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La foi : racine et branches

Par Anas • 23 mar, 2008 • Catégorie: G- Nécessités de la foi


Le fait de négliger un acte obligatoire ou de commettre un péché grave fait-il perdre la foi ?
Cette question classique de théologie musulmane a provoqué depuis les premiers siècles de
l'Islam de considérables dissensions entre sunnites, kharijites, mu'tazilites, murji'ites… Le
débat pose la question de savoir qu'est-ce que la foi en islam : les seules croyances dans le
cœur, ou bien les croyances et la pratique ?
-
A. La foi dans les textes du Coran et de la Sunna :
Les termes "foi" et "croyant" ont été employés dans les textes du Coran et de la Sunna avec
des sens différemment étendus :
1) La foi au sens de ce que peuvent constater les hommes (mâ tadûru 'alayhi-l-ahkâm fi-
d-dunyâ) :
Les hommes n'ont pas le droit de déterminer ce qu'il y a dans le cœur d'autrui. Le Prophète l'a
dit : "Leur compte sera fait ensuite par Dieu" (al-Bukharî et Muslim). A quelqu'un qui avait
dit d'une personne qu'elle avait prononcé le témoignage sans être sincère mais par intérêt lié
au moment, le Prophète dit : "As-tu fendu son cœur pour voir si c'est pour cette raison qu'il a
prononcé (le témoignage de foi) ou pas ?" (Abû Dâoûd, 2643, voir aussi Sahîh Muslim, 96).
Qui a la foi et qui ne l'a pas chez leurs semblables, les hommes ne peuvent que le constater
par rapport à ce qu'une personne exprime par sa langue, sans préjuger de ce qui se trouve
réellement dans son cœur et qu'elle n'exprime ni par sa langue ni par son écrit.
D'où l'importance du "témoignage de foi" ("ash-shahâdatân") : il s'agit de témoigner
verbalement du fait que l'on croit en Dieu et que l'on croit que Muhammad est Son dernier
Messager. C'est bien en ce sens que le Prophète, après avoir rappelé à la délégation des Abd
ul-Qays la nécessité d'avoir la foi en Dieu, leur dit : "Savez-vous ce que c'est que la foi en
Dieu ? C'est de témoigner qu'il n'y pas de divinité en dehors de Dieu et que Muhammad est le
Messager de Dieu (…)" (rapporté par al-Bukhârî et Muslim, d'après une des interprétations
relatées par Ibn Hajar, selon laquelle cette phrase est séparée du reste). Témoigner de ces
choses revient également à dire que l'on croit en ce que le Messager a apporté ("wa yu'minû bî
wa bimâ ji'tu bih" – Muslim, 21).
2) La foi au sens de ce qui est réellement présent dans le coeur et qui sera compté comme
tel par Dieu (mâ 'alayhi-l-madâr fil-âkhira) :
Si les hommes ne peuvent et n'ont pas le droit de dire ce qu'autrui croit réellement et ne
peuvent que constater ce dont ils témoignent par leur langue, Dieu, Lui, sait ce qui se trouve
dans le cœur de chacun. Et c'est en fonction de ceci qu'Il jugera chacun dans l'au-delà. Voici
maintenant la foi dans le sens de ce qu'elle est réellement chez l'homme.
2.1) La racine de la foi (asl ul-îmân) :
C'est en désignant cet aspect de la foi – qui en est le minimum – que le Prophète a dit : "La foi
est que tu croies en Dieu, en (l'existence de) Ses anges, en Ses livres, en Ses Messagers, au
Jour dernier et en la Prédestination, que bien et mal ont été prédestinés" (al-Bukhârî et
Muslim). Il s'agit aussi de croire comme vrai ce que le dernier messager a apporté, et de
considérer ce que ce dernier messager a apporté comme étant sa référence (iltizâm bihî) : c'est
pourquoi un autre Hadîth dit : "yu'minû bî wa bimâ ji'tu bih" – Muslim, 21) (lire un autre
articlà ce sujet). Tout ceci constitue les croyances (aqâ'ïd) essentielles de l'islam. Faut-il, en
plus d'y croire en son cœur, en apporter aussi témoignage, par sa langue, pour que la foi soit
valide auprès de Dieu ? Il y a divergence d'avis entre des ulémas sunnites sur le sujet (cf.
l'article dont venons de donner le lien).
2.2) Les branches de la foi (shu'ab ul-îmân) :La racine de la foi demande à se prolonger par
les branches de la foi. C'est bien dans ce sens que le Prophète a dit : "La foi est constituée de
plus de soixante-dix branches. La plus haute d'entre elles est de dire qu'il n'y a de divinité que
Dieu. Et la plus basse est d'enlever du chemin ce qui gêne (le passage). Et la pudeur est
(aussi) une branche de la foi" (Muslim, 35, la traduction "la plus haute" est cependant celle
d'une version citée par Alî al-Qârî). "Dire qu'il n'y a pas de divinité en dehors de Dieu" ne
concerne pas, dans ce hadîth, le témoignage de foi, mais la répétition de cette formule en tant
que rappel de Dieu (dhikr) (c'est une des interprétations qu'en a données Alî al-Qârî, Mirqât
ul-mafâtîh, commentaire de ce Hadîth).

Certaines de ces branches sont obligatoires, d'autres recommandées. Ibn Taymiyya écrit :
"Celui qui a délaissé (les actions obligatoires) n'aura pas apporté la foi complète
obligatoire" (Kitâb ul-îmân, p. 35). "La racine de la foi est ce qui se trouve dans le cœur.
Mais les actions apparentes sont inhérentes (lâzima) à cette foi" (p. 174). "La foi augmente
par les bonnes actions, diminue à cause des mauvaises" (p. 283). Par rapport à ce que à quoi
elles se rapportent, ces branches sont de deux types : celles qui concernent la spiritualité et
celles qui relèvent des actes visibles…
2.2.1) La spiritualité (les traits présents dans le cœur) (al-ihsân) :Le terme "foi" a parfois
aussi été employé dans le sens de "spiritualité", des "qualités morales et spirituelles", de tout
ce qui relève du "cœur". C'est dans ce sens que le Prophète (sur lui la paix) a employé le mot
"foi" lorsqu'il a dit : "La pureté est la moitié de la foi" (Muslim) (voir Hujjatullâh il-bâligha,
1/467). Le Prophète a encore dit qu'au moment de commettre certains actes interdits (kabâ'ïr),
l'homme n'avait pas la foi (rapporté par al-Bukhârî et Muslim) ; le Compagnon Ibn Abbâs
expliqua que ceci voulait dire que cet homme "n'avait pas en lui, au moment de commettre cet
acte, la lumière de la foi" (cité par al-Bukhârî, kitâb ul-hudûd). C'est bien dans ce sens que le
Compagnon Mu'âdh avait dit à son élève : "Asseyons-nous afin d'avoir la foi (nu'min) un
instant" (rapporté par Ibn Abî Shayba, cité par al-Bukhârî). Mu'âdh ne voulait assurément pas
inviter son élève à se mettre à croire pendant un instant, puisque croire est requis toujours et
partout ; il voulait l'inviter à se mettre à revivifier cette foi en pensant plus profondément à
Dieu pendant un instant. Un des sens du mot "foi" ("al-îmân") est donc "la proximité
spirituelle". Cet aspect que recouvre le terme "foi" a été exprimé dans certains Hadîths par le
terme plus particulier de "perfection dans l'adoration" : "al-ihsân" : il s'agit d' "adorer Dieu
comme si tu le voyais, car si tu ne le vois pas, Lui te voit" (al-Bukhârî et Muslim). Ibn
Taymiyya écrit quant à lui : "Il est erroné de penser que la foi n'est que croyance et
connaissance, avec lesquelles il n'y aurait ni action ni état ni mouvement, ni intention, ni
amour ni crainte révérentielle. Les actions du cœur – que les soufis appellent "états",
"stations", etc. – font partie de la foi : - une partie de ces actions du cœur a été rendue
obligatoire (fardh) par Dieu et Son Messager ; - une autre partie de ces actions du cœur est
recommandée (mustahabb) par Dieu, sans obligation. Chaque musulman et musulmane
doivent acquérir au moins la première partie pour être du nombre des Pieux, les Gens de la
Droite (al-ab'râr, as'hâb ul-yamîn). Quant à ceux qui acquièrent à la fois la première et la
deuxième partie, ils feront partie des Rapprochés Devanciers (al-muqarrabûn as-sâbiqûn)"
(Kitâb ul-îmân, p. 168).

2.2.2) Les actes faits par les membres ('amal bi-l-arkân) :


La foi ne peut s'épanouir que si ce qui se trouve dans le cœur réalise son prolongement par les
actes de bien. Ces actes concernent les actes faits par tout le corps, qu'ils concernent le culte
de Dieu ou les relations avec autrui, la pureté personnelle ou la bonne utilisation de sa langue,
etc.
2.2.2.1) Les piliers de la pratique musulmane (arkân ul-islâm) :
Témoigner qu'il n'y a de divinité que Dieu et que Muhammad est le messager de Dieu, faire
ses prières, donner l'aumône, jeûner et faire le pèlerinage sont appelés les cinq piliers de
l'islam. Le témoignage relève du sens 2.1 de la foi, nous l'avons vu. Mais parmi tous les actes
de bien (le sens 2.2), les quatre autres piliers occupent une place importante (az'haru sha'âïr
il-islâm wa a'zamuhâ) et c'est ce qui fait qu'ils ont été cités de façon particulière (Shar'h
Muslim, 1/148 ; également cité comme une interprétation dans Shar'h ul-'aqîda at-tahâwiyya,
2/514).
2.2.2.2) Les autres actes de bien :
Il s'agit de tous les autres actes de bien : respecter ses parents, respecter son voisin, aimer pour
son frère ce qu'on aime pour soi-même, agir pour le bien, etc.
-
B. Manquer à un ou plusieurs de ces niveaux de la foi :
B.A) Ne pas posséder le niveau 1 de la foi (et a fortiori pas le niveau 2 et tout ce que
celui-ci englobe) constitue de l'incroyance, du kufr akbar.
Plusieurs cas existent ensuite...
B.A.A) Celui qui ne croit pas ou n'adhère pas du tout au message transmis par
Muhammad alors même que ce message lui est parvenu, celui-là est clairement kâfir.
B.A.B) Si, tout en continuant à se dire musulman, il exprime par la parole ou l'action
qu'il a une croyance qui contredit clairement les dharûriyyât ud-dîn, soit qu'il ne croit
plus ('adam ut-tasdîq) en l'une d'elles, soit qu'il n'y adhère plus ('adam ul-iltizâm), alors il
y a deux cas de figure :
– S'il s'agit d'une croyance qui contredit très clairement les fondements premiers et
essentiels de la foi musulmane (la personne dit par exemple qu'elle est musulmane, mais
qu'elle ne sait pas si Dieu existe vraiment, et que de toute façon d'après ce qu'elle sait ce
point-là ne contredit pas son appartenance à l'islam), alors cette personne est kâfir même si
elle se dit musulmane, car nul musulman ne peut ignorer ce minimum (l'ignorance n'est donc
ici pas une excuse pour un musulman). Seul un cas de contrainte reconnue (ik'râh) constitue
une excuse valable, dans la mesure où le cœur reste alors serein dans la foi et que seule la
langue exprime ce à quoi l'homme est contraint, pour éviter la mise à exécution de la menace.
– Et s'il s'agit d'une croyance qui contredit d'autres dharûriyyât ud-dîn que ceux
auxquels nous venons de faire allusion, alors cet homme a certes une croyance de kufr
akbar, qu'il a ici exprimée, mais étant donné que la pensée qu'il a ainsi exprimée peut avoir
pour origine l'ignorance (al-jahl) (Majmû' ul-fatâwâ 3/354, 7/618), si cet homme se dit
musulman et a accepté la foi musulmane, les personnes compétentes ont le devoir de lui
expliquer son erreur (iqâmat ul-hujja) ; c'est seulement si, malgré toutes les explications
voulues, il persiste dans sa fausse croyance que le juge musulman (qâdhî) le déclarera "kâfir"
(cliquez ici).
(Ibn Taymiyya a fourni un exemple d'éléments de ces deux catégories : cf. Majmû' ul-fatâwâ
1/153.)
B.B) Celui qui possède le niveau 1 mais pas le niveau 2 – intérieurement il ne croit pas du
tout en la véracité de l'islam et n'exprime, par le niveau 1, qu'une appartenance à l'islam par
intérêt personnel – est considéré musulman par les hommes (car personne ne peut savoir
ce qui se trouve dans son cœur) mais est un "hypocrite" (munâfiq i'tiqâdî) et sera jugé
par Dieu comme un incroyant (kâfir). Dieu dans le Coran parle des munâfiqûn, de ceux qui
avaient le nifâq i'tiqâdî.
B.C) Celui qui possède les niveaux 1 et 2 est un musulman au regard des hommes et au
regard de Dieu (s'il garde la foi jusqu'à sa mort).
Cependant, s'il ne possède que le niveau 2.1 (asl ul-îmân) et pas le niveau 2.2 (shu'ab ul-
îmân), alors sa foi est existante mais incomplète (ce que nous avons vu plus haut, en A, est la
foi complète, al-îmân ul-kâmil).
Ce sont ces niveaux et cette nuance qu'il faut bien comprendre. Sinon on court le risque soit
de tomber dans l'extrême qui est de dire que la foi est ce en quoi on croit, le reste n'est pas
bien important (c'est la position des murji'ites), et ce parce qu'on aura lu certains Hadîths
disant que la foi était de croire en Dieu, en ses anges, en ses livres, en ses messagers, au jour
dernier et en la prédestination ; soit de tomber dans le second extrême (la position des
kharijites et des mu'tazilites) qui consiste à dire de toute personne qui fait un péché qu'elle n'a
pas du tout la foi parce qu'on aura vu certains Hadîths dire "lâ yu'min" ou "faqad kafar" ; car
de tels Hadîths existent, nous allons le voir…
B.C.A) La foi n'étant complète que si elle comporte aussi les actions extérieures, si le
niveau 2.1 (asl ul-îmân) est acquis mais que le niveau 2.2.2 ('amal bi-l-arkân) fait défaut, on
appelle cela "al-fisq ul-'amalî".
C'est bien parce que les actes font partie de la foi (complète) que nous voyons le Prophète, à
qui l'on avait posé la question : "Qu'est-ce que la foi ?", dire : "C'est la patience et la bonté"
(Muslim, 832). Nous le voyons aussi dire trois fois : "Par Dieu, celui-là n'a pas la foi ! – Qui
donc, ô Messager de Dieu ? – Celui dont le voisin n'est pas à l'abri des torts qu'il fait" (al-
Bukhârî, 5670). Et encore : "L'un d'entre vous n'aura pas la foi tant qu'il n'aimera pas pour
son frère ce qu'il aime pour lui-même" (al-Bukhârî et Muslim). "Vous n'aurez pas la foi
jusqu'à ce que vous vous aimiez" (rapporté par al-Bukhârî). Dans tous ces hadîths, "n'a pas la
foi" veut dire : "n'a pas la foi complète" : en effet, les branches faisant défaut, l'arbre n'est pas
complet.
C'est également pourquoi, dans d'autres Hadîths, le Prophète a utilisé le terme "kufr" pour
désigner des actes interdits, contredisant ces branches de la foi ; ainsi : "Deux choses existent
chez les hommes, qui sont du kufr chez eux : remettre en question les filiations et faire des
lamentations à propos du mort" (Muslim). "Insulter un musulman est un acte de mal
("fusûq"), et le combattre est un acte de kufr" : ce Hadîth a été rapporté notamment par at-
Tirmidhî, qui le commente ainsi : "Le sens des mots "le combattre est un acte de kufr" n'est
pas que l'homme est alors devenu incroyant comme l'est l'apostat. (…) En fait il est rapporté
de Ibn Abbâs, de Tâ'ûs, de 'Atâ et de plus d'un savant qu'ils ont dit : "Il existe un "kufr"
moindre que le "kufr", un "fusûq" moindre que le "fusûq"" (Sunan ut-Tirmidhî, kitâb ul-îmân).
Il s'agit de la fameuse formule "kufr dûna kufr", qui signifie justement que le mot "kufr"
désigne parfois le "kufr 'amalî", lequel est moindre que le "kufr i'tiqâdî". Cette formule a
également été citée par al-Bukhârî (cf. Sahîh ul-Bukhârî, kitâb ul-îmân). On doit cette formule
(comme l'a dit at-Tirmidhî) à Ibn Abbâs, Tâ'ûs et 'Atâ ; et les chaînes de narration en sont
authentiques (cf. Silsilat ul-ahâdîth as-sahîha, 6/111-116). Aussi, quand le Prophète a dit que
ces actes interdits sont du "kufr", ce n'est pas au sens d'incroyance et de perte totale de la foi,
mais dans un sens moindre : le Prophète n'a pas voulu dire que l'homme qui commet ces
actions a réellement perdu la racine de la foi, mais qu'il a perdu une partie importante,
constitutive de cette foi.
On peut également formuler cette réalité d'une autre façon : étant donné que ces péchés sont à
l'opposé de certaines branches de la foi, le Prophète a dit qu'ils sont du kufr au sens de
"branches du kufr". Ibn Taymiyya dit ainsi que cette personne ne perd pas la foi, mais que des
"branches de l'incroyance cohabitent chez lui avec la foi" (p. 305).
B.C.B) D'un autre côté, la foi n'étant complète qu'avec les branches de la spiritualité, si
le niveau 2.1 (asl ul-îmân) et le niveau 2.2.2 ('amal bi-l-arkân) sont acquis mais pas le
niveau 2.2.1 (al-ihsân), alors il s'agit de an-nifâq ul-'amalî, encore appelé an-nifâq ul-
asghar.
C'est bien dans ce sens que le Prophète a dit : "O Dieu, purifie mon cœur de l'hypocrisie, mes
actes de l'ostentation, ma langue du mensonge, mes yeux de regarder ce qu'ils ne doivent pas
(al-khiyâna). Car Tu connais l'œil qui trahit et ce que cachent les cœurs" (al-Bayhaqî).
Ici il ne s'agit pas de l'hypocrisie dans la croyance (nifâq fi-l-i'tiqâd), laquelle consiste à se
montrer musulman par pur intérêt, alors qu'intérieurement on n'adhère pas à l'islam. Il s'agit
d'une hypocrisie dans l'action (at-Tirmidhî a parlé de ces deux catégories du nifâq dans son
Sunan). Le point commun entre les deux tient à ce que, ici et là, on ne se soucie pas de
l'intérieur. Car, comme Shâh Waliyyullâh l'écrit : "Les actions que l'islam dicte sont à
appréhender sous deux angles complémentaires : – le premier est leur aspect visible, sous
lequel elles sont réglementées par le droit musulman ; – le second est leur lien avec les
qualités du cœur, en sorte que leur mise en pratique conduise effectivement à une droiture
intérieure" (Hujjatullâh il-bâligha, 2/176).
Ces deux dimensions ont été évoquées par le Prophète lui-même : "Celui qui (malgré son
jeûne) ne délaisse pas la parole du mal et l'action du mal, [qu'il sache que de toute façon]
Dieu n'a pas besoin qu'il délaisse nourriture et boisson" (rapporté par al-Bukhârî et Muslim).
Ne pas respecter, en action, les moyens visibles tels que définis par les sources de l'islam, c'est
ne pas se conformer au modèle du Messager de Dieu. Mais se contenter de l'aspect visible
sans profondeur, sans intériorité, c'est ne pas se conformer entièrement non plus à ce modèle.
Shâh Waliyyullâh écrit en substance : "(...) Dieu veut de nous que nous respections les
règlements juridiques qui nous ont été dictés, mais ce d'une façon profonde, en sorte qu'ils
nous mènent à la droiture du cœur" (Hujjatullâh il-bâligha, 1/268-271).
Se contenter d'appliquer les règlements de l'islam de façon superficielle, de façon creuse, sans
de profondeur réelle, sans vraie vie du cœur est donc une "hypocrisie de l'action" ou une
"petite hypocrisie". Lorsque Hanzala ressentit en son cœur une passagère diminution du
sentiment de la Présence de Dieu, c'est une hypocrisie de cette catégorie qu'il craignit
(autrement, il savait bien qu'intérieurement aussi il était musulman) : "Nâfaqa Hanzala", alla-
t-il dire au Prophète (sur lui la paix). Celui-ci le rassura aussitôt : cette baisse passagère de
sentiment de la Présence n'était pas de l'hypocrisie [nifâq asghar] mais un phénomène naturel
pour l'être humain, qui doit avoir "un temps et un temps" (Muslim) : un temps pour revivifier
profondément le sentiment de la Présence divine, des réalités de l'au-delà, un temps pour
vaquer à ses occupations liées à sa vie sur terre. Le nifâq asghar est autre chose : c'est se
contenter d'appliquer les règlements islamiques de façon superficielle, de façon creuse, sans
presque jamais de profondeur, de vie du cœur. Shâh Waliyyullâh écrit : "Et si le musulman
délaisse le côté "cœur", alors c'est ce que certains savants des premiers siècles (as-salaf) ont
appelé l'hypocrisie dans l'action (nifâq ul-'amal). Cela consiste, pour cet homme, à se laisser
dominer par les voiles des choses au point que leur amour occupe tout son cœur et que, sans
pour autant abandonner les croyances de l'islam, la réalité de ce qu'impliquent ces croyances
devienne très peu présente en lui" (Hujjatullâh il-bâligha, 1/467).
Ibn Taymiyyah écrit quant à lui que "des branches de l'hypocrisie peuvent cohabiter dans le
cœur du croyant avec la foi" (Kitâb ul-îmân, p. 262). Il s'agit du cœur qui certes croit, mais
dans lequel subsistent des manquements quant à la certitude (yaqîn) sur ces croyances et
quant aux qualités (khuluq) qui découlent de ces croyances.
Wallâhu A'lam (Dieu sait mieux).
Quelle différence entre "islâm" et "îmân", "muslim" et
"mu'min" ?
Par Anas • 7 déc, 2008 • Catégorie: G- Nécessités de la foi

Question :
Quelle est la différence entre "islâm" et "îmân" ? Tout "muslim" est-il aussi "mu'min" ou
certains ne le sont-ils pas ?
-
Réponse :
En fait il faut, pour répondre à cette question, distinguer plusieurs cas de figure quant à
l'utilisation de ces termes...
A) Lorsque les deux termes sont employés en coordination, alors ce que chacun d'eux
indique est totalement distinct de ce que l'autre indique (humâ mutabâyinân) :
C'est ainsi que, dans le Hadîthu Jibrîl, le Prophète a défini le islâm comme "le fait que tu
témoignes qu'il n'est pas de divinité en dehors de Dieu et que Muhammad est le Messager de
Dieu, que tu accomplisses la prière, que tu donnes la zakât, que tu jeûnes pendant le
ramadan, et que tu accomplisses le pèlerinage à la Maison si tu peux t'y rendre", alors qu'il y
a défini le îmân comme : "le fait que tu croies en Dieu, en Ses anges, en Ses Livres, en Ses
Envoyés, en le Jour dernier, et que tu croies en le destin, que le bien et le mal viennent de
Dieu".
Le fait est que le sens littéral de "îmân" est "le fait de croire" (at-tasdîq), tandis que celui de
"islâm" est "le fait de se conformer extérieurement" (al-istislâm wa-l-inqiyâd uz-zâhir) (cf.
Shar'h Muslim, an-Nawawî, 1/145, 148), et ces deux sens réapparaissent quand les deux
termes sont employés en coordination, l'un à côté de l'autre : ce que chacun désigne est alors
différent de ce que l'autre désigne. "Imân" renvoie alors aux croyances, qui sont intérieures et
expriment ce en quoi on croit, et "islâm" aux actions, qui sont extérieures et constituent
l'expression de sa soumission.
Ceci entraîne que tout "mu'min" est aussi "muslim", mais que tout "muslim" n'est pas
forcément "mu'min" (baynahumâ 'umûm wa khussûs mutlaqan) ; nous allons le voir en B.a,
ci-dessous...
-
B) Lorsque l'un ou l'autre de ces termes est employé seul :
Il y a alors deux cas : B.a et B.b…
B.a) Soit le terme est employé avec la nuance de son sens littéral : dans ce cas, ce que
désigne le terme "islâm" est distinct de ce que désigne le terme "îmân" (humâ mutabâyinân)
(comme en A, ci-dessus), de sorte que tout "mu'min" soit aussi "muslim", mais que tout
"muslim" ne soit pas forcément "mu'min" (baynahumâ 'umûm wa khussûs mutlaqan).
En effet, parfois, même employés seuls (donc hors cas A), les termes "islâm" et "îmân"
gardent ainsi une trace de leur sens littéral : la "îmân" est ce qui se trouve dans le cœur, tandis
que "islâm" fait référence à l'extérieur uniquement. Etant donné qu'on ne peut témoigner, à
propos d'un homme, que de ce qu'il dit et fait apparemment, et non de ce qui se trouve dans
son cœur, on peut donc témoigner que quelqu'un est "muslim", mais non du fait qu'il est
"mu'min". Le terme "mu'min" désigne donc celui qui croit parfaitement en son cœur. Mais le
terme "muslim", lui, n'est plus considéré que dans sa littéralité – celui qui, dans le regard des
hommes, est entré en islam – et non plus son sens complet – celui qui est véritablement en
islam, corps et cœur (sens que l'on va voir plus bas en B.b).
C'est une fois cette nuance assimilée que l'on pourra comprendre le propos suivant : le
Prophète privilégiait certaines personnes dans le partage de certaines recettes [d'après une
interprétation, il s'agissait du khums, et il y a la possibilité de partager celui-ci en fonction de
la maslaha] ; Sa'd ibn Abî Waqqâs, qui était présent, ne comprit pas que le Prophète donnait
en réalité à ceux qui étaient encore faibles dans leur foi, afin de gagner davantage leur cœur,
et crut que tous les musulmans y avaient droit ; ayant remarqué que le Prophète n'avait rien
donné à Ju'ayl, un musulman des premiers temps, il lui demanda pourquoi il ne lui donnait
rien, argumentant : "Je pense bien qu'il est mu'min". Le Prophète lui dit : "Ne dis pas
"mu'min", mais plutôt : "muslim"". Le même propos se répéta plusieurs fois entre Sa'd et le
Prophète. Puis ce dernier lui dit : "Sa'd, je donne à des personnes alors que ce sont d'autres
qui me sont plus chères, de crainte que les premières tombent dans la géhenne" (Fat'h ul-bârî
1/109). Ce qui nous intéresse ici est ce propos du Prophète : "Ne dis pas "mu'min", mais
plutôt : "muslim"" : on note que Sa'd n'avait pas utilisé les deux termes "mu'min" et "muslim"
côte à côte (comme dans le hadîth que nous avons vu en A, plus haut) : il n'avait employé que
le mot "mu'min" ; malgré tout le Prophète lui dit de ne pas utiliser le terme "mu'min" mais de
lui préférer le terme "muslim". Le premier est donc général, le second plus particulier : toute
personne véritablement "mu'min" est aussi qualifée de "muslim", tandis que certains
"muslims" ne sont pas qualifiés de "mu'mins", puisque soit ils ne croient pas du tout dans leur
cœur, soit leur foi n'est pas complète dans leur cœur (nous allons le voir ci-après).
Un verset du Coran dit : "Des bédouins ont dit : "Nous avons îmân". Dis(-leur) : "Vous n'avez
pas la îmân, mais dites (plutôt) : "Nous sommes en islâm". La îmân n'a pas encore pénétré
dans vos cœurs."" (Coran 49/14). Ici encore, les bédouins avaient employé le terme "îmân"
seul, et on n'est donc pas dans le cas A. Alors, que signifient ces versets qui disent à ces
bédouins qu'ils n'ont pas la îmân mais sont seulement en islâm : veulent-ils dire qu'ils sont des
Hypocrites, dont la conversion à l'islam n'est qu'apparente, ou signifient-ils autre chose ?
– Pour al-Bukhârî, ces bédouins étaient des Hypocrites, musulmans de l'extérieur seulement
et dont le coeur était dépourvu de foi (cf. Sahîh ul-Bukhârî, kitâb ul-îmân, bâb n° 19) : le
verset leur a donc demandé de dire simplement : "Nous sommes en islâm". En effet, les
Hypocrites – considérés en tant que tels – sont nommés "muslims", mais ne sont pas
"mu'min" (cependant nous ne pouvons affirmer, à propos d'un musulman précis, que son cœur
est totalement dépourvu de la "îmân" tant qu'il n'exprime pas ceci par une parole ou par un
geste non équivoque). Ibn Taymiyya écrit : "Les ulémas sont d'accord à dire que le nom
"muslim" extérieur est attribué aux Hypocrites, car ils se sont soumis extérieurement et ont
effectué ce qu'ils ont effectué d'actions extérieures : prière, aumône, pèlerinage, effort ; cela
comme le Prophète leur appliquait les règles de l'islam extérieur. (Les ulémas) sont d'accord
à dire que celui (d'entre les Hypocrites) qui n'a rien de la "îmân" avec lui, il est comme l'a dit
Dieu le Très Haut : "Les Hypocrites seront dans le degré le plus bas du Feu"" (Majmû' ul-
fatâwâ 7/350). "(...) Même les Hypocrites qui cachent leur nifâq, les musulmans accompliront
sur eux la prière funéraire et ils recevront le bain funéraire (musulman) ; les règles
extérieures de l'islam auront cours sur eux, comme c'était le cas des Hypocrites à l'époque du
Messager de Dieu, sur lui soit la prière et la paix. Même s'(il est vrai que) celui qui connaît
d'une personne qu'elle est Hypocrite, il ne lui est permis d'accomplir la prière funéraire sur
elle, comme il a été interdit au Prophète d'accomplir la prière funéraire sur celui dont il
connaissait l'hypocrisie. Quant à celui dont on a des doutes quant à son état [réel], il est
permis d'accomplir la prière funéraire sur lui du moment qu'il est apparemment en islam,
comme le Prophète l'a accomplie sur celui à propos de qui cela ne lui avait pas été interdit et
dont il ne connaissait pas l'hypocrisie (...). Mais la prière funéraire accomplie par le
Prophète et les mu'min sur un Hypocrite ne servira à rien à celui-ci (...)" (Majmû' ul-fatâwâ
24/287-288).
– Pour Ibn Kathîr, par contre, les bédouins dont il est question dans le verset suscité
(49/14) "n'étaient pas des Hypocrites". Dès lors, puisqu'un autre verset dit des Hypocrites
qu'ils "... ont dit avec leur bouche : "Nous avons apporté foi", alors que leur cœur n'a pas
apporté foi..." (Coran 5/41), ces bédouins avaient réellement apporté foi. Mais ce que ce
verset 49/14 dit est que ces bédouins possédaient uniquement le minimum de foi dans leur
cœur et que la foi ne s'y était pas encore suffisamment développée et profondément enracinée
(cf. Tafsîr Ibn Kathîr). C'est cela dont il est question ici : "Vous n'avez pas la îmân" signifie :
"Vous n'avez pas encore la îmân complète", comme l'a d'ailleurs dit explicitement la suite du
verset : "La îmân n'a pas encore pénétré dans vos cœurs". On voit que, d'après cette
interprétation, le terme "îmân", employé de façon inconditionnelle (mutlaqan), désigne "la
îmân complète". Il s'agit d'un degré, et ces bédouins ne l'avaient pas encore atteint.
Ibn Taymiyya écrit ainsi de la posture de l'orthodoxie sunnite à propos du croyant qui fait des
péchés qu'elle "ne retire pas de façon inconditionnelle le nom [îmân] et ne l'attribuent pas de
façon inconditionnelle ; (mais) nous disons : "Il est mu'min à la foi incomplète" ou "mu'min
faisant des péchés" ou "mu'min par sa îmân, fâssiq par sa kabîra"" (Majmû' ul-fatâwâ 7/673).
Il en est de même du terme "mu'min" : An-Nawawî écrit : "L'approbation ("tasdîq") constitue
[avec la proclamation de l'adhésion – "iqrâr"] le premier degré de la foi ; ceci implique pour
la personne qu'elle est entrée dans la foi, mais non pas qu'elle en ait nécessairement réalisé
tous les degrés ; tant qu'on est à ce stade on n'est pas appelé "mu'min" de façon
inconditionnelle" (Shar'h Muslim, 1/147), car cela désigne : "le mu'min parfait".
Ceci concerne les termes "îmân" et "mu'min". Par contre, on peut employer seuls les noms
"islâm" et "muslim" sans qu'ils désignent "le islâm complet" et le "muslim parfait" (car il faut
savoir que si, comme nous venons de le voir, le nom "islâm" désigne parfois "la conversion et
la pratique extérieures" seulement, il désigne aussi, d'autres fois, "le islâm complet" et
englobe alors également la foi et la pratique intérieure : nous allons le voir immédiatement, en
B.b.).
B.b) soit chacun de ces deux termes est employé pour désigner son sens complet : dans ce
cas, chacun de ces deux termes, "islâm" et "îmân", désigne la même chose que ce que l'autre
désigne (humâ mutassâwiyân).
Un verset coranique dit ainsi : "Ils te font la faveur qu'ils sont entrés en islâm. Dis : "Ne faites
pas la faveur sur moi de votre islâm ; mais plutôt Dieu vous fait la faveur de vous avoir guidé
vers la îmân, si vous êtes véridiques"" (49/17). Un autre verset dit : "Nous avons fait sortir les
mu'minûn qui s'y trouvaient. Nous n'y trouvâmes alors rien qu'une maisonnée de muslimûn"
(51/35). (Voir entre autres Al-Muhallâ, mas'ala n° 75.)
Un autre verset encore dit : "Le "dîn" auprès de Dieu est l'islam" (Coran 3/151). Quand il est
dit que l'adhésion à l'islam sera la cause du salut dans l'au-delà, il ne s'agit sûrement pas d'un
islam prononcé du bout des lèvres sans que ne l'accompagne aucune foi dans le cœur ; il
s'agit, tout au contraire, de l'islam complet – c'est-à-dire de corps et de cœur – ; dès lors, cela
revient à la même chose que "îmân".
-
C) Parfois encore, les termes "îmân" et "islâm" sont à appréhender dans un sens figuré :
Le terme "îmân" peut ainsi désigner : "la forte empreinte de la foi", ou : "de nombreux
musulmans".
Ainsi, une interprétation du Hadîth "Le "îmân" se réfugiera à Médine" (al-Bukhârî 1777,
Muslim 147) est qu'il y est question de l'époque où surviendront de grandes difficultés.
– Il est possible que le terme "îmân" désigne ici "l'empreinte de la îmân" : c'est-à-dire qu'en
ces temps-là, dans les pays musulmans aussi la foi aura une très faible empreinte, et elle
n'aura d'empreinte conséquente qu'à Médine.
– D'après 'Alî al-qârî, le terme "îmân" signifie ici : "les gens de la îmân" (cf. Mirqât ul-
mafâtîh 1/234).
Quelle que soit l'interprétation reconnue, il est à noter en passant que le lieu ici concerné
pourrait être non pas seulement Médine mais aussi ses environs, c'est-à-dire la Mecque ainsi
que la région où se situent ces deux cités ; ceci correspondrait alors à l'autre hadîth où on lit :
"Le "dîn" se réfugiera au Hedjaz" (at-Tirmidhî 2630) (cf. Mirqât ul-mafâtîh 1/234, 246).
(Cliquez ici.)
Pareillement, le terme "islâm" peut signifier parfois : "l'ensemble des musulmans".
C'est avec ce sens qu'il se comprend dans cette parole de Sa'd ibn Abî Waqqâs : "J'ai été
pendant sept jours le tiers de l'islâm" (al-Bukhârî 3521) ; il voulait dire : "le tiers des
musulmans alors existant", c'est-à-dire que, selon sa connaissance, ou en tant que parmi les
hommes majeurs et libres, il était l'une des trois seules personnes à avoir alors embrassé
l'islam.
Wallâhu A'lam (Dieu sait mieux).
Les "Mâni'u-z-zakât" de l'époque de Abû Bakr : qu'ont-ils
réellement refusé de faire ?
Par Anas • 8 déc, 2008 • Catégorie: G- Nécessités de la foi

Un message reçu :
Comment as-tu pu écrire que si quelqu'un ne fait pas les actions obligatoires mais ne renie pas
la foi, il reste musulman ? Crains Allah ! Sache qu'à l'unanimité, tant qu'une personne ne fait
pas la prière et ne s'acquitte pas de la zakât, elle n'est pas musulmane, même si elle ne renie
pas les articles de la foi. C'est bien pourquoi Abû Bakr avait combattu les "mâni'u-z-zakât",
avec l'approbation unanime des Compagnons.
-
Réponse :
Non, ce que vous dites ne fait pas l'unanimité, ce n'est qu'un avis. Un autre avis existe, nous
allons le voir. Et c'est celui-ci auquel j'adhère.
Les musulmans qui négligeaient de payer la zakât sans renier en croyance le caractère
obligatoire de celle-ci, Abû Bakr (que Dieu l'agrée) ne les a pas combattus parce que,
négligeant cela, ils seraient devenus kâfirs, mais parce qu'ils s'étaient organisés en une forme
de rébellion (tâ'ïfa mumtani'a) (cliquez ici et ici) ; nous allons y revenir.
-
En fait après le décès du Prophète (sur lui la paix), pendant la période des quatre
premiers califes, il y eut quatre types de groupes entrés en rébellion :
1) Il y eut les gens qui, à l'époque du califat de Abû Bakr (que Dieu l'agrée), crurent en
Mussaylima ou en al-Aswad al-'Ansî comme étant un prophète de Dieu :
Eux furent kâfirs (et ceux d'entre eux qui étaient musulmans devinrent apostats).
2) Il y eut les quelques Compagnons (que Dieu les agrée) qui, à la tête d'un groupe,
firent face à 'Ali (que Dieu l'agrée) à Jamal et à Siffîn :
A l'unanimité eux n'étaient ni kâfirs ni dhâll ; ils furent bughât bi bagh'yin mujarrad ; leur
bagh'y reposait sur une erreur d'interprétation (khata' ijtihâdî) de leur part. Cliquez ici et ici
pour en savoir plus.
3) Il y eut les Kharijites de l'époque du califat de 'Alî :
D'après l'avis de certains muhaddithûn, ils furent kâfirs ; mais d'après l'avis de la plupart des
ulémas (surtout les fuqahâ'), ils ne furent pas kâfirs mais dhâll (déviants). Cliquez ici pour en
savoir plus.
4) Enfin il y eut les "mâni'u-z-zakât" de l'époque du califat de Abû Bakr :
C'est ce qui nous intéresse ici par rapport à votre question...
-
Y répondre demande que l'on aborde plusieurs points :
Point 1) En fait que désignent ces termes "mâni'u-z-zakât" de l'époque de Abû Bakr ?
Cela désigne-t-il :
4.a) ceux qui renièrent que la zakât soit obligatoire et exprimèrent leur croyance selon
laquelle elle n'est pas (ou plus) obligatoire ?
4.b) ceux qui avaient toujours comme croyance que la zakât est obligatoire sur qui réunit un
certain nombre de conditions, mais décidèrent, de façon organisée (ils formaient un groupe
constituée autour de cette idée, une tâ'ïfa mumtani'a), de ne plus s'en acquitter bien qu'elle fût
obligatoire sur eux ?
4.c) ceux qui savaient que la zakât est obligatoire sur qui réunit un certain nombre de
conditions, et s'en acquittaient toujours, mais refusèrent de la remettre à l'autorité califale et
décidèrent de la faire parvenir eux-mêmes aux pauvres ?
Ibn Taymiyya écrit que Abû Bakr n'eut pas à faire face à des gens se trouvant dans le cas 4.c
(MS 2/332). (Si des musulmans se trouvaient dans ce cas 4.c, ils seraient, d'après Abû Hanîfa
et Ahmad ibn Hanbal, des bughât "bi bagh'yin mujarrad", et l'autorité ne pourrait pas les
combattre : MS 2/335.)
Abû Bakr eut à faire face :
– soit à des gens qui exprimèrent que leur croyance est que la zakât n'est pas obligatoire (ou
n'est pas obligatoire sur eux), ou n'est plus obligatoire (en général, ou bien sur eux
particulièrement) après le décès du Prophète [cas 4.a] ;
– soit à des gens qui avaient toujours comme croyance que la zakât est obligatoire sur qui
réunit un certain nombre de conditions, mais qui décidèrent de ne plus s'en acquitter bien
qu'elle fût obligatoire sur eux [cas 4.b].
Ibn Hajar écrit : "Wa-l-murâd bi-l-farq : man aqarra bi-s-salât wa ankara-z-zakât jâhidan,
aw mâni'an ma'a-l-i'tirâf" (Fat'h ul-bârî 12/347). D'après al-Bukhârî, ces gens refusaient le
iltizâm (au niveau des croyances même), concernant la zakât [soit le cas 4.a] : il a écrit : "(...)
man abâ qabûl al-farâ'ïdh, wa mâ nussibû ila-r-ridda" (Al-Jâmi' us-sahîh, kitâb istitâbat il-
murtaddîn, bâb n° 3).
Point 2) Ceux qui étaient dans le cas 4.a ont adopté une croyance de kufr :
Ceux qui se trouvaient dans le cas 4.a à l'époque de Abû Bakr avaient adopté une croyance de
kufr ; cependant, comme l'écrit an-Nawawî, ils étaient ignorants, et ils ne furent donc pas
considérés kafir bi-l-'ayn tant que iqâmat ul-hujja n'eut pas lieu (d'après Shar'h Muslim
1/205). Cliquez ici pour en savoir plus.
Point 3) Et ceux qui étaient dans le cas 4.b, ont-ils eux aussi fait acte de kufr ?
On lit dans certains récits que tous ceux qui refusaient de payer la zakât étaient devenus
kâfirs : ceux qui étaient dans le cas 4.b firent-ils donc eux aussi acte de kufr par le simple fait
d'avoir négligé de s'acquitter de la zakât, même sans en renier le caractère obligatoire ?
C'est ce que vous, auteur de la question, vous semblez penser : ceux qui reconnaissent que la
zakât est chose obligatoire mais en actes ne s'en acquittent pas (par négligence, ou par avarice,
par exemple) ne sont pas musulmans.
Or cette position ne fait pas l'unanimité.
En effet, Ibn Taymiyya a relaté que :
A) il est quelques ulémas – A.b – qui pensent effectivement que le simple fait de ne pas
s'acquitter de la zakât sans en renier le caractère obligatoire mais par négligence de ses
devoirs est un acte qui fait sortir de l'islam et tomber dans le kufr akbar, exactement comme,
selon ces ulémas, le simple fait d'avoir négligé d'accomplir une prière obligatoire sans excuse
mais par paresse, sans en renier le caractère obligatoire, est un acte qui fait sortir de l'islam et
tomber dans le kufr akbar ; (plus encore, quelques-uns de ces ulémas – A.c – sont d'avis que
c'est la règle à propos de tout pilier parmi les quatre actes-piliers de l'islam, et cela s'applique
donc également au jeûne du ramadan et au pèlerinage à la Mecque : même sans en avoir renié
le caractère obligatoire, le seul fait d'avoir négligé d'accomplir un de ces piliers sans excuse
valable et alors qu'on en avait les capacités fait sortir de l'islam et tomber dans le kufr akbar)
(il est par contre d'autres ulémas – A.a – qui sont d'avis que si le fait de ne pas accomplir la
prière par paresse est un acte qui fait sortir de l'islam, le fait de ne pas payer la zakât tant
qu'on n'en renie pas le caractère obligatoire ne fait, lui, pas sortir de l'islam) (cf. MF 7/609-
610) ;
B) Ibn Taymiyya relate cependant que l'avis les plus connu chez de nombreux ulémas
hanafites, malikites et shafi'ites, et qui est aussi un avis hanbalite, est que le simple fait de ne
pas s'acquitter de la zakât n'est pas un acte de kufr akbar (cf. MF 7/610). Ceci est comparable
au fait que, d'après la plupart des ulémas, le fait de ne pas accomplir la prière obligatoire sans
en renier le caractère obligatoire n'est pas un acte de kufr akbar. Cet avis ce fonde sur le
hadîth suivant : "Celui qui témoigne qu'il n'y a de divinité que Dieu et que Muhammad est
le messager de Dieu, Dieu a interdit sur lui le Feu" (rapporté par Muslim, n° 29). Ceci est la
preuve qu'il est bien musulman, puisqu'aucune personne morte kâfir ne sera admise au
Paradis. Dans ce hadîth, il s'agit bien entendu de l'interdiction pour lui d'aller dans le Feu
éternel, puisque d'autres hadîths menacent d'un séjour dans le Feu celui qui aura commis tel et
tel péchés graves.
Dès lors, les gens se trouvant dans le cas 4.b à l'époque de Abû Bakr ne furent pas
kâfirs ; c'est par extension que l'on a utilisé à leur sujet aussi le terme "kafara". Ibn
Hajar écrit ainsi : "Wa ammâ man atlaqa fî awwal il-qissa al-kufra li yashmal as-sinfayn, fa
huwa fî haqqi man jahada : haqîqa ; wa fî haqq il-âkharîn : majâz, taghlîban" (Fat'h ul-
bârî 12/347).
Point 4) Pourquoi Abû Bakr a-t-il combattu les gens qui étaient dans ce cas 4.b ?
A propos de l'homme qui refuse de payer la zakât, an-Nawawî a écrit que celle-ci "sera prise
de ses biens sans son accord ; il n'y a pas de divergence à ce sujet. Mais est-ce que dans ce
cas il sera acquitté de son devoir en son for intérieur [= vis-à-vis de Dieu], il y a deux avis
sur le sujet entre nos ulémas [= les shafi'ites]" (Shar'h Muslim 1/200). En fait, dans un cas
pareil, l'autorité a d'abord recours au dialogue avec cet homme ; si ce dernier ne veut rien
entendre et persiste dans son refus de s'acquitter de l'impôt, l'autorité se saisira du montant de
celui-ci de ses biens, comme nous venons de le voir avec an-Nawawî (c'est aussi ce que Ibn
Qudâma a écrit : Al-Mughnî 3/380) ; et c'est au cas où cet homme s'oppose par la force à cette
saisie et est donc prêt à se battre que l'autorité emploiera la force contre lui.
Cependant, Abû Bakr eut à faire face non à un homme mais à tout un groupe constitué (tâ'ïfa)
et qui disposait d'une certaine puissance, ce qui faisait que l'autorité n'avait pas de qud'ra sur
lui (on dit qu'il dispose d'une "mana'a" : Radd ul-muhtar 6/412, Shar'h Muslim 18/6), groupe
rassemblé autour de ce refus de paiement de la zakât... Et, dans les faits, on peut imaginer les
cas de figure suivants :
a) le fait que le groupe fasse savoir à l'autorité qu'il refuse de payer la zakât ;
suite aux pourparlers engagés par l'autorité, deux cas se présentent :
b.a) le groupe revient à la raison et met fin à son refus ;
b.b) le groupe persiste dans son refus :
– b.b.a) soit il se contente de refuser cela, sans pour autant combattre, ni s'apprêter à le faire,
ni même disposer de forces armées ;
– b.b.b) soit il dispose de forces de combat mais ne prend pas l'initiative de débuter les
hostilités ;
– b.b.c) soit il s'apprête à combattre (yantassibu li-l-qitâl) ;
c) soit le groupe attaque le premier l'autorité ou bien les cités qui sont sous contrôle de
l'autorité, en vue d'étendre sa perception des choses.
La règle concernant le cas c est claire : l'autorité n'a d'autre choix que celui de se défendre.
Qu'est-ce que Abû Bakr fit :
– est-ce qu'il n'y eut que le dialogue – cas de figure a –, puis, à cause de l'échec de celui-ci et
de persistance dans le refus – c'est-à-dire dès que le palier b.b fut atteint (voire même b.b.a) –,
il combattit ce groupe ?
– ou bien les combattit-il parce qu'il s'agissait-il de gens se trouvant dans le cas b.b.b ?
– ou bien est-ce qu'ils se trouvèrent dans le cas de figure b.b.c, c'est-à-dire qu'il y eut des
indices sûrs montrant que le groupe était en train de se préparer au combat (intassaba li-l-
qitâl bi-l-fi'l) ?
Pour Ibn Taymiyya, Abû Bakr a combattu le premier ceux qui refusaient de payer la zakât
(MF 35/57). C'est-à-dire que, dès lors qu'ils étaient organisés en groupe constitué autour du
refus de payer la zakât, Abû Bakr les a combattus. Ceci revient donc à dire qu'Abû Bakr les a
combattus parce qu'ils sont entrés dans le palier b.b (apparemment il parle de b.b.a même ;
mais peut-être qu'un groupe n'est considéré comme "lahum mana'ah" / "min ahl ish-shawka"
que s'il dispose de forces armées, ce qui signifie que l'avis d'Ibn Taymiyya est que Abû Bakr
les a combattus parce qu'ils relevaient du palier b.b.b ; ce point reste, en ce qui me concerne, à
approfondir.
Ce que Ibn Hajar a pour sa part écrit à propos de la raison ayant poussé Abû Bakr à
combattre ceux qui refusaient de payer la zakât peut être compris comme désignant le cas de
figure b.b.c : il a écrit : "Wa innamâ qâtalahum us-Siddîqu wa lam ya'dhur'hum bi-l-jahl li
annahum nassabu-l-qitâl ; fa jahhaza ilayhim man da'âhum ila-r-rujû' ; fa lammâ
assarrû, qâtalahum" (Fat'h ul-bârî 12/347).
Wallâhu A'lam (Dieu sait mieux).

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