Charlotte TATON
2
EXPOSITION DES POPULATIONS INUITES AUX
CONTAMINANTS BIO-ACCUMULABLES À TRAVERS
LA CHAÎNE ALIMENTAIRES AQUATIQUE DE L’
ARCTIQUE.
OBJECTIF DU TRAVAIL.
RESUME.
3
INUIT EXPOSURE TO BIOACCUMULABLE
COMPOUNDS THROUGH THE AQUATIC FOOD
CHAIN IN ARCTIC
SUMMARY.
4
TABLE DES MATIÈRES
5
1. CONTAMINANTS BIO-ACCUMULABLES DANS LA FAUNE MARINE ARCTIQUE
Les POP sont, de façon plus générale, des hydrocarbures aromatiques polycycliques
ou halogénés. Selon le rapport d’évaluation des POP élaboré pour le programme
international sur la sécurité des substances chimiques (L. Ritter et al. 1995.), ils
résistent à la dégradation qu’elle soit photolytique, biologique ou chimique. C’est
cette caractéristique qui les rendent persistants. Ces composés sont émis par l’activité
humaine agronomique et/ou industrielle. Ils peuvent atteindre l’océan directement via
les eaux usées ruisselantes, ou indirectement par rejet atmosphérique. En effet, les
POP possèdent une semi-volatilité inhabituelle qui leur permet d’être transportés sur
de longues distances. Ils se volatilisent dans les régions chaudes puis se condensent
dans les régions plus froides (Falconer and Bildeman, 1994). C’est ainsi qu’on les
retrouvent dans les endroits les plus reculés de la planète, l’océan arctique ne faisant
pas exception. Les POP’s sont également lipophiles. Trouvant refuge dans les tissus
adipeux, ils ne sont que difficilement éliminés. Ceci leur permet d’être bio-concentrés
dans les organismes à partir de l’environnement et bio-amplifiés dans la chaîne
alimentaire. Le plancton, maillon initial de celle-ci, absorbe ces polluants, il sera
ingéré par les animaux phytophages qui sont eux-même soumis à la prédation. À
chacun des sauts de la chaîne alimentaire, la concentration des composés bio-
6
accumulables dans les tissus vivants s’amplifie, jusqu’à atteindre des concentrations
maximales dans les plus hauts niveaux trophiques. En arctique, il s’agira des phoques,
morses, dauphins, baleines carnivores tel que les bélougas, certains animaux terrestres
tel que les ours (Eric Dewailly et al., 1993); et enfin les populations humaines dont
certaines, telles que les inuits, se voient plus exposées que d’autres en raison de leurs
mœurs alimentaires particulières (Vilhjalmur, 1935).
Voici une présentation succincte des 12 POP retenues par le Programme des Nations
Unies pour l'Environnement (PNUE). (Ritter et al., 1995) (INRS, 2008)
1.1.1 L’ALDRINE
L’aldrine se fixe dans les sols puis se volatilise. Il est rapidement métabolisé en
dieldrine par les tissus vivants, ce qui implique des mesures de concentration faibles.
Sa bio-concentration se fait par l’intermédiaire de ses produits de transformation.
L’aldrine est toxique pour l’homme, une intoxication aigüe se caractérise par des
maux têtes, des étourdissements, des nausées et des vomissement accompagnés par la
suite de secousses musculaires, spasmes myocloniques et convulsions. Cette
substance est classée en Europe dans la catégorie 3 des substances cancérogènes, à
savoir “les substances préoccupantes pour l’homme en raison d’effets cancérogènes
possibles mais pour lesquelles les informations disponibles ne permettent pas une
évaluation satisfaisante”.
1.1.2 LE CHLORDANE
7
l’eau et les organismes de l’Arctique. Son exposition peut provenir des aliments, mais
il ne s’agit pas de la voie principale. Le chlordane est, de la même façon que l’aldrine
classé en Europe dans la catégorie 3 des substances cancérogènes.
Le chlordane est un insecticide qui était utilisé sur diverses cultures. Selon la
convention de Stockholm, la production de chlordane fait l’objet de dérogations
spécifiques. Son utilisation est limitée comme ectoparasiticide local, insecticide,
termiticide dans les bâtiments et les barrages, termiticide sur les routes, additif dans
les adhésifs pour contreplaqués. Le chlordane est considéré comme un agent
cancérogène probable pour les humains.
1.1.3 LE DDT
Le DDT est un composé semi-volatil. Il est lipophile et se distribue dans les tissus
adipeux des organismes vivants. Il peut être à la fois bio-concentré et bio-amplifié. Sa
demi-vie dans l’environnement est comprise entre 10 et 15 ans. Ses produits de
dégradation sont le TDE et le DDE, plus persistants encore. On retrouve ces résidus
partout, y compris dans les régions arctiques, dans l’environnement ainsi que dans les
aliments. Il provoque de façon significative une augmentation de maladies cérébro-
vasculaires. Son action faiblement œstrogénique entraine des modifications du
développement foetal. Il aurait également un impact sur l’augmentation du cancer du
sein (Laden et al, 2001). Il est classé en Europe dans la catégorie 3 des substances
cancérogènes.
Comme chacun sait, le DDT a été utilisé dès 1946 contre les vecteurs du paludisme et
du typhus, en pulvérisation directe sur les personnes pour ces même raisons et plus
largement sur les cultures agricoles. Une prise de conscience des effets néfastes du
DDT sur l’environnement n’est apparue que dans les année 70, son utilisation a alors
été limitée ou interdite dans les pays développés. Selon la convention de Stockholm,
l’utilisation et la production de DDT est aujourd’hui acceptable dans le but de lutter
contre les vecteurs de maladies. Une dérogation spécifique est accordée lorsqu’il sert
d’intermédiaire à la production de dicofol.
8
1.1.4 LA DIELDRINE
La dieldrine se fixe dans les sols ou elle possède une demi-vie de 5 ans. Elle est
persistante et lipophile, de cette manière elle peut être bio-concentrée et bio-amplifiée
à travers la chaîne alimentaire. On a d’ailleurs calculé des facteur de bio-
concentration important chez quelques espèces de poissons: 12500 chez le guppy,
13300 chez le chabot. Elle a été détectée dans l’eau l’atmosphère et la faune de
l’Arctique. Elle est classée en Europe dans la catégorie 3 des substances
cancérogènes.
L’utilisation de la dieldrine concerne la lutte contre les termites, les scolytes et les
ravageurs textiles. Mais elle est également un des produits de décomposition de
l’aldrine.
9
Par opposition aux substances précédement citées, ils ne sont pas produits de façon
volontaire. Les dioxines sont souvent issue de la fabrication de substances chlorées,
Les furanes sont liés au PCB. Dioxines et furanes émanent des incinérateurs et des
automobiles.
1.1.6 L’ENDRINE
L’endrine peut se volatiliser dans l’atmosphère et contaminer les eaux de surface par
ruissellement. Sa demi-vie dans les sols peut atteindre 12 ans. Il peut être bio-
concentré mais il ne s’accumule pas autant dans les graisses que les autres POP car il
est rapidement métabolisé, sa demi-vie dans les tissus n’est que de 4 semaines.
Aucun effet sur la santé humaine n’a pu lui être attribué avec certitude, il n’est donc
pas considéré en Europe comme substance cancérogène.
L’endrine est un rodenticide ainsi qu’un insecticide utilisé pour la culture du coton et
des céréales.
L’HCB est soluble dans les solvants organiques. Il est très résistant à la dégradation
est donc très persistant, sa demi-vie peut atteindre 22,9 ans dans les sols. Il se bio-
concentre dans les graisses avec des facteurs qui peuvent atteindre 106840 chez le
lumbricus variegatus. Il traverse la barrière placentaire et se retrouve dans le lait. Il
est transporté sur de longues distances et a été détecté dans l’eau, l’air et les
organismes de l’Arctique. Il est présent dans l’environnement ainsi que dans tous les
types de denrées alimentaires. L’HCB est responsable de divers symptômes cutanés:
lésions photosensibles, hyperpigmentation, hirsutisme, ainsi que de coliques, faiblesse
et débilitation, troubles de la synthèse de l’hème qui peuvent aller jusqu’à la mort.
Cette substance est classée en Europe dans la catégorie 2 des substances
cancérogènes, à savoir “les substances devant être assimilées à des substances
cancérogènes pour l’homme car il existe suffisamment d’éléments pour justifier une
forte présomption que l’exposition de l’homme à de telles substances peut provoquer
un cancer”.
10
L’HCB est un fongicide utilisé en agriculture. Il est également sous-produit dans la
fabrication de produits chimiques industriels et rentre de façon involontaire dans la
formulation de certains pesticides.
1.1.8 L’HEPTACHLORE
L’heptaclore est volatil et se retrouve dans l’atmosphère. Sa demi-vie dans les sols
peut atteindre 2 ans. Il a été détecté dans l’eau, l’air et les organismes vivants de
l’arctique. Il se fixe aux sédiments aquatiques, il peut être bio-concentré dans les
graisses sous sa forme originale ou sous forme d’époxyde d’heptachlore qui possède
un profil toxicologique similaire. Selon l’OMS, le régime alimentaire est la principale
source d’exposition. Il provoque des tremblements et des convulsions chez les
animaux, et augmente significativement les risques de cancers de la vessie chez
l’homme. Il peut également avoir un effet sur le système immunitaire. Il est classé en
Europe dans la catégorie 3 des substances cancérogènes. L’heptachlore est un
insecticide. Il a été utilisé également pour combattre le paludisme.
1.1.9 LE MIREX
Le mirex est un insecticide et un agent ignifuge utilisé dans les matières plastiques,
papier peint, caoutchouc et matériaux électriques.
Les PCB sont des hydrocarbures chlorés, il en existe 209 différents. Ils s’associent
aux sédiments organiques dans les sols et l’eau ou encore avec le carbone organique
11
dissous dans l’eau. Ils se volatilisent dans l’atmosphère. La toxicité des BPC est en
relation avec le nombre et la position des atomes de chlore. Les effets sont semblables
à ceux des dioxines. Ils modifient les enzymes hépatiques, provoquent
l’hépatomégalie, de l’acné, des rashs. Ils ont également étés impliqués lors
d’intoxications par ingestion dans l’hypertrophie des glandes de Meibomius au niveau
des paupières, dans la pigmentation des ongles et des muqueuses, l’hyperkératose, et
provoquent fatigue, nausées et vomissements. Ils réduisent également la concentration
des IgM, des IgA et des lymphocyte T actifs et auxiliaires. Ils augmentent l’incidence
des tumeurs des tissus sanguins et des cancers du tube digestif chez les personnes en
contact prolongé. La principale source d’exposition est la consommation de denrées
contaminées, en particulier le poisson.
Les PCB sont utilisé dans l’industrie chimique pour leurs qualités diélectriques et
d’échange de chaleur. Ils son également ajoutés dans les peintures, les papiers
autocopiants, les plastiques.
1.1.11 LE TOXAPHÈNE
Le toxaphène, dont la durée de vie est de 12 ans dans les sols peut être bio-concentré
chez les espèces animales aquatiques et se volatiliser dans l’atmosphère. Il a été
détecté dans l’air de l’Arctique. L’alimentation est la voie d’exposition principale. Des
aberrations chromosomiques ont été observées chez les femmes travaillant dans les
champs ou le toxaphène avait été pulvérisé. Il est classé en Europe dans la catégorie 3
des substances cancérogènes pour les humains.
Le toxaphène est l’insecticide qui a été le plus utilisé aux États-Unis en 1975.
1.2.1 EMISSIONS
12
ou de restreindre leur utilisation et précise les sources d’émission non intentionnelles.
Elle inscrit 9 POP sur la liste A (tableau I) en vue de leur élimination: l’aldrine, le
chlordane, le dieldrine, l’endrine, l’heptachlore, l’hexachlorobenzène, le Mirex, le
toxaphène, les PCB. Le DDT, quand à lui est l’unique représentant de la liste B
(tableau II) tolérant sa production pour la lutte contre les vecteurs pathogènes
uniquement “pour autant que la partie en question ne dispose pas de solutions de
rechange locales sûres, efficaces et abordables.” Une dérogation est accordée lorsque
celui-ci sert de produit intermédiaire à la production de dicofol, un pesticide
organochloré inscrit par l’organisation mondial de la santé sur la liste III des polluants
“légèrement dangereux”. La liste C concerne les Polychlorodibenzo-р-dioxines et
dibenzofuranes (PCDD/PCDF), l’HCB et les PCB en vue de définir les sources de
productions non-intentionnelles.
Ce texte fut mis en application en mai 2004 dans 91 pays. Au 3 avril 2009, 152 pays
avaient signé la présente convention (figure 1), témoignant, d’une part, de la prise de
conscience international du danger de ces polluants, et d’autre part de l’aspect
pratique de ceux-ci.
13
Le comité expert de l’OMS/FAO a évalué, pour les dioxines et les furanes, une dose
journalière admissible (DJA) entre 1 à 4 pg TEQ par kilogramme de poids corporel.
Mais en juin 2001, il a également spécifié une valeur de 70 pg TEQ par kilogramme
de poids corporel et par mois.
Aujourd’hui encore, certaines populations sont autochtones de ces régions arides que
l’on rassemble sous le nom de cercle polaire arctique. Elles se répartissent entre le
Groenland, le nord du Canada, l’Alaska, le nord de la Sibérie et même la Suède, la
Norvège et la Finlande. Parmi elles, la population Inuit, branche de la famille des
Esquimaux, s’est établie sur les territoires du Groenland et du nord du Canada. Celle-
ci possède un régime alimentaire particulier et essentiel à sa survie en raison des
conditions climatiques extrêmes de ces régions ou ne poussent que quelques mousses
exploitées par les caribous. Ce régime alimentaire hors du commun est issu en très
grande partie de la faune marine arctique, particulièrement riche en protéines et en
graisses et très pauvre en hydrates de carbone (Patricia Gadsby, 2004).
14
phoques barbus, Caribous, baleines, des poissons tel l’Omble-chevalier ou le chabot,
des algues et des baies. Une liste exhaustive élaborée par le CINE, “Centre for
Indigenous Peoples Nutrition and Environment”, chez les Qikiqtarjuaq est présentée
dans le tableau IV.
Au cours de ces quatre dernières décennies, les polluants organiques persistants ont
été détectés dans l’ensemble des denrées alimentaires d’origine marine consommées
par les inuits. En 1995, L. Ritter et al., dans le rapport sur les POP qui servira plus tard
pour l’élaboration de la convention de Stockholm publie un ensemble de relevés
effectués dans différentes études en vue de déterminer le niveau de pollution du grand
Nord. Ces chiffres sont intéressants en raison de leur multiplicité, il sont présentés tel
quel dans les tableaux V. On observe que l’ensemble des POP se retrouve aux plus
hautes concentrations dans la graisse des grands prédateurs à des concentrations
parfois inquiétantes. Dans la graisse de phoque annelé par exemple, une des denrées
alimentaires traditionnelles les plus consommées par les Qikiqtarjuaq, les relevés sont
compris entre 150 et 4500 ng/g de poids frais pour le DDT, 310 et 4100 ng/g de poids
frais pour les PCB, 130 et 2380 ng/g de poids frais pour le chlordane ce qui peut être
inquiétant lorsque l’on sait que 2,75% du régime alimentaire traditionnel, et 0,5 % du
régime alimentaire total inuit est constitué de graisse de Phoque Annelé.
L’île de Baffin appartient à l’archipel arctique canadien, elle ne compte que 11000
habitants pour une superficie de 507 451 km2, soit 0,02 habitant/km2, et présente sur
ses terres 95% des populations inuites. C’est sur cette île que réside les Qikiqtarjuaq,
une petite communauté d’environ 500 habitants dont le régime alimentaire a été
évalué précisément par le Centre of Nutrition and the Environment of Indigenous
Peoples (CINE). Cette population présente un intérêt particulier en raison de son
isolation et de ses mœurs alimentaires; en effet leur cuisine traditionnelle possède une
forte proportion de denrées alimentaires originaire de mammifères marins. Dans cette
population, en moyenne 15% des denrées alimentaires sont d’origine traditionnelle
(Tableau V). Il faut avoir à l’esprit que, si ce pourcentage varie en fonction des
15
individus, il varie également en fonction des saisons jusqu’à atteindre 20 à 30% dans
les périodes de consommation élevée. Et celui-ci est également variable
qualitativement. En effet, si le printemps est favorable à la prise de phoque, l’été est
une saison plus propice à la chasse aux caribous (karen Fediuk, 2001). Tous ces
éléments rendent l’estimation précise du régime alimentaire des populations inuits
difficile.
Selon (Kuhnlein et Soueida 1992), on peut estimer que ces populations ingèrent en
moyenne 2500 kcal par jour avec un rapport protéine/graisse/carbohydrate de 45:49:6.
Un tel régime serait équivalent à un poids 1100g de viande/organe, 133 g de graisse et
200 g de plantes par jour, soit une quantité totale de 1433g d’aliments par jour. Mais
ici aussi des variations saisonnières sont à prévoir en raison du climat et de la
variation de l’abondance des ressources; les valeurs de prise journalière calorifique
peuvent être comprises entre 1500 et 3500 kcal par jour, comme l’atteste d’autres
études plus anciennes (Hoygaard 1941.) (Rabinowitch et Smith 1936). Une étude de
2007, élaborée par H. V. Kuhnlein et O. Receveur, fait état de l’importance des
denrées alimentaires traditionnelles aujourd’hui encore chez les Yukon, Dene/Métis et
les inuits avec un taux energétique moyen de 2170±35 kcal et un rapport protéine/
graisse/carbohydrate de 34:30:35.
Comme Karen Fediuk (2001), j’ai utilisé ces chiffres pour estimer l’ingestion
quotidienne moyenne par espèce sur base des données fournies par le CINE sur les
Qikiqtarjuaq. Ces calculs ne tiennent donc pas compte des variations qualitatives et
quantitatives en fonction des saisons. Par exemple, si le phoque annelé représente 6%
du régime alimentaire total, que l’on se base sur un poids de prise alimentaire
journalière moyen de 1433g, on peut estimer que le phoque annelé est ingéré en
moyenne par jour et par personne à raison de 86g de poids frais. Ces chiffres sont
repris dans le tableau VI.
Nous avons vu précédemment que dans la graisse de phoque annelé les relevés
effectués sont compris entre 150 et 4500 ng/g de poids frais pour le DDT, 310 à 4100
ng/g de poids frais pour les PCB, et 130 à 2380 ng/g de poids frais pour le chlordane
16
(Ritter L. 1995). Hors, la graisse de phoque annelé est absorbée à raison de 7,2 g de
poids frais par jour en moyenne selon les calculs précédents. L’absorption de polluant
par cette voie pourrait donc être comprise entre 1080 ng/j et 32400 ng/j pour le DDT;
2232 et 29520 ng/j pour les PCB; entre 936 et 17136 ng/j pour le chlordane. Un
individu Qikiqtarjuaq de 60kg absorberait donc entre 0,1 et 2,7 % de la DJA pour le
DDT, entre 41,3 et 546,6% de la DJA pour le PCB et 3,1 et 57% de la DJA pour le
chlordane uniquement par son absorption de graisse de phoque annelé, constituant
0,5% de son régime alimentaire total moyen. Il est donc a noter que les aliments
contenant les niveaux de contaminants les plus élevés ne sont pas les plus
consommés.
Ces chiffres ne sont donnés qu’à titre indicatif. Ils font état de larges variations en
raison de la variabilité des relevés récoltés par Ritter L. et ne concernent que le DDT,
les PCB et le chlordane. Mais ils sont néanmoins interpellants et font état de la
nécessité de comptabiliser des relevés actuels plus précis.
Il est intéressant de s’attarder sur une étude, publiée en 1995 par Kuhkein et al., qui
fait état de l'exposition alimentaire au PCB, au chlorobenzènes (CBZ), au chlordane
(CHL), au dichlorodiphényldichloroéthylène (DDE), au dichloro-
diphenyltrichloroethane (DDT), au dieldrine (DIE), au hexa-chlorohexanes (HCH), et
aux toxaphenes (TOX) des femmes appartenants à 3 communautés inuites différentes,
dont les Qikiqtarjuaq. La population féminine a été partagée en catégories d’âge. La
dose ingérée par jour pour chacun de ces polluants est reprise dans le Tableau VII.
Leurs résultats montrent que deux populations inuites, consommant toutes deux de
grandes quantités de nourriture traditionnelle, présentent une exposition différente aux
POP. Les Qikiqtarjuaq présentent un risque beaucoup plus élevé d'exposition aux
contaminants organiques par rapport aux communautés Sahtù Dene et Métis en raison
de la plus grande ingestion de mammifères marins. Il est intéressant de noter que
même si les taux d’organochlorés dans la viande de phoque annelé sont relativement
faibles en comparaison avec ceux des tissus adipeux, le fait de consommer de grande
quantité de viande fait contribuer celle-ci à hauteur de 15% de l'apport total des CBZ,
HCH et PCB. En revanche, si la consommation de graisse de narval est relativement
17
faible, elle contribue à près de 50% du taux de toxaphène dans le régime alimentaire.
Plus intéressant encore, selon cette étude, l’ingestion quotidienne de CBZ, de DDT et
de HCH a été en deçà des DJA pour les Inuits de Baffin. Par contre, plus de 50%
(médiane) des relevés de consommation ont dépassé la DJA pour la CHL et TOX, et
un pourcentage non négligeable pour la DIE et le PCB (Figure 2).
D’une manière générale, si les effets d’une intoxication aigüe par les POP chez
l’homme sont bien documentés (Pestaori et al., 1993), il n’en va pas de même pour
l’intoxication chronique, ce qui constitue un paradoxe étant donné la longue demi-vie
de ces derniers dans les organismes vivants. Pourtant, au sein de la faune aquatique
marine, divers effets néfastes ont été corrélés à la présence de POP dans
l’environnement: décroissance de population pour certains mammifères marins
(Reijnders,1986; Duinker, 1985), diminution de la viabilité des larves de divers
poissons (Hansen et al.,1985), altération de la fonction de reproduction chez les
prédateurs aquatiques des grands lacs (Colborn, 1991), incidence de tumeurs élevé
chez les bélugas du Saint-Laurent (Swain et al.,1992), lésions thyroïdiennes chez les
saumons des Grands Lacs (Leatherland, 1992). Il est néanmoins admis qu’une
exposition aux POP à des concentrations plus faibles peut induire: immuno-
déficience, déficits neurologiques, troubles de la reproduction, anomalies
comportementales et cancérogenèse (Parkinson and Safe, 1987, Francine Laden
2001).
18
Enfin, si l’on en croit Ayottee et al. (1995), les populations de l’Arctique canadien, où
les taux de PCB dépassent la dose journalière acceptable, seraient confrontés à des
problèmes de reproduction et de développement. Toujours d’après DeWailly et al.
(1993), parmi les enfants de cette région, ceux qui absorbent BPC, dioxine et furanes
par l’intermédiaire du lait maternel, présentent une incidence d’otite plus forte que les
enfants nord-canadiens nourris au biberon.
CONCLUSION
19
d’établir celui-ci précisément afin de déterminer la dose journalière absorbée en
fonction de ces variations et d’établir des valeurs minimale et maximales.
En outre, la convention de Stockholm a été mise en application en 2004, il serait
opportun de faire de nouvelles mesures pour les onze POP retenus, dans les denrées
alimentaires à destination de ces populations isolées, et constater leur efficacité.
20
FIGURE 1. CONVENTION DE STOCKHOLM - ETATS ADHÉRENTS AU 03/04/2009
152/163 états ont signé la convention de Stockholm sur les POP (en blanc).
21
FIGURE 2 DISTRIBUTION DE L’EXPOSITION AUX ORGANOCHLORÉS VIA LES DENRÉES
ALIMENTAIRES TRADITIONNELLES CONSOMMÉES PAR LES FEMMES DES RÉGIONS DE
L’ARCTIQUE. KUHNLEIN ET AL. 1995
22
TABLEAU I: ANNEXE A DE LA CONVENTION DE STOCKHOLM SUR LES POLLUANTS
ORGANIQUES PERSISTANTS
23
TABLEAU II: ANNEXE B DE LA CONVENTION DE STOCKHOLM SUR LES POLLUANTS
ORGANIQUES PERSISTANTS
24
TABLEAU III: NIVEAUX DE CONTAMINATION ACCEPTABLES PAR LES POP
25
T A B L E A U I V. N O U R R I T U R E TRADITIONNELLE CHEZ LES Q I K I Q TA R J U A Q
Espèce Partie Préparation Poids frais % du poids % du poids de
(Kg) des denrées la totalité du
alimentaires régime
traditionnelles alimentaire
Données établies par le Centre for Indigenous Peoples' Nutrition and Environment
(CINE)
26
TABLEAU V: RELEVÉS DE CONCENTRATIONS DE POP (EN ng/g DE POIDS FRAIS) ÉTABLIS
CHEZ LES VERTÉBRÉS, POISSONS, MAMMIFÈRES ET OISEAUX MARINS PUBLIÉS PAR L.
RITTER EN 1995 DANS “A REVIEW OF SELECTED PERSISTENT ORGANIC POLLUANTS”.
27
28
29
30
31
32
33
TABLEAU VI. CONVERSION DU POURCENTAGE DE LA TOTALITÉ DU RÉGIME
ALIMENTAIRE POUR LES DENRÉES TRADITIONNELLES LES PLUS CONSOMMÉES, EN POIDS
PAR/J SUR BASE D’UN ESTIMATION DU POIDS TOTAL DU RÉGIME ALIMENTAIRE DE 1433g/
j CHEZ LES QIKIQTARJUAQ
Calculs établis à partir des données fournies par le Centre for Indigenous Peoples'
Nutrition and Environment (CINE)
34
TABLEAU VII. DOSE QUOTIDIENNE D'ORGANOCHLORÉS INGÉRÉS PAR LES FEMMES
INDIGÈNES ARCTIQUES DE DIFFÉRENTS ÂGES CONSOMMANT LA NOURRITURE
TRADITIONNELLE. KUHNLEIN ET AL. 1995
35
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