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sera le troisième président « empêché » par la


Chambre des représentants. A priori, le Sénat, à
Etats-Unis: la farce et le drame de
majorité républicaine, tiendra en janvier un procès
l’«impeachment» en destitution. Sauf improbable hara-kiri collectif, il
PAR MATHIEU MAGNAUDEIX
ARTICLE PUBLIÉ LE LUNDI 25 NOVEMBRE 2019 blanchira Donald Trump, et celui-ci criera victoire.
Les auditions au Congrès ont prouvé s'il en était besoin Ce vendredi 22 novembre, donc, Donald Trump
la corruption de l'administration Trump, dirigée par a décroché son téléphone. Pendant 53 minutes, il
un gang de Pieds nickelés complotistes. À ce drame monologue sur « FOX and friends », l'émission
télévisé s'en ajoute un autre, politique : si le président matinale de Fox News, sa chaîne favorite. Les trois
et ses affidés massacrent les faits, échafaudent des présentateurs ont sorti leurs plus beaux sourires et la
fictions parallèles, que valent les contre-pouvoirs ? brosse à reluire des grandes occasions.
New York (États-Unis), de notre correspondant.– Il faut avoir vu l'échange, au moins le lire, pour
Pour tirer les leçons des deux semaines d'auditions comprendre où nous en sommes.
publiques qui viennent d'être menées au Congrès dans « Ma conversation [un coup de fil au président
le cadre de la procédure en destitution contre Donald ukrainien le 25 juillet qui a sonné les alarmes de la
Trump (impeachment), sans doute faut-il commencer communauté du renseignement et poussé un lanceur
par la fin. d'alerte à écrire un rapport – ndlr] était parfaite,
Nous sommes vendredi 22 novembre au petit matin. le président ukrainien l'a dit. Elle était appropriée,
La veille, Fiona Hill, une haute-fonctionnaire de parfaite, gentille. [...] Adam Schiff [le congressman
l'administration Trump, a clos le cycle des auditions démocrate qui supervise la procédure – ndlr] est un
publiques avec un témoignage accablant, un de plus, chiot malade, c'est incroyable. [...] Il y a beaucoup
confirmant ce que l'on sait déjà depuis des semaines, de gens très très méchants. Beaucoup de gens disent
et que la Maison Blanche elle-même a admis : l'été “L’État profond”, moi je n'aime pas dire ça, mais
dernier, Donald Trump et ses amis ont tout fait pour ce sont des malades. » Trump veut parler de sa
tordre le bras au nouveau président ukrainien. « campagne »,« espionnée », dit-il, « aux plus hauts
niveaux du gouvernement », par Barack Obama lui-
Ils voulaient une enquête sur un rival politique à
même. Les preuves vont sortir, dit-il, on va voir ce
l'approche de la présidentielle. Ils ont suspendu une
qu'on va voir.
aide militaire de 400 millions de dollars déjà attribuée
par le Congrès pour arriver à leurs fins, et fait miroiter Les présentateurs le ramènent au sujet du jour. « Y
une visite à la Maison Blanche pour le président a-t-il eu “quid pro quo” (« donnant-donnant »),
Zelenski s'il se pliait à leurs demandes. extortion ? » « Non pas du tout, Adam Schiff est un
chiot malade [...] il a inventé mon coup de fil, et quand
je l'ai publié tout le monde était embarrassé, et Nancy
Pelosi la folle [la cheffe des démocrates à la Chambre
des représentants – ndlr], elle n'a rien fait, ou alors elle
est paralysée, elle ne peut rien faire. » Un peu plus
tard, il qualifiera Pelosi de « punaise de lit ». Cette fois
Donald Trump monologue sur « FOX and friends », le 22 novembre. non plus, les présentateurs ne le reprendront pas.
La tentative peu subtile a échoué. Sa révélation Nouvelle tentative d'interruption des trois larrons de
a entraîné l'ouverture d'une rare procédure de Fox : « Votre ambassadeur en Europe [Gordon
destitution par les démocrates, majoritaires à la Sondland, un ami et donateur de Trump qu'il a nommé
Chambre des représentants. D'ici quelques semaines, en personne – ndlr] a dit qu'il y avait eu un “donnant-
après Richard Nixon et Bill Clinton, Donald Trump donnant”. » Trump : « C'est n'importe quoi [...]

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ce mec, oh, d'ailleurs, je le connais à peine, je lui Vient le tour du lanceur d'alerte, un agent de la CIA
ai parlé quelques fois, et l'autre avec son histoire dont le nom supposé tourne partout dans les médias
de téléphone [David Holmes, conseiller politique à pro-Trump. « Je sais exactement qui c'est, tout le
l'ambassade américaine à Kiev, qui a dit sous serment monde le sait, vous savez vous aussi. Si le lanceur
avoir été témoin d'une conversation compromettante d'alerte était de l'autre côté, ils auraient révélé son
entre Trump et Sondland – ndlr], je garantis que nom il y a deux mois, les démocrates et leur machine
ça ne s'est jamais passé, j'ai vraiment une bonne médiatique, les médias fake et corrompus. Je veux
audition et ça fait quarante ans que je regarde des que le lanceur d'alerte, qui a fait un faux rapport,
gens parler au téléphone : quand vous êtes à soixante témoigne. »
centimètres vous ne pouvez pas entendre ce que dit la La plupart des témoins du Congrès ont travaillé pour
personne, sauf si c'est sur haut-parleur, essayez [...] lui, certains sont des républicains très conservateurs :
Il a dit [Sondland – ndlr] que je n'avais pas demandé Trump dit qu'ils sont « terribles », dans la main des
de donnant-donnant [...] et d'ailleurs, regardez ses « Bush », des « Clinton » et d'« Obama ».
avocats, ce sont ceux d'Hillary Clinton. »
Cet entretien est bourré d'assertions fausses et de
théories du complot : le prétendu hacking de la
campagne de 2016 par les Ukrainiens ; Adam
Schiff a tout inventé et serait lui-même le lanceur
d'alerte (absurde) ; l'histoire même du portrait dans
l'ambassade d'Ukraine (c'est l'administration qui a mis
neuf mois avant d'envoyer un portrait officiel).
Les notes de Donald Trump, qui a fait une déclaration après le témoignage accablant
de son ambassadeur auprès de l'Union européenne, Gordon Sondland. © Reuters « Nous avons suivi les ordres du président »
« Monsieur Trump, l'accusation est que vous avez Pour un cerveau un tant soit peu attaché aux faits, toute
utilisé de l'aide financée par le contribuable pour cette séquence donne à voir un président erratique et
attaquer un opposant politique, Joe Biden », relance acculé, à bout d'arguments, incapable de se défendre.
un présentateur, qui veut aussi parler de Rudy Tout comme cette incroyable séquence, quelques
Giuliani, l'avocat de Trump qui a construit en sous- jours plus tôt, où l'on a vu Trump ânonner pour sa
main une diplomatie parallèle pour faire pression défense quelques lignes du témoignage de Sondland
sur les Ukrainiens, une implication confirmée par de griffonnées au gros feutre noir sur un bloc-notes,
nombreux témoins directs. devant la Maison Blanche. Une scène irréelle, couverte
Trump : « Rudy est un super combattant contre le par le bruit assourdissant de l'hélicoptère présidentiel.
crime, le meilleur maire de New York, une figure Tout cerveau rationnel a d'autant plus raison de
légendaire. » Il oblique sur Marie Yovanovitch, conclure de la sorte que du 13 au 21 novembre, la petite
l'ambassadrice américaine en Ukraine qu'il a limogée dizaine d'auditions publiques au Congrès, un grand
au printemps. « L'ambassadeur, la femme, c'est une spectacle télévisé, ont factuellement taillé en pièces la
personne d'Obama, j'ai dit “mais pourquoi vous êtes défense incohérente de Trump et de ses proches.
si gentils avec elle, on m'a dit, “monsieur, c'est S'il a bien affirmé que Trump lui avait demandé de
une femme, il faut être gentil”. [...] L'Ukraine me ne pas donner l'impression aux Ukrainiens que sa
détestait, ils voulaient que Hillary Clinton gagne demande était un chantage, l'ambassadeur auprès de
[...]. Elle n'accrochait même pas mon portrait dans l'Union européenne, Gordon Sondland, un donateur
l'ambassade, ça a pris deux ans pour qu'elle le fasse qui lui a versé un million de dollars pour sa cérémonie
[...], ce n'est pas un ange. » d'investiture, a affirmé sous serment... que cela
revenait quand même à ça. « Tout le monde était

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dans la boucle », a-t-il affirmé, indiquant que le coup croit qu'il est au-dessus des lois, qu'il n'a pas de
de pression sur l'Ukraine était un effort concerté, compte à rendre. Il n'y a rien de plus dangereux qu'un
constant, poursuivi en haut lieu. président qui se croit au-dessus des lois. »
Et, si ne n'était pas assez clair : « Nous avons suivi les Les faits révélés sont hautement problématiques, et
ordres du président. » ils sont désormais établis par des témoignages sous
serment. L'alarme du lanceur d'alerte, fondée sur
de nombreux témoignages, a été corroborée. Les
témoignages, des récits provenant de très proches de
Trump, ont été explosifs. En cela, le drame télévisé fut
un succès.
Pourtant, au même moment, un autre drame s'est
joué. À longueur d'auditions, dans les couloirs du
Fiona Hill, ancienne collaboratrice de Donald Trump,
après avoir témoigné, le 21 novembre. © Reuters
Congrès, dans leurs médias, les républicains ont
consciencieusement tressé un autre récit. Sans relâche,
En charge de l'Ukraine au Conseil national de sécurité,
ils ont dénoncé une machination politique, accusé les
un organisme placé sous l'autorité du président, le
démocrates d'avoir tenu la plume du lanceur d'alerte,
lieutenant-colonel Alexander Vindman, tremblant au
dépeint Trump en victime de l'État profond, accusé la
début de sa déposition, a qualifié d'« inhabituel
presse de cacher les turpitudes du fils de Joe Biden en
et inapproprié » l'appel du 25 juillet de Trump à
Ukraine, repris à satiété la fausse théorie d'une Ukraine
Zelenski.
hostile agissant contre la campagne de Trump en 2016.
Fiona Hill, l'ancienne conseillère chargée de l'Europe
Ils ont qualifié de racontars ces auditions révélatrices
et de la Russie au sein du même conseil, a décrit la
produites sous serment, et affirmé que les démocrates
façon dont son organisme, y compris son ancien patron
étaient à la recherche de photos nues du président.
John Bolton (un dangereux faucon limogé par Trump,
Comme d'habitude, ils ont déployé une réalité
mais hostile aux pressions politiques sur l'Ukraine) a
parallèle, dit tout et son contraire, posé des questions
freiné des quatre fers toute tentative de chantage. Elle a
absconses censées étayer les théories tirées par les
aussi qualifié la théorie d'une interférence ukrainienne
cheveux qu'ils défendent par ailleurs.
dans l'élection de 2016 de « récit fictionnel», alimenté
par Moscou et pris pour argent comptant par les Leur but était évident : convaincre leurs affidés que
républicains. Trump a raison, et pousser tous les autres à éteindre la
télé face à ce pénible spectacle.
Marie Yovanovich, l'ambassadrice limogée, a dit s'être
sentie « menacée » par le président, qui l'a attaquée sur À l'issue de ces quinze jours, il y a deux leçons. La
Twitter alors qu'elle déposait. « C'est très intimidant », première est que nous ne sommes plus au temps du
a-t-elle réagi, d'un air désolé. Watergate. Que deviennent les contre-pouvoirs quand
les acteurs directement concernés ne jouent plus le
À l'issue des auditions, le fameux Adam Schiff, le
jeu ? Les scandales n'ont alors plus de conséquences
démocrate dont Trump a fait sa bête noire, a affirmé
politiques directes : il est possible, et semble-t-il
la solennité du moment, jetant les bases de l'acte
efficace, de les noyer sous une avalanche de fumier.
d'accusation à venir. « Quand les fondateurs ont créé
C'est une leçon qui ne vaut pas qu'aux États-Unis.
un mécanisme de destitution dans la Constitution, ils
étaient inquiets de ce qui pourrait se passer si une
personne sans éthique devenait président, s'il utilisait
son mandat pour un gain personnel [...] Le président

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Cette stratégie est déjà appliquée par Modi, Bolsonaro, Dans un an pile, les électeurs états-uniens ont une
Netanyahou. Elle peut l'être un jour chez nous. Rien occasion de demander des comptes à Donald Trump.
ne dit que nous soyons protégés. S'il est réélu, le drame de l'impeachment auquel nous
assistons en ce moment sera peut-être à revisiter.
En refusant de lancer plus tôt une procédure de
destitution contre Trump pour l'ensemble de son
« œuvre » (la cruauté de ses politiques migratoires,
sa corruption, la façon dont sa famille et lui-même
profitent de sa présidence, etc.), pas même quand
le procureur spécial Robert Mueller le leur a
À gauche, Adam Schiff (démocrate), président de la commission du
renseignement de la Chambre des représentants. À droite, Devin Nunes,
suggéré, les responsables du parti démocrate ont tardé
chef de file des républicains, soutien fidèle de Trump. © Reuters à lui demander des comptes. Cette procédure tardive
La deuxième est que les républicains américains d'impeachment est cantonnée à un scandale parmi
sont plus que jamais en guerre. Beaucoup méprisent beaucoup d'autres.
ce président. Mais sans lui, ils ne sont plus Une fois que le président aura été confirmé à son poste
rien. Il leur donne ce qu'ils veulent : des juges par le Sénat, les républicains auront beau jeu de crier
conservateurs, toujours plus de dérégulation, les au « tout ça pour ça ». Trump, lui, attaquera de plus
normes environnementales bafouées, et une revanche belle ces « do-nothing democrats » : les démocrates
culturelle de chaque jour contre les immigrés ou les « qui ne font rien », et n'ont même pas réussi à le
« socialistes » qui veulent prendre leurs armes à feu. destituer.
Ils iront jusqu'au bout.

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