2006-2007
1. La notion d'obligation
a. L'obligation civile
Selon la définition classique issue du droit romain (Institutes de Justinien), il s'agit du lien de
droit par lequel une (ou plusieurs) personne(s) peu(ven)t contraindre une (ou plusieurs)
personnes autre(s) à donner, à faire ou à ne pas faire quelque chose.
(1) Il existe un autre concept, les devoirs généraux, qui sont des “obligations” de
comportement imposées à tous par la loi et les usages ou la bonne foi et la prudence qui
caractérisent le comportement du bon père de famille (ex. devoir de rouler à droite, de ne
pas commettre d'infraction pénale...). Il n'y a donc pas de créancier ni de débiteur
déterminé. Certains auteurs y voient toutefois une forme d'obligation dont tous seraient à la fois créanciers
et débiteurs, mais cela semble artificiel. En revanche, la méconnaissance de pareil devoir peut
donner naissance à une obligation, l'obligation de réparer le dommage causé (art. 1382
C. civ.).
N.B. Selon certains, le principe de l'exécution de bonne foi des obligations (art. 1134 al. 3
C. civ.) ressemblerait davantage à un devoir général qu'à une obligation (en effet, l'idée de
cette disposition est assez proche de celle de l'article 1382 C. civ. puisqu'on se demande comment se serait
comporté un débiteur normalement prudent et diligent placé dans les mêmes circonstances)
1
(3) L'objet de l'obligation peut être extrêmement variable : elle peut consister à
− “donner” quelque chose (= constituer ou transférer un droit réel),
− “faire” quelque chose (l'objet est une prestation), ou
− “ne pas faire” quelque chose (l'objet est une abstention).
Il doit être
− déterminé ou déterminable et
− possible en fait et en droit.
2
Cette solution était satisfaisante d'un point de vue juridique mais
pouvait avoir des conséquences inéquitables si le débiteur payait
par erreur une dette prescrite, voire si le créancier utilisait la
contrainte pour obtenir le paiement. C'est sans doute pour cette
raison qu'un arrêt de la Cour de cassation de 1981 opère un
revirement. En l'espèce, le créancier avait usé de la contrainte
pour obtenir le paiement de la dette. La Cour estime que
l'obligation prescrite est une obligation naturelle et “qu'il
s'ensuit que lorsque le paiement de la dette a été effectué sous
l'effet de la contrainte, ce paiement donne ouverture à un droit à
remboursement”.
Dans cette analyse, seul le paiement libre et conscient fait
obstacle à la répétition.
2. La vie de l'obligation
a. La naissance de l'obligation
Toute obligation suppose un acte ou un fait générateur qui lui donne naissance :
− contrat
− quasi-contrat
− délit / quasi-délit engendrant un dommage
− engagement par déclaration unilatérale de volonté
− le cas échéant, une autre source (ex. pour certains, une apparence).
3
b. L'exécution volontaire de l'obligation
C'est un DROIT DU CRÉANCIER et le juge ne pourrait la lui refuser au motif que l'exécution par
équivalent serait plus appropriée.
Toutefois, il ne la lui accordera pas
• si elle est impossible ;
• si elle procéderait d'un abus de droit (ex. un maître de l'ouvrage a commandé des châssis
de 4 cm de largeur ; on livre des châssis de 4,5 cm de largeur ; le maître de l'ouvrage veut les faire
remplacer alors qu'ils ont déjà tous été installés : c'est abusif),
• si elle impliquerait une contrainte physique2 (ce principe connaît toutefois des
limites : ex. l'expulsion est possible, notamment par la force).
C'est aussi un DROIT DU DÉBITEUR, sauf si elle est devenue impossible ou insatisfactoire pour le
créancier. Tel pourrait être le cas à l'expiration d'un certain délai (livrer des sapins de Noël après le
25 décembre) ou si le créancier a à juste titre perdu confiance en l'entrepreneur débiteur etc.
1
Voir chapitre 4.
2
Mais il y a toutes sortes de manières d'obliger quelqu'un à exécuter quelque chose sans utiliser la contrainte
sur sa personne :
• les astreintes ;
• la contrainte indirecte (ex. si un vendeur d'immeuble refuse de passer l'acte authentique, l'acheteur
peut demander au juge de décider que si dans tel délai le vendeur ne signe pas l'acte authentique,
le jugement tiendra lieu d'acte authentique) ;
• le remplacement judiciaire.
4
3. Classifications des obligations
(i) Généralités
L'OBLIGATION DE FAIRE est la plus répandue. Elle porte sur toutes sortes de prestations, à
l'exception de la constitution ou de la transmission d'un droit réel.
L'OBLIGATION DE NE PAS FAIRE porte sur une abstention.
L'OBLIGATION DE DARE a pour objet le transfert ou la constitution d'un droit réel (et plus
spécialement, du droit de propriété).
C'est une obligation très étrange, une espèce d'OBLIGATION MORT – NÉE. En effet, dans le
système du Code civil, une telle obligation s'exécute en principe à sa conclusion .
La règle se déduit de l'article 1138 C. civ. :
“L'obligation de livrer la chose est parfaite par le seul consentement des parties
contractantes.
Elle rend le créancier propriétaire et met la chose à ses risques dès l'instant où elle a dû être
livrée, encore que la tradition n'en ait point été faite, à moins que le débiteur ne soit en
demeure de la livrer ; auquel cas la chose reste aux risques de ce dernier.”3
ORIGINE HISTORIQUE : cette règle est le produit d'une erreur historique commise par les auteurs
du Code civil.
− Dans le DROIT ROMAIN (Justinien), le transfert ne propriété n'opérait jamais solo consensu.
La vente donnait essentiellement naissance à des obligations de faire : 1) livrer la chose
et 2) garantir contre l'éviction. Sans doute y avait-il obligation de transférer la propriété, si
le vendeur était propriétaire ; mais même dans ce cas, il fallait au moins la tradition de la
chose pour que le transfert de propriété opère.
− En revanche, les risques étaient à charge de l'acheteur dès la conclusion du contrat, ce qui était
complètement dérogatoire au droit commun des contrats synallagmatiques (selon lequel si l'un ne s'exécute
pas, l'autre ne doit pas s'exécuter non plus). La raison en était économique : les vendeurs de blé ne
voulaient pas supporter les risques du transport des provinces jusqu'à Rome. La jurisprudence a donc
accepté de considérer que l'acheteur supportait les risques, ou en tout cas, les risques ordinaires (tempête,
pirates...).
Rien n'empêchait donc de vendre la chose d'autrui, et si le propriétaire se manifestait,
l'acheteur pouvait mettre en jeu le système de la garantie d'éviction.
− L'ANCIEN DROIT FRANÇAIS faisait application des mêmes principes.
Mais EN PRATIQUE, les choses se passaient différemment : en matière civile (><
commerciale) le transfert de propriété intervenait le plus souvent dès la conclusion du
contrat. En effet, il y avait 2 grands types de vente : immobilières / au comptant. Dans les
ventes au comptant d'une part, la propriété était transmise immédiatement car la tradition
et le paiement du prix intervenaient tout de suite après l'accord des parties. Dans les
ventes immobilières, d'autre part, s'était répandue la pratique des clauses de “constitut
possessoire” et de “tradition feinte” (=clauses de saisine-dessaisine) (par lesquelles les
parties assuraient la remise juridique de la chose et le vendeur était constitué
possesseur pour le compte de l'acheteur).
− D'autre part, à la fin du XVIIe siècle se répandent des idées philosophiques, dont celle
que le droit serait abstrait, et que donc rien n'empêcherait qu'il y ait transfert de propriété
du seul consentement des parties.
3
Le principe est confirmé par les articles 938 (en matière de donation) et 1583 (en matière de vente) du Code
civil.
5
− Les auteurs du Code civil discutent de cela et disent qu'il est évident qu'en droit français
le transfert de propriété s'opère par consentement. Ils ont donc été TROMPÉS PAR LA
PRATIQUE. Sur le plan pratique, il y avait transfert de propriété immédiat, mais pas sur le
plan théorique.
Finalement, les articles 1138 et 1586 C. civ., lorsqu'ils sont applicables, ne présentent de
réel intérêt pratique qu'en ce qui concerne la RÉPARTITION DE LA CHARGE DES RISQUES entre parties.
Ils reproduisent la règle d'origine romaine res perit emptori en lui conférant une portée
générale.
6
Autrement dit, il doit démontrer qu'il n'a pas commis de faute.
Ex. obligation de restitution du dépositaire, obligation de délivrance de l'acheteur...
Dans l'OBLIGATION DE MOYENS, le débiteur s'engage à faire diligence pour arriver à un certain
résultat.
Le créancier devra donc démontrer, outre l'existence de l'obligation et le fait que le résultat
escompté n'est pas atteint, le fait que le débiteur a manqué à son obligation de diligence, en
d'autres termes, qu'il ne s'est pas comporté comme se serait comporté un débiteur
normalement prudent et diligent placé dans les mêmes circonstances.
Autrement dit, il doit démontrer l'existence d'une faute.
Ex. obligation du médecin de guérir le malade, obligation des courtiers immobiliers de trouver des amateurs...
Comment déterminer si une obligation est de résultat ou de moyens? Il faut d'abord vérifier
si la question n'est pas réglée par une disposition légale particulière. Si tel n'est pas le cas,
la Cour de cassation considère que c'est au juge à trancher ce problème in specie. Celui-ci
se référera à l'intention des parties (les parties peuvent expressément ou implicitement
qualifier une obligation de résultat ou de moyens), à la précision de l'obligation et à l'aléa
que le débiteur a raisonnablement accepté d'assurer.
N.B. S'il y a plusieurs obligations, elles ne sont pas nécessairement toutes de moyens ou de
résultat (ex. l'obligation de l'avocat de garantir le succès d'un procès est une obligation de moyens ; toutefois,
son obligation d'introduire un recours dans le délai légal est une obligation de résultat).
N.B.2 La tendance est de réduire le champ des obligations de moyens au profit des
obligations de résultat, sans doute dans un souci de protéger le créancier, qui sera favorisé
sous l'angle de la charge de la preuve.
L'OBLIGATION DE GARANTIE est une super obligation de résultat. Le débiteur ne peut en principe
pas y échapper, même en démontrant une cause exonératoire de responsabilité
Ex. (un des rares cas du Code civil) : la garantie des vices cachés du vendeur, qui joue même en cas d'ignorance
invincible du vendeur.
7
c. Les obligations réelles et les obligations se transmettant
“propter rem”
Une OBLIGATION RÉELLE est une obligation intimement liée à l'usage et à la propriété d'une
chose. Elle passe à l'acquéreur du bien en cause en même temps que la propriété.
Ex. clause d'habitation bourgeoise.
Il existe des OBLIGATIONS “ordinaires” qui se transmettent en même temps qu'une chose
(“PROPTER REM”) à titre d'accessoire juridique (art. 1615 C. civ. en matière d'obligation de
délivrance du vendeur)6.
Ex. : l'action en garantie d'éviction ou en garantie des vices cachés en cas de ventes successives, l'action en
garantie décennale contre l'entrepreneur en cas d'aliénation d'un immeuble récemment construit.
La raison de cette transmission est que le commerçant qui a vendu l'objet, l'ex-propriétaire qui a vendu
l'immeuble... n'est normalement plus intéressé à intenter cette action, tandis que l'acheteur final l'est. Dans cette
logique, il est fait exception à la transmission de l'action si le vice s'est manifesté avant la vente et que le vendeur
a déjà intenté l'action. Dans ce cas, en effet, l'existence du vice s'est normalement répercutée sur le prix de la
vente.
6
“L'obligation de délivrer la chose comprend ses accessoires et tout ce qui a été destiné à son usage
perpétuel.” : il y a notamment des accessoires juridiques, et parmi eux il peut y avoir des actions en justice.
8
TITRE I – LES CONTRATS
A. DEFINITION
a. Généralités
L'article 1101 C. civ. donne une définition assez singulière du contrat : “Le contrat est une
convention par laquelle une ou plusieurs personnes s'obligent, envers une ou plusieurs
autres, à donner, à faire ou à ne pas faire quelque chose.” S'il est vrai que pour les auteurs
du passé convention et contrat ne recouvraient pas véritablement la même chose,
aujourd'hui ce sont des synonymes.
On préfère par conséquent la définition de DE PAGE suivant laquelle le contrat est un accord
entre deux ou plusieurs volontés dans le but de produire des effets juridiques, c'est-à-
dire créer, modifier, transmettre ou éteindre des obligations.
Cette définition met en lumière deux éléments :
• b. l'existence de deux parties au moins
• c. l'exigence de la volonté de produire des effets en droit (d. ceux-ci doivent se situer sur
le plan patrimonial)
Tout contrat suppose donc deux parties ou plusieurs parties qui échangent leur
consentement >< engagement par déclaration unilatérale de volonté.
Sur un plan conceptuel, rien n'empêche qu'une partie contracte avec elle-même en double
qualité (d'une part, en son nom et pour son compte personnel, d'autre part, au nom et pour
le compte d'une autre partie, par exemple, en qualité de mandataire). En effet, le mécanisme
de représentation repose sur une espèce de fiction selon laquelle le représentant exprime la
volonté du représenté.
9
Néanmoins, une telle situation est vue avec méfiance en raison du conflit d'intérêts aigu qui
pèse sur le représentant. C'est pourquoi, il est EN PRINCIPE INTERDIT au représentant DE SE PORTER
CONTREPARTIE.
Diverses dispositions légales font une application expresse de cette règle (art. 1596 C. civ. en
matière de vente, art. 450 C. civ. à propos du tuteur...) et la Cour de cassation l'a élevée au rang de
principe général de droit, sanctionné de NULLITÉ RELATIVE (le mandant peut la confirmer).
Exceptions et limites de cette règle :
• Cette interdiction ne relève pas de l'ordre public, sauf dans certains cas. Si elle
n'est pas d'ordre public, les parties peuvent conventionnellement y déroger.
• Il y a des exceptions légales (ex. dans le domaine des services financiers, les intermédiaires
en instruments financiers peuvent se porter contrepartie de leurs clients pour les transactions à
exécuter sur un marché réglementé car ils ont reçu un ordre de la part de ces clients et parce qu'il
n'y a pas de véritable négociation).
• Cette interdiction ne crée pas une véritable incapacité, contrairement à ce que la
formulation de l'art. 1596 C. civ. laisse penser.
Des auteurs défendent l'idée qu'il existerait un PRINCIPE GÉNÉRAL DE DROIT QUI IMPOSERAIT UNE
OBLIGATION D'ABSTENTION EN CAS DE CONFLIT D'INTÉRÊTS (ex. cette idée a été soulevée dans le cadre
de l'affaire Suez-Tractebel). En réalité, la véritable question est celle de savoir s'il existe un
tel principe général de droit imposant de s'abstenir EN DEHORS DU PROBLÈME DE LA CONTREPARTIE ET
DU DOUBLE MANDAT. Par exemple, un consultant est consulté par deux firmes du même secteur.
Doit-il s'abstenir?
Il suffit d'examiner les textes qui règlent les conflits d'intérêts pour s'apercevoir qu'il n'existe
PAS DE PRINCIPE GÉNÉRAL D'OBLIGATION D'ABSTENTION. Par exemple, l'article 523 C. soc. n'impose une
abstention dans le chef de l'administrateur sous l'empire d'un conflit d'intérêts que dans les sociétés cotées en
bourse. La règle ne s'applique donc pas aux sociétés fermées. Il faut plutôt considérer que le PRINCIPE DE
BONNE FOI impose au prestataire de services en situation de conflit d'intérêts de prendre une
certaine attitude, qui n'est pas nécessairement l'abstention (parfois, il suffira d'informer le
client pour s'assurer qu'il n'a pas d'objection).
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c. Exigence de la volonté de créer des effets juridiques
Les parties doivent avoir l'intention de véritablement s'engager en droit, d'accorder à l'autre
le droit d'exiger l'accomplissement de ce qui est promis.
Le contrat doit tendre à créer des effets juridiques dans la sphère patrimoniale. Ni l'adoption,
ni le mariage... ne constituent donc des contrats.
Les CONTRATS NOMMÉS sont ceux que la loi réglemente (Code civil ou dispositions particulières).
Les CONTRATS INNOMMÉS sont par opposition ceux que la loi ne régit pas. Ils procèdent de
l'invention des parties ou constituent des contrats bien connus dans certains secteurs, mais
que la loi ne réglemente pas. A noter que dans ce dernier cas, ils sont souvent organisés de
manière assez précise par les usages, ce qui les rapproche des contrats nommés (ex. contrat
d'ouverture de crédit, de compte courant).
Exemples de vrais contrats innommés : location-financement (mais certains de ces contrats font l'objet d'une
réglementation), factoring, contrat d'occupation précaire (ex. le propriétaire d'un immeuble vétuste souhaite le
rénover mais consent à un bail au profit d'un vendeur de tapis qui souhaite l'occuper pour la Noël. La
jurisprudence considère que c'est un contrat sui generis d'occupation précaire et non un bail car le bail suppose
une certaine stabilité).
11
INTÉRÊT PRATIQUE de cette distinction :
• celui-ci a fort diminué par rapport aux périodes anciennes du droit romain, où il n'était pas évident que l'on
puisse faire des contrats innommés (N.B. Jusqu'en 95 il n'existait pas de sociétés innommées puisque
s'appliquait la théorie des cadres légaux obligatoires, en matière commerciale en tout cas. C'est un système
qui peut exister pour les contrats en général. Il faut un certain degré de sophistication du droit pour estimer
que l'on puisse faire n'importe quel contrat s'il n'est pas contraire à la loi et aux bonnes moeurs).
• L'intérêt pratique se situe essentiellement au niveau du régime applicable aux contrats :
• le régime des contrats nommés est déterminé par la loi ;
• le régime des contrats véritablement innommés sera déterminé par le juge en
fonction des principes généraux des obligations et de la convention des parties,
ainsi que, le cas échéant, des usages.
A noter que même si les parties se rattachent conventionnellement à des fins de
facilité au cadre contractuel d'un contrat nommé (ce qui est souvent le cas en matière de
location-financement immobilière), elles peuvent déroger aux règles même impératives
gouvernant ce contrat nommé, puisqu'elles se trouvent en dehors de leur champ
d'application. Ex. Des sociétés pétrolières locataires de stations service en vertu de contrats de
location-financement, qui avaient été qualifiés “baux commerciaux” par les parties, souhaitant se
dégager de ces conventions en raison de la crise pétrolière, ont prétendu avoir un droit de
résiliation triennale, droit que la loi accorde au preneur en matière de baux commerciaux. Toutefois,
les juges ont considéré qu'il s'agissait de contrats sui generis et non de baux commerciaux et que le
droit de résiliation triennale ne s'appliquait pas en l'espèce.
Les CONTRATS À TITRE ONÉREUX sont ceux qui impliquent une contrepartie.
Les CONTRATS À TITRE GRATUIT (ou contrats de bienfaisance) sont ceux qui impliquent un
avantage gratuit, sans contrepartie.
Ils se composent des libéralités (qui se caractérisent par l'animus donandi de leur auteur) et
des autres contrats à titre gratuit.
Entre les deux se trouvent les CONTRATS SYNALLAGMATIQUES IMPARFAITS. Ceux-ci sont
originairement unilatéraux mais font naître en cours d'exécution des obligations dans le chef
de l'autre partie. Cette catégorie n'a pas d'intérêt fondamental.
Ex. dans le mandat à titre gratuit, le mandant doit rembourser les dépenses éventuelles du mandataire ; dans le
dépôt à titre gratuit, le déposant devra rembourser au dépositaire les dépenses qu'il aura éventuellement faites
en vue de la conservation de la chose déposée.
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INTÉRÊT de cette distinction : certaines règles sont spécifiques aux contrats synallagmatiques
parfaits :
• la résolution pour inexécution fautive (art. 1184 C. civ.) ;
• l'exception d'inexécution ;
• la règle des originaux multiples.
La question de l'application de ces institutions aux contrats synallagmatiques imparfaits,
ainsi qu'aux contrats unilatéraux en raison de leur caractère réel (ex. le prêt à intérêt) est
controversée.
Un CONTRAT est CONSENSUEL lorsqu'il est entièrement et valablement formé par le seul échange
des consentements des parties.
Ex. Vente, bail, mandat.
Les contrats consensuels sont la règle. Ils sont l'expression du principe du consensualisme.
Un CONTRAT est RÉEL lorsque sa formation nécessite, outre l'échange des consentements, la
remise effective de la chose qui en est l'objet.
C'est un résidu de l'histoire.
Ex. Prêt, gage, dépôt, don manuel, la vente à tempérament y ressemble aussi dans la mesure où il faut un début
d'exécution pour que le contrat sortit ses effets.
− En principe, rien n'empêche de conclure une promesse de contrat réel (ex. promesse de
prêt, de dépôt, de gage...).
Le caractère réel du contrat a cependant une importance quant à la détermination de sa
date. Il prend date à la remise de la chose.
Exceptionnellement, la promesse de contrat réel est nulle ou sans effet, ce dans un but
de protection (ex. promesse de vente à tempérament, promesse de don manuel).
− Une partie de la jurisprudence a estimé que le caractère réel de certains contrats leur
conférait un caractère artificiellement unilatéral (ex. le prêt à intérêt) et a considéré
qu'économiquement, dans la réalité des faits, il s'agissait de contrats synallagmatiques.
Le CONTRAT SOLENNEL est le contrat dont la formation nécessite, outre l'échange des
consentements, le respect de certaines formalités.
Les exemples sont rares dans le Code civil mais sont en train de se multiplier dans un but de
protection de certaines catégories de contractants (protection de la partie faible).
13
Ex. donation, hypothèque, textes plus récents : résiliation amiable des baux commerciaux et des baux à ferme
(doit être passée devant notaire ou constatée dans une déclaration devant le juge de paix), loi Breyne, crédit à la
consommation, législations protectrices des consommateurs.
N'est véritablement solennel que le contrat dont la validité dépend de formalités, donc
lorsque ces formalités tendent à protéger le consentement de l'une ou l'autre des parties, et
non lorsque
− les formalités sont imposées à titre de preuve (ex. assurance, bail,
transaction) ;
− les formalités sont imposées à titre de publicité (ex. vente immobilière).
Dans ces deux cas, la méconnaissance des formalités n'a pas d'incidence sur la validité du
contrat des parties mais se répercute respectivement sur la preuve du contrat ou sur son
opposabilité aux tiers.
Le CONTRAT PRINCIPAL est le contrat qui existe et s'exécute indépendamment de tout autre
contrat.
Le CONTRAT ACCESSOIRE est un contrat qui suppose l'existence d'une obligation principale.
Ex. cautionnement, gage, hypothèque.
INTÉRÊT PRATIQUE de cette distinction : l'existence et l'exécution du contrat accessoire sont liées
au contrat principal.
Un CONTRAT INTUITU PERSONAE est un contrat dans lequel la considération de la personne de l'un
des contractants est pour l'autre partie l'élément déterminant de son consentement.
Même si la loi confère un caractère intuitu personae à certains contrats (ex. le mandat), la
détermination du caractère intuitu personae d'un contrat apparaît comme une question de
fait qu'il faudra résoudre à partir de l'analyse de la volonté des parties.
Ex. de contrats qui ont été considérés comme intuitu personae :
− les contrats conclus avec les représentants de professions libérales, dans le chef de ces derniers
en tout cas ;
− les contrats de mandat dans le chef des parties ;
− les contrats d'emploi, dans le chef de l'employé ;
− les contrats d'ouverture de crédit bancaire, dans le chef des deux parties ;
− les contrats de sociétés de personnes.
14
Le caractère intuitu personae d'un contrat entraîne sa soumission à un RÉGIME PARTICULIER qui
est l'expression technique de l'importance de la personne en considération de laquelle la
convention est conclue.
− Un tel contrat est en principe DISSOUS DE PLEIN DROIT EN CAS DE DÉCÈS, FAILLITE OU
D'INCAPACITÉ de la personne dans le chef de laquelle il a ce caractère et n'est pas,
en principe, cessible.
Mais la règle doit être nuancée : par exemple, en cas de fusion, les contrats intuitu personae sont
en principe transmis à la société absorbante car il s'agit en réalité en règle de contrats conclus
intuitu firmae.
Un CONTRAT est SUCCESSIF lorsque les parties ou l'une d'entre elles s'engagent à des
prestations périodiques.
Ex. le bail.
Un CONTRAT est INSTANTANÉ lorsqu'il s'exécute en une seule fois ou, plus exactement, lorsque
sa prestation caractéristique s'exécute en une seule fois
Ex. la vente (il importe peu que le cas échéant le paiement du prix soit échelonné sur plusieurs mois).
INTÉRÊT PRATIQUE de cette distinction : certaines institutions auront des effets différents selon
qu'elles s'appliquent à un contrat successif ou à un contrat instantané :
• l'annulation et la résolution d'un contrat instantané produiront leurs effets
rétroactivement,
• à la différence de l'annulation et de la résolution d'un contrat successif, qui produiront
leurs effets rétroactivement.
C'est ce qu'on enseigne traditionnellement, mais en réalité il s'agit plutôt d'une problème de
divisibilité ou indivisibilité du contrat dans l'esprit des parties.
15
9. Les contrats civils, commerciaux, administratifs
Les CONTRATS ADMINISTRATIFS sont des contrats conclus par l'administration dans l'exercice de la
puissance publique (ex. marchés publics). Ils restent, pour une part importante, soumis aux
règles du droit commun, mais sont soumis à certains principes de droit administratif.
1. Le principe de la convention-loi
a. Notion et fondements
Art. 1134 al. 1 C. civ. : “Les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui
les ont faites.”
16
commune des parties trouve une limite dans la foi due aux actes.
L'interprétation subjective sur base de la volonté des parties est donc
limitée par deux règles objectives.
− Une 2ème approche, fort ancienne, explique la force obligatoire des contrats par
l'idée de sécurité juridique ou de RESPECT DÛ À LA LÉGITIME CONFIANCE. En d'autres
termes, les contrats seraient obligatoires parce que chaque cocontractant devrait
pouvoir avoir confiance dans la parole de l'autre. X. Dieux a récemment défendu
cette thèse dans son ouvrage Le respect dû aux anticipations légitimes d'autrui.
Mais dans ce cas c'est bien encore une règle de droit objectif extérieure à la
seule volonté des parties qui fonde l'effet contraignant des contrats. Cette
approche soulève une OBJECTION, à savoir qu'historiquement le respect dû à la
parole donnée ne semble pas constituer la préoccupation dominante.
− Il faut partir du constat que la force obligatoire des conventions puise sa source
dans le droit objectif, en l'occurrence dans la loi. L'accord de volontés des parties
n'est pris en compte sur le plan juridique que dans la mesure et les conditions
fixées par la loi.
L'art. 1134 al. 1 C. civ. ne vise d'ailleurs que les “conventions légalement
formées”. Le contrat légalement obligatoire suppose que les parties aient la
volonté de produire des effets en droit et de se lier sur le plan juridique.
L'échange de consentements doit par ailleurs être exempt de vices et le contrat
doit comporter un objet certain en une cause. Il doit émaner de personnes
capables de s'engager et être licite. Le cas échéant, les parties doivent observer
les formalités prévues par la loi (dans les contrats formels), voire remettre la
chose faisant l'objet du contrat (dans les contrats réels).
Mais encore faut-il rechercher le fondement que le droit objectif attribue à la force
obligatoire des conventions.
− Une 3ème approche basée sur le concept d'UTILITÉ colle de beaucoup plus près à
l'histoire de l'article 1134 du Code civil. La doctrine moderne française et une
partie de la doctrine belge expliquent à nouveau que les conventions ne sont
obligatoires que parce que et dans la mesure où cela est utile. Utile aux parties,
d'une part, à la société, d'autre part. C'est pourquoi LA LOI NE PROTÈGE PAS, au
contraire, LES CONTRATS NUISIBLES À LA SOCIÉTÉ (en tant que contrats contraires à la loi
ou aux bonnes moeurs).
Cette idée d'utilité se retrouve chez les auteurs du Code civil et chez de grands
auteurs (Laurent, Demogue, De Page...). Elle est très ancrée et constitue
quelque chose de tout à fait constant.
Elle explique par ailleurs certaines choses.
− Par exemple, elle explique le DROIT DE RÉSILIATION UNILATÉRALE DU CLIENT DU
PRESTATAIRE DE SERVICES, dans l'entreprise, le mandat, le dépôt et les autres
contrats de service. En effet, en principe, seul le client a un intérêt à
l'exécution en nature de la convention, le prestataire n'y ayant qu'un
intérêt financier7. Le client devra bien entendu indemniser le prestataire
de services.
En revanche (contre-épreuve), le mandat d'intérêt commun (ou dans
l'intérêt d'un tiers)8 est irrévocable, et ce, en dépit du texte qui indique que
7
Le Code civil prévoit ce principe en matière de marchés à forfait (art. 1794 C. civ. : “Le maître peut résilier,
par sa seule volonté, le marché à forfait, quoique l'ouvrage soit déjà commencé, [...]”), de mandat ainsi qu'en
ce qui concerne le dépôt. On a par conséquent développé l'idée que le principe de l'article 1794 C. civ.
s'appliquait à tous les contrats de prestations de services.
Ainsi que le prévoit la deuxième partie de l'art. 1794 C. civ. (“ [...] en dédommageant l'entrepreneur de toutes
ses dépenses, de tous ses travaux, et de tout ce qu'il aurait pu gagner dans cette entreprise”), le client devra
indemniser le prestataire de services (mais l'indemnisation du lucrum cessans ne se retrouve pas en matière
de mandat et de dépôt).
8
C'est-à-dire un mandat dans lequel le mandataire ou un tiers a un intérêt autre que purement financier.
Exemple de mandat d'intérêt commun : il y a deux propriétaires indivis, l'un d'eux, se trouvant à l'étranger,
donne mandat à l'autre de vendre le bien (des décisions ont estimé que dans pareil cas le mandat ne cessait
pas par la mort du copropriétaire mandant).
17
le mandant peut résilier unilatéralement le contrat, parce que le mandant
n'est pas le seul à avoir un intérêt à l'exécution en nature de la
convention.
− On peut se demander si, de manière générale, il y a une limite à la force
obligatoire des conventions par le fait qu'elles ne seraient obligatoires
que dans la mesure de l'intérêt des parties à l'exécution en nature. En
réalité, la théorie de l'ABUS DE DROIT aboutit exactement à cela. Celle-ci est
dominée par le critère de proportionnalité : abuse de son droit non
seulement celui qui en use avec l'intention de nuire ou sans intérêt mais
aussi celui qui en use sans intérêt raisonnable et suffisant, notamment
lorsque le préjudice causé est sans proportion avec l'avantage recherché
ou obtenu par le titulaire du droit.
Si l'on garde à l'esprit que l'abus de droit n'est autre que le reflet de la
limite de ce droit, la théorie de l'abus de droit confirme que la force
obligatoire du contrat trouve son fondement et, par conséquent, ses
limites dans l'intérêt que les parties ont à l'exécution en nature des
obligations découlant de celui-ci.
Dernière remarque : le contrat n'est utile socialement que parce qu'il est utile à la
vie économique, donc parce qu'il est utile aux parties, mais ce qui est utile aux
parties n'est pas nécessairement utile à la société.
b. Portée (quels sont les effets concrets de l'art. 1134 al. 1 C. civ.?)
2) INTERDICTION D'AJOUTER AU CONTRAT DES CLAUSES QU'IL NE COMPORTE PAS : le juge ne peut,
en principe, ajouter à une convention des clauses qu'elle ne contient pas ; mais il
peut, bien entendu, la compléter par des dispositions légales supplétives et
interpréter la convention sur base de la commune intention des parties.
3) INTERDICTION POUR LE JUGE DE RÉVISER UNE CONVENTION : il ne pourrait par exemple réduire
les prestations de l'une ou l'autre des parties. A fortiori ne pourrait-il pas se substituer
aux parties pour combler une lacune qui affecte la validité du contrat (par exemple
pour déterminer avec précision son objet).
• Mais la loi peut l'y autoriser (ex. l'art. 1907 ter C. civ. permet au juge de réduire un taux
d'intérêt excessif dans un prêt).
• De même, il y a des exceptions traditionnelles à ce principe (ex. la Cour de cassation
déduit de la gratuité traditionnelle du mandat un principe permettant au juge de réduire le salaire du
mandataire).
Exemple de mandat intéressant un tiers : mandat de constituer hypothèque (la banque qui octroie un prêt y
est intéressée).
18
4) INTERDICTION DE RÉSILIATION UNILATÉRALE : art. 1134 al. 2 : “Elles ne peuvent être
révoquées que de leur consentement mutuel, ou pour les causes que la loi autorise.”
En principe donc, les conventions ne peuvent être résiliées unilatéralement.
Mais ce principe connaît tellement d'EXCEPTIONS que d'un point de vue statistique il y a
un droit de résiliation unilatérale dans la majorité des cas.
• En vertu d'une règle d'ordre public, chacune des parties à un contrat à durée
indéterminée peut y mettre fin moyennant un préavis raisonnable (le droit positif
interdit de s'engager indéfiniment, pour des considérations d'utilité générale) ;
• Dans les contrats intuitu personae, la résiliation peut intervenir pour motif grave
lorsque la poursuite de la relation contractuelle s'avère objectivement impossible
en raison d'une perte de confiance ;
• Dans tous les contrats de services, le client peut mettre fin unilatéralement au
contrat ;
• Des lois particulières consacrent un droit de résiliation unilatérale (c'est fréquent,
notamment en matière de bail, où le preneur a souvent le droit de résilier
unilatéralement le bail).
2. Le principe du consensualisme
19
3. La liberté contractuelle
Ce principe connaît toutefois beaucoup de LIMITES, à tel point que les zones de liberté se sont
rétrécies à l'extrême :
• en ce qui concerne le 2ème aspect, les parties ne peuvent porter atteinte à l'ordre public
et aux bonnes moeurs. A cet égard, depuis la fin du 19e siècle, se sont multipliées les
dispositions d'ordre public ou à tout le moins impératives venant réduire
considérablement la liberté des parties ;
• en ce qui concerne les 1er aspect, il connaît
des limites classiques (droit administratif)
des restrictions découlant du droit économique (lois antitrust, règles de
droit communautaire...)
une limite du fait que de manière constante, le refus de contracter dans
des cas extrêmes constitue un abus de droit.
a. Notion et fonctions
Art. 1134 al. 3 C. civ. : “[Les conventions légalement formées] doivent être exécutées de
bonne foi.”
Cette disposition est traditionnellement rapprochée de l'art. 1135 C. civ. selon lequel “Les
conventions obligent non seulement à ce qui y est exprimé, mais encore à toutes les suites
que l'équité, l'usage ou la loi donnent à l'obligation d'après sa nature.”
On s'accorde aujourd'hui sur le fait que la bonne foi visée à l'art. 1134 al.3 C. civ. ne se
résume pas à l'absence de mauvaise foi subjective, donc de fraude, qui est par ailleurs
sanctionnée par un principe spécial dont la Cour de cassation a consacré l'existence : “fraus
omnia corrumpit”.
Le principe de bonne foi doit aussi s'entendre dans un sens objectif. Dans son sens sens
objectif, le principe de bonne foi apparaît comme l'expression d'un devoir général des
cocontractants de se comporter comme des cocontractants normalement prudents et
diligents se comporteraient dans la même situation. Il est mis en oeuvre dans des conditions
semblables à l'article 1382 du Code civil.
Traditionnellement, les articles 1134 al. 3 et 1135 du Code civil ont été compris
essentiellement comme des règles interprétatives. Cependant, suite à un développement
extraordinaire au cours des 50 dernières années, le principe d'exécution de bonne foi
comporte deux autres aspects : un aspect complétif et un aspect dérogatoire.
20
Le principe d'exécution de bonne foi a donc, à l'heure actuelle, 3 GRANDES FONCTIONS, qui se
recouvrent en partie et se complètent :
1. FONCTION INTERPRÉTATIVE :
Elle constitue une amplification de la fonction interprétative. Elle consiste à dire que
les parties à un contrat ont des DEVOIRS IMPOSÉS PAR LA BONNE FOI :
21
iii. DEVOIR DE COLLABORATION : OBLIGATION DE FACILITER L'EXÉCUTION DU
CONTRAT, INTERDICTION D'AGGRAVER LA SITUATION DU COCONTRACTANT :
• par exemple, le maître de l'ouvrage a l'obligation de faciliter
l'exécution de l'entreprise en donnant à l'entrepreneur les
informations nécessaires, l'accès aux lieux, en coordonnant
ses travaux avec ceux d'autres intervenants, etc. ;
• la victime d'un manquement contractuel a l'obligation de
prendre loyalement des mesures raisonnables pour limiter son
préjudice ;
• ...
3. FONCTION DÉROGATOIRE :
22
b. Le principe de l'exécution de bonne foi comme principe général
de droit
23
CHAPITRE 1 : LA FORMATION DES CONTRATS
Art. 1108 C. civ. : “Quatre conditions sont essentielles pour la validité d'une convention :
Le consentement de la partie qui s'oblige ;
Sa capacité de contracter ;
Un objet certain qui forme la matière de l'engagement ;
Une cause licite dans l'obligation.”
Cette disposition peut paraître très claire mais en réalité elle est source d'ambiguïtés, faisant
référence à la convention, à l'engagement et à l'obligation comme s'il s'agissait de
synonymes.
1. Le consentement
a. Généralités
En dépit des termes de l'article 1108 C. civ. (“le consentement de la partie qui s'oblige”), la
naissance d'un contrat suppose un ACCORD DE VOLONTÉS, exprès ou tacite.
La PROTECTION DU CONSENTEMENT est assurée par
− la théorie des vices du consentement ;
− l'obligation précontractuelle de renseignement ;
− des lois impératives ou d'ordre public qui comportent des mesures préventives tendant à
éclairer le consentement (ex. formalisme de protection).
24
b. Les vices du consentement
L'ABSENCE TOTALE DE CONSENTEMENT (ce n'est pas à proprement parler un vice de consentement)
(ex. une partie est ivre morte ; dans l'erreur obstacle il y a absence totale de consentement).
L'ERREUR : c'est une sorte de discordance entre la volonté réelle et la volonté déclarée.
NOTION :
25
de l'acte. Tel est le cas de l'aveu et de la transaction.
1) L'ERREUR DOIT ÊTRE COMMUNE : cela signifie que les qualités substantielles
sur lesquelles a porté l'erreur doivent être entrées dans le champ
contractuel,
• soit parce qu'il s'agit de qualités normalement et objectivement
considérées comme substantielles dans l'opinion commune (ex. une
personne qui achète un tapis d'Orient s'attend normalement à ce que ce tapis
provienne d'Orient),
• soit parce qu'elles ont été expressément mentionnées par l'une des
parties lors de la négociation et la conclusion du contrat (ex. j'achète un
pot de peinture en précisant clairement au vendeur qu'elle devra résister aux
intempéries car elle sera appliquée à l'extérieur).
2) L'ERREUR DOIT ÊTRE EXCUSABLE : elle aurait été commise par toute personne
de même qualité normalement prudente et diligente placée dans les
mêmes circonstances.
Le principe est constant.
Son fondement est toutefois controversé.
• Selon une première explication, qui est classique, le rejet de
l'erreur inexcusable se fonderait sur l'article 1382 du Code civil. La
partie qui a commis l'erreur inexcusable a commis une faute, il faut
donc refuser l'action en nullité en guise de réparation en nature.
Cette thèse est défendable, si ce n'est dans certains cas limites. Si
l'on suit cette thèse, l'erreur-obstacle doit être excusable aussi.
• Toutefois, la Cour de cassation considère qu'il résulte de la
conception française de l'erreur substantielle qu'elle doit être
excusable. Il semble donc que l'on ne puisse transposer la théorie
de l'erreur excusable aux autres types d'erreur. La question est
actuellement posée à la Cour de cassation de savoir si l'erreur sur la cause peut
être inexcusable.
Selon la Cour de cassation, le caractère inexcusable de l'erreur doit
s'apprécier en se référant au caractère de l'”homme raisonnable” et non
pas “in concreto”. Toutefois, le standard de l'”homme raisonnable” ou du
“bon père de famille” est à contenu variable : il est fonction de la qualité
du contractant. Par exemple, si le contractant est un professionnel, le caractère
excusable de son erreur sera apprécié plus sévèrement.
ERREUR SUR LA SUBSTANCE ET PRISE EN CHARGE DU RISQUE D'ERREUR : les parties peuvent
convenir de la prise en charge par l'une ou l'autre d'entre elles du risque d'erreur.
Ex. il arrive que des vendeurs antiquaires indiquent dans les conditions générales de vente qu'ils ne
garantissent pas l'authenticité. Si l'acheteur accepte ces conditions générales, il ne pourra pas se
plaindre. La prise en charge peut être tacite. Elle peut aussi résulter des usages et,
a fortiori, de la loi.
ERREUR SUR LA SUBSTANCE. ERREUR SUR LA PERSONNE. ERREUR SUR LA VALEUR. ERREUR
MATÉRIELLE OU DE CALCUL.
• L'ERREUR SUR LA PERSONNE n'est cause de nullité que dans les contrats intuitu
personae.
• L'ERREUR SUR LA VALEUR n'est pas en elle-même cause de nullité. En effet, il
26
n'y a pas de théorie générale de la lésion dans le système du Code civil.
Elle peut toutefois être révélatrice d'une erreur sur la substance, d'un dol,
d'une lésion qualifiée.
• L'ERREUR MATÉRIELLE OU DE CALCUL n'est en principe pas cause de nullité mais
donne normalement lieu à rectification. L'erreur matérielle est celle qui
apparaît à la seule lecture d'un document. L'erreur de calcul est une
erreur dans le calcul.
Faut-il redresser la convention si les parties ont commis une erreur de
calcul en cours de négociation et ont marqué leur accord sur un chiffre
global? Par exemple, si deux personnes ont transigé sur les dommages et intérêts à la
suite d'un accident de la route en se mettant d'accord sur un montant global (6 millions de
francs belges) auquel elles ont abouti en commettant une erreur de calcul (en réalité la
somme était de 16 millions de francs belges), serait-il raisonnable que le juge corrige le
montant global alors que le décompte ne se trouve pas dans la transaction? Selon P.A.
Foriers, dans un tel cas en vérité il y a une erreur-obstacle, les parties ne
se sont pas mises d'accord.
SANCTION :
ACTIONS EN NULLITÉ POUR ERREUR, GARANTIE DES VICES CACHÉS ET OBLIGATION DE DÉLIVRANCE EN
MATIÈRE DE VENTE : en pratique, il est parfois difficile de distinguer une erreur
substantielle d'une erreur de la part du vendeur (vices cachés, manquement à
l'obligation de délivrance).
NOTION :
Le dol consiste en une tromperie commise par une partie à l'égard de l'autre qui conduit à
provoquer une erreur. Il implique en principe des manoeuvres malicieuses et se distingue en
cela de la simple négligence dans des pourparlers. Toutefois, ces manoeuvres ne doivent
pas nécessairement être actives. En réalité, elles sont souvent passives : dans ce cas on
parle de réticence dolosive. La réticence dolosive suppose, outre une intention malicieuse,
une obligation de parler résultant soit de la loi, soit de la qualité de professionnel d'une des
parties, soit des circonstances (donc du principe de l'exécution de bonne foi), soit du devoir
de répondre aux questions posées (devoir de loyauté).
9
Alors que dans l'erreur sur la substance, il n'y a en principe pas de dommages-intérêts, puisque normalement
il n'y a pas de faute extracontractuelle, sauf en cas de faute non intentionnelle in contrahendo.
27
rapporter par toute voie de droit.
• Le DOL INCIDENT est celui sans lequel la victime aurait contracté, mais à d'autres
conditions.
Il donne lieu à des dommages-intérêts.
(2) L'ERREUR CAUSÉE PAR LE DOL NE DOIT PAS PORTER SUR LA SUBSTANCE DE LA CHOSE.
(3) LE DOL EST RÉPRIMÉ MÊME SI L'ERREUR QUI EN RÉSULTE EST INEXCUSABLE . C'est ce que
considère à juste titre la Cour de cassation. Car fraus omnia corrumpit.
Mais le dol par réticence dolosive peut-il en traîner une erreur inexcusable? La
jurisprudence n'est pas très claire à ce sujet. En réalité, souvent il s'agira non d'un dol
mais d'un autre genre de faute : une partie sait que l'autre commet une erreur
inexcusable mais se tait. Dans pareil cas le risque est grand que le juge applique le
principe Fraus omnia corrumpit.
(4) LE DOL DOIT ÉMANER D'UNE DES PARTIES : la règle résulte de l'article 1116 C. civ. et est
issue d'une vieille tradition romaine qui n'a pas de véritable raison. Le dol émanant
d'un tiers ne donne en principe lieu qu'à des dommages-intérêts contre ce tiers...
• à moins que la victime du dol ne puisse se prévaloir d'une
autre cause de nullité (ex. une erreur substantielle) ;
• encore faut-il que ce soit un vrai tiers et non un représentant ;
• le dol d'un tiers peut évidemment emporter la nullité d'un
contrat si une des parties s'en est rendue complice ;
• les donations entre vifs et les engagements par déclaration
unilatérale de volonté peuvent être annulés pour cause de dol
émanant d'un tiers.
NOTION : la violence est le fait d'inspirer à une partie la crainte d'exposer sa personne, ou sa
fortune, ou celle de ses proches, à un mal considérable et présent. Elle peut être physique
ou morale.
(1) LA VIOLENCE DOIT ÊTRE INJUSTE : la violence doit être injuste et illicite. Elle ne saurait
résulter de l'usage normal d'un droit ou de la seule différence de puissance économique
des parties. [Si la violence physique est toujours injuste, la violence morale ne l'est pas toujours].
(3) LA VIOLENCE NE DOIT PAS NÉCESSAIREMENT ÉMANER DE LA PARTIE : à la différence du dol, elle
peut émaner d'un tiers ou simplement des circonstances, par exemple, d'un état de
nécessité dont une partie profite injustement. Il s'agit d'une solution romaine et il n'est
pas logique qu'il n'en aille pas de même dans le dol.
(4) L'ACTE OU LE FAIT CRITIQUÉ DOIT OBJECTIVEMENT ET COMPTE TENU DES CIRCONSTANCES POUVOIR ÊTRE
CONSIDÉRÉ COMME UN ACTE, UN FAIT DE VIOLENCE
: l'acte ou le fait dénoncé doit être de nature à
peser sur la volonté d'une personne normalement raisonnable.
(5) LA VIOLENCE DOIT ÊTRE CONTEMPORAINE DE LA CONCLUSION DE L'ACTE : c'est en ce sens que
l'article 1112 parle d'un mal “présent”. Ce mal peut être futur, mais il doit être brandi au moment de
la conclusion du contrat.
28
LA SANCTION :
La violence principale est sanctionnée de NULLITÉ RELATIVE, sans préjudice, le cas échéant, de
dommages-intérêts complémentaires. La charge de la preuve de la violence incombe au
demandeur, qui peut la rapporter par toute voie de droit.
La LÉSION (art. 1118 C. civ.) (à noter que pour beaucoup d'auteurs, la lésion ne constitue pas
un véritable vice du consentement) :
NOTION :
LA LÉSION DES MINEURS : les actes accomplis par les mineurs sans l'assistance de leur tuteur
(pour autant qu'il ne s'agisse pas d'actes soumis à une autorisation spéciale, auquel cas
l'acte accompli sans ladite autorisation est nul de droit) sont susceptibles d'être annulés pour
lésion s'ils sont lésionnaires en eux-mêmes ou hors de proportion avec les moyens du
mineur.
LA LÉSION OBJECTIVE : elle n'est en principe pas cause de nullité, sauf si la loi le prévoit (ex.
lésion de plus de 7/12èmes dans les ventes immobilières).
LA LÉSION QUALIFIÉE :
• Elle consiste en une disproportion grave des prestations des parties à la suite de
l'abus par une des parties du besoin, des faiblesses, des passions ou de
l'inexpérience de l'autre partie. Le juge pourra intervenir dans cette hypothèse
marginale.
• L'art. 1907 C. civ. fait application de ce principe en matière de prêt à intérêts en
permettant au juge de réduire l'intérêt à l'intérêt légal.
• La théorie de la lésion suppose en principe un contrat commutatif et ne peut
s'appliquer en règle aux contrats aléatoires.
• DEUX FONDEMENTS sont en général retenus pour justifier la théorie de la lésion qualifiée :
• Selon un arrêt de la Cour de cassation de 1936, la convention porteuse d'une
lésion qualifiée doit être annulée car elle est entachée d'une cause illicite. Cet
semble avoir consacré pour la première fois la théorie de la lésion qualifiée, mais sous cet
angle particulier.
La sanction de la lésion qualifiée est dans ce cas la NULLITÉ ABSOLUE, sans
préjudice d'éventuels dommages-intérêts complémentaires.
Cette sanction est sans doute démesurée. En outre, on peut douter du fait
que l'auteur de la lésion serait animé par une cause illicite. En effet, son but
est de s'enrichir, ce qui n'est pas illicite en soi. Ce sont les moyens qu'il utilise
qui sont critiquables.
• La majorité de la doctrine et de la jurisprudence des juges du fond préfère
donc rattacher la lésion qualifiée à l'idée de culpa in contrahendo ou d'abus
de droit : commet une faute quasi-délictuelle ou un abus de droit celui qui
exploite abusivement la position de faiblesse de son cocontractant.
La SANCTION de la lésion est alors MODULABLE (nullité, réduction, dommages-
intérêts).
29
2. La capacité (renvoi au cours de droit des personnes)
3. L'objet
a. Notion – généralités
OBJET DE L'OBLIGATION ET OBJET DU CONTRAT : les dispositions du Code civil relatives à l'objet ne
sont pas limpides parce qu'elles parlent indifféremment de l'objet de l'obligation et de l'objet
du contrat.
L'objet de l'obligation correspond à ce sur quoi porte l'obligation, à ce à quoi s'oblige
le débiteur.
L'objet du contrat est une notion ambiguë car elle peut couvrir deux choses :
• au sens technique, l'objet du contrat correspond à l'objet de toutes les
obligations qui découlent du contrat ;
• au sens courant, ce terme désigne l'objet de la prestation caractéristique
de ce contrat, c'est-à-dire la prestation qui permet de définir un contrat par
rapport aux autre ex. la chose vendue.
CARACTÉRISTIQUES GÉNÉRALES QUE DOIT REVÊTIR L'OBJET : pour être valable, l'objet doit être
déterminé, possible et licite.
L'OBJET DOIT ÊTRE POSSIBLE ET RÉALISABLE : LE CAS DE CHOSES FUTURES – PACTES SUR SUCCESSION FUTURE :
• Les obligations peuvent porter sur des choses futures. Deux hypothèses :
• le contrat qui porte sur une chose future, qui devient caduc si cette chose ne vient
pas à existence ;
• le contrat qui porte sur une espérance (rare), qui est un contrat aléatoire qui sort
ses effets même si la chose espérée ne vient pas à existence (ex. vente d'un coup de
filet).
30
• Toutefois, le Code civil prohibe les pactes sur succession future, qui sont contraires à
l'ordre public et aux bonnes moeurs.
Le pacte sur succession future est la stipulation qui attribue un droit sur tout ou partie
d'une succession non encore ouverte. Il se distingue des conventions à terme de
décès (qui ne sont pas prohibées).
La loi déroge parfois à l'interdiction des pactes sur succession future.
• FONDEMENT :
• L'exigence d'un objet certain est sans doute liée à l'idée d' UTILITÉ DE L'ACTE JURIDIQUE,
selon laquelle tout acte juridique doit avoir une utilité pour pourvoir bénéficier d'une
protection en droit. En effet, quelle utilité y a-t-il pour le créancier si le débiteur, qui
s'est engagé à livrer du vin, peut se libérer en livrant quelques gouttes de vin.
• Toutefois, l'exigence d'un objet certain est sans doute plus liée au concept de
CONTRAINTE : si l'objet est indéterminable, le créancier n'a aucun pouvoir de contrainte
sur le débiteur puisque celui-ci peut définir à sa guise l'étendue de son obligation.
• Par contre, l'exigence d'un objet déterminé n'est pas au premier chef justifiée par
l'idée qu'il faut que les parties sachent à quoi elles s'engagent. Certes, elle peut être
utilisée par une partie en vue de se protéger contre l'arbitraire de l'autre partie, mais il
s'agit d'une fonction dérivée.
• DÉTERMINABILITÉ DE L'OBJET PAR LA LOI OU PAR LES USAGES : la loi peut venir au secours des
parties ex. le Code civil précise que le débiteur qui s'est engagé à délivrer une chose de genre dont la
qualité n'a pas été précisée ne doit pas la délivrer de la meilleure espèce mais ne peut non plus la délivrer
de la plus mauvaise espèce. On peut considérer que de manière générale toutes les règles
supplétives et impératives, lorsqu'elles s'appliquent, complètent l'accord des parties. De
même, les usages peuvent venir au secours des parties (ex. le prix du courtage est, à défaut de
précision, fixé conformément aux usages).
• DÉTERMINATION DE L'OBJET PAR LE JUGE : en principe, le juge ne peut se substituer aux parties
dans la détermination de l'objet. Toutefois, la loi l'y autorise dans certains cas ex. en
matière de renouvellement des baux commerciaux ou de révision triennale du loyer dans les baux
commerciaux et dans les baux de résidence principale. Enfin, même en dehors de ces hypothèses,
il convient de nuancer le principe selon lequel le juge ne peut intervenir dans la
détermination de l'objet de la convention, puisqu'il lui appartient d'interpréter celle-ci, et
donc de rechercher la commune intention des parties.
31
• MODALITÉ PARTICULIÈRE DE DÉTERMINATION DE L'OBJET (DU PRIX) : LA DÉTERMINATION DE L'OBJET (DU PRIX)
PAR UN TIERS :
(a) PRINCIPES :
✗ L'objet de l'obligation (en particulier : le prix) est déterminable si les parties sont
convenues de charger un tiers de le fixer. Il s'agit d'une règle traditionnelle qui
trouve une application dans les articles 159210 et 1854 du Code civil.
✗ Selon P. A. Foriers, il suffit que le tiers désigné par les parties soit déterminé ou
déterminable. Toutefois, on a beaucoup discuté sur la question de savoir si et
dans quelle mesure la convention doit, outre l'identité du tiers, indiquer des
éléments objectifs sur base desquels le tiers devra décider.
✗ Il convient d'examiner deux arrêts de la Cour de cassation de 1953 et de 1972,
qui sont en apparente contradiction. En réalité, l'arrêt de 1953, qui semble
indiquer que la convention doit comporter les éléments objectifs sur lesquels le
tiers devra se fonder, a été rendu dans le cadre d'une vente à dire d'experts, sans
autre précision, donc en dehors du champ d'application de l'article 1592 du Code
civil. La Cour déduit au contraire la règle selon laquelle la convention doit indiquer
les éléments objectifs en vue de la détermination du prix par le tiers de l'article
1591 du Code civil, selon lequel le prix de la vente doit être déterminé ou
déterminable. Quant à l'arrêt de 1972, il est étrange : il (1) reproduit la règle de
l'arrêt de 1953 mais en se fondant sur l'article 1592 du Code civil et (2) estime
qu'il ne faut pas appliquer cette règle dans le cas d'espèce (il s'agissait d'une
promesse de vente qui constituait l'accessoire d'une convention d'une autre
nature). Cet arrêt a été critiqué (2) tout d'abord sous ce dernier angle : pourquoi le
caractère accessoire d'une vente (ou promesse de vente) aurait-il une incidence
sur la détermination du prix? (1) En outre, l'arrêt comporte vraisemblablement une
erreur matérielle puisque, semble-t-il, c'est à l'article 1591 du Code civil qu'il
aurait fallu se référer, et non à l'article 1592.
✗ Aujourd'hui on considère que :
− si le nom de l'expert est indiqué dans la convention , l'article 1592 du Code
civil s'applique et il ne faut pas lui donner de critères d'évaluation du prix ;
− en revanche, la vente “à dire d'experts” (où l'expert n'est pas désigné) est
soumise non à l'article 1592 du Code civil, mais à l'article 1591 et la
convention doit donc indiquer les éléments objectifs sur lesquels les experts
devront se fonder pour déterminer le prix (c'est ce qu'a dit l'arrêt de 1953) ;
− les parties pourraient en principe aussi prévoir que le prix sera déterminé par
un tiers à désigner de commun accord et qu'à défaut d'accord, il sera désigné
par telle autorité.
✗ Selon P. A. Foriers, ces principes s'appliquent à toutes les clauses qui confient à
un tiers la mission de délimiter l'objet d'une obligation.
10
Art. 1591 C. civ. : “Le prix de la vente doit être déterminé et désigné par les parties.” Art. 1592. C. civ. : “Il
peut cependant être laissé à l'arbitrage d'un tiers; si le tiers ne veut ou ne peut faire l'estimation, il n'y a point
vente”.
32
explication). (3) Selon P.A. Foriers, la vente est parfaite mais si le tiers ne
détermine pas le prix la vente devient caduque (disparition d'un élément
essentiel).
• MODALITÉ PARTICULIÈRE DE DÉTERMINATION DE L'OBJET (DU PRIX) : LA DÉTERMINATION DE L'OBJET (DU PRIX)
PAR UNE DES PARTIES : en dehors du domaine de la vente, on tend aujourd'hui à considérer
que les parties peuvent en principe convenir que l'une d'elles sera chargée de préciser
l'étendue exacte de l'objet de certaines obligations de leur convention.
La règle ne suscite pas de difficulté fondamentale lorsque c'est le créancier qui se voit
investi de ce pouvoir, puisqu'il a le pouvoir de contrainte. Ex. En matière d'entreprise, de mandat
et de dépôt, on admet que le prestataire de services puisse se voir confier le soin de fixer le prix du service.
Le seul problème qui se pose dans ce cas est celui de la nécessité de protéger le
débiteur contre les excès du créancier. Les cours et tribunaux assurent cette protection
par le biais du principe d'exécution de bonne foi des conventions, qui leur permet
d'exercer un contrôle marginal sur le prix fixé.
Selon P. A. Foriers, dès lors que les parties ne peuvent agir que dans les limites du
principe d'exécution de bonne foi, rien n'empêche que le débiteur soit chargé de fixer le
quantum exact de ses obligations. Tel est d'ailleurs en pratique le cas, par exemple, du garagiste
chargé de réparer une voiture, qui doit déterminer de bonne foi l'importance des travaux à réaliser et qui doit
avertir son client si ceux-ci lui semblent plus importants que ce qui était normalement prévisible.
• SANCTION : l'obligation qui n'est pas déterminée ou déterminable est frappée de NULLITÉ
RELATIVE. Toutefois, par la nature des choses, il est impossible de couvrir la nullité.
4. La cause
a. Généralités
La notion de cause forme l'un des domaines les plus obscurs en droit des obligations. En
effet, rationnellement, un contrat ne suppose qu'un échange de consentements éclairé sur
un objet déterminé ou déterminable. Certains (les anticausalistes) estiment dès lors que la
cause est une notion inutile. Toutefois, en droit belge toute obligation doit avoir une cause et
cette cause doit être licite (v. cass. 13 novembre 1969 et 5 novembre 1976). Les auteurs du
Code civil ont imposé l'exigence d'une cause (licite) pour assurer que les conventions soient
utiles, pour les parties d'une part, pour la société d'autre part.
33
b. La notion de cause
Les thèses sur la cause sont innombrables. On peut dégager deux grands courants :
• LA CONCEPTION CLASSIQUE : L'APPROCHE OBJECTIVE : c'est la conception issue des écrits de Domat et
consacrée au 19ème siècle par les commentateurs du Code civil. Elle distingue 2 types de
cause :
(1) la CAUSE ILLICITE : pour déterminer si un engagement est entaché d'une cause
illicite, donc mesurer l'utilité sociale d'une convention, la cause est appréciée de manière
subjective. Il s'agit des mobiles déterminants qui ont conduit les parties à contracter (ex.
louer un bureau pour y organiser un trafic de drogues) ;
• LES APPROCHES SUBJECTIVES ET OBJECTIVES – ESSAI D'UNE RÉCONCILIATION : il ne faut pas exagérer la
différence entre ces deux conceptions de la cause, qui ont des points de contact. En effet,
− dans la plupart des contrats à titre onéreux, la contrepartie économique
est justement la cause subjective de l'obligation ;
− en ce qui concerne les actes à titre gratuit, leur cause réside dans des
éléments subjectifs pour les deux théories. A cet égard, la Cour de
cassation estime que “la cause d'une libéralité ne réside pas
34
exclusivement dans l'intention libérale du disposant, mais dans celui des
mobiles qui l'a inspiré principalement et qui l'a conduit à donner ou
léguer”.
La seule nuance entre les deux conceptions se manifeste dans les cas où une partie à un
contrat à titre onéreux est animée non seulement par un mobile objectif (la contrepartie)
mais aussi par un mobile déterminant spécifique qui est entré dans le champ contractuel, qui
se superpose au mobile objectif. Dans pareil cas, seule la conception subjective permet de
tenir compte de ce mobile subjectif. Ex. Un tel accepte de payer tel prix pour acquérir telle maison à Aix-
en-Provence car il pense y être nommé.
• EXCLUSION DES MOBILES SECONDAIRES OU ACCESSOIRES : il est constant que seuls les mobiles
déterminants (en principe entrés dans le champ contractuel) s'incorporent à la cause de
l'engagement, à l'exclusion des mobiles secondaires ou accessoires.
• ERREUR SUR LA CAUSE OU FAUSSE CAUSE : elle se rencontre dans de nombreuses hypothèses. Ex.
j'achète telle maison car je crois que j'ai été nommé dans telle ville, mais ma nomination est annulée avec effet
rétroactif.
• NOTION : tout acte doit en principe avoir une cause, mais la pratique connaît des actes dits
abstraits de leur cause. Il s'agit d'actes qui tout ayant une cause sont dans une certaine
mesure détachés dans leur cause en sorte que les avatars de cette dernière ne retentissent
en principe pas sur eux.
35
garantie à première demande, est quant à elle, abstraite à double
degré).
− la délégation : opération par laquelle un débiteur (déléguant) obtient d’un
tiers (délégué) qu’il s’engage dans les mêmes termes que lui envers un
créancier (délégataire).
Elle présente deux degrés d'abstraction : l'engagement du délégué vis-à-
vis du délégataire est abstrait à la fois des relations entre le délégué et le
déléguant et des relations entre le déléguant et le délégataire.
− les titres négociables abstraits : lettre de change (le tiré accepteur d’une lettre
de change ne peut opposer au tiers porteur des exceptions liées au contrat qui a justifié la
création de la lettre de change entre le tireur et le tiré), billets à ordre, chèques.
(2) LES ACTES ABSTRAITS ISSUS DES USAGES OU DE LA PRATIQUE : Les usages sont à l'origine
d'actes abstraits ex. garanties bancaires abstraites (abstraites de toute cause), crédit documentaire
(par lequel le banquier s’engage à payer un exportateur moyennant présentation de certains
documents).
• ACTES ABSTRAITS ET BILLET NON CAUSÉ : il ne faut pas confondre les actes abstraits avec les billets
non causés visés à l'article 1132 du Code civil (“La convention n'est pas moins valable,
quoique la cause n'en soit pas exprimée”). Le billet non causé a une cause et n'est pas
détaché de celle-ci, seulement, sa cause n'est pas exprimée. L'article 1132 se borne à
présumer l'existence d'une cause.
36
5. Les obligations illicites : l'objet et la cause illicites
a. Généralités
Les obligations doivent avoir un objet et une cause licites (art. 6, 1131 et 1133 C. civ.).
LES BONNES MOEURS : il 'agit d'un ensemble de règles de conduite ou d'ordre moral découlant
des traditions, pratiques et usages du corps social et qui sont jugées à ce point importantes
qu'elles sont sanctionnées par le droit. Elles peuvent évoluer dans le temps et dans l'espace.
L'ORDRE PUBLIC :
(a) L'ORDRE PUBLIC PROPREMENT DIT ET LES LOIS IMPÉRATIVES :
• Les RÈGLES D'ORDRE PUBLIC proprement dites sont les dispositions qui touchent aux
intérêts essentiels de l'Etat ou de la collectivité ou qui fixent dans le droit privé, les
bases juridiques sur lesquelles repose l'ordre économique ou moral de la société.
Elles sont sanctionnées de NULLITÉ ABSOLUE.
• Les RÈGLES IMPÉRATIVES, en revanche, n'ont pour but que le protection d'intérêts privés
et non de l'intérêt général. Elles sont sanctionnées de NULLITÉ RELATIVE.
• La distinction n'est pas toujours aisée. Exemples :
− Les lois sur les baux commerciaux ou sur les baux à ferme sont impératives (protection des
preneurs). Par contre, la Cour de cassation a estimé que les dispositions relatives à la modération
des loyers étaient d'ordre public parce qu'elles visaient à combattre l'inflation.
− Affaire Wagons-Lits : l'article 41 de l'arrêté royal du 8 novembre 1989 [en vertu duquel lorsqu'une
personne physique ou morale a acquis des titres d'une société ayant fait ou faisant publiquement
appel à l'épargne (OPA), qui lui confèrent le contrôle exclusif ou conjoint de celle-ci et que le prix
payé ou la contrepartie attribuée pour l'acquisition des titres était supérieur au prix du marché lors
de ladite acquisition, elle doit offrir inconditionnellement au public la possibilité de céder tous les
titres qu'elle possède], même s'il tend à protéger les actionnaires minoritaires de OPA, est d'ordre
public parce qu'il vise à garantir un bon fonctionnement des marchés boursiers.
− La garantie décennale des architectes et entrepeneurs est d'ordre public parce qu'elle vise à
protéger la sécurité publique.
37
(c) EXEMPLES DE DISPOSITIONS IMPÉRATIVES : sont impératives :
− la loi sur les baux commerciaux, la loi sur les baux à ferme, ainsi que le régime applicable aux baux
de résidence principale comprennent de nombreuses dispositions impératives en faveur du preneur
et du bailleur ;
− la plupart des dispositions de la loi Breyne sont impératives en faveur du client du promoteur ou de
l'entrepreneur ;
− le régime du contrat de travail est impératif en faveur du travailleur (parfois en faveur des deux
parties) ;
− la loi de 1961 sur la résiliation des concessions de vente exclusive à durée indéterminée est
impérative en faveur du concessionnaire ;
− la loi sur le contrat d'agence est impérative en faveur de l'agent ;
− etc.
ORDRE PUBLIC INTERNATIONAL BELGE : il s'agit d'un concept de droit international privé qui fait échec
à l'application ordinaire des règles de conflits de lois lorsque l'application par le juge ou les
autorités belges d'une disposition de la loi étrangère heurte des principes fondamentaux. En
d'autres termes, l'ordre public international belge constitue le noyau dur de l'ordre public
auquel il ne peut être dérogé même si selon les règles de droit international privé, telle règle
étrangère devrait régir la situation. Ainsi, un officier d'état civil belge ne pourrait prêter son concours à un
mariage polygamique même si la loi nationale des futurs époux permet un tel mariage.
ORDRE PUBLIC : AUTRES NOTIONS : la notion d'ordre public reçoit des acceptions spéciales dans
certains domaines particuliers. Ex. en matière judiciaire, concernant les pouvoirs du ministère public en
matière civile.
• PRINCIPES :
− Les dispositions contractuelles contraires à l'ordre public ou aux bonnes moeurs sont
frappées de NULLITÉ ABSOLUE.
− L'exception de nullité doit être élevée d'office par le juge.
− La nullité ne peut être couverte par voie de confirmation.
− L'action en nullité est soumise à la prescription de droit commun.
− Tout tiers intéressé (ex. parfois le fisc) et le Ministère public peuvent agir en nullité (ce
dernier ne peut toutefois agir d'office en matière civile que “dans les cas spécifiés par la
loi et en outre chaque fois que l'ordre public exige son intervention”).
− Lorsque seule une clause d'un contrat est illicite, faut-il annuler la clause ou le contrat
tout entier? Il est admis aujourd'hui que si ni la loi (ex. clause réputée “non écrite”) ni les
parties n'ont réglé la question, il conviendra d'annuler la convention si la clause est dans
l'esprit des parties et l'économie de leur convention inséparable de celle-ci (au contraire,
il faudra annuler seulement la clause illicite si celle-ci est accessoire ou dissociable).
38
✗ Pour les autres actes, plusieurs systèmes ont été envisagés, parmi lesquels les
deux suivants :
− Selon P. Van Ommeslaghe, sauf dans les actes à titre gratuit, le mobile
illicite doit être entré dans le champ contractuel pour que la nullité soit
prononcée, à défaut de quoi il ne constituerait pas une cause au sens
technique du terme.
− Selon la Cour de cassation de France, la convention peut être annulée
même si une seule des parties était animée d'un mobile illicite. La Cour
de cassation de Belgique a suivi cette thèse dans deux arrêts récents
(2000 et 2004).
Cette solution n'est pas déraisonnable mais elle pose le problème de la
protection de la partie de bonne foi.
− Si la convention a été exécutée, celle-ci pourra se prévaloir de
la règle Nemo auditur propriam turpitudinem allegans.
− La partie de bonne foi victime d'une nullité pourrait demander
des dommages-intérêts en raison de la culpa in contrahendo
commise par l'autre partie.
− Selon P. A. Foriers, l'on pourrait soutenir que la partie en faute
serait privée du droit d'invoquer la nullité, en raison de sa faute
précontractuelle, en guise de réparation en nature de celle-ci.
Mais cette solution est critiquée par une partie de la doctrine.
• LES ADAGES “NEMO AUDITUR...”12 ET “IN PARI CAUSA...”13 : ces adages complètent la sanction de la
nullité absolue.
12
Nemo auditur propriam turpitudinem allegans.
13
In pari causa turpitudinis cessat repetitio.
39
d. La sanction des dispositions impératives
• PRINCIPES :
− Les lois impératives sont sanctionnées de NULLITÉ RELATIVE.
− Cette nullité est donc susceptible de confirmation lorsque la protection légale est
acquise.
A cet égard, on enseigne souvent que la confirmation peut intervenir lorsque la contestation est née.
Toutefois cette règle n'est pas absolue et il convient, en réalité, de rechercher dans chaque cas quand la
protection légale est acquise. Parfois la loi elle-même précise quand la confirmation peut intervenir (ex. loi
Breyne).
Par exemple,
− les parties à un contrat de travail ne peuvent à l'avance convenir d'un délai de préavis mais après
que le congé soit donné elles peuvent valablement convenir sur ce délai ou sur l'indemnité
compensatoire de préavis ;
− les parties ne peuvent convenir d'un bail à ferme d'une durée inférieure à 9 ans mais elles peuvent
le résilier de commun accord (moyennant toutefois certaines formalités) ;
− une demande de renouvellement d'un bail commercial formée hors délai est nulle et le bailleur ne
peut par avance renoncer à cette nullité, mais saisi d'une demande de renouvellement irrégulière, il
peut valvablement renoncer à invoquer cette irrégularité.
− Seule la partie protégée peut invoquer la nullité relative.
− En ce qui concerne l'étendue de la nullité, on appliquera les mêmes principes que ceux
applicables à la nullité absolue.
• RAPPROCHEMENT DES SANCTIONS DES DISPOSITIONS D'ORDRE PUBLIC OU IMPÉRATIVES : sous réserve de
cette différence de sanctions, le régime des lois d'ordre public et des lois impératives est
proche.
A cet égard, il est de jurisprudence constante que la violation d'une disposition légale
impérative peut être invoquée pour la première fois devant la Cour de cassation, à l'instar
d'une disposition d'ordre public. Comment expliquer cette solution si l'on considère que le
juge ne peut soulever d'office la violation d'une règle simplement impérative parce que la
partie concernée peut renoncer à la protection? Comment soutenir que la juge a commis
une illégalité alors qu'il ne pouvait soulever d'office la nullité?
Selon P.A. Foriers, l'explication de cette règle est que le simple fait que les parties n'aient
pas élevé en conclusions une contestation relative à une règle impérative n'implique pas
nécessairement que la partie protégée par cette règle ait entendu y renoncer14. Le juge, qui
doit appliquer aux faits de la cause les règles de droit nécessaires à sa solution, doit donc en
principe élever la contestation et s'il ne le fait pas, la partie protégée peut invoquer le moyen
pour la première fois devant la Cour de cassation.
En revanche, si le défaut de contestation des parties implique de manière certaine une renonciation à la
protection légale, le juge ne pourrait élever une contestation sur celle-ci et la partie protégée ne pourrait plus
invoquer la violation de la disposition en cause devant la Cour de cassation.
14
En effet, la renonciation ne peut se déduire que de faits non susceptibles d'une autre interprétation.
40
7. Les éléments essentiels à la formation du contrat :
condition de subsistance du contrat valablement formé?
Le contrat peut-il subsister en cas de disparition d'un des éléments essentiels à sa formation
(consentement, capacité, objet, cause)? Une réponse nuancée s'impose en fonction de
chacun de ces 4 éléments.
En bref, il n'existe aucun principe général selon lequel la disparition de l'un des éléments
essentiels à la formation d'un contrat aurait pour effet de frapper celui-ci de caducité.
Toutefois,
− ce principe connaît une exception importante en ce qui concerne l'objet ;
− la jurisprudence montre que la disparition de la cause n'est pas totalement sans effet sur
le rapport contractuel ;
− il en est de même parfois de la capacité.
LE PRINCIPE :
15
Art. 1722. : “Si, pendant la durée du bail, la chose louée est détruite en totalité par cas fortuit, le bail est
résilié de plein droit; si elle n'est détruite qu'en partie, le preneur peut, suivant les circonstances, demander ou
une diminution du prix, ou la résiliation même du bail. Dans l'un et l'autre cas, il n'y a lieu à aucun
dédommagement.”
16
Art. 1741. : “Le contrat de louage se résout par la perte de la chose louée, et par le défaut respectif du
bailleur et du preneur, de remplir leurs engagements.”
41
LE FONDEMENT ET LA GÉNÉRALISATION DU PRINCIPE :
La Cour donne une justification précise et concrète à sa décision : par la perte de la chose
louée qui en est l'objet, le bail devient impossible à exécuter ; en nature, ajoute P. A. Foriers.
Sur base de ce fondement, on peut généraliser le principe de la dissolution d'un contrat
pour disparition de son objet et en préciser les limites.
✗ La disparition de l'objet d'une obligation en rend l'exécution impossible, du moins en
nature. La nature des choses impose donc de constater la dissolution du lien obligatoire.
✗ Dans la mesure où c'est une impossibilité d'exécution qui est à l'origine de la dissolution
du lien contractuel, cette dissolution a un effet limité. Elle est à la mesure de
l'impossibilité d'exécution, et n'exclut pas, dans le cas où la disparition de l'objet
résulterait de la faute d'une des parties, le droit de l'autre partie de lui réclamer des
dommages et intérêts.
✗ L'impossibilité d'exécution survenue en cours de contrat doit être appréciée de manière
relative. En effet,
− il est logique de considérer moins strictement l'impossibilité de l'objet de
l'obligation lorsqu'elle est survenue en cours de contrat que lorsqu'elle était
présente à la formation même du contrat, où il faut partir du principe que si
une partie s'est engagée à une prestation, c'est qu'elle l'estimait possible ;
− l'impossibilité d'exécution est à la mesure des obligations des parties. Ainsi,
dans l'arrêt du 28 novembre 1980, la Cour de cassation a pu estimer que l'exécution du bail
était devenue impossible parce que le bailleur n'a pas l'obligation de recontruire le bien loué en
cas de perte de celui-ci.
✗ La théorie de la caducité des obligations par disparition de l'objet de l'obligation
s'applique tant à la disparition matérielle qu'à la disparition juridique.
✗ On ne peut apprécier la perte de l'objet de manière abstraite et dans l'absolu – au
contraire, il faut avoir égard à l'économie générale de la convention. Ainsi, dans l'affaire des
fermiers, les juges du fond avaient pu considérer que la perte était totale et non partielle parce qu'il s'agissait
d'un bail à ferme (qui a pour objet une exploitation agricole) et non d'un bail d'habitation.
✗ La Cour de cassation a, depuis l'arrêt de 1980, admis le principe dans une série
d'hypothèses. Récemment elle a dit qu'il s'agissait d'un principe général de droit.
✗ La disparition de l'objet de l'obligation provoque sa caducité (dissolution pour l'avenir),
tandis que le contrat ne deviendra normalement caduc que s'il s'agissait d'une obligation
essentielle de celui-ci. Exceptionnellement, la convention disparaîtra rétroactivement, s'il
ne se justifie pas de maintenir le début d'exécution, qui ne serait pas satisfactoire pour
les parties (ex. la vente où le prix est laissé à l'arbitrage d'un tiers et où celui-ci n'exécute pas sa mission).
b. La disparition de la cause
CAUSE SUBJECTIVE (la cause d'une libéralité ou d'un acte à titre gratuit ou le mobile déterminant
subjectif spécifique d'un acte à titre onéreux) :
42
cause serait due à des raisons objectives. En effet, admettre la caducité de l'obligation
en raison de la disparition volontaire de la cause d'une des parties reviendrait à lui
accorder un droit de résiliation unilatérale.
− La disparition de la cause subjective d'un acte juridique n'emporte en règle aucune
impossibilité d'exécution (sauf dans des cas limites comme le décès de la partie en
considération de la personne de laquelle la convention a été conclue dans les contrats
intuitu personae).
La Cour de cassation a abordé le problème dans 3 arrêts.
DISPARITION DE LA CAUSE SUBJECTIVE ET PRINCIPE DE BONNE FOI – ARRÊT DU 21 SEPTEMBRE 1989 (SOMMAIRE)
En l'espèce, la Poste avait conclu un contrat de leasing avec un fournisseur américain. Ce contrat comprenait
une clause d'indexation par rapport cours du dollar (logique à cause des coûts de change). La société américaine
fait reprendre ce contrat par une société belge. Le temps passe, le cours du dollar monte, mais la société belge
ne pense pas à réviser le prix (ce qui était de bon sens). Puis, lorsque le cours du dollar baisse, la Poste
demande de réviser le prix! Sa demande est rejetée en première instance et en appel. La Cour d'appel de
Bruxelles se base sur plusieurs raisons, dont le principe de bonne foi. Le pourvoi de la Poste a critiqué tous ces
motifs, sauf celui tiré de la bonne foi. Le défendeur a donc soulevé une fin de non-recevoir basée sur le fait que
l'arrêt attaqué avait décidé que les prétentions de la Poste étaient contraires au principe de bonne foi et que cette
motivation n'avait pas été critiquée par le pourvoi. La Cour de cassation suit cette argumentation. Le
sommaire (rédigé par le ministère public et non par la Cour) va un peu plus loin lorsqu'il
énonce que le principe d'exécution de bonne foi peut faire obstacle à ce qu'une partie
poursuive envers et contre tout l'exécution d'une disposition contractuelle qui a perdu sa
raison d'être. En d'autres termes, dans pareil cas, il y a abus de droit.
Une donation avait été consentie à un époux parce que l'opération présentait un intérêt fiscal
tant qu'il était marié. Or le donataire a ensuite divorcé et l'intérêt fiscal a disparu par voie de
conséquence. La Cour d'appel de Liège refuse de constater la caducité de la donation au
motif que les cas de caducité des donations seraient limitativement prévus par la loi. M. Van
Ommeslaghe soutient dans le pourvoi que l'arrêt aurait violé les articles 1108 et 1131 du
Code civil et un principe général de caducité des obligations par disparition de leur cause ou
de leur objet “consacré notamment par les articles 1108, 1592, 1722, 1741, 1865 et 1867 du
Code civil” (il s'agit de dispositions soit générales, soit relatives à des contrats à titre
onéreux, à l'exclusion de tout texte spécifique aux libéralités). Contre toute attente, la Cour
casse l'arrêt. Elle énonce tout d'abord que la cause d'une libéralité “ne réside pas
exclusivement dans l'intention libérale du disposant, mais dans celui des mobiles qui l'a
inspiré principalement et qui l'a conduit à donner ou à léguer”. Ensuite elle dit que “lorsque
par l'effet d'un événement indépendant de la volonté du donateur, la raison déterminante de
la donation vient à défaillir ou à disparaître, le juge du fond peut constater la caducité de
cette libéralité, si, d'après les termes mêmes de cette disposition ou l'interprétation de la
volonté de son auteur, il est impossible de la séparer des circonstances qui l'ont amenée et
sans lesquelles elle n'aurait pas de raison d'être”.
Quelques observations :
✗ Cet arrêt a provoqué une grande émotion chez les notaires puisqu'il admet que la
disparition de la cause puisse entraîner la caducité d'une libéralité alors qu'elle a déjà
sorti tous ses effets! (Alors que normalement, la caducité s'applique à des actes en
cours d'exécution, notamment à des contrats à prestations successives).
✗ La portée de cet arrêt était discutée : la règle qu'il énonçait était-elle propre aux
libéralités ou était-elle au contraire applicable à tout contrat?
• D'une part, certains ont soutenu que la règle énoncée par l'arrêt était générale en
tirant argument du libellé du moyen, qui était général (voir supra) ;
• D'autre part, le libellé de l'arrêt permet de penser que seules les libéralités sont
visées. Deux arguments supplémentaires plaident en faveur de cette thèse
43
restrictive : (1) le caractère gratuit d'un acte conduit souvent à admettre plus
facilement sa remise en cause et (2) dans les actes à titre onéreux, la cause ne
peut disparaître complètement que si la contrepartie objective disparaît, mais
dans ce cas il ne se pose aucun problème puisqu'il y a disparition de l'objet (donc
caducité par disparition de l'objet).
✗ Les termes “le juge du fond peut constater la caducité de cette libéralité, si [...]” telles
conditions sont remplies signifient-ils que dans ce cas, le juge a le pouvoir de
prononcer la caducité de la donation, ou qu'il a un pouvoir d'appréciation? Selon P.
A. Foriers, le juge a un pouvoir d'appréciation dans la mesure où il doit examiner si la
libéralité et sa cause sont inséparables dans l’esprit du donateur.
✗ P.A. Foriers explique la solution adoptée par la Cour par l'idée de condition
résolutoire implicite : en effet, rien n'empêche de prévoir dans une convention que
celle-ci prendra fin si sa cause disparaît.
S. De T., fils unique, est impliqué dans une affaire internationale importante d'escroquerie et de recel. Après son
placement en détention préventive, en 1980, son père le déshérite au profit de ses trois petits-enfants pour faire
échapper le patrimoine familial aux poursuites des créanciers de son fils. Celui-ci est acquitté en première
instance puis condamné en appel à 5 ans de prison ferme (1982). Peu après, le père décède et S. de T. renonce
à sa succession. Mais un certain temps après, il introduit une procédure en révision, qui aboutit effectivement à
un arrêt d'acquittement (1989)! Il demande dès lors à ses enfants de lui restituer la succession, mais l'un d'eux
refuse. S. de T. décide donc, avec deux de ses enfants, d'agir pour contester la validité (a) du testament de son
père et (b) de ses actes de renonciation. Les juges du fond ont accueilli la demande au motif que le testament et
les actes de renonciation seraient devenus caducs. (P. A. Foriers : ne pouvait-on pas prétendre qu'il y avait
nullité pour erreur sur la cause?). L'un des petits-enfants introduit un pourvoi contre l'arrêt de la
cour d'appel, où il remet en cause la jurisprudence de l'arrêt du 16 novembre 1989. Contre
toute attente, la Cour de cassation accueille de pourvoi.
44
(b) DISPARITION DE LA CAUSE SUBJECTIVE ET AUTRES ACTES JURIDIQUES
(à propos de la renonciation à la succession)
L'arrêt du 21 janvier 2000 semble exclure la caducité pour disparition de la cause
pour les autres actes, fussent-ils à titre gratuit. En effet, après avoir relevé que
d'après les énonciations du juge du fond, les renonciations litigieuses ne constituaient
pas des libéralités, la Cour rappelle que la cause est en règle une condition de
validité d'un acte juridique mais poursuit en énonçant que “sa disparition ultérieure
demeure, en règle, sans effet sur la validité de l'acte”.
Cette solution doit être approuvée, tellement il est vrai qu'il n'existe aucune
disposition légale ni aucun principe général de droit dont on pourrait déduire que les
éléments nécessaires à la formation d'un contrat sont aussi nécessaires à sa survie.
En règle donc, la disparition de la cause d'une acte ne devrait pas l'affecter. Toutefois, il
existe des EXCEPTIONS à ce principe :
− lorsque la disparition de la cause entraîne une impossibilité d'exécution
(tel est notamment le cas si c'est la cause objective qui est affectée ou en
cas de décès ou faillite de la partie en considération de la personne de
laquelle le contrat a été conclu dans les contrats intuitu personae) ;
− lorsque la poursuite de l'exécution d'une convention qui a perdu sa raison
d'être serait constitutive d'un abus de droit ;
− si les parties ont entendu de manière certaine assortir leur convention
d'une condition résolutoire consistant dans la disparition de ce mobile.
Dans ce cas, toutefois, il ne s'agira pas de caducité. Selon, P.A. Foriers,
c'est la seule explication que l'on peut donner à l'arrêt du 16 novembre
1989.
Par ailleurs, rien en opportunité ne justifierait d'aller plus loin. En effet, dans de nombreux
cas la disparition du mobile déterminant n'affecte pas à tel point la raison d'être de la
convention que celle-ci ne puisse raisonnablement être maintenue, spécialement lorsque la
convention a sorti tous ses effets.
c. La disparition du consentement
La disparition du consentement d'une des parties ne pourrait affecter la validité d'un contrat
sauf si elle a un droit de résiliation unilatérale, mais dans ce cas il ne s'agit pas à proprement
parler d'un cas de caducité.
d. La disparition de la capacité
45
B. LA FORMATION DES CONTRATS DU POINT
DE VUE DYNAMIQUE
a. Généralités
Souvent, la conclusion d'un contrat est précédée de pourparlers durant lesquels les parties
formulent des propositions exploratoires sans volonté de s'engager définitivement (qui ne
constituent donc pas des offres).
Ex. ne constituent pas des offres, une proposition “sans engagement”, ni, a fortiori, un simple appel d'offres.
En règle, les pourparlers préliminaires sont étrangers à la responsabilité contractuelle. Ils
peuvent en revanche donner lieu à la culpa in contrahendo sanctionnée sur base des articles
1382 et 1383 du Code civil.
Les pourparlers préliminaires peuvent présenter un intérêt sous l'angle de l'interprétation du
contrat qui sera conclu.
46
2. L'offre
a. Notion
L'offre implique l'émission d'une volonté définitive par l'une des parties, de sorte que cette
volonté puisse être immédiatement acceptée par l'autre partie en vue de former le contrat.
L'offre suppose donc 3 éléments essentiels :
1. L'offre doit contenir tous les éléments essentiels et substantiels du contrat à conclure.
2. Elle implique la volonté du pollicitant de se lier définitivement par le seul fait de
l'acceptation de l'autre partie.
3. Elle doit être volontairement portée à la connaissance de l'autre partie.
b. La force obligatoire
En droit positif belge, l'offre trouve sa force obligatoire dans un engagement unilatéral de
volonté (arrêt de la Cour de cassation de 1980).
N.B. L'engagement par déclaration unilatérale de volonté comme source autonome d'obligations a dans un
premier été rejeté, ce qui a eu pour conséquence que :
− dans un premier temps, on a contesté le caractère obligatoire de l'offre en tant que telle (ce qui était
illogique) ;
− rapidement, on a tenté de chercher un fondement le fondement obligatoire de l'offre et on l'a trouvé
− dans l'article 1382 du Code civil (cette analyse procède d'un raisonnement circulaire
puisque pour que l'offrant commette une faute en retirant son offre, il faut que cette offre le
lie)
− ou dans une sorte de contrat tacite distinct du contrat à conclure (cette analyse est
artificielle, surtout en cas d'offre au public).
En France, les auteurs continuent à chercher le fondement de la force obligatoire de l'offre.
• L'OFFRE À UNE PERSONNE DÉTERMINÉE constitue un acte unilatéral réceptice qui lie son auteur
lorsque le destinataire en a eu connaissance ou lorsqu'il a raisonnablement pu en avoir
connaissance.
Elle peut donc être révoquée pour autant que la révocation parvienne au destinataire au plus
tard en même temps que l'offre elle-même.
• L'OFFRE AU PUBLIC constitue un acte unilatéral non réceptice qui lie l'offrant dès qu'il s'est
extériorisé.
• DURÉE DE LA FORCE OBLIGATOIRE : l'offre lie le pollicitant
− pendant le délai qu'elle indique
− ou à défaut, pendant un délai raisonnable, qui sera apprécié par le juge, le cas
échéant suivant les usages propres à tel type de profession.
47
3. L'acceptation
a. Principes
Dans une conception classique, l'acceptation doit porter sur tous les éléments de l'offre,
qu'ils soient essentiels ou accessoires.
Mais aujourd'hui on considère généralement que pour que le contrat se forme il suffit qu'il y
ait un accord sur les éléments essentiels et substantiels de celui-ci.
− Les éléments essentiels sont les éléments sur lesquels l'accord des parties est requis par le droit
(ex. le prix et la chose dans la vente).
− Les éléments substantiels sont les éléments qui sont accessoires ou secondaires en droit mais qui
sont considérés comme essentiels aux yeux des parties (ex. le délai de livraison des sapins de
Noël).
Elles peuvent être propres à une entreprise ou élaborées par une association
professionnelle. Dans cette deuxième hypothèse, il peut qu'elles ne fassent que codifier les usages propres à
un secteur d'activité. En ce cas, elles ont une force obligatoire qui n'est pas purement contractuelle.
Deux principes s'appliquent en matière de conditions générales (sauf si elles ne font que
reproduire des usages) :
1°/ Les conditions générales ne lient les parties que pour autant qu'elles aient été
ACCEPTÉES.
• Ce qui suppose tout d'abord qu'elles aient été PORTÉES À LA CONNAISSANCE de
l'autre partie au plus tard au moment de la conclusion du contrat.
− Tel est le cas de conditions générales lisibles figurant au verso d'une offre si une
mention du recto y renvoie.
− Mais en règle on ne pourrait tenir compte de conditions figurant au verso d'une
facture (la question est toutefois controversée), sauf si les parties étaient en
48
relation d'affaires et ont implicitement convenu de soumettre l’ensemble de ces
relations à ces conditions, ou si les conditions ne font que reproduire le droit
commun ou les usages.
• Les conditions générales doivent ensuite être ACCEPTÉES par l'autre partie.
Tel n'est pas le cas si l'acceptation se réfère elle-même à des conditions
générales qui excluent les conditions de l'autre partie.
En effet, en Belgique, on considère généralement qu'en cas de conflit de conditions générales,
les conditions générales contradictoires s'annulent réciproquement.
2°/ Les conditions générales doivent CÉDÉR DEVANT LES CLAUSES SPÉCIALES QUI Y DÉROGENT.
49
b. Cas d'application principaux
c. Sanction
En règle, si le contrat n'est pas conclu, la victime ne peut demander la perte du bénéfice du
contrat escompté. Elle ne pourrait que demander la réparation d'un autre préjudice, tel que
les frais des négociations rompues tardivement, la perte de la chance d'avoir pu contracter
avec une autre partie parce que le négociation impliquait une certaine exclusivité, etc.
50
6. Le contrat obligatoire – le refus de contracter
• ENTREPRISES EXPLOITANT UN SERVICE PUBLIC : ÉTAT D'OFFRE PERMANENTE : il s'agit d'un principe
traditionnel de droit administratif.
• DROIT ÉCONOMIQUE :
(a) DISPOSITIONS LIÉES À LA RÉGLEMENTATION DES PRIX
On peut citer à cet égard la loi sur la réglementation économique et les prix (arrêté-loi
du 22 janvier 1945 modifié par la loi du 30 juillet 1971), qui interdit de vendre à des
prix anormalement élevés (= principe du “prix normal”), permet au ministre de
l'Economie de conclure des contrats de programme et de fixer des prix maximaux, et
instaure l'infraction pénale de refus de vente.
51
7. La promesse unilatérale de contrat
DÉFINITION : convention par laquelle une personne (le promettant) s'engage vis-à-vis d'une
autre (le bénéficiaire) à conclure avec cette dernière, à son option, un contrat dont tous les
éléments essentiels et substantiels sont déterminés ou déterminables.
QUELQUES OBSERVATIONS :
− Les parties stabilisent donc une offre dans le cadre d'un engagement contractuel (la
promesse de contrat est un contrat à la différence de l'offre).
− Ce type de convention est en principe licite, mais il peut poser des problèmes en cas de
contrats réels ou solennels si le caractère réel ou solennel du contrat vise à protéger le
promettant (ex. promesse de don manuel, d'hypothèque...).
− Le contrat final naît à la levée de l'option sans effet rétroactif.
CAS D'APPLICATION : options d'achat et de vente, promesse d'hypothèque, promesse de bail, promesse de prêt.
LE PACTE DE PRÉFÉRENCE :
• Il s'agit d'une convention par laquelle une partie (le promettant) propriétaire d'un bien
s'engage vis-à-vis d'une autre personne (le bénéficiaire) à lui offrir ce bien en vente à
telles conditions déterminées ou déterminables au cas où elle déciderait de le
vendre, en sorte qu'elle serait préférée à un autre acquéreur. Exceptionnellement, le
pacte de préférence peut porter sur un autre contrat qu'une vente (par exemple un
bail).
• Le pacte de préférence est souvent l'accessoire d'un autre contrat (ex. un bail).
• La nature du pacte de préférence est controversée. En général on considère qu'il
s'agit d'une promesse unilatérale de contrat assortie d'une condition suspensive
simplement potestative.
M. Van Ommeslaghe objectait à cette analyse que le droit sur l'objet du pacte de préférence était
doublement éventuel, puisqu'il supposait (1) une volonté de vendre et (2) la levée de l'option. Mais il ne
faut pas confondre le contrat lui-même, qui est conditionnel, et le droit sur la chose objet du droit de
préférence, qui est éventuel.
− Les conditions de validité de la promesse de contrat sont celles de tout contrat. Il faut
notamment qu'elle comprenne tous les éléments nécessaires pour que le contrat puisse
valablement se former au moment de la levée de l'option.
− La durée de la promesse est généralement fixée par les parties. A défaut de durée
expresse ou implicite, P.A. Foriers estime qu'il convient d'appliquer les principes relatifs
aux contrats à durée indéterminée (le promettant pourra donc résilier unilatéralement la
promesse moyennant un préavis raisonnable).
− La promesse unilatérale de contrat peut être assortie de modalités.
− Elle peut être consentie à titre gratuit ou onéreux.
52
EFFETS DE LA PROMESSE DE CONTRAT ENTRE PARTIES :
53
C. QUESTIONS PARTICULIERES A LA
FORMATION DU CONTRAT
1. La théorie de la représentation
a. Notion de représentation
17
Dans de rares cas, le mandataire n'agit pas pour le compte du mandant. On a, dans ces cas, une procuration
dans l'intérêt personnel du mandataire (en droit romain, cette institution, la procuratio in rem suam, était
utilisée pour réaliser des cessions de créance ; récemment, le tribunal de commerce de Bruxelles a estimé
qu'il y avait une telle procuratio in rem suam dans une espèce où une mère avait ouvert un carnet de dépôt en
banque au nom de sa fille, carnet sur lequel elle déposait de l'argent mais sur lequel elle avait aussi un
mandat grâce auquel elle pouvait utiliser cet argent).
54
b. La représentation parfaite
MÉCANISME GÉNÉRAL :
18
En l'absence d'une infraction pénale, le tiers cocontractant devra donc démontrer non seulement que le
manquement contractuel commis par l'intermédiaire du mandataire constitue aussi une faute aquilienne, mais
encore qu'il a subi un dommage pas purement contractuel.
19
A cet égard, M. Grégoire et M. Von Kuegelgen ont soutenu que le tiers cocontractant ne pouvait demander la
nullité du contrat pour dol que si l'erreur qu'il avait provoquée était substantielle et excusable. En effet,
comment le tiers cocontractant pourrait-il se prévaloir du dol (en tant que tel) alors qu'il provient du
mandataire et ne peut être imputé au mandant (sachant que le dol n'est cause de nullité que s'il émane d'une
partie au contrat)? Toutefois, cette analyse ne convainc pas P.A. Foriers qui souligne que le mandataire n'est
pas un tiers au contrat – il est une partie au contrat, même s'il est une partie particulière puisqu'il stipule non
pour soi-mêm,e mais pour autrui, et n'est donc pas lié par le contrat.
55
nombreux cas, le représenté répond des manquements contractuels ou extra-contractuels
du représentant, par le biais de divers détours (ces détours entretiennent néanmoins
d'étroites relations avec l'idée de représentation). Les “zones claires” sont bien plus vastes
que les “zones d'ombre”.
Le plus souvent, si le mandataire exécute mal ses obligations à l'égard de son mandant,
le tiers cocontractant ne sera pas concerné (souvent, d'ailleurs, le fait que le mandataire
aura mal servi les intérêts de son mandant lui sera favorable). A défaut de dommage, le
tiers ne pourra donc agir en responsabilité contre le mandataire ou le mandant.
Si néanmoins la faute du mandataire retentit sur le tiers (ce qui est rare), il sera très
largement protégé. En effet :
(1) Il est constant que le mandant, ou plus généralement le représenté, ne saurait
se prévaloir du fait fautif de son mandataire à titre de cas de force majeure ou de
cause étrangère. Pourquoi?
− Si le représentant est un organe, cette règle découle du fait que les
actes ou les faits de l'organe sont réputés être les actes ou les faits
de la personne morale.
− Dans les autres cas, la règle s'explique par l'idée que le débiteur
qui se substitue en tout ou partie un tiers pour l'exécution d'une
obligation est tenu des manquements de son substitué.
Mais la règle ne concerne pas seulement les obligations
contractuelles, elle s'applique aussi par exemple au respect d'un
délai de procédure. Ainsi, si l'avocat ou l'huissier laisse passer un
délai de procédure, le mandant ne pourrait s'en prévaloir comme
cas de force majeure.
(2) Si le mandataire excède ses pouvoirs, le mandant ne pourrait s'en
prévaloir à l'égard du tiers de bonne foi. Cette solution se déduira dans la
plupart des cas des dispositions relatives au mandat, ou, parfois, de la théorie
générale de l'apparence.
Le mandant doit donc supporter les manquements du mandataire à son égard, sauf son
recours contre celui-ci. Il semble que la solution puisse, en principe, être étendue aux
autres cas de représentation.
S'agissant des organes des personnes morales, la solution s'explique par le fait que
l'organe s'identifie à la personne morale qu'il représente.
56
S'agissant du mandat, la solution peut s'expliquer de deux manières, mais nous
préférons la deuxième :
• selon une explication artificielle, elle découlerait du mécanisme de la
représentation puisque le paiement, au sens d'exécution volontaire d'une
obligation, est (en général) considéré comme un acte juridique ;
• elle peut s'expliquer par la responsabilité d'une partie à un contrat à l'égard de
l'autre du chef des manquements de son sous-traitant, de son substitué ou de
son agent d'exécution (responsabilité contractuelle pour autrui – article 1384
alinéa 3 du Code civil).
Il est constant que la règle classique selon laquelle la représentation ne vaut que
pour les actes juridiques ne s'applique pas à la représentation organique, en raison
du principe de l'identification de l'organe à la personne morale qu'il représente.
N.B.
− La personne morale peut intenter une action récursoire contre son organe dans la
mesure autorisée par le contrat ou le régime statutaire qui les lient. Si l'organe est
dans les liens d'un contrat de travail, cette action récursoire pourrait être limitée par l'article 18 de la
loi sur le contrat de travail. Si l'organe est un magistrat, ce recours peut être limité par les règles
relatives à la prise à partie.
− L'organe est personnellement responsable de ses fautes quasi-délictuelles.
Encore faudra-t-il que les règles de concours de responsabilités contractuelle et
extra-contractuelle ne s'opposent pas à l'action en responsabilité du tiers (cass. 7
novembre 1997). A nouveau, des règles spéciales peuvent apporter des limites à cette
responsabilité, tels l'article 18 de la loi sur le contrat de travail ou les règles relatives à la prise à
partie des magistrats.
− Si l'organe bénéficie d'une immunité personnelle, cela n'empêche pas d'agir
contre la personne morale qu'il représente.
Nous avons vu que si le représentant a la qualité de préposé du représenté ou est chargé par celui-ci de
l'exécution d'une convention, ce dernier répond des manqements du représentant sur base de l'article 1384,
al. 3 C. civ.
A cet égard, il faut noter que le mécanisme de responsabilité contractuelle pour autrui a parfois été expliqué
par l'idée de représentation (le préposé représenterait le commettant). Toutefois, cette analyse est
contestable et il vaut mieux y voir une responsabilité objective du commettant (objective puisque le
commettant ne peut y échapper en démontrant par exemple qu'il aurait parfaitement exécuté son obligation
de surveillance).
57
(b) LES ZONES D'OMBRE :
En droit français, le mandant est en règle responsable des fautes accomplies par le
mandataire dans le cadre de sa mission (dol, fraude, détournement, simple faute...).
L'immunité est l'exception (dépassement du mandat ou infraction pénale).
La Cour de cassation de Belgique s'est engagée dans la même voie, mais avec plus de
prudence, dans deux arrêt de 1985 et 1987, selon lesquels le mandant est responsable
de la faute extra-contractuelle du mandataire si celle-ci est intimement liée à l'objet qu'il
accomplit.
• Dans l'espèce ayant donné lieu à l'arrêt du 22 avril 1985, le secrétaire du syndicat d'un
employé avait envoyé au nom de ce dernier une lettre injurieuse à son employeur, suite à quoi
celui-ci avait licencié l'employé pour motif grave, en raison des termes injurieux de la lettre. La Cour
du travail de Gand a considéré que l'envoi de la lettre constituait l'exécution d'un mandat conféré
par l'employé et a décidé que le congé n'était pas valable parce que la faute émanait du mandataire
(le syndicat) et ne pouvait engager la responsabilité du mandant (l'employé). La Cour de cassation
casse l'arrêt aux motifs que “les fautes commises par le mandataire dans l'exécution
de sa mission sont imputables au mandant” et que l'arrêt n'a pas constaté que le
mandataire avait outrepassé ses pouvoirs.
L. Simont a montré que malgré les termes généraux de cet arrêt, sa portée
semble devoir limitée à l'hypothèse où le mandataire a, dans les limites de son
mandat, accompli un acte juridique qui constitue en même temps un quasi-délit à
l'égard des tiers.
• L'arrêt du 21 septembre 1987 confirme cette analyse. Il décide que le mandant
est responsable des actes du [mandataire] accomplis dans le cadre de sa
mission, et notamment “pour les actes illicites que le [mandataire] a commis lors
de la conclusion de son contrat avec le cocontractant et qui sont inhérents à
l'acte juridique [...]”20. En d'autres termes, le mandant est tenu des délits et
quasi-délits indissociables de l'acte juridique sur lequel le mandat porte. En effet,
s'ils ne sont pas indissociables de l'acte juridique à accomplir, le mandataire qui
les a commis a dépassé les limites de son pouvoir et le mandant ne peut donc
être tenu – et vice versa (dixit De Page). Dans ce système, le tiers cocontractant victime
d'un dol du mandataire pourrait non seulement demander la nullité de l'acte pour vice de
20
En réalité, dans cette espèce, un tiers avait ratifié une convention de porte-fort, suite à quoi il était devenu
mandant.
58
consentement, mais aussi réclamer des dommages-intérêts au mandant.
• Cette jurisprudence a été confirmée de manière très claire est 2000.
• A ce jour, la Cour de cassation ne semble pas avoir été plus loin, mais la voie est
ouverte...
59
l'organe qui exécute une obligation contractuelle au nom de la société qu'il représente à
un agent d'exécution ou un substitué, ce qui entraîne l'application à son égard des règles
relatives au concours de responsabilités contractuelle et extra-contractuelle : “lorsqu'une
partie contractante agit par un organe, un préposé ou un agent pour l'exécution de son
obligation contractuelle, celui-ci ne peut être déclaré responsable sur le plan extra-
contractuel que si la faute mise à sa charge constitue un manquement non à une
obligation contractuelle mais à l'obligation générale de prudence et que si cette faute a
causé un dommage autre que celui résultant de la mauvaise exécution du contrat”.
Selon P.A. Foriers, cette règle vaut aussi pour les mandataires.
Cette solution n'est pas dénuée de pertinence parce que dans la pratique, la distinction entre agent
d'exécution, substitué et sous-traitant, d'une part, et représentant, d'autre part, lorsqu'ils exécutent une
obligation contractuelle, est ténue et qu'il peut paraître inéquitable de traiter les mandataires plus
sévèrement que de simples agents d'exécution. Mais elle conduit aussi à cette conséquence
surprenante que si des administrateurs (organes) commettaient des fautes de gestion qui constituent un
quasi-délit, les créanciers impayés ne pourraient agir contre eux, puisque leur dommage serait
nécessairement contractuel.
L'arrêt (révolutionnaire) du 16 févier 2001 va encore plus loin, mais la Cour de cassation
opère un revirement et revient en quelque sorte à sa jurisprudence de 1921 dans un
arrêt du 20 juin 2005. En revanche, selon P.A. Foriers, ce dernier arrêt ne semble pas
remettre en cause la solution de l'arrêt du 7 novembre 1997.
• L'arrêt du 16 février 2001 décide que “lorsqu'un organe d'une société ou un
mandataire agissant dans le cadre de son mandat commet une faute ne
constituant pas un délit au cours de négociations donnant lieu à la
conclusion d'un contrat, cette faute, engage non pas la responsabilité de
l'administrateur ou du mandataire, mais celle de la société ou du mandant”.
Quelle est la portée de cet arrêt?
✗ Selon certains, il étendrait la solution de l'arrêt de 1997 à la phase
précontractuelle. Cette analyse semble inexacte puisqu'il est
constant que la phase précontractuelle donne lieu, en principe, à
des rapports extra-contractuels et non contractuels, et qu'il ne
saurait donc être question de concours de responsabilités
contractuelle est extra-contractuelle.
✗ Selon la seconde interprétation, qui semble la plus probable, cet
arrêt opère un revirement total par rapport à l'arrêt de 1921.
Cet arrêt a été critiqué et on peut notamment lui reprocher le fait qu'on n'aperçoit
pas en quoi il serait opportun de considérer que le fait pour une personne d'agir
comme mandataire ou comme organe la dispenserait de son devoir général de
prudence à l'égard des tiers et la ferait ainsi échapper, en l'absence d'un texte le
prévoyant, à l'application de l'article 1382 du Code civil.
• Heureusement, l'arrêt du 20 juin 2005 décide que “si la faute commise par
l'organe d'une société au cours de négociations préalables à la conclusion
d'un contrat engage la responsabilité directe de cette personne morale, cette
responsabilité n'exclut pas, en règle, la responsabilité personnelle de
l'organe mais coexiste avec celui-ci”.
L'arrêt du 20 juin 2005 doit être approuvé. Notons qu'il ne semble pas
remettre en cause l'enseignement de l'arrêt du 7 novembre 1997.
60
c. La représentation imparfaite ou l'absence de représentation
LA QUESTION DU COMMISSIONNAIRE :
– En France, une partie de la doctrine estime que le commettant pourrait agir directement contre le tiers
cocontractant du commissionnaire.
– Le droit suisse admet que le commettant agisse directement contre le tiers cocontractant du
commissionnaire.
– Enfin, une partie de la doctrine française (mais cette idée a été condamnée par la Cour de cassation
française) estime que le tiers cocontractant du commissionnaire pourrait agir contre le commettant s'il était
amené à apprendre son identité.
– Mais la règle selon laquelle la commission ne fait pas naître de recours directs entre le
commettant et le tiers cocontractant du commissionnaire est constante en Belgique. Le
contrat de commission ne fait naître aucune représentation.
– Il en découle que dans la commission à l'achat et à la vente (comme dans les autres
mandats sans représentation), le transfert de propriété ne s'opère pas directement entre
le tiers vendeur et acheteur et le commettant. La propriété transite par le patrimoine du
commissionnaire, ne fût-ce qu'une nanoseconde (en effet, en réalité, la propriété est en
principe transmise immédiatement du tiers cocontractant au commettant dans la
commission à l'achat, du commettant au tiers cocontractant dans la commission à la
vente, mais suite à une double mutation puisqu'elle transite d'abord par le patrimoine du
commissionnaire – v. syll. p. 172).
61
prête-nom doit non seulement dissimuler l'identité de son mandant, mais aussi sa
qualité de prête-nom. Mais cette distinction est artificielle. Certes, les
commissionnaires de profession apparaissent comme tels aux yeux des tiers.
Mais faut-il faire une distinction entre des marchands qui font en général des
opérations pour leur propre compte et agissent de manière occasionnelle comme
commissionnaires, tout en estimant peu opportun de dévoiler leur qualité de
commissionnaire (et rien ne les y oblige puisqu'il n'existe aucune obligation pour
le commissionnaire de dévoiler sa qualité), et le prête-nom qui dissimule son rôle
parce qu'il le doit? Pourquoi donner un recours au tiers contre la mandant dans le
deuxième cas, alors qu'il n'en a pas dans le premier?
N.B. En cas de prête-nom illicite, les principes de droit commun, et notamment la
règle Fraus omnia corrumpit, suffisent à protéger le tiers cocontractant du prête-
nom.
LA RATIFICATION :
• La ratification est l'acte unilatéral par lequel une personne approuve, et accepte donc de
reprendre à son compte, une convention qui a été conclue en son nom,
✗ soit par un mandataire qui a excédé ses pouvoirs,
✗ soit par un tiers qui a agi sans mandat,
– soit en se présentant comme mandataire alors qu'il ne l'était pas,
– soit en se portant fort avec promesse de ratification).
62
• Il est constant que la ratification opère avec effet rétroactif, sous réserve des droits
acquis par des tiers. On dit que ratihabitio mandato aequiparatur, la ratification a pour
effet de conférer un pouvoir de représentation à titre rétroactif à l'intermédiaire. Cette
rétroactivité s'impose
– au cocontractant du mandataire et
– aux tiers, sauf acquisition par ces derniers, dans l'intervalle, d'un droit préférable.
• Par l'effet de la ratification, le contrat naît-il? Ou est-ce autre chose qui se passe? Quel
est le statut de l'acte avant sa ratification?
• On pourrait penser qu'en approuvant l'acte, le ratifiant le ferait naître, puisque c'est à ce
moment qu'il exprime son consentement, et que donc apparaît l'accord de volontés
nécessaire à la formation d'un contrat.
• Or, il est constant que la ratification opère avec effet rétroactif. Certes, on pourrait
expliquer cet effet rétroactif par la combinaison de l'accord du mandant de reprendre
l'acte ratifié à sa date et de l'accord implicite de l'autre partie de l'avoir conclu à celle-ci.
Mais cette explication, qui présume la volonté des parties, est artificielle.
• De plus, avant la ratification, la convention a une existence et si, en principe, elle est
sans effet à l'égard du représenté, elle est, en revanche, génératrice d'obligations dans
le chef du tiers cocontractant. Celui-ci ne peut, en effet, se dégager de la convention
avant l'expiration du délai prévu pour sa ratification (la solution contraire serait illogique).
Telle semble la solution qu'il faut déduire d'un arrêt de la Cour de cassation du 18 septembre 1964.
• On peut donc conclure que l'acte est le produit de la volonté du tiers cocontractant et de
celle du représentant, et non celle du représenté. La volonté de ce dernier n'est
nécessaire que pour que l'acte sorte des effets à ses égards.
• Cette analyse rejoint les théories modernes en matière de représentation, selon
lesquelles le contrat conclu à l'intervention d'un représentant n'est pas le simple produit
de la volonté du représenté censée exprimée par le représentant, mais, au contraire, est
le produit de la volonté du représentant. Celui-ci est une partie au contrat, même s'il est
une partie particulière, puisqu'il stipule pour autrui. La différence avec le mécanisme de
la ratification est que si la représentation est parfaite, elle intervient instantanément au
moment de la conclusion du contrat.
• N.B. Le mécanisme de la ratification n'est donc pas sans rapport avec la théorie de
l'après-acte, qui permet dans certaines conditions à un tiers à un contrat de devenir
partie à celui-ci en y adhérant. N.B.2. Si le tiers cocontractant de l'intermédiaire ne peut
remettre le contrat en cause avant l'expiration du délai prévu pour sa ratification, il n'est
pas, bien entendu, tenu de l'exécuter.
Rappel : traditionnellement, on affirme que la ratification opère avec effet rétroactif, mais
ne peut porter préjudicé à des droit acquis par des tiers dans l'intervalle.
Nous examinerons ci-après deux hypothèses où les tiers pourraient ou non se prévaloir
de droits acquis.
1ère hypothèse : arrêt de la Cour de cassation du 6 février 1953 : une opposition au
renouvellement d'un bail commercial formulée par un organe incompétent de la
société bailleresse ne pouvait être valablement ratifiée après le délai légal
d'opposition.
Le locataire était bien un tiers, puisque le bail renouvelé constitue un nouveau bail et
que le locataire n'est ni partie au nouveau bail à naître, avant sa naissance, ni partie
à l'acte unilatéral à ratifier.
63
2ème hypothèse : le congé pour motif grave. Une décision de congé pour motif grave
prise par un cadre de la société employeur sans pouvoir pour prendre une telle
décision peut-elle être ratifiée en dehors du délai de 3 jours? Oui selon P.A. Foriers.
Un arrêt de la Cour de cassation du 7 mars 1969 semble répondre par l'affirmative. Il
rejette le pouvoi formé par un travailleur qui avait été licencié pour motif grave par un
cadre qui agissait en dehors de ses pouvoirs, cette décision ayant par la suite été
ratifiée par le Conseil d'administration (compétent), mais en dehors du délai de 3
jours. Contrairement à ce qu'il affirmait, le travailleur ne pouvait se prévaloir d'une
rupture irrégulière du contrat d'emploi pour réclamer l'indemnité qui est due dans
pareil cas.
Selon P.A. Foriers, cette solution se justifie par le fait que le travailleur n'est pas un
tiers au contrat auquel il est mis fin pour motif grave, même s'il est un tiers par
rapport au congé21. N'étant pas un tiers par rapport à ce contrat, il ne pourrait se
prévaloir de droits acquis pour s'opposer à l'effet rétroactif de la ratification.
Un arrêt de la Cour de cassation du 13 janvier 2003 semble confirmer la jurisprudence de 1969, mais dans
une espèce qui se distingue nettement de l'hypothèse du congé pour motif grave ensuite ratifié. Dans cette
affaire, la cour du travail de Liège avait admis la rétroactivité de la ratification d'un congé donné à un
travailleur moyennant préavis, alors que celui-ci prétendait que cette rétroactivité le privait de droits qu'il
aurait acquis en vertu de la loi du 3 juillet 1978 (dispositions qui accordent au travailleur licencié avec préavis
le droit de s'absenter pour chercher du travail...). La Cour rejette son pourvoi au motif que
✗ le congé moyennant préavis donné à un travailleur au nom de l'employeur par un mandataire
qui excède ses pouvoirs ne lie pas l'employeur ;
✗ aussi longtemps qu'il n'est pas ratifié, le congé avec préavis ne sort aucun des effets que la loi
sur le contrat de travail attache au congé avec préavis;
✗ donc, le travailleur n'a pas pu acquérir de droits sur base de cette loi!
Ce raisonnement est curieux puisque s'il est vrai que le congé donné sans pouvoir ne lie pas l'employeur, il
lie en revanche le travailleur, qui ne pourrait se prévaloir de l'excès de pouvoir. Il fait donc naître dans le chef
de celui-ci une situation nouvelle sous réserve d'un refus de ratification par l'employeur.
Deux arrêts de la Cour de cassation abordent la question de la possibilité de se prévaloir
de droits acquis, mais sous un autre angle.
• Dans l'affaire de l'arrêt de la Cour de cassation du 18 septembre 1964, un travailleur
protégé est licencié, suite à quoi son syndicat demande sa rétégration (cette
demande doit être introduite dans un certain délai). L'employeur ne réagit pas et puis
un beau jour il prétend que la demande est irrégulière parce que le syndicat était
sans pouvoir pour l'introduire. Le travailleur ratifie la demande, mais l'employeur
prétend qu'il ne pourrait porter atteinte à ses droits acquis. La Cour de cassation
rejette le pourvoi de l'employeur au motif que l'employeur ne peut pas contester de
sa propre initiative les pouvoirs du représentant alors qu'il a accepté de traiter avec
lui et que ni le mandant, ni le mandataire ne contestent le mandat. Cela semble
logique.
• Un arrêt du 6 février 2006 confirme cette jurisprudence en matière de licenciement
pour motif grave : le travailleur peut demander la production de la procuration pour se
convaincre de l'existence du mandat ; s'il s'en abstient et ne se présente plus au
travail, comme il le ferait en cas de licenciement, il ne peut plus nier ultérieurement
l'existence du mandat, sauf dans un délai raisonnablement court, lorsque ni le
mandant, ni le mandataire ne contestent celui-ci.
Aujourd'hui, en tout cas, la ratification des congés pour motif grave ne pose plus de
difficultés.
21
La question ici est de savoir qui sont les tiers susceptibles d'acquérir un droit acquis auquel la ratification ne
pourrait porter atteinte.
- En tout cas, si l'acte en question est un contrat, le tiers cocontractant du pseudo-représentant n'est, à
l'évidence, pas un tiers.
- Qu'en est-il des tiers destinataires d'un acte unilatéral réceptice? La situation est plus délicate. Par définition,
le destinataire subit les effets de l'acte, sans qu'il y ait besoin qu'il les accepte. Selon P.A. Foriers, si un tel
acte s'inscrit dans le cadre d'un contrat, l'autre partie du contrat n'est pas un tiers au regard de l'acte unilatéral
en question.
64
En réalité, cette jurisprudence s'explique par plusieurs idées :
– les règles sur l'excès de pouvoir sont protectrices du représenté et non du tiers
représenté
– le mandat peut être tacite
– ...
En conclusion, le ratification ne se résume pas à une simple renonciation par le ratifiant à
se prévaloir de l'absence de pouvoir du mandataire ou du porte-fort. Elle s'impose au
tiers cocontractant qui, dans l'hypothèse où il était en mesure de se prévaloir de
l'absence de pouvoir de l'intermédiaire (ce qui est exceptionnel), est privé de ce droit.
Ex. la ratification de la vente de la chose d'autrui par le vrai propriétaire prive l'acheteur de son droit de
poursuivre la nullité de la vente sur pied de l'article 1599 du Code civil.
La vente avec réserve d'élection de command est la vente dans laquelle l'acheteur, le
commandé, se réserve la faculté de se substituer, dans un certain délai, un tiers, le
command, qui prendre sa place, comme cocontractant direct du vendeur, à défaut de
quoi le commandé sera censé avoir acheté pour son propre compte.
Il s'agit d'une institution issue des usages dont le but est de permettre aux acquéreurs de
dissimuler leur identité, notamment dans les ventes publiques, afin d'éviter que les prix
ne grimpent. Elle n'est pas réglementée par le Code civil. Cependant,
✗ une disposition du Code des droits d'enregistrement s'y rapporte : il s'agit de
l'article 159, qui prévoit que le commandé a 48 heures pour payer le
command, sinon l'élection de command sera considérée comme revente sur
laquelle sera par conséquent prélevé un droit de mutation.
Le but de cette disposition est d'éviter un détournement de l'institution dans
des buts fiscaux, qui consisterait à acquérir un bien avec élection de
command pour trouver ensuite un sous-acquéreur, tout en évitant de payer un
double droit de mutation grâce au fait qu'il y a eu un seul transfert de
propriété.
Cette disposition a pour conséquence qu'en pratique, il n'y a guère de ventes
immobilières avec élection d'un command découvert après la vente ;
✗ l'article 1590 du Code judiciaire autorise, en matière de saisie exécution
immobilière, l'adjucataire à “élire command à la condition d'en faire la
déclaration devant le notaire commis ou de la lui signifier au plus tard le
premier jour ouvrable qui suit celui où expire le délai légal de surenchère”.
Dans l'esprit original de l'institution, le commandé agit sur ordre de son command. Mais
dans une sortre de détournement de l'institution, il est possible de trouver un command
entre la vente et l'élection.
A l'exception de l'hypothèse de l'article 1590 du Code judiciaire, il est constant que la
clause de réserve d'élection de command doit être acceptée par le vendeur. En effet, en
cas d'élection de command, tout se passe comme si le command avait été le véritable
acquéreur dès le départ. Le commandé, lui, disparaît de l'opération, et le vendeur est
donc en principe dépourvu de tout recours contre ce dernier. Le commandé ne garantit
pas l'exécution par le command de ses obligations, sauf dans l'hypothèse de l'article
1590 du Code judiciaire.
La vente avec élection de command se distingue donc de la vente à un prête-nom en ce
que dans la première, le vendeur a accepté le risque de se retrouver avec un autre
cocontractant, mais pas dans la seconde, où le prête-nom a dû dissimuler qu'il agissait
pour le compte d'autrui.
Si le commandé agit en son nom propre sur ordre d'un commandé (mais non s'il
découvre un command sur le tard), il est une sorte de mandataire non représentatif, ou
plus précisément une sorte de commissionnaire qui dévoile sa qualité, mais non le nom
de son mandant. En cas d'élection de command, tout se passera comme si le command
65
avait dès l'origine agi comme mandataire au nom et pour compte d'autrui.
Il y a donc dans ce cas représentation parfaite avec effet rétroatif. Un mandat non
représentatif se transforme en mandat représentatif.
En revanche, le commettant ne pourrait transformer la commission en mandant représentatif parce que le
tiers cocontractant du commissionnaire n'a pas accepté de prendre le risque de se retrouver avec un autre
contractant, dont la solvabilité pourrait être moindre.
Selon P.A. Foriers, rien n'empêche qu'un représentant contracte au nom d'une personne à
désigner ultérieurement. L'opération fait penser à la vente avec réserve d'élection de
command si l'on supprime la possibilité du commandé d'acquérir en nom propre s'il n'élit pas
command.
Il faut évidemment que le tiers cocontractant accepte cette formule, qui lui fait courir un
double risque :
– celui de la solvabilité de la personne qui sera désignée (comme dans la vente
avec réserve d'élection de command) et
– celui du défaut de ratification. En effet, le représentant ne pourrait être tenu
responsable d'un défaut de ratification, sauf promesse de porte-fort. Néanmoins,
il pourrait engager sa resposabilité s'il savait ou devait savoir que son donneur
d'ordre ou la personne q'il a désignée était manifestement insolvable ou incapable
(on pourrait lui reprocher une culpa in contrahendo, s'il a agi sur ordre d'un
mandant insolvable ou incapable, ou un manquement à la bonne foi qui doit
présider à la désignation du tiers, s'il n'a pas agi sur ordre d'un mandant).
ESSAI DE SYNTHÈSE :
66
2. La théorie de la simulation
a. Généralités
NOTIONS :
CONDITIONS DE LA SIMULATION :
La simulation suppose
(1) l'existence de deux conventions contemporaines l'une de l'autre (la convention
apparente et la convention secrète) ;
(2) l'identité des parties à l'acte apparent et à l'acte secret, ou plus exactement,
l'identité des parties à l'accord simulatoire ;
La simultanéité de l'acte apparente et de l'acte secret doit être au moins intellectuelle :
l'accord simulatoire a pour but de masquer la réalité sous les dehors d'un acte apparent
(élément intentionnel).
On ne sera donc pas en présence d'une simulation :
✗ si les parties modifient une convention par un accord subséquent ;
✗ si les parties à une convention unique la qualifient mal ;
✗ si par acte séparé, les parties précisent l'interprétation à donner à certaines clauses, pour
autant que cet acte interprétation ne s'écarte si loin de ces clauses qu'il puisse être
considéré comme une contre-lettre.
On considère généralement que la simulation ne saurait s'appliquer aux actes
unilatéraux. En effet, dans ce cas l'acte secret s'apparente à une réserve mentale sans
effet.
LICÉITÉ :
67
SIMULATION ET FRAUDE À LA LOI :
b. Degrés de la simulation
GÉNÉRALITÉS :
• La SIMULATION est TOTALE lorsque l'acte secret détruit totalement les effets de l'acte
apparent.
Ex. vente fictive entre deux parents en vue de faire échapper un bien à des poursuites.
• La SIMULATION est PARTIELLE si l'acte secret ne détruit pas complètement les effets de l'acte
apparent. Tel est le cas du déguisement, total ou partiel.
• Il y a déguisement total lorsque le contre-lettre modifie la nature juridique de
l'acte apparent. Ex. donation déguisée sous la forme d'une vente.
68
• Il y a déguisement partiel lorsque la contre-lettre se limite à modifier le
contenu de certaines clauses de l'acte apparent. Ex. dans une vente immobilière, le
prix convenu en secret est plus élevé que le prix mentionné dans l'acte authentique.
• Enfin, la SIMULATION peut intervenir PAR INTERPOSITION DE PERSONNE.
Ex. un patient mourant qui souhaite gratifier son médecin frappé d'incapacité spéciale de recevoir donne un
bien à sa nièce pour que celle-ci le lui remette.
Pareille simulation suppose que les 3 personnes soient parties à l'accord simulatoire :
dans l'exemple, le patient, le médecin et la nièce.
c. Effets de la simulation
• Les tiers peuvent s'en tenir à l'acte apparent et ne peuvent se voir opposer l'acte secret
(art. 1321 C. Civ.)22 s'ils n'ont pas eu, ou n'ont pas pu avoir, connaissance de l'acte
secret au moment où il est intervenu (“bonne foi”).
• Les tiers peuvent aussi, s'ils le souhaitent, agir en déclaration de simulation pour se
prévaloir de l'acte secret. Il leur suffit de démontrer un simple intérêt à agir sans qu'ils
doivent se prévaloir d'un préjudice.
• Si plusieurs tiers agissent en des sens contradictoires, les uns préférant se prévaloir de
la convention secrète et les autres, de la convention apparente, la solution est
controversée. Aujourd'hui, on fait le plus souvent prévaloir l'acte apparent en se basant
sur l'article 1321 du Code civil (alors que dans le passé on faisait prévaloir l'acte réel).
22
Art. 1321. C. civ. : “Les contre-lettres ne peuvent avoir leur effet qu'entre les parties contractantes; elles n'ont
point d'effet contre les tiers.”
69
d. La preuve de la simulation
Entre les parties, application de l'article 1341 du Code civil en matière civile.
Les tiers peuvent faire la preuve de la simulation par toute voie de droit.
■ Si une convention apparente dissimule une opération illicite, tant la convention apparente
que la convention réelle sont illicites et ne peuvent sortir leurs effets.
■ Mais il se peut aussi que seul l'accord simulatoire soit illicite. Ex. dans une vente immobilière, le prix
convenu secrètement est supérieur au prix mentionné dans l'acte authentique en vue de réduire le montant des
droits d'enregistrement. Selon un arrêt de la Cour de cassation du 10 novembre 1949, cet accord simulatoire
n'affecte pas la validité de la vente elle-même. Un arrêt du 18 mars 1988 semble confirmer cette solution, même
s'il a été interprété dans des sens divers.
70
CHAPITRE 2 : INTERPRÉTATION DES CONTRATS
Interpréter une convention, c'est rechercher le sens et la portée des dispositions de celle-ci ,
qu'elles soient écrites (ce qui est le plus souvent le cas) ou verbales. Le juge doit interpréter
soit parce que les parties se sont mal ou incomplètement exprimées, soit, de manière plus
générale, parce que tout texte nécessite une interprétation. Le but est de déterminer le
portée réelle de l'accord des parties.
Si l'interprétation relève, en principe, du pouvoir souverain du juge du fond car l'article 1156
impose de rechercher la commune intention des parties (donc un élément de fait), la
qualification, elle, touche directement une question de droit. La Cour de cassation exerce
donc son contrôle sur la manière dont le juge a qualifié les faits qu'il a constatés.
Dans la pureté des principes, l'interprétation et la qualification sont deux moments distincts.
Toutefois, en pratique, il y a une certaine interaction entre ces deux procédés :
• l'interprétation peut avoir une incidence décisive sur la qualification ;
• lorsqu'il interprète, le juge ne peut pas faire abstraction des catégories juridiques :
✗ si les parties n'ont pas qualifié leur convention, le juge en interprétera
la portée en ayant à l'esprit les deux ou trois qualifications possibles ;
✗ si les parties ont qualifié leur convention, le juge aura tendance à
interpréter la convention en fonction de cette qualification.
1. Règles applicables
Les principes d'interprétation des conventions sont énoncés aux articles 1156 à 1164 du
Code civil. On retrouve également des règles d'nterprétation dans la réglementation de
certains contrats particuliers (ex. Art. 1602 C. civ. en matière de vente, qui déroge
71
partiellement à l'article 1162).
Longtemps, la Cour de cassation a considéré que ces dispositions constituaient de simples
conseils adressés au juge du fond, qui pouvait s'en écarter. Mais depuis une dizaine
d'années, la Cour reconnaît au contraire à ces dispositions le statut de règles de droit à part
entière, même si certains de ces articles laissent une grande latitude au juge.
Article 1156 C. civ. : “On doit dans les conventions rechercher quelle a été la commune
intention des parties contractantes, plutôt que de s'arrêter au sens littéral des termes”.
En vertu de ce principe de base, le juge doit rechercher la commune intention des parties
pour faire prévaloir leur volonté réelle sur leur volonté déclarée.
Aujourd'hui, on considère que ce principe s'oppose au concept de la “barrière du verbe”, qui
voudrait que le juge ne pourrait pas interpréter les conventions claires.
Pour rechercher l'intention des parties, le juge peut se fonder sur des éléments intrinsèques
ou extrinsèques à l'acte (ex. le contenu des pourparlers préliminaires ou l'exécution donnée
au contrat)
C'est la volonté commune des parties que le juge doit rechercher, et non pas la volonté de
l'une d'elles. Il faut que cette volonté se soit exprimée d'une manière ou d'une autre.
L'intention secrète d'une des parties ne peut avoir d'effet en droit. Il faut spécialement avoir
ce principe à l'esprit lorsqu'on interprète un contrat multipartite (ex. dans les sociétés anonymes,
l'intention des fondateurs n'est pas nécessairement connue de ceux qui ont rejoint la société par la suite).
La recherche de la commune intention des parties est en principe souveraine en fait.
72
3. Article 1162 du Code civil (comp. art. 1602 C. civ. en
matière de vente)
Article 1162 C. civ.: “Dans le doute, la convention s'interprète contre celui qui a stipulé, et en
faveur de celui qui a contracté l'obligation”.
En vertu de cette disposition, le juge ne peut, en cas de doute, donner à la convention un
sens défavorable au débiteur.
Cette règle constitue plus un principe d'équité qu'une application de l'article 1156.
La Cour de cassation a précisé que cet article n'est applicable qu'en cas de doute sur la
portée de la convention. Il faut que le juge ne parvienne pas à déterminer la volonté des
parties pour recourir à cette disposition.
Comment appliquer l'article 1162 aux les contrats synallagmatiques et aux conventions
comportant des clauses limitatives ou exonératoires de responsabilité ?
En réalité, il faut appliquer l'article 1162 non pas globalement au contrat, mais obligation par
obligation.
En ce qui concerne les clauses limitatives de responsabilité, la Cour de cassation estime
que puisqu'au regard de cette clause, c'est le débiteur de l'obligation qui stipule et le
créancier de l'obligation qui s'oblige, il faut l'interpréter contre le débiteur de l'obligation
(c'est-à-dire celui qui a limité sa responsabilité). La clause limitative de responsabilité stipulée par un
transporteur s'interprète donc, en cas de doute, contre le transporteur.
Le Code civil contient des règles particulière d'interprétation qui sont souvent de bon sens.
Article 1157 C. civ. : “Lorsqu'une clause est susceptible de deux sens, on doit plutôt
l'entendre dans celui avec lequel elle peut avoir quelque effet, que dans le sens avec lequel
elle n'en pourrait produire aucun”.
Le jurisprudence fait une application extensive de cette disposition lorsqu'elle en déduit que
quand une clause est valable dans un sens, nulle dans l'autre, il faut l'interpréter dans le
sens où elle est valable.
Cet article ne signifie pas que le juge doive toujours entendre une clause dans un sens où
elle est susceptible d'avoir quelque effet. Il peut, en se fondant sur les éléments de la cause,
choisir une autre interprétation.
Art. 1160 C. civ. : “On doit suppléer dans le contrat les clauses qui y sont d'usage,
quoiqu'elles n'y soient pas exprimées”.
Cette disposition est une application de l'idée selon laquelle l'usage est une source de droit
supplétif.
73
c. Art. 1161 C. civ.
Art. 1161 C. civ. : “Toutes les clauses des conventions s'interprètent les unes par les autres,
en donnant à chacune le sens qui résulte de l'acte entier”.
En d'autres termes, il vaut mieux interpréter une convention en considérant l'ensemble de
ses clauses et non ses dispositions prises isolément, de manière à ce que la convention
forme un tout cohérent.
d., e., f. et g. Art. 1158, 1159, 1163 et 1164 C. civ. (lire ces textes)
Selon les articles 1135 et 1160 du Code civil, les conventions doivent s'entendre non
seulement des clauses que les parties y ont insérées, mais aussi des suites que les
coutumes et les usages imposent.
74
7. Remarques générales
Il est constant que le juge du fond n'est pas tenu par la qualification que les parties ont
donnée à leur convention. Au contraire, il doit le cas échéant l'écarter pour donner à la
convention sa qualification légale.
Mais cela ne signifie pas que la qualification donnée par les parties n'ait aucune utilité.
• En effet, tout d'abord, le juge ne peut la redresser que s'il constate que la convention
comporte des éléments inconciliables avec cette qualification.
Dans un premier temps, la Cour de cassation a fondé cette solution sur la foi due aux
actes. Or, lorsqu'il qualifie une convention, le juge tranche en droit. Il ne peut donc
être question de foi due aux actes. C'est pourquoi, aujourd'hui, la Cour de cassation
se fonde sur les règles organiques des actes en cause.
• Ensuite, les parties ont intérêt à qualifier leur convention dans les cas limites.
Ex. un marchand de journaux dans une gare est-il un mandataire, un entrepreneur ou un employé? Si
les parties n'ont pas qualifié le contrat, le juge décidera qu'il s'agit d'un contrat de travail (pour protéger
le marchand). Mais si les parties ont mentionné expressément qu'il s'agissait d'un mandat ou d'un
contrat d'entreprise, le problème sera plus délicat.
75
CHAPITRE 3 : EFFETS DES CONTRATS
Art. 1165 C. civ. : “Les conventions n'ont d'effet qu'entre les parties contractantes ; elles ne
nuisent point aux tiers et elles ne leur profitent que dans le cas prévu à l'article 1121”.
Cet article est à la base du principe de la relativité des conventions, qui veut que ces
dernières ne lient que les parties contractantes.
En réalité, il faut distinguer les effets internes et les effets externes des conventions. Le
principe de la relativité des conventions ne s'applique qu'aux effets internes des contrats.
• Les effets internes sont directement liés aux droits et obligations générés par le
contrat.
– Seules les parties sont tenues des obligations dérivant du contrat.
– Seules, en principe, les parties peuvent directement puiser des droits dans
un contrat.
• Les effets externes découlent de l'existence même du contrat, qui, en tant que
telle, s'impose aux tiers.
Se pose donc la question de base : qui sont les parties, et qui sont les tiers? Il s'agit d'une
question très controversée.
Certains auteurs ont une conception réductrice des parties : pour eux, seules les parties à la
procédure contractuelle sont des parties. Mais ces auteurs sont obligés de faire des
distinctions dans les tiers. Finalement, c'est une question de mots. P.A. Foriers préfère avoir
une vision large des parties.
1. Les parties
Sont parties, les parties qui ont participé à la convention en leur nom personnel, ainsi que,
selon P.A. Foriers, les représentants (ceux-ci sont néanmoins dans une situation particulière
puisqu'ils ne sont pas tenus par les effets essentiels de la convention).
76
b. Les ayants cause universels ou à titre universel
En principe, par application de l'article 1122 du Code civil, les ayants cause universels ou à
titre universel doivent être considérés comme des parties aux conventions conclues par leur
auteur.
Toutefois, ils cessent d'être parties aux conventions conclues par leur auteur lorsqu'il
invoquent un droit propre = un droit qu'ils ne tiennent pas d'une convention conclue par leur
auteur, mais d'une autre source, la loi par exemple.
Ex. un héritier, tenu d'exécuter les engagements de ses parents, se prévaut de sa réserve pour réduire une
donation.
Il s'agit
– des cessionnaires d'une position contractuelle ;
– des personnes qui s'ajoutent comme partie à un contrat multipartite ouvert ;
– du tiers qui ratifie un acte passé en son nom (mais n'est-il pas une partie représentée?).
Il s'agit des créanciers qui agissent l'action oblique contre les créanciers de leur débiteur
inactif, au nom et pour le compte de ce dernier. Ils doivent être considérés comme parties
aux conventions conclues par leur débiteur inactif.
2. Les “tiers”
Sont des tiers, toutes les personnes qui ne sont pas considérées comme parties à la
convention. Ils ne peuvent se voir imposer ni profiter des effets internes de la convention.
Mais parfois il y a des tiers particuliers. Par exemple,
• les tiers au sens de la loi hypothécaire : les tiers que la loi hypothécaire entend protéger sont ceux
qui ont acquis des droits sur l'immeuble concerné.
• les tiers au sens de l'ancien article 1690 du Code civil, en matière de cessions de créance,
auxquels celle-ci n'était opposable que moyennant l'accomplissement de certaines formalités.
77
C. OPPOSABILITE AUX TIERS DES EFFETS
EXTERNES DES CONVENTIONS
1. Généralités :
a. Principe
Rappel : la règle de l'article 1165 du Code civil concerne les effets internes des conventions,
mais non leurs effets externes qui sont liés à l'existence même de la convention, existence
qui s'impose aux tiers.
Ce principe a été consacré par la Cour de cassation dans un arrêt de principe du 27 mai
1909, qui a décidé que les tiers pouvaient constater l'existence d'une convention et tirer
argument de cette existence, non pour réclamer à leur profit l'exécution des obligations
qu'elle stipule, mais pour en déduire des conséquences favorables ou défavorables pour les
parties.
b. Cas d'application
78
CLAUSES D'EXCLUSIVITÉ OU DE PRIX IMPOSÉS : EFFET INTERNE :
De telles clauses sont licites dans la mesure où elles ne se heurtent pas au droit interne ou
européen de la concurrence. Elles ne créent pas d'obligations à l'égard des tiers, sauf
application de la théorie de la tierce complicité.
L'existence d'une convention s'impose aux tiers mais ceux-ci ne sont pas directement tenus
des obligations qui découlent d'une convention. Toutefois, le tiers qui se rend tiers complice
de la violation par une des parties au contrat de ses obligations contractuelles commet une
faute extra-contractuelle.
Ex. un cafetier conclut un bail commercial avec une brasserie et signe avec elle un contrat d'approvisionnement
exclusif. Un brasseur concurrent n'est a priori pas tenu par cette disposition contractuelle. Toutefois, il pourrait
engager sa responsabilité extra-contractuelle s'il encourageait le cafetier à violer son devoir d'exclusivité.
La théorie de la tierce complicité a connu une certaine évolution.
• Au départ, la Cour de cassation considérait qu'on ne pouvait déduire qu'un tiers s'était
rendu tiers complice du seul fait qu'il connaissait l'existence de la convention dont les
obligations ont été violées avec sa participation :
✗ Arrêt du 24 novembre 1932, à propos d'un brasseur qui avait fourni des bières à un
cafetier alors qu'il savait que celui-ci était lié à un autre brasseur par une clause
d'approvisionnement exclusif : “il faut en outre et nécessairement qu'il ait agi en vue
d'aider [le débiteur] à violer ses engagements”.
✗ Arrêt du 17 juin 1960 : l'arrêt attaqué ne pouvait décider que les tiers sont tenus de s'abstenir d'importer
et de vendre des produits dont ils savent qu'un commerçant en a obtenu d'un cocontractant le monopole
d'importation et de vente car cela aurait pour effet, au mépris de l'article 1165 du Code civil, de lier en
toutes circonstances les tiers. Le juge du fond aurait dû rechercher notamment si les tiers en question
“ne s'étaient pas rendus tiers complices d'une faute contractuelle commise par la firme à laquelle ils
avaient acheté les produits”.
• Cette jurisprudence de la Cour de cassation a été critiquée par une partie de la doctrine
et de la jurisprudence qui estimait que le simple fait de prêter sciemment son concours à
la violation d'une obligation contractuelle constituait une faute aquilienne.
Plusieurs arrêts de la Cour de cassation ont consacré cette thèse, notamment les arrêts
du 21 avril 1978 et du 22 avril 1983. Ce dernier rejette le pourvoi formé contre un arrêt qui avait
considéré que le demandeur en cassation, qui avait collaboré à la violation d'une clause de réserve de
propriété, avait commis une faute parce qu'il savait ou devait savoir qu'il plaçait la défenderesse dans
l'impossibilité de faire valoir son privilège : “l'arrêt déduit par conséquent la faute quasi-délictuelle du
demandeur de la connaissance qu'il avait ou devait avoir de la situation existante et de la collaboration qu'il
a néanmoins apportée à la violation des obligations contractuelles ; [...`] ces considérations sont suffisantes
pour en déduire la responsabilité de la demanderesse fondée sur les articles 1382 et 1383 du Code civil”.
Depuis cet arrêt, on enseigne généralement qu'il y a tierce complicité dès lors que le
tiers sait ou doit savoir que le contrat qu'il conclut implique la violation par son
cocontractant d'une obligation contractuelle.
• Mais en réalité, selon P.A. Foriers, tout est question d'espèce. Il faut voir dans chaque
cas s'il y a eu violation de l'article 1382 du Code civil, donc se demander ce qu'aurait fait
un bon père de famille. D'ailleurs, si l'on admet que dans tous les cas, le tiers qui
participe à la violation d'une obligation contractuelle qu'il connaît se rend tiers complice
de cette violation, cela revient en réalité à imposer les effets internes de ce contrat.
✗ Ainsi, selon P.A. Foriers, une personne qui acquiert un immeuble libre d'occupation, alors qu'elle sait
que cet immeuble est loué, ne se rend pas normalement pas tiers complice des obligations du bailleur
parce qu'elle peut raisonnablement penser que ce dernier a l'intention de résilier la bail à l'amiable.
✗ Les verriers belges se fournissent en carbonate de soude auprès de Solvay. Puis, suite à la chute du
79
dollar, ils prennent des engagements à l'égard de fournisseurs américains, devenus compétitifs. Solvay,
pour qui cela est catastrophique, puisqu'il sera obligé de fermer ses usines, se tourne alors vers le
ministre des affaires économiques, qui parvient à convaincre les verriers de traiter avec Solvay. Les
fournisseurs américains se retournent contre Solvay en lui reprochant de s'être rendu tiers complice des
violations des obligations des verriers. Mais la Cour d'appel rejette leur action parce que compte tenu
des circonstances, aucune faute ne pouvait être reprochée à Solvay.
La tierce complicité suppose une coopération directe à la violation d'une obligation
contractuelle. Ainsi, un importateur parallèle qui se fournit légalement à l'étranger chez un distributeur peut
vendre les produits en Belgique même s'il existe en Belgique un concessionnaire exclusif pour ce type de
produits.
– Les contre-lettres sont inopposables aux tiers (mais ceux-ci peuvent s'en prévaloir).
– Les actes frauduleux sont inopposables aux tiers (Fraus omnia corrumpit les rend
inopposables).
– ...
– L'ancien article 1690 c. civ. subordonnait l'opposabilité de la cession de créance aux tiers
intéressés à l'accomplissement de certaines formalités.
– La publicité hypothécaire protège les tiers au sens de la loi hypothécaire. (Pour les
autres tiers, on applique les principes de droit commun.)
– ...
1. Principe
80
2. Les exceptions
NOTION :
Article 1121 C. civ. : “On peut pareillement stipuler au profit d'un tiers, lorsque telle est la
condition d'une stipulation que l'on fait pour soi-même ou d'une donation que l'on fait à
un autre. Celui qui a fait cette stipulation, ne peut plus la révoquer, si le tiers a déclaré
vouloir en profiter”.
La stipulation pour autrui est l'opération par laquelle une partie à un contrat (le stipulant)
impose à une autre partie, qui accepte (le promettant), de faire ou ne pas faire ou donner
quelque chose au profit d'un tiers (le tiers bénéficiaire) qui puisera, par l'effet de cette
stipulation, un droit direct dans le contrat en cause.
Sauf controverse, on considère que le promettant s'engage à l'égard du bénéficiaire par déclaration
unilatérale de volonté. Cet engagement est toutefois particulier puisqu'il dérive d'un contrat, dont il est
l'accessoire.
Exemples :
• la stipulation pour autrui est fréquente en matière d'assurance (ex. assurance vie au profit d'un tiers : la
société de l'assuré, un ami, un frère...) ;
• charge au profit d'un tiers (ex. rente viagère) dans le cadre d'une donation ;
• disposition d'un contrat d'entreprise réservant au sous-traitant le droit d'obtenir paiement directement du
maître de l'ouvrage, en dehors de toute action directe ;
• clauses insérées dans les contrats passés entre une administration communale et des sociétés de
distribution d'eau, de gaz, d'électricité... en vertu desquelles ces sociétés contractent des obligations vis-
à-vis des habitants de la commune.
La stipulation pour autrui suppose tout d'abord que soient réunies toutes les conditions
de validité des contrats en général.
Elle n'est soumise à aucune exigence de forme. Toutefois, elle doit respecter les
conditions de forme qui s'appliquent le cas échéant au contrat principal.
En outre, la stipulation pour autrui doit respecter trois conditions spécifiques.
81
2. INTENTION DE STIPULER POUR AUTRUI ET NON POUR SOI-MÊME :
• Parfois, la loi vient au secours du stipulant pour préciser le bénéficiaire désigné avec une certaine
ambiguïté (ex. art. 107 et s. de la loi du 25 juin 1992 sur le contrat d'assurance terrestre).
• Le tiers doit être déterminé ou déterminable au moment où le droit s'ouvre.
En revanche,
✗ il ne doit pas exister au moment de la conclusion du contrat ex. un enfant à naître
dans quelques années ou une société à constituer peuvent être bénéficiaires ;
✗ il ne doit pas être déterminé ou déterminable au moment de la conclusion du
contrat.
La loi du 25 juin 1992 sur le contrat d'assurance terrestre fait application de ces
principes lorsqu'elle prévoit qu'il est possible de stipuler une assurance au profit
d'un tiers, tiers qui ne doit pas être désigné ni même conçu au moment de la
conclusion, mais doit être déterminable au jour de l'exigibilité des prestations
d'assurance.
La stipulation pour autrui a pour effet de faire naître au profit du tiers bénéficiaire un droit
direct et immédiat contre le promettant.
Le tiers ne doit pas accepter, ni même être au courant de la stipulation pour acquérir ce
droit. Il en résute qu'il ne doit en principe pas être capable ou doté d'une volonté capable
de se manifester.
Ce principe connaît une seule exception : la stipulation pour autrui sera nulle si le tiers
bénéficiaire est frappé d'une incapacité spéciale de recevoir (ex. assurance vie contractée par
le malade mourant au profit de son médecin).
L'acceptation du bénéficiaire a pour effet d'empêcher la révocation de la stipulation.
Le stipulant et le promettant sont liés par le contrat principal qui prévoit la stipulation. Le
stipulant peut donc agir contre le promettant en exécution de la stipulation, et
l'inexécution de la stipulation peut faire l'objet d'une clause pénale au profit du stipulant.
82
(c) RAPPORT ENTRE LE STIPULANT ET LE TIERS BÉNÉFICIAIRE :
Par dérogation à l'article 1165 C. civ., le tiers a un droit direct contre le promettant, dont il
devient le créancier direct.
Cependant, le droit direct du bénéficiaire demeure l'accessoire du contrat principal qui
prévoit la stipulation pour autrui. Par conséquent,
• si le contrat principal est résolu, le droit du bénéficiaire disparaît. Il s'ensuite que
si le promettant a exécuté la stipulation, il peut agit en répétition de l'indu ;
• si le promettant peut se prévaloir de l'exception d'inexécution en ce qui concerne
le contrat principal, il peut aussi suspendre l'exécution de la stipulation pour
autrui.
b. L'action directe
NOTION :
Il y a action directe (au sens technique du terme) lorsque la loi confère à une personne,
en dehors de toute cession à titre d'accessoire, ou de toute stipulation pour autrui, le
droit d'exercer un recours contre un cocontractant de son débiteur sans passer par le
patrimoine de ce dernier.
Il s'agit d'une dérogation à la relativité des conventions puisque d'une certaine manière,
le titulaire de l'action directe peut exiger à son profit l'exécution des obligations découlant
du contrat conclu par son débiteur et le débiteur de celui-ci.
L'action directe a, en principe, effet de privilège puisque son produit est acquis à son
titulaire sans passer par le patrimoine du débiteur, et donc sans devoir subir un concours
avec les autres créanciers de celui-ci.
L'action directe produit par ailleurs des effets analogues à ceux d'une saisie-arrêt.
L'action directe est un concept d'origine entièrement doctrinale (au contraire de l'action
oblique). Elle est née dans notre droit au départ de trois dispositions légales :
• Art. 1753 al. 1 C. civ. : “Le sous-locataire n'est tenu envers le propriétaire que
jusqu'à concurrence du prix de sa sous-location dont il peut être débiteur au
moment de la saisie, et sans qu'il puisse opposer des payements faits par
anticipation”. On a déduit de cet article une action directe du bailleur contre le
sous-locataire.
• Art. 1798 ancien C. civ. : “Les maçons, charpentiers et autres ouvriers qui ont
été employés à la construction d'un bâtiment ou d'autres ouvrages faits à
l'entreprise, n'ont d'action contre celui pour lequel les ouvrages ont été faits,
que jusqu'à concurrence de ce dont il se trouve débiteur envers
l'entrepreneur, au moment où leur action est intentée”. On a déduit de cette
disposition que certains sous-traitants dans le domaine de la construction
avaient une action directe contre le maître de l'ouvrage.
83
• Art. 1994 al. 2 C. civ. : “Dans tous les cas, le mandant peut agir directement
contre la personne que le mandataire s'est substituée”. On en a déduit que le
mandant avait un recours direct contre le substitué de son mandataire.
• Toutefois, si l'on se penche sur le texte de ces dispositions et leur histoire, on
s'aperçoit qu'aucune d'elles n'établit une action directe :
✗ L'article 1753 C. civ. est intimement lié au privilège du bailleur sur
les biens garnissant les biens loués (peu importe en principe qu'ils
appartiennent ou pas au locataire), auquel il apporte en réalité une
limite. A l'image de la jurisprudence du Parlement de Paris, au
XVIIe siècle, cette disposition protège le sous-locataire contre un
exercice trop large du privilège du bailleur. Par ailleurs, l'article
1753 de parle pas de recours...
✗ L'article 1798 ancien, en réalité, ne créait pas une action directe,
mais plutôt un autre type d'action. Toutefois, pour des raisons
d'opportunité (par souci de protection des sous-traitants en
question), on a considéré qu'il en établissait une.
N.B. Depuis qu'il a été modifié, il prévoit expressément une action
oblique.
✗ Quant au recours prévu à l'article 1994 al. 2 C. civ., il peut en
réalité s'expliquer autrement :
- en cas de substitution autorisée, il existe une relation
contractuelle, née par la représentation, entre le mandant
et le mandataire substitué ;
- en cas de substitution non autorisée, selon P.A. Foriers, la
solution s'explique par le fait que le substitué serait un tiers
qui adhèrerait au contrat de mandat originaire. Cette
analyse correspond à une certaine jurisprudence de la
Cour de cassation belge.
• Curieusement, sous l'impulsion de certains auteurs, on a déduit le concept
d'action directe de ces dispositions. Ce concept a été consacré par la Cour de
cassation française. Ensuite, le législateur en a créé de véritables.
En Belgique, le législateur a créé des actions directes (modification de l'article 1798 C.
civ. et textes particuliers).
84
(b) ACTIONS DIRECTES RÉSULTANT DE TEXTES PARTICULIERS :
En principe, le défendeur à l'action directe peut opposer au demandeur une double série
d'exceptions :
– toutes les exceptions que le débiteur intermédiaire aurait pu opposer au demandeur
ex. si le sous-traitant agit contre le maître de l'ouvrage sur base de l'article 1798 C. civ., celui-ci peut lui
opposer la prescription de la créance de l'entrepreneur à l'égard du sous-traitant, la nullité du contrat qui
lie l'entrepreneur au sous-traitant, ...
– toutes les exceptions que lui, le défendeur, aurait pu opposer au débiteur
intermédiaire ex. le sous-traitant ne peut agir contre le maître de l'ouvrage qu'à concurrence de ce
que celui-ci doit à l'entrepreneur ; le maître de l'ouvrage peut opposer l'exception d'inexécution dont il
peut se prémunir à l'égard de l'entrepreneur ; ... En ce qui concerne cette deuxième série
d'exceptions, on considère généralement en Belgique qu'elles doivent être nées
avant l'exercice de l'action directe ex. le maître de l'ouvrage ne peut faire obstacle à l'action du
sous-traitant en payant sa dette vis-à-vis de l'entrepreneur après l'intentement de l'action.
85
(ii) Régimes dérogatoires (actions directes parfaites) :
NOTION :
• Par dérogation à l'article 1119 C. civ., selon lequel “On ne peut, en général, s'engager, ni
stipuler en son propre nom, que pour soi-même”, l'article 1120 C. civ. dispose que
“Néanmoins on peut se porter fort pour un tiers, en promettant le fait de celui-ci ; sauf
l'indemnité contre celui qui s'est porté fort ou qui a promis de faire ratifier si le tiers
refuse de tenir l'engagement”.
• La convention de porte-fort est la convention par laquelle le porte-fort s'engage vis-à-vis
de son cocontractant à rapporter soit l'engagement, soit la ratification d'autrui, à défaut
de quoi il sera tenu de dommages-intérêts.
• On y recourt notamment en cas d'urgence ou lorsque le tiers est inaccessible, voire
n'existe pas encore (société à constituer).
• Classiquement la promesse de porte-fort peut
– soit consister dans la promesse de l'engagement ou du fait d'un tiers,
– soit consister dans la promesse d'un acte accompli sans pouvoir au nom d'un
tiers. En cas de ratification, tout se passera, en principe, comme s'il y avait eu un
mandat valable dès l'origine.
Le porte-fort sera tenu de dommages-intérêts si le tiers ne s'engage pas, n'accomplit
pas le fait ou ne ratifie pas l'acte.
• Mais en pratique (par dérogation au droit commun du porte-fort), il arrive que le porte-fort
s'engage à exécuter l'acte lui-même au cas où il ne serait pas ratifié ou repris par le tiers.
Tel est le cas, sauf convention contraire, pour les engagements pris au nom d'une
société en formation (art. 60 du Code des sociétés).
Les parties peuvent convenir d'un tel système.
• L'obligation du porte-fort est une obligation
– de faire
– de résultat
– personnelle, en ce sens qu'elle ne lie que le promettant et non le tiers concerné.
• Puisque la promesse de porte-fort ne lie pas le tiers concerné, elle peut en principe
porter sur tout type d'obligation (de faire, de ne pas faire ou de donner) et sur tout type
de convention (consensuelle ou solennelle).
86
EFFETS :
• A l'égard du tiers visé, la convention ne produit aucun effet (donc il n'y a pas de
véritable exception à l'article 1165 du Code civil).
• Si le tiers conclut l'acte promis, il prend naissance à sa date et le porte-fort est délié.
• Si le tiers ratifie l'acte accompli avec promesse de ratification, l'acte est censé avoir
été conclu comme s'il y avait mandat dès l'origine. Le porte-fort est délié et est dans
la même situation qu'un représentant.
La rétroactivité de la ratification ne peut toutefois porter atteinte à des droits acquis
par des tiers dans l'intervalle (art. 1338 C. civ.).
87
f. La théorie de l'après-acte
Cette théorie, développée par Demogue, consiste à reconnaître que, dans certaines
conditions, un tiers puisse bénéficier d'une convention et être tenu de ses charges en y
adhérant expressément ou même tacitement.
Exemples :
– Arrêt de la Cour de cassation du 28 novembre 1975 : un assuré avait prêté sa voiture à
un ami, qui avait causé un accident. La Cour de cassation a admis que la compagnie
d'assurance puisse se retourner contre le conducteur, alors qu'il n'était pas partie au
contrat d'assurance, parce que celui qui prend le volant adhère implicitement aux
stipulations de la convention d'assurance qui le concernent.
– La ratification est, selon P.A. Foriers, une application de la théorie de l'après-acte.
– Cette théorie explique les effets du contrat de transport à l'égard du destinataire qui n'y
est pas partie au sens de la substitution non autorisée du mandataire.
– V. cession des contrats synallagmatiques.
88
CHAPITRE 4 : LE CONTENU DE L'EFFET DES
CONTRATS ENTRE PARTIES
Les obligations découlant des conventions doivent être exécutées de bonne foi en nature.
Normalement, sauf abus de droit, il est possible de contraindre à l'exécution en nature.
Deux institutions peuvent apporter des tempéraments à ces principes, en dehors de la
théoride l'abus de droit : la théorie de l'imprévision et la théorie des sujétions imprévues.
2. La théorie de l'imprévision
a. Notion
Cette théorie consiste à admettre qu'un contrat puisse être modifié ou résilié au cas où des
circonstances inexistantes à la conclusion de celui-ci et totalement impévisibles viendraient
par la suite en bouleverser l'économie en alourdissant de manière considérable les
obligations des parties.
Il peut s'agir de circonstances économiques, politiques, technologiques, voire naturelles.
Cette théorie se distingue donc
– de la théorie de la force majeure, en ce que l'exécution de la convention ne devient pas
impossible, mais exceptionnellement lourde ;
– de la théorie de la lésion, en ce que le contrat est équilibré au départ.
– En Allemagne, ce genre de problème est réglé à l'aide de la théorie du Wegfall der Geschäftsgrundlage et du
principe d'exécution de bonne foi.
– En Italie, le Code civil permet la résolution ou la révision du contrat en cas d'excessiva onerosita.
– En Suisse, le phénomène est appréhendé au travers de la théorie de l'abus de droit et de la bonne foi.
– Dans les droits du common law, le concept de frustration vise tant des hypothèses de force majeure que
d'imprévision.
89
c. Droit positif belge
En Belgique (et en France), la théorie de l'imprévision, qui n'est prévue par aucun texte
général, est généralement rejetée comme telle en DROIT PRIVÉ : le contrat est la loi des parties.
(En revanche, le droit canon permettait la révision des conventions en cas de modification
des données de base).
En revanche, la théorie de l'imprévision est assez largement admise en DROIT ADMINISTRATIF en
vertu de la loi de continuité du service public (en effet, ce principe s'oppose à ce qu'un
cocontractant de l'administration ait de telles difficultés financières qu'il risquerait de faire
défaut).
A cet égard, l'article 16 § 2 du cahier général des charges relatif aux marchés de l'Etat
prévoit expressément que l'adjucataire peut demander
– une prolongation des délais d'exécution,
– ou, s'il a subi un préjudice très important, la révision ou la résiliation du marché,
en cas de circonstances exceptionnelles (événements raisonnablement imprévisibles et
inévitables – cas de force majeure, sujétions imprévues, imprévision...) le mettant dans
l'impossibilité d'exécuter ses obligations.
De plus, la jurisprudence aborde des cas d'imprévision par le biais d'AUTRES NOTIONS (à tel
point qu'on peut d'ailleurs se demander s'il n'y a pas de théorie de l'imprévision sans le
nom).
• La jurisprudence tourne autour de l'idée de CADUCITÉ PAR PERTE DE LA RAISON D'ÊTRE de
la convention.
• La théorie de l'ABUS DE DROIT peut faire obstacle à ce qu'une partie exige envers et
contre tout l'exécution d'une convention devenue ruineuse pour l'autre partie.
• La théorie de la FORCE MAJEURE pourrait intervenir dans certains cas, la force
majeure devant s'apprécier de manière raisonnable.
Rien n'interdit aux parties d'introduire dans leur convention une CLAUSE D'IMPRÉVISION
permettant la résiliation ou la révision du contrat dans certaines circonstances. On rencontre
de telles clauses dans la pratique contractuelle internationale.
Peut-on considérer, dans certaines circonstances, qu'il y aurait une clause d'imprévision implicite? Il faut être très
prudent à cet égard, parce que peut-être que les parties ont justement voulu supporter le risque de l'imprévision...
Pour résoudre la question, il faut vérifier si celui qui se prévaut des circonstances imprévisibles aurait dû insérer
une telle clause. Sur ce point, l'appréciation dépendra de la qualité de cette partie (spécialiste des contrats
internationaux? jeune ménage?) et des rapports de force.
a. Notion
Cette théorie est née en matière d'entreprise, mais elle peut s'appliquer à d'autres domaines.
Elle tend à remédier au bouleversement de l'économie d'un marché à forfait en raison de la
découverte en cours d'exécution de celui-ci d'éléments préexistants mais raisonnablement
imprévisibles qui entravent la réalisation de l'ouvrage.
Il s'agit souvent d'éléments géologiques.
90
b.La théorie des sujétions imprévues en droit positif
EN DROIT PRIVÉ, la théorie des sujétions imprévues a été assez aisément admise.
– Traditionnellement, on considère que dans pareille hypothèse il y a eu ERREUR SUR
LA SUBSTANCE (excusable) (erreur sur l'objet du marché), ce qui permet d'annuler la
convention.
– Or, parfois, l'annulation de la convention ne se justifie pas. Dans pareil cas, on
pourrait réviser la convention sur base du principe de l'EXÉCUTION DE BONNE FOI.
1. Principes
– peut poursuivre l'exécution en nature, si elle est possible, et le cas échéant, demander
des astreintes ou l'application des articles 1143 et 1144 du Code civil ;
– peut, par ailleurs, demander la réparation du dommage que lui a causé l'inexécution du
contrat en cause (responsabilité contractuelle) (voir tome II) ;
La théorie des risques dans les contrats synallagmatiques s'applique à l'inexécution non
fautive de ces contrats.
91
2. Le principe de l'exécution en nature de l'obligation –
rappel et précision
92
Donc, le principe de l'exécution est nature est limité par la règle selon laquelle en principe,
nemo praecise cogi ad factum. Toutefois,
• parfois la loi déroge à ce principe en autorisant l'exécution forcée en nature avec
contrainte sur la personne (ex. procédure d'expulsion) ;
• le créancier peut, lorsqu'il ne s'agit pas d'une condamnation à payer une somme
d'argent, demander au juge d'assortir son injonction d'une astreinte ;
• le créancier peut demander au juge d'appliquer les articles 1143 et 1144 C. civ.
(remplacement judiciaire), en vertu desquels le juge peut aurtoriser à titre
subsidiaire, ou même principal, le créancier d'une obligation de faire ou de ne pas
faire, fautivement inexécutée, à s'adresser à un tiers pour exécuter l'obligation
aux frais du débiteur fautif. Il s'agit d'une forme d'exécution en nature facultative
pour le juge.
• On admet par ailleurs que la victime du manquement puisse, dans des cas
exceptionnels, procéder à un remplacement sans demander l'autorisation du juge
(remplacement extrajudiciaire).
✗ Il est permis de recourir à un remplacement judiciaire à des conditions
analogues à celles qui autorisent l'anticipation sur la résolution d'un
contrat synallagmatique :
– il faut en principe qu'il y ait urgence ;
– le créancier doit s'efforcer de faire constater, si possible
contradictoirement, la situation ;
– il doit mettre le débiteur défaillant en demeure ;
– le remplacement doit intervenir sans retard à l'expiration du
délai prévu par la mise en demeure ;
– le créancier doit procéder au remplacement de bonne foi.
✗ Le remplacement intervient aux risques et périls du créancier et le juge
pourra en vérifier a posteriori le bien-fondé et les conditions.
✗ Parfois, le faculté de remplacement unilatéral est organisée par les
usages (ex. dans les ventes commerciales, manquement total à l'obligation de
délivrance).
✗ Dans certains cas limites, la bonne foi pourrait obliger le créancier à
procéder au remplacement unilatéral pour sauvegarder les intérêts du
débiteur (ex. le locataire doit faire effectuer les travaux urgents nécessaires à la
conservation du bien loué si le bailleur est absent).
Dans les contrats synallagmatiques, les obligations des parties sont liées par un rapport de
connexité, en ce sens qu'il ne se conçoit pas que l'une des parties exécute ses obligations
sans que l'autre exécute les siennes à son tour. On parle d'”exécution trait pour trait”, même
si celle-ci ne doit pas nécessairement être simultanée.
93
Cette nature particulière des contrats synallagmatiques entraîne l'application de 3 principes
en cas d'inexécution de ces contrats, outre les sanctions de droit commun :
a. la théorie des risques dans les contrats synallagmatiques ;
b. la résolution pour inexécution fautive ;
c. l'exception d'inexécution.
PRINCIPES :
Malheureusement, ces règles sont traduites dans deux adages latins qui créent des
confusions :
1. Res perit debitori : règle de droit commun (“la chose périt pour le débiteur” de
l'obligation impossible à exécuter en nature en raison d'un cas de force majeure) qui,
en réalité, ne s'applique pas seulement aux obligations portant sur une chose (il peut
aussi s'agir d'une prestation).
Elle signifie qu'en raison de la libération réciproque des parties, c'est le débiteur de
l'obligation impossible en raison du cas de force majeure qui supporte la charge
économique de celui-ci. En effet, bien que libéré, il ne sera pas payé.
Ex. le bailleur qui ne peut fournir la jouissance des lieux en raison de leur perte par cas fortuit sera privé
du loyer ; l'entrepreneur qui ne peut exécuter son marché en raison d'un cas fortuit sera privé de
rémunération.
2. Res perit creditori ou domino : règle qui déroge à la première dans les contrats
synallagmatiques translatifs de propriété. Elle signifie que si le débiteur de l'obligation
de délivrance (ex. vendeur) ne peut exécuter cette obligation en raison d'un cas de
force majeure, le créancier de cette obligation (ex. l'acheteur) ne sera pas pour
autant délié de ses obligations (en cas de vente, il devra quand même payer le prix) :
ici, res perit creditori.
Cette règle est la conséquence de l'article 1138 du Code civil, selon lequel la
23
Celui-ci résulte de (1) l'impossibilité d'exécution en nature et (2) de l'absence de faute du débiteur,
qui exclut toute exécution par équivalent. N.B. On dit souvent que le cas de force majeure doit non
seulement être insurmontable mais aussi imprévisible. Ce n'est pas tout à fait vrai. En réalité, il faut
se référer au caractère exempt de faute. Souvent, si l'événement était prévisible, le débiteur est en
faute. Mais ce n'est pas toujours le cas. A vrai dire, l'absence de faute est le coeur même de la
force majeure. La force majeure se situe à la limite de l'obligation de diligence du débiteur. D'un
point de vue conceptuel donc, c'est une notion inutile.
94
propriété de la chose et les risques y attachés se transfèrent solo consensu, sauf
clause contraire.
Historiquement, cette règle est toutefois issue du droit romain, où le transfert de propriété ne se
transférait pas solo consensu. La jurisprudence avait considéré que res perit emptori ou creditori parce
que les exportateurs ne voulaient pas supporter les risques du voyage des provinces jusque Rome.
Depuis que le transfert de propriété s'opère solo consensu, l'adage Res perit domino traduit aussi cette
idée.
CONSÉQUENCES :
Dissolution du contrat.
On dit souvent qu'elle n'a lieu que pour l'avenir. Tel est bien le cas dans les contrats
successifs. Mais la règle est contestable et connaît de fréquentes dérogations en cas
de contrats instantanés.
Sur ce point, il faut, selon P.A. Foriers, appliquer les mêmes règles qu'en cas de
résolution pour inexécution fautive. En effet, dans les deux cas, la dissolution a le
même fondement : l'interdépendance des obligations réciproques des parties.
Suspension du contrat.
• L'un des effets de la mise en demeure est de renverser la charge des risques. Par
conséquent, en cas de mise en demeure antérieure à la survenance du cas fortuit ou de
force majeure,
– la règle “res perit debitori” ne s'appliquera pas, de sorte que la partie qui a fait
l'objet de la mise en demeure ne sera pas libérée ;
– le règle“res perit domino (ou creditori)” ne s'appliquera pas , de sorte que le
créancier de l'obligation de délivrance ne devra plus payer le prix de la chose.
• Toutefois, il est fait exception à ce principe et on applique le droit commun dans
l'hypothèse où l'événement de force majeure se serait de toute façon produit avec les
mêmes conséquences en l'absence de la défaillance ayant donné lieu à la mise en
demeure. En effet, cette défaillance est alors sans lien de causalité avec l'événement de
force majeure.
95
b. L'inexécution fautive des contrats synallagmatiques
(a) PRINCIPES :
Selon l'article 1184, “La condition résolutoire est toujours sous-entendue dans les
contrats synallagmatiques, pour le cas où l'une des deux parties ne satisfera point à son
engagement.
Dans ce cas, le contrat n'est point résolu de plein droit. La partie envers laquelle
l'engagement n'a point été exécuté, a le choix de forcer l'autre à l'exécution de la
convention lorsqu'elle est possible, ou d'en demander la résolution avec dommages et
intérêts.
La résolution doit être demandée en justice, et il peut être accordé au défendeur un délai
selon les circonstances”.
Cette disposition ouvre une option au profit du créancier de l'obligation inexécutée :
– soit poursuivre l'exécution forcée en nature, si elle est possible, et le cas échéant
demander le remplacement judiciaire, sans préjudice de dommages et intérêts
complémentaires ;
– soit poursuivre la résolution du contrat (le maintien de ses obligations n'étant plus
justifié en raison de l'inexécution des obligations de l'autre) et le cas échéant
demander des dommages-intérêts complémentaires (couvrant le dommage
éventuel non réparé par les restitutions découlant de la résolution).
C'est le “pacte commissoire tacite”.
En principe, l'art. 1184 C. civ. s'applique à tous les contrats synallagmatiques, même
innommés, et notamment aux contrats de travail. Toutefois...
– Traditionnellement, des doutes ont été émis quant à son application à la
transaction. La Cour de cassation a tranché la question en faveur de
l'application de l'article 1184 à la transaction.
– L'application de l'article 1184 à l'emphytéose est controversée en raison
de la nature spéciale de ce contrat et des sanctions spécifiques prévues
par la loi de 1824.
– L'application de l'article 1184 aux contrats aléatoires (ex. contrat
d'assurance, bail à nourriture) est également controversée, certains auteurs
considérant qu'il faut appliquer l'article 1978 C. civ. prévu en matière de rente viagère24. Ils
considèrent en effet que la résolution avec effet rétroactif serait incompatible avec la nature
aléatoire du contrat, puisqu'il serait impossible de supprimer rétroactivement les bonnes ou
mauvaises chances courues par les parties. Toutefois, à la supposer exacte, cette analyse
ne pourrait être retenue qu'à l'égard des contrats aléatoires à prestations successives.
Selon P.A. Foriers, rien n'empêche d'appliquer l'article 1184 aux contrats
aléatoires, seulement, il faudra le cas échéant tenir compte de leur
caractère successif.
– L'article 1184 ne s'applique pas au partage.
En revanche, l'article 1184 ne s'applique pas aux contrats unilatéraux. Toutefois, il existe
une controverse quant à son application au prêt à intérêt, vu que celui-ci n'est uniléral
que parce qu'il est réel.
L'application de l'article 1184 aux contrats synallagmatiques imparfaits est controversée.
L'article 1184 n'est ni d'ordre public, ni impératif.
Les parties peuvent donc y déroger, soit pour supprimer l'action en résolution, soit pour
supprimer le recours au juge (pacte commissoire exprès).
24
Art. 1978 C. civ. : “Le seul défaut de payement des arrérages de la rente n'autorise point celui en faveur de
qui elle est constituée, à demander le remboursement du capital, ou à rentrer dans le fonds par lui aliéné; il
n'a que le droit de saisir et de faire vendre les biens de son débiteur, et de faire ordonner ou consentir, sur le
produit de la vente, l'emploi d'une somme suffisante pour le service des arrérages”.
96
(b) MISE EN OEUVRE DE L'ARTICLE 1184 C. CIV.
En principe, le créancier, et lui seul, peut choisir entre l'exécution forcée et la résolution,
et ce choix ne peut lui être imposé par le débiteur ou le juge.
Le débiteur ne pourrait agir en résolution que si l'autre a lui-même fautivement manqué à
ses obligations. Dans ce cas, il pourrait y avoir résolution aux torts réciproques des
parties.
En principe, le créancier, et lui seul, peut choisir entre l'exécution forcée et la résolution
de la convention. Toutefois, le juge peut intervenir dans trois séries de cas :
L'article 1184 ne permet de poursuivre l'exécution forcée que si elle est possible. Si
en revanche l'exécution en nature est impossible, seule la résolution sera en principe
possible, si le manquement est suffisamment grave (voir ci-dessous). Tout au plus, le
créancier pourra-t-il poursuivre l'exécution forcée par équivalent.
− DÉLAI DE GRÂCE :
Le résolution est une mesure grave. C'est pourquoi, l'article 1184 impose
l'intervention du juge pour lui prononcer et lui permet de donner un délai au débiteur
pour s'exécuter.
Le pouvoir du juge est ici plus large qu'en matière de délai de grâce en général. Le
débiteur ne doit pas nécessairement être “malheureux et de bonne foi”.
− L'ABUS DE DROIT :
97
(iii) Nécessité d'une mise en demeure préalable :
• Même si l'article 1184 C. civ. impose de recourir au juge pour prononcer la résolution du
contrat, la jurisprudence admet depuis longtemps que dans certains cas de
manquements particulièrement graves, la victime de ce manquement puisse notifier elle-
même la résolution pour, le cas échéant, conclure avec un tiers un contrat de
remplacement.
• Cette jurisprudence est liée à la jurisprudence permettant à la victime d'un manquement contractuel
d'anticiper sur la résolution judiciaire. Mais conceptuellement, les deux hypothèses sont distinctes puisque
le remplacement est une forme d'exécution en nature qui exclut donc la résolution.
• La doctrine justifie cette solution par la considération que si le recours au juge est
imposé, c'est dans le but de lui permettre de donner un délai de grâce au débiteur. Cela
n'a donc pas de sens si un délai de grâce serait inconcevable
• Parfois, l'usage permet le remplacement en cas de manquement grave (ex. en matière
commerciale).
• En dehors de tout usage, le créancier peut à ses risques et périls provoquer la résolution
en cas de manquement patent, dans tous les cas où un délai de grâce serait
inconcevable ou sans objet, donc chaque fois que l'intervention du juge n'aurait pas de
sens. Telle est la tendance actuelle de la jurisprudence.
Ex. :
✗ urgence
✗ impossibilité d'exécution
✗ perte de confiance réciproque empêchant objectivement l'exécution
✗ disparition de l'intérêt du créancier dans l'exécution de l'obligation après le terme convenu
Parfois, l'obligation qu'a la victime du manquement de réduire son dommage l'oblige
même de cesser la relation contractuelle.
• Cette jurisprudence relative à l'anticipation sur la résolution judiciaire a vocation à
s'appliquer à tous les contrats synallagmatiques.
• La Cour de cassation a consacré cette tendance jurisprudentielle dans un arrêt du 2 mai
2002, toutefois dans des termes étranges. En effet, il fonde la nécessité de recourir au
juge pour prononcer la résolution sur la sécurité juridique et l'équité (!) et ne précise pas
dans quelles conditions une anticipation sur la résolution judiciaire peut intervenir.
• Normalement, rien n'empêche les parties de déroger à l'article 1184 du Code civil en
supprimant le recours au juge en cas de survenance d'un manquement qu'elles
précisent. Une telle clause s'appelle “pacte commissoire exprès”.
• Toutefois, la loi s'oppose parfois à une telle clause (ex. art. 1762 bis C. civ. qui interdit les clauses
résolutoires expresses en matière de bail).
98
• Les pactes commissoires exprès peuvent présenter des degrés divers.
✗ Parfois, le contrat se borne en réalité à reproduire l'article 1184 C. civ. Le juge
considérera que tel est le cas si le pacte n'est pas assez précis.
Dans ce cas, c'est le droit commun qui s'applique.
✗ Les parties peuvent prévoir que le contrat sera résolu de plein droit en cas de
manquement à telle ou telle obligation précisée.
Dans ce cas, le créancier victime du manquement ne doit pas recourir au juge
pour résoudre le contrat. Il doit mettre son débiteur en demeure et si le
manquement persiste, il lui suffit de faire connaître sa volonté de résoudre la
contrat. Le débiteur peut saisir le juge pour contester le fondement de la
résolution. Dans ce cas, le juge se bornera à vérifier l'existence du
manquement, tel que celui-ci a été défini dans le contrat. S'il estime que le
manquement est établi, il se bornera à constater la résolution, sans devoir la
prononcer, et ne pourra pas accorder de délai de grâce.
✗ Les parties peuvent prévoir que le contrat sera résolu de plein droit et sans
mise en demeure préalable dans telle ou telle hypothèse.
• Quelle que soit sa formulation, le pacte commissoire exprès demeure en principe une
sanction d'un manquement contractuel, ce qui a pour conséquence que...
– Le créancier peut donc y renoncer pour poursuivre l'exécution forcée, sauf dans
des cas exceptionnels (ex. dans les ventes commerciales de marchandises à fluctuations
rapides de prix, en cas de défaut total de délivrance dans le délai conventionnel).
– En principe, la partie en tort ne pourrait se prévaloir de sa propre faute pour
provoquer la résolution.
(a) NOTION :
L'exception d'inexécution est un principe général de droit qui s'applique à tous les
contrats synallagmatiques, et même aux situations synallagmatiques25, même s'il n'est
consacré par aucun texte général. Elle résulte de la nature même du contrat
synallagmatique, qui en règle s'exécutent trait pour trait.
Elle permet à une partie de suspendre l'exécution de ses obligations jusqu'à ce que
l'autre s'exécute. Elle constitue une arme rapide, simple et efficace.
2. INEXÉCUTION CONSOMMÉE :
25
Résultant par exemple de l'annulation d'un contrat synallagmatique entraînant des restitutions réciproques.
99
– Ainsi, certains textes dérogent à ce principe.
Tel est le cas de l'article 1655 C. civ. en matière de vente (résolution de la vente
d'un immeuble en cas de crainte de non-paiement - on craint pour les intérêts du
vendeur). D'autre part, en matière de garantie d'éviction, même si le trouble doit
être actuel, on admet que l'acheteur puisse mettre en oeuvre la garantie d'éviction
s'il a de justes craintes d'être troublé.
– Des textes internationaux prévoient des hypothèses où l'exception
d'inexécution peut être opposée en cas de crainte d'un
manquement.
Ex. convetion de Vienne sur la vente internationale des marchandises.
– Même si on adopte une conception traditionnelle, il faut s'entendre
sur ce qu'est un manquement acquis. Selon P.A. Foriers,
l'exception d'inexécution peut être invoquée à chaque fois que le
manquement apparaît comme certain, même si en raison d'un
délai il n'est pas actuel. Ex. le débiteur dit qu'il ne s'exécutera pas à la date
prévue mais plus tard. En revanche, un simple risque d'inexécution ne
suffit pas.
– Sous l'influence des textes internationaux notamment, nous
sommes en train d'assister à une évolution, et il est probable que
dans quelques années, on acceptera que l'on puisse se prévaloir
de l'exception d'inexécution en cas de justes craintes d'inexécution.
Qui doit prouver le manquement ou l'absence de manquement? Cette question n'est pas
claire.
Selon deux arrêts de la Cour de cassation de 1947 et 1949, en principe c'est à celui qui
soulève l'exception d'inexécution qu'il incombe de prouver que l'autre partie ne s'est pas
exécutée et que les obligations sont réciproques. Il s'agit d'une application de l'adage
Reus in excipiendo fit actor et de l'article 1315, al. 2 C. civ., en vertu duquel “Celui qui se
prétend libéré, doit justifier le paiement ou le fait qui a produit l'extinction de son
obligation”.
Toutefois, la doctrine et la jurisprudence ne sont pas toujours convaincus par cette
solution. Certains considèrent que c'est celui qui exige le paiement qui devrait prouver
qu'il ne pouvait y avoir exception d'inexécution26. Mais ce n'est pas la solution
généralement acceptée par la Cour de cassation.
26
Leur raisonnement se fonde aussi sur l'article 1315 al. 2 C. civ. Il est le suivant : dans les contrats
synallagmatiques, les obligations doivent s'exécuter trait pour trait dans leur ordre d'exigibilité. Or, le créancier
qui poursuit son débiteur en exécution de son obligation doit avoir exécuté sa propre obligation. Il doit donc
prouver qu'il a exécuté celle-ci.
100
(d) EFFETS DE L'EXCEPTION :
L'exception d'inexécution permet la suspension des obligations de celui qui s'en prévaut,
aussi longtemps que l'autre partie ne s'exécute pas.
a. Notion
Il s'agit du droit en vertu duquel une personne, obligée de livrer une chose à une autre
personne, peut, en retenant la chose, refuser d'exécuter cette obligation en vertu de sa
qualité de créancier d'une obligation inexécutée liée à la chose même, qualité dont elle
est titulaire à l'encontre de la personne qui réclame la livraison de la chose.
101
Plusieurs dispositions du Code civil consacrent l'existence d'un droit de rétention 27. P. Van
Ommeslaghe y voit l'expression d'un principe général de droit qui s'applique à toutes sortes
de contrat, à certaines conditions.
27
Il y a des textes qui se situent en dehors de tout mécanisme contractuel : article 570 C. civ. (accession
mobilière : la jurisprudence considère que l'artisan qui doit restituer une chose faite à partir d'une matière ne
lui appartenant pas a un droit de rétention tant que sa main-d'oeuvre n'a pas été remboursée), art. 867 C. civ
(droit de rétention lié aux impenses). Certains textes constituent des applications de l'exception d'inexécution
ou de mécanismes contractuels connus : art. 1612 C. civ., 1613, 1749 en matière de bail, relatif à l'indemnité
en cas d'expulsion du locataire qui a accepté une clause d'expulsion (le locataire peut rester dans les lieux
tant qu'il n'a pas reçu l'indemnité), 1948 concernant le droit de rétention jusqu'à paiement de ce qui est dû
pour le dépôt, droit de retenir la chose mise en gage jusqu'à paiement.
102
✗ ou bien, l'ensemble des relations contractuelles procède, d'un point
de vue économique, d'un seul contrat (les contrats forment un tout
indivisible) : dans ce cas, le droit de rétention peut s'exercer sur
toutes les marchandises en possession de la partie impayée. On
part donc de l'idée d'un contrat cadre implicite. On applique souvent
cette solution dans les contrats de travail à façon (filage de laine, teinture de
tissus, etc.). Souvent, dans ces domaines, les usages justifieront le droit de
rétention.
• Dans quelle mesure les parties peuvent-elles créer conventionnellement une
connexité artificielle entre certaines choses et certaines créances?
Ex. : clause par laquelle les parties prévoient que toutes les marchandises se trouvant dans la
possession du créancier seront affectées au paiement de ses créances et que l'ensemble des
commandes sera censé former un tout indivisible, même si ces commandes procèdent de rapports
juridiques distincts.
✗ Entre parties, les clauses créant une connexité juridique sont valables.
✗ Le problème se pose en cas de faillite, donc concours. Cette clause sera-t-elle
opposable aux tiers participant au concours?
– Selon M. Van Ommeslaghe, oui, ces clauses sont licites et opposables
aux tiers, pour autant qu'elles aient été conclues de bonne foi et non en
fraude des droits des tiers. En effet, les effets externes des contrats sont
opposables aux tiers.
– Cette thèse a été rejetée par la Cour de cassation. Une clause créant une
connexité juridique entre des biens et des créances n'aura de valeur à
l'égard des tiers que si l'on peut considérer que dans la réalité des faits, il
n'y a qu'un seul contrat. Mais si les parties créent une connexité artificielle
dans le cadre d'opérations distinctes, elles ne pourront pas l'opposer aux
tiers. En effet, il est vrai que les effets externes des conventions sont
opposables aux tiers, mais ceux-ci pourront dire : cette connexité ne
correspond pas à la réalité28.
• Entre parties, le droit de rétention crée une situation d'attente en ce sens que le rétenteur
peut refuser d'exécuter son obligation de livraison ou de restitution de la chose tant que
son cocontractant n'a pas exécuté ses obligations.
• Le droit de rétention est en principe opposable aux tiers, en dépit de la règle “pas de
privilège sans texte”.
Toutefois, l'opposabilité du droit de rétention aux créanciers hypothécaires ou bénéficiant
d'un privilège spécial est controversée.
• Le rétenteur doit, sous peine de perdre son droit (cf. condition de la rétention : détention
réelle, effective et permanente), maintenir la possession de la chose et ne peut la
réaliser à son profit. Il aboutit donc à une impasse si son débiteur tombe en faillite. Il n'a
plus qu'à espérer que le curateur trouve une solution. Entretemps, il reste coincé avec
les fils, la chaise...
• Il vaudrait donc mieux reconnaître un privilège au bénéfice du rétenteur, mais cela serait
difficilement conciliable avec la règle “pas de privilège sans texte”.
• Selon P. Van Ommeslaghe, en pratique, il arrive souvent que les rétenteurs réalisent
quand même la chose à leur profit.
28
Le même problème se pose en cas de compensation. Il peut y avoir compensation après concours en cas de
connexité. On se demande dès lors dans quelle mesure les parties peuvent créer une connexité. Réponse :
impossible sauf si les dettes sont économiquement liées.
103
CHAPITRE 5 : LES MODES DE DISSOLUTION ET
LES CAUSES DE SUSPENSION DES CONTRATS
NOTION :
Il y a résiliation lorsque les parties mettent fin soit de commun accord soit unilatéralement à
une convention en dehors de toute idée de manquement contractuel.
La résiliation opère ex nunc.
104
RÉSILIATION UNILATÉRALE :
105
(e) RÉSILIATION POUR MOTIF GRAVE DES CONTRATS INTUITU PERSONAE OU
IMPLIQUANT UNE COLLABORATION ÉTROITE (dans certains cas, à la limite
de la résiliation et de l'anticipation sur la résolution judiciaire) :
• En réalité, cette cause de dissolution ne s'analyse pas une résiliation, mais procède
d'une impossibilité d'exécution. En effet, le contrat intuitu personae doit être exécutée
personnellement par la partie choisie en raison de ses qualités personnelles. Si elle ne peut plus
exécuter ses obligations personnelles en raison de son décès ou d'une cause d'incapacité, le contrat
doit donc prendre fin.
• Il faut plutôt considérer que le contrat est frappé de caducité suite à la perte de sa
cause subjective entraînant une impossibilité d'exécution. C'est un des rares cas où
le perte de la cause entraîne une impossibilité d'exécution.
b.La résolution
PRINCIPES :
106
PRÉCISIONS QUANT À LA RÉSOLUTION JUDICIAIRE :
GÉNÉRALITÉS :
✗ Traditionnellement, on explique cette exception par le fait qu' (1) il est impossible de
restituer des prestations déjà accomplies (2) et qui, jusqu'au jour du manquement en
tout cas, s'équilibreront le plus souvent. Ex. dans le bail, jusqu'au jour du manquement, le loyer
versé correspondra à la jouissance des lieux aux yeux des parties et d'ailleurs cette jouissance ne
pourrait pas être restituée en nature.
– Toutefois, ce raisonnement est inexact parce que (1) l'impossibilité de restituer en
nature n'est pas en soi un obstacle à la résolution rétroactive puisque l'on admet
classiquement, dans ce cas, que les restitutions puissent être réalisées par
équivalent, et ce, non seulement dans les contrats instantanés, mais aussi dans
les contrats à prestations successives comme le bail. En effet, la Cour de
cassation considère en général que la date précise de la résolution ex nunc en
matière de bail se situe à la date d'introduction de la demande, ce qui pourrait
29
En effet, la condition résolutoire doit être extrinsèque tandis que la résolution résultant d'un pacte
commissoire est liée à un manquement.
107
donner lieu à des restitutions par équivalent30.
– Ensuite, plus fondamentalement encore, la question de la possibilité ou de
l'impossibilité de procéder à des restitutions en nature est indépendante du
caractère instantanté ou successif du contrat. Elle dépend en réalité de la nature
de l'obligation en cause.
Ex. il est tout à fait possible de procéder à des restitutions par équivalent dans l'hypothèse d'une
rente périodique ou de livraisons successives pendant un certain temps.
– (2) Enfin, s'il est vrai qu'il y a équilibre des prestations en ce sens que les parties,
en concluant le contrat, ont estimé que leurs prestations étaient équivalentes, il
n'y a pas nécessairement un équilibre objectif des prestations.
Ex. le loyer équivaut à la jouissance du locataire en raison de la seule volonté des parties, mais en
réalité il n'est nullement certain que le loyer équivaut exactement à la valeur locative objective des
lieux loués.
30
La date précise de la résolution ex nunc en matière de bail est controversée. Faut-il la fixer au moment du
manquement, de la citation, du jugement ou du moment où le locataire quitte les lieux? Si l'on veut être
cohérent, il faudrait la fixer non à la date de l'introduction de la demande comme le fait la Cour de cassation,
mais à la date du jugement prononçant la résolution, voire à la date de son exécution, si le locataire est resté
dans les lieux.
108
manifeste sa volonté de ne plus poursuivre la relation contractuelle parce que
l'équilibre en est rompu. (2) Si dès avant la demande, l'exécution du contrat a été
stoppée, il n'est pas illogique de faire remonter la date de la résolution à ce
moment puisque le contrat n'était plus exécuté de manière satisfactoire.
– (3) Seuls les arrêts faisant remonter la résolution à une date postérieure à
l'introduction de la demande en raison d'une impossibilité de restitution en nature
sont plus difficiles à justifier et semblent empreints de la tradition. Toutefois, il est
vrai que cette solution semble commode (si le locataire a continué d'occuper les
lieux, n'est-il pas commode de maintenir le bail jusqu'à son départ ou jusqu'au
prononcé de la résolution et donc de le condamner au loyer, qui est par définition
satisfactoire?).
– La jurisprudence examinée ci-dessus concernait par ailleurs des contrats
successifs manifestement divisibles (il s'agissait essentiellement de baux). La
question de l'indivisibilité du contrat ne se posait donc pas.
Par ailleurs, il se déduit d'un arrêt de la Cour de cassation de 1996 que la simple
circonstance que la construction d'un ouvrage s'effectue de manière successive
n'implique pas qu'il soit dérogé à la règle de la rétroactivité. Cet arrêt a en effet cassé
une décision qui avait prononcé la résolution ex nunc d'un contrat d'entreprise portant sur des
travaux d'aménagement dont seulement 51 % avaient été effectués (ce qui avait pour conséquence
que ces travaux devaient être payés au prix prévu par la convention).
Ex. si un associé n'effectue pas ses apports etc., y aura-t-il résolution de toute la société ou seulement à
l'égard de l'associé défaillant?
C'est une question obscure car peu analysée par la doctrine.
Tout d'abord, les parties pourraient convenir d'une résolution limitée ne valant qu'à
l'égard de la partie en faute.
Ensuite, le Code des sociétés semble dire que tout le contrat tombe si un associé est
défaillant. Cela s'explique par le fait que pour les auteurs du Code civil, les parties
dans une société sont indispensables car il s'agit d'un contrat intuitu personae. Cette
solution n'est donc pas applicable à tous les contrats multipartites. Selon P.A. Foriers,
il faut examiner si l'exclusion de la partie en faute ne rend pas impossible l'exécution
du contrat en cause ou ne bouleverse pas son économie, autrement dit, si le contrat
est divisible quant à ses parties.
109
c.La révocation des contrats
La révocation est une cause de dissolution propre aux libéralités. Elle recouvre (1) la
résolution pour inexécution fautive (ex. révocation d'une donation pour inexécution des charges et art.
953 et 955 C. civ.) et (2) la résiliation unilatérale ou bilatérale lorsqu'elle est permise (ex.
révocation d'une donation entre époux).
La théorie des risques dans les contrats synallagmatiques peut conduire à la dissolution du
contrat. Selon De Page, cette dissolution opère pour l'avenir uniquement. Toutefois, selon
P.A. Foriers, cela est inexact et en réalité il faut appliquer les mêmes principes qu'en cas de
résolution pour inexécution fautive. Si le contrat est successif et divisible, ce qui sera le plus
souvent le cas, la dissolution opèrera donc ex nunc, mais dans les autres cas elle doit avoir
lieu rétroactivement. Mais cette question est controversée.
e.La rescision
La rescision est un mode exceptionnel de dissolution en cas de lésion (ex. art. 1674 et s. C.
civ.). Elle se rapproche de la nullité. Toutefois, elle peut donner lieu à une réadaptation du
contrat qui fera obstacle à la nullité (cf. art. 1681 et 1682 C. civ.).
f. Les nullités
NOTION :
110
(c) INEXISTENCE, NULLITÉ ABSOLUE, NULLITÉ RELATIVE :
• Jadis,
– l'inexistence sanctionnait l'absence totale d'un élément essentiel à la formation
d'un contrat (ex. absence totale de consentement ou d'objet) ;
– la nullité absolue sanctionnait en principe les conventions contraires à l'ordre
public ;
– la nullité relative sanctionnait en principe les simples vices affectant la formation
du contrat (ex. vice de consentement).
• Assez rapidement, le concept d'inexistence a été limité à certains cas limites.
Parallèlement, on a assisté à
– une large admission des nullités virtuelles ;
– la propagation de l'idée que même si un contrat était inexistant, il fallait quand
même que le juge en prononce l'inexistence ;
– l'élargissement de la notion de nullité absolue, qui sanctionnait des défauts
graves à la formation du contrat (ex. absence d'objet ou objet indéterminable).
• Depuis les travaux de De Page, la matière a été réorganisée. Aujourd'hui,
– l'inexistence a pratiquement disparu en droit civil comme sanction d'un défaut
affectant la formation du contrat (ex. l'assureur peut opposer à la vitcime qui agit contre lui
l'exception tirée de l'inexistence du contrat d'assurance) ;
– la nullité absolue frappe les conventions qui violent des dispositions d'ordre public
ou qui sont contraires à l'ordre public ;
– la nullité relative sanctionne les autres vices touchant la formation du contrat ainsi
que les violations des règles impératives ne protégeant que des intérêts privés.
(a) GÉNÉRALITÉS :
111
(2) La nullité absolue peut être demandée par toute
personne justifiant d'un intérêt.
La nullité relative ne protège que des intérêts privés. Il en découle trois principes
essentiels.
• La partie protégée peut renoncer à invoquer la nullité = confirmer l'acte nul de nullité
relative.
• Comme toute renonciation, la confirmation peut être expresse ou tacite, mais elle ne
peut se déduire que de faits ou d'actes ne permettant pas une autre interprétation. La
renonciation tacite doit donc être certaine. L'exécution d'un contrat nul ne peut donc valoir confirmation
que s'il résulte des circonstances de l'espèce qu'elle est intervenue en connaissance de cause avec
l'intention de confirmer.
• La confirmation suppose une volonté libre et non affectée d'un vice de consentement.
• Elle suppose que son auteur soit au courant du vice.
• Elle suppose que son auteur ne soit plus sous l'emprise du vice. Ex. si la contrat est nul
en raison de l'incapacité d'une des parties, cette partie ne peut en règle confirmer la nullité que
lorsqu'elle sera reconnue capable. La nullité découlant d'une violation d'un texte impératif ne pourra être
confirmée que lorsque la protection légale sera acquise.
• La confirmation doit être prouvée par celui qui s'en prévaut.
• Elle ne peut porter atteinte aux droit acquis par des tiers dans l'intervalle (art. 1338 al.
3 C. civ.). La règle est la même qu'en matière de ratification.
Mais un arrêt de la Cour de cassation de 2005 oblige le juge à rechercher d'office les
règles de droit nécessaires à la résolution du litige. Le juge peut donc soulever la
question de savoir s'il y a eu confirmation. Cette jurisprudence est conforme à celle
qui autorise à invoquer devant pour la première fois devant le Cour de cassation une
disposition impérative.
112
(4) Particularités de la nullité d'un contrat faute d'objet
ou d'objet déterminable :
Il semble qu'un contrat nul faut d'objet ou d'objet déterminable ne puisse être
confirmé parce qu'un nouvel accord des parties devrait intervenir quant à l'objet.
Dans ce cas il y aurait “réfection” et non simple renonciation à se prévaloir de la
nullité.
La caducité est le mécanisme par lequel un contrat tombe , en principe de plein droit, à la
suite de la disparition d'un élément qui était essentiel à sa formation et sans lequel il ne
pourrait survivre.
Elle opère en principe pour l'avenir (ex nunc).
a. Dissolution ex nunc
113
b. Dissolution ex tunc
PRINCIPE :
En principe, les fruits ne se restituent pas, ni l'intérêt du prix, qui est réputé se
compenser avec les fruits.
(c) IMPENSES :
La théorie des impenses s'applique à la partie qui doit restituer une chose à laquelle
elle a apporté une amélioration (remboursement du coût des travaux pour les impenses
nécessaires, de la plus-value plafonnée au coût pour les impenses utiles, rien pour les impenses
somptuaires ou voluptuaires).
114
TITRE II – LES AUTRES ACTES
JURIDIQUES
A. NOTION
La notion d'actes juridiques collectifs regroupe des situations, à vrai dire disparates, dans
lesquelles un groupe de personnes prend des décisions liant l'ensemble de celles-ci ou la
personne morale aux organes desquelles elles participent, et ce en principe à la faveur d'une
décision majoritaire.
Ce processus décisionnel découle en général de dispositions légales particulières.
Il en est ainsi pour les
– décisions des assemblées générales des sociétés anonymes
– décisions des assemblées générales d'obligataires
– décisions des assemblées des créanciers en matière de faillite et de concordat
– conventions collectives de travail
– etc.
Parfois, il résulte d'une convention (forme de “partijbeslissing”).
Ex. selon P.A. Foriers, rien n'empêcherait de prévoir que des associés prennent des décisions à la majorité.
Ces situations sont tellement disparates qu'il n'existe aucune théorie générale complète des
actes collectifs.
115
B. EFFETS
Les actes collectifs ne sortent pas nécessairement leurs effets de plein droit, comme c'est le
cas, en principe, des décisions des assemblées générales des sociétés commerciales.
Parfois, ils nécessitent l'intervention d'une autorité, soit d'une juridiction (ex. procédure
concordataire), soit d'une autorité administrative (ex. conventions collectives de travail : rendues
obligatoires par arrêté royal).
En principe, rien ne s'oppose à la transposition aux actes collectifs des principes relatifs aux
contrat, mais
– cette transposition doit être opérée avec prudence compte tenu des particularités de ces
actes ;
– des mécanismes correcteurs sont nécessaires (abus de majorité, de minorité...).
116
CHAPITRE 2 : L'ENGAGEMENT PAR
DÉCLARATION UNILATÉRALE DE VOLONTÉ –
ACTES UNILATÉRAUX
A. NOTION
1. Position du problème
La question de savoir si, en dehors des cas expressément prévus par la loi, une personne
peut s'engager par déclaration unilatérale de volonté, a été très controversée.
Arguments :
• Il faut protéger celui qui s'engage (on • Oui mais l'engagement implique
n'osera plus promettre quelque chose évidemment une intention réelle de
de peur d'être engagé). s'engager.
• Il serait inconcevable qu'une • Non, rien n'empêche qu'une
personne devienne créancière à son personne acquière des droits à son
insu. insu. D'ailleurs c'est se qui se passe
dans la stipulation pour autrui.
• Pareil acte pourrait être révoqué • Non, s'il est source d'obligations, il ne
unilatéralement, puisque c'est peut être révoqué unilatéralement
unilatéralement qu'il est né. sans conditions.
• Ce concept est inutile dans la mesure • Non, par exemple, les autres
où les différents cas envisagés explications de la force obligatoire de
pourraient être expliqués l'offre sont artificielles.
différemment.
117
M. Van Ryn estimait que de tels engagements étaient valables en cas d'adhésion à une
institution préexistante (ex. souscription à une augmentation de capital, crédit documentaire, etc.).
Ces discussions ont cessé depuis que la Cour de cassation (arrêt du 9 mai 1980) a reconnu
l'engagement par déclaration unilatérale de volonté comme source d'obligations, sans qu'elle
doive adhérer à une institution préexistante.
L'engagement par déclaration unilatérale volonté constitue une variété d'acte unilatéral.
L'acte unilatéral est une manifestation unilatérale de volonté entraînant des effets juridiques.
Ex. résiliation unilatérale, renonciation pure et simple : sont des actes unilatéraux mais non des engagements par
déclaration unilatérale de volonté.
La validité des actes unilatéraux qui ne constituent pas des engagements par déclaration
unilatérale de volonté a toujours été admise, même s'ils peuvent indirectement générer des
obligations (ex. la résiliation unilatérale d'un contrat peut obliger au paiement d'une indemnité).
3. Cas d'application
L'engagement unilatéral se forme en règle par la seule volonté de celui qui s'engage
(principe du consensualisme).
Toutefois, en pratique, un certain formalisme (engagements cambiaires) ou un certain littéralisme
(crédit documentaire, garantie à première demande...) s'imposent souvent.
On distingue...
– Les actes unilatéraux réceptices, qui sont adressés à une personne déterminée et ne
produisent leurs effets que pour autant que le destinataire en ait eu ou pu avoir
connaissance (théorie de la réception) (ex. offre, souscription à une augmentation de capital).
– Les actes unilatéraux non réceptices, qui concernent la généralité des sujets de droit et
qui produisent leurs effets dès que la volonté s'est extériorisée (ex. promesse de récompense).
118
Du point de vue statique, la formation des actes unilatéraux est soumise mutatis mutandis
au régime des conventions (vices de consentement, objet, cause, capacité).
Toutefois, il faut tenir compte des particularités de l'acte unilatéral :
– l'erreur sur la substance ne doit pas être commune (mais ce point est discutable) ;
– le dol émanant d'un tiers est cause de nullité ;
– en ce qui concerne la cause, on discute de la question de savoir si les mobiles
déterminants de celui qui s'engage peuvent entrer en ligne de compte s'ils ne
sont pas connus de l'autre partie ;
– la théorie de la simulation est en principe inapplicable, puisque s'il y a un acte
caché, il s'agit d'une réserve mentale.
C. INTERPRETATION
On applique le droit commun des contrats mutatis mutandis. Il faut se rappeler que si l'on
peut tenir compte de la volonté implicite d'une partie, elle doit, d'une certaine manière, s'être
extériorisée.
D. EFFETS
L'acte est irrévocable dès qu'il a sorti ses effets, sauf exceptions légales ou réserve
expresse d'un droit de résiliation moyennant certaines conditions.
Différence entre les actes réceptices et non réceptices : voir ci-dessus.
En vertu du droit commun, l'engagement à durée indéterminée peut être révoqué moyennant
un préavis raisonnable.
N.B. La révocabilité des testaments ne déroge pas à cette règle, le testament ne sortant ses
effets qu'au décès du testateur.
2.Indivisibilité
Le bénéficiaire ne l'acte ne peut retirer de l'acte ce qui lui plaît et écarter ce qui ne lui plaît
pas.
119
3.Effets internes et effets externes
L'acte unilatéral peut avoir pour objet toutes sortes d'obligations, qu'elles soient de faire, de
ne pas faire ou de donner.
Toutefois, on semble considérer que sauf exception (ex. testament), il ne saurait à lui seul avoir
un effet translatif de droits réels (art. 711 et 1138 C. civ.). Cette exception se justifie-t-elle,
alors que par ailleurs le transfert de propriété opère solo consensu (ce qui est critiquable)?
E. DISSOLUTION
120
TITRE III – LES QUASI-
CONTRATS
A la différence des contrats, les quasi-contrats ne procèdent pas d'un accord de volontés. Ils
résultent d'une situation de déséquilibre de deux patrimoines qui apparaît comme injuste et
anormale. Ils reposent tous sur l'idée d'enrichissement sans cause.
A. NOTION
121
B. LES CONDITIONS DE LA GESTION
D'AFFAIRES
1. Conditions négatives
Cette absence d'opposition n'implique pas un mandat tacite. Elle peut d'ailleurs résulter de l'ignorance de l'acte
de gestion.
2. Conditions positives
La gestion implique une certaine bienveillance, la volonté de gérer l'affaire d'autrui et non
d'agir dans son propre intérêt.
Ex.
– l'entrepreneur qui, pour éviter un retard dans ses travaux, procède au déplacement de canalisations
électriques appartenant à une intercommunale ne gère pas l'affaire de cette dernière mais agit dans son
propre intérêt ;
– la concubine qui organise les funérailles de son concubin dans son propre intérêt, sans même faire mention
du nom des enfants de ce dernier dans le faire-part, ne gère pas l'affaire des héritiers.
La jurisprudence se montre stricte lorsque le gérant est mu par une intention mixte.
Ex. jugé que ne gère pas l'affaire d'autrui, le curateur qui consent à des frais de chauffage et d'électricité dans un
immeuble abritant un stock de marchandises qu'il était chargé de vendre, ces frais n'ayant pas été exposés
exclusivement dans l'intérêt d'autrui, mais aussi dans l'intérêt de la masse.
Selon P.A. Foriers, il y a gestion d'affaires si le but essentiel est de gérer les affaires d'autrui,
même si le gérant y puise aussi un certain intérêt personnel.
122
2. LA GESTION D'AFFAIRES DOIT ÊTRE NÉCESSAIRE :
a. Obligations du gérant31
• Art. 1372 al. 2 C. civ. : mêmes obligations que celles du mandataire (bien exécuter sa
gestion et rendre des comptes au maître).
• Art. 1374 al. 1 C. civ. : apporter à la gestion tous les soins d'un bon père de famille.
Toutefois, l'alinéa 2 permet au juge de modérer les dommages-intérêts compte tenu des
circonstances qui ont conduit à la gestion d'affaires.
• Le gérant est tenu de “continuer la gestion qu'il a commencée, et de l'achever jusqu'à ce
que le propriétaire soit en état d'y pourvoir lui-même : il doit se charger également de toutes
les dépendances de cette même affaire” (art. 1372 al. 1 C. civ.). L'art. 1373 ajoute que le
gérant “est obligé de continuer sa gestion, encore que le maître vienne à mourir avant que
l'affaire soit consommée, jusqu'à ce que l'héritier ait pu prendre la direction”.
• Le maître doit couvrir les dépenses nécessaires ou utiles (cette condition s'apprécie au
moment où la dépense est faite et non en fonction du succès de la gestion).
• La ratification du maître implique en principe reconnaissance de ce que les dépenses étaient
utiles.
• Art. 1378 C. civ. : le maître dont l'affaire a été bien administrée doit remplir les engagements
que le gérant a contractés en son nom (alieno nomine), l'indemniser de tous les
engagements personnels qu'il a pris, et lui rembourser toutes les dépenses utiles ou
nécessaires qu'il a faites.
• En principe, le gérant n'a pas droit à une rémunération. Toutefois, on admet qu'il puisse être
indemnisé du temps, de la science et de l'habileté professionnelles qu'il a consacrées aux
affaires d'autrui.
31
Il est intéressant de les comparer à celles du mandataire. En fait, le Code civil a transposé, en matière de
gestion d'affaires, les règles applicables au mandataire.
123
2. Relations entre le gérant, le maître et les tiers
Le gérant ne contracte aucune obligation personnelle et les tiers avec lesquels il contracte
ne peuvent se retourner que contre le maître, et ce, à condition que celui-ci ait ratifié ou que
les conditions de la gestion d'affaires soient réunies.
Le gérant est tenu à l'égard de ses cocontractants et la ratification pourrait tout au plus
donner lieu à un recours supplémentaire contre le mandant.
124
CHAPITRE 2 : LE PAIEMENT DE L'INDU
A. NOTION
Art. 1235 C. civ. : “Tout paiement suppose une dette : ce qui a été payé sans être dû, est
sujet à répétition”. En effet, pareil paiement aboutirait à enrichir injustement l'accipiens.
Dispositions légales applicables : art. 1235 et 1376 à 1381 C. civ.
B. CONDITIONS REQUISES
Paiement d'une dette déjà payée / paiement excédentaire / paiement d'une obligation
sous condition suspensive si la condition ne s'est pas réalisée / paiement en vertu
d'un contrat par la suite annulé / ...
mais non le paiement d'une dette prescrite, même dans l'ignorance de la prescription.
− PAIEMENT PAR ERREUR PAR UNE PERSONNE QUI N'EST PAS DÉBITRICE :
Une personne qui a payé parce qu'elle pensait par erreur être débitrice peut agir
contre le créancier.
En revanche, le paiement volontaire par un tiers n'est pas indu s'il répond aux
conditions de l'article 1236 C. civ.
3. L'ACCIPIENS DOIT NE PAS AVOIR DÉTRUIT SON TITRE (art. 1377 al. 3)
C'est une règle d'équité. En effet, si l'accipiens a détruit son titre, il ne peut agir contre le vrai
débiteur.
Cette règle est interprétée largement. Elle s'applique à
– l'accipiens qui a libéré ses sûretés ;
– l'accipiens qui a laissé prescrire son action contre le vrai débiteur à la suite du
paiement indu ;
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– à l'accipiens qui, à la suite du paiement d'une lettre de change par un tiré non
accepteur, ne peut plus exercer son recours contre le tireur.
Dans ces cas, l'auteur du paiement indu ne pourra agir que contre le vrai débiteur sur base
de l'enrichissement sans cause.
On a beaucoup discuté sur la question de savoir si l'erreur était une condition distincte du
paiement indu.
Aujourd’hui on considère en Belgique que l'erreur n'a qu'un rôle probatoire, suite à un arrêt
de la Cour de cassation de 1970 suivant lequel “celui qui répète le montant d'un paiement
indu ne doit prouver qu'il a fait ce paiement par erreur que si un doute existe quant à la
cause dudit paiement, et partant, du caractère indu de celui-ci”. En d'autres termes, il faudra
démontrer l'erreur pour prouver le caractère indu du paiement dans des cas limites où des
doutes planent quant à son caractère indu.
Ex.
– paiement fait par un tiers au créancier d'une dette existante ;
– lorsqu'un assureur responsabilité civile fait un paiement à la victime d'un accident en pensant que son
assuré est responsable. Dans ce cas, en effet, on se demande s'il a agi sous l'emprise de l'erreur ou s'il a
souhaité régler la situation transactionnellement.
On assimile à l'erreur les autres vices de consentement qui altèrent la liberté du solvens (ex.
la violence).
L'erreur inexcusable peut-elle être admise? Selon P.A. Foriers, oui, dans la a mesure où
l'erreur ne joue qu'un rôle probatoire de l'indu.
1. Principe
L'accipiens doit restituer le paiement indu, qu'il ait été de bonne ou de mauvaise foi. Mais s'il
était de mauvaise foi, sa situation est aggravée (art. 2268 C. civ.).
2. Obligations de l'accipiens
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b. Accipiens de mauvaise foi
Le demandeur à l'action doit payer les impenses nécessaires ou utiles même à l'accipiens
de mauvaise foi.
D. PRESCRIPTION
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CHAPITRE 3: L'ENRICHISSEMENT SANS CAUSE
(ACTIO DE IN REM VERSO)
A. NOTION
• Il y a enrichissement sans cause lorsqu'une personne, par un fait personnel, procure à autrui
en s'appauvrissant, un enrichissement sans que ni cet enrichissement ni cet
appauvrissement corrélatif n'aient de cause les justifiant.
• L'enrichissement sans cause n'est pas consacré de manière générale par le Code civil.
Néanmoins, il a été admis de longue date pour des considérations d'équité. La Cour de
cassation lui reconnaît la qualité de principe général de droit.
• Les applications de ce principe sont rares.
Ex. généalogistes, recours contributoire entre débiteurs solidaires in solidum.
B. CONDITIONS D'APPLICATION
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3. LIEN DE CAUSALITÉ ENTRE L'APPAUVRISSEMENT ET L'ENRICHISSEMENT :
Elle ne peut être introduite qu'à défaut d'un autre recours et d'une cause justifiant
l'enrichissement.
Traditionnellement, on considère qu'il s'agit d'une condition spécifique distincte de
l'enrichissement sans cause. Dès lors, si l'appauvri a laissé s'écouler le délai de prescription
de l'action qui lui aurait permis d'être compensé, il ne peut pas y remédier en agissant sur
base de l'enrichissement sans cause. La jurisprudence de la Cour de cassation est
aujourd'hui fixée en ce sens (arrêts du 11 septembre 1970 et du 25 mars 1994).
Selon une autre thèse, développée par M. De Bersaques, le caractère subsidiaire de
l'enrichissement sans cause ne serait que l'expression procédurale des autres conditions de
l'institution, de l'absence de cause. Le seul intérêt pratique de cette théorie est que l'appauvri
qui a laissé s'écouler le délai de prescription de son action sans qu'un négligence ne puisse
lui être imputée pourrait recourir à l'enrichissement sans cause (hypothèse étrange). Mais
cette thèse a été rejetée par la Cour de cassation.
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