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Mardi 28 décembre 2010 Page trois

Le Musée de Zurich reconstitue la première rétrospective du peintre, qui


eut lieu de son vivant, en 1932. Une alliance alors inédite entre art et argent
Picasso, la superproduction

L’exposition Picasso à Zurich version 2010 devrait totaliser 200 000 entrées jusqu’au 30 janvier, ce qui représente la moitié des habitants de la ville. WALTER BIERI/EPA

Zurich S’ébauche en effet, à Zurich, une alliance tableaux sont à vendre mais peu trouvent tein, Paul Guillaume et Daniel-Henry Kah- Thyssen à Madrid, Albertina à Vienne, et
Envoyé spécial inédite entre l’art, l’argent, le monde intel- preneur, à cause de la Dépression. Seul le nweiler, mais aussi le Berlinois Alfred puis des musées au Japon, à Téhéran, Bar-
lectuel et la jet-set, autour d’un artiste musée en profite pour acheter le premier Flechtheim. De puissants collectionneurs celone…

U
ne exposition Picasso de démiurge. Une alliance qui annonce les tableau à figurer dans un musée suisse, aussi : Marcel Fleischmann, Joseph Müller En d’autres termes, Zurich 1932 était
plus ? Non, pour deux rai- folies autour d’artistes d’aujourd’hui : Jeff Guitare sur un guéridon, composition (première étape de la collection Barbier- une exposition de marchands, Zurich
sons. Elle reconstitue la pre- Koons, Damien Hirst, Murakami, Mauri- cubiste de 1915. Mueller), le Belge René Gaffé (autre ama- 2010 est une exposition de musées. Le
mièrerétrospective du maî- zio Cattelan… Cette première rétrospective, Picasso la teur d’art primitif). Citons encore d’illus- transfert « a surtout eu lieu dans les années
tre espagnol jamais organi- Rappelons le contexte. Picasso, 51 ans à veut depuis que son grand rival, Matisse, a tres familles suisses comme les Hoff-
sée dans un musée. Et la
seule que le peintre a conçue lui-même.
l’époque, est célèbre. C’est un bourgeois,
qui porte le costume, descend dans les
eu la sienne, toujours chez Georges Petit,
l’annéed’avant. «Matissene s’est pas impli-
mann-Stehlin, et surtout Georges Reber,
qui prête 18 tableaux… Ou encore des amis
A Zurich, en 2010,
C’était en 1932, durant l’été, dans les gale- palaces, a un chauffeur, se promène sur le qué, et ce fut un demi-échec. Picasso a tout de Picasso, l’écrivaine américaine Gertru- il n’y a que 75tableaux,
ries Georges-Petit, à Paris. Puis, en septem-
bre, au Kunsthaus de Zurich, en Suisse.
lac de Zurich avec sa femme Olga, élégante
et de blanc vêtue, alors que sa maîtresse,
dirigé », dit Tobia Bezzola.
Deux cent vingt-cinq tableaux sont à
de Stein, qui est dans la gêne et cherche à
vendre ses Picasso, Tristan Tzara ou André
4sculptures et 40 dessins.
Seul Zurich s’est emparé du projet. Ce Marie-Thérèse, surgit dans ses toiles. « Un Paris et à Zurich, dont 43 différents. Picas- Breton. «On a insisté sur le Picasso
musée des beaux-arts cherchait un événe-
ment pour fêter son centième anniversai-
Picasso plus mondain que politique », com-
mente Tobia Bezzola, qui a conçu l’exposi-
so minimise les périodes bleue ou rose, se
concentre sur le cubisme, mais ne retient
A Zurich, en 2010, il n’y a que
75 tableaux, quatre sculptures et 40 des-
contemporain, qui crée
re. Il l’a trouvé. A l’époque, l’exposition tion. Un artiste sûr de son talent, parfois pas son emblème, Les Demoiselles d’Avi- sins. « Nous ne voulions pas reconstituer à et montre dans la foulée,
dura six semaines au lieu des quatre pré- gnon (1907). « Sur les conseils d’André Bre- l’identiquemais donner l’essence de l’accro- jongle avec les styles,
vues et attira 34 000 visiteurs – un record
alors pour la Suisse.
L’exposition de 1932 est ton, Picasso avait vendu ce tableau à Jac-
ques Doucet, en ayant reçu la promesse
chage de 1932 », explique Tobia Bezzola. La
tâche était rude, qui a demandé cinq ans mélange les regards»
Picasso version 2010 devrait totaliser surtoutriche en œuvres qu’il finirait au Louvre, explique Tobia de travail. Tobia Bezzola
200 000 entrées jusqu’au 30 janvier, « ce
qui représente la moitié des habitants de
récentes –un vrai Bezzola. Or après la mort de Doucet, en
1929, ce ne fut pas le cas. Ce qui fâcha Picas-
Il fallait d’abord identifier les tableaux
qui figurent dans l’exposition de 1932, à
commissaire de l’exposition

Zurich », affirme le commissaire de l’expo- événement. Picasso peint so. » Les Demoiselles ont, en fait, traversé Paris et à Zurich. Pas simple quand le cata- 1950-1960, explique Tobia Bezzola. Un
sition, Tobia Bezzola.
En 1932, que l’exposition quitte Paris
22tableaux spécialement l’Atlantique et entrent, en 1939, au Musée
d’art moderne de New York.
logue n’est pas illustré. Il reste bien des
photos des salles d’exposition, à Paris
marché se met alors en place, beaucoup
d’argent circule, les marchands comme
pour Zurich et non pour New York par pour l’exposition, dont un L’exposition de 1932 est surtout riche (tableaux superposés sur trois niveaux Beyeler, Castelli ou Kahnweiler travaillent
exemple – le puissant Musée d’art moder-
ne (MoMA) la voulait – peut surprendre.
qu’il achève deux mois en œuvres récentes – un vrai événement.
Picasso peint 22 tableaux spécialement
depuisle sol) et à Zurich (accrochage linéai-
re), mais elles sont partielles.
avec des banques, beaucoup de tableaux
partent pour les Etats-Unis ».
La raison est simple. Nombre de toiles à peine avant le vernissage pour l’exposition, dont un qu’il achève Trouver les tableaux fut un autre casse- Certains tableaux ont été retrouvés
exposées sont à vendre. De par son statut deuxmois à peine avant levernissage. L’Es- tête. Car ils ont tous ou presque changé de dansdes endroits méconnus. Ainsi Le Pein-
privé, le musée de Zurich peut relayer le colérique, qui contrôle tout, s’énerve pagnol est du reste le principal prêteur propriétaire. Selon un itinéraire, là encore tre et son modèle (1927), toile de 2 mètres
commerce. quand il est question d’appeler l’exposi- (56 œuvres dont 30 à vendre). L’autre insti- exemplaire : quasiment toutes les œuvres de côté, conservée au Musée d’art contem-
On touche là à une autre innovation de tion « Pablo Picasso » et non « Picasso », gateur de l’exposition est le marchand de exposées en 1932 appartenaient à des per- porain de Téhéran. « Le dernier chah d’Iran
l’exposition de 1932 : elle est « la première mais n’assiste pas au vernissage alors que Picasso, Paul Rosenberg, qui prête sonnes privées ; en 2010, les trois quarts et son épouse Farah Diba ont constitué une
rétrospective consacrée à un artiste vivant tout le monde l’attend. 25 tableaux. sont dans des musées de par le monde collection d’art moderne à partir des
prenant des allures de superproduction tel- Ses toiles valent déjà jusqu’à Les autres grands marchands de l’épo- – MoMA et Metropolitan à New York, Art années 1960, de Picasso à Bacon. Ils ont
les qu’on les connaît aujourd’hui », écrit 500 000 francs français (La Flûte de Pan), que sont également prêteurs : les Pari- Institute à Chicago, Centre Pompidou à acheté chez les grands marchands améri-
dans le catalogue Simonetta Fraquelli. ce qui est très cher. A Zurich, beaucoup de siens Ambroise Vollard, Georges Wildens- Paris, Ludwig à Cologne, Tate à Londres, cains, comme Castelli, ou chez Beyeler en
Suisse », raconte Tobia Bezzola.

Le Musée Picasso envoie ses œuvres en tournée, au détriment du prêt L’exposition de Zurich est divisée en
deux parties. La première, plutôt dans la
pénombre, sur des murs vert sombre, ras-
semble des tableaux que Picasso considé-
Zurich tableaux » qui figuraient dans l’exposi- ré leur projet. Il est rarissime qu’un 50 % des coûts de rénovation et d’exten- rait déjà comme historiques, allant de
Envoyé spécial tion de 1932. Pourquoi autant ? « Picasso musée en dénonce un autre dans un cata- sion du musée. 1898 aux années 1920 : portraits, cubisme.
avait gardé pour lui les tableaux les plus logue. L’affaire a fait du bruit en Suisse, Le Musée Picasso n’a donc pas voulu La deuxième, en pleine lumière, étale sur
Une quarantaine de musées du monde importants », répond Tobia Bezzola. où elle a été considérée comme une mar- prêter à Zurich ce qu’il loue à d’autres des murs blancs des toiles aux couleurs
entier ont prêté pour l’exposition « Picas- En toute logique, le Kunsthaus de que de mépris, presque une insulte. musées. On retombe, ici, sur les polémi- éclatantes, de plus grand format, entre
so » à Zurich. Notamment le Musée d’art Zurich a joint le Musée Picasso. « Nous ques de plus en plus vives sur la commer- figuration et abstraction. Picasso se lance
moderne et le Metropolitan de New York, comptions demander une douzaine Commercialisation des collections cialisation des collections publiques. « Je dans des séries de natures mortes et de
ou la Tate de Londres. Certaines œuvres d’œuvres, dans l’espoir d’en obtenir qua- Anne Baldassari n’a pas non plus répon- sais tout cela, mais un grand musée doit portraits… « On a insisté sur le Picasso
sont rarement prêtées ou ne l’ont jamais tre ou cinq », affirme le responsable suis- du à nos questions. Elle a fait rappeler par pouvoir toujours en aider un autre, c’est contemporain, qui crée et montre dans la
été, comme le tableau conservé à Téhé- se. Zurich n’en a eu aucun. « Ce qui est fou son assistante que le Musée Picasso est fer- sa mission, son devoir », affirme Tobia foulée, jongle avec les styles, mélange les
ran, en Iran. Plusieurs collectionneurs pri- est que j’ai téléphoné à Paris à plusieurs mé pour travaux depuis août 2009 et jus- Bezzola. p regards. »
vés, en Suisse ou ailleurs, ont accepté de reprises, et que Anne Baldassari, la directri- qu’à février 2012, et que cette fermeture M. G. C’est une dernière leçon de cette exposi-
se séparer pendant quelques mois de leur ce du Musée Picasso, a refusé de me parler, s’accompagne d’un gel total des prêts tion : dans une époque dominée par des
bien, notamment l’heureux propriétaire s’indigne Tobia Bezzola. Je n’ai eu que sa d’œuvres, « décidé officiellement par la « Picasso, sa première exposition muséale de rétrospectives fleuves à 200-300
anonyme de La Leçon de dessin (1925), secrétaire au bout du fil. De toute ma car- direction des musées de France ». 1932 ». Kunsthaus, Heimplatz 1, Zurich. Tél. : tableaux, se retrouver face à 75 chefs-
qu’on n’avait pas vue depuis le début des rière, je n’ai jamais vu ça. Je n’ai jamais vu Mais, dans le même temps, le Musée 00-41-442-53- 84-84. Du mercredi au vendredi, d’œuvre est une expérience inédite.
années 1980. un tel mépris. » Picasso a lancé, en 2008, une immense de 10 heures à 20 heures ; mardi, samedi et Il y en a pour 2 milliards de francs suis-
Le plus gros prêteur potentiel était le Dans le catalogue de l’exposition, le tournée de ses œuvres à travers le monde, dimanche, jusqu’à 18 heures ; fermé le lundi. ses (1,6milliard d’euros) sur les murs. Com-
Musée Picasso, à Paris. Ce musée, selon directeur du Kunsthaus, Christoph Bec- et ce jusqu’au printemps 2011. Il s’agit de Entrée : 22 et 14,50 francs suisses. Jusqu’au mentaire de Tobia Bezzola : « Pas cher pour
Tobia Bezzola, le commissaire de l’exposi- ker, écrit qu’il a « pris note avec étonne- tableaux loués. L’opération devrait lui rap- 30 janvier 2011. Catalogue, Ed. Kunsthaus Zurich, la Suisse. » p
tion, possède « une quarantaine de ment » de ce que le Musée Picasso a igno- porter plus de 15 millions d’euros, soit textes en français, 288 p., 55 ¤. Michel Guerrin

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