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Le Samsâra, la roue de la vie

Conférence à la Gendronnière,
le 26-07-2002
Guy Mokuho Mercier

Comme vous l’avez peut-être déjà compris, la vie est un mémorisation.


fleuve pas très tranquille. Et c’est peut-être la raison pour Notre fonction mentale est comme un ordinateur. Elle
laquelle, finalement, vous êtes venus chercher la tranquil- préside autant à l’apparition de la forme (du corps), à la
lité ici, cet été, à la Gendronnière. naissance, qu’à la mise en place des circuits qui, dans le
Le concept du Samsâra présente, en fait, l’essentiel de l’en- cerveau, vont programmer les réactions répondant aux sol-
seignement du Bouddha. Je vous en donne aujourd’hui licitations internes et externes. Dans le monde du mental,
une explication simplifiée que vous pourrez approfondir les pensées s’assemblent, s’enchaînent (toujours la notion
plus tard si le sujet vous intéresse. d’agréger) et déterminent l’intention, suivie d’une volonté
En introduction, je souhaiterais vous reparler, à ma ma- d’action, de réaction, de réponse à la sollicitation.
nière, du concept des cinq Skandhas que Gérard Pilet a La parcelle de conscience, impersonnelle à l’origine, par-
évoqué dans sa conférence, il y a deux jours, et dont Mi- tout présente dans ces cinq agrégats, réalise l’action proje-
chel a parlé, hier aussi, dans le mondo. tée par le mental, et par le jeu de «Maya», l’illusion (litté-
Après chaque zazen, nous chantons l’Hannya Shin gyo ralement : «ce qui n’est pas») elle en vient à se croire dotée
dans lequel la première phrase résume l’essentiel de notre d’une individualité et d’une liberté d’action personnelle.
pratique. Cette première phrase « Kanjizai bosatsu gyo jin Elle s’identifie aux skandhas et ainsi se crée l’illusion et
hannya haramita ji sho ken go un kai ku do issai ku yaku la croyance en un ego indépendant séparé de son origine.
» veut dire : « Quand le bodhisattva Avalokitesvara, par Comme toutes les choses qui constituent le monde de la
la pratique profonde de la sagesse infinie «Hannya», ob- forme et des phénomènes, cet ego est soumis à la loi de
serve et comprend que les cinq skandhas sont vides, Ku, causalité, il crée du karma et, par voie de conséquence de
il met fin à sa propre souffrance (et, simultanément à celle la souffrance. Il se voit séparé et ne comprend plus que
de tous les êtres). » chaque être et chaque chose n’existe que par l’interdépen-
Bodhi, c’est l’éveil et sattva, la nature (de bouddha), donc dance avec tous les autres. Il ne comprend pas non plus
«bodhisattva», l’être qui s’éveille (ou qui est éveillé) à sa qu’il n’est qu’un fruit (stérile) de cette illusion qui le sé-
nature essentielle. Kanjizai désigne le bodhisattva de la li- pare des autres.
berté (zai), et de la compassion. C’est Kannon ou Avaloki- Les 5 skandhas, soit pris séparément, soit combinés, ne
tesvara. Par sa pratique (gyo) de la sagesse et des paramita constituent en aucune façon une réelle entité-ego, et aucu-
(les six pratiques de perfection), il réalise que les go un (les ne entité-ego n’existe en dehors d’eux. Comme Gérard l’a
cinq skandhas) sont vides. Et par cette compréhension, il expliqué, la croyance en une personne séparée de l’océan
met fin à la souffrance. de la vie, de l’univers, disposant d’une liberté individuelle
L’enseignement du Bouddha a pour principal objectif la et d’une volonté personnelle, est une illusion.
compréhension de l’origine de la souffrance, sa cessation Chacun de ses 5 agrégats, qui, avec les quatre autres, ac-
et le chemin qui mène à cette cessation. tionne la personnalité, est, par essence impermanent, tran-
sitoire et, éphémère. Il n’y a rien dans ce corps ni dans
Que sont les cinq skandhas ? ces sensations, ni dans ces perceptions, ni dans les pensées
Imaginez Ku. Ce concept de vide ou de vacuité est rela- qui ne soit soumis à la loi de l’impermanence. Tout est
tivement complexe à imaginer, mais voyez Ku partout, sans cesse en mouvement, en transformation. Apparition
à l’intérieur, à l’extérieur, en nous et au dehors de nous, et disparition.
éternel et immuable. Le terme de «conscience imperson- Le Bouddha dit :
nelle» me convient bien. Dans cette conscience imperson- «Ces cinq skandhas sont transitoires et de ce qui est tran-
nelle, Ku, émerge (en elle-même) une potentialité, parcelle sitoire, sujet à la souffrance et au changement perpétuel,
de conscience, en rien différente de son origine, comme on ne peut pas dire : Ceci m’appartient ou ceci est mon
une goutte d’eau n’est en rien différente de l’océan qui la ego.»
contient. Cette parcelle de conscience rassemble (agrège,
d’où le nom d’agrégat pour traduire le mot skandha) des Et quand ils ont accompli leur tâche, le rôle pour lequel ils
«choses», des qualités, autour d’elle et en elle, notamment sont apparus dans le monde manifesté, ces cinq skandhas,
une forme ou un corps, pourvu de la faculté de ressen- avec le temps, perdent leur force de cohésion, vieillissent,
tir (sensations), de percevoir (perceptions) le monde qui s’effritent, se «désagrègent» et disparaissent. C’est la mort,
l’entoure au moyen des cinq sens et capable de s’organiser et pas une chose ou un être dans cet univers n’échappe à
pour l’existence, de gérer ses relations avec le monde et cette loi.
avec les êtres, par le biais de la fonction mentale et d’une Que reste-t-il quand ces skandha ont disparu ?
volonté réactive organisée par le cerveau et sa capacité de Il reste des intentions d’action et le fruit des actions qui
ont été engendrées, accomplies pendant la vie de ces cinq ditionnés et fonctionnent les 5 skandhas, et donc l’ego.
skandhas. Ces graines de karma sont emmagasinées quel- L’histoire raconte qu’à la vue de ce mandala, le roi Bimbi-
que part, disons dans le réservoir de la conscience imper- sâra s’éveilla ainsi que celui à qui il l’offrit. Bien sûr, tous
sonnelle. Je dis cela mais je n’ai pas vraiment d’idée sur la deux gouvernèrent par la suite leur pays et leur peuple
question. selon les grands principes de paix et de non-violence du
Ces graines d’intention, de karma vont germer et de nou- bouddhisme.
veau réapparaître et se recomposer en nouveaux agrégats, Le Bouddha utilisait souvent ce mandala, cette roue, pour
autrement dit un nouvel être est conçu, pourvu de carac- enseigner ses disciples. II les questionnait :
téristiques et d’un karma potentiel qui sont les fragments, «Comment voyez-vous les choses ? Avez-vous compris la
les résurgences et les fruits de vies passées. loi du karma ?»
En adhérant au concept de la renaissance, les gens croient La roue de la vie est donc très connue en orient, et c’est la
souvent qu’une même entité transmigre de vie en vie. En raison aussi pour laquelle on la voit souvent à l’entrée des
fait, chaque être n’est qu’une combinaison de skandhas temples en Inde et en Chine, et peut-être un peu moins
qui apparaît selon des opportunités et des desseins que au Japon.
notre mental limité ne peut pas comprendre ni même en- Pour tout pratiquant bouddhiste, la compréhension du
visager. Il y a des milliards de milliards de potentialités mécanisme du Samsâra est une grande aide pour com-
et d’apparitions de skandhas, des infinités de combinai- prendre sa souffrance et le chemin qui mène à sa cessa-
sons possibles. Chaque individu est unique mais la source, tion.
l’origine, l’essence est Une. Dans un sutra, on trouve cette phrase : «Celui qui connaît
Ce processus continuel de transformation des skandhas l’émergence des conditions», c’est-à-dire comment la vie
est appelé le Samsâra. se met en place, comment elle émerge, «celui qui, donc,
Littéralement, «Samsâra» signifie «l’errance perpétuelle». connaît ces conditions, connaît le Dharma. Et celui qui
Il y a d’autres noms pour nommer ce concept : «L’océan de connaît le Dharma, connaît le Tathagata». Encore un mot
la vie avec ses marées», dans lequel une vie ne constitue bizarre ! Michel en a parlé dans son kusen. Le «Tatha-
qu’une minuscule vague, une infime poussière. gata», c’est «l’ainsi venu», «celui qui vint», terme dont le
Le Bouddha dit que, pour comprendre la vérité de la souf- Bouddha se servait pour parler de lui-même ou des autres
france, on doit laisser reposer son regard sur l’ensemble bouddhas. C’est un être parvenu à l’illumination suprême,
du Samsâra et non pas sur une seule vie, qui peut être heu- celui qui connaît «ce qui est». «Tathagata», c’est «la Réa-
reuse ou pénible ou même parfois épouvantable. Les va- lité telle qu’elle est», et aussi «la nature de Bouddha» pré-
gues de vie de cet océan, selon leur nature ou leur activité, sente en tout être, l’essence.
se manifestent comme des êtres humains ou des animaux. En étudiant la roue de la vie, on peut saisir comment naît,
Le Bouddha parle même «d’êtres invisibles». apparaît et fonctionne le monde, et à quels principes l’être
Le Samsâra est une ronde sans fin, qu’on appelle aussi «le humain est assujetti. Et cela permet, non seulement de cla-
piège des existences cycliques», où chaque individu, par rifier la compréhension du karma, mais aussi de s’éveiller
la création d’un ego illusoire, individuel, ne percevant pas au Tathagata, notre vraie nature.
l’ensemble de ce Samsâra, tourne en rond, séparé de son Rapidement décrite : la roue présente un centre où figu-
origine et donc sujet à la souffrance. rent les trois poisons, entouré d’une autre zone de deux
«La transmigration» est un autre nom du Samsâra : les couleurs (noir et blanc) qu’on appelle les états intermé-
caractéristiques et le karma passent d’une vie à l’autre et diaires (types d’actions produites durant l’existence). En-
d’un monde à l’autre. suite sont représentés les cinq (parfois six) domaines ou
Maître Dogen appelle le Samsâra : «vie – mort», tout sim- royaumes de renaissance (où sont produites ces actions
plement. (karma) méritoires ou déméritoires) . Le cercle extérieur
explique et met en liaison «les douze causes interdépen-
La roue de la vie : dantes de la production», (les douze innen dans le langage
Cet univers cyclique est représenté par une roue, la roue zen japonais, nen signifiant «interdépendance»). Ce sont
de la vie. Pour vous en montrer une image, j’ai trouvé une ces 12 causes (ou liens) qui conditionnent le groupe des
représentation tibétaine, mais l’origine de cette roue re- cinq skandhas, de son apparition à sa disparition dans le
monte à plus loin que le bouddhisme tibétain puisqu’on monde phénoménal. Tenant la roue entre ses pattes et en-
en attribue la conception au Bouddha lui-même. tre ses dents, vous voyez un énorme monstre. Son nom est
A cette époque, la famille des Shakya régnait sur une pro- Mara.
vince du nord de l’Inde. Le Bouddha était l’ami de Bimbi-
sâra, roi de Magada, province ou royaume voisin de celui Commençons par Mara.
des Shakya. C’est dans le royaume de Magada, (Bussho Mara, dans la symbolique bouddhique et hindouiste, est
Kapila, Jodo Makada…) que le Bouddha s’éveilla sous le premier des dieux. Son nom signifie la mort. Mara est
l’arbre de la bodhi. Le roi Bimbisâra avait un ami immen- le maître des désirs et de tous les plaisirs liés aux sens.
sément riche, qui lui avait fait un très beau cadeau, et il C’est le maître de l’univers matériel, et sa raison d’être
souhaitait lui rendre la politesse. Ne sachant pas trop quel est de veiller à ce que le monde phénoménal fonctionne
cadeau faire à un homme si riche, Bimbisâra alla trouver le et se reproduise. Ce qu’incarne Mara, ce sont tous les dé-
Bouddha et lui demanda : « Que pourrais-je offrir comme sirs, même les désirs inavoués qui naissent dans les esprits
cadeau à mon ami ? » Le Bouddha lui proposa de peindre les plus purs, qui naissent dans le karma du corps et des
un mandala. autres agrégats.
Sous la direction du Bouddha, ils se mirent à peindre en- Mara a un autre nom qui est beaucoup moins connu, c’est
semble ce mandala. Il représente le processus de la vie, «Kama», l’amour. Parce qu’il est l’esprit de vie qui veille
c’est à dire le mécanisme du karma selon lequel sont con- sur tous les êtres. Il s’émerveille sans cesse de faire naî-
tre toutes ces formes et met donc à la disposition de «ses» est vue, elle s’évanouit d’elle-même, naturellement, in-
créatures tous les plaisirs et toutes les richesses et les beau- consciemment automatiquement.
tés du monde.
Le problème avec Mara, c’est qu’il ne s’occupe pas du tout Au centre, ce sont les trois poisons :
des conséquences liées à ce qu’il crée. Il est très généreux, Ces trois poisons, lorsqu’ils entrent dans l’esprit, dépossè-
il donne sans compter, mais le résultat inévitable de cette dent la vie de l’homme de ce qu’elle a de plus beau. Sous
illusion est l’apparition de la souffrance. Il donne le plaisir l’emprise de ces trois poisons, l’homme oublie son identité
mais aussi, en plus, la «soif» du plaisir. Les cinq skandhas, et sa nature de Bouddha. Ils ne sont rien d’autre qu’un
excités, habitués, conditionnés par ce plaisir, sont en fin de leurre agité par Mara (l’ego qui se croit immortel) après
compte voués à la frustration et à la souffrance. Mara est à lequel courent les êtres pour atténuer les effets de l’imper-
la fois producteur et à la fois destructeur. Les cinq crânes manence et éviter de considérer la vieillesse et la mort.
de son diadème représentent les cinq sens, les cinq percep- Le premier de ces trois poisons est l’avidité, le désir, l’at-
tions illusoires, les cinq agrégats de l’existence. tachement et la soif de d’appropriation, de possession.
Evidemment, lorsqu’il voit le Bouddha sous son arbre, Elle est symbolisée par un coq. Vous pouvez comprendre
Mara se dit : pourquoi.
«Si celui-là continue ainsi, il va mettre fin au monde des La haine est représentée par un serpent. C’est aussi la co-
désirs et à ma souveraineté. Il va comprendre comment lère, la malveillance et l’agressivité, vis-à-vis des autres,
fonctionne le mécanisme de l’illusion. J’ai donc intérêt bien entendu, mais aussi par rapport à soi-même.
à ce qu’il n’aille pas trop loin, et surtout qu’il ne trans- Le cochon symbolise la bêtise et l’ignorance. Ignorance de
mette pas son savoir et sa connaissance aux autres êtres notre nature originelle, mais aussi des conditions de notre
humains ! » existence.
Il s’approche du Bouddha et lui dit : Le cochon mord la queue du serpent qui mord la queue
«Dis donc, Shakyamuni, je te vois là en train de t’efforcer du coq, qui mord la queue du cochon pour tisser la trame
d’abandonner tes désirs. Mais tu as tort. Ce que les êtres de nos illusions. Ils sont là, tous les trois, inséparables, à
vivants ont de mieux à faire, c’est de vivre. C’est en vivant l’origine des actions générées pendant cette vie, pendant l’
que tu protèges le bien. Désire, consomme, profite… ». existence de ce groupe de skandhaS.
Le Bouddha sait bien que l’objectif de Mara est d’offrir le
plaisir et les jouissances mais il sait aussi que la souffrance Les Etats intermédiaires
en résulte. Il ne bouge pas. Deux types d’actions sont produits par les êtres soumis à
Mara va envoyer toutes ses armées pour lui faire peur et le l’influence de ces trois poisons.
soumettre. Les armées de Mara, ce sont tous les désirs sen- Les mauvaises actions sont non-vertueuses, «déméritoi-
suels, le découragement et la tristesse, la faim et la soif, les res». Ce sont celles qui sont nocives pour les autres.
attachements et le désir d’appropriation, de possession, la La conduite pure engendre les actions vertueuses et donc
paresse et la somnolence, la peur, le doute, le remords, la méritoires.
haine, la colère, l’amour égoïste du confort, l’orgueil et la Ces potentialités du karma antérieur sont appelées «les
satisfaction de soi, la complaisance avec soi-même, etc. états intermédiaires», car elles vont conditionner l’appari-
Shakyamuni ne bouge toujours pas, comme vous l’avez tion du groupe de skandhas dans un des 5 ou 6 royaumes
sans doute déjà compris. Mara, excédé, furieux, va ensuite de renaissance.
envoyer ses filles exercer leurs charmes et provoquer le A droite, il y a un demi-cercle noir et à gauche un demi
Bouddha. Et vous savez bien que ça ne marche toujours cercle blanc.
pas. Dans le blanc, vous pouvez voir des personnages beaux,
lumineux dont le regard est tourné vers le haut. Ils mar-
Alors, la question est : « Où habite Mara ? ». chent en paix grâce à leurs actions vertueuses. Les êtres
Mara habite dans notre mental. C’est lui qui fait naître les vertueux accomplissent des actions vertueuses par la pen-
pensées. Il est le maître des pensées. Mara est notre mental sée, la parole et le corps. Ce sont les actions engendrées
lui-même. C’est finalement lui qui, à travers le processus par le respect des kai : Ne pas tuer, ne pas voler, ne pas
de fonctionnement des skandhas, engendre la pensée, le mentir, ne pas s’enivrer, ne pas avoir de mauvaise sexua-
désir, la soif et l’action qui va apaiser cette soif, condui- lité, …etc. Ces actions permettent d’envisager la fin de la
re à la satisfaction ou à la frustration. Il est cette voix qui souffrance. Elles correspondent également à une pratique
s’exprime à chaque instant dans notre esprit et que nous indispensable dans toutes les écoles bouddhistes, celle des
avons fini par prendre pour nous-mêmes. Mara est notre six paramita que pratique le bodhisattva Kanjizai pour
ego dominateur, avide, égoïste, tentateur, complaisant, lâ- mettre fin à la souffrance (première phrase de l’Hannya
che, menteur et fourbe. Il ne fait rien sans intérêt. De son shin gyo).
intervention et de ses actions surgit le Samsâra. Les six paramita (pratiques de perfection), rappelons-le,
Le Samsâra est dans les griffes de Mara et celui-ci est dans sont : le don (le fuse), la patience (ninniku), l’effort, l’obser-
notre esprit. C’est là que Mara développe son influence, vance des kai (des préceptes), la méditation et la sagesse.
qu’il crée la confusion et la souffrance. C’est ainsi qu’est Ici, sagesse signifie le pouvoir et la faculté de discriminer,
actionnée la production du karma qui conditionne la vie c’est à dire de discerner entre ce qui est Réel et ce qui est
et l’action des cinq skandhas et se prolonge après leur dis- irréel, illusoire, impermanent. Cette faculté apparaît et se
parition, leur «désagrégation». développe naturellement avec la pratique de zazen, même
La roue de la vie explique donc le processus du Samsâra si le pratiquant ne s’en rend pas compte. Elle signifie com-
engendré par Mara, Ie mécanisme de fonctionnement de prendre le caractère transitoire, éphémère, autant de soi-
l’ego. «S’étudier soi-même», s’éveiller signifie simplement même en tant qu’agrégat que de tout ce qui constitue le
comprendre l’irréalité de ce mécanisme. Lorsque l’illusion monde phénoménal.
Dans le demi-cercle noir, les personnages dégringolent l’ignorance et réduits à leurs instincts primaires. Quand
vers les royaumes inférieurs, enchaînés les uns aux autres, on regarde un peu comment vivent les poules et les coqs,
titillés par les démons des enfers. Ces êtres enfreignent ici, à la Gendronnière, on peut comprendre profondément
sans cesse les kai, créant le mauvais karma qui les préci- la signification d’une renaissance dans le monde des ani-
pite vers les royaumes inférieurs. maux. Cela paraît drôle, mais les coq se battent jusqu’au
Les actions engendrées par les pratiques antérieures, plus sang pour dominer quelques poules. Je vous invite à les
ou moins influencées par les trois poisons, vont faire émer- observer. Il y a ici de nombreux coqs, c’est très intéressant.
ger à la vie un groupe de cinq Skandhas qui va naître dans Bref, on dit que dans ce monde renaissent aussi les êtres
un royaume, un monde dans lequel va se dérouler cette qui contrecarrent la spiritualité ou qui s’en moquent.
nouvelle vie. Il y a cinq ou six mondes de renaissance. Le dernier monde de mauvaise renaissance est celui des
Chacun de ces mondes comporte en lui-même une partie «Pretas».
des autres, ce qui veut dire que, quelque soit le monde où Les Pretas, on les appelle aussi les gakis. Ce sont des êtres
il va apparaître, le groupe des cinq Skandhas va vivre des privés des jouissances matérielles et physiques, car, dans
états psychologiques provenant des autres mondes. des vies antérieures, ils ont été d’impardonnables jouis-
seurs égoïstes. Ils sont sans cesse à la recherche de nour-
Les six royaumes de renaissance : riture et sont donc représentés avec de toutes petites bou-
En haut, il y a les royaumes de renaissance heureuse. ches, de la taille du chas d’une aiguille, et donc condamnés
D’abord celui des «devas»ou demi-dieux, qui habitent le à ne rien pouvoir ingurgiter de solide. Leur œsophage est
parfum des racines. Ils sont beaux, ils jouissent d’une lon- complètement contracté, mais par contre, ils ont un gros
gue vie et ils sont riches en bonheur. Cependant, à cause ventre et donc un gros appétit. Ils sont par conséquents
de ce bonheur permanent, ils portent en eux les conditions toujours insatisfaits et frustrés. Et ils sont tellement brû-
de la paresse et de la défaite. Leur présence dans ce monde lés par cette faim que, parfois, sur les images, on les voit
est due à leur bon karma antérieur, mais cela ne consti- cracher du feu : ils sont enflammés de l’intérieur. Dans
tue qu’une étape vers la libération finale. Ils sont toujours leurs pires moments, les gakis sont tellement hallucinés
dans le Samsâra et donc sujets à réapparaître de nouveau qu’ils confondent les ordures avec des plats succulents et
et même dans un monde moins favorable. se jettent dessus. C’est donc à ces êtres-là que nous offrons
Ensuite c’est le deuxième monde, celui des «Asuras». notre thé avec quelques bribes de nourriture, en espérant
Les Asuras sont des demi- dieux, eux aussi, mais ils sont qu’ils arriveront à s’en satisfaire.
aveuglés par la jalousie, dominés par l’orgueil et la convoi-
tise et ils n’admettent pas la supériorité des Devas. Pour Tout ça n’est pas très loin de nous. Non ?
cela, ils sont toujours prêts à combattre afin d’obtenir une Vous pouvez remarquer, autant chez les autres que
meilleure place ou la satisfaction de leurs désirs. Ils sont chez vous-mêmes, que certaines des caractéristiques qui
représentés sous les traits de combattants armés d’arc et constituent les cinq skandha de cette personnalité que
de flèches, parfois le corps ensanglanté ou même mutilé. nous croyons nôtre, proviennent plus ou moins de tous
La symbolique de ce monde violent est celle du combat ces royaumes. Chacun de nous peut observer en lui des
pour la satisfaction des désirs, mais aussi de celui qu’il souvenirs ou des karmas antérieurs issus de ces mondes
faut mener contre les énergies contraires et des impul- et avec lesquels il faut composer et jouer dans cette vie.
sions perturbatrices, celles du mental, celles du corps qui Lorsqu’on réalise cela, on devient plus tolérant vis-à-vis
ne parvient pas satisfaire ses besoins, qui n’arrive pas «à des autres, parce que nous ne sommes pas si différents,
tenir la posture»… Les Asuras détiennent l’énergie qui, un par moments, des gaki, des démons ou des animaux. Tous
jour, permet de dépasser l’ego. ces composants sont là. Ces royaumes de renaissance ne
Le troisième monde, c’est le nôtre, celui des «Humains». sont pas seulement symboliques : ils sont aussi notre quo-
Les Humains ne comprennent rien à ce qui se passe, ni, tidien !
bien sûr, au sens de la vie, du Samsâra et du karma, rai- Le bouddhisme est essentiellement positif, cependant. Il y
son pour laquelle ils sont toujours en train de chercher à a toujours de l’espoir. Dans chacun de ces mondes, il y a,
attraper quelque chose, et cela, bien entendu, à l’extérieur là, représenté dans un coin, un bodhisattva. Il est là, sim-
d’eux-mêmes. Les Humains sont fascinés par les milliards plement, il ne fait rien. Il est là pour montrer qu’on peut
de reflets du monde de Mara et passent leur temps à courir se corriger et que rien n’est jamais perdu. Et c’est par sa
après et à errer. présence seule, parce qu’il ne fait rien d’autre que de se
Dans les trois autres royaumes, les naissances sont plus tenir assis tranquillement, comme tous les bouddhas, qu’il
douloureuses. Ce sont les royaumes inférieurs. aide les êtres du monde dans lequel il est venu.
D’abord, il y a les «Enfers» qui renferment les êtres qui Conditionné par ces mondes, donc, chacun obtient un cer-
commettent des actes vraiment nuisibles à l’humanité. Ce tain type de naissance et de comportement. Le mécanisme
sont vraiment des démons et leur renaissance est une des qui met en marche les milliards d’apparitions des skand-
pires. On dit même qu’ils ne sortiront jamais de cet enfer. has est le même pour chacun de nous. Dans le bouddhis-
Sur les tangka qui représentent la roue, on voit toujours me on l’appelle «les douze causes interdépendantes» ou
ces êtres se battant ou se torturant les uns les autres, cernés «la production conditionnée» ou les douze innen, dans le
par les flammes. On retrouve aussi ce monde et ses images zen. On pourrait vraiment faire une conférence sur chacun
terrifiantes dans la religion chrétienne. On voulait autre- de ces douze innen. Une présentation rapide suffira pour
fois choquer les masses populaires et les êtres malsains en terminer l’approche du Samsâra.
leur promettant mille supplices si leur conduite était no-
cive à la survie de l’espèce.
Ensuite, il y a les «animaux», le monde des animaux. C’est Les douze liens de la coproduction conditionnée :
celui des êtres qui sont dominés par la sexualité ou par Chacune des douze causes (ou lien) interdépendantes est,
sur cette roue, symbolisée par une image. Il y a donc dou- lois.
ze images. Chaque existence ainsi manifestée par un nom et une for-
Le premier lien est symbolisé par l’image d’un aveugle qui me est dotée de six organes-facultés pour assurer la rela-
avance péniblement avec sa canne. La première cause de tion avec le monde intérieur et extérieur. Ce sont les six
notre apparition dans ce monde est l’ignorance (avidya). sphères des sens (5ème lien). Il y a l’œil, l’oreille, la bou-
C’est l’ignorance de notre vraie nature qui nous projette che, le nez, le toucher et la fonction mentale elle-même,
dans les existences cycliques. Gérard Pilet vous a expliqué c’est-à-dire la capacité de penser. Les six sphères sont re-
très clairement ce qu’est cette ignorance qui nous voile no- présentées par six maisons, fenêtres ouvertes.
tre vraie nature, et qui consiste en une fausse conception Ce nom et cette forme (ces cinq agrégats), dotés de ces six
et appropriation du moi. L’ignorance est donc celle de la sens, réagissent en relation avec le monde extérieur (les
Réalité de notre propre existence à laquelle s’ajoute aussi objets des sens) et avec le monde intérieur (le corps lui-
celle de la relation entre les causes et leurs effets, c’est à même et ce qu’il ressent) par le contact (6ème lien du con-
dire l’incompréhension de la loi du karma. ditionnement) qui s’établit avec les objets. Il faut qu’il y ait
Mais il y a cependant une autre signification du terme avi- contact des sens avec des formes extérieures ou intérieures
jja ou avidya, moins utilisée : c’est ce qui est «inconnaissa- pour que quelque chose soit produit en réaction.
ble», ce qui n’est pas connaissable par les capacités men- Par le contact avec les choses et les objets sont condition-
tales dont nous sommes pourvus. Le Bouddha a souvent nées les sensations, les émotions et les sentiments (7ème
expliqué que c’est une erreur que de vouloir s’occuper de lien) qui sont les réactions aux stimulis de toutes sortes,
ce qui est inaccessible à notre mental, à savoir l’origine de coordonnées par le cerveau et amenées dans la conscien-
la vie. Nul ne peut comprendre l’origine des tendances ce individuelle par les portes des sens. C’est à ce niveau
et des causes qui conditionnent son existence. Toutes les qu’apparaît le choix ou le rejet, c’est à dire le dualisme
spéculations sur ce sujet, le Bouddha les considère comme d’où surgit la souffrance. A partir du moment où la sen-
«oiseuses, pernicieuses et faisant obstacle à la seule urgen- sation est agréable, le groupe de skandhas va désirer, va
ce de l’homme à savoir sa libération (de la souffrance)». chercher à renouveler l’expérience qui en est à l’origine et
Pas nécessaire, donc, de s’en occuper, parce que personne finalement, chercher à s’approprier l’objet-source de plai-
n’arrivera jamais à comprendre. sir : «Je veux cela pour me satisfaire». Si la sensation est
C’est au sein de cette «inconnaissable», de cette ignorance mauvaise, les skandhas vont écarter, rejeter. Tout cela est
qu’apparaît ce qu’on appelle l’action (mentale), deuxième très binaire. C’est oui ou non, comme un programme d’or-
lien. Il s’agit, en fait, à ce stade, de l’intention de l’action. dinateur. Bien sûr, parmi les désirs sont aussi compris ceux
Quelque chose bouge au sein de la conscience imperson- qui satisfont les besoins naturels du groupe de skandhas
nelle, et la pensée apparaît. Cette action, cette intention est (manger, dormir, se reproduire, etc.). Mais, ce dont nous
représentée sur la roue par un potier qui entasse pêle-mêle parlons c’est plutôt la soif, et même la soif d’avoir soif.
autour de lui les objets qu’il façonne. Apparaissant au sein L’homme est ainsi fait qu’il en veut toujours plus, qu’il a
de l’inconnaissable (de la conscience impersonnelle) les in- toujours soif. Il est totalement soumis à Mara. Et ainsi ap-
tentions mentales vont par la suite se transformer en action paraît l’attachement.
(karma) réalisée par le groupe des Skandhas. L’intention La soif, le désir ou l’attachement, 8ème lien. Quand un
engendre le karma. Si cette intention n’est pas satisfaite objet est vu ou perçu, il y a dans la conscience une asso-
ou ne peut se concrétiser en action (parvenir à l’existence), ciation avec les souvenirs stockés dans la mémoire. Ce
elle va être «stockée» dans la conscience impersonnelle, souvenir lié au contact entre l’organe et son objet engen-
conscience-mémoire, conscience-réservoir, et elle resur- dre une réaction, la sensation. Selon qu’elle est agréable
gira un jour, dans une autre existence, associée à d’autres ou désagréable (ou neutre), se crée le désir d’aller ou non
intentions et à d’autres karmas. vers l’objet du contact, de le posséder ou de le rejeter. La
Pour que cette intention (ce désir d’existence) se concré- répétition de cette réaction est à la base du processus de
tise, il faut qu’elle soit pourvue de conscience. C’est l’ap- l’attachement. L’image qui représente le désir est celle
parition de la conscience d’un «moi» (3ème lien). L’inten- d’un homme qui boit.
tion est l’affirmation d’une volonté, d’un désir, d’un «moi» Bien évidemment, pour qu’il y ait plaisir et satisfaction,
associé à des souvenirs, qualités et attributs participant à il faut que l’objet du désir soit saisi. Donc, 9ème lien, il
l’élaboration d’un nouveau groupe d’agrégats et les mo- y a appropriation, possession. C’est la saisie de l’objet du
bilisant dans l’action. Cette conscience est une conscience désir. Sur certaines roues, on voit un couple enlacé. Sur
primitive, individuelle, focalisée sur la réalisation de l’in- d’autres, l’artiste plus pudique, a dessiné un homme qui
tention, du désir d’existence. Elle est symbolisée par un cueille des fruits sur un arbre.
petit singe bondissant de fenêtre en fenêtre (il y en a six, C’est à ce niveau que le karma, l’action prend sa forme
les six sens) à l’intérieur d’une habitation, ou bondissant visible.
dans un arbre où pendent six fruits alléchants. Une fois qu’il y a eu appropriation, possession, il y a ve-
Au moment de l’apparition de l’intention et de la conscien- nue de l’existence (des cinq agrégats). L’existence ou le dé-
ce «personnelle», se manifestent simultanément le nom et sir d’existence (10ème lien) apparaît en tant que résultat
la forme (4ème lien). La forme est l’élément physique, c’est de potentialités diverses, regroupements (agrégation) de
à dire le corps, alors que le nom concerne plutôt les quatre souvenirs, d’empreintes karmiques, d’intentions avortées,
autres agrégats, sensations, perceptions, fonction mentale de combinaisons de qualités et de particularités. Tout cela
et conscience individuelle (l’ego : ce que l’on prend pour donnant son caractère à l’action, à l’objet, à l’être en gesta-
soi). L’image : la conscience est le maître d’équipage d’un tion. C’est le 10ème lien, représentée par une femme en-
bateau voguant sur l’océan de la vie, accompagnée de qua- ceinte.
tre autres passagers-skandhas. Ce sont les existences qui Et donc se produit la naissance, 11ème lien, apparition dans
apparaissent dans le Samsâra et sont conditionnées par ses le monde phénoménal de cette action ou de cette nouvelle
formule ou combinaison d’agrégats qui obéit à la loi de me dis : «Il y en a une que j’ai repérée dans le dojo, là-bas.
causalité et demeure conditionnée par le mécanisme du Belle posture ! Si je pourrais lui parler ce soir au bar ! Mais,
Samsâra. attention, je ne dois pas trop boire, juste un peu, pour avoir
Que trouve-t-on après la naissance ? La vie, bien sûr, la pêche».
et inexorablement, la vieillesse et la mort, douxième et Vous voyez comment se crée l’intention. Elle apparaît
dernier chaînon de cette production conditionnée. Et la dans la conscience et met en place une réaction (straté-
boucle est bouclée. On s’en retourne donc par la mort à gie) à partir du souvenir des actions passées. «Je sais bien
l’ignorance ou à l’inconnaissable, et à ce qui nous semble qu’être avec une femme, c’est super, et même si j’ai eu des
incompréhensible et injuste. expériences variées, heureuses ou décevantes, et bien, j’en
Voilà l’histoire du Samsâra. veux encore !» Et l’on cède au désir, puis on tombe dans
Sans oublier sur cette représentation, un petit bodhisattva, l’attachement et l’appropriation. Comme il y a l’intention,
en haut à droite de la roue, qui montre du doigt la direc- l’action se met en place : «Mais ce soir, au bar, je vais faire
tion et le chemin. Il montre, de l’autre coté (l’autre rive) tout ce que je peux pour aller l’aborder, lui parler». Ainsi se
un Bouddha éveillé, parfois remplacé par le soleil ou la met en route le processus du karma. Et bien évidemment,
lune, symbole de pureté. Sur certaines représentations, un les circonstances sont différentes : quand j’ arrive là-bas, le
chemin va du royaume des humains jusqu’à ce Bouddha soir, au bar,il y en a déjà un autre, plus beau que moi, qui
réalisé. semble déjà bien branché et qui a du succès auprès d’elle.
Le processus du Samsâra est un processus sans fin, c’est- Et moi, frustré, je vais chercher ailleurs, partout, autre cho-
à-dire que les skandhas y réapparaissent et y disparais- se pour me satisfaire !
sent sans cesse, naviguant à l’aveuglette sur ce long fleuve Ainsi se manifeste le Samsâra, et ainsi apparaît la souf-
pas très tranquille. En prenant un peu de distance, vous france .
comprenez que le Samsâra est comme un rêve, comme un
film. Si vous comprenez la relation entre ce qui se passe Revenons à zazen. Que se passe-t-il pendant zazen ?
en vous et le Samsâra, vous voyez votre vie et toutes les A un moment, vous êtes tranquilles. Et apparaît une pen-
autres vies comme un rêve. Comprendre cette relation dé- sée dans cette tranquillité. Une autre pensée s’enchaîne à
pend de l’orientation du regard de la conscience person- la première. Et puis encore une autre. Ah, ça se calme un
nelle. Lorsqu’elle regarde à l’intérieur le fonctionnement peu ! Et là, brusquement, vous réalisez que vous étiez en
de son propre mécanisme, se fait alors naturellement la train de penser, que la fonction mentale s’était mise en ac-
compréhension de l’irréalité du Samsâra et le détachement tion en créant un rêve, une illusion, et que vous étiez bien
de cette illusion. La conscience individuelle cesse alors loin de votre zafu. Et le contenu de ces pensées, comme le
d’être fascinée par les objets du monde et retrouve sans disait Michel, ce n’est pas maintenant. Cette pensée qui est
autre effort le chemin de son identité originelle, retrouvant apparue et s’est développée, que moi, j’ai créée, c’est pour
son unité avec l’universel. ce soir, au bar. «Je ne suis pas encore au bar, je suis assis
C’est pourquoi, dans le bouddhisme, par la pratique spi- en zazen». Cette pensée était une illusion. J’ai vécu une
rituelle, se fait la compréhension que le Samsâra conduit illusion. Maintenant, je m’en rends compte et je reviens
au Nirvana (littéralement «extinction», délivrance du con- à ma posture et de nouveau je reviens à la tranquillité de
ditionnement). l’instant présent.
«Les choses sont ainsi» - Michel en a parlé - et ce n’est pas Et brusquement, une autre pensée apparaît. Je me dis : «
nécessaire de vouloir les changer, car chaque fois que ce Tiens, maintenant, ce n’est plus le coq, c’est un corbeau. »
groupe de skandha veut changer, pour s’approprier quel- Je commence à penser : « Corbeau, Van Gogh et les cor-
que chose, cela signifie qu’un ego illusoire, rêvé, se met beaux. Il a peint des corbeaux superbes au-dessus des blés
encore en action pour produire le karma qui alimente la jaunes. Il a peint aussi des iris et avec ces iris… c’est ce
chaîne «infernale» du Samsâra. tableau qui a atteint trois millions d’Euro à Tokyo, il y a
Autrement dit, lorsque vous comprenez et voyez le Sam- quelques années. Ou plus. Peut-être, je pourrais me re-
sâra simplement comme un film, le film de la vie, cela de- mettre à la peinture. Si j’avais cette somme ou si j’avais ce
vient un long fleuve tranquille. tableau, je pourrais… » et à ce moment, je m’aperçois que
Dogen dit : « Le Nirvana n’est rien d’autre que s’éveiller je suis en fait absent de mon zafu depuis … De nouveau,
à l’illusion du Samsâra ». Cesser de s’identifier aux cinq j’étais parti dans les pensées et j’avais créé une nouvelle
skandhas, de se croire indépendant ou séparé de l’uni- illusion, un nouveau Samsâra.
vers. Alors, je reviens à ma posture, j’oublie tout cela, même
Pour finir, je vous engage à pratiquer l’observation de ce si c’était agréable, et je retrouve un grand silence. Et au
qui se passe dans votre esprit pendant zazen : milieu de ce grand silence, ces trois millions d’Euro du
Vous êtes concentrés, shi, comme l’explique Michel, sur tableau de Van Gogh réapparaissent : « Qu’est ce que je
le corps, sur la respiration et vous êtes tranquilles sur vo- pourrais faire avec trois millions d’Euro ?» Et de nouveau,
tre zafu. Brusquement, le cri d’un coq, près du dojo. Vous je part dans le rêve. Et, plus tard, je reviens à ma posture.
l’avez tous entendu, j’espère ! Alors, on pense au coq et on Sans juger, sans argumenter sur ces «allées et venues».
en voit même une image dans son esprit. On pense : « Tout Ce sont tous ces instants où nous nous apercevons et réa-
à l’heure, j’ai vu deux coqs qui se battaient. Le petit noir lisons que nous étions impliqués dans le rêve ou dans un
voulait chiper une poule à l’autre ». Et puis, on commence processus de pensée, qui sont importants. Parce que ces
à penser aux combats de coqs et ainsi de suite… Pourquoi instants sont le moment où le Samsâra prend fin dans no-
ce coq voulait-il attraper une poule ? Pourquoi ? Pour la tre esprit.
possession, pour l’existence. C’est la vie ! Il avait besoin Plus nous prenons l’habitude de remarquer ces petits ins-
d’exprimer sa pulsion primaire, se reproduire. Cette pen- tants, entre deux pensées, lorsque tout est tranquille, lors-
sée émerge dans mon esprit et m’en suggère une autre : je que l’esprit et le corps sont de nouveau ensemble, lorsqu’il
n’y a pas de projet, de construction, de jugement, où tout
est là, dans le silence, plus nous réalisons ce qu’est le Sam-
sâra, processus de création du karma et de la souffrance.
C’est ainsi que nous devenons capable, sans volonté per-
sonnelle, de laisser passer, de cesser de impliquer dans le
Samsâra, de nous en détacher sans effort et de revenir «à la
maison», dans la tranquillité de notre vraie nature.
Maître Deshimaru parlait de revenir au centre, d’où nous
pouvons tout voir, comme lorsque nous regardons un film
de notre place. Le film a lieu, mais nous ne sommes pas
dans le film. Rien ne change pour nous mais nous cessons
de nous identifier aux personnages du film. Nous cessons
de subir l’enchaînement des causes et effets du Samsâra.
Le corps reste toujours soumis à la loi du karma, de la
naissance et de la mort, mais comme nous avons cessé de
nous identifier à lui et à tout ce qui est transitoire, éphé-
mère et soumis aux lois du Samsâra, nous sommes libérés
de la souffrance. L’identification aux skandhas prend fin
et cela signifie que cesse la production des fruits du karma.
Les skandhas vivent la vie pour laquelle ils sont apparus,
et nous ne sommes plus impliqués dans les tribulations du
Samsâra et les pièges de Mara.
Il est compris que le Samsâra est l’illusion surgie de et
dans la conscience absolue, impersonnelle et que celle-ci
est notre vraie nature, en rien différente de nous.

Dogen dit :
«Le Nirvana n’est rien d’autre que s’éveiller à l’illusion du
Samsâra».

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