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PAN (Parti action nationale, droite), épinglés pour le


clientélisme et la corruption rampante qui ont marqué
Au Mexique, un an après son élection,
leurs administrations.
López Obrador entre dans le dur
PAR MARIE HIBON
ARTICLE PUBLIÉ LE MERCREDI 4 DÉCEMBRE 2019

Le président de gauche Andrés Manuel López Obrador


achève sa première année à la tête du Mexique.
Corruption, violence, inégalités : il a promis de
transformer le pays de fond en comble. Il mène une
politique sociale populaire, mais sa difficulté à venir à Une supportrice du président mexicain Andrés Manuel López
bout de la violence endémique des cartels de la drogue Obrador le dimanche 1er décembre 2019, à Mexico. © REUTERS

lui coûte des soutiens. Alors que la gauche peine à trouver un nouveau
souffle en Amérique latine, « AMLO », comme il est
surnommé au Mexique, est arrivé à la tête du pays
avec les coudées franches pour opérer un virage à 180
degrés, mettant fin à une politique néolibérale dont la
plupart des Mexicains n’ont jamais vu les bénéfices
annoncés. Le président bénéficie d’une confiance
indéboulonnable de la population – son taux de
Andrés Manuel López Obrador à Mexico (Mexique), lors de la cérémonie pour son premier
anniversaire à la tête du Mexique, le 1er décembre 2019. © REUTERS/Edgard Garrido popularité reste élevé –, d’une opposition décimée
Mexico (Mexique), de notre correspondante.– et d’une majorité absolue dans les deux chambres du
Andrés Manuel López Obrador (AMLO) est un Parlement – grâce à une coalition hétéroclite alliant
homme occupé. « Je travaille seize heures par jour la gauche aux évangélistes, restée unie jusqu’ici. Une
au lieu de huit, aime-t-il à dire, pour accomplir occasion historique.
deux sexennats en un. » Au vu de l’ampleur des À 66 ans, ce natif de l’État de Tabasco (sud du
changements qu’il a promis à son arrivée au pouvoir, Mexique) à la diction traînante et aux costumes
il y a tout juste un an, on serait tenté de croire que c’est trop larges incarne, à défaut de la modernité, le
nécessaire. changement. À son agenda, rien de moins qu’une
Élu haut la main en juillet 2018, López Obrador a « quatrième transformation » censée rejoindre les
su canaliser la volonté d’alternance des Mexicains, trois premiers jalons de l’histoire mexicaine selon
écœurés par des décennies de gouvernement du PRI la gauche nationaliste : l’indépendance, la réforme
(le Parti révolutionnaire institutionnel, qui a régné et la révolution. AMLO a promis de mettre fin
sans partage sur le Mexique pendant 71 ans) et du à la corruption et son corollaire, l’impunité, qui
gangrènent le Mexique. Il a assuré qu’il dompterait la
violence débridée du pays – avec 33 000 homicides,
2018 détient le record de l’année la plus violente – et
qu’il donnerait la priorité aux plus pauvres dans un
pays aux inégalités records.
Mais la propension du chef de l’État à célébrer le
changement avant que les Mexicains ne puissent le
toucher du doigt fait craindre à certains qu’il ne se
contente de redorer l’image du pays sans s’attaquer

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aux problèmes de fond. « Le seul obstacle de López vendent aux enchères voitures, manoirs et bijoux dont
Obrador, c’est la réalité », note Juan Pablo Galicia, on n’oublie pas de préciser, s’il y a lieu, qu’ils ont
politologue à l’université Modelo de Mérida. été confisqués à des fonctionnaires véreux ou à des
Soucieux de marquer, avant tout, la fin d’une ère trafiquants de drogue. Avant chaque vente, le président
et le début d’une autre, le président a mis dès son indique à quel village pauvre l’argent sera ensuite
arrivée au pouvoir l’appareil bureaucratique de l’État destiné.
à la diète. Il a fermé les robinets aux organisations « Plus que de grandes idées pour fortifier le
de la société civile, qu’il voit comme des machines pays et ses institutions, AMLO a une vision très
à détourner de l’argent, réorientant le budget vers morale du changement qu’il veut apporter, observe
de généreux programmes sociaux destinés aux plus Carlos Illades. Une vision archaïque, mais qui a
modestes, grands oubliés des dernières décennies dans trouvé son public… Être capable de transmettre des
un pays où 42 % de la population vit sous le seuil de messages simplistes avec succès, c’est le rêve de tout
pauvreté. Les retraites ont doublé, le salaire minimum politicien ! »
augmente par tranches, les microentreprises reçoivent Et cela marche : selon le baromètre Transparency
des crédits sans intérêts et les petits paysans auront International, 61 % des Mexicains estiment en 2019
bientôt des prix garantis. que le gouvernement fait du bon travail pour combattre
Cette politique sociale a l’avantage de traduire les la corruption, contre 24 % seulement en 2017, à
promesses impalpables du président en monnaie l’époque de son prédécesseur Enrique Peña Nieto.
sonnante et trébuchante, même si elle reste « peu AMLO n’a pourtant pas donné de réel coup de pied
innovante », remarque Carlos Illades, historien dans la fourmilière, à l’exception d’une ancienne
spécialiste de la gauche mexicaine. À en juger ministre accusée de détournements de fonds et
par l’absence de mobilisation sociale au Mexique, emprisonnée pour l’exemple. « Le danger, avertit
alors que les manifestations ont essaimé à travers le Ricardo Alvarado, de l’ONG Mexicains contre la
continent ces derniers mois, l’argument a convaincu. corruption, c’est que le discours binaire du président
Pourtant, sur le plan économique, le baromètre est loin sur “les gentils et les méchants” le conduise à penser
d’être au beau fixe. Le président a annoncé qu’il visait que son arrivée au pouvoir suffit à garantir la fin de la
une croissance à 4 %, mais elle frôle actuellement corruption et le dispense de mesures structurelles. »
le point mort. Les milieux d’affaires, méfiants vis-à- Ce président à qui la maxime « L’État, c’est moi » irait
vis de ce président de gauche qui a décrété de but comme un gant fait preuve d’un « autoritarisme soft »,
en blanc « la fin du néolibéralisme » et dédaigne selon M. Illades. « AMLO voit désormais les contre-
l’investissement public, restent frileux. pouvoirs, qu’il jugeait nécessaires pour les autres
Rien ne sera plus pareil, a promis le président. Il faut présidents, comme des freins à son œuvre », juge le
que cela se voie, et vite – quitte à forcer un peu sur le politologue Juan Pablo Galicia. À plusieurs reprises,
populisme. Pour s’attaquer à la corruption, AMLO a le président a placé sa garde rapprochée à des postes
multiplié les signaux dès son arrivée au pouvoir. Outre où l’indépendance eût été de mise. Dernière en date,
sa cure d’austérité gouvernementale, il a dépoussiéré Rosario Piedras Ibarra, une fidèle du président, a été
les habituelles ventes aux enchères de biens confisqués parachutée à la tête de la Commission nationale des
par l’État en renommant l’organisme qui les chapeaute droits de l’homme.
« Institut pour rendre au peuple ce qui a été volé ». De Qui n’est pas avec lui est contre lui : le
temps à autre, sous une grande tente blanche dressée président n’a pas de mots assez durs envers « les
dans les jardins de Los Pinos – l’ancienne résidence conservateurs », une notion fourre-tout qui englobe
présidentielle qu’AMLO a également « rendue au quiconque questionne son projet. Les journalistes en
peuple » en la transformant en centre culturel –, se

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font régulièrement les frais – un discours dangereux autorités fédérales de donner une explication claire des
dans un pays où treize d’entre eux ont été assassinés événements a coûté dix points au président dans les
rien que cette année. enquêtes d’opinion.
« Les gens le soutiennent car il ne
ressemble pas aux autres politiques »
De loin, le président préfère maintenir une ligne
directe avec les Mexicains. C’est à eux qu’il s’adresse
lors de ses conférences matinales, qu’il tient chaque
jour à sept heures face à un parterre de journalistes
somnolents. Durant deux heures, il cisèle un Mexique Andres Manuel López Obrador à Mexico (Mexique), lors de la cérémonie
pour son premier anniversaire à la tête du Mexique, le 1er décembre 2019.
rêvé, où le peuple est « heureux, heureux, heureux »,
sauf les vendredis, où il visite les communes les plus Le président mexicain avait pourtant posé le bon
reculées du pays. « AMLO se comporte comme s’il diagnostic, s’accordent les experts : mettre fin à la
était toujours en campagne », observe M. Galicia. guerre frontale et militarisée contre les cartels de la
« Les gens le soutiennent car il ne ressemble pas aux drogue. Mise en œuvre il y a douze ans par le président
autres politiques, abonde M. Illades. Grâce à cela, de droite Felipe Calderón, la stratégie a eu pour
il bénéficie d’une large tolérance de la part de la seul résultat de plonger le Mexique dans une spirale
population. » de violences dont le pays n’arrive pas à s’extraire
aujourd’hui. Refusant de combattre « le feu par le
Ses réserves vont cependant aller s’amenuisant, prédit feu », AMLO a misé sur ses programmes sociaux pour
l’historien. « Avec son éventail de programmes éradiquer les racines de la violence, selon lui : pauvreté
sociaux, AMLO a abattu toutes ses cartes d’un coup. et inégalités.
Mais l’absence de résultats commence à peser. Il
va falloir tenir encore cinq ans, durant lesquels il Tout à sa volonté de se démarquer de ses prédécesseurs
lui reste peu à offrir pour apaiser la population », sur le dossier, le président en a négligé sa politique
diagnostique-t-il. sécuritaire à court et moyen terme, pointe Francisco
Rivas, à la tête de l’ONG Observatoire national
L’armure du président se fissure déjà. Sa popularité citoyen. « AMLO considère que tout recours à la
n’a pas résisté au défi de la violence, qui menace force s’apparente à de la répression », soupire-t-il. Le
d’engloutir le pays. Mi-octobre, le cartel de Sinaloa regain de violence de ces derniers mois, sous la forme
a mis la ville de Culiacan (ouest du pays) à feu et d’offensives taillées sur mesure pour les gros titres des
à sang pour obtenir la libération d’un des fils du journaux, semble indiquer que les groupes criminels
Chapo Guzmán, Ovidio, capturé par les autorités lors ont bien reçu le message. « Ils se sont découvert
d’une opération mal préparée. Bilan : quatorze morts une plus grande marge de manœuvre, et cela a
dont quatre civils dans les affrontements entre le permis à toute une mosaïque de conflits régionaux
crime organisé et les forces armées. L’incapacité des de se détériorer plus encore », estime Falko Ernst,
analyste en sécurité au sein de l’ONG International
Crisis Group. Les civils trinquent : alors que le
pays digérait encore l’assaut diurne de Culiacan, trois
femmes et six enfants d’une communauté mormone
fondamentaliste binationale (mexicaine et américaine)
ont été massacrés début novembre par un groupe
criminel dans le nord du Mexique.

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Ces événements réveillent au Mexique le spectre des taxes douanières, les États-Unis ont obligé le Mexique
méthodes de guerre, surtout quand le corps des forces à troquer la politique migratoire humaniste dont rêvait
de l’ordre créé par López Obrador, la Garde nationale, AMLO contre une militarisation de ses frontières,
est doté de caractéristiques militaires qui contredisent où les arrestations et les expulsions de migrants sont
son discours pacifiste. Un récent rapport d’Amnesty désormais de rigueur.
International, intitulé « Quand les paroles ne suffisent Après ces couleuvres avalées sans broncher, le
pas », s’alarme d’ailleurs de l’absence d’avancées en président s’est consolé en ouvrant grand les portes
matière de droits de l’homme sous López Obrador. du Mexique à un Evo Morales acculé en Bolivie,
Cette peur a été renforcée par les dernières déclarations confirmant sa réputation de paradis de la gauche
de Donald Trump, qui a exigé « la guerre » contre les en exil. Fraîchement élu à la tête de l’Argentine,
cartels qu’il veut désigner comme « terroristes ». le péroniste Alberto Fernández est venu prendre la
Car si AMLO a toujours manifesté une indifférence température du Mexique avant sa prise de fonctions.
complète envers la politique extérieure – il a séché Pour le politologue Juan Pablo Galicia, le chef de
le G20 en juin dernier et s’est longtemps vanté de ne l’État pourrait bientôt se consacrer davantage à la
pas avoir de passeport à jour –, le chef de l’État n’a politique extérieure : « Quand ça ne va pas chez vous,
pu se soustraire aux semonces de son puissant voisin rien de mieux que les voyages autour du monde pour
du nord. En juin, au terme d’un agressif chantage aux se donner une bonne image. C’est un parfait écran de
fumée, et AMLO est expert en la matière. »

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