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LES STRATÉGIES DE LOCALISATION DES FIRMES

MULTINATIONALES
Une analyse du secteur automobile
Ana Colovic et Ulrike Mayrhofer

Lavoisier | « Revue française de gestion »

2008/4 n° 184 | pages 151 à 165


ISSN 0338-4551
ISBN 9782746221789
Article disponible en ligne à l'adresse :
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https://www.cairn.info/revue-francaise-de-gestion-2008-4-page-151.htm
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DOSSIER
ANA COLOVIC
ESC Rouen
ULRIKE MAYRHOFER
IAE, université Lyon III

Les stratégies

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de localisation
des firmes
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multinationales
Une analyse du secteur automobile
Cet article étudie les stratégies de localisation des firmes
multinationales. À travers une analyse du secteur
automobile, les auteurs tentent de comprendre dans quelle
mesure les modèles conceptuels proposés dans la littérature
peuvent expliquer les choix de localisation effectués par les
firmes. L’analyse met en relief les mutations récentes de
l’industrie automobile mondiale, et notamment l’importance
grandissante des marchés émergents dans la localisation des
activités des firmes multinationales.

DOI : 10.3166/RFG.184.151-165 © 2008 Lavoisier, Paris


152 Revue française de gestion – N° 184/2008

D
ans un contexte de mondialisation automobile qui peut être considérée
économique et d’intégration crois- comme un secteur globalisé où les diffé-
sante des espaces économiques rents constructeurs s’affrontent désormais
régionaux, de nombreuses firmes mul- à l’échelle mondiale. À travers cette
tinationales sont amenées à réviser la loca- analyse, nous chercherons à déterminer
lisation de leurs activités dans le but d’opti- dans quelle mesure les cadres théoriques
miser leur chaîne de valeur globale. Ces retenus peuvent expliquer les choix effec-
dernières années ont notamment été mar- tués en matière de localisation des
quées par l’internationalisation des activités activités.

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de production et de recherche et développe- Dans la première partie de l’article, nous
ment (R&D). Les spécialistes prévoient une faisons appel à la théorie du cycle de vie du
amplification du phénomène pour les produit pour comprendre pourquoi une
années à avenir, avec une localisation crois- entreprise localise ses activités à l’étranger
sante de ces activités dans les pays dits avant d’examiner le choix des modes d’en-
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émergents (UNCTAD, 2005). En effet, les trée sur les marchés étrangers sous l’angle
études disponibles montrent que l’attracti- du paradigme éclectique. Dans la seconde
vité des territoires est soumise à des muta- partie, nous utilisons les analyses dévelop-
tions profondes, parmi lesquelles on peut pées par le courant de la nouvelle géogra-
notamment souligner l’importance grandis- phie économique (Krugman, 1991 ; Krug-
sante des marchés émergents, notamment man et Venables, 1995 ; Muchielli, 1998) et
de la Chine et de l’Inde (ANRT-IFRI, 2005, « la matrice régionale » (Rugman, 2005)
2006). dans le but de comprendre comment une
Cette évolution soulève de nombreuses entreprise choisit la région ou le pays où
interrogations tant pour le chercheur que elle va implanter ses activités et quelles
pour le praticien : Pourquoi les entreprises formes de stratégies régionales on peut
multinationales choisissent-elles de loca- distinguer. Ces différents champs théo-
liser leurs activités à l’étranger ? L’inter- riques nous permettront d’identifier les
nationalisation des activités est-elle consi- différentes variables explicatives des straté-
dérée comme une opportunité ou une gies de localisation empruntées par les
contrainte ? Quels sont les modes d’entrée firmes multinationales. Nous montrons
utilisés par les entreprises ? Quels sont les que les approches choisies peuvent être
territoires privilégiés dans le passé et considérées comme complémentaires dans
quels sont ceux considérés comme étant l’explication de la localisation. Nous met-
les plus attractifs pour les années à venir ? tons également en relief la complexité
Pour répondre à ces questions, nous nous croissante du phénomène, qui nécessite
proposons d’examiner les principaux l’élaboration de nouveaux modèles théo-
cadres conceptuels proposés dans la litté- riques permettant de mieux saisir les évolu-
rature et de les juxtaposer aux choix de tions récentes dans le domaine. La
localisation effectués par les entreprises. démarche d’analyse utilisée pour cette
Le champ d’investigation retenu pour recherche est résumée dans la figure
l’étude empirique est celui de l’industrie suivante.
La localisation des firmes multinationales 153

Figure 1 – La démarche d’analyse utilisée

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I. L’INTERNATIONALISATION Krugman (1995), la décomposition interna-


DES ACTIVITÉS : LES APPORTS tionale de la chaîne de valeur des entre-
DU CYCLE DE VIE ET DU prises constitue l’un des aspects les plus
PARADIGME ÉCLECTIQUE importants de l’économie mondiale. Cette
Les stratégies de localisation des firmes, et fragmentation des activités est notamment
notamment des multinationales, font l’objet évidente chez les firmes multinationales qui
d’une attention croissante depuis les années localisent les activités constituant leur
1960. Les chercheurs ont souhaité com- chaîne de valeur dans différentes régions.
prendre pourquoi les firmes multinationales L’organisation et la distribution des activités
choisissent un pays plutôt qu’un autre pour de production et d’autres activités de l’en-
implanter leurs activités et quels modes treprise s’effectuent au niveau global et ceci
d’entrée elles adoptent pour pénétrer les fait partie de ce qu’on appelle la chaîne de
pays étrangers. valeur globale (UNCTAD, 2002). Sont
La localisation à l’international peut être concernées par ce processus les activités
définie comme le choix des firmes de faire comme la production, la distribution, le
faire hors des frontières nationales ce marketing ou la recherche et le développe-
qu’elles auraient pu faire dans leur pays ment (R&D). Dans ce travail, nous avons
d’origine (Mucchielli, 1998). Ce processus choisi d’analyser en particulier les straté-
concerne rarement la totalité des fonctions gies de localisation de l’activité productive
de l’entreprise car, comme l’avance et ceci pour deux raisons : premièrement,
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c’est une activité qui est traditionnellement mité de la demande pour « protéger » ses
considérée comme hautement stratégique opérations et ses profits à l’étranger. En
pour les entreprises industrielles ; deuxiè- effet, l’avantage technologique dont elle
mement, c’est une activité « visible » et par bénéficiait dans les premières étapes du
conséquent bien documentée. cycle de vie ne peut durer éternellement et
Pour mettre en lumière les stratégies de loca- il devient nécessaire de réduire les coûts en
lisation des constructeurs automobiles, nous délocalisant les activités de production.
faisons d’abord appel à l’approche du cycle L’entreprise va donc progressivement inter-
de vie du produit qui nous permettra d’appré- nationaliser sa production pour préserver

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hender l’évolution des stratégies de localisa- voire augmenter ses parts de marché sur les
tion pour nous focaliser ensuite sur l’approche marchés internationaux.
éclectique qui se concentre sur le choix des Le concept de cycle de vie a émergé dans
modes d’entrée sur les marchés étrangers. un contexte où la localisation à l’internatio-
nal des activités des entreprises était un pro-
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1. Le cycle de vie de produit cessus beaucoup plus lent qu’aujourd’hui et


et l’évolution des stratégies de localisation les avantages technologiques associés à cer-
Le concept de cycle de vie de produit pro- tains pays ou zones géographiques plus
posé par Vernon (1966) suggère que l’ex- durables. Néanmoins, ce cadre théorique
pansion internationale d’une entreprise peut reste d’actualité dans la mesure où il permet
être considérée comme une conséquence de comprendre l’évolution des choix de
des avantages (notamment technologiques) localisation effectués dans les secteurs
possédés par la firme et exploités dans des manufacturiers tels que le textile-habille-
marchés étrangers. Vernon explique que la ment, l’électronique et l’automobile.
vie d’un produit est constituée de cinq Ainsi, la plupart des constructeurs automo-
étapes : la conception, le lancement, la biles ont d’abord localisé leurs activités
croissance, la maturité et le déclin, et qu’à dans leur pays ou zone géographique d’ori-
chaque étape, les entreprises appliquent des gine avant d’exporter leurs véhicules à
stratégies différentes, notamment au niveau l’étranger. Le développement d’un avantage
de la localisation de leurs activités de pro- technologique leur permettait d’accroître
duction. Dans les premières étapes du cycle les ventes à l’international. Toutefois, pour
de vie, la production est généralement loca- préserver et pour accroître leurs parts de
lisée dans le pays ou la région d’origine de marché à l’étranger, il a été nécessaire de
l’entreprise qui bénéficie d’un avantage délocaliser une partie de leur production à
technologique pour commercialiser ses pro- proximité de la demande. Le tableau 1
duits dans sa zone géographique. Dans un indique la répartition géographique des
deuxième temps, le producteur est amené à activités de production des principaux
exporter ses produits dans d’autres pays ou constructeurs automobiles. Les chiffres pré-
zones géographiques afin d’élargir ses mar- sentés révèlent que la plupart des groupes
chés et de générer des profits. Au fur et à européens concentrent l’essentiel de leurs
mesure que les volumes de ventes réalisés à activités de production dans l’Union euro-
l’international augmentent, l’entreprise péenne qui représente leur principal débou-
choisit de localiser la production à proxi- ché. À l’inverse, les constructeurs améri-
La localisation des firmes multinationales 155

cains et japonais sont plus nombreux à avoir leur production dans l’Union européenne
localisé des activités de production dans où ils détiennent des parts de marché
d’autres zones géographiques, ce qui leur a importantes. Il en va de même pour les
permis d’éviter les restrictions liées aux entreprises Honda et Nissan qui produisent
régulations et de développer les ventes sur respectivement 38 % et 36 % de leurs véhi-
les marchés visés. Un exemple est fourni cules dans l’Alena (États-Unis, Canada,
par les groupes Ford et General Motors qui Mexique) où elles ont acquis des positions
réalisent respectivement 35 % et 20 % de significatives.

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Tableau 1 – La répartition géographique des activités de production des principaux
constructeurs automobiles en 2006 (en %)

Autres
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Constructeurs automobiles UE pays ALENA Amérique Japon Corée Autres


Europe, du Sud du Sud pays
Turquie
BMW 88 0 8 0 0 0 4
Fiat-Iveco-Irisbus 65 7 0 25 0 0 3
DaimlerChrysler* 31 0 62 2 4 0 1
Porsche 100 0 0 0 0 0 0
PSA Peugeot Citroën 80 0 0 6 0 0 14
Renault-Dacia-Samsung 74 11 0 7 0 6 1
Volkswagen 69 0 6 12 0 0 13
Tous constructeurs européens 64 2 17 8 1 1 7
Ford 35 5 48 6 0 0 6
General Motors 20 1 51 7 0 9 13
Tous constructeurs américains 26 3 50 7 0 5 9
Daihatsu 1 0 0 0 73 0 26
Subaru 0 0 18 0 82 0 0
Honda 5 1 38 2 36 0 18
Isuzu 0 0 1 5 44 0 50
Mazda 0 0 5 1 69 0 25
Mitsubishi 6 0 7 2 58 0 27
Nissan 16 0 36 0 38 0 10
Suzuki-Maruti 7 0 1 0 53 0 39
Toyota 7 2 20 2 52 0 17
Tous constructeurs japonais 7 1 20 1 51 0 20

* Chiffres indiqués avant la désintégration de Chrysler en 2007.


156 Revue française de gestion – N° 184/2008

D’après les chiffres fournis par le Comité tages et de ressources spécifiques, mais
des constructeurs français d’automobiles, aussi les problématiques de contrôle de
CCFA, L’industrie automobile française : chaînes productives qui commencent à se
analyse & statistiques (2007). régionaliser.
Ainsi, le paradigme éclectique peut être uti-
2. Le paradigme éclectique et le choix lisé pour expliquer pourquoi les construc-
du mode d’entrée teurs automobiles choisissent d’effectuer
À partir des années 1980, les chercheurs ont des investissements directs à l’étranger plu-
tenté de fournir des explications plus com- tôt que d’exporter ou de signer des accords

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plètes des stratégies de localisation. Le de licence. La création d’unités de produc-
modèle de « l’expansion à l’étranger » et en tion leur permet en effet de bénéficier des
particulier sa version « paradigme éclec- avantages de localisation offerts par cer-
tique » a constitué le modèle conceptuel tains pays ou régions géographiques. Par
dominant dans la recherche en management exemple, plusieurs constructeurs ont choisi
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international pendant les deux dernières de localiser des usines dans des pays où les
décennies (Rugman, 2005). Dans son coûts de production sont plus faibles. Il en
approche éclectique, Dunning (1988) se va ainsi pour le groupe PSA Peugeot
penche sur la question du mode d’entrée sur Citroën qui a récemment établi une société
un marché étranger. Il explique que le choix commune (joint venture) avec Toyota en
entre la licence, l’exportation et l’investis- République tchèque : les modèles Citroën
sement direct à l’étranger est guidé par des C1 et Peugeot 107 produits sur ce site sont
avantages « OLI » : les avantages spéci- également destinés à être commercialisés
fiques (Ownership advantages) qui corres- sur les marchés à plus hauts revenus,
pondent aux avantages spécifiques possédés notamment en Europe occidentale (PSA
par la firme ; les avantages de localisation Peugeot Citroën, 2006). De même, Renault
(Location advantages) qui désignent les a choisi de produire le modèle Logan en
avantages associés à la localisation des acti- Roumanie, et une partie de la production
vités à l’étranger ; et les avantages de l’in- vise à servir d’autres pays européens
ternalisation (Internalisation advantages) (Renault, 2006). Il paraît important de
qui correspondent aux bénéfices de l’inter- remarquer que la proximité géographique
nalisation des activités à l’international. de ces unités de production permet de limi-
Une implantation à l’étranger par le biais ter les coûts de transport dans la perspective
d’un investissement direct à l’étranger est d’une exportation des véhicules vers
favorable si les trois types d’avantages sont d’autres marchés européens.
réunis. Le modèle proposé intègre de nou-
velles variables explicatives de la localisa-
II. LE CHOIX DE LA RÉGION
tion en mettant notamment l’accent sur les
D’IMPLANTATION
avantages spécifiques possédés par la firme,
mais aussi sur l’intérêt de localiser les acti- Le modèle du cycle de vie et le paradigme
vités productives à l’étranger et de les inter- éclectique nous aident à comprendre pour-
naliser. Il permet de mieux comprendre la quoi les entreprises sont amenées à locali-
localisation en intégrant les notions d’avan- ser leurs activités à l’étranger et de quelles
La localisation des firmes multinationales 157

options elles disposent pour établir leur pré- géographiques et spatiales apparaissent
sence sur ces marchés. Toutefois, ils n’abor- comme de nouvelles variables explicatives
dent pas le choix du lieu précis de la locali- des choix de localisation des firmes. Elles
sation. En effet, jusque dans les années viennent enrichir les modèles précédents et
1990, la dimension géographique de la contribuent à une vision plus complète des
localisation est absente des explications. stratégies de localisation. En effet, comme
Or, les stratégies choisies par les mul- l’avance Rugman (2005), le choix du mode
tinationales montrent que cette dimension d’entrée et le choix de la région de localisa-
influe fortement sur le choix de localisation tion constituent des décisions stratégiques

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des activités. Les stratégies de localisation complémentaires d’une haute importance
ne dépendent pas seulement des éléments pour les entreprises multinationales.
internes à l’entreprise, elles sont également Les travaux issus de ce courant ont tenté
guidées par des aspects d’attractivité des d’identifier les déterminants du choix de la
territoires (villes, régions, pays) pour la localisation. En synthétisant les différents
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localisation des activités concernées. courants de la littérature sur la localisation


internationale des activités économiques,
1. Les leçons de la nouvelle géographie Mucchielli (1998) met en évidence quatre
économique types de déterminants :
Avec la prise en compte de ces aspects géo- 1) la demande du marché des biens que
graphiques et spatiaux d’organisation des l’entreprise espère exploiter sur chaque
activités, un nouveau courant de la littéra- localisation,
ture sur la localisation a vu le jour : la nou- 2) le coût des facteurs de production que sa
velle géographie économique. Lancé par filiale va utiliser,
Krugman (1991), ce courant s’intéresse à 3) le nombre d’entreprises locales et étran-
l’organisation spatiale des activités indus- gères déjà installées dans la localisation et,
trielles. Il explique que les activités indus- 4) les différentes politiques d’attractivité
trielles ont tendance à s’agglomérer dans menées par les autorités locales d’accueil.
certaines régions et tente de comprendre L’auteur analyse ensuite plus en détail les
pourquoi certaines régions semblent attirer deux derniers facteurs. Il explique notam-
plus d’activités économiques que d’autres. ment que l’impact du nombre d’entreprises
Krugman et Venables (1995) expliquent déjà installées dans une région est moins
que les liens en amont et en aval entre les clair que l’impact de la demande et des
entreprises (notamment à cause de l’inter- coûts de production (Mucchielli, 1998). En
dépendance au niveau des biens intermé- effet, des forces centripètes et centrifuges
diaires) conduisent à la localisation dans peuvent être présentes. La distance géogra-
des endroits proches (mêmes régions) et phique isole de la concurrence (Anderson
ainsi à l’agglomération des activités indus- et al., 1992) et peut ainsi motiver les entre-
trielles. Le courant de la nouvelle géogra- prises à se localiser loin des concurrents.
phie économique contribue à une meilleure Ceci implique que la présence d’un grand
compréhension des dynamiques d’agglo- nombre d’entreprises accentue la concur-
mération, caractérisées par une territoriali- rence et réduit l’attractivité du territoire. À
sation accrue des activités. Les variables l’inverse, des externalités positives peuvent
158 Revue française de gestion – N° 184/2008

exister entre les entreprises localisées à augmentation significative dans certains


proximité (partage d’un marché de travail, marchés émergents, notamment en Chine
réduction des coûts de transport pour des (+25,9 %) et en Europe centrale et orientale
biens intermédiaires produits par les entre- (+19,1 %). Compte tenu du poids grandis-
prises proches, transfert de technologie, sant de ces zones géographiques dans la
etc.) et ces forces pousseront les entre- production automobile mondiale (7,2 mil-
prises à s’agglomérer géographiquement. lions de véhicules produits, soit 10,4 %,
L’influence des externalités positives pour la Chine et 4,1 millions de véhicules,
devrait être plus forte si l’échelle géogra- soit 6 %, pour l’Europe centrale et orien-

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phique est fine et le niveau régional devrait tale), il paraît nécessaire de s’interroger sur
de ce fait être dominant. Quant aux poli- une nouvelle distribution spatiale des acti-
tiques d’attractivité, elles peuvent prendre vités automobiles à l’échelle mondiale.
différentes formes (subventions à la créa- Au niveau de la demande, des tendances
tion d’emplois, exemption temporaire de la similaires se dessinent. Parmi les 67,8 mil-
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fiscalité, faibles impôts, etc.) et devraient lions de véhicules neufs immatriculés dans
inciter les entreprises à s’implanter, toutes le monde en 2006, 17,1 millions (25,2 %)
choses égales par ailleurs (Mayer et concernent l’Europe occidentale, 19,9 mil-
Mucchielli, 1999). lions (29,4 %) l’Alena et 5,7 millions
Dans le domaine automobile, la dimension (8,5 %) le Japon. Depuis plusieurs années,
spatiale joue un rôle particulièrement ces trois zones géographiques sont arrivées
important. Pendant longtemps, l’industrie à maturité, et les variations à la hausse
automobile mondiale a été marquée par (+ 1,4 % en Europe occidentale entre 2005
trois principaux pôles, constitués par l’Eu- et 2006) ou à la baisse (- 1,7 % dans
rope occidentale, l’Amérique du Nord et le l’Alena, -1,9 % au Japon) s’avèrent peu
Japon. Comme l’indique le tableau 2, ces significatives. En revanche, les pays émer-
trois espaces géographiques continuent de gents enregistrent une croissance impor-
représenter les principales zones de produc- tante de la demande, par exemple 13,1 %
tion des constructeurs automobiles : parmi pour l’Amérique du Sud et 12,9 % pour
les 69,3 millions de véhicules produits (voi- l’Europe centrale et orientale. En 2006, les
tures particulières et véhicules utilitaires) immatriculations de véhicules neufs enre-
en 2006, 16,3 millions de véhicules gistrées sur le marché chinois (plus de
(23,5 %) ont été produits en Europe occi- 7 millions de véhicules, soit 10,4 %) ont
dentale, 15,9 millions (22,9 %) dans même dépassé, pour la première fois, celles
l’Alena et 11,5 millions (16,6 %) au Japon. du marché japonais.
Si la production mondiale de véhicules a Le tableau 2 révèle qu’en Europe occiden-
augmenté de 4 % par rapport à 2005 et de tale, le nombre de véhicules produits cor-
19 % depuis 2000, il convient de souligner respond au nombre de véhicules vendus.
de fortes disparités selon les régions : on Toutefois, en Europe occidentale, le
peut ainsi observer une baisse de la produc- nombre de véhicules produits est légère-
tion dans la plupart des pays d’Europe occi- ment inférieur au nombre de véhicules ven-
dentale (-1,1 % depuis 2005) et en Amé- dus, alors qu’en Europe centrale et orien-
rique du Nord (-3 %), mais une tale, la tendance inverse peut être observée.
La localisation des firmes multinationales 159

Cette différence reflète la volonté de cer- pays d’origine. Les chiffres indiqués sem-
tains constructeurs automobiles (par blent valider les travaux menés par
exemple, PSA Peugeot Citroën, Renault) de Mucchielli (1998) sur les déterminants du
localiser des activités de production en choix de la localisation des activités. Ils
Europe centrale et orientale dans le but de suggèrent notamment que la demande de
bénéficier des coûts de production plus véhicules et le coût des facteurs de produc-
avantageux. Il paraît intéressant de remar- tion influencent les localisations privilé-
quer que la production automobile dans les giées par les constructeurs. En revanche,
pays de l’Alena reste inférieure aux ventes l’impact du nombre d’entreprises installées

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de véhicules enregistrées, tandis qu’au dans une localisation et les politiques d’at-
Japon, la production automobile est supé- tractivité menées par les autorités locales
rieure aux immatriculations de véhicules n’est pas évident, du moins en ce qui
neufs. Dans cette optique, on peut rappeler concerne l’analyse des principaux pôles
le succès rencontré par certaines marques automobiles.
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japonaises comme Mazda et Mitsubishi D’après les chiffres fournis par le Comité
sur les marchés internationaux, même si des constructeurs français d’automobiles,
elles continuent de concentrer l’essentiel CCFA, L’industrie automobile française :
de leurs activités de production dans leur analyse & statistiques (2007).

Tableau 2 – La répartition géographique de la production automobile


et le nombre d’immatriculations de véhicules neufs en 2006

Nombre de % de la Nombre de
% des ventes
véhicules production véhicules neufs
Espace géographique automobiles
produits automobile vendus
mondiales
(en milliers) mondiale (en milliers)
Europe 21406 30,9 21851 32,2
Europe occidentale 16284 23,5 17090 25,2
Europe centrale et orientale 4134 6 4760 7
Amérique 19093 27,6 23424 34,6
ALENA 15882 22,9 19895 29,4
Amérique du Sud 3212 4,6 3529 5,2
Asie-Océanie 28192 40,7 21196 31,3
Japon 11484 16,6 5740 8,5
Chine 7189 10,4 7020 10,4
Corée du Sud 3840 5,5 1220 1,8
Afrique 567 1 1313 1,9
TOTAL 69258 100 67783 100
160 Revue française de gestion – N° 184/2008

Les développements présentés semblent gies qu’elles poursuivent dans les diffé-
témoigner de l’apparition de nouveaux rentes régions du monde (politique de pro-
pôles automobiles dans les marchés émer- duit et de prix par exemple). Les chercheurs
gents tant au niveau de la production qu’au ont tenté de déterminer les éléments qui
niveau de la demande. On peut notamment permettent d’estimer si les entreprises peu-
souligner l’importance grandissante de la vent être qualifiées de multinationales et ont
Chine, mais aussi de l’Europe centrale et analysé leurs pratiques stratégiques dans les
orientale et de l’Amérique latine. Deux ten- différentes régions du monde. Bartlett et
dances majeures peuvent être observées : Ghoshal (1989) ont notamment fourni des

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d’une part, de nombreux constructeurs amé- contributions importantes dans ce domaine.
ricains, européens et japonais mettent en Les modèles issus de cette littérature intro-
place des unités de production dans ces mar- duisent des variables « organisationnelles »,
chés à forte croissance ; d’autre part, de nou- telles que la coordination et le contrôle des
veaux concurrents puissants apparaissent opérations internationales, dans l’explica-
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dans les marchés émergents, notamment tion des stratégies de localisation. Ces
dans les pays asiatiques comme la Chine modèles peuvent compléter ceux étudiés
(par exemple, le groupe Chery Automobile précédemment car ils permettent d’avoir
qui prévoit d’implanter des usines de pro- une vision plus organisationnelle ou mana-
duction dans les pays d’Europe centrale et gériale des stratégies de localisation.
orientale, au Moyen Orient et en Amérique Dans un travail important analysant les 500
du Sud) et l’Inde (par exemple, le groupe plus grandes entreprises multinationales,
Tata qui a récemment racheté la marque Rugman (2005) conclut que la grande majo-
Jaguar à Ford et qui vient de lancer une voi- rité d’entre elles concentrent leurs activités
ture commercialisée à moins de 2500 dol- dans l’un des trois grands blocs régionaux –
lars) (The Economist, 2008). Ces mutations Amérique du Nord, Europe et Asie-Paci-
sont susceptibles de conduire à une redistri- fique, le plus souvent dans leur région d’ori-
bution spatiale des activités automobiles, au gine. L’auteur avance que ceci peut s’expli-
profit des pays émergents. Elles soulèvent la quer par le fait que la distance joue un rôle
question de l’optimisation des choix de important, malgré la globalisation des mar-
localisation effectués par les firmes mul- chés. Dans cette optique, il convient de rap-
tinationales. En clair, les constructeurs auto- peler le caractère multidimensionnel du
mobiles ont-ils intérêt à localiser leurs acti- concept de distance qui couvre des aspects
vités dans plusieurs pôles automobiles, y géographiques, mais aussi des aspects cultu-
compris dans les nouveaux pôles en voie de rels, administratifs et économiques, lesquels
constitution dans les pays émergents ? ont un impact sur l’expansion internationale
des entreprises (Ghemawat, 2001). Rugman
2. Les stratégies régionales des firmes (2005) argumente que la plupart des firmes
multinationales multinationales ne poursuivent pas des stra-
La littérature en management international tégies globales mais plutôt des stratégies
s’est particulièrement intéressée aux éten- régionales et développe une « matrice régio-
dues géographiques des opérations des nale » (figure 2) pour distinguer les diffé-
entreprises et à la comparaison des straté- rents types de stratégies possibles.
La localisation des firmes multinationales 161

Figure 2 – La matrice « régionale »

Portée géographique des avantages


spécifiques de la firme
Étendue
géographique Régionale Globale
des avantages de
localisation de la Globale 1. Non observée 3. Firme globale
firme
Régionale 2. Firme régionale 4. Firme birégionale

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Source : Adapté de Rugman (2005, p. 43).
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L’axe horizontal représente la portée régio- exemple, les régulations de l’Organisation


nale ou globale des avantages spécifiques mondiale du commerce ou des Nations
de la firme, l’axe vertical correspond à unies au niveau global. D’autres effets de
l’étendue des avantages de localisation de localisation influençant les firmes sont la
la firme. Les deux axes font référence aux culture, l’infrastructure, la dotation en fac-
aspects de la stratégie de l’entreprise et teurs et ils peuvent avoir une influence au
pour les deux axes, une distinction est faite niveau régional ou au niveau global.
entre les dimensions régionale et globale. Selon les deux axes, les cellules de la
Sur l’axe horizontal, les avantages spéci- matrice sont par conséquent définies
fiques de la firme sont exploités soit au comme suit :
niveau régional, soit au niveau global. Par Cellule 1 : les firmes possédant des avan-
exemple, au niveau régional, la portée géo- tages spécifiques basés sur la région d’ori-
graphique des avantages de la firme peut gine, mais avec une étendue globale au
être fondée sur un brevet ou un label (natio- niveau de la localisation. Rugman n’a
nal ou régional), une portée globale néces- pas observé de cas représentatifs de cette
siterait que l’avantage spécifique de la firme stratégie.
devienne un standard global ou une marque Cellule 2 : les firmes dont les avantages spé-
globale, ou qu’il génère des bénéfices glo- cifiques sont basés sur leur région d’origine.
baux d’intégration, avec des économies Elles ont des avantages avec une portée dans
d’échelle ou d’apprentissage. Sur l’axe ver- leur région et leur étendue de localisation
tical, l’étendue géographique (régionale ou est dans cette région. La plupart des
globale) détermine la localisation de constructeurs automobiles européens
l’avantage compétitif de la firme. Cet axe entrent dans cette catégorie, car ils concen-
exprime par exemple les influences des trent l’essentiel de leurs activités de produc-
avantages spécifiques au pays qui affectent tion dans l’Union européenne qui constitue
l’étendue géographique de la firme, comme d’ailleurs leur principal débouché. Si la pré-
les régulations gouvernementales natio- sence des constructeurs européens dans les
nales pour le niveau régional ou, par deux autres blocs régionaux paraît limitée,
162 Revue française de gestion – N° 184/2008

on peut néanmoins remarquer la volonté respectivement 48 % et 51 % de leurs véhi-


affichée par les marques européennes de cules), mais qui ont également localisé une
diversifier les ventes internationales, notam- partie de leur production dans l’Union
ment pour saisir les opportunités offertes européenne (soit respectivement 35 % et
par les pays émergents. Comme l’indique 20 %). Il en va de même pour les groupes
Christian Streiff, le nouveau président du japonais Honda et Toyota qui bénéficient
directoire du groupe PSA Peugeot Citroën, d’une forte présence dans leur pays d’ori-
parmi les quatre priorités définies pour les gine (où ils produisent respectivement 36 et
années à venir (qualité des produits et des 52 % de leurs véhicules), mais aussi en

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services, réduction des coûts, élargissement Amérique du Nord qui comptabilise respec-
de la gamme de produits, internationalisa- tivement 38 % et 20 % de leur production.
tion), « nous devons profiter de nos points Le point de départ du cadre analytique pro-
forts pour rapidement changer de taille en posé par Rugman est que la production
Chine, devenir un acteur majeur au Merco- internationale est dominée par les grandes
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sur et continuer l’expansion en Europe de multinationales concentrées dans des clus-


l’Est » (PSA Peugeot Citroën, 2006, p. 6). ters locaux (ou régionaux), définis comme
La stratégie poursuivie par Renault paraît des « concentrations géographiques d’en-
similaire, puisque le groupe cherche égale- treprises interconnectées, de fournisseurs
ment à renforcer sa présence dans les mar- spécialisés, de firmes dans des industries
chés émergents, par exemple en Roumanie, liées, et d’institutions associées… dans des
en Amérique latine et en Corée du Sud, et domaines particuliers, qui sont en concur-
plus récemment en Inde et en Iran (Renault, rence, mais qui coopèrent aussi » (Porter,
2006). 1998, p. 197). Dans ses travaux récents,
Cellule 3 : les firmes globales qui bénéfi- Dunning (2001) avance que les entreprises
cient d’une portée globale de leurs avan- multinationales de la Triade (États-Unis -
tages spécifiques et d’une étendue globale Japon - Europe) concentrent dans des clus-
de leurs avantages de localisation. Elles ters régionaux des activités à valeur ajoutée
sont présentes dans les trois grands blocs et en constituent des acteurs centraux (flag-
régionaux. À ce jour, aucun des principaux ship firms). Elles dirigent, coordonnent et
constructeurs automobiles n’a réussi à gèrent stratégiquement les activités des
s’imposer de manière significative dans les entreprises partenaires, des fournisseurs,
trois blocs régionaux. des clients clés et l’infrastructure en géné-
Cellule 4 : les firmes birégionales qui ont ral. L’industrie automobile en est un bon
une portée globale de leurs avantages spéci- exemple.
fiques, mais qui ne sont pas globales dans Dunning (2001) suggère notamment que les
leur étendue géographique, car elles affi- constructeurs automobiles sont des leaders
chent une présence significative dans seule- dans les clusters verticaux, constitués de
ment deux des trois grands blocs régionaux. leurs réseaux de sous-traitance. Comme
Comme exemple, on peut citer les construc- exemple, on peut citer les groupes alle-
teurs américains Ford et General Motors mands qui ont attiré un nombre important
qui possèdent des positions importantes sur de sous-traitants à proximité de leurs usines
le marché nord-américain (où ils produisent de production. On peut ainsi noter l’exis-
La localisation des firmes multinationales 163

tence de clusters près de Stuttgart dans le Compte tenu des mutations récentes de l’in-
Bade-Wurtemberg (autour des usines de dustrie automobile mondiale, il convien-
Mercedes et de Porsche), près de Munich en drait d’apporter des modifications à la
Bavière (autour des usines de BMW et de matrice proposée par Rugman (2005) en y
Volkswagen), et plus récemment près de intégrant également les nouveaux pôles
Dresde (autour des usines de Volkswagen) automobiles en émergence. La multiplica-
et de Leipzig (autour des usines de BMW et tion des unités de production des princi-
de Porsche) en Saxe, qui réunissent un paux constructeurs automobiles dans ces
réseau étroit de constructeurs et d’équipe- marchés à forte croissance laisse supposer

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mentiers. Dans cette perspective, il paraît une multirégionalisation des firmes consi-
important de remarquer que de nombreuses dérées comme régionales, notamment des
marques allemandes continuent de produire groupes européens. Il en va de même pour
la majorité (BMW, marque Audi – groupe les nouveaux concurrents originaires des
Volkswagen) voire la totalité (Porsche) de marchés émergents, qui cherchent à s’im-
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leurs véhicules sur le territoire allemand. planter dans d’autres zones géographiques.
Cette décision s’explique par la volonté de L’analyse des stratégies de localisation des
ces entreprises de bénéficier de l’image entreprises multinationales met en relief la
associée à leur pays d’origine dans le complexité de cette décision à caractère
domaine automobile. En effet, l’Allemagne stratégique. Elle montre que les cadres
dispose d’une image particulièrement posi- conceptuels proposés dans la littérature
tive dans le secteur automobile. Comme le apportent des explications complémentaires
souligne Patrice Franke, directeur général des stratégies de localisation. Elle montre
d’Audi France : « dans de nombreux pays, également qu’il est nécessaire d’enrichir les
les consommateurs sont prêts à payer des cadres analytiques afin de prendre en consi-
tarifs plus élevés pour des voitures conçues dération les mutations récentes de l’envi-
et/ou fabriquées en Allemagne. L’adoption ronnement mondial qui sont susceptibles
d’un prix d’écrémage (prix supérieur par d’influencer les choix de localisation effec-
rapport aux tarifs pratiqués par les marques tués par les entreprises.
généralistes) nous permet de rester
compétitifs malgré le coût élevé de la CONCLUSION
main-d’œuvre outre-Rhin » (Hertrich et
Mayrhofer, 2007, p. 139). L’image positive Dans cette recherche, nous avons étudié les
associée aux voitures « Made in Germany » stratégies de localisation des firmes mul-
explique pourquoi certaines marques alle- tinationales à travers les prismes analy-
mandes ont choisi de maintenir leurs unités tiques proposés dans la littérature. Dans un
de production dans leur pays d’origine. Par contexte où l’attractivité des territoires
exemple, 90 % des véhicules de la marque semble en constante mutation, il est néces-
Audi sont fabriqués en Allemagne (Hertrich saire de mieux comprendre les choix de
et Mayrhofer, 2006). Il en va de même pour localisation effectués. Bien que la localisa-
le choix des sous-traitants qui ont localisé tion des activités reste un phénomène
leurs activités à proximité des construc- essentiellement intra-Triade et que les
teurs. firmes multinationales concentrent leurs
164 Revue française de gestion – N° 184/2008

activités majoritairement dans leur zone Dans ce contexte, il paraît nécessaire d’éla-
d’origine, il apparaît que les marchés émer- borer un nouveau cadre théorique permet-
gents comme la Chine et l’Inde constituent tant de comprendre la complexité des déci-
désormais des territoires particulièrement sions liées à la localisation des activités. En
attractifs pour la localisation des activités effet, comme l’a montré l’analyse de l’in-
productives. L’analyse présentée révèle que dustrie automobile, les activités indus-
les constructeurs automobiles accordent trielles connaissent actuellement des muta-
une importance grandissante à ces marchés, tions profondes qui vont avoir un impact
ceci malgré l’apparition de nouveaux significatif sur les stratégies de localisation

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concurrents puissants dans ces pays qui privilégiées. Ce cadre théorique devrait
cherchent également à se développer dans également intégrer d’autres éléments de la
d’autres zones géographiques. Les muta- chaîne de valeur dans le but d’expliquer
tions observées laissent supposer une redis- comment les firmes multinationales optimi-
tribution géographique des activités de pro- sent leur chaîne de valeur globale en
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duction à l’échelle mondiale, du moins dans « multilocalisant » leurs activités à l’échelle


le secteur automobile. mondiale.

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