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septembre, l’émissaire américain, le diplomate vétéran


Zalmay Khalizad, avait annoncé un « accord de
Les Américains sont-ils prêts à la paix en
principe », qui n’attendait plus que le paraphe de
Afghanistan? Donald Trump. La rencontre de Camp David devait
PAR THOMAS CANTALOUBE
ARTICLE PUBLIÉ LE MERCREDI 11 SEPTEMBRE 2019 être l’occasion d’annoncer au reste du monde cette
étape importante. Mais elle a déraillé du fait du
président américain qui trois jours plus tard, le
10 septembre, a renvoyé sans préavis son conseiller à
la sécurité nationale, le super faucon John Bolton. Que
s'est-il passé ?
Il y a tout d’abord le contenu de l’accord négocié à
Doha. Selon les termes révélés par les deux parties,
les Américains s’engagent à retirer 5 400 soldats dans
Un Afghan blessé lors d'un attentat-suicide à Kaboul, septembre 2019. © Reuters
les 135 prochains jours, et les 8 600 restants dans les
Après que Donald Trump a annoncé simultanément
six mois suivants, achevant ainsi une sortie du conflit
la tenue et l’annulation d’une réunion entre les
où ils sont embourbés depuis près de deux décennies.
Américains et les talibans en vue d’un accord de paix,
En échange, les talibans promettent de s’éloigner d’Al-
les discussions ne sont pas pour autant terminées entre
Qaïda et d’empêcher que leur pays ne serve de base
les deux ennemis.
à des attaques contres les États-Unis. Par ailleurs, le
Quand Donald Trump a annoncé samedi 7 septembre gouvernement afghan actuel n’a pas été associé aux
l’annulation d’une invitation faite aux leaders talibans discussions, ce qui en dit long sur la manière dont il
de venir signer un accord à Camp David, la résidence est considéré, aussi bien par Washington que par les
secondaire des présidents des États-Unis, il a surpris talibans.
tout le monde. Tout d’abord parce que personne n’était
au courant d’une telle rencontre avant même qu’elle
ne soit abruptement rayée de l’agenda. Ensuite parce
qu’accueillir les chefs talibans sur le sol américain
quelques jours avant l’anniversaire du 11 septembre
2001 ne semblait pas du meilleur goût, surtout aux
yeux des soutiens conservateurs de Trump. Enfin
parce qu’en dépit de près d’une année de discussions
directes à Doha entre les émissaires de la Maison Un Afghan blessé lors d'un attentat-suicide à Kaboul, début septembre 2019. © Reuters

Blanche et les anciens hôtes d’Oussama ben Laden, le Si ces propositions paraissent un peu minces au terme
contenu de l’accord de paix ne semble pas augurer de de neuf rencontres qui se sont étalées sur onze mois,
la stabilisation de l’Afghanistan. c’est parce que l’équation à résoudre est extrêmement
Depuis bientôt 18 ans que dure la dernière strate en difficile. Comme il l’a promis durant sa campagne
date du perpétuel conflit en Afghanistan, c’est-à-dire électorale, Trump veut retirer les GI d’Afghanistan
la lutte entre Washington et les milices islamistes et mettre un terme à l’implication des États-Unis
qui contrôlaient le pays jusqu’en octobre 2001, dans cette région. Les talibans, eux, veulent éviter
les négociations entamées au Qatar depuis un an de fracturer leur mouvement, composé de multiples
apparaissaient comme un progrès. Pour la première clans et tendances politiques, unis autour d’une seule
fois, officiellement en tout cas, les nouveaux et les question : un départ rapide des Américains.
anciens maîtres du pays se sont assis à la même table
pour essayer de trouver une porte de sortie. Début

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Le gouvernement de Kaboul, de son côté, ne veut retenu Trump par la manche, le convainquant in
pas être abandonné par l’Oncle Sam qui, pour extremis de retirer son invitation à Camp David. Et
l’heure, évite de replonger dans la guerre civile des le toujours va-t-en-guerre Bolton en paye les pots
années 1990 entre forces gouvernementales, rebelles cassés trois jours plus tard puisque, une nouvelle
islamistes et chefs de guerre locaux. Enfin, de manière fois, la position de la Maison Blanche est apparue
presque anecdotique, mais cela pèse quand même, incohérente.
le Qatar pousse pour qu’un accord résultant des « La plupart des talibans ne connaissent que
discussions sur son sol soit signé, ce qui permettrait la guerre comme mode de vie »
au petit émirat gazier de remporter une victoire
Les talibans, de leur côté, ont été ravis de rendre
psychologique contre l’Arabie saoudite qui lui impose
Washington responsable de ce cafouillage, se drapant
un blocus depuis deux ans.
dans le plumage de la colombe : « Plus que pour
C’était donc cet accord qui devait être validé à quiconque, il s’agit d’une perte pour les États-Unis :
Camp David le 9 septembre, avant que Donald leur opposition à la paix apparaît clairement aux yeux
Trump n’appuie sur les freins par une série de du monde, leur bilan humain et financier va continuer
tweets. L’argument officiel justifiant l’annulation est à se détériorer, et leurs engagements politiques seront
un attentat commis par les talibans jeudi 5 septembre considérés comme peu fiables. » Et de marteler leur
qui a fait seize morts, dont un soldat américain : vérité : « Il y a vingt ans, nous avions proposé un
« S’ils ne sont pas capables de faire régner un marché aux Américains, notre position demeure la
cessez-le-feu durant ces négociations de paix, ils n’ont même aujourd’hui. »
probablement pas le pouvoir de signer un accord
Sur ce dernier point, il est vrai que les talibans
significatif. Qui sont ces gens qui tuent dans le but
n’ont pas changé d’approche. Ils veulent le départ des
de renforcer leurs exigences ? », a plaidé le président
Américains, ils s’arrangeront avec le gouvernement
américain.
afghan ensuite. Et c’est là que le bât blesse, car tout
Mais personne ne croit à cette explication. Les talibans le monde craint qu’après le retrait des Américains,
– leur position est bien connue depuis des années – les anciens étudiants en théologie ne décident de
ont toujours refusé de s’engager dans un cessez-le-feu. renverser les autorités de Kaboul. Malgré des dizaines
Comme l’explique un diplomate européen, qui fut en de milliards de dollars dépensés dans son recrutement,
poste à Kaboul récemment, « les talibans discutent et son équipement et sa formation, l’armée nationale
combattent en même temps. Ils ont toujours procédé afghane est toujours jugée peu fiable et assez peu
ainsi ». La véritable raison de l’annulation, si l’on compétente.
en croit les différents récits parus dans la presse
« On sait que les talibans veulent établir un État
américaine (ici ou là), semble être que Trump s’était
islamique en Afghanistan, rappelle le diplomate
engagé tout seul sur cette voie de la signature d’un
européen, mais on ne sait pas selon quelles modalités
accord, poussé par son émissaire Zalmay Khalilzad, et
ni s’ils sont prêts à participer à des élections libres et
espérant rééditer le même « coup » qu’avec Kim Jong-
à accepter leur résultat s’il leur est défavorable. Sont-
un.
ils également prêts à déposer les armes dans le cadre
Seulement, le proche entourage du président n’est pas d’un programme d’amnistie et de réintégration dans
du tout sur la même ligne : l'ex-conseiller à la sécurité la société ? Ils ne se prononcent pas sur le sujet. »
nationale John Bolton, et son secrétaire d’État Mike
Les talibans, jusqu’ici, ont réussi à faire accepter
Pompeo, ont toujours été partisans d’une politique
par Washington leur position consistant à négocier le
étrangère musclée (et armée). L’accord envisagé avec
retrait des GI et à renvoyer à plus tard un accord avec le
les talibans leur paraît bien trop défavorable aux
gouvernement afghan. Mais beaucoup d’Occidentaux
intérêts des États-Unis. C’est donc eux qui auraient
doutent de la volonté des islamistes de composer

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pacifiquement avec Kaboul. « La plupart des talibans fait campagne pour sa réélection) doit se tenir le
ne connaissent que la guerre comme mode de vie », 28 septembre prochain. Mais si les talibans n’y
raconte le membre d’une ONG qui a beaucoup participent pas, il est évident qu’ils vont tout faire pour
travaillé sur place et qui préfère rester anonyme, car il perturber le scrutin à coups d’attentats, provoquant
n’est pas autorisé par son organisation à parler. encore davantage de victimes afghanes (près de 1 400
« Depuis cinquante ans, les périodes de paix sont morts civiles depuis début 2019).
incroyablement peu nombreuses, et ils ont une vision Surtout, comme Ghani et des membres de son
de leur mission sur terre à très long terme. Cela fait gouvernement l’ont fréquemment confié en privé, « si
presque deux décennies qu’ils résistent à la première les Américains se retirent complètement, je ne donne
puissance militaire mondiale, alors quelques années pas cher de notre peau », selon les mots de l’un d’entre
de plus ou de moins ne les effraient pas. Par ailleurs, eux prononcés à Paris lors d’une visite début 2019.
c’est la guerre qui les unit. Si elle s’arrête, ce sont les Cela ne préoccupe sans doute guère Donald Trump,
vieux conflits tribaux qui ressurgissent. » mais ses conseillers Bolton et Pompeo, oui, même si
Les leaders de l’insurrection sont conscients de ce n’est que pour des questions idéologiques.
cela : il y a parmi eux des chefs pachtounes qui La porte fermée par Trump l’est-elle définitivement ?
voient l’insertion dans le jeu démocratique d’un Rien n’est moins sûr, puisque l’hôte de la Maison
bon œil, si cela leur garantit de l’autonomie, mais Blanche, toujours à la recherche d’un vrai succès
d’autres insurgés plus fondamentalistes n’envisagent diplomatique depuis que sa valse nord-coréenne a
rien d’autre que l’établissement d’un califat à la mode dérapé, pourrait bien relancer de son propre chef l’idée
Daech. Pour l’heure, ces différentes factions et leurs d’une signature avec les talibans. En éjectant Bolton,
myriades d’inflexions régionales combattent contre un il se débarrasse d'un empêcheur de négocier, le vilain
ennemi commun. Mais que se passe-t-il lorsque Oncle canard qui empêchait la jolie photo de Trump serrant la
Sam plie bagage ? Acceptent-elles de discuter de paix pogne des talibans. Par ailleurs, une fois Ashraf Ghani
avec Kaboul, ou se lancent-elles dans une conquête de réélu, comme c’est probable, il sera plus facile de
la capitale, comme après le retrait de l’Armée rouge ? l’associer et de préparer le terrain pour les prochaines
Dans cet affrontement d’ambitions contradictoires, élections dans cinq ans, avec si possible les insurgés.
la position du président Ashraf Ghani, un ancien Les talibans, eux, n’auront toujours rien à perdre. La
fonctionnaire de la Banque mondiale, semble compter suspension de l’invitation à Camp David n’est sans
pour du beurre. L’élection présidentielle (où il doute que partie remise.

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