’un siècle. Elle a été initiée, selon
le modèle "bismarckien", au profit des fonctionnaires de l’Etat dès 1898, population
caractérisée par sa haute stabilité et qui favorisait donc de ce fait le modèle professionnel.

Toute l’évolution de la sécurité sociale, depuis sa naissance jusqu’à nos jours, a été
largement inspirée de ce modèle. Elle fut donc étendue à d’autres catégories de personnel:
entreprises publiques, entreprises privées structurées, puis à d’autres catégories de
personnels – ouvriers agricoles, pêcheurs, gens de maison, artisans …, dans la même
logique professionnelle, faisant intervenir un financement patronal et salarial avec des
obligations déclaratives de la part d’employeurs et des pénalités en cas de non ou de sous-
déclarations.

Aujourd’hui, la configuration globale du système s’articule autour des secteurs d’activités


public et privé, d’une part, puis des régimes verticaux et cloisonnés au sein de ces secteurs,
d'autre part.

La quasi-totalité de la population qu’elle travaille dans le secteur formel ou informel bénéficie


d’une couverture légale.

Instaurer une couverture légale peut, toutefois, s’avérer insuffisant pour certaines catégories
socioprofessionnelles occasionnelles, intermittentes et donc fragiles, surtout lorsque cette
couverture est inadaptée aux caractéristiques de ces activités. Cela entraîne une attraction
insignifiante de ces catégories dans le giron des régimes qui ont été instaurés en leur
faveur, engendrant des sous-affiliations notables.

Mounir Cherif et Kamel Essoussi


2

Il est vrai que les régimes classiques professionnels verticaux, qui sollicitent des cotisations
employeurs et employés et dont les prestations sont fonction de l’apport contributif de
chacun, ne sont pas en mesure de pouvoir générer une protection suffisante à ces
catégories de travailleurs précaires.

Faut-il pour autant instaurer en leur faveur un système universel à la "Beveridge" qui soit
financé par l’impôt?

Il est à remarquer, et nous sommes convaincus, que toutes les approches du système
professionnel n’ont pas été intégralement sondées dans le sens d’une adaptation de ce
système bismarckien ou professionnel à la réalité des catégories précaires ou mobiles. Ce
système peut, en effet, être enrichi par de nombreuses mesures.

Toutes les solutions envisageables, en Tunisie, dans le cadre d’une adhésion massive de
ces catégories, sont accompagnées par des solutions adjuvantes à la sécurité sociale
destinées à relever le niveau économique de ces catégories et donc de renforcer leur
capacité contributive dans le cadre d’un régime professionnel.

Le cloisonnement du système actuel dans des régimes


verticaux
Le système tunisien de sécurité sociale1 se subdivise en deux secteurs bien distincts. Un
secteur public caractérisé par la stabilité de l’emploi auquel sont assujettis plus de
500 000 fonctionnaires et agents d’entreprises publiques et un secteur privé où coexistent
des régimes relativement stables auxquels sont rajoutés d’autres régimes, au profit de
populations beaucoup plus précaires, fonctionnant selon le même système qui fait appel à
un employeur désigné, une activité spécifique et des modes de financement classiques (part
employeur et part salariale), avec obligation déclarative de l’employeur.

Le régime général du secteur public


Institué par la loi 85-12, du 5 mars 1985, il couvre les agents de l'Etat, des collectivités
publiques locales et des entreprises publiques.

Ce régime assure la quasi-totalité des risques tels que prévus par la convention de
l’Organisation internationale du Travail (OIT) no 102, de 1952, à savoir: la vieillesse,
l’invalidité, la survie, le capital décès, la maladie, gérés par la Caisse nationale de retraite et
de prévoyance sociale (CNRPS), ainsi que les prestations familiales, les indemnités de
maladie et de maternité et la réparation des préjudices résultant d’un accident du travail ou
d’une maladie professionnelle administrés directement par l'employeur.

Les régimes du secteur privé


Pour le secteur privé, les mêmes risques que le secteur public sont couverts à des degrés
variables selon les capacités contributives des populations assujetties et le mode d’exercice
de l’activité. Les régimes du secteur privé sont gérés par la Caisse nationale de sécurité
sociale (CNSS) et se présentent de la manière suivante.

1
Voir les tableaux synoptiques en annexe.

Mounir Cherif et Kamel Essoussi


3

Le régime des salariés non agricoles du secteur privé (RSNA)

Institué par les lois nos 60-30 et 60-33, du 14 décembre 1960, il couvre le personnel salarié
de tous les établissements industriels et commerciaux, des professions libérales, des
coopératives, des sociétés civiles, des syndicats et des associations. Il assure les risques
vieillesse, invalidité, survie, capital décès, maladie, maternité, prestations familiales et
réparation des préjudices résultant des accidents du travail et des maladies
professionnelles.

Le régime des salariés agricoles du secteur privé (RSA)

Institué par la loi no 81-6, du 12 février 1981, il couvre les travailleurs salariés et
coopérateurs exerçant dans l'agriculture et occupés au moins quarante-cinq jours par
trimestre. Il assure les risques vieillesse, invalidité, survie, maladie, maternité et réparation
des préjudices résultant des accidents du travail et des maladies professionnelles.

Le régime amélioré des salariés agricoles du secteur privé (RSAA)

Prévu par la loi no 89-73, du 2 septembre 1989, il couvre les coopérateurs salariés
employés par les entreprises ayant la forme de sociétés employant 30 salariés permanents
au moins, ainsi que les pêcheurs employés sur des bateaux dont la jauge brute est
inférieure à 30 tonneaux, les pêcheurs indépendants et petits armateurs. Ce régime assure
les risques vieillesse, invalidité, survie, maladie, maternité, allocations familiales et
réparation des préjudices résultant des accidents du travail et des maladies
professionnelles.

Le régime des travailleurs non salariés des secteurs agricole et non agricole
(RTNS)

Institué par le décret no 95-1166, du 3 juillet 1995, il couvre les travailleurs non salariés des
secteurs agricole et non agricole, les travailleurs du secteur de l’artisanat ainsi que les
métayers et assure les risques vieillesse, invalidité, survie, capital décès, maladie et
maternité. Les assurés, au titre de ce régime, peuvent adhérer facultativement au régime de
réparation des préjudices résultant des accidents du travail et des maladies
professionnelles.

Le régime des travailleurs tunisiens à l'étranger (RTTE)

Institué par le décret no 89-107, du 10 janvier 1989, il couvre les travailleurs tunisiens à
l'étranger, qu'ils soient salariés ou non salariés, qui ne sont pas couverts par une convention
bilatérale de sécurité sociale et assure les risques vieillesse, invalidité, survie, capital décès,
maladie, maternité et soins de santé en tunisie. Ce régime est facultatif.

Le régime de couverture sociale pour certaines catégories de travailleurs dans


les secteurs agricole et non agricole

Institué par la loi no 2002-32, du 12 mars 2002, il couvre les marins pêcheurs travaillant sur
des bateaux dont la jauge brute ne dépasse pas 5 tonneaux, les petits pêcheurs, les petits
armateurs, les exploitants agricoles dont la superficie de l’exploitation ne dépasse pas
5 hectares en sec et 1 hectare en irrigué, les petits éleveurs, les artisans travaillant à la
pièce, les employés de maison et les travailleurs de chantiers nationaux, employés par

Mounir Cherif et Kamel Essoussi


4

l’Etat, qui ne sont pas couverts par un régime légal de sécurité sociale. Ce régime assure les
risques vieillesse, invalidité, survie, et soins ambulatoires et hospitaliers dans les structures
sanitaires publiques.

Il a été conçu dans le but évident de réunir des catégories précaires dans un régime qui
vient s’ajouter aux autres pour parachever la couverture légale.

Les effets du cloisonnement des populations couvertes


dans des régimes professionnels verticaux
Il est certain que, à l’instar des régimes de sécurité sociale instaurés de part le monde, il
existe une obligation d’affiliation qui pèse sur l’employeur et qui est éventuellement
accompagnée de sanctions financières pour tout retard dans l’affiliation ou fausse
déclaration. Cependant, si cette obligation joue son plein effet dans le cadre des régimes
structurés, il n’en est pas de même pour les secteurs informels.

Une affiliation quasi pleine pour les deux régimes généraux


Au départ, dès l’instauration de ces régimes, les taux d’affiliation était relativement faibles, ils
avoisinaient, dans le secteur privé, les 66 pour cent en 1987. Mais, avec le renforcement du
contrôle, la sensibilisation des assujetties employeurs et employés, le taux d’affiliation actuel
se situe dans ce secteur aux alentours de 97 pour cent. Il va de soi que dans le secteur
public, et s’agissant d’un employeur solvable, par définition, entre autres l’Etat, le taux
d’affiliation dans ce secteur a toujours été de 100 pour cent.

Une sous-affiliation caractérisant les activités précaires


Teneur de la sous-affiliation

La sous-affiliation apparaît de façon flagrante pour les ouvriers agricoles, les pêcheurs, les
gens de maison, les adhérents au régime des travailleurs non salariés de l’artisanat et de
l’agriculture. Les taux d’affiliation2 s’établissent comme suit:

Libellés Population assujettie Population déclarée Taux de couverture


RSA 52 306 12 226 23,37 %
RSAA 104 611 56 516 53,89 %
RTNS 532 041 357 631 53,13 %
Loi 2002-32 274 622 26 437 9,63 %
(travail mobile
ou précaire)

Il est vrai que pour le dernier régime, et vu qu'il est de création récente, les chiffres avancés
ne sont pas significatifs.

Causes de la sous-affiliation

La faible adhésion de ces catégories de travailleurs est due à plusieurs facteurs dont,
notamment:

2
Source: CNSS.

Mounir Cherif et Kamel Essoussi


5

• la multitude d’employeurs pour un même travailleur exerçant dans les secteurs de la


pêche, de l’agriculture, du travail domestique. D’où des difficultés déclaratives.
L’exemple le plus édifiant est celui du travailleur dans le secteur de la pêche qui
exerce ses compétences au cours d’une même journée auprès de deux ou trois
employeurs différents, il en est de même du travailleur domestique;

• le changement fréquent d’une activité à une autre au cours de périodes relativement


courtes et donc, forcément, le changement de régime de sécurité sociale au gré de
ces changements;

• l’éloignement des lieux du travail des structures régionales de la sécurité sociale;

• la faiblesse de la capacité contributive de la population concernée par la loi 2002-32,


caractérisée par une discontinuité de l’emploi et une faible qualification, malgré une
cotisation (patronale et salariale) limitée à 7,5 pour cent d’un revenu mensuel
forfaitaire, basé sur les deux tiers du salaire minimum interprofessionnel garanti
(SMIG) – cotisation mensuelle de 10,150 dinars (D)3 pour le secteur non agricole et
de D 8,136 pour le secteur agricole. Pour les salariés agricoles du RSA, la cotisation
patronale et salariale est de 6,45 pour cent du salaire minimum agricole
correspondant à une contribution mensuelle de D 6,297;

• la concurrence exercée par une assistance médicale gratuite, laquelle assure aux
bénéficiaires, moyennant le versement annuel d’un montant dérisoire de D 10, après
acceptation du dossier suite à une enquête sociale, une stabilité dans le temps et
ouvre le droit de recevoir la gamme complète de soins dans les structures sanitaires
et hospitalières publiques, indépendamment de l’exercice d’une activité et quelle que
soit la nature de l’activité;

• la difficulté pour certains employeurs des travailleurs domestiques, notamment de se


considérer comme tels et, de ce fait, de ne pas déclarer ceux qui travaillent chez eux,
d’autant plus que ces derniers sont recrutés à la journée ou parfois même pour
quelques heures;

• absence de cultures et de traditions de couverture pour ces catégories dont le niveau


culturel n’est pas très élevé. Par conséquent, il est difficile d’obtenir une démarche
volontaire d’adhésion de ces catégories.

Les remèdes préconisés pour venir à bout de ces sous-


affiliations
A priori, et si l’on s’en tient à une analyse rapide des causes de non-affiliation des catégories
précaires, il apparaît clair que les régimes basés sur un apport contributif d’employeur et
d’employé s’harmonisent très mal avec une couverture sociale décente pour les catégories
objet de l’étude.

Est-ce à dire qu’il faut changer littéralement de stratégie et de conception du système de


sécurité sociale pour mieux appréhender la couverture sociale des catégories précaires?
Autrement dit, ne faut-il pas adopter un système universel qui soit financé par l’impôt et qui

3
Le taux de change pour le dinar tunisien (D), au mois de novembre 2003, était le suivant:
US$ 1 = 1,25 dinar et 1 euro = 1,49 dinar.

Mounir Cherif et Kamel Essoussi


6

offrirait des prestations selon les besoins en dehors de tout effort contributif pour résoudre
cette problématique de sous-affiliation?

La question mérite d’être posée et il serait fastidieux de répondre à une telle question de
façon exhaustive au sein du présent travail. Une littérature importante existe à propos du
système "bismarckien" ou "biveridgien" et de leur impact sur le degré de couverture et sur
les conséquences macro-économiques qui en découlent.

Notre propos, au cours de cette intervention, sera axé beaucoup plus sur les remèdes
susceptibles de résoudre ces problématiques sans pour autant sortir du cadre de la sécurité
sociale basé sur la profession.

L’universalisation des régimes des catégories précaires


Il est vrai que l’idée d’instaurer un régime universel pour ces catégories paraît séduisante,
dans le sens où elle déconnecte le droit aux prestations de l’activité professionnelle, dans la
mesure où ces populations seront couvertes contre la maladie et la vieillesse, sans
contribution prélevée sur les salaires, puisque le financement s’opérera par le biais de
l’impôt et sera donc à la charge de toute la communauté.

Cette idée séduisante demande, toutefois, pour sa concrétisation, une économie


performante capable de générer des fonds destinés à financer des prestations pour les plus
démunis. Ce qui n’est malheureusement pas le cas pour les pays en développement qui
souffrent souvent d’une fiscalité défaillante du fait d’une économie embryonnaire.

De plus, les Etats en développement, compte tenu de l'importance du secteur informel et du


travail précaire qui y règne, seraient astreints à couvrir, par ce biais, une population
relativement importante, ce qui supposerait la mobilisation de ressources non moins
importantes.

Par ailleurs, il est certain que confiner les gens à être des récipiendaires des prestations,
sans effort contributif de leur part, pourrait les encourager dans l’oisiveté et ils pourraient, de
ce fait, se complaire dans un système d’assistance loin d’encourager l’initiative pour
s’insérer dans le circuit économique. L’exemple de l’assistance médicale gratuite (AMG)
fournie en Tunisie au profit des indigents en est l’illustration parfaite. Leur nombre n’a pas
cessé d’augmenter au fil des ans, posant de sérieux problèmes de financement au budget
de l’Etat et entraînant même ceux qui disposaient d’un certain revenu et qui sont pourtant
assujettis à un régime de sécurité sociale, à éviter toute déclaration de cette activité qui
induirait une contribution, pour pouvoir bénéficier de la même couverture maladie qui leur
est offerte gratuitement dans le cadre de l’AMG.

Du reste, il convient de préciser que les régimes professionnels ont donné, jusqu’ici, pleine
satisfaction pour les secteurs structurés où les prestations sont consistantes et où les taux
d’affiliation sont assez significatifs – avoisinant les 100 pour cent –, et ce, en dépit des
quelques difficultés financières passagères.

C’est pour toutes ces raisons que la démarche tunisienne a été tout autre. Loin de cette idée
d’assistance, la Tunisie a essayé de rechercher les remèdes à la sous-affiliation dans le
système professionnel lui-même. C’est ainsi que, après une évaluation de l’état de
législation en matière de couverture sociale, et compte tenu des résultats peu

Mounir Cherif et Kamel Essoussi


7

encourageants quant à l’affiliation de ces catégories précaires, une étude4 a été menée
dans ce sens avec l'assistance d'un bureau d'études spécialisées. Elle a permis de dégager
un ensemble d’idées novatrices susceptibles de résoudre la problématique de la sous-
affiliation, sans pour autant bouleverser de fond en comble le système professionnel qui fait
figure de tradition en Tunisie.

Les possibilités encore offertes par le système professionnel: une


approche basée sur la considération des travailleurs précaires
comme des travailleurs mobiles
Malgré la précarité de l’activité concrétisée matériellement par des travaux ponctuels,
discontinus et générant des revenus modestes et occasionnels, il n’en demeure pas moins
que les économies d’aujourd’hui, même modernes, ne peuvent se passer de cette main-
d’oeuvre mobile et bon marché – floraison des sociétés d’intérim. Pour les pays émergents,
le rôle économique des travailleurs dans ces activités et leur utilité est encore plus
prononcé, surtout dans des secteurs comme la pêche ou l’agriculture. C’est pour ces raisons
que l’institution d’une couverture sociale adaptée à ces catégories constitue un enjeu
économique et social majeur.

Un régime transversal pour ces catégories

Ce régime consiste à acquérir des droits au titre d’une activité de pêche, par exemple, qui
s’ajouterait aux droits déjà enregistrés au titre d’une autre activité agricole ou d’un travail
domestique. La totalisation de ces droits se fera par le biais des points retraites où chaque
journée de travail dans n’importe quel secteur donnera droit à un point retraite.

Un prélèvement collectif des cotisations employeurs par secteur d’activité

Afin d’éviter l’obligation déclarative des employeurs pour des travailleurs qu’ils utilisent
occasionnellement, l’étude préconise un prélèvement collectif des cotisations employeurs
que ceux-ci emploient ou non les travailleurs précaires. Ces prélèvements collectifs
consistent en des pourcentages de la production de la pêche, pour le secteur de la pêche,
en pourcentage des ventes de la production agricole dans les marchés de gros, pour le
secteur agricole, et un pourcentage de la taxe locale sur les habitations prélevé par les
communes pour les travaux domestiques ou toute autre formule de prélèvement collectif.

La mise à la charge du travailleur mobile de faire valoir ses droits (chèques


trivolets et timbres)

L’employeur n’a plus de responsabilité de déclaration. La charge de la reconnaissance des


droits et de leur inscription incombe, désormais, au seul travailleur mobile, par le biais des
chèques trivolets.

Ainsi, l’employeur achète ces chèques auprès des structures régionales de la sécurité
sociale ou des bureaux de la poste dont le réseau est plus dense en Tunisie. Chaque

4
Extension de la couverture sociale aux marins pêcheurs, ouvriers agricoles et employés de maison, en
Tunisie. Rapport du Cabinet SERVAC du 31.08.03.

Mounir Cherif et Kamel Essoussi


8

chèque5 correspond à une période de travail (journée, semaine, mois, etc.). Le travailleur
réunira un certain nombre de chèques et les fera valoir auprès de la Caisse de sécurité
sociale qui additionnera le nombre de journées de travail et les portera sur le compte
personnel du travailleur. Il est à remarquer que ces droits seront inscrits et généreront des
droits futurs à la retraite indépendamment de la durée de l’activité ou sa nature.

Une cotisation forfaitaire minimale pour la couverture des soins à la charge


des seuls travailleurs mobiles

A l’occasion des versements des chèques trivolets, le travailleur doit acquérir un timbre d’un
montant forfaitaire minimum (de l’ordre de D 10 par trimestre) pour faire valoir ses droits aux
soins. Cette contribution est, certes, minime mais elle a l’avantage de se substituer à
l’assistance médicale gratuite en générant des fonds pour le financement de la prestation
qui était gratuite auparavant.

Les solutions adjuvantes


Il est évident que ces correctifs institués dans le cadre d’une adaptation des systèmes de
sécurité sociale tunisiens professionnels, aux caractéristiques des populations précaires ou
"mobiles", reste une démarche pragmatique, née des sous-affiliations aux régimes
préexistants couvrant ces populations précaires. C’est donc une démarche qui vise à
corriger un système de sécurité sociale relativement bien élaboré et aux traditions bien
ancrées.

Peut-on généraliser cette expérience à d’autres pays où les traditions de sécurité sociale
demeurent embryonnaires, même pour des secteurs structurés?

En Tunisie, et depuis fort longtemps, l’Etat menait de front deux combats: un combat destiné
à étendre la couverture sociale au plus grand nombre de populations actives qui s’y prêtent
mais, en parallèle, l’Etat visait par d’autres mécanismes à relever le niveau économique des
populations essentiellement rurales. Au fur et à mesure de la réussite de ces programmes,
et dès que les populations dites "pauvres" étaient munies d’outils nécessaires pour intégrer
le circuit économique et devenaient des acteurs utiles et nécessaires à cette économie, des
régimes de sécurité sociale étaient créés en leur faveur.

Il serait trop long de détailler tous les mécanismes parallèles destinés à améliorer le niveau
économique et social des populations rurales et précaires. Mais on pourrait relever quelques
programmes spécifiques et significatifs qui ont donné des résultats plus que probants6
puisqu’ils ont permis, dans une première étape, d’intégrer ces populations dans le circuit
économique, et de les doter, dans une seconde phase, de régimes légaux, d’où la nécessité
de rechercher les moyens de les couvrir contre les risques traditionnels de la sécurité
sociale, pour enfin rechercher des solutions aux inconvénients institués à leur profit.

5
Au mois de décembre 2003, le montant journalier du chèque est de D 0,420, correspondant à la
cotisation totale employeur et employé. Si l'idée d'une taxe collective était retenue, le montant du chèque se
limiterait à la part salariale et serait de l'ordre de D 0,120.
6
Voir Kamel Essoussi, "L'Etat ou l'entreprise face à la protection sociale des populations vulnérables",
contribution présentée à la Conférence internationale de recherche en sécurité sociale, Anvers, 5-7 mai 2003.

Mounir Cherif et Kamel Essoussi


9

• Le programme national de résorption des logements rudimentaires, qui a permis de


réduire la part de ces logements de 44 pour cent, en 1956, à 1,2 pour cent, en 1999,
et le relèvement des ménages propriétaires de leur propre logement à 80 pour cent7.

• Le Fonds de solidarité nationale (FNS), plus connu sous le nom de 26-26, qui
développe des interventions dans les zones dites d’ombre dont 1 150 ont été
identifiées pour un traitement intégré de ces zones à la fois économique
(infrastructure et source de revenu), social (santé, eau potable, électricité) et
éducationnel et culturel (éducation, maison de culture, associations). C’est la
méthode de financement volontaire, par l’appel à la solidarité nationale, qui constitue
l’innovation en la matière. Les interventions du FNS ont touché 1 237 zones, avec un
budget de 484 millions de dinars, au cours de la période 1993-2000.

• La Banque tunisienne de solidarité (BTS) est une autre initiative publique, créée en
1997, pour renforcer le dispositif des micro-crédits pour les personnes non éligibles
au système bancaire classique. La BTS a financé, depuis sa création, près de
61 000 projets pour une enveloppe de 45 millions de dinars. Le taux d’intérêt est de
5 pour cent avec un échéancier de remboursement très souple de sept ans. Le
montant des crédits varie de 500 à 2 000 dinars.

• Le Fonds national de l’emploi, connu sous le nom de 21-21, est créé en l’an 2000. Il
constitue un nouveau mécanisme qui vient s’ajouter aux programmes institués pour
la promotion de l’emploi et la multiplication des opportunités d’embauche. Il a pour
mission, entre autres, le financement des programmes de formation et d’insertion
des personnes sans qualification et le développement des activités et projets devant
promouvoir le travail indépendant (artisans, petits métiers, ...). Les ressources de ce
fonds proviennent, notamment, des dons des personnes physiques et morales et
d’une partie des recettes des opérations de privatisation.

La liste de ces adjuvants à la sécurité sociale pour réduire le noyau dur de la pauvreté fait
appel à des financements très variés et illustre le fait que "la prévention et la réparation de
l’exclusion ne sont pas de la seule responsabilité des systèmes de prestations sociales"8.

La sécurité sociale améliore, certes, les conditions de vie des populations pauvres, précaires
ou mobiles, mais à deux conditions essentielles:

• instaurer, d’abord, des régimes adaptés aux caractéristiques essentielles des


catégories visées, car rien ne sert d’instituer des régimes classiques verticaux qui ne
favorisent pas une adhésion massive;

• se doter, en parallèle, d’esprit d’initiative pour imaginer des mécanismes ayant pour
objectif d’éradiquer la pauvreté économique.

7
Source: rapport du Programme des Nations Unies pour le développement (PNUD).
8
Jean-Jacques Dupeyroux, Droit de la sécurité sociale, 14e édition, p. 188.

Mounir Cherif et Kamel Essoussi


11

Annexe

Tableaux comparatifs des régimes de sécurité sociale

Mounir Cherif et Kamel Essoussi


Libellés Secteur public Secteur privé
Régime des salariés Régime des salariés non agricoles
I. Législation Loi 85-12 du 05.03.1985 Loi 60-30 du 14.12.1960
II. Taux de cotisation 18,7 % 23,25 %
Maladie 2% 6,2500 %
• Employeur 1% 4,5139 %
• Salarié 1% 1,7361 %
Prestations familiales - 3,1000 %
• Employeurs - 2,2111 %
• Salariés - 0,8889 %
Capital décès 1%
• Employeur - -
• Salarié 1% -
Retraite 15,7 % 12,500 %
• Employeur 8,95 % 7,7639 %
6,75 % 4,7361 %
• Salarié
Tous les émoluments de salaire Tous les émoluments de salaire
Assiette de cotisations
III. Prestations

• Allocations familiales - 1er enfant: D 7,320/mois Idem


(servies par l’employeur - 2e enfant: D 6,507/mois
pour le secteur public) - 3e enfant: D 5,693/mois

• Majoration pour salaire - 1er enfant: D 3,125/mois Idem


unique - 2e enfant: D 6,500/mois
- 3e enfant: D 7,815/mois

• Indemnité de maladie Payée par l’employeur sur la base d’un salaire pour les deux 2/3 du salaire brut
premiers mois et la moitié du salaire pour les quatre autres
mois.

• Indemnité de couches Payée par l’employeur sur la base d’un salaire pour les deux 2/3 du salaire pour une durée d’un mois renouvelable
premiers mois et la moitié du salaire pour les quatre autres
mois.
Libellé Secteur public Secteur privé
Régime des salariés Régime des salariés non agricoles
• Capital décès • 12 à 30 fois le salaire mensuel, selon l’ancienneté, avec Idem
une réduction selon l’âge pour les retraités et majoration
de 10 % par enfant à charge.

• Octroi des soins • Soins dans les hôpitaux publics pour toute sorte de • Soins dans les hôpitaux publics pour toutes les maladies
maladies (carnet de soins) ou (carnet de soins).
• Remboursement des frais de soins de longue durée et • Soins dans les policliniques de la CNSS.
des opérations chirurgicales, avec possibilité d’adhérer au
régime facultatif pour être remboursé sur les autres
maladies courantes, moyennant un taux de cotisations de
4,5 % (3 % à la charge de l’employeur et 1,5 % à la
charge du salarié).

• Actions sanitaires • Soins à l’étranger, soins thermaux, hémodialyse, Idem


appareillage, etc.
• Pensions de retraite1
• Age normal de la retraite 60 ans 60 ans
• Taux de la pension 35 % pour 15 ans de service et 90% pour 40 ans de service. 40 % pour dix ans de service et 80 % pour trente ans de service.
• Stage requis 15 ans 5 ans
• Pension minimum 2/3 du SMIG. 2/3 ou 50 % du SMIG selon la durée de cotisation.

• Pension d’invalidité
• Taux minimum Invalidité totale. Incapacité physique ou de gain de 2/3 au moins.
d’invalidité
• Taux de la pension Salaire multiplié par le taux d’invalidité. 50 % pour une période comprise entre 5 et 15 ans de service et
• Stage requis - 80 % pour 30 ans de service.
• Pension convertie à une - 5 ans
pension de retraite A l’âge légal de la retraite.

• Pensions de veuves2 de 50 % à 75 % de la pension du défunt. Idem

• Pension d’orphelins 10% de la pension de défunt3. 30 % de la pension du défunt.

• Revalorisation des Automatique et proportionnelle à chaque majoration de l’un des Automatique et proportionnelle à chaque augmentation du SMIG.
pensions éléments du salaire ou de l’institution d’une nouvelle indemnité.

1
Salaire de liquidation de la pension plafonné à six fois le SMIG pour le RSNA.
2
La pension de veuve et d’orphelins ne doit excéder en aucun cas la pension du défunt (valable pour tous les régimes).
Libellés Secteur privé
Régime des travailleurs Régime des salariés Régime agricole Régime des travailleurs Régime des
non salariés agricoles et agricoles amélioré tunisiens à l’étranger catégories
non agricoles 2002
I. Législation Décret 95-1166 du Loi 81-6 du 12.02.1981 Loi 89-73 du Décret 89-107 du Loi 2002-32 du
3.07.1995 02.09.1989 10.01.1989 12.03.2002
II. Taux de cotisation 11 % 6,45 % 15 % 10,65 % 7,50 %
Maladie
• Employeur 4% 0,90 % 2,0 % 5,40 % 1,67 %
• Salarié - 0,30 % 1,0 % - 0,83 %
Prestations familiales
• Employeurs - - 3,0 % - -
• Salariés - - 1,5 % - -
Capital décès - -
• Employeur - - - - -
• Salarié - - - - -
Retraite
• Employeur 7% 3,50 % 5,0 % 5,25 % 3,33 %
- 1,75 % 2,5 % - 1,67 %
• Salarié
Multiple de SMIG/SMAG Multiple de SMAG Salaire réel Multiple de SMIG/SMAG 2/3 de SMIG/SMAG
Assiette
(10 classes de 1 à 18) (3 classes de 1 à 2) (4 classes de 2 à 9)
III. Prestations
• Allocations familiales Néant Néant Idem RSNA Néant Néant
• Majoration pour salaire Néant Néant Néant Néant Néant
unique
• Indemnité de maladie Idem RSNA 50 % du salaire pour les Idem RSNA Idem RSNA Néant
44 premiers jours et 2/3 à
partir du 45e jour. 50 %
au-delà de 180 jours

• Indemnité de couches Idem RSNA 50 % du salaire pour une Idem RSNA Idem RSNA Néant
durée d’un mois renou-
velable
• Capital décès Idem RSNA Néant Néant Idem RSNA Néant

• Octroi des soins Idem RSNA Idem RSNA Idem RSNA Idem RSNA Idem RSNA
Libellés Secteur privé
Régime des travailleurs Régime des salariés Régime agricole Régime des travailleurs Régime des catégories
non salariés agricoles agricoles amélioré tunisiens à l’étranger 2002
et non agricoles
• Actions sanitaires Idem RSNA Idem RSNA Idem RSNA Idem RSNA Idem RSNA

• Pensions de retraite
• Age normal de la retraite 65 ans 60 ans 60 ans 65 ans 65 ans
• Taux de la pension 30 % pour 10 ans de 40 % pour 10 ans de Idem 30 % pour 10 ans de 30 % pour 10 ans de
service et 80 % pour service et 80 % pour service et 80 % pour service et 80 % pour
35 ans de service. 30 ans de service. 35 ans de service. 35 ans de service.
• Stage requis 5 ans 10 ans 10 ans 10 ans 10 ans

• Pension minimum 30 % du SMIG selon la 40 % du SMAG 50 % du SMAG 50 % du SMIG 30 % du SMIG


durée de cotisation.
• Pension d’invalidité

• Taux minimum d’invalidité Idem RSNA Idem RSNA Idem RSNA Idem RSNA Idem RSNA

• Taux de la pension 30 % pour période 40 % pour période 30 % pour période 30 % pour période
comprise entre 5 et comprise entre 5 et comprise entre 5 et 10 ans comprise entre 5 et 10 ans
10 ans de service et 10 ans de service et de service et 80 % pour de service et 80 % pour
80 % pour 30 ans de 80 % pour 30 ans de 35 ans de service. 35 ans de service.
service. service.
• Stage requis
Idem RSNA Idem RSNA Idem RSNA Idem RSNA Idem RSNA
• Pension convertie à une
Idem RSNA Idem RSNA Idem RSNA Idem RSNA Idem RSNA
pension de retraite

• Pensions de veuves
Idem RSNA 50 % de la pension du Idem RSA Idem RSNA 50 % de la pension du
défunt. défunt.

Idem RSNA 20 % de la pension du Idem RSA Idem RSNA Idem RSNA


• Pension d’orphelin
défunt.

Automatique et Idem RSA Sa date et ses modalités Automatique et propor-


• Revalorisation des
proportionnelle à chaque sont fixées par arrêté du tionnelle à chaque
pensions
augmentation du SMAG. ministère des Affaires augmentation du SMIG et
sociales (MAS). SMAG.

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