Augustin hérésiologue
dans le Contra Iulianum
Dans le Contra Iulianum (421-422), Augustin taxe souvent d’hérésie son
adversaire. Mais en quoi sa doctrine est-elle hérétique ? Qu’en est-il des notions
d’hérésie et d’orthodoxie à l’époque d’Augustin ? Elles ont fait l’objet pour les
premiers siècles de plusieurs travaux1. Pour les IVe et Ve siècles, l’évolution de
l’idée d’hérésie a suscité plusieurs études portant sur des points précis, mais aucun
ouvrage de synthèse n’existe. Ch. Pietri a analysé de ce point de vue les décrétales
papales de cette époque2 ; de même F. Zuccoti s’est penché sur le livre XVI des
constitutions du Code théodosien3. B. Jeanjean a récemment analysé le concept
d’hérésie et sa représentation chez Jérôme4. G. Bonner s’est interrogé sur le chan-
gement qui s’opère à partir de Constantin dans la façon de considérer et de gérer
l’hérésie5. Augustin lui-même a été peu étudié sous cet angle. On s’est au mieux
intéressé au catalogue d’hérésies du De haeresibus et aux sources exploitées par
Augustin dans ce livre : le Panarion d’Épiphane de Salamine et le De haeresibus
de Philastre de Brescia. Le livre II du De haeresibus qui devait traiter du concept
d’hérésie n’a jamais été écrit, comme nous l’apprennent les Lettres 222 et 224
adressées à Quodvultdeus de Carthage6, commanditaire de l’œuvre : Augustin fut
1. Par W. BAUER, Rechtgläubigkeit und Ketzerei im ältesten Christentum, Tübingen, 1934, par
H. E. W. TURNER, The Pattern of Christian Truth. A study in the Relations between Orthodoxy and
Heresy in the Early Church, Londres, 1954 et par A. LE BOULLUEC, La notion d’hérésie dans la
littérature grecque (IIe-IIIe siècles), Paris, 1986.
2. Ch. PIETRI, « L’hérésie et l’hérétique selon l’Église romaine (IVe-Ve siècle) », Augustinianum,
25, 1985, p. 867-887.
3. F. ZUCCOTTI, Furor haereticorum. Studi sul trattamento giuridico della follia e sulla perse-
cuzione delle eterodossia religiosa nella legislazione del tardo impero romano, Milan, 1992.
4. B. JEANJEAN, Saint Jérôme et l’hérésie, Paris, 1999.
5. « Dic Christi ueritas ubi nunc habitas: Ideas of Schism and Heresy in the Post Nicene Age »,
dans The Limits of Ancient Christianity. Essays on Late Antique Thought and Culture in Honour
of R. A. Markus, W. E. Klingshirn-M. Vessey éd., Michigan, 2002, p. 63-79.
6. CSEL 57, p. 446-449 ; p. 451-454. Dans la Lettre 222, 2, p. 446-447, Augustin renvoie
trop occupé par la réfutation, dans son Contra Iulianum Opus imperfectum, de
l’Ad Florum de Julien, pour mener à terme ce livre7. A. Trapè a tenté de pallier ce
manque en cherchant dans l’ensemble de l’œuvre d’Augustin ce qu’il avait dit de
l’hérésie, sans poser la question de sa dette vis-à-vis de ses prédécesseurs sur ce
point et sans comparer les positions d’Augustin à celles de ses contemporains8.
Mentionnons, enfin, les travaux d’É. Rebillard consacrés à l’argument patristique
dans le Contra Iulianum et au rôle du peuple dans cette controverse9, et l’analyse
des procédés de la polémique par G. Würst10.
Le Contra Iulianum11 peut être un observatoire privilégié pour qui cherche à
définir ce qu’est pour Augustin l’orthodoxie et l’hérésie. En effet, Julien estime,
ce que conteste Augustin, que Pélage est parfaitement orthodoxe. Pour le moine
breton, être orthodoxe, c’est essentiellement avoir une doctrine trinitaire conforme
à celle des conciles de Nicée et de Constantinople. Pélage considère que la notion
de péché originel ne relève pas de l’orthodoxie, comme on le voit dans les Actes
du procès de Diospolis. En effet, au synode qui lui demandait s’il anathématisait
tels propos qu’on lui prêtait, il répondit : « Je les anathématise en tant que sots, non
en tant qu’hérétiques, puisqu’il n’y a pas de dogme12. » Pour Julien, la théorie du
péché originel est une pure invention de l’évêque d’Hippone, qui selon lui serait
resté manichéen13. La condamnation du pélagianisme résulte, selon Julien, des
14. Sur la triple condamnation de 418, voir O. WERMELINGER, Rom und Pelagius. Die theolo-
gische Position der Römischen Bischöfe im pelagianischen Streit in den Jahren 411-432, Stuttgart,
1975.
15. Comme le montre B. BUREAU, « Le thème de la polémique païenne dans la polémique
chrétienne, de Lactance à Augustin », dans La parole polémique, G. Declercq-M. Murat-J. Dangel
dir., Paris, 2003, p. 81-84.
16. Contra Iulianum, III, 21, 48 : Hoc enim tu satis eloquenter facis quod inerudite atque
impolite faciebat Epicurus ; quasi propterea sis eius aduersarius, quia diserte dicere non nouerat
ille, quae dicis. Rursus, ut sentio, laboraturus es, quomodo te ostendas et laudatorem uoluptatis
esse, et Epicureum non esse. Sed noli laborare, ego te ista cura liberabo. Non es Epicureus, quia
ille totum hominis bonum in corporis posuit uoluptate, tu autem magnam partem humani boni
ponere in uirtute conaris (…).
192 MICKAËL RIBREAU
En disant qu’il place le bien dans la vertu, Julien semble être plutôt du côté des
stoïciens que des épicuriens. C’est pourquoi Augustin rapproche dans un premier
temps la doctrine de son adversaire de celle d’Épicure, pour l’assimiler par la
suite à celle des stoïciens.
En Contra Iulianum, IV, 15, 75-78, Augustin reproche à Julien moins son utili-
sation de la philosophie que le mauvais usage qu’il en est fait ; Julien n’a pas fait
appel aux bons philosophes :
« Mais, je t’en prie, si tu te proposais de nous préférer les philosophes, pourquoi n’as-
tu pas plutôt rappelé ceux qui se sont occupés, avec une grande habileté, des mœurs,
partie de la philosophie qu’ils nomment éthique ? C’était ce qui s’accordait le plus
avec toi, qui soutiens que la volupté du corps est dans l’homme un bien, quoique
inférieur à l’honnêteté de l’esprit. Mais qui n’aperçoit pas là ton objectif ? En effet,
dans cette question de la volupté qui nous occupe, ne craignais-tu pas de te voir écrasé
par ces philosophes plus honnêtes, que Cicéron appelle ‘philosophes consulaires’, en
raison même de leur honnêteté, et de lutter contre ces stoïciens, ennemis déclarés
de toute volupté, dont tu as pensé devoir citer le témoignage, vrai, mais qui ne t’est
d’aucune utilité, par la figure de Balbus, qui discute de ce sujet chez Cicéron17 ? »
Alors que Julien traite du plaisir et s’est appuyé sur des philosophes physiques,
Augustin regrette que son adversaire ait évoqué Épicure et non les stoïciens.
L’évêque d’Hippone ne reproche pas à Julien l’utilisation d’arguments philo-
sophiques, puisqu’il lui oppose la philosophie stoïcienne, puis celle de Dinomaque
et de Platon18.
Enfin, Augustin se réfère à Cicéron ; en citant un extrait de l’Hortensius, il
montre que l’Arpinate semble plus chrétien que l’évêque d’Éclane, par ses propos
sur le plaisir :
« Comme est meilleure que la tienne et plus proche de la vérité l’opinion de ceux que
Cicéron cite dans les toutes dernières parties de son dialogue l’Hortensius, comme
conduit et poussé par l’évidence même ! En effet, (…) il dit : ‘Ces erreurs et ces
calamités de l’existence humaine font que les anciens devins ou interprètes de la
pensée divine, occupés à expliquer les cérémonies religieuses et les mystères, ont
quelquefois bien vu quand ils ont dit que nous sommes nés pour subir la peine de
crimes commis dans une existence antérieure. Elles justifient la remarque d’Aristote,
d’après laquelle nous sommes soumis à un supplice semblable à celui des gens tombés
jadis entre les mains de brigands étrusques et condamnés, par un raffinement de
17. Contra Iulianum, IV, 15, 76, p. 754 : Verum, obsecro te, si philosophos nobis anteponere
gestiebas, cur non potius eos commemorasti qui de moribus, quae pars ab eis philosophiae
uocatur ethica, quam nos moralem dicimus, sollertissime disputarunt ? Hoc enim tibi potissimum
congruebat, qui honestate quidem mentis inferius, tamen bonum hominis esse censes corporis
uoluptatem. Sed quis non quid prospexeris cernat ? Ne scilicet in ipsa de uoluptate quaestione
unde tecum agimus, honestiores philosophi te obruerent, quod Cicero propter ipsam honesta-
tem tamquam consulares philosophos nuncupauit et ipsi Stoici maxime inimicissimi uoluptatis,
quorum testimonium ex persona Balbi apud Ciceronem disputantis, uerum quidem, sed quod tibi
prorsus nihil prodesset, interponendum putasti.
18. Contra Iulianum, IV, 15, 76, p. 754.
AUGUSTIN HÉRÉSIOLOGUE DANS LE CONTRA IVLIANVM 193
cruauté, à être attachés vivants, le plus étroitement possible, membre contre membre,
à des cadavres : ainsi nos âmes, liées à notre corps, sont comme des vivants attachés à
des morts.’ Des philosophes, qui formulaient ainsi leur pensée, n’ont-ils pas compris
beaucoup mieux que toi le joug pesant qui repose sur les fils d’Adam, la puissance
et la justice de Dieu, même s’ils n’ont pas compris la grâce qui a été conférée aux
hommes par le Médiateur pour les libérer19 ? »
Cicéron, comparant la vie ici-bas à un corps vivant associé à un corps mort, se
montre plus chrétien que Julien, qui serait plus proche de l’épicurisme. Ce n’est
donc pas tant l’usage de la philosophie qui pose problème, que l’usage qu’en fait
Julien. Augustin est plus original que Jérôme. En effet, dans son Dialogue contre
les Pélagiens, ce dernier luttait contre la doctrine de l’impeccantia qu’il assimilait
à l’apatheia des stoïciens. Selon Jérôme, les Pélagiens étaient donc des stoïciens20.
Augustin est plus subtil : Julien n’est pas un stoïcien cohérent, puisqu’il défend des
positions proches également des épicuriens, dont les doctrines étaient pourtant à
l’opposé de celles des stoïciens. Augustin est tout aussi éloigné de Tertullien, qui,
notamment dans son Traité sur la prescription contre les hérétiques, reproche à
ces derniers de se référer à la philosophie et les assimile aux philosophes21. On
comprend pourquoi A. Trapè n’a pas retenu l’assimilation à la philosophie comme
un des critères de l’hérésie chez Augustin.
La même analyse peut être faite au sujet de la dialectique. En effet, dans le
Contra Iulianum, Augustin reproche à plusieurs reprises à son adversaire d’ex-
pliquer comment se font les syllogismes, d’être un « éminent dialecticien », ou
19. Contra Iulianum, IV, 15, 78, p. 756 : Quanto ergo te melius ueritatique uicinius de homi-
num generatione senserunt, quos Cicero in extremis partibus Hortensii dialogi uelut ipsa rerum
euidentia ductus compulsusque commemorat ? Nam cum (…) dixisset, ‘Ex quibus humanae,
inquit, uitae erroribus et aerumnis fit, ut interdum ueteres illi, siue uates, siue in sacris initiisque
tradendis diuinae mentis interpretes, qui nos ob aliqua scelera suscepta in uita superiore, poena-
rum luendarum causa natos esse dixerunt, aliquid uidisse uideantur ; uerumque sit illud quod est
apud Aristotelem, simili nos affectos esse supplicio atque eos qui quondam, cum in praedonum
Etruscorum manus incidissent, crudelitate excogitata necabantur, quorum corpora uiua cum
mortuis, aduersa aduersis accommodata, quam aptissime colligabantur, sic nostros animos cum
corporibus copulatos, ut uiuos cum mortuis esse coniunctos’. Nonne qui ista senserunt multo
quam tu melius graue iugum super filios Adam [Eccli 40, 1] et Dei potentiam iustitiamque uide-
runt, etiamsi gratiam, quae per Mediatorem liberandis hominibus concessa est, non uiderunt ?
Sur ce passage, on pourra lire le commentaire de M. RUCH, L’Hortensius de Cicéron, histoire
et reconstitution, Paris, 1958, p. 156. Augustin cite l’Hortensius en Contra Iulianum, IV, 14,
72, p. 748 ; 15, 78, p. 756 ; V, 7, 29, p. 814 ; voir M. RUCH, L’Hortensius de Cicéron, histoire et
reconstitution.
20. Dialogus aduersus pelagianos, II, 6, CCSL 80, p. 62 ; voir B. JEANJEAN, Saint Jérôme et
l’hérésie, p. 388-390.
21. De praescriptione haereticorum, 71-13, SC 46, p. 96-99 ; Apologétique, 47, 9-11, CUF,
p. 99-100 ; voir Fr. CHAPOT, Virtus ueritatis. Langage et vérité dans l’œuvre de Tertullien, Paris,
2009, p. 205-217.
194 MICKAËL RIBREAU
22. Contra Iulianum, III, 7, 14 ; Contra Iulianum, II, 10, 37, p. 572 ; Contra Iulianum, III, 6,
13 ; III, 2, 7, p. 584. Sur l’utilisation de la dialectique par Julien, voir notamment J. PÉPIN, Saint
Augustin et la dialectique, Villanova, 1976, p. 151-156.
23. J. PÉPIN, op. cit., p. 243-255.
24. Même si depuis les Confessions, IV, 16, 28, BA 13, p. 454, Augustin témoigne d’une cer-
taine méfiance à leur égard, il les a utilisées par la suite dans son œuvre.
25. Vides nempe, quam dialectice nihil dixeris, et nulla quidem culpa dialecticae disciplinae, tu
quantum a tramite eius exorbitaueris. Vides illius artis uerbis ad hoc te uti, ut eis inflatus attonitos
facias imperitos, uolendo uideri esse quod non es.
26. De praescriptione haereticorum, 7, 6, SC 46, p. 96 : Miserum Aristotelen ! Qui illis dialec-
ticam instituit, artificem struendi et destruendi, uersipellem in sententiis, coactam in coniecturis,
duram in argumentis, operariam contentionum, molestam etiam sibi ipsam, omnia retractantem
ne quid omnino tractauerit. « Pitoyable Aristote qui leur a enseigné la dialectique, également ingé-
nieuse à construire et à renverser, fuyante dans ses propositions, outrée dans ses conjectures, sans
souplesse dans ses raisonnements, artisane de controverse qui se crée à elle-même des difficultés
et qui remet tout en question de peur qu’un seul point lui ait échappé » ; ce passage est commenté
par J. PÉPIN, op. cit., p. 239-240 ; voir aussi Fr. CHAPOT, Virtus ueritatis, p. 222-223 ; de même
chez IRÉNÉE, Contre les hérésies, III, 51, SC 211, p. 55-57 ; V, 202, SC 153, p. 257 (voir A. LE
BOULLUEC, La notion d’hérésie, p. 141-145), l’hérétique est assimilé au sophiste ; cependant,
CLÉMENT justifie l’usage de la dialectique, Stromates, VI, 10, 80, SC 446, p. 222 ; voir A. LE
BOULLUEC, La notion d’hérésie, p. 276-279. Augustin, au contraire, souligne que la philosophie
et la dialectique permettent de comprendre le mystère divin, dans le De doctrina christiana, II, 31,
48, BA 11/2, p. 208 : sed disputationis disciplina (ici synonyme de dialectique) ad omnia genera
quaestionum, quae in litteris sanctis sunt, penetranda et disoluenda, plurimum ualet. « Mais la
dialectique est de beaucoup la plus importante quand il s’agit d’approfondir et de résoudre tous
les genres de questions que posent les saintes Lettres » ; voir la note d’I. BOCHET, « Le juste usage
de la culture (II, 19, 29-42, 60) », BA 11/2, p. 528-546.
27. Cf. Contra Iulianum, III, 21, 44 ; 21, 50 ; IV, 2, 7, p. 664 ; 3, 20, p. 186. Ceci est un principe
de la rhétorique judiciaire classique. Voir notamment QUINTILIEN, Institution oratoire, V, 13, 17,
CUF, p. 187 ; 30, p. 191 ; ce principe est également utilisé par les Pères, voir A. LE BOULLUEC,
La notion d’hérésie, p. 308-312 et J.-Cl. FREDOUILLE, Tertullien et la conversion de la culture
AUGUSTIN HÉRÉSIOLOGUE DANS LE CONTRA IVLIANVM 195
par ses actes : ses propos s’opposent à son mode de vie. Cette contradiction évo-
que deux versets bibliques, qui sous-tendent le refus d’Augustin d’une opposition
entre la langue et le cœur : « nul ne peut servir deux maîtres : ou bien il haïra l’un
et aimera l’autre, ou bien il s’attachera à l’un et méprisera l’autre » (Matthieu, 6,
24) et « si quelqu’un se croit religieux sans tenir sa langue en bride, mais en se
trompant lui-même, vaine est sa religion » (Jacques, 1, 26). Le bon chrétien se
doit de mettre en accord sa langue et son cœur28. Alors que d’ordinaire les Pères
reprochent aux hérétiques de mener une vie de débauche tout en faisant de beaux
discours, Augustin souligne que Julien est réellement chrétien par son mode vie.
L’évêque d’Éclane mène une vie de continence, conformément à certains princi-
pes chrétiens29, mais loue la concupiscence. L’évêque d’Hippone commence par
affirmer que la vie de continence menée par Julien remet en cause la louange
qu’il fait de la concupiscence, contre laquelle il combat30 ; puis, il montre que la
louange de la concupiscence pourrait remettre en cause la vie de continence de
Julien31. Enfin, il souligne à nouveau qu’il préfère accorder plus d’importance au
mode de vie qu’aux propos de Julien32.
Le reproche d’incohérence va de pair avec celui de la complexité, du refus de
simplicité33, opposée à la simplicité biblique : « Cesse de divaguer par de nom-
breuses paroles obscures, embrouillées et inutiles ; réponds à cette seule question
obvie, simple et nécessaire34. » Augustin reproche à son adversaire de tenir un
discours verbeux35, lui faisant plusieurs fois grief d’avoir écrit quatre livres pour
répondre à un seul des siens36. En ne suivant pas la doctrine simple, unique et
droite, l’hérétique se perd dans la complexité et devient incohérent.
37. Par exemple, CLÉMENT D’ALEXANDRIE, Stromates, II, 11, 48-52 ; voir A. LE BOULLUEC,
La notion d’hérésie, p. 269-270.
38. Comme l’a souligné A. TRAPÈ, « Un libro sulla nozione di eresia mai scritto da
sant’Agostino », p. 858-860.
39. Contra Iulianum, II, 3, 5, p. 516 ; 4, 8, p. 524 ; 8, 25, p. 550 ; etc.
40. Cf. Contra Iulianum, III, 26, 65 ; voir J.-M. SALAMITO, Les virtuoses et la multitude,
Grenoble, 2005, p. 223.
41. Contra Iulianum, III, 1, 5 : Quam uero lauta et lepida est gratulatio tua, quod ‘unum’ dicis
‘egressum, qui in se summam proelii sitam optat intellegi’ uidelicet ut Pelagianis tu uidearis
Dauid, ego autem Golias. (…) Ego autem absit ut ad monomachiam uos prouocem, quos ubicum-
que apparueritis, ubique diffusus Christi debellat exercitus.
42. ORIGÈNE, Homélies sur la Genèse, 4, 6, SC 7, p. 159, utilisait lui aussi le motif de David,
dans la lutte contre les hérétiques, mais en évoquant l’ensemble de la communauté chrétienne.
43. Contra Iulianum, III, 1, 4.
AUGUSTIN HÉRÉSIOLOGUE DANS LE CONTRA IVLIANVM 197
D. Le schisme
Pour Augustin, Julien a appartenu à l’Église, qui l’a engendré par le baptême44.
L’hérétique se caractérise par une séparation volontaire de la communauté45.
Comme Augustin l’explique dans le Contra Cresconium, II, 7, 946, l’hérésie
porte le schisme et le schisme porte l’hérésie, bien que les deux notions soient
en théorie distinctes. Après la triple condamnation de 418, Julien est hérétique ;
il a été, à la suite de Pélage et de Célestius, déclaré tel, mais il est également
schismatique, puisqu’il s’est séparé de l’Église, en refusant de signer la tractoria
du pape Zosime, d’où les appels d’Augustin à revenir dans le sein de l’Église qui
l’a vu naître47. C’est pourquoi Augustin compare les pélagiens avec les donatistes,
voire les maximianistes : comme eux, les pélagiens se sont séparés de l’église
catholique48.
E. Antéchrist et présence du diable
Selon 1 Jn 2, 19, l’hérétique est un antéchrist. Cependant, jamais dans le Contra
Iulianum, Augustin ne considère Julien comme tel. Contrairement à ses prédé-
cesseurs hérésiologues, il n’estime pas que son adversaire ait été inspiré par le
diable ou que ce dernier soit l’origine de son hérésie49. En revanche, pour l’évêque
d’Hippone, Julien, en estimant que le baptême n’est pas nécessaire aux enfants,
puisqu’ils n’ont commis aucun péché qui leur fût propre, les laisse sous l’emprise
du diable et lui vient ainsi en aide volontairement, sans toutefois être la proie des
démons50. L’homme est responsable de son erreur, l’hérétique également. Comme
l’affirmait Augustin dans le De gestis Pelagii, 6, 18, les hérétiques sont responsa-
bles des sottises ou des folies qu’ils peuvent proférer : à force d’être prononcées,
celles-ci deviennent doctrine, lorsqu’il s’agit de définir Dieu. Un hérétique est
responsable de sa bêtise, stultitia, car il persévère dans l’erreur. Les thèmes
hérésiologiques de la persévérance dans l’erreur et de l’entêtement51 permettent
est à la fois dans l’Église (il l’a désertée, mais il en vient61) et hors de l’Église ; à
tout instant, il peut, s’il le désire, retourner en son sein, à condition, toutefois, de
se corriger et de faire pénitence62. Le concept de responsabilité de l’hérétique, pré-
féré à l’idée d’une inféodation au diable, a sans doute sa source dans la croyance
en une nature humaine certes blessée, mais potentiellement bonne si elle consent à
se soumettre, à redevenir humble, et si Dieu lui accorde sa grâce.
Mais à quoi s’en prend l’hérétique, et plus précisément ici Julien ? Tout d’abord,
à la Bible, dont il ne respecte pas la lettre, ni l’esprit. Or, l’enseignement de l’Église,
comme l’explique Augustin dans le Contra Iulianum, n’est autre que ce que l’on
peut lire dans la Bible : le péché originel peut être trouvé chez Paul, c’est donc une
doctrine63. L’hérétique remet également en cause certains fondements antiques
de l’Église. Ce motif de l’ancienneté de l’Église opposée à la nouveauté qu’est
l’hérésie est un des topoi les plus connus de l’hérésiologie antique64. Augustin ne
cesse de présenter le pélagianisme comme une nouveauté65. Pour l’évêque d’Hip-
pone, l’antiquité de l’Église se manifeste tout d’abord par le texte sacré, puis par
la liturgie et ses pratiques, transmises depuis les origines du christianisme, enfin
par les enseignements transmis au peuple chrétien, selon le critère de la tradition
apostolique66, en particulier par les évêques. Augustin use de trois arguments
différents, qui viennent se compléter, car chacun est ici lié à l’autre : l’argument
scripturaire, l’argument liturgique et enfin l’argument dit patristique.
A. L’argument scripturaire
L’orthodoxie est d’abord définie par la fidélité au texte biblique67. Comme
Augustin le souligne, la Bible est au cœur du débat, c’est d’elle que les deux
adversaires tirent leurs doctrines68. Il convient, pour convaincre ceux qui seraient
tentés par les erreurs du courant pélagien, d’en rappeler constamment le contenu,
car, pour l’évêque d’Hippone, les pélagiens abusent ceux qui ont une mauvaise
69. Contra Iulianum, II, 1, 2, p. 510 : Haec sunt certe uelut capita argumentorum quasi for-
midanda uestrorum, quibus terretis infirmos et minus quam contra uos expedit sacris Litteris
eruditos. « Voici les arguments que vous pensez être les principaux, apparemment terrifiants,
grâce auxquels vous effrayez les faibles et ceux qui n’ont pas une connaissance suffisante des
Écritures pour vous répondre. »
70. Contra Iulianum, III, 18, 35.
71. Voir par exemple Contra Iulianum, III, 8, 17.
72. Voir A. LE BOULLUEC, La notion d’hérésie, p. 208 ; 212 ; 249-250.
73. Même si plusieurs versions pouvaient, là encore, circuler.
AUGUSTIN HÉRÉSIOLOGUE DANS LE CONTRA IVLIANVM 201
coupables à cause d’une injustice qui leur fût propre, si ce n’est à cause du péché
originel, qu’ils contractent, mais que vous niez. (…) La vraie sentence n’est pas la
vôtre, mais celle de celui qui a dit : seul celui qui est rené de l’eau et de l’Esprit peut
entrer dans le royaume de Dieu [Jean 3, 5]74. »
Pour Augustin, la liturgie exprime, par ses gestes et ses paroles, une croyance, un
enseignement qui n’a pas été théorisé, mais dont le contenu est clair75. Le recours
à l’argument du rituel du baptême a été utilisé dans la controverse pélagienne
dès le De peccatorum meritis et remissione, en 411-412. L’argument liturgique
s’appuie sur l’argument scripturaire. Le rite baptismal a son origine dans la Bible
et en tire sa légitimité : Augustin cite un des versets matthéens qui ont pu justifier
la nécessité du baptême. La liturgie ne vient pas contredire ou se placer à côté
de l’argument scripturaire, elle le complète, car elle en est le développement. La
pratique de l’exorcisme et de l’exsufflation donne un enseignement évident76 : on
ne peut faire subir à un enfant le rite de l’exorcisme, traditionnel, s’il n’est pas la
proie du démon. C’est la confiance d’Augustin en la valeur du sacrement qui est
à l’origine d’une telle croyance. Certaines femmes accourent pour faire baptiser
leurs enfants, car elles savent que le baptême est nécessaire pour entrer dans le
royaume de Dieu77. Le second argument liturgique invoqué par Augustin pour
prouver sinon le péché originel, du moins l’impossibilité d’être sans péché en
ce monde, est celui de l’oratio dominica78. Pour l’évêque d’Hippone, le fait que
l’Église entière clame dimitte nobis debita nostra79 prouve l’impossibilité d’être
sans péché. La liturgie est un des éléments fondamentaux de l’orthodoxie, car elle
est une continuation presque sociale et visible de l’Écriture, de la vie ecclésiale
et partant de la définition de la communauté chrétienne. C’est pourquoi Augustin
considère que la question du péché originel remet en cause toute la communauté
catholique dans sa vie même. Les pratiques liturgiques fondamentales, connues
par l’ensemble du peuple chrétien, telles que le baptême ou l’oraison dominicale,
74. Contra Iulianum, III, 3, 8 : Non eos dicitis non debere baptizari, sed pro magnitudine
sapientiae uestrae res mirabiles dicitis : ‘In sacramento Saluatoris baptizantur, sed non saluan-
tur ; redimuntur, sed non liberantur ; lauantur, sed non abluuntur ; exorcizantur et exsufflantur, sed
a potestate diaboli non eruuntur.’ (…) Vt enim haec dicatis, timetis audire : si saluantur, quid in eis
aegrotabat ? Si liberantur quid in eis seruitutis uinculo tenebatur ? Si abluuntur, quid in eis latebat
immundum ? Si eruuntur, quo merito erant sub diaboli potestate, qui propria iniquitate non erant
rei, nisi quia trahunt, quod negatis, originale peccatum ? (…) Non enim uestra, sed illius est uera
sententia qui dixit : nisi quis renatus fuerit ex aqua et spiritu, non potest intrare in regnum Dei.
75. J.-A. VINEL, Le rôle de la liturgie dans la réflexion doctrinale de saint Augustin contre
les Pélagiens, p. 8-9 ; 23-24 ; « L’argument liturgique opposé par saint Augustin aux pélagiens »,
Questions liturgiques, 68, 1987, p. 237-238.
76. Exorcizantur et exsufflantur.
77. De peccatorum meritis et remissione, I, 38, 69 ; Contra Iulianum, I, 7, 31, p. 484.
78. Augustin emprunte sans doute cet argument au De oratione dominica de Cyprien, cité par
Augustin en Contra Iulianum, II, 3, 6, p. 520.
79. Commenté notamment en Contra Iulianum, III, 1, 2 ; 21, 48.
202 MICKAËL RIBREAU
80. Ce qui les différencient de pratiques plus particulières, comme les repas sur les
tombes, certes traditionnelles, mais sans fondement scripturaire, voir BA 13, note 20, « Le
refrigerium », p. 676-677.
81. J.-M. SALAMITO, Les virtuoses et la multitude, p. 210-211.
82. Opus imperfectum, 2, 2, CSEL 85, 1, p. 165 : dogma populare.
83. Voir J.-M. SALAMITO, Les virtuoses et la multitude, p. 224.
84. J.-M. SALAMITO, Les virtuoses et la multitude, p. 214.
85. Opus imperfectum, II, 2, CSEL 85, 1, p. 165, trad. J.-M. SALAMITO, Les virtuoses et la
multitude, p. 232 : Fatemur dogma nostrum esse populare, quia populus eius sumus, qui propterea
est appellatus Iesus, quia saluum facit populum suum a peccatis eorum (…).
86. J.-M. SALAMITO, Les virtuoses et la multitude, p. 233-234.
87. Contra Iulianum, I, 7, 31, p. 484, commenté et traduit par J.-M. SALAMITO, Les virtuoses
et la multitude, p. 226-227 : Non tibi, sicut calumniaris, ‘solum populi murmur opponimus’:
quamquam et ipse populus aduersus uos propterea murmuret, quia non est talis quaestio, quae
possit etiam cognitionem fugere popularem. Diuites et pauperes, excelsi atque infimi, docti et
indocti, mares et feminae nouerunt quid cuique aetati in Baptismate remittatur. Vnde etiam matres
AUGUSTIN HÉRÉSIOLOGUE DANS LE CONTRA IVLIANVM 203
quotidie toto orbe terrarum non ad Christum tantum, id est, ad unctum; sed ad Christum Iesum,
id est, etiam Saluatorem cum paruulis currunt. Sed ecce, quo te introduxi, conuentus sanctorum
istorum non est multitudo popularis: non solum filii, sed et patres Ecclesiae sunt.
88. J.-M. SALAMITO, Les virtuoses et la multitude, p. 229.
89. Contra Iulianum, II, 10, 36, p. 568-570, traduit par J.-M. SALAMITO, Les virtuoses et la
multitude, p. 230 : Sed nec ego te ullius multitudinis numerositate perturbo, quamuis propitio Deo,
de hac fide, cui contradicitis, catholica sanum sapiat etiam multitudo, in qua usquequaque plurimi,
ubi possunt, quomodo possunt, sicut diuinitus adiuuantur, uana uestra argumenta confutant.
90. É. REBILLARD, « Dogma populare », p. 175.
91. É. REBILLARD, « Dogma populare », p. 177.
92. É. REBILLARD, « Dogma populare », p. 178-180.
93. De peccatorum meritis et remissione, I, 38, 69, p. 69.
94. Le § 4 est commenté par J.-M. SALAMITO, Les virtuoses et la multitude, p. 221-222, et par
É. REBILLARD, « Dogma populare », p. 180.
95. Par exemple Mc. 9, 16-26, commenté par Augustin en Contra Iulianum, III, 5, 12.
204 MICKAËL RIBREAU
des femmes courant pour faire baptiser leurs enfants, liée à l’observation de la vie
quotidienne :
« Si un homme, te montrant son jeune fils, s’adressait à toi, d’une voix dénuée
d’animosité et dans un lieu où nul ne pourrait t’entendre, en te disant : ‘Quant à moi,
doué de l’esprit, de l’intelligence et de la raison dans laquelle j’ai été créé à l’image
de Dieu, je suis doué à l’image de Dieu, j’ai pour le royaume de Dieu un amour tel
que je regarde comme un grand châtiment pour l’homme celui de ne pouvoir jamais
entrer dans ce royaume.’ Mais toi, qui n’appartiens pas à la foule des ignorants,
mais du petit nombre des avisés, n’aimes-tu pas aussi ce royaume et ne l’aimes-
tu pas avec d’autant plus d’ardeur que le petit nombre de votre société enflammée
t’alimente en ce sens sans se refroidir d’une multitude plus froide ; que répondras-tu
à cet homme ? que lui diras-tu ? ce n’est non seulement pas un grand châtiment, mais
ça n’en est même aucun de ne pouvoir entrer dans le royaume de Dieu ? (…) Soit que
tu répondes, soit que tu gardes le silence (…), il pourrait présenter son fils à tes yeux
et te dire : ‘Dieu est juste ; quel mal peut empêcher cette innocente image de Dieu
d’entrer dans son royaume, si ce n’est le péché qui est entré dans le monde par un
seul homme [Rom 5, 12] ?’ Je crois qu’aucune sagesse ne te sera utile pour sembler
plus savant que tu n’es à cet homme sans éducation, mais, pour peu que tu déposes
ton impudence, tu resteras plus enfant que cet enfant96. »
L’évocation d’un père qui montre son enfant est l’expression de l’expérience
pastorale d’Augustin. Il montre ici à Julien que les questions d’enseignement
qu’il soulève ne sont pas purement théoriques et ne concernent pas seulement de
rares sages, mais bien l’ensemble du peuple chrétien, même les plus simples, qui
ont donc une importance dans la définition de la doctrine, car ils sont porteurs de
la regula fidei ou regula ueritatis97. Bien que simples, ils connaissent les points
96. P. 768-772 : Quorum si quisquam gestans paruulum filium, te sine clamore inuidioso, et
in parte ubi nullus audiret, compellaret ac diceret : ‘Ego ea mente, intellegentia, ratione, in qua
sum factus ad imaginem Dei, tantum amo regnum Dei ut hominis magnam iudicem poenam, si
eo numquam, possit intrare.’ Itane uero tu non homo de turba imperitorum, sed inter paucos pru-
dentissimos regni illius amator, tanto utique ardentior, quanto magis te flagrantissima paucorum
societas in illud accendit, nec facit inde torpescere frigidior multitudo, responsurus es homini
atque dicturus: Non solum magna non est, sed nulla omnino poena est imaginis Dei, numquam
posse intrare in regnum Dei ? (…) Te itaque siue respondente quodlibet, siue (…), ingereret
aspectibus tuis paruulum suum, dicens : ‘Iustus est Deus ; quid mali est quod innocentem hanc
eius imaginem prohibet intrare in regnum eius, si non hoc est peccatum quod per unum hominem
intrauit in mundum ?’ Puto quod nulla tibi aderit sapientia, qua tibi uidearis illo indocto homine
doctior ; sed si a te recesserit impudentia, illo infante remanebis infantior.
97. Augustin invoque la regula ueritatis en Contra Iulianum, I, 5, 16, p. 456, la regula fidei en
Contra Iulianum, II, 5, 10, p. 526, et la regula catholica en Contra Iulianum, I, 5, 17, p. 458 et I,
6, 22, p. 468. Augustin fait appel à ces trois mots, qui semblent ne pas avoir de sens réellement
différents, dans le dossier patristique qui exprime, notamment, le lien entre les saints docteurs de
l’Église et le peuple chrétien ; on peut donc la comprendre ici comme expression de la tradition de
l’Église, en dehors du symbole de la foi exprimé clairement. Sur la regula fidei, on pourra consul-
ter A. C. DE VEER, note 50 : « La regula apostolica », dans Traités antidonatistes IV, BA 31, Paris,
1968, p. 837-839 ; note 48 : « La regula ueritatis », op. cit., p. 832-834 ; F.-J. THONNARD, note 36 :
« Règle de foi et Tradition », dans La crise pélagienne II, BA 22, p. 788-790 (le chercheur, p. 789,
affirme que la règle de foi est le respect de la tradition apostolique, lorsque le texte biblique n’est
AUGUSTIN HÉRÉSIOLOGUE DANS LE CONTRA IVLIANVM 205
pas suffisamment clair) ; L. AYRES, « Augustine on the Rule of Faith: Rhetoric, Christology and
the Foundation of Christian Thinking », Augustinian Studies, 36, 1, 2005, p. 33-49 (le chercheur
s’attache surtout aux traités antimanichéens, en particulier au Contra Faustum et examine l’utili-
sation par Ambroise de cette expression).
98. Que TURNER appelle les points « fixes » ou « stables », The Pattern of Christian Truth,
p. 26. Turner lie (p. 28) la lex orandi et les éléments fixes.
99. Apoc. 19, 18 ; Epistula 207, CSEL 57, p. 342 : in adiutorio Saluatoris pusillorum atque
magnorum.
100. F. PERAGO, « Il valore della tradizione nella polemica tra S. Agostino e Giuliano
d’Eclano », Annali della facoltà di lettere e filosofia, 10, 1962-1963, p. 143, souligne que c’est
Julien qui utilise l’argument d’autorité en premier. En effet, que ce soit dans les controverses
donatistes ou pélagiennes (contre Julien ou contre Pélage), c’est l’adversaire qui use le premier
de ce type d’argument.
101. À savoir le recours à l’autorité des Pères de l’Église, voir J. L. O’DONOVAN, art. « Autorité »,
dans Dictionnaire critique de théologie, Y. Lacoste dir., Paris, 2002, p.117-119. Sur l’argument
patristique dans le Contra Iulianum, voir M. LAMBERIGTS, « Uso agostiniano de la tradicion, en la
controversia con Juliano de Eclana », trad. E. Eguiarte, Augustinus, 214-215, 2009, p. 409-452.
102. Sur l’argument d’autorité, voir QUINTILIEN, Institution oratoire, V, 11, 36, CUF, p. 173 ;
K.-H. LÜTCKE, Auctoritas bei Augustin mit einer Einleitung zur römischen Vorgeschichte des
Begriffs, Stuttgart, 1968, p. 13-15.
206 MICKAËL RIBREAU
103. Contra Cresconium, II, 31, 39, BA 31, p. 240 : Nos enim nullam Cypriano facimus iniu-
riam, cum eius quaslibet litteras a canonica diuinarum scriptuarum auctoritate distinguimus.
104. É. REBILLARD, « Augustin et ses autorités », p. 249.
105. Ce que, dans la Lettre 148, 15, CSEL 44, p. 344, Augustin avait déjà affirmé à Jérôme.
106. III, 2, 2, BA 11/2, p. 236.
107. 14, 31, BA 8, p. 280-285.
108. Contra Iulianum, I, 7, 29, p. 482 ; 32, p. 484 ; III, 17, 32 ; IV, 16, 79, p. 758 ; VI, 22, 69,
p. 960 ; É. REBILLARD, « Augustin et ses autorités », p. 259.
109. Contra Iulianum, I, 5, 19, p. 462.
110. Contra Iulianum, I, 3, 6, p. 442. Comme l’avait noté É. REBILLARD, « Augustin et ses
autorités », p. 250.
111. Selon Julien et Augustin ; il s’agit en fait de Sérapion de Thmuis, comme l’a montré
N. CIPRIANI, « L’autore dei testi pseudobasiliani riportati nel Contra Iulianum (I, 16-17) e la
polemica agostiniana di Giuliano d’Eclano », dans Congresso internazionale su S. Agostino nel
XVI centenario della conversione. Atti I, Roma, 1987, p. 439-449.
112. Pour les commentaires exégétiques : les Commentaires sur les psaumes d’Hilaire (Contra
Iulianum, I, 3, 9, p. 444), Sur Jonas de Jérôme (Contra Iulianum, I, 7, 34, p. 490) ; Sur saint Luc
d’Ambroise (Contra Iulianum, II, 5, 10, p. 526) ; les sermons : celui d’Olympus (Contra Iulianum,
I, 3, 8, p. 442), de Jean Chrysostome (Contra Iulianum, I, 6, 22-27, p. 466-478 ; II, 6, 17-18,
p. 538-540) ou de Grégoire de Nazianze (Contra Iulianum, II, 15).
AUGUSTIN HÉRÉSIOLOGUE DANS LE CONTRA IVLIANVM 207
Alors que Julien considérait que le jugement qui n’avait pas été rendu en sa
faveur était celui ou du concile africain ou de l’empereur ou du pape Zosime,
Augustin n’y voit pas le même type de justice et de juges. Pour lui, ce n’est pas la
sentence de l’empereur qui est ici importante, et il n’y fera que peu allusion dans
le traité118. Il ne semble pas, au regard de notre traité, que l’action du pouvoir
temporel entre vraiment en compte dans la définition de l’hérétique, même si le
pouvoir impérial a ici joué un rôle important, puisqu’il a accéléré la condamnation
du courant pélagien119. L’autorité de l’empereur alors invoquée n’est qu’une des
conséquences de la condamnation, une demande d’application. On peut d’ailleurs
noter que Julien récuse également cette intrusion du temporel, puisqu’il réclame
un jugement d’évêques, un concile120. Or, Augustin lui montre qu’un jugement
épiscopal lui a été rendu : les Pères se sont tous prononcés contre le pélagianisme,
avant même de connaître ce mouvement, comme le prouve l’ensemble du dossier
patristique121 ; les doctrines pélagiennes sont condamnées par les évêques des
époques antérieures. L’évêque d’Hippone considère que l’argument patristique
a une véritable valeur, car les propos des évêques sont le fruit de l’inspiration
divine. R. Martil, dans son étude de la tradition chez Augustin, a montré que, pour
ce dernier, les Pères sont inspirés122, comme on peut le voir à la lecture de plu-
sieurs passages du Contra Iulianum123. Comme l’a souligné J.-M. Salamito124,
per diuersas aetates temporum, locorumque distantias, sicut ei placet atque expedire iudicat, ipse
dispensat. Hos itaque de aliis atque aliis temporibus atque regionibus ab Oriente et Occidente
congregatos uides, non in locum quo nauigare cogantur homines, sed in librum qui nauigare
possit ad homines.
118. Contra Iulianum, III, 1, 2.
119. O. WERMELINGER, « Décisions du concile africain de 418 sur la grâce et la liberté, présen-
tées par Augustin à Boniface, évêque de Rome », dans Augustinus Afer, p. 222.
120. Contra Iulianum, II, 10, 37, p. 494 : iudicium episcopale.
121. Contra Iulianum, III, 1, 2.
122. G. MARTIL, La tradición en san Agustín. A traves de la controversia pelagiana, Rome,
1939, p. 88-90.
123. I, 5, 20, p. 464 : istos aspice, istis erubesce, istis parce, uel tibi potius, ne rector et habi-
tator illorum tibi forte non parcat. « Contemple [les évêques d’Orient et d’Occident], rougis pour
eux, épargne-les ou plutôt épargne-toi toi-même de peur que ne t’épargne pas celui qui les dirige et
vit en eux » ; I, 7, 35, p. 492 : (…) tuumque pectus ueritate complendum, non Platonico Xenocrati,
sed istis sacerdotibus christianis, uel potius in eis ipsi Domino Christo (…). « Plût à Dieu que tu
laisses la vérité s’emparer de ton cœur non pas grâce au platonicien Xénocrate, mais grâce à ces
évêques catholiques, ou plutôt grâce au Seigneur Jésus présent dans la personne de ces évêques » ;
II, 10, 34, p. 566 : (…) eorumque sententias, quantum sufficere uidebatur, sine ulla editas ambi-
guitate digessi, ut in eis timeas, non ipsos, sed illum qui sibi eos utilia uasa formauit, et sancta
templa construxit. « Autant qu’il m’a paru nécessaire, j’ai choisi leurs avis les plus explicites, afin
que tu craigne en eux, non pas leur propre personne, mais celui qui les a appelés pour s’en faire
des vases utiles, et des temples saints. »
124. Les virtuoses et la multitude, p. 241.
AUGUSTIN HÉRÉSIOLOGUE DANS LE CONTRA IVLIANVM 209
et exultez, parce qu’une très grande récompense vous attend dans les cieux [Mat 5,
11-12]. D’un autre côté, ce qui cause mon chagrin, c’est ce cri de l’Apôtre, quand je
lis : Qui est faible, sans que je devienne faible avec lui ? qui est scandalisé, sans que
je brûle ? [II Tim 2, 24-26]129. »
Les deux citations bibliques indiquent deux attitudes à adopter envers un
adversaire. L’hérétique est tout d’abord un aiguillon de la foi. En effet, le mal
en s’opposant au bien le renforce. Selon les versets de Paul130 et de Matthieu
que cite Augustin131, l’hérétique renforce la foi du vrai chrétien. Julien, en tant
que persécuteur, permet au vrai chrétien de prouver sa foi en faisant face aux
difficultés qu’il propose. Il ne faut pas le mépriser, mais se réjouir d’une telle
épreuve. Les méchants viennent éprouver la foi des vrais chrétiens. Augustin cite
très peu ce verset de Matthieu132 ; en revanche, on trouve chez lui une vingtaine
d’utilisations de la citation de Paul133. Ce verset renvoie à la compassion liée à la
charité. Plus la charité est grande grâce à la foi, plus on éprouve de douleur devant
les scandales qu’offrent les autres. Ces « scandales » peuvent être variés : dans le
cadre des controverses religieuses, ils renvoient au refus de l’unité134. Selon la
seconde citation biblique, l’hérétique est un aiguillon de la caritas. En effet, il est
considéré comme un homme malade, que le Verbe de Dieu, le vrai médecin, doit
guérir. On retrouve la même attitude dans le Contra Iulianum, I, 7, 35 :
« Quant à moi, en raison de l’amour que j’ai pour toi, et que, si Dieu m’aide, tous tes
outrages ne pourront jamais arracher du plus profond de mon cœur, je préférerais,
Julien, mon fils, que tu sois vaincu par une jeunesse meilleure et plus forte que toi,
et que l’animosité, toute humaine, par laquelle tu désires que l’emporte ton opinion,
quelle qu’elle soit, soit dépassée par une piété plus puissante que la vôtre (…). Quant
129. Contra Iulianum, I, 1, 1, p. 436 : Contumelias tuas et uerba maledica, Iuliane, quae ardens
iracundia libris quattuor anhelasti, si me contemnere dixero, mentiar. Quomodo enim possum ista
contemnere, ubi, testimonium conscientiae meae cogitans, uel gaudere me uideo debere pro me,
uel dolere pro te, et pro eis qui decipiuntur abs te ? Quis autem contemnat siue exsultationis
suae materiam, siue maeroris ? Nam unde partim laetamur, partim contristamur, nulla ratione
contemnimus. Meorum quippe causa gaudiorum est promissio Domini dicentis : Cum dicunt
omne malum aduersum uos, mentientes, propter me, gaudete et exsultate, quoniam merces uestra
multa est in caelis. Et rursus mei causa moeroris est Apostoli affectus, ubi lego : Quis infirmatur,
et ego non infirmor ? Quis scandalizatur, et ego non uror ?
130. II Tim 2, 24-26.
131. Mat 5, 11-12.
132. En. in psalmos, 93, 7, CCSL 49, p. 1308 ; Sermo 163b, 2, NBA, p. 710 ; Serm. 356, 15,
NBA, p. 276. Ce sont les seules citations de ces versets dans l’œuvre d’Augustin.
133. Lettre 40, 4, CSEL 34, 2, p. 77 ; 78, 6, CSEL 34, 2, p. 340 ; 124, 2, CSEL 44, p. 2 ; 208, 1,
CSEL 57, p. 342 ; De doctrina christiana, IV, 7, BA 11/2, p. 338 ; Adnotationes in Iob, 26, NBA,
p. 563 ; 575, p. 122 ; Commentaire de la première épitre de Jean, 1, 12, SC 75, p. 142 ; Expositio
ad Galatas, 38, CSEL 84, p. 107 ; En. in psalmos, 54, 8, CCSL 39, p. 663 ; 55, 6, CCSL 39, p. 681 ;
120, 12, CCSL 40, p. 1798 ; 141, 19, p. 2058 ; Contra litteras Petiliani, II, 102, 235, BA 30, p. 534 ;
Contra Gaudentium, I, 22, 25, BA 32, p. 564.
134. Cf. Contra Gaudentium, I, 22, 25, BA 32, p. 564.
AUGUSTIN HÉRÉSIOLOGUE DANS LE CONTRA IVLIANVM 211
à ce stylet injurieux (…), puisses-tu non pas l’apporter comme quelqu’un qui vient
pour la première fois, mais le rendre, comme quelqu’un qui revient. Quant à moi, en
effet, et si tu te corriges, ce qui est mon vœu le plus cher, je connaîtrai le comble de la
joie, et si, ce que je redoute, tu persévères dans cette perversité, j’aurai pour fruit de tes
injures, pour moi, un surplus de récompenses dans le ciel, et, pour toi, l’épine d’une
douleur pleine de miséricorde135. »
L’amour et l’appel insistant au retour sont liés à une volonté d’accueil de
l’hérétique136, qui pour l’évêque d’Hippone n’est pas théorique, puisque son
Église, à Hippone, a pu accueillir d’anciens hérétiques donatistes qui ont décidé
de revenir dans le sein de la Catholica. Les liens entre les controverses donatiste
et pélagienne ont été, semble-t-il, assez peu étudiés ; cependant, on peut penser
que la réflexion d’Augustin sur la valeur des sacrements, sur la validité réelle du
ministère, notamment épiscopal, et sur le baptême, explique l’attitude du pasteur
envers l’hérétique : ce dernier, qu’il l’ait quittée ou non, fait partie de l’Église, car
il a été baptisé.
Plusieurs fois dans le traité, Augustin évoque la douleur que cause l’hérétique
à l’Église tout entière137. Alors que Julien voulait verser des larmes sur le peuple
insensé, Augustin évoque les larmes de l’Église entière pour ses adversaires138.
L’hérétique met à l’épreuve la compassion, l’amour et l’ouverture des chrétiens.
Augustin souligne que ce n’est pas lui qui doit amener Julien à se convertir par ses
paroles, mais Dieu, ou la grâce de Dieu par sa bouche139. La doctrine de la grâce,
sujet du débat qui l’oppose aux pélagiens, trouve une application pratique dans le
135. P. 492-494 : Ego quidem pro dilectione quae mihi est erga te, quam Deo propitio quibus-
libet conuiciis absit ut de medullis mei cordis exstirpes, mallem, fili Iuliane, ut iuuentute meliore
atque fortiore te uinceres, et animositatem (quid aliud quam humanam ?), qua cupis tuam, qualis-
cumque sit, quoniam tua iam facta est, praeualere sententiam, potentiore pietate superares (…) ;
et stilum (…) non uelut qui nunc primum ueneris, traderes, sed uelut qui recesseras, redderes.
Quod si tibi consilium meum displicet, age ut placet. Ego enim et si correctus fueris, quae maiora
uota mea sunt, abundantius cumulatiusque gaudebo; et si, quod abominor, in hac prauitate per-
manseris, ex opprobriis tuis fructuosum habebo, et pro me caelestis mercedis augmentum, et de te
misericordis doloris aculeum.
136. A. TRAPÈ, « Un libro sulla nozione di eresia mai scritto da sant’Agostino », p. 859.
137. Par exemple en Contra Iulianum, V, 6, 24, p. 894.
138. Contra Iulianum, V, 6, 24, p. 894.
139. Contra Iulianum, II, 10, 37, p. 572 : His igitur eloquiis et tanta auctoritate sanctum,
profecto (…) sanaberis Dei misericordia donante, quod quantum tibi optem, uidet qui faciat (…).
Aduersus hanc autem miserabilem, quam Deus a te auertat, insaniam, sic respondendum esse
uideo libris tuis, ut fides quoque aduersus te defendatur istorum ; sicut contra impios et Christi
professos inimicos etiam ipsum defenditur Euangelium. « Par ces paroles et cette si grande autorité
de nos saints docteurs, (…) tu seras guéri grâce au don de la miséricorde de Dieu, car celui qui
l’accomplit voit combien je le souhaite pour toi (…). Contre cette misérable folie, dont Dieu peut
te détourner, je vois qu’il me faut répondre à tes livres, afin que la foi de ces évêques soit défendue
contre toi, de même que l’Évangile lui-même est défendu contre les ennemis impies et déclarés
du Christ. »
212 MICKAËL RIBREAU
traité même, la conversion n’étant possible que par la grâce de Dieu, que l’Église
peut demander par la prière. Tous ces thèmes, la grâce, l’accueil de l’hérétique,
la prière pour sa conversion ne sont pas liés par un simple artifice littéraire, mais
procèdent d’un même principe : la croyance en la grâce gratuite d’un Dieu bon et
juste. C’est pourquoi Augustin écrit en Contra Iulianum, IV, 3, 15 :
« As-tu oublié que nous disons contre vous, en accord avec les Écritures, la volonté
est préparée par le Seigneur [Prov 8, 35], ou le Seigneur opère en nous-mêmes le
vouloir [Phil 2, 13] ? Ennemis de la grâce de Dieu ! Ennemis de la grâce du Christ,
vous qui n’êtes chrétiens que de nom ! L’Église ne prie-t-elle pas pour ses ennemis ?
Pourquoi prie-t-elle, je te prie ? Si elle demande que leur soit accordée la récompense
de leur volonté, que demande-t-elle pour ses ennemis sinon un grand supplice ? Cette
prière ferait son mal et non son bien ; elle prie en la faveur de ses ennemis, donc,
non pas parce que leur volonté est bonne, mais pour que leur mauvaise volonté soit
changée en bonne volonté, parce que la volonté est préparée par le Seigneur [Prov
8, 35] et parce que Dieu est, comme le dit l’Apôtre, celui qui opère en vous-même le
vouloir [Phil 2, 13]140. »
Le concept de grâce permet de comprendre la position de l’hérétique vis-à-vis
de l’Église : il est hors de l’Église, mais peut y revenir, s’il se corrige, avec l’aide
de Dieu, car elle seule pourra permettre à Julien de se convertir. En revenant sur
l’interprétation du verset praeparatur uoluntas a Domino141, Augustin évoque la
conversion de l’hérétique au cœur d’un raisonnement sur la grâce. Il montre que
celle-ci n’est pas qu’un concept, mais concerne la vie du chrétien.
140. P. 676 : Itane oblitus fueras, nos cum Scriptura dicere contra uos: Praeparatur uoluntas
a Domino uel quod in nobis Deus operetur et uelle ? O ingrati gratiae Dei ! O inimici gratiae
Christi, et solo uocabulo christiani ! Nonne pro inimicis suis orat Ecclesia ? Quid orat, obsecro ?
Si ut eis suae uoluntatis retribuatur pretium, quid eis orat, nisi grande supplicium ? Quod iam
contra eos est, non pro eis ; orat autem pro eis : non ergo quia est illis uoluntas bona, sed ut
conuertatur in bonam uoluntas mala ; quoniam praeparatur uoluntas a Domino, et : Deus est enim,
ut ait Apostolus, qui operatur in uobis et uelle.
141. Voir à ce sujet A. SAGE, « Praeparatur uoluntas a Domino », Revue des Études
Augustiniennes, 10, 1964, p. 1-20.
AUGUSTIN HÉRÉSIOLOGUE DANS LE CONTRA IVLIANVM 213
RÉSUMÉ : Sur la base du Contra Iulianum, sont étudiés les critères utilisés par Augustin pour
définir ce qu’est une hérésie, ce qu’est l’orthodoxie. L’évêque d’Hippone reprend plusieurs
éléments de l’hérésiologie traditionnelle, mais il en ouvre cependant les perspectives en refusant
certains principes, comme la diabolisation de l’adversaire, préférant d’autres aspects tels que
l’incohérence ou l’orgueil de l’hérétique.
Augustin développe deux arguments peu utilisés par les Pères précédents, l’argument patristique
et l’argument liturgique, qui sont liés, car ils relèvent tous deux de l’inspiration divine. Le concept
de grâce vient éclairer sa conception de l’hérésie et de l’attitude à avoir envers l’hérétique. En
effet, la grâce, accordée gratuitement par Dieu, peut permettre à un hérétique de se convertir.
Si l’hérésie reste condamnable, l’homme qui la porte peut être guéri et revenir dans le sein de
l’Église qu’il a quittée.
ABSTRACT : This article analyses the Contra Iulianum to define Augustine’s specific approach
of heresy and orthodoxy. Taking up the traditional methods of heresiology, he nonetheless offers
new perspectives, as he notably refuses to demonize the heretics and chooses to insist on their
inconsistency or their pride.
Augustine chiefly elaborates on two arguments that had been seldom used by the previous
Fathers, namely the patristic and the liturgical arguments, both of them depending on divine
inspiration. The concept of grace is a useful key to understand Augustine’s conception of heresy
and his attitude towards the heretics: as a free gift from God, grace allows for the conversion of
heretics. While heresy is reprehensible, the heretics can be cured and they can return to the Church
they had left.