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Espace géographique

Le thème régional dans la littérature française


Paul Claval

Résumé
Que peut apporter la littérature française à la connaissance de la diversité régionale de la France ? Assez peu, sauf durant le
XIXe siècle, grâce au roman. Encore celui-ci ne devient-il réellement sensible au cadre que lentement : du romantisme au
naturalisme, on note une progression dans le souci d'exactitude. Mais le thème régional ne devient essentiel qu'à la fin du
siècle, lorsque les Français sont en quête d'enracinement pour définir leur identité. Au XXe siècle, le cadre sert plus à créer
l'ambiance psychologique ou dramatique qu'à rappeler le fondement des grandes collectivités.

Abstract
The regional theme in French literature.— Is French literature a good source to explore the regional diversity of France ? No,
except for the novel during the XlXth century. Even during the XlXth century, the interest of novelists for environments grew
slowly : from romanticism to naturalism, there is an evident improvement in the quality of descriptions. But the regional theme
becomes essential only when, at the end of the XlXth century, Frenchmen began to search for their roots in their will to assert
their identity. During the XXth century, environment is used much more to convey the psychological or dramatic setting than to
remind of what shapes human collectivities.

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Claval Paul. Le thème régional dans la littérature française. In: Espace géographique, tome 16, n°1, 1987. pp. 60-73;

doi : https://doi.org/10.3406/spgeo.1987.4187

https://www.persee.fr/doc/spgeo_0046-2497_1987_num_16_1_4187

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L'Espace Géographique, n° 1, 1987, p. 60-73.
Doin, 8, place de l'Odéon, Paris-VIe.

Géographie et littérature

LE THÈME RÉGIONAL

DANS LA LITTÉRATURE FRANÇAISE

Paul CLAVAL
Université de Paris-IV

DESCRIPTION REGIONALE RESUME. — Que peut apporter la littérature française à la connaissance de la


LITTERATURE diversité régionale de la France ? Assez peu, sauf durant le XIXe siècle, grâce au
REGIONALISME roman. Encore celui-ci ne devient-il réellement sensible au cadre que lentement : du
romantisme au naturalisme, on note une progression dans le souci d'exactitude.
Mais le thème régional ne devient essentiel qu'à la fin du siècle, lorsque les Français
sont en quête d'enracinement pour définir leur identité. Au XXe siècle, le cadre sert
plus à créer l'ambiance psychologique ou dramatique qu'à rappeler le fondement des
grandes collectivités.
REGIONAL DESCRIPTION ABSTRACT.— The regional theme in French literature.— Is French literature a
LITERATURE good source to explore the regional diversity of France ? No, except for the novel
REGIONALISM during the XlXth century. Even during the XlXth century, the interest of novelists
for environments grew slowly : from romanticism to naturalism, there is an evident
improvement in the quality of descriptions. But the regional theme becomes
essential only when, at the end of the XlXth century, Frenchmen began to search
for their roots in their will to assert their identity. During the XXth century,
environment is used much more to convey the psychological or dramatic setting
than to remind of what shapes human collectivities.

Le roman régionaliste tient assurément moins que l'on accorde, de France, une place beaucoup
de place dans la littérature française que dans la plus large au roman régionaliste britannique (2).
littérature anglaise : nul auteur n'a connu, à partir Nous voudrions ici parler de la place de la
de l'évocation d'un coin de France, un prestige province et de la vie régionale dans l'œuvre des
analogue à celui de Thomas Hardy illustrateur du romanciers français beaucoup plus que nous
Wessex. Les thèmes proprement régionalistes limiter à un genre strict — et relativement moins
n'apparaissent qu'assez tard, à la fin du XIXe siècle, important en France que dans d'autres pays
et demeurent, aux yeux de la plupart des grands européens. Quelques questions se posent
auteurs, des thèmes mineurs. Lorsqu'un historien immédiatement. Pourquoi la diversité du cadre est-elle si
de la littérature écrit une synthèse sur ce type de longue à devenir un élément sensible dans la
roman, il parle de « roman rustique » (1) — alors littérature française ? Chez les romanciers qui, au

(1) Vernois (Paul), 1952, Le roman rustique de George Sand


à Ramuz. Paris, Nizet. (2) Leclaire (L.), 1954, Le roman régionaliste anglais. Paris.
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début du XIXe siècle, découvrent l'art de la qui connaissent l'aventure de la Louisiane. Avec
description, quel est le rôle dévolu à l'environnement ? Rousseau, l'atmosphère pénètre dans le récit
Quelle place tient-il chez les réalistes de la fin du — mais l'évocation des montagnes, dans la
siècle ? Pourquoi voit-on se définir alors un genre Nouvelle Héloïse, reste pétrie de souvenirs littéraires
enfin régionaliste ? Quelle place tient le cadre dans plus que modelée par une expérience directe :
les productions plus récentes, chez Mauriac, ou « Tantôt d'immenses roches pendaient en ruines
chez Giono et Julien Gracq ? Ce sont ces questions au-dessus de ma tête. Tantôt de hautes et bruyantes
auxquelles nous avons essayé de répondre en cascades m'inondaient de leur épais brouillard.
flânant assez librement à travers les œuvres et les Tantôt un torrent éternel ouvrait à mes côtés un
régions françaises. abîme dont mes yeux n'osaient sonder la
profondeur. Quelquefois, je me perdais dans l'obscurité
d'un bois touffu. Quelquefois, en sortant d'un
Le cadre et l'environnement : gouffre, une agréable prairie s'offrait tout à coup à
des curiosités tardives mes regards » (4).
Le souci de situer les personnages dans un
Le XVIe siècle sait voir la diversité du monde et univers réaliste qui pèse sur eux et qui les modèle
il aime la rendre sensible. Montaigne est admirable en partie est évident dans le Monsieur Nicolas de
de précision lorsqu'il évoque la Haute Allemagne Rétif de la Bretonne : Emmanuel Le Roy Ladu-
ou la Suisse sur le chemin qui le conduit aux eaux rie (5) a pu reconstituer toute la structure sous-
en Italie; c'est en ethnologue qu'il note la diversité jacente à la vie rurale bourguignonne des années
de l'habitat : « En toute cette contrée depuis Epinal, 1750 en analysant l'univers de La vie de mon
il n'est si petite maison de village qui ne soit vitrée, père (6), celui des gens de Sacy et de Nitry. S'agit-il
et les bons logis en reçoivent un grand ornement, et de romans « régionaux », « régionalistes » ? Non, il
au dedans et au-dehors, pour en être fort manque deux choses pour cela : l'idée que la nature
accommodés, et d'une vitre ornée en plusieurs façons. Ils y du pays confère aux paysans de ces villages une
ont aussi foison de fer et de bons ouvriers de cette spécificité profonde, et l'art de peindre
matière : ils nous surpassent de beaucoup, et en l'environnement matériel, de le rendre sensible.
outre, il n'y a si petite église où il n'y ait une horloge
et un cadran magnifiques. Ils sont aussi excellents
en tuilerie, de façon que les couvertures des maisons L'art de la description
sont fort embellies de bigarrures de tuilerie plombée
en divers ouvrages, et le pavé de leur chambre; et il La fin du XVIIIe siècle est consciente des
n'est rien de plus délicat que leur poêles, qui sont de infirmités de l'art de décrire et cherche à y remédier.
poterie. Il se servent de sapin et ont de très bons Nul ne le dit mieux que Bernardin de Saint-Pierre :
artisans de charpenterie; car leur futaille est toute «L'art de rendre la nature est si nouveau, que les
labourée et la plupart est vernie et peinte. Ils sont termes n'en sont pas inventés. Essayez de faire la
somptueux en poêles, c'est-à-dire en salles description d'une montagne de manière à la faire
communes pour faire le repas... » (3). Mais ces notations ne reconnaître; quand vous aurez parlé de la base, des
sont pas intégrées dans une intrigue... flancs et du sommet, vous aurez tout dit. Mais que
Montaigne reste sans postérité. La littérature de variétés dans ces formes bombées, arrondies,
classique ignore le pittoresque et prend un soin allongées, aplaties, cavées, etc. Vous ne trouvez que
jaloux à peindre des personnages qui ne sont de des périphrases; c'est la même difficulté pour les
nulle part ou qui sont de partout, de manière à plaines et les vallons. Qu'on ait à décrire un palais,
mieux accéder à l'universel. Leurs noms mêmes ce n'est plus le même embarras. On le rapporte à un
évitent les consonances habituelles dans la société ou plusieurs des cinq ordres; on le subdivise en
française. La campagne ? La ville ? On les entrevoit soubassement, en corps principal, en entablement;
dans les lettres de Madame de Sévigné ou dans et dans chacune de ces masses, depuis le socle
celles de La Fontaine — mais jamais dans les jusqu'à la corniche, il n'y a pas une moulure qui
récits — sinon sous la forme affadie et n'ait son nom. Il n'est donc pas étonnant que les
conventionnelle de l'Arcadie. voyageurs rendent si mal les objets naturels... leurs
Le XVIIIe siècle se détache petit à petit de ces
conventions. Le roman met en scène des
personnages d'époque et les fait voyager à travers une
Europe qui n'est plus située hors du temps — la
terre tremble à Lisbonne au moment où Voltaire y
promène ses héros, et Manon Lescaut est de celles (4) Rousseau (J.J.), 1761, La Nouvelle Héloïse, I, 23.
(5) Le Roy Ladurie (E.), 1975, « Du social au mental : une
analyse ethnographique », p. 443-503 de Duby (G.), Wallon (A.),
dir., Histoire de la France rurale, t.II, Paris, Le Seuil.
(3) Montaigne (M.), 1774, Journal d'un voyage en Italie. (6) Restif de la Bretonne (N.), 1779, La lie de mon père;
Paris, p. 61 de l'édition du Livre de Poche Classique (1974). 1794-1797, Monsieur Nicolas, ou le cœur humain dévoilé.
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descriptions sont arides comme des cartes de La diversité sociale :


géographie... La physionomie n'y est pas » (7). la curiosité pour les élites
La plainte de Bernardin de Saint-Pierre est vite
entendue : Chateaubriand démontre, une C'est là ce qui donne leur importance aux grands
génération à peine plus tard, que la langue peut se plier maîtres du roman dans la première moitié du XIXe
aux descriptions les plus chatoyantes : c'est de siècle. Stendhal sait se faire aussi précis qu'un
préférence l'Amérique à'Atala ou les paysages technicien lorsqu'il évoque la scierie où évolue le
méditerranéens de Y Itinéraire de Paris à Jérusalem jeune Julien Sorel : « Une scie à eau se compose
qu'il évoque, mais il sait parfaitement rendre d'un hangar au bord d'un ruisseau. Le toit est
l'atmosphère d'un printemps breton : « Le printemps, soutenu par une charpente qui porte sur quatre gros
en Bretagne, est plus doux qu'aux environs de Paris piliers en bois. A huit ou dix pieds d'élévation, au
et fleurit trois semaines plus tôt. Les cinq oiseaux milieu du hangar, on voit une scie qui monte et
qui l'annoncent, l'hirondelle, le loriot, le coucou, la descend, tandis qu'un mécanisme fort simple pousse
caille et le rossignol arrivent avec les brises qui contre cette scie une pièce de bois. C'est une roue
hébergent dans les golfes de la péninsule mise en mouvement par le ruisseau qui fait aller ce
armoricaine... Des clairières se panachent d'élégantes et double mécanisme; celui de la scie qui monte et
hautes fougères; des champs de genêts et d'ajoncs descend, et celui qui pousse doucement la pièce de
resplendissent de leurs fleurs, qu'on prendrait pour bois vers la scie, qui la débite en planches »(10).
des papillons d'or. Les haies, au long desquelles
abondent la fraise, la framboise et la violette, sont Les premiers chapitres du Rouge et le Noir
décorées d'aubépines, de chèvrefeuille, de ronces fourmillent ainsi de notations qui restituent
dont les rejets bruns et courbés portent des feuilles l'atmosphère de la petite ville comtoise où le roman se
et des fruits magnifiques. Tout fourmille d'abeilles noue : elles précisent la position sociale des divers
et d'oiseaux; les essaims et les nids arrêtent les protagonistes par l'architecture de la maison, elles
enfants à chaque pas... » (8). soulignent les transformations que la contrée
subit : à travers le travail de la scierie, c'est la
Voici l'art de rendre le cadre enfin maîtrisé. première révolution industrielle que nous
Mais à quoi peut-il servir à un auteur ? A souligner appréhendons. Il est difficile d'apporter plus d'éléments
la pesée du milieu sur l'âme, thème favori des sur l'époque avec autant d'économie. Mais le Jura,
romantiques, à alimenter la méditation morose du la Franche-Comté demeurent des éléments épisodi-
solitaire (Lamartine) : ques : ce que Stendhal recherche, c'est un
« Souvent sur la Montagne, à l'ombre du vieux chêne enracinement social, c'est l'explication d'un certain type
Au coucher du soleil, tristement je m'assieds; de rapports — il faut situer Julien de manière à ce
Je promène au hasard mes regards sur la plaine, que son ambition paraisse naturelle. Nous sommes
Dont le tableau changeant se déroule à mes pieds. loin de tout régionalisme.
Ici gronde le fleuve aux vagues écumantes; Nous en sommes tout aussi loin chez Balzac, et
II serpente et s'enfonce en un lointain obscur; pour des raisons voisines. Il y a pourtant chez lui
Là, le lac immobile étend ses eaux dormantes tous les éléments d'une géographie sociale de la
Où l'étoile du soir se lève dans l'azur. France de la Restauration et de la Monarchie de
Mais à ces doux tableaux mon âme indifférente Juillet. Paris y tient la place de choix, mais les
N'éprouve cependant ni charme ni transports; villes de province abondent — Tours, Saumur, avec
Je contemple la terre ainsi qu'une ombre errante: prédilection peut-être, mais bien d'autres, Angou-
Le soleil des vivants n'échauffe plus les morts » (9). lême ou Besançon. L'évocation de cette dernière,
dans Albert Savants, est si précise — et la ville a si
La nature et l'individu sont seuls face à face. Le peu changé — que l'on peut repérer les chambres
poète évoque un cadre précis, un paysage de lac au d'où les amants se font des signaux — dans
pied des Alpes; son aventure, sa mélancolie sont l'actuelle Banque de France et dans les bâtiments de la
datées, individualisées, mais elles échappent aux Faculté des Lettres, par dessus les jardins
déterminations collectives. C'est ce qui leur respectés depuis lors. Mais la précision n'a pas pour but
manque : pour qu'un roman régionaliste apparaisse, il de nous faire pénétrer dans l'âme comtoise; elle
faut à la fois l'art de la description et l'idée d'un aide à définir l'atmosphère de la vie provinciale
monde socialement divers. — dont Besançon apparaît comme la quintessence :
«Nulle ville n'offre une résistance plus sourde et
muette au progrès. A Besançon, les administrateurs,
les employés, les militaires, enfin tous ceux que le
gouvernement, que Paris y envoie occuper un poste
(7) Bernardin de Saint Pierre (H.), 1773, Voyage à l'île de
France, XXVIII.
(8) Chateaubriand, 1849-1850, Mémoires d'outre-tombe.
(9) Lamartine (A. de), 1820, Méditations, « L'isolement ». (10) Stendhal, 1830, Le Rouge et le Noir, chap. IV.
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quelconque sont désignés en bloc sous le nom peupliers qui parent de leurs dentelles mobiles ce
expressif de « la colonie ». La colonie est le terrain val d'amour, par les bois de chênes qui s'avancent
neutre, le seul, où, comme à l'église, peuvent se entre les vignobles sur des coteaux que la rivière
rencontrer la société noble et la société bourgeoise arrondit toujours différemment, et par ces horizons
de la ville. Sur ce terrain commencent, apropos d'un estompés qui fuient en se contrariant. Si vous voulez
mot, d'un regard ou d'un geste, des haines de voir la nature belle et vierge comme une fiancée,
maison à maison, entre femmes bourgeoises et allez là par un jour de printemps, l'amour y bat des
nobles, qui durent jusqu'à la mort et agrandissent ailes en plein ciel; en automne, on y songe à ceux
encore les fossés infranchissables par lesquels les qui ne sont plus... En ce moment, les moulins situés
deux sociétés sont séparées. A l'exception des sur les chutes de l'Indre donnaient une voix à cette
Clermont Mont-Saint-Jean, des Beauffremont, des vallée frémissante, les peupliers se balançaient en
de Scey, des Gramont et de quelques autres qui riant, pas un nuage au ciel, les oiseaux chantaient,
n'habitent la Comté que dans leurs terres, la les cigales criaient, tout y était mélodie. Ne me
noblesse bisontine ne remonte pas à plus de deux demandez pas pourquoi j'aime la Touraine; je ne
siècles, à l'époque de la conquête par Louis XIV. Ce l'aime ni comme on aime son berceau, ni comme on
monde est essentiellement parlementaire et d'un aime une oasis dans le désert, je l'aime comme un
rogne, d'un raide, d'un grave, d'un positif qui ne artiste aime l'art... » (12).
peut se comparer qu'à la cour de Vienne, car les La description du paysage devient parfois plus
Bisontins feraient en ceci les salons viennois qui- analytique, plus comptable — ainsi au début de
nauds. De Victor Hugo, de Nodier, de Fourier, les Médecin de campagne : « Par une jolie matinée de
gloires de la ville, il n'en est pas question, on ne s'en printemps, un homme âgé d'environ cinquante ans
occupe pas. Les mariages entre nobles s'arrangent suivait à cheval un chemin montagneux qui mène à
dès le berceau des enfants, tant les moindres un gros bourg situé près de la Grande-Chartreuse.
choses, comme les plus graves y sont définies. Ce bourg est le chef-lieu d'un canton populeux
Jamais un étranger, un intrus, ne s'est glissé dans circonscrit par une longue vallée. Un torrent à lit
ces maisons, et il a fallu, pour y faire recevoir des pierreux souvent à sec, alors rempli par la fonte des
colonels ou des officiers titrés appartenant aux neiges, arrose cette vallée enserrée entre deux
meilleures familles de France, quand il s'en trouvait montagnes parallèles, qui dominent de toutes parts
dans la garnison, des efforts de diplomatie que le les pics de la Savoie ou ceux du Dauphiné. Quoique
prince de Talleyrand eut été heureux de connaître les paysages compris entre la chaîne des deux
pour s'en servir dans un Congrès... »(11). Mauriennes aient un air de famille, le canton à
La vérité historique ne fait pas de doute — le travers lequel cheminait l'étranger présente des
poids de la noblesse de robe par exemple — mais mouvements de terrain et des accidents de lumière
elle ne sert qu'à faire saisir une configuration qu'on chercherait vainement ailleurs. Tantôt la
sociale singulière, celle où les affrontements entre vallée, subitement élargie, offre un irrégulier tapis
nouvelle bourgeoisie et vieille aristocratie sont de cette verdure que les constantes irrigations dues
sans issue — ce qui constitue l'opposé de la aux montagnes entretiennent toujours si fraîche et
situation parisienne. douce à l'œil pendant toutes les saisons. Tantôt un
Balzac a ainsi besoin de la diversité régionale moulin à scie montre ses humbles constructions
pour étaler la complexité des situations sociales pittoresquement placées, sa provision de longs
qu'il se plaît à explorer, mais il est romantique et, sapins sans écorce et son cours d'eau pris au torrent
par moment, il place dans le paysage l'écho qui et conduit par de grands tuyaux de bois carrément
révèle l'âme — ainsi, dans Le Lys dans la Vallée : creusés, d'où s'échappe par les fentes une nappe de
« Là se découvre une vallée qui commence à filets humides. Çà et là, des chaumières entourées
Montbazon, finit à la Loire, et semble bondir sous de jardins pleins d'arbres fruitiers couverts de fleurs
les châteaux posés sur ces doubles collines; une réveillent les idées qu'inspire une misère laborieuse.
magnifique coupe d'émeraude au fond de laquelle Plus loin, des maisons à toitures rouges, composées
l'Indre se roule par des mouvements de serpent. A de tuiles plates et rondes semblables à des écailles
cet aspect, je fus saisi d'un étonnement voluptueux de poisson, annoncent l'aisance due à de longs
que l'ennui des landes ou la fatigue du chemin avait travaux. Enfin, au-dessus de chaque porte se voit le
préparé. Si cette femme, la fleur de son sexe, habite panier suspendu dans lequel sèchent les fromages.
un lieu dans le monde, ce lieu, le voici ... L'amour Partout les haies, les enclos sont égayés par des
infini, sans autre aliment qu'un objet à peine vignes mariées, comme en Italie, à de petits ormes
entrevu dont mon âme était remplie, je le trouvais dont le feuillage se donne aux bestiaux... »(13).
exprimé par ce long ruban d'eau qui ruisselle au
soleil entre deux rives vertes, par ces lignes de

(12) Balzac (H. de), 1835, Le lys dans la vallée.


(11) Balzac (H. de), 1842, Albert Savarus. (13) Balzac (H. de), 1833, Le médecin de campagne.
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Admirable tableau, sensible à la lumière comme courroies liées à leur front en imprimant au timon
aux formes de relief et aux mille facettes de de violentes secousses... »(14).
l'occupation humaine. Pourquoi ce compte rendu
méticuleux ? C'est que le médecin de campagne va
faire de ce canton, où il s'installe, le laboratoire où Les réalistes et les naturalistes
il prouvera que le développement est possible
— expérience de take-off narrée en plein XIXe
siècle ! Avec Georges Sand et sous l'influence de
Leroux, voici enfin réunies toutes les conditions pour
La campagne n'échappe pas à l'attention de que l'attention accordée aux réalités locales, aux
l'observateur, mais les paysans ne l'intéressent pas déterminations du milieu et à la diversité des
pour eux-mêmes. Il les campe, dans Les Chouans, situations sociales se fasse plus vive. La génération
mais c'est exceptionnel : Balzac promène sur la des romanciers qui commence à publier dans les
France le regard de quelqu'un qui s'intéresse aux années 1850 et 1860 donne de la France une image
élites ou aux classes moyennes, à leurs intrigues, à précise, vivante et colorée. Peut-on parler de
leurs luttes, à leurs projets et à leurs espoirs. romans régionalistes ? Pas encore dans la mesure où
Peut-on parler, dans ces circonstances, d'une la spécificité de l'espace n'est pas au cœur de la
inspiration régionaliste ? Certainement pas : démarche : il n'y a guère qu'au moment où l'on
l'appréhension de la diversité du milieu est un moyen pour évoque les formes, la lumière, par souci esthétique
découvrir les péripéties du social, elle n'est jamais donc, que l'on s'attache réellement aux lieux.
une fin en soi. Presque partout, ce sont encore les préoccupations
sociales qui dominent.
La découverte du peuple Fromentin, peintre tout autant que romancier,
et le roman rustique est sans doute celui qui sait le mieux, par petites
touches, évoquer à la fois un paysage et une
ambiance avec un art qui annonce celui des
George Sand part du roman idéaliste, où revient impressionnistes. Voici, dans Dominique, une petite
sans cesse le thème de la jeune femme déçue dans ville de l'Ouest, en Poitou, toute moite de ses
son amour, meurtrie dans le mariage, mais elle marais : « Le pays était plat, pâle, fade et mouillé.
glisse vite de ce romantisme sentimental à un Une ville basse, hérissée de clochers d'églises,
romantisme ouvert sur des conceptions sociales commençait à se montrer derrière un rideau d'osé-
nouvelles. Pierre Leroux, plus encore que raies. Les marécages alternaient avec les prairies,
Lamennais ou que Michel de Bourges, lui apprennent à les saules blanchâtres avec les peupliers
voir dans le peuple l'image de la générosité, le lieu jaunissants. Une rivière coulait à droite et roulait
de toutes les vertus. Et la voilà lancée à la suite du lourdement des eaux bourbeuses entre des berges souillées
Compagnon du Tour de France ! Du monde des de limon. Au bord et parmi les joncs plies en deux
compagnons, elle passe vite à celui des campagnes par le cours de l'eau, il y avait des bateaux amarrés
et découvre le Berry; c'est là qu'elle trouve sa chargés de planches, et de vieux chalands échoués
meilleure inspiration, dans La Mare aux Diables, dans la vase comme s'ils n'eussent jamais flotté. Des
dans La Petite Fadette ou dans Les Maîtres oies descendaient des prairies vers la rivière et
sonneurs. Voici le travail de la terre au cœur de couraient devant la voiture en poussant des cris
l'intrigue : « Ce qui attira ensuite mon attention, sauvages. Des brouillards fiévreux enveloppaient de
était véritablement un beau spectacle, un noble sujet petites métairies qu'on voyait de loin, perdues dans
pour un peintre. A l'autre extrémité de la plaine des chanvrières, sur le bord des canaux, et une
labourable, un jeune homme de bonne mine humidité qui n'était plus celle de la mer me donnait
conduisait un attelage magnifique : quatre paires de jeunes le frisson, comme s'il eût fait très froid... C'était une
animaux à robe sombre mêlée de noir fauve à reflets vaste maison, située dans le quartier, non le plus
de feu, avec ces têtes courtes et frisées qui sentent désert, mais le plus sérieux de la ville, confinant à
encore le taureau sauvage, ces gros yeux farouches, des couvents, avec un très petit jardin qui moisissait
ces mouvements brusques, ce travail nerveux et dans l'ombre de ses hautes clôtures, de grandes
saccadé qui s'irrite encore du joug et de l'aiguillon chambres sans air et sans vue, des vestibules
et n'obéit qu'en frémissant de colère à la domination sonores, un escalier de pierre tournant dans une
nouvellement imposée ... Un enfant de six ou sept cage obscure et trop peu de gens pour animer tout
ans, beau comme un ange, et les épaules couvertes, cela. On y sentait la froideur des mœurs anciennes
sur sa blouse, d'une peau d'agneau qui le faisait et la rigidité des mœurs de province, le respect des
ressembler au petit saint Jean-Baptiste des peintres
de la Renaissance, marchait dans le sillon parallèle
à la charrue et piquait le flanc des bœufs avec une
gaule longue et légère, armée d'un aiguillon peu
acéré. Les fiers animaux frémissaient sous la petite
main de l'enfant et faisaient grincer les jougs et les (14) Sand (G.), 1846, La mare au diable.
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habitudes, la loi de l'étiquette, l'aisance, un grand — Il en est de même des paysages de montagne,
bien-être et l'ennui » (15). reprit Léon. J'ai un cousin qui a voyagé en Suisse
C'est la finitude d'univers petits-bourgeois l'année dernière, et qui me disait qu'on ne peut se
qu'évoque aussi la Normandie de Madame Bovary. figurer la poésie des lacs, le charme des cascades,
Lorsque Flaubert fait débarquer Charles et Emma l'effet gigantesque des glaciers »(16).
à l'auberge du Lion d'Or en compagnie de Homais On voit combien l'art de la description se
et de Léon Dupuis, la médiocrité est ce que laisse perfectionne : elle s'intègre désormais,
éclater tout de suite la conversation : naturellement, dans la conversation au lieu de ralentir le
« Homais demanda la permission de garder son rythme du récit — mais sa fonction en est affectée,
bonnet grec de peur des coryzas. qui est autant de révéler la consternante fatuité de
Léon, les horizons limités de Youville que la part
Puis se tournant vers sa voisine : de rêve et de snobisme de ceux qui y vivent, de cette
— Madame, sans doute, est un peu lasse ? On est étroite élite de notables entre lesquels le roman va
si épouuantablement cahoté dans notre Hirondelle î se nouer.
— // est vrai, répondit Emma; mais le Le roman raconte le pays de Caux au point qu'il
dérangement m'amuse beaucoup : j'aime changer de place. est possible d'y repérer tous les itinéraires et toutes
— C'est une chose si maussade, soupira le clerc, les masures. Mais Flaubert n'a pas été touché par
que de vivre cloué aux mêmes endroits. la grâce sociale qui a transformé l'optique de
— Si vous étiez comme moi, dit Charles, sans George Sand. Il porte sur les gens du peuple un
cesse obligé d'être à cheval... regard amusé d'ethnographe plutôt qu'une
compassion de missionnaire. Toutes les catégories sociales
— Mais, reprit Léon, s'adressant à Madame sont présentes, dans la noce normande : « Suivant
Bovary, rien n'est plus agréable, il me semble; quand leur position sociale différente, ils avaient des
on le peut, ajouta-t-il. habits, des redingotes, des vestes, des habits-vestes;
— Du reste, disait l'apothicaire, l'exercice de la — bons habits, entourés de toute la considération
médecine n'est pas fort pénible dans nos contrées; d'une famille, et qui ne sortaient de l'armoire que
car l'état de nos routes permet l'usage du cabriolet, pour les solennités; redingotes à grandes basques
et, généralement, l'on paye assez bien, les flottant au vent, à collet cylindrique, à poches larges
cultivateurs étant aisés. Nous avons, sous le rapport comme des sacs; vestes de gros drap qui
médical, à part les cas ordinaires d'entérite, accompagnaient ordinairement quelque casquette cerclée de
bronchite, affections bilieuses, de temps à autre quelques cuivre à sa visière; habits-vestes très courts, ayant
fièvres intermittentes de moisson, mais, en somme dans le dos deux boutons rapprochés comme une
peu de choses graves ... Ah ! vous trouverez bien des paire d'yeux et dont les pans semblaient avoir été
préjugés à combattre, Monsieur Bovary; bien des coupés à même un seul bloc, par la hache du
entêtements de routine, où se heurteront charpentier. Quelques-uns encore (mais ceux-là,
quotidiennement tous les efforts de votre science... Le climat, bien sûr, devaient dîner au bas bout de la table)
pourtant, n'est point, à vrai dire, mauvais, et même portaient des blouses de cérémonie, c'est-à-dire dont
nous comptons, dans la commune, quelques le col était rabattu sur les épaules, le dos froncé à
nonagénaires... et en effet nous sommes abrités des vents petits plis et la taille attachée très bas par une
du nord par la forêt d'Argueil d'une part, des vents ceinture cousue » (17).
d'ouest par la côte Saint-Jean de l'autre... Ethnographe, certes; mais moraliste également :
— Avez-vous du moins quelques promenades Flaubert laisse percer, sous l'objectivité apparente,
dans les environs ? continuait Madame Bovary la condamnation d'un monde dont les prétentions
parlant au jeune homme. le heurtent. Pour être vraiment régionaliste, il lui
— Oh .'fort peu, répondit-il. Il y a un endroit que faudrait aimer le monde qu'il peint, s'identifier à
l'on nomme la Pâture, sur le haut de la côte, à la lui — et il le repousse, il le hait, il le méprise.
lisière de la forêt. Quelquefois, le dimanche, je vais La Normandie de Maupassant est-elle plus
là, et j'y reste avec un livre, à regarder le soleil vécue dans une optique régionaliste que celle de
couchant. Flaubert ? Elle sert de toile de fond à certains des
— Je ne trouve rien d'admirable comme les contes les plus célèbres, Le Donneur d'eau bénite,
soleils couchants, reprit-elle, mais au bord de la Histoire d'une fille de ferme, Farce normande, Le
mer, surtout. Crime du Père Boniface, etc. Non. Maupassant a
— Oh, j'adore la mer, dit Monsieur Léon. l'art de saisir le détail évocateur, de choisir la
vignette qui évoque un paysage ou un milieu à

(16) Flaubert (G.), 1857, Madame Bovary.


(15) Fromentin (E.), 1863, Dominique. (17) Ibidem.
Paul Claval

partir d'un détail. Pierre Cogny écrit, à ce propos : Il n'est pas le seul à s'engager dans cette voie
«Rien en fait n'apparaît comme typiquement — mais beaucoup vont trop loin, si bien que le
normand, à moins que l'on considère comme telle roman ne devient régional que pour mieux illustrer
l'imagerie du calendrier des Postes ou des cartes ses thèses sociales. Emile Zola situe toujours avec
postales en couleur, avec, en premier plan, des un soin méticuleux les intrigues qu'il noue : il croît
pommiers sur lesquels nous reviendrons à loisir, de aux déterminismes du milieu et se penche sur tout
l'herbe agressivement verte, quelques vaches dont la ce qui peut peser sur les êtres. La Beauce est
robe rousse et blanche n'est même pas admirablement évoquée dans La Terre. Voici le
évoquée. » (18). Ce que Maupassant sait faire, c'est semeur au travail : « Jean, ce matin-là, un semoir de
noter une ambiance, une tache de lumière et toile bleue noué sur le ventre, en tenait la poche
colorer un paysage à partir de là. Dans Le Crime du ouverte de la main gauche, et de la droite, tous les
Père Boniface : « On était en juin, dans le mois vert trois pas, il y prenait une poignée de blé, que d'un
et fleuri, le vrai mois des plaines. L'homme, vêtu de geste à la volée, il jetait. Ses gros souliers troués en
sa blouse bleue et coiffé d'un képi noir à galon emportaient la terre grasse, dans le balancement
rouge, traversait, par des sentiers étroits, les champs cadencé de son corps...
de colza, d'avoine ou de blé, enseveli jusqu'aux Arrivé au bout de sillon, il leva les yeux, regarda
épaules dans les récoltes; et sa tête, passant au- sans voir, en soufflant une minute.
dessus des épis, semblait flotter sur une mer calme
et verdoyante qu'une brise légère faisait mollement C'étaient des murs bas, une tache brune de
onduler » (19). vieilles ardoises, perdue au seuil de la Beauce, dont
la plaine, vers Chartres, s'étendait. Sous le ciel
Maupassant devient-il plus précis face à un vaste, un ciel couvert de fin d'octobre, dix lieues de
vaste paysage ? Voici Mariolle face à la baie du cultures étalaient en cette saison des terres nues,
Mont-Saint-Michel, dans Notre Cœur : « Du pied de jaunes et fortes, des grands carrés de labour, qui
la côte sur laquelle il était debout partait une alternaient avec les nappes vertes des luzernes et
inimaginable plaine de sable qui se mêlait au loin des trèfles; et cela sans un coteau, sans un arbre, à
avec la mer et le firmament. Une rivière y promenait perte de vue, se confondant, s'abaissant, derrière la
son cours, et, sous l'azur flambant de soleil, des ligne d'horizon, nette et ronde comme sur une mer.
mares d'eau la tachetaient de plaques lumineuses Du côté de l'ouest un petit bois bordait seul le ciel
qui semblaient des trous ouverts sur un autre ciel d'une bande roussie... Et rien d'autre que trois ou
intérieur. quatre moulins de bois, sur leur pied de charpente,
Au milieu de ce désert jaune, encore trempé par les ailes immobiles. Des villages faisaient des îlots
la marée en fuite, surgissait, à douze à quinze de pierre, un clocher émergeait d'un pli de terrain
kilomètres du rivage, un monumental profil de sans qu'on vit l'église, dans les molles ondulations
rocher pointu, fantastique pyramide coiffée d'une de cette terre à blé.
cathédrale » (20).
Est-ce vraiment senti, original ? Non, et la Et toujours, et du même pas, avec le même geste,
Normandie devrait fort peu à Maupassant s'il ne il allait au nord, il revenait au Midi, enveloppé dans
s'y était intéressé aux êtres simples, aux gens la poussière vivante du grain, pendant que, derrière,
modestes. Il promène sur eux le regard faussement la herse, sous les claquements du fouet, enterrait les
indifférent de Flaubert, il partage son goût du germes, du même train doux et comme réfléchi. De
moralisme masqué d'objectivité, mais il n'a pas le longues pluies venaient de retarder les semailles
même paternalisme. Il est de plain-pied avec les d'automne; on avait encore fumé en août et les
ouvriers et les paysans. Comme chez George Sand, labours étaient prêts depuis longtemps, profonds,
il y a chez lui un intérêt évident pour le peuple. nettoyés des herbes salissantes, bons à redonner du
blé, après le trèfle ou l'avoine de l'assolement
triennal. De toute part on semait : il y avait un autre
semeur à gauche, à trois cents mètres, un autre plus
loin, vers la droite; et d'autres encore s'enfonçaient
(18) Cogny (P.), 1980, « La rhétorique trompeuse de la en face, dans la perspective fuyante des terrains
description dans les paysages normands de Maupassant », plats. C'étaient de petites silhouettes noires, de
p. 159-168 de Le paysage normand. Paris, PUF, 310 p. simples traits de plus en plus minces, qui se
(19) Maupassant (G. de), 1881, Le crime du Père Boniface.
(20) Maupassant (G. de), 1890, Notre cœur. J.M. Bailbé fait perdaient à des lieues. Mais tous avaient le geste,
remarquer, à propos des dernières œuvres de Maupassant, que l'envolée de la semence, que l'on devinait comme
« le paysage est très rarement une concession facile à la une onde autour d'eux. La plaine en prenait un
description pour se mettre au service de l'investigation frisson, jusque dans les lointains noyés où les
psychologique. Cela explique bien l'absence d'originalité des paysages semeurs épars ne se voyaient plus » (21).
invoqués — et annonce, comme on le verra plus bas, les
tendances qui s'affirment en ce domaine au cours du XXe
siècle. » Bailbé (J.M.), « Fonction du paysage dans les derniers
romans de Maupassant », p. 169-183 de Le paysage normand, op.
cit., cf. p. 183. (21) Zola (E.), 1887, La Terre.
Le thème régional dans la littérature française 67

Le souci naturaliste fait incorporer ici à la Périgord noir fermaient l'horizon bleuâtre » (22). De
description des éléments techniques comme le la couleur locale là dedans ? Nulle, sinon celle
système de l'assolement triennal. Mais cela ne qu'apporte une expression locale (de par chez nous)
coupe pas le souffle épique : ce n'est pas la Beauce, et un terme topographique occitan (le puy) : Le Roy
à la limite, mais un ballet mystique où les semeurs note un cadre topographique, des repères
affrontent et fécondent une terre immense qui les géographiques, mais est incapable de nous faire sentir le
dépasse. Hors d'œuvre ? Description destinée à charme romantique des pins maritimes et leur
servir de cadre à une intrigue qui lui est senteur, la profondeur chaude des bois de chênes et
extérieure ? Non, c'est ici que le drame se noue, que les les parfums du printemps sur les plateaux
protagonistes sont situés — Jean bien sûr, mais à calcaires..
travers lui, tous les paysans, ceux qui sèment
autour de lui ce jour d'octobre et ceux qui le feront
plus tard, ou ailleurs, et la terre, cette terre de Le mystère du lieu et des appartenances
Beauce lourde et riche, mais au-delà, toutes les
glèbes qu'il faut ainsi affronter quotidiennement,
au hasard des saisons, lorsqu'on est cultivateur. Le vrai sentiment régionaliste demande autre
chose que le souci naturaliste du cadre et
Le cadre régional éclate aussitôt que posé dans l'inquiétude des conditions locales; il repose sur le sens des
cet élan épique qui fait voir, sous le pittoresque de lieux, de leur mystère et sur l'intuition des
ce qui est ici, maintenant, l'archétype éternel de correspondances qui peuvent se nouer entre les êtres et
l'homme de la terre. Et Zola nous conduit ainsi de
la Terre à la Mine, du Rail au Négoce sans jamais les choses. Le romantisme y a conduit certains
— mais ils sont peut-être plus rares en France
reconnaître aux lieux autre chose qu'une pesée
obscure sur les êtres et sur les destins. qu'ailleurs. C'est du sursaut de nationalisme de la
fin du XIXe siècle que sort en définitive le
Certains romanciers commencent, il est vrai, à régionalisme. Il y a là un paradoxe : comment est-il
se proclamer régionalistes, mais leurs possible que ceux-là mêmes qui sont le plus
préoccupations sont souvent plus sociales que culturelles. attachés à l'unité du pays et à son intégrité y
Pour utiliser le cadre dans l'animation du récit, il découvrent le sens des réalités locales et régionales ?
leur manque l'art de Flaubert ou le souffle épique Pour le comprendre, il faut se souvenir de la
de Zola; pour faire vivre leur région, il leur manque Commune de Paris insurgée alors que les Prussiens
le recul qui pousse à s'étonner et à saisir l'original. campent encore autour de la capitale : la société
C'est un peu à ce courant qu'il convient de urbaine, celle de la très grande ville surtout, ne
rattacher Eugène Le Roy, le plus populaire, sans doute, sont-elles pas responsables de la dissolution de
de tous ces romanciers du XIXe siècle grâce à tous les liens, ceux de la famille, ceux de la
l'adaptation télévisée de Jacquou le Croquant, communauté locale et ceux de la nation ? Le
plusieurs fois diffusée. Le Périgord qui y est évoqué revirement d'opinion est sensible dans tous les
est celui des débuts du XIXe siècle, celui des milieux; il explique, en sociologie, le moralisme
hobereaux mal remis de la Révolution et plus durs d'un Emile Durkheim et sa quête de remèdes contre
qu'ils ne l'ont jamais été, et des pauvres croquants l'anomie du monde moderne. Il conduit, dans un
exploités, divisés et parfois révoltés. Le thème mouvement gigantesque de retour aux sources, les
révolutionnaire est fondamental et voile parfois les Français à chercher leurs racines dans le monde
contours du pays où se déroule l'intrigue : qu'est-ce rural dont ils sont encore à peine sortis. Taine
qui vient nous rappeler que nous sommes dans la incarne admirablement ce mouvement de la
Double ou dans la Forêt Barade ? Une évocation sensibilité qui inverse les valeurs et cesse de privilégier
assez plate des solitudes forestières : « Ainsi que Paris, les élites éclairées et les classes industrielles.
tous les enfants de par chez nous, je grimpais Dès les années 1860, comme en témoignent ses
comme un écureuil. Des fois, lorsque je trouvais un carnets de voyage, il part à la recherche de son
grand arbre sur la cime d'une haute butte, je identité à travers ses pérégrinations. Il aime le
montais jusqu'au faîte et regardais l'immensité des Midi aquitain, mais ne s'y sent pas tout à fait chez
bois qui s'étendaient à perte de vue sur les plateaux, lui : « Ce qu'il y a d'intéressant, ce sont les
les croupes et les creux ravinés. Çà et là, dans une constructions; on sent le voisinage de l'Italie, la clémence du
éclaircie, une maison isolée sur la lisière de la forêt, climat. Les toits sont presque plats; il n'y a pas de
un clocher pointu au-dessus des masses sombres neige l'hiver. Beaucoup de maisons ont deux ailes,
des bois, ou la fumée d'une charbonnière flottant ce qui leur donne tout de suite un caractère.
lourdement comme une brume épaisse dans les Plusieurs ont des péristyles, de longs balcons, des
courbes et les fonds. De tous les côtés presque, les avançades pour prendre le frais le soir. Les clochers
puys, les coteaux et les vallons s'enchevêtraient et
s'étageaient pour gagner les plateaux du haut
Périgord, tandis qu'au midi, dans le lointain,
au-delà de la Vézère, les grandes collines du (22) Le Roy (E.), 1899, Jacquou le Croquant.
68 Paul Claval

sont carrés; quelques-uns, neufs, s'élancent bien, et familiers. De ce vert et de cette humidité universelle,
dans ce beau ciel, sous cette riche lumière, leur de ces sapins et de ces montagnes sort l'idée d'une
blancheur, leur propreté, leur taille effilée sont vie plus grave et plus triste. On frissonne doucement
agréables à voir. Les cloches ne sont point en pensant à l'hiver, on se met en défense et l'on
enfermées dans un clocher; on élève seulement une sorte aime sa maison » (25).
de mur isolé percé à jour. Parfois une tour, quelques Dès sa jeunesse, Taine est donc sensible à la
jolis châteaux à pavillons et à tourelles. Il y a ici diversité de la France qu'il perçoit comme tenant à
une sorte de sentiment de l'architecture. la fois des paysages et des hommes, des ambiances
Mais je sens bien que pour mon compte, mon et des mentalités. C'est dans cet ensemble qu'il
vrai, mon profond plaisir me viendra toujours des arrive à se situer en précisant ce qui est en
forêts et de fleuves. Je ne suis pas un homme du harmonie avec lui-même. C'est cette découverte du
Midi, mais du Nord » (23). rôle fondamental des racines qui va servir, après
La Provence le dépayse encore plus, et il est plus 1870, lorsqu'il s'agira de fonder la société française
loin encore de la comprendre : « Hors de Marseille sur de nouvelles bases. Nombreux sont ceux qui,
et de la mer, cette Provence est lugubre à voir; on outre Taine, s'y emploient. Maurice Barrés donne
dirait un pays brûlé, usé, rongé jusqu'à l'os par une le ton lorsqu'il évoque la colline de Sion-Vaudé-
civilisation détruite. Point d'arbres, sauf des mont, en Lorraine : « En automne, la colline est
mûriers espacés, des oliviers souffreteux, parmi des bleue sous un grand ciel ardoisé, dans une
myriades de cailloux et des rocs nus, desséchés, atmosphère pénétrée par une douce lumière d'un jaune
blanchâtres; parfois un quart de lieue de côte mirabelle. J'aime à y monter par les jours dorés de
démantelée et stérile; à l'horizon, des hauteurs septembre et me réjouir là-haut du silence, des
dégarnies allongeant les unes au dessus des autres heures unies, d'un ciel immense où glissent les
leurs squelettes de pierre; l'homme a tout mangé, il nuages et d'un vent perpétuel qui nous frappe de sa
ne reste rien de vivant; de misérables herbes masse.
épineuses, de petites broussailles vivaces se blottissent ... Ce qui compte et ce qui existe, où que nous
dans les creux, sur les escarpements. » II lui faut la menions nos pas en suivant la ligne de faîte, c'est
nuit pour apprécier ces espaces : « Mais le ciel l'horizon, et ce vaste paysage de terre et de ciel.
reste, et la nuit tout est divin comme aux premiers
jours » (24). Si vous portez au loin votre regard, vous
La grâce des paysages humides de la montagne distinguerez et dénombrerez les ballons des Vosges et de
du Jura lui est tout de suite accessible : « Aux l'Alsace; si vous le ramenez plus près sur la vaste
alentours, tout est vert, les plaines, les coteaux, les plaine, elle vous étonne et, selon mon goût, vous
tournants et jusqu'à la crête des montagnes, d'un charme par ses superbes plissements, par de longs
vert terne et mouillé, éternellement nourri par la mouvements de terrains pareils à des dunes. C'est
brume coulante. Rien ne peut rendre la force du un paysage sans eau en apparence, mais où l'eau
sourd et circule invisible. Des prairies qui s'égout-
contraste pour un homme qui quitte les montagnes
blanches et pelées du Midi. Pas une teinte n'est tent, un ruisselet se forme et se débrouille vivement
semblable. Le vert des prairies devient délicat et dans les rides enchevêtrées du terrain... Sur le tout,
tendre, souvent d'un jaune pâle, comme les sur cet ensemble où il n'est rien que d'éternel règne
premières pousses printanières, parfois d'un éclat délicieux un grand ciel voilé... Cet horizon où les formes ont
mais fugitif comme l'épanouissement d'une fleur. peu de diversité nous ramène sur nous-mêmes en
Tous les tons du sol sont forts : maisons blanches et nous rattachant à la suite de nos ancêtres. Les
rouges, toits noircis, rangées de sapins sombres; par souvenirs d'un illustre passé, les grandes couleurs
fortes et simples du paysage, ses routes qui
contraste, le ciel, chargé de nuées pluvieuses, est
brun ou d'un jaune épais de poussière mouillée; des s'enfuient, composent une mélodie qui nous remplit
brouillards lointains pendent comme des ardoises d'une longue émotion mystique. Notre cœur
imbibées, des brouillards voisins élèvent, vers le périssable, notre imagination si mouvante s'attachent à
soir, leur gaze immobile à mi-côte. L'herbe ce coteau d'éternité. Nos sentiments y rejoignent
incessamment arrosée promet de ne jamais se flétrir. Ça ceux de nos prédécesseurs, s'en accroissent et
croient y trouver une sorte de perpétuité. Il étale
et là, on aperçoit une rivière dormante, avec de sous nos yeux une puissante continuité, des mœurs,
longues nappes luisantes, noirâtres et tranquilles des occupations d'une médiocrité étemelle; il nous
comme celles d'un étang, et qui réfléchissent le ciel remet dans la pensée de notre asservissement à
comme une glace. toutes les fatalités, cependant qu'il dresse au-dessus
La figure et la taille des hommes ont changé; ils de nous le château et la chapelle, tous les deux
sont plus grands, moins vifs, moins gais, moins faiseurs d'ordre, l'un dans le domaine de l'action,
l'autre dans la pensée et dans la sensibilité. L'hori-

(23) Taine (H.), 1863-1865, Carnets de voyage.


(24) Ibidem. (25) Ibidem.
Le thème régional dans la littérature française 69

zon qui cerne cette plaine, c'est celui qui cerne toute presque de règle dans les romans. Présentes dans
vie : il donne une place d'honneur à notre soif tout le genre du XIXe siècle, elles ont reçu des
d'infini, en même temps qu'il nous ramène à nos justifications doctrinaires successives de la théorie
limites. Voilà notre cercle fermé, le cercle d'où nous romantique des nationalités puis du réalisme et du
ne pouvons sortir, la vieille conception du travail naturalisme; après une éclipse partielle due à la
manuel, du sacrifice militaire et de la méditation vogue du roman exclusivement psychologique, et
divine » (26). celle plus éphémère encore du roman symboliste,
Plus loin, toujours dans La Colline inspirée, leur retour se fait en force. Le prestige barrésien, le
Barrés élargit sa méditation sur les lieux qui félibrige, le courant vitaliste maintiennent à la mode
marquent les hommes : « D'où vient la puissance de le pays, les « racines ». Il est curieux de voir comme
ces lieux ? La doivent-ils au souvenir de quelque dans la dernière décade du XIXe siècle, les romans
grand fait historique, à la beauté d'un site de salon disparaissent brusquement de La Revue
exceptionnel, à l'émotion des foules qui du fond des âges des Deux Mondes... pour laisser place au
vinrent s'y émouvoir? Leur vertu est plus pullulement des romans régionalistes — que cette région
mystérieuse. Elle précéda leur gloire et saurait y survivre. d'ailleurs s'appelle Dauphiné, Normandie, Vendée,
Que les chênes fatidiques soient coupés, la fontaine ou Auvergne, Macédoine ou Carpathes... En règle
remplie de sable et les sentiers recouverts, ces générale, l'évocation régionale correspond à une
solitudes ne sont pas déchues de pouvoir. La vapeur majoration qualitative : l'auteur intensifie avec
de leurs oracles s'exhale, même s'il n'est plus de complaisance les particularités du paysage, des
prophétesse pour la respirer. Et n'en doutons pas, il mœurs, du type physique des habitants, de la
est de par le monde infiniment de ces points configuration des villes, il met en lumière comme
spirituels qui ne se sont pas encore révélés, pareils fine trouvaille ce que les autres n'ont pas su voir et,
à ces âmes voilées dont nul n'a reconnu la grandeur. l'apport biographique justifiant cette minutie, le
Combien de fois, au hasard d'une heureuse et romancier pratique l'utilisation massive et commode
profonde journée, n'avons-nous pas rencontré la du souvenir personnel » (28).
lisière d'un bois, un sommet, une source, une simple Dans cette ambiance — qui est celle aussi de la
prairie qui nous commandaient de faire taire nos géographie régionale vidalienne — les vocations
pensées et d'écouter plus profond notre cœur! régionalistes se multiplient : l'on songe à Emile
Silence ! Les dieux sont ici. Pouvillon, à Henri Pourrat, à Gaston Roupnel (un
Illustres ou inconnus, oubliés ou à naître, de tels peu plus jeune, il est vrai), à Joseph de Pesquidoux,
lieux nous entraînent, nous font admettre à Léon Lafage ou à Léon Cladel, à Jules Claretie ou
insensiblement un ordre de faits supérieurs à ceux où à Ferdinand Fabre. Il n'y a pas que les romanciers
tourne à l'ordinaire notre vie. Ils nous disposent à de l'enracinement qui participent au mouvement.
connaître un sens de l'existence plus secret que Les symbolistes y cèdent aussi. Voici Barbey
celui qui nous est familier, et, sans rien nous d'Aurevilly, dans L'Ensorcelée, évoquant la lande
expliquer, ils nous communiquent une de Lessay : « ... le Cotentin, cette Tempe de la
interprétation religieuse de notre destinée ... Pour l'âme, de France, cette terre grasse et remuée, a pourtant,
tels espaces sont des puissances comme la beauté comme la Bretagne, sa voisine, la Pauvresse aux
ou le génie. Elle ne peut les approcher sans les genêts, ses parties stériles et nues où l'homme passe
reconnaître. Il y a des lieux où souffle l'esprit » (27). et où rien ne vient, sinon une herbe rare et quelques
Tous ne partagent pas, loin de là, l'espèce de bruyères bientôt desséchées. Ces lacunes de culture,
panthéisme qui donne, pour Barrés, signification ces places vides de végétation, ces têtes chauves,
pour ainsi dire, forment d'ordinaire un frappant
aux êtres et aux choses, qui fait parler les lieux et contraste avec les terrains qui les environnent...
colorent ainsi l'existence de ceux qui savent Elles les ombrent d'une estompe plus noire...
reconnaître leurs racines. Mais ce qu'il traduit sous une
forme extrême et un peu excessive est partagé Généralement ces landes ont un horizon assez borné. Le
désormais par beaucoup : il est une vérité voyageur, en y entrant, les parcourt d'un regard et
essentielle que la grande ville fait oublier et qu'il importe en aperçoit la limite... Mais si par exception, on en
d'aller chercher dans la modestie de la vie trouve d'une vaste largeur de circuit, on ne saurait
provinciale. La quête régionaliste cesse d'être sociale ou dire l'effet qu'elles produisent sur les imaginations
naturaliste. Elle devient celle d'une inspiration, de ceux qui les traversent, de quel charme bizarre et
celle d'une vérité ultime sur les êtres. Anne Henry profond elles saisissent les yeux et le cœur. Qui ne
le note très bien : « A l'époque où Proust conçoit sait le charme des landes ?... Il n'y a peut-être que
son ouvrage, les évocations de la province sont les paysages maritimes, la mer et ses grèves, qui
aient un caractère aussi expressif et qui vous
émeuvent davantage... » (29).

(28) Henry (Anne), « Proust et la Normandie », p. 137-156


(26) Barrés (M.), 1913, La colline inspirée. de : Le paysage normand, op. cit., cf. p. 138.
(27) Ibidem. (29) Barbey d'Aurevilly (J.), 1854, L'Ensorcelée.
70 Paul Claval

On est certes là plus près de la tradition apprennent à aimer sa nature, ses paysages et ses
romantique que de l'enracinement, mais le thème du hommes. Voici Daudet qui fait du mistral un des
mystère des lieux, des vertus de l'horizon et du personnages de Numa Roumestan : « La ville
paysage est fortement exprimé. Cette prégnance du dormait, déserte et silencieuse, bercée par le mistral,
milieu, on la retrouve chez Péguy parlant de la soufflant en grands coups d'éventail, aérant,
Beauce — et l'on voit tout de suite ce qui le sépare vivifiant l'été chaud de Provence, mais rendant difficile
de Zola, car ce n'est pas de la Terre qu'il parle, mais la marche, surtout le long du cours où rien ne
d'un fragment de terre à laquelle est attachée une l'entravait, où il pouvait courir en tournant,
fatalité spécifique : « Plaine infinie. Plaine encercler toute la petite cité avec des beuglements de
infiniment grande. Plaine infiniment triste. Plaine sans taureau lâché... rafales arrivant comme des vagues
un creux et sans un monticule. Sans un faux pas, dont elles avaient les cris, les plaintes, l'éclabous-
sans un devers, sans une entorse. Plaine de solitude sement poudreux » (32)... Ailleurs, c'est le Vaccarès
immense dans toute son immense fécondité. Plaine qu'il nous fait découvrir : « Vers cinq heures du
où rien de la terre ne cache et ne masque la terre. soir, à l'heure où le soleil décline, ces trois lieues
Où pas un accident terrestre ne dérobe, ne défigure sans une barque, sans une voile pour limiter,
la terre essentielle. Plaine où le Père Soleil voit la transformer leur étendue, ont un aspect admirable. Ce
terre face à face. Plaine de nulle tricherie. Sans n'est plus le charme intime des clairs, des roubines,
maquillage aucun, sans apprêt, sans nulle parade. apparaissant de distance en distance entre les plis
Plaine où le soleil monte, plaine où le soleil plane, d'un terrain marneux sous lequel on sent filtrer l'eau
plaine où le soleil descend également pour tout le partout, prête à se montrer à la moindre dépression.
monde, sans faire à nulle créature particulière Ici, l'impression est grande, large.
l'hommage, à toute la création l'injure de quelque De loin, ce rayonnement de vagues attire des
immonde accroche-cœur, d'une affection, d'une troupes de macreuses, des hérons, des butors, des
attention particulière. Plaine de la totale et flamants au ventre blanc, aux ailes roses, s'alignant
universelle présence de tout le soleil, pour toute la terre. pour pêcher tout le long du rivage, de façon à
Puis de sa totale et universelle absence. Plaine où disposer leurs teintes diverses en une longue bande
le soleil naît et meurt également pour toute la égale; et puis des ibis, de vrais ibis d'Egypte, bien
création, sans une faveur, sans une bassesse, pour chez eux dans ce soleil splendide et ce paysage
toute la création de la terre dans la même muet. De ma place, en effet, je n'entends rien que
inaltérable splendeur. l'eau qui clapote et la voix du gardian qui rappelle
Plaine du jugement, où le soleil monte comme un ses chevaux dispersés sur le bord...
arrêt de justice » (30). Plus loin, toujours sur la même rive, se trouve
Anne Henry rappelle, on vient de le voir (31), une grande manado (troupeau) de bœufs paissant
l'origine romantique de l'idée de nationalité, mais en liberté comme les chevaux. De temps en temps,
cela n'avait pas suffi, en France, à ennoblir la j'aperçois au-dessus d'un bouquet de tamaris l'arête
province, car elle continuait à être perçue comme de leurs dos courbés, et leurs petites cornes en
une France appauvrie, amputée, plus que comme croissant qui se dressent... » (33).
un monde différent : Prosper Mérimée était C'est la Provence du folklore, mais aussi celle
sensible à l'exotisme de la Corse de Colomba ou du des diversités régionales enfin admises et repérées.
Roussillon de la Vénus d'Ille, mais son attention ne
s'arrêtait pas aux différences plus menues.
D'autres étaient attentifs à la celtitude bretonne, mais Des vues contemporaines sur la région
il faut attendre le besoin de racine du dernier XIXe
siècle pour que la perception des différences entre
le Nord et le Midi se généralise, et pour que les La découverte de la diversité de la nation
régions et les pays émergent de partout. Nulle française à laquelle correspond la grande époque du
partie de l'espace français ne bénéficie sans doute roman régionaliste ne pouvait durer qu'un temps. Il
davantage de cette mutation que la Provence : son y a encore place pour l'étonnement ou
étrangeté la mettait jusqu'ici en infériorité par l'enthousiasme, lorsqu'on s'aperçoit qu'une fraction du
rapport au reste du pays — sa sécheresse, sa monde francophone a échappé à l'inventaire des
pauvreté. Et la voici qui trouve, à travers les diversités, lorsque Louis Hémon fait découvrir le
félibres, le prestige d'une civilisation authentique- Lac Saint-Jean, au Québec, et le romantisme de
ment originale. Voici que ceux qui en sont natifs Maria Chapdelaine, où lorsque le Vaudois Ramuz
révèle la verdeur des milieux paysans de son pays.
Mais la place de la région ne peut, dans la majorité

(30) Péguy (C), « La plaine », Œuvres en prose, Pléiade,


p. 1185 sqq.. Cité par: Tison-Braun (Micheline), 1980, Poétique
du paysage (essai sur le genre descriptif). Paris, Nizet, p. 89. (32) Daudet (A.), 1881, Numa Roumestan.
(31) Cf. supra note (28). (33) Daudet (A.), 1881, Lettres de mon Moulin.
Le thème régional dans la littérature française 71

des cas, rester celle que nous évoquions à l'instant. comme porteur de déterminations sociales — les
Quelques exemples aideront à dessiner ce que le rapports de patron à ouvrier, de maître à
sentiment des diversités régionales peut apporter domestique sont notés, mais ils ne sont pas au cœur de
dans un monde où la quête d'identité cesse de l'œuvre. Ce qui intéresse Giono, c'est le destin des
passer par la mise à jour des enracinements. hommes, leur besoin de pureté, la tristesse de la
L'univers de Mauriac, celui de ses romans tout corruption — et de tout cela le paysage est
au moins, est étroitement borné aux lieux où sa complice; la Haute Provence, Giono en a besoin pour
famille a vécu et où il a passé son enfance : présenter l'ascèse mystique dont son œuvre est
Bordeaux, la lande et la pignada autour de Saint- porteuse tant elle nécessite la complicité du soleil,
Symphorien, Bazas, le centre proche, et le petit du vent, du jour et d'une lumière pure comme au
coin du Bordelais, au-dessus de Langon, face au premier jour. Voilà Albin, dans Un de Baumugnes,
panorama de la vallée et des hauteurs du Sauter- qui parle, grâce à son harmonica, à Angèle
nais où se dresse Malagar (34). Thérèse enfermée par son père — et la musique lui permet
Desqueyroux vit dans une maison de la place de Saint- d'évoquer le haut pays : « D'abord, ce fut comme un
Symphorien; la maison de Malagar rappelle comme grand morceau de pays forestier arraché tout vivant,
une sœur, avec cet acajou, ce palissandre, ces avec la terre, toute la chevelure des racines de
bibelots laissés là par les générations, celle du sapins, les mousses, l'odeur des écorces; une longue
Nœud de Vipères (35). Ce que le romancier cherche source blanche s'en égouttait au passage comme
ainsi dans l'univers qui lui est le plus cher, c'est un une queue de comète. Ca vient sur moi, ça me couvre
ensemble de repérages sociaux où les drames de de couleur, de fleurance et de bruits et ça fond dans
destins égoïstes, de cœurs trop étroits et de la nuit sur ma droite !
cheminements mystiques puissent se comprendre — en Y avait de quoi vous couper l'haleine !
cela, il prolonge une tradition qui dure, sous des Alors j'entends quelque chose comme vous diriez
formes diverses, depuis Balzac, ou depuis le vent de la montagne, le vol des perdrix, l'appel du
Fromentin, lui aussi de l'Ouest. Ce qu'il tire plus encore de berger et le ronflement des hautes herbes des
ce monde qu'il sent comme de l'intérieur, ce sont les pâtures qui se baissent et se relèvent toutes
notations qui révèlent la pesée du milieu : « Que de ensemble, sous le vent.
fois, écrit-il, ai-je décrit cette plaine (face à
Malagar) où l'été fait peser son délire. Ce brasillement Après, c'est comme un calme, le bruit d'un pas sur
sur les tuiles et sur les uignes, ce silence de un chemin; et pan et pan; un pas long et lent qui
stupeur... » (36). Le milieu de la lande, avec ses monte et chante sur les pierres, et, le long de ce pas,
senteurs et ses atmosphères variables, se prête des mouvements de haie et des clochettes qui
mieux encore que celui de Malagar à ces viennent comme à sa rencontre.
connotations d'odeurs, de sons et d'états d'âme qui sont si Ca s'anime, ça se resserre, ça fuse en gerbes
caractéristiques de son monde (37). d'odeur et de son, et ça s'épanouit : abois de chien,
La sensibilité au cadre transparaît à toutes les porte qui claque, foule qui court, porc, gros canard
pages, mais la région n'est là que pour contraindre qui patouille la boue avec sa main jaune. Tout un
Mauriac à bien se souvenir, à bien noter les détails village passe dans la nuit. J'ai le temps d'entendre
significatifs, et pour l'aider à tirer, grâce à la un seau qui tinte sur le parquet, une poulie, un char,
complicité qu'il a établie avec les espaces de son une femme qui appelle; j'ai le temps de voir une
enfance, le maximum du jeu des correspondances petite fille comme une pomme, une femme les mains
qui peuvent s'établir entre les êtres et les choses. aux hanches, un homme blond et ça s'efface.
Le régionalisme de Giono est d'une autre Tout ça, c'était pur!
trempe. Le milieu auquel il s'attache est plus
enraciné que celui de la bourgeoisie des campagnes C'était une eau pure et froide que le gosier ne
bordelaises que peint Mauriac — un monde de s'arrêtait pas de vouloir et d'avaler; on en était tout
paysans, de bergers, de soldats — et c'est un tremblant; on était à la fois une fleur et on avait une
univers qui ne peut exister qu'entre Durance et fleur dans soi, comme une abeille saoule qui se
crêtes arides, sur les collines ou sur les plateaux roule au fond d'une fleur » (38).
que le soleil fait danser. Ce milieu n'est pas là Dans ce passage admirable, Giono révèle à la
fois ses aspirations profondes et pourquoi la
Provence des terres sèches lui est indispensable. Il
est des poètes pour parler le langage des fleurs. Lui
est de ceux qui connaissent le langage des hameaux
(34) Trigeaud (F.), 1974, « Itinéraires. François Mauriac en perdus, des crêtes décharnées, des corps modelés
Gironde ». Les Cahiers du Bazadais. Bazas, 130 p.
(35) Mauriac (F.), cité par Françoise Trigeaud, Itinéraires,
op. cit., p. 113.
(36) Ibidem, p. 113.
(37) Trigeaud (F.), « L'univers landais dans l'œuvre de
François Mauriac ». Itinéraires, op. cit., cf. p. 59-79. (38) Giono (J.), 1929, Un de Baumugnes.
72 Paul Claval

par les rythmes du travail, de la marche ou de la baignent gens et choses et qui transmet des
contemplation. Mais un tel secret ne se partage vibrations dans tous les sens » (43).
guère — ce qui laisse Giono isolé, sans postérité Dans une telle ambiance, le personnage, c'est
directe. Sa Provence, quand il n'est plus là pour la presque autant le pays, le milieu, que le héros. Cela
faire danser au soleil ou pour la courber sous la donne à ses géographies imaginaires une présence
dureté du vent froid et perçant cesse d'être une irréelle et prenante : « Ainsi rappelé à moi, je me
école des âmes — elle redevient une région comme souvenais brusquement de ce surnom très complai-
les autres. samment ironique de « Venise des Syrtes » qu'on
Julien Gracq tient une place singulière dans la avait donné à Maremma. L'image me revenait, qui
littérature actuelle — éminente, tant il apparaît m'avait souvent frappé sur les plans de la chambre
comme un des maîtres de la prose moderne, mais des cartes, d'une main aux doigts effilés qui
une place effacée, à force d'être discret et d'avoir s'avançait dans la lagune et figurait le delta instable et
fui les honneurs et la publicité. Sait-on que cet bourbeux d'un des rares oueds qui parviennent à la
écrivain fut un temps géographe ? (39) S'étonnera- mer des Syrtes. A une époque où les incursions des
t-on alors de la place singulière que tiennent le Farghiens rendaient la terre peu sûre, les colons de
paysage, la topographie, le milieu dans son œuvre ? la côte s'étaient réfugiés sur ces bancs de vases
Son monde évoque, par certains traits, celui du plates — le cours du torrent détourné pour arrêter le
fûdo japonais (40); c'est un univers où les êtres colmatage de la lagune, un canal avait décollé le
n'existent pas comme des entités isolées et sont delta de la côte à sa racine — Maremma comme
insaisissables hors du milieu qui les révèle : « Je me Venise s'était retranchée, avait largué ses amarres,
fais de l'homme l'idée d'un être constamment campée sur ses vases tremblantes, était devenue une
replongé : si vous voulez, l'aigrette terminale, la plus ville flottante, une main enchantée, docile aux
fine et la plus sensitive des filets nerveux de la effluves qui venaient d'au-delà de la mer » (44).
planète. Le côté fleur coupée du roman Gracq a besoin de ces espaces de bout du monde,
psychologique à la française me chagrine par là beaucoup. On de ces aires que viennent balayer des effluves du
ne sent pas assez autour de ses personnages le large, pour échapper au confinement qui le frappe
terreau, l'air mouillé, le chien et le loup, et surtout, dans la plupart des romans : « Et puis à lire ces
comme le dit un poète "le singulier silence de romans étouffants, d'où l'air libre et le monde
l'heure qu'il est". Ces personnages, je ne nie pas extérieur sont exclus, pleins à craquer d'une
l'intérêt de leur démontage. Mais, moi, la plante humanité aiguë et exagérée, et où on pénètre quelquefois
humaine m'intéresse beaucoup » (41). comme dans un wagon de métro à six heures du
Et cela se traduit par un souci quasi soir, ce qui me frappe, c'est une exclusion délibérée
géométrique de localisation, par un goût vif pour l'évocation et systématique. L'exclusion de cette espèce de
de la carte et des paysages — et par ces situations, mariage, mariage d'inclination autant et plus que de
La Presqu'île, Le Rivage des Syrtes, ou Un Balcon nécessité, mariage tout de même confiant,
en Forêt où la singularité des êtres et de leur destin indissoluble qui se scelle chaque jour et à chaque minute
est comme préfigurée et inscrite dans l'insolite de entre l'homme et le monde qui le porte, et qui fonde
la topographie. « Ce qui me fascine » a-t-il dit, « ce ce que j'ai appelé pour ma part la plante
n'est pas tellement l'en-face, c'est la lisière, la humaine » (45).
bordure d'une terre habitée, si vous voulez. Dans une littérature qui a mis, plus que d'autres,
Evidemment, les confins, c'est une région qui m'attire la réflexion morale et la dimension psychologique
beaucoup. La côte par rapport à la mer, la frontière au premier plan de ses préoccupations, la place
ici » (42). Et ailleurs : « Comme un organisme faite à la nature, à l'espace et à la région est
vivant, un roman vit d'échanges multipliés... Et nécessairement réduite. Il faut des circonstances
comme toute œuvre d'art, il vit d'une entrée en exceptionnelles pour les mettre soudain en pleine
résonance universelle. Son secret est la création lumière, comme à la fin du XIXe siècle. Mais
d'un milieu homogène, d'un éther romanesque où lorsque la conjoncture culturelle et politique qui
appelait le succès du roman régionaliste, à la fin du
siècle passé, s'est dissoute, l'habitude de faire du
cadre un des éléments-clés du récit ne s'est pas
perdue — soit qu'elle permette d'approfondir de
(39) Je suis, dans les lignes qui suivent, l'article de Jean- mille notations d'atmosphère, à la manière de
Louis Tissier, auquel j'ai emprunté les citations de Gracq.
Tissier (J.L.), 1981, « De l'esprit géographique dans l'œuvre de
Julien Gracq ». L'Espace géographique, vol. 10, p. 50-59.
(40) Berque (A.), 1978, « La notion de fûdo ». Mondes
Asiatiques, vol. 16, p. 289-309. (43) Cité par Jean-Louis Tissier, op. cit., p. 56.
(41) Gracq (J.), Préférences, 1961; texte cité par J.L. Tissier, (44) Gracq (J.), 1951, Le Rivage des Syrtes, cité par J.L.
op. cit., p. 55. Tissier, op. cit., p. 52.
(42) Cité par Jean-Louis Tissier, op. cit., p. 55; extrait d'un (45) Gracq (J.), 1961, Préférences, cité par J.L. Tissier, op.
entretien radiophonique réalisé par Julien Gracq en 1970. cit., p. 55.
Lectures 73

Mauriac, toute l'ambiance morale autour de à l'environnement que c'est à travers lui que
laquelle est bâtie l'intrigue, soit qu'à la façon de l'intrigue se noue. Les rapports des univers romanesques
Giono, la nature entière se voit chargée de traduire au cadre où ils se déroulent sont plus complexes,
la leçon de l'aventure, soit enfin qu'imitant Julien sans doute, qu'au siècle dernier — mais ils sont,
Gracq, les personnages s'intègrent si profondément malgré les apparences, plus profonds.

Lectures

Naissance de la revue « Mappemonde »

La création d'une revue est une dure entreprise. l'on approuve) peut se révéler « dangereux » dans
Félicitons les initiateurs de Mappemonde (1) nouvelle certains cas. La carte ne se suffit pas toujours à elle-même
revue de cartographie. Un vide vient d'être comblé : la et ne doit pas aboutir à une interprétation erronée du
cartographie thématique française a enfin une mode de représentation. Les recherches nouvelles en
publication. Elle porte un nom universel, comme le langage méthodologie cartographique doivent être accompagnées
auquel elle se réfère. Les Anglo-saxons vont devenir d'explications précises.
envieux et ce, d'autant plus que la revue est en couleur, On soulignera d'autre part que l'esthétisme
ce qui représente une grande première. graphique, lié à la palette très large des moyens techniques
La demande de cartes n'a jamais été aussi grande utilisés, ne doit pas donner lieu à des constructions
qu'aujourd'hui. Mappemonde souhaite être le moteur et d'images démodées, inefficaces (trop de paliers de
le miroir de ce mouvement en ouvrant largement ses couleurs) ou quelquefois fausses. Il est souhaitable, enfin,
pages à toutes les disciplines susceptibles de recourir à que la cartographie assistée par ordinateur tende vers un
la carte comme moyen d'expression privilégié et efficace. rendu graphique de bonne qualité pour ne pas lasser le
A travers les trois premiers numéros, on constate que lecteur.
les représentations cartographiques y apparaissent sous Mais ces défauts de jeunesse disparaîtront comme
des formes les plus diverses depuis la carte de type apparaîtront des articles de problématiques
classique jusqu'aux cartes par anamorphose, depuis cartographiques qui montreront que la carte n'est pas uniquement
l'utilisation des techniques manuelles jusqu'à la carte statistique et univariée et qu'à une question posée il peut
assistée par ordinateur. Saluons cet œcuménisme qui y avoir plusieurs réponses graphiques plus ou moins
permet à la cartographie de s'enrichir sans se renier et efficaces.
à tous les concepteurs de pouvoir publier dans une revue En conclusion, si la plupart des articles retiennent
de niveau international. l'attention, on soulignera de façon toute particulière les
Mais il est des imperfections inhérentes à la quelques essais de synthèse cartographique. Ces cartes,
nouveauté et à la jeunesse et qu'il est souhaitable d'atténuer, difficiles à concevoir, offrent dans Mappemonde un
voire de corriger. En tout premier lieu, nous sommes esthétisme graphique très épuré et très renouvelé qui
frappé par l'absence de repères géographiques sur les souligne d'autant la nouveauté de la revue à laquelle
cartes. Ce défaut nous semble d'autant plus important nous souhaitons un plein succès.— Michèle BEGUIN,
que l'éditorial du numéro un, auquel nous souscrivons Université de Paris-I.
dans sa totalité, montre à quel point la notion de repères
est fondamentale en cartographie. Or, sur les 29 articles
déjà publiés, seulement 10 présentent des cartes où
l'espace traité est identifiable par un lecteur non (1) Mappemonde. Revue trimestrielle de cartographie créée
géographe ou étranger. C'est trop peu. Par ailleurs, le parti pris par le GIP RECLUS (Montpellier). Directeur de la rédaction :
de publier des articles courts (que l'on comprend et que Robert Ferras; directeur de la publication : Roger Brunet.

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