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», affirme l’agence. Frontex souhaite donc « saisir les


opportunités qui découlent de la croissance rapide des
Migrants: Frontex veut détecter la
plateformes de réseaux sociaux, qui permettent aux
«menace» grâce aux réseaux sociaux utilisateurs d’interagir les uns avec les autres d’une
PAR GÉRALDINE DELACROIX
ARTICLE PUBLIÉ LE VENDREDI 18 OCTOBRE 2019 manière inimaginable auparavant ».
Les « interactions » des potentiels migrants « sur les
réseaux sociaux modifient radicalement la façon dont
les gens obtiennent des informations sur l’itinéraire
ou tout autre élément important pour leur décision de
migrer », constate Frontex.

Réunis autour des photos du jeune homme, les parents de Fakher


Hmidi, 18 ans, porté disparu depuis le naufrage de son embarcation
au large de Lampedusa, le 7 octobre. Il fuyait la Tunisie. © Reuters

L’agence européenne de surveillance des frontières,


forte d’un budget multiplié par trois, se lance dans
la surveillance généralisée des réseaux sociaux. Au
Réunis autour des photos du jeune homme, les parents de Fakher
risque de mettre en danger les populations les plus Hmidi, 18 ans, porté disparu depuis le naufrage de son embarcation
vulnérables. au large de Lampedusa, le 7 octobre. Il fuyait la Tunisie. © Reuters

C’est une police prédictive qui pourrait se déployer L’agence détaille ses attentes : « Les interactions,
non plus à l’échelle d’une ville, d’une région, ni même les conversations et le contenu des réseaux sociaux
d’un pays, mais sur tous les continents… Frontex, générés à l’aide de différentes plateformes » devront
l’agence européenne de surveillance des frontières, être analysés pour « améliorer » en premier
vient en effet de lancer un appel d’offres« pour la lieu « l’analyse des risques concernant les futurs
fourniture de services d’analyse des réseaux sociaux mouvements migratoires irréguliers susceptibles
concernant les tendances et les prévisions en matière d’avoir un impact sur les frontières extérieures de
de migration irrégulière ». Le marché sera conclu pour l’UE et de la zone Schengen », et en second lieu
une durée de 16 mois, reconduit au plus deux fois 12 « améliorer » aussi « la planification, la conduite
mois, pour un montant de 400 000 euros hors taxes. et l’évaluation d’opérations conjointes coordonnées
par Frontex (aux frontières maritimes, terrestres et
L’agence n’a pas peur du mot : elle attend des
aériennes, y compris les opérations de retour) ».
rapports commandés (« un rapport global sur le
paysage des réseaux sociaux utilisés par les migrants, L’agence n’ignore pas les difficultés de la mission :
et des rapports mensuels permettant de mesurer « Les deux objectifs exigent une gamme d’expertises
l’évolution de la situation ») qu'ils lui permettent différentes et vont au-delà de l’analyse open source
« de déterminer, à un stade relativement précoce car les interactions sur les réseaux sociaux sont
de la planification des opérations conjointes [entre souvent fermées ou nécessitent une authentification
États de l'UE – ndlr], dans quelle mesure les réseaux ». L’agence cite à titre d’exemples les espaces
sociaux contribueront à l’intelligence prédictive afin numériques à surveiller : « Facebook, forums,
d’affecter les ressources de manière appropriée ». blogs, MySpace, YouTube, Vimeo, Twitter, Telegram,
Instagram, etc. »
Pour analyser les « risques » qui pèsent selon elle
sur les frontières – une analyse qui est « le point de La liste des personnes visées est conséquente, et
départ » de toutes ses activités –, « un vaste volume de commence par « les migrants ». Elle se poursuit par
données et d’informations doit être recueilli et analysé « les trafiquants et passeurs ». Et se termine par « la

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société civile et les communautés de la diaspora » dans plus de crédibilité, elle devrait aussi fournir « toute
les pays de destination. Où surveiller ces migrants déjà évaluation de l’impact que cela pourrait avoir sur la
en route ou construisant leur projet ? Le panorama vie privée des populations vulnérables », poursuit-il.
devra se concentrer sur « les populations et les régions Certes, il est précisé dans l’appel d’offres que
du monde les plus souvent associées à des mouvements « dans la mise en œuvre générale de ses
irréguliers importants et soutenus ». activités et pour le traitement des procédures
« Il est alarmant qu’un organisme public pense d’appel d’offres en particulier », Frontex respecte
qu’il est dans son droit de donner de l’argent le Règlement européen 2018/1725 du 23 octobre
public à une société de surveillance pour espionner 2018 relatif à la protection des personnes physiques
les utilisateurs des réseaux sociaux », s’inquiète à l’égard du traitement des données à caractère
Edin Omanovic, directeur plaidoyer de l’association personnel par les institutions de l’Union, et le RGPD.
britannique Privacy International, qui défend le Mais des données personnelles, il en est pourtant
respect de la vie privée et la maîtrise par chacun·e de longuement question dans l’annexe III de l’appel
ses données personnelles. d’offres. Intitulée « Contrat de service », cette
Le travail attendu devra se concentrer annexe évoque à plusieurs reprises le traitement des
« principalement sur l’identification de l’existence données personnelles par le contractant, toujours dans
d’une menace potentielle en termes d’intention, le respect du règlement européen 2018/1725 et du
d’interactions ou de capacités de plusieurs types RGPD. Le bénéficiaire du contrat devra notamment
d’entités (personnes, lieux et organisations) », précise préciser « l’objet et la finalité du traitement des
Frontex. L’agence européenne attend également des données à caractère personnel » et s’engager, entre
rapports mensuels qu’ils mettent « l’accent sur des autres, à ce qu’elles soient traitées et stockées à
recherches plus poussées pour déterminer si un texte l’intérieur de l’Espace économique européen, qui
écrit exprime des opinions négatives ou positives sur regroupe les 28 pays de l’UE, plus l’Islande, la
un sujet particulier », rapports qui devront « contenir Norvège et le Liechtenstein.
des visualisations de données dans le format le plus Le contractant devra aussi s’assurer de « la
approprié et convenu ». pseudonymisation » et du « cryptage » des données,
Jusqu’à trois fois par an, Frontex pourra également ou encore mettre en place « des mesures visant à
demander un rapport sur un point spécifique, « sur des protéger les données à caractère personnel contre
zones géographiques spécifiques ou sur des questions la destruction, la perte, l’altération, la divulgation
particulières, dans des situations de migration ou l’accès non autorisés des données à caractère
irrégulière sans précédent et inattendue affectant les personnel transmises ou stockées, ou contre tout accès
frontières extérieures de l’UE ». non autorisé à ces données ou traitées d’une autre
« Cette surveillance n’est pas destinée à collecter, manière ». Et toute fuite de données devra être signalée
traiter, stocker ou partager des données personnelles sans délai, et au plus tard dans les 48 heures, au
d’utilisateurs de réseaux sociaux », nous affirme contrôleur des données dont relève le contractant,
Frontex contre toute évidence. et qui sera lui-même expressément désigné dans le
contrat.
« L’affirmation selon laquelle une telle surveillance
des utilisateurs de médias sociaux n’implique pas de « Dans l’empressement à “innover”, les agences du
données personnelles est hautement douteuse. Frontex monde entier se précipitent pour adopter des solutions
doit divulguer exactement le type de données qu’elle technologiques sans se soucier de leur efficacité
prévoit d’espionner », précise Edin Omanovic. Et pour ou de leur impact sur les droits des personnes »,
regrette Edin Omanovic. C’est « un pas de plus

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» dans la mauvaise direction, celle qui consiste Mamadou Alpha Diallo envisage « des campagnes
à considérer les migrants non plus « comme des contre ce projet, auprès de nos gouvernements mais
personnes vulnérables » mais comme une « menace ». aussi de l’Union européenne ». Car la mise en danger
À Conakry (Guinée), le projet inquiète également directe des migrants n’est pas tout : « Ça crée un
Mamadou Alpha Diallo, président de l’Association précédent. Rien ne va empêcher d’autres États de faire
des blogueurs de Guinée (Ablogui), qui regroupe pareil, d’autres organismes gouvernementaux. Dans
blogueurs et activistes et œuvre entre autres pour ce contexte d’un Internet gouverné par de grandes
une plus grande inclusion numérique. « 40 % » des multinationales, nous les Africains, avec des États
membres de l’association sont hors du pays, « au faibles, nous risquons de ne plus avoir de libertés,
Maroc, en France, sont parfois des migrants, ou en d’être espionnés. »
contact avec nos migrants ». Lui-même rentre, quand Pour Damien Carême, ancien maire de Grande-Synthe
nous le joignons par téléphone mercredi 16 octobre, (Nord), où il avait favorisé l’accueil des migrants,
d’un tribunal de Conakry devant lequel sont poursuivis le projet de Frontex est tout bonnement « hallucinant
des militants ayant appelé à manifester contre la ». « C’est quoi les migrations irrégulières ? »,
modification de la Constitution qui permettrait au interroge le désormais député européen EELV. « Un
président Alpha Condé de briguer un troisième Kurde qui aujourd’hui s’en va, il n’a pas de visa, il
mandat. est en situation irrégulière… »« Ça veut dire qu’on
Si la Guinée fournit « beaucoup de demandeurs d’asile va surveiller les ONG, les réseaux… Frontex, ça doit
», « ce sont des gens qui n’utilisent pas beaucoup chercher les gens, porter secours, enrage le député. Il
Facebook ou WhatsApp ici, mais qui viennent sur les faut arrêter la surenchère sécuritaire et sécuriser les
réseaux dans le but de migrer ». Le risque, poursuit- corridors humanitaires. »
il, « c’est que les gens soient plus méfiants », et donc Le budget de Frontex doit être multiplié par trois dès
se retrouvent dans « des conditions de voyage plus l’année prochaine, pour atteindre un milliard d’euros
difficiles ». « En sachant que Frontex recueille des par an, contre 330 millions cette année. Mais pour
données, les gens seront obligés de trouver d’autres quoi faire ? « On voit bien que dès qu’on augmente
moyens », redoute-t-il. les moyens de Frontex, ça augmente les revenus
« Les migrants, les groupes de la diaspora et les ONG des passeurs », constate l’écologiste, qui promet une
utilisent les réseaux sociaux pour s’assurer que les riposte politique, « devant le Parlement ».
gens ont accès à des informations qui les protègent : Le passage vers la Grande-Bretagne coûtait entre
l’idée qu’un organisme de contrôle aux frontières « 500 et 800 euros » en 2014, nous explique-t-
surveille activement ces communications n’est pas il, « aujourd’hui c’est huit à dix mille euros ».
seulement une menace pour les droits des personnes – Résultat, les migrants se débrouillent comme ils
elle met en danger leur sécurité », souligne également peuvent, au péril de leur vie, comme ces deux Irakiens
Edin Omanovic. dont les corps ont été retrouvés lundi 14 octobre au
Touquet.

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