A propos de Cass. 3e civ., 3 fév. 2010 n° pourvoi 09-10631 et Cass. 3e civ., 10 mars
2010 n° pourvoi 09-13082
Il avait été précédemment évoqué dans ces pages une illustration de notre quotidien
judiciaire, à l’occasion d’une espèce où la Cour d’Appel d’AIX EN PROVENCE avait
statué aux antipodes de notre premier Juge grassois1.
Un nouvel exemple récent vient ici illustrer tout à la fois le caractère aléatoire et, à
première vue, parfois arbitraire de tels revirements.
Ainsi, la Cour de Cassation a estimé pendant plusieurs années que « tout rapport
amiable peut valoir, à titre de preuve, dès lors qu’il est soumis à la libre discussion
des parties » : cf. Cass. 1ère civ., 24 sept. 2002, n° de pourvoi 01-10739 (dans un litige
portant sur une demande en résolution de vente de véhicule automobile d’occasion sur
le fondement de la garantie des vices cachés).
Elle estimait à ce titre que le Juge saisi de la demande ne pouvait, en se fondant sur
son caractère non contradictoire, se borner à le rejeter des débats (cf. Cass. 3e civ, 26
nov. 1997, Gaz. Pal. 1998, jurispr. p. 203)2.
Dans l’intervalle, et fort récemment, il apparaît que notre Cour suprême ait procédé à
une relecture attentive de l’article 6 de la Convention de sauvegarde des Droits de
l’Homme et des Libertés fondamentales, posant le principe du Droit à un procès
équitable.
Sans doute aussi les décisions de la Cour Européenne des Droits de l’Homme ont-elles
fini par porter leurs fruits, ou tout au moins influencer notre jurisprudence interne,
comme la Juridiction Communautaire a vocation à le faire.3
1
Cf. « Lorsque les décisions judiciaires se suivent et ne se ressemblent pas (du tout…) - Les obligations de
l’époux survivant, usufruitier de la succession de son conjoint prédécédé » La Veille n° 21, mars 2010, page 4
(en ligne sur le site www.ap-avocats.fr rubrique « Publications & Actualités », sous « Articles »).
2
Cité par Philippe-Hubert BRAULT « Loyer du bail renouvelé – procédure de fixation du loyer : rapport
d’expertise amiable » Loyers et Copropriété, mai 2010, commentaires p. 21
3
Cf. à ce sujet « Les conditions de recevabilité des requêtes devant la Cour Européenne des Droits de
l’Homme », La Veille n° 15, avril 2009, p. 2 et 3
1
Ainsi, dans un litige portant sur la fixation du loyer d’un bail commercial
renouvelé, les Juges du fond avaient déplafonné ce loyer au seul vu du rapport
amiable établi à la demande des bailleurs et produit aux débats par ces derniers !
Conformément à la position ci-dessus rappelée, les Juges du fond avaient retenu que
« ce rapport soumis aux observations contradictoires des parties et comportant des
éléments objectifs doit être retenu comme un élément permettant d’apprécier les motifs
de déplafonnement… » : cf. décision précitée rappelant la teneur de l’Arrêt attaqué
(CA PARIS 3 déc. 2008).
C’est en effet à partir de « deux » que l’on peut invoquer « plusieurs » décisions de
Cassation caractérisant le fameux « revirement »…
Alléluia ! le 10 mars 2010, cette fois dans un contentieux de résiliation d’un bail rural,
la 3ème Chambre Civile de la Cour de Cassation a estimé que le rapport d’expertise -
établi à la demande du bailleur à ferme hors le contradictoire et sans l’accord du
preneur - devait être écarté des débats, toujours sur l’évocation ici de l’article 6 de la
Convention des Droits de l’Homme sus-visé et, plus, précisément du principe de
l’égalité des armes.
Il est clair que de telles pratiques ne pouvaient davantage être, si ce n’est encouragées,
du moins judiciairement validées…
Agnès PROTON
Avocat
Cannes, juillet 2010.
4
La Veille n° 22, mai 2010, p. 17 à 24, illustrant des applications de la QPC en matière pénale, devant les
Juridictions civiles, et en droit de l’environnement
2