Jousni – 2009-2010
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AVANT-PROPOS
Qu’est-ce que la littérature ? Quel est son rapport à l’auteur ? à la réalité ? au lecteur ? au
langage ? D’Aristote à Derrida, la question a, derrière les formes prises par ses diverses
déclinaisons, toujours la même pertinence.
Inséparable de la conception du texte qui l’informe, toute « théorie » sur la littérature est
aussi fille de l’Histoire. Cet enseignement vise à retracer les grandes étapes de la critique
littéraire, depuis sa première théorisation par les classiques grecs jusqu’à sa « remise en
cause » par la modernité et la post-modernité. Il prendra la forme d’un parcours
chronologique au cours duquel seront rappelés et interrogés les principaux concepts qui
permettent une réflexion sur la littérature, comme art ou comme technè, comme manifestation
et / ou comme vision du monde.
Définir ce qu’est la critique littéraire n’est pas aisé. Le terme est en effet source de
confusion, puisqu’il renvoie aussi bien :
à la critique journalistique (en anglais : les book reviews des journaux et magazines)
à la critique dite scientifique, qui répugne à porter des jugements (contrairement à la
critique journalistique) ; universitairement parlant, la critique littéraire recoupe toutes les
recherches sur la littérature, qui décrivent, analysent, interprètent, … et dépendent des
jugements littéraires des autres.
à la critique (littéraire) des écrivains, qui ont, en dehors de leur fiction, produit des essais
théoriques sur la littérature en général. On peut citer Proust (son célèbre Contre Sainte-
Beuve), E.M. Forster, Henry James, J.L. Borges, Valéry, Mallarmé… sans distinction de
période ou de nationalité ni langue d’expression.
Ce cours, « Texte et Critique du Texte », s’intéresse en priorité à la seconde catégorie, qui
fait partie des outils indispensables à tout chercheur rentrant dans le deuxième cycle des
études universitaires (celui du Master). Il concerne le domaine littéraire, même si bien
souvent, des parallèles peuvent être établis et si de nombreux outils critiques peuvent s’avérer
communs à la littérature, la civilisation et la linguistique1.
« Texte et Critique du Texte » est un cours divisé en deux parties, rédigées par deux
enseignants-chercheurs différents. Cette première partie, générique, va de l’antiquité à la
critique contemporaine, d’Aristote à Paul Ricœur. La deuxième partie, assurée par le Pr
Francine Maier, se concentre plus particulièrement sur le modernisme et le post-modernisme
(soit le structuralisme et ses dérivés ou ses avatars, de Roland Barthes à Jacques Derrida –
entre autres théoriciens). Les deux parties se complètent pour proposer un panorama des
principales écoles critiques / écoles de pensée qui permettent de lire – c’est-à-dire
d’interpréter – un texte littéraire.
Cet « avant-propos » se poursuit (des pages 2 à 7) par :
1. une bibliographie
2. une liste de « modèles » épistémologiques.
La première, qui n’est qu’indicative, constitue une base structurée qui doit vous permettre
de travailler individuellement, en fonction des connaissances que vous possédez déjà ET des
choix / orientations critiques que vous avez déjà effectués au cours de votre cursus.
La seconde, qui pourrait être considérée comme un plan de cours, reprend sous forme
thématique, l’essentiel de la bibliographie. Toutefois, les regroupements en rubriques peuvent
vous apparaître différents. Cela tient à ce que la première section (la bibliographie) est
1
Pour ces deux derniers domaines, deux cours distincts vous sont proposés Voir la dernière section du document
pour trouver réponse à vos questions concernant l’examen.
1
MASTER 1 – Fondamentaux 1 –Texte et Critique du Texte 1ère PARTIE– S. Jousni – 2009-2010
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exclusivement chronologique, tandis que la seconde opère des synthèses d’ordre plus
théorique. Néanmoins, les deux démarches se rejoignent, comme vous le constaterez à
l’examen des auteurs / théoriciens convoqués de part et d’autre.
La suite du cours, à partir de la page 8, est subdivisée en 5 sections : n° 1 = « D’Aristote à
Proust », n° 2 = « du formalisme russe au structuralisme », n° 3 = « de Bakhtine à
l’intertextualité » ; le cours n° 4 est consacré à Michel Foucault et, plus brièvement, à Gilles
Deleuze, le cours n° 5 à Paul Ricœur. La dernière section (cours ou section n° 6) comporte un
« bilan » sous forme parodique, des précisions concernant l’examen et quelques conseils
méthodologiques et / ou lectures complémentaires.
Je vous engage, si ce cours vous intéresse (il est à visée méthodologique et comme son
intitulé le précise, traite de notions théoriques fondamentales à ce stade de votre cursus), à
me communiquer votre adresse électronique, accompagnée de vos nom et prénom et, surtout,
de votre filière d’origine et de l’intitulé de votre Master – et si possible votre sujet de
recherche – à l’adresse suivante : stephane.jousni@univ-rennes2.fr. Je suis par ailleurs
disponible, dans mon bureau (L 112), aux heures de permanence affichées (ou sur rendez-
vous)2.
2
Attention, l’année universitaire n’étant pas encore commencée au moment où sont écrites ces lignes, les heures
de permanence ne sont pas encore indiquées ou, si elles sont indiquées, sont susceptibles d’être changées. Merci
de vérifier.
2
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I. BIBLIOGRAPHIE
Cette liste d’ouvrages de référence ne doit pas vous effrayer par sa longueur. Il ne
s’agit nullement là de vous prescrire TOUS les ouvrages qu’il FAUT absolument lire, mais de
vous présenter le panorama le plus large possible des grandes tendances en matière de
critique littéraire, à la fois sur un plan historique (diachronique) et théorique.
Cette bibliographie constitue déjà à elle seule, en raison de sa subdivision en
rubriques, une forme de « cours ». Cela dit, reportez-vous néanmoins, bien entendu, à la
section II. de cet envoi, qui retrace de façon commentée le parcours et les avatars de la
critique littéraire au fil des siècles.
Un certain nombre de ces ouvrages sont en anglais. Lorsqu’ils ont été traduits en
français, c’est l’édition française qui est ici répertoriée. Pour les autres, malheureusement
non traduits en français3, il en existe des résumés plus ou moins et plus ou moins vulgarisés,
disponibles sur divers sites Internet, entre autres celui de l’ Encyclopedia Universalis4.
I. OUVRAGES GENERAUX
Baldick, C., Criticism and Literary Theory, 1890 to the Present, London : Longman, 1996.
Gengembre, G., Les grands courants de la critique littéraire, Paris : Seuil, coll. Mémo, 1996.
Maurel, A., La critique, Paris : Hachette, coll. Contours littéraires, 1994.
Meschonnic, H., Modernité, Modernité, Paris : Verdier, 1988.
Selden, R., The Theory of Criticism, from Plato to the Present, London : Longman, 1998.
Tadié, J-Y., La critique littéraire au XX siècle, Paris : Belfond, coll. Agora, 1987.
Compagnon, A., Le démon de la théorie, Paris : Seuil, coll. Points Essais, 1998.
Auerbach, E., Dante, Poet of the Secular World, tr. R. Manheim, Chicago/ London : Chicago
U.P., 1961.
Bénichou, P. Morales du grand siècle, Paris: Gallimard, 1948.
Empson, W., Seven Types of Ambiguity, London, 1930.
Forster, E.M., Aspects of the Novel, London : E. Arnolds, 1927.
Leavis, F.R., The Great Tradition, London :Harmondsworth, Penguin, (1948) 1983.
Proust, M. Contre Sainte-Beuve, Paris : Gallimard, 1954.
Todorov, T. Critique de la critique, Paris : Seuil, 1984.
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Ducrot, O., Todorov, T., Dictionnaire encyclopédique des Sciences du langage, Paris : Seuil,
1972.
2. Le structuralisme
a. Narratologie
b. Stylistique et poétique.
c. Sémiologie
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2. La critique historiciste (=« New Historicism »), les « Cultural Studies », la critique post-
coloniale
Greenblatt, S., Redrawing the Boundaries, the Transformation of English and American
Studies, New York, 1993.
Meschonnic, H., De la langue française, Paris : Hachette, 1997.
Tylliard, E.M.W., The Elizabethan World Picture, London : Chattoo and Windus, 1943.
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Bhabha, H., (ed.), Nation and Narration, London : Routledge, 1990.
Loomba, A.., Colonialism/Postcolonialism, London: Routledge, 1998.
Mongia, P., (ed.), Contemporary Postcolonial Theory, London : Arnold, 1996.
Said E. The World, the Text and the Critic, 1983
Said, E., Representations of the Intellectual, 1994.
D. Autres voies
1. La critique thématique
Durand, G., Les structures anthropologiques de l’imaginaire, Paris : Bordas, 1960 (reed.
Donod, 1992).
Richard, J-P., Littérature et sensation, Paris : Seuil, coll. Points, 1954.
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2. La critique psychanalytique
a. Ouvrages généraux
b. Littérature et psychanalyse
3. La critique génétique
Iser, W., L’acte de lecture, théorie de l’effet esthétique, Bruxelles : Mardaga, 1985.
Jauss, H-R., Pour une esthétique de la réception, Paris : Gallimard, 1969.
Maingueneau, D., Pragmatique pour le discours littéraire, Paris : Hachette, 1992.
Picard, M., La lecture comme jeu, Paris : Minuit, 1986.
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Ce qui suit peut être considéré comme un « squelette » de cours, sous forme de plan
qui combine chronologie et théorie. Tout en s’inspirant de travaux personnels et collectifs
(laboratoires de recherche), il doit beaucoup - notamment sa structure en rubriques – aux
travaux d’Antoine Compagnon5 . Je rappelle ici ce que j’ai déjà indiqué dans l’« avant-
propos » : vous ne trouverez ci-dessous que les grands titres des différentes sections
correspondant aux grandes ‘étapes’ historiques de la critique littéraire depuis Aristote. Ce
sont aussi des formes de modèles scientifiques, d’où l’intitulé ci-dessus.
I. LA CRITIQUE LITTERAIRE
Définir ce qu’est la critique littéraire n’est pas aisé. Le terme est en effet source de confusion,
puisqu’il renvoie aussi bien :
à la critique journalistique (en anglais : les book reviews des journaux et magazines)
à la critique dite scientifique, qui répugne à porter des jugements (contrairement à la
critique journalistique) ; universitairement parlant, la critique littéraire recoupe toutes les
recherches sur la littérature, qui décrivent, analysent, interprètent, … et dépendent des
jugements littéraires des autres.
à la critique (littéraire) des écrivains, qui ont en dehors de leur fiction, produit des essais
théoriques sur la littérature en général. On peut citer Proust (son célèbre Contre Sainte-
Beuve), E.M. Forster, Henry James, J.L. Borges, Valéry, Mallarmé… sans distinction de
période ou de nationalité ni langue d’expression.
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Alors que les précédents modèles relevaient des trois paradigmes : explicatif / interprétatif /
analytique, le quatrième – et dernier en ce qui nous concerne- que l’on peut baptiser modèle
textuel relève de la textualité qui, en refusant l’histoire et l’herméneutique, se situe sur un
plan différent, qui s’intéresse moins aux textes réels qu’aux textes possibles.
Les concepts d’indéterminisme et les noms de Husserl, Nietzsche et Bloom seront
mentionnés, ainsi que ceux de Mallarmé et Barthes.
L’esthétique de la réception
A la question « comment faire de l’histoire littéraire après Heidegger ? » la théorie de la
réception met l’accent sur le lecteur, sa relation au texte et le procès de la lecture (Jauss).
La déconstruction : Derrida sera naturellement l’ « auteur-phare » en la matière6. Du
côté français, il faut aussi évoquer Maurice Blanchot.
Dialogisme et intertextualité : c’est l’œuvre de Bakhtine qui fournira l’essentiel de la
réflexion. En France, ses travaux ont essentiellement été transmis par l’intermédiaire
de Julia Kristeva.
Le féminisme : après l’œuvre séminale de Simone de Beauvoir (Le Deuxième Sexe),
Julia Kristeva, Hélène Cixous et Luce Irigaray continuent la réflexion en ce sens. Du
côté anglo-saxon (c’est-à-dire eu côté de ce que l’on nomme les gender studies), les
noms à retenir sont ceux d’Elaine Showalter ou de Toril Moi.
Le matérialisme culturel : sous cette appellation quelque peu générique sont
regroupées les théories essentiellement anglo-saxonnes qui, sous la bannière de
Greenblatt aux Etats-Unis ou d’Althusser en France, créent le courant néo-historiciste
qui se déclinera plus tard en cultural studies ou en études post-coloniales.
6
Il ne sera pas traité ici, mais par M. Maïer, dans un cours séparé et néanmoins complémentaire de celui-ci.
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III. COURS
N° 1 : D’ ARISTOTE À PROUST
Selon Derrida, « [u]n texte n’est un texte que s’il cache au premier venu la règle de sa
composition, la loi de son jeu ». C’est cette « vérité » qui fait toute la justification de ce que
d’aucuns appellent, à juste titre, « l’herméneutique » du Texte, laquelle vise à pénétrer les
secrets de l’écriture, le mot ‘secret’ devant être pris non dans son sens théologique mais dans
celui de synonyme de plaisir.
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Plan =
1. Aristote en opposition à Platon
2. Proust et son Contre Sainte-Beuve
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Entre ces deux pôles de la chronologie (Aristote d’un côté, Proust de l’autre) sur lesquels nous
allons insister plus particulièrement, quatre grandes périodes se font jour :
de la Renaissance jusqu’au XVIIe inclus : c’est la période des classiques, dont la référence
majeure reste Aristote.
le XVIIIe : la rationalité du siècle des Lumières, héritière du cogito de Descartes, consacre
l’essai, plus particulièrement philosophique, considéré comme le genre noble par excellence,
contrairement à la fiction romanesque, ou même poétique.
le XIXe marque l’avènement des Romantiques, qui instaurent le primat (lyrique) du sujet.
Cette période court jusqu’à Taine, Lanson et Sainte-Beuve, tenants de ce que l’on appellerait
aujourd’hui la critique biographique (‘l’œuvre c’est l’homme’), au sens le plus étroit du terme
I. ARISTOTE
Dans l’Antiquité, deux visions de la littérature s’affrontent :
1. Celle de Platon (428-348 BC) : pour le philosophe, l’artiste est l’imitateur d’une
imitation / l’art imite un objet matériel qui est lui-même une copie de l’idée de la chose
(mythe de la caverne). La connotation est plus ou moins négative, même si le poète reçoit
l’inspiration directement de ‘Dieu’. Le concept fondamental est celui de l’essence
2. Celle d’Aristote (384-322 BC). Elève de Platon (de 367 à 347), Aristote est le premier
à élaborer une réflexion théorique qui vise à orienter la pratique du poète. Voir son œuvre La
Poétique. Concept-clé = mimesis = faculté humaine fondamentale de médiation (même si
elle est complexe) de la réalité. L’art doit correspondre à la vie et atteindre à un certain ordre
structuré. Le poète vise l’universel et le général. Autre concept-clé = catharsis (création d’une
intensité dramatique maximale pour impliquer le public / subjectivité sollicitée pour
identification avec les personnages en vue de purification des passions).
La Poétique d’Aristote = création d’un métalangage destiné à définir l’art (de l’écrit) de
façon objective. Aristote définit trois grands genres : lyrique, épique, dramatique. L’attitude
est prescriptive : la notion de norme prévaut et il n’est pas admissible d’y déroger.
(Tome 1 la Tragédie / Tome 2 la Comédie- Lire ou relire le roman d’Umberto Eco, Le
Nom de la Rose, qui base une partie de son intrigue policière sur la recherche du tome 2
disparu)
II. PROUST
Dans son célèbre essai Contre Sainte-Beuve7, Proust prend parti de façon extrêmement
virulente contre ce qu’il appelle la « méthode Sainte-Beuve », héritière des modèles de
critique extrinsèque, qui « expliquent » l’œuvre par la personnalité de son auteur et ses
7
M. Proust, Contre Sainte-Beuve, Gallimard, coll. Folio-essais, 1954. Les références de pages données ici
correspondent à cette édition.
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conditions d’émergence (sociales, personnelles). Voici la manière dont Proust résume ladite
méthode :
La littérature, disait Sainte-Beuve, n’est pas pour moi distincte ou du moins, séparable du
reste de l’homme et de l’organisation. On ne saurait s’y prendre de trop de façons et de trop
de mots pour connaître un homme, c’est-à-dire autre chose qu’un pur esprit. Tant qu’on ne
s’est pas adressé sur un auteur un certain nombre de questions et qu’on n’y a as répondu, ne
fût-ce que pour soi seul et tout bas, on n’est pas sûr de le tenir tout entier, quand même ces
questions sembleraient les plus étrangères à la nature de ses écrits : Que pensait-il de la
religion ? Comment était-il affecté du spectacle de la nature ? Comment se comportait-il sur
l’article des femmes, sur l’article de l’argent ? Etait-il riche, pauvre ; quel était son régime,
sa manière de vivre journalière ? Quel était son vice ou son faible ? Aucune réponse à ces
questions n’est indifférente pour juger l’auteur d’un livre et le livre lui-même, si ce livre
n’est pas un traité de géométrie pure, si c’est surtout un ouvrage littéraire, c’est-à-dire où il
entre de tout. (p. 126)
L’œuvre de Sainte-Beuve n’est pas une œuvre profonde. La fameuse méthode, qui en fait,
selon Taine, selon Paul Bourget et tant d’autres, le maître inégalable de la critique du XIXe,
cette méthode, qui consiste à ne pas séparer l’homme et l’œuvre, à considérer qu’il n’est pas
indifférent pour juger l’auteur d’un livre, si ce livre n’est pas un « traité de géométrie pure »,
d’avoir d’abord répondu aux questions qui paraissent le plus étrangères à son œuvre, à
s’entourer de tous les renseignements possibles sur un écrivain, à collationner ses
correspondances, à interroger les hommes qui l’ont connu, en causant avec eux s’ils vivent
encore, en lisant ce qu’ils ont pu écrire sur lui s’ils sont morts, cette méthode méconnaît ce
qu’une fréquentation un peu profonde avec nous-mêmes nous apprend : qu’un livre est le
produit d’un autre moi que celui que nous manifestons dans nos habitudes, dans la société,
dans nos vices. (p. 126-127 –suite)
Et pour ne pas avoir vu l’abîme qui sépare l’écrivain de l’homme du monde, pour
n’avoir pas compris que le moi de l’écrivain ne se montre que dans ses livres, et qu’il
ne montre aux hommes du monde (…) qu’un homme du monde comme eux, il
inaugurera cette fameuse méthode qui selon Taine, Bourget … est sa gloire et qui
consiste à interroger avidement pour comprendre un poète, un écrivain, ceux qui
l’ont connu, qui le fréquentaient, qui pourront nous dire comment il se comportait sur
telle ou telle chose, c’est-à-dire précisément sur tous les points où le moi véritable du
poète n’est pas en jeu.
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COURS N° 2
LE FORMALISME RUSSE
Prône l’analyse formelle. C’est « l’Ecole de Moscou » dans les années 1915-1916.
Linguistes et poéticiens avaient entrepris étude systématique de la littérature. Viktor Chlovsky
(1917 : publication de son célèbre article « L’art comme procédé »). L’accent est mis sur la
littérature comme ensemble de procédés formels. Les formalistes nient la dimension
représentative ou expressive de la littérature, dénonçant l’humanisme lié à la croyance en
8
Voir l’ouvrage de Jakobson : Questions de Poétique, Seuil, 1973.
9
R. Barthes, L’aventure sémiologique, Seuil, coll. Essais, pages 329 à 359.
11
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1. externe à la France : R. Jakobson. Il fonde dans les années 26-39, « l’école » / « le cercle »
linguistique de Prague). Lien entre l’analyse formelle et le linguistique = Essais de
Linguistique Structurale (1963), Questions de Poétique (1973 / cf « Les Chats »).
Rappel : théorie des fonctions du langage, fondée sur théorie de la communication. Jakobson
dénombre 6 fonctions : référentielle (dénotative) / expressive (émotive) / conative (orientée
vers le destinataire) / phatique (destinée à maintenir ou interrompre la communication) /
métalinguistique (le langage qui parle du langage –scientifique, épistémologique-) / poétique
(vise le message en tant que tel, le langage qui attire l’attention sur lui-même –esthétique-)
LE STRUCTURALISME
10
Encore une fois, ainsi résumés, les principes du formalisme peuvent apparaître schématiques, voire
caricaturaux. Il faut bien comprendre que tout cela n’est pas vu en termes absolus, mais comme un système
relationnel changeant dans l’histoire.
12
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Conclusion = des deux côtés de l’Atlantique (sauf en France malgré l’œuvre critique
d’un Paul Valéry, par exemple) l’ insistance est mise sur le langage par opposition à tout
autre paramètre constitutif de la littérature.
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Application 1. = « Les Chats », poème de Baudelaire, analysé par Jakobson et Levi-Strauss
en196211.
Critique par M. Riffaterre (article célèbre de 1972) qui reproche à Jakobson et Lévi-
Strauss de négliger la pertinence esthétique des propriétés mises en évidence par l’analyse.
Exemple : le cas de l’examen des variations infimes dans la distribution des voyelles liquides
à l’intérieur de certains vers / comme constituant une correspondance formelle à certains
développements thématiques.
---
ROLAND BARTHES (1915-1980)
Il conduit à bouleverser la critique littéraire et pousse dans ses conséquences le
formalisme naissant (à la fin du règle de Lanson) qui était à l’origine de l’orientation prise par
la critique en France jusque dans les années 60 (malgré des gens comme Proust ou Valéry plus
proches du formalisme, on en est resté à l’histoire littéraire, à la division en genres et écoles,
et à la critique biographique). Barthes dénonce la prétention de l’histoire littéraire à dire la
vérité sur l’œuvre par imposition d’un sens unique que les moyens de l’exégèse historique,
philologique et biographique permettraient de découvrir.
Citation clé :
Le problème, du moins celui que je me pose, est en effet de parvenir à ne pas réduire le Texte
à un signifié, quel qu’il soit (historique, économique, folklorique ou kérygmatique), mais à
maintenir sa signifiance ouverte. In Analyse structurale et exégèse biblique, 1972.
L’auteur n’est plus tenu comme origine de l’œuvre, il tisse des chaînes de discours qui
s’entremêlent dans l’œuvre (étymologie du mot texte = tissu)
---
Application 2. « La Vérité sur le cas de M. Valdemar » (titre original = « The facts in the case
of M. Valdemar », Edgar Allan Poe, 1845): Barthes passe de l’analyse structurale (type
Jakobson) à l’analyse textuelle proprement dite.12
COURS N° 3
11
Voir bibliographie.
12
Le texte de cet article de Barthes (1973) est reproduit dans L’aventure sémiologique (Seuil, coll. Points Essais,
1985, pages 329-359), ouvrage cité dans la bibliographie.
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réflexion globale sur le statut de l’œuvre littéraire ; classification des différents types de
fictions- cf Empson -1930, classification des diverses formes d’ambiguïté poétique)
sémiotique et sémiologie : Umberto Eco / Greimas / Barthes // Culler –Lodge - Sontag
dans le « post-structuralisme » on trouve : la déconstruction / l’intertextualité / le post-
modernisme (Jacques Derrida, Gilles Deleuze, Julia Kristeva, Frank Kermode, Philippe
Sollers, Philippe Lyotard …)
---
Influence grandissante de la philosophie sur la critique (Paul Ricoeur, Gilles Deleuze, Jacques
Lacan, Michel Foucault- cf infra, cours n° 4).
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La popularisation de Bakhtine se fera en France entre autres par Julia Kristeva qui en
développera le concept d’intertextualité.
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Application : Gillermo CABRERA INFANTE (auteur cubain, 1929-2005)
Ex. de La Havana par un Infante Difunto : dans ce titre (roman publié en 1979),
l’intertextualité est à la fois musicale, avec l’écho au titre de l’œuvre de Maurice Ravel,
Pavane pour une infante défunte, et littéraire, dans sa veine autobiographique puisque
l’« Infante » difunto dont il est question n’est autre que l’auteur lui-même, bien sûr.
Ex. de Tres Tristes Tigres (ce roman, publié en 1965, est un festival de références littéraires
à des auteurs multiples et de nationalités variées, dont Lewis Carroll, Joyce, Faulkner,
Hemingway mais aussi Marcel Proust, le portugais Fernando Pessoa, ou encore les principaux
romanciers et poètes cubains).
Parmi les auteurs favoris de Cabrera Infante, se trouve Lewis Carroll, dont l’épigraphe de
Tres Tristes Tigres reproduit cette phrase, tirée de Alice au Pays des Merveilles: « Elle essaya
même de s’imaginer à quoi peut ressembler la flamme d’une chandelle quand la chandelle est
fondue ». Ce roman extrêmement « polyphonique » comporte aussi, entre autres prouesses
formelles : une page – de droite – écrite à l’envers (image miroir de la page de gauche
imprimée en regard, autre hommage à L. Carroll et au passage d’Alice « de l’autre côté du
miroir ») / un segment imprimé en forme de calligramme (encore une fois, hommage à
Carroll- cf le poème en forme de queue de souris) / une double page noire (elle figure
l’évanouissement du personnage-narrateur et fait référence à l’existence, dans l’œuvre de
Laurence Sterne The Life and Opinions of Tristram Shandy, Gentleman – 1768-, d’une page
noire destinée à signifier la mort de l’oncle du héros.)
Quelques extraits :
« La seule chose que je sais 13 c’est que je m’appelais souvent Bustrophoton ou
Boustrophotomaton ou Busneforoniepece, et Silvestre était Bustrophénix ou Bustrophélice ou
Bustrofitzgeneral […] Buonofarniente, BusnofaitDante, Bustopédante, Bustopétant,
Bustopétard, Bustofêtard, Bustoféérique, Bustoféroce : toutes variantes qui marquaient les
variations de l’amitiés : des mots comme un thermotsmètre14 […] » (3TT, 215-216)
15
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Ouvrages principaux :
Histoire de la Folie à l’âge classique (1961)
Les Mots et les Choses (1966) + L’ordre du discours (1971 = Leçon inaugurale au
Collège de France) = plus partic. sur le langage donc utile dans une perspective de
critique litt. au 1er degré. Dans la même perspective : l’Archéologie du Savoir (1969)
Surveiller et Punir (1975)
Histoire de la sexualité : 3 tomes : La Volonté de savoir (1976) / L’usage des plaisirs
(1984) / Le souci de soi (1984)
Les Mots et les Choses : « livre par lequel le scandale ‘anti-humaniste’ arriva ».
Description des déterminations formelles qui organisent secrètement le savoir. L’homme (ne
pas confondre avec les hommes comme espèce vivante) est un simple « pli historique » formé
par les savoirs, appelé à se défaire, à disparaître devant l’avènement du langage comme
nouveau déterminant universel de la pensée : tout est langage, échange de signes,
communication…
« Finalement, la seule patrie réelle, le seul sol sur lequel on puisse marcher, la seule maison
où l’on puisse s’arrête et s’abriter, c’est bien le langage, celui qu’on a appris depuis
l’enfance ».
On a fait de Foucault le chantre de la mort de l’homme ; le jugement est à affiner : anti-
humaniste peut-être, mais défenseur de l’individu assurément.
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Grandes étapes d’une pensée en mouvement, qui a évolué au fil de ses recherches et se
présente avant tout comme non figée :
1. Démédicaliser la maladie. Médicalisation et pouvoir médical : insistance sur la
médecine. Pas science méd. comme objet d’une archéologie du savoir, mais réflexion sur le
pouvoir de la médecine. (Histoire de la folie) : comment est-on passé de l’expérience
médiévale humaniste de la folie à notre expérience ‘moderne’, qui confine la folie dans la
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2. L’humanisme en question : les années 60s sont les années du langage, de la Littérature, les
années structuralistes, celles de Les Mots et les Choses (au cœur de l’actualité qui est alors
celle du structuralisme, des sciences de l’homme, Dumézil, Lévi-Strauss, Lacan, Althusser,
Barthes, la nouvelle vague, le nouveau roman…). Foucault entreprend une exploration
systématique de l’expérience littéraire moderne et contemporaine. Essais littéraires sur
Bataille, Blanchot, Raymond Roussel. Foucault pense l’écriture mais aussi la peinture comme
acte philosophique. Littérature (La Bibliothèque Imaginaire). Placée sous le signe de
l’éclatement, de la dispersion, de la réflexivité. Circulation sans fin des discours (précède de
peu Derrida). Pas de vérité, pas de Sens (unique) : plus de parole première à interpréter ou à
traduire, mais une circulation indéfinie dans une Bibliothèque fantasmagorique. « La
modernité comme anti-Renaissance ».
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que la ‘répression’ de la sexualité (l’interdit, les tabous sociaux) était en train de céder devant
les audaces des générations nouvelles (utopie de la ‘libération sexuelle’).
pour conclusion: l’œuvre de Foucault est beaucoup moins univoque que l’image qu’on en
donne généralement, plus « en mouvement », plus opaque, avec certes une filiation
nietzschéenne mais aussi l’influence de Bataille. C’est une œuvre surréaliste autant
qu’anarchiste, « toutes faces sombres peu propice à la domestication académique ».
Œuvres :
Différence et répétition (1967)
Logique du Sens (1969)
Vaste critique du lacano-freudisme avec l’Anti-Œdipe (1972 + F. Guattari), très polémique
Mille Plateaux (1980, + Guattari)
L’abécédaire : ed. Montparnasse, mars 2004. Entretien-fleuve (enregistrement pour la TV)
réalisé sous condition de diffusion seulement après sa mort (suicide en 1995)
Kafka, pour une littérature mineure (+ F. Guattari) ; ed. Minuit, 1989. / hyps que la lecture de
Kafka comme tragique est un non-sens. Au contraire, K. = lieu d’élection de la dérision de
l’humour, du rire franc même…
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Paul Ricœur, lui aussi (comme Foucault, ou Derrida, dont il n’est pas question ici 16),
appartient à cette même catégorie, celle des penseurs de la littérature influencés par la
philosophie en tant que discipline. Si un Foucault par exemple était au croisement de
l’Histoire et de la Philosophie, Ricoeur est au croisement de la Linguistique et de la
Philosophie.
Si Michel Foucault était un « anti-humaniste » -au sens où il diagnostiquait la mort de
l’homme, l’homme étant un « accident » de l’Histoire parmi d’autres (voir sa conception du
Sujet ; ne pas oublier pour autant son caractère de défenseur de l’individu, P. Ricœur est lui,
un Humaniste. En ce sens, il est étranger aux préoccupations du structuralisme. Ricœur est
difficile à enfermer dans un courant précis : il est attentif à la littérature aussi bien qu’aux
sciences humaines.
Le christianisme (la revue Esprit – E. Mounier / Gabriel Marcel), la phénoménologie,
l’herméneutique, la psychanalyse, la linguistique et l’histoire ont, dans des proportions
variables, contribué à la formation de sa pensée. Le christianisme est pour lui une réflexion
philosophique faisant une place centrale à la question religieuse sans pour autant renoncer à la
rigueur conceptuelle. La phénoménologie : il retient les enseignements de Husserl (qu’il a
traduit pendant ses années de captivité entre 19442 et1945) et de Carl Jaspers.
Les deux courants se marient pour donner à ses inquiétudes de chrétien préoccupé par le
thème de la faute une réponse digne des exigences de la méthode phénoménologique.
Il écrit une vaste « Philosophie de la volonté » : le 1er tome paraît en 1949, les 2 autres, réunis
sous le titre de Finitude et Culpabilité, paraissent en 1960. Parmi les questions posées :
comment peut-on vouloir le mal ? Qu’est-ce que la mauvaise foi ? quel est le sens d’un acte
involontaire
15
Pour ceux que ça intéresse et qui n’arriveraient pas à se connecter sur le site du Monde (l’article en son entier
est payant), je peux faire une photocopie : il suffit dans ce cas de me fournir une adresse postale.
16
Le philosophe Jacques Derrida est traité dans la partie du cours assurée par Mme Francine Maïer, partie qui
vient en complément de celle-ci.
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contestable, celle d’une « juste » mémoire, que Ricœur appelait plus ou moins de ses vœux –
qui en jugerait ?- Il reste que le trouble suscité par cette réflexion est indéniable et même
légitime : songeons à la terrible pertinence de cette peur qu’évoquait en lui « l’inquiétant
spectacle que donne le trop de mémoire ici, le trop d’oubli ailleurs ».
En conclusion, on peut dire que Paul Ricœur aura incarné les déchirements de la pensée
humaniste depuis le début du XXè. Son authenticité tragique est un témoignage exemplaire
sur la crise de notre modernité.
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Voir également, dans la série des « Rétrolectures » que le journal Le Monde a consacrées cet
été 2008 à un certains nombre d’ouvrages de penseurs phares des vingt et vingt-et-unième
siècles, l’édition du vendredi 22 août 2008, consacrée à La Mémoire, l’Histoire, l’oubli
(Rétrolecture 2000, page 14)17.
17
A ceux que ça intéresse et qui n’arriveraient pas à se connecter sur le site du Monde (l’article en son entier est
payant), je peux faire une photocopie : il suffit dans ce cas de me fournir une adresse postale.
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SECTION n° 6 : ANNEXES
I. POUR L’EXAMEN
Cet enseignement, dont le code est C0A7M1, fait partie des « fondamentaux » de M1, Master
première année, regroupés sous le code C0A7M. Ils sont « mutualisés » pour l’ensemble de
l’UFR Langues, c’est-à-dire communs aux anglicistes, bretonnants et celtisants et aussi aux
germanistes, langues romanes…C’est la raison pour laquelle il est rédigé en français, langue
commune de toutes nos disciplines. C’est aussi la raison pour laquelle le français est la langue
de composition à l’examen.
Les « Fondamentaux », divisés en trois sous-enseignements (Textes et Critique du Texte
-C0A7M1- pour la littérature, La Civilisation entre Culture et Histoire – C0A7M2 – … pour
la civilisation et Théories du Langage – C0A7M3 – pour la linguistique 18) donnent lieu pour
l’examen à une seule épreuve (terminale donc, en fin de semestre; elle est de 2h). Il est
procédé à un tirage au sort entre les trois composantes littérature / civilisation / linguistique. A
titre d’exemple(s), voici des possibilités de sujet 19 :
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A. Vous composerez sur l’un des deux sujets suivants :
1. Quels sont les apports du structuralisme à la critique du texte ? Tentez de les définir à
la fois par rapport à la critique traditionnelle et par rapport au post-structuralisme.
(sujet F. Maier)
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3°) En quoi la critique littéraire américaine a-t-elle été influencée par « l’école française » à
partir de la fin des années (mil neuf cents) soixante-dix ?
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D. Quelques « perles » et leur « décryptage
Sur des penseurs / théoriciens :
Lévi-Stauss (il était demandé de situer l’individu dans son époque et son contexte
politique et épistémologique)
« déporté / camps de concentration / livre sur Auschwitz » (sic) …
Lévi-Strauss a été confondu avec l’écrivain italien Primo Levi, qui fut effectivement interné à
Auschwitz et écrivit un livre de témoignage bouleversant sur les camps de la mort (« Si
Questo è un Uomo »). P. Levi s’est suicidé en 1987). Quant à Claude Lévi-Strauss, il était
certes vivant (il l’est toujours !) et actif dans ces années-là, mais jusqu’en 45-46, il était
enseignant aux Etats-Unis.
« contexte politique = début du XXè. La IIIè république en France est à ses débuts.
L’entrée de cette république dans le XXè est marquée principalement par la séparation de
l’Eglise et de l’Etat en 1905, effectuée sous l’impulsion du Premier ministre de l’époque,
Emile Combes » (sic.). Visiblement, l’auteur de la copie a « recraché » là un fragment de
cours, mais lequel ???
Saussure
« L’œuvre littéraire est, selon Saussure, structurée comme un langage. » La confusion est
totale entre Saussure et Lacan. C’est Lacan qui a défini l’inconscient comme étant « structuré
comme un langage ». Que « l’œuvre littéraire » soit structurée comme un langage …est à la
fois un truisme et une absurdité : elle n’est pas « comme » du langage, elle est du langage !!!
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II. GLOSSAIRE
Voici quelques définitions des termes scientifiques les plus couramment employés dans ce
cours et qui pourraient néanmoins demeurer obscurs. La liste, bien évidemment, est loin
d’être close. Beaucoup de ces termes sont issus du lexique de la philosophie (au sens le plus
large du terme) et vous pouvez, si nécessaire, consulter les ouvrages de vulgarisation qui s’y
rapportent. A titre d’exemple : Le Monde de Sophie (best seller du philosophe norvégien
Jostein Gaarder en 1991, tr. fr. 1995 aux éd. du Seuil) / les ouvrages du philosophe Michel
Onfray / les « hors série » du Point de ces 3 dernières années, consacrés aux « Texte
Fondamentaux ». Dans cette dernière catégorie, sont particulièrement utiles les rappels fournis
dans :
« Les textes fondamentaux de la pensée antique » (Aristote, Epicure, Platon), juillet-août 2005
« Les textes fondamentaux de la psychanalyse » (Freud, Ferenczi, Klein, Lacan), mars-avril
2006,
« Les textes fondamentaux de la philosophie moderne » (Spinoza, Kant, Hegel), sept.oct.
2006,
« Mythes et mythologies, les grands textes commentés » ((Œdipe, Sisyphe, Icare), juillet-août
2007,
« Les textes fondamentaux et leurs commentaires » (Nietzsche, Schopenhauer, Kierkegaard),
sept.oct. 2007.
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catharsis : un des concepts clés de la Poétique d’Aristote. La catharsis est la création d’une
intensité dramatique maximale destinée à impliquer (subjectivement) le public dans une
identification avec les personnages (c’est le versant créateur de l’imitation, la purgation des
passions). En dehors du vocabulaire théâtral, ce terme renvoie à une lecture psychanalytique
(freudienne) d’un événement ou de relations inter-personnelles.
critique génétique : ce type de critique privilégie l’étude des sources, des brouillons, des
‘premiers jets’/ ‘premières moutures’ des œuvres, des manuscrits au sens physiques du mot,
pour analyser une œuvre / un texte. A titre d’exemple, Stephen Hero, de James Joyce, permet
en tant que « première version » de mieux cerner certaines des caractéristiques stylistiques du
Portrait of the Artist as a Young Man. Stephen Hero est cependant à part en ce sens qu’il a été
bel et bien publié (sous cette forme, avec ce titre). La critique génétique s’intéresse aussi à
tous ces états « non fixés » d’un manuscrit qui laissent voir les étapes de la création / les
modifications apportées par l’auteur, parfois à la dernière minute, etc.
dialogisme : voir le cours sur M. Bakhtine. Le terme renvoie au « dialogue » implicite
qu’entretient une œuvre avec les œuvres précédentes qui l’informent, la traversent, auxquelles
elle fait référence : en la critiquant, la citant, la parodiant, etc.
doxa : terme grec. = opinion commune, idée reçue. La racine est présente dans les adjectifs
‘orthodoxe’ (= qui rentre dans le cadre des idées pré-établies) / ‘paradoxe’ (à l’inverse : qui va
à l’encontre, « à côté » des idées communément admises).
épistémologie : du grec épistémé (science) et logos (discours sur ~ / étude de ~) : en
philosophie, désigne l’étude des sciences, destinée à déterminer leur origine logique, leur
valeur et leur portée.
exégèse : littéralement « interprétation philologique et doctrinale d’un texte, dont le sens, la
portée, sont obscurs ou sujets à discussion ». Synonyme de « commentaire », de « critique ».
On parle par exemple d’« exégèse biblique » pour désigner telle ou telle interprétation –
argumentée – de la Bible.
fonctions (du langage) : Selon Jakobson (dans Essais de linguistique structurale -1963- ou
Questions de poétique -1973-), elles reposent sur une théorie de la communication (qui
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l’autre et le texte inscrit la présence de l’autre dans le discours du sujet ; l’œuvre est donc
comme un dialogue, une.. ; « polyphonie », dans laquelle l’auteur de dérobe puisque plusieurs
discours – y compris contradictoires- s’y tiennent.
post-modernisme (englobe le post-structuralisme) : globalement, renvoie à une remise en
question radicale de la clôture du sens. Influence de Derrida (en particulier La grammatologie,
L’écriture et la différence). Derrida dénonce le primat de l’écriture sur la parole ; pour lui et
les « post-modernistes » le signifiant renvoie toujours à un autre signifiant et non à une réalité
externe (le « signifié ») qui n’est qu’une illusion. Il n’y a rien en dehors du texte (cf. la célèbre
maxime derridienne : « il n’y a pas de hors-texte »), le langage ne peut pas nous conduire en
dehors de lui-même, il ne renvoie qu’à du langage. Aucun métalangage, la philosophie par
exemple, ne peut faire autorité. Il n’y a pas de plénitude, pas de coïncidence du signe et de la
signification, pas de garantie de sens stable. Le langage nous entraîne dans le jeu infini des
signifiants, et le sens est toujours différé, inépuisable.
sémiotique-sémiologie : science des signes. Le discours est conçu comme une totalité
signifiante. Le sens naît de l’agencement de signes dans le texte. La discipline, héritière de la
linguistique et du structuralisme, s’intéresse aux significations construites par le texte qui
échappent au contrôle de l’auteur (notamment l’idéologie, ou des significations personnelles,
à la mise en relation de réseaux de signifiants discrets…). Elle remet radicalement en question
la notion de clôture de l’œuvre pour insister sur la plurivocité des textes. Voir R. Barthes et
aussi Umberto Eco, en particulier L’œuvre ouverte.
structuralisme :voir cours n° 1 et n° 2 et l’importance de la notion de structure
téléologie : Terme philosophique. Etude de la finalité. Science des fins de l’homme. (voir
Hegel, Spinoza, Bergson, Ricœur )
texte – textualité : c’est Barthes qui le premier, rappelle l’étymologie du texte (du verbe latin
tisser). Le texte est donc littéralement un « tissu », c’est-à-dire un entrelacs complexe de fils.
(in l’Aventure sémiologique- cf. Bibliographie)
--------
NB Aucun glossaire, comme aucun « dictionnaire » ne peut prétendre à l’exhaustivité. Il est
néanmoins possible de le compléter. Selon les demandes que certains pourraient m’adresser,
je peux être amenée à l’étoffer. Mais le plus gros du travail, celui de lecture, de
compréhension et d’assimilation, ne peut venir que de vous. Ce n’est qu’à cette condition
que vous pourrez utiliser à bon escient les concepts de X ou Y et vous en servir avec
pertinence comme outil / grille de lecture.
------
En guise de conclusion, vous trouverez ci-dessous une parodie qui éclairera peut-être certains
aspects du cours.
III. PARODIE
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Le texte qui suit est une parodie d’initiation aux méthodes critiques 21. Il prend pour
support la comptine populaire bien connue, intitulée « Une poule sur un mur », qui se chante
(ou décline) comme suit :
7 écoles critiques (les principales sont passées en revue) sont ensuite utilisées comme
« grille de lecture » permettant de décoder (donc d’interpréter) le « message » contenu dans la
comptine. Le tout est exclusivement parodique mais demeure extrêmement pertinent ; et la
parodie est d’autant plus efficace que les arguments même qui sont parodiés sont maîtrisés et
fort judicieusement utilisés.
1. L’Histoire Littéraire Traditionnelle22 nous enseigne qu’il s’agit là d’un texte relevant du
genre comptine, encore vivace chez les enfants des écoles maternelles. La comptine est un
poème bref, au rythme saccadé, à la conclusion stéréotypée, peu propre à l’expression de
l’effusion lyrique.
2. La Recherche des Sources (Quellenforschung)23 nous permettrait de considérer sous un
nouvel éclairage le drame de Claudel, Le Pain dur, et la nouvelle de Sartre, Le Mur24.Le
dernier vers, particulièrement pathétique, a pu dans le domaine plastique, inspirer le célèbre
tableau de Greuze, Le Fils ingrat.
3. L’Ethnographie nous invite à considérer ce texte comme une formule magique destinée à
la désignation d’un membre du groupe à l’égard duquel va s’exercer un rite d’exclusion en
vue, par exemple, d’un sacrifice humain25.
4. Le Structuralisme : Roman Jakobson et Claude Lévi-Strauss nous donnent les moyens
d’une approche entièrement nouvelle et particulièrement enrichissante du texte. 26 Ils
aboutissent aux résultats suivants : le poème peut être considéré comme un objet absolu dans
la mesure où il forme un tout 27 de quatre vers nettement différenciés, tant sur le plan formel
21
Il s’agit d’un pastiche réalisé par des étudiants de la Sorbonne dans les années mil neuf cent soixante-dix. On
peut le retrouver sur le web à l’adresse suivante http://perso.orange.fr/listephilo/humour20.html (dernière
consultation septembre 2007). En introduction, ce canular extrêmement bien fait précise : « Nous nous
permettons de soumettre à nos lecteurs un textes, bref mais suggestif, dans lequel quelques étudiants (…) de
l’université de Paris I ont résumé les connaissances qu’ils avaient acquises, en même temps qu’ils marquaient
leurs distances par rapport à ce savoir. Toutefois, [l’on] ne saurait garantir l’exactitude des références,
notamment bibliographiques, qui sont ici indiquées. »
22
Il s’agit du courant qui prévalait jusqu’à la fin du XIXe et dont les principaux tenants sont alors Gustave
Lanson, Hyppolite Taine, Sainte-Beuve (cf. cours n° 1.)
23
Le terme allemand est juste, ET utilisé dans ce qu’on appelle aujourd’hui la « critique génétique » (autre
formulation mais même propos). Toutefois, son utilisation même, avec son pédantisme sous-jacent (qui prend
implicitement pour un inculte, voire un imbécile, toute personne qui ne parle pas allemand) est déjà une
moquerie.
24
Ces deux œuvres – réelles – sont ici fort judicieusement « convoquées »… Le tableau de Greuze (1777) l’est
aussi. La dernière phrase du commentaire n’est évidemment pertinente que pour la version « Prends tes cliques
et puis t’en va ! »)
25
C’est « l’ethnologie » et « l’ethnographie » qui, via la personne et l’œuvre de Claude Lévi-Strauss permettent
de passer de la rubrique C. à la rubrique D. Sur un plan épistémologique, exercez-vous en confrontant les
définitions des deux termes avec celle de l’anthropologie (les deux disciplines sont très proches, mais le point de
vue initial n’est pas le même).
26
Ce paragraphe en particulier témoigne d’un très grand talent. Le « calque » de la méthode REELLEMENT
utilisée par Jakobson et Lévi-Strauss dans leur célèbre analyse du poème de Baudelaire « Les Chats » est
saisissant et TRES performant. Voir cours n° 2.
28
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que sur le plan de la signification littérale ou symbolique, ces quatre vers pouvant être
analysés de la manière suivante :
a) l’anecdote centrale, consistant en deux vers heptasyllabiques rimés, de structure similaire
(quatre syllabes, trois syllabes). Elle est tout entière contenue dans une phrase nominale, dont
le style s’apparente à celui des indications scéniques, ce qui contribue à la dramatisation du
tableau, tandis que l’imparfait duratif (« picotait ») introduit une attente et laisse présager un
événement ponctuel ;
b) le refrain. Cette formule de caractère incantatoire est fondée à la fois sur la répétition d’un
mot et sur la variation désinentielle, ici l’alternance i, a.
c) l’interpellation finale : elle consiste en un vers heptasyllabique, formé de deux propositions
indépendantes coordonnées, à l’impératif, ce qui révèle l’intervention, dans une scène
bucolique, de deux êtres humains en conflit, ou à la rigueur divin-humain si l’on pense,
comme M. Jakobson, que le locuteur est Dieu lui-même, dont le mode favori est l’impératif.
5. Jean Starobinski28 retrouve ici les thèmes complémentaires de la transparence (nudité
implicite de l’interlocuteur que l’on invite à se rhabiller) et de l’opacité ou de l’obstacle (le
mur, le pain dur). Dans une perspective aussi moderne, on peut noter la présence d’un espace
vertical, le mur (cf. Bachelard, Le Mur et la Rêverie de l’Evasion, PUF, 1952 ; Le Mur et la
Rêverie de la Clôture, PUF, 196329), et d’un espace horizontal, la route.
6. La Psychanalyse. Madame Marie Bonaparte pense que la poule peut être une image de la
mère, comme dans le langage quotidien (mère poule), le pain dur représentant le placenta
(galetta en latin), et les cliques la membrane fœtale. Le texte traduirait le regret du fœtus
parvenu à terme et obligé d’abandonner le ventre maternel lors de la parturition30.
7. La Critique Marxiste. Ce poème folklorique est précieux dans la mesure où il reflète le
mécontentement du prolétariat agricole dans la société féodale secouée par les jacqueries ;
Le mur nous rappelle l’existence de la propriété privée : la poule évoque la fameuse formule
attribuée à Henri IV, monarque réformiste, sur la poule au pot ; le pain dur témoigne de
l’aisance du propriétaire de la poule, qui nourrit la volaille avec les surplus de sa
consommation privée (le pain étant l’aliment de base de la société française d’avant la
Révolution). Le sens est clair : passant le long de la propriété close du seigneur ou du riche
fermier, le travailleur nomade prolétarisé réprime l’envie de voler du pain ou de tordre le cou
à la poule31.
--------
L’on pourrait ajouter plusieurs autres écoles critiques, donc plusieurs autres parodies à cette
amorce de liste. Une division de la comptine en « lexies » pourrait être tentée à la manière de
Roland Barthes, ou une « déconstruction » à la Jacques Derrida, etc. Le ressort le plus
important de la parodie est bien entendu l’écart entre la « signifiance » du texte pris pour objet
d’étude (a priori, « Une poule sur un mur » n’a rien de TRES signifiant) et la complexité
et/ou la minutie de l’analyse à laquelle il est soumis. La réjouissante absurdité des conclusions
auxquelles l’étude aboutit ici … peut, dans d’autres circonstances, s’appeler « rigueur
scientifique »…
27
Cette remarque souligne, à juste titre, la dette que Jakobson & Lévi-Strauss – et après eux, TOUS les
structuralistes – ont à l’égard du « formalisme » russe des années vingt.
28
Désormais moins « à la mode » cette école critique dite « thématique » (ce qui ne lui rend pas justice) fait la
part belle aux théories de Bachelard et à ce qu’après lui Gilbert Durand – en même temps que Starobinski lui-
même - appelle « Les structures anthropologiques de l’imaginaire » (voir l’ouvrage éponyme).
29
Ces deux titres sont totalement fantaisistes. Mêler invention absurde (les titres attribués à Bachelard) et
exactitude (les références à Claudel, Sartre et Greuze par ex.) est un des principes fondamentaux de la parodie.
30
Marie Bonaparte peut être considérée comme une freudienne orthodoxe. Aujourd’hui, une parodie de critique
psychanalytique ferait intervenir les concepts définis par Jacques Lacan. On parlerait volontiers ici par exemple
du pain comme représentant « l’objet a ».
31
Outre la dialectique, c’est le choix des champs sémantiques ici utilisés qui signe ici l’intention de caricaturer le
raisonnement.
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