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affaires
affairesagriculture

L’envolée du
Dossier réalisé par Muriel Rozelier
Ghadi Smat

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bio Consommer mieux : depuis le “scandale des pesticides”


de 2009, la tendance est au bio chez les consommateurs
libanais. Cela tombe bien, la filière libanaise du bio
se professionnalise grâce à la création de distributeurs
ou de grossistes qui assurent enfin le lien
entre producteur et consommateurs.

L
e bio décolle au Liban, porté par l’in- s’ajoute à un problème récurrent de l’agri-
quiétude des consommateurs face à la culture traditionnelle, qui permet à l’agricul-
qualité des aliments qu’ils consom- ture biologique de marquer des points sup-
ment et des dangers potentiels pour la plémentaires : l’absence d’indicateurs d’ori-
santé. Cette prise de conscience est à relier gine sur les marchandises vendues ou d’in-
au “scandale des pesticides”, qui a fait la dications quant au nom du producteur local.
une de la presse en 2009. Antoine Karam, À l’inverse, ceux qui consomment bio peu-
ministre de l’Environnement de l’époque, vent s’assurer de la traçabilité des produits
dénonçait alors les taux anormalement éle- achetés. « Il n’existe aucune obligation de ce
vés de pesticides relevés dans 40 % au type dans l’agriculture moderne au Liban.
moins la production nationale de fruits et Dans les supermarchés ou les épiceries, la
légumes. Le risque sanitaire associé est ter- provenance d’un produit n’est jamais indi-
rible : les pesticides mal ou trop utilisés peu- quée, car ces magasins sont incapables de
vent provoquer des cancers. « Le scandale pister l’origine du produit vendu du fait de  
des pesticides a contribué à l’éveil des
consommateurs, non pas seulement d’une
classe aisée, occidentalisée dans ses modes
de consommation, mais de l’ensemble de la
population, qui n’ont pas ou n’ont plus
confiance dans la production agricole liba-
naise conventionnelle », explique Roula
Farès, représentante au Moyen-Orient de
l'Institut de recherche de l'agriculture biolo-
gique (FiBL) suisse. Ne nous leurrons pas
toutefois : même si la défiance face à cer-
tains produits de l’agriculture conventionnel-
le a permis à l’agriculture bio de gagner en
notoriété, elle reste encore l’apanage d’une
couche moyenne à aisée de la population et
représente une toute petite niche en termes
de volume de produits consommés.
Dans le cas du Liban toutefois, la défiance

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affairesagriculture
L’agriculture bio
représente 0,87 %
des surfaces agrcicoles

Rabié, Tripoli… », ajoute la cofondatrice de


New Earth.
Youssef Khoury, directeur du bureau libanais
de l’Institut méditerranéen de certification
(IMC), suit la filière AB depuis ses débuts.
Pour lui, la grande différence entre sa nais-
sance, à l’orée des années 90, et aujour-
d’hui, c’est l’émergence d’acteurs sérieux à
vocation agro-industrielle. « Depuis 1990,
des efforts disparates et isolés ont été
menés pour démarrer une filière biologique
dans le pays. Ce travail a notamment été le
fait d’ONG internationales, pour qui les “pro-
jets bio” correspondaient aux souhaits des
pays donateurs, qui entendaient promouvoir
le développement durable. Ces ONG ont aidé
quelques agriculteurs à produire sous certifi-
cation bio, en les subventionnant. Mais l’ab-
sence d’un marché organisé a représenté un
frein pour l’amplification de ce mouvement.
Et ces initiatives sont retombées : les agri-
culteurs, rendus à eux-mêmes, sont repas-
sés au conventionnel. »
Si l’on en croit les données rassemblées par
l’institut suisse FiBL, environ 200 hectares
étaient dédiés à l’agriculture biologique en
Ghadi Smat

2002 au Liban, soit une trentaine d’exploita-


tions agricoles. En 2008, derniers chiffres
connus, la surface agricole bio est passée à
2 180 hectares, et 250 fermes travaillaient
l’archaïsme des statuts régissant l’agricultu- duits laitiers bio (mais toujours pas de lait) en agriculture biologique. « On monte à plus
re au Liban. En bio, le certificat indique, en ainsi que du pain. « Il manque encore des de 300 acteurs aujourd’hui si on intègre
sus de la qualité organique du produit, le producteurs de viandes bio au Liban et de l’ensemble des acteurs de la filière bio du
nom du producteur et la région dans laquel- céréales ou de graines », précise Sabine Liban », précise Roula Farès de la FiBL. Soit
le il cultive », fait valoir l’ingénieur agronome Kassouf de New Earth, une boutique spécia- une croissance en termes de surfaces agri-
Rania Grondier. En l’absence d’une agence lisée. Plus important du point de vue de l’or- coles de plus de 1 000 %. Bien sûr, rappor-
gouvernementale chargée de la sécurité ganisation de la filière : l’arrivée de coopéra- tée à la surface agricole utilisée, estimée à
sanitaire, le bio devient l’un des rares tives comme Biocoop Lubnan, fondée en 250 000 hectares par la FAO, l’agriculture
moyens de savoir ce que l’on mange. 2001 qui regroupe quelque 200 agricul- biologique reste encore un épiphénomène.
teurs, ou de grossistes comme Biomass, Les surfaces dédiées représentent moins de
UNE FILIÈRE QUI S’ORGANISE créée en 2007, qui assurent le lien entre fer- 1 % (0,87 % très exactement) du total des
miers et consommateurs. Le réseau de dis- terres agricoles utilisées. C’est cependant un
Heureux hasard, ces préoccupations voient tribution n’est pas en reste non plus. Rien très bon début si on compare aux voisins
le jour en même temps que la filière de qu’en 2010, deux nouveaux magasins spé- méditerranéens, plus avancés. En Turquie,
l’agriculture biologique (AB) s’organise. Avec cialisés se sont installés à Beyrouth : New par exemple, pays à la “tradition bio” plus
la multiplication des opérateurs – agricul- Earth et al-Marej, tous deux à Achrafié. « En ancienne, puisque ce pays a commencé à
teurs, transformateurs, distributeurs, impor- moins d’un an, le magasin est à l’équilibre s’y intéresser à partir des années 1980 et
tateurs. Ainsi, de nouvelles exploitations alors que nous avions prévu trois à quatre s’est doté d’une loi dès 1994, l’agriculture
agricoles labellisées bio sont apparues dans ans pour arriver à ce stade », précise Sabine bio ne représentait en 2010 que 0,8 % du
presque toutes les filières : les légumes et Kassouf, cofondatrice du New Earth total de ses surfaces agricoles utilisées. De
les fruits en priorité, l’huile d’olive, les œufs, d’Achrafié. Le phénomène n’est pas seule- même l’Égypte, où l’agriculture biologique
les conserves… Bientôt, les consommateurs ment lié à la capitale. « Il s’ouvre des maga- occupait en 2006 0,72 % du total des sur-
devraient également avoir accès à des pro- sins bio dans toutes les régions : à Jounié, faces agricoles du pays pour 500 exploita-

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Le bio est une possible


chance de survie pour
l’agriculture libanaise

tions approximativement, selon le ministère


égyptien de l’Agriculture.
Mais l’Égypte comme la Turquie n’ont déve-
loppé la filière organique que pour répondre
à la demande des pays européens importa-
teurs : 98 % du bio turc est ainsi exporté
vers l’Europe et les États-Unis. Au Liban, en
revanche, la filière répond à une vraie
demande intérieure. « En Turquie ou en
Égypte, la production bio est totalement
orientée vers la satisfaction de la consom-
mation européenne. Pas au Liban, qui expor-
te encore très peu, et où le bio répond à une
demande réelle du marché intérieur », préci-
se Youssef Khoury, de l’institut IMC.
L’existence de cette demande intérieure, qui est
cependant impossible de chiffrer, est une bonne
nouvelle. Elle représente une voie de dévelop-
pement – ou une possible chance de survie –
pour l’agriculture libanaise. Le secteur agricole
se trouve en effet en perte de vitesse. Il ne
représente plus que 4,88 % du PIB contre
15 %, par exemple, en Égypte. Face à des pays
adeptes de l’agriculture intensive comme l’É-
gypte ou la Turquie, l’agriculture libanaise, il est
vrai, ne peut pas rivaliser. Sa structure foncière,

Ghadi Smat
très fragmentée, avec une large majorité de
micro-exploitations (moins d’un hectare), rend
le développement de ce type de pratiques agri-
coles impossibles, sauf éventuellement dans la
Békaa. Pour être rentables, ces micro-exploita- Concernant la protection phytosanitaire dans de l’agriculture biologique. Mais nous prê-
tions ont alors besoin de cultures à plus forte l’agriculture biologique l’accent est mis sur la tons également attention aux conditions
valeur ajoutée comme la vigne… ou l’agricultu- prévention », lit-on ainsi dans un rapport du d’hygiène des locaux, de la ferme. Nous tes-
re biologique. Ce constat est d’autant plus per- ministère de l’Agriculture libanais. tons aussi bien le produit fini, quand il s’agit
tinent que désormais la présence de grossistes d’un élément transformé, que la matière
et de distributeurs facilite l’écoulement de leurs AUCUNE RÉGLEMENTATION LIBANAISE première. Et nous vérifions les stocks qui
marchandises. doivent être conformes aux factures », préci-
Mais pour que le bio représente une voie de Au Liban, aucune loi n’existe et les produc- se Youssef Khoury.
développement possible pour l’agriculture liba- teurs libanais, qu’ils envisagent ou non d’ex- L’autre priorité devrait être de songer à un
naise, encore faut-il combler de nombreuses porter, doivent se plier à des labels délivrés mécanisme de subventions. Car se convertir
lacunes. En priorité, l’absence de loi. par des instituts de certification – LibanCert au bio est un long parcours. Il faut au moins
L’agriculture biologique n’est en effet ni “bala- ou IMC –, s’appuyant sur la législation euro- trois ans pour assurer la transition entre cul-
di”, ni “naturelle”, ni “de terroir”, appellations péenne. Leur logo est en effet impératif sur ture conventionnelle et culture organique. En
avec lesquelles on l’a confond encore trop sou- l’étiquetage des produits pour être vendus Europe, un agriculteur qui se convertit reçoit
vent. Elle répond à des modes stricts de pro- en bio. Il est la preuve du suivi et des ins- différentes aides et incitations fiscales, qui
duction, encadrés par un cahier des charges pections que LibanCert ou IMC ont menées lui permettent de passer le cap des pre-
précis, qui interdit entre autres l’utilisation des tout au long de l’année. Le processus de mières années. « La reconversion est une
produits de synthèse (engrais, pesticides…) et certification s’attache ainsi à contrôler les phase critique. L’agriculteur connaît forcé-
encourage le recours aux moyens biologiques et flux de la production primaire au sein de l’ex- ment une perte financière, parce qu’il
physiques. « La pratique de l’AB repose sur cer- ploitation agricole. Elle suit chaque étape de applique désormais les principes de l’agri-
taines opérations essentielles : bonne rotation, son éventuelle transformation, du packaging culture biologique, sans pouvoir vendre ses
travail mécanique du sol, fumure organique et de sa commercialisation. « Nous atta- cultures aux prix du bio », explique Youssef
dans le but de nourrir le sol, et non la plante. chons notre vigilance au respect des règles Khoury. Sans compter sur la certification  

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d’importer des graines, des aliments ou des
intrants bio plus onéreux… Mais il existe éga-
lement des opportunistes, qui vendent à des
prix sans relation avec leur prix de revient »,
fait valoir Youssef Khoury.
C’est pourquoi il faut saluer la volonté de cer-
tains producteurs ou industriels de se frotter aux
marques du conventionnel. Ainsi de la
démarche de Biomass ou d’Organic Baking
Company, qui ont choisi d’être présents dans
les supermarchés. Certains de leurs produits
n’apparaissent pas au rayon “diététique et bio”
mais sont en concurrence directe avec les
marques du conventionnel. « Cela exige de
notre part des marges réduites même si nous
ne serons pas vraisemblablement en mesure de
nous aligner sur la concurrence. Nous espérons

Ghadi Smat
être récompensés de ces efforts à travers les
quantités vendues. Tout le monde a le droit de
manger sain », précise Ali Daher, l’un des deux
fondateurs de la boulangerie industrielle et bio.
elle-même qui est payante, autour de 500 tomates bio produites localement est sans Ce constat de plus en plus d’individus dans le
dollars annuels selon des agriculteurs. commune mesure avec le prix d’un kilo de monde le partage : l’usage intensif de produits
Youssef Khoury insiste également sur la dif- tomates issu de l’agriculture conventionnelle, agrochimiques contribue certes à augmenter
ficulté de trouver des intrants naturels au du reste souvent importées de Jordanie et d’É- la productivité, mais pose des problèmes liés à
Liban – soit les produits apportés à la terre gypte. Ainsi, un kilo de tomates jordaniennes la pérennité de l’environnement et a aussi des
et aux cultures comme les engrais. « Les s’échange aux alentours de 750 à 1 000 livres conséquences sur la santé humaine. Elle
quantités sont encore trop petites pour que libanaises, quand le kilo de tomates bio liba- induit également de graves problèmes de
les grandes compagnies, qui vendent au naises s’affiche entre 4 000 et 6 000 livres contamination des eaux et des sols, qui peu-
Liban ceux de l’agriculture conventionnelle, libanaises. Cet énorme écart s’explique par les vent aller jusqu’à les rendre stériles ou
s’y intéressent. Pour l’heure, il n’existe pas surcoûts liés à la production bio. Mais pas seu- impropres à la consommation pour ce qui
de distributeur pour les intrants bio et leur lement. En Europe, on estime en général ce concerne l’eau. Cette dégradation a aussi un
prix reste élevé. » surcoût à 15-20 % du prix d’un produit. coût économique qui compromet le potentiel
Ces coûts se répercutent sur le prix de vente Pourquoi, dans ce cas, est-il si important au productif futur et rend caduc ce pourquoi
aux consommateurs. Et représentent le frein Liban ? « Selon les produits, il peut varier de l’agriculture moderne a été pensée dans les
principal à la pénétration du bio dans les habi- 30 à 100 %. En cause, des échelles de pro- années 50 : faire manger la planète à des
tudes de la majorité. Le prix d’un kilo de duction encore peu rentables… L’obligation coûts raisonnables. C

Souk el-Tayyeb : un tiers de producteurs bio


ordons le cou à une idée reçue : Souk el- neaux obligatoires : verts pour les stands d’agri- semble des stands lors de la visite du
T Tayyeb, aujourd’hui installé au centre-ville,
n’est pas un marché bio. « Seuls un tiers des
culture biologique, jaunes pour les stands en
agriculture conventionnelle, voire verts et
Commerce du Levant.
Avec un budget annuel d’environ 50 000
producteurs présents font de l’agriculture biolo- jaunes, pour ceux mêlant conventionnel et bio dollars, l’ONG Souk el-Tayyeb facture entre
gique », explique Christine Codsi, directrice de sur un même stand. « Les instituts de certifica- 25 et 50 dollars pour un stand sur une demi-
l’ONG Souk el-Tayyeb. Les autres ? « Ce sont tion ne labellisent pas un producteur, ni même journée. « Le prix n’a pas changé depuis
des agriculteurs ou des artisans qui défendent une ferme, mais ils font de l’homologation pro- notre lancement. Il nous arrive même parfois
leur terroir, leur région et dont la présence sur duit par produit », précise encore Christine de le revoir à la baisse, si la matinée n’a pas
les marchés de Souk el-Tayyeb assure un lien Codsi. En clair, un agriculteur peut cultiver ses été bonne en termes de vente. » L’ONG est
direct avec leurs consommateurs. » Ce mélan- tomates en bio, mais pas ses salades ou ses autosuffisante et affirme ne pas recevoir de
ge des genres ne facilite pas la distinction clai- carottes. Sur un stand, seule la liste précise des fonds sauf pour l’organisation de ce qu’el-
re entre bio, baladi, naturel ou conventionnel. produits certifiés permet de s’y retrouver. le appelle le “Food & Fiest”, des activités
Depuis peu, Souk el-Tayyeb semble en avoir Christine Codsi affirme que celle-ci figure visant à animer une ville ou un village via la
pris conscience. L’ONG fondée en 2004 par dans le cahier des charges de Souk el- mise en place de marchés régionaux. La
Kamal Mouzawak a regroupé les producteurs Tayyeb, au même titre que l’affichage des prochaine devrait avoir lieu dans le caza de
bio sur une même allée et tente de mettre au prix auquel tout producteur doit se plier. Elle Marjeyoun à l’occasion du dimanche des
point une signalétique claire. Avec des pan- n’était cependant pas présente sur l’en- Rameaux. C  

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