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QUELLE CITOYENNETÉ UNIVERSELLE ADAPTÉE À LA PLURALITÉ

DU MONDE ?
Monique Chemillier-Gendreau

Editions Kimé | « Tumultes »

2005/1 n° 24 | pages 165 à 178


ISSN 1243-549X
ISBN 9782841743674
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TUMULTES, numéro 24, 2005

Quelle citoyenneté universelle adaptée à


la pluralité du monde ?

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Monique Chemillier-Gendreau
Université Paris 7 – Denis Diderot
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Pour qu’une « cité » puisse se définir comme un espace


politique, chacun de ses membres doit sortir de la seule qualité
d’humain pour apparaître comme citoyen. Il s’agit donc avec la
citoyenneté, liée dès les origines à la démocratie, de ce choix
librement assumé d’entrer dans l’agir en commun à partir de
l’égalité entre tous. Alors chacun d’entre nous, comme « animal
politique », va-t-il au-delà de sa condition biologique. Il faut à
cela l’encadrement du droit. La citoyenneté peut donc apparaître
de prime abord comme une question juridique. Elle traite en
effet des droits et des devoirs de ceux que l’on nomme citoyens.
Et une approche positiviste de la chose politique s’en tiendrait au
constat selon lequel la politique, s’identifiant aujourd’hui à la
démocratie par un implicite universellement accepté, serait cet
agencement par lequel la cité s’érige en communauté politique à
travers les prérogatives et devoirs reconnus à ceux que l’on
nomme citoyens.
Il s’agirait donc d’une question normative. Mais de
quelles normes proviennent ces droits et obligations ? Qui a en
charge de les édicter ? Va-t-on trouver là comme ailleurs un
rapport de pouvoir entre ceux qui disent le droit et ceux qui le
subissent ? Et la démocratie comme « égaliberté » serait-elle
donc toujours mise en échec par un rapport de
domination/exclusion dans lequel la mesure de liberté de chacun
166 Quelle citoyenneté universelle adaptée à la pluralité du monde ?

(nécessairement limitée), ne proviendrait pas du jaillissement


d’une affirmation collective à laquelle tous auraient leur part,
mais d’une organisation hiérarchique née elle-même d’une
division inégalitaire entre les individus ? Dès lors, il y aurait
ceux qui « octroient » la citoyenneté et ceux qui la reçoivent ou
la subissent. Cette difficulté en soi est au cœur de la question du
politique. Elle a été tournée, retournée, débattue sans jamais
trouver son point d’apaisement. Elle constitue la démocratie

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comme un horizon, une ligne d’utopie, propre à mobiliser toutes
nos forces dans une situation d’indétermination quant au
résultat1.
Mais le cadre de cette problématique du politique a été
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jusqu’ici celui de sociétés délimitées telles qu’elles se sont


développées en Occident depuis les cités grecques en passant par
Rome et en parvenant par une longue filiation jusqu’aux Etats
modernes. C’est au cœur de chacune de ces sociétés que
l’interrogation lancinante : qui définit le contenu de la
citoyenneté et au bénéfice de qui ? risque en permanence de faire
échouer de l’intérieur le projet pleinement démocratique de la
citoyenneté. En effet, l’encadrement institutionnel de la
citoyenneté, censé organiser et garantir l’égalité entre tous a
pour conséquence que celle-ci est pervertie par les moyens de sa
réalisation, à savoir le rapport de pouvoir au sein duquel sont
définies les modalités de l’égalité.
Mais cette difficulté en masque une seconde, en général
escamotée par la théorie juridique et politique. C’est qu’aucun
fondement rationnel n’a jamais présidé à la délimitation de telle
société par rapport à celle se trouvant de l’autre côté d’une
frontière dont le tracé ne résultait que des hasards de l’histoire
construits dans le rapport de forces. Et la liberté des peuples a, la
plupart du temps, été absente de cette contingence historique. Il
est vrai qu’à certaines périodes, l’accès d’un peuple au statut
d’Etat a pu être le fruit d’une liberté exercée collectivement
lorsqu’il s’agissait de rejeter une oppression. Mais, bien plus
souvent, des ambitions personnelles de souverains, des
convoitises économiques ou des visées stratégiques ont manipulé
l’inertie des peuples et les ont divisés au gré de projets qui leur
étaient étrangers. C’est ainsi que les Etats souverains résultant de

1. Voir notamment Jacques Derrida, Voyous, Paris, Galilée, 2003, notamment


sur la démocratie à venir, pp. 19 sq.
Monique Chemillier-Gendreau 167

cette contingence ne se survivent pas toujours à eux-mêmes, loin


s’en faut, à en juger par les dislocations et recompositions
anciennes et actuelles.
Fort délabrée, l’organisation de l’ensemble des hommes
en un monde politique cloisonné en sociétés différenciées autour
du concept d’Etat souverain, fait l’objet d’une acceptation
persistante sans distance critique. Cependant ce monde
politiquement cloisonné est concrètement et économiquement (et

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parfois violemment) décloisonné par une mise en intense
communication. On peut appartenir à une certaine société
politique et vivre sur le territoire d’une autre. C’est le
phénomène massif des migrations. On peut aussi résider sur le
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territoire de la société politique à laquelle on appartient et voir


son sort affecté dans des proportions parfois très élevées par des
déterminants produits chez les autres. Les délocalisations en sont
un exemple parmi bien d’autres. Ce ne sont là en effet que
certains aspects de ce que l’on désigne sous le terme de
mondialisation et qui bouleverse les données, en soi réellement
problématiques, de la construction politique de la citoyenneté.
Ainsi le « citoyen » somalien (existe-t-il comme tel ?) ne dispose
pas des mêmes droits que le citoyen français ou allemand. Et si
la citoyenneté est l’accès à la liberté à partir d’une mise en acte
de « la présupposition égalitaire2 », celle-ci, à l’échelle du
monde, est encore à venir en dépit des affirmations de droits
universels.
Ce double socle de difficultés met la citoyenneté au centre
d’une tourmente salutaire. En effet, le surgissement d’une faible
citoyenneté européenne, opère enfin un décrochement (très
relatif, on y reviendra) entre citoyenneté et nationalité, mais ce
faisant réactive les problématiques occultées par de fausses
réponses3. Il nous faut donc revoir de manière critique comment
la citoyenneté a été absorbée (et par là dénaturée) par la
nationalité, elle-même sous l’entière maîtrise de l’Etat souverain.
Et ouvrir une problématique renouvelée de la citoyenneté
universelle enfin propre à exprimer la pluralité du monde parce

2. Jacques Rancière, Aux bords du politique, Paris, Folio Essais, Gallimard,


1998.
3. Catherine Withol de Wenden, La Citoyenneté européenne, Presses de
Sciences Po, Paris, 1997.
168 Quelle citoyenneté universelle adaptée à la pluralité du monde ?

que dégagée des effets résiduels d’une souveraineté partout en


crise.

La citoyenneté dénaturée par confusion avec la


nationalité
La pensée de la « cité » comme espace politique s’est
construite à travers l’histoire autour de trois nécessités : un lien

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de proximité suffisant, un cadre adapté à l’action politique en
liaison avec un espace économique, la référence à une identité
commune consolidée au besoin par opposition à d’autres
identités rivales. Aucun de ces éléments ne permettait aux
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origines une extension universelle de cette notion de la cité.


Mais la situation est aujourd’hui bouleversée. Le monde est un
village et il est devenu un espace économique ouvert. Ce qui fait
obstacle à la citoyenneté dans la vérité de son concept, c’est-à-
dire dans une dimension universelle, est donc la question de
l’identité et la charge de violence incluse dans la défense de cette
identité. C’est par elle en effet qu’advient l’inégalité puisqu’elle
amène à distinguer entre les citoyens et ceux qui ne le sont pas à
l’intérieur d’une même société à laquelle tous participent
pourtant. Cette violence est celle de la loi souveraine de l’Etat
qui inclut selon son propre arbitraire et exclut de la même façon.
Elle est aussi celle de l’économie libérale qui introduit une forte
hiérarchisation en réduisant la communauté des citoyens égaux
aux nationaux titulaires des droits sociaux et en exclut donc les
autres livrés à l’exploitation économique sans filet de protection
(les immigrés).
Il y a alors rupture avec la logique intime de la
citoyenneté. Comme individualisation du projet démocratique,
celle-ci est un rapport d’égalité au sein de l’agir en commun qui
est le propre de l’action politique4. Elle est incompatible avec
toute lisière qui marquerait un ailleurs chargé d’inégalité. Il y a
incompatibilité avec un ailleurs symbolique créé de l’intérieur
par une différenciation juridique entre personnes vivant sur le
même sol. Mais il y a incompatibilité aussi avec un ailleurs

4. Cette approche rejoint les thèses d’Hannah Arendt (Qu’est-ce que la


politique ?, tr. fr. Seuil, Paris, 1995 ; et Les Origines du totalitarisme, volume
II, L’Impérialisme, tr. fr. Fayard, Paris, 1982) et les travaux récents d’Etienne
Tassin (Un monde commun, Seuil, Paris, 2003).
Monique Chemillier-Gendreau 169

géographique concret soumis à d’autres souverainetés, nous y


reviendrons. Entrant dans le canal du droit selon le schéma
normatif contemporain, la citoyenneté en sort nécessairement
dénaturée. Car le droit a été jusqu’ici lié à la souveraineté. Celle-
ci, définie comme l’exclusivité des compétences, entraîne pour
conséquence l’exercice des fonctions régaliennes, celles qui ne
peuvent être accomplies que par un monopole étatique. Edicter
la loi est ainsi une fonction régalienne. Et utiliser la même loi

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pour définir quels individus appartiennent à la nation et quels
autres n’en sont pas, est une conséquence de cette prérogative
régalienne. Mais pourquoi distinguer ainsi les humains en dépit
de leur présence commune sur un territoire ? Parce que l’on
délimitera de la sorte les droits de chacun qui seront différenciés
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selon les catégories de personnes. Ainsi la nationalité est-elle le


statut de ceux qui sont regroupés sous la même loi. Au premier
degré, cela signifie qu’ils participent à des mœurs différenciées
de celles des autres groupes, coutumes héritées d’une histoire
commune dans le domaine de la vie civile ou administrative,
transformées aujourd’hui en normes écrites. Cela signifie aussi
que, s’ils en ont besoin, ils bénéficieront de la protection
diplomatique de l’Etat, accordée par lui à ses « nationaux » s’il
le juge opportun. Mais dans la symbolique de la nationalité, il y
a plus que cela, car resurgit à tout moment le spectre des
ancêtres, à travers la prérogative découlant de la naissance sur un
lieu dans la filiation d’autres natifs du même lieu. A cette
naissance seraient donc attachées pour les natifs des
conséquences juridiques qui n’auraient rien à voir avec leur
liberté, mais seulement avec leur destin. Ce fondement de la
nationalité est à l’opposé de la logique politique de la
citoyenneté. En mêlant les deux concepts jusqu’à les rendre
synonymes, on a laissé la nationalité absorber la citoyenneté et
on a perdu cette dernière. On fait ainsi mentir (à des degrés
divers selon les pays) l’idée essentielle de la démocratie ainsi
que l’universalité des droits de l’homme, car dans la distinction
du national et de l’autre, il manquera toujours à l’autre une part
de droits. Cela peut aller jusqu’à des formes violentes comme
c’est le cas aujourd’hui pour les étrangers en Côte d’Ivoire ou
pour les Arabes en Israël. Mais dans tous les pays, les immigrés
se heurtent à des formes brutales ou subtiles de discriminations,
à commencer par l’absence de droits politiques5.

5. Parmi une très abondante bibliographie, on notera : sous la direction de


170 Quelle citoyenneté universelle adaptée à la pluralité du monde ?

On ne peut séparer la citoyenneté de l’universalisme sans


en altérer le sens. Porteuse d’une charge de liberté et d’égalité
illimitée, elle ne peut se replier sur un groupe restreint sans se
perdre. Inaccomplie chez les Grecs, en raison des multiples
exclusions acceptées, ignorée sous l’Ancien Régime, cette idée
reste ambiguë chez les rédacteurs de la Déclaration de 1789.
Pour s’en tenir au cas de la France, on constatera que dans la
Constitution de 1791, la clef d’accès principale à la citoyenneté

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française, est soit la naissance en France, soit la filiation avec un
Français ou une Française. Droit du sol et du sang se mêlent
ainsi « pour traduire les aspirations de la continuité des
générations relevant de la collectivité nationale6 ». Cette
collectivité nationale ne s’ouvre aux étrangers, nés ailleurs de
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parents étrangers, que s’ils ont eu cinq ans de domicile continu


en France, à quoi doit s’ajouter l’une ou l’autre condition
supplémentaire (possession d’immeuble ou mariage avec une
Française ou création d’un établissement d’agriculture ou de
commerce ou serment civique).
Le concept de citoyenneté comme expression universelle
de liberté et du droit égal pour tous d’entrer dans l’agir politique,
n’atteint une certaine réalité que dans la Constitution de 1793
(de manière virtuelle puisque cette Constitution ne fut pas
appliquée), celle qui par son article 4 a poussé au plus vrai la
notion de citoyen dans une réelle indépendance par rapport à la
« nationalité ». En effet, il n’y a pas trace du lien de filiation
dans cet article. La citoyenneté française est reconnue à ceux nés
et domiciliés en France, mais aussi à tout étranger domicilié en
France depuis une année qui y vit de son travail ou a acquis une
propriété ou épousé une Française ou adopté un enfant ou nourri
un vieillard ou est jugé avoir bien mérité de l’humanité. Cette
ouverture-là ne se retrouvera plus par la suite. La condition de
durée du séjour pour les étrangers avant leur accès à la
nationalité française sera toujours bien supérieure à un an et
variera au gré des constitutions, sept ans en 1795, dix ans en

Didier Fassin, Alain Morice et Catherine Quiminal, Les Lois de l’inhospitalité,


Les politiques de l’immigration à l’épreuve des sans-papiers, Cahiers libres, La
Découverte, Paris, 1997, et Jacques Derrida, De l’hospitalité, Paris, Calmann-
Lévy, 1997.
6. Anicet Le Pors, La Citoyenneté, PUF, Que sais-je ? 3e édition, 1999, p. 76.
Monique Chemillier-Gendreau 171

1800, cinq ans dans la législation actuelle7. A partir de la


Restauration, les constitutions ne prennent plus la peine de
définir la citoyenneté. Il y est question des citoyens français mais
en admettant implicitement, et cependant clairement, que la
citoyenneté est absorbée par la nationalité. Cette dernière n’est
plus une question constitutionnelle relevant du texte fondateur
de la société politique, mais dépend du pouvoir de l’Etat
souverain une fois celui-ci constitué, c’est-à-dire de la loi. Ainsi,

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l’article 34 de l’actuelle Constitution française (4 octobre 1958)
range-t-il la nationalité dans les questions de la compétence du
Parlement 8.
Confirmant ce fusionnement de la citoyenneté et de la
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nationalité et le fait que la définition de la citoyenneté n’est pas


une question constitutionnelle, mais seulement une question
législative, les manuels de Droit Constitutionnel ne présentent
plus le terme de citoyenneté dans leurs index analytiques9. C’est
que par une étrange évolution, bien rarement mise en
perspective, la nationalité considérée comme une question de
droit civil (et non de droit constitutionnel) est ramenée au lien
juridique qui rattache un individu à un Etat sachant que chaque
Etat détermine qui sont ses nationaux en fixant les règles
d’attribution de sa nationalité. Mais alors la question du statut
politique de l’individu, nommé précisément citoyenneté, aurait
dû rester distincte et apparaître comme une question
constitutionnelle. Il n’en a rien été et bien des auteurs pratiquant
l’assimilation de l’une à l’autre, liquident de fait la
citoyenneté10. Ainsi tout l’espace politique est-il dominé (et la
démocratie entravée) par la souveraineté. Qu’elle soit populaire
7. Pour les textes de l’ensemble des constitutions françaises, voir Pierre Pactet,
Textes de Droit Constitutionnel, L.G.D.J. (Librairie Générale de Droit et de
Jurisprudence), Paris, 1994.
8. D’ailleurs, la question de la nationalité et les lois qui l’organisent et qui
faisaient depuis 1945 l’objet d’une codification particulière, le Code de la
nationalité, sont désormais partie intégrante du Code Civil suite à la loi du 22
juillet 1993.
9. Ainsi, par exemple, celui de Pierre Pactet, Armand Colin, Paris, 22 e édition,
2003, ou Georges Burdeau, Francis Hamon, Michel Troper, L.G.D.J., Paris,
23e édition.
10. Ainsi Patrick Weil dans un ouvrage du ministère de l’Intérieur (Centre
d’études et de prévision) publié en 2002 apporte sa contribution sous l’intitulé
L’accès à la citoyenneté : une comparaison de vingt-cinq lois sur la
nationalité.
172 Quelle citoyenneté universelle adaptée à la pluralité du monde ?

ou nationale est rarement spécifié et de cette indétermination la


souveraineté nationale sort en vainqueur. Cette souveraineté use
de la loi comme marqueur d’identité autour de l’idée de nation et
le destin, négation de la liberté, est le déterminant paradoxal de
nos droits et libertés. Même si l’on fera remarquer à juste titre
que dans la conception française, l’absorption des étrangers par
naturalisation est relativement plus importante que dans bien
d’autres législations, il n’empêche que les crispations autour de

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l’exigence d’intégration pour les étrangers, naturalisés ou pas,
démontre qu’il s’agit bien de rejoindre une certaine identité,
celle des « natifs » qui sert de référence.
Nation et nationalité par leur charge d’identification
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ouvrent un rapport d’inclusion/exclusion incompatible avec le


potentiel d’universalisme contenu dans la citoyenneté. En
subvertissant cette dernière, elles ont cassé à la fois le principe
égalitaire et l’agir commun universel comme libre choix. Par
elles, sont exacerbées les identités comme fondement des droits.
Dès lors, les choix de solidarité n’opéreront plus dans une
dynamique d’extension universelle, mais à partir de la naissance,
ce moment de nos vies qui échappe à nos libertés. Sans doute le
plus grave dans la contagion du chaos à laquelle nous assistons,
est-il le durcissement idéologique de la nation autour des droits
sociaux. La citoyenneté en tant que mise en relations, occupe
l’espace du lien politique, mais aussi du lien économique. En
précisant, sous l’autorité de l’Etat et de ses lois de nationalité,
quel est le cercle de ceux qui participeront aux bénéfices de la
solidarité « nationale », la dérive de la citoyenneté vers la
nationalité a ouvert le risque qu’en période de crise économique,
la crispation sur la nationalité ne s’accentue, ce qui est
exactement ce à quoi l’on assiste dans les pays développés avec
les dérives idéologiques contre les étrangers.
Nous sommes donc dans une impasse. Il faut aller au bout
de la critique de la souveraineté et de ses conséquences néfastes
dans la liquidation de la citoyenneté, cette perte de l’horizon de
la démocratie. Alors, pourra-t-on tenter de construire une
approche de la citoyenneté plus en phase avec le monde ouvert
et pluriel qui est notre réalité concrète.
Monique Chemillier-Gendreau 173

Pour une citoyenneté universelle exprimant la pluralité


du monde
Il est nécessaire de remettre les choses en perspective à
partir de la Révolution française. La citoyenneté, liée au
surgissement de la démocratie dans la philosophie politique
grecque, avait été engloutie pendant les siècles d’Ancien
Régime. Les personnes étaient « sujets du Roi » et leur

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appartenance à la nation française résultait des « lettres » de
nationalité édictées par le souverain. Lorsque s’exprime la
conscience aiguë de la citoyenneté, chacun, membre du peuple
assemblé, proclame sa participation à la souveraineté dans un
élan de liberté politique rare dans l’histoire. La citoyenneté
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submerge alors la nationalité dans le torrent révolutionnaire,


comme l’exprime le projet, non appliqué, de Constitution de
1793. Mais le recul permet de comprendre que ce ne fut qu’un
éclair et que les droits politiques accordés à tous dans leur
plénitude, confrontés à la glaise de l’identification nationale, s’y
embourbèrent. Pourtant il fut tenté de réduire la contradiction
par une conception extensive et ouverte de la nation reprenant à
son compte l’idée d’universel. Celle-ci n’était pas étrangère au
champ politique. Elle était présente sous l’Empire jusqu’à sa
dislocation à la fin du Moyen Age, non pas comme l’universel
des droits mais comme l’extension universelle de la domination
par le truchement de la religion, fondement du pouvoir impérial.
Puis l’universalisme s’était effacé au profit des singularités des
Princes érigeant leurs Etats. Dans l’approche révolutionnaire, au
moins celle qui pensa la citoyenneté dans sa dimension
universelle, le cadre étatique est inévitable. Ce n’est pas le
concept « pur » d’universel dans la mesure où la réalisation de
l’universel (les mêmes droits pour tous) s’effectue à l’intérieur
d’une société limitée. Mais celle-ci peut tendre à l’universel
selon la place qu’elle fait aux étrangers. « Dans les temps
anciens, explique Condorcet, les nations étaient un composé de
familles auxquelles on supposait une origine commune, ou qui
du moins remontaient à une réunion première. Les droits
politiques étaient héréditaires [...] maintenant, c’est par le
territoire que les nations se distinguent… » Et récusant que les
étrangers puissent exercer une influence politique néfaste dans
un pays de la dimension de la France, il défend l’idée d'une
citoyenneté républicaine, celle qui figure dans la Constitution de
174 Quelle citoyenneté universelle adaptée à la pluralité du monde ?

179311. Mais il fallait que l’Etat soit plus républicain que


national, ce qu’il ne fut nulle part, pas même en France. Il fallait
faire le choix d’un universalisme intensif, celui qui cultive
l’égalité. Bien au contraire, l’on fit le choix de l’universalisme
extensif à travers les conquêtes coloniales, moment où la nation
s’est éloignée plus que jamais de l’égalité citoyenne avec les
variations sur l’inégalité imaginées à travers les restrictions de
droits à l’égard des populations opprimées12. Ainsi partout, bien

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qu’à des degrés divers, l’idée de nation comme rassemblement
des familles a résisté. Il n’est alors plus possible d’éviter une
critique radicale de la nation et de la souveraineté nationale13.
Car il semble impossible de réaliser une nation « civique » qui
effectuerait l’ouverture à l’autre, le lien dans l’agir de tous qui
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est l’essence contenue dans le mot « civique », à partir du


fondement de la nation qui reste un principe
d’inclusion/exclusion. S’il faut sauver le principe de
souveraineté, ce dont on peut douter, seule la souveraineté
populaire approche au mieux la vérité de la citoyenneté. Mais un
chemin immense reste à parcourir pour que la citoyenneté soit la
reconnaissance de l’individu comme être politique libre, non
déterminé par une loi nationale. Tant que l’on nationalisera la
citoyenneté (citoyenneté française, britannique, canadienne,
etc.), tant qu’il s’agira de cette citoyenneté-là et non de l a
citoyenneté, le projet démocratique sera englué dans le
particularisme d’un pouvoir excluant. La citoyenneté, pour
répondre à son propre projet, doit se dégager des entraves que
constitue pour elle le triptyque souveraineté/territoire/
nationalité.

11. Voir Justin Kissangoula, La Constitution française et les étrangers.


Recherches sur les titulaires des droits et libertés de la constitution sociale,
Paris, L.G.D.J., 2001, notamment chapitre I «  Les étrangers dans les
Déclarations des droits ».
12. Pour la distinction entre l’universalisme intensif et extensif, voir Etienne
Balibar, Nous, citoyens d'Europe. Les frontières ; l’Etat ; le peuple, La
Découverte, Paris, 2001.
13. On la trouve aussi bien chez Jürgen Habermas Après l’Etat-nation. Une
nouvelle constellation politique, trad. fr., Fayard, Paris, 2000, que chez
Dominique Schnapper La Communauté des citoyens. Sur l’idée moderne de
nation, Gallimard, Paris, 1994, ou encore chez Jacques Derrida où cette
critique est centrée sur la souveraineté. Voir in Voyous, op. cit., pp. 167 sq.,
« Le “Monde” des Lumières à venir, (Exception, calcul, souveraineté) ».
Monique Chemillier-Gendreau 175

A quoi sert-il de proclamer des droits par des déclarations


dites universelles ou par des traités internationaux dont on
souhaite qu’ils atteignent une portée générale, si la souveraineté
territorialisée sert de filtre sélectif et arbitraire à la réalisation de
ces droits, parce que certains Etats auraient refusé d’adhérer à
ces conventions ou ne les appliqueraient pas ? La Convention
sur les droits des migrants en est un bon exemple14, comme le
déni des droits subi par les captifs de Guantanamo.

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L’inégalité, acceptée de manière plus ou moins résignée
entre peuples très différenciés lorsque la mondialisation n’avait
pas pris le rythme qui est le sien désormais, n’est plus acceptable
dans un monde ouvert et transparent. Les conséquences des
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inégalités apparaissent sur les écrans de télévision et nous


percevons de plus en plus qu’elles sont le produit de décisions
politiques. Ainsi l’exclusion de l’intérieur ne repose sur aucune
justification défendable : pourquoi le partage se ferait-il au profit
de ceux appartenant aux groupes de familles d’origine ou à ceux
arbitrairement acceptés dans ce groupe et pas aux autres en dépit
de leur présence sur le même sol et de leur participation active à
la société qui y vit ? Mais aujourd’hui l’inégalité entre sociétés
et l’abîme qui sépare les citoyens/nationaux des différents pays
du monde ne sont pas davantage acceptables. Il n’est plus
possible d’y voir l’effet du destin historique de chacune de ces
sociétés. Si destin il y a, il est commun. Et surtout, la part de
hasard y est moindre que celle des comportements
internationaux. Il est impossible de soutenir que la protection
matérielle dont bénéficient les membres d’un groupe national,
soit justifiée sans considération de celle dont bénéficient (ou
plutôt dont ne bénéficient pas) les membres d’autres groupes. Il
s’agit là des droits économiques et sociaux. Comme tous les
droits, leur exercice suppose qu’en soient connus les titulaires
(les débiteurs), mais que l’on sache aussi qui est redevable de la
garantie de ces droits (le créancier). Et plus encore que pour les
droits politiques, le partage du monde en Etats souverains
masque de plus en plus mal la réalité des choses. Puis-je jouir
paisiblement de mes droits parce que mon créancier (l’Etat
français) est solvable et rester dans l’ignorance de l’insolvabilité

14. Convention internationale sur la protection des droits de tous les


travailleurs migrants et des membres de leur famille, 18 décembre 1990. Elle
n’a toujours pas atteint le nombre des vingt ratifications qui permettrait son
entrée en vigueur.
176 Quelle citoyenneté universelle adaptée à la pluralité du monde ?

d’autres Etats qui rend les droits inaccessibles pour les nationaux
de ces Etats ? Non, car les nationalités fonctionnent comme des
artifices justifiant la poursuite des inégalités et l’analyse critique
de la mondialisation met chaque jour davantage en évidence que
la solvabilité (toute relative) de mon Etat est en relation directe
ou indirecte, mais réelle avec l’insolvabilité des autres. Ainsi la
dénégation de l’idée de communauté des citoyens15, visible à
l’intérieur d’une société lorsque mon voisin, parce qu’étranger,

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ne bénéficie pas des droits qui sont les miens, est liée à la
dénégation de l’idée de communauté universelle entre les
peuples. Moins perceptible, cette dénégation est cependant à
l’œuvre. La combinaison des souverainetés nationales et de la
mondialisation libérale rend impossible un agir commun de tous
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les peuples à la recherche d’un intérêt public universel.


On en revient inéluctablement à la nécessaire critique de
la souveraineté. Au point de tension où est arrivée la société
mondiale, l’Etat prétend protéger ses nationaux en accentuant la
répression sur les non-nationaux. Il en arrive à fabriquer de
l’irrégularité comme le font les Etats développés avec leurs
législations sur l’immigration, pour assurer l’exclusion. Mais par
la généralisation du phénomène et la persistance des
mouvements de population (souvent encouragés en sous-main),
il apparaît que les exclusions de la citoyenneté dans tel contexte
national, ne sont que l’expression localisée d’une exclusion de
l’humanité. Privés du droit universel à la politique, trop d’êtres
humains ne sont ni représentés, ni défendus comme humains et
forment un rebut grossissant16. Le sens même d’une politique
harmonieuse du monde est corrompu. Il nous faut en effet, à la
fois entrer dans l’idée d’une communauté politique universelle et
garantir sa diversité. L’Etat et sa souveraineté n’ont alors de
justification que comme administrateur de l’universel au sein
d’une société mondiale plurielle. Détournant cet objectif, l’Etat
use de ses fonctions régaliennes pour favoriser l’exclusion de
l’intérieur et l’inégalité extérieure et s’écarte de toute mission
politique inscrite dans un projet de paix et de coopération entre
les hommes. En témoigne la crise des Nations unies et la
nécessité d’en revoir, non pas seulement les modalités de
fonctionnement, mais les fondements politiques.
15. Etienne Balibar, op. cit, p. 106.
16. Ibid., pp. 103-104. Et aussi Giorgio Agamben, Homo sacer. Le pouvoir
souverain ou la vie nue, Seuil, Paris, 1998.
Monique Chemillier-Gendreau 177

Revenir à cette assertion capitale : « La politique repose


sur un fait : la pluralité des hommes17 » et retrouver le sens de
la vie comme être parmi les hommes au sein d’une polis et non
comme phénomène biologique, tel est le renouveau attendu de la
citoyenneté. Il faut donc tourner résolument le dos à la voie
identitaire qui ramène le sentiment politique sur soi et inscrire
toute démarche politique dans l’entre-deux ou plutôt entre-tous,
cet espace entre les hommes qui leur permet d’agir en commun.

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Parce que la société universelle est d’une pluralité
irréductible à toute forme d’unicité, il ne peut être question de
construire du commun qui se lesterait d’une nouvelle charge
d’identité. Ce serait nécessairement réintroduire de la
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domination par la réduction imposée des différences. C’est dans


la souplesse de « l’en-commun » que Jean-Luc Nancy voit le
moyen d’éviter tout retour du communautarisme 18. Dans le
même sens, Jacques Rancière tend à épurer l’idée d’égalité. Il en
fait, non une valeur, mais une mesure 19. Et c’est parce que les
souverainetés ont plombé les identités, qu’il faut penser la
citoyenneté pour le monde comme déconnectée de toute base
nationale.

J’avais commencé par le droit. J’y reviens pour finir. Si


l’on peut saluer l’avènement d’une citoyenneté européenne, ce
doit être sans nourrir d’illusions. Il est vrai que l’Union
européenne bouleverse les catégories habituelles. Elle crée du
droit sans souveraineté (ou à travers les souverainetés
distanciées des Etats membres). Elle a décroché la citoyenneté
de la nationalité et les citoyens d’un pays européen peuvent
exercer certains droits politiques dans un autre. Mais à y bien
regarder, les nationalités restent présentes au cœur de la nouvelle
citoyenneté, par ailleurs bien indigente. L’article 17 du traité de
Maastricht affirmait en effet : « Est citoyen de l’Union, toute
personne ayant la nationalité d’un Etat membre ». Le projet de
traité, dit constitutionnel, actuellement en débat ne va pas plus
loin et persistant à refuser le droit de vote aux étrangers non
communautaires maintient une sous-citoyenneté pour ceux-là,

17. Hannah Arendt, Qu’est-ce que la politique ?, op. cit.


18. Jean-Luc Nancy insiste sur la nécessité de faire communiquer les
singularités. La Communauté désœuvrée, Christian Bourgois, Paris, 1990.
19. Jacques Rancière, Aux bords du politique, op. cit.
178 Quelle citoyenneté universelle adaptée à la pluralité du monde ?

faisant prévaloir des politiques migratoires restrictives sur le


respect universel des droits fondamentaux20. Mais est-il possible
de faire advenir par le droit cette citoyenneté pour le monde qui
permettrait la maîtrise en commun par tous d’un destin chaque
jour plus menaçant dans sa trajectoire tragique ? Le droit est ici
en position accessoire par rapport à une affirmation
essentiellement politique. Toute inscription prédéterminée de la
citoyenneté dans le marbre des textes juridiques la condamne à

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une administration des droits à laquelle elle ne saurait se réduire.
La participation à l’en-commun des hommes est un acte de pure
liberté. Et ceux que Jacques Rancière désigne comme les « sans-
parts » bénéficient déjà dans les Pactes internationaux des droits
de l’homme, notamment celui sur les droits économiques,
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sociaux et culturels, de tous les droits qui leur sont néanmoins


déniés sans états d’âme. C’est qu’il faut d’abord que la bonne
nouvelle se répande et s’ébruite dans un chuchotis contagieux
« Vous vivez libres et égaux parmi les hommes et le monde sera
ce que vous en ferez ». Bien peu y croient pour le moment. Et
pourtant, ce n’est pas une promesse. Ce n’est pas une nouvelle
annonce du Messie. C’est la messianicité sans messianisme de
Derrida 21. Quelque chose viendra qui n’est rien d’autre que ce
que nous savons sans le savoir puisque nous sommes ceux qui
l’accomplirons, mais dans la réalité hétérogène de nos altérités
librement confrontées.

20. Voir Emmanuel Blanchard et Claire Rodier, « Les étrangers dans la


constitution européenne : faire sortir l’Union Européenne du non-droit »,
Mouvements, La Découverte, n° 37, janvier/février 2005, pp. 131 sq.
21. Jacques Derrida, Marx & Sons, Actuel Marx Confrontation, PUF, Galilée,
Paris, 2002, p. 69.

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