Anda di halaman 1dari 608

J

r
Digitized by the Internet Archive
in 2011 with funding from é
University of Toronto ;

http://www.archive.org/details/9euvrescompltO4john
TRADUCTION FRANÇAISE
DES ŒUVRES COMPLETES ]

DE

SAINT JEAN CHRYSOSTOME

TOME QUATRIÈME ,

1
AVIS IMPORTANT.

J'ai seul le droil de joindre aux Œuvrer complètes la vie de Suinl Jean Chrysostome far Cabbé

Mar'.in ; je suis seul propriétaire de cette traduction française : toute reproduction partielle ou

totale, contrefaçon ou imitation, sera poursuivie rigoureusement, conformément aux lois.

SUEUR-CHARRUEY.
ÉDITEUR

^
SAINT JEAN

CHRYSOSTOME
OEUVRES COMPLETES
TRADUITES POUR LA PREMIÈRE FOIS EN FRANÇAIS

sons la Direction

DE M. JEANNIN
Licencié ès-lettres, professeur de rhétorique au collège de l'ImiTiaculée Conception de Saint-Dizier

TOME QUATRIÈME

Homélies sur divers textes du Nouveau Testament. —


Discours prononcés ou écrits à l'occasion des troubles de Constartinople, — Lettres.

Homélies sur David et Saiil.

ARRAS
SUEUR-CHARRUEY, Imprimeur-Libraire-Editeur
Petite-Place, 20 et 22.

1887
THE INSTITUTE CF ^'rc,;AEVAL STLl.U
10 ELMSLEV PLACE
T ~f-f-TO G, CA.tADA,

^32.4
TRADUCTION FRANÇAISE
DE

SAINT JEAN CHRYSOSTOME.

HOMÉLIE
SDR LA PARABOLE DU DÉBITEUR DES DIX MILLE TALENTS

Inhumanité de ce dtlileut qui, avant obtenu de son créancier la remise totale de sa dette, eiigea impitoyablemeit de son compagnon le pajemeut
d'une dette de cent deniers ; a que le ressentiment des injures est pire que tout péché. (Malih. XlII. 23 et sui? )

AVERTISSEMENT t ANALYSE.

Deux circonstances rrarquées par l'orateur dans celte homélie permettent d'en fixer l'époque d'une manière précise 1» Pendant :

tout le carême précédent, saint Chrysostome avait parlé contre les jurements et les serments ; or, dins toutes les exhortations
des 21 homélies sur les statues, prononcées dans le carême de 387, l'orateur s'atlaque à cette mauvaise habitude.-—
2'» L'homélie sur le débiteur des dix mille talents est la première qu'il piononra après une ma'ad^e «ioiit il parle encore dans
l'homélie faite aux paysans ledimanche avant l'Ascension. L'homélie sur la paiabole des dix mille talents fut donc prononcée
entre Pâques et l'Ascension de l'auiiéc 387 ; et même entre la maladie que saint Chrysostome fit après Pâques de l'année 387
et l'Ascension de la même année ; et comme celte maladie parait avoir été asicz longue, opiès une longue absence, dit l'orateur,
il s'ensuit que l'époque à laquelle appartient l'homélie suivante, se trouve fixée à quelques jours près.

1» Saint Chrysostome se réjouit de revoir son cher auditoire après une longue maladie. —
2» Après avoir employé tout le carême
\ déraciner la mauvaise habitude des jurements, il convient de passer à un autre vice, et d'attaquer la passion de la colère et
le ressentiment des injures ; c'est ce que l'orateur va faire par l'explication de la parabole du serviteur qui devait dix mille ta-

lents. —3» Jésus-Christ voulait, par cette parabole, apprendre à ses disciples à retenir les saillies de la colère; c'est ce que
prouve la question que saint Pierre adresse à ce sujet au Sauveur. non pas soixanle-dix-sept fois, comme l'in-
Il faut pardonner,
terprètent quelques-uns, mais quatre cent quatre-vingt-dix fois, c'est-à-dire un infini de fois. 4o Le compte que ce
nombre —
Roi demandera sera rigoureux pour tous les âges , les sexes et les conditions. 5" Ce que signifient ces paroles H — :

n'avait pas de quoi payer. —


G'» Comment le serviteur, sur le point d'être condamné, obtient la remise de sa dette par ia
jn-ière. —
7" Dieu, qui avait pardonné les offenses commises contre lui-même, ne pardonna pas celle dont le serviteur se rendit
coupable envers son compagnon. Dieu ne hait rien tant que le ressentiment.

1. Ce que j'éprouverais en vous revoyant silence.Vous vous réjouissez donc de ce que la


enfin après un long voyage, je l'éprouve au- santé m'est revenue pour moi je me réjouis
; ,

jourd'liui.Pour des hommes qui aiment s'ils , parce que je vous ai retrouvés, vous, mes bien-
ne peuvent se trouver au milieu de ceux qu'ils aimés. Car, endant ma maladie ce qui m'af-
i ,

aiment, que leur sert de n'en être pas éloignés? fligeait plus que le mal lui-même, c'était de
Aussi, bien que présent dans la ville, je n'étais ne pouvoir participera cette chère assemblée ;

pas moins triste qu'un exilé, moi qui, depuis et maintenant que la convalescence me rend
quelque temps ne pouvais plus vous adresser
, peu à peu mes forces, ce m'est un plus grand
mes instructions mais pardonnez-le moi la
; : bien que la santé de pouvoir jouir en tuulo
faiblesse^ non la paresse, était la cause t£ ce sécurité de l'amour de ceux que je chéris. La

Tome IV. i
2

flèvre en effet allume dans le corps un feu en est que tous n'approfondissent pas cette pa«
moins violent que ne fait dans l'âme la sépa- rôle, qu'ils ne touchent pas celte lyre avec art;
ration d'avec ceux que nous aimons ; et si les en effet, ce qu'est l'art à la cilharodie, la pra-
fiévreux recherchent les boissons, les liqueurs, tique à la loi de Dieu. Nous n'avons tou-
l'est

les eaux froides, c'est avec autant d'ardeur que ché qu'une seule corde pendant tout le carême ;
les amis séparés recherchent la vue de ceux je ne vous ai développé que la loi du serment,
qu'ils ont perdus. Ceux qui savent aimer com- et, par la grâce de Dieu, beaucoup de mes au-

prennent bien ce que je dis. diteurs ont compris combien il était beau de
Courage donc puisque la maladie m'a
! l'observer; aussi, quittant une habitude détes.
quitté, rassasions-nous les uns des autres, s'il table, au lieu de jurer par le Seigneur, on

est possible de nous rassasier jamais car l'a- ; n'entend plus sortir de leur bouche en toute
mour ne connaît point la satiété, et plus il conversation, que oui, non, croyez-moi; et
jouit de ceux qu'il aime, plus il s'allume et quand même mille affaires pressantes vien-
s'enflamme. de la charité , saint
L'élève draient les accabler , ils n'oseraient aller plus
Paul , bien , lui qui disait Ne devez
le savait : loin.
rien à personne , sinon de vous aimer mutuel- 2. Mais comme il ne suffit pas pour le salut
lement. (Rom. xni, 8.) C'est là en effet la seule de n'observer qu'un précepte je veux aujour- ,

dette que l'on contracte sans cesse, que l'on d'hui vous en enseigner un second car bien ;

n'acquitte jamais. 11 est beau et louable de de- que tous n'obser\ent pas encore la loi dont j'ai
voir toujours de ce côté. S'agit-il des biens parlé en premier lieu, et que quelques-uns
matériels, nous louons ceux qui ne doivent soient en retard, ils voudront néanmoins, à me-
rien; s'agit-il de l'amour, nous approuvons sure que le temps s'avancera atteindre ceux ,

et nous admirons ceux qui doivent toujours. qui les ont devancés. J'ai en effet remarqué
Si c'est d'une part de l'injustice, c'est de l'autre que le zèle pour ce précepte est aujourd'hui
la marque d'une belle âme de ne jamais ac- si grand que tous, dans les occupations do-
quitter entièrement la dette de l'amour. Rece- mestiques comme dans les repas, hommes et
vez avec bienveillance, malgré sa longueur, femmes, libres et esclaves, luttent à qui l'ob-
l'instruction que je vais vous adresser car je ; servera mieux; et je ne puis m'emiMScher de
veux vous apprendre à jouer admirablement féliciter ceux qui se conduisent ainsi pen-
de la lyre, non pas d'une lyre morte, mais dant leurs repas. Car quoi de plus saint
d'une lyre qui a pour cordes les récits de l'E- qu'une table d'où l'ivresse , la gourmandise
criture et les commandements de
Dieu. Los et la débauche, quelle qu'elle soit, sont ban-
maîtres de lyre prenant de leurs dis-
les doigts nies pour faire |)lace à une admirable rivalité
ciples, les conduisent lentement sur les cordes, touchant l'observation des lois de Dieu , où
leur apprennent à les toucher avec art et à l'époux observe son épouse et l'épouse son
faire sortir d'instruments nuiets les sons les époux de peur que l'un d'eux ne tombe dans
,

l)lus agréables et les plus doux ;


je veux les l'abîme du parjure où une peine sévère est
imiter, me servant de votre âme comme de établie contre l'infraetcur, où le maître ne
doigts, je ra[)procherai des commandements rougit pas, soit d'être repris par ses esclaves,
de Dieu et lui apprendrai à ne h s toncluT
, soit de reprendre lui-même ceux qui habitent
qu'avec art, et cela [)our exciter la joie , non sa maison? Serait-ce se tromi)er que d'appeler
d'une assemblée d'hommes, mais du peuple cette maison l'église de Dieu ? Car là où règne
des anges. Il ne suffit pas d'étudier les divins une telle sagesse, que même à table, dans le
oracles il faut encore les prati(|uer et les re-
; moment cjui semble autoriser la licence, on
présenter dans sa conduite, l'accomplir par se préoccui)e de la loi de Dieu et où tous
(li'S actes. Les cordes d'une lyre, l'artiste les luttent et rivalisent à l'envi à qui l'observera
louche, l'ignorant les touche aussi mais tandis ; mieux, il est évident que le démon, que l'es-
(jue celui-ci ne fait que chtxiuer l'auditeur, ce- prit mauvais ne s'y trouve plus et que le ,

lui-là l'enlève et l'inonde de délices, et pourtant Christ y règne, félicitant ses serviteurs de leur
ce sont Us mêmes doigts, les mêmes cordes, l'art sainte émulation et leur distribuant toute fa-
seul dilTère ; de même pour les divines Ecri- veur. Je laisserai donc un précepte dont l'ob-
tures; l)e;uico!i[i |«'s parcourent, mais le [trolit, servance ,
grâce à Dieu , et grâce à vous qui
tuais le fruil, tous ne le retirent pas, et la cau^Q aveT;! chaudement entrepris el déjà si résolu-
SUR LA PARABOLE DU DÉBITEUR DES DIX MILLE TALENTS.

ttient commencé à le suivre, ne tardera pas à Suivez-moi donc et écoutez la loi de Dieu. Où
se répandre dans toute la ville, et je passerai à est-il question de la colère et du désir de la
un autre, je veux dire à la colère qu'il faut sa- vengeance? Dans des passages nombreux et
voir mépriser et dompter. divers, mais particulièrement dans cette para-
Car de même que sur une lyre une seule bole que Jésus adressa à ses disciples en leur
corde ne peut produire de mélodie, mais qu'il disant C'est pour cela que le royaume des
:

faut les parcourir toutes avec le rythme conve- deux est semblable à un roi qui voulut faire
nable; de môme, quanta la vertu que doit pos- rendre compte à ses serviteurs. Et lorsqu'il eut
séder notre âme, il ne suffit pas pour le salut commencé à le faire, on lui en présenta un
de n'observer qu'une loi, ce que j'ai déjà dit, qui lui devait dix mille talents. Et comme il

mais il faut les garder toutes avec exactitude, n avait pas de quoi le.s rendre son maître or-- ,

8i nous voulons produire une harmonie plus donna qu'on le vendît lui , sa femme 5^5 en- , ,

suave et plus utile que toute harmonie. Votre fants et tout ce qu'il avait, pour acquitter la
bouche a appris à ne plus jurer, votre langue à dette. Mais, se jetant à ses pieds, le serviteur le
ne dire, en toute circonstance, que oui et non ;
suppliait en disant : Ayez patience à mon
apprenez de plus à éviter toute parole inj urieuse égard, et je vous rendrai tout. Alors le maître
et à apporter ta l'observation de ce commande- ayant pitié de ce serviteur le renvoya et lui

ment d'autant plus d'ardeur qu'elle requiert remit sa dette. Mais ce seixiteur étant sorti
plus de travail. Pour le serment, il ne s'agissait rencontra un de ses compagnons qui lui devait
que de vaincre une habitude pour la colère, ;
cent deniers ; et l'ayant saisi il V étouffait , di-

il faut de plus grands efforts. C'est une passion sant : Rends-moi ce que tu me dois. Et se je-

tyranni(iue qui entraîne ceux mêmes qui sont tant à ses pieds, son compagnon le suppliait,
en garde contre elle et les précipite dans le disant : Aie patience à mon égard , et je te

gouffre de la perdition. Sachez donc supporter rendrai tout. Mais lui ne voulut pas, et il s'en
la longueur de mon discours. Ce serait de la alla et le fit mettre en prison jusqu'à ce qu'il
déraison, pour nous qui sommes blessés chaque payât sa dette. Les autres serviteurs le voyant,
jour sur la place publique, dans nos maisons, furent iïidignés ; ils vinrent et racontèrent à
par nos amis, par nos proches, par nos enne- leur maître ce qui s'était passé. Alors le
mis, par nos voisins, par nos serviteurs, par maître l'appela et lui dit : Méchant serviteur ,

nos épouses, par nos tout petits enfant?, par je t'ai remis ta dette parce que tu m'en as prié.
nos propres pensées, de ne pas vouloir nous Ne fat lait -il pas que tu eiisses pitié de ton
occuper, même une fois la semaine, de guérir compagnon comme j'ai eu pitié de toi ? Et il
,

ces blessures, sachant surtout que le traitement le livra aux bourreaux, jusqu'à ce qu'il payât

ne nous coûtera ni argent ni soutfrance. Car, toute sa dette. C'est ainsi que vous traitera
voyez je ne tiens pas de fer à la main je ne
, ;
mon Père céleste si chacun de vous ne par-
,

me sers que d'un discours, mais plus tran- donne à son frère du fond de son cœur. (Malth.
chant que le fer, qui enlèvera toute la corrup- xvni.)
tion et qui ne causera aucune doukur à qui- 3. Voilà la parabole ; or il faut dire pour-
ronque subira cette opération. Je ne tiens pas quoi il la proposa, en en indiquant la cause ;

ée feu à la main mais j'ai une doctrine plus


; car il ne dit pas simplement Le royaume des :

forte que le feu, une doctrine qui ne vous brû- deux est semblable, mais bien c'est pour cela
lera point mais qui empêchera les ravages de
, que le royaume des cieux est semblable. Pour-
l'iniquité et qui, au lieu de douleur, ne causera quoi donc cause s'y trouve-t-elle ? 11 parlait
la
que de la joie à celui qui sera délivré du mal. à ses disciples de la patience , il leur apprenait
11 n'est pas besoin ici de temps, pas besoin % maîtriser leur colère à ne faire pas grande ,

de travail pas besoin d'argent il suffit de


, ; attention aux injustices qu'ils pouvaient éprou-
vouloir, et ce qu'exige la vertu est accompli, ver de la part des autres, et il leur disait Si :

et si vous réfléchissez à la majesté du Dieu votre frère a péché contre vous, allez et repre-
qui ordonne et qui a porté cette loi ne , nez-le entre vous et lui seul ; s'il vous écoute^
sera-ce pas assez pour vous éclairer et vous Vous aurez gagné votre frère. (Matth. xvui, 15.)
déterminer ? Car ce ne sont pas mes propres Pendant que le Christ disait ces choses et
pensées que je vous expose je ne veux que ,
autres semblables à ses disciples et leur en-
ious vous conduire au grand législateur. seignait \ régler leur vie Pierre, le premier

BQ
1536
TRADUCTION FRANÇAISE DE SAINT JEAN CHRYSOSTOME.

du collège apostolique, la bouche des disciples, serez plus touchés des injustices des autres.
lacolonne de l'Eglise le pilier de la foi, celui
, Pierre entendant ctla demeura stupéfait, pen-
avec lequel tous doivent penser, dans les filets sant non-seulement à mai^ à tous ceux qui
lui,

duquel tous doivent se jeter, qui de l'abîme devaient lui être confiés et de peur qu'il ne ;

de l'erreur nous a ramenés vers le ciel, qu'on fît ce qu'il avait coutume de faire pour les au-

retrouve partout rempli de charité et de liberté, tres commmdements, Noire-Seigneur prévint


mais plus encore de charité que de liberté, toute inlerrogition. Que faisait Pierre en effet
Pierre, dis-je, tous les autres se taisant, s'a- quand il s'agissait d'un précepte? Quand No-
•vance vers le Maître et lui dit Combien de : tre-Seigneur avait imposé une loi qui parais-
fois, mon
frère péchant contre moi, lui par- sait offrir quelque difficulté, Pierre, s'avançant,

donnerai-je ? (Matth. xvin, 21.) 11 interroge et lui posait des cpiestions, demandiit des explica-
déjà il fait voir qu'il est prêt à tout il ne con- ; tions sur cette loi. Par exemple, lorsque le
naît pas encore la loi , et il se montre plidn riche interrogea le Maître sur la vie éternelle,
d'ardeur à l'accomplir. Car sachant bien que et qu'après avoir appris ce qui le conduirait à
la pensée de son Maître penche plutôt vers la la perfection, il parce qu'il
s'en alla triste

clémence, que celui-là lui sera le plus


et avait de grandes Notre-Seigncur
richesses,
agréable qui se montrera le plus facile à par- ayant ajouté qu'il était plus facile à un cha-
donner au prochain et qui ne recherchera pas meau de passer par le chas d'une aiguille qu'à
avec aigreur lestantes des autres, voulant plaire un riche d'entrer dans le royaume des cieux ,

au Législateur, il lui dit : P ar donner ai-je jus- alors Pierre . bien qu'il se fût dépouillé de
qu'à sept fo^'s? Mais ensuite, pour apprendre tout, qu'il n'eût pis même gardé son hame-
ce que c'est que l'homme que c'est ([uc
et ce çon, qu'il eût abanilonné sa profession et son
Dieu et comment la bonté de l'homme, com- bateau, s'avança et dit au Christ : Et qui peut
parée aux infinies richesses de la miséricorde donc être sauvé? (Marc, x, 'SG.) Et ici re-
de Dieu, est au-dessous de l'extrême pauvreté, marquez la con.luite louable du disciple et

et que ce qu'est un*? goutte d'eau à la mer im- son zèle. D'un côté, il ne dit pas : vous com-
mense, noire chirité l'est aujjrès de riuilicible mandez l'impossible, ce précei>te est violent,
charité de Dieu, pendant (jue Pierre demiiiie celte loi est dure ; de l'autre côté, il ne girde
s'il faut \mi\\onncr jusqu'à sept fois? et qu'il pas non plus le silence mais il montre l'in-
,

pense se montrer ainsi très-large et très-libé- térêt qu'il porte à tous et rend à Notre-Sei-
ral, écoutez ce quj le Seigneur lui réponJ Je : gneur l'honneur qu'un disci|>le doit à sou
ne dis pasjmquà sept fois, mais jusquW sep- Maître, en lui disant Et qui peut donc être
:

tante fois sept fois. Qaelques-uus i)rélcnilent sauvé? Lui qui n'était pas encore pasteur avait
que cela veut dire septanle fois et sept fois; mais déjà le zèle du pasteur, lui qui n'était pas en-
il n'en est pas ainsi et il faut cnlemlre près de core établi chef m^ailrait déjà la sollicitude du
cincjcents fois car sept fois septuite lont
: chef et [)ensait a toute la terre. S'il avait été
quatre cent quatre-vingt-dix. Et ne pensez pas, riche, possesseur d'une grande fortune, ou au-
mes chers auditeurs, que ce précepte soit dif- rait peut-être dit (]ue c'était non en considéra-

ficile à observer. Car si vous pudonnez à celui tion des autres, mais dans son propre intérêt et
(}ui pèche contre vous une, deux ou trois fois pour lui-même qu'il faisait cette question;
I»ar jour, (juand nicnie il aurait un cœur de mais sa pauvreté écarte ce soupeon et fait voir
pierre, quand même il serait plus cruel cjue (jue la sollicitude (piil éprouvait pour le salut
tous les démons, ne sera cerl.iinement pa?
il des autres était la seule cause de ses soucis, de
insensible au point de retomber toujours dans son anxiété, et le portail seule à demander au
les mêmes fautes, mais louché de ce pardon si Maître la route du salut. Aussi Notre-Seigneur
fréquenuncnt accordé, il en de\i(Midra nieil- lui inspiiant delà confiance, lui dit Ce qui est :

lleur et moins intraitable; et muis de Aolre luij) )ssi/)!c aux /ijnuncs est possiôlc à Dieu.
côté, si vous êtes disj)0>és à pardonner tant dt Ne pensez i)as, veut-il dire, que vous resterez
fois b.s injustices que vous éprouNcrez, qu.uu\ seuls et abandonnés : je mettrai avec vous la
>ous aurez fait grâce une, (Wnx ou tiois fois, main à cette (vu\re, moi, par qui les choses
ce \ous sera une habitude et >ous n'aurez au- ditlieiles de\icnnjnt aisées et faciles. De même
cune peine à i»trsé\érer dans celle conduite, quand Noirc-Scign.;ur, parlant du mariage et

liarce qu'ayant paidouuô si souvent vous ne dCTla l'cnune, di.ait quj quiconque renvoie sa
SUR I.A PARAKOLE DU DÉBITEUR DES DIX MILLE TALENTS.

fcwîfic hors le cas d'adultère, la rend adultère, vous le devez à des travaux honnêtes, ou à la
et donn;iit ainsi à entendre que les époux doi- rapine et à la fraude si vous l'avez reçu de
;

vent supporter loules les fautes de leurs épou- votre père en héritage, ou si vous ne le possé-
ses, hors le eas d\i(!ul(ère, IMiire, tous les au- dez qu'aux dépens des orphelins dont vous
tres se taisant, s'avance et dit au Christ Si : avez ruiné les maisons, aux dépens des veuves
telle est la coridiiioii de l'homme à Icfjard de dont vous avez pille la fortune. Et de même
sa femme, U ntst danc pas avaiitageux de se que nous, nous faisons rendre compte à nos
marier. (Matth. xix, 0, 10.) Reniai (juez com- serviteurs, non-seulement de leurs dépenses,
ment, en cette circonstance encore il garde , mais encore de leurs recettes, et que nous leur
envers son Maître le respect quil lui doit et demandons d'où ils ont reçu tel bien, de qui,

ne laisse pas que de se préoccuper du ealut ccnmient, en quelle (juantité. Dieu aussi vou-
des autres, sans faire aucun retour sur sts dra savoir non-seuîtment comment nous au-
propres intérêts. C'est donc pour prévenir rons employé notre fortune, mais encore com-
quelque observalion de ce genre, c'est pour ment nous l'aurons acquise. Et si le riche rend
couper court à toute réplique, (jue Jésus pro- compte de ses richesses, le pauvre rendra
pose la parabole. Voilà pour(|uoi l'évangéliste compte de sa pauvreté, s'il Ta supportée avec

dit : cest pour cela que le royaume des cieux courage et sansrépugnance, sans murmure,
estsemblable à un roi qui voulut faire rendre sans im|;atience, s'il n'a pas accusé ladiNine
compte à ses serviteurs^ nous montrant par là Providence, en voyant tant d'autres hommes
que cette parabole a pour but de nous ap[)ren- plongés dans les délices et les prodigalités,
dre que, quand même nous aurions pardonné tandis qu'il est, lui, accablé par le besoin. Le
soixante-dix fois sept fois par jour à notre frère riche rendra compte de sa miséricorde et le
nous n'aurions encore rien fait de très-graud, uauvre de sa patience, et non-seulement de ea
nous serions encore bien loin de la cléiuence patience, mais encore de sa miséricorde car :

de notre Dieu, et nous n'aurions pas encore l'indigence n'empêche pas de faire l'aumône,
donné autant que nous avons reçu. témoin celte veuve qui jeta dans le tronc deux
4. "Voyons donc cette parabole car, bien : petites pièces, et à qui sa faible aumône valut
qu'elle paraisse assez claire en eile-imnie , plus de mérites qu'aux autres leurs riches of-
ellerenferme cependant tout un tiisor, trtsor frandes. Lt ce ne seront pas seulement les ri-
caché et ineffable de pensées précieuses à
, ches et les pauvres, mais encore les déposibires
recueillir. Le royaume des cieux est senibla- du pouvoir et de la justice, dont la conduite
bleà un roi qui voulut faire rendre compte deman-
sera scrutée avec rigueur, et à (jui l'on
à ses serviteurs. Ne passez pas légèrement dera s'ils corrompu la justice, si ce
n'ont pas
sur cette parole représentez -vous ce tri-
; n'est pas la bienveillance ou la haine de
bunal et, descendant dans votre conscience, l'homme privé qui a guidé l'homme public
rendez-vous compte de ce que vous avez fait dans ses décisions, s'ils n'ont pas, pour ga-
pendant toute votre vie figurez-vous que les
: gner les bonnes grâces de quelqu'un , donné
serviteurs soumis à cette reddition de compte, leur sullVage contre le droit, s'ils n'ont pas,
ce sont et les rois et les généraux et les cpar- par esprit de vengeance, sévi contre des in-
ques, et les riches et les pauvres, et les esclaves nocents.
et lespersonnes libres; car ^m^ 7wus devons Et, avec le pouvoir séculier, ce sera aussi le
coynparoUre devant le tribuncU du Christ. pouvoir ecclésiastique qui rendra compte de sa
(11 v, 10.) Si vous êtes riche, pensez que
Cor. gestion, et c'est ce dernier surtout qui sera
l'on vous demandera compte de la manière sounus à un examen sévère Pour
et teirible.

dont vous aurez employé vos richesses pour celui qui a reçu le ministère de la parole, on
entretenir des courtisanes ou pour subvenir examinera rigoureusement si, par paresse ou
aux besoins des pauvres, pour nourrir des par haine, il n'a pas passé sous silence une
parasites et des flatteurs ou pour secourir des chose qu'il fallait dire, si par ses œuvres il n'a
indigents au libertinage ou à la charité, à la
, pas démenti sa parole, s'il n'a rien caché de ce
débauche, à la prodigalité, à l'ivresse, ou à qui était utile. Quant à l'évêque, plus sa charge
secourir ceux qui étaient dans la tribulation. est élevée, plus on lui demandera un compte
On vous demandera compte encore de la ma- sévère et sur l'instruction qu'il aura donnée à
nière dont vous aurez acquis votre bien , si «son peuple et sur la protection qu'il aura ac-
" TRADUCTION i-haaT-^ISE DE SAINT JEAN CHRYSÔ TO'T.
erd^ anx patirres, et surtout sur Texampn dp
'eni qu'il aura promus aux
-, Psalmiste par celles-ci î La pensée mhié
ordres et sur
. Vliomyne servira à votre gloire. (Ps. lxxv,
mille autres choses. C'est pour cela que saint
11.) Que veut-il dire par ces mots : la pensée
î aul écrivait à Timothée (Tim. v, 22) PTim-
:
même de Thomme servira à votre gloire^ Oui,
; osez légèrement les rnninx à personne et ne
elle y servira si vous n'adressez à votre frère
larîHpez en rien aux pé/héx des autres. Et que des paroles feintes et pleines de malignité,
mx Hébreux, en parlant de leurs chefs spiri-
si votre bouche et votre langue le louent, tan-
rels. il écrivait ces paroles effravanfes Oh'^i'utez
:
dis que, au fond de votre cœur, vous ne pensez
''
vos prépofés et sopez-levr sovmh rnr ce nnnt
:
de lui que du mal et ne lui portez que de la
' vx qui veillent sur rox âmes rnmme devant en haine. Le Christ, voulant nous faire entendre
'indre compte. (Héhr. 1.3. 17). Et. après nos que nous rendrons compte de nos actions, et
rations, il faudra rendre compte de nos pa- aussi de nos pensées, nous dit : Quiconque
oles. Car de même que quand nous avons aura regarde une femme pour la convoiter a
'^onfié de l'arpent à nos esclaves, nous vou- déjà commis l'adultère dans son cœur. (Matth.
rns connaître l'emploi qu'ils en ont fait v, 28.) Son péché n'a pas passé jusqu'à l'acte;
'
insi Dieu nui nous a confié la parole nou il n'est encore que dans la pensée et cependant

f'emandera comment nous l'aurons employée celui-làmême n'est pas sans faute, qui consi-
11 examinera, par des informations sévères, dère la beauté d'une femme, afin que le dé-
.«:'
nous n'avons pas dépensé ce talent inu- sir de l'impureté s'allume en lui. Aussi lorsque
tilement et en vain : l'argent qui passe en vous entendez dire que le Maître veut faire
'elles dépenses ast mo'ns nuisible que des rendre compte à ses serviteurs, ne passez pas
I
aroles vaines, inutiles et sans but : car l'ar- légère mentsur celte parole, mais pensez qu'elle
! ent inutilement employé porte préjudice le embrasse toute dignité, tout âge, tout sexe, et
1 lus souvent, il est vrai, à la fortune ; mai^ ks hommes et les femmes : songez (|uel
.
ne parole irréfléchie renverse des maisons Sera ce tribunal, et repassez dans votre esprit
f ntiéres, perd et paralyse les amas ; etd'ailleui-s toutes les fautesque vous avez commises. Car,
a perte de la fortune peut se réparer ; une pa- si vous les avez oubliées. Dieu ne les oubliera
) oie une ioi$ lauc^ vous ne pouvez la rappe- pis; mais il vous les remettra toutes devant les
ler. yeux, si, devançant ce terrible moment, vous
Uni, nous rendrons compte de nos paroles; ne les par la pénitence, la con-
anéantissez
écoutez ce que déclare le Seigneur Je vous : fession et le pardon des torts qui vous sont
dis que toute parole oiseuse que la, Àotiutus faits. Mais pourquoi le Maître se fait-il rendre

auront projioncée sur celle terre, Us en rendront compte? Ce n'est pas qu'il ignore nos œu-
compte au jour du juqcnient : car c'tst par vos vres, lui qui connaît toutes choses avant mémo
paroles que vous scnz justifiés, et par vos pa- (1 d'elles arrivent; il veut montrer à ses es-
roles que vous serez condamnés. (Mattli. xii, claves (jue leurs dettes sont des dettes véritables
30-37.) Nous rendrons coniple et de ce (juc et justes; il veut le leur faire reconnaître et
nous aurons dit et dt; ce ([uc nous aurons tu- aussi leur apprendre à s'ac(iuitter. C'est dans
k ikIu; par exemple, >i nous avons écoulé, sans ce l)ul (|nil envoyait le Prophète rappeler aui
nous y opposer, une calunmie dirigée contre Juifs leurs iniiiuités d
: \'a redire ses iniquités

notre prochain : car, tlit IKcrilure, n'acceptez la nmison de Jacob maisonet ses péchés éi la

fioi/t les paroles du mcnicur. (Kxod. xxiu, I.) d'Israël (Is. lvmi i) non-seulement pour
, ,

Kl si ceux (jui acccplciil ces paroles ne doivent (piils ks entendent, mais pour qu'ils s'en cor-

pas IrouYcr grâce, quelles causes allégueront rigent.

les médisanls et les calonniiatcurs? Quand il eut commencé à se faire rendre

;i. Et, (pie dis-je , ce que nous aurons dit coin/ te , on lui amena un serviteur qui lui
et entendu? lUen plus, nous rendrons compte devait dix nulle ta.'c/its. Quelle somme con-
même de nos pensées. C'est ce ciue saint fiée ! (luelle sonune ilissipéel Quelle énorme
l'aul nous montre par ces paroles C'est pour- :
dette 1 (lombieu n'en avait-il pas reçu, Ini
quoi ne jugez pas avant le tcnips jusqu'à ,
(pii eu a tant dépensé! Il est lourd, le poids
ce que vienne le Sci(j)ieur qui éclairera ce qui (les dettes mais ce qu'il y a de |)lus fâ-
;

ist caché dans les teneur es et manifestera cheux c'est ,


qr.e ce serviteur fut eomluit
tes pe7isccs sca'ctes des cœurs (l Cor. iv, 5) ; à sou maître le premier. Cor si beaucoup
èe (îébîteurs capables de payer l'avaient pré- pour cela qu'îl est consolé dans Taulre vlé.'
cédé il n'eût
, pas été trop étonnant que le C'est ce que nous montre aussi saint Paul,
roi ne se fût pas fâché la solvabilité des pre-
: écrivant aux Corinthiens (I Cor. v, 5) au sujet
miers aurait dû le disposer à la bienveillance du fornicateur, en leur disant Livrez cet :

pour ceux qui ensuite n'auraient pu payer. Mais homme à Satan pour que sa chair soit châtiée
que le premier soit insolvable, et pour une et son esprit sauvé. Et en consolant d'autres,

dette si importante, et qu'il n'en éprouve pas pécheurs, il leur adresse ces mots C'est pour :

moins la clémence de son maître, voilà qui est cela qu'il y a parmi vous beaucoup d'infirmes
bien étonnant et extraordinaire. Les hommes, et de languissants et que beaucoup s'endor-
en quand
effet, ils ont découvert un débiteur, ment. Que SI nous nous jugions nous-mêmes^
non moins que s'ils avaient trouvé une proie, nous ne serions point jugés; et lorsque nous
te réjouissent et s'agitent de toute manière sommes jugés , c'est par le Seigneur que nous
pour lui faire payer sa dette entière ; et si la sommes repris, afin que nous ne soyons pas
pauvreté des débiteurs ne le permet pas , ils condamnés avec ce monde {l Cor. xi, 30-32.)
font retomber leur colère sur le corps des Mais si les afflictions, les maladies, la mau-
pauvres malheureux, les tourmentant, les frap- vaise santé, les maux que notre corps peut
pant, leur infligeant mille maux. Dieu au con- éprouver, toutes choses que nous ne suppor-
traire met tout en œuvre et en mouvement tons que malgré nous et que nous sommes loin
pour délivrer de leurs dettes.
ses débiteurs de nous procurer, nous sont comptées pour la
L'homme s'enrichit à exiger son dû, et Dieu rémission de nos fautes, à combien plus forte
à le remettre. Quand nous avons reçu ce qu'on raison les bonnes œuvres auxquelles nous nous
nous devait, nous sommes dans une abon- portons de nous-mêmes et avec zèle Ce servi- I

dance plus grande Dieu, au contraire, plus


: teur au contraire n'avait rien de bon; il n'a-
il remet les dettes contractées envers lui, plus vait qu'un poids accablant de péchés! C'est
il s'enrichit. Car la richesse pour Dieu, c'est le pourquoi l'Evangéliste dit Comme il n'avait :

salut des hommes, comme le dit saint Paul : pas de quoi payer son maître ordonna qu'il
,

Biche pour tous ceux qui l'invoquent. (Rom. /w^î;e/j(/M.(Matth. XVIII, 25.) C'est là le trait qui
X, 12.) Mais, me direz-vous, si le maître veut nous peint le mieux
clémence du Maître, de
la
pardonner au serviteur et lui remettre sa dette, lui avoir fait rendre compte
et d'avoir ordonné
pourquoi ordonne-t-il qu'on le vende ? C'est de le vendre car, en faisant ces deux choses
:

là précisément ce qui montre le mieux sa cha- il ne voulait qu'empêcher qu'il fût vendu. —
rité. Toutefois, ne nous pressons pas et sui- Qu'est-ce qui le prouve? La fin de la para- —
vons avec ordre le narré de la parabole : bole car, s'il avait voulu le faire vendre, qui
:

Comme il n'avait pas de quoi payer, dit s'y serait opposé ? qui l'aurait empêché ?
l'Evangéliste. Qu'est-ce que cela veut dire : 6.Pourquoi donc l'a-t-il ordonné, s'il n'avait
Comme il 71 avait pas de quoi payer ? Voici qui pas l'intention de le faire? Pour impri- —
aggrave l'iniquité. Dire qu'il n'avait pas de quoi mer à l'esclave plus de crainte : et il lui vou-
payer, c'est dire qu'il était vide de bonnes lait,au moyen de sa menace, imprimer plus
œuvres, qu'il n'avait fait aucun bien qui pût de crainte, afin de l'amener à supplier, et il
lui être compté pour le pardon de ses fautes. voulait l'amener à supplier, afin d'en prendre
Car nos bonnes œuvres nous sont comptées, occasion de pardonner. Il pouvait, même avant
oh oui , elles nous sont comptées pour la
! toute supplication, pardonner, et c'est
lui
rémission de nos péchés, comme la foi pour pour ne pas le rendre pire qu'il ne l'a pas
la justification. A celui qui ne fait pas les fait. Il aurait pu lui pardonner avant toute red-

œuvres, mais qui croit en Celui qui justifie dition de comptes mais alors, l'esclave, igno-
;

l impie, sa foi est imputée à justice. (Rom. v, 5.^ rant la grandeur de sa dette, n'en eût été que
Et pourquoi parler seulement de la foi et des plus inhumain et plus cruel envers ses frères:
bonnes œuvres, puisque les afflictions mêmes c'est pourquoi le roi lui fait connaître d'abord
nous sont comptées pour le pardon de nos la grandeur de sa dette et ensuite la lui remet
fautes? C'est ce que le Sauveur nous montre tout entière. C'est après la reddition des comptes
par la parabole de Lazare, où il nous repré- où on lui avait fait voir quelle était sa dette,
sente Abraham disant au riche que Lazare n'a c'est après qu'on l'a menacé et qu'on lui a mon-
reçu sur cette terre que des maux, et que tré la peine qu'il était juste de lui infliger, c'est
TRADUCTION FRANÇAISE DE SAINT JEAN CHRYSOSTOME.

alors, dis-je, qu'il semontre si impitoyable et chons-nous de Dieu ,


prosternons-nous devant
51 inhumain pour son compagnon. Si ces pré- lui, conjurons-le, comme a fait ce serviteur
cautions n'avaient pas été prises, à quel degré qui, en celadu moins, était inspiré d'un bon
de cruauté ne serait-il ])as descendu? Dieu en sentiment. Ne pas désespérer, ne pas perdre
tout cela n'a eu d'autre but que d'adoucir ce confiance, confesser ses péchés, demander
caractère si emporté, et si rien n'a servi, ce quelque quelque retard, tout cela est
délai,

n'est pas sur le maître, mais sur cet incorri- beau, tout cela d'une âme contrite et d'un
est

gible que retombe la faute. Voyons cependant esprit humilié. Mais ce qui va suivre est loin

comment il traite celte maladie S'étant donc : (le ressembler à ce qui a précédé ce que ses :

jeté à ses pieds le serviteur le conjurait en


,
supplications lui ont fait gagner, la colère où
disant : Ayez patience, et je vousrendmi tout. il va entrer contre son compagnon le lui fera

11ne dit pas qu'il n'avait pas de quoi rendre ;


bientôt [)erdre. Voyons, en attendant, comment
mais les débiteurs promettent toujours, quand il obtient son voyons comment son
jv.rdon :

même ils n'ont rien à donner, afin d'échapper maître le renvoie libre et ce qui l'a porté à
aux dangers présents. cette détermination Le Roi ému de pitié, dit
:

Apprenons, nous qui avons si peu d'ardeur rEvangéliste, le renvoya et lui ?'emit sa dette.
pour la prière, quelle est la force des suppli- L'esclave avait demandé un délai , le maître

cations. Ce serviteur n'avait à présenter ni lui accorde son pardon, de sorte qu'il obtient

jeûnes, ni pauvreté volontaire, ni rien de plus qu'il n'avait demandé. Au<si saint Paul
semblable mais lui qui n'avait aucune vertu
:
nous dit que Diett est assez puissant pour tout

se met à conjurer son maître, et sa prière a faire au delà de ce que nous demandons ou con-
tant de force qu'elle l'entraîne à la clémence. cevons. (E|)h.ni,20.)Car vousne pourrezjamais

Ne désespérons donc jamais dans nos prières. imagmer tout ce qu'il a résolu de vous don-
Car peut-il se trouver un plus grand pécheur ner. Donc pas de défiance pas de honte ou ,
:

que celui qui , accablé sous le poids de tant plutôt rougissez de vos iniquités mais ne dé- ,

de crimes, n'avait à présenter aucune bonne sespérez pas, n'abandonnez pas la prière: allez,
œuvre, ni grande, ni petite? El cependant il quoique vous ayez péché, apaiser votre Maître,
ne se dit pas à lui-même Je n'oserais parler, :
et lui donner occasion d'exercer sa clémence

je suis rempli de honte comment pourrais-je :


en vous jiardonnant vos fautes car, si vous :

approcher de mon maître? Comment pourrais- n'osez pas a|)procher, vous mettez obstacle
je le supi)lier? Et c'est pourtant ceque disent à sa bonté et vous l'empêchez , autant qu'il est
beaucoup de pécheurs, poussés par la honk- en vous, de montrer combien son cœur est
que le démon leur insi)ire. Vous n'osez parler? généreux. Ainsi, pas de découragement, pas de
C'est précisément pour cela qu'il vous faut ap- langueur dans nos prières. Quand nous serions
procher, pour que votre confiance s'augmente. tombés dans le gouiïre du vice , il peut nous
Celui qui va vous pardonner est-il donc un en retirer bien vile. Personne n'a autant péché
homme, pour ({ue vous rougissiez, accablé jiar ([ue le mauvais serviteur il avait épuisé toutes :

la honte? Non, c'est Dieu, Dieu qui désire vous les formes du vice; c'est ce que montrent les

pardonner plus que vous ne désirez être par- dix mille talents personne ne peut être plus
:

donné. Vous ne désirez i)as votre bonheur vide de bonnes œuvres que lui aussi nous :

comme il désire votre salut; et c'est ce (ju'il dil-on qu'il ne pouvait rien payer. Et cepen-
nous a fait voir par bien des exemples. Vous dant ce criminel que tout conspirait à accuser,
n'avez pas de confiance? El c'est là précisé- la prière est si puissante quelle Ta délivré. La

ment ce qui doit v(mis (>n donner car c'est un : l)rière est-elle donc si efficace qu'elle puisse

grand sujet de confiance rpie de croire n'y avoir soustraire à la punition et au chàlimenl celui
pas droit, connue aussi c'est un grand sujet de (jui par ses actions et ses œuvres mauvaises,
,

honte que d'oser se justifier en face du Sei- s'est rendu coupable envers le Maître? Oui, elle

gneur. C'est se rendre criminel, (luanil même le peut ô honune. Elle n'est |)as seule en elTet
,

on seiail d'ailleurs le plus saint des honnnes, dans son entreprise elle a l'aide et le sou-
:

connue aussi celui-là est justifié qui se croit le tien le plus fort la miséricorde de ce Dieu à
,

dernier de tous, témoin le i>harisien et le pu- qui s'adresse la prière : c'est la miséricorde
IJicain. Donc ,
quand nous avons péché , ne qui fait tout et cpu donne à la prière sa puis-
perdons ni l'espoir, ni la confiance, mais appro- sance. C'est pour faire entendre cette vérité que
SUR LA PARABOLE DU DÉP.ITEllR DES DIX MILLE TALENTS. 9

l'Evangcliste flit : Son maUre, ému de com- une obligation. Car si c'eût été avant la reddi-
passion, le renvoya et lui remit sa dette; nous tion des comptes, avant sa condamnation, avant
faisant voir qu'avec la prière et avant la prière, cette grâce extraordinaire, qu'il eût pardonné,
c'est la niisrriconledii Mnlroqui a tout Ce
fait. c'eût été un eOet de sa propre générosité. Mais
serviteur étant sorti rencontra un de ses com- après avoir reçu un
grand bienfait et le par-
si

pagnons qui lui devait cent deniers; et l'ayant don de c'était pour lui une né-
tant de fautes ,

disant : Rends-moi ce que


saisi, il Vétouffait, cessité c'était s'acquitter d'une dette que d'a-
,

tu me que peut-il y avoir de plus


dois. Mais voir pitié de son compagnon. Et pourtant il fut
infâme? La parole du pardon retentissait en- loin de le faire et de considérer quelle didé-
core à ses oreilles, et déjà il a oublié la miséri- rence il y avait entre la grâce qu'il venait d'ob-
corde de son Maître. dû accorder à son
tenir et celle qu'il aurait
7. Voyez-vous comme il est bon de se sou- compagnon. Cette différence ressort et de la
venir de ses péchés? Si celui-là se les était somme due des deux parts et de la position ,

toujours rappelés, il n'aurait pas été si cruel et respective des personnages et aussi de la ma-
si inhumain. Aupsi je vous le répète continuel- nière dont la chose se passe. D'un côté, c'é-
lement et je ne cesserai de vous redire qu'il est taient dix mille talents, et de l'autre cent de-
très-utile, qu'il est nécessaire que nous nous niers d'un côté, c'est un esclave qui agit envers
;

souvenions sans cesse de toutes nos iniquités : son maître d'une manière outrageante de ,

rien ne rend l'âme si sage, si douce, si indul- l'autre c'est un compagnon de servitude qui
pente que le souvenir continuel de ses fautes. a contracté une dette envers un compagnon de
Aussi saint Paul se souvenait non seulement servitude. Traité si généreusement, le servi-
des péchés qui avaient suivi, mais encore de teur devait à son tour faire grâce; le maître, au
ceux qui avaient précédé son baptême, bien contraire remit toute la dette quoique le
, ,

qu'ils fussent tout à fait cflacés. Et si cet débiteur ne l'eût mérité par aucune bonne
apôlre se souvenait même des péchés commis œuvre, grande ou petite. Mais sans réfléchir
avant baptême combien plus ne devons-
le ,
à rien de tout cela entièrement aveuglé ,

nous pas nous souvenir de ceux qui ont suivi par sa colère, il saisit son débiteur à la gorge
notre régénération. Car, non-seulement leur et le jette en prison. A cette vue les autres
souvenir nous portera à en faire une plus esclaves, ajoute l'Evangéliste, s'indignent, et
grande pénitence, mais encore il nous don- avant même que le maître ait rien prononcé,
nera plus de douceur à l'égard du prochain, ils condamnent
le preuve nouvelle de la :

nous inspirera pour Dieu notre m;iître plus de bonté du roi. Son maître l'ayant appris le fait
reconnaissance, en nous remettant sans cesse appeler, le soumet à un nouveau jugement, et,
devant les yeux son indicible miséricorde. C'est môme en ce moment, il ne le condamne pas
ce que ne fit pas ce mauvais serviteur; mais, sans formes, mais il lui fait voir que la con-
loin de là, oubliant la grandeur de sa dette, il duite qu'il va tenir est justifiée par le droit;
oublia aussi la grandeur du bienfait; oubliant aussi que dit-il? Méchant serviteur je f avais
.,

le bienfait, il agit méchamment envers son rends toute ta d-:tte.


compagnon , et cette mauvaise action lui fit Quoi de meilleur que ce maître? Lorsque
perdre tout ce que lui avait accordé la miséri- son esclave lui devait dix mille talents, il ne
corde de Dieu. Lavant saisi, il rétoulfait, disant :
lui adresse pas mie parole de reproche, ne
Rends-moi ce que tu 77ie dois. Il ne dit pas :
rapi)elle pas môme méchant, mais ordonne
Rends-moi cent deniers (il aurait rougi de la seulement de le vendre; et cela, pour avoir
futilité de cette dette), mais bien Rends-}noi ce :
occasion de lui remettre sa dette. Quand ensuite
que tu me dois. Et celui-ci sejctayit à ses pieds cet esclave tient envers son compagnon une
le conjurait, disant : prends patience et je te conduite indigne alors le maître se fâche et
,

rendrai tout. Se servant des paroles mêmes s'emporte pour nous apprendre qu'il pardonne
qui avaient valu au méchant serviteur son par- plus facilement les péchés qui l'atteignent lui-
don, il espérait bien être sauvé. Mais ce cruel, même que ceux qui atteignent le prochain. Et
emporté par son inhumanité, restait insensible ce n'est pas seulement en cette occasion qu'il
à ces paroles et ne pensait plus qu'elles l'avaient tient cette conduite, c'est encore en d'autres
sauvé. Et pour lui cependant, pardonner, ce circonstances :Si vous présentez votre offrande
n'était plus de la clémence j mais une dette et à l'autel , et que là vous vous souveniez que
1d TUAbUcTiON FRANÇAISn DL SAINT JEAN CHRYSOSTOMË.

votre frère a quelque chose contre vous, allez, et parce que, par ce péché, les autres fautes,"
réconciliez-vous a'abord avec votre frère , et même pardonnées, re\ivent et se rcpré?ent nt
alors revenant^ vous offrirez votre don. (Malth. devant nous, comme il est arrivé en lette
V, 23, 24.)Voyez-vous comme partout il place circonstance. Car il n'y a rien, rien , dis-je,

nos intérêts avant les siens et comme il ne qui offense et irrite Dieu comme de voir un
met rien au-dessus de la paix et de la cha- homme animé de l'esprit de ven^jccance et
rité envers le prochain ? En un autre endroit, de ressentiment. C'est ce que nous apprennent
il dit encore Quiconque renvoie sa femme
: le passage que je viens de commenter et la
hors le cas d'adultère, la rend adultère. (Ibid. prière dans laquelle le Christ nous a ordonné
32.) Mais voici la loi qu'il établissait par l'or- de dire Pardonnez-nous nos offenses conu/te
:

gane de saint Paul : Si un homme a une femme nous pardonnons à ceux qui nous ont offensés.
infidèle , et qu'elle consente à demeurer avec (Matth. VI, 12.) Sachant toutes ces choses gra- ,

lui, qu'il ne se sépare point d'elle. (I Cor. vu, vant dans notre cœur la parabole que nous
42.) Si elle s'est rendue adultère, dit-il, chas- avons méditée, lorsque nous penserons à ce
sez-la; si elle est infidèle, ne la chassez pas; que nos frères nous ont fait souffrir, pensons à
si ellepèche contre vous, renvoyez-la; si elle ce que nous avons fait contre Dieu et la crainte
pèche contre moi, gardez-la. De même en cette de nos propres fautes aura bientôt réprimé la
circonstance , des péchés graves ont été com- colère que les offenses reçues ont pu nous ins-
mis contre le Maître, bon Maître par-
et ce pirer; sil y a des péchés dont nous devions
donne mais dès qu'il
;
com-
s'agit des fautes nous souvenir, ce sont les nôtres seulement; <i
mises contre un frère, quoique plus légères et nous nous souvenons des nôtres, nous auroi.s
moins fréquentes que celles par lesquelles le bientôt oublié ceux d'autrui, et si, au contraire,
Maître a été offensé, alors le Maître ne pardonne nous oublions les nôtres, ceux d'autrui se pré-
plus , au contraire , il sévit : il appelle le cou- senteront bientôt à notre pensée. Si ce mauAais
pable méchant, tandis que dans le premier cas serviteur avait songé aux dix mille talents qu il
il ne lui a pas même adressé une parole de devait, il aurait oublié les cent deniers; mais,
reproche. C'est encore pour faire mieux ressor- ayant oublié sa dette, il exigea de son compa-
tir cette leçon que l'Evangéliste ajoute qu'il fui gnon ce qui lui était dû, et voulant recouvn r
livré aux bourreaux. Lorsqu'il lui demanda une petite somme, non-seulement il ne lobliat
compte des dix mille talents, il ne fit rien de pas, mais il attira sur sa tète le poids des dix
tel. Nous apprenons ainsi que la première sen- mille talents. Aussi vous dirai-je sans crainte
tence n'était pas une sentence de colère, mais quel'espritd'inhumanité et de vengeance esi le
de miséricorde, et d'une miséricorde qui cher- plus grave de tous les péchés ou plutôt ce ,

chaitune occasion de pardonner. Au contraire, n'est pas moi qui vous le dis, c'est le Christ, en
la l'a irrité. Qu'y a-t-il donc de
dernière action se servant de la parabole que j'ai doM'loppée.
plus mauvais que le désir de la vengeance, Car si ce crime n'était pas plus graNc que les
puisqu'il force Dieu à révoquer les effets de sa dix mille talents, c'est-à-dire que des pèches
clémence et que ce que les péchés n'ont pu le innombrables, il n'aurait pas fait revivre les
contraindre de faire , le ressentiment contre le fautes déjà pardonnées. Aussi que notre prin-
prochain le force à le faire? Certes il est écrit cipale étude soit de réprimer en nous tout sen-
que les dons de Dieu sont sans repcntance. timent de colère et de nous réconcilier avtc
(Rom. XI, 29.) Pourquoi donc, après avoir ac- nos ennemis, certains que ni prière, ni jeûne,
cordé un tel bienfait, montré une telle clé- ni aumône, ni parlici|)ation aux mystères,
mence, Dieu a-t-il ici révoqué son propre aucun acte de piété, en un mot, ne pourra, si
jugement? Parce que le serviteur a voulu se nous gardons quelque rancune, nous être utile
venger. Aussi ce n'est pas se tromper que de au grand jour des révélations tandis qu'au ,

regarder ce péché comme le plus grave de contraire, si nous nous dépouillons entière-
tous les péchés tous les autres ont pu trouver
; ment de ce vice, fussions-nous mille fois pé-
grâce ;
pour celui-là seul il n'y a pas de par- cheurs, nous pourrons obtenir quelque piiic.
don, et bien plus, il fait revivre ceux même Et ce n'est pas moi qui vous le dis. (( i

qui sont eff.icés. Dieu qui viendra nous juger. V(»y»'Z I;

\ai désir de la vengeance est donc un double que je viens d'expliquer l'c^t .• : i .^

mal, parce qu'il est inexcusable auprès de Dieu traitera mon Père si chacun de vous ne peu -
SUR LA PARABOLE d\} DÉBITEUR DES DIX MILLE TALENTS. 11

(fonne au fond de son cœur ;et en un autre par là, notre Maître, l'eussions-nous mille fois
(ndroit : Si vous remettez aux hommes [leurs outragé, sentira sa colère désarmée et nous
fautes, votre Père céleste vous remettra les obtiendrons les récompenses éternelles ;
puis-
vôtres. (Matlh. vi, 14). AOn donc de mener ici- sions-nous en être tous jugés dignes par la
bas une vie douce et tranquille et d'obtenir grâce et la charité de Notre-Seigncur Jésus-
là-haut pardon et miséricorde, il faut mettre Christ, à qui soit gloii-e et puissance dans les
tous nos soins, tous nos efforts à nous réconci- siècles des siècles. Ainsi soit-il.

lier avec les ennemis que nous pouvons avoir ;


HOMÉLIE
Sot ce texte de s Matthieu

MON PÈRE, S'IL EST POSSIBLE, QUE CE CALICE PASSE LOIN DE MOI :

TOUTEFOIS, NON MA VOLONTÉ, MAIS LA AOTRE (XXVI 39).

Contre 1m MaiciciiilM et les Kanicliéeiis ;


— qu'il ce faut jes s'e^cser îu dengw . œaiî préférer la tenté de Dieu à teut le nAi

AVERTISSEMENT & ANALYSE.

L'iiomélie fiiivanfe ne nous fournit aucun indice d'où Ton puisse connallre en iniel lieu et en quel lenip? elle a élé prèchée. Il pa-
rait seulement, qu'outi e les Marcionitcs et les Maiiicliéeus, saint Clirysostc me y comlat les Ar.imécns ; ce qu'il a fait plusieurs
fois en leur présence, n'étant que prêtre à Antioche.

1» Puisque prophètes n'ont pas ignoré les circonstances de la passion de Jcsus-Chrisl à plus forte raison ne les a-l-il pas
les ,

ignoiées lui-niômc. —
2° 11 n'est pas permis non plus de dire que Jésus {.hiit>t ail refusé de se sounicltrc à sa passion;
voyez, en effet, la sévère réprimande qu'il fait à saint Pierre qui voulait l'en diiioiiruer. l'n uioinenl avaut d'être crucifié ne di-
pas à son Père
6ail-il LJwure est venue, glorifiez votre Fils, comme si do la cioiï devait soitir t'mle sa gloire. Merveilles
:

opérées parla croix.— o" C'est à tort que les Anomcciis cl les Ai ions se seiveulde ce texte Mon Père, s'il est posstà/e, c\c., :

pour Boulenir leurs erieurs. Les demandes que JéKiis-riirisi faisait à .«nn Père, il les faisait comme homme et non comme Dieu.
Le Père et le Fils n'oi.' qu'une seule et môme volonté.
rincaination.— Comme ce mystère est au-
Enscij-'nemcnt sur —
dessus de la portée de l'cspril humain , Dieu, pour annoncer par ses prophètes. Il a paru lui-même
le rendre croyable, l'a fail

dans le monde, et afin qu'on ne le piil pas pour un fantôme, il a prouvé qu'il était vraiment h(>nime. en soutfiant toutes les
vicissitudes et toutes les incommodités attachées h la nalure humnine, eu subissant enfin le supplice de la croix. 4o Si tous ces —
signes n'ont pu empécl lt Marcion, Valiutin, Manès et tiint d'autres hérésiarques, de résoquer eu doute le mystère de Tlucar-
nation, que serait-il arjivé si Jésus-Christ eût été alfranchi des inlii mités humaines? N'aurions-nous pas vu de plus grands excès
encore ?

4. Si nous avons naguère traite durement ces recherchons comment nous pourrons rendre
hommes cupides qui ravissent le bien d autrui cette instruction utile aux pécheurs dont nous

et ne se lassent pas d'entasser vol sur vol , ce nous occupions, et ne traitant que le dogme,
n'est pas pour les blesser, mais pour les guérir; suivons la lectiu'e de ce jour. Car beaucoup, je
ce ne sont pas les personnes cjue nous haïssons, pense, se demandent a>i c elonnemeutconnucnt
mais les vices. Le luédecin, hii aussi, ouvre la le Christ a pu parler ainsi. Les hérétiques, ici
plaie, uon pour nuire au corps malade, mais présents, iiourraieut aussi s'emparer de ces pa-
au contraire, pour le déleudre contre le mal roles pour dresser un piège aux plus faibles
contre le fléau. Aujourd'hui toutefois donnons- d'entre nos frères. Poiu' repousser leurs atta-
leur un peu de re)>os, alin qu'ils puissent res- ques et délivrer les lidèlcs de toute agitation,
pirer et de pour (ju'uu tiaitenn'iit trop éner- de toute iiujuiclude. je veux étudier ces paroles,
giciue et trop contiiui ne les empêche de re- les expusir longuement et descendre au fond
chercher nos soins. C'est ce (jue lont aussi les des choses. Car de quoi servii ail la lecture sans
médecins; sur la plaie qu'ils ont ouverte, ils rintelligence de ce qu'on lit? L'eunuque de la
aiqilitpient despréjiarations médicjiles et lais- reine Candaee aussi lisait, mais jusqu'à ce
sent passer quelques jours pendant 1cm;i;;1s ils quil eùl trouvé quelqu'un pour lui expliquer
s'elTorcent d'apaiser la doukur. Pour les imiter, ce qu'il avait lu, il n'eu avait point retire grand
HOMÉLIE SUR CE TEXTE : MON PÈRE, S'IL EST POSSIBLE, ETC. i3

profit. (A.ct. VIII, 27.) Afin qu'il n*eu soit pas de joint la résurrection lors(}u'il ajoute : Qui le

même de vous, api)li(piez-vous à ce que je réveillera? Personne; il se ressuscitera lui-


vais vous dire prèlez-moi un esprit attentif
,
et même. C'est pourquoi le Christ dit : J'ai le
désireux de s'instruire, employez toute la pé- pouvoir de déposer ma vie et j'ai le pouvoir de la
nétration, réunissez toutes les forces de votre reprendre (Jean, x, 18); et encore : Détruisez ce
intelli{?ence ;
que votre âme de tout
se détache templc,et,e?itrois/ou7's,je le /'élèverai. (Id. ii, 19.)
ce qui touche à la terre, afin que la parole ne Que veut dire le patriarche parces mots ; Vous
tombe ni au milieu des épines, ni sur la pierre, vous êtes couché, et vous avez dormi comme un
ni le long de la route, mais que, rencontrant lion? C'est que de même que le lion est terrible,
une terre fertile et cultivée profondément, elle non-seulement quand il a-Â éveillé, mais en-
produise une moisson abondante. (Luc, viii, 5, core quand il dort , de même Notre-Seigneur,
8.) Si ma parole vous trouve dans ces disposi- et avant sa passion, et sur sa croix, et jusque
tions vous allégerez ma tâche et vous facili-
, dans la mort, a été terri'ole et a opéré de
terez vos propres recherches. grandes merveilles, puisque le soleil recula,
donc qu'on a lu ? Mon Père, s'il est
Qu'est-ce que les rochers se fendirent, que la terre trem-
possible, que ce calice passe loin de moi ; tou- bla, que le voile se déchira, que la femme de
tefois no7i ma volonté, mais la vôtre. (Maltli. Pilate fut saisie de frayeur et Judas déchiré de
xxvi, 39.) Que veut dire par là notre Sauveur? remords. Car c'est alors qu'il dit J'ai péché :

Car c'est une interprétation exacte qui nous don- en livrant un sang innocent. (Matth. xxvii, 4.)
nera la solution. Il dit Mon Père, si c'est pos-
: Et la femme de Pilate envoyait dire à ce pro-
sible, éloignez de moi la croix. Quoi donc 1 consul : Qu'il n'y ait rien entre toi et ce juste
ignore-t-il si cela est possible on non? qui l'ose-' car j'ai beaucoup souffert dans un songe à
rait dire ? Et pourtant ses paroles ont la forme cause de lui. (Ibid. 29.) Alors les ténèbres se
du doute; l'emploi du mot si semble indiquer répandirent sur toute la terre et la nuit se fit

le doute. Mais, comme je l'ai déjà dit, il faut au milieu du jour; alors la mort fut vaincue et
s'attacher, non aux paroles, mais aux pensées, son joug brisé , car beaucoup de justes, morts
voir le but que Jésus se proposait, la cause, le depuis quelque temps, ressuscitèrent. C'est là
temps, et après avoir recueilli toutes ces cir- ce que le patriarche voyait de loin, et, c'est
constances, rechercher la pensée que ces paro- pour montrer que, même sur la croix, le Christ
les contiennent. La sagesse ineffable, co Fils qui sera terrible , qu'il dit Vous vous êtes couché
:

connaît le Père comme le Père connaît le Fils, et vous avez dormi comme un lion. Et il ne dit
a-t-il pu ignorer cela ? Après tout, la connais- pas Vous vous coucherez, mais Vous vous
: :

sance de sa passion n'est pas quelque chose de êtes couché, pour faire voir la certitude de la
plus grand que la connaissance de cette nature prophétie. Car souvent les prophètes parlent de
divine que seul il connaît exactement : Comme l'avenir comme s'il était déjà passé. S'il n'est

mon Père me connaît dit- , il , moi-même je pas possible que ce qui est passé n'ait pas existé,
connais mon Père. (Jean, x, 15.) Non le Fils il n'est pas possible non plus que ce qui est

unique de Dieu n'a pas ignoré qu'il devait prédit n'existe pas un jour. Aussi les prophètes
soullrir, que dis-je, les prophètes eux-mêmes annoncent le futur sous la forme du passé, pour
iton plus ne l'ont pas ignoré ils en ont eu une ; marquer que les événements prédits arriveront
comiaissance complète ils ont annoncé et , nécessairement et infailliblement. C'est ainsi
suiabondamment affirmé que cela arriverait et que David disait en parlant de la croix Ils ont :

qu'il en serait ainsi infailliblement. Voyez percé mes pieds et mes mains (Ps. xxi, 17); non
comme tous, quoique de diverses manières, pas : Ils perceront, ont percé. Ils ont
mais : Ils
ont annoncé la croix? Le premier, le patriarche co?npté tous mes os. Et outre cela, il prédit en-
Jacob, en s'adressant au Christ s'écrie Cest : core ce que feront les soldats Ils se sont par- :

d'un bourgeon, mon Fils, que vous êtes sorti , tagé mes vêtements, et, sur ma robe, ils ont jeté
enieudant par ce bourgeon la Vierge la , le sort. Et il annonce encore qu'ils le nourri-
pure Marie. Puis désignant la croix Vous : ront de l'abreuveront de vinaigre Ils
fiel et :

vous êtes couché et vous avez dormi comme le m'ont donné, dit-il, pour ma nourriture, du
fiel, et, pour apaiseï^ ma soif, ils m'ont
lion et comme le petit du lion; qui le réveillera? pré-
(Gen. XLix, 9.) Il parle de sa mort comme d'un senté du vinaigre. (Ps. lxviii, 22.) Un autre
repos, comme d'un sommeil, et à cette mort il parlant du coup de lance : Ils porteront
ià tRABUCTÎON FRANÇAISE t)È SAINt JEAN cHîlYàOSÏOMË.

leurs regardSy dit-il, sur celui qu*ils ont trans- Mais ce n'est pas la seule chose difûcile à
percé. (Zach. XII, 10.) Isaïe ,
parlant aussi de 1? expliquer; ce qui suit ne l'est pas moins. Car
troix, dit : Comme une brebis , il a été mené a que dit-il ? Mon Père, s'il est possible ,
que ce
la boucherie^ et, comme un agneau sans voix calice passe loin de moi. Vous voyez non-seule-
devant celui qui le tond., il n'ouvre pas la boU' ment qu'il ignore, mais encore qu'il refuse le
che. Il est resté humilié pendant qu'on le ju- cruciflement : car voici ce qu'il dit : S'il est
geait. (Is. LUI, 7, 8.) possible, que je ne sois pas crucifié, que je ne
2. Remarquez avec moi que chacun de ces sois pas mis à mort et cependant lorsque :

prophètes parle de ces événements comme de Pierre, le chef des apôtres, dit A Dieu ne :

choses passées , et montre par la forme même plaise. Seigneur ! cela ne vous arrivera point
du langage qu'ils arriveront certainement il le reprit si fortement qu'il lui dit : Retire-toi
infailliblement. David aussi décrivant le juge- de moi , Satan : tu es un scandale pour moi
ment, disait Pourquoi les nations ont-elles
: parce que tu ne goûtes pas ce qui est de Dieu
frémi ? et les peuples médité des choses vaines? mais ce qui est des hommes (Matth. xvi, 29) ;
Les rois de la terre se sont levés et les princes et cela , bien qu'un peu auparavant il l'eût
se sont ligués contre le Seigneur et contre son appelé bienheureux. Ainsi il lui paraissait si

Christ. (Ps. Il, i-2.) Outre le jugement, la extraordinaire de n'être pas crucifié, qu'à celui
croix, ce qui se passa sur la croix, il annonce qui avait reçu du Père une révélation spéciale,
encore que le traître qui livrera le Christ vivait à celui qui avait été proclamé bienheureux , à
avec lui et mangeait à la même table Celui : celui qui avait pris en main les clefs descieux,
qui mangeait mon pain s'est élevé orgueilleu- il donne le nom de satan , de pierre de scan-
sement contre moi (Ps. lx, 10.) Il prédit même dale, et le réprimande comme ne goûtant pas
la parole que le Christ prononcera sur la les choses de Dieu, pour lui avoir dit .4 IHeu :

croix Mon Dieu, mon Dieu pourquoi m'a-


:
,
ne plaise. Seigneur! il ne vous arrivera pas
vez-vous abandonné? (Ps, xxi, 2.) Il parle aussi d'être crucifié. Eh bien ! après avoir ainsi repris
de son sépulcre Ils m'ont placé au fond d'un
: son disciple , après s'être ainsi indigné contre
tombeau, dans les ténèbres, dans les ombres de la lui jusqu'à l'appeler satan malgré les éloges
mort (Ps. de sa résurrection
VII , 6) ; Vous : qu'il venait donner, et tout cela pour
de lui
ne me laisserez point dans les enfers et vous ne lui avoir dit Vous ne serez pas crucifié
:

permettrez point que votre Saint voie la corrup- comment en arrive-t-il lui-même à ne vouloir
tion (Ps. XV, 10); de son ascension : Dieu s'est plus être crucifié? Comment, en outre, faisant
élevé aux acclamations de joie : le Seigneur le portrait du bon pasteur, dit-il que la plus
est monté au son de la trompette. (Ps. xlvi,6.) grande preuve de sa vertu c'est de s'immoler
Il siégera à la droite de son Père Le Seigneur : pour ses brebis? Car voici ses paroles Moi, je :

a dit à mon Seigneur : Asseyez-vous à ma droite, suis le bon pa<teur : le bon pasteur donne sa
jusqu'à ce queje fasse de vos ennemis l'escabeau vie pour ses brebis. Et il ne s'en tient pas là;
de vos pieds. (Ps. cix, 1.) Isaïe nous donne la il ajoute Mais le mercenaire et celui qui n'est
:

cause de ses souffrances, en disant C'est pour : point pasteur , voyant le loup venir, laisse là
les péchés de mon peuple qu'il est conduit à la les brebis et s'enfuit. (Jean, x, 11.) S'il est d'un
mort. (Is. LUI, 8.) C'est parce que tous se sont bon pasteur d'endurer d'un même la mort , et
égarés comme des brebis errantes qu'il a été mercenaire de ne pas vouloir s'y exposer ,
immolé. Et voici le bien qui en résulte : Sa comment, tout en disant qu'il est le bon pas-
blessure nous a guéris. (Ibid. 5.) El encore : // teur , demande - t - il à n'être pas immolé?
a expié les péchés de tous. Ainsi les prophètes Comment peut-il dire : Je donne vie de ma
ont connu d'avance la passion , sa cause, les moi-même? (Ibid. 18.) Si c'est de vous-même
biens qui en découleraient pour nous, la sépul- que vous la donnez ,
pourquoi demandez-
ture, la résurrection, l'ascension, la trahison, vous à un autre de ne pas la donner ?
le jugement, et ils ont fait de tout une doscri|>- Comment saint Paul trouve-t-il ei cela matière
tion exacte; et celui qui les a envoyés, (jui à le louer? disant : Qui étant en la forme de
leur a annoncer ces choses les aurait lui-
fait , Dieu, n'a pas craque ce fût pour lui une usurpa-
même ignorées Quel honune sensé pourrait
I tion de se faire égal d Dieu ; mais il s'est anéanti
le dire? Vous voyez qu'il ne faut pas s'attacher lui-même, prenatit la forme dcsclave, ayant
^^I<jiueivi aux parole^!. iié fait $cmàlabU aux hopimes et reconnu
HOMrî:F.IE SUR CE TEXTE ! MON PEnE. S'IL EST POSSlBÎ.E, ETC. ta

pour homme par les dehors. Il s'est humilié avons été réconciliés avec lui par la mort de
lui-même, s'élunt abaissé jusqu'à la mort, et à son Fds. (Uom. v, 10.) La croix, c'est un rem-
la mort de la croix. (Pliilip. ii, 6-8.) Et c'est part inexpugnable, une armure invincible, la
de Jésus-Clirisl lui niêine que viennent ces sûreté des riches, la richesse des pauvres, une
autres ])aroles Et si mon Père ni aime c'est
: , protection contre les embûches un bouclier ,

parce que je quitte ma vie pour la reprendre. contre les ennemis, la destruction des passions,
(Jean, x, 17.) Mais si, loin de suivre en cela sa la possession de la vertu , le miracle étonnant
propre volonté , il demande le contraire à son et singulier entre tous : Cette génération de-
Père, comment son Père peut-il l'aimer préci- mande un miracle, et il ne lui sera donné d au-
sément à cause de cela? Car nous n'aimons tre miracle que celui du prophète Jonas (Matth.
que ce qui est conforme à nos désirs. Comment XII, 39) et encore saint Paul
; Car les Juifs :

donc saint Paul peut-il diie encore Aimez- : demandent des miracles Grecs cherchent
et les
vous les uns les autres comme le Christ nous ,
la sagesse; et nous, nous prêchons le Christ crxi-
a aimés et s'est livré lui-même pour nous ? cifié.(I Cor. I, 22.) La croix a ouvert le paradis,

(Ephés. V, 2.) Et le Christ lui-même, sur le point y a introduit le bon larron et conduit vers le ciel
d'être crucifié, disait Mo7i Père l'heure est : ,
le genre humain qui allait périr certainement

venue, glorifiez votre Fils (Jean, xvii, 1), appe- et qui n'était même plus digne de la terre. Eh
lant gloire sa croix. Et pourquoi tantôt la rejette- quoi tant de biens ont découlé et découlent
I

t-il, tantôt la demande-t-il? Que la croix soit une encore de la croix, et Jésus-Christ ne veut pas
gloire, il suffit pour vous en convaincre d'écou- être crucifié, croyez-vous? Mais qui pourrait
ter l'Evangélisle : L'Esprit n'avait pas encore parler ainsi? S'il ne l'avait pas voulu, qui l'au-
été donné, parce que Jésus n'était pas encore rait forcé? qui l'aurait contraint? Comment au-
glorifié. (Ibid. xvii, 39.) rait-ilenvoyé des prophètes pour annoncer son
Ce qu'il veut dire par là , le voici : La grâce crucifiement, s'il ne devait pas êtie crucifié et
n'avait pas encore été donnée, parce que la ne le voulait pas? Pourquoi appelle-t-il la croix
haine de Dieu n'était pas encore dissipée, la un si ce n'est parce qu'il doit être cru-
calice,
croix n'ayant pas encore été dressée. Car la cifié? Ce mot ne peut qu'indiquer quel était son
croix a mis fin à la colère de Dieu contre les désir. Ceux qui ont soif se réjouissent quand ils
hommes , elle a réconcilié le Créateur avec la pensent (ju'ils sont sur le point de boire, et lui
créature, fait de la terre un ciel, élevé les se réjouit en pensant que le moment approche
hommes au rang des anges détruit l'empire , où il sera crucifié. C'esi pourquoi il dit : J'ai
de la mort, énervé la puissance du démon, désiré d'un grand désir de manger cette Pâque
brisé la tyrannie du péché , délivré la terre de avec vous. (Luc, xxii, 15.) Ce n'est pas sans
toute erreur , ramené la vérité, chassé les dé- intention qu'il parle ainsi , mais parce que le
mons, renversé les temples, anéanti les autels, lendemain la croix l'attendait.
fait évanouir la fumée des sacrifices, propagé 3. Mais comment, après avoir appelé gloire

le règne de la vertu et enraciné l'Eglise. La sa passion, après s'être fâché contre le disciple
croix, c'est la volonté du Père, la gloire du Fils, qui voulait le détourner de la croix, après
la joie du Saint-Esprit; c'est en la croix que saint avoir proclamé que le caractère distinctif d'un
Paul se glorifiait : Pour moi, disait-il, à Dieu ne bon pasteur c'était de se faire immoler pour
plaise que je me glorifie, si ce n'est dans la croix ses brebis, après avoir dit qu'il désirait sa pas-
de Notre-Seigneur Jésus-Christ. (Gai. vi, 14.) La sion d'un grand désir et avoir couru vers
croix , elle est plus brillante que le soleil, plus ellede lui-même, comment, dis-je, peut-il
éclatante que ses rayons. Lorsque le soleil s'ob- demander qu'elle n'arrive pas? S'il ne le vou-
scurcit elle brille, et s'il est obscurci, ce n'est pas lait pas, était-ce à lui d'empêcher
difficile
qu'il soit anéanti , mais sa splendeur est effacée ceux qui venaient prendre? Voyez plutôt
le
par celle de la croix. La croix a déchiré la comme il vole au-devant de son supplice. Lors-
cédule de notre dette, elle a rendu inutile la qu'ils furent arrivés à lui, il leur dit Qui :

prison de la mort, elle nous a montré jusqu'où cherchez-vous? Et ils répondirent : Jésus. Il
allait l'amour divin Car Dieu a tellement aimé : leur dit alors : C'est moi, et ils furent renversés^
lemonde qu'il a donné son Fils unique, afin .3t ils tombèrent par terre. (Jean, xviii, G.) Après
que quiconque croit en lui ne périsse point. les avoir aveuglés et leur avoir montré qu'il
|Jean, m, 16.) Et de nouveau saint Paul : Nous aurait pu s'epfuir, il se livra à eux pour n"v^
i6 TRADUaiON FRANÇAISE 1)E SAINT JEAN CHRYSOSTO.ME.

apprendre que ce n'est ni la nécessité, ni la je sais que votre zèle ne se lasse pas, et je me
force, ni la violence des ennemis qui l'a réduit hâte d'arriver à la solution. Pourquoi ces paro-
en cet état, mais qu'il a tout supporté parce les? Appliquez-vous de toutes vos forces. Ce
qu'il l'a voulu qu'il l'a choisi et que depuis
,
, dogme de Tlncarnation est bien difficile àcroire.
longtemps il l'avait ainsi réglé. C'est pour cela Cet amour immense, ces abaissements incom-
que les prophètes l'avaient précédé, que les préhensibles nous remplissent d'étonnement,
patriarches avaient prophétisé, et que tant de etpour les admettre, nous avons besoin de nous
prédictions en paroles et en figures avaient y préparer longtemps. Voyez donc ce que c'est
annoncé la croix. Le sacrifice d'Isaac nous que d'entendre et que d'apprendre que Dieu,
avait figuré la croix ; aussi Jésus-Christ a dit : l'Ineffable, l'Incorruptible, l'Incompréhensi-
Abraham, votre père, a tressailli pour voir ble, ITmincible, Celui qui tient dans ses mains
ma gloire; il l'a vue et il s'est réjoui. (Jean, la terre entière (Ps.xcxiv. 4), quiregarde la terre
VIII, 56.) Ainsi le patriarche se serait réjoui et elle tremble, qui touche les montagnes et
en voyant l'image de la croix, et Jésus vou- elless'embrasent (Ps. cm, 32), dont la majesté,
drait éloigner cette croix 1 Si Moïse vainquit lors même qu'elle se tempère, accable les ché-
Amalec, c'est paice qu'il préfigura la croix; rubins qui se couvrent de leurs ailes à sa vue,
parcourez l'Ancien Testament et vous verrez Celui qui surpasse toute intelligence, qui défie
la croix annoncée de mille manières. Com- toute pensée ,
qui s'élève bien au-dessus des
ment en eût-il été ainsi, si Celui qui devait être anges , des archanges, de toutes les puissances
crucifié ne l'avait pas voulu? Mais ce qui suit célestes, que Celui-là, dis-je, ait consenti à se
est encore plus difficile à expliquer. Après faire homme, à se revêtir de cette chair for-
avoir dit Que ce calice passe loin de moi, il
: mée de dans
terre et de boue, à descendre
ajoute Non ma volonté, mais la vôtre. (Matth.
: le seind'une vierge , à y demeurer captif pen-
XXVI, 39.) Ces mots, à les prendre littéralement, dant neuf mois, à se nourrir de lait, en un
nous indiquent deux volontés opposées entre mot, à agir en tout comme les hommes. Or
elles, le Père voulant que le Fils soit crucifié, comme cette chose était
si extraordinaire que,

et le Fils ne le voulant pas. Partout cependant même après l'événement, beaucoup refusent
nous voyons le Fils préterant et voulant les de la cioiie, il a envoyé d'abord des prophètes
mêmes choses que son Père. En effet, lorsqu'il pour l'anuoncer. que prédisait le Pa-
C'est ce
dit : Faites- leur cette grâce que, comme vous triarche quand
Cest d'un bour-
il s'écriait :

et moi 710US soînmcs vus , ils soient aussi une geon, 7non Fils, que vous êtes sorti. Vous vous
seule chose en nous (Jean, xvii, M), il lait en- êtes couché et vous avez dormi comme le lion.

tendre clairement que le l*ère et le Fils n'ont (Gen. XLix, 9.) Voici que la vierge, dit Isaïe,
qu'un même vouloir. Et dans cet autre pas- concevra tt enfantera un fils dont le nom sera
sage : Les que je vous dis, ce n'est pas
])urol(js EmmanucL (Is. un autre en-
vu. 12.) Et tu
tnoi qui les dis ; tnais mon Père qui der/uure droit : Nous Vucons vu conane un enfant^
en moi fait lui-même ce que je fais (Jean xiv, ,
comme dans une terre desséchée,
loie racine

10), c'est la même vérité qui ressort. Et lors- (Is. un, La terre desséchée, c'ett le scin de
2.)

qu'il dit : Je ne suis point venu de moi-nume la Vierge qui navait li.'u re(,'u de Ihomine,

(Ihid. VII, 28), ou encore Je ne puis rien faire


; mais qui avait enfanté son fils en dehors des
de nwi-mcme (Ihid. v, 30), il ne veut i)as faire lois de la nature. L'n enfant, ijjoute-t-il, nous
eiit( iidre qu'il soit i)rivé du pouvoir ou de est né un fils nous a été donné. (Is. ix, 6.) Et
,

Itarlcr ou d'agir, loin de la, mais il veut mon- encore // sortira une tige de lu racine de Jessé
:

trer coiuhieu leurs volontés sont en harmonie, et une /leur s'élèic/u sur cette tige. (Is. xi, 1.)
comhien dans les paroles, dans les actic-ns, Et Baruch, dans Jérémie C'est notre Dieu ; :

parlo\il eiiliii, la volonté du Père est la même tout autre disparaîtra auprès de lui ; il a trouvé
quLCi'lle du
que du n-ttej'ai déjà mon-
Fils, ce la véritable viCy la véritable science, et il l'a

tré bien des fois. Ces mots Je ne parle pas de : conmnmiquée à Jacob son serviteur et à Israël
moi-même, monli\nt non pas rinipuissance, SU71 bien-aimé. Ensuite il a apparu sur cette
mais le itarfait accord. Comment ilonc expli- terre et il a conversé avec les hommes. J'ar. m,
quer ce passage Non ma volonté, nuiis la vôtre?
: 30-38.) David prédisait aussi (ju'il viendrait
Nous sommes arrivés à une grande difficulté ;
revêtu de noire chair : // viendra comme la
mais attention! j'ai clé long, sans Joule, mais rosée sur la toison, comme une goutte cfeau
HOMÉLIE SUR CE TEXTE : MON PÈRE, S'IL EST POSSIBLE, ETC. 4T

tombant sur la terre, pour marquer qu'il est qu'éprouvent les hommes, c'est-à-dire, à la
descendu sans bruit et sans agitation dans le vue de la croix être saisi de crainte et de ter-
sein d'une vierge. reur, ne pas rester sans gémir en se voyant
4. Cela toutefois ne lui a pas suffi : descendu arracher à la vie de ce monde car l'amour :

parmi nous, de peur qu'on ne croie à une des choses présentes est naturel en nous. Aussi
illusion, non-seulement il se fait voir, mais voulant nous assurer qu'il avait pris notre
il se fait voir longtemps et passe par toutes chair, et confirmer la réalité de son incarna-
les vicissitudes que subissent les bommes. tion, il met dans la plus grande évidence les
Ce n'est pas tout d'un coup qu'il arrive à douleurs qu'il souffre.
l'état d'bomme complet et parfait, mais il Voilà ma première réponse en voici uno ;

descend dans le sein d'une vierge, il est porté autre qui n'est pas moins forte. Ecoutez Le :

dans ses cbastes entrailles, il est mis au monde, Christ, descendu parmi nous, voulait nous en-
nourri de lait, il grandit afin que la longueur seigner toute vertu; mais tout maître enseigne
de l'épreuve et les cbangements successifs que aussi bien par ses actions que par sa parole :

le temps a amenés nous soient un témoignage c'est même là le meilleur moyen d'instruire.
irrécusable bien plus, il ne se contente pas
: Le pilote fait asseoir son élève auprès de lui,
même de cette preuve; mais revêtu de notre lui montre comment il faut tenir le gouver-

cbair, il permet que son humanité ne soit pas nail et joint la parole à l'exemple, il ne se con-
étrangère aux faiblesses de notre nature, à la tente point de parler, il ne se contente point
faim, à la au sommeil, à la fatigue; enfin,
soif, d'agiruniquement. Le maçon qui veut ensei-
il la laisse à mesure
qu'il avance vers la croix, gner à un apprenti comment on bâtit un mur,
éprouver ce qu'éprouvent les autres hommes. l'instruit par la parole, l'instruit par l'action.
De là cette sueur (jui découle de tout son 11 en est de même du tisserand, du tapissier,
corps, cet ange qui vient le fortifier , cette de l'orfèvre, de tout art en un mot: partout on
anxiété cette affliction. Car avant de pro-
, enseigne et par la parole et par l'action. Donc,
noncer les paroles qui nous occupent, il ava*t comme Jésus était venu pour nous apprendre
dit : Mon dme est troublée, et elle est triste toute vertu, non content de nous dire ce (ju'il

jusqu'à lamort, (Matt. xxvi, 38.) Si donc, après faut faire, il lui-même. Celui qui fera
le fait
tout cela, l'esprit exécrable de Satan, par l'or- et enseignera, celui-là sera appelé grand dans
gane de Marcion du Pont, de "Valentin, de le royaume des deux. (Matth. v, t9.) Voyez !

Manichée le Perse et de tant d'autres héréti- il nous a ordonné d'être humbles et doux;
ques, a voulu nier la vérité de l'Incarnation il nous l'a enseigné par ses paroles, remar-

et a fait retentir cette parole infernale que quez comme il nous l'enseigne aussi par
Jésus ne s'était pas incarné, qu'il n'avait pas ses actions. C'est en disant Bienheureux les :

revêtu notre chair, que tous ces dires n'avaient simples d'esprit, bienheureux ceux qui wnt
pas de base solide, que ce n'était qu'illusion et doux (Matth, v, 3, 4), qu'il nous en a dontié
apparence, et cela malgré le témoignage écla- le précepte. Comment l'a-t-il prati(}ué? Ayant
tant que rendaient la vie de Jésus, ses souf- pris un linge il s'en ceignit et lava les pii'ds
frances, sa mort, son tombeau, sa faim, que de ses disciples. (Jean, xni, i, 5.) Que pou
serait-ce si ce témoignage avait manqué et t-on trouver de comparable à celle hi:

combien le démon n'aurait-il pas répandu avec lité? Ce n'est donc pas seulement par la
pus
plus de succès ces détestables blasphèmes de qu'il enseigne cette vertu, c'est encore ,> i
l'impiété? C'est pourquoi, de même qu'il a été l'action. Il nous montre aussi par ses acti'^ns
soumis et à la faim, et au sommeil, et à la fa- qu'il faut être doux et ne point gaider de Vixn-
tigue, et à la soif, de même quand il voit la cune. Comment cela? Ayant reçu un sou!' •
l

mort, se présenter, Jésus demande qu'elle s'é- dun des esclaves du grand prêtre, il se C(H-
loigne, montrant par là qu'il a pris l'huma- Si j'ai mal parlé, rends té-
tente de lui dire :

nité, etavec elle les faiblesses de notre nature, moignage du mal; mais si j'ai bien parlé
qui ne peut sans douleur souffrir la destruction pourquoi me frappes-tu ? (Jean, xvui, 23.) Il
de la vie présente. Si Jésus n'avait pas pro- nous a commandé de prier pour nos ennem s;
noncé les paroles que j'essaye de vous expli- il nous l'enseigne aussi par ses actes élt vé ;

quer, c'est alors que le démon aurait pu dire : sur la croix, il dit Mon Père, pardoimez-lti.r,
:

s'il était homme, il aurait dû éprouver ce car ils ne savent ce qu'ils font. (Luc, xviii, 3i.)
ToiiB IV.
i8 TRADUCTION FRANÇAISE DE SAINT JEAN CIIKYSOSTOME.

C'est parce qu'ilnous a ordonné de prier pour tente pas de prier, il exhorte encore : car,
nos ennemis qu'il prie lui-même pour eux, dit-il, l'esprit est prompt, mais la chair est
Lien qu'il pût leur pardonner de son propre faible. (Matlh. xxvi, 39, 41.) pour chas- 11 le fait
chef. Il nous a encore commandé de faire du ser de leur âme l'orgueil et la vanité, pour les
bien à ceux qui nous haïssent et nous affligent rendre humbles et modestes. Donc, la prière
(Matth. V, 44) ; il l'a fait lui-même en maintes qu'il voulait leur enseigner, lui-même la pra-
circonstances ; il délivrait du démon les Juifs, tiqua, humainement sans doute et non comme
les Juifs qui l'appelaient possède du démon il ; Dieu (la Divinité étant impassible et immuable),
faisait du bien à ses persécuteurs, il nourris- mais seulement comme homme. Il pria pour
sait ceux qui lui dressaient des embûches, et nous apprendre à prier et à demander toujours
à ceux qui voulaient le crucifier il ouvrait son que les dangers s'éloignent de nous, et, si cela
royaume. Il disait à ses discii)les Ne possédez : ne nous est pas donné, à nous soumettre avec
ni or, ni argent, ni aucune monnaie dans vos amour au bon plaisir de Dieu. C'est pour cela
ceintures (Matth. x, 9), et les exhortait par là à qu'il dit Non ma volonté, mais la vôtre, non
:

la pauvreté ; il nous enseigne ce précepte aussi que sa volonté diffère de celle de son Père,
par ses actions : Les renards, disait-il, ont des mais pour apprendre aux hommes que, dans
tanières et les oiseaux du ciel des nids ; mais leurs appréhensions, leurs craintes, au milieu
le Fils de Vhomme n'a pas où reposer sa tête. du danger, et même quand ils se voient arra-
(Matth. VIII, 20.) Il n'avait ni table, ni maison, cher à la vie présente, ils doivent toujours
ni rien de semblable, non
ne pût s'en qu'il préférer à leur propre volonté la volonté de
procurer, mais parce qu'il voulait nous ap- Dieu. Saint Paul, voulant nous apprendre les
prendre à suivre cette voie. C'est de la même mêmes choses, nous en donna l'exemple par
manière qu'il nous a appris à prier. Les apô- ses actions ; d'abord il demande que les dan-
tres lui disaient Enseignez-iious à prier.
: gers s'éloignent de lui : C'estpour cela, dit-il,
(Luc, XI, 1.) Et il prie pour qu'ils apprennent à que j'ai prié trois fois le Seigneur {\\ Cor.x, 2) ;

prier. Mais il fallait leur enseigner, outre la et comme Dieu ne voulut pas le délivrer, il

nécessité de prier, la manière de le faire. Au?si ajoute : Je 7ne glorifierai encore plus dans mes
leur donna-t il une prière ainsi conçue : Notre faiblesses,dans les outrages, dfins 1rs persécu-
Père qui êtes aux cieux, que votre nom soit tions. Ce que j'ai dit est-il obscur? je vais le
sanctifié, que votre règne arrive, que votre vo- rendre plus clair. Saint Paul était enviroinié
lonté soit faite sur la terre comme au ciel, de dangers et il demandait à en être délivré. Il
donnez-7ious aujourd'hui notre pain de chaque avait entendu le Christ lui dire Ma grâce te :

jour pai'donnez-nous nos offenses comme nous


et suffit ; car ma puissance se fait mieux sentir
pardonnons à ceux qui nous ont offensés, et ne dans la faiblesse. Lorqu'il vit (pie telle était la
nous induisez point en teritation (Luc, xr, 2, 4), volonté de Dieu, il lui sacrifia sa volonté pro-
c'est-à-dire, en péril, en embûches. Comme pre. nous apprit donc par sa prière ces deux
11

donc il leur avait enseigné celte prière 7îe , choses: d'abord à ne pas courir au-devant du
nous induisez point en tentation, il la leur en- danger, et à demander d'en être délivré, en-
seigne encore par son exemple, quand il dit: suite, s'il arrive, à le suppoi ter avec courage et
Mon Père, s'il est possible, que ce calice passe à préférer à sa propre volonté la volonté de
loin de moi; et il leur montre que les saints Dieu. Nous qui connaissons toutes ces choses,
no provoquent pas les dangers, qu'ils ne s'y pré- prions donc pour ne jamais entrer en tentation,
cipitent pas; (jue, <iuaiul les dangers arrivent, et, si nc'us y entrons, supplions notre Dieu lU
ils reslonl fennes, à la vérité, et déploient tout nous donner paliiMice et courage, et |)réréro»',s
leur courago, mais qu'ils ne s'y jettent pas et toujours la volonté de Dieu à notre volonté.
ne les allVoutcnt pas d'eux-mêmes. Quoi en- Par nous achèverons dans la tranquillité

core? il veut nous euscigutr riuuuilite et nous notre vie terrestre el nous posséderons un jour
délivrer de la pnsonipliDU. Cc^l pour cela les biens éternels ;
puissions-nous tous en jouir,
qu'il est dit au même endroit : S^ctant avancé, par la grâce cl la charité de No*re-Seigneur
il pria, et qu'après sa prière il dit à ses ilisci- Jésus-Christ, auquel, ainsi qu'au Père et au
ples Vous n'avez pu vcilUr une heure avec
: Saint-Ksprit, si^ient gloire, puissance, honmur,
moi! Veillez et priez afin que vous n'entriez mainten.iUt et toujours, et dans les siècles des
point en tentation. Vous le voyez, il ne se con- siècles. Ainsi soit-il.
HOMÉIJE
SDR LA NÉCESSITÉ DE RÉGLER SA VIE SELON DIED

SUR LE TEXTE : LA PORTE EST ETROITE.

Explication de l'Oraison Domiaicala.

AVERTISSEMENT & ANALYSE.

!»ct2'' Dans cette homélie, l'orateur, après avoir montré combien les fidèles doivent être attentifs aux oracles de l'Evangile;
après avoir fait voir, en citant ces passages : La porte de la vie est étroite La porte de la perdition est large , com-

bien peu de chrétiens sont occupés de leur âme et des objets célestes, combien au contraire sont livrés aux soins du corps et
aux objets terrestres l'orateur, dis-je, après ces réflexions préliminaires, passe à la prière comme au sujet qu'il veut traiter.
; ,

Il reproche à la plupart des hommes de demander à Dieu des biens fragiles et périssables, la beauté, les richesses, les honneurs,

et de ne pas s'en rapporter à lui pour les biens qui leur sont vraiment utiles il s'élève contre ces ;Jmes vindicatives qui pré-
tendent intéresser dans leur vengeance le Ciel môme qui condamne la vengeance.
,

3°, 4° et 5° Jésus-Christ nous apprend
comment nous devons prier. Un éloge de l'Oraison Dominicale est suivi de l'explication de cette excellente prière, dont tous
les articles sont expliqués et enchaînés avec beaucoup d'art et de naturel.
On ne peut pas fixer la date de cette homélie. Quelques savants doutent qu'elle soit de saint Jean Chrysostorae. L'éditeur béné-
dictin pense le contraire ; il juge avec raison qu'elle est vraiment digne de cet .orateur, soit pour le fond des choses, soit pour
la beauté du style.

1. La lecture de l'Ecriture sainte est toujours en est peu qui la trouvent! et encore
et qu'il ;

pour ceux qui la font avec attention une leçon Large est la porte et spacieuse la voie qui mène à
de vertu mais les Evangiles surtout renfer-
; la perdition, et nombreux sont ceux qui la sui-
ment, dans leur texte vénéré, la doctrine la vent. (Mattli. Pour moi qui entends fré-
VII, 14.)

plus sublime les paroles qu'ils contiennent


; quemment ces paroles et qui vois combien K-s
sont les oracles mêmes du grand Roi. Aussi hommes s'empressent à des soins inutiles, la
menace-t-il d'un châtiment terrible ceux qui vérité de ces sentences me jette dans la stiipt;-

ne mettent pas tous leurs soins à garder ses faction. Tous marchent dans la voie spacieuse,
commandements. Si, pour enfreindre les or- tous courent après les choses présentes sans
dres d'un prince de la terre, on encourt une s'occuper le moins du monde des choses futu-
punition inévitable, combien plus des tour- res ; ils se plongent sans cesse dans les jouis-
ments intolérables accabkront-ils celui qui sances de la chair et pour leurs âmes ils les
aura violé les ordres du Maître des cieux Puis ! laissent s'abîmer dans la fange ; ils reçoivent
donc que la négligence nous expose à de tels chaque jour mille blessures et n'ont même pas
dangers, appliquons-nous avec plus de soin le sentiment des maux qui les dévorent leur :

que jamais à comprendre les paroles qui vien- corps est-il bb ssé, ils font en toute hâte chercher
nent d'être lues, paroles tirées de l'Evangile. le médecin, l'appellent chez eux, lui donnent un
Or, quelles sont-elles? Combien est étroite la salaire aussi grand qu'ils le peuvent, supportent
porte et resserrée la voie qui conduit à la tve, tout avec patience, se soumettent à un difficile
20 TRADUCTION FRANÇAISE DE SAINT JEAN CHKYSOSTOME.

traitement pour procurer au corps sa santé ; et emparé de ces hommes, je voudrais, pour dis-
pour leur âme qui languit, ils n'éprouveront siper les ténèbres épaisses qui les entourent,
nul souci, ils ne feront rien pour recouvrer m'élever en un lieu d'où j'apercevrais toutes
une santé si précieuse, quoiqu'ils sachent bien les générations des hommes, je voudrais être
que le corps doit mourir et disparaître, qu'il doué d'une voix qui pénétrât jusqu'aux extré-
est passager comme les fleurs du pnntemps, mités de la terre, d'une voix qui se fît entendre
que comme elles il se fane, se flétrit, se cor- de tous, pour proclamer et faire retentir par-
rompt; que l'âme au contraire est immortelle, tout cette parole de David Enfants des
:

qu'elle a été faite à l'image de Dieu, et que hommes, jusques à quand aurez-vous le cœur
c'est elle qui a mission de gouverner ce corps appesanti? Pourquoi aimez-vous la variité,
animal. Ce qu'est le cocher au char, le pilote au recherchez -vous le mensonge (Ps. iv. 3), et
navire, le musicien à l'instrument, le Créateur a préférez-vous aux choses célestes les choses qui
voulu que l'âme le fût à ce corps de boue. passent ? Jusques à quand aurez-vous les yeux
C'est elle qui tient les rênes, qui dirige le gou- fermés et les oreilles closes pour ne pas en-
vernail, qui touche les cordes, et lorsqu'elle tendre cette voix qui vous crie chaque jour:
s'actpiitte bien de sa fonction, il en résulte Demandez et il vous sera donné; cherchez et
comme un harmonieux concert de vertu ; vous trouverez ; frappez et il vous sera ouvert;
lorsqu'au contraire elle fait vibrer les cordes car quiconque de?nande reçoit ; et qui cherche
ou trop faiblement ou plus ne faut, fort qu'il trouve, et à qui frappe il sera ouvert? (Matt. vu,
art et harmonie, tout disparaît. Voilà cette 7, 8.) Mais comme il y en a qui mènent une
âme que négligent la plupart des hommes, vie imparfaite, se précipitent vers les choses du
qu'ils ne jugent pas digne d'un moment d'at- temps, se plaisent dans les pensées de la chair,
tention, tandis que toute leur vie sera em- ne savent pas prier convenablement, notre
ployée à s'occuper du corps; les uns embras- commun Maître a voulu enseigner la manière
sent la carrière maritime, ils vont combattre >^e prier, disant : Quand vous neprierez,
contre les flots et les tempêtes, portant partou,. parlez pas beaucoup conune païens; ils
les
avec eux la vie et la mort, confiant à un fra- s'iî7wginent qu'à force de paroles ils seront
gile bois toutes les espérances de leur salut; exaucés. (Matth. vi, 7.) 11 veut empêcher cette
d'autres se vouent au pénible soin de cultiver abondance qui se ré])and en pai'oles et qui ne
la terre, tantôt la remuant profondément avec sert à rien.
la charrue, tantôt l'ensemençant puis mois- Par ce flux d'inutiles paroles qu'il défend, le
sonnant, tantôt plantant puis recueillant, et Seigneur nous donne à entendre que dans la
leur vie se passe tout entière dans ces ac- prière il ne faut pas demander les choses pas-
cablants travaux. Celui-ci se livre au com- sagères et périssables. Ne demandez donc pas
merce; aussi voyagera-t-il et sur terre et sur la beauté du corps que le temps flétrit, que la
mer ; à son pays il préférera les pays étrangers, maladie enlève, que la mort fait disparaître :

il quittera patrie, famille, amis, parents, en- car telle est la beauté du corps. C'est uue fleur
fantsmême, pour aller chercher un peu d'ar- éjdiémère, qui paraît dans le printemps de la
gent sur une terre inhospitalière. Et pourquoi jeunesse et qui bientôt se fane sous l'action du
énumérer les professions nombreuses que les tem[»s. Et si vous voulez voir ce qui la sou-
liommes n'ont inventées que jtour les besoins tient, vous aurez bientôt ap[>ris à la mépriser:
de leur corps, dans lesquelles ils s'emploient C'est l'humeur, le sauir, le suc de la nourriture
et le jour et la nuit pour soigner ce qu'il y a eu (|ue nous avons prise voila ce qui circule
:

eux de moins noble, tandis que, pour leur dans les yeux, les joues, le nez, le front, les
âme, ils la laissent abandonnée à la faim, à la lèvres, en un mot dans le corps tout en-
soif, à la misère la plus sordide et la plus re- tier, et si celle cireulalion disparaît, la beauté

poussante, en proie à mille maux divers? Et du visage disparaît aussi. Ne demandez pas
après ces travaux, après toutes ces peines, ils l'abondance des richesses, des richesses qui,
n'auront pas rendu supérieur à la mort leur comme les eaux d'un fleuve, s'écoulent et s'en-
corps mortel, mais ils auront préci|tité dans fuient, qui passent tantôt à celui-ci, tantôt à
des bui>plices sans fin et le corps mortel et l'âme celui-là, «lui échappent à leurs possesseurs,
immortelle. qui ne peuvent rester à ceux qui les aiment,

2. Aui»si , déplorant l'aveuglement qui s'est qui amènent avec elles des envieux, des vo«;
HOMELIE SUR LE TEXTE : LA PORTE EST ÉTROITE. 21

leurs, des calomniateurs, toute sorte de maux, insensés pour demander à Dieu non-sculenier.t
incendies, naufrages, attaques, séditions, infi- la beauté corporelle, la richesse, la puissance,
délités niùnic dans notre maison, vols de mais encore la malédiction et des châtiments
créances, faux en écritures, et tous ces acci- terribles pour leurs ennemis, et ce Dieu dont
dents auxquels ceux qui aiment les richesses ils recherchent la faveur et les bonnes grâces,

sont exposés par leur fortime même. Ne de- ils appellent ses colères et ses sévérités sur
mandez pas les dignités : car elles aussi amè- leurs ennemis. Le Seigneur les blâmant par
nent mille maux, soucis redoutables, insomnies avance nous ordonne de ne pas p;irler long-
conlinueiles, pièges de la part dos cuvioux, ma- temps dans nos prières; il nous enseigne ce
chinalions perfides de la part des ennemis, qu'il y faut dire, et en peu de paroles il nous
sophismes des rhéteurs qui sous leurs beaux instruit de toutes les vertus ces paroles ne
:

discours déguisent la vérité et la rendent pres- nous apprennent pas seulement à bien prier,
que insaisissable, grave péril pour les juges. 11 mais elles suffisent pour régler toute notre vie.
en est dont les prières se répandent en paroles 3. Quelles sont-elles et quel en est le sens?
nombreuses et inutiles pour demander au Dieu voilà ce qu'il nous faut rechercher avec soin,
tout-puissant ces choses et autres send)lables, pour les observer fidèlement comme des lois
tandis qu'ils n'attachent aux biens réels aucun divines. Notre Père qui clés aux deux. (Mattli.
intérêt. Ce n'est pas le malade ()ui apprend au VI, 9 et suiv.) Quel excès de charité Quelle I

médecin l'utilité de tel ou tel remède il n'a ; sublime élévation Par quelles paroles digne-
!

qu'à se soumettre à ceux (ju'ou lui donne, quel- ment remercier Celui qui nous a comblés de
que pénible que doive ètreletraitement. Cène tant de biens I Considérez, mes chers audi-
sont pas les passagers qui dirent au pilote teurs, la bassesse de notre commune nature,
comment il faut tenir le gouvernail et diriger examinez notre origine et vous n'y trouverez
le navire ; mais, restant sur le pont, ils se rien que boue, que cendre, que poussière ;

fient à son expérience, non-seulement quand formés de terre, nous retournerons en terre
la navigation est heureuse, mais encore quand après notre mort. Puis, admirez l'insondable
ils se voient exposés à des dangers extrêmes. abîme de la bonté de Dieu qui veut que nous
C'est seulement lorsqu'ils ont affaire à Dieu, lui donnions le nom de Père, nous terrestres à
qui sait pourtant ce qu'il leur faut pour leur lui qui habite le ciel, nous mortels à lui immor-
bonheur, que les hommes ont l'esprit assez tel, nous corruptibles à lui incorruptible, noua
mal fait pour ne pas s'en rapporter entière- qui passons à lui (|ui demeure, nous qui ne
ment à lui ; mais ils demandent comme utile faisons que de sortir de la boue à lui qui est
ce qui leur serait nuisible, semblables à un Dieu de toute éternité. Toutefois, s'il vous
malade qui prierait le médecin de lui don- permet de prononcer ce nom, il ne veut pas
ner non ce qui peut faire disparaître la mala- que ce soit en vain, mais bien afin que, res-
die, mais ce qui en entretiendrait et en nour- pectant le nom de Père que lui donne votre
rirait la cause. Le médecin se garderait d'écou- bouche, vous imitiez sa bonté, comme il dit
ter la demande du malade même quand , en un autre endroit Devenez semblables à
:

il le verrait pleurer et gémir il ne suivrait ; votre Père célesle, qui fait lever son soleil sur
que sa science, et cette insensibilité, nous les bons et sur les méchants, et pleuvoir sur les
l'appellerions non cruauté, mais humanité; justes comme sur les injustes. (Matth. v, i5.)
s'il obéissait au malade et lui fournissait ce Vous ne pouvez appeler votre Père le Dieu de
qu'il demande, il agirait envers lui comme un toute bonté, vous gardez un cœur cruel et
si

ennemi mais en lui résistant et combattant


: inhtnnain ; dans ce cas, vous n'avez plus
car,
ses désirs, il ne montre pour lui que de la en vous la marque de la bonté du Père céleste;
bienveillance et de la charité : de même le mais vous êtes descendus au rang des bêtes
médecin de nos âmes ne saurait écouter des féroces, vous êtes déchus de votre noblesse
demandes qui tourneraient au détriment de divine, vous êtes dégénérés selon cette parole
ceux qui les font. Les pères qui aiment leurs de David Lhomme n'a pas compris la r/loire
:

enfants ne leur fournissent, quand ils sont à laquelle il était élevé; il est devenu compa-
encore jeunes, ni épées ni charbons de feu ils ; rable aux animaux privés de raison., et il s'est
savent bien que ce leur serait un funeste pré- fait semblable à eux (Ps. iv, viii, 21.) Quoi I

sent. Et il y en a cependant qui sont assez cet homme s'élance comme le taureau, frappe
TRADUCTION FRANÇAISE DE SAINT JEAN CHRYSOSTO.ME.

du pied comme l'âne, garde rancune comme foi, à prendre notre essor, à traverser les airs,
le chameau, s'emplit le ventre comme l'ours, à passer au delà des régions éthérées, à
dérobe comme le loup, pince comme le scor- chercher celui que nous appelons notre Père,
pion, est rusé comme le renard, hennit après il nous a ordonné de dire A'o/re Père qui :

les femmes comme le cheval après les ca- êtes aux cieux, non que Dieu ne se trouve
vales, et il pourrait faire entendre ii parole que dans ^es cieux, mais pour que nous qui
des enfants et appeler Dieu du nom de Père 1 sommes aduellement attachés à la terre, nous
Mais comment faudrait-il l'appeler lui-même ? levions les yeux au ciel, et qu'admirant la
Bête féroce? Mais de tous les vices que je viens beauté des biens qui nous y attendent, nous
d'énumérei !V> animaux n'en ont qu'un, et aspirions vers eux de tout notre Kijt\xv.
il a moins de raison
celui-ci les réunit tous et 4. Telle est la première parole; écoutez

que animaux mêmes. Que dis-je, bête fé-


les maintenant la seconde Que votre 7iom soit :

roce? Mais il est pire que les animaux. Ceux- sanctifié. Ce serait une folie de croire qu'il de-

ci, quoique féroces par nature, peuvent, par le mande pour Dieu un accroissement de sain-
soin de l'homme, s'apprivoiser. Mais celui qui teté, par ces paroles : Que votre nom soit sajiC'

est homme, et qui change la férocité naturelle tifié^ car il est saint, tout à fait saint, saint par
des animaux en une douceur qui ne leur est excellence. Et les séraphins, dans des chants
pas naturelle, quelle excuse aura-t-il donc, continuels, lui adressent cet hymne : Saint,
lui qui change la douceur qui lui est natu- saint, saint est le Seigneur Dieu des années; le
relle en une férocité qui ne lui est pas na- ciel et la terre sont remplis de sa gloire. Comme
turelle, lui qui peut rendre doux ce qui est ceux qui, acclamant les monarques, les appel-
cruel par nature et qui se rend cruel lorsque, lent rois et empereurs, n'ajoutent rien à leurs
par nature, il est doux, lui qui apprivoise le prérogatives, mais ne font que proclamer
lion et le rend docile, et qui change son propre celles qu'ils possèdent; de même nous ne don-
cœur en un cœur plus cruel que celui du lion ! nons pas à Dieu une sainb.lé qu'il n'aurait pas,
Ily a deux obstacles à vaincre chez le lion, lorsque nous lui disons : Que votre nom soit
puisqu'il est privé de raison et qu'il est le plus sanctifié nous proclamons seulement celle
;

féroce des animaux; et pourtant la sagesse que qu'il a car, l'expression quil soit sanctifié,
:

Dieu nous a donnée dompte cette nature re- se dit au lieu de qu'il soit glorifié. Cotte
:

belle. Et celui qui triomphe de la nature des parole nous apprend à diriger notre vie dans
animaux va perdre l'avantage que la nature lui le chemin de la vertu, afin qu'en nous voyant,

a donné ! le lion, il le fait homme, et il lui est les hommes glorifient notre Père céleste, se-

indifférent de faire de lui-même un lion ! Au lon ce qui est dit en un autre endroit de l'E-
lion donne ce qui est au-dessus de sa nature,
il vangile : Que votre lumière brille devant /e?
et à lui-même il refuse ce qui est de sa nature ! honunes, afin qu'ils voient vos bonnes œuvres et
Comment donc pourrait-il appeler Dieu son qu'ils glorifient votre Père quiesfdnishs cieux.

Père? Un homme plein de bonté et de charité (Mallh, V, 16.) Puis Jésus-Christ nous enseigne
pour son prochain, un homme ()ui, loin de se à dire que votre règne arrive. Tyrannisés par
:

venger des injures reçues, ne rend que le bien les concupiscences


charnelles, assaillis de
pour le mal, celui-là seul peut sans crainte mille tentations, nous avons besoin du règne
appeler Dieu son Père. Voyez maintenant et de Dieu, de peur (jne le péché ne règne dans
saisissez toute la force de ces paroles : elles ce corps mortel et ne le rende esclave des pas-
nous font une loi de nous aimer les mis les sions, de peur encore (|ue nos membres ne
autres, elles nous resserrent tous dans le lien deviennent des instiunienls d'iniijuité pour
d'une charité nuiluelle. Le Seigneur ne nous le péché, mais afin qu'ils soient des inslru-
a pas conunnndé de dire, mon Père qui êtes ments de justice aux mains de Dieu et que
aux cieux, mais bien jiDtrc Vcre qui êtes aux nous nous rangions dans l'armée du Hoi
deux, afin que, sachant que nous avons un des siècles. Cette parole nous apprend en-
Père conumin, nous éprouvions les uns pour core à ne ]vas trop nous attacher à cette vie
les autres un amour fraternel. Ensuite pour mortelle, mais à fouler aux pieds les choses
nous apprendre à nous détacher de la terre et présentes, à désirer les choses futures connue
des choses de la terre, à ne pas nous courber étant seules stables, à rechercher le royaume
sans cesse vers elle, mais à saisir le^ ailes de la du ciel et de l'éternité, à ne pas mettre notre
HOMÉLIE SUR LE TEXTE : LA PORTE EST ÉTROITE. Î3

bonheur dans les choses qui peuvent nous pain nécessaire à notre subsistance c'est à- \

plaire ici bas, ni dans la beauté des corps, ni dire qui s'assimile au corps et le fortifie.
dans l'abondance des richesses, ni dans les Et ce pain, il ne nous ordonne pas de le
grandes po^scssiotis, ni dans le luxe des pier- demander pour un grand nombre d'années,
reries, ni dans la magni licence des maisons, mais seulement pour le jour présent. JSe
ni dans les dignités et les honneurs, ni dans soyez pas inquiets., nous dit-il, pour le len-
la pourpre et le diadème, ni dans les festins, demain. (Malth. VI, 3i.) Pourquoi vous inquié-
dans ks^ mets exciuis, dans les plaisirs quels teriez-vous du lendemain, vous qui ne verrez
qu'ils soient, mais à répudier avec mépris ces pas lendemain, qui travaillerez sans recueil-
le

faux biens, pour tondre de tous nos clTorts vers de voire travail? Confiance en ce
lir les fruits

le seul rèune de Dieu. Après nous avoir en- Dieu qui donne à toute chair sa 7iourriture !
seigné le détachement du monde, le Seigneur (Ps. cxxxv, 23.) Celui qui vous a donné votre
ajoute : Qîie votre volonté soit faite sur la corps, qui d'un souffle de sa
bouche a créé
terre comme au nous a inspiré l'a-
ciel ; il votre âme, qui vous a doué de raison, qui,
mour des biens à venir, il nous les a fait même avant votre création, vous avait préparé
désirer avec ardeur, et quand il a jeté celte tant de biens, vous abandonnera-t-il après
flamme dans notre cœur, il dit Que votre ve- : votre création, lui qui fait lever son soleil sur
louté soit faite sur la terre comme au ciel., les bons et sur les méchants et pleuvoir sur les

comme s'il disait : vous, noire Roi, accordez- justes et sur les injustes? (Mallh. v, 45.) Placez
nous de vivre comme ceux qui sont au ciel, afin donc en lui votre confiance, ne lui demandez
que ce que vous voulez nous le voulions aussi. que Ja nourriture du jour présent, lui laissant
Secourez notre volonté qui faiblit, qui voudrait le soin du lendemain, comme disait le bien-
accomplir vos préceptes, mais qui en est em- heureux David Abandonne au Seigneur le soin
:

pêchée par la fragilité du corps. Tendez nous de ta personne et H te nourrira. (Ps. liv, 23.)
une main secourable, à nous qui voudrions Après nous avoir enseigné dans les paroles
courir et qui ne pouvons que nous traîner. précédentes la plus sublime philosophie, sa-
Notre âme a des ailes, mais alourdie? par la chanl qu'il est impossible qu'étant hommes et
chair elle s'élance vers le ciel, mais la chair
; revêtus d'un corps mortel nous ne tombions
la fait retomber lourdement sur la terre avec ; pas, nous a appris à dire Et pardonnez-
il :

votre secours tout lui dcN iendra possible, même 710USnos offenses, comme nous pardonnons d
ce qui est impossible. Que votre volonté donc ceux qui nous ont offensés. Cette demande
soit faite sur la terre comme au ciel. renferme trois préceptes salutaires à ceux qui
:

5. Comme il vient de nommer la terre, et sont parvenus à un haut degré de vertu Jésus-
qu'à des créatures, sorties de la terre, vivant sur Christ apprend qu'ils ne doivent pas cesser
la terri', portant un cor|)S formé de la terre, d'être humbles, ni se confier en ce qu'ils ont
il faut un aliment conforme à leur nature, Jé- fait de bien, mais craindre et trembler et se

sus-Christ devait nécessairement ajouter : Do7î- souvenir de leurs iniquités passées, comme
nez-nous aujourdhui pain nécessaire à notre
le le faisait le grand Paul qui, après tant de
subsistance. Il veut que nous demandions le bonnes œuvres, disait Jésus-Christ est venu
:

pain nécessaire à notre subsistance, non le su- en ce monde pour sauver les pécheurs, entre
perflu, mais le nécessaire, ce qui suffit à ré- lesquels je suis le premier (I Tim. i, 15) il ne :

parer les pertes que le corps subit sans cesse et dit pas j'étais, mnis je suis, montrant par là que
à l'empêcher de mourir de faim, non des t iblcs le souvenirdu passé lui était sans cesse présent.
voluptueuses, non des mets variés, non des fes- A ceux donc qui sont arrivés à la perfection,
tins préparés avec une savante industrie, non Notre-Seigneur par ces paroles indique que
des pâtisseries délicates, non des vins aux par- l'humilité doit être leur sauvegarde. A ceux qui
fums de fleurs, et tous ces autres raffinements sont tombés après la grâce du saint baptême,
qui flattent le palais, mais qui accablent l'esto- loin de les laisser désespérer de leur salut, il ap-
mac, (|ui appesantissent l'esprit, qui font que prend à demander au médecin des âmes le par-
le corps se révolte contre l'esprit, semblable à don qui les guérira. En outre il nous donne à
un clK'val rebelle au
à la voix de
frein comme tous une leçon de charité. Il veut que nous
son cavalier. Ce n'est pas que la parole là ce soyons indulgents pour les coupables, sans
de Dieu nous enseigne à demander, mais le ressentiment contre ceux qui nous ont of-
24 TRADUCTION FRANÇAISE DE SAINT JEAN CliRYSOSTOME.

fensés nous pardonnons, on nous pardon-


: si que même il n'osa pas faire sans permission.
nera, et c'est nous qui fournissons la me- S'il n'a pas même de pouvoir sur des pour-
sure du pardon qui nous sera accordé. Car ceaux, en aura-t-il sur des hommes vigilants
nous demandons d'obtenir autant que nous et humbles, gardés par le Dieu qu'ils adorent
aurons accordé, nous demandons une indul- conjme leur maître et leur roi? Aussi à la fin
gence proportionnée à celle que nous aurons de celte prière nous montre-t-il qu'à Dieu
eue nous-mêmes. Après cela, Jésus-Christ nous appartiennent la royauté, la puissance et la
ordonne de dire: Et ne nous induisez pas en gloire, en disant : A vous sont la royauté,
tentation; mais délivrez-nous du mal. 11 nous la puissance et la gloire pour toute l'éter-

arriTc bien des maux causés par les dé- nité * : Ainsi soit-il. Comme s'il disait : je
mons, bien des les bommes,
maux causés par vous demande tout cela parce que je vous re-
soit qu'ils nous tourmentent ouvertement, soit connais comme le Maître universel de toutes
qu'ils nous tendent des pièges cachés. Le corps, choses, comme ayant une puissance qui ne fi-

s'il se soulève contre l'âme, nous cause un nira jamais, pouvant tout ce que vous voulez,
grave dommage; s'il tombe dans les innom- possédant une gloire qu'on ne peut vous ravir.
brables maladies qui nous assiègent, il ne nous Pour tous ces motifs, rendons grâces à Celui
amène que douleurs et afflictions. Puis donc qui a daigné nous accorder tant de biens, et
que de toutes parts nous sommes exposés à des proclamons qu'à Lui convient toute gloire,
maux nombreux et si divers, Notre-Seigneur
si tout honneur et toute puissance; à Lui, dis-je,
nous apprend à demander au Dieu tout-puis- Père, Fils et Saint Esprit, maintenant et tou-
sant d'en cire délivrés. Car devant celui ^u'il jours et dans les i-iècles des siècles. Ainsi
protège, la tempête s'apaise, les flots redevien- soit-il.

nent tranquilles, le démon s'enfuit confus,


' Cette conclusion de l'oraison dominicale m r'^uv* A%r.^ Ut bt.'et
comme autrefois quand, se retirant des hom- grecques, mais non dans laVulgate.

mes, il entra dans le corps des pourceaux; ce


HOMÉLIE SUR LE PARALYTIQUE
DESCENDU PAR LE TOIT.

Qa'il est diiférenl da celui dont parle v.n\ J«ai, et d« l'i^iW in Pèio et du Ffls.

AVERTISSERIENT 8. ANALYSE.

Dans l'exorde de celte homélie, saint Chrysostome dit qu'il avait fait depuis peu un discours sur le pnmh/ifque de trenfe-huit
fins; ce qui désigne, sans aucun doute, la douzième homélie contre les Anontdcns (voyiz tome ii), dans laiiuelle il i)rouve, par
la guén'>on miraculeuse do ce paralytique, que le fils est égal au Père en pi;;>sanco. 11 lit, comme l'on cioit, celte hoir.é iu en

398, étant déjà évêque de Constantinople ; ainsi il faut rapporter vers le même temps l'homélie sur le parali/tique descendu
par le toit.

1» Nature des richesses spirituelles, elles ne s'épuisent jamais. L'histoire du paralytique nous apprend k supporter les épreuves
de la vie. — 2"
Dieu est toujours père et médecin soit qu'il use de sévérité, soit qu'il use d'indulgence. Le secours de la trrâce
divine est nécessaire. —
3° L'orateur ptsse au second paralytique. Les Evangèlistcs ne se coutrediâeut pas. 4o Diiïereuces —
des deux paralytiques. —
5-> Grande foi du paralytique. —
6» Le Christ démontre sa divinité. 7» La rémission des péchés.—
8* Exhortation à la patience dans les peines.

4. Quand nous avons dernièrement parlé du lui est assurée, qu'elle le suit, qu'elle habite
paralytique qui gisait dans son lit auprès de la avec lui dans la vie future, qu'elle plaide
piscine,nous avons trouvé un grand et ma- puissamment en sa faveur et lui rend le juge
non en creusant la terre, mais
giiiflque trésor, p/opice.
en examinant les senlitncnts de ce malade nous ; Nous avons trouvé ces richesses cachées en
avons trouvé un trésor, non d'or, d'argent et abondance dans l'àme du paralytique. Je vous
de pierres précieuses, mais de force, de sa- en atteste, vous qui avez mis toute votre ar-
gesse, de patience, d'espoir en Dieu ce : deur à creuser cette mine, sans l'épuiser toute-
qui vaut mieux que l'or et la richesse. La ri- fois. Car telle est la nature de la richesse spi-

chesse matérielle vous expose aux embûches rituelle; elle est comme l'eau qui coule sans
des voleurs, à la langue des calomniateurs, abondante encore car elle
tarir, elle est plus :

aux attaques des brigands, aux crimes de vos croît à mesure qu'augmente le nombre de ceux
propres esclaves, et si vous évitez tout cela, qui "viennent puiser à ses sources. Elle entre
elle ne vous en causera pas moins les plus dans l'âme de chacun et se communique sans
grands malheurs en attirant sur vous les re- se diviser ni s'amoindrir, elle se donne tout
gards de l'envie et vous suscitant mille tem- entière, et elle reste tout entière sans pouvoir
pêtes. La richesse spirituelle échappe à tous être jamais épuisée, sans pouvoir jamais man-
ces périls; nul accident ne peut l'atteindre quer : c'est ce qui est arrivé en cette circons-
dans la haute région où elle est placée, elle se tance. Vous vous êtes jetés en foule sur ce tré-
rit des voleurs, des brigands, des envieux, des sor, chacun de vous y a puisé largement selon
calomniateurs, et même de la mort. La mort ses forces; et que parlé-je de vous, c'est depuis
ne la sépare pas de celui qui la possède au ; Notre-Seigneur que des milliers et des milliers
contraire, c'est après la mort surtout qu'elle d'hommes s'y enrichissent, et néanmoins il de-
20 TRADUCTIOiN FRANÇAISE DE SAINT JEAN CIIRYSOSTOME.

meure dans son intégrité. Ne nous lassons avec courage même les choses les plus întolé-
donc pas de puiser à cette source intarissable O râbles? Ce n'est pas son état de santé, c'est sa
de richesses spirituelles venons encore aujour-
; maladie qui nous est d'une grande utilité; car
d'hui y remplir nrs âmes; contemplons la cha- sa guérison a fait, il est vrai, louer le Seigneur
rité du Maître et h. patience de l'esclave. Affligé par ceux qui l'ont entendu raconter; mais sa
depuis trente-huit ns d'une maladie incurible,
. maladie et son infirmité nous sont une leçon
tourmenté contin 'cllement, il ne se plaignit de patience nous provoquent à l'imiter et
,

pas, il ne fit pas rntcndre une parole répré- nous fournissent une nouvelle preuve de la
hensibie, il n'accuia pas Celui qui l'avait ainsi charité de Dieu pour nous. Lui avoir envoyé
traité, mais il supporta ce malheur avec cou- une maladie et si grave et si longue, c'est déjà
rage et patience. — Et comment le savez- une preuve d'amour. L'orfèvre jette l'or dans
vous? me dira-t-on ; ne nous
la sainte Ecriture le creuset éprouver par le feu,
et l'y laisse
a rien appris de sa vie antérieure elle nous a ; jusqu'à ce qu'il soit devenu plus pur de :

dit seulement que sa maladie durait depuis même pour les âmes des hommes. Dieu les
trente-huit ans; mais qu'il n'y ait eu chez lui ni laisse éprouver par le malheur, jusqu'à ce
plainte, ni emportement, ni colère, elle ne l'a qu'elles soient devenues pures et brillantes,
pas ajouté. —
Ces cependant ce qu'elle vous jusqu'à ce qu'elles aient retiré de cet état de
montrera avec évidence, si vous voulez lire grands avantages : ain^i cette infirmité était
avec une attenlior sérieuse et non superficielle un premier bienfait de Dieu.
et momentanée. E i le voyant en pré-^eiice du 2. Donc pas de trouble, pas de désespoir
Christ qui vient 1^. trouver, qui ne lui est pas quand il nous arrive des épreuves. Si TorfevTe
connu, qu'il ne croit encore être qu'un homme, sait après combien de temps il faut retirer du
en le voyant, dis-je, si réservé dans son lan- feu l'or qu'il y a mis et ne le laisse pas brûler
gage, n'en pouvez-vous pas conclure quelle et seconsumer. Dieu le sait bien mieux encore,
a été sa conduit; antérieure? Car, à celte et quand il nous verra devenus plus purs, il

question Voulez-vous être guéri? il ne ré-


: saura bien faire disparaître les épreuves, de
pond pas comme on aurait pu s'y attendre : peur qu'accablés par des maux trop nombreux
Vous me voyez gisant ici paralyli(}iie depuis nous ne chancelions et ne tombions. Pas de
tant d'années, et vous me demandez
si Je veux découragement, pas de défaillance, si nous som-
être guéri? donc venu insulter à
Vous êtes mes sur|)ris par quehpie malheur; mais lais-
uies souffrances, vous en moquer et rire de sons Dieu qui s'y enltud, laissons-le, dis-je,
mon malheur? Il ne dit rien de semblable; purifier notre âme; il n'agit que dans l'inté-

uiais avec une parfaite tranquillité d'âme : rêt et pour le plus grand avantage de ceux
0?/?, Seigneur^ répond-il. Mais si après trente- qu'il éprouve. Aussi un auteur sage nous
luiit ans il était si calme, si paisible, alors que adresse-t-il cet avis : Mon /ils, lorsque vous
toute force d'âme devait être brisée chez lui, entrerez au service du Seigneur, préparez
figurc7/-vous quelle; devait être sa patience au votre âme à l'épreuve; que votre cœur soit
commencement de sa maladie. Car, tout le plein de droiture et de force, et ne vous hâ-

monde sait que les malados ne sont pas aussi tez pas dans le temps de la tentation. (Eccl. ii,
moroses au début de leurs maladies que lors- 1,2.)
(pi'ily a déjà longtemps qu'ils soullVenl ils : Laissez-le, nous veut-il dire, entièrement maî-
(loviennenl très-chlTicilcs, loiscpic leur maladie tre; il sait bien le moment où il faudra nous

traîne en longueur; ils devieimeut parfois in- retirer de ces maux qui sont comme la four-
supporlabU'S. Celui-ci donc qui ai)rès tant d'an- naise où nous sommes purifiés. Il faut le lais-
nées se montre si calme et répond avec tant de ser faire partout, lui rendre grâces de tout,
de patience, a dû évidemment supporter anté- témoigner notre reconnaissance pour tout,
rieurement avec reconnaissance ce mal qui soit tju'ilnous comble de biens, soit même
lui était envoyé de Dieu. qu'il nous fra|)pe car c'est là aussi un bien-
:

Stinuilés par cet exemi»le, imitons la pa- fait. Le médecin n'est pas médecin seulement

tience de notre ficre; sa paralysie sera pour quand il tait prendre des bains, ordonne uue
nos âmes un jn'incipe de force; (juel honune nourrilure subslanlielle et veut que le malade
^era si indolent, si lâche, quà la vue de ce se promène dans des jardins fieuris, mais aussi
malheur, il ne se seule disposé à supporter quand il brûle et qu'il coupe ; le père n'est pas
HOMÉLIE SlTx LE PARALYTIOUE. 27

pcre seulement qnanJ ilcaresse son fils, mais rJais si Pierre qui a tant aimé le Christ, qui a

aussi (juaml il le ch;is;e do la maifon, qu'il le exposé mille fois sa vie pour lui, (jui élail tou-

réprimande, ((u il le châtie il n'est pas moins ;


jours plus ardent que les autres apôlres, qui a
père alors que (juand il récompense:. Aussi sa- été appelé bienheureux par le Maître et sur-

chant que Dieu nous aime mieux que tous les nommé Pierre, parce qu'il avait une foi iné-

médecins, ne vous inquiétez pas, ne lui de- branlable et invincible, eût succombé et renié
mandez pas couq)te des nioyons qu'il emploie; la foi, en supposant (jue le Christ eût permis
mais qu'il veuille user d'indulgence ou de sé- au démon de le tenter autant qu'il le voulait,
vérité, abandonnons -nous à lui; par l'un quel autre pourra résister sans le secours du
comme par l'autre de ces moyens, c'est toujours ciel? Aussi saint Paul dit Dieu est fidèle et il
:

pour nous sauver, pour nous unir à lui qu'il ne souffrira pas que vous soyez tentes au-dessus
agit; il sait ce doul chacun a besoin, ce qui est de vos forces ; mais il vous fera tirer profit de
utile à chacun, comment et de quelle manière la tentation même afin que vous puissiez per-
chacun se sauvera et c'est dans celte route qu'il sévérer. (I Cor. X, 13.) Non-seulement il ne per-
nous conduit. Marchons donc où il veut nous mettra que nous soyons tentés au-
pas, dit-il,
mener, marchons sans hésitation, que la route dessus de nos forces, mais même quand la ten-
soit douce et facile ou bien rude et âpre, tout tation est proportionnée à nos forces, il est
comme a fait ce i)aralylique. Le premier bien- près de nous, nous soutenant, combattant avec
faitque Dieu lui accorda, ce fut de purifier nous, pourvu que nous apportions à la lutte ce
par une si longue maladie son âme qu'il jetait qui dépend de nous, comme le zèle, l'espé-
en quelque sorte dans un creuset où le feu des rance en lui, la reconnaissance, la force, la pa-
tentations devait la dépouiller de toute souil- tience. Car ce n'est pas seulement dans les
lure. Unsecond, non moindre que celui-là, ce périls qui excèdent nos forces, mais encore
fut de lui être présent dans ses épreuves et de clans celles qui ne les dépassent pas que nous
lui procurer de vives consolations. C'est lui qui avons besoin du secours d'en-haut, si nous
le soutenait et le dirigeai^ qui lui tendait une voulons résister avec courage. Ailleurs le
main secourable sans jamais le laisser tomber. même apôtre dit : Comme les souffrances du
Et en entendant dire que Dieu lui venait ainsi Christ abondent en nous, c'est aussi par le
en aide, n'allez pas retirer votre admiration Christ que notre consolation abonde, afin que
ni à ce paralytique ni à tout autre qui dans nous puissions nous-mêmes, par Vencourage-
l'épreuve montre de la force. Car fussions- ment que Dieu nous donne, consoler aussi ceux
nous mille fois parfaits, fussions-nous plus qui sont sous le poids de toute sorte de maux.
forts et plus puissants que tous les hommes, (II Cor. IV, 5.) En sorte que celui qui a con-

si le bras de Dieu nous abandonne nous ne , solé le paralytique, c'est celui-là même qui
pourrons plus résister à la première tentation avait permis qu'il fût éprouvé. Mais voyez,
venue. Et que parlé-je de nous, faibles et pau- après la guérison ,
quelle sollicitude il lui
vres? Quand ce serait un autre Pierre, un autre montre. ne le renvoie pas pour ne plus s'en
Il

Paul, un autre Jacques, un autre Jean, si Dieu occuper, mais le rencontrant dans le temple il
ne vient à son secours, il est facile de l'atta- lui dit Voilà que vous êtes guéri, ne péchez
:

quer, de l'ébranler, de lî terrasser. Kt à ce plus de peur qu'il ne vous arrive encore


propos, je vous rappellerai une parole du pis. (Jean, v, 14.) Si c'eût été par haine qu'il
Christ ; il dit à Pierre : Voici que Satan a de- eût permis la tentation, il ne l'aurait pas dé-
mandé de vous cribler comme le froment; et livré, il ne l'aurait pas prémuni pour l'avenir;
j'ai prié pour toi afin que ta foi ne défaille car lui dire de peur qu'Une vous arrive encore
point. (Luc, XXII, 31-32.) pis^ c'est vouloir prévenir les maux futurs. II

Qu'est-ce à dire, vous cribler? C'est vous en- a mis fin à la maladie, mais non au combat; il

traîner, vous agiter, vous précipiter, vous a chassé l'infirmité, mais non banni la crainte,
tourmenter, vous frapper, vous torturer, ne fût pas oublié. Il est d'un
afin ([ue le bienfait
comme ce qui passe au crible; mais, ajoute- médecin soigneux de ne pas seulement guérir
t-il, l'ai empêché
je je savais que vous: les maux présents, mais de prémunir contre
n'auriezpu supporter cette épreuve car dire : les maux à venir; c'est ce que fait le Christ, en
pour que ta foi ne défaille point, c'est montrer fortifiant l'âme du paralytique par le souvenir
que, s'il l'avait permis, sa toi aurait défailli. du passé. Car, comme d'ordinaire nos maux
28 TRADUCTION FRANÇAISE DE SAINT JEAN CiiRYSOSTOME.

disparaissent de notre mémoire presque aussi- pas en vain qu'il a voulu le faire si longtemps
tôt qu'ils nous ont quittcS;, c'est pour perpé souffrir, il souvenir de ses fautes et lui
le fait
tuer ce souveniF, qi.e le Christ dit : Ne péchez dit Ja cause de sa malidie: ayant trouvé L
plus , de peur gufil ne vous arrive encore dans le temple, dit l'Evangéliste, Jésus lui dit:
pis. Ne péchez plus de peur qu'il ne vous arrive
La sollicitude et la douceur du Seigneur
3. e)icore pis.
ne se montrent pas nioms dans l'espèce de re- Puisque nous avons retiré tant de profit de
proche qu'il adresse au paralytique, que dans l'histoire de ce premier paralytique, allons
la précaution qu'il prend de l'avertir. Car il ne nous instruire auprès de l'autre, celui dont
divulgue pas ses péchés, il lui dit Feulement que parle saint Matthieu. (Matth. ix.) Car, dans les
ce qu'il souffre, il le souffre à cause de ses pé- mines, c'est aux endroits où Ion a déjà trouvé
chés; quels sont ces péchés, il ne l'a pas dit ; il de l'or qu'on va plutôt fouiller de nouveau. Je
n'a pas dit : tu as commis telle et telle faute, sais que plusieurs de ceux qui lisent sans beau-
telle et telle ini(juité, mais après l'avoir indiqué coup réfléchir, pensent qu'il ne s'agit dans les
par ce simple mol : Ne péchez plus, et lui avoir quatre évangélisîes que d'un seul et même pa-
dit une parole dont le souvenir le rendrait ralytiijue, mais cela n'est pas. Renouvelez ici
plus circonspect, nous montre sa patience,
il votre attention. Ce n'est pas ici une recherche
£on courage, sa vertu, en le mettant dans la inutile une solution convenable nous sera une
;

nécessité de dévoiler tout son malheur et de arme de plus contre les Gentils, contre les Juifs
parler de sa constance car, dit-il, tandis que : et contre la plupart des hérétiques. Car tous re-
je viens^ un autre descend avant 7noi ; mais prochent aux évangélistes de n'être pas d'accord
quant à ses péchés, Jésus-Christ ne les décou- entre eux. Mais grài-e à Dieu, ce reproche est en-
vre pas. Si nous voulons cacher nos initpiilés, tièrement faux si les auleurs sont différents,
;

Dieu le désire bien plus encore que nous: la grâce du S"inl-Esprit est une, cette grâce qui
la guérison, c'est en public qu'il l'opère; l'ex- a dirigé les évangélistes: or là où est la grâce
horlation et le conseil, c'est en particulier qu'il du Saint-Esprit, là est l'amour, la charité, la
les donne; jamais il )ie découvre nos fautes, à paix, et non la guerre, la discorde, la lutte et
moins que quehiuefois il ne nous y voie insen- le combat. Conunent montrerons-nous que ce
siblts. Car lorsi|u'il -iit: Vous avez vu que j'a- n'est pas du même paralytique qu'il s'agit?
vais faim et vous ne m'avez point donné à Par bien des argiuncnts tirés du lieu, du
manger^ que j'avais soif et vous ne m'avez temps, des circonstances, du jour, enfin de la
point donné à boire (Matlh. xxv, 42), il le dit manièredontlagucrisons'estopérée.donllemé-
dans le temps présent pour que nous n'ayons decin est arrive, dont le malade gisait abandon-
pas à l'entendre dans le temps futur. Il me- né. — A quoi bon celte démonstration, me
nace, il démasque aujourd'hui afin de n'avoir dira-t-on? N'y beaucoup de miracles
a-t-il pas
rien h dévoiler au jugement, comme il a me- qui sont rapjtoités différemment par les divers
nacé de ruine la ville de Ninive précisément évangeli>tes? —
Sans doule, mais autre chose
afin de prévenir cette ruine. S'il vuulait publier est de parler dune manière ditférente, autre
nos péchés, il n'aurait pas annoncé qu'il les chose de parler d'une manière contradictoire;
publierait; mais s'il l'annonce, c'est pour que des dinérenees ne sont i>as des démentis: au
la crainte de la manifestation, sinon celle de la contr.iire, dans ce que nous examinons, il n'y a
punition, nous ramenant à de sages sentiments, que contradictions, si l'on n'admet pas que le
nous les effacions tous. C'est ce qui arrive au paralyti(pie de saint Matthieu n'est {>as celui
baptême; il admet l'honnuo à celiain salutaire dont ont parlé les trois autres évangélistes. Et
sans faire connaître ses inicpiités à personne, afin que vous conquenioz mieux que parler
ilne rend public que le pardon, et quant d'une manière différente n'est pas parler d'une
aux péchés, personne ne les connaît (jue lui et manière contraire, citons des exemples. Un
celui à qui ils sont remis. C'est ce tiui est arrivé évangélisie dit (pie Jésus porta sa croix, un autre
en celte circonstance blâme le paralytique
: il que ce fut Simon le Cyrénéen, et il n'y a p;is là
quand il n'y a pas de témoin ou pluUH ce ; de désaccord, pas d'opposition. Mais ne sont-ce—
n'est pas un blâme, c'est pres(|ue une apologie; pas deux choses évidemment contraires que
pour lui donner la raison de cclie longue af- porter et ne pas porter? —
Non; l'ime a eu lieu
fliction, lui dire et lui montrer que ce n'est fiussi bien que l'autre. Quand on sortit du pré-
HOMÉLIE SUR LE PARALYTIQUE. 20

toire, Jésus portail sa croix ;


plus loin, Simon la prétexte pour accuser Noirc-Seigneur? I« der-
lui prit et la porta. D même pour les larrons, nier est apporté à Jésus-Christ, le premier
celui-ci ilit (juc tous d( ux blasphémèrent contre c'est Jésus-Christ qui va le trouver, et il n'a-
Jésus, celui-là que l'un blâma les injures que vait personne pour le secourir Seigneur, Cixi- :

vomissait l'autre. Et cei)enilant il n'y a là rien W^ie ri ai personne (Jean, v, 7), tandis que le
de contratlictoire. Pourquoi? Purce que ces second avait beaucoup de parents qui le des-
deux choses eurent lieu au commencement : cendirent même par le toit. Pour le premier,
tous deux insultaient Jésus; mais quand il s'o- Jésus-Christ guérit son corps avant son âme :

péra de grandes merveilles, que la terre trem- car c'est après l'avoir délivré de sa paralysie
bla, que les rochers se fendirent, que le soleil qu'il lui dit : Voici que vous êtes (juéri, ne pé-
s'obscurcit, l'un des larrons se convertit, il de- chez plus. Pour le second, il n'eu est pas de
vint meilleur, reconnut le Crucifié et confessa même : il guérit d'abord son âme, car il lui
qu'il était Roi. Et aliu de ne pas nous laisser dit: Ayez confiance., mon fils, vos péchés vous
croire que c'est par une nécessité, par une sont remis (Malth. ix, 2), et ensuite il le délivre
force intérieure qu'il agit ainsi, afin de ne pas de sa paralysie.
laisser place au doute, l'Evangiie nous le mon- Maintenant que nous voyons avec évidence
tre conservant jusque sur la croix sa méchan- qu'il y en a deux, il nous reste à reprendre la
ceté i)remière, pour nous faire reconnaître que narration tout entière , à voir comment s'est
c'est et de son propre mouvement
de lui-même opérée la guérison de l'un, comment celle de
quil change et que c'est la grâce de Dieu qui l'autre, pourquoi toutes deux d'une manière
le rend meilleur. ditiérente, Tune le jour du sabbat, l'autre un
4. Il y a, dans les évangiles, bien de ces pas- autre jour, pourquoi Jésus vient vers l'un, tan-
sages qui paraissent opposés sans l'être en effet; dis qu'il se laisse apporier l'autre, pourquoi
les faits rapportés par l'un se sont passés aussi dans un cas c'est le corps, dans l'autre l'àme
bien que ceux qui sont racontés par l'autre; qu'il guérit d'abord. Ce n'est pas sans motif
seulement ils ne parlent pas du même mo- qu'il agit ainsi, lui qui srit et prévoit tout. At-
ment : l'un dit ce qui a eu lieu d'abord, l'autre tention donc et voyons d'abord quel est le mé-
ce qui a eu lieu ensuite. Mais ici rien de sem- decin! Si, lorsque les médecins doivent se ser-
blable, et le grand nombre de circonstances vir du ou du feu pour quelque opération
fer
raj) portées ne permet i)as même après l'exa- diitlcile, lorsqu'ilsont à prati(iuer une incision
men le plus superficiel de douter que ces deux ou une amputation sur un membre blessé ou
paralyli(jues ne soient différents. Ce serait un infirme, si, dis-je, en panùl cas l'on s'em|)resse
rude travail que de montrer, dans l'hypothèse avec un intérêt curieux autour de l'opérateur
opposée, l'accord complet des évangélistes entre et du patient, combien plus devons-nous le faire
eux s'il n'y a qu'un malade, tout est contra-
; ici, puisque le médecin est plus grand, le
dictoire si vous en admettez deux, tout se
: mal plus grave, et que ce n'est pas l'art des
concilie facilement. hommes, mais la grâce de Dieu qui opère la
Exposons donc les motifs qui nous font dire guérison ? Là vous voyez la peau coupée, le
qu'il y a deux paralytiques différents. Quels pus qui coule, la pourriture qui sort ;
quelle
sont-ils? C'est à Jérusalem que l'un est guéri, répulsion n'inspire pas un tel spectacle 1 quelle
l'autre à Capharnaùm l'un près de la piscine,
: peine et quelle douleur cause non-seulement
l'autre dans une petite maison, voilà pour le la vue des blessures, mais la vue des souf-
lieu le premier en un jour de fête, voilà le mo-
; frances des personnes ainsi traitées 1 (Car qui
ment précisé; l'un était malade depuis trente- serait assez insensible pour qu'en présence de
huit ans, de l'autre il n'est rien dit de sembla- pareils au milieu de tant de gémisse-
maux et
ble, voilàpour le temps l'un en un jour de sab- ; ments, il ne fût pas ému n'éprouvât pas de ,

bat, voilàpour le jour et si le second avait été


; compassion et ne sentît pas son âme attristée?)
guéri un jour de sabbat, saint Matthieu n'au- et cependant la curiosité nous fait supporter
rait pas manqué de le dire, ni les Juifs pré- ce spectacle. Ici rien de semblable on ne voit ;

sents d'en faire la remarque car si déjà ils : ni fer, ni feu, ni sang qui coule, ni malade
s'indignèrent d'une guérison qui cependant qui souffre et gémisse ; la seule chose qu'il y
n'avait pas été faite un jour de sabbat, que ait, c'est la sagesse du médecin qui n'a pas
n'eussent-ils pas dit s'ils avaient pu saisir ce besoin de ces secours extérieurs et qui se
30 Tl.ADLCTION FRANÇAISE DE SAINT JEAN CIIRYSOSTOME.

suffit à elle-même. Elle se contente de com- du paralytique de Capharnaùm une foi moin-
mander danger disparaît.
et tout dre, de l'autre malade nulle foi, et il? n'en fu-
Et si vous trouvez admirable que la guérison rent pas moins guéris tous trois. Pourquoi Jésus
s*c|)ère avec tant de facilité, il est plus éton- acc<jrda-t-il ce bienfait à celui qui n'avait rien
nant encore (ju'elle se fasse sans douleur, sans donné? Parce que ce n'est point la négligence,
que les malades é|)rouvent aucune soullrance. ni l'indiiïcrence, mais l'i^inorance où il était à
Puis donc que le miracle est plus grand, la l'égard du Christ dont il n'avait entendu racon-
guérison plus entière et le plaisir des specta- ter aucune action ni grande, ni petite, qui lui
teurs exempt de toute tristesse, examinons de fit montrer si peu de foi. Voilà pouriiuoi il n'en

près, nous aussi, le Christ opérant cette guéri- reçut pas moins un grand bienfait. C'est ce
son Jésus étant 7jionté dans wte barque tra-
: , que l'Evaniiéliste nous indique p'ar ces mots :

versa la mer et vint dans sa ville. Et voilà que Il ne savait pas qui il était (Jean, v, 13), il ne
des gens lui présentaient un paralytique gisajit le reconnut à la vue seule, que quand il le
sur un lit, et Jésus voyant leur foi, dit à ce rencontra pour la seconde fois.
paralytique : Mon fds ayez confiance , vos pé- 5. Quelques-uns disent qu'il fut guéri , bien
chés vous sont remis. (Matlh. ix, 1, 2.) Leur foi que ceux qui l'apportèrent eussent seuls la foi,
le cède à celle du centurion, mais l'emporte mais il n'en est pas ainsi Voyant leur foi, dit
:

sur celle du paralyti(iue de Le cen-


la piscine. l'Evangile, tant de ceux qui l'apportèrent que
turion n'attira pas le médecin chez lui il ne , "de celui qui fut apporté. — Mais la foi de l'un
lui amena pas non plus le malade, mais s'a- ne peut elle pas obtenir la guérison de l'autre,
dressant à lui comme à Dieu il lui dit Pro- , : me direz-vous ? —
Je ne le crois pas, à moins
noncez seulement une parole et mon serviteur qu'un âge très-avancé ou une faiblesse extrême
sera guéri. (Luc vu, 75.) Les gens du paraly- n'empêche de croire. —
Comment donc dans ,

tique de Caj'liarnaùm n'attirèrent pas non plus l'histoire de la Chananéenne, voyons-nous la


le médecin chez eux, et en cela ils sont égaux mère qui croit et la fille qui est guérie, et
au centurion ; mais ils amenèrent le malade dans celle du centurion le serviteur privé de
au médecin, et en cela ils lui furent inférieurs, la foi, guéri et sauvé par la foi de son Maître?
])arce qu'ils ne dirent point Pro?wncez seule-
: — Parceque les malades ne pouvaient avoir la

ment u)ie parole. Toutefois ils l'emportent en- foi. Ecoutez Chananéenne Ma
les paroles de la :

core sur le paralytique de Jérusalem ; celui-ci fille est cruellement tourmentée par le démon,

dit en eiîet ; Scif/neur, je nai perso?me qui, tantôt elle tombe dans le feu, tantôt dans Veau.
lorsque l'eau est agitée, me jette dam la pis- (Matlh. XV, 22.) Comment une fille qui était sous
Quant aux premiers, ils sa-
cine. (Jean, v, 7.) Vempire des ténèbres et du démon, qui ne
vaient que le n'a nullement besoin
Christ s'appartenait pas, qui n'avait pas même la
d'eau, de piscine ou d'autre chose semblable. santé du corps, comment, dis-je, aurait-elle pu
Kl cependant le Christ rendit la santé non-seu- avoir la foi ?
lement au serviteur du centurion, mais encore Ce qui était arrivé à la Chananéenne arriva
aux deux derniers, et il ne leur dit point : au centurion son serviteur était couché dan? sa
:

Quoique vous ayez montré moins de foi maison ne connaissant pas le Christ, ne sachant
;

vous n'en serez pas moins guéris; seule- pas qui il était, conunent aurait-il pu croire à
ment, il comble celui qui en a montré plus celui qu'il ne connaissait pas, de l'existence
de louanges et de félicitations en disant Je : duquel il n'avait jamais eu le moindre soup-
n'ai point trouvé en Israël même une telle foi. çon? Mais ici on ne peut pas dire la même
(Luc, vil, 9.) Pour celui qui en montra moins, chose, car le paralytique crut. — Et (lu'est-ce
il se contenta de ne pas le louer, et ne re- qui prouve?
le —
Ce fuit seul, qu'il fut amené
fusa pas de le guérir, ni lui ni même celui à Jésus. Ne vous contentez pas de savoir qu'il
(jui ne montra aucune foi. Mais de même fut descendu par le toit mais pensez au sacri-
;

(pie les médecins, pour avoir guéri la même fice d'un malade qui consent à cola. Car vous
maladie, reçoivent des uns cent pièces d'or savez combien les malades sont difficiles et
des autres cinquante, de ceux-ci moins en- chagrins, jus(iu'à refuser les soins qu'on leur
core, de ceux-là rien de même le divin méde-
; donne mêmesur leurs lits, jusqu'à préférer
cin reçut, pour ses honoraires, du centurion e.ulurer toujours les douleur? de la maladie
Uiie foi grande et qu'où ne peut trop louer, plutôt (jue de supporter les douleurs d'un mo-
HOiMÉLIE SUR LL l'AUALYTIQUE. 31

ment que les remèdes entraînent après eux. vait lt;ur prochain, et ils blâmaient ces mira-

Mais pour ce paralytique il consentit à sortir, cles ontôt à cause du jour de sabbtit où ils
de sa maison, à se laisser porter en public, à étaient opérés, tantôt à cause de la vie des per-
se montrer à une foule de spectateurs. Ou ron es qui en étaient l'objet. Si celui-ci était
i.

"voitdes malades (jui aiment mieux mourir p/'njihête, il saurait bien quelle est la femme
que de découvrir leurs maux. H n't-n es^t pas qui touche (Luc, vu, 39); ils parlaient ainsi,
le

ainsi de ce malade; il voit la foule rassemblée, ne sachant pas que c'est le devoir du médecin
les entrées inabordables; eb bien ! il se laissera de rechercher les malades et de les approcher,
descendre Tant l'amour fsl liat)ile,
pat' le toit. sans jnmais les fuir ni les abandonner. C'est le
tant la charité est féconde en expédients Ce- ! reproche que Jésus leur adresse Ce ne sont :

lui qui cherche trouve, et à qui fiappe on ou- pa^ ceux qui se portent bien qui ont besoin de
vrira. Il ne dit pas à ses proches : Qu'est-ce médecins., mais les malades. (Matlh. ix, t2.)
donc? Pourquoi cette agitation, cet empresse- Pour leur ôter tout prél(;xte, il commence par
ment? Attendons que lamaison soit vide, que montrer combien sont dignes de guérison ceux
la foule se soit écoulée. Rassemblés main- qui viennent le trouver, à cause de la foi qu'ils

tenant, ces hommes se disperseront tout à manifestent. C'est par ce motif qu'il fait voir
l'heure, nous pourrons voir en secret le pro- de l'un la résignation, de l'autre la foi bouil-
l)bète et le consulter sur cette maladie. Faut- lante et l'ardeur ; c'est pour cela encore qu'il
ilaux yeux de tous étaler mon malheur, me guérit l'un un jour de sabb;;t, l'autre un autre
descendre par le toit malgré les souffrances jour, afin que voyant les Ju fs accuser et blâ-
que cela me causera? 11 ne fait aucune de ces mer le Christ sans avoir ce prétexte du sabbat,
réflexions, ni en lui-même, ni à ceux qui le nous apprenions que ce n'éi àt pas le zèle pour
portent, mais il regarde comme une gloire la loi qui les faisait parler, i lais l'excès de leur
d'avoir tant de témoins de sa guérison. Et si haine. Mais pourquoi, sans commencer par
cela nous montre sa foi, les paroles du Christ guérir le paralytique, lui dit-il : Confiance.,
nous la montreront aussi. Quand il fut des- mon fils, vos péchés vous lont remis? Admi-
cendu du toit et introduit dans la maison, le rez sa sagesse. Les niédecii s ne commencent
Christ lui dit Confiance, mon fils; vos péchés
: pas par traiter la maladie elle-même, mais par
vous sont remis. En entendant ces mots, il ne en enlever la cause. Si par exem[>le les yeux
se fâche point, ne s'irrite point, ne dit pas à soûl remplis d'humeur et d pus, le médecin, i

son médecin Que me dites- vous? Ne venais-je


: laissant là la pupille, s'occv pe de la tête où est

pas chercher une autre guérison que celle que l'origine, la source du mal; le Christ en agit de
vous m'offrez? Mensonge que tout cela, dissi- même et enlève d'abord la racine du mal. L'o-
mulation ce n'est qu'un prétexte pour déguiser
! rigine, la raison, la source lu mal, c'est le pé-
votre impuissance. Vous remettez les péchés, ché. C'est le péché qui paralyse les corps, c'est
parce que c'est chose qu'on ne voit pas. Sans le péché qui amène les maladies; aussi Jésus-

rien dire, sans rien penser de tout cela, il reste, Christ dit en cette circonstance Confiance^ :

permettant ainsi à son médecin de le guérir mon fils, vos péchés vous sont remis; et en une
par le moyen qu'il voudrait employer. Et si autre occasion Vous voilà guéri., ne péchez plus^
:

le Christ ne l'alla pas trouver, mais le laissa de peur qu'il ne vous arrive encore pis, montrant
venir à lui, c'était encore afin de montrer son ainsi que c'est le péché qui enfante les mala-
courage et l'ardeur de sa foi. De même qu'il dies. Au commencement, à l'origine de la
alla trouver celui qui était paralytique depuis création, c'est par suite du péché que la ma-
trente-huit ans, parce qu'il n'avait personne ladie se saisit du corps de Caïn. Car, après son
pour le secourir, de même il attendit que le fralricide, après ce grand crime, la paralysie
paralytique de Capharnaùm, parce qu'il avait s'empara de son corps qu'était-ce que le trem-
:

beaucoup de parents, vînt le trou^er, voulant, blement qu'il éprouvait si ce n'est la paralysie?
par cette conduite ditîorcnte, manifester la foi Quand en effet la force qui réside dans le corps
de celui qui fut apporté et l'abandon de celui est devenue trop faible et ne peut plus soutenir
qu'il alla trouver, le courage de l'un et la pa- tous les membres, elle les abandonne, et les
tience de l'autre, et il en agit ainsi surtout membres tremblent et sont agités.
pour les spectateurs. Car les Juifs ne voyaient 6. Saint Paul aussi nous enseigne cette vé-
qu'avec peine et jalousie les bienfaits que rece- rité. Après avoir parlé aux Corinthiens d'ua
TRADUCTION FRANÇAISE DE SAINT JEAN CHRYSOSTOME.

certain péché, il dit: c'e^t pour cela qu'il y a cusatiuns des Juifs lui fournissent l'occasion de
parmi vous beaucoup d'infirmes et de languis- se montrer égal à son Pèie, de même prévoyant
stnits. Ainsi le Cliiist fait d'abord disparaître en la circonstance présente ce qu'ils allaient
la cause des maux, et par ces mots : Confiance^ dire, il parla comme il le fit pour en prendre
mon fils^ vos péchés voies sont remis, il relève le occasion de montrer que sa dignité est égale à
malade et réveille son âme engourdie car sa : celle du Père. une tout autre chose de
C'est
parole est suivie d'effet; elle pénctrc jusqu'à la tenir ce langage de lui-même sans que per-
conscience, atteint l'âme, et lui rend une par- sonne le blâme ni ne l'accuse, ou bien de le
faite tranquillité.Car rien ne cause tant de joie, faire pour se défendre, quand les autres lui en
ne rend tant de confiance que de n'éprouver fournissent le prétexte. La première manière
aucun remords, Co/ifiance, mon fils, vos péchés eût cliû lué les auditeurs, la seconde excitait
vous sont remis. Là où les péchés sont pardon- moins de haine, s'admettait plus facilement et
nés, il n'y a plus que des enfants d'adoption. c'est ainsi du reste que nous le voyons agir
C'est ainsi que nous ne pouvions pas ai)peler toutes les fois que, par ses paroles ou par ses
Dieu notre Père, avant que l'eau régénératrice œuvres, il se déclare l'égal de son Père. C'est ce
n'eût lavé nos souillures, et quand nous avons que nous indique l'Evangéhste (Jean, v, 10) en
reparu après l'immersion, ayant déposé ce far- nous disant que les Juifs le blâmèrent non-sou-
deau, alors nous avons dit Is'otre Père quiètes: lement de ce qu'il avait violé le sabbat, mais tii-
aux deux. Mais pouripiui, à l'égard de l'autre core de ce (ju'il appelait Dieu son Père, se faisant
paralytique, n'en a-t-il pas agi de même et a- égal à Dieu, ce qui était bien plus grave : c'est
t-il commencé par guérir son corps? Parce (jue ce qu'il montrait moins par ses paroles que pai
lalongue durée de sa maladie avait expié ses pé- ses œuvres. Pourquoi donc ces méchants, rem-
chés une grande épreuve peut nous délivrer du
: plisde haine et d'envie, cherchent-ils partout
fardeau de nos iniquités de Lazare il est dit
: l'occasion de le confondre? Celui-ci blas-
qu'il a reçu les maux ici-bas et que dans le seir vltème, se disent-ils? Personne ne peut re-
d'Abraham il est dans la joie ; et ailleurs nous mettre péchés que Dieu seul. (Marc, n, 7.)
les
lisons : Consolez mon peuple., parlez au cœur Là, blâment d'avoir violé le sabbat, et
ils le

de Jérusalem^ lui disant qu'elle a reçu de la leurs accusations lui donnant occasion, pour
main du Seigneur le double de ses péchés. (Isaïe, se défendre, de se déclarer égal à son Père, il

XL, 1-2.) Et le Proi)hète dit encore : Seigneur., leur dit : Ce que mon Père fait, je le fais
donnez-nous la paix; car vous n'avez rien aussi. De même ici , leurs critiques lui sont
laissé impuni (Isaïe, xxvi, 12), montrant par là un montrer égal à son Père. Car
sujet de se
que les punitions et les cbàliments nous ob- que disent-ils? Personne ne peut remettre les
tiennent le pardon de nos péchés, vérité que péchés que Dieu seul. Us ont eux-mêmes tracé
bien des preuves nous démontrent. celte limite, assigné celle règle, dicté celle loi ;

Pour le paralyticjue de la piscine, Jésus- il va les convaincre par leurs propres paroles.
Christ ne lui a pas remis ses péchés, il l'a seu- Vous av(>z dit que c'était le propre de Dieu de
lement prémuni pour l'avenir, parce que, ce rcineltre les péchés : vous proclamez ainsi ma-
nie semble, ses péchés avaient déjà été pardon- nifestement l'égalité du Christ avec Dieu. Ils
nés en considération de sa longue maladie; ou, ne sont |)as du reste les seuls qui l'aient pro-
si ce n'est pas la le vrai motif, au moins dirai-je clamé; déjà le Prophète avait dit: Qui est Dieu
que, comme il n'avait pas une foi bien grande comme vous? puis il montre ce qui est pro|)re
au Christ, Jésus commença par un prodige à Dieu, en disant : Vous effacez les iniquités et
moindre, mais éclatant et visible, c'est-à-dire faites disparaître les injustices. (Mich. vu, 18.)
par lui rendre la santé du corps. Avec l'autre Si donc vous voyez quelqu'un qui fait la même
malade il n'agit pas de même; mais comme il chose, il est Dieu, Dieu comme le premier.
avait une foi phis grande, une âme plus élevée, Mais voyons comme le Christ les confond,
il lui parle d'abord d'une maladie plus grave, avec (lucUe ilouccur, quelle modestie, quelle
pour les motifs que j'ai indiqués et en outre charité Et voici que quelques-uns des scribes di-
!

pour se déclarer l'égal du Père en dignité. refit en eux-mêmes : celui-ci blasphème. (Matth.
De même qu'il ne guérit à Jérusalem un IX, 3.) Ils n'avaient pas prononcé une parole,
jour de sabbat que pour détourner les specla- pas dit un mot, mais leur critique était encore
leurs de robservauce judaïijue et afin que les ao cachée au fond de leur âme. Que fait le Christ ?
HOMÉLIE SUR LE PARALYTIQUE. 33

11 publiquement leurs pensées secrètes;


révèle qu'un miracle invisible. Aussi ne gnérit-il pas
avant de se montrer Dieu par la guérison du le malade avant de leur avoir dit Afi?i que :

paralytique, il veut par un autre moyen leur vous sachiez que le Fils de l'homme a le pou-
faire voir la puissance de sa divinité. Dieu voir sur la terre de remettre les péchés : Levez-
seul en efTet peut révéler les pensées secrètes : vous, dit-il alors au parahjtique, et marchez
Vous seul, dil le Prophète, connaissez les cœurs. (Matth. IX, C); comme s'il disait: Pardonner
Et voulez-vous voir que ce mot seul n'exclut It'S péchés est une merveille plus grande,

pas le Fils? Si le Père seul connaît les cœurs, mais à cause de vous j'en ajoute une moindre,
comment le Fils pourrait-il pénétrer le secret puis(iue vous regardez celle-ci comme preuve
des pensées? Or il est dit qu'il savait par lui- de celle-là. Dans une autre circonstance, il
même ce qu'il y avait dans l'homme (Jean, n, loua ces paroles du centurion : Dites seule-

25); et saint Paul, pour montrer que c'est le ment une parole et jyion serviteur sera guéri;
propre de Dieu de connaître les choses cachées car je dis à celui-ci: va, et il va, et à celui-là:
au fond de la pensée, dit Celui qui scrute les : viens, et il vient (Matth. viii, 8, 9.) Il le rassura
cœurs (Rom. vin, 27), montrant que c'est la par ses éloges; dans une autre circonstance
même chose que de scruter les cœurs ou de encore, il reprit les Juifs qui le critiquaient à
s'appeler Dieu. Quand je dis Celui qui fait pleu- propos du sabbat, lui reprochant de le violer,
voir, je ne désigne que Dieu, et cela par une de et il leur montra qu'il avait le pouvoir de
ses œuvres; quand je dis teliU qui fait lever le changer les lois; de môme en cette occasion,
so/«V, sans ajouter lemot Dieu, je n'en désigne lorsque les Juifs eurent dit il se fait égal à
:

pas moins Dieu par son œuvre de même : Dieu, il s'attribue ce qui n'appartient qu'au
quand saint Paul dit Celui qui scrute les cœurs, Père, il les blâme, les réprimande, leur mon-
ilmontre que ce ne peut être l'œuvre que de tre par ses œuvres qu'il ne blasphème point,
Dieu seul Car si cette péri phrase n'avait pas pour
. et ainsi il nous fournit une preuve irré-
nous désigner Dieu la même force que le mot cusable qu'il a la même i)uissance que son
propre, il ne l'eût pas employée seule. Si cet Père. Mais remarquez comment il veut état)lir
attribut lui était commun avec la créature, ce point fondamental que ce qui appartient au
nous ne saurions pas (jui il a voulu désigner; Père seul lui appartient aussi, à lui. H ne se
la confusion aurait régné dans l'esprit des au- contente pas de guérir le paralytitjue, il dit eu
diteurs. Afin donc de montrer que ce qui est même temps Afin que vous sachiez que le Fils
:

propre au Père, appartient aussi au Fils, et de l'homme a le pouvoir sur la terre de remet'
que par conséquent tous deux sont égaux, le tre les péchés; tant il met de soin et d'attention
Seigneur dit Pourquoi pensez-vous mal en vos
: à montrer qu'il a la même puissance que son
cœurs ? Lequel est le plus facile de dire : Vos Père.
péchés vous sont remis, ou de dire : Levez- 8. Tous ces enseignements, ceux que nous
vous et marchez? (Matth. ix, 4, 5.) avons reçus hier et avant-hier, retenons-les
7. Voici qu'il donne une seconde preuve que avec soin, prions pour qu'ils se gravent inalté-
les péchés sont remis. Il est bien plus grand rables dans nos âmes, apportons-y tous nos
de remettre les péchés que de guérir les cor[)S, efl'orts et attachons-nous sans cesse à ces le-
d'autant plus grand que l'âme est au-dessus çons. C'est ainsi que nous garderons ce que
du corps si la paralysie est une maladie du
: nous avons acquis déjà et que nous acquerrons
corps, le péché est une maladie de l'àme; plus encore; et si quelque chose nous échappe
mais si le premier miracle est plus grand, il parlasuite, une instruction assidue nous le fera
n'est pas visible le second est plus petit, mais
; recouvrer. Et non-seulement notre intelligence
il se voit. Jésus va se servir du plus petit |)our ne sera nourrie que de doctrines saines et
faire croire au plus grand, et afin de montrer pures mais nous surveillerons nos actions
,

que c'est par condescendance pour leur fai- avec plus de soin et nous pourrons achever la
blesse qu'il en agit ainsi, il dit Lequel est le : vie présente dans la joie et la paix. Car toutes
plus facile de dire : Vos péchés vous sont re- les souiVrances qui agitent notre âme se calme-
nds, ou de dire Levez-vous et marchez ? Pour-
: ront facilement puisque le Christ est là et que
quoi, Seigneur, passez-vous d'un pins grand celui qui l'approche avec foi obtient sans peine,
miracle à un plus petit? Parce qu'un miracle sa guérison. Sou tfiez- vous d'une faim conti-|
visible leur sera une démonstration plus claire nuelle, êtes-vous privé du nécessaire, êtes-vousi
Tome IV.
34 THADUCTION FKANÇAISË DE SAliNT JEAN CUllYSOSTOME.

quelquefois forcé de prendre voire repos avant sans trouble, sans abattement, parce que nous
d'avoir apaisé votre faim? Venez ici, entendez savons qu'il se réveillera; de même, lorsque
saint Paul, nous disant qu'il a vécu dans la faim, nous voyons quelqu'un mort, nous n'éprouvons
la soif, la nudité, non un jour, ni deux, ni trois, pas de trouble, pas d'abattement; ce sommeil,
mais toute sa en effet ce que signifient
vie (c'est pour être long, n'en est pas moins réellement un
ces paroles : Jusqu'à celte heure nous souffrons sommeil. Par ce mot de sommeil, il console les
la faim^ la soif^ la nudité). (I Cor. iv, H .) Vous fidèles affligés et répond aux accusations des
vous sentirez assez consolé en voyant dans mes infidèles. Si vous pleurez d'une douleur incon-
instructions que, si Dieu vous laisse souffrirdc la solable celui qui vous a quitté, vous ressemblez
faim, ce n'est pas qu'il vous haïsse ou qu'il vous à cet infidèle qui ne croit pas à la résurrection.
abandonne. Si c'était un effet de sa haine il ne C'est avec raison qu'il pleure puisqu'il ne trouve
l'aurait pas fait supporter à saint Paul, celui des dans l'avenir rien qui le rassure; mais pour
hommes qu'il chérit le plus : il n'agit ainsi que vous que tant de preuves ont dû convaincre de
par intérêt, par bienveillance, pour nous por- la réalité d'une vie future, pourquoi tomber
ter à une perfection plus grande. Votre corps dans le même découragement? C'est pour cela
est-il assiégé par la maladie et par mille autres qu'il dit ye ne veux pas que vous soyez dam
:

maux, vous serez consolé en voyant ces deux l'ignorance touchant ceux qui dorment, afin
paralytiques, et avec eux le grand, le noble que vous ne vous attristiez pas, comme font
disciple de saint Paul, qui vécut dans de conti- les autres qui n'ont pas d'espérance.
nuelles infirmités, à qui la maladie ne laissa Ce n'est pas seulement le Nouveau c'est ,

pas un instant de relâche, comme saint Paul encore l'Ancien Testament qui nous présentera
nous l'apprend par ces paroles Usez d'un peu : de douces consolations. En voyant Job après la
de vin, à cause de votre estomac et de vos fré- ruine de sa fortune, la perte de ses troupeaux,
quentes infirmités (I Cor. iv, 11), fré(iuentcs, la mort, non d'un, ni de deux, ni de trois de ses
nous dit-il. Votre honneur est-il attaque publi- enfants, mais de tous, enlevés à la fleur de
quement par calomnie, et ses attaques sont-
la l'âge, en le voyant, dis-je, montrer tuit de
elles assez vives pour agiter et tourmenter votre courage, fussiez-vous le i)lus pusillanime des
âme, venez et écoutez Vous êtes heureux, lors-
:
honnnes, il vous sera facile de maîtriser votre
que les hommes vous maudissent et dise7U fausse- douleur et de la supporter. Car, aous, vous
ment toute sorte de mal de vous; réjouisscz- avez assisté à la dernière maladie de votre en-
vous et tressaillez de joie, parce que voire fant, vous l'avez vu reposant sur son lit, vous
récompense est grande dans les deux (Mattli. v, avez entendu ses dernières paroles, recueilli
H, 12); et alors votre tristesse dis|)araîtra et son dernier soupir, formé ses yeux et sa bou-
vous serez comblés de joie licjouissez-vous et
:
che. Et ce patriarche ne vit pas l'agonie do ses
tressaillez, lorsqu'ils vous i)ijurieront. (Luc, vi, enfants, n'assista pas à leurs derniers instants;
22, 23.) Voilà comme il console ceux qui sont tous ils n'eurent qu'un niênie tombeau, leur
calomniés et voici comme il effraye les calom- l>ro|)ro maison, et sur la môme table ce tut \n\
niateurs Toute parole oiseuse que les homtiics
: mélange informe de tètx^s brisées, de sang ré-
auront prononcce,ils en rendront comptc[^\,x{\\\. junulu, de poutres, d'argile, de poussièrt», de
XH, 3G), qu'elle soit bonne ou mauvaise. A\oz- t'hairs broyées. Et pourtant après une si grande

vous perdu \otrc épouse, votre fils, un de vos éprouve, il ne se laisse aller ni aux gémisse-
parents, entendez saint Paul gémissant sur la monts, ni au désespoir; mais que dit-il? I^
vie présente, appelant de tous ses vœux la vie Seigneur m'a donné, le Seigneur m'a ôté, la
future, afnigé de se voir retenu ici-bas, et vous volonté du Seigneur s'est accomplie : que le
sentirez votre peine adoucie par ces mots : Je nom du Seigneur soit béni dans tous les siè-
ne veux pas, mes que vous soyez dans
frères, cles! (Job, I, 21.) Que ces paroles soient les nô-
l'igjiorance touchant ceux qui dorment, afin tresen toute circonstance; quelque malheur
que vous ne vous attristiez pas, com))ic font qui nous arrive, porto do biens, maladies,
tous les autres qui nont pas d'espcrance. éprouves, calomnies, affliction quelle qii'elle

(1 Thess. IV, 12.) 11 ne dit pas touchant ceux qui soit, disons toujours Le Seigneur m'a donné,
:

sont )no7'ts, mais ceux qui dorment, pour mon- le Seigneur néa ôté, la volonté du Seigneur

trer que la mort n'est ({u'uiisoiiinicil. Lors(|ue s'est (icconiplie; que le ?wm du Seigneur soit

iious voyons quelqu'un duriuir^ nous ac^Iojis Oini dans tous les siècles! Si telle est notre sa-
HOMÉLIE SUR LE PARALYTIQUE.

gesse, nous ne souffrirons aucun mal, quand ceux du ciel, témoin Job, témoins tes apôtreg
même nous endurerions mille tourments; qui, ayant méprisé pour Dieu les maux d'ici-bas,
mais le gain nous sera plus grand que la perte, jouissent des biens éternels. Résignation donci
les biens que les maux par ces paroles nous
;
en tout événement réjouissons-nous, rendons
nous rendrons Dieu propice et nous éloigne- grâce à là bonté de Dieu , afin que nous pas-
rons notre ennemi car, aussitôt que ces pa-
: sions dans la paix la vie présente et que nous
roles sont prononcées, le démon s'enfuit, et, obtenions les biens futurs, par la grâce et la
quand il nuage de tristesse se
s'enfuit, tout charité de Notre-Seigneur Jésus-Christ, à qui
dissipe, et en même temps toutes les pensées soit gloire, honneur, puissance à jamais, main-
qui vous affligent s'évanouissent, et, en outre, tenant et toujours et dans les siècles des sièclei.
vous vous assurez et les biens de la terre et Ainsi soit-il.
HOMÉLIES

SCR L'INSCRIPTION DES ACTES.

PREMIÈRE HOMÉLIE.

* ceux qui onl dêseilS l'assemblée saiale; — qu'il ne faut pas passer légèrement sur les titres des Saintes Ecritures;

sur l'inscription de l'autel ;


— Aux nouveaux baptisés.

AVERTISSEMENT & ANALYSE.

Saint Chrysostome prononça cinq homélies sui ce sujet ; la première traite du litre du livre, la seconde de l'auteur , la troisième
du commencement du livre et de la diflérence entre un acte et un miracle, la quatrième, de l'utilité de la lecture des saintes
Ecritures; la cinquième de la raison pour laquelle on lit les Actes des Apôlres à la Pentecôte. La seconde ne nous estf parvenue

que défigurée d'interpolations indignes de notre grand orateur ; c'est pourquoi l'éditeur bénédictin l'a renvoyée à la fiji de son
troisième volume.
Dans la trente-troisième homélie sur la Genèse, saint Chrysostome reprenant, après une assez longue interruption , ce commentaire
qu'il avait poursuivi durant tout le carême précédent et expliquant à ses auditeurs quels sujets l'avaient obligé d'interrompre le cours
de ses homélies sur la Genèse, s'exprime ainsi : Sur cette taùle ae la doctrine, il fallait servir des mets appropriés aux temps;
et c'est pourquoi, quand est venu le jour de la Trahison et de la Passion, interrompant la série de nos instructions, et
nous accommodant aux nécessités du moment, nous avons tire' le glaive de la parole contre le Traître ; ensuite nous
avons dit quelques mots sur la croix ; puis l'aurore du jour de la résurrection est venue nous avertir d'entretenir voire
chanté de la résurrection du Seigneur ; les jours suivants il convenait de démontrer lu vérité de la résurrection par les
miracles qui ont eu lieu après ; enfin nous avons pris les Actes des Apôlres et nous en avons tiré plusieurs repas spirituels
pour vos âmes; en même temps nous avons donné plusieurs avertissements aux nouveaux baptisés.
Vous voyez là, dit l'éditear bénédictin , une longue série d'homélies cependant, chose étonnante on ne trouve pas dans toute»
; ,

ces homélies un seul mot qui permette de calculer exactement l'année à laquelle elles appartiennent. Stilting les rapporte à
l'année 388. Observons encore que le» homélies sur les Actes des Apôtres dont il est ([uestion dans le passage précédent sont
bien nos cinq homélies sur le commencement des Actes, qu'il n'y a pas moyen de les confondre avec le long commentaire sur
tout le livre des Actes, commentaire qui fut fait à Constantiuople, tandis que les homélies que l'on va lire ont été prononcées à
Antioche lorsque le saint Docteur n'était encore que prêtre, ainsi que toute la série annuelle dont elles font partie.

1» L'orateur se plaint de ce que l'église, toute remplie dimanche précédent, était déjà presque déserte, et surtout de ce qu'on
le

y voyait peu de personnes riches. Il préfère le petit nombre de pauvres qui assistaient ce jour-là à son sermon. Sortie contre
les spectacles. —2° L'abus des richesses est condamnable et non les richesses elles-mêmes. Ceux qui manquent aux offices
,

de l'Eglise sont pires que les Juif». —


3" 11 ne faut pas né^iliger les titres mêmes de l'Ecriture, puisque saint Paul, étant à
Athènes, se servit si avantageusement de l'inscription d'un anlel profane. Pourquoi donc ce titre Les Actes des Apôtres? :

4« Saint Paul a combattu le paganisme de la même manière que David a combattu le géant philistin. 5<» Quel est le vrai —
néophyte.

1. Eh plus nous avançons dans la série


quoi ! sommes supérieurs par la charité nous som- ;

des moins nos réunions sont fréquentées


fêtes, ! mes moins nombreux mais on verra quels ,

Oh ne nous relâchons pas nous du moins


1 , sont les chrétiens éprouvés, nous saurons ceux
qui sommes venus; si l'Eglise a moins de qui n'assistent à nos fêtes annuelles que par
monde aujourd'hui , elle n'a rien perdu quant habitude et ceux au contraire qui y sont attirés
au zèle : inférieurs par le nombre , nous par le désir d'entendre la parole de Dieu, da
^8 TRADUCTION FRANÇAISE DE SAINT JEAN CIIRYSOSTOME.

recevoir des leçons de vertu. Dimanche der- leur patrie, ils avaient pour patrie la Jéru-
nier, loule la ville était ici, les galeries étaient salem d'en- haut. Ils ont vécu dans la pau-
remplies de monde et ressemblaient aux flots vreté? mais leur vertu les faisait riches. Les
ondulants de la mer mais, pour moi, ces
;
flots hommes les haïssaient? mais Dieu les aimait.
me moins de plaisir que le calme actuel,
font Qui sont-ils? Elie, Elisée et ceux qui les ont
je préfère au bruit et au tumulte la tranquil- imités. Ce qu'il faut considérer, c'est non pas
lité d'aujourd'hui. Celaient des corps que nous qu'ils manijuèrent des aliments nécessaires,
comptions alors, aujourd'hui ce sont des âmes mais que la bouche d'Elie ferma et ouvrit le
remplies de piété. Si on voulait peser dans la ciel, et que son manteau arrêta le cours du

balance ces deux assemblées, l'une peu nom- Jourdain.


breuse et presque entièrement composée de Quand je pense à toutes ces choses, je me
pauvres, l'autre nombreuse et presque entiè- réjouis et je m'afflige. Je me réjouis à cause de
rement composée de riches, peut-être trouve- vous qui êtes présents, je m'afflige à cause de
rait-on que la vôtre l'emporte. Inférieurs en ceux qui sont absents oh oui, je m'afflige, je
; !

nombre vous , l'emportez en vertu ; la même suis plongé dans la douleur, j'ai le cœur brisé.
chose se reproduit du reste quand on pèse des Qui serait assez insensible pour ne pas souffrir
objets matériels. Mettez dans un des plateaux en voyant que l'on met plus de zèle au service
d'une balance dix statères d'or et dans l'autre du démon qu'au service de Dieu ? Pour y
cent statères d'airain, ceux-ci entraîneront la vm zèle égal, on est déjà indigne de
apporter
balance avec eux, et cependant les dix statères pardon et d'indulgence mais lorsque nous en
:

d'or l'emportent par leur matière bien plus mettons plus, conunent pourrons-nous nous
précieuse; ils ont plus de poids et de valeur, défendre? Les théâtres nous appellent chaque
si vous tenez compte de la substance. Ainsi, jour, et pour eux on ne connaît plus ni paresse
quoique inférieurs par le nombre, nous pou- ni lenteur, on ne prétexte plus la multitude
vons être plus précieux et plus utiles que de des affaires mais tous y courent comme affran-
;

grandes multitudes. Mais pourquoi emprunter chis et délivrés de tout souci le vieillard ne ;

des comparaisons aux usages ordinaires de la pense plus à ses cheveux blancs, le jeune
vie, lorsque je puis apporter le témoignage homme à la fougue de son âge et de ses pas-
même de Dieu? Voyons ce qu'il dit Un seul : sions, le riche au respect qu'il doit à son éléva-
juste qui accomplit la volo7ité de Dieu vaut tion mais faut-il venir à l'église, alors, comme
;

mieux que mille prévaricateurs. (Eccl. xvi, 3.) Il descendre d'une haute position, d'une
s'il fallait

y a, ohl oui, il y a bien des hommes qui valent sublime dignité, on ne ressent que répugnance
mieux que mille autres, et que mieux
dis-je? cl torpeur, et on s'en fait ensuite un mérite,
que mille autres; je devrais dire mieux que la comme si rendu service à Dieu; et
l'on avait
terre entière ; car ils sont plus précieux et plus quand il faut courir au théâtre, entendre des
nécessaires. J'en atteste saint Paul et je produis paroles impures et voir des spectacles lascifs,
son témoignage. Parlant d'hommes misérables, on ne pense pas à la honte dont on couvre et
traqués partout, tourniontés, persécutés, voici sa personne et ses richesses et sa noblesse. Je
ce qu'il dit : Ils ont couru ça et là revêtus de voudrais savoir où sont maintenant ceux qui
peaux de brebis et de peaux de chèvres, dans le étaient venus nous troubler dimanche der-
besoin^ dans V angoisse, dans l' affliction, eux nier, car n'étiiit-ce pas une cause de trouble
dont le monde n'était pas digne. (Ilébr. xi, 37, que leur seule présence? je voudrais savoir ce
38.) Eh quoi 1 ces hommes accablés par le be- qu'ils font, quelle occupation plus utile que la
soin, l'angoisse, l'affliction, ces hommes qui nôtre les retient. Ce ne sont pas les affaires,
n'avaient |)lus de patrie, le monde n'en était pas c'est l'orgueil qui les relient. Qu'y a-t-il de
digne? Mais voyez ce (jue vous comparez je le 1 plus insensé que cette conduite? Pourquoi,
vois, dit-il, et c'est pouniuoi je dis que le monde 6 homme, t'enorgueillis-tu? pourquoi penses-
n'en est pas digne car je connais fort bien la va-
; tu nous faire mie grâce quand tu viens ici
leur de ces pièces (le moiuiaie. Prenez la terre, et que tu écoutes les vérité»; qui pourraient
lamer, les rois, les éparques, en un mot tous les sauver ton âme ? Dis-moi donc pourquoi
honnnes, et mettez-les en face de deux ou trois tu es si fier? A cause de tes richesses, peut-
de ces pauvres, je dirai sans crainte que ces être de tes habits de soie? Mais ne sont-ce
pauvres l'enrportenl. S'ils étaient bannis de pas des vers qui les ont lilés et des barbares
SUR L'IiNSCRIPTîON DES ACTES. — PREMIÈRE HOMÉLIE. 3è

qui les ont apportés? El ceux (jiii s'en servent, viendrait pas te troubler, un fermier Tinler-
ne sont-cc pas des coiirlisancs, des débauehés, peller, un esclave l'embarrasser de soins ter-
des effractcurs do tombeaux, des brigands? restres, un autre te mécontenter tu ; goûterais
Appréeie tes richesses à leur juste valeur et en paix la parole divine. Ici, [loinl d'agita-
que superbes
quitte ces pensées aussi vaines ;
tions, point de tempêtes, rien que bénédiction,
vois la bassesse de ta nature. Tu n'es que que prières, que leçons de la vie spirituelle,
terre et poussière, une cendre, une fumée, qu'aspirations vers le ciel, et lu ne sortirais
une ombre, un brin d'herbe, une fleur de d'ici qu'après avoir reçu le gage de ta royauté
ce brin d'herbe. Et c'est là ce qui t'enivre céleste. Pourquoi donc, délaissant celte riche
d'orgueil, dis-moi? Et quoi de plus ridicule 1 table, cours-tu vers une table funeste? Pour-
Tu commandes à un grand nombre d'hommes ? quoi échanges-tu la tranquillité du port contre
Et quel avantage de commander à des hommes le tumulte de la tempête? Que des pauvres qui

et d'être le sujet et l'esclave de tes passions? étaient venus dimanche dernier soient absents
Ne ressembles-tu pas à cet homme qui, dans aujourd'hui, cela m'effraye mais qu'il n'y ait ;

sa maison, aurait reçu de ses esclaves des pas de riches, cela m'effraye plus encore. Pour-
coups et des blessures et qui, en public, n'en quoi ? parce que les pauvres ont des occupa-
serait pas moins fier de commander aux autres? tions nécessaires, le souci du travail quotidien
La vaine gloire te blesse, la luxure le frappe, et de la nourriture qui ne leur peut venir que
tu es l'esclave de tes passions et tu te vantes de là ; ils pensent à la nourriture de leurs en-
de dominer sur tes semblables Plût au ciel ! fants, de leurs femmes s'ils ne travaillent, ils
;

que tu domptasses les unes et que tu fusses ne peuvent vivre. Ce n'est pas que je les ex-
de même rang que les autres 1 cuse, mais je veux montrer que les riches sont
Ce n'est pas contre les riches que je parle,
2. plus coupables. Moins ils ont de souci, plus
mais contre ceux qui use: t mal de leurs ri- leur châtiment sera terrible ils n'ont rien qui ;

Ce n'est pas un ir.il que la richesse,


chesses. les retienne.
pourvu que nous nous eu servions pour le Voyez-vous les Juifs, ces hommes rebelles
bien ; le mal. c'est la vanité, c'est l'arrogance. contre Dieu, ces hommes qui résistent au
Si les richesses étaient un mal, nous ne Saint-Esprit, ces hommes intraitables? Eh
désirerions pas nous reposer dans le sein bien ! ceux qui n'assistent pas à nos assemblées
d'Abraham, d'Abraham qui eut trois cent dix- sont pires qu'eux. Les Juifs, si leurs prêtres
huit esclaves nés dans sa maison. Les richesses leur ordonnaient de cesser tout travail pen-
ne sont donc pas un mal le mal c'est leur ; , dant sept, dix, vingt, trente jours, obéiraient
usage illégitime. De même qu'en parlant der- sans résistance et pourtant qu'y a-t-il de plus
;

nièrement de l'ivresse, je n'ai pas parlé contre gênant que leur repos? Ils ferment leur porte,
le vin, puisque tout ce que Dieu a créé est n'allument pas de feu, ne transportent pas
bon que loin de rien rejeter, nous devons
, , d'eau, s'abstiennent de toutes les occupations
tout recevoir avec reconnaissance, de même ordinaires de la vie; ce repos est une véri-
aujourd'hui je ne parle pas contre les biens, table captivité, et ils s'y soumettent sans mur-
contre les richesses, mais contre leur mauvais mure. Et moi, je ne vous dis pas: cessez
emploi, contre les richesses dépensées pour tout travail pendant sept jours, dix jours;
notre perte. Nous les appelons biens, -/.prljAaTa, mais donnez-moi deux heures de ce jour et
parce que nous devons nous servir d'elles, yj^r.rs- gardez le reste, et vous ne m'accordez pas
6*c, non elles de nous nous les appelons pos-
et ; même cette faible part! Ou plutôt, ce n'est pas
sessions, non afin qu'elles nous possèdent, mais pour moi que je demande ces deux heures,
afin que nous les possédions. Pourquoi faire de c'est pour vous, afin que vous veniez vous
l'esclave le maître? Pourquoi renverser l'ordre consoler en récitant ces prières que vos
des choses? pères ont récitées avant vous, afin que vous
Mais je voudrais savoir ce que font ceux qui ne vous retiriez que comblés de bénédic-
ont abandonné nos assemblées et à quoi ils tions, afin que vous sortiez d'ici l'âme en paix,
s'occupent. Ils jouent ou ils sont tout entiers afin que revêtus des armes spirituelles, vous
aux choses de la vie, choses qui n'amènent deveniez invincibles et indomptables à l'enfer.
après elles que le trouble. Ici, ô homme, tu Qu'y a-t-il de plus doux, dites-moi, que de
serais dans le calme du port ; un intendant ne rester ici? S'il fallait y passer les jours entiers,
40 TRADUCTION FRANÇAISE DE SAINT JEAN CHRYSOSTOME.

quoi de plus beau ? Quoi de plus sûr que ce Actes des Apôtres. C'est pourquoi j'ai dit une
lieu où sont déjà tant de nos frères, où est le nourriture nouvelle. Elle n'est pas nouvelle ce-
Saint-Esprit, où se trouve Jésus et son Père? pendant. Elle n'est pas nouvelle puisque c'est

Où trouverez-vous une semblable société, un la suite des saintes Ecritures ; elle est nouvelle,
semblable conseil, une pareille assemblée? parce que vous n'y êtes pas accoutumés car :

Quoi ! tant de délices à la sainte Table, dans les beaucoup ne connaissent pas même ce livre, et
bénédictions, dans les prières, dans la seule beaucoup le méprisent parce (juils le trouvent
réunion de tant de frères, et vous chercbez trop simple ainsi les uns le négligent parce
:

d'autres occupations! Quelle indulgence méri- qu'ils le connaissent, les autres parce (pj'ils ne
tez-vous? Ce n'est {)as pour vous que je dis ces le connaissent pas. Aussi pour apprendre, et à
choses; vous n'avez jtas besoin de remèdes, ceux qui ne le connaissent pas et à ceux qui
vous qui par vos actes prouvez votre santé, croient le connaître, qu'il renferme bien des
vous dont l'obéissance et la charité nous sont pensées profondes, il nous faut attaquer au-
si connues mais c'est à vous que je parle afin
; jourd'hui leur négligence. Il faut d'abord leur
que les absents entendent par vous. Ne dites apprendre quel est l'auteur de ce livre. C'est là

pas seulement que j'ai blâmé les absents, mais une méthode excellente de voir d'abord qui a
rapportez-leur toutmon discours depuis le com- écrit le livre, si c'est un homme ou si c'est

mencement. Rappelez-leur les Juifs, rappelez- Dieu. Si c'est un homme nous rejetterons son
leur ce que sont les choses de la vie dites-leur ; œu>Te : N'appelez personne votre maître sur
«ombien il est doux de faire partie de nos réu- la terre (Matth. xxui, 8) si c'est Dieu, nous le
;

nions, combien ils sont zélés pour les choses recevrons haut que vient notre doc-
; c'est d'en
périssables, combien l'assiduité aux réunions trine telle est en efTet notre dignité, que nous
:

de ré^ilise assure de belles récompenses. Si ne recevons rien des hommes, mais tout de
vous dites seulement que j'ai blâmé, vous Dieu par le moyen des hommes.
excitez la colère, vous ouvrez une blessure Recherchons donc qui a écrit ce livre, à quelle
sans y porter le baume mais si vous leur ; époque, sur quelle matière et pourquoi il nous
apprenez que j'ai accusé non comme un en- a été ordonné de le lire en cette fête la seule ,

nemi, mais comme un ami dans la douleur, si fois peut-être que vous l'entendiez lire de toute

vous leur faites comprendre que les blessures l'année; celte question a aussi son importance;
des amis sont préférables aux baisers spontanés nous rechercherons ensuite pourquoi il est
des ennemis [Vyo\. xxvu, 6), ils écouteront sans intitulé : Actes des Apôtres. Car il ne nous
peine mon accusation ; ils regarderont, non à faut pas passer légèrement sur les titres, r\
mes pauples, mais à mon intention. nous jeter de suite sin* le commencement du
C'est ainsi (pievous guérirez vos frères; je livre , mais en examiner l'inscription. De
rendrai compte de votre sahil, vous qui êtes même (ju'en nous la tète fait connaître mieux
présents, et vous, du salut des absents. Je ne le reste du corps et que la vue de la partie
puis leur parler par moi-même, je leur parle- supérieure le manifeste davantage, ainsi le

rai par vous, par votre charité éclairée : que titre placé à la tête d'un livre, avant le texte,
votre zèle me soit comme un pont pour arriver rend plus clair tout ee (jui suit. Ne voyez-vous
jus(|u'à eux que par votre bouche mes paroles
;
pas (pie dans les tableaux qui représentent les
parviennent jusipi'à leurs oreilles. Peut-être rois, à la partie supérieure se trouve le portrait

ce (pie j'ai <lit siitlira-t-il et ne faudia-l-il rien du monarque avec son nom, et plus bas ses
ajouter; j'en pourrais dire plus; mais afin de trophées, ses victoires, ses belles actions? Il en
ne pas eni|)loyertoutlc temps à blâmer, ce qui est de même
des Ecritures. Le portrait du roi
vous est iiuiliicà vonscpii êtes présents, je vais se trouve en haut, et plus bas vous voyez ses
vous ait|tort(>r eoimnt' nue nourriture nou- trophées, ses victoires, ses helles actions. Nous
velle et étrangère; nouvelle et étrangère, non faisons de même lorsipie nous recevons une
pas (piant à la doctrine en elle-même, mais lettre avant de dénouer l'attache et de lire le
;

nouvelle encore |)our vos oreilles. contenu, nous parcourons la suscription qui se
3. J'ai expli(pié, les jours précédents, quel- trouve au dehors pour savoir de suite (pu a
ques paroles «les apôtres et des évangélistes, écrit et qui doit recevoir la lettre. Et ne serait-

en vous i)arlant de Judas, quelques-unes aussi ce pas une inconsi^qucnce que d'en user ainsi

des prophètes aujouid'hui je veux parler des


: dans les choses ordinaires de la vie , de faire
SUR L'INSCRIPTION DES ACTES. - PREMIÈRE HOMÉLIE. 41

chaque chose en son temps, sans s'agiter, sans côté de saint Paul contre les Athéniens, et non
se troubler, et au contraire, quand il s'agit des du côté des Athéniens contre saint Paul. C'était
Ecritures, de se jeter de suite sur le commen- un pour les Athéniens, une épéc pour
glaive
cement? Voulez-vous savoir quelle est l'utilité les ennemis que cette inscription; mais le
d'un titre, sa valeur, sa force, surtout dans la glaive même des ennemis servit à leur tran-
sainte Ecriture? Ecoutez et apprenez à ne pas cher la tête. Il eût été moins étonnant qu'il les
rejeter dédaigneusement le titre des saints eût abattus avec ses propres armes, parce que
Livres. Un jour saint Paul entra à Athènes (c'est ainsi se passent ordinairement les choses. Ce
le livre même dont nous conuuençons l'expli- qu'il y a d'étrange et d'insolite, c'est qu'il
cation (iui rapporte ce fait) il trouva dans la : tourne contre les ennemis les armes dont ils se
ville non un livre divin, mais un autel d'idoles, servaient ;
qu'il les blesse à mort avec l'épée
avec celte inscription Au Dieu inconnu; : qu'ils portaient contre nous.
et loin de rejeter ce titre , il s'en servit 4. Telle est la puissance du Saint-Esprit ;

pour renverser Paul


l'autel. Paul le saint, c'est que David
ainsi fit autrefois; il sortit
rempli de la grâce du Saint-Esprit, ne méprisa sans armes, afin que la grâce du Saint-P^sprit
pas l'inscription de l'autel, et vous, vous re- parût tout entière : car, dit-il, qu'il n'y ail rien
gardez avec indifl'érence le titre des Livres di- d'humain là où Dieu combat [tour nous. Il
vins Paul s'empare de ce qu'avaient écrit les
! marcha donc sans armes et il abattit ce géant.
Athéniensidolàtres, et vous, vous ne regardez pas Puis, comme il n'avait pas d'armes, il courut,
comme nécessaire ce qu'a écrit l'Esprit-Saint ! saisit l'épée de Goliath et coupa la tête du bar-
Mais quelle excuse trouverez-vous ? Voyons bare. Saint Paulfit de même avec l'inscription

quel avantage il a su tirer de cette inscription, de Et pour que vous sachiez bien com-
l'autel.
et (juand vous aurez vu tout ce (lu'elle renfer- ment a été remportée cette \ictoire, je vous
n)ait, vous apprendrez à estimer bien plus les montrerai la puissance de celle inscription
titres des saints Livres. Saint Paul entra dans Saint Paul trouva donc à Athènes un autel où
la ville, y trouva un autel qui avait pour
il il était écrit Au
Dieu inconnu. Quel était ce
inscription Au Dieic inconnu. Que faire?
: Dieu inconnu, sinon le Christ? Voyez-vous
Tous étaient païens, tous impies. Que faire? coîrment il s'empare de cotte inscription, non
S'appuyer dans son discours sur l'Evangile 1 pour la ruine de ceux qui l'avaient écrite, mais
Mais ils s'en seraient mo(jués. Sur les [)ropliètes pour leur bien et leur salut? Quoi donc les 1

et les commandements de la loi? Mais ils n'y Athéniens avaient mis celle inscription pour
auraient pas cru. Que fait-il alors? 11 a recours le Christ 1 —
S'ils l'avaient mise pour le Christ,
à l'autel et va chercher parmi les ennemis des il n'y aurait ici rien d'étonnant ce qui m'é- ,

armes contre eux-mêmes. C'est bien là ce qu'il tonne, c'est qu'ils l'ont écrite pour une fin et
dit Je me suis fait tout à tous., je me suis
: que saint Paul a pu la faire servir à une autre.
fait comme Juif avec les Juifs., avec ceux qui 11 me faut d'abord dire pourquoi les Athéniens

étaient saîis loi comme si f eusse été sans loi. avaient écrit Au Dieu inconnu. Pourquoi
;

(1 Cor. IX, 21.) 11 vit l'autel, il vit l'inscription, l'avaient-ils écrit ? Ils avaient beaucoup de
il se leva sous l'inspiration du Saint-Esprit. dieux, ou plutôt de démons car tous les dieux :

Car telle est la grâce du Saint-Esprit : pour des nations sont des démons. (Ps. xcv, 5.) Ils
ceux qui l'ont reçue, tout devient une occasion en avaient d'indigènes et d'étrangers. Vous
de gain; telles sont nos armes spirituelles: voyez quelle dérision Si c'est un dieu, il n'est
!

Réduisant en servitude, dit-il, toute intellir/ence pas étranger, car il est maître de la terre tout
sous r obéissance du Christ. (11 Cor. x, 5.) Il voit entière. Les uns, ils les avaient reçus de leurs
l'autel et, loin de craindre, il s'en empare : ou pères, les autres des nations voisines , des
plutôt il laisse là l'inscription matérielle et en Scythes, des Thraces, des Egyptiens. Si vous
saisit le sens. Si, dans une bataille, un général étiez instruitsde la science profane, je pourrais
voyant dans l'armée ennemie un vaillant soldat, vous raconter toutes ces histoires. Mais comme
le prenait par la tête l'attirait dans ses rangs
, loin d'exister tous dès le principe, ces dieux
et le combattre pour lui
faisait il agirait , n'avaient été introduits que peu à peu, ceux-ci
comme saint Paul voyant en effet que cette
; dans l'antiquité, ceux-là tout récemment, les
inscription était, pour ainsi dire, dans les rangs Athéniens se rassemblèrent et se dirent les
ennemis, il l'attira à lui de sorte qu'elle fut du uns aux autres En voici que nous ignorions
:
42 TRADUCTION FRANÇAISE DE SAINT JEAN CHRYSOSTOME.

d'abord, que nous n'avons appris que bien tard trouverez hors du texte sacré bien des choses
à connaître et à adorer. Mais y en a un autre il utiles. Celui qui sait amasser trouve toujours
que nous ignorons, qui est vraiment Dieu, mais à gagner ; celui qui ne le sait pas, trouvât-il
que nous ne connaissons pas cette ignorance ; un trésor, n'aura jamais rien.
est cause que nous le négligeons et que nous ne Voulez-vous un autre exem])le d'une parole
l'adorons pas. Que faire pour lui rendre nos prononcée pour une fin, mais dont lEvangé-
devoirs? Alors ils lui élevèrent un autel et y liste s'est servi pour une fin bien différente?
placèrent pour inscription : Au Dieu inconnu, Ecoutez avec attention, vous verrez que lui et

afin que, s'il y a un Dieu, dirent-ils, que nous aussi a réduit toute intelligence sous l'obéis-
ne connaissions pas encore, nous le servions sance du Christ (Il Cor. x, 5), et que si nous pou-
C£-pendant. Voyez quel excès de superstition t vons ainsi réduire en captivité ce qui est en de-
Aussi saint Paul leur dit dès l'abord Athéniens^ : hors de nous, à plus forte raison pouvons-nous le
je vous vois, en toutes choses, religieux, mais faire, et plus complètement encore, pour ce qui

jusqu'à Vexcès. (Act. xvii, 22.) Vous honorez est en nous. Caïphe était le grand prêtre de cette
non-seulement les dieux que vous connaissez, année-là. C'était là une coutume introduite par
mais même ceux que vous ne connaissez pas la corruption des Juifsils déshonoraient jus- ;

encore. Voilà pour quelle raison ils avaient qu'au sacerdoce et rendaient vénale la dignité
écrit au Dieu i?îconnu, et saint Paul l'inter- de grand prêtre. Autrefois, il n'en était pas
prète autrement. Ils l'avaient écrit des autres ainsi la mort seule mettait un terme au sou-
:

faux dieux, saint Paul l'interprète du Christ, verain pontificat mais en ces temps plus mo-
;

s'em parant de leur pensée et la tournant contre dernes, ils étaient privés de leur charge, même
eux Celui que vous adorez sans le connaître,
: pendant leur vie. Caïphe donc, grand prêtre
je vous l'annonce (Act. xvii, 28), dit-il car ce , pour cette année-là, excitait les Juifs contre le
Dieu inconnu n'est autre que le Christ. Et Christ et leur disait 11 faut qu'il meure, et:

voyez la prudence de l'Apôtre II n'ignorait pas 1 pourtant il n'avait rien à lui reprocher; seule-
que les Athéniens l'accuseraient de leur faire ment l'envie le rongeait. Voilà le caractère de
entendre des dogmes étrangers, de leur appor- celte passion, voilà comme récompense les
elle

ter des nouveautés, de leur présenter un Dieu bienfaits. Aussi quel prétexte pouvait-il donner
qu'ils ne connaissaient pas. Pour réfuter d'a- à ses accusations?// est avantageux qu'un seul
vance cette accusation de nouveauté et montrer homme meure et que toute la nation ne périsse
que, loin de prêcher un Dieu étranger, il an- pas. (Jean, u, 50.) Et voyez comment toute la

nonce Celui qu'ils ont prévenu de leurs hon- force de cette parole tourne à notre avantage !

neurs, il poursuit et il dit Celui que vous


: Celte parole qui sortait de la bouche du grand
adorez sans le connaître, moi je vous Van- prêtre était susceptible d'un sens spirituel qu'il
nonce : vous m'avez devancé, leur dit-il vos ;
ne comprenait pas. // est avantageux qu'un
adorations ont prévenu ma prédication. Ne dites seul hojnmc meure, et que toute la nation ne
donc pas que j'apporte un nouveau dieu j'an- ;
périsse pas. Or il ne dit pas cela de lui-même ,

nonce Celui que, sans le connaître, vous hono- ajoute saint Jean, mais, pontife de cette année-
riez déjà non d'une manière digne de lui,
,
là, il prophétisa que le Christ devait mourir,
il est vrai mais enfin que vous honoriez. Au
,
non-seulement pour les Juifs, mais pour toute
Christ , ce n'est pas cet autel qu'il faut dresser, la nation , c'est-à-dire pour toute la race des
mais un autel vivant et spirituel de celui- :
hommes; c'est pour cela qu'il dit
avan- : // est

là cependant je puis vous conduire à celui-ci. tageux qu'un seul homme mct/re et que la na-
Autrefois les Juifs servaient Dieu comme vous; tio)i ne périsse pas tout entière. Voyez -vous

mais ils ont abandonné du corps pour


le culte la puissance de Dieu et comme il force la ,

passer à celui de l'ànie, ceux du moins (jui se langue de ses ennemis à rendre témoignage
sont convertis. Voyez-vous la sagesse de Paul, à la véri té ?
sa prudence? Voyez-vous comnioul il les con- Vous ne devez donc pas négliger les titres
r>.

fond, non pas en s'appuyant sur l'Evangile, ni des divines Ecritures ce que j'ai dit suffira si
;

sur les prophètes, mais sur leur inscription? vous le gravez dans vos mémoires. J'aurais
Ainsi, mes chers frères, ne pa«?tv, pas légère- voulu vous faire voir encore qui a composé ce
ment sur le titre des Livres divins. Pour peu livre, quand et pourquoi il l'a été mais bor- ;

que vous soyez attentifs et apiili(iués, vous nons-nous à la question que nous avons traitée
SUR L'INSCRIPTION DES ACTES. - PREMIÈRE HOMÉLIE. 43

etremettons le reste à l'instruction prochaine, gardera intacte sa jeunesse. Voyez-vous ces as-
si Dieu le permet. Car je désire m'adresser tres suspendus aux cieux? Ils brillent depuis
maintenant aux néophytes. J'appelle néo- six mille ans déjà, et aucun d'eux n'a vu di-
phytes, ceux qui ont été baptisés non-seu- , minuer son éclat. Si la nature est assez puis-
lement il y a deux, trois, dix jours, mais sante pour conserver la lumière sans altéra-
ceux qui l'ont été il y a un an ou plus, ce tion, la volonté ne pourra-t-elle pas à plus forte
nom leur doit convenir encore s'ils montrent raison la faire subsister dans toute son intégrité
un {^rand soin de leur àme ; ils peuvent, après et telle qu'elle a brillé dès le commencement?
dix ans, s'appeler néophytes s'ils gardent la Ou plutôt, non-seulement, nous voulons, si

tleur de jeunesse que leur a donnée le bap- elle gardera son premier éclat, mais elle de-
tême. Qu'est-ce qui fait le néophyte? Ce n'est viendra de plus en plus brillante jusqu'à riva-
pas le temps, mais la pureté des mœurs. Celui liser avec les rayons du soleil. Voulez-vous
qui u'y donne pas ses soins peut, au bout de savoir comment on peut, après bien des an-
deux jours, perdre son nom et sa dignité. Je nées, être encore néophyte? Ecoutez saint
vous montrerai, par un exemple, comment un Paul s'adressant à des chrétiens, baptisés
néophyte perd, au bout de deux jours, la grâce depuis longtemps Vous brillez comme des
:

et l'honneur qu'il a reçus. Je vous en donne un astres dans le monde, gardant la parole de vie
exemple pour que, voyant la chute d'un autre, pour ma gloire. (Philip, ii, 15, 16.) Vous avez
vous vous affermissiez dans le salut. Car si la dépouillé le vêtement antique et lacéré , vous
vue de ceux qui restent fermes nous est un avez été parfumés d'un parfum spirituel, tous,
encouragement, la vue de ceux qui tombent vous êtes devenus libres que personne ne re- ;

doit aussi nous préserver de toute chute, de tombe dans la servitude d'autrefois c'est pour :

tout mal. Simon le Magicien s'était converti l'éviter qu'il faut la combat. guerre et le
et, après avoirreçu le baptême, il s'était atta- Aucun esclave n'est admis à combattre ,
ché à Philippe dont il voyait les miracles ; aucun n'est soldat si on en découvre un dans
;

mais peu de jours s'étaient écoulés qu'il re- l'armée, on le châtie et on le raye de la liste des
tombait dans ses vices, voulant acheter à prix combattants. Ce n'est pas seulement dans notre
d'argent la grâce de Dieu. Aussi que dit saint milice qu'il en est ainsi, mais même aux jeux
Pierre à ce néophyte ? Je vois que tu es dans d'Olympie. Car après avoir passé dans cette
un fiel d'amertume
dans des liens d'iniquité;
et ville trente jours , on vous conduit aux portes,
aussi prie Dieu, et peut-être que ce péché te sera et là, quand hé-
les spectateurs sont assis, le
pardonné. (Act. vin, 23.) Il n'a pas encore com- raut crie : quelque grief contre ce
S'élève-t-il
battu et déjà il est tombé dans une faute im- lutteur? et, quand tout soupçon sur sa liberté
pardonnable. Or de même qu'on peut au bout est ainsi dissipé, alors on le conduit dans l'a-
de deux jours tomber et perdre le nom de néo- rène. Mais si le démon n'admet pas d'esclaves
phyte avec la grâce reçue, de même on peut pour ses combats, oserez- vous, esclave du pé-
conserver dix ans, vingt ans et jusqu'au dernier ché, combattre les combats du Christ? A Olym-
jour de la vie, ce nom et cette dignité si illus- pie, le héraut crie S'élève-t-il quelque grief
:

tres, si vénérables témoin l'apôtre saint Paul


; contre ce lutteur ? ici le Christ ne parle pas de
dont la vieillesse surtout fut glorieuse. Car même. Quand tous s'élèveraient contre vous
cette jeunesse ce n'est pas la nature qui nous
, avant votre baptême, ils ne l'empêcheront pas
kl donne mais le choix est en nos mains de
; de dire Je le recevrai pour mon disciple, je
:

vieillir ou de garder notre jeunesse. Pour le le délivrerai de la servitude, et après l'avoir


corps quand vous emploieriez toutes les solli-
,
rendu libre, je l'admettrai à combattre. Voyez
citudes, que vous dépenseriez tous vos soins, quelle est sa charité Sans rechercher ce qui 1

que de peur de le briser, vous resteriez tou-


, s'était il ne demande compte
passé auparavant,
jours dans l'intérieur de vos appartements, que que de ce qui a suivi. Lorsque vous étiez es-
vous lui épargneriez et les travaux et les occu- claves, vous aviez mille accusateurs, votre
pations continuelles, il subira la loi de la na- conscience, le péché, tous les démons. Rien de
ture , la vieillesse l'atteindra. De l'âme, il n'en tout cela, dit-il, ne m'a irrité contre vous, je

est pas ainsi ; vous ne la brisez pas, que


si ne vous ai pas regardé comme indigne d'entrer
vous ne la plongiez pas dans les sollicitudes dans les rangs de mes soldais je vous ai choisi ;

terrestres (jt les préoccupations mondaines, elle pour combattre mes combats, non par votre
44 TRADUCTIOxN FRANÇAISE DE SAINT JEAN CHRYSOSTOME.

mérite, mais par ma grâce. Restezdonc et lut- pus ; vous verront, dis-je, convertis
lorsqu'ils
tez, soit à la course, soit au pugilat, au pan- soit à la foi, convertis aux bonnes mœurs, ne
crace, sans crainte, sans témérité, du mieux que seront-ils pas confondus et ne se diront-ils
vous pouvez. Ecoutez ce qu'a fait saint Paul A pas, comme autrefois les Juifs à propos de
peine sortait-il de l'eau régénératrice, aussitôt l'aveugle-né C'est lui, ce nest pas ha\ c'est
:

après son baptême, il se met à combattre, il lui-même. (Jean, ix, 8, 9.) Ce sont là les paroles
annonce que Jésus est le Fils de Dieu dès ; de gens confondus ils ne sont plus sûrs de ce ;

le premier jour, il confond les Juifs. Vous ne qu'ils connaissent, ils se partagent d'avis, ils
pouvez pas prêcher, vous n'avez pas la parole n'en croient plus ni leur esprit ni leurs yeux.
de la doctrine Mais vous pouvez enseigner
! Ce Juif venait d'être guéri de la cécité du
I)ar vos œuvres, par votre conduite, par vos corps, vous de la cécité de Tàme il pouvait ;

l)elles actions Que votre lumière brille


: regarder ce le soleil de
soleil matériel, vous,
devant les hommes^ afin qu'ils voient vos juptice. Vous avez reconnu votre Maître que :

bonnes œuv?'€s et qu'ils glorifient votre Père vos œuvres répondent à cette connaissance, aûn
qui est dans les deux. (M.ilili. iv, 5, 6.) Vous que le royaume des cieux soit votre partage,
ne pouvez pas confondre les Juifs par votre pa- par la grâce et la charité de Notrc-Scigneur
role ? Confondez-les par votre conduite ;
que Jésus-Christ, par qui et avec qui soit au Père
les Gentils même soient frappés de cette con- gloire, honneur, puissance, ainsi qu'à l'Esprit
version. vous verront, vous, au-
Lorsqu'ils saint et vivificateur, maintenant et toujours et
trefois impies, méchants, paresseux, corrom- dans tous les siècles des siècles. Ainsi soit-il.

DEUXIÈME HOMÉLIE.
Prononcée dans la vieille église où il n'y avait pas eu de réunion depuis longtemps ;
— que la vie vertueuse vaut mieux que les miiaclei ii les

prodiges ;
— sur la différence qu'il y a entre la bonne vie el les miracles.

ANALYSE.

1° Tu es Pierre , sur celle piore je bâtirai mon Eglise, et les portes de Venfer ne prévaudront pas contre elle. Tel est
et
le remparl de l'Eglise contre lequel sout
venus se briser tous les efforts de la gentilité cl de riiéiésie. 2° L'Eglise a éié Wtie —
par les mains des apôtres sur le fondoincnt des proptièles. Pourquoi ce litre Actes des .ipôlrcs , plutôt que tout autre?
: —
3' DiiTcrcncc entre les actes cl Les actes viennent de la volonté et de la grâce ; les miracles de la prâce seule-
les miracles.
ment ce sont les actes cl non les miracles qui ouvrent le ciel.
;

i° Ce qui fait les apôtres c'est la charité et non les miracles.
— b» L'orateur poursuit sa tlièse tout en commentant le miracle du boiteux guéri par saint Pierre à la porte du temple. —
6° Résumé et exhortations.

1 Nous voici donc rassemblés de nouveau


. produit un si grand effet? Sur celle pierre je
dans cette église notre mère, cette église si bâtirai mon Ef/lisc, et les portes de l'enfer ne
chère à nos cœurs, celte église noire mère prévaudront point contre elle. (Mattli. xvi
el mère de toutes les églises. Mère, non pas 18.) Voilà le rempart, le mur d'enceinte, la
seulement parce qu'elle a été bâtie il y a long- défense , le port , le refuge. Jugez com-
temps, mais parce (lu'elle a été fondée par les bien ce mur est inexpugnable. Jésus-Christ
mains des apôtres. C'est pour cela ijue, ren- n"a pas dit seulement que les ruses des hom-
versée souvent en haine du nom du Christ, elle mes ne prévaudraient pas contre elle, mais
a toujours été relevée par la |)uissance du Christ. même les machinations de l'enfer : IjCS portes
Et ce ne sont pas seultMueiit les mains des de l'enfer ne prévaudront pas contre elle. II

apôtres qui l'ont fondée mais le Maître des , n'a pas dit ne l'allaciueront pas, » mais ne
: «

apôtres l'a édiliée d'une manière nouvelle et prévaudront pas contre elle; elles l'attaque-
inouïe. 11 n'a pas rassemblé, pour la bâtir, ront, mais ne la vaincront pas. Et qu'est-ce
du bois et des pierres, ni creusé un fossé donc que les portes de l'enfer? Car peut-être le
pour en marcpier l'enceinte, ni enfoncé des sens de ce mot ne vous est pas luen connu.
pieux, ni élevé des tours; prononcé que il n'a Voyons ce que c'est que la porte d'une ville el
deux paroles et elles lui oui leiiu lieu de rem- nous saïu'ons ce (jue c'est que la porte de l'enfer.
part, de tour, de fossé et de tout aulie moyen La |KMle d'une ville, c'est rentrée qui y con-
de défense. Et quelles sont les paroles qui ont duit : donc, la porte de l'enfer, c'est le danger
SUR L'INSCRIPTION DES ACTES. — DEUXIÈME HOMÉLIE. 45

qui y mène. Voici donc en d'autres termes ce mage, n'ayant ruiné que leurs propres forces :

que dit Notre-Seigneur Quand même mon : de même cette parolo, connue une tour inex-
Eglise serait attaquée , assiégée par des pugnable, bâtie avec solidité au milieu de la
épreuves capables de la précipiter en enfer, terre, a été de tous côtés attaquée par les Gen-
elle n'en restera pas moins innnobile. Il tils,mais ils n'ont abouti qu'à rendre sa force
l>ouvait ne pas pernKîttre qu'elle fût exposée pïus évidente, qu'à briser leur puissance, et
au danger pourquoi donc l'a-t-il permis?
: ils sont morts! Quelles trames n'ont-ils pas

l'arce que c'est la m;ir(|ue d'une bien plus ourdies contre cette promesse? Ils ont levé des
grande puissanc»; de p{ rnieltre que les épreuves troupes, saisi leurs arme», le8 .^-ois se sont pré-
vous assiègent sans pouvoir vous vaincre que parés à la guerre, les peuples se sont levés,
de les empêcher de vous assiéger. Aussi a-t-il les villes se sont agitées, les juges se sont ir-
permis que son Eglise fût soumise à toutes les rités et ont employé tous les genres de sup-
épreuves afin qu'elle en devînt plus illustre. La plices ; aucune espèce de peine n'a été omise :

tribulation produit la patience; la patience^ feu, fer, dents des bêtes féroces, précii)ices,
l'épreuve. (Rom. v, 3-/*). Et pour montrer sa submersions, gouffres, bois, croix, fournaises
force avec plus d'évidence encore , il retire son ardentes, tous les tourments imaginables, tout
Eglise des portes mêmes
de la mort. C'est pour a été employé; ils ont employé des menaces
cela qu'il permet la tempête et qu'il ne permet incroyables, d'incroyables promesses pour ef-
pas que la barque soit submergée car nous : frayer les uns, pour séduire et attirer les au-
admirons un pilote, non pas lorsque, naviguant tres. Ruse et violence, tout a été tenté. Les
par un temps favorable ou le vent en proue, il pères ont livré leurs enfants, les enfants ont
conduit son vaisseau sain et sauf; mais lors- renié leurs pères, les mères oubliaient ceux
que, la mer étant orageuse, les flots irrités, la qu'elles avaient portés dans leurs entrailles,
tempête déchaînée il oppose son art à l'impé-
, les lois de la nature étaient méconnues. Et
tuosité du vent et sauve son vaisseau du mi- pourtant ces assauts n'ont pas ébranlé les

lieu des périls. Ainsi fait le Christ. En plaçant, remparts de l'Eglise, et ses propres enfants ont
comme un navire sur la mer, son Eglisse sur levé l'étendard de la révolte, sans que la guerre
la terre, il n'a pas enchaîné la tempête, mais aitporté aucune atteinte à la solidité de ses
a sauvé l'Eglise de la tempête ; il n'a pas murs , à cause de celte parole Les portes de :

empêché la mer de s'irriter, mais il a assuré l'enfer neprévaudront pas contre elle. Songez
le salut du navire. Les peuples s'élèveront de que ce n'était pas une parole quelconque, mais
toutes parts comme les flots en fureur, les es- la parole de Dieu. D'une parole Dieu fonda le
prits mauvais l'attaqueront comme des tem- ciel , d'une parole il affermit la terre sur les
pêtes déchaînées, l'envelopperont comme un eaux (Ps. CiM, 5), il fit soutenir cet élément
ouragan, le Christ veille à la conservation de solide et pesant par un élément léger et fluide ;

de plus étonnant, c'est


l'Eglise. Et ce qu'il y a et cette mer à la violence irrésistible , aux flots

que la temi)ête non-seulement n'a pas été maî- gigantesques, la parole de Dieu lui a donné
tresse du vaisseau, mais encore a été vaincue pour rempart un fragile grain de sable. Mais si
par le vaisseau. Les persécutions continues, d'une parole Dieu a fondé le ciel, affermi les
loin de vaincre l'Eglise, ont été vaincues par fondements de la terre donné des bornes à la
,

elle. — Comment, d'où, de quelle manière? mer, vous étonnerez -vous que par une parole il
— Parce que ces paroles se sont réalisées : Les ait entouré comme d'un rempart inexpugnable
portes de l'enfer ne prévaudront point contre son Eglise bien plus noble que le ciel, la terre
elle. et la mer ?
Que n'ont pas fait les Gentils pour donner à 2. Mais l'édifice étant si solide, le rempart si

cette parole un démenti, pour rendre cette inexpugnable, voyons comment les apôtres en
promesse impuissante et ils n'y sont point ! ont jeté les fondements, à quelle profondeur
parvenus car c'était la parole de Dieu. Voyez
: ils ont creusé pour élever une construction
cette tour bâtie de blocs de granit, solidement aussi inébranlable. Ils n'ont pas eu besoin de
revêtue de fer les ennemis, l'attaquant de
: creuser profondément, de se livrer à un grand
tous côtés, n'en ébranlent pas la structure, travail.Pourquoi'^ C'est qu'ils ont trouvé un
n'en désorganisent pas l'arrangement, mais se premier fondement déjà ancien, celui des pro-
retirent la laissant intacte, sans aucun dom- phètes. Un homme qui, sur le point de bâtir
AC^ TRADUCTION FRANÇAISE DE SAINT JEAN CHRYSOSTOME.

une grande maison, trouverait un ancien fon- Efforçons-nous d'expliquer le titre du livre.
dement ferme et solide, se garderait bien de Car il n'est pas aussi simple, aussi clair que
le bouleverser, d'en remuer les pierres, mais beaucoup le croient; il réclame notre sagacité.
le laissant tel qu'il le trouverait, il élèverait là- Quel est le titre de ce livre ? Actes des Apô- —
dessus son nouvel édifice; de môme les apô- tres.— N'est-ce pas clair, évident, à la portée
tres, pour bâtir ce grand édifice de l'Eglise de tous? — Oui mais vous examinez ce qui
; si

qui embrasse la terre entière, n'ont pas creusé est rapporté dans vous verrez combien
le livre,
profondément; mais, ayant trouvé un fonde- ce titre est profond. Pourquoi ne pas dire :

ment ancien, celui des prophètes, ils ne Tout Merveilles opérées par les apôtres? Pourquoi
pas bouleversé, n'ont pas renversé cette cons- ne pas dire Miracles des apôtres ou encore
truction, cette doctrine, mais la laissant intacte, Puissance et prodiges des apôtres? Pourquoi
ils ont élevé par-dessus leur propre doctrine préférer Actes des apôtres? Ce n'est pas la
et la foi nouvelle de l'Eglise. Et si vous voulez même chose de dire Actes ou Miracles, Actes
être bien certains qu'ils n'ont pas renversé le ou prodiges, Actes ou Puissance il y a entre :

fondement premier, mais qu'ils ont bâti dessus, ces termes une grande diflérence. Un acte c'est
écoutez saint Paul, ce sage architecte, nous ren- le produit de notre propre volonté, un miracle
dant un compte exact de cette construction ;
c'est un don de la grâce divine. Voyez-vous la
c'est le sage architecte qui dit lui-même J'ai, : dilTérence de l'acte et du miracle? Un acte,
comme un sage architecte^ posé
le fondement. c'est l'effet du travail de Ihomme, un miracle,
(I Cor. m,
Voyons comment il l'a posé.
10.) de la libéralité divine ; un acte a pour principe
Sur un autre fondement plus ancien, celui notre propre volonté, un miracle la grâce de
des prophètes. D'oîi le savcz-vous? Vous n'êtes Dieu l'iui vient du secours d'on-haut. l'autre
;

plus des Ilotes et des étrangers^ dit-il, 77iais les d'une volonté d'ici-bas. Un acte se compose de
concitoyens des saints, bâtis su?' le fondement deux éléments, de notre activité et de la grâce
des apôtres et des prophètes. (Ephés. ii, 19, 20.) divine un miracle ne montre que la grâce
;

Vous voyez deux fondements, celui des pro- divine et ne requiert pas notre coopération.
phètes, et au-dessus celui des apôtres. Et ce C'est un acte que d'être honnête, sage, modeste,
qu'il y a d'étonnant, que les apôtres ne
c'est que de dompter la colère, de combattre ses
suivirent pas immédiatement les prophètes et passions, d'exercer sa vertu c'est un acte, un ;

qu'il y eut entre eux un grand intervalle. Pour travail. C'est un miracle au contraire que de
quelle raison? C'est ainsi que font les meilleurs chasser les démons, de rendre la vue aux
architectes; après avoir posé le fondement, ils aveugles, de purifier le corps des lépreux, de
n'élèvent pas de suite l'éditicede peurjju'étant rendre la vigueur aux membres paralysés, de
trop peu solide et trop récent, ilne puisse por- ressusciter les morts et le reste. Voyez quelle
ter le poids des murs. Ils laissentau contraire différence entre les actes et les miracles, la
les pierres s'affermir par le temps, et quand ils sage conduite et les prodiges, notre activité et
les voient solidement reliées entre elles , ils la grâce de Dieu 1

construisent les murs. Le Christ a fait de 3. Voulez-vous que je vous montre une
môme ; il a laissé le fondement des prophètes autre différence ? car je n'ai d'autre but dans
s'affermir dans l'esprit des auditeurs, leur doc- cette que de vous apprendre ce
instruction
trine s'y solidifier, et quand celte première (ju'est le le prodige. Le miracle est
miracle,
construction lut devenue inébranlable que ,
par lui-même quelque chose de grand, d'éton-
ces saints enseignements eurent pénétré assez nant, quelque chose qui surpasse notre nature.
profondément |)our pouvoir supporter la loi L'action la sage conduite est moins remar-
,

nouvelle, alors envoya les apôtres pour éle-


il quable que le miracle, mais elle nous est pins
ver sur le fondement des prophètes les murs avantageuse et plus utile c'est le fruit de nos :

de l'Eglise. Mais voyons comment ils furent travaux et de nos sueurs. Et pour vous donner
bâtis. une preuve que l'action est plus avantageuse
Qui nous l'apprendra ? Qui, sinon le livre et plus utile que le prodige, sachez qu'une
des Actes dont je vous ai parlé, les jours pré- bonne action, môme sans miracles, conduira
cédents ? Et peut-être ai-je par suite de cela au ciel celui qui l'a faite, tandis que les pro-
contracté à votre égard ime dette que je diges et les miracles sans les bonnes œuvres ne
\eux acquitter aujourd'hui- Quelle dette ? peuvent conduire à ce royal séjour. Comment
SUR L'INSCRIPTION DES ACTES. — DEUXII^ME HOMÉLIE. 47

cela? Je vais vous le montrer. Voyez comme mais quand elle fut pro-
geait de grands soins ;

les actions sont placées en première ligne fondément enracinée et (ju'elle eut pris tout
(luand il s'agit de récompenser connne les
; son développement, lorsqu'elle eut rempli
prodiges, seuls et par eux-mêmes, sont im- toute la terre, le Christ enleva tout ce qui l'en-
puissants à sauver ceux qui les font; comme tourait et la protégeait. Voilà pourquoi au
au contraire l'action seule et par elle-même, commencement ces faveurs furent accordées
sans avoir besoin d'autre chose, procure le même à des indignes : pour que la foi s'établît,
salut à ceux qui l'ont opérée. Beaucoup me elle avait besoin de ces secours aujourd'hui ;

diront en cejoiir-là : Seigneur^ Seigneur^ n'a- des hommes, même qui en sont dignes, ne
V07is-îwm pas prophétisé en votre nom ? Voilà reçoivent plus ces grâces : la foi est assez forte
un prodige, un miracle. En votrenom n'a- pour s'en passer. Et afin que vous sachiez que
vons-nous pas chassé les démons et opéré bien ces hommes dont parle l'Evangile ne mentaient
des merveilles? (Matlli. vu, 22.) Vous ne voyez pas, mais qu'ils opéraient réellement des mi-
partout que des prodiges et des miracles, et racles, que ce don avait été accordé à des in-
aucune bonne œuvre. Mais comme les miracles dignes, et aussi pour que ces mêmes hommes,
sont seuls et (ju'il n'y a pas de bonnes œuvres, ne se bornant pas aux miracles, perfection-
Retirez-vous de moi ^ dira le Seigneur, je ne nassent leur vie et que, respectant la grâce de
vous connais pas y vous qui opérez V iniquité! Dieu, ils rejetassent leurs iniquités, Dieu per-
vous ne les connaissez pas,
(Mattli. Vil, 22-23.) Si mit que Judas, l'un des douze, opérât, de l'aveu
comment savez- vous qu'ils opèrent l'iniquité? de tous, des prodiges, chassât des démons, res-
C'est que celte parole je ne vous connais pas ,
suscitât des morts, purifiât des lépreux, lui qui
ce n'est pas l'ignorance qui la fait prononcer, cependant perdit le royaume du ciel. Ses mi-
mais la haine et l'aversion. Je ne vous connais racles ne purent le sauver parce que c'était un
pas; et pourquoi donc, dites- moi? En votre scélérat, un voleur, et qu'il trahit le Maître.
nom n'avons-nous pas chassé les démoiis ? C'est Ainsi les miracles ne peuvent sauver s'ils ne
précisément pourquoi je vous hais et vous dé- sont accompagnés d'une conduite parfaite ,

teste car mes dons ne vous ont pas rendus


; d'une vie pure et sans tache je viens d'en don-
;

meilleui"s, et revêtus de tant d'honneur vous ner les preuves. Oui une bonne conduite,

avez pu rester dans vos iniquités. Retirez-vous qui n'est pas soutenue de ces faveurs extraor-
de moi, je ne vous connais pas ! dinaires, qui n'est point aidée par ce don des
Quoi doncl ils en étaient indignes, ceux qui miracles, mais qui est livrée à elle-même, peut
anciennement recevaient ces faveurs Ces ! se présenter avec confiance au royaume des
thaumaturges menaient une vie corrompue, et cieux; écoutez ces paroles du Christ : Venez,
enrichis des dons de Dieu ils ne s'occupaient , les dénis de mon Père, possédez leroyaume
pas de rendre leur vie parfaite S'ils étaient en-
! préparé pour vous depuis la création du monde.
richis, cela leur venait de l'amour de Dieu, non (Matth. XXV, 34.) Et pourquoi ? Parce qu'ils ont
de leur propre mérite. Il fallait que partout se ressuscité des morts, purifié des lépreux, chassé
répandît la doctrine du salut, puisque c'était le des déjnons? Non mais pourquoi donc? o Vous
;

commencement et comme le premier âge de la m'avez vu épuisé par la faim, dit-il, et vous
religion nouvelle. Lorsqu'un habile cultivateur m'avez nourri; par la soif, et vous m'avez donné
vient de confier à la terre un arbre encore à boire privé de vêtements, et vous m'en avez
;

frêle, prodigue au commencement des


il lui fourni; d'asile, et vous m'avez recueilli.» Vous
soins empressés, le protège de toutes parts, ne voyez pas de miracles, rien que de bonnes
l'entoure et de pierres et d'épines, afin qu'il ne actions. D'un côté il n'y a que des miracles, et
soit ni renversé par le vent, ni maltraité par la i)unition n'est pas moins terrible parce qu'il
les bestiaux, qu'il ne soit, en un mot^ exposé n'y a pas de bonnes œuvres ; de l'autre côté, il

à aucune injure ; mais quand il est devenu n'y a que des bonnes œuvres, pas de miracles,
fort et qu'il commence à s'élancer, il enlève et néanmoins le salut est accordé ; ce qui montre
toutes ces défenses : car l'arbre peut par lui- que par elle seule une conduite parfaite pro-
même se suffire; il en fut ainsi de la religion. cure le salut. Voilà pourquoi le saint, l'illustre,
Lorsqu'elle ne faisait que de naître, qu'elle l'admirable Luc intitula son livre Actes des
était encore tendre, qu'elle jetait ses premières Apôtres et non Miracles des apôtres bien que ,

racines dans les cœurs des hommes , elle exi- les apôtres aient fait des miracles. Mais ceux-çj
48 TRADUCTION FRANÇAISE DE SAINT JEAN CïlRYSOSTOME.

ont duré un moment et ils sont passés; ceux-là qui paraît ici encore. Car le zèle, la compas-
devront être pratiqués pendant tous les siècles sion, le soin, tout cela ce sont des actes, non
par ceux qui veulent se sauver. Et c'est des miracles ni des prodiges. Mais, direz-vous,
parce que nous devons imiter non les mira- s'ils sont devenus tels, c'est à cause de leurs
cles, mais les actes des apôtres qu'il a donné miracles. Ce n'est pas à cause de leurs mira-
ce titre àsonlivre. Et afin que vous ne disiez pas cles, mais à cause de leurs actes, et ceux-ci les
ou plutôt afin que les lâches ne disent pas, quand ont rendus bien plus illustres. C'est pourqui il

nous leur proposons l'imitation des apôtres leur dit : Que votre lumière brille devant les
quand nous leur répétons Imitez Pierre, faites : hommes, afin qu'ils voient, non vos miracles,
comme Paul, agissez comme Jean , suivez Jac- mais vos bonnes œuvres et qu'ils glorifient votre
ques; afin, dis-je, qu'ils ne nous objectent pas: Père qui est dans les deux. (Matth. v, iO.) Ne
Mais nous ne pouvons, ils ont ressuscité des voyez-vous pas partout qu'il n'y a de louange
morts, purifié des lépreux, Luc rejette cette que pour la conduite vertueuse et la vie sainte?
excuse impudente et leur dit Silence, taisez- . Voulez -vous que je vous montre Pierre luir
vous ce ne sont pas les miracles mais les
: , môme, Pierre , le chef des apôtres ,
qui mena
actes qui conduisent au ciel. une vie si parfaite et qui opéra des merveilles
Imitez donc la conduite des apôtres et vous si grandes qu'elles dépassent tout pouvoir hu-
n'obtiendrez pas moins qu'eux. Ce qui les a faits main? voulez-vous, dis-je, que je vous mon're

apôtres, ce ne sont pas les miracles, mais la et les miracles et les actes comparés ensemble,
sainteté de leur vie. C'est là le signe qui dis- et Pierre retirant plus d'honneur de ses actes
tingue les apôtres et qui caractérise les disci- que de ses miracles?
ples : écoulez à ce sujet la parole du Christ. Ecoutez ce récit : Pierre et Jean montaient
Lorsqu'il veut tracer le portrait de ses disciples au temple pour la prière de la neuvième heure.
et montrer quelle est la marque distinclive des (Act. m, 1 Ne passez pas trop légèrement sur ce
.)

apôtres il dit, Cest à ce signe que tous re-


: récit; mais arrêtez-vous dès le commencement
connaiti'ont que vous êtes mes disciples. (Jean, et voyez (juelle était leur alfoction, leur union,
xiu, 35.) A ce siqne, à quoi? A faire des mira- leur accord, combien tout était conunun entre
cles, à ressusciter des morts? Non à quoi ; eux, comme en tout par le lien
ils étaient liés
donc ? C'est à ce signe que tous reconnaîtront de la charité divine, comm.ent on les trouvait
que vous êtes mes disciples, si vous vous aimez ensemble soit pendant les repas, soit pendant
les uns les autres. L'amour n'est pas un mi- la prière, soit pendant les voyages, soit en

racle, mais une œuvre Lamour, c'est la pléni-


: toute autre circonstance. Mais si ces colonnes,
tude de la loi. Voyez-vous quelle est la marque ces tours de l'Eglise, ces hommes qui avaient
des disciples, le signe des apôtres, leur forme, auprès de Dieu un si libre accès, avaient be-
leur type? Ne cherchez rien de plus; le Maître soin du secours l'un de l'autre, et reliraient un
nous a révélé que la charité doit être le carac- grand avantage de cette assistance mutuelle,
tère pro|)re de ses disciples. Si donc vous avez combien plus nous , si faibles , si malheureux,
la charité, vous êtes apôtre et le premier des si vils, n'avons-nous pas besoin d'être aides les"

apôtres. uns par les autres? Le frère qui est soutetiu


Voulez-vous retirer d'un antre passage le
4. par son frère est comme une ville fortifiée
même (inseignement? s'adressant à Pierre, le (Prov. xvMi, 19); et en un autre endroit Xcst-il :

Christ dit Pierre, m'aiînez-vous plus que


: pas bien beau et bien agréable pour des frères
ceux-ci? (Jean, xxi. Al.) Il n'y a rien qui nous cF habiterensemble? (Ps. cxxxn, .) Pierre et Jean I

fasse obtenir le royaume du ciel comme d'ai- étaient ensemble et ils avaient Jésus au milieu
mer le Christ autant (ju'il le faut. Kt lui-mèrnea d'eux Là où deux ou trois dit-il, sont réunis
: ,

ilil quelle était la marque de cet amour. Quelle en mon nom, Je suis au milieu d'eux. (Matlh.
est-elle? Que ferons-nous [)Our l'aimer plus xvni, tîO. ) Voyez comme il est be;m d'être
que les eu ressuscitant des
a|»ôlres? Sera-ce réunis! Mais ils n'étaient pas seulement réunis;
morts ou en faisant quelque autre miracle? nous aussi nous sommes tous reimis mainte-
Non; que ferons- nous donc? Ecoutons le nant mais il faut être unis par le lien de la
;

Christ, celui-là même que nous devons aimer: charité, par une allection volontaire. Mais de
5/ vous /n'aimez, ilit-il, plus que ceuu-ci, pais- même que nos corps sont près les uns des
fez mes brebis. Vous le voyez, c'est la conduite autres et se tiennent mutuellement; il faut
SUR L'INSCRIPTION DES ACTES. — DEUXIÈxME HOMÉLIE. 40

aussi que nos cœurs se tiennent les uns les vous sept hommes de bon témoignage ; pou/*
autres Pierre et Jean montaient au temple.
: nous, nous nous appliquerons à la prière et
Le voile est déchiré le saint dus saints désert,
,
au ministère de la parole. (Act. vi, 3.)

on adore Dieu bien ailleurs que dans le temple 5. Mais, comme je le disais (car il ne faut pas
de Jérusalem , saint Paul crie : En tout lieu nous éloigner de notre sujet, savoir ([ue saint
levez des mains pures, pourquoi courent-ils Pierre accomplit des actes de vertu ,
qu'il fit

donc au temple pour prier? Retournaient-ils aussi des miracles, et que ses actes lui attirent
donc au vain culte des Juifs? Non, non Mais ils 1 plus de gloire) il alla au temple pour y prier,
,

condescendaient à leur faiblesse et accomplis- et voilà (lu'on appoitaitàla porte du temple un


saient la parole de saint Paul qui disait : Je me homme boiteux dès le sein de sa mère. C'est dèa
suis fait comme juif avec les juifs. (I Cor. le sein de sa mère que sa constitution était dé-

IX, 20.) Ils ont de la condescendance pour les fectueuse et l'art de la médecine ne pouvait riea
faibles afin que cette faiblesse disparaisse. sur cette maladie, afin que la grâce de Dieu
D'ailleurs toute la ville se portait encore là ;
parût dans un plus grand éclat. Ce boiteux
et de même que les pécheurs les plus habiles était placé à la porte du temple, et voyant ces
recherchent les endroits des fleuves où tous hommes qui entraient , il se tourna vers eux,
les poissons se rassemblent, afin de réussir leur demandant l'aumône, et Pierre lui dit :

mieux et plus facilement dans leurs tra>aux; Regarde-nous. A le voir, on pouvait juger de
de même les apôtres, ces pêcheurs spirituels, sa pauvreté ; il n'est pas besoin ni de discours,
se rendaient à cet endroit où toute la ville se ni de démonstration, ni de réponse, ni de
réunissait, afin d'y tendre le filet de TEvangile preuve; son habit seul nous fait voir en lui un

et de faire une pèche plus abondante. En cela pauvre. L'œuvre apostolique par excellence
ils imitaient leur Maître. Car le Christ dit
Tous : c'est de parler au pauvre, de ne pas le délivrer
les jours j'étais asùs au milieu de vous dans le de sa pauvreté seulement, de lui dire Tu :

temple (Matth. xxv[, 55.) Pourquoi dans le verras une richesse autre et plus grande (jue
temple? Pour attirer ceux qui s'y trouvaient. celle de ce monde De l'argent, dit-il, et de
:

De même les apôtres s'y rendaient pour prier, l'or, je 71 en ai pas; mais ce que j'ai, je te le

et surtout pour yrépaiidre leur doctrine Dans : dorme. Au nom de Jésus - Chritt, lève - toi et

le temple, pour prier, à la prière de la neu- marche! (Act. m, (3.) Voyez-vous la pénurie
vième heure. Ce n'est pas sans motif qu'ils ont et la richesse, pénurie d'argent, richesse de
choisi ce temps car je vou8aisuu\ent parlé de
: grâces ? 11 n'a pas fait disparaître la pénurie
cette heure, et je vous ai dit iju'a ce moment le d'argent, mais bien le défaut de la nature.
paradis avait été ouvert, que le bon larron y Voyez l'airabiiité de saint Pierre Ihgarde- :

était entré, ([ue la malédicLior. avait cesse, que la nous. ne lui adresse ni injures, ni insultes,
Il

victime du genre humairi avait été immolée, ce que nous faisons bien souvent aux pei sonnes
que les ténèbres avaient disparu, que !a lumière qui viennent nous supplier, leur reprochant
avait brillé, aussi bien la lumière sensible (jue leur oisiveté. Avez-vous reçu cette mission
la lumière spirituelle. De la neuvième heure : dites-moi? Dieu ne vous a pas commandé de
Ainsi au moment où tant d'autres, quittant le reprocher à votre frère pauvre sa pare:: se, mais
manger et le boire vont se livrer, à un sommeil de soulager sa détresse ; il a voulu que vous fus-
profond, ceux-ci, à jeun, éveilles, animés par siez non l'accusateur de ses vice?, mais le méde-
le zèle, courent se livrer à la prière. Mais s'ils cin de ses infirmités non que vous lui repro-
;

avaient besoin de la prière, d'une prière si con- chiez sa lâcheté, mais que vous lui présentiez
tinue, d'une prière si parfaite, eux ({ui avaient une main secourable; non que voushiàmiez ses
tant de motifs d'être complètement rassurés, mœurs, mais que vous soulagiez £a faim. Et
eux qui n'avaient rien à se reprocher, que fe- nous, nous faisons tout le contraire au lieu do ;

rons-nous, nous couverts de mille blessures, consoler par nos dons ceux (jui viennent nous
et qui n^ appliquons pas le baume de la supplier, nous irritons leurs blessures par nos
prière? C'est unearmure solide que la prière. reproches intempestifs. Mais saint Pierre s'ex-
Voulez-vous savoir combien c'est une armuui cuse au[irès du pauvre et lui parle avec mo-
solide? Les a[)ôlres abandonnaient le soin des destie Prêtez sans pei?ie votre oreille à la de-
:

pauvres pour se livrer complètement à la mande du pauvre et répondez-lui avec douceur


prière : Choisissez, dit saint Pierre, parmi €t miséricorde, (Eccl. \y,k) : De l'argent et de

Tome IV.
50 TRADUCTION FRANÇAISE DE SAINT JEAN CURYSOSTOME.

l'or, je n^en aï pas; mais ce que j'ai je te le uns pour les autres. Ce sont les vertus, et non
donne au nom de Jésus-Christ, lève-toi et mar-
: les miracles qui seront, dit-il, le signe dis-
che! Il y a là un acte et un miracle. Un acte : tinctif de ses disciples : Pierre, m'aimez-vous
De l'argent et de Vor^ je n'en ai pas. C'est une plus que ceux-ci ? Paissez mes brebis. Voilà un
Tertu que de fouler aux pieds les choses de la second signe, et c'est encore la vertu qui le
terre, de rejeter ce que l'on possède, de mé- fournit. En un troisième Ne vous ré-
voici :

priser la vanité présente. C'est un miracle que jouissez pas de ce que les démons vous sont
de guérir le boiteux,que de redresser ses mem- soumis, mais réjouissez-vous de ce que voi
bres affligés. Voilà donc un acte et un miracle. noms sont écrits da?is les deux. C'est encore
Voyons de quoi saint Pierre se glorifle. Qu'a-t-il là un acte de vertu. Voulez-vous voir une qua-
dit? Qu'il a fait des miracles? Et pourtant en il trième preuve? Que votre lumière brille devant
avait fait; mais il ne dit pas cela que dit-il donc? : les hommes, afin qu'ils voient vos bonnes œuvres
Voici que nous avo)is tout quitté pour vous et qu'ils glorifient votre Père qui est dam les
suivre. (Matth. xix, 27.) Voyez-vous qu'à côté du deux. Là encore on ne voit que des actes. Et
miracle, la vertu seule est couronnée? Que fit quand il dit Quiconque a quitté ou maisoji
:

le Christ? Il l'exalla et le loua : Je vous dis que ou frères ou" sœurs à cause de moi, recevra le
vous qui avez quitté vos maisons, etc. Il ne dit centuple et aura pour héritage la vie éternelle.
pas, qui avez ressuscité des morts, mais vous Ce sont les actes qu'il loue et la perfection de
qui avez ahando7i7ié vos biens , vous serez assis la vie. Vous voyez que la marque des disciples,
sur douze trônes quiconque
(Maltli. xix, 29), et c'est de s'aimer les uns les autres que celui :

abandonne tout ce qu'il possède jouira de la des apôtres qui aime le Christ plus que les
mémo gloire. Vous ne pouvez redresser un autres montre son amour en ce qu'il paît ses
boiteux, comme l'a fait saint Pierre? Vous frères (jue l'on doit se réjouir non de ce que
;

pouvez du moins dire comme lui De l'argent : l'on cha??e les démons, mais de ce qu'on a son
et de l'or, je n'en ai pas. Si vous le dites, vous nom écrit dans lescieux; que ceux qui veulent
voilà l'égal de saint Pierre ou plutôt non pas
, glorifier Dieu doivent le faire par l'éclat de
sivous le dites, mais si vous le faites. Vous ne leurs œuvres que ceux qui ont pour liéri-
;

pouvez guérir une main paralysée? Mais vous tage la vie éternelle et qui sont réconqiensés
pouvez faire que votre main paralysée par in- au centuple sont ainsi traités pour avoir mé-
humanité s'étende par charité Que votre : prisé tous les biens présents. Imitez-les tous et
main ne soit pas ouverte pour preyidre et fer- vous pourrez être disciples, vous pourrez être
mée pour doniicr. (Eccl. iv, 30.) Vous le voyez, comptés au nombre des amis de Dieu, glorifier
ce n'est pas la jiaralysie, mais l'inhumanité Dieu et jouir de la vie éternelle; ce ne vous
qui resserre votre main. Etendez-la pour la sera pas un empêchement pour jouir de tous
charité et l'aumône Vous ne pouvez chasser les biens que de ne pas faire de miracles, si
lesdémons? Riais cliassez le i)éché et votre ré- vous avez une comluite parfaite. Si cet ai)ôlre
compense sera bien phis grande. Voyez-vous lui-même fut appelé Pierre , ce ne fut pas à
comme partout la conduite vertueuse et les cause de ses miracles et de ses prodiges, mais
bonnes œuvres obtiennent plus de louanges et à cause de son amour et de sa remarquable
inie plus belle récompense que les miracles ? charité. Ce n'est pas après avoir ressuscité des
Si vous voulez, examinons un autre passago morts ni après avoir guéri un boiteux qu'il
d'où nous recueillerons la même doctrine : reçut ce nom mais c'est après avoir énergi-
,

Ijis soixante -dix disciples revijircnt vers leur quemcnt confessé sa foi : Tu es Pierre, et sur
Maître avec joie et lui dirent : Seigneur, en cette pierre je bâtirai moji Eglise. (Matth. xvi,
votre nom les démons même nous sont soumis. ^8.) Pourquoi? Parce qu'il le re^ut non pour
Et il leur dit : Ae
vous réjouissez pas de ce avoir des miracles, mais pour avoir dit
fait :

que les déjnons vous sont soumis; mais ré- Vous êtes le Christ, le Fils du Dieu vivant. Vous
foiussez-vous de ce que vos îioms sont écrits voyez (lue s'il est ap[)elé Pierre, cela vient non de
ao/is les deux. (Luc, Voyez-vous
x, 17, 20.) ses miracles, mais de son ardente charité. Mais
|)avlout la vertu louée etadmirée ? en parlant de Pierre, il me vient en pensée un
0. Mais reprenons ce que nous avons dit ci- autre Pierre ' , notre père, notre maître com-
d*jssus C'est en ceci que tous coiuuiitront que
: mun qui, héritier de sa vertu, a aussi hérité
vous êtes mes di^ciples^ si vous vous aimez- les
SUR L'INSCRIPTION DES ACTES. — TROISIÈME HOMÉLIE. 81

de son siège. Car c'est là le plus beau titre de vertu d'Elie , était appelé Jean , de même ce
gloire de notre cité d'avoir eu pour maître dès prélat, parce qu'il esten communauté de foi
l'origine le prince même des apôtres. Il con- avec Pierre, semble mériter ce nom. La simi-
"venait que la ville qui avant tout le reste de la litude de vie produit la similitude des noms.
terre, mit sur son front comme un diadème le Demandons tous pour qu'il arrive à un âge
nom de chrétien, eût pour pasteur le premier aussi avancé que Pierre; car l'Apôtre parvint à
des apôtres. Mais après l'avoir eu pour maître, la vieillesseavant de voir la mort Quand tu :

nous ne l'avons pas gardé jusqu'à la fin, nous seras vieux, dit le Christ, on te ceindra et en
l'avons cédé à la ville reine du monde, à te conduira où tu ne voudras pas. (Jean, xxi, 18.)
Rome; ou plutôt nous le gardons jusqu'à la Demandons pour notre chef une longue vie;
fin le corps de Pierre, nous ne l'avons pas,
; car plus sa vieillesse sera de longue durée,
mais la foi de Pierre, nous la gardons comme plus elle vivifiera, plus elle fera fleurir notre
si c'était Pierre et ayant la foi de Pierre, ; jeunesse spirituelle : puissions-nous la garder
nous avons Pierre lui-même. Aussi en voyant cette jeunesse, grâce aux prières de notre père,
Ihérilier de son esprit^ nous croyons le voir aux prières de Pierre, grâce surtout à l'amour
en personne le Christ a donné à Jean le nom
; et à la charité de Notre-Seigneur Jésus-Christ,
d'Elie , non que Jean fût Elie, mais parce à qui soit gloire et puissance, avec le Saint-
qu'il avait l'esprit et la vertu d'Elie. De même Esprit, maintenant et toujours, et dans les
donc que Jean, parce qu'il avait l'esprit et la siècles des siècles. Ainsi soit-il.

TROISIÈME HOMÉLIE

Qn'il est utile de lire la sainte Ecriture ;


— qu'elle délivre de la senitude et rend invincible à toutes les tribulations celai qui les lit attenti-

vement ;
— que le nom d'apfltre résume en lui plusieurs titres de gloire ;
— que les Apôtres sont plus grands que les rois ;
— au nouveaux

baptisés.

«RALTSE.

!• Exorde d'un caractère poétiqne dans leqnel l'orateur loue ses auditeurs de leur zèle à entendre la parole de Dieu , et compare
la sainte Ecriture à une prairie délicieuse et à une source intarissable. 2" L'homme qui lit tous les jours l'Ecrilure pst —
comme un arbre planté au bord d'une eau courante. Je vous explique lentement la saiutc Ecriture , dit l'orateur, alin que
tombant sur vos âmes comme une douce pluie elle les pénètre mieux. —
3" Résumé des homélies précédentes et sujet du pré-
sent discours : ce que c'est qu'on Apôtre. — 4° La grâce de l'apostolat comprend en soi la plénitude des grâces. Un Apôtre
c'est un conseil de l'ordre spirituel. — S» Comparaison entre l'Apôtre et le magistrat. — 6» Exhortation aux nouveaux
baptisés.

1. Quand je considère mon peu de génie, je vue'une âme de pierre deviendrait plus légère
me sens comme anéanti et je n'ose m'adresser que l'oiseau, tant vous apportez, à écouter, de
à tout un peuple assemblé pour m'entendre ;
zèle et d'ardeur. De même que les animaux qui
mais quand je vous vois si remplis d'ardeur, vivent dans des tanières ont coutume, après
si insatiables d'instructions, la confiance et être restés blottis tout l'hiver au fond de leurs
le courage me reviennent , et je me pré- cavernes, de quitter ces retraites quand le prin-
pare à entrer généreusement dans cette car- temps paraît, pour se mêler aux autres animaux
rière, dans ce ministère de la parole ; à votre et prendre leurs ébats avec eux \ ainsi mon âme
52 ThADUCTÛN FRANÇAISE DE SALNT JEAN CHRYSOSTOME.

retirée dans la conscience de sa faiblesse elles sans jamais s'amoindrir, se partage sans
comme dans une caverne ne peut pas en , , jamais tarir, se divise sans diminuer; elle est
voyant l'ardeur de votre charité, ne pas quitter tout entière en toutes et tout entière en cha-
sa retraite, se mêler à vous et parcourir joyeu- cune. Car telle est la grâce du Saint-Esprit.
sement avec vous la sainte Ecriture, cette prai- Voulez- vous savoir combien ces eaux sont abon-
rie spirituelle et divine, ce paradis des saints dantes Voulez-vous connaître la nature de ces
?
Li"\Tes. C'est une prairie spirituelle, c'est un eaux apprendre qu'elles ne ressemblent pas
et
jardin de délices que la lecture des divines aux nôtres, qu'elles sont bien supérieures, bien
Ecritures, un paradis de délices bien supérieur plus admirables? Ecoutez les paroles de Jésus
au paradis terrestre. Dieu a placé ce paradis à la Samaritaine pour comprendre combien
,

non sur la terre, mais dans les âmes des fidèles; abondante Veau que je don-
cette source est :

non dans l'Eden ni vers le couchant, le resser- nerai dit-il au fidèle deviendra en lui une
, , ,

rant dans une seule contrée, mais il l'a étendu fontaine d'eau jaillissante dans la vie éter-
par toute la terre , et jusqu'aux extrémités du nelle. (Jean, iv, 14.) Il n'a pas dit sortante, il

monde habité. Oui, il l'a étendu sur toute la n'a pas dit coulante, rmûs jaillissante, i>our
terre ; écoutez à ce sujet le Prophète Leur voix
; marquer qu'elle est inépuisable. Ces eaux qui
a retenti par toute la terre, et leurs paroles ont jaillissent d'une fontaine et se répandent de
été jusqu'aux extrémités du monde habité. (Ps. tous côtés sont celles que la fontaine ne peut
xvui, 5 Rom.x, 18.) Que vous alliez dans l'Inde,
; plus contenir dans son sein, mais qu'un cou-
chez ces peuples que le soleil à son lever visite rant continu force à jaillir. Aussi pour marquer
les premiers, ou vers l'Océan jusqu'aux lies Bri- l'abondance de ces eaux, il a dit : non pas
tanniques, ou vers le Pont-Euxiu, ou dans les qu'elles sortent, mais qu'elles jaillissent.
contrées septentrionales ,
partout vous enten- Voulez-vous savoir quelle est la nature de
drez les hommes répétant les sages maximes cette eau? Voyez à quoi elle sert. Elle est utile
de l'Ecriture, avec un accent étranger sans non pour la vie présente, mais pour la vie
doute, mais avec une même foi , dans une éternelle. Restons dans ce jardin, asseyons-
langue différente, mais avec une même pensée. nous près de la source, ne faisons pas comme
Le son des paroles change, mais la religion ne Adam pour ne pas être comme lui chassés de
change pas; barbares par la langue, ces ce lieu. Ne nous laissons pas entraîner par de
hommes sont sages par la pensée, et les solé- funestes suggestions, par les mensonges de
cismes de leur bouche n'empêchent pas la Satan restons dans le paradis nous y trouve-
; ,

pureté de leur vie. rons la sùrelè continuons de nous adonner à


;

Voyez-vous grandeur de ce paradis étendu


la la lecture des Ecritures. Ceux qui sont assis à
jusqu'aux extrémités de la terre? Là il n'y a côté dune fontaine, qui jouissent de la fraî-
pas de serpents les bêtes féroces ne s'y trou-
, cheur qu'elle procure, qui, pour se protéger
vent pas , et la grâce du Saint-Esprit protège contre la chaleur, baignent souvent leur visage
celteheureuse région. Dans ce paradis comme dans les eaux, se guérissent facilement de la
dans l'autre se trouve une source , une source soif, s'ils viennent à l'éprouver, par ce qu'ils
d'où sortent des milliers de lleuves, et non trouvent le remède dans la source : ainsi celui
(jiialre seulement. Ce n'est pas au Tigre, à qui est assis auprès de la fontaine des saintes
l'Euphrate , au Nil , au Gange, mais à des mil- Ecritures, s'il est tourmenté par l'ardeur d'une
liersde fleuves que cette source donne nais- passion insensée, s'en délivre facilement tu
sance. Qui le dit? Dieu lui-même qui, dans sa baignant son âme dans ces eaux si la colère ;

bonté, nous a donne ces lleuves Celui qui croit : î>'allunie en lui et lait bouillonner son cœur
en moi, dit l'Ecriture, des fleuves deuu cive connue la chaleur lait bouillonner un vase,
couleront de son Voyez-vous
seiri. (Jean, vu, 38.) qu'il y jette un peu de cette eau spirituelle et
qu'il sort de cette source, non quatre lleuves
,
cette passion im|)udente sera bientôt com-
mais des tleuves innombrables? El ce nest pas primée. En un mot, la lecture des Livrer saints
l'abondance seulenienl, n)ais aussi la nature uousdeliNre de toute pensée mauvaise, comme
des eaux qui rend cette source admirable; car de llammes dévastatrices.
ce ne sont pas des eaux qui coulent mais les , "2. C'est grand prophète
[lour.iuoi David, ce
grâces du Saint-Esprit. Cette source se counnu- Uclure des saints
<iui connaib^rait lulilile de la
iiiquc à chaque ànie fidèle et se partage entre Livres, compare celui qui s'api'liiiue aux Ecri-
SUR L'INSCRIPTION DES ACTES. - TROISIÈME HOMÉLIE. 53

tures et qui passe sa vie avec elles, le compare, tains canaux à tout le tronc qui en profite
da :

dis-je, à un arbre toujours verdoyant, planté même, pour celui qui continuellement la
lit

sur le bord d'une rivière Heureux l" homme


: sainte Ecriture et qui se tient auprès de ces
qui n'a pas été dans l'assemblée des impies, qui eaux, n'cût-il aucun commentateur, la lecture
ne s'est point arrêté dons la route des pécheurs, seule, comme une espèce de racine, lui en fait
qui ne s'est point assis dans la chaire de pesti- retirer une très-grande Ah je sais vos
utilité. 1

lence, mais qui place ses a/feclions dans la lot soucis, vos occupations, vos nombreux tra-
du Seigneur et la médite jour et ?iuit il sera , vaux aussi ce n'est que doucement et peu à
:

comme un arbre planté près d'un cours d'eau. peu que je vous amène à réfléchir sur l'Ecri-
(Ps. I, ^ - 3.) L'arbre planté près d'un cours ture, et la lenteur de mon interprétation en
d'eau croissant au bord même d'une rivière
, rendra le souvenir plus durable. Un orage
jouit sans cesse d'une humidité convenable et tombant par torrents impétueux n'agit que sur
brave impunément toutes les intempéries de la surface de la terre et reste inutile pour les
l'air; il ne craint pas les ardeurs desséchantes couches inférieures; mais une pluie qui tombe
du soleil , ni l'air enflammé ; ayant en lui- doucement et peu à peu, comme de l'huile,
même une sève abondante, il se défend con- pénètre plus profondément au moyen de cer-
tre la chaleur extérieure et la repousse: de tains vaisseaux, de certains canaux, remplit
même une âme qui se tient près des eaux d'eau les cavités qu'elle rencontre et rend la
de la sainte Ecriture, qui s'en abreuve conti- terre bien propre à porter des fruits. Et nous
nuellement, qui recueille en elle-même celte aussi, nous faisons tomber doucement cette
rosée rafraîchissante de l'Esprit -Saint, devient pluie spirituelle dans vos âmes. L'Ecriture,
supérieure à toutes les attaques des choses hu- c'est un nuage spirituel, ses paroles et ses pen-
maines, que ce soit la maladie, la médisance, sées c'est une pluie bien supérieure à la pluie
la calomnie, l'insulte, la raillerie ou tout autre matérielle et cette pluie spirituelle, nous la
;

mal ; quand toutes les calamités do la terre


oui, faisons tomber lentement sur vos âmes, afin
fondraient sur celte àme, elle se défend facile- que nos paroles pénètrent jusqu'au fond. Aussi
ment contre toutes ces attaques, parce que la depuis quatre jours que cette interprétation est
lecture de l'Ecriture sainte lui fournit des con- commencée, nous n'avons encore pu aller plus
solations suffisantes. Ni la gloire au loin ré- loin que le titre nous en sommes encore oc-
;

pandue, ni la puissance bien établie, ni l'as- cupés. Il vaut bien mieux ne travailler qu'un
sistance d'amis nombreux aucune chose hu- , petit champ, le remuer profondément et
y
maine ne peut consoler un homme af-
enfin, trouver en abondance les choses nécessaires
fligé, comme la lecture de la sainte Ecriture. que de travailler superficiellement de grandes
Pourquoi donc ? Parce que ces choses-là sont étendues de terrain et de n'aboutir qu'à se fa-
périssables et corruptibles, et que les conso- tiguer en vain, sans profit, sans résultat. Je
lations qu'elles donnent périssent aussi la lec- ; sais que cette lenteur déplaît à beaucoup
;

ture de l'Ecriture sainte, c'est un entretien mais ce n'est pas de leurs blâmes, c'est de vo-
avec Dieu, et quand Dieu console un affligé, tre utilité que je me soucie. Que ceux qui
qui pourra le rejeter dans l'affliction ? peuvent aller plus vite attendent leurs frères
Appliquons-nous donc à cette lecture, non plus lents ; ils peuvent bien les attendre, mais
pas seulement pendant ces deux heures (cela leurs frères plus faibles ne sauraient les at-
ne suffirait pas pour nous sauver), mais tou- teindre. Aussi saint Paul nous recommande,
jours que chacun rentré chez soi prenne en
; à nous, de ne pas presser inoportunément les
main les Livres divins et qu'il réfléchisse sur faibles qui ne peuvent arriver à la perfection
les pensées qu'ils renferment, s'il veut retirer des forts, et aux forts de supporter l'impuis-
de l'Ecriture sainte un secours continuel et suf- sance des faibles. (I Cor. vui, 9.) C'est de votre
fisant.Cet arbre planté sur le bord deleaun'y utilité que je me soucie, non du vain renom
reste pas seulement deux ou trois heures, mais d'éloquence pourquoi les mêmes pensées
; c'est
tout le jour, mais toute la nuit. Aussi ses me retiennent longtemps. si
abondantes ses fruits nombreux
feuilles sont , 3. Le premier jour j'ai dit qu'il ne fallait pas
et cependant nul homme ne l'arrose; mais passer sur les titres sans s'y arrêter, et c'est alors
placé près d'une rivière, ses racines attirent que je vous ai lu l'inscription de l'autel tt que
l'humidité et la communiquent comme par cer- je vous ai montré la sagesse de saint Paul qui.
S4 TRADUCTION FRANÇAISE DE SAINT JEAN CHRYSOSTOME.

prenant pour ainsi dire un soldat étranger du parler du- EspritSaint


il emprunte des ,

milieu des ennemis, l'a fait passer dans sa pro- figures à l'eau Quiconque boit de cette eau
:

pre armée. A cela s'est bornée notre instruction aura encore soif, dit-il, au contraire qui boira
du premier jour ensuite, le deuxième jour,
;
de l'eau que je lui donnerai n'aura jamais
nous avons recherché quel était l'auteur du soif. (Jean, iv, 13.) Voyez-vous comme des

livre et nous avons trouvé par la grâce de Dieu choses visibles il conduit aux invisibles? C'est
que c'était Luc l'évangéliste nous avons éta- ;
ainsi que nous faisons et nous marchons de

bli ce point par bien des preuves qui deman- bas en haut, afin que notre parole en soit plus
daient, les unes plus, les autres moins de sa- claire. Parlant d'autorités, nous avons indiqué

gacité. Je sais que beaucoup de mes auditeurs des autorités non spirituelles, mais temporelles,
n'ont pas suivi mes dernières déductions : ce qui pour vous conduire des unes aux autres. Avez-
ne m'empêchera pas de rechercher encore ces vous entendu combien j'ai énuméré d'autori-
preuves plus difficiles à saisir. Les pensées tés visibles, les unes plus grandes, les autres

qui frappent au premier abord serviront aux moins, et combien la dignité de consul est
faibles, celles qui sont plus profondes plairont au-dessus de toutes comme la tête et le som-
et seront utiles à ceux qui ont de la pénétra- met? Voyons quelles sont les dignités spiri-
tion. Il faut que nous servions un repas varié tuelles. C'est une dignité spirituelle que celle

et multiple, car les convives ont des goûts va- de prophète; en voici d'autres, celles d'évan-
riés et multiples. Nous avons donc traité le géliste, de pasteur, de docteur les uns ont le ;

premier jour du titre, le second de l'auteur, le don des miracles, les autres des guérisons, d'au-
troisième, c'est-à-dire hier, du commencement tres encore de l'interprétation des langues. Ces
du nous avons montré (nos auditeurs
livre et noms sont des noms de grâces, mais ces grâces
le savent bien) ce que c'est qu'un acte, ce que ont donné naissance dans l'Eglise à des fonc-
c'est qu'un miracle, ce que c'est que la bonne tions, à des dignités. Le prophète est un digni-
conduite, ce que c'est qu'un prodige, qu'un taire; l'exorciste un dignitaire; chez nous, le
signe, qu'une puissance, quelle différence il y pasteur et le docteur sont des dignitaires spiri-
a. entre eux, comment l'un est plus grand, tuels ; mais par dessus toutes ces dignités se
fautre plus utile, comment l'acte vertueux con- trouve la dignité d'apôtre. Et comment le voyez-
duit par lui seul au royaume des cieux, com- vous? qu'un apôtre est avant tous ceux-là,
C'est
ment le miracle séparé de l'acte vertueux est et ce qu'est le consul dans les dignités de ce
banni du paradis. Aujourd'hui il nous faut monde, l'apôtre l'est dans les dignités spiri-
achever l'interprétation du titre et montrer ce tuelles il y tient le premier rang. Ecoutez
:

que c'est (juc ce nom d'apôtres. Car ce n'est saint Paul énumérant ces dignités et plaçant
pas un nom sans signification ; c'est le nom au degré le plus élevé celle d'apôtres. Que dit-
d'une autorité, de l'autorité la plus grande, de il donc? Dieu a établi dans l'Eglise, premiè-

l'autorité la plus spirituelle , de l'autorité rement des apôtres^ secondement des pro-
céleste. Attention donc. Dans le siècle, ily a phètes, troisièmemejit des docteurs et des pas-
bien des autorités de rangs divers, les unes teurs, ensuite le do7i des gucriso))S.
sont plus hautes, les autres moins : par exem- Voyez-vous quelle est la charge la plus su-
ple, pour commencer par les dignités infé- blime? Voyez-vous l'apôtre assis au premier
rieures, il y a leprocureur de la ville, au- rang, n'ayant personne au-<lessus de lui, plus
dessus de lui legouverneur de la province, élevé que lui? Saint Paul place au premier lieu
après celui-ci une autorité plus grande encore ;
les apôtres, au second les prophètes, au troi-
dans la hiérarchie militaire maître , il y a le sième les docteurs et les pasteurs, ensuite ceirx
des soldats, puis le prélot, plus haut encore la qui possèdent grâce des guérisons, ceux
la

dignité de consul. Co sont là autant d'autorités, qui soignent les malades, les directeurs, ceux
mais de degrés dilféreuts il en est de même : qui ont le don des langues. Mais la dignité
dans Tordre spirituel, on y remarque aussi d'apôtre n'est pas seulement la tète des autres
beaucoup de dignités de divers degrés; mais la dignités, (>lle en est encore la base et la racine.
l)lus élevée de toutes, c'est la dignité d'apùlres. La tète, placée au-dessus du corps, n'en est
Je me sers de celte comparaison pour vous pas seulement la maîtresse et la dominatrice,
faire passer des choses visibles aux choses invi- mais encore, si j'ose le dire, la racine : car
sibles. C'est ainsi que fait le Christ; pour les nerfs qui pénètrent dans toutes les parties
SUR L'INSCRIPTION DES ACTES. — TROISIÈME HOMÉLIE. K3

du corps sortent d'elle, du cerveau, et rece- qui vivons et qui sommes réservés pour Vavè-
vant d'elle les esprits animent tout le corps; nement du Seigneur., nous ne préviendrons pas
de nièuie la dignité d'apôtre, maîtresse et do- ceux qui se sont déjà endormis. (1 Thess. iv,14.)
minatrice des autres, non-seulement les sur- C'est là encore une prophétie. Voyez-vous (ju'il
passe, mais contient en ello-mcme la racine de a le don des langues et celui de prophétie?
toutes les autres. Le prophète peut ne pas être Voulez-vous voir qu'il a la grâce de guérir?
apôtre et prophète; mais l'apôtre est nécessai- Mais les preuves ne sont-elles pas inutiles ici,
rement prophète , il a le don des gucrisons, puisque nous voyons ce don de guérison ap-
des langues et de l'interprétation ; ainsi cette partenir, non-seulement aux ai)ôlres, mais en-
dignité est la source et la racine des autres. core à leurs vêtements? Qu'il ait été le docteur
-4. Oui, il en est ainsi, j'en atteste saint Paul. des nations, il le dit [)artout, et il ajoute qu'il
Mais disons d'ybord ce que c'est que le don des embrassa dans sa sollicitude la terre entière et
langues Qu'est-ce donc que le don des langues? qu'il gouverna les Eglises. Ainsi quand vous
Autrefois celui qui avait été baptisé et qui entendez énumérer les diverses dignités et
croyait parlait diverses langues quand le Saint- dire : premièrement les apôtres, secondement
Esprit était descendu sur lui. Comme les chré- les prophètes, troisièmement les pasteurs et les
tiens d'alors étaient encore faibles et qu'ils ne docteurs, ensuite ceux qui possèdent le don de
pouvaient voir des yeux du corps les grâces guérison, d'assistance, de direction, le don des
spirituelles, il leur était accordé une grâce sen- langues, sachez que la réunion de tous ces
sible pour que ce qui était spirituel leur devînt dons se trouve dans la dignité d'apôtre comme
évident , et le baptisé se mettait à parler dans la tète. Pensiez-vous que le nom d'apôtre
notre langue, celle des Perses, celle des In- fût sans signification? Vous savez maintenant
diens, celle des Scythes pour apprendre aux tout ce qu'il renferme de grandeurs. Et si nous

infidèles qu'il avait reçu l'Esprit-Saint. C'était avons traité cette matière ce n'est pas pour
là un miracle sensible, je veux dire ce don des faire parade de notre science, car ces paroles
langues ; c'était un des sens du corps qui le per- sont moins les nôtres que les paroles de l'Esprit-
cevait; quant à la grâce du Saint-Esprit, grâce Saint dont la grâce excite les plus négligents et
spirituelle et invisible, ce signe sensible la ne leur laisse rien omettre.
rendait manifeste. Voilà en (juoi consistait Ce ne serait pas sans raison que nous appel-
le don des langues. Cet homme qui natu- lerions un apôlre consul dans l'ordre spirituel.
rellement ne connaissait qu'une langue, en Les apôtres, ce sont des magistrats choisis par
parlait plusieurs que lui avait enseignées la Dieu, magistrats non préposés à telle nation, à
grâce; on voyait un homme un par le nom- telle ville, mais désignés pour prendre tous en-
bre m;us multiple par la grâce ayant plu-
, , semble soin de toute la terre. Oui , ce sont des
sieurs bouches et plusieurs langues. Voyons magistrats spirituel s, et je vais essayer de vous
comment l'Apôtre posséda ce don ainsi que le montrer, afin qu'après cette démonstration
tous les autres. De celui-ci il dit: Je parle plus vous sachiez que les apôtres sont aussi élevés
de lamjiœs que vous tous. (I Cor. xiv, 18.) Vous au-dessus des magistrats de l'ordre temporel
voyez comme on retrouve en lui cette diversité que ceux-ci le sont au-dessus d'enfants qui se

des langues non-seulement on l'y retrouve,


; et livrent aux jeux de leur âge. La magistrature
mais avec plus de variété que dans tout autre spirituelle est bien plus grande que la magis-
fidèle car il ne dit pas seulement Je puis
, : trature temporelle et plus nécessaire à notre
parler vos langues, mais je parle plus de lon- vie : quand elle disparaît^ tout tombe et se
gues que vous tous. Quant au don de prophétie dissout. Quel est le caractère distinctif du ma-
qu'il avait, voici comme il le manifeste l'Es- : gistrat? Qui faut-il regarder comme revêtu de
prit dit clairement que dans les derniers jours cette dignité? Celui qui est maître de la prison,
viendront des temps périlleux. (I Tim. iv, 1.) qui peut enchaîner les uns, relâcher les autres,
Que ce soit une prophétie que d'annoncer ce renvoyer ceux-ci, enfermer ceux-là, ou encore
qui arrivera à la fin des siècles, tout le monde remettre les dettes, acquitter certains débi-
le voit. Eten un autre endroit Or sachez qu'à : teurs et en forcer d'autres à payer, envoyer
la fin des jours viendroiit des temps périlleux à la mort et rappeler de la mort ou plutôt :

(II Tim. en un autre encore Je vous


ni, 31) ; et : ce n'est pas là le pouvoir d'un magistrat,
affirme, sur la parole du Seigneur, que nous mais d'un roi, et encore ce pouvoir n'appar-
TRADUCTION FRANÇAISE DE SAINT JEAN CHRYSOSTOMÈ.

tient-il pas tout entier même aux rois. Car ils à qui vous remettrez les péchés, dit Jésus-Christ,

ne peuvent rappeler de la mort celui qui a ils leur seront ronis ; et ceux à qui vous les

quitté la vie^ mais celui seulement qu'on con- retiendrez, ils hur seront retenus. (Jean,xx, 23.)
duit à la mort; ils peuvent annuler une sen- Est-il besoin de vous montrer après cela qu'ils
tence^ mais rappeler proprement de la mort, ils envoyaient à la mort et qu'ils rappelaient delà
ne le peuvent; le pouvoir qu'ils ont est bien mort, non-seulement après la sentence, non-
petit et le pouvoir le plus grand, ils en sont seulement au moment du supplice , mais
privés. De plus, nous reconnaissons un magis- qu'ils ressuscitaient ceux qui étaient déjà
trat à sa ceinture, à la voit du héraut, aux morts et corrompus? Mais où ont-ils condamné
licteurs qui l'accompagnent, à son chariot, à à mort? Où ont-ils délivré de la mort? Ananie
son épée : car ce sont la le? marques du pou- et Saphire furent convaincus de sacrilège quoi- ;

voir. Voyons si la dignité d'apôtre a les mêmes qu'ils n'eussent caclîé qu'un argent qui était le
insignes; non, ce ne sont pas les mômes, mais leur, ce n'en était pas moms un attentat sacri-
des insignes bien supérieurs. Comparons-les, lège : celte somme , après la promesse qu'ils
pour vous montrer que d'un côté il n'y a que avaient faite, ne leur appartenait plus. Que fit

des noms et que de l'autre sont les réalités


, ;
donc l'apôtre? Ecoutez et vous verrez que, assis
pour vous montrer que la différence qu'il y a en quelque sorte sur un tribunal il cite le sa- ,

entre les magistrats civils et les apôtres est la crilège, interroge comme fait le juge et ensuite
même à peu près qu'entre les enfants qui jouent prononce la sentence. Un interrogatoire en effet
aux magistratures et les hommes qui exercent précéda condamnation. Le crime, il est>Tai,
la

ces magistratures, et, si vous le voulez, com- était patent; mais pour faire voir à ceux qui
mençons par le pouvoir de dispenser de la pri- n'étaient pas présents la justice de sa sentence,
son. Nous avons dit que le magistrat peut relâ- il interroge en ces termes Pourquoi Satan :

cher ou enchaîner. Voyez si les apôlres n'ont pas s'est-il emparé de ton cœur jusçit'à te faire

le même pouvoir Tous ceux que vous lierez sur


:
mentir à l'Eiiprft-Saint et frauder sur le prix
la (erre seront liés dons les deux, et tous ceux de ton champ ? Restant entre tes mains ne ,

que vous délierez sur la terre seront déliés dans demeurait-il pas à toi? Et vendu n'était-il pas
les deux. (Matlh. xvni, 18.) Vous voyez des encore en ta puissance? Ce Ji'est pas aux
deux côtés autorité sur la prison le nom est le ;
hommes que tu as menti, mais à Dieu. (Act.
même, mais que la chose est différente! Il y a V, 3, 4.) Et quel effet produisirent ces parolei
liens et liens, mais les uns sur la terre, les sur Ananie? Il tomba et il expira. Voyez-vous

autres dans le ciel car c'est le ciel qui est la


: que les apôtres ont le pouvoir du glaive? Quand
prison sur laquelle les apôtres ont puissance. vous entendez dire à saint Paul : Prenez en
Voyez donc combien leur pouvoir est grand : toutes circonstances le glaive de l'Esprit qui
habitant notre terre, ils portent leur sentence, est la parole de Dieu (Eph. vi, 17), souvenez-
et celte sentence est assez puissante pour péné- vous de cette sentence, souvenez-vous que
trer dans les cieux. Des rois assemblés en une frappé non par l'épéc, mais par la parole, le

même ville portent des décrets et des lois, qui sacrilège est tombé. Voyez-vous ce glaive

se font respecter par toute la terre de même les : aiguisé, ce glaive nu? 11 n'y a pas de lame, pas

Apôtres assemblés en un seul lieu portèrent des de poignée, pas de mains; mais, au lieu de
lois, et telle a été refficacité de ces lois qu'elle mains, c'est la langue, au lieu d'une lame, ce
s'est fait sentir ron-seulemcnt par toute la sont des paroles qui ont mis à mort le coupable
terre, mais qu'elle a pénétré jusqu'au plus haut Ananie.
des cieux. Vous voyez deux prisons. Tune sur Après lui vint sa femme ; l'Apôtre voulait lui
la terre, l'autre dans le ciel l'une pour le» ; présenter une occasion de se mettre hors de
corps, l'autre pour les âmes, ou plutôt à la fois cause, de se rendre digne de pardon, et pour
pour les âmes pour les corps; leurs liens
et cela ildemanda encore Dites-moi si vous
lui :

n'ctreignent pas seulement les corps, mais aussi avez vendule champ ce prix-là. 11 savait bien

les âmes. qu'on ne l'avait pas vendu ce prix-là; mais


5. Voulez-vous voir comment ils avaient la c'était pour l'amener à résipiscence par son
puissance de remettre les dettes? Ici encore interrogation pour lui faire reconnaître sa
,

vous apercevrez une grande différence; ils re- faute, pour lui accorder son pardon qu'il lui .

mettaient, non l'argent, mais les péché» Cetac : parlait ainsi et cette femme persista dans son
;
SUR L'IiVSCRIPTION DES ACTES. — TROISIÈME HOMÉLIE. «7

impudence aussi parlagea-t-elle le châtiment


:
trouva transporté du désert à Azot. (Act. vni,
de son mari. Voyez-vous le pouvoir de disposer 39, 40.) Voyez-vous ce char rapide, cet atte-
de la prison ? Voyez-vous comme les apitres lage plus prompt que le vent? L'apôtre devait
peuvent envoyer à la mort? Mais voyons un monter jusque dans le paradis, quelle distance !

pouvoir plus grand encore, celui de rappeler quel intervalle Enlevé tout à coup, il y fut
1

de mort. Tabitlie, une chrétienne célèbre par


la transporté sans aucun effort et en un instant.
ses nombreuses aimiônes, était morte, et on (II Cor. XII, 2.) Voilà le char des apôtres la voix ;

avait couru aussitôt vers les apôtres; car on de leur héraut est digne de leur autorité. Ce
savait qu'ils avaient pouvoir de vie et de mort ;
n'est pas un homme qui, marchant devant eux,
on savait que ce pouvoir était venu du ciel sur élevait la voix, mais la grâce de TEsprit-Saint,
la terre. Que fit Pierre lorsqu'il fut arrivé? l'éclat des miracles cpii a une voix plus reten-
Tabithe, levez-vous (Âct. ix, 40), dit-il. 11 ne lui tissante que la trompette ; voilà comme l'Es-
fallut ni grands apprêts, ni serviteurs, ni mi- prit-Saint leur ouvrait la route. Si les chefs des
nistres; il lui suffit dune parole pour la ressus- peuples paraissent dans un tel éclat que leurs
citer; la mort entendit cette voix et elle ne put sujets n'osent facilement les aborder, il en fut
retenir sa victime. Voyez-vous combien est de même des apôtres. Parmi les autres aucun
puissante la voix de ces juges? Celles de nos n'osait se joindre à eux; mais le peuple les
juges sont bien faibles : qu'ils commandent et exaltait. (Act, v, Vous voyez qu'ils peu-
13.)
s'il n'y a pas de serviteur pour leur obéir, rien vent jeter en prison, remettre les dettes, qu'ils
ne s'exécute ; mais là il n'est pas besoin de ont le glaive, qu'ils portent une ceinture, qu'ils
ministres; l'apôtre parle et aussitôt la chose se voyagent sur un char, qu'une voix plus reten-
fait. Vous avez vu la prison dont ils disposent et tissante que la trompette les devance, qu'ils se
qui est le signe caractéristique de leur puis- montrent environnés d'un grand éclat.
sance ; vous les avez vus remettre les péchés, 6. Il faut maintenant vous montrer toutes
chasser la mort, rappeler à la vie. Voulez-vous leurs belles actions, vous faire voir combien ils
voir quelle est leur ceinture ? Le Christ les a ont été utiles à la terre car les chefs ne sont
:

envoyés ceints, non de cuir, mais de vérité ;


pas seulement chefs pour recevoir des hon-
ceinture vénérable et spirituelle; aussi dit-il : neurs, mais surtout pour déployer en faveur de
Ceignant vos reins de la vérité. (Ephés. vi, 14.) leurs sujets une grande sollicitude, une grande
Leur autorité est spirituelle et elle n'a besoin affection. Toutefois , comme mon discours est
de rien de sensible : Toute la gloire de la fille déjà plus long qu'il ne faut, renvoyant ce sujet
du roi est à l'intérieur. (Ps. xliv, 14.) à une autre réunion j'essayerai de m'adresser
,

Mais quoi 1 voulez-vous voir leurs bourreaux? maintenant aux néophytes. Et ne regardez pas
Les bourreaux sont ceux qui châtient les cou- cette pensée comme hors de saison. J'ai déjà dit
pables, les suspendent au gibet, leur déchirent que néophyte non
l'on peut encore être appelé
les flancs, les tourmentent, les punissent. pas dix et vingt jours, mais dix et vingt ans
Voulez-vous les voir? Ce ne sont pas des hom- après avoir reçu le baptême, pourvu que l'on
mes que les apôtres ont pour bourreaux, mais soit vigilant et sage. Quelle est la meilleure
lediable lui-même et ses démons; oui, quoi- exhortation que je puisse leur adresser? Ce
que revêtus de chair et d'un corps, les apôtres sera de leur rappeler leur naissance, la pre-
avaient pour les servir des puissances spiri- mière et la seconde, celle du corps et celle
tuelles. Entendez avec quelle autorité saint de l'âme, et de leur montrer la différence
Paul leur donnait ses ordres écrivant au sujet : entre les deux. Ou plutôt ce n'est pas de nous
du fornicateur, il dit : Livrez-le à Satan pour qu'ils doivent apprendre cela, le fils du ton-
la mort de sa chair. (I Cor. v,Au sujet de5.) nerre leur parlera lui-même, le disciple bien-
quelques blasphémateurs en usa de même
il : aimé du Christ saint Jean. Que dit-il ? A
,

Je les ai livrés, dit-il, à Satan, pour qu'ils ap- tous ceux qui l'ont reçu, il a donné le pouvoir
prennent à ne point blasphémer. (I Tim. i, 20.) d'être faits enfants de Dieu (Jean, ii, 12) ;
puis
Que me reste-t-il à vous montrer? Qu'ils ont leur rappelant leur première naissance, et par
des chars? Je puis vous montrer même cela. cette comparaison leur montrant la grandeur
Comme PhiUppe, après avoir baptisé l'eunuque de grâce qu'ils avaient reçue, il dit Qui ne
la :

et l'avoir initié aux saints mystères, avait besoin sont point nés du sang, de la volonté de m
de s'en retourner, TEsprit l'enleva et il se l'homme., mais de Dieu. (Jean, i, 13.) Une seule
58 TRADUCTION FRANÇAISE DE SAINT JEAN CIlKYSOSTOXîE.

parole suffit pour leur faire voir leur noblesse. pour que vous compreniez que la vie finit par
chaste enfantement ! ô naissance spirituelle I la mort et trouve la son terme. Mais il n'en est

ô nouvelle vie Conception et pas d'entrailles,


1 pas de même de cette seconde naissance. Pas
naissance et pas de sein, enfantement en de- de larmes, pas de langes en naissant on est ;

hors de toute œuvre de la chair, enfantement affranchi et déjà prêt au combat ; les mains et

par la grâce et la charité de Dieu, enfantement les pieds sont hbres pour courir et lutter; là,

où il n'y a que joie et allégresse Le premier ! pas de gémissements, pas de larmes il n'y a :

ne ressemble pas à celui-ci il commence par , que des embrassemeuts, des caresses, des té-
les gémissements. L'enfant sortant du sein de moignages d'amitié de frères qui reconnaissent
sa mère fait entendre un premier cri mêlé de un de leurs propres membres, qui retrouvent
larmes, comme le dit un auteur : Son prtmkr un frère revenant d'un lointain voyage. Car,
cri^ comme celui de tous les autres^ fut un cri avant baptême, le néophyte était l'ennemi;
le

dedoulcur. (Sag. vu, 3.) Gémissementsà l'entrée baptême il est devenu l'ami de notre
ai)rès le

de larmes au début de la carrière, c'est


la vie, commun Maître aussi nous nous réjouissons
;

ainsi nature nous présage dès le com-


que la tous c'est pourquoi le baiser s'appelle paix
;

mencement un avenir douloureux. Pourquoi pour nous apprendre que Dieu a mis fin à la
l'enfant pleurc-t-il en naissant à la lumière ? guerre et que nous sommes rentrés en grâce
Le voici : avant le péché, Dieu dit : Croissez et avec lui. Gardons-la toujours, cette paix, con-
midtipliez (Gen. i, 28), c'était une bénédic- servons-la, faisons durer cette amitié, afin de
tion : mais : tu enfanteras dans la douleur (Gen. mériter les tabernacles éternels, par la grâce
111,10), dit-il après le péché Voilà : le châlinient. et la charité de Notre-Seigneur Jésus-Christ,
Et à notre naissance, il n'y a pas seulement des par qui et avec (}ui soient au Père, gloire, hon-

larmes, mais aussi des langes et des liens, dts neur, puissance, ainsi qu'à l'Esprit saint et vi-

larmes à la naissance, des larmes à la mort, vificaleur, maintenant et toujours, et dans les

des langes à la naissance, des langes à la mort. siècles des siècles. Ainsi soil-il.

QUATRIÈME HOMÉLIE.

Qu'il n'est pas sacs péril de taire ce qu'on entend à l'église. — Pourquoi les Actes des Âpôires se lisent à la Penle^Mel — Pourquoi le Chnst

ne s'esl-il pas montré à tous les hommes après sa résurreclion 1 — Que les miracles opérés par les Apfilres dounèrenl une démonslralion plus

claire de sa résurrection que n'aurait lait sa m elle-même.

ANALYSE.

10 20, 3» Long exordc dans lequel l'orateur insiste sur le devoir que ceux qui
enlendenl la parole sainte à TEglise ont de ta

répandre au deliors. Tout clirolicn iicut cl doit être docteur au moins dans sa maison.
4° Admirable condescendance des —
Apôtres et en particulier de saint Paul se faisnnt tout à tous }X)ur les gmjncr tous à
Jesu-f-Chnst. S" Les ApiMrcs n'ont —
commencé à prêcher et à faire dos miracles qu'après la PeiiIcciMo, pourquoi uc pas attendre ce temps pour faire lecture du livre
des Actes. —
G» On lit les Actes des .d/x'./m- imniéilialcmcnl après la r«!.>iurreclion parce que les miracles opérés
par les Apô-

tres au nom de Jésus-Clirisl sont la meilleure preuve de la


résurrection. —
7°, 8», 9«> Oui, les miracles opérés par les Apôtres
étendue et éloquente.
sont une preuve irréfragable de la résurrection de leur Maître ; démonstration

1. La plus grande partie de la dette que m'a- d'hui. Conservez-vous avec soin les leçons que
vait fait contracter ce titre d'Actes des apôtres, vous avez entendues et mettez-vous votre zèle

je l'ai acquittée les jours précédents ; et le peu à les garder? Interrogez- vous sur ce point,

qui vous reste dû je viens le payer aujour- vous iiui avez reçu une sonune d'argent et
SUR L'INSCRIPTION DES ACTES. — QUATRIÈME IIOiMÉLIE. 59

qui devrez en rendre compte au Maître en ce vous, à qui s'adressent ces paroles. Et pour-
jour où ceux à (jui on aura confié des talents quoi Dieu vous appelle-t-il banquiers? Pour
seront appelés pour rendre leurs comptes, où vous apprendre à peser toutes paroles avec le
le Christ redemandera à ces banquiers le capi- même soin que les banquiers mettent à l'exa-
tal et les intérêts. // (e fallait, dit-il, remetire men et à l'admission des monnaies. De même
mon argent aux banquiers, et de retour je l'au- que les banquiers refusent une pièce de mon-
rais redemandé avec les intérêts. (Matth. xxv, naie altérée ou mal frappée, tandis qu'ils reçoi-
27.) grande et indicible charité de notre vent celle qui est bonne et sans défaut; de môme,
Maître ! Il déftjnd aux hommes de prêter à suivant cet exemple, n'acceptez pas toute parole,
usure et il prête lui-même à usure. Pour- rejetez celle qui est impure et corrompue,
quoi Parce que la première usure est mau-
? mais admettez dans votre souvenir celle qui est
vaise et digne de blâme, tandis que la seconda bonne et salutaire. Oui, oui, vous avez des pla-
est bonne et digne d'éloges. La première teaux, vous avez une balance non d'airain ni
usure, je veux dire celle de l'argent, ruine et de fer, mais de sainteté et de foi or, c'est avec :

celui qui prêle et celui qui emprunte; elle cette balance que vous devez peser toute parole.
perd l'âme de celui qui reçoit l'usure et écrase C'est pourquoi on vous dit soyez d'excellents
:

lapauvreté de celui qui la donne. Quoi de plus banquiers, non pour que, vous établissant sur
tristeque de voir un homme spéculer sur la une place publique vous comptiez de l'argent,
pauvreté de son prochain et faire commerce mais pour que vous soumettiez les paroles à
du malheur de ses frères II porte une figure 1 une épreuve rigoureuse c'est pourquoi saint ;

humaine et n'a rien que d'inhumain dans sa Paul dit Eprouvez tout, ne retenez que ce qui
:

conduite il devrait tendre la main à son frère


; est bon. (I Thess. v, 21 .) De plus, ce nom de ban-
et il précipite dans l'abîme celui qui a besoin quiers nous fait entendre qu'il faut non-seule-
de secours. Que fais-tu, ô homme? Le pauvre ment que nous éprouvions, mais encore que
ne va pas chez toi pour que tu augmentes sa nous distribuions les richesses. Si les banquiers,
pauvreté, mais pour que tu la soulages, et ta se contentant de recevoir l'argent, l'enfermaient
conduite ne diffère pas de celle des empoison- chez eux sans le mettre en circulation, leur gain
neurs. Ceux-ci cachent leurs embûches secrè- serait nul il en est tout à fait de même des
:

tes dans mets habituels de leurs victimes,


les auditeurs de la parole divine. Si, vous conten-
et ceux-là, cachant sous un air d'humanité tant d'entendre une instruction, vous la gardez
leur usure fatale ne laissent pas apercevoir le en vous sans la communiquer aux autres, tous
mal à ceux qui doivent prendre ce breuvage vos soins n'aboutiront à rien. Dans les maisons
mortel. Aussi il est bon de rappeler ce qui a de banque nous voyons sans cesse entrer et
été dit du péché, et à ceux qui prêtent à usure, sortir : qu'il en soit de même pour nos instruc-
et à ceux qui empruntent ainsi. Or, qu'a-t-il tions. Chez les banquiers, vous voyez les uns
été dit du péché ? Pour un peu de temps, il peser l'argent, les autres, le prendre et l'em-
plait au palais ; mais ensuite il est plus amer porter aussitôt, et cela dure tout le jour. Aussi,
que le fiel et plus pénétra7it qu'une épée à deux bien qu'ils n'aient rien en propre, néanmoins
tranchants. (Prov. v, 3, A.) Voilà ce qu'éprou- comme ils se servent des richesses d'autrui
vent les emprunteurs dans votre détresse vous
; pour des choses nécessaires, elles leur rappor-
prenez l'argent qu'on vous prête, vous vous tent un grand profit. Faites de même. Ce ne
procurez ainsi une consolation, mais bien pe- sont pas, il est vrai, vos paroles, mais celles de
tite et de courte durée et ensuite lorsque les ; l'Esprit-Saint toutefois, si vous les employez
:

intérêts s'accumulent etque le fardeau dépasse pour un bon usage, vous en retirerez un grand
vos forces, cette douceur qui flattait le palais profit spirituel voilà pourquoi Dieu vous ap-
:

devient plus amère que le fiel, plus perçante pelle banquiers.


qu'une épée à deux tranchants, et vous êtes Et pourquoi donne-t-il à la parole le nom
forcés d'abandonner en toute hâte le bien de d'argent? Le voici de même que l'argent
:

vos pères. doit porter comme signe distinctif l'effigie du


2. Mais des choses sensibles passons aux roi sans laquelle la monnaie, loin d'être va-
choses de l'esprit : // fallait, dit-il, remettre lable, est regardée comme fausse, de même la
mon argent aux banquiers, et par les banquiers doctrine de la foi doit être marquée au coin par-
chargés de le faire valoir c'est vous qu'il entend, fait du Verbe. En outre, l'usage de l'argent
TRADUCTION FRANÇAISE DE SAINT JEAN CHRYSOSTOME.

c'est, pour ainsi dire, notre vie, l'argent est la il a renié la foi et il est pire qu'un infidèle.
condition de tous les contrats ; achats ou ventes, (I Tim. V, 8.) Vous voyez comment saint Paul
c'est par lui que tout se fait. Il en est de même traite ceux qui négligent les gens de leur mai-
de la doctrine de la foi ; cette monnaie spiri- son ; et c'est avec raison car celui qui ne :

tuelle est la condition et la base de tous les prend pas soin des siens, dit-il, comment s'oc-
contrats spirituels : par exemple, si nous vou- cupera-t-il des étrangers? Cette exhortation,
lons acheter quelqui; chose à Dieu, nous em- direz-vous, n'est pas nouvelle dans ma bouche,
ployons comme m.onnaie le langage de la c'est vrai, néanmoins je ne cesserai pas devons
prière et nous obtenons ce que nous deman- la répéter, bien que je sois innocent désormais
dons. nous voyons notre frère plongé dans
Si de la négligence des autres : Il te fallait, dit
l'indifférence et le -«ice, nous gafxncrons son le Seigneur, remettre mon argent aux ban-
salut, nous achèterons sa vie, en employant quiers , et c'est la seule chose qu'il demande.
comme monnaie la parole doctrinale. Pour moi j'ai remis l'argent et je n'ai plus de
Aussi devons-nous mt'ttre tous nos soins à compte à rendre cependant bien que ma
; ,

garder et à retenir les enseignements de la responsabilité soit dégagée, el que je n'aie pas
chaire pour en faire part aux autres car on : de châtiment à redouter, j'agis comme si j'étais
nous redemandera !es intérêts de cet argent. encore responsable et exposé à la punition, tant
Appîiquons-nous à recevoir cette monnaie afin je crains et je tremble pour votre salut.
de pouvoir la communiquer aux autres car : Que personne donc n'apporte h écouter ces
chacun s'il le veut peut enseigner. Vous
,
,
instructions de l'insouciance, de la négligence;
ne pouvez adresser des reproches à une ce n'est pas en vain, ce n'est pas sans motif que
grande assemblée mais vous pouvez don-
; je fais de si longs exordes ; c'est pour que vous
ner un avis à votre femme. Vous ne pouvez preniez plus de soin de ce dépôt de la parole
parler à une si grand>; foule; mais vous pouvez que je vous confie, et empêcher que vous ne
adresser à votre fils «les paroles sages. Vous ne retourniez chez vous sans profit, n'étant venus
pouvez enseigner à cette multitude la doctrine que pour vous dissiper el nous donner
à l'église
du salut; mais vous pouvez rendre meilleur de vains applaudissements. Ce ne sont pas vos
votre serviteur. Ceti réunion de disciples ne
; louanges que je recherche, mais votre salut.
dépasse pas vos forces; celte manière d'ensei- Ceux qui luttent au théâtre attendent et reçoi-
gner ne dépasse pas votre intelligence; bien vent du peuple cette récompense; nous, ce n'est
plus, il vous est plu.î facile qu'à moi de tra- pas pour cela que nous combattons, mais bien
vailler à l'amendeiient de ces personnes. pour obtenir du Maître la récompense qu'il a
Pour moi, je ne me trouve avec vous le plus promise. Aussi je reviens souvent sur ces pen-
souvent qu'une ou ceux fois la semnine, et sées, afin que répétées fréquemment elles des-

vous, vous avez co .tinuellement dans votre cendent jusqu'au fond de votre âme. Les arbres
propre maison les di^ciples dont je vous parle, qui ont jeté de profondes racines sont inébranla-
votre femme, vos ei fants, vos serviteurs, au bles aux assauts des tempêtes de même les pen- :

foyer, à la t.ible auf^i vous pouvez h tout ins-


: sées qui ont pénétré profondément dans lame
tant du jour les repr ndre. Et, d'un autre côté, résistent plus facilement à la dissipvition qu'ap-
les soins à donner vo is sont plus faciles pour : portent les affaires. Dites-moi, mon cher audi-
moi, qui m'adresse une foule aussi nom-
.i teur, si vous voyiez votre enfant mourir de
breuse, je ne sais par quelle est la passion qui faim, pourriez-vous rester insensible à sa dé-
trouble votre âme, et à chaque réunion je suis tresse et ne vous exposeriez-vous pas à tout
forcé d'indiquer tou- les remèdes pour vous, ;
pour apaiser sa faim? Eh bien vous feriez cela 1

vous pouvez agir toui autrement et avec bien pour un enfant qui m.uiciue de pain, et pour
moins de peine opér'>r la guérison car vous : celui qui manque de la doctrine du salut vous
connaissez parfaitem ni les fautes de ceux qui seriez insensible! Seriez-vous encore digne
habitent sous le mèîiie toit que vous aussi : d'être appelé père? Et pourtant cette faim est
vous pouvez y ap|torter un remède plusprompt. d'autant plus funeste que l'autre, qu elle con-
3. Donc, mes chers Frères, ne soyons pas in- duit à une mort bien plus triste aussi de- :

souciants du salut de ceux qui habitent avec mande -t- elle de notre part une pitié plus
nous : Si quelqrnnu dit saint Paul, un pas grande Nourrissez vos enfants est-il dit
: ,

$oin des siens et surtout de ceux de sa maison. dans la distipline et la correction du Sei-
SUR L'INSCRIPTION DES ACTES. — QUATRIÈME HOMÉLIE. 61

gneur. (Ephés. vi, 4.) C'est là la plus belle oc- lesmets préparés pour leurs malades, non qu'ils
cupation des pères , le pins noble souci des en aient besoin, mais par condescendance pour
parents». Car voici le sijçne auquel je reconnais ces infirmes. C'est ainsi que fit saint Paul; sans
un naturel noble, c'est à voir donner plus de avoir besoin d'observer les temps, il les a ob-
soin aux choses sf)irituelles qu'aux temporelles. servés pour délivrer ceux qui les observaient
Mais en voila assez pour l'exorde; il faut main- de cette vaine pratique. l']t quand est-ce (jue
tenant payer notre dette; vous ai adressé si je saint Paul a observé les temps? Attention, je
cette lonj^ue exhortation c'est pour que vous , vous prie Le lendemain, nous arrivâmes par
:

recueilliez avec soin ce que je vais vous payer. mer à Car Paul s'é<ait proposé de passer
Milet.
Quelle est la dette que j'ai contractée envers Ephèse sans y prendre terre, de peur d éprou-
vous, il y a quelques joins? L'avez-vons si vite ver quelque retard en A'. '>e ; il se hâtait afin
oubliée? 11 faut donc que je vous la rappelle et dêtre, s'il lui eût été passible, le jour de la
d'abord que je vous relise ce titre sur lequel Pentecôte à Jérusalem. (Act. xx, 15, 16.) Vous
j'ai déjà versé un premier à-comple, que je vous voyez que celui qui avait dit N'observez ni :

redise ce que je vous ai payé et que nous voyons les jours, ni les mois, n: les temps, observe
enfin ce qui nous reste. Qu'ai-je donc payé en lui-même le jour de la Pentecôte.
premier lieu? J'ai dit qui avait écrit le livre des A. Et il le jour, mais
n'observe pas seulement
Actes, qui en avait été le père ou plutôt le mi- le lieu ;ne se hâtait pas seulement pour pas-
il

nistre; ce n'est pas saint Luc qui a fait les actes ser le jour de la Pentecôti , mais pour le passer
qu'il raconte, il n'a été que le ministre de la à Jérusalem. Que faites- vous, ô bienheureux
parole. Paul? Jérusalem est déti uite , la malédiction
Au sujet des Actes eux-mêmes, j'ai dit ce que divine a rendu désert le saint des saints, la re-
signifie ce nom; j'ai parle aussi de cette appel- ligion d'autrefois est abolie vous-même vous ;

lation d'apôtre. 11 faut dire maintenant pour- criez aux Calâtes Vous qui espérez d'être jus-
:

quoi nos pères ont réglé que ce livre des Actes tifiés par la loi, vous êtes déchus de la grâce

serait lu au jour de la Pentecôte. Peut-être vous (Gai. v, 4), et pourquoi nous ramenez-vous de
souvenez - vous que j'avais aussi promis d'en nouveau sous le joug de (i loi ? Cette question
donner la raison. Ce n'est pas sans motif et sans n'est pas légère, de savoir si saint Paul se con-
cause que nos pères ont lixé ces temps; ils ont tredit lui-même. Ce ne sont pas seulenient les
agi en cela guidés par de sages raisons , non jours que saint Paul observe, mais encore les
dans le dessein de soumettre notre liberté à la autres préceptes de la loi, et c'est lui qui crie
loi des temps, mais par condescendance pour aux Galates Voici que moi., Paul, je vous dis
:

les pauvres et les faibles, et afin de les enrichir que, si vous vous faites circoncire, le Christ 7ie
des fruits de la science et de les fortifier par vous servira de rien. (Gai. v, 2.)
l'aliment de la sagesse. Et pour vous persuader Ce Paul qui disait: Si vous vous faites cir-
que , s'ils ont observé les temps , ce ne fut concire, le Christ ne vous servira de rien (Act.
point pour s'assujétir à une observance rigou- XVI, t-3), a circoncis lui-même Timothée. Paul,
reuse, mais par condescendance pour les fai- dit l'Ecriture, ayant trouvé à Lystre un jeune
bles, écoutez ce Paul Vous ob-
que dit saint : homme, fils d'une femme juive fidèle et d'un
servez certains jours, certains mois certains , père gentil, le circoncit, lis ne voulait pas con-
temps, certaines années. Je crains d'avoir tra- fier la mission d'enseigner à un incirconcis.
vailléen vain parmi vous. (Gai. iv, dO, 41.) Pourquoi en agissez-vous ainsi, ô bienheureux
Et vous, grand Apôtre, est-ce que vous n'ob- Paul? Par vos paroles vous détruisez la circon-
servez pas certains jours certains temps , cer-, cision et par vos actes vous la ramenez? —
tiiinesannées? Eh quoi! Mais, à voir celui qui Non répond-il je ne la ramène pas, je la dé-
,
,

défend d'observer les jours, les mois, les temps, truis, au contraire, par mes actes. Car Timothée
les années à le voir, dis-je, les observer lui-
; était fils d'une femme juive fidèle, mais d'un
même, que penserons-nous, dites-moi ? Qu'il père infidèle il était donc d'une race incircon-
:

est en contradiction, en lutte avec lui-même ? cise. Mais comme saint Paul allait l'envoyer
Non, certes, mais que voulant aider la faiblesse pour servir de maître aux Juifs, il ne voulut
de ceux qui observaieirt les temps, il s'est sou- pas leur envoyer un incirconcis de peur qu'ils
mis pour eux à cette observance. Les médecins ne refusassent d'entendre sa parole. C'est donc
iont de même, lorsqu'ils goûtent les premiers pour préluder à la destruction de la circonci-
62 TRADUCTION FRANÇAISE DE SAINT JEAN CHRYSOSTOME.

sion et ouvrir la route à l'enseignement de Ti- Soyez mes ifTlitateurs, comme je le suis du
motliée qu'il le circoncit, afin de détruire la Christ. (I Cor. iv, 16.)
circoncision. Aussi dit-il : Je me suis fait comme Et comment, bienheureux Paul, êtcs-vous
juif avec les juifs. (I Cor. ix, 20.) Ce n'est pas devenu l'imitateur du Christ? Comment? En 1
pour devenir juif que saint Paul parle ainsi, ne recherchant jamais ma propre utilité, mais
mais pour amener à renoncer au judaïsme ceux celle du grand nombre afin qu'ils soient sau-
qui étaient restés juifs c'est pour ; le même motif vés, en me faisant, bien que libre à l'égard de
qu'il circoncit Tiiuotliée, c'est-à-dire pour dé- tous, l'esclave de tous les autres. Il n'y a donc
truire la circoncision. donc de la Il se servait rien de meilleur que cette servitude, puis-
circoncision contre la circoncision. Timothée qu'elle devient pour les autres la cause de leur
reçut la circoncision pour avoir accès auprès liberté. Saint Paul était un pêcheur spirituel :

des Juifs et les éloif,'ner peu à peu de cette pra- Je vous ferai, dit Jésus -Christ, pêcheurs
tique. Voyez-vous pounjuoi Paul observa et la d'hommes. (Matlh. iv, 19.) Lcà est toute la rai-
circoncision et la Pentecôte? Voulez-vous que son de sa conduite. Les pêcheurs, quand ils
je vous le montre observant d'autres points de voient un poisson avaler l'hameçon., se gardent
la loi? Faites attention. Il monta un jour à Jé- bien de mais ils le laissent aller
le tirer aussitôt,

rusalem, et les Apôtres le voyant lui dirent: Tu longtemps et le suivent attendant que l'hame-
vois, frère., comb'CJi de milliers de juifs ont çon soit bien fixé, afin de pouvoir amener leur
ils ont ouï dire que tu portes par tes
cru. Or., prise en toute siireté. Les Apôtres en agissaient
enseignements à abandonner la loi. Que faire de même; ils jetaient l'hameçon de la doctrine
donc ? Fais ce que nous te disons. Nous avons dans l'àme des Juifs; ceux-ci se rejetaient en
ici des hommes liés par un vœu ; prends-les arrière et se rattachaient à la circoncision, aux
avec toi., pwi fie-toi avec eux., fais-leur raser la fêtes, à l'observance des temps; au sacrifice,
tète., afin que tons sachent que ce qu'ils ont en- aux pratiques nazaréennes et autres choses
tendu dire de toi est faux, mais que toi aussi semblables; les apôtres les suivaient partout
tu observes la loi de Moïse. (Act. xxi, 20-24.) sans résister: vous cherchez, disait Paul, la
Voyez-vous cette condescendance admirable? circoncision, je ne m'y oppose pas, je vous suis ;

Ilobserve les temps pour faire disparaître l'ob- vous demandez un sacrifice je sacrifie vous
, ;

servance des temps; il emploie la circoncision voulez que je me rase moi qui ai abandonné
,

pour abolir la circoncision il offre un sacri- ; votre culte, je fais ce que vous ordonnez; vous
fice pour détruire les sacrifices. C'est bien me conunandez d'observer la Pentecôte, je ne
pour cela qu'il l'a fait; écoutez ses paroles : Je dispute pas; partout où vous me mènerez, je
me suis conduit avec ceux qui sont sous la loi vous suivrai, et en restant près de vous je lais-
comme sifcicsse été sous la loi; pour gagner serai l'hameçon de la parole pénétrer plus pro-
ceux qui étaient sous la loi., et bien que je fusse fondément, afin qu'ensuite je puisse avec
libre à l'égard de tous, je me suis fait l'esclave sûreté retirer toute votre nation de votre culte
de tous. (I Cor. ix, 21.) Etenajjissantdelasorte et de votre religion première. Voilà pourquoi
saint Paul imitait son Maître. Etant da?is la je suis venu d'Ephèse à Jérusalem. Voyez-vous
forme de Dieu., il n'a pas cru que ce fut une avec quelle obséiiuiosité saint Paul péchant des
tisurpation de se faire égal à Dieu; mais il s'est poissons pour le Christ savait faire céder la
anéanti lui-même preiumt la forme d'esclave parole? Voyez-vous connncnt l'observance des
(Philip. Il, C-7), et bien (ju'il fût libre, il se fit temps, de la circoncision, des sacrifices avait
esclave. De même saint Paul, hn>(pi'il était pour but, non de ramener à l'ancienne reU-
libre à l'égard de tons, se fit néanmoins l'es- gion, mais d'attirer à la vérité ceux qui étaient
clave de tous |)our les j^aj^Mier tous. Notre Maître encore attachés aux figures? Celui qui est assis
prenant notre nature se fit esclave afin de nous sur une hauteur ne \)eut pas, s'il y reste tou-
affranchir. 1/ a incliné les cicu.r et il est des- jours, faire monter ceux qui sont en bas; il
cendu (Ps. xvu, JO), afin de conduire au ciel faut qu'il s'abaisse lui-même pour élever les
les hommes d'ici-bas. // a incliné les deux; il autres jusqu'à lui. C'est ainsi que les apôtres
ne dit pas: il a (juilté les cieux et il est des- descendirent des hauteurs de la religion évan-
cendu, mais // a inclitu^, atin de vous rendre gélique pour y attirer ceux qui étaient encore
plus facile la route du ciel. Saint Paul l'imita dans les basses régions du judaïsme.
autant qu'il le put ; c'est poui- cela qu'il dit ; 6. Celte observance des temps, celle coudes-
SUR L'INSCRIPTION DES ACTES. — QUATRIÈME HOMÉLIE. 03

cendance aux rites extérieurs, tout cela a été partir de ce moment ils commencèrent à opérer
utile et avantageux, vous -venez de le voir re- : des miracles.
«herchons maintenant pourquoi ce livre des Qui ra|)|)orte tout cela? Le disciple de Paul,
Actes des Apôtres est la au temps de la Pente- l'illustre et , en commençant
vénérable Luc
Côte. En toutes ces recherches, nous n'avons ainsi son livre J\d fait mon premier récita
:

Voulu qu'une chose, vous montrer qu'en ô Théophile, sur tout ce que Jésus-Christ a fait
voyant les apôtres observer les temps vous ne et enseigné depuis le commencement jusqu'au
devez pas croire qu'ils regrettent la religion jour oii il fut enlevé au ciel, après avoir donné,
judaïque mais accordez-moi, je vous prie, une
;
par V Esprit-Saint , ses commandements aux
grande attention; c'est une question difficile Apôtres qu'il avait choisis et auxquels, après
que je vais vous exposer. Au jour de la croix sa passio}i, il se montra vivant par beaucoup
nous avons lu ce qui regardait la croix au grand ; de preuves, leur apparaissant pendant qua-
samedi, la trahison, le crucifiement de Notre- rante jours et leur parlant du royaume de Dieu.
Seigneur, sa mort selon la chair, sa sépulture: Ensuite, se trouvant avec eux, il leur com-
pourquoi donc ne pas lire après la Pentecôte manda de ne pas s'éloigner de Jérusalem.
les Actes des Apôtres, puisque c'est alors qu'ils (Act. I, l-A.) Voyez-vous qu'après sa résurrec-
eurent lieu, qu'ils commencèrent? Je sais que tion le Seigneur resta sur la terre quarante
beaucoup l'ignorent il est donc nécessaire de
: jours, parlant du royaume de Dieu et se trou-
leur montrer d'après le livre même des Actes vant au milieu de ses Apôtres ? Voyez- vous qu'il
que les Actes des Apôtres commencent non à partageait leur repas ? Et il leur commanda de
la Pentecôte, mais dans les jours qui suivent ne pas s'éloigner de Jérusalem, mais d'attendre
cette fête. Aussi ce serait avec raison qu'on re- la promesse du Père, que vous avez, dit-il,
chercherait pourquoi il nous est ordonné de ouïe de ma bouche : car Jean a baptisé dam
lire ce qui regarde la croix au jour de la Croix l'eau, mais vous, vous serez baptisés dans l'Es-
et de la Passion, tandis que pour la lecture des prit-Saint, sous peu de jours. (Act. i. A, 5.)
Actes des Apôtres nous n'attendons pas les Voilcà ce que disait le Sauveur pendant ces qua-
jours, le temps où ils ont eu lieu, mais que nous rante jours. Ceux donc qui se trouvaient là
les devançons. Ce ne fut pas immédiatement assemblés l'interrogeaient, disant : Seigneur^
après la résurrection que les Apôtres firent des est-ce en ce temps que vous rétablirez le royaume
miracles Jésus resta sur la terre avec eux pen-
; d^ Israël ? Et il leur répondit : Ce n'est pas à
dant quarante jours. Pourquoi passa-t-il avec vous de connaître les temps et les moments que

eux quarante jours sur la terre? je le montrerai le Père a réservés en sa puissayice; mais vous
une autre fois; pour aujourd'hui, marchons recevrez la vertu de l'Esprit-Saint qui viendra
toujours vers le but que nous nous sommes sur vous, et vous serez témoins pour moi, à Je'
proposé, et montrons que le Christ n'est pas rusalem, dans toute la Judée et la Samarie et
monté aux cieux aussitôt après sa résurrection, jusqu'aux extrémités de la terre. Et quand il eut
mais qu'il passa sur la terre quarante jours dit ces choses, en leur présence, il Releva et ime
avec ses disciples, qu'il les passa en se trouvant nuée le déroba à leurs yeux. (Act. i, 6-9.) Vous
au milieu d'eux, en partageant leur nourri- voyez que pendant quarante jours le Christ de-
ture, en conversant avec eux qu'après ces
; meura avec eux sur la terre, et qu'après ces qua-
quarante jours il monta vers son Père dans les rante jours il fut enlevé au ciel. Voyons mainte-
cieux que pendant tout ce temps les Apôtres
;
nant si au jour de la Pentecôte l'Esprit-Saint fut
n'opérèrent aucun prodige, (jue quand dix envoyé. Et quand les jours de la Pentecôte fU'
jours se furent encore passés, et que les jours rent accomplis, il se fit soudain un bruit venant
de la Pentecôte furentaccomplis, le Saint-Esprit du ciel comme celuid'un vent impétueux qui ar-
fut envoyé, qu'ils reçurent des langues de feu rive : alors leur apparurent comme des langues
et qu'ils commencèrent à faire des miracles. de feu qui se partagèrent, et le feu se reposa sur
Tous ces faits, mes chers frères, nous sont chacun d'eux. (Act. ii, 1-3.) Vous le voyez, n'est-
certifiés par les Ecritures, par exemple, que il pas bien prouvé que pendant quarante jours

Jésus resta quarante jours avec ses disciples, le Christ resta sur la terre et que les Apôtres ne

que quand les jours de la Pentecôte furent ac- firent aucun miracle? Comment auraient-ils
complis, le Saint-Esprit descendit, qu'alors les fait des miracles, eux qui n'avaient pas encore

pôtres reçurent des langues de feu et qu'à reçu la grâce de l'Esprit saint et vivificateur.
u .iION FRANÇAISE DE SAINT JEAN CHRYSOSTOME.

Ne voyez-vcds pas qu'au bout de quarante le fit sortir malgré les bandelettes qui le
jours Jésus fut enlevé au ciel ? Ne voyez-Tous liaient, et cela, sous les yeux de tous, et ce
pas encore que dix jours après les Apôtres fi- prodige, loin de les attirer a la loi. ne fit qu'ex-
rent des miracles? Car lorsque les jours de la citer leur colère : car ils résolurent de le faire
Pentecôte furent accomplis le Saint-Esprit fut périr à cause de cela. (Jean, xii, 10.) Si la ré-
envoyé. nous reste donc à chercher pour-
11 surrection d'un autre ne les amena pas à la
quoi c'est au jour de la Pentecôte que nous foi, sa propre résurrection, s'il leur était ap-
lisons les Actes des Apôtres. Si les Apôtres com- paru, ne les eût-elle pas encore irrités contre
mencèrent alors a opérer des prodiges, alors, lui ? Bien que leurs etlorts dussent rester im-
je veux dire à la résurrection du Seigneur, puissants, ils n'en auraient pas été moins exé-
c'est alors aussi qu'il fallait lire ce livre. De crables.
même que nous lisons ce qui regarde la Croix Aussi voulant apaiser cette colère inutile, il

au jour de la Croix, ce qui regarde la résur- se cacha; rendus plus inexcusables et


il les eût
rection, ce qui regarde chaque fête au jour plus dignes de châtiment, eu leur apparaissant
commémoratif de ces événements, on devrait après sa passion. Ainsi c'est dans leur intérêt
lire les miracles des Apôtres au jour de ces qu'il dérobe sa personne a leurs regards, mais
miracles. il se montre par des miracles. Le voir res-

6. Si vous voulez savoir pourquoi nous ne suscité, est-ce dune une chose plus grande
les lisons pas alors, mais immédiatement après que d'entendre dire à saint Pierre : Au nom
la Passion et la Résurrection, écoutez-en toute de Jésus- Cliriit, lève-toi et tnarclœ ? (Act, m, 0.)
la raison. Après nous annonçons de
la Passion Oui, c'est là la plus belle preuve de sa résur-
suite la Résurrection du Christ, mais la preuve rection, une preuve plus persuasive qu'une ap-
de la Résurrection du Christ ce sont les mira- parition les honunes devaient se sentir plus
;

cles des Apôtres et c'est le livre des Actes qui attirés à la foi en voyant des miracles faits eu
nous rapporte ces miracles. Ce récit qui, mieux son nom qu'en le voyant ressuscité, et voici ce
que tout le reste, confirme la résurrection de i|ui le prouve. Le Christ ro^^u^cité se moutiaà
notre Maître, c'est immédiatement après la et cependant il se trouva, même
ses disciples ;

passion et la résurrection vivificatrice que nos parmi eux, un incrédule, Thomas appelé Di-
pères ont ordonné de le lire. Voila pourquoi, dyme, qui eut besoin de porter sa main aux
mes chers frères, aussitôt après la passion et endroits des clous; qui eut besoin de sonder la

la résurrection nous lisons les miracles des plaie du cote. (^Jean, xx, -1\.) Et si ce disciple
apôtres ; c'est afin d'avoir de cette résurrection (jui a\ait passé trois aus avec le Maître, par-

une preuve évidente et péremptoire. Vous ne tagé sa table, vu ses prodiges et ses miracles,
le voyez pas res^suscité des yeux du corps, mais entendu sa parole, si, dis-je, ce disciple le
vous le voyez ressuscité des yeux de
la foi. Ce voyant ressuscité refusa de croire jusqu'à ce
n'est pas de ces yeux matériels que vous le qu'il eût vu la place des clous et la blessure

voyez ressuscité, mais grâce à ces miracles vous faite par la lance, comment toute la terre au-
f
le voyez ressuscité car la vue de ces miracles
:
rait-elle cru, dites-moi, en voyant Jésus res-
vous conduit à la foi. Aussi le voir ressuscité suscite? Uni oserait le dire? Mais ce n'est pas
est de «a résurrection une preuve moins grande ce fait seulement, il y en a encore d'autres qui

et moins évidente que de voir des miracles se prouvent que les miracles ont plus amené
faire en son nom. Voulez-vous voir tonmienf d"hom?r-es a la foi que n'eût lait la vue de
ces miracles confirment mieux sa résurrection Jésus ressuscite. Uuand la foule entendit
que s'il eût apparu visible à tous les honunes? sai.it Pierre dire au boiteux au nom oe ,

Ecoutez bien car beaucou|) fout cette de-


;
Jésus-Christ , lève-toi it nuuchc, trois nulle
mande Pounpioi ressuscité irapparut-il pa
: hommes, puis cinq nulle crurent en Jesus-
aux Juifs? Parole vaine et inutile. Si cela avait Christ ; et quand un disciple le voit ressus-

dû les amener à la foi. il n'aurait pas demandé cite, il que les


refuse de croire. Voyez-vous
nûeux que de leur apparaître à lotis après sa miracles sont une meilleure preuve de la
résurrection ; mais ce prodige ne les eût pas résurrection que les apiiaritions? Celles-ci ne
amenés à la foi c'est ce qu'il nous montre en
;
purent convaincre même un disciple ceui-la ;

Lazare. Il ressuscita cet hounne mort depuis amenèrent a la foi même les ennemis qin les
.quatre jours, i»ijuluiil déjà, dtja corioiui)U, il >ire,ut ; Uuit «jglUi .^ccoude pr«îuvc Igm porta
«9

sur la première pour altirei* ex amenci a la fui grandes encore. (Jean, xiv, 12. ) Car, coinm»
de la résurrection ! Et pourquoi parler de Tho- la croix avait été pour la plupart une cause de
mas? Les autres disciples ue crurent pas non scandale , il fallait après cela des miracles
plus à la première apparition, sachez-le bien. plus grands. Mais si le Christ étant mort fût
Mais n'allez pas les accuser, mes cliers audi- resté dans la mort et le tombeau comme le ,

teurs ; si le Christ ne les accusa pas, ne les ac- disent les Juifs, et ne fût pas monté auxcieux,
cusons pas non plus : c'était un spectacle non-seulement les miracles n'auraient pas été
nouveau et bien étrange pour les disciples quo plus grands après qu'avant la passion, mais ils
de voir le premier-né d'entre les morts ressus- auraient même complètement disparu. Ecou-
cité or ces grands spectacles surprennent au
; tez-moi maintenant avec beaucoup d'attention;
premier abo-J, /jsqu'à ce que par le temps ils c'est une preuve que la résurrection est indubi-
s'affermissent dans les âmes de ceux qui y table que je viens de donner aussi je veux :

croient voilà ce qui arriva aux disciples en


: la répéter.

cette circonstance. En effet lorsque le Christ Avant sa passion, le Christ fit des miracles,
ressuscité d'entre les morts leur dit Paix à : ressuscita des morts, purifia des lépreux, chassa
vous ! troublés et épouvantés , ils croyaient les démons ;
puis il fut crucifié, et, à ce que
voir un esprit, et Jésus leur dit : pourquoi êtes- prétendent impies , il n'est pas res-;
les Juifs
vous troublés ? Ensuite il leur montra ses mains suscité d'entre les morts. Que leur répon-
et ses pieds, et comme, transportés d'admira- drons-nous? Nous leur demanderons com-
tion et de joie les Apôtres ne croyaient pas en-
^ ment, s'il n'est pas ressuscité, il se fait en son.
core, il leur dit : Avez-vous ici quelque chose nom de plus grands miracles. Aucun hommei
à manger (Luc, xxiv, 36, 38, 41)? voulant par ne fait de plus grands miracles après sa morti
là les convaincre de sa résurrection. Mon côté, que pendant sa vie or ici il y eut des miraclesi
:

semble-t-il dire, et mes blessures ne vous per- plus grands et en eux-mêmes et par la manière
suadent pas en me voyant prendre de la
; dont ils se faisaient. En eux-mêmes car jamais :

nourriture, vous serez persuadés. l'ombre du Christ n'a ressuscité les morts
7. Et pour que vous sachiez bien qu'en di- et l'ombre des Apôtres a opéré bien des prodi-
sant Avez-vous ici quelque chose à manger ?
: ges semblables. Par la manière dont ils se fai-
il leur voulait persuader que ce n'était ni une saient, les miracles des Apôtres étaient aussi
vision, ni un esprit, ni un fantôme, mais un plus grands ; le Christ faisait ses miracles en
homme véritablement et réellement ressuscité, commandant après ; sa passion , ses serviteurs,
écoutez comme saint Pierre se sert de tous ces en employant seulement son nom vénérable et
faits pour confirmer la croyance en la résurrec- saint, en faisaient de plus grands et de plus re^
tion. Lorsqu'il dit Dieu Va ressuscité et lui a
: marquables, de manière que sa puissance bril-i
donné de se manifester aux témoins préordonnés lait d'un éclat plus vif et plus surprenant :
de Dieu, à nous, il ajoute la preuve de la résur- car que le Christ commande et opère des
rection, à nous, qui avons mangé et bu avec lui. miracles, c'est là une chose bien moins éton-
(Act. X, 40 41.) C'est une preuve dont le
, nante que de faire des miracles semblables
Christ usa lui-même lorsque, ayant ressuscité aux siens en se servant seulement de sod
la jeune fille, il voulut convaincre les assistants nom. Voyez-vous , mes chers auditeurs ,
que
de la vérité de cette résurrection, et il dit ; les miracles des Apôtres étaient plus grands
Donnez-lui à manger. (Marc, v, 43.) Aussi après la résurrection du Christ en eux-mêmes
quand vous entendez dire qu'il se montra vivant et par la manière dont ils se faisaient? C'est
pendant quarante jours leur apparaissant et res- donc là une preuve irréfutable de la résurrec-
tant au milieu d'eux, sachez pourquoi il prend tion : car, comme je le disais et comme je la
ausside la nourriture; ce n'est pas par besoin dirai encore, si le Christ mis à mort n'était pas
qu'il mange, mais parce qu'il veut raffermir la ressuscité, tous les miracles auraient dû cesser
faiblesse des disciples : d'où il est évident que et disparaître; mais, loin de disparaître, ils ont
les prodiges et les miracles des Apôtres sont la été ensuite plus éclatants et plus glorieux. Si le
grande preuve de la résurrection; aussi le Christ n'était ressuscité, jamais d'autres n'eus-
Christ lui-même dit-il En vérité, en vérité, : œuvres en son nom. C'était la
sent fait de telles
je vous le dis, celui qui croit e?i moi fera aussi, même puissance qui agissait et avant et après
lui, les œuvres que je fais et il en fera de pli** la passion, avant par le Christ lui-même, aprè^

TuiiK iV.
tUAUUCTION FRANÇAISE DE SALNT JEAN CURYSOSTOME.

par ses disciples ; et aOn que la preuve de la délaissé son ami, son maître pendant sa >ie,
résurrectioii devînt plus évidente et plus frap- n'en fera grand cas apiès sa mort, surtout
pante, les miracles devinrent après la [lassion s'il voit que celte estime l'expose à mille dan-
plus grands et plus remarquables. Mais, dira gers. Mais voici que ce qui n'est arrivé à per-
preuve que des miracles
l'infidèle, quelle est la sonne est arrive au Christ et à ses Apôtres,
preuve que le Christ
se firent alors? Quelle est la et ceux-ci , après avoir renié leur maître pen-
fut crucifié? Les divines Ecritures, répondrons- dant sa vie, après l'avoir abandonné, l'avoir
nous. Oui, des miracles se firent alors et le laissé aux mains de ses ennemis, s'être enfuis,
Christ fut crucifié, les saintes Ecritures nous sont tout à coup pénétrés d'un si grand amour
l'attestent ; elles rapportent l'une et l'autre pour celui qu'ils ont vu en butte à tant d'ou-
chose. Si notre adversaire nie que les Apôtres trages et expirant sur une croix qu'ils ne
aient fait des miracles, il exalte d'autant plus crai;zi;ctjt pas d'exposer leur vie pour l'annon-

leur puissance et la grâce divine, puisque sans ce r et croire en lui. Si le Christ, une fois mis à

miracles ils auraient converti la terre entière mort, n'était pas ressuscité, pourrait-on expli-
a la vraie religion car c'est le plus grand dos
: quer que ceux qui pendant sa vie l'abandon-
miracles et le plus étonnant des prodiges que naient parce qu'ils le voyaient en danger, tout
des hommes pauvres, mendiants, méprisables, à coup, après sa mort, s'exposent pour lui à
illettrés, bornés, abjects, aient, au nombre de mille périls? Tous les autres s'étaient enfuis,
douze, attiré à eux, sans le secours des mira- Pierre l'avait renié avec serment i»ar trois fois,

cles, tant de villes, de nations, de peuples, les et celui qui renia Jésus avec serment par trois
empereurs, les rois, les pliiluso|)hes, les rhé- fois et qui tremblait à la voix dune vile ser-
teurs et la terre presque; lout entière. Voulez- vante, voulant, quand Jésus est mort, nous
vous voir maintenant les miracles qui ont eu persuader par les faits mêmes qu'il l'a vu res-
lieu? Je vous en montrerai un plus grand suscité , é})rouve une conversion si prompte
que tous ceux qui ont précédé, non pas un qu'il se rit du peuple entier, qu'il se précii>ite
^
mort ressuscité, non i)as un aveugle guéri, au milieu des assemblés et leur dit que
Juifs M
mais le monde sortant des ténèbres de l'er- ce Jésus crucifié et enseveli est ressuscité des
reur, non pas un lépreux purifié, mais tant morts le troisième jour , qu'il est monté aux
de nations qui dépouillent la lèpre du péché cieux et qu'il est à l'abri de tout danger. D'où
et que purifie le bain de la régénération. Quel lui vient tant de hardiesse? Et d'où lui vien-
prodige plus grand que ces prodiges me de- drait-elle sinon de l'entière conviction que la
mandez-vous, ô homme, vous qui voyez sur résurrection est vraie? Il l'avait vu, lui avait

la terre un si grand et si rapide changement. parlé; il avait écoulé ses révélations sur l'ave-
8. Voulez-vous savoir comment le Christ a nir, et c'est pourijuoi il s'exposait, comme pour
rendu la vue à tout le genre humain? Autre- un houune vivant, à tous les dangers; c'est
fois les hommes croyaient que le bois, que là qu'il avait pui^é la force et la hardiesse de
la pierre n'étaient pas du bois, de la pierre; ils marcher à la mort pour lui et de se laisser
ap[)elaient dieux des choses insensibles, tel- crucifier la tête en bas.
lement ils étaient aveuglés! Aujomd'hui ils Lors donc que vous voyez des miracles plus
voient ce qui est bois , ce «jui est pierre , ils grands, les disciples remplis d'amour pour
croient ce qui est Dieu. C'est par la foi seule celui qu'ils avaientabandonné, montrant plus
qu'on peut contempler cette nature imiuoi telle de hardiesse, lorsejne vous voyez un change-
et liienheureuse. Voulez-vous une autre preuve ment si éclatant en toutes cho<i s, tout repL'.cé
de la résurrection? Le changement de la dis- dans un étal meilleur et plus sur, apprenez par
position d'esprit des disciples est un des [dus les faits mêmes que la mort n'a pas anéanti
grands miracles (jui aient eu lieu après la résur- Jésus, mais cpril est ressuscité, qu'il vit et que
rection. Tous recoiuiaissent et avouent ipTun ce Dieu crneilié reste continuellement imnuia-
houune bienveillant pour un autre pendant sa ble. Car s'il n'était pas ressuscité, s'il ne vivait
vie ne s'en souviendra pas après sa mort; mais pas, ses disciples n'eussent pas fait après sa mort
un honnne montre ingrat envers un
(jui se de plus grands miracles qu'avant sa passion.
autre et le (piitte pendant sa vie l'oubUira , Alors ses disciples ral)audonnaient. aujourd'hui
à bien p' us fente raison après sa mort Ai'fsi toute 'a terre co'U't à lui, et ce n'est pa* seule-
Aucuu lioiuiue , après avQir abaudumié et iiitut Pierre, mais encore des milliers d'autres,
SUR i;iNSCniPT10N DES ACTfS. _ QUATRIÈME HOMÉLlK, 69

pies, pourquoi donc craignez-vous son sang?


après Pierre, lesquels sans avoir vu le Christ
»nt donné leur vie pour lui, se sont laissé tran- Mais au contraire ce supplice vous est un titre

d'honneur, si le supplicié elail tel. C'est donc


£her la tête, on/ îoufferl d'indicibles tour-
parce ii'élail pas tel que ses meurlners
ments, pour mourir en le confessant avec une (ju'il

tieniblenl.
foi pure et entière. Comment donc un homme
U. Voyez-vous de toutes paris ses ennemis
mort et dans le tombeau, comme tu le dis, ô
touiineiiles et tremblants V Voyez-vous leur
Juif, a-t-il montré dans tous ceux qui sont ve-
trouble Apprenez de laquelle eai la clémence
V
nus après les apôtres tant de puissance et de force
du crucilié. Us disaieitl, cts Juiis: Que »uu
qu'il leur a persuadé de l'adorer seul, et de tout
S(utg ri'loiube sur nous et sur nos en(anis ; mai.>
supporter et de tout souffrir plutôt que de perdre
le Christ ne l'a pas voulu ainsi ; ii u sai.ipi.e suii
la foi en lui? Vois-tu en tout une preuve mani-
Père en disant: Mon Père, purauunez-leur,
feste de sa résurrection, dans les miracles d'a-
car ils ne savent ce qu'ils luni. (l.uc, \\u., o4.j
lors, dans ceux d'aujourd'hui, dans l'amour de
Si son sang était retombe aiu- eu\ cl sur leuis
ses disciples d'alors et de ceux d'aujourd'hui,
enfants, ce n'est pas parmi leurs emaub qu'il
dans les dangers que coururent toujours les
se fût trouvé des Apolrea ou n'y auiaii pas
fidèles? Veux-tu voir ses ennemis même redou-
;

converli d'un coup Uois mille liommes, i'Ui;»


tant sa force et sa puissance et redoublant leurs
cinq mille. Voyez-vous commenl ces huiiiuji,.-%
efforts après sa passion ? Ecoute ce qui est écrit
cruels et inhumains pour leurs t.iianlb uni mé-
sur ces choses Voyant la constance de Pierre
:

connu les lois de la naluit, cumuieiii uu ton-


et de Jean^ et ayant appris que c'étaient des
Iraire Dieu s'est montré plu» ciomcui ^lit; lous
gens sans lettres et du commun, les Juifs s'e'ton-
naient (Acf. iv, 13), et ils craignaient, non parce les pères, plus aimant que luuieo lo^ .i,.resi'

que ces hommes étaient illettrés, mais parce


Son sang est leLoinbe pur lux et sur letu •^ eu-
afnts, lien pas sur tous, mai.- sui .... oie-
que, bien qu'illettrés, ils surpassaient tous les ...

sages et que voyant près d'eux l'homme qui mcnt qui ont imité l'impiété et i'niKi-.îitr' de
avait été guéri, ils n'avaient rien à dire à ren- leurs pères, sur ceux qui se sont montrés ieuiï
contre, et cependant avant cela ils contredi- liïs, non quant à la nature, mais quant à la vo-
saient, malgré les miracles qu'ils voyaient. lonté perverse, ceux-ci ont seuls supporté le
Comment se fait-il doncqu'en cette circonstance châtiment.
ils ne contredisent pas? C'est que la puisi^ance Mais voyez une autre preuve de la bonté et
invisible du crucifié a enchaîné leur langue, de de Dieu. Ce n'est pas immédiate-
la charité
c'est lui qui leur a fermé la bouche, qui a ar- ment qu'il envoie sur eux la punition et le
rêté leur audace; aussi ne trouvaient-ils rien à châtiment, mais il attend quarante ans et plus
opposer. Et lorsqu'ils parlent, voyez comme ils après le crucifiement. Car le Sauveur fut cru-
ftvcuent leur crainte : Votdezvous, disent-ils, cifié sous Tibère, et la ville ne fut prise que sous
reicter sur nous le sang de cet homme? (Act. Vespasien et Titus. Pourquoi donc attendre si
IV, 28.) Et cependant, si ce n'estqu'un homme, lonjitemns après la faute? Il voulait leur don-
pourquoi craignez-vousson sang? Combien n a- ner le temps de se repentir, afin qu'ils dé-
vez-vouspas tué de prophètes, égorgé de justes, pouillassent leurs iniquités et rejetassent leurs
ô Juifs, et il n'y en a pas un dont vous craigniez crimes. Mais quand laissant passer le temps du
le sang? Pourquoi donc ici craignez-vous? Oh 1 repentir, montrèrent qu'ils étaient incorri-
ils
c'estque le crucifié a remué leur conscience et bles, alors Dieu leur envoya la punition et
ne pouvant cacher leurs combats intérieurs, ils le châtiment, et détruisant leur ville , il les
confessent malgré eux 'eui fail-lesse à leurs en- en fit sur toute la terre,
sortir, les dispersa
nemis. Lorsqu'ils le crucitièrenl ils criaient : agissant encore en cela par clémence. Car s'il
Que son sang retombe sur nous cl sur îws en- les dispersa , c'est pour qu'ils vissent ad( ré
fants. (Matth.xxvH, 23.) C'est ainsi qu'ils té- par toute la terre ce Christ qu'ils avaient cru-
moignaient leur mépris pour ce sang. Mais que, en le voyant adoré par tous cl
cifié, et
après le crucifiement, voyani l)rJUer sa puis- en apprenant sa puissance, ils reconnussent
sance, ils craignent, sont tourmentés tt disent: l'excès de leur propre impiété et qu'en^uile
Voulez-vous donc rejeter sur sang de ?ioiis le ils retournassent à la vérité. Ainsi leur cap-
cet homme? Si c'était un séducteur et un en- tivité leur devenait une leçon et leur pur
nemi de Dieu comme vous le dites Juifs im-
, , nitioQ un £^verti5sementi car s'ils étaient re»
68 TRADUCTION FRANÇAISE Dt SAINT JEAN CHRYSOSTOME.

en Judée, ils n'auraient pu constater la vérité apporter aucune excuse au jour terrible du ju-
des prophéties. Qu'avaient dit en effet les pro- gement. Il les a dispersés sur toute la terre
phètes? Demandez-moi et je vous donnerai les pour nous aussi, pour que nous retirions quel-
nations pour héritage, et pour votre possession que profit de cette situation car voyant ac-
:

la terre jusqu'à ses dernières limites. (Ps. ii, complies les prophéties qui concernaient leur
8.)
Il leur fallait donc aller jusqu'aux limites
de la dispersion, la prise de Jérusalem (Mal. i, 10),
terre, pour voir que la terre entière appartient événements que prédit Daniel, en parlant de
au Christ. Un autre prophète dit encore : Et ils l'abomination et de la désolation (Dan. ix, 27),
l'adoreront , chacun de son endroit. (Soph. Malachie en disant Vos portes seront fermées,
:

IF, a.) 11 leur fallait donc se disperser dans David, Isaïe et d'autres encore, voyant, dis-je,
tous les endroits de la terre afin qu'ils vissent ceux (jui maltraitèrent notre Maître ainsichàtiés,
de leurs propres yeux chacun adorer de son privés de la liberté que leur avaient léguée
endroit le Christ. Un autre a dit encore La : leurs pères, de leurs lois propres et des tradi-
terre sera remplie de la connaissance du Sei- tions de leurs ancêtres, nous apprendrons com-
gneur, comme la mer de l'abondance des eaux. bien il est puissant, celui qui a annoncé toutes
(Héb. II, 44,) Il leur fallait donc s'en aller par ces choses et qui les a réalisées, et ses ennemis,
toute la terre pour la voir remplie de la con- contemplant noire prospérité, verront combien
naissance du Seigneur et vers les mers, c'est-à- ilest fort; pour nous, que ce châtiment des
dire vers ces Eglises spirituelles remplies des Juifs nous apprenne la clémence indicible et la
œuvres de la piété. Voilà pourquoi Dieu les puissance de Dieu, vivons en le louant tou-
dispersa sur toute la terre ; car s'ils étaient jours, afin que nous obtenions les biens éter-
restés en Judée, auraient ignoré tout cela.
ils nels et ineffables, par la grâce et la charité de
ïl veut les convaincre par leurs propres yeux Notre-Seigneur Jésus-Christ, à qui ainsi qu'au
de la vérité des prophéties et de la grandeur de Père et à l'Esprit-Saint et vivificateur soient
sa puissance, afin que, s'ils sont hien disposés, honneur et puissance , maintenant et toujours
ce spectacle les conduise à la vérité, et que, et dans les siècles des siècles. Ainsi soil-il.
s'ils restent dans leur impiété, ils ne i)uissent
T10]NÎÉf.lES

SUR LES CHANGEMENTS DE NOMS.

PREMIÈRE HOMÉLIE

PiTOOTc^ «pite la ktur« jatext» Saul respirant meoac»


: fi la et le meurtre, ii conformément aux dfeirs. des ïadiieurs qui j'âitendaifiai ï va
iiutniciion m le commencement du S» chapitr» des Actes. — la rocation d> saint Paul est une preuve de ia résunection.

IVERTISSFWFiT.

Dans l'homélie sur ce texte, Saul respirant la menace et le meurtre, oa lit, n. 3, ce» paroTei : Toute ma dette eoneemant
le titre des Actes des Apôtres est maintenant soldée; je devrais, suivant Pordre naturel, entamer le commencement de

ce livre et vous expliquer ce que veulent dire ces paroles : Nous avons composé un premier discourg sur les choses que Jé-
sus a dites et faites. Mais saint Paul ne permet pas que nous suivions cet ordre naturel; sa personne et tes vertus ré~
clament toute notre éloquence. Je hrûle de le voir faire son entrée à Damas, lié non par une chaîne de fer, mais par
ta voix du Seigneur. Ce texte mdique clairement la place et le sujet de la première homélie sur les changements de
noms. Elle fut donc prononcée immédiatement après la dernière homélie sur la commencement det Act«i, avant la fin du
temps pascal.
Vers la fin de l'homélie sur co texte : Saul respirant la menuet, etc., saint Chrysostome M
pose cette question : pourquoi lei
changements de noms, dans les apôtres Pierre et Paul et dans plusieurs personnages de l'Ancien Testament T Cette question
fut par lui traitée le lendemain dans l'homélie intitulée proprement des changements de noms.
L'homélie sur les changements de noms fut suivie du neuvième discours sur la Genèse, où l'orateur traite la même question par
rapport au nom d'Abraham et à d'autres noms propres de l'Ancien Teslanieut. L'exorde de ce neuvième discours ayant été long,
le peuple d'.\ntioche s'en plaignit et blâma saint Chrysostome de la prolixité de ses exordes. C'est ce qui donna lieu \ la

troisième homélie sur les changements de noms dont le titre particulier est qu'il faut savoir supporter les plaintes. Elle eut
lieu quelques jours après.
La question des changements de noms est encore traitée dans l'homélie sur le texte : Paulus vocatut, etc. (I Cor. i, 1); elle vint
quelque temps après les trois dont nous venons de parler comme le prouve ce texte Vous vow souvenez que ce : nom de
Paul m'a occupé durant trois jours, etc.

ANALYSE.

1» Siles prophètes refusent le nom d'hommes à ceux qui élaut présents négligent d'entendre là parole de Dieu, que dire de
ceux qui ne franchissent pas même le seuil de l'église ? — 2o Vous qui venez ici vous rassasier du pain de la parole, ne
gardez pas tout pour vous, portez-en à vos frères absents, et donnez-leur ainsi le désir de venir eux-mêmes une autre fois s'as-
seoir à ce banquet. —
30-4° Il est impossible que la présente instruction ne roule pas sur la conversion de saint Paul, dont
on vient de lire le récit- Curieuse allégorie dans laquelle saint Paul est nn poisson, le Christ un pêcheur, et la parole, Saul,
Saul, pourquoi me persécutes-tu? un hameçon. L'orateur explique prolixement pourquoi il saule du commencement au mi-
lieudu livre des Actes. —
5» C'est un grand miracle de ressusciter un mort, mais c'en est encore uu plus graud de changer
nue volonté hbre. Pour peu qu'on rétléchine à la conversion de saint Paul, on se convainc facilement qu'on ne saurait imagi-
70 TRÂDUCllON FR.VXÇAISE DE SAIM JEAN CHUYSOSTOME.

ner une preuve plus évidente, plus sai=i?sanle de la résurreclion de Jésns-Chris». —


6» Conversion de saint Paul dégag^^-c de
tout motif humain. Pourquoi l'Vpitre s'est-il appelé Saut, puis Paul? pourquoi ce chanf^emciit de doiu Joui ou trouve d'auirei
exemples, tant dans l'Aucicu que dans le Nouveau Teslameutî Telle est la queslioa q'U lera traitée daug les discoorg sui-

vaulg.

4. Est-ce supportable? est-ce tolérable? De venu et qu il n'y avait pas d'homme, qu'il avait
jour en jour nos réunions deviennent moins appelé et qu'il n'y avait personne pour l'en-
nombreuses la ville est remplie d'hommes et
; tendre, il s'adresse aux éléments et dit : EcûiUe,
l'église en est vide. Il y a foule sur la place ciely et toi, terre, prête CoreHle. (Id. i, 2.) J'ai

publique, aux théâtres, daus les i)orti(|ues, et été, veut-il dire, envoyé vers des hommes, vei*s
la solitude règne dans la maison de Dieu; mais des hommes doués d'intelligence mais comme ;

plutôt, s'il faut dire la vérité, la ville est vide ceux-ci n'ont ni esprit ni sentiment. jemadresse
d'hommes remplie d'hommes.
et l'église est aux éléments, à des êtres inanimés, pour la
Ce nom d'hommes, ne faut pas le donner à
il honte de ceux qui ont été honorés d'une âme
ceux qui remplissent la place publique, mais intelligente et sensible et qui n'ont pas compris
à vous qui êtes dans l'église non à ceux qui ; cet honneur.
s'abandonnent à leur indolence, mais à vous C'est encore ce que dit un autre prophète,
«jiie le zèle dévore non à ceux que la vue des
; Jérémie. Car celui-ci aussi, au milieu de la

biens terr«!stres jette dans une extase stupide, foule des Juifs, au sein même de la ville, s'écrie,
mais à vous qui mettez les choses spirituelles comme s'il n'y avait personne A fjniparlerai-je, :

au-dessus des temporelles. Ce n'est (tas a^scz gui prendrai-Je pour témoin? (Jérém. vi, 10.)

d'avoir le corps et la voix d'un homme pour Que dites-vous? Vous avez sous les yeux une
être homme, mais il en faut encore l'âme et le si grande foule et vous demandez a (jui
,

cai actère. Or le signe par excellence d'une ame vous parierez! Uni, car cest une foule de
irile, c'est ramoiir de la divine parole, comme corps, mais non d'hommes c'est une foule ;

il n'y a pas de signe plus grand d'une âme de corps, mais qui n'entendent point. Aussi
animale et stupide que le mépris de la parole ajoute-t-il Leurs oreilles sont incirconcibcs
:

di\ine. Voulez-vous aNoir une preuve que les et ils ne peuvent entendre. Mais si les pro-
contempteurs de la parole de Dieu ont, par ce |)hètes, en s'adressant à des personnes pré-
mcpri*, perdu leur dignité d'homme et sont sentes qui ne les écoutaient pas avec soin,
déchus de leur noblesse ? Ce n'est pas ma leur reprochaient de n'être j)as hommes, »jue
parole que vous allez entendre, mais celle du dirons-nous de ceux qui non-seulement ne
Pro|diète, parole qui conllrme bien ma pensée nous écoutent i)as, mais qui n'ont pas même le
cl vous montrera que ceux qui n'aiiuent pas Courage de venir daiiS cet édilice sacré, qui se
les enseignements spirituels ne sont pas des séparent de cette assemblée sainte, (|ui >e tien-
hommes, et que notre villeest vide dliommes. nent loin de celte maison de leur maison ,

Isaïe, ceprophète à la grande voix, aux visions maternelle, au coin des rues et dans les carre-
admirables, celui qui, revêtu encorede la chair, fours, comme des enfants indisciplinés et [>a-
futjugé digne de voir les séraphins et d'en- resseux? Ceux-ci quittent la maison paternelle,
tendre cette harmonie des cieux, Isaïe, dis-je, se réunissent loin d'elle et passent des jours
étant entré dans li capitale si [teuplée des Juifs, entiers à se livrer à des jeux puériles ; aussi
dans Jérusalem, se tint im jour sur la place souvent perdent-ils et leur liberté et leur vie.
publique pendant que tout le |)eiiple l'entuurait Car loistju'ils tombent entre les mains de
et voulant montrer (|iie celui qui n'écoute pas marchands d'esclaves ou de voleurs, ils expient
la parole des prophètes n'est pas ut» honmie, souvent par la mort leur paresse; ces brigands
s'écnaiJrsuisvenu.efiln'y avait pas d homme; les saisissent, et, après leur avoir enloé leurs
j'ai apjiclc et il n'y avait pcnonjtc pour ai' en- ornements d'or, ou bien ils les siibiueigi'ut
tendre. (I.Niïe, L, 2.) Ce n'e^l pas l'absence, mais sous les eaux, ou bien, s'ils veulent les traiter
l'indolenct! des auditeiu-s qu'il signale, et c'est moins inhumainement, ils les entraînent sur
pour cela (ju'il dit : Je suis veau et il n'y avait ime terre l'Ir.uiLiére et vendent leur libcité!
pas dfwmmr ; j'ai crié fi il n'y avait personne Voilà aussi le sort des déserteurs de nos assem-
pour Tfi'entendre. Ils étaient la et on les regar- blées. Après avoir quitté la maison paternelle
dait connue n'y élant pas, parce (itiils n'écou- et ce temple où ils devraient vivre, ils rencon-
taient pas le Prophète aussi, cumuic il était: trent des boucher hérétiques et des langues
HOMELIES SIR LES CHANGEMENTS DE NOMS. — PREMIÈRE HOMÉLIE. Il

pnncmies de la vérité; et ces misérables, comme paternel. Ce que je vous conseille, vous l'avcï
ih's marchands d'cscla\es, les entraînent, leur déjà fait, vous le faites encore, et vous le ferez
enlèvent leurs ornements d'or, je veux dire, à l'avenir, j'en ai la pleine confiance el l'entière
leur foi, et les étouffent aussitôt, non pas dans conviction : ce qui me le garantit, c'est la con-
les fleuves, mais dans la fange de leurs fétides tinuité de mes exhortations sur ce sujet, et la
erreurs. science et le zèle dont vous êtes assez remplis

2. C'est à vous de prendre soin du salut de pour instruire vos frères.


vos frères, de les amener vers nous, malgré Mais il est temps de dresser notre table, bien
leur résistance, malgré leuroj)iniàlreté, miilgré chétive sans doute, bien maigre et bien pauvre,
leurs cris, malgré Iimhs larmes: il n'y a que de mais assez pourvue néanmoins de l'assaisonne-
l'enfantillagedans celte conduite rebelle et indo- ment le meilleur, la bonne disposition d'audi-
vous de corriger les imperfections
lente. C'est à teurs affamés de la nonrriture spirituelle Ce
de ces âmes; c'est à vous à leur persuader de qui fait l'agrément d'un festin, ce n'est pas
devenir des hommes. Car de même c^ue nous seulement la richesse des mets, mais aussi
ne considérerions pas comme un homme celui l'appétit des conviés; une table magnifique
qui rejetterait la nourriture des hommes pour paraît chétive quand les convives s'en appro-
manger avec les animaux des ronces et de
, chent sans faim une table chétive paraît ma-
;

l'herbe, de même nous ne pouvons pas appeler gnifique, quand elle reçoit des convives atîamés.
homme celui qui mépriserait la seule nourri- C'est en considérant que ce n'est pas la nature
riture vraie et convenable de l'àme humaine, des mets, mais la disposition des convives ^ui
celleque lui fournitla parole divine, pour aller fait la bonté d'un festin, qu'un auteur dit :

passer son temps dans les cercles du monde, L'homme rassasié dédaigne le rayon de miel,
dans ces assemblées qui l'ont rougir, et se nour- etl'homme pressé par la faim trouve doux ce
rir de conversations impies. Nous regardons qui est amer; (Prov. xxvu, 7.) non que la nature
comme un homme non pas celui qui se nourrit des mets change, mais parce que la disposition
«eulementde pain, maiscelui qui, avant môme des convives les trompe. Mais si la disposition
cette nourriture matérielle , se nourrit de la des conviés leur fait trouver doux ce qui est
parole de Dieu, de la parole de l'âme. Voilà ce amer, à plus forte raison ce qui est ordinaire
qu'est un homme; car écoutez la parole du leur paraîtra-t-il exquis. Aussi, bien que réduits
Christ. Lhomme ne vivra pas seidemenf. de à la dernière misère, nous imitons les hôtes ira

pain^ mais de toute parole qui sort de la tou- plus magnifiques, et, à chaciue réunion, nous
che de Dieu. (Matth. iv, A.) De sorte que notre vous convoquons à notre banquet. Et nous le
nourriture est double, lune inférieure, l'autre faisons, en nous confiant, non dans nos riches-
supérieure; et c'est colle-ci surtout qu'il faut ses, mais dans votre désir d'entendre.

rechercher pour pouvoir nourrir notre àme et 3. Toute ma dette concernant le titre des Actes

ne pas la laisser périr d'inanition. des Apôtres vous est maintenant payée.
C'est à vous de faire que notre ville soit rem- Pour continuer, il resterait à m'occuper du
plie d'hommes. Puisque, si grande et si peu- commencement de ce livre et à vous expli-
plée , cependant vide d'honmies il
elle est , quer ces paroles : J'ai fait mon premier récit,

serait digne de vous de rendre ce service à ô Théophile, sur tout ce que Jésus commei^ça à
votre patrie et d'attirer ici vos frères en leur faire et à enseigner. (Act. i , 4 .) Mais Paul ne
racontant ce que vous y entendez. Pour at- me permet pas de suivre cet ordre naturel c'est
;

tirer à un festin, ce n'est pas assez d'en faire vers sa personne et ses actions qu'il appelle
réloge , il en emporter quelques
faut encore mon discours. J'ai hâte de le voir entré déjà
mets pour ceux qui ne s'y
les distribuer à à Damas enchaîné, non d'une chaîne de fer,
et
trouvaient pas. Eh bien! faites de même au- mais parole du Maître ; j'ai hâte de le
])ar la

jourd'hui, et de deux choses l'une ou bien : voir pris, ce poisson énorme, qui trouble toute
persuadez-leur de venir à nous; ou bien, s'ils la mer, qui a déjà soulevé contre l'Eglise mille
persistent dans leur opiniâtreté, qu'ils reçoi- tempêtes, j'ai hâte de le voir pris, non par
Tent de votre bouche la nourriture, ou plutôt l'hameçon, mais par la parole du Maître. De
ils reviendront à nous. Car ils aimeront mieux, même qu'un pécheur assis sur une roche éle-
au lieu de recevoir leur nourriture par grâce, vée, lance sa ligne et laisse tomber l'hameçon
venir participer, selon leur droit, au banquet dans la mer, de même notre Maître, Celui qui
*71 TRADÎ^CTÏON FRANÇAISE DE SAINT JEAN CHRYSOStOME.

nous a enseigné la pêche spirituelle» assis en délivre-les des ténèbres, et fais-les passer dans
quelque sorte sur le roc élevé des deux, a laissé le royaume de la charité du Christ. Voilà pour-
tomber d'en-haut sa parole comme un hame- quoi je laisse le commencement du li\Te, et je
çon et c'est par ces mots Saul^ Saul, pourquoi me hâte d'arriver au milieu. C'est Paul et mon
me persécutes-tu ? (Act. ix, 4) qu'il a pris ce amour pour Paul qui me fait passer si loin.
grand poisson. Et il est arrivé à ce poisson la Paul et mon amour pour Paul. Pardonnez-
même chose qu'à celui que Pierre prit sur moi ou me pardonnez pas, mais imi-
plutôt ne
l'ordre du Maître. En effet, il avait aussi dans tez cetamour. Celui qui parle d'un amour
la bouche un statère, mais de mauvais aloi, impur a raison de demander pardon mais ;

puisqu'il avait le zèle^, mais non un zèle selon quiconque parle d'un amour semblable à celui-
la science. Aussi Dieu n'eut qu'à donner la ci doit s'en glorifier, chercher à faire partager
science pour avoir une pièce de monnaie excel- sa passion et se donner le plus qu'il pourra de
lente. Ce qu'éprouvent les poissons ordinaires rivaux. Si, tout en avançant avec méthode,
quand on les prend le nôtre l'éprouva aussi.
, tout en suivant l'ordre naturel des choses ,
j'a-

Ceux-là à peine sortis de la mer, perdent la vais pu à la fois parler des faits précédents et
vue celui-ci saisi et entraîné par l'hameçon,
; arriver en peu de temps au milieu, je n'auraiseu
perdit aussi la vue mais sa cécité rendit la
; garde de laisser le commencement et d'arriver
vue à tout l'univers. Voilà toutes les choses tout de suite au milieu mais comme d'après ;

que je désire considérer. Supposez que les bar- l'institution de nos pères, il nous faut après, la
bares viennent nous déclarer la guerre, que Pentecôte déposer ce livre et que la fin de cette
leur armée, rangée en bataille, nous accable solennité marque aussi la fin de la lecture des
de maux et que tout à coup le chef des enne-
, Actes, j'ai je donnais trop de temp sa
craint, si

ïnis, celui qui dirige contre nous des machines l'explication du commencement, d'être devancé
de guerre/iui bouleverse toute notre cité, qui par la marche de Thistoire et la succession des
remplit tout de bruit et de tumulte, qui me- faits, en un mot de ne pas arriver à temps pour

nace de renverser la ville elle-même, de la parler de saint Paul. Voilà pourquoi j'ai passé
livrer aux flammes et de faire de nous des sans m'arrèfer du début jusqu'au milieu du
esclaves; supposez, dis-je, qu'il tombe tout à livre. Mais je n'ai las pour cela laissé échapper
coup entre les mains de notre empereur, et de ma main ce livre que
j'ai pour ainsi dire

que lié, et enchaîné, il soit amené dans la saisi par la tête vous arrête au début
; et si je

ville, tous ne courront-ils pas à ce spectacle du voyage commencé, c'est avec la forme in-
avec leurs femmes et leurs enfants? Mais m;iin- tention de revenir vous prendre oîi je vous ai
ienant que la guerre s'est élevée, (jue les Juifs laissés, pour vous conduire ensuite jusqu'au

troublent et bouleversent tout, qu'ils dirigent bout. Puisque j'ai déjà mis la main sur le de-
des machines nombreuses contre l'Eglise, et but du livre, je pourrai en toute confiance y
que le chef des ennemis c'est Paul, Paul qui revenir et le continuer même après la fête, et
parle et qui agit plus que tous les autres, Paul personne ne pourra m'accuser d'inopportunité,
qui trouble et bouleverse tout; maintenant, puisque la nécessité de poursuivre une chose
dis-je, que Nolrc-Seigneur Jésus-Christ, notre commencée suffira pour repousser ce blâme :

Roi, l'a pris, et qu'il amène enchaîné ce dévas- voilà pourquoi j'ai al)an(lonne le début pour me
ne sortirons-nous pas tous pour voir ce
tateur, hâter d'arriver au milieu. Je ne i>ouvais, en
spectacle et ce prisonnier? Les anges eux- suivant la route, atteindre Paul, le livre dans
mêmes, du haut des cieux, en le voyant lié et la lecluro (ju'on on fait à l'Eglise, aurait mar-
conduit comme un prisonnier, tressaillaient de ché plus vite que moi dans mon explication.

joie, non parce qu'ils le voyaient enciiaîné, et arrivant le premier, il n'aurait pas manqué
mais en pensant à la multitude de ceux dont de me fermer la porte je vais vous le montrer
:

il ferait tomber los liens ; non parce qu'ils le en consultant seulement le commencement du
voyaientconduit comme un prisonnier, mais en livre, bien que la chose soit déjà i)arfaitement

songeant au grand nombre de ceux qu'il con- claire.

duirait de la terre au ciel ; ils se réjouissaient, 4. Puisque la lecture et l'explication du titre

non de ce qu'ils le voyaient aveugle, mais en seul nous a occupés pendant la moitié de la
pensant à ceux qu'il ferait sortir des ténèbres. solennité ,
que serait-ce si nous nous étions
Marche, lui dit le Seigneur, vers les nations, ^ lancés dans la carrière immense que nous
HOMÉLIES SUR LES CHANGEMENTS DE NOMS. - PREMIÈRE HOMÉLIE. 73

? coml>ien de temps se serait


ouvrait ce livre nourriture spirituelle, et nous vous appelons
écoulé avant que nous fussions arrivés à ce comme pour vous donner, selon notre habitude,
qu'on rapporte de saint Paul ? Je vais vous en la solution des questions; mais quand, réunis
donner une idée en vous récitant le commen- de toutes parts, vous attendez cette solution,
cement. Tai fait mon premier discours ô , nous la laissons tomber, afin que vous vous ac-*
Théophile, sur tout , etc. Combien croyez-vous coutumiez à penser par vous-mêmes. Aussi lais-
que ces mots renferment de questions ? Pre- sant là le commencement du livre, nous cou-
mièrement, pourquoi saint Luc rappelle le li^Te rons au chapitre où l'on parle de Paul; et
qu'il avait écrit d'abord ? Deuxièmement pour- nous dirons, non pas seulement tous les ser-
quoi il l'appelle rfwcowrs et non Evangile, puis- vices qu'ila rendus à l'Eglise, mais encore tous
que Paul l'appelle Evangile ? il dit en effet en les maux qu'il lui a causés; car il nous est né-
parlant de Luc : Dont l'éloge^ à cause de l'E- cessaire de les rappeler. Nous dirons comment
vangile, est dans toutes les Eglises. (II Cor, viii, il a attaqué la parole évangélique, comment il

48.)Troisièmement, pourquoi il dit sur tout : a combattu le Christ, comment il a poursuivi


ce que Jésus a fait? Car si Jean le bien -aimé , les apôtres, quel mépris il a fait de ses enne-
du Christ, celui qui jouissait de son intimité, mis , comment il a suscité à l'Eglise plus do
qui eut l'honneur de reposer sa tête sur sa I)ersécutions que tous les autres. Mais que per-
poitrine sacrée, qui puisa là l'abondance de sonne ne regrette d'entendre ainsi parler de
l'Esprit-Saint n'a pas osé parler ainsi mais a
, , Paul; car ces choses, loin d'être des accusa-
eu recours à cette formule toute de précaution :
tions, fourniront matière à ses louanges. Ce
Si les choses que Jésus a faites étaient écrites n'est pas un crime que d'être mauvais d'abord
en détail je ne pense pas que le monde lui-
,
et de devenir bon par la suite, mais bien d'être
même pût contenir les livres qu'il faudrait d'abord vertueux et de s'abandonner ensuite
écrire; si, dis-je, il en est ainsi, comment Luc au vice car c'est par la fln que l'on juge les
:

a-t-il osé dire : J'ai fait mon premier discours, choses. Que des pilotes aient fait souvent nau-
ô Théophile^ sur tout ce que Jésus a fait ? Pen- frage, si, lorsqu'ils sont sur le point d'entrer au
sez-vous que ce soit là une petite question ? Il port,ils ramènent enfin leurs navires remplis

y a dans l'Evangile excellent Théophile, et le de marchandises, nous ne dirons pas qu'ils


nom de la personne y est accompagné de son sont maladroits, parce que la fin fait oublier le
éloge; mais les saints ne parlent pas ainsi sans reste ;
que des athlètes, souvent vaincus, l'em-
motif. Et peut-être avons-nous déjà quelque portent enfin dans la lutte décisive et obtien-
peu démontré qu'il n'y a pas dans l'Ecriture nent couronne, nous n'irons pas, à cause de
la

un iota, pas un point qui n'ait sa raison d'être. leurs échecs précédents, les priver de nos
Si donc le début nous offre tant de questions éloges. Nous en userons de même à l'égard do
combien n'aurions-nous pas employé de temps Paul. Lui aussi a fait mille fois naufrage; mais
à suivre l'ordre du récit ? Voilà ce qui m'a lorsqu'il fut sur le point d'entrer au port,
forcé à passer au milieu et à arriver tout de ily amena un navire plein de marchandises.
suite à Paul. De même qu'il ne servit de rien à Judas d'avoir
Et pourquoi avons-nous indiqué ces ques- été d'abord disciple, parce qu'il fut traître en-
tions sans en donner la solution ? Pour vous suite, de même saint Paul n'a souffert aucun
accoutumer à ne pas toujours recevoir la préjudice pour avoir été d'abord persécuteur,
nourriture toute préparée; à cherchor souvent parce qu'il fut ensuite prédicateur de l'Evangile.
par vous-mêmes à résoudre ces problèmes. C'est là la grandeur de Paul, non d'avoir ren-
Nous faisons comme les colombes : elles don- versé l'Eglise, mais de l'avoir ensuite édifiée;
nent la becquée à leurs petits, t<int qu'ils res- non d'avoir attaqué la parole de Dieu, mais de
tent dans le nid mais quand elles peuvent les
; l'avoir répandue après l'avoir attaquée; non
en faire sortir, et qu'elles voient leurs ailes af- d'avoir combattu les apôtres, non d'avoir dis-
fermies, elles changent de méthode, elles ap- persé le troupeau mais de l'avoir rassemblé
,

portent dans leur bec un grain qu'elles leur après l'avoir d'abord dispersé.
montrent, et quand les petits s'approchent pour 5. Le loup est devenu
Quoi de plus étrange 1

le recevoir, les mères le laissent tomber sur le pasteur; celui qui avait bu le sang des brebis

sol et le leur font ramasser; et nous, nous fai- n'a pas cessé de verser son sang pour le salut
sons de même : nous prenons à la bouche la des brebis. Voulez- vous voir qu'il a bu le sang
74 TRADUCTION FRANÇAISE DE SAINT JEAN CH

des brebis, que sa langue clait sanglante ? doctrine. Car Pierre en parlant de Jésus eût
Paul respirant encore meurtres et menaces pu être soupçonné du moin-^ quelque impu-:
,

contre les disciples du Seifjneur. (Act, ix, 1.) dent eût peut-être trouvé quelque chose à dire;
Mais écoutez comment cet bouime qui resi)i- je dis quelque imi»udent car de ce côté aussi :

rait menaces et meurtres, qui versait le sang la preuve est évidi-nte cet apôtre au-:si renia :

des saints, versa lui-njème son sang pour les d'abord son Maître , le renia avec serment et
saints Que me sert
: hwnainement parlant ,
,
c<'pendant il le confes?a plus tard et donna sa
d'avoir combattu contre les bêtes à Ephèse ; vie pour lui. Mais si le Chri>t n'est i)as n ssus-
( I Cor. XV 32 et encore
, chaque jour je
) : cité, celui qui le renia pendant qu'il vivait n eût ,

meurs, Ibid. ); et encore on nous regarde


( : pas été disposé, pour ne pas le renier après sa
comme des brebis de boucherie. (Rom. viii, mort, à mourir mille fois : ainsi du côté de
36.) Voilà le langage de celui qui était pré- Piene môme, preuve de la résurrection est
la

sent, lorsqu'on versait le sang d'Etienne, et évidente. Cependant quelque impudrnt pour-
qui consentait à sa mort. Voyez vous que le rait dire que c'est parce qu'il a été son discip'e,
loup est devenu pasteur? Vous rougissiez peut- parce qu'il a partagé sa table, parce qu'il l'a

être en entendant dire qu'il était auparavant accompagné pendant trois ans, parce qu'il a
persécuteur, blasphémateur et inii)ie ? Mais reçu son enseignement, et qu'il a été induit en
voyez comme ses crimes précédents rehaussent erreur par ses flatteries, qu'il annonce sa ré-

précisément sa gloire Ne vous disais-je pas à


! surrection ; mais quand vous voyez Paul, Paul
la dernière réunion que les miracles qui ont qui ne le connaissait pas, qui ne l'avait pas en-
suivi la Passion étaient plus grands que ceux tendu, qui n'avait pas reçu sa doctrine, qui
qui l'ont précédée ? Ne vous en ai-je pas ajirès la Passion lui a déclaré la guerre, qui a
donné pour preuves les miracles eux-mêmes puni ceux qui croyaient en lui, qui boulever-
le changement de disposition des disciples, la sait tout dans quand vous le
l'Eglise naissante,
manière dont les morts ressuscitaient au com- voyez converti aux travaux de la
, se livrant
mandement du Christ, tandis que l'ouibre prédication plus que tous les amis du Christ
seule de ses serviteurs opérait les mêmes pro- quelleexcuse, dites-moi, aura encore votre im-
diges ? N'ai-je pas ajouté commentle Christ fai- pudence, si vous refusez de croire à la résur-
sait ses miracles en commandant, tandis que rection ? Si le Christ n'était pas ressuscité, qui
plus tard ses serviteurs en opérèrent de plus donc aurait entraîné et attiré vers lui un
grands en se servant de son nom ? Ne vous ai- ennemi aussi cruel, aussi féroce, aussi exas-
je pas dit comment il remua la conscience de péré?
ses ennemis, connnent il conquit tonte la terre, Dis-moi , ô juif, qui aurait persuadé à Paul
comment les prodiges qui suivirent la Passion de se faire disciple du Christ ? Pierre, ou Jac-
furent plus grands que ceux quila précédèrent? ques, ou Jean ? Mais tous, ils le craignaient et
Mon discours d'aujourd'hui se rapi)roche de le redoutaient, non-seulement avant sa conver-
celui-là. Quel plus grand miracle que celui sion, mais encore quand il fut devenu leur ami;
dont Paul fut le sujet ? Pierre renia le Christ quand lîarnabé, Tayant pris parla main l'intro-

de son vivant, et l*aul le confe.^sa après sa duisit à Jérusalem, les lidèles craignaient encore
mort. Ressusciter les morts, en les couvrant de de l'approcher: guerre était finie et j.ourlaul
la

son ombre, était un miracle bien moins grand la crainle restait aux apôtres. Ceux donc (pii le
que d'entraîner et d'attirer à soi IVime de Paul. redoutaient encore après sa conversion, au-
Là, la nature obéissait sans contredire celui raient-ils osé lui parler, quand il était encore
qui lui commandait, ici il y avait à vaincre leur irréconciliable ennemi ? Auraient-ils osé
une volonté de prendre l'un ou l'autre
libre l'aborder, se tenir devant lui, ou\rir la bouche,
parti ce qui montre combien la puissance qui
: ou seulement se montrer ? Non, non , il n'est
l'entraîna fut grande. Il csl bien [)lus beau de pas ainsi ; ce n'est pas là l'œuvre d'un homme,
convertir la volonté que de changer la nature ; mais de la grâce de Dieu. Si le Christ était
donc voici un miracle qui surpasse tous les mort, comme vous dites , et que se^ disciples
autres, Paul s'attachant au Christ au Christ , eussent été le dérober, comment eùt-il fait de
crucifié et enseveli. Le Christ le laissa montrer plus grands miracles après sa Passion, et mon-
toute sa haine, pour donner une prouve irré- tré uiie [luissance plus merveilleuse ? Il ne
(ulable de !>a résurrection et de la vérité de sa ê'tît p:is seulement réconcilie sou euaenii et le
IlOMÉMES SUU LES CHANGEMENTS DE NOMS. — PREMIÈRE HOMÉLIE. 75

chef (le votre armée ; s'il n'avait fait que cela, fai persécuté l'Eglise de Dieu et rai ravagée.
c'tùl été déjà le signed'une bien grande puis- (Gai. I, 13.) Donc, s'il avait voulu plaire aux
sance que dcnchaîncr suu ennemi, son adver- hommes, il n'aurait pas passé du côté des fl-

saire mais il a fait une chose bien plus grande.


,
dèles. Pourquoi? Parce honoré chez qu'il était

Non-seulement il s'est réconcilié son ennemi, les juifs, qu'il y jouissait d'une grande tran-

mais il se l'est rendu tellement familier, telle- quillité et de grands honneurs il n'aurait ;

ment bienveillant, qu'il a pu lui confier toutes donc pas embrassé par un motif humain la vie
les alTaiies de son Eglise : Cet hommey dit-il, des apôtres, si pleine de périls, si méprisée, si

m'est un vase d'élcctio/i pour porter mon nom malheureuse. Oui, ce changement et celle con
devant les nations et les rois (Act. ix, 15), et version cet abandon des honneurs dont il
,

qu'il lui a fait supporter plus de travaux (ju'aux jouissait chez les juifs et de la vie calme qu'il
autres apôtres dans l'intérêt de celte Eglise y menait pour embrasser la vie des apôtres, ex-
qu'il avait d'abord combattue. posée à mille dangers, est la plus grande preuve
6. Voule«-vous avoir la preuve qu'il se l'est que toute considération humaine fui étrangère
réconcilié, qu'il se l'est rendu familier, qu'il à la détermination de Paul.
l'a aimé, qu'il l'a mis au nombre de ses pre- pour cela que nous avons voulu exposer
C'est
miers amis ? C'est qu'il n'a révélé à personne sa vie antérieure, montrer l'ardeur qui le dé-
autant de secrets qu'à Paul. Et qu'est-ce qui le vorait contre l'Eglise, afin qu'en voyant son
prouve ? J'ai entendu, dit-il, des paroles mys- zcle i>our elle, vous admirit-z Pieu qui fait et
tériexises qu'il n'est pas permis à un homme de transforme tout. C'est pour cela aussi que le
redire. (H Cor. xii, 4.) Voyez-vous quelle faveur disci[)le de Paul a raconté les événements an-
obtient celui qui fut un ennemi, un adversaire? térieurs avec exactitude et clarté : Saul, dit-il,

Aussi faut-il rappeler sa vie autérieure ; cela respirant encore la menace et le meurtre contre
lous nionirera la charité de Dieu et sa puissance ; les disciples du Seigneur. Je voudrais bien
sa charité, puisfju'il a voulu sauver et aUirerà moi aussi, entreprendre ce début dès aujour-
lui celui qui lui avait fait tant de mal; sa puis- d'hui, je voudrais me jeter sur le commence-
sance, puisqu'il a pu ce qu'il a voulu. Cela ment de la narration ; mais je vois dans ce seul
nous montre aussi le caractère de Paul, qui nom toute une mer de pensées. Voyez quelle
n'agissait pas par ambition, ni pour la gloire question nous amène de suite ce seul mot
humaine, comme les autres juifs, mais par Saul ! Car nous trouvons dans les épîlres un
zèle, quoique ce zèle fût mal dirigé c'est ce ; autre nom Paul, serviteur de Jésus-Christ^
:

qu'il nous dit en ces termes J'ai obtenu misé- : appelé à l'apostolat. (Rom. i, 1.) Paul et Sos-
ricorde, parce que j'ai agi par ignorance, dans thèiies : Paul , apôtre par vocation divine.
l'incrédulité (I Tim. i, 13) et dans son admi- ; (I Cor. I, 1.) moi Paul je vous dis,
Voici que
ration pour la charité de Dieu, il s'écrie Afin : (Gai. v, 2.) Ici U est appelé Paul, partout on
qu'en moi, le premier, le Christ montrât toute trouve le même nom, et nulle [)art Saul. Pour-
sa patience, en sorte que je servisse d'exemple quoi avant sa conversion fut-il appelé Saul, et
à ceux qui croiront en lui pour la vie éternelle Paul après? Ce n'est pas une petite question ;

(Ibid. I, 16) et en un autre endroit encore //


; : car aussitôt se présente le nom de Pierre :

a montré quelle est la grandeur de sa puissaiice d'abord il s'appelait Simon et il fut ensuite
en nous qui croyons. (Ephés. i, 19.) Voyez- appelé Pierre ; les fils de Zcbédée , Jacques
vous comme la vie antérieure de Paul montre et Jean , furent surnommés du tonnerre.
fils

la charité de Dieu et sa puissance, ainsi que la Mais s'il en est ainsi dans le Nouveau Testa-
vigueur d'àme de l'Apôtre ? Que sa conversion ment, nous trouvons aussiAbraham appelé
ait été pure de tout motif humain, et due uni- d'abord Abrain ,
puis Abraham Jacob, d'a- ;

quement à l'opération de la grâce, il le montre bord Jacob, puis Israël ; Sarra, d'abord Sara,
encore dans l'Epître aux Calâtes Si je plaisais : puis Sarra ; et ces changements de nom don-
aux hommes, dit- il, je ne serais plus le serviteur nent matière à des recherches étendues, et je
du Christ. (Gai. Mais qu'est-ce qui nous
i, 10.) crains que si je laisse échapper ce fleuve, je ne
prouve encore que ce n'est pas pour plaire aux submerge sous ses flots t(nite instruction. De
hommes que vous vous êtes mis à prêcher l'E- même que, dans un pays humide, [)artout où
vangile Vous avez ouï dire que j'ai vécu au-
? l'on creuse, des fontaines jaillissent; de même,
trefois dans le judaïsme, qu'à toute outrance dans les divines Ecritures, partout où l'on ap-
76 TRADUCTION FRANÇAISE DE SAINT JEAN CHRYSOSTOME.

profondil, des fleuves sortent en abondance, et qu'il y ait en nous une fontaine d'eau jaillis-
ce n'est pas sans crainte que je les lâcherais au- sant jusque dans la vie éternelle puissiez-vous :

jourd'hui. Aussi j'arrête mon ruisseau et je avoir ce bonheur, par lamour et la charité de
renvoie votre charité à la fontaine sacrée de ces Notre-Seigneur Jésus-Christ , par qui et avec
prélats, de ces maîtres, fontaine pure, agréable qui soient au Père gloire, honneur, puissance,
et douce , source qui coule de la pierre spiri- ainsi qu'à l'Esprit saint et vivificateur, mainte-
tuelle. Préparons donc notre àme à recevoir la nant et toujours, et dans les siècles des siècles.
doctrine , à puiser ces eaux spirituelles , afin Ainsi soit-il.

DEUXIÈME HOMÉLIE.
A ceci qui \\\mm\ la longueur des instructions, et à ceui qui n'aimaient pas qu'elles fussent courtes; — sur les noms dt Saul et ds Prol
— pour le nom d'Adam donné au premier homme ;
— aui nouTeaui baptisai.
j

ANALYSE.

; comnnent
|o Les uns aiment les longues instructions, les autres les courtes contenter \ la fois des goûts si différents ? L'orateur
se déclare esclave de son auditoire, et il de son esclavage que l'empereur de sa pourpre.
Ojt plus glorieux 2» Les change- —
ments de noms dans les Ecritures ont une importance et une signification sur lesquelles il ne faut pas passer légèrement. L'Apdtre
s'est encore appelé !?aul après sa conversion. —
S" La [ueinière fois que le nom de Paul parait dans les Actes, c'est à l'occasion
de laconversion du proconsul Serpiiis Faulus. Sur ces cl;anf;em. nls de noms dem questions s'offrent à traiter, premièrement,
pourquoi Uicu a-t-il nommé quelqi.'S saints, et pourquoi pis tous? deuxièmement, pourquoi, parmi ceux qu'il a daigné nommer,
a-t-il nommé ceux-ci dans le cours de leur vie, ceux-là dès avant leur naissance ? Dieu nomma le premier homme Adam,
d'iiden, qui veut dire terre vierge. Cette terre vierge de laquelle sortit Adam était la figure de la Vierge Marie, mère du second
Adam. — 4» Ce uom d'Adam terrestre avertissait sans cesse le homme d'être humble, et le prémunissait contre l'or-
premier
guciilcuse pensée de se croire égal à Dieu. Le premier qui après Adam ait reçu de Dieu ion Dom est Iwac, et ce nom signifl»
ris. Enfant de la grâce, Isaac est la figure des chrétiens.

i. Quel parti prendre aujourd'hui? En vous lèvTes, Quand même il ne la pourrait boire

voyant si nombreux je crains de donner trop tout entière, néanmoins il la veut voir entière-
d'étendue à cet entrelien. En effi;t, lorsque ment pleine. Vous me voyez donc dans la per-
l'instruction se prolonge en ces conditions, je plexité. Jevoudrais par ma brièveté prévenir
vous vois serrés, pressés, manquant de place, de votre part toute fatigue, et par la plénitude
et la gène (jue vous éprouvez vous empêche
de mon instruction remplir votre désir. Mais
beaucoup découter avec fruit; un auditeur qui souvent j'ai fait ces deux choses, et jamais je
n'est pas à l'aise ne saurait prêter une sérieuse
n'ai évité la critique. Bien souvent, pour vous

allention à l'orateur. En voyant donc cette foule ménager, j'ai abrégé mon discours, et j'étais

si nombreuse, je crains, je le répèle, do donner


accusé par ceux dont lame n'était pas encore
rassasiée par ceux (jui s'abreuvent conti-
à mon discours tro|) d'étendue mais d'un autre ;
,

nuellement aux sources sacrées, et n'en ont


côté, quand je considère votre désir de la parole
pourtant jamais assez, par ces bienheureujc qui
sainte, je voudrais bien ne pas resserrer mon
consume, aime que ont faim et soif de la justice (Matth. v, 6) :
instruction. Celui que la soif
aussi redoutant leurs reproches, j'ai cru pou-
la coupe (ju'on lui présente soit pleine, autie-
nienl c'est sans plaisir qu'il l'approche de ses
voir allonger mes homélies, et c'est précisé-
HOMÉLIES SUR LES CHANGEMKNTS DE NOMS, — DEUXIÈME HOMÉLIE.

ment pour cela que je me suis vu en butte à peu à la mesure habituelle de mes discours. El
d'autres critiques. Ceux qui aiment la brièveté vous qui désirez la brièveté parce que vous
venaient me trouver et me priaient d'avoir êtes plus faibles , considérez le désir de vos
pitié de leur faiblesse,de resserrer des dis-
et frères qui demandent une nourriture plus
cours trop longs. Quand je vous vois pressés abondante, et pour eux, endurez une fatigue
dans un étroit espace, j'ai envie de me taire; légère, portant les fardeaux les uns des autres
mais quand je vois que, malgré celte gène, et accomplissant la loi du Christ.
vous ne vous retirez pas; que toujours sr.spen- Ne voyez-vous pas qu'aux jeux olympiques
dus à nos lèvres vous êtes tous disposés à nous les athlètes restant au milieu de l'arène, en
suivre encore plus loin, je me sens le désir de plein midi, comme dans une fournaise ardente,
laisser courir ma parole. Je ne vois que diffi- reçoivent sur leur corps nu les rayons du so-
cultés de toutes parts. (Dan. xiii, 22.] Que faire? leil, comme s'ils étaient des statues d'airain, et
Celui qui ne sert qu'un maître, qui n'obéit qu'à luttent contre le soleil, contre la poussière,
une seule volonté, peut facilement plaire à son contre la chaleur, pour ceindre de lauriers une
maître et ne pas se tromper; mais moi j'ai bien tête ? Et pour vous, ce
qui aura tant souffert
des maîtres, et je suis forcé d'obéir à tout ce une couronne de lauriers, mais une
n'est pas
peuple, si partagé de sentiments. Si j'ai parlé couronne de justice qui sera la récompense de
ainsi, ce n'est pas que impa-
je supporte avec votre docilité ; et encore, loin de vous retenir
tience mon esclavage, loin de là, ni que je jusqu'en plein midi, votre faiblesse nous forcera
veuille me soustraire à votre domination. Rien à vous renvoyer presque dès le commencement
ne m'est plus honorable que celte servitude. du jour, quand l'air est encore assez frais, que
H n'y a pas de roi qui s'enorgueillisse de son les rayons du soleil ne l'ont pas encore échauffé ;
diadème et de sa pourpre comme je me glori- et nous ne vous exposons pas tête nue aux ar-
fie d'être l'esclave de votre charité. Cette pre- deurs du soleil, mais nous vous rassemblons
mière royauté périra par la mort mais mon
; sous cette voûte admirable, nous vous prodi-
esclavage, bien supporté, sera couronné
s'il est guons tous les secours imaginables, afin que
par la royauté des cieux. Bienheureux le servi- vous puissiez écouter plus longtemps. Ne soyons
teur fidèle et prudent que le maître a établi sur pas plus délicats que nos enfants quand ils vont à
tous ses compagnons pour leur distribuer leur l'école ; ils n'oseraient rentrer à la maison avant
mesure de froment. Je vous dis en vérité midi ; mais à peine sevrés, à peine séparés du
qu'il rétablira sur tous les biens qu'il possède.
sein deleur mère, avant même l'âge de cinq ans,
(Luc, xn, 42.) Voyez- vous quelle est la récom- supportent tout dans un corps tendre et jeune
ils
pense de det esclavage, quand il est bien sup- encore; quelque chaleur, quelque soif, quel-
porté? Ce serviteur est établi sur tous les biens qu'incommodité qu'ils ressentent, ils restent
du maître. Je ne fuis pas cette servitude, car
assis dans l'école, supportant tout avec courage
je la partage avec Paul. en effet que woî« dit
Il
et patience. A défaut d'autres, imitons au moins
ne nous prêchons pas nous-mêmes, mais Jésus-
nos enfants, nous hommes, nous parvenus à
Christ Notre-Seig7îeur nous déclarant vos
,
l'âge viril. Si nous n'avons pas le courage
serviteurs à cause de Jésus. (II Cor. iv, 5.) Et que
d'écouter parler de la vertu, qui pourra nous
dis-je, Paul? si Celui qui était dans la forme de
faire croire que nous supporterons au besoin
Dieu, s'est anéanti lui-même prenant la forme
les travaux qu'elle exige ? Si nous éprouvons
d'esclave dans l'intérêt des esclaves (Ph. ii,
tant de peine quand il s'agit d'écouter, qui
6, 7), qu'y a-t-il d'étonnant à ce
que moi, esclave, nous montrera que nous serons plus vaillants
je me de mes compagnons d'es-
fasse esclave
pour agir? Si nous abandonnons le devoir le
clavage dans mon intérêt propre? Ce n'est donc
plus facile, comment supporterons-nous le plus
pas pour fuir votre domination que j'ai parlé de
difficile? Mais le lieu est resserré ! on y est gêné 1
la sorte, mais pour obtenir grâce si la table que
Ecoutez : On n'emporte le royaume des cieux
je vais dresser ne convient pas à tous. Ou plu- qu avec violence. (Malth.xi, d2.) Elle est étroite
tôt faites ce que vous dire. Vous qui ne
je vais
et resserrée la voie qui conduit à la vie,
pouTc? jamais vous rassasier, mais qui avez
(Matth. vu, i4.) Comment éviter d'être serrés
faim et soif de la justice qui désirez de lon-
,
et à l'étroit, quand on doit marcher par une
gues instructions, prenez pitié de la faiblesse
voie étroite et resserrée ? Pour qui se met
de vos frères et souffrez que je retranche un
au large et à Taise, une telle voix n'est pas
78 tRADUCTION FRANXAI VIF SAINT JEAN CHRYSOSTOME.

facileà parcourir on ne peut guère y passer


: pour successeur Porcius Fesfus; et encore :

qu'en se faisant petit, en se resserrant, en se Quelqu'un se trouvait avec le proconsid Sergius


gênant beaucoup. Paulus, et celui qui livra Jésus aux Juifs
2. Ce n'est pas une chose oiseuse qui nous s'appelait Ponce-Pilate. Mais outre les chefs, les

occupe, mais une question qui, commencée soldats aussi etbeaucoup de ceux qui sont res-
hier, n'a pu recevoir une solution définitive, tés dans la vie privée ont reçu, en certain'^s
tant sont nombreux les points à examiner 1 occasions, par suite de certains faits, un double
Quelle est-elle? C'est la question des noms que nom. Pour eux, il ne nous sera pas utile de
Dieu a donnés aux saints. Chose qu'on jugera rechercher ce qui leur a fait donner ces noms;
bien simple, à n'écouter que cet exposé mais , mais quand c'est Dieu qui les donne, il nous
bien féconde, on l'étudié avec soin. Les ter-
si faut de tous nos efforts en rechercher la cause.
rains aurifères que l'on rencontre dans les Car Dieu nedit ni ne fait rien en vain et sans

mines ne présentent aux hommes inexpéri- motif; en tout avec la sagesse qui lui
il agit

mentés et inatienlifs qu'une apparence tout convient. Pourquoi donc saint Paul était-il ap-
ordinaire, et entièrement semblable à celle des pelé Saul, lorsqu'il était persécuteur, et fut-il
autres terrains; mais ceux dont les regards appelé Paul, lorsqu'il eut reçu la foi? Quel-
sont exercés, reconnaissent la qualité de cette ques-uns disent quelorscpi'il troublait, agitait,
ils en mon-
terre, et la faisant passer par le feu bouleversait tout et persécutait l'Eglise, il était

trent tout le prix. en est de même pour les


Il appelé Saul précisément parce qu'il persécutait
saintes Ecritures: si on ne fait qu'en parcourir l'Eglise, etque c'est de la (piil tirait son nom.
les mots, on n'y verra que des mots ordinaires Quand, au contraire, cette fureur eut ces<é,
et semblables aux autres; mais si on les par- que ce trouble se fut apaisé, que cette guerre
court avec les regards de la foi, avec des yeux eut été terminée, que la persécution eut trouvé
exercés, si on les fait passer par le feu du vSaint- sa fin, il fut appelé Paul du mot grec qui veut
Esprit, on en découvrira facilement toute la dire cesser [-xmiuh). Mais cette explication est
ricbesse. frivole et fausse, et je ne l'ai rapportée qu'afin
Quelle est l'origine première de cette ques- que vous ne vous laissiez pas prendre à ces
tion? car ce n'est pas sans motif que nous dires qui ne sont fondés sur rien. D'ailleurs,
avons entrepris cet examen, et l'on ne saurait s'il était appelé Saul parce qu'il persécutut
nous accuser de pure curiosité. Nous avions l'Eglise, il fallait qu'il changeât de nom aussi-
bâte de raconter les grandes actions de Paul; tôt qu'il cessa de persécuter or, nous voyons
;

déjà nous touchions au connnencemeulde son qu'il avait cessé de persécuter l'Eglise, sans
histoire, et nous trouvions que la narration qu'il eûtpour cela changé son nom, puisqu'il
0()nunen(;ait ainsi Saul respirant encore la
: continuait s'appeler Saul. Et pour que vous

tnenace et le meurtre contre les disciples du ne croyez pas que ce soit pour vous embarras-
Seigneur. (Act. ix, t.) Dès l'abord, nous fûmes ser que je parle ainsi, je reprendrai la chose
troublés de ce changement de nom, car, dans de plus haut Ils entrainèrejit Etienne, dit
:

toutes SCS épîlres et (lans leurs formules initiales l'Ecriture , hors de la vdle et ils le lapidèrent^
il non Saul, mais Paul; et ce n'est pas
s'appelle et les témoins déposèrent leurs vêtements aux
a lui seul, mais à bien d'autres encore que la pieds d'un Jeune homme nommé Saul (Act. vu,
même chose est arrivée. Par exemple, Simon 57) ; et encore Saul consentait à sa mort; et
:

s'appelait d'abord Pierre; les de Zébédée, fils ailleurs : Saul ravageait l'Eglise, entrant dans
Jacques et Jean, re(,urent assez tard le nom de les tnaisons et entraînant les hommes et lei

/•7/5 du tonneire; dans l'Ancien Testament, nous femmes; et encore Saul respirant encore la :

trouvons aussi les noms de (piehiues person- menuce et le meurtre contre les disciples du
nages changés ainsi Abraham s'i-lait d'abord
: Seigneur; encore // entendit wie voix qvi
et :

nonnné Abram, Sarra s'était d'abord nouimée lui disait : Saul! Saul! pourquoi me pers'''cu-
Sara, Jacob lut surnommé Israël. Or, il nous tes-tu? Il aurait donc dû quitter ce nom dft
a semblé qu'il eût été contraire à la raison de Saul, aussitôt qu'il eut cessé de |K'rsécuter. Et
parcourir un champ si fertile sans le creuser. pourtant, l'a-t-il quitté de suite? Non; c'est ce
Ne se passe-t-il pas quoique chose d'analogue que nous montre la suite; voyez plutôt : Saul
pour les princes séculiers? Ceux-<:i aussi preu- se leva de terre, et les yeux ouverts, il ne voyait
ucnt un double nom voyez plutôt l'èlix eut
;
: personne; et encore : Le Seigneur dit à Anante^
HO.MÉLIFS SUR M-:S ClfANCEMr.NTS DE N0M5;. - lV'UVIli:\îF. ÎIO.Ml'ï.lE.
7d

V(i dans la rue quun appelle Droite; tu trou- ])Ourquoi parmi les saints. Dieu a-t-il nommé 1. s
veras dans la niaison de Jmla un nommé Said; uns et non pas les autres? Car il n'a pas donné
cl Ananie cuira dans la maison et dit :
encore : leurs noms à tous les saints ni de l'Ancien, ni
Saul^ mon
frère, le Seigneur qui fa apparu du Nouveau Testament. Observons déjà que
sur la route, m'a envoyé pour que tu voies. cette paritéde conduite et dans l'Ancien et
Ensuite il commença à enseigner et il confon- dans le Nouveau Testament prouve que les
dait les Juifs, et il n'avait pas encore (juillé son deux Testaments émanent d'un seul et même
nom, il continuait de s'appeler SauL Car les Seigneur. Dans le Nouveau Testament, le Christ
trames des Juifs, est-il dit, furent connues de a donné à Simon le nom de Pierre, et aux fils

SauL Est-ce tout? y eut une fa- Non; mais il de Zébédée, Jacques et Jean, le surnom de lils

mine^ est-il dit encore, et les disciples résolu- du tonnerre. Voilà les seuls dont il ait changé
rent denvoyei' à Jérusalem pour assister les lui-même les noms pour ce qui est des autres, ;

saints; or ils envoyèrent leurs aumônes par les il leur a lai?sé les noms qu'ils avaient, dès le
mains de Barnabe et de Said. (Act. xi, 29, 30.) principe, reçu de leurs parents. Dans l'Ancien
Voyez : il assiste déjà les saints et il est encore Testament, Dieu changea le nom d'Abraham et
appelé Saul. Puis Barnabe entre à Antioclie et, celui de Jacob; mais ceux de Joseph, de Sa-
voyant la grâce de Dieu et que la foule était muel, de David, d'Elie, d'Elisée et des autres pro-
grande, il va à Tarse chercher Saul. Déjà il con- phètes, il ne les changea pas, il laissa ces grands
vertit beaucoup de monde, et il continue d être saints avec les noms qu'ils avaient toujours por-
appelé Saul ; et encore Il H avaitclans l'Eglise
:
tés. Ainsi donc, première question : pourquoi,
dAntioche des prophètes et des docteurs, parmi parmi les saints, les uns
changé de nom, ont-ils
lesquels Siméon qui s'appelait le Noir, Lucius et les autres non? Deuxième question pourquoi :

de Cyrène Manahen, frère de lait d'Hé-


,
le Seigneur nomme-t-il ceux-ci dans un âge

rode le tétrarque, et Saul. Le voilà docteur et avancé, ceux-là dès leur naissance et parfois
prophète, et il est encore appelé Saul. Et en- même avant? Pierre, Jacques et Jean, c'est
core : Pendant quils offraient au Seigneur les dans un tâge avancé qu'ils reçoivent de Jésus-
saints mystères et qu'ils jcicn aient, r Esprit- Christ un nouveau nom, et Jean-Baptiste est
Saint leur dit : Séparez-moi Saul et Barnabe. nommé avant qu'il ait vu le jour: Un ange du
(Act. XIII, 1,2.)» Seigneur vint et dit : ne crains pas, Zacharie,
3. Voici que prend à pari le Saint-Esprit le voici que ta femme Elisabeth enfantera un fils
et il garde toujours son nom. Mais suivons-le à à qui tu donneras le nom de Jean. (Luc, i, i3.)
Salauiine; il rencontre un magicien, alors Vous le voyez, il n'est pas encore né, et déjà il
écoutons saint Luc Saul, aussi nommé Paul, :
est nommé. La même chose arrive dans l'An-

étant rempli du Saint-Esprit, dit (Act, xiu, 9). cien Testament, la ressemblance est entière :

C'est la première fois qu'il est question d'un dans le Nouveau, Pierre, Jacques et Jean reçoi-
changement de nom. Discutons, sans nous re- vent leurs surnoms lorsqu'ils sont déjà dans
buter, la raison des noms. Connaître les noms l'âge virilJean-Baptiste reçoit son nom avant
,

a son importance même dans les aflaires de ce de naître dans l'Ancien, Abraham et Jacob
:

monde. Que de reconnaissances opérées, que changent de nom au milieu de leur vie; l'un
de parentés, longtemps ignorées, tout à coup s'appelait d'abord Abram, et il s'appela Abra-
mises au jour par la découverte d'un nom Que !
ham l'autre se nommait d'abord Jacob et il se
;

de litiges jugés devant les tribunaux, que de nomma Israël Isaac, au contraire, reçoit son
;

querelles vidées, que de dissensions éteintes, nom dès le sein de sa mère. Dans le Nouveau
que de réconciliations amenées par le même Testament, l'ange dit à Zacharie : Ta femme
moyen! Grande dans les affaires de cette vie, la concevra dans son sein et enfantera im fit s, et

vérité des noms Test encore davantage dans la tu lui donneras le nom de Jean ; et dans l'An-
sphère des choses spirituelles. 11 est donc né- cien, Dieu dit à Abraham Sara, tafemme^: en-
cessaire que les questions qui s'élèvent soient fantera un fils y et tu lui donneras le nom
résolues avec exactitude. d Isaac.
La première question que l'on fait est celle-ci :
Donc encore une fois , première question
, .

Pourquoi des noms donnés à ceux-ci et pas à


' Traduit le commencement da volume
depuis jusqu'ici par
M. l'abbé Fanicu.La fln de cette homélie et les deux
ceux-là? et deuxième question Pourquoi ceux :

suivantes ont
été tnduitoi par M, Junain. qui reçoivent de Dieu un nom, le reçoivent-ils
80 TRADUCTION FRANÇAISE i>E SAINT JEAN CHRYSOSTOME.

les uns dans le cours de leur âge, les autres vent aux enfants lesnoms de leurs mères. Dieu
avant leur naissance et cela dans l'un et l'au-
, donc ayant tiré l'homme de la terre, le nomma
tre Testament? La seconde question sera traitée Adam, du nom de sa mère. Elle se nommait
tout d'abord de la solution que nous en don-
; Eden, lui se nomma Adam.
nerons sortira une lumière qui éclairera la 4. Mais quelle utile conclu-sion tirer de là?
première. Voyons donc ceux qui ont reçu de Chez les hommes, lorsqu'on donne aux enfants
Dieu leurs noms dès le principe remontons ; les noms de leurs mères, c'est pour faire hon-
jusqu'à l'homme qui le premier, fut nommé , neur vue don-
à celles-ci. Mais Dieu, dans quelle
de Dieu. Ainsi ramenées à leur origine, nos au premier homme le nom de sa mère?
na-t-il
questions recevront une solution radicale. quel était son dessein ? Grand ou petit, il en
Qui donc
a, le premier, reçu de Dieu son avait un ; car il ne fait rien sans motifs, rien
nom? Quel autre, sinon celui qui fut le pre- au hasard : une raison et
en tout il agit avec
mier formé par la main divine? 11 n'y avait pas une sagesse profondes, puisque sa prudence est
d'homme en efl'et qui pût nommer le premier sans mesure.
homme. Comment donc Dieu nomma-t-il le Eden veut dire la terre, et Adam, le terres-
premier homme? Adam, nom hébreu, nom tre, créature sortie de la poussière, née du li-

étranger à langue hellénique et qui signi-


la ,
mon de la terre. Pourquoi donc ce nom-là?
fie de terre. Le mot Eden aussi veut dire
: : Pour rappeler à l'homme la bassesse de sa na-
terre vierge tel était le lieu dans lequel Dieu
; ture. Dieu, par cette appellation, avait comme
planta le Paradis. Dku^ dit la Genèse, planta gravé sur l'airain l'humilité de notre nature,
la Paradis dans VEden, vers V Orient (Gen. ii afin que ce nom, qui est à lui seul toute une le-

8) ce qui nous montre que le Paradis n'était


: çon d'humilité, apprît à l'homme à ne pas
pas l'œuvre de la main de l'homme. Celait concevoir de lui-même une trop haute estime.
une terre vierge que la charrue n'avait pas Que nuus soyons terre, nous le savons parfai-
touchée ni ouverte en sillon
, une terre ; tement, nous, à qui l'expérience l'enseigne
qui ne connaissait pas la main du laboureur, tous les jours ; mais Adam n'avait vu mourir
mais qui avait produit des arbres, fécondée personne, et jamais le spectacle d'un cadavre
uniquement par l'ordre de Dieu. De là le retombant en poussière n'avait frappé sa vue ;

nom d'Eden c'est-à-dire terre vierge , que


, son corps était d'une merveilleuse beauté; il
Dieu lui donna. Mais cette terre vierge était la brillait tel qu'une statue d'or sortant du
ligure de la Vierge par excellence. De même ,
moule. Craignant donc que, ébloui de tant
en effet, que la terre d'Eden, sans recevoir d'éclat il ne s'enflât d'orgueil, il lui dornia
aucun germe, vit sortir de son sein le Paradis, comme contre-poids à ses brillants avantages,
asile du premier homme, de même la Vierge un nom qui serait pour lui une leçon perma-
Marie, sans recevoir la semence de rhonmic, nente d'humilité. D'ailleurs le diable ne de>ait
a enfanté le Christ, Sauveur du genre humain. l)as tarder de l'exciter à l'orgueil, il allait bien-

Lors donc que le juif vous dira Comment :


tôt lui dire Vous serez comme des dieux.
:

une vierge a-t-elle pu enfanter? répoiuio/lui :


(Gen. in, 5.) Ce nom, qui apprend au premier
Comment une terre vierge a-t-elle produit ces homme qu'il était terre, Dieu le lui impo-
arbres miraculeux du Paradis? Car, je le ré- sait pour éloigner de son esprit l'idée qu'il

pète, le njotEden signifie en langue hébraïque fût semblable à Dieu par ce nom Dieu ;
,

terre vierge ; si mon assertion laisse un doute prénmnissait la conscience de l'homme; au


à quelqu'un, qu'il interroge ceux qui savent moyen de cette appellation, il le mettait en
la langue des Hébreux, et il s'assurera que garde contre de l'esprit malin.
les futurs pièges

j'interprète coninii' il faut le mot Eden. Je ne En en sorte i|iie l'homme se souvînt


etVet, faire

cherche pas de votn; ignoranctî pour


à |)roliter de sa parenté avec la terre, lui donner ainsi la
faire passer de faux raisonnements; non, je juste mesure de sa noblesse, c'était presque lui
tiens à vous munir d'un argument sans répli- dire en propres termes : Si quelqu'un vient te

(jue, et je raisonne aussi rigoureusonuMilqueje dire : tu seras comme Dieu, souviens-toi seu-
feraisen face d'adversaires instruits. L'Iioiume lement de ton nom, il t'avertira snftis,nnment
ayant donc été formé de la terre d'Eden, c'est- de repousser une semblable pensée. Souviens-
à-dire vierge, s'appela Adam, du nom de sa toi de ta mère, que ton origine te rappelle le

mère. Ain^i font les honunes, ils donnent sou- lieu que tu es. On ne veut pas t'humilier, niaii
HOMÉLIES SI R LES CHANGEMENTS DE NOMS. — DEUXIÈME HOMÉLIE." »l

on reiloute pour loi l'entraînement de l'or- en sorte qu'Isaac, lui aussi, n'avait qu'à sa
gueil. souvenir de son nom, pour trouver dans le
S.iint Paul ilit aussi : Le premier homme fut miracle de sa nrûssancc une parfaite instruc-
Adam, tiré de la terre et terrestre ; comme
c'cû tion. Elle «• .: Dieu m'a fait tui sujet de ris ^
interprétation du mot Adam qu'il ajoute: tiré parce qi'»- était une merveille de voir une

de la terre et terrestre. Le second homme est le femme (! un âge avancé et avec des cheveux
\fys>

Seigneur descendu du ciel. hérétique, tti tlajif^,. iluiîcr et tenir un enfant à la ma-
entends l'Apôtre dire que le Seigneur est le melle. M«' le nomd'Isaac, c'est-à-dire ris,
secoyidhonune, el tu prétends qu'il n'a pointpris était un ju venir permanent de la grâce de
de cl)air! Se peut-il une impudence semblable ? Dieu, eirallaifement confirmait le prodige de
Est-il homme celui qui n'a pas de chair? Si la naissance. La nature n'était pour rien dans
l'Apôtre appelle le Seigneur homme et mec. cette naissance , la grâce avait tout fait. C'est
second homme, le définissant par la nature et pourquoi saint Paul dit comme Isaac nous :

par le nombre, c'est afin de te montrer dou- sommcsdes enfants de promission. (Gai. iv, 28.)
blement sa parenté avec nous. Quel est donc La naissance d'isaac est la figure de celle du
le second homme? Le Seigneur qin est du ciel. chrétien; d'un côté comme de l'autre, c'est la
Mais, dit l'hérélique, voilà précisément ce qui grâce qui opère; d'un côté comme de l'autre,
me scandalise, c'est cette parole qui est du ciel. le nouveau-né sort d'un sein refroidi et stérile :

— Mais lorsque tu entends dire que premier


le Isp.ac du sein d'une femme âgée, le chrétien du

homme est terrestre, tirant son origine de la sein des eaux. L'analogie est visible entre l'une
terre, est-ce que tu infères de là qu'il est tout en- et l'autre naissance , entre Tune et l'autre
tier terrestre, quil n'y a en lui nulle puissance grâce. Partout la nature est inerte, partout
incorporelle? nies-tu son âme et la spiritualité c'est la grâce de Dieu qui opère. Voilà le sens
do son âme? Qui oserait le dire? Si donc, lors- de celte parole comme Isaac nous sommes des
:

qu'on te dit qu'Adam était terrestre, tu ne vas enfants de promission. Resie encore néanmoins
pas t'imaginer pour cela qu'il n'était que corps, un point à éclaircir pour que la comparaison
qu'il n'avait pas d'âme de même, en entendant
; soit complète.
ces paroles Le Seigneur cpd est du. ciel, ne
: Saint Jean dit (i, 13) que les chrétiens ne
t'avises pas de supprimer le mystère de l'in- naissent pas du sang , ni de la volonté de la
carnation à cause de ces mots qui est du ciel. chair : en est-il de môme d'Isaac ? Oui , car
Voilà le premier nom suffisamment justifié. l'Ecriture dit : Ce qid arrive d ordinaire aux
Adam fut ainsi appelé du nom de sa mère, pour femmes avait cessé chez Sarra (Gen. xviii, 11.)
qu'il ne portât point ses prétentions plus haut Les sources du sang étaient taries la matière ,

que son pouvoir, et qu'il ne donnât pas prise de la génération disparue, l'énergie de la na-
à son artificieux ennemi qui viendrait le ,
ture anéantie, et c'est alors que Dieu fait pa-
tenter en lui disant vous serez comme des raître sa vertu. Voilà que nous avons tiré de
dieux. Passons maintenant à quelqu'autre qui ce nom d'Isaac toute l'instruction qu'il ren-
ait reçu de Dieu son nom avant sa naissance ,
ferme. Il nous reste à parler d'Abraham , des

et terminons ce discours. Quel est donc le de Zébédée et de Pierre; mais pour ne pas
fils

premier après Adam qui ait reçu de Dieu son vous fatiguer par ma longueur, remettant ces
nom dès le sein de sa mère ? C'est Isiiac. Voici, objets à une autre entretien, je finirai ici mon
dit leSeigneurà Abraham que Sai^a ta femme discours, en vous exhortant, vous'qui êtes nés à
concevra dans son sein et enfantera un fils, et la manière d'Isaac, à imiter la douceur d'Isaac,
tu le nommeras Isaac. Or, après qu'elle Veut sa modestie et toute sa conduite, afin que,
mis au monde, elle le nomma Isaac, en disant : aidés des prières de ce juste et de celles de ces
Dieu m'a fait un sujet de ris. Pourquoi ? Car prélats, vous puissiez tous parvenir dans le sein
qui croirait qu'on dût jamais dire à Abraham, d'Abraham, par la grâce et la charité de Notre-
que sa femme allaiterait un fils ? (Gen. xvni, 19 Seigneur Jésus-Christ, par qui et avec qui,
et XXI, 3, 67.) Soyez attentifs, il y a ici un soient au Père, gloire, honneur et puissance,
mystère. L'Ecriture ne dit pas : enfanterait, ainsi qu'à l'Esprit saint et vivifiant, mainte-
mais allaiterait; il ne fallait pas que l'on* pût nant et toujours, et dans les siècles des siècles,
soupçonner le petit enfant d'être supposé. Or, Ain?i soit-il.
le lait garantissait la vérité de l'enfantement
TuiiE IV,
83 TRADUCTION FKA^xÇAlSE DL SAINT JEAN CliKYSOSTOMlL

TROISIÈME HOMÉLIE

/ ceux qui critiquaient la longueur de ses eiordes; — Qu'il est utile de snpporter patiemment les réprimandes; — Pourquoi le nom de sairt

Paul ne fut pas changé tout de suite après sa conversion; — Que ce changement ne fe fît pas de nécessité mais en conséquence d'une libit

Tûlonté, et sur ce mot : u Saull Sauli pourquoi me persécutes-tu î i (Âct IX, 4 j

ANALYSE.

d»-2«>On avait reproché à saint Chrysostome, et non sacs raison peut-être, de faire de trop longs eiordes. Ce reproche devient
iciPoccasion d'un exorde encore beaucoup plus long que les autres, dans lequel le facile et brillant orateur développe ces
pensées que les blessures que font les arnis sont moins dangereuses que les baisers empressés des ennemis ; que les remon-
;

trances sont avantageuses à ceux qui comme à ceux qui les font, et qu'il est beau de savoir
les reçoivent les accueillir;
chemin faisant et pour prouver ce nous donne un admirable, quoiqu'un peu verbeux commentaire
qu'il avance, il de ce passage
de l'exorde où Moïse, averti par Jélhio, son brau-père , choisit des hommes sages et éclairés pour l'aider à juger tous les
différends du peuple d'Israël. —
3" L'orateur donne plusieurs raisons de la longueur de ses exordes. Il résume sa précédente
instruction. Pourquoi le nom de l'apôtre saint Paul fut-il changé? pourquoi ne le fut-il pas sur-le-champ après sa conversion?
— i* Commentaire de ces paroles : Saul, Saul ,
pourquoi me persécutes -tu? etc., jusqu'à Je suis Jésus que tu :

persécutes. — 5°-6" La conversion de saint Paul fut libre.

i. Le reproche nous a été adressé, par quel- devez marcher. (Is. m, 12.) Je repousse donc

ques-uns de nos bien-aimés frères, d'être long les louanges mêmes d'un ennemi; mais le
dans nos exordes. Si ce reproche est mérité ou blâme d'un ami, j'en ferai toujours le plus
non, vous en déciderez après nous avoir en- grand cas. Les baisers de l'un me sont déplai-
tendu à notre tour; c'c?t à votre impartiale sants, les blessures de Taiitre me font plaisir;
sentence que je remets le jugement de cette je me défie de celui-là lorsqu'il me baise, et je
Avant que je me justifie, je dois dire à
affaire. sens l'intérêt que me porte celui-ci jusque
ceux qui font ces critiques que je leur en sais dans les blessures qu'il me fait. Oui, dit le

gré, car elles leur sont inspirées par un intérêt Sage, il y a plus d se fier aux blessures d'un
bienveillant, et nullement par la malignité. Et ami quaux ùoisejs empressés d'un ennemi.
celui qui m'aime, ce n'est pas seulement lors- (Prov. xxvn, dites-vous, homme sage?
6.) Que
qu'il me loue, mais aussi lorsqu'il me critique Des blessures meilleures que des baisers! Oui,
pour me corriger, que je tiens à lui exprimtT dit-il, car je fais ;itt(Mifion non à la nature di'S

réciproquement mon amitié. Louer indistinc- actes, mais à lintention de ceux qui les font.
tement et ce qui est bien et ce qui est mal, ce Voulez-vous que je vous montre que les
n'est pas le fait d'un ami, mais d'un trompeur blessures d'un ami sont moins à craindre que
et d'un moijucur; louer ce qui est convenable les baisers empressés d'un ennemi'.' Judas bai«a
et blâmer ce (jui ne l'est pas, c'est faire l'office le Seigneur, mais son baiser était plein de tra-
d'un ami, d'un homme qui nous porte intérêt. hison : il y avait du venin dans sa bouche, sa
El, pour preuve que les louanges et les com- langue étiit remplie de malice; Paul, au con-
pliments prodigués à tort et à travers ne sont traire, frappa l'ineestut^ux de Coriiithe. et il le

pas le signe d'une sincère amitié, mais bien de gi^M'it. Et comment It^ frappa-t-il'.' en le livrant
la fourberie, je vous citerai cette parole disaïe : à Satan : Livrez, dit-il,homme à Satan
cet
Mon peuple^ ceux qui vous félicitent vous sé- pour la mort de sa Pourquoi? Afin que
chair.
duisent, et ils rompent le chemin par où vous son esprit soit sauf au jour du Seigneur Jésus.
NGEMENTS DE NOMS. — TROISIÈME HOMÉLIE. 83

Voilà des blessures qui sauvent et voilà des que les autres. Mais, la plupart du temps, l'on
baisers qui trahissent. Ainsi, rien de plus vrai, s'indigne d'être repris, on se dit à soi-même :

il y a plus à se fier aux blessures d'un ami Quoi! avec ma capacité et mon savoir, je me
qu'aux baisers empressés d'un ennemi. Des laisserais faire la li çon par cet homme On tient 1

hommes, passons à Dieu et au démon pour la ce langage, sans songer qu'on donne ainsi une
vérification de cette même maxime. Dieu est grande preuve de folie. Car, dit le Sage, espé'
notre ami, le démon notre ennemi; l'un est rez mieux de que de l'homme qui se
l'insensé
un sauveur et un protecteur, l'autre un fourbe croit sage. (Prov. xxvi, 12.) Saint Paul dit de
qui s'acharne à nous perdre. Or, celui-ci nous même Ne : soyez pas sages à vos propres yeux,
a baisés autrefois, et celui-là nous a frappés. (Rom. xii, 10.)

Comment celui-ci nous a-t-il baisés et celui-là Soit, votre sagesse, votre perspicacité est ad-
frappes? La oici le démon a dit
'
Vous serez
: : mirable; malgré tout vous êtes homme, et
comme dc^ -ivfiix, et Dieu a dit Tu es terre et : vous avez besoin de conseils. Dieu seul ne
tu retourier 'ta en terre. (Gen. m, 5 et 19.) manque de rien; seul il n'a pas besoin qu'on
Lequel de^ u nv nous a mieux servis, de celui le conseille, lui de qui il est écrit Qui cojmait :

qui a dit u>iS .<erez comme des dieux, ou de


: la pensée du Seigneur^ ou qui a été son conseil-
celui qui a ; Tu es terre et tu retourneras ler? (Rom. XI, 34.) Mais nous autres hommes, si
€îi terre? b'i iM.naça de mort nos premiers sages que nous soyons, nous mérilons souvent
parents, le d, •• >i- leur promit l'immortalité. qu'on nous reprenne, et nous laissons souvent
Or, celui qui -^ i» avait promis l'immortalité voir la faiblesse de notre nature. Car tout 7ie

les fit chassermême du paradis, et celui qui peut pas se trouver dans les hommes, dit l'Ec-
les avait menacés de mort les a reçus dans le par la raison, ajoute-t-il,
clésiastique (xvii, 29),
ciel, eux et leurs descendants. Nouvelle preuve que le fils de l'homme n'est pas immortel. Quoi
qu il y a plus à se fier aux blessures d'un ami de plus lumineux que le soleil? et néanmoins il
qu'aux baisers empressés d'un ennemi. Donc, s'éclipse. Or, de même que l'obscurité vient
je le répète, je sais gré à ceux qui me blâment parfois surprendre, au milieu de ses plus vives
de leurs critiques; car, fondés ou non fondés, splendeurs, cet astre si brillant et lui dérober
leurs reproches sont faits dans l'intention non tous ses rayons; ainsi, pendant que notre intel-
d'injurier, mais de corriger; mais les blâmes ligence resplendit comme à son zénith, revêtue
même justes des ennemis tendent non pas à de toutes ses clartés, souvent il lui survient
corriger, mais à décrier. Les uns, lorsqu'ils une défaillance de pensée qui la laisse tout à
louent, encouragent à mieux faire; les louanges coup sans lumière. Alors le sage n'aperçoit
des autres sont des pièges où ils veulent faire plus le devoir, tandis que parfois un moins
tomber ceux qui en sont l'objet. sage le distingue d'une vue beaucoup plus pé-
Au reste, de quelque manière que se pré- nétrante et plus sûre. Et cela arrive afin que
sente le blâme, c'est toujours un grand bien le sage ne s'exalte pas et que le simple ne se
de le supporter sans s'irriter. Celui, dit l'Ecri- décourage pas.
ture, qui hait la réprimande est un insensé. C'est un grand avantage de savoir souffrir
(Prov. XII, 1.) L'auteur ne dit pas telle ou telle les remontrances; pouvoir en présenter est
réprimande, il dit simplement la réprimande. aussi un grand avantage en même teinp.> (ju'une
Un ami vous fait un reproche juste, corrigez marque certaine de l'intérêt qu'on porte au
votre défaut; le blâme tombe-t-il à faux, louez prochain. Voyons-nous que^u'un porter de
du moins votre ami de sa bonne intention, travers et mal liée sa tunique ou quelque autre
voyez le but et reconnaissez un soin amical : partie de son vêtement, aussitôt nous l'avertis-
la bienveillance a produit le blâme. Ne nous sons; mais si c'est sa vie qui est dissolue, nous ne
irritons pas lorscju'on nous rei)rend. Quel prenons pas la peine de lui adresser une parole.
avantage ce serait pour notre vie si, recevant Nous voyons une vie qui n'est pas selon les con-
des représentations de tous nos amis sans nous venances et nous passons. Et cependant les tra-
piquer, nous leur rendions nous-mêmes chari- vers dans le vêtement , on en est quitte our -,

tablement le service de les avertir de leurs dé- quelques rires essuyés; mais les fautes de l'âme,
fauts Les représentations sont aux défauts ce
1
c'est aux plus graves périls qu'elles exposent,
que remèdes sont aux plaies, et l'on n'est
les c'est par les plus sévères châtiments qu'on tes
pas moins déraisonnable de repousser les unes expie. Quoi ! vous voyez votre frère qui sej^tle
84 TRADUCTIOiN FRAiNÇAISE DE SALNT JEAN CIIRYSOSTOME.

dans un précipice, qui ne fait nul effort pour mandait à la création , ami qu'il éiiit du
sauver sa \ie qui ne voit pas le péril, et vous
,
Maître de la création. Il emmena
d'Egypte
ne lui tendez pas la main, et vous ne le relevez tout un grand peuple. Il sépara les eaux de la
pas de sa chute et vous n'avez à lui offrir ni
! mer et les réunit et il parut alors un prodige
,

avertissement ni remontrance Vous Tem- ! que le soleil voyait pour la première fois, une
pêchez de tomber dans le ridicule, de manquer mer traversée non en vaisseau, mais à pied,
aux bienséances, et quand il y va de son salut, battue non par la rame et l'aviron, mais par les
vous ne vous en inquiétez nullement! Quelle pieds des chevaux. (Exod. xxxiii, \\.)
justification, quelle excuse aurez-vous à pré- Eh bien! ce sage, ce puissant en parole et en
senter au tribunal de Dieu ? Ne savez- vous pas œuvre, cet ami de Dieu, cet homme ([ui com-
l'ordre donné de Dieu aux Israélites de ne pas mandait à la création, cet auteur de tant de
négliger la bête égarée d'un ennemi, et lors- prodiges, ne remarqua pas une chose si simple
qu'elle tombe en un précipice de ne pas passer que tous les hommes la pouvaient comprendre.
à côté sans la relever? (Exod. xxni, 4, 5; Deut. Ce fut son beau-père, un barbare , un homme
XXII, 1.) Voilà les Israélites à qui il est prescrit simple qui la remarqua et la proposa ; et ce

de ne pas négliger la bête de somme d'un grand homme ne l'avait pas trouvée. Mais,
ennemi, etnous, nous verrons avec indifférence quelle était cette chose ? Ecoutez, et vous sau-
l'âme de notre trère tomber chaque jour dans rez que chacun a besoin de conseil , fût-ce un
du démon Quelle barbarie, quelle
les pièges ! autre Moïse, et que ce qui échappe aux plus
inhumanité de s'intéresser moins à des hommes grands, aux plus intelligents des homnips, se
qu'ils ne s'intéressent à des bêtes! Oui, ce qui découvre souvent aux petits et aux simples.
perd tout ce qui confond tout dans notre vie,
, Lorsque Moïse fut sorti de l'Egypte avec le peu-
c'est que nous ne souffrons pas qu'on nous ple de Dieu, et qu'il était dans le désert tous ,

reprenne et que nous ne nous soucions pas


, les Israélites, au nombre de six cent mille, ve-

de reprendre les autres. Nos remontrances ne naient devant lui pour lui faire juger leurs dif-
sont trouvées désagréables que parce que nous férends. Témoin de ce fait, son beau-père,
repoussons avec colère celles qu'on nous pré- Jéthro, un homme simple, qui passait sa vie
sente. Si votre frère vous savait disposé à bien dans le désert, qui n'avait aucune habitude des
accueillir ses observations et à l'en remercier, lois et du gouvernement, et, ce qui prouve
lui-même, lorsque vous l'avertiriez, vous ren- encore mieux son ignorance, qui adorait les
drait certainement la pareille. faux dieux, quoi de plus grossier! toutefois ce
2. Voulez-vous vous convaincre que, même barbare, ce gentil, cet ignorant s'aperçut que
lorsque vous êtes un homme instruit, parfait, Moïse s'y prenait mal, et il en reprit ce sage,
parvenu au faîte le plus élevé de la vertu, vous cet esprit éclairé, cet ami de Dieu. Il lui de-
avez encore besoin de conseil, de correction, manda pourquoi tous ces hommes wn lient à
de remontrance? Ecoutez une antique histoire. lui, et en ayant apnris le motif, il lui dit Tu :

Rien n'était égal à Moïse. Il était dit l'Ecriture,


^ 7ie fais pas bieu. (^Exod. xviu, 14, 47.) Ktà la

le plus doux des hommes (Nom. xn, 3), ami de réprimande il joignit le conseil, et loin de s'en
Dieu, éclairé des lumières de l'Esprit divin, il fâcher, Moïse accueillit lune et l'autre; Moïse
possédait en outre toute la sagesse humaine. le sage, l'esprit éclairé, l'ami de Dieu,
le chef
Moïse, dit encore l'Ecriture, fut instruit de toute d'un si grand peuple. Ce n'était cependant pas
la sagesse des Egyptictts. Vous voyez bien que peu de chose de recevoir une leçon d'im bar-
c'était un homme d'une science accomplie. bare, dun ignorant. Les étonnants miracles
Et il était puissant en parole et en vertu. (ju'il faisait, la grandeur du pouvoir qu'il exer-
Ecoutez encore un autre témoignage Dieu a : çait ne l'enflèrent point, il ne rougit point d'être
conversé avec beaucoup de i)roj)hète?, mais il reprisen présencedesj'ssubordonnés. Ilcomprit
n'a conversé avec aucun autre iiunine il la (|ue ses grands prodiges ne l'empêchaient pas
avec Moïse. (Deut. xxxiv, iO.) Quelle plus
fait d'être toujours honuue, par conséquent d'igno-
grande preuve de sa vertu voulez-vous que rer beaucoup de choses, et il reçut avec dou-
celle que Dieu donne en s'entretenant avec son ceur le conseil qu'on lui donnait. Or, combien
serviteur connue avec un ami? S.igesso clran- n'en voit-on pasipii. pour ne pas paraître avoir
gèrc, sagess»' domosticpie, il réunissait totit. M !>e8oin de conseil, aiment mieux trahir linlerèt
était puissant en parole et en œuvre. Jl rnm- «ie lacausequ'ilsserventquedccorrigerlcurlurt
HOMÉLIES SUR LES CHANGEMEiNTS DE NOMS. — TROISIÈME HOMÉLIE. 8:

pti profilant (l'un bon avis? lis préfèrent igno- donc à ne pas rougir d'une réprimande même
rer plutôt (pie (le ne sachant pas
s'instruire, en présence d'un peuple nombreux. C'est le
que l'on est blâmable non de s'instruire, mais fait d'une vertu qui n'a rien de vulgaire, et le
d'ignorer; non d'apprendre, mais de persister propre de la sagesse la plus haute, que de sup-
dans son ignorance; non d'ctrc repris, mais de porter courageusement la réprimande. Noug
s'opiniàtrer à mal faire. n'admirons pas tant Jéthro de ce qu'il reprit
Oui, je le répète, l'homme le plus ordinaire Moïse que nous ne sommes étonnés de voir ce
et le plus simple trouve souvent ce qui échappe grand saint se laisser courageusement redres-
aux grands génies. Moïse le comprit, et il ser en public par Jéthro, livrer le fait à la con-
écouta avec douceur le conseil que lui donna naissance du genre humain, montrant ainsi,
son beau -père, disant Etablis des chefs de
: sans le savoir, combien grande était sa sagesse
mille, de cent^ de cinquante et de dix hommes, et petite l'importance qu'il attachait à l'opinion
ils te rapporteront les causes difficiles^ et juç/e- des hommes.
fjeront eux mêmes les plus faciles. (Exod. xvui, 3.Mais voilà qu'en nous excusant de la lon-
21, 2-2.) Oui, Moïse écouta ce conseil sans que gueur de nos exordes nous en avons fait un
,

son amour-propre en fût blessé, sans rougir, plus long que jamais, un toutefois qui contient
sans être embarrassé de la présence de ses autre chose que de vaines paroles, puisque,
subordonnés; il ne se dit pas à lui-même Je : chose très-grave et très-nécessaire nous vous ,

vais me faire mépriser de ceux qui m'obéissent, exhortons à supporter courageusement les re-
si, étant chef, je me laisse enseigner mes de- montrances, comme
aussi à reprendre avec
voirs par un autre. 11 reçut l'avis et le mit en zèle et à redresser ceux qui font mal. Force
pratique, il n'eut honte ni des contempo- nous est cependant de nous expliquer au sujet
rains, ni de la postérité; bien plus, comme s'il de celte prolixité qu'on nous reproche et de ,

eût voulu tirer vanité de la remontrance de dire pourquoi nos exordes ont cette étendue.
son beau-père, il l'a, par ses écrits, portée à la Quelles sont donc nos raisons ? Nous parlons à
connaissance des hommes, non-seulement de une grande multitude composée d'hommes
son temps, mais encore de tous ceux qui sont ayant des femmes et des enfants à nourrir, des
venus après jiisqu'à ce jour, et de tous ceux maisons à régir, le poids d'un travail quotidien
qui fouleront encore la terre jusqu'à l'avène- à soutenir , d'hommes sans cesse plongés dans

ment du Fils de Dieu; il n'a pas craint de pu- les préoccupations de cette vie. Le difficile ne
blier à la face du monde qu'il n'avait pas su voir vient pas seulement de ce qu'ils n'ont pas de
par lui-même ce qu'il fallait, et qu'il avait été loisir,mais surtout de ce que nous ne pouvons
redressé par son beau-père. Et nous, pour un les avoir ici qu'une fois la semaine il faut les ;

homme qui est témoin des réprimandes que mettre à même de nous suivre et de nous
l'on nous fait, on nous voit troublés, hors de comprendre. Or, c'est par le moyen des
nous-mêmes, doutant si nous pourrons sur- exordes que nous essayons d'éclaircir ce qu'il
vivre à notre humiliation. Tel n'était pas pourrait y avoir d'obscur dans nos instruc-
Moïse; les témoins sans nombre que son œil tions. Celui que ne distrait aucune occupation
apercevait devant lui aussi bien que dans la matérielle, qui est toujours cloué sur les livres
suite des âges ne le font pas rougir ni hésitera saints, celui-là n'a pas besoin du secours de
confesser tous les jours dans son livre, à la face l'exorde l'orateur n'a pas encore exprimé
;

de l'univers, que son beau-père a découvert ce toute sa pensée, qu'un tel auditeur la com-
que lui-même n'avait pas su découvrir. I*our prend déjà tout entière. Mais un homme qui
quelle raison a-t-il transmis ce fait à la mé- porte presque continuellement la chaîne des
moire des hommes? Pour nous avertir de ne occupations de celte vie, qui ne fait que pa-
pas trop présumer de nous, quelque sages que raître ici un instant de loin en loin, si un
nous soyons, de ne pas mépriser les conseils exorde un peu étendu ne prépare point son
même des derniers de nos frères. Un bon con- esprit et ne l'amène comme pas à pas en lui
seil vous est offert, recevez-le, vînt-il d'un es- frayant la voie jusqu'au sujet, il écoutera sans
clave; s'il est mauvais, rejetez-le, quelle que soit entendre et se retirera sans profit.
la dignité de celui qui le donne. Ce n'est pas la Autre raison non moins considérable. Entre
qualité du conseiller,mais la nature du con- tant d'auditeurs, les uns sont exacts, les autres
seil qu'il faut considérer. Moïse nous apprend ne le sont guère à venir ici ; nécessité donc de
r>6 TRADUCTION FRANÇAISE DE SAINT JEAN CliRYSOSTOME.

louer les uns et de réprimander les autres longtemps qu'il s'en était rendu maître, il lui
afin que ceux-ci se corrigent de leur négligence changea donc son nom pour lui faire sentir
et que ceux-là redoublent de zèle. Les exordes qu'il avait un nouveau maître. Le pouvoir
sont encore utiles pour une autre cause. Les d'imposer des noms est une marque de domi-
sujets que nous traitons sont ordinairement nation nous le voyons manifestement par la
;

trop vastes pour qu'il soit possible de les ache- pratique journalière de la vie et, mieux en-
ver en une seule fuis, nous sommes obligés de core, par la conduite de Dieu envers Adam.
donner deux et trois, et môme quatre discours Voulant lui montrer qu'il rétablissait maître
à la même matière. De là encore, la nécessité de la terre et de ses lijbitants, il amena devant
de reprendre chaque fois les conclusions de lui tous les animaux, afin qn'il vit à leur do7i-
l'instruction précédente cet enchaînement est; ner des noms (Gen. montre bien
ii, 19); ce qui
nécessaire à la clarté de l'exposition ; sans lui que c'est une que Timposi-
prise de possession
nos auditeurs ne verraient rien à nos discours. tion d'un nom. On en use de même parmi les
Pour vous faire comprendre combien , sans la hommes, et c'est assez l'habitude de ceux qui
préparation de l'exorde, un discours serait peu font des prisonniers à la guerre de leur chan-
compréhensible, écoutez, j'entame brusque- ger leurs noms. C'est ce que fit, par exemple ,

ment mon sujet ; c'est une expérience que je le roi des Babyloniens pour Ananias, Azarias

veux faire. Jésus l'ayant regardé, lui dit : Tii et Misaël , ses prisonniers de guerre , auxquels
es Simon de Jonas, tu f appelleras Cé-
^ fils il donna les noms de Sidrac , Misac et Abdé-
phas, c'est-à-dire Pierre. (Jean, i, 42.) Voyez, nago.
comprenez-vous? Savez-vous ce qui précède Mais pourquoi le changement dunom neut-
et amène cette parole? En face de ce sujet il que plus tard pour l'Apôtre ^ et non
lieu
brusquement entamé, vous voilà comme un immédiatement? Parce qu'un changement si
homme que l'on introdiiirait au théâtre après prompt n'eût pas assez laissé paraître la con-
l'avoir entouré de voiles épais. Eh bien ces ! version de Paul et que son passage à la foi
,

voiles, ôtons-les maintenant par le moyen d'un eût été moins remarqué. Ce qui arrive pour
exorde. C'était sur saint Paul que roulait der- les esclaves fugitifs, qui se rendent introuvables
nièrement notre discours, nous parlions des par un simple changement de nom, serait ar-
noms , et nous recherchions pourquoi cet rivé pour Paul; si, tout en passant de la syna-
apôtre s'appela d'abord Saul, puis Paul. De là, gogue à l'église, il avait pris un autre nom, il
nous sommes passés à l'Ancien Testament, et erait demeuré inaperçu, et personne n'aurait

nous avons passé en revue tous ceux à (jui découvert le persécuteur dans lApôtrc. Or,
Dieu a donné des noms. Nous en sommes l'important, c'était précisément que l'on apprît
venus à Simon et à la parole que le Soigneur que le persécuteur était devenu apôlre. Rien
lui adresse : Tu es Simn?7, fils de Joiun, lu ne confondait les Juifs connue de voir (pie celui
t'appelleras Céphas, c'est-à-dire Pierre. Voyez- qui avait été leur maître fût devenu leur adver-
vous comment ce (|ui semblait hérissé de diffi- saire. Le Saint-Esprit a donc laissé quelque
cultés est devemi facile et uni ? De même qu'il temps à rA|>ôtre son premier nom, de ()eur
faut une tète à un corps, une racine à un (ju'un prompt changement de nom ne cachât
arbre, une source à un fleuve, de même il le changement du cœur. Il faut que tous
faut un exorde à un discours. Maintenant que sachent (jue celui (jui d'abord persécutait
nous vous avons amenés jusqu'à l'entrée de la l'Eglise (Ml estdevenu le dcfonseur; celle pro-
voie et «pie vous voyez la suite des choses , en- digieuse conversion une lois connue le nom ,

tamons le commencement de riiistoire. Saul sera changé. Cette raison nous est indiquée par
respirant encore la menace et le meurtre saint Paul lui-même, lorsqu'il dit J'allai dans :

contre les <lisri/)l('S du Srif/ncur. (Act. ix, 1.) la Syrie et dans la Cilicir. Or les Eglises de ,

11 e'a|)i)(lle Paul dans les Ejûlres. Pouniuoi Judée ne me connaissaient point de visage.
doncleSainl-Espiit lui a-t-il changé son nom? (Gai. I, 21.) S'il était inconnu dans la Pales-
Quand un maître achète un esclave, il lui tine, où il demeurait, combien plus dans les
donne im autre nom pom- lui faire mieux pays éioignésl Son visage était inconnu, mais
comprendre à (|ui il appartient c'est aussi ce ; il ne dit pas «lue son nom le fût. Pourquoi les

qu'a voulu le Saint-Esprit. II avait fait saint fidèles ne connaissaient-ils point son visage?
Paul prisonnier de guerre, il n'y avait pas C'est que nul d'entre eux n'osait le regarder en
IIOMÉLILS SUR LES CHANGEMENTS DE NOMS. — TUUISIÈME HOMÉLIE. 67

face, lorsqu'il faisait la guerre à l'Eglise, tant excuse, et il a été trouvé digne de pardon après

il respiiait le meurtre et la fureur. Tous s'éloi- s'être rendu coupable des mêmes actes qui
gnaient, tous fuyaient, quand ils le voyaient firent condamner les Juifs. Eux, c'était le désir

paraître cjuclque i)art; quant à le regarder en de gagner l'estime des hommes et l'amour de
face,nul ne l'osait, tant il était dccluûné contre la vaine gloire qui les faisaient agir. Lui, au

eux! Ils entendaient seulement dire que celui contraire, était poussé par son zèle pour le ser-
qui les persécutait naguère prêchait mainte- vice de Dieu, zèle sincère, quoique aveugle. De
nant la fui qu'il avait voulu détruire. Puis donc là vient que les autres juifs, sans s'occuper des

qu'ilsne connaissaient pas les traits de son vi- femmes, faisaient la guerre aux hommes parce
sage, s'il eût sur-le-champ pris un nouveau qu'ils voyaient leur gloire, l'antique gloire du
nom, ceux mêmes qui auraient entendu parler peuple juif, passer à ces hommes nouveaux.
de sa conversion n'auraient point assez remar- Pour lui, le zèle qui ranimait ne lui per-
qué le persécuteur devenu prédicateur de mettait pas d'épargner personne. C'était à
lEvangile. Tous savaient son premier nom de ce zèle encore inassouvi que saint Luc son-
Saul, et s'il eût pris celui de Paul tout en em- geait, lorsqu'il écrivait ces paroles : Saul res-
brassant la foi, ceux à qui l'on aurait dit Paul, : pirant encore la menace et le meurtre contre
celui qui persécutait les fidèles prêche main-
,
les disciples du Seigneur. Le meurtre de saint

tenant la foi, n'auraient pas compris qu'on leur Etienne ne l'a pas rassasié; la persécution de
parlait du fameux persécuteur qu'ils connais- l'Eglise n'a pas assouvi sa soif du sang chré-
saient sous le nom de Saul, et non pas sous tien; sa rage, loin d'être épuisée , courait tou-
celui de Paul. Le Saint-Esprit laissa donc notre jours à de nouveaux excès. Le zèle en était le
Apôtre assez longtemps avec son premier nom, principe. Il est encore tout couvert du sang
afln d'attirer sur lui les regards et Tatten- d'Etienne, et déjà il poursuit les Apôtres. Il est
tion des fidèles, même
de ceux qui étaient comme un loup féroce qui a déjà attaqué une
éloignés, même de ceux qui ne le connais- bergerie qui en a enlevé un agneau qu'il a
, ,

saient pas. déchiré de sa gueule sanglante, et qui n'en est


Le délai apporté dans le changement du
-4. devenu que plus altéré de carnage et plus hardi.
nom de l'Apôtre est suflisamment expliqué il ; Tel Saul se jetait sur le chœur apostolique; il

nous faut à présent reprendre notre texte : avait déjà enlevé l'agneau Etienne, il l'avait dé-

Saul respirant encore la menace et le meurtre voré : son âpreté au meurtre s'en était accrue.
C0fit7'e les disciples du Seigneur. Qu'est-ce à Voilà le sens de ce mot encore.
dire, encore? Qu'avait-il donc déjà fait pour Quel autre cependant n'eût pas été satisfait
que l'on dise encore? Ce mot e^zcore insinue d'une telle victime, touché de tant de douceur,
qu'il s'agit d'un homme qui s'est déjà signalé vaincu par la prière que le martyr, pendant
par des exploits mauvais. Qu'avait-il donc fait? qu'on le lapidait, adressait au ciel pour sis
ou plutôt que n'avait-il pas fait? Il avait rempli bourreaux Seigrieur, ne leur imputez pas ce
:

Jérusalem du sang des fidèles, ravagé l'Eglise, péché? (Act. vu, 59.) Prière sublime qui d'un
poursuivi les apôtres, lapidé saint Etienne; il persécuteur fit un apôtre. Ce fut en elfet tout
n'épargnait ni les hommes ni les femmes. de suite après le martyre d'Etienne qu'eut lieu
Ecoutez ce qu'en dit son disciple : Saul rava- la conversion de Paul. Dieu avait entendu la
geait l'Eglise, entrant dans les ?naiso?is^ oitraî- voix de son serviteur. Etienne méritait d'être
nant hommes et femmes. (Act. vni, 3.) La place exaucé tant pour la future vertu de Paul,
publique ne lui suffisait pas : il violait le secret que pour sa propre confession Seigneur, ne :

des maisons, entrant dans les maisons, dit l'é- leur imputez pas ce péché. Ecoutez vous qui ,

crivain sacré, et non pas emmenant,


il ajoute, avez des ennemis, vous qui êtes en butte à
ni tirant, mais traînant hommes et femmes. II l'injustice. Vous avez peut-être beaucoup
ne parlerait pas autrement d'un animal féroce: souffert, mais avez-vous été lapidés comme
entraînant hommes et femmes; entendez bien : saint Etienne ? Et voyez ce qui se passait 1 Par
l'auteur ne dit pas seulement les hommes, la mort d'Etienne , une source évangélique se
mais encore les femmes. II n'avait nul égard à fermait dans l'Eglise , mais déjà s'ouvrait une
la nature , il ne respectait point le sexe ; il n'é- autre source de laqu<41e devaient couler des
tait point touché à l'aspect de la faiblesse. Le milliers de fleuves. La bouche d'Etienne se
zèle l'enflammait, et non la colère. C'a été son tait, et aussitôt éclate dans le monde la trom-
88 TPiADUCTlOiN i'ilANÇAlSE DE SALNT JEAN CIIRYSOSTOME.

pette de Paul. C'est ainsi que jamais Dieu deur , on a beau l'appeler, il n'entend pas ,

n'abandonne son Eglise, et qu'il repare les parce qu'il est tout entier à ce qui l'occupe.
pertes dont l'ennemi l'afflige par des dons plus C'est ce qui aurait eu lieu pour PauL L'espèce
grands. Le Christ ne souffre pas le vide dans d'ivresse et de délire que lui causait la pensée
sa phalange on lui enlève un soldat et vite
: , des événements ne lui aurait pas permis d'é-
le poste est occupé par un plus grand. Et ceci couter la voix, il n'en aurait pas même entendu
nous met sur la voie d'un nouveau sens du I s premières paroles, tant son esprit était atta-
mot encore. Il signifie que Siul était encore ché tout entier à l'œuvre de destruction qu'il
furieux encore altéré de carnage , encore
, méditait c'est pourquoi le Seigneur éblouit
;

bouillant de rage, lorsquo déjà le Christ l'atti- d'abord ses yeux par l'éclat de la lumière il le :

rait à lui. Car il n'atten iil pas la cessation du force ainsi à se recueillir, il le calme , il l'a-
mal, l'extinction du feu, l'aptiisement de la paise et quand il n'y a plus de trouble dans
;

fureur, pour amener à lui le persécuteur. son âme, que le calme y règne, c'est alors qu'il
Jésus-Christ se saisit de son ennemi lorsque fait entendre la voix, afin que la tempête d'or-

celui-ci était au comble de l'irritation; quelle gueil qui agitait son cœur étant enfin tombée,
plus grande marque de sa puissance pouvait-il il écoute avec une raison sereine les divines pa-

donner que de maîtriser, que de dompter ce roles qui vont venir à son oreille.
cœur au milieu même de sou délire et dans le Saul, Saul, pourquoi me persécutes-tu?
transport de sa bouillante colère? Un médecin II accuse moins qu'il ne se défend. Pourquoi

ne fait jamais plus admirer son art que lors- me persécutez-vous ? qu'avez-vous à vous
que, amené en présence d'un malade qu'une plaindre de moi ? quel mal vous ai-je fait?
lièvre ardente dévore, il éteint et fait comjiléte- Est-ce parce que j'ai ressuscité vos morts ?
ment disparaître cette flamme d'un mal arrivé parce que j'ai pur lie vos lépreux ? parce que
i

à son paroxysme. Voilà ce qu'éprouva Paul. j'ai chassé les démons ? Mais ces choses-là de-
Sa fièvre était au paroxysme et comme une , vraient me faire et non persécuter.
adorer
douce rosée qui descendait du ciel la voix du , Pour vous faire comprendre que le Seigneur
Seigneur le délivra complètement de son mal. se défend plus qu'il n'accuse par cette parole :

Saul respirant encore la menace et le mewtre Pourquoi me persécutes-tu ? écoutez com-


contre les disciples dn Seigneur. Vous le voyez, ment s'exprime son Père, parlant aux Juifs,
il laissait de côté la foule pour s'attaquer aux et comparez Saul, Saul, pourquoi me persé-
:

disciples. Comme un homme qui veut abattre cutes-tu ? d'ii Jésus-Christ; et son Père dit:
un arbre, va droit à la racine, sans s'occuper Mon peuple, que f ai-je fait , en quoi f ai-je
des branches, ainsi Paul attaquait les disciples contristc ? ^Mich, vi. 3.) Saul, SauL pourquoi
du Seigneur pour couper en eux la racine de la me persécutes-tu ? le voilà renversé, te voilà
prédication évangélique. lie sans chaîne. Tel un maitre. qui serait par-
Mais il se trompait ; la racine de la prédica- venu à s'emparer d'un esclave coup ible d'éva-
tion, ce n'étaient pas les disciples, c'était le sion ainsique de mille autres méfaits qui le ,

Maître. Ecoutez : Je suis la vig?ie , et vans les tiendrait dans les fers et qui lui dirait que :

branches. (Jean, xv, Or celte racine-là, nul ne


5.) veux-tu que je te fasse maintenant ? te voici
peut la frapper. Aussi pinson coupait de bran- dans mes mains tel est Noire-Seigneur à l'é-
;

ches, plus il en repoussait de nouvelles. Etienne gard de Paul; il l'a pris, il l'a renversé par
retranché, à sa place repoussent saint Paul et terre, il le voit craintif et Irentblant, sans pou-
ceux (|ui reçoivent la foi par saint Paul. Ecou- voir faire un mouvement, et il lui dit Saul , :

tez la suite du récit : Or il arriva, comme il Saul, pourquoi me j)ersécutestu ? Qu'c^-ide-


approchait de Damas, que tout à coup vclnta venue ta colère ? Où sont maintenant ces
autour de lui une lumière venant du ciel et ,
emportements d'un zèle faux ? Que fais-tu de
étant tombé à terre, il entendit une voix gui ces fers destinés aux fidèles et que tu leur
lui disa/f : Saul, S(n/l, pourquoi me persécutes- portais en courant par tout le pays? Je ne vois
tu ? Pour(pioi la voix ne se fait-elle pas en- plus sur ton visage cet air féroce qui te signa-
tendre la première? pourquoi est-ce lumière la lait naguère. Tu es immobile à présent, et tu
qui éclate d'abord ? C'est afin que Saul écoute ne peux même regarder celui que tu persé-
la voix avec calme. Quand un honuue a l'es- cutais. Tout-à-l'lieure tu te hâtais , tu courais
prit tendu vers un objet, qu'il est rempli d'ar- à la tète d'une troupe d'honmics armés , et
HOMÉLIES SUR LES CHANGEMENTS DE NOMS. — TROISIÈME HOMÉLIE. 80

maintenant lu as besoin de quelqu'un qui te tion. Nous avons tous les jours à combattre sur
conduise parla main. ce point les Gentils et les Juifs qui s'efforcent,
Pourquoi me persécutes-tu ? En entendant en rabaissant le mérite d'unhomme juste, de
cette parole,Paul comprend toute l'indulgence déguiser le vice de leur propre incrédulité,
du Seigneur qui a soufTert une persécution sans s'apercevoir qu'ils pèchent doublement,
qu'il pouvait si facilement arrêter ; bonté sans d'abord en ne renonçant pas à leurs erreurs,
faiblesse dans le passé, providence sans cruauté puis en essayant de dénigrer le favori de Dieu.
dans le présent, voilà ce qu'il découvre dans la Avec la grâce de Dieu nous saurons rendre
conduite de Dieu à son égard. Et que répond- vaines toutes leurs attaques. Mais qu'osent-ils
il ? Qui êtcs-vouSj Seigneur? L'indulgence lui dire contre l'Apôtre? Que Dieu a usé de con-
a révélé le Seigneur de toutes choses , sa pro- trainte pour le convertir. Où voyez-vous la con-
pre cécité lui fait voir le Tout-Puissant, et aus- trainte, mon ami ? Dieu, dites-vous, l'a appelé
sitôt il confesse sa souveraine autorité : Qui d'en-haut. Tout de bon, le croyez- vous? Mais
êtes-vous, Seigneur ? Voyez quoi cœur bien alors si vous croyez que Dieu a appelé Paul, la

disposé ,
quelle âme remplie d'une généreuse même voix vous appelle vous même tous les
liberté, quelle conscience sincère ! Il ne résiste jours, et toutefois vous n'obéissez pas. Vous
ni ne dispute, mais il reconnaît le Maître sur- voyez donc qu'il n'y a pas eu de contrainte
le-champ. Les Juifs avaient vu des morts res- pour Paul, puisque s'il y en avait eu pour lui
suscites, des aveugles recouvrer la vue, des lé- ily en aurait aussi pour vous, et vous obéiriez;
preux puri fiés, et non-seulement ils n'étaient pas votre désobéissance est la preuve que son obéis-
accourus à l'Auteur de tant de merveilles, mais sance a été libre et volontaire. S'il est certain

ils imposteur, ils lui


l'avaient insulté, appelé que la vocation a beaucoup contribué au salut
avaient tendu toute espèce d'embûches. Saint de saint Paul, comme à celui des autres
Paul se conduit bien différemment, et sa con- hommes, il ne l'est pas moins qu'elle ne l'a

version ne se fait pas attendre. Et la réponse pas exempté des bonnes œuvres, ni surtout du
du Christ, quelle est-elle ? Je suis Jésus que mérite d'une bonne volonté qu'elle a laissé ;

tu persécutes. Et pourquoi ne dit-il pas je : entier son libre arbitre, qu'il est venu à Dieu
suis Jésus ressuscité ,
je suis Jésus assis à la librement sans subir de contrainte. Un autre
droite de Dieu, mais que tu per- : je suis Jésus exemple vous le démontrera jusqu'à l'évidence.
sécutes ? C'est pour émouvoir son cœur, pour Les Juifs, eux aussi, ont entendu une voix d'en-
faire pénétrer la componction dans son àme. haut. voix non du Fils, mais du Père, laquelle
Ecoutez comment, longtemps après, il soupire lit retentir les bords du Jourdain de ces paroles :

amèrement sur ce passé réparé cependant par Celui-ci est mon Fils bien- aimé et cependant ,

tant de travaux : Je suis le moindre de tous les ils disent : Celui-ci est un séducteur. (Matth.ui,
Apôtres ,
je ne suis pas même digne d'être 17; xxvii, 63.) Quelle opposition signalée quelle I

nommé Apôtre , moi qui ai persécuté V Eglise. Vous voyez qu'une bonne volon lé,
lutte ouverte I

(l Cor. XV, 9.) Si tels étaient ses sentiments qu'une âme sincère, qu'un cœur dégagé de
après les œuvres merveilleuses de son aposto- toute prévention fâcheuse sont partout néces-
lat , que devait-il éprouver, alors qu'il n'avait saires. Une voix se fait entendre aux Juifs, une
encore rien pour Dieu que la persécution
fait , voix à saint Paul : saint Paul obéit, les Juifs
dont il s'était rendu coupable était seule pré- résistent. La voix qui parle aux Juifs n'est
sente à sa pensée , et qu'il entendait celte voix mémo mais en même temps se
pas seule ,

divine? montre le Saint-Esprit sous la figure d'une


5. se présente une objection. Ne vous
Mais ici colombe. Comme Jean baptisait , et que le
lassez pas,quoique le jour baisse déjà nous : Christ était baptisé, de peur que, ne voyant
parlons en l'honneur de Paul, de Paul qui que la forme humaine, on n'estimât le bapti-

pendant trois ans enseigna les fidèles jour et sant plus grand que le baptisé, il vint une voix
nuit. On nous fait donc une objection et l'on pour distinguer celui-ci de celui-là. Et comme
nous dit Quoi d'étonnant si saint Paul a
: l'on ne distinguait pas assez de qui la voix
embrassé la foi ? pouvait-il résister à cette voix parlait, le Saint-Esprit vint, sous forme de
divine que je comparerais volontiers à une colombe se poser sur la tète du Christ, afin
corde que Dieu lui liait autour du cou pour qu'il n'y eût plus lieu à aucun doute. Tout
l'attirer vers lui ? Prêtez-moi toute votre atten- ensemble la voix l'annonçait, le Saint-Esprit Je
90 TRADUCTION FRANÇAISE PE'SAINT JEAN CHRYSOSTOME.

désiprait, el Jean s'écriait : Je nesm's pasdigne core qui était celui qui leur parlait, tant ils

de dénouer les cordons de ses souliers. (Luc étaient aveuglés! Jésus fit plus: il fit tomber
iii^ 1G.) Les Juifs virent encore éclater des mil- ces hommes à la renverse. Lorsqu'il eut dit :

miraculeux soit en paroles


liers d'antres siprnes Qui cherchez-vous? tous s'en allèrent à la ren-
soit en actes, et, nonobstant ces lumières, ils verse comme poussés par cette voix. La voix
sont demeurés dans leur aveuglement. Leurs les renversa par terre de la même manière
yeux voyaient , leurs oreilles entendaient , et que saint Piul fut lui-même terrassé par celle
leur raison restait plongée dans la nuit des qu'il entendit. Saint Paul ne vit pas celui
préjugés. C'est ce que l'Evangéliste rapporte qu'il persécutait, les Juifs ne virent pas celui
expressément lorsqu'il dit que beaucoup de qu'ils cherchaient. La fureur de Paul l'empê-
Juifs crurent en Jésus, mais qu'ils ne le con- cha de voir, la fureur des Juifs les empêcha
fessaient pas, de peur d'être chassés de la syna- de voir. Paul fut terrassé lorsqu'il était en
gogue par les chefs du peuple, (Jean, xii, 42.) route pour aller enchaîner les disciples, les

Et Jésus-Christ lui-même disait Comment : Juifs le furent pendant (lu'iis allaient pour en-
pourez-vous avoir la foi^ vous qui recevez de chaîner le Christ. Ici des chaînes,, et là des
la gloire les uns des autres et ne recherchez pas chaînes; persécution ici, persécution là; cécité
la gloire qui est de Dieu seid? (Jean, v, 44.) d'une part, cécité de l'autre; voix dans un cas,
Paul se conduit bien différemment il n'en- : voix dans l'autre; dans les deux cas la puis-

tend qu'une seule fois la voix de celui qu'il sance du Christ paraît avec le même éclat, les

persécute, et aussitôt il accourt, aussitôt il remèdes employés sont les mêmes, mais l'effet

obéit, sa conversion est soudaine et complète. produit n'est pas le même ; c'est qu'aussi les

Si vous n'êtes pas trop fatigués de la longueur malades étaient bien différents. Quoi de plus
de ce discours, je poursuivrai cette comparai- insensé, de plus stupidement dur que les
son de la bonne volonté de saint Paul et de Juifs? Il sont renversés, mais ils se relèvert
l'obstination des Juifs, et je vous citerai un et poursuivent leur criminelle entreprise. Des
autre exemple qui en fera mieux ressortir le pierres seraient-elles plus insensibles ! Afin
contraste. Les Juifs eux-mêmes entendirent la qu'ils sachent quel est Celui qui les a jetés par
voix du Fils, ils l'entendirent comme Paul l'a- terre par cette seule parole : Qui cherchez-
vait entendue, el presque dans les mômes cir- vous? il réitère sa demande lorsqu'ils sont le-
conslances, et néanmoins ils ne crurent pas. vés Qui cherchez-vous? puis, quand ils ont
:

Ce fut au fort de son délire et de sa colère, répondu Jésus., il reprend Je vous l'ai déjà
: :

dans le feu de la guerre qu'il aux disci-


faisait dit :Cest moi. (Jean, xvni, 6.) C'est comme
ples, (jue Paul entendit la voix on en peut dire
: s'il leur disait: sachez que je suis le même qui
autant des Juifs. Quand et comment? Ils sorti- vous ai demandé : 7?// cherchez-vous? el qui
rent la nuit avec des torches et des lanternes vous ai terrassés. Mais cela ne produisit aucun
pour le prendre, car ils croyaient n'avoir à demeurèrent dans leur aveugle-
effet, et ils

faire qu'à un pur homme. Mais lui, voulant ment. Ce parallèle a dû vous convaincre que
les instruire de sa puissance, et, en dépit de saint Paul ne s'est pas converti par nécessité,
leur obstination, leur montrer qu'il est Dieu, mais par l'heureuse disposition de son âme et
leur dit : Qui cherchez-vous? {}(\m,\\\\\, \.) par la sincérité de sa conscience.
Ils étaient devant lui et tout près, et ils ne le 0. Si vous le permettez et si votre patience
voyaient pas. Ils le cherchaient, el c'était lui n'est pas épuisée, je vous citerai encore un
qui guidait leurs pas atincpi'ils le trouvassent; exemple j)lus saisissant , et qui démontrera,
Jésus voulait leur appnMidre qu'il n'allait pas sans (|u'il reste rien à ctbjecter, que ce ne fut
à la passion par contrainte, et (juc. s'il n'avait pas par nécessité, mais librement, que saint
pas consenti à souffrir, aucune puissance hu- Paul s'est converti au Seigneur. Paul vint
maine n'aurait pu l'y forcer. Conuncnt au- l)lus tard à Salaniine. dans lik- do Chypre, et
raient-ils pu le contraindre ceux (jui ne savaioiil il trouva là un magirieu (jui le combattait en
pas mènie le trouver? que dis-je. ct'ux (jui ne prés(Mice du proconsul Sergius. .Mors Paul
pouvaient même pas le voir quoiqu'il fût pré- rempli du Saint -Ksprit lui dit : homme rem-
sent? Non-seulement ils ne le vov.iient pas, pli de fraude et de malice, fils du diable^ ne
quoique présent, mais Jésus les iuliMiogeail, ccsseras-fu pas de pervertir les voies du Sei-
ils lui répondaient, et ils ne savaient pas en- gneur? [\d. xui. 10. C'est ainsi que parle
HOMÉLIES SIR LES CHANGEMENTS DES NOMS. — TROISIÈME HOMÉLIE. 91

maintenant ce persécuteur. Glorifions Celui permettrai alors de dire quand Dieu


et je leur
qui l'a si bien converti. Tout à l'heure vous voudra. Car si vous vous livrez au sommeil et
entendiez dire qu'il dévastait l'Eglise, qu'il à l'indifférence, vous aurez beau vous en réfé-
entrait dans les maisons pour en retirer les rer à la volonté de Dieu, rien ne se fera jamais
honunes et les fennnes qu'il traînait en prison. de ce qu'il faut, je vous le déclare. Je ne me
Entendez maintenant les fiers accents de sa lasse pasde vous répéter que jamais Dieu n'a
prédication : Xc pas de pervertir
ccsseras-tu usé de contrainte et de violence pour attirer
les voies droites du Seigneur ? Et voici que la à lui un seul homme. Il veut que tous soient
main du Seigneur s" étend sur toi, et tu seras sauvés, ne sauve personne malgré soi. Saint
il

aveugle jusqu'à un temps. Le remède qui lui Paul ne dit-il pas, lui qui veut le salut de tous
avait rendu la vue à lui-même, il l'imposa au les hommes et leur arrivée à la connaissance de

magicien mais celui-ci resta aveugle, ce qui


;
fa vérité? (I Tim. ii, 4.) Comment donc tous
vous montre que la vocation n'a pas toute ne sont-ils pas sauvés, si Dieu veut qu'ils le
seule amené saint Paul à la foi, et que sa soient? c'est que la volonté de tous ne se con-
bonne volonté y a contribué en même temps. forme pas à sa volonté et qu'il ne contraint
Si la cécité seule avait fait ce miracle, elle l'eût personne. N'a-t-il pas dit: Jérusalem, Jérusa-
également opéré sur le magicien. 11 n'en fut lem, que de fois j'ai voulu rassembler tes en-
pas ainsi. Le magicien demeura dans les ténè- fants, et tu ne Cas pas voulu ? Et quel sera le
bres, et le proconsul témoin du prodige crut. sort de Jérusalem ? écoutez Voici que votre
:

Le remède appliqué à celui-là et c'est sur


est maison demeurera déserte. (Luc, xni, 34 35.) ,

celui-ci qu'il opère. Voyez ce que peut la Vous le voyez Dieu a beau vouloir nous sau-
,

bonne disposition du cœur, ce que peut l'obs- ver, si nous n'y consentons pas, nous sonunes
tination et l'endurcissement Le magicien de- 1 maîtres de nous perdre. Encore une fois. Dieu
vint aveugle, il éiait opiniâtre, c'est pourquoi ne sauve que celui qui veut bien être sauvé.
il ne profita pas du remède mais le procon- ;
Les hommes dominent leurs esclaves bon gré
sul ouvrit les yeux à la lumière et connut le mal gré, parce qu'ils se proposent, dans leur
Christ. domination, leur propre intérêt et nullement
Saint Paul s'est donc converti librement, je celui de leurs serviteurs. Mais Dieu, qui ne
l'ai suffisamment démontré. Non , soyez-en manque de rien Dieu qui veut nous montrer
,

convaincus, Dieu ne force pas les volontés re- que s'il désire nous avoir pour ses serviteurs
belles , il attire seulement les volontés obéis- ce n'est pasqu'il ait besoin de ce qui est à nous,
santes. Personne, ditNotre-Seigneur, ne vient mais parce qu'il recherche notre intérêt. Dieu
à moi , si inon Père ne l'attire. (Jean, vr, AA.) qui fait tout pour notre utilité et rien pour son
Or, le Père n'attire que celui qui veut être avantage, qui nous accorde notre salut quand
attiré, et qui du fond de sa misère tend les nous l'acceptons avec empressement et recon-
bras au divin Libérateur. Encore une fois. Dieu naissance. Dieu ne peut user de violence contre
ne fait pas violence aux volontés ; il voudrait ceux qui lui résistent et, en respectant leur
,

notre salut qu'il ne saurait l'opérer, si nous ne liberté, il montre que nous lui devons de la
le voulions pas , non pas que sa volonté soit reconnaissance pour sa domination , et qu'il
faible, mais il ne veut forcer personne. Je crois ne nous en doit point pour notre soumission.
nécessaire d'insister sur cette proposition, à Pénétrons-nous de ces pensées, réfléchissons à
cause du grand nombre de ceux qui, pour co- la charité de Dieu pour les hommes, et, autant
lorer leur paresse, font valoir ce faux prétexte ;
que nous le pouvons, menons une vie qui soit
les exhorte-t-on à la lumière du baptême, à un digne de cette bonté afin que nous méritions
,

changement de vie , à la pratique des bonnes de posséder le royaume des cieux , que je vous
œuvres: ils hésitent, ils reculent, et répondent souhaite à tous, par la grâce et la charité de
qu'ils attendent que Dieu veuille bien les per- Notre-Seigrieur Jésus-Christ, à qui soient la
suader et les convertir. Qu'ils s'en remettent à gloire et l'empire, avec le Père, le Saint-Es-
la volonté de Dieu, rien de mieux; mais il faut prit , maintenant et toujours, et dans les
déjà qu'ils fassent ce qui dépend d'eux-mêmes, siècles des siècles. Ainsi soit-il.
92 TiUDLXTlON FRAiNÇAISE DE SAINT JEA^N CIÎKYSOSTOME.

QUATRIÈME HOMÉLIE.

fif.piiinaiide anx absents, eihortation è ceui qui soûl présents de s'occuper de leurs frères, — Sur le commencement de l'épllre aux Corinlhioa :

I appelé Paul , ii et de l'humilité.

ANALYSE.

1" Ceux qui ne viennent pas à l'église n'ont pas entendu du Prophète : J'ai prfifiré d'être nu rîrmifr rang dans
celle parole

In mnisun de. mon Dieu, plutôt que d'iinhiter fous indet des pérhrurx. Ce qi'O Vhpc éprniivo en entrant dans une
1rs

écli?p. Le culte de Dieu e?t la seule chose nécessaire et d"it passer avant tout le reste. 2" Né-'essité de s'occuper du salut —
de ses frères.— 3" Ici commence Tinstruclion, elle roule entièrement sur l'explication du mot vorahi<! mis par saint Paul, en tête
de sa première épitre aux Corinthiens. —
Il n'importe pn? tant de lire que dp comprendre les Fcriture?. Les noms des saint»
sont vénérables aux fidèles et terribles aux pécheurs. —
1° Ce mot vocntn<: veut dire que ce n'est pas l'Ai^'itre qui est vena

au Sripneur le premier, mais qu'il a répondu à une vvcution, à un appel. —


^° Les Corinthiens étaient riches de tonte? sortes
d'avantages selon le monde , dont ils tiraient vanité. —
(!" Ils s'enorgueillissaient même de la doctrine révélée que saint Paul

leur avait pièchée !e premier ; c'est donc pour leur donner une leçon d'humilité que saint Panl use de ce mot locatus; c'est
l'équivalent de quid habes quod non accepisti ? Exhortation à l'humilité, fondement de tontes lesvertas.

Lorsque je considère voire petit nombre,


i. prie : tel est l'amour. Da7V! In maison de mon
lorsqu'à chaque réunion, je vois le troupeau Dieu. Celui qui aime désire de voir l'objet de
qui s'en va diminuant, j'éprouve et de la peine, son amour, il désire même de voir sa maison ,
et de la joie de la joie, à cause de vous qui
; et le vestibule de sa maison, et jusqu'au carre-

êtes présents, de la peine a cause des absents. four et à la rue où il demeure. S'il voit le vête-

Vous êtes dignes d'éloges, vous dont le petit ment ou chaussure de l'objet aimé, il croit
la

nombre n'a pas ralenti le zèle ils méritent au ; voir l'objet aimé présent devant lui. Telsét^iient
contraire d'être blâmés, eux dont votre exeinple les prophètes; ne pouvant voir Dieu, qui est

n'a pu réveiller l'engourdissement. Votre ar- incor[^orel, ils voyaient sa maison, et à la vue de

dente piété n'a pas eu de leur froide


à souffrir sa maison, leur imagination se figuraient sa
indilférencc, et je votis en félicite mais aussi ; présence. J'ai préféré d'être au dernier rang
voire zèle leur a été inutile, et c'est pourquoi dans lamaisonde mon Dieu,phitôtqued'hahiter
je les plains, pour(|uoi je pleure. Ils n'ont pas sous les tentes des pécheurs. Tout lieu, tout en-
entendu le prophète disant : J'ai préfère d'être droit , comparé à la maison de Dieu est une
au dernier rang dans la 7nai^on de mon Dieu, tente de pécheurs, fût-ce le barreau, le palais

phttôt que d'habiter sous /es tentes des pêcheurs. du sénat, la maison d'un
particulier. La prière

(Ps. i.xxxiii, H.) 11 nedit pas j'ai prétélé habi- : n'est pas étrangère à ces (icmemes. mais elles
ter, demeurer dans la maison de mon Dieu, retentissent plus ouvent encore du bruit des
nm\9>: j'ai préféré d'être au dernier rang. Se m'es- querelles, des disputes etdes injures, elles sont
timerai licureuxd'ètre rangé parmi lesderniers: méprisables soucis de cette
les asiles obligés des

que je puisse seulement franchir le seuil, et je vie, L'Eglisene connait pas ces misères c'est ;

serai content. Je considère comme un don très- pourquoi elle est la maison de Dieu, tandis que
grand d'être compté parmi les derniers dans ces autres demeures ne sont que les tentes des
la maison de mon Dieu. Dieu est le maître pécheurs. Tel un port oii ne pénètre ni vent
commun de tous, mais la charité se l'appro- ni tempête, et qui procuro aux navires qui y
HOMÉLIES SUR LES CHANGEMElSfS DE NOMS. — QrATRlI'ME HOMÉLIE. 93

sont à l'ancre une sécurité profonde j telle est (Luc, XIV, 18-20.) Ces raisons n'étaient pas sans

la maison de Dieu elle dérobe les hommes qui


;
gravité; mais, contre un appel de Dieu, il n'y
y entrent au tourbillon du monde et elle leur a pas de raison qui puisse prévaloir. Dieu est
ôirre un calme et tranquille abii où ils peuvent la première de nos nécessités; il faut premiè-
entendre voix de Oien. Cet asile est une
la rement lui rendre l'honneur qui lui est dû, et
occasion de vertu, une école d«! sagesse non- ; ne vaquer qu'ensuite aux autres occupations.
seulement au moment de l'assemblée, pendant Est-ce qu'un serviteur s'occupe de ses propres
qu'on lit pendant que l'instruc-
les Ecritures, intérêts avant d'avoir pourvu à ceux de son
tion descend de la chaire, etque les vénérables maître? Et quand on montre tant de respect et
Pères siègent à leurs places mais encore en , de soumission pour des maîtres mortels, dont
tout autre temps à quelque heure en effetque
;
le pouvoir n'est que nominal et de convention,

vous entriez dans l'église, aussitôt vous sentez et qui ne sont au fond que nos compagnons de

vos épaules déchargées du fardeau de la vie. servitude, n'est-il pas absurde de ne pas avoir
Dès le premier pas que vous faites dans ce sa- au moins les mêmes égards pour Celui qui est
cré parvis, une sorte d'atmosphère spirituelle vraiment le Maître non-seulement des hommes,
vous enveloppe, une paix profonde saisit votre mais encore des puissances d'en-haul? Oh si 1

âme d'une religieuse terreur, y fait pénétrer vous pouviez descendre dans ces consciences
la sagesse, élève votre cœur, vous fait oublier mondaines, quel affligeant spectacle vous offri-
le monde visible , et vous emporte de la terre raient les plaies qui les rongent, les épines qui
jusqu'au ciel. Si l'on profite tant à venir ici, lescouvrentl Comme une terre privée des bras
même en dehors de l'assemblée, que sera-ce du laboureur ne tarde pas à devenir stérile et
lorsque la voix éclatante des prophètes s'y fait sauvage, ainsi l'âme privée des enseignements
entendre,lorsquelesApôtres y prêchent l'Evan- divins ne produit que des épines et des char-
gile, lorsque le Christ est sur l'autel, lorsque dons.
le Père agrée les mystères qui s'accomplissent, Si nous, qui chaque jour prêtons l'oreillô
lorsque le Saint-Esprit apporte les joies de l'a- aux discours des prophètes et des aj)ôtres,nous
mour divin ! quelle abondance de grâces ne avons tant de peine à contenir l'impétuosité
recueillent pas alors ceux qui sont présents! de de notre caractère, à refréner notre colère, à
quels avantages ne se privent pas ceux qui sont réprimer nos convoitises, à nous défaire de la
absents ! rouille de l'envie; si, dis-je, malgré les puis-
Je voudrais bien savoir où sont maintenant sants enchantements des divines Ecritures,
ceux qui n'ont pas daigné venir à cette assem- dont nous faisons un usage perpétuel pour as-
blée, quelle affaire les retient éloignés du ban- soupir nos passions, nous avons tant de peine
quet sacré, de quoi ils s'occupent... Ou plutôt à contenir ces bêtes farouches, quel espoir de
je ne le sais que trop : ils s'entretiennent de salut reste donc à ceux qui n'usent jamais de
sujets absurdes et ridicules, ou bien ils sont ces remèdes, qui ne prêtent jamais l'oreille
rivÔ8 aux intérêts de la vie présente, occupa- aux enseignements de la divine Sagesse? Je
tions l'une et l'autre inexcusables et punissables voudrais pouvoir vous montrer leur âme...
du plus grand supplice. Pour les premiers, Comme vous la verriez sordide et malpropre,
cela s'entend de soi-même sans démonstration; abjecte, confuse et honteuse! Comme le corps
quant à ceux qui nous objectent leurs affaires qui ne connaît pas l'usage des bains, l'âme qui
domestiques, prétendant y trouver une raison ne se purifie pas au bain de la doctrine spiri-
d'absolue nécessité pour s'exempter de venir tuelle contracte toutes sortes de malpropretés
ici une fois la semaine, donnant le pas aux in- et de souillures par le péché. Oui, vos âmes
térêts du ciel sur ceux de la terre un jour sur trouvent ici un bain spirituel auquel le feu de
sept, ils n'ont pas davantage de pardon à espé- l'Esprit-Saint communique la vertu d'enlever
rer, j'en atteste l'Evangile, qui s'exprime à ce toute souillure; ce feu de l'Esprit-Saint efface
sujet de la manière la plus claire. C'étaient même jusqu'à la couleur de pourpre : Quand
précisément là les prétextes allégués par les même vos péchés seraient couleur de pourpre^ je
conviés des noces spii ituelles l'un avait acheté : vous rendrai blancs comme la neige. (Isai. i, 18.)
une paire de bœufs, Taulre avait fait acquisi- Bien que la tache du péché prenne sur l'âme
tion d'unchamp, un autre s'était marié, ce avec non moins d'énergie que la teinture de
qui n'empêcha pas qu'ils furent tous punis. pourpre sur la laine, je puis changer cet état
91 TRADUCTION FRANÇAISE DE SAINT JEAN CHRYSOSTOME.

en l'état contraire : il suffit que je veuille, et que ses affaires temporelles ne s'en expédieront
tous les péchés disparaissent. que mieux lorsqu'il aura assisté à l'ofOce jus-
2. Je ne dis pas ces choses pour vous, qui, qu'à la fin, pris part aux prières et profité des
grâces à Dieu! n'avez pas besoin de répri- bénélictionsdes Pères; par ces raisons et d'au-
mande; je les dis afin que vous les reportiez tres semblables, enchaînez-le et l'amenez à ce
aux absents. Si je pouvais sivoir où ils se réu- banquet sacré, et votre récompense sera dou-
nissent, je n'importunerais pas votre charité ;
ble, parce que, non content d'y venir vous-
mais, comme il qu'un homme
n'est pas possible mè;ne, vous y aurez attiré votre frère.
seul connaisse tout un peuple
nombreux, je si Déployons ce zèle et cet empressement à
vous recommande à vous le soin de vos frères. ramener ceux qui négligent leurs devoirs
Occupez-vous d'eux, invitez-les je sais que ;
et certainement nous ferons notre salut. Les
vous l'avez fait souvent, mais ce n'est rien de {dus indolents, les plus éhontés, les plus per-
l'avoir fait souvent il faut le faire jusqu'à ce
: vers seront à la fin touchés de vos efforts per-
que vous les ayez persuadés et attirés. Je sévérants, et ils s'amélioreront. Si insensibles
sais combien est peu agréable ce rôle d'impor- qu'on les suppose, ils ne le seront pas plus que
tuns dont je vous charge, et que vous avez ce juge qui ne connaissait pas Dieu et ne crai-
souvent rempli sins rien gagner; mais que gnait pas les hommes, et qui cependant, tout
saint Paul vous console par ces paroles La : cruel, tout farouche et tout cuirassé de fer et
charité espère tout, croit tout; la charité de diamant qu'il était, se laissa vaincre par les
n'excède jamais. (I Cor. xin, 7.) Pour vous, assiduités d'une seule femme veuve. ( Luc,
faites votre devoir; et si votre frère se refuse xviii, 2-5.) Quoi! une pauvre veuve a su fléchir
au bien que vous lui voulez faire, vous n'en un juge cruel qui ne craignait ni Dieu ni les
recevrez pas moins de Dieu votre récompense. hommes, et nous, nous ne pourrions fléchir
Quand c'est à la terre que vous confiez vos se- nos frères, beaucoup plus traibbles et plus fa-
mences, si elle ne vous rend pas d'épis, vous ciles que ce juge, et cela quand il y va de leurs
revenez chez vous les mains vides; il n'en est propres intérêts! Non, nous sommes inexcu-
pas de même de la doctrine que vous semez sables. Ce sont là des choses que je répète bien
dans une âme elle vous donne
, toujours souvent je les dirai encore et toujours Jusqu'à
;

une récompense assurée, que la persuasion ce que je voie bien portants ceux qui sont
s'ensuive ou non. Ce n'est pas sur le résultat maintenant malades; je ne cesserai de les ré-
final du mais sur l'intention des tra-
travail, clamer, jusqu'à ce que je les aie recouvrés par
vailleurs que Dieu mesure les salaires. Je ne vos soins. Puisse l'état de ces malheureux vous
vous demande rien, sinon que vous fassiez ce causer la môme peine qu'à moi certainement !

que font ceux que possède la passion du théâtre vous ferez tout pour les sauver. Ce n'est pas

et des courses de chevaux. Que font-ils? Ils se moi seulement, c'est aussi saint Paul qui vous
concertent dès le soir, et au point du jour ils recommande de prendre soin de ceux qui sont
vont les uns chez les autres, ils choisissent avec vous membres du même corps. Coiisolcz-
leurs places, s'établissent les uns à côté des vous, dit-il, mutuellement par de telles parûtes;
autres, afin d'augmenter ainsi le plaisir qu'ils et encore : Edifiez-vous les uns les autres.
se promeltenl à ces spectacles diaboliques. Ce (I Thess. V, 11.) Grande sera la récompense de
zèle (ju'ils déploient pour la perte de leurs ceux qui s'occupent du salut de leurs frères,
âmes, en s'entraînant mutuelleinent_, ayez-le et non moins grand le châtiment de ceux qui
pour travailler au bien des vôtres, cnlr'aidez- le négligent.
vous dans l'œuvre du salut un peu avant : 3. L'importance même de ces recommanda-
l'heure de l'ofUce divin, allez devant la maison tions me donne la confiance que vous vous
de votre Irère, attendez à la [)orle, cl ijuand il empresserez de les mettre en praticpie : Je ter-
sort, em|)arez-vous de lui. Il va peut-être vous mine donc ici l'exhortation pour commencer
objecter mille affaires urgentes; tenez ferme, l'instruction , et c'est saint Paul qui va me
ne permettez pas de mettre la main à au-
lui fournir l'aliment spirituel que je me propose de
cune œuvre séculière avant (ju'il ait assisté à vous offrir. Paul, apôtre de Jésus-Christ, par
l'oftiee tout entier. Il se défendra, il résistera, la vocation de Dieu (I Cor. i, l.)Voilà des paro-
il alléguera vingt prétextes ; ne l'écoutez pas, lesque vous avez souvent ouïes, souvent lues.
ne cédez pas; dites-lui, faites-lui comprendre Mais c'est peu de lire, il faut encore entendre
HOMÉLIES SUR LtS CHANGEMENTS DE NOMS. — Ql^ATIULMl. HOMÉLIE. m
ce qu*on lit, aulrenieut la lecture est entière- de sa vertu. Dieu a comme déposé dans ce
ment inutile. On pourrait longtemps fouler nom une preuve de la fermeté de l'Apôtre dans
sous ses pieds un trésor avant de s'enrichir; on la foi, et tout ensemble une perpétuelle exhor-

n'en profite qu'en creusant la terre, qu'en des- tation à ne pas déchoir de cette fermeté. (Matth.
cendant jusiiu'à l'endroit où il est enfoui pour XVI, 18.) Jacques et Jean, durent leur surnom

y puiser. Il en est de même des Ecritures: une de fils du tonnerre à la puissance de leur
lecture superficielle n'en découvre pas toutes voix dans la prédication de l'Evangile. Mais
les richesses, il faut les ap|)rofondir. Si la lec- pour ne pas vous causer d'ennui en me répé-
ture suffisait, Philippe n'aurait pas dit à l'eu- tant, je laisse ce sujet pour vous montrer que
nuque : Compreiiez-voiis ce que vous lisez? les noms des saints sont par eux-mêmes véné-
(Act. vui, 30.) S'il suffisait de lire, le Christ rables aux personnes pieuses et terribles aux
n'aurait pas dit aux Juifs : Scrutez les Ecri- pécheurs. Lorsque saint Paul a^ant recueilli,
tures. (Jean , v, 39.) Scruter, ce n'est pas s'ar- converti et baptisé Onésime, l'esclave fugitif,
rêter à la superficie, c'est descendre jusqu'au levoleur qui s'était évadé après avoir dérobé
fond. Or dans ce début un champ in-
je vois de l'argent à son maître, le renvoya à Philé-
fini de réflexions. Dans les lettres que l'on s'é- mon, il écrivit à celui-ci une lettre où se lit le

crit dans le monde, les salutations sont sans passage suivant Je pourrais avec une pleine
:

conséquence, ce ne sont que de pures formules assurance vous ordonner dans le Christ Jésus
de politesse il en est tout autrement des Epî-
; ce qui convient, mais j'aime mieux avoir re-
tres de saint Paul, elles sont pleines de beau- cours à la prière de l'affection, moi du même
coup de sagesse dès le commencement. C'est la âge que vous, moi le vieux Paid, qui de plus
voix de Paul qu'on entend, mais les paroles suis maintenant le prisonnier de Jésus-Christ.
qu'il prononce sont celles du Christ qui meut (Phil. vni, 9.) Vous voyez qu'il fait valoir trois
l'àme de Paul. Paul., apôtre, par la vocation motifs les chaînes qu'il porte pour Jésus-Christ,
:

de Dieu, ce seul nom de Paul, ce simple nom, son âge, etle respect dû à son nom. Pour don-

renferme, comme vous avez pu vous en con- ner plus de force à sa supplication en faveur
vaincre, tout un trésor de réflexions. Car, si d'Onésime, il se fait pour ainsi dire triple ce ;

vous vous en souvenez, j'ai parlé trois jours n'est plus un seul homme : c'est l'enchaîné,
durant sur ce seul nom, je vous ai expliqué c'est le vieil apôtre, c'est Paul. Cela vous
pourquoi son ancien nom de Saul avait été montre que les noms des saints sont par eux-
changé en celui de Paul, pourquoi ce change- mêmes vénérables aux fidèles. S'il suffit de
ment n'avait pas eu lieu aussitôt après la con- prononcer le nom d'un enfant chéri pour arra-
version, pourquoi l'Apôtre avait conservé en- cher à un père une grâce qu'il refuse, com-
core assez longtemps le nom qu'il avait reçu ment le même pouvoir n'appartiendrait-il pas
de ses purenls; nous en avons pris occasion aux noms des saints qui sont les enfants ché-
de vous montrer la sagesse de Dieu et sa bien- ris de Dieu?
veillance tant envers nous qu'envers les grands J'ai ajouté que les noms des saints inspirent
saints. Si les hommes eux-mêmes ne donnent la terreur aux pécheurs conune le nom du
pas au hasard des noms à leurs enfants, s'ils maître en inspire à l'enfant paresseux. Ecoutez
choisissent tantôtle nom du père, tantôt celui comment le même apôtre le donne à entendre
du grand-père, tantôt celui d'un autre ancêtre dans son épîlre aux Galates. Ceux-ci avaient
de la famille, combien plus Dieu consulte-t-il eu la faiblesse de se laisser entraîner au ju-
la raison et la sagesse dans les noms qu'il daïsme, leur foi était en péril, et saint Paul
donne à ses serviteurs 1 Les hommes ont en vue voulant les relever et leur persuader de ne
soit l'honneur de ceux qui ne sont plus, soit plus altérer la pureté de la doctrine chrétienne
leur propre satisfaction, lorsqu'ils donnent à par aucun mélange judaïque, leur écrivait :

leurs enfants les noms des morts: ils cherchent Voici que moi, Paul, je vous dis que si vous
à tromper leur douleur en faisant revivre un vous faites circoncire, le Christ ne vous servira
nom. Mais Dieu, c'est quelque vertu ou quel- de rien. (Gai. v, 2.) Vous avez dit Moi; pour- :

que enseignement dont il conserve le souvenir quoi ajouter : Paul? mot moi ne
Est-ce que le

dans les noms des saints, comme s'il le gravait suffisait pas pour désigner celui qui écrivait?
sur une colonne d'airain. Sachez que le nom ainsi ajouté pouvait ébran-
Saint Pierre a été ainsi nommé en raison ler les auditeurs j l'Apôtre le met afin de retra-
90 TRADUCTION FRANÇAISE DE SAINT JEAN CHRYSOSTOME.

cer plus vivement le souvenir du maître à l'es- débutons ainsi un tel à un tel: lorsque c'est
:

prit des disciples. La même chose nous arrive à un égal nous qualifions de seigneur le des-
à tous : le nom d'un saint qui frappe notre tinataire de la lettre lors ]ue c'est à un supé-
;

oreille nous de notre tor[)eur, nous


fait sorlir rieur, nous ajoutons encore d'autres quali-
fait trembler au sein de l'indifTérence. Lors- fications plus respectueuses. Si donc nous
que j'entends prononcer le nom de Paul, je usons, nous, d'un tel discernement, si nous
me représente celui qui vivait dans les tribu- n'écrivons pas à tous du même ton, si nous mo-
lations dans les angoisses au milieu des
, , difions les ap;ellations suivant le rang des per-
coups, dans les prisons, celui qui passa un sonnes pourquoi saint Paul eût-il agi en pareil
,

jour et une nuit au fond de la mer, celui qui cas sans raison et au hasard ? Non, ce n'est pas
fut ravi au troisième ciel, celui qui entendit sans motifqu'ilaécrit à ceux-ci d'une manière,
des paroles inefTabics dans le paradis, celui à ceux-là d'une autre il ne l'a fait que guidé
:

que le Saint-Es, rit nomma un vase d'élection, par une sagesse inspirée.
le paranymphe du Christ, celui qui eût sou- Parcourez les é()îtres de saint Paul, et vous
haité d'être séparé du Christ pour le salut de ve;rez qu'il ne se sert de ce terme parla voca-
ses frères. A peine son nom est-il prononcé tion de Dieu que dans l'épître aux Romains, et
que, semblable à une chaîne d'or, la suite de dans la première aux Corinthiens. C'est un fait
ses grandes actions se présente incontinent dont nous diroiis la raison, après que nous
aux esprits attentifs. Ce qui est un avantage aurons expliqué ce terme lui-même, et montré
considérable. ce que saint Paul a voulu par là nous enseigner.
A. Il serait facile d'en dire daA'antage sur le Que veut-il donc nous enseigner en se disant
nom. Mais ilau second mot
faut enfin venir apôtre par la vocation de Dieu ? Que ce n'est
de notre texte. Nous avons trouvé dans le mot pas lui qui est venu au Seigneur le premier,
Paul une abondante moisson le terme pa?' ;
mais qu'il a répondu à une vocation. Ce n'est
la vocation de Dieu ne sera pas moins fer- ,
pas lui qui a cherché et trouvé non, il a été :

tile je dis môme qu'il nous offrira une plus


: trouvé, étant égaré; ce n'est pas lui qui a
ample récolte de contemplations élevées, si tourné le premier ses regards vers la lumière,
nous voulons ne fias épargner notre peine et c'est la lumière qui l'a prévenu en lui dardant

notre attention. Un seul diamant détaché ses rayons dans les yeux; en même temps qu'il
d'une riche parure ou du diadème d'un roi, perdait l'usage de ses yeux corporels, s'ou-
et vendu, fournirait de quoi acheter et des vraient les yeux de son âme. Il a voulu nous
palais splendides et d'immenses domaines, et apprendre qu'il ne s'attribuait pas à lui-même
(lestroupes d'esclaves, et tout ce qui compose ses grandes actions, mais à Dieu qui l'avait
une grande fortune; il en est ainsi des paroles appelé, et voilà pourquoi il se dit apôtre parla
divines. Prenez-en une seule, développez-en le vocation de Dieu. Il semble nous dire Celui :

sens, elle va vous donner toute une fortune qui m'a ouvert l'arène et le stade voilà l'au- ,

spirituelle ; elle ne vous apportera, il est vrai, teur de mes couronnes; celui qui a posé le
ni maisons, ni esclaves, ni arpents de terre ;
principe, planté la racine, voilà le maître à qui
mais si vos âmes sont attentives, elle leur pro- reviennent de droit les fruits. C'est dans le
curera ce qui vaut mieux que tout cela, de même sens qu'après avoir dit (I Cor. xv, 10) :

nombreux motifs de sagesse et de vertu. Con- J'ai travaille plus que tous les autres, il ajoute
sidérez donc dans champ de ré-
(jucl vaste aussitôt A'on pas moi, mais la grâce qui est
;

flexions spirituelles nous introduit ce terme avec moi. Ainsi ce terme par la vocation de
par la vocation divine. Voyons donc d'abord ce Dieu exprime que saint Paul ne s'atfribui.' pas
qu'est ce ternie, puis nous rechercherons les à lui-même le mérite do st'S œuvres, mais qu'il
raisons pour les(iuelles l'Apôtre ne l'emploie le rai)norte à Dieu son Maître. L'enseignement

qu'en tôte des épîtres aux Romains, et aux que le Christ donnait à ses disciples, disant:
Corinthiens; on ne le trouve en etVet dans Ce n'est pas vot/s qui m'avez choisi, mais c'est

aucune autre. A ce fait il y a une raison, il tnoi qui vous ai choisis (I Jean, xv. 16), l'Apôtre
n'est pas dû au hasard. Est-ce le hasard qui le re|)roduit en ces termes Alors je connaî-
:

nous dicte à nous les formules initiales de nos trai dans la mesure que j'ai été connu, (l Cor.
Icitres? Nullenïent, c'est lusage ot la raison. XIII, 1-2.^ Ce qui veut dire ce uest pas moi qui ai
:

Lorsque nous «crivons à un inférieur, uous connu le premier, c'est Dieu qui m'a prévenu.
HOMELIES SUR LES CHANGEMENTS DE NOMS. - QUATRIÈME HOMJ-ÏJF. 07

Il était encore persécuteur, il dévastait l'Ef^Hiso, pas néanmoins plusieurs pères, puisque c'est
lorsque le Christ l'appela en lui disant : Saul^ moi qui vous ai enqendrés en Jésus-Christ par
Saul^ pourquoi me persécutes-tu? (Act. ix, VEvangile. (I Cor. iv, 15.) S'il les a engendrés
A.) Voilà pourquoi il se dit apôtre par la voca- en Jésus-Christ, c'est donc qu'il a été le pre-
tion de Dieu. mier à leur faire connaître Jésus-Christ. J'at
Pour(|uoi prend-il ce titre, lorsqu'il écrit aux planté, encore, Apollo a arrosé (L. m, (5),
dit-il

Corinthiens? Corinthe est la métropole de l'A- et il donne comme ayant le premier jeté
se
chaie ; elle abondait en dons spirituels, et cela dans celte ville la semence de l'Evangile. Voici
se conçoit : elle avait plus que toute autre cité un passage qui montre de quelles faveurs spi-
joui de la prédication de l'Apôtre. Comme une rituelles ils étaient comblés Je remercie mon :

vigne qui jouit des soins d'un excellent vigne- Dieu de la grâce que Dieu vous a donnée en
ron, se couvre d'un feuillage luxuriant et se Jésus-Christ et de toutes les richesses dont vous
charge de fruits abondants, ainsi celte cité, qui, êtes comblés en lui, au point de ri être privés
plus que toute autre, avait participé à l'ensei- d'aucune grâce. (I Cor. i , 4, 5.) Qu'ils possé-
gnement du grand Apôtre, et qui durant long- dassent la science profane, nous le voyons assez
temps avait joui de sa sagesse, en
florissait par les nombreuses et longues attaques que l'A-

toute sorte de biens et de grâces. L'abondance pôtre dirige contre cette même science. Il les
des dons de l'Esprit n'était pas le seul bien réprimande avec une sévérité dont on aurait
qu'elle possédât, elle était encore comblée de peine à trouver un autre exemple dans ses
tous les avaniiigos, de toutes les commodités écrits : et certes il avait raison, il était naturel
de la vie. Par sa sagesse profane, par sa richesse qu'il du mal. Jésus-
portât le fer à la racine
et par sa puissance, elle remportait sur toutes Christ, dit-il, ne m'a pas envoyé pour baptiser y
les autres villes de la Grèce. Or, tant d'avanta- mais pour prêcher l'Evangile, non pas toute-
ges lui inspiraient de l'orgueil, et ce vice la di- fois par la sagesse de la parole, afin de ne pas
visait en une multitude de sectes. rendre vaine la croix de Jésus-Christ. (I Cor.
Telle est, en effet, la nature de l'orgueil : il 1, 17.) Pouvait-il traiter plus sévèrement la
brise le lien de la charité, sépare les hommes, sagesse du siècle, qu'il accusait non -seule-
et aboutit à l'isolement de celui qui en est ment mais encore de
d'être inutile à la piété,
possédé. Comme un mur, en se dilatant, peut l'entraver et de l'arrêter ? que le fardDe même
renverser une maison, ainsi une àme que l'a- et les autres raffinements de la parure ne s'ap-

mour-propre gonfle, rejette tous les liens qui pliquent aux beaux corps et aux beaux visages
l'attachent au prochain. Corinthe était alors qu'au détriment de leur beauté vraie et natu-
travaillée de ce mal. Les dissensions qui la relle, parce qu'alors une partie du mérite re-

déchiraient divisaient aussi l'Eglise ; ses habi- vient aux couleurs empruntées, ainsi qu'aux
tants s'attachaient à vingt docteurs rivaux, se autres moyens artificiels, tandis que rien ne
constituaient en sectes et en partis et ruinaient lait tant ressortir la beauté naturelle d'un
la dignité de l'Eglise. La dignité de l'Eglise visageque de n'y rien ajouter, parce que, dé-
ne peut être florissante qu'autant que ceux pourvue d'ornements étrangers, elle attire sur
qui la composent gardent entre eux la con- soi-même toute l'attention et tous les hom-
corde et l'harmonie qui doivent exister entre mages; de même
en est-il de la piété, qui est
les membres d'un même corps. toute la beauté de l'épouse du Saint-Esprit;
5. 11 faut vous montrer que c'était de saint si vous la chargez des ornements extérieurs

Paul que les Corinthiens avaient reçu les pre- de la richesse, de la puissance, de l'éloquence,
miers enseignements de la foi, qu'ils étaient vous rabaissez sa gloire parce que vous ne ,

comblés de dons spirituels, qu'ils jouissaient l'avez pas laissée paraître toute seule dans
d'avantages temporels supérieurs à ceux des l'éclat de sa beauté, et que vous l'avez forcée

autres peuples, qu'enorgueillis de toutes ces de partager un honneur qu'il eût mieux valu
faveurs, ils se partageaient en factions, qu'ils lui laisser entier ; si vous la laissez com-
mais
se disaient sectateurs les uns de celui-ci, les battre seule et nue, vous écartez d'elle tout
si

autres de celui-là. Saint Paul leur a le pre- ce qui est humain, alors sa beauté paraîtra
mier inculqué la foi, il nous l'enseigne lui- parfaitement et dans sa plénitude, alors écla-
même en ces termes Quand : cous auriez beau- tera sa force invincible, parce que, sans ai?oir

coup de maîtres en Jésus-Christ , vous navem besoin ni de la richesse, ni de la scieDce,-^ii (ÎQi

Tome IV.
98 TRADUCTION FRANÇAISE DE SALNT JEAN CHRYSOSTOMÊ.

la puissance^ nide la noblesse, ni d'aucun se- rien voulu devoir qu'à leur propre raison, àes
cours humain, capable de tout vain-
elle sera mendiants, des misérables, des ignorants les

we, de tout surmonter, et pourra, par le moyeu ont apprises à la perfection en se faisant les dis-
d'hommes simples, humbles, indigents, pau- ciples de la Sagesse d'en-haut. L'Apôtre va plus
vres, communs, subjuguer les impies, les rhé- loin dans ses attaques contre la sagesse pro-
teurs, les philosophes, les tyrans ; en un mol, fane , et il dit : La sagesse de ce monde est

la terre entière. folie au jugement de Dieu. Pour (ICor. in, 49.)


Paul Ce
C'est là ce qui faisait dire à saint : éloigner les fidèles de cette sagesse mondaine
n'est pas avec Va^cendant d'ime sublime élo- il leur disait encore avec autant de dédain que

quence que je suis venu vous annoncer l'Evan- de force Si quelqu'un parmi vous se croit
:

gile de Jésus-Christ (I Cor. n, 1) et Dieu a ; : sage de la sagesse de ce siècle ,


gi/il devienne
choisi ce qui est folie seloii le monde pour con- fou pour devenir sage de la vTaie sagesse et ;

fondre les sages. (1 Cor. i, 27.) Il ne dit pas encore // est écrit , je perdrai la sagesse des
:

simplement, ce qui est folie, mais ce qui est sages et je réprouverai la prude?ice des pru-
,

folie selon le monde ; c'est qu'en effet tout ce dents (I Cor. I, 49) et encore Le Seigneur ; :

que le monde regarde comme folie n'est pas ,


connaît les pensées des hommes, et il en sait

toujours tel au jugement de Dieu; au contraire


toute la vanité. (I Cor. m, 27.)
beaucoup d'insensés selon le monde sont sa- 6. Ces citations démontrent sufflsamment
ges selon Dieu beaucoup de pauvres selon le
,
que les Corinthiens possédaient la sagesse de ce

monde sont riches selon Dieu. Par exemple le monde : leur orgueil , leur vaine gloire se

Lazare, si pauvre dans le monde, se trouve voient également dans même épître. Par la

parmi les plus riches dans les cieux. (Luc, xvi, exemple, après quelques paroles sévères pro-
20.) Cette folie selon le monde désigne, dans le noncées au sujet de l'incestueux, il ajoute Et :

langage de l'Apôtre, ceux qui n'ont pas la lan- vous êtes encoi'e enflés d'orgueil! ( I Cor. v, 2.
gue exercée, ceux qui ignorent la science [ir o- Que cet orgueil donnait naissance à des que-
relles qui les divisaient, écoutez-en la preu>e
lane, ceux qui ne savent point parler agréable-
:

ment. Et voilà , que Dieu a


dit l'Apôtre, ceux Car puisqu'il y a parmi vous des ^ querelles,
des jalousies et des dissensions, n'est-il pas
choisis pour confo)idre les sages. Et comment,
dites-vous, sont-ils confondus ? Par les faits visible que vous êtes charnels, et que vous vous
,

par Tcxpérience. Voici une [)auvre veuve, une conduisez selo?i l'homme ? ( I Cor. m, 3. )

mendiante assise à la porte de votre maison :


Quelles étaient les conséquences de ces que-
peut-èUe même est-elle estropiée ; vous l'in- relles? Ils se disaient partisans de tels ou tels

terrogez sur l'immortalité de ràmc, sur la ré- maîtres et docteurs. Ce que je veux dire, c'est

surrection des corps, sur la Pro^idcnce de que chacun de vous met d'un parti en se

Dieu, sur la réiribulion proportionnée aux mé- disant : Pour moi je Paul; suis disciple de

sur les coniples à rendre en Tautre et moi je le suis irApoUo ; moi de Céphas. ,
rites ,

monde, sur le tribunal redoulable, sur lot; biens (ICor. I, 12.) 11 nouune Paul, Apollo, Ceplias,
réservés à ceux qui pratiquent la vertu, sur les non qu'ils fussent les chefs que les Corinthiens
maux dont sont menacés les pécheurs , sur se donnaient, mais il dissimule par ces noms
d'autres questions de ce genre, et elle vous l'ait les véritables auteurs de la division quuue
des réponses dont la plénitude et l'exactitude dénonciation précise et publi(|ue aurait peut-

ne laissent rien à désirer; >oyez au contraire être portés à l'entêtement et àlimpudonce. Ce


ce philosoi)lie si lier de sa chevelure et de son n'était pas autour de Paul, de Pierre, ni d'.Xpol-
bâton, proposez-lui les mêmes questions : il lo que se formaient les sectes, mais autour de
dissertera longuement, son bavardage ne tarira certains autres docteurs, comme il est facile de
pas durant des heures mais quand il faudra
;
s'en convaincre par ce qui suit. En ctTet, après
conclure, ne pourra pas tlire un seul mot, jias
il
avoir repiis les Corinthiens au sujet de ces
articuler une syllabe. Ce contraste vous mon- discordes, il ajoute : .1;^ reste , mes frères, j'ai

trera comment Dieu a choisi ce qui est fou se- personnifié ces choses en moi ei en Apollo à
lon le monde pour confondre les sages. Des cause de vous, afin que vous appreniez à ne pas
,

choses que ces superbes et ces orgueilleux avoir des pensées contraires à ce qui vous a été
n'ont pas trouvées, parce qu'ils se sont privés écrit en sorte que nul ne s'enfle contre
, wi
des lumière» du Saint-Esprit, parce (lu ils n'ont autre au sujet de qui que ce soit. ( I Cor. iv, G. )
DE NOMS. — UUAiniEME nUMlLUE. 99

Comme beaucoup d'ignorants ne trouvaient porter sur elle toute la vaste construction qu'il
pas en eux-mêmes de quoi concevoir de l'or- médite, parce qu'il sait bien qu'une fois cette

gueil, ni exercer sur le prochain une mordante base solidement assise dans les cœurs , on
critique , ils se donnaient des chefs du mérite pourra, sans crainte, élever dessus toutes les
desquels ils se prévalaient pour déverser le autres parties du palais de la vertu. Bâtir sur
mépris autour d'eux. Ainsi la sagesse de ceux un autre fondement, c'est se condamner à no
qui les instruisaient leur devenaient un pré- rien faire de durable et à travailler en vain,
texte d'arrogance envers les autres ; singulière à l'exemple de celui qui ayant construit sur le
manie de gloire que d'en
de ce qui
tirer même sable eut beaucoup de peine et nul profit, pré-
ne leur appartenait pas, et d'abuser des avan- cisément parce qu'il avait négligé la solidité
tages d'autrui pour mépriser leurs frères I des fondements. Oui, quelque bien que nous
Comme donc ils étaient enflés d'orgueil, dé- fassions, si nous n'avons pas l'humilité, tout la
sunis, et partagés en beaucoup de sectes, fruit de nos œuvres se trouve corrompu et
qu'ils tiraient vanité de la doctrine , comme perdu. Et quand je dis l'humilité, je ne parle
s'ils d'eux-mêmes et non reçue
l'avaient tirée pas de celle qui n'est que dans la parole et sur
d'en-haut, comme
les dogmes de la vérité
si la langue, mais de celle qui vit dans le cœur,

leur fussent venus d'ailleurs que delà grâce de dans l'âme, dans la conscience, de celle que
Dieu rApûtre voulait réduire cette vaine
, Dieu peut seul voir. Cette vertu suffit, même
enflure ; et c'est pourquoi dès le début de son, quand elle est seule, pour nous rendre Dieu
épître, il fait valoir sa vocation. C'est comme propice témoin le publicain il n'avait aucun©
: ;

s'il disait : Si moi ,


qui suis votre maître je ,
bonne œuvre à présenter, aucun acte ver-
n'ai rien tiré de mon propre fonds , si je n'ai tueux, mais il sut dire du fond du cœur :
pas prévenu Dieu dans ma conversion , si je Soyez-moi propice à moi pécheur (Luc, xviii,
n'ai fait que répondre à une vocation, comment 13), et il descendit chez lui plus justifié que I©
vous, mes disciples, vous qui avez reçu de moi pharisien quoique ces paroles fussent moins
,

les dogmes, pouvez-vous comme en^tirer vanité des paroles d'humilité que de modestie et d'é-
si vous les aviez trouvés vous-mêmes ? Au reste, quité. Car avoir fait de grandes choses et ne
cette pensée se trouve explicitement exprimée pas s'en glorifier, voilà de l'humilité, mais se
plus loin : Qui
qui met de la différence
est-ce sentir pécheur et Tavouer, ce n'est que do
entre vous ? Qu'avez-vous que vous n'ayez reçu ? la modestie. Si celui qui avait conscience de
Que si vous l'avez reçu, pourquoi vous en glo- n'avoir fait aucun bien, s'est attiré à ce point
rifiez-vous comme si vous 7ie l'aviez point reçu ? la bienveillance de Dieu, uniquement pour en
(I Cor. IV, 7.) avoir fait l'aveu, de quelle faveur ne jouiront
Ainsi donc ce mot de vocation mis par l'Apôire pas ceux qui, pouvant se rendre le témoignage
en de son épître est à lui seul une leçon
tête d'avoir accompli de grandes choses, les oublient
d'humilité, il fait évanouir l'enflure, il rabaisse jusqu'à se placer au dernier rang c'est ce que !

l'orgueil. Rien ne dompte et ne contient mieux fit saint Paul, lui qui était au premier rang

les passions de l'homme que l'humilité, que la parmi les justes, et qui se disait le dernier des
modestie, que la simplicité, que l'opinion vraie pécheurs. (I Tim. i, 15.) Et non-seulement il le
et non exagérée qu'on a de soi. Aussi le Christ, disait, mais il le croyait, ayant appris du divin
révélant pour la première fois la doctrine Maître que, même tout ce qui
après avoir fait

céleste, commence-t-il par exhorter à l'humi- nous est commandé, nous devons nous estimer
lité, et dès qu'il ouvre la bouche pour instruire, des serviteurs inutiles. (Luc, xvii, 10.) Voilà la
la première loi qu'il porte est celle-ci Bien- : véritable humilité imitez Paul vous qui avez
:

heureux les pauvres d'esprit! {^liMh. v, 3.) des vertus, suivez le publicain vous qui êtoa
Comme celui qui projette de bâtir une grande remplis de péchés ; oui, confessez ce que voua
et magniflque maison, établit d'abord un fon- êtes, frappez-vous la poitrine formons notre ,

dement en rapport avec l'édiflce , afin qu'il esprit aux humbles pensées sur nous-mêmes»
puisse sans fléchir en supporter la masse Une telle disposition est par elle-même une
énorme, ainsi le Christ, sur le point d'élever ofl'rande et un sacrifice, David nous l'assure 5
l'édifice de la religion dans les âmes voulant , Cest un sacrifice aux yeux de Dieu quuik
avant tout poser un fondement solide, inébran- esprit brisé. Dieu ne rejettera jamais un cœuf>
lable, choisit la vertu d'humilité pour faire contrit et humilié. (Ps. l, 19.) Il ne dit pe.s «m-
100 TRADUCTION FRANÇAISE DE SALVf JLAN LliRYSOSTOME.

plement humilié;
: il dit encore : contrit^ c'est- (Eccl. III, 20.) Or celui qui aura trouvé grâce
à-dire broyé, réduit en tel état qu'il ne peut devant Dieu ne ressentira plus aucune disgrâce,
plus s'élever quoiqu'il désire de le faire. Ainsi mais il pourra, dès ici-bas. protégé par la
donc n'humilions pas seulement notre âme, divine grâce, traverser toutes les incommodi-
mais broyons-la, livrons-la à la componction : tés de ce monde, et surtout il évitera les châ-
or elle se broie par le souvenir continuel de timents réservés dans l'autre à ceux qui com-
nos péchés. Ainsi humiliée, elle ne pourra plus mettent le péché, la grâce de Dieu le pré-
sélever, parce que la conscience, comme un cédant partout et aplanissant tous les obs-
frein que l'on serre, s'opposera à tousses élans, tacles sur sa route c'est cette grâce que je
;

]a réprimera et la forcera d'être modeste en vous souhaite à tous, en Jésus-Christ Notre-


tout. Alors nous trouverons grâce devant Dieu, Seigneur, par qui et avec qui gloire soit au
car il est écrit Plus tu es grande plus tu dois
: Père et au Saint-Esprit, maintenant et toujours,
i'hwnilie?', car tu trouveras grâce devant Dieu. et dans les siècles des siècles. Ainsi soit-il.

Traduit par il. JEANNIX


HOMÉLIE SUR LES AFFLICTIONS'.

AHflLYSE.

1» L'orateur^ dans un exorde où il montre que le chrétien qui souffre dans l'espérance d'un bonheur futur, a un grand avantage sur
le laboureur, sur le pilote et sur le soldat, annonce qu'il va expliquer ces paroles de l'Apôlre : Non seulement, mais nous
nous glorifions encore dans les afflktions ; mais que, pour jeter un plus grand jour sur ce passage, il reprendra d'un peu
plus haut, avant de s'en occuper. II fait donc un tableau des persécutions violentes auxquelles étaient exposés les premiers
fidèles. — 2° Saint Paul, pour les consoler, ne cessait de les nourrir de l'espérance des biens futurs, et de leur rappeler aussi les
avanlagesdontiisjouissaient dès ce inonde. — 3° Après leur avoir
détaillé ces biens et ces avantages, l'Apôtre ajoutait que, non-
seulement ne (levaient pas se laisser abattre par les afflictions, mais que môme ils devaient s'en réjouir.
ils 4" Saint Jean Chry- —
sostome prouve la vérité de ces paroles par l'exemple de saint Paul lui-même, par celui des autres apôtres, et par le courage
des martyrs, qui étaient satisfaits et joyeux au milieu des plus cruelles souffrances. Saint Paul se glorifiait surtout de ses afllic-
tions, et c'est ce qui lui faisait dire Non seulement, mais nous nous glorifions encore dans les afflictions. Et pourquoi
:

nous gloriGer dans les afflictions ? c'est qu'elles nous éprouvent et nous fortifient, qu'elles nous donnent une vigueur qui nous
affermit contre toutes les disgrâces. Plusieurs exemples, pris dans la nature, montrent combien cet avantage est important. Nous
devons donc, pour notre propre intérêt, supporter courageusement toutes les peines de cette vie.
On ne peut ûxer la date de ce discours, ni même savoir s'il a été prononcé k Àntioche ou à Constantinople.

1. Il est pénible pour le laboureur d'atteler ces exemples ? C'est de vous inspirer de l'ar-
ses bœufs, de traîner sa charrue, de tracer des deur pour écouter mes paroles, de vous don-
sillons, d'y jeter les semences, d'en éloigner ner du courage pour supporter les peines qui
le torrent des eaux qui les submergent, de re- accompagnent la pratique de la vertu car si ;

lever les rives des fleuves, de creuser des fossés, chacun de ceux dont je viens de parler regarde
de former des canaux au milieu de son champ; ses fatigues comme légères, dans l'espoir des
mais toutes ces fatigues, toutes ces peines, de- biens qu'il attend, quoique les biens qu'il peut
viennent légères et faciles, lorsqu'il voit en obtenir, se terminent avec la vie à plus forte ;

espérance une moisson verdoyante sa faux , raison devons-nous être aussi empressés à eu-
aiguisée, son champ couvert de gerbes, et les tendre des instructions S[)irituelles que coura-
blés murs transportés avec joie dans sa maison. geux pour supporter les peines et les combats
Ainsi le pilote affronte les orages et les tem- qui nous feront parvenir à un bonheur sans
pêtes, brave l'incertitude des vents, la fureur fin. Le laboureur, le pilote et le soldat n'ont
des ne craint pas d'entreprendre des
flots, que des espérances incertaines et passagères ;
voyages de long cours, lorsqu'il pense aux di- ils arrivent souvent à la mort sans jouir des

verses marchandises dont son vaisseau sera biens qu'ils ont attendus, sans voir Taccom-
chargé, aux ports qui les recevront, aux ri- plissement des grandes espérances dont ils se
chesses immenses qu'elles lui produiront. Ainsi sont nourris, et pour lesquelles ils ont essuyé
le soldat supporte les blessures, reçoit les ce qu'il y a de plus rude. Par exemple, après
grêles de traits, endure le froid, la faim, l'é- beaucoup de travaux et de peines, le laboureur
loignement de sa patrie, s'expose aux dangers quelquefois, au moment même où, aiguisant
des batailles, lorsqu'il songe qu'il en résultera sa faux, il se préparait à la moisson, voit ses
pour lui des victoires, des triomphes et des ou par la nielle, ou par des in-
blés détruits,
couronnes. Et quel est mon but, en rapportant ou par des pluies excessives,
sectes nuisibles,
* Traduction de l'abbé Auger, revue. ou par quelque autre fléau que peuvent pro-
102 TRADUCTION FRANÇAISE DE SAINT JEAN CHRYSOSTOME.

duire les variations de l'air ; il s'en retourne dans les maux, de la récompense qu'obtiennent
dans sa maison les mains vides, privé du fruit ceux qui ne succombent pas dans les peines de
de toutes ses peines, et frustré de toutes ses la vie. Que veulent donc dire ces paroles Non- :

espérances. Le pilote, de même, lorsqu'il se seulement ? Celui qui les emploie annonce
réjouissait du grand nombre de marchandises qu'il a déjà parlé de beaucoup d'autres avan-
dont il avait chargé son vaisseau, lorsqu'après tages, auxquels il ajoute celui qu'on peut tirer
avoir tendu avec joie ses voiles pour le retour, de l'affliction. Aussi le même apôtre disait :

il avait parcouru une vaste étendue de mer, Non-seulement, ma' s nous nous glorifions en-
jeté souvent, à l'entrée du port, sur quelque core dans les affiictions. Ecoutez-moi, je vous
rocher, ou sur un écueil à fleur d'eau, ou, se prie, je vais travailler à éclaircir sa pensée, et
trouvant en butte à quelque autre accident à développer tout ce qu'elle renferme.
imprévu, voit périr l'espoir de sa fortune, et Lorsque les apôtres prêchèrent le saint Evan '

sauve avec peine sa personne du milieu des gile, et qu'ils parcoururent le monde, semant
échappé
périls. Enfin, le guerrier, après avoir la parole divine, déracinant de tout côté l'er-
à mille combats, après avoir triomphé de ses reur, abolissant les lois anciennes de l'impiété,
ennemis et repoussé leurs bataillons, voit sou- chassant l'iniciuité de toutes parts, purgeant la
vent trancher ses jours à la veille d'obtenir terre, engageant les hommes à renoncer aux
une victoire complète, sans avoir tiré aucun idoles, aux temples, aux autels, aux fêtes et
avantage de ses fatigues et de ses dangers. Il aux cérémonies d'une religion fausse, à recon-
n'en est pas de même de nous. Nous sommes naître un seul Dieu maître de l'univers, et à
soutenus dans nos afflictions par des espé- attendre les espérances futures; lorsque ces
rances éternelles, fermes, inébranlables, qui mêmes ajjôtres annonçaient le Père, le Fils et
ne finissent pas avec la vie présente, mais qui l'Esprit-Saint, qu'ils raisonnaient sur la résur-
ont pour terme une vie dont laféhcité est sans rection, qu'ils parlaient du royaume céleste ;

mélange et sans bornes; des espérances qui ne alors on vit s'allumer la plus affreuse, la plus
sont sujettes ni aux variations de l'air, ni aux cruelle de toutes les guerres ; toutes les villes,
incertitudes des événements, ni même aux toutes les maisons, tous les peuples, les lieux
coups inévitables de la mort. habités et inhabités, étaient pleins de tumulte,
Mais en ne considérant que les espérances de sédition et de trouble, parce (ju'on ébranlait
seules, on peut voir quel est leur fruit mer- d'anciens usages, qu'on attaquait des préjugés
veilleux dans les divers accidents de la vie, et établis depuis longtemps, et qu'on introduisait
la récompense abondante dont elles nous une doctrine nouvelle, dont personne n'avait
paient. Aussi le bienheureux Paul s'écriail-il : encore ouï parler; les princes sévissaient con-
IS on-seulc7ntnt mais nous nous glorifions oi-
^ tre celle doctrine; les majiistrals s'emportaient
corc dmis les afflictions. (Rom. v, 3.) Ne passons contre elle, les particuliers se troublaient, les
point légèrement, je vous en conjure, sur places publicpics se soulevaient, les tribunaux
cette parole fort simple et puisque le discours
; s'animaient, les glaives s'aiguisaient, les armes
nous a conduits dans le port (luc nous otl're se préparaient, les lois usaient de toute leiif

Paul, cet illustre pilote, arrêtons-nous à une rigueur. De là les peines, les supplices, les

parole qui, dans sa brièveté renferme un, menaces, et tout ce (ju'il y a de plus terrible
grand fonds de doctrine. Que veut-il donc dire, IKinni les hommes. Toute la terre était comme
et qu'entcnd-il par ces mots non-seulement,
: une mer furieuse, prête à enfanter les plus
mais nous nous glorifions encore dans les afflic- tristes naufrages. Le père, par relij^ion, renon-
tions? Remontons un peu, si vous voulez, pour çait à son lils, la belle-mère se séparait de sa

nous instruire, et nous verrons un grand jour belle-lille, les frères étaient divisés, les maîtres
se répandre sur ce passage de saint Paul, nous s'armaient contre leurs esclaves, la nature,
en verrons sortir une grande force de pensées pour ainsi dire, était soulevée contre elle-même,
et de réflexions utiles. Mais qu'aucun de nous la guerre s'allumait dans toutes les cités, dans

ne montre de négligence et de mollesse (pie ;


toutes les fainillei» , et non - seulement les
le désir d'entendre des instructions s|)iriluelles citoyens étaient déclarés contre les citoyens,
soit connue une rosée qui nous récrée et nous mais les parents contre les parents car la pa- ;

raninir. Nous allons vous entretenir de laftlic- role divine pénétrant comme un glaive, et sépa-

tiun^ du désir des biens éternels, de la patience rant le? parties gaugrenécs des parties saines,
HOMÉLIE SUR LES AFFLICTIONS. lôd

excitaiten tout lieu des divisions et des débals, avec la vie préscTite i les récompenses se pro-
suscitaitde toute part aux fidèles une multi- longent sans fin dans l'éternité. Les unes sont
tude d'ennemis et de persécuteurs. De là les temporelles et passagères, les autres sont im-
uns étaient j(>tés en prison, les autres traînés mortelles comme le souverain Etre qui en est

devant les tribunaux ou au supplice; les biens le principe et terme. Et c'est ce que le même
le

de ceux-ci étaient confisqués, ceux-là étaient apôtre fait encore entendre dans un autre en-
chassés de leur patrie, et souvent privés de la droit ; Le moment si court et si lér/cr de nos
vie même. Une foule de maux venaient fondre afflictions (II Cor. iv, 17), dit-il, diminuant la
de tout côté sur les chrétiens; ils avaient à gravité des maux par leur petit nombre , et
craindre et à combattre au dedans et au dehors adoucissant leur rigueur par le peu de temps
de la part de leurs ennemis, de la part des qu'ils durent; en effet, comme les peines que
étrangers, de la part de ceux mêmes qui leur les chrétiens avaient alors à souffrir étaient
étaient unis par le sang. rudes et pesantes, il diminue leur poids par la
Le précepteur du monde, le docteur d'une
2. brièveté de leur durée Le moment si court
: et
science céleste, le bienheureux Paul, qui voyait si léger ^ dit-il, de nos produit en
affîictionSy
Li persécution s'allumer contre l'Eglise, qui nous le poids éternel d'une souvo^aine et incom-
voyait que les maux étaient présents et en réalité, parable gloire, pourvu que nous ne considé-
tandis que les biens n'étaient que futurs et en es- rions pas les choses visibles, mais les invisibles,
pérance, je veux dire le royaume des cieux, la parce que les choses visibles sont passagères, et
résurrection des morts, ce bonheur infini, qui est que les invisibles sont éternelles. Et nous rame-
au-dessus de toutes les pensées et de toutes les nant de nouveau à l'idée de la grandeur des
expressions; saint Paul qui voyait d'un côté que biens d'une autre vie, il introduit les créatures
tourments, les sup-
les chevalets, les glaives, les même inanimées qui sont dans le travail de
plices, les morts de toutes les espèces n'étaient l'enfantement, qui gémissent des afflictions
pas seulement attendus, mais se faisaient sen- présentes, et qui désirent avec ardeur les biens
tir en effet; et de l'autre, que ceux qui de- futurs comme infiniment avantageux. Durant
vaient combattre contre ces afflictions, venaient cette vie, dit-il, les créatures gémissent et sont
de quitter les autels du paganisme, de renon- dam le travail de l'enfantement. (Rom. vui,
cer aux idoles, aux délices, à l'intempérance et 22.)Pourquoi gémissent? pourquoi sont dans
à l'ivresse, pour embrasser la foi que peu ac- ; de V enfantement? parce qu'elles at-
le travail
coutumés encore aux grandes idées d'une vie tendent les biens futurs, et qu'elles désirent
éternelle, ils étaient attachés aux choses pré- un changement favorable. Les créatures, dit-
sentes, et que probablement plusieurs d'entre il, seront délivrées de l'asservissement à la cor-
eux manqueraient de force et de courage, suc- ruption, pour participer à la liberté et à la
comberaient aux peines qui viendraient les gloire des enfants de Dieu. Lorsque saint Paul
assaillir chaque jour; d'après ces réflexions, dit que les créatures gémissent, qu'elles sont
que fait le grand Apôtre à qui les secrets céles- dans le travail de l'enfantement, ne croyez pas
tes avaient été révélés? Considérez la sagesse qu'il parle de créatures raisonnables, mais
de Paul. Il leur parle sans cesse des choses fu- apprenez quelle est la langue de l'Ecriture.
tures, il leur met sous les yeux les prix, les Quand Dieu veut annoncer aux hommes, par la
couronnes ; les consolant , les animant par bouche de ses prophètes, quelque événement
l'espoir des biens éternels. Eh 1 que leur dit-il? agréable et extraordinaire , il représente les
Nous pensons que les souffrances de ce monde êtres même inanimés, comme sensibles à la
n'ont aucune proportion avec la gloire qui sera grandeur des prodiges qui s'opèrent. Ce n'est
un jour découverte en nom. (Rom. vni , t8.) point que ces êtres soient vraiment sensibles
Que me parlez-vous, dit-il, de violences, de mais c'est pour exprimer la grandeur des pro-
tourments, de bourreaux, de supplices, de pri- diges, en donnant à des créatures dépourvues
sons, de chaînes, de proscriptions, de la faim de raison , les sentiments que les hommes
et de la pauvreté? Imaginez ce qu'il y a de plus éprouvent. C'est ainsi que lorsqu'il arrive quel-
affreux parmi les hommes, vous ne me citerez que malheur insigne, nous avons coutume de
rien qui ait quelque proportion avec les prix, direque la ville même est affligée, que le sol
les couronnes et les récompenses réservées à la estdevenu plus triste. Et lorsqu'on veut parler
vertu courageuse. Les souffrances se terminent d'un de ces hommes téroces qui sèment au
104 TRADUCTION FRANÇAISE DE SAINT JEAN CHRYSOSTOME.

loin l'épouvante, on dit qu'il a ébranlé les fon- chercher quelque consolation dans la vie pré-
dements mêmes des maisons, que les pierres sente. Aussi l'Apôtre, ce grand maître, instruit
mêmes ont redouté sa présence. Ce n'est pas de cette disposition de l'homme, ne le console
que les pierres aient vraiment redouté sa pré- pas seulement par l'espoir des biens futurs, il

sence, mais c'est pour donner une idée exagé- l'anime par la vue des avantages présents. Et
rée de la fierté de son âme, et de la férocité de d'abord il lui expose les bienfaits qui avaient
son cœur. C'est pour cette raison que David, été accordés à la terre ; bienfaits qu'elle ne
ce prophète admirable, racontant les biens voyait pas en espérance, mais dont elle jouis-
qu'ont éprouvés les Juifs, et la satisfaction Si^it dans la réalité ; bienfaits, en un mot, ga-
qu'ils ont ressentie dans leur délivrance de rant le plus solide et le plus frappant des
l'Egypte disait : Lonqu Israël sortit de l'E- bions futurs et attendus; il parle fort au long
gypte^ et la maison de Jacob du milieu d'un de la foi il cite l'exemple du patriarche Abra-
;

peuple barbare^ Dieu consacra le peuple juif à ham qui espéra de devenir père malgré la na-
son service, et établit son empire dans Israël. ture qui ne lui permettait plus de l'être, et
La mer le vit et s'enfuit, et le Jourdain retourna qui le devint parce qu'il crut fermement qu'il
en arrière; les montagnes bondirent comme le serait. De là, il exhorte l'homme à ne pas se
des béliers^ et les collines comme les agneaux laisser abattre par la faiblesse des raisonne-
des brebis, à la présence du Seigneur. (Ps. cxiii, ments humains, mais à s'animer, à se soutenir
4, 2, 3 et 4.) Cependant on ne lit nulle part que par la grandeur de sa foi, et à prendre des
ces merveilles soient arrivées. La mer, il est sentiments élevés. Après celi, il lui parle des
Jourdain sont retournés en arrière;
vrai, et le biens qu'il a déjà reçus de Dieu. Et quels sont
mais les montagnes et les collines n'ont jamais ces biens? Dieu a donné, pour des serviteurs
bondi. Mais, je le répète, c'est parce qu'il vou- ingrats, son Fils unique et chéri. Nous étions
lait représenter les transports de la joie que res- chargés du poids de nos iniquités sans nombre,
sentirent les Hébreux au sortir de l'oppression accablés sous la multitude de nos fautes; il ne
sous laquelle ils gémissaient en Egypte, que nous en a pas seulement affranchis, il nous a
David fait sauter et bondir les êtres môme ina- rendus justes et sans exiger de nous rien de
;

uiniés, comme s'ils partageaient le bonheur et difficile rien de pénible


, en ne nous deman- ,

la salislaction de ce peuple. Ainsi lorsque , dant que la foi , il nous a rendus justes et
l'Ecriture veut annoncer quelque événement saints , enfants de Dieu , héritiers de son
triste occasionné par nos fautes, elle s'exprime royaume, cohéritiers de son Fils unique il ;

en ces termes La vigne et les arbres seront


: nous a promis la résurrection et l'incorrupti-
dans le deuil (Is. xxiv, 7); et ailleurs Les : bilité de nos corps le bonheur dont jouissent
,

rues de Sion sont dans le deuil. (Jér. Lam. i, i.) les anges qui est au-dessus de toutes les pen-
,

Elle fait même verser des larmes aux êtres sées et de toutes les paroles, le séjour dans le
insensibles ; Pleurez, 7nurs de Sion, dit-elle; royaume des cieux, lajouissance de lui-même;
elle dit que les contrées mêmes de la Judée il a répandu sur nous, dès ce monde, les grâces

sont dans la douleur, qu'elles sont enivrées de de son Esprit, il nous a délivré? de la tyrannie
iristesse. Ce n'est pas que les éléments soient du démon, nous a arrachés à son empire il a ;

sensibles; mais, sans doute, les prophètes vou- détruit le péché, anéanti la malédiction , et,

laient nous roi)résenter la grandeur des biens brisant les portes de l'enfer, il nous a ouvert
dont Dieu nous comble, et la rigueur des puni- le ciel ; il a envoyé, pour opérer notre salut,
tions qu'il inllige à nos crimes. C'est pour cela non un ange, non un archange, mais son Fils
que le bienheureux Paul lui-même introduit unique lui-même , connue il le dit par la
les créatures (jui gémissent, qui sont dans le bouche d'un de ses prophètes Ce 7i est pas un :

travail de renfantcmcMit, afin d'exprimer les ambassadeur, ce Jicst pas un ange, c'est le
grandes faveurs que Dieu nous réserve au sor- Seigneur lui-mcmc qui nous a sauvés. (Is. lxui,
tir de ce monde. 9.) No sont-ce pas dos avantages préférables à
3. Mais, dira-t-on, ces faveurs ne sont qu'on mille couronnes, d'avoir été sanctifiés et justi-
esitérance , et l'hounue faible et malheureux fiés, do l'avoir olo par la foi , de lavoir été par
iiouvelleuient arraché à l'idolâtrie, incapable le Fils unique de Dieu venu du
ciel pour nous,

de raisonner sur les choses futures, et peu de l'avoir été par le Père qui a donné pour
propre à être touché de ces discours, devait nous son Fils chéri d'avoir reçu l'Esprit- ,
108

Saint , et , avec la plus grande facilité ,


d'avoir porter les avantages que nous avons obtenus,
joui d'une grâce et d'une faveur ineffable? et ceux que nous devons obtenir, mais ce qui

Après s'èlre expliqué en peu de mots sur tous est regardé dans le monde comme des peines
ces avantages il revient à l'espérance, par la-
,
et des afflictions, les tribunaux, les prisons, les

quelle il termine son discours; car, après avoir différentes espèces de morts, les menaces, la

dit Justifiés par la foi, nous avons la paix


: faim, les tourments, les chevalets, les four-

avec Dieu par Notre- Seigneur Jésus-Christ, naise?, le pillage, les guerres, les attaques, les
qui nous a donné aussi entrée par la foi à cette combats, les divisions, les querelles : il met
grâce en laquelle nous dcmeuro7is fermes, il
,
tout cola au nombre des faveurs et des bien-

ajoute Et nous nous glorifions dans l'espé-


: faits. Non, ce n'est pas seulement des biens

rance de la gloire des enfants de Dieu. (Rom. que nous avons reçus ou que nous espérons,
V, 1 et 2.) Après donc qu'il a parlé des avan- que nous devons nous réjouir; nous devons
tages que nous avons obtenus et de ceux qui même nous glorifier de nos maux, suivant ce
nous sont promis être justifiés, avoir accès : que dit saint Paul Je me réjouis mainte-
:

auprès du Père par le Fils immolé pour nous nant de ce que je souffre pour vous, et j'ac-
jouir de cette grâce et de cette faveur, être dé- complis dans ma chair ce qui manque aux
livrés du péché, acquérir la paix avec Dieu et souffrances de Jésus-Christ. (Colos. i, 24.) Vous
participer à l'Esprit-Saint, tels sont les avan- voyez une âme furie et courageuse, un cœur
tages que nous avons obtenus; ceux qui nous sublime et invincible, qui ne se glorifie pas
sont promis , c'est cette gloire ineffable qui seulement des couronnes, mais qui se plaît
nous est réservée au sortir de ce monde , dans les combats qui ne se réjouit pas des ré-
;

comme le dit saint Paul lui-même, lorsqu'il compenses, mais qui s'applaudit des difficultés
ajoute : Cette grâce en laquelle nous demeu- qu'elles lui coûtent ;
qui est moins satisfait des
rons fermes, nous nous glorifions dans l'es-
et prix qu'on lui réserve que glorieux de tous les
péraîice de la gloire des enfants de Dieu ; ai)rès assauts qu'il lui faut soutenir. Ne me parlez
dis-je, qu'il a parlé de tous ces avantages pas de royaume céleste, de couronnes incor-
comme l'espérance, ainsi que je l'ai déjà dit, ruptibles, de prix réservés à la persévérance ;

n'est pas suffisante pour fortifier, pour raffermir présentez-moi les peines, les afflictions de cette
un auditeur chancelant et faible; voyez ce que vie, et je pourrai montrer qu'on doit s'en glo-
fait saint Paul, considérez quelle est la force rifier plus que de tout le reste. Dans les jeux
de son âme et sa grande sagesse. C'est des profanes, lorsqu'un athlète a à lutter contre
objets mêmes qui paraissent affliger, troubler, un autre combat lui coûte autant
athlète, le
décourager son auditeur, qu'il forme les cou- de peine que couronne lui cause de plaisir.
la
ronnes qui font sa consolation et sa gloire. Il n'en est pas de même dans les luttes spiri-
Ecoutons- le lui-même, et voyons ce qu'il tuelles les combats procurent plus de gloire
:

ajoute à ce qu'il a déjà dit; car il ne se con- que les couronnes. Pour vous en convaincre,
tente pas de dire que nous avons été sanctifiés considérez tous les saints de toutes les généra-
et justifiés, que noi:s l'avons été par le Fils tions, comme dit l'apôtre saint Jacques Pre- :

unique de Dieu que nous avons joui de la , nez, mes frères, prenez pour exemple de pa-
grâce, de la paix, des plus grandes faveurs, de tience dans les maux, les prophètes qui ont
la rémission des péchés, de la communication parlé au nom du Seigneur. (Jacq. v, 10.) Celui
de l'Espril-Saint, et cela avec la plus grande même qui nous propose maintenant des com-
facilité, sans aucune peine, sans aucun travail, bats utiles, qui nous ouvre une carrière spiri-
par seule foi
la il ne se contente pas de ;
tuelle, je veux dire saint Paul, après avoir dé-
dire que Dieu nous a envoyé son Fils unique sans nombre que les saints
taillé'les afflictions
qu'il nous a accordé cette faveur, qu'il nous
ont eues à souffrir, et qu'il ne serait pas facile
en a promis une autre une gloire ineffable ,
, d'exposer dans un discours, ajoute ces paroles:
la résurrection et l'incorruptibilité des corps 7/5 erraient vêtus de peaux, manquant de tout^
partage des anges la société de Jésus- affligés, persécutés, eux dont le monde entier
le ,

Christ séjour dans le ciel (car voilà tout ce


, le
n'était pas digne (Héb. xi, 37 et 38) et cepen- ;

que renferment ces mots Et nous nous glori- :


dant ils étaient satisfaits au milieu de toutes
fions dam V espérance de la gloire des enfants leurs peines. C'est ce qu'on voit encore lorsque
de Dieu) ilne se contente pas, dis-je, de rap-
\
les apolres étaient renvoyés après avoir été
i06 TRADTTTION FRANÇAISE DE SALYT JEAN CimYSOSTOii

mis en piison accablés d'injures, et battus de duit,dans les persécutions, dans tous les maux
verges. Que dil l'Ecriture? Ils sortirent du que je souffre afin que la puissance de Jésus-
,

conseil remplis de joie de ce qu'ils avaient été Christ habite en moiK (II Cor. xii, 10.) C'est
jxigés dignes de souffrir des opprobres pour le par cette raison encore qu'ayant à parler avec
nom de Jé-us. (Act. v, 41.) force contre des hommes qui avaient fixé leur
A. C'est ce que nous avons vu de nos jours et ; séjour à Corinthe qui s'estimaient beaucoup
,

pour reconnaître la vérité de ce que je dis, on eux-mêmes , et qui condamnaient les autres
peut se rappeler ce qui est arrivé dans le temps que, se trouvant obligé de prendre un ton de
des persécutions. Attachée au chevalet, cruel- fierté dans son épître, et de nous tracer un por-
lement tourmentée et déchirée, toute couverte trait avantageux de lui-même, il ne se loue ni
de sang, une vierge tendre, f;iible et délicate , par les prodiges et les miracles qu'il a opérés ,

était comme une jeune éj ouse, couchée sur ni par les honneurs qu'il a obtenus ni par la ,

le lit nuptial ; le désir du royaume céleste lui vie paisible qu'il a menée, mais par les prisons
faisait supporter toutes ses souffrances avec sa- où il a été conduit, par les tribunaux devant
tisfaction et elle était couronnée au milieu
, lesquels il a paru ,
par la faim, le froid , les
même du combat. Examinez quel spectacle guerres et les persécutions qu'il a essuyées.
c'était de voir un tyran escorté de tous ses gar- Sont-ils ministres de Jésus-Christ ? dit-il ;

de?, environné d'armes et de glaives mena- quand je devrais passer pour iinprudent, fose
çants, vaincu par une jeune vierge. Vous voyez dire que je le sids plus qu'eux. (II Cor. xi, 23.)
donc que l'aflliction même fournit un grand Etcomment prouve-t-il qu'il l'est plus qu'eux?
sujet de se glorifier ; et vous pouvez rendre té- comment établit-il sa supériorité ? J'ai plus
moignage à la vérité de mes discours. Avant souffert de travaux plus reçu de coups, plus
,

que les martyrs aient reçu leur récompense , enduré de prisons , je me suis souvent trouvé
le prix de leurs combats et la couronne, lorsque prés de la mort^ et le reste. S'il faut se glori-
leurs corps viennent d'être réduits en cendre fier, dit-il encove,je me glorifierai dans 7710 fai'
et en poussière nous accourons avec le phis
, blesse. Vous voyez qu'il se glorifie de ses tri-

grand empressement pour les honorer nous , bulations plus qu'on ne s'applaudit des plus
convoquons une assemblée spirituelle, nous les brillantes couronnes, et qu'il dit en consé-
l)rocîamons vainqueurs, nous les couronnons quence Non-seuleme7it , 7imis 7ious nous glo-
:

l)our les blessures (ju'ils ont reçues pour le ,


rifions encore dans les afflictio7is. Que signifie
sang qu'ils ont répandu, pour les aftlictions noiî-seulement ? c'est-cà-dire non-seulement ,

les peines et les tortures qu'ils ont essuyées. nous ne nous laissons pas abattre par lesaifiic-
Tant il est vrai, je le répète, que les aftlictions tions et par les peines, mais nous nous glori-
fournissent un sujet de se glorifier, même avant fions de ce qui nous arrive de fâcheux, comme

la récompense. d'un moyen de parvenir au comble de l'hon-


Songez combien Paul était grand, lorsqu'il neur.
liabitail les prisons et qu'il était traîné devant Ensuite, après avoir dit que les afflictions
les tribunaux; songez combien il était illustre sont la voie qui conduit à la plus grande gloire,
et distingué aux yeux de tous les hommes et ,
un sujet de se glorifier et de s'ap|)laudir,
surtout de ceux qui lui faisaient la guerre et comme sans doute la gloire procure du plaisir,
qui le poi.-iéculaient. Quoi'is-je, illustre aux parce qu'il n'y a pas de vrai plaisir sans gloire
yeux des houunes ? n'élait-il pas plus redouta- ni de vraie gloire sans plaisir; après avoir
ble aux démons lorsqu'il était battu de verges? montré, dis-je, que les aftlictions donnent de
C'est lorsqu'il était charge de liens et cpTil fai- la splendeur et du lustre, sont un sujet de se
saitnaufrage c'est alors cpril opérait les |dus
: glorifier, il rapporte un de leurs avantages, le

grands prodiges, qu'il lri(>ni|ihait pleinement plus important, un des fruits, le plus précieux
des puissances qui lui étaitMit opposées. Connue et le plus rare qu'on en peut attendre. Voyons
donc il était intinieinenl convaincu cpie les (juel est ce fruit, cet avantage Sachant do7ic^ :

aftlictions sont prolilables à ràine, il disait :


dit-il, que ra/Jh'ction produit la patience, la
C'est lorsque je suis faible qtie je suis fort. patic7Ke l'épreuve y l'épreuve l'cspéra/ice; et
Ensuite il ajoute : Aussi je sens de la satisfac-
• S.iint Jean Chry«oston»e • cité, 9»n» doute, de mémoire tout ce
tion et (le la joie datis les faiblcst^cs^ dans les
pas aec .iont les paroles «ont différemment disposée! dans text» U
outrages , dam les 7u'ccssitcs oit je me vois ré- d« l'Eciiture.
HOMÉLIE SIR LES AFFLICTIONS. m
ce' te espérance n'est pas trompeuse. (Rom. v, ment?. Et, de mêmeque ceux qui s'embar-
3 et 4.) Qu'est-ce à dire Sachant que l'afflic-
: quent pour la première fois éprouvent des
tion produit la patience ? Un des grands fruits vertiges et des nausées qui troublent leur tête
de raffliclion est de rendre plus fort celui qui et affadissent leur cœur, tandis que ceux qui

la souffre. En effet, comme les arbres qui sont ont parcouru de vastes étendues de mers di-
entretenus à l'ombre et placés à l'abri des verses, qui ont bravé mille fois les flots, qui
vents, quoique beaux et agréables à la vue, ont essuyé de fréquents naufrages, entrepren-
sont tendres et faibles, et ne tardent pas à être nent avec confiance des voyages maritimes :

endommagés par les moindres orages; au lieu ainsi l'âme qui a passé par de fréquentes
que ceux qui sont placés sur le sommet des épreuves et de grandes afflictions, exercée dès
hautes montagnes, qui sont fréquemment bat- lors à souffrir, ayant acquis l'habitude de la
tus par les aijuilon?, exposés sans cesse aux patience, n'est point tremblante et craintive,
variations de l'air, agités par les plus violentes ne se laisse point troubler par les événements
tempêtes, souvent frappés par les neiges, sont fâcheux; mais, fortifiée par une fréquente
plus forts et plus durs que le meilleur fer; étude et un continuel exercice des accidents
comme aussi les corps qui sont nourris dans de la vie, elle supporte sans peine les plus
les délices, qui goûtent les plaisirs de toutes les grands maux et les plus violentes persécutions.
espèces, qui sont revêtus d'habillements somp- C'est ce que ce directeur habile d'une vie cé-
tueux, qui font habituellement usage de bains leste voulait nous faire entendre par ces mots :

et de parfums, et qui, sans besoin, choisissent Non-seulement, mais nous nous glorifions en-
les nourritures les plus délicates, ne sont nul- core dans les afflictions. Il voulait nous ap-
lement propres aux peines et aux fatigues que prendre que, même avant d'obtenir le royaume
demande la pratique de la vertu, ne sont faits des cieux et les couronnes immortelles qui
que pour les supplices rigoureux dont l'Ecri- nous sont promises, nous tirons des afflictions
ture menace les pécheurs de même, parmi : continuelles cet important avantage, qu'elles
les âmes, celles qui recherchent une vie douce rendent notre raison plus ferme et notre âme
et tranquille, à l'abri des maux, qui sont atta- plus patiente.
chées par inclination aux biens présents, qui Pénétrés de toutes ces vérités, mes très-chers
préfèrent de couler des jours exempts de dou- frères, supportons courageusement les peines
leur à l'avantage de souffrir, comme les saints, de cette vie, et parce que c'est la volonté de
pour le royaume céleste ; ces âmes, plus faibles Dieu, et parce que c'est notre intérêt. Ne per-
et plus molles que la cire, sont de nature à dons pas l'espérance ne nous laissons pas
;

devenir l'aliment d'un feu éternel ; celles, au abattre par la violence des tentations mais ;

contraire, qui pour Dieu ne craignent ni les armons-nous de courage, et rendons grâces à
périls, ni les travaux, ni les tribulations, qui Dieu pour toutes les faveurs dont il nous
sont nourries dans les afflictions et dans les comble, afin que nous jouissions des avantages
peines ; ces âmes, dis-je, rendues plus fermes présents et que nous obtenions les récompenses
que le fer ou que le diamant, deviennent plus futures, par la grâce, la miséricorde et la bonté
courageuses par l'habitude de souffrir sans de Notre-Seigneur Jésus-Christ, à qui soient la
cesse, et acquièrent un certain tempérament gloire et l'empire, avec l'Esprit-Saint, mainte-
de force et de patience qui les fait triompher nant et toujours, dans tous les siè^iles des siè-
de tous les assauts des hommes et des événe- cles. Ainsi soit-il.
HOMÉLIE SUR CETTE PAROLE DE L'APOTRE :

NOUS SAVONS QUE TOUT TOURNE A BIEN A CEUX QUI AIMENT DIEU

& AUSSI SUR LA PATIENCE & L'AVANTAGE DES TRIBULATIONS.

AVERTISEMENT.

L'uorde de celle homélie est tout à fait semblable à celui du sermon sur le débiteur des dix mille talents ; dans l'un comme dans
l'autre, Chrysostome se félicite de ce qu'après une longue maladie, il lui est donné de se retrouver et de s'entretenir de nou-
veau, comme au retour d'un long voyage, avec cette assemblée dont il est aimé, et qu'il aime à son tour d'une égale affection.
De là, certains savants tirent cette conclusion que l'tiomélie sur le débiteur des dix mille talents ayant été prononcée certaine-
ment à Antioche, eu 387, celle-ci le fut probablement à Constaiitinople. Car, disent-ils, il n'aurait pas fait deux fois le même
e.>.orde dans la même ville; mais, après s'être rétabli d'une maladie étant à Antioche, il s'y servit d'abord de ce début; et

ensuite, étant k Constantinople, après un autre retour à la santé, il commença ce discours-ci de la même manière, devant des
auditeurs dont pas un n'avait entendu l'autre. Cet argument ne semble pas tout à fait invraisemblable; pourtant comme Chrysos-
tome a été souvent malade à Antioche, comme on le voit par plusieurs de ses discours, et que d'ailleurs il avait coutume, après
un intervalle de quelques années, de répéter dans la même ville d'Anlioche, non-seulement des exordes, mais des sermons tout
entiers, qu'il remaniait et qu'il modiûait un peu, comme nous l'avons déjà vu souvent, rien n'empêche qu'il ne se soit servi
quelques années plus tard, également à Antioche, du même début qu'en 387. Ce discours a donc pu être prononcé, soit dans
l'une de ces villes, soit dans l'autre, et il est assez difQcile de se déterminer entre Us deux.

ANALYSE.

TendrcMÊ de Chrysostome pour ses — La charité est une dette qu'on ne peut jamais payer. — Les chrétiens patients
auditeurs.
dans les persécutions. — de l'Apôtre. — Ingratitude des Macédoniens envers
Efficacité des parole» apôtres. — Pouiquui^ai:;!
les

Paul chassa le démon qui servante à reconnaître


forçait la mission des apôtres. — Ferveur
la délivranc de Paulet de e et Silas.
— De l'efficacité du chant des hymnes pourquoi Paul
: au milieu de
et Silas s'y livrèrent — nous rend atten-
la nuit. L'-iflliciion

tifs etTigilants. — Ea de choies


fait ne faut Jamais
spirituelles, il — Pourquoi Dieu permet
différer. les tentations.

1. Je me sens aujourd'hui comme si je ne séparation ; de la maladie. Et


c'était le silence

m'étais pas rendu au milieu de vous depuis d'une part, je que vous vous réjouissez
sais
longtemps. Car bien que je ne fusse retenu tous à présent de notre retour à la sanlô et de ;

à la maison que par ma mauvaise santé, je me mon côté, je me réjouis aussi, non pas seule-
trouvais comme exilé bien loin de votre amour, ment de l'avoir recouvrée, mais encore de ce
En effet, lorsque l'on aime véritablement et qu'il m'est donné de revoir vos visages qui
qu'on ne peut se trouver avec celui qu'on aime, me faisaient faute, et de jouir de l'arnour
on a beau habiter la même ville, on n'est pas selon Dieu que vou? me portez. La plupart des
moins affecté que si l'on vivait dans un autre hommes, revenus à la santé, ne pensent qu'à
pays. C'est là ce que savent tous ceux qui savent se faire apporterdu vin, à remplir leurs verres,
aimer. Pardonnez-nous donc, je vous en prie ;
à boire frais pour
: moi, votre compagnie m'est
car ce n'est pas la négligence qui a causé cette plus agréable que toutes les réjouissances, et
dlO TRADUCTION FRANÇAISE DE SAINT JEAN CHRYSOSTOME.

elle est pour moi et la condition de ma santé, et bienheureuse ne dit rien au hasard, ni en pure
la source de ma joie. Eh bien! donc, puisque par perte, mais elle applique toujours aux maux
la grâce de Dieu nous nous sommes retrouvés qui se présentent les remèdes spirituels qui
mutuellement, il faut que nous vous payions leur conviennent.
la dette de la charité, si une telle dette se peut Quel est donc le sens de ses paroles? De nom-
jamais payer. C'est qu'en effet, elle est la seule breuses épreuves assiégeaient de toutes parts
des obligations qui ne connaisse point de terme; ceux qui s'avançaient alors dans la foi, les
plus on s'en acquitte, plus elle se prolonge, et ruses de l'ennemi se succédaient incessam-
si en fait d'argent nous donnons des éloges à ment, ses embûches étaient continuelles ceux ;

ceux qui ne doivent rien, ici nous félicitons qui combattaient avec l'arme de la prédication
ceux qui doivent beaucoup. C'est pourquoi n'avaient point de relâche les uns étaient :

saint Paul, le docteur des nations, a écrit cette jetés en prison, d'autres en exil, on traînait les
parole Ne soyez redevables de rien à personne ,
: autres à mille abîmes divers; en conséquence,
excepté de la charité mutuelle {Kom. xni,8), il agit comme un excellent général qui , ,

voulant que nous nous acquittions sans cesse voyant son adversaire respirer la fureur, par-
de cette obligation, tout en continuant d'y être court les rangs de ses soldats, relèNe [lartout
tenus, et que jamais nous ne soyons affranchis leur courage, lesfortifie, les prépare au com-

de cette dette jusqu'au jour où nous le serons bat, augmente leur audace, accroît leur desir
de la vie présente elle-même. Si donc une dette d'en venir aux mains avec l'ennemi, les en-
pécuniaire est un poids et une gène, c'est, au hardit à ne pas craindre ses attaiiues, mais à
contraire, une chose blâmable de ne pas devoir se tenir en face, la fermeté dans le cœur pour
toujours la dette de la charité. Et pour preuve, le frapper, s'il est possible, au visage même,
écoutez avec quelle sagesse cet admirable doc- et ne point s'etfrayer de lui résister. De même
leur amène ce conseil. 11 commence par dire : le bienheureux apôtre, cette âme d'une élé\a-
Ne soyez redevables de rien à personne ; puis il tion toute céleste, voulant réveiller les pensées
ajoute : excepté de la charité mutuelle. 11 veut des fidèles, et brûlant de relever leur âme en
que nous acquittions toutes nos autres dettes quelque sorte gisante à terre, commença par
ici-bas, mais il entend que pour cette dernière leur dire Or nous savotis que tout tourne à
:

il n'y ait jamais d'extinction possible. En effet, bien à ceux qui aiment Dieu. Voyez-vous la
c'est elle surtout qui forme et discipline notre prudence aposloli(jue? Il n'a point dit Je sais, ;

vie. Eh bien! donc, puisque nous connaissons mais Nous savons ; il les range eux-mêmes
:

puisque
tout le profit à retirer de cette dette ,
dans le nombre de ceux qui conviennent de
nous savons qu'on ne l'augmenter en
fait ((ue ce qu'il dit, que tout tourne à bien â ceux qui
s'en acquittant, efforçons-nous aujourd'hui, aiment Dieu. Considérez aussi lexactitude du
nous aussi, de tout notre pouvoir, de payer langage de l'Apôlre. H n'a pas dit Ceux qui :

celle que nous avons contractée envers vous aiment Dieu échappent aux maux, sont déli-
non par nonchalance nimais ingratitude, vrés des épreuves mais Nous savons, c'est-
; :

par l'effet du mauvais de notre santé;


état à-dire, nous sommes assurés, nous avons la

acquittons -nous, en adressant quelques pa- certitude, l'expérience nous a démontré: Nous

roles à votre charité et , en prenant pour


, savons que tout tourne à bien à ceux qui ai-
sujet de cet entrelien l'Apôtre lui-même ,
ment Dieu.
ce merveilleux docteur du monde, mettons 2. Quelle force ne trouvez-vous pas dam
sous vos yeux, et méditons à fond ce qu'il disait celte courte expression : Tout tourne à bien ?
aujourd'hui en écrivant aux Romains; servons En effet, n'allez pas me jiarler des avantages
ainsi à votre charité le festin spirituel que nous d'ici-bas,ne songez pas seulement au bien-être
avons été longtemps sans vous offrir. Quelles et à la sécurité, mais aussi à ce qui leur est

sont ces paroles que nous avons lues? Il est tout opposé à la prison, aux tribulations, aux
:

nécessaire de vous le dire, afin que les ayant embûches, aux alta(iues journalières, et alors
préa'ntées à votre souvoiiir vous saisissiez ,
vous verrez parfaitement la })ortée de cette
mieux ce que nous vous dirons. Nous savons, parole. Et pour ne pas entraîner au loin votre

dit l'Apolre, que tout tourne à bien à ceux qui charité, prenons, si vous le voulez bien, quel-

aiineut Dieu. (Rom. vin , 28.) Quoi est le but ques petite faits parmi ce qui arriva au bien-
de cette entrée en matière? Car cette àuj« heureux apôtre, et vous verrez la force de cy
HOMÉLIE SUR LKS TRIBULATIONS. 111

lanpagc. Alors que parcourant toutes les


,
en chassant Dieu peinut
cet esprit int()iident,

cotitrccs, «emant la parole de piété, arra- qu'ils fussent battus de verges et jetés en pri-
chant les épines, et se hâtant d'implanter la son. C'est là surtout qu'apparut la puissance
véritédans l'àme de chacun il fut arrivé ,
de Dieu. Aussi le saint Apôtre disait-il Je me :

dans une ville de Macédoine, comme nous le glorifierai donc le plus volontiers dans mes
raconte saint Luc, l'auteur des Actes, il ren- faiblesses, afin que la puissance du Christ ha-

contra là une jeune servante qui, possédée bite en moi. Et un peu plus loin Quand je :

d'un malin esprit, ne pouvait garderie si- suis faible, c'est alors que je si/is puissant

lence, et qui s'en allant de côté et d'autre,


, (Il Cor. XH, 9, 10) il entend par faiblesse les
;

voulait proclamer partout les apôtres par la tentations continuelles. Mais peut-être on se
suggestion de ce démon. Saint Paul, parlant demandera ici pourquoi il a chassé un démon
alors avec grande autorité, employant un qui ne disait rien qui leur fût hostile, mais
langage impérieux, conmie quelqu'un qui qui, au contraire les faisait ouvertement con-
,

chafserait un vil malfaiteur , délivra cette naître ; car il y avait plusieurs jours qu'il criait :

fenune du malin esprit : les habitants de cette Ces hommes sont les serviteurs du Dieux très-
ville auraient dû considérer dès lors les apô- haut, qui vous annoncent le chemin du sahit.
tres comme des bienfaiteurs, comme des sau- (Act, XVI, 17.) Ne soyez point surpris, bien-
veurs , et, en échange d'un tel bienfait, les aimé frère ceci encore était l'effet de la pru-
:

traiter avec toute espèce d'égards. Ils firent dence apostolique et de la grâce du Saint-Esprit.
pourtant tout le contraire. Ecoutez comment Car, bien qu'il ne dît rien qui leur fût hostile,
on récompense les apôtres : Les maîtres de il ne fallait point que le démon acquît [)ar là

celte servante , dit saint Luc , voyant que l'es- un crédit qui l'eût mis à même, à d'autres
poir de leur trafic était perdu, s'emparèrent de égards, d'entraîner la croyance des simplt^s :

Paul et de Silas, les ti'aînèrent sur la place voilà pourquoi saint Paul lui ferma la bouche
pull i que devant les magistrats , puis ils les et le chassa, ne voulant pas lui permettre
menèrent aux préteurs, et leur ayant donné un de parler de choses dont il était indigne.
grand nombre de coups ils les jetèrent en , Et, en agissant de la sorte, saint Paul sui-
prison, en recommandant au geôlier de les vait l'exemple de son Maître , car lorsque
garder soigneusement. (Act.xvi, 19, 23.) Voyez- les démons venaient au-devant de Jésus, et lui
vous l'excessive méchanceté des habitants de disaient Nous savons qui tu es, tu es le saint
:

celte ville ? voyez-vous en même temps la pa- de Dieu (Luc, iv, 34), quoiqu'ils parlassent
tience et la fermeté des apôtres? Attendez un ainsi, Jésus les chassait. Et cela arrivait pour
peu, et vous verrez aussi la miséricorde de confondre les Juifs impudents qui voyaient
Dieu. En effet, comme il est sage et fécond en tous les jours des miracles et une foule de pro-
ressources, il ne fait point cesser les maux tout diges, et qui refusaient de croire, tandis que
d'abord et dès le début, mais, après que toutes les démons les avouaient, et confessaient Jésus
les dispositions des adversaires ont pris de l'ac- pour le Fils de Dieu.
croissement, après que la patience de ses athlètes 3. Mais passons à la suite de notre discours*
a été prouvée par des que luifaits , c'est alors Afin donc que vous appreniez que tout tourne
aussi montre à son tour son influence; afin que à bien à ceux qui aiment Dieu, il est néces-
personne ne puisse alléguer que si les servi- saire de vous elle vous
lire toute cette histoire :

teurs de Dieu courent ainsi aux dangers, c'est apprendra comment, après les coups et la pri-
qu'ils se fient sur ce qu'ils n'auront rien de pé- son, toutes choses ont été, par la grâce de Dieu,
nible à souffrir. C'est pour cela que dans les se- changées en avantages pour eux. Voyons com-
crets de sa sagesse il laisse les uns devenir vic- ment saint Luc nous le fait voir; il dit Le :

times des maux, et qu'il y soustrait les autres; il geôlier ayant reçu cette recommandation, les
veutque l'exemple de tous vous instruise de son jeta dans la prison la plus intérieure, et leur
extrême miséricorde, il veut vous apprendre mit des entraves aux pieds. (Act. xvi, 24.) Voyez
que lorsqu'il réserve à ses serviteurs de plus comme leurs maux se prolongent , afin que la
grandes récompenses, il permet souvent que patience des apôtres devienne plus éclatante, et
leurs maux se prolongent. C'est ce qu'il a fait en même temps pour que la puissance inef-
ici. Car après un tel miracle, après un si grand fable de Dieu acquière aux yeux de tous une
bienfait que celui par lequel ils se signalèrent grande évidence. Ecoutez encore ce qui suit.
115 TRADUCTION FRANÇAISE DE SAINT JEAN CIIRYSOSTOME.

S lint Luc ajoute : Au milieu de la nuit, Paul ceux qui étaient dans la prison. Car la voix de
et Silas priaient et louaient Dieu. (Ib. v, 25.) ces hymnes sacrés, pénétrant dans l'âme de
"Voyez ces âmes qui semblent avoir des ailes, chacun des prisonniers, la transformait, pour
ces esprits en éveil : ne pa'^>sons point légère- ainsi dire, et la corrigeait. En effet l'Apôtre
ment, mes frères bien-aimés, sur cette parole. ajoute : Aussitôt un grand tremblement déterre
Ce n'est pas au liasard ni pour indiquer seule- eut lieu : les fondements de la prison furent
ment l'heure que s:iînt Luc dit Au milieu de : ébranlés, et à Vinstant toutes les portes s'ou-
la nuit ; mais il veut nous montrer que pendant vrirent, et les liens de tous furent défaits. (Act.
le temps où le sommeil enchaîne agréablement XVI, 26.) Vous voyez la puissance des hymnes
les autres hommes, et ferme leurs paupières, aujtrès de Dieu Non-seulement ceux qui les
!

à l'heure où il c-st naturel que des personnes lui oif raient obtinrent leur propre soulagement,
en proie à de nombreuses souffrances se laissent mais ils furent cause aussi que les liens de tous
entraîner au sommeil, alors que de tous côtés se détachèrent c'était pour montrer par des
:

le sommeil fait sentir son pouvoir absolu, c'est que tout tourne à bien à ceux qui aiment
faits
à cette heure que les ^Mtq^ priaient et louaient Dieu. En effet, voyez un peu quel tableau des !

Dieu., donnant ainsi la plus grande preuve de coups, une prison, des entraves, la compagnie
leur amour envers lui. Car de même que si des prisonniers. Eh bien tout cela est devenu !

nous sommes affligés par les douleurs corpo- un sujet d'avantages, une occasion de gloire,
relles, nous recherchons h présence de nos non pas pour les apôtres seulement, non pas
proches, pour trouver dans leur conversation seulement pour les autres qui étaient en prison,
de quoi soulager la violence de notre mal ;
mais pour le geôlier lui-même. Eu eflet, que
ainsi les saints a|»ùtres, embrasés d'amour pour lisons-nous? Le geôlier s' étant réveillé, et ayant
leur Maître, et lui adressant les hymnes sacrés, vu que les portes de la prison étaient ouvertes,
ne sentaient mrme pas leurs douleurs; mais, tira son épée et allait se tuer, croyant que les
tout entiers à leurs supplications, ils lui offraient priso?miers s'étaient échappés. (Ibid. v, 27.)
cet admirable chant des hymnes : leur prison Considérez avec moi
miséricorde de Dieu,
ici la
était devenue un temple, et elle était sanctifiée laquelle surpasse toute expression Pourquoi !

tout entière par les cantiques de ces bienheu- tout cela arrive-t-il vers minuit? Uniquement
reux apôtres. C'était un spectacle merveilleux pour que TatTaire se passe sans tumulte et dans
et admirable (pie ces hommes, dont les pieds le calme, et pour assurer le salut du geôlier.
étaient dans les entraves, mais dont la voix Car lorsque le tremblement de terre fut arrivé,
n'en avait aucune qui Iesemj)èchàtde chanter et que les portes se furent ouvertes, les liens
les hymnes. C'estque pour âme austère et 1 de tous les prisonniers se détachèrent, et Dieu
vigilante, qui a pourDieu une charité ardente, ne permit pas qu'aucun d'entre eux s'évadât,
iln'est rien qui soit capable de la séparer de liemarquez encore ici avec moi un nouveau
son Maître Car, dit l'Ecriture, ye suis le Dieu
: trait de la sagesse divine. Toutes les autres

qui se rapproche, et non pas mi Dieu qui se circonstances, je veux dire, le tremblement de
tieîit à distance (Jérém. xxui, 23) ; et elle dit terre, l'ouverture des portes, ont eu lieu pour

encore autre part : Tu parleras encore, que je que tout le monde apprît par l'événement quels
dirai : Me voici. (Isaïe, lvui, 9.) En effet, là où étaient ceux que renfermait alors la prison, et
l'âme est eu éveil, pensée a des ailes et se
la que ce n'étaient pas des hommes ordinaires,
dégage, pour ainsi dire, des liens du corps ;
mais s'il arriva que personne ne sortit, c'est
elle prend son vol vers le Dieu (ju'elle aime, et alin que ceci ne devînt pas pour le geôlier une

regarde avec dédain la terre au-dessous d'elle :


source de dangers. Pour vous en convaincre,
s'él(>vant au-dessus des choses \isibles, elle écoutez conunenl. rien (ju'au soupçon du fait,
court vers Dieu c'est ce qui est arrivé à nos
: à la seule pensée de quelques évasions, il fit

saints apôtres. Voyez en effet la vertu soudaine bon marché même de sa vie Saint Luc dit en I

des hymnes, et comment ceshonmies, quoi(jue ell'et Ayant tiré son épée, il allait se tuer.
:

en prison et les entraves aux pieds, quoi»jue Mais bienheureux Paul toujours attentif,
le ,

mêlés avec des imposteurs et des prisonniers, toujours vigilant arracha par ses paroles
,

non-seulement n'éprouvèrent aucun donuuage, l'agneau de la gueule du loup. Jl s'écria Ne :

mais encore n»'n brillèrent (|ue niieux^ et éclai- te fais aucun nuil ! nous sommes tous ici. (Act.

rèrent par la lumière de leur propre vertu tous XVI, i8.) couible d'bumihté il ne conçut I
tm
aucun orgueil de ce qui venait de s'accomplir,' Jui, envelopper tous les siens dans les lacs de
il ne se révolta pas contre le geôlier, il no la religion , et infliger à Satan une blessure
se permit aucune expression de hauteur; mais cruelle ; Et le geôlier fut baptisé à l'instant y
il se comptait lui-même au nombre des lui et tous les siens, et il fut ravi de joie avec,

prisonniers, des bourreaux, des mall'aiteurs, toute sa famille, d'avoir cru en Dieu. (Ibid. v,
en disant Nous sommes tous ici. Vous venez
: 33, 34.)
de le voir usant de la plus grande humilité, et Cela nous apprend à ne jamais différer même
ne s'arrogeant rien de plus qu'aux malfaiteurs d'un inslant dans les affaires spirituelles, mais
qui sont avec lui. Examinez enfin la conduite à considérer toujours comme favorable l'occa-
du bourreau il ne s'adresse pas à saint Paul
: sion qui se présente. Si en effet nos saints apô-
comme à quelqu'un des autres. Ayant pris tres n'ont pas voulu dilTérer alors qu'il était
courage et ayant demandé une lumière ^ il nuit, quelle excuse aurons-nous si dans les
s'élança dans la chambre, et se jeta tout trem- autres moments dujour nous laissons échapper
blant aux pieds de Paul et de Silas; puis les des profils spirituels ? Vous avez vu cette pri-
ayant reconduits dehors, il leur dit Maîtres, : son devenant une église ? ce repaire de bour-
que faut-il que je fasse pour être sauvé? i)\Ad. reaux transformé soudain en une maison de
V, 29, 30.) Voyez-vous que tout tourne à bien prière ; vous avez vu s'y accomplir la sainte

à ceux qui aiment Dieu ? voyez-vous les stra- de la vigilance, c'est là


initiation ? Voilà l'effet
tagèmes du démon, et comment ils furent ce que l'on gagne à ne jamais négliger les pro-
déjoués? Voyez-vous comme ses artifices man- fils spirituels mais à tirer parti de toutes les
,

quèrent leur but? Quand les apôtres eurent occasions pour réaliser d'aussi nobles béné-
chassé l'esprit malin, Satan fit en sorte qu'on fices. Le donc bien eu raison
saint apôtre a
les jetât en prison, croyant empêcher par là le d'écrire : Que à bien à ceux qui
tout tourne
cours de leurs prédications. Mais voilà que cette aiment Dieu. Et nous aussi, je vous y engage,
prison est devenue pour eux l'occasion d'un ayons cette parole bien gravée dans notre âme,
nouveau bénéfice spirituel. et n'entrons jamais en dépit , quand il nous
A. Ainsi donc, nous aussi, si nous sommes arrive des afflictions dans cette vie, événe-
vigilants,non-seulement dans les moments de menis . maladies, ou autres circonstances fâ-
calme, mais encore dans les tribulations, nous cheuses armons-nous d'une grande sagesse
;

pouvons trouver notre profit et plus encore , pour résister à toutes les épreuves, sachant que
dans la tribulation que dans le calme. Car ce si nous sommes vigilants, nous pouvons tirer

dernier état nous rend presque toujours plus parti de tout , et des épreuves plus que des
négligents la tribulation au contraire nous
; consolations. Ne nous troublons jamais son- ,

dispose à la vigilance elle nous rend dignes


, geant combien la patience est profitable , et
aux yeux de Dieu de l'assistance d'en-haut n'ayons pas même de sentiments de Iraino
alors surtout que, par notre espérance en lui , contre ceux qui nous attirent nos épreuves.
nous faisons preuve de patience et de fermeté Car s'ils agissent de la sorte pour atteindre leur
dans toutes les afflictions qui nous surviennent. but particulier, notre Maître communie per-
Ne soyons donc pas chagrins, quand nous som- met, voulant par ce moyen nous faire trouver
mes éprouvés, mais au contraire réjouissons- nos bénéfices spirituels, nous faire obtenir le
nous car c'est l'occasion de notre gloire.
; salaire de notre patience. Si nous pouvons
C'est dans ce sens que saint Paul a dit Nous : donc supporter avec reconnaissance ce qui nous
savons que tout tourne à bien à ceux qui aiment est infligé, nous effacerons par là une grande
Dieu. Considérons aussi l'âme ardente de nos partie de nos péchés. Et si le Seigneur, en
saints apôtres. Quand ils entendirent cette voyant un tel trésor, le docteur des nations,
question du geôlier Que faut-il que je
: fasse tomber chaque jour dans les dangers, suppor-
pour être sauvé ? tardèrent-ils à répondre ? re- tait qu'il en fût ainsi, non par insouciance de

mirent-ils à plus tard ? négligèrent-ils de l'ins- son athlète, mais parce qu'il lui préparait une
truire ? nullement. Et que lui dirent-ils? Crois plus longue lutte, pour lui accorder ensuite de
au Seigneur Jésus-Christ, et tu seras sauvé, toi plus brillantes couronnes, que pourrions-nous
et toute ta famille. (Ibid. v,3i.) Voyez la dire, nous autres, qui sommes couverts d'une
sollicitude apostolique. Us ne se contentent pas foule de péchés, et qui, à cause de ces péchés,
du salut de lui seul, ils veulent aussi, grâce à rencontrons maintes et maintes épreuves, aUa

TOMB IV. 8
414 TRADUCTION FRANÇAISE DE SAINT JEAN CHRYSOSTOME.

qu'ayant porté ici-bas la peine de nos fauTes , tience , de pouvoir diminuer la multitude de
nous soyonsau moins jugés dignesd'un peu d'in- nos péchés, et obtenir les biens éternels par
,

dulgence, et que nous puissions en ce jour ter- la grâce et la miséricorde de Notre-Seigneur


rible goûter les biens mystérieux ? Réfléchis- Jésus-Christ, avec lequel gloire , puissance et
sons à tout cela , et résistons généreusement a honneur au Père, ainsi qu'au Saint-Esprit
toutes les afflictions , afin de recevoir du Dieu maintenant et toujours, et dans les siècles de»
de miséricorde la récompense de Qotre pa- iiècles. Ainsi soit-iL
HOMÉLIE

CONTRE CEUX QUI N'ÉTAIENT POINT VENUS A LA RÉUNION

SUR CETTE PAROLE DE L'APOTRE

Si ton ennemi a faim, donne-lui à manger


(rom. XII, 20.)

ET SUR LA RANCUNE

RVERTISSEMENT.

Quoique nous n'ayons ancan renseignement sur l'année où Chrysostome prononça cette bomélic , on voit que ce fut à Conslaati-
nople, d'après ce qu'il dit au a» 4, sur le palais de l'empereur et sur la garde impériale; le n° 2 nous apprend de plus, que
c'était pendant l'été, dont les grandes chaleurs étaient fort gênantes dans les grandes réunions. Les habitants de Constantinople

donnaient cette raison, quand Chrysostome se plaignait qu'on ne venait pas à l'église, et qu'il manquait beaucoup de monde i
ses entretiens mais Chrysostome leur réplii|ue f()rt bien
; Si c'est la chnleiir qui en est cause, pour/uoi allez-vous en -
.

grande affluence sur le forum, où l'aukur de la température est si grande, ainsi que le tumulte de la foule, et où rien
ne vous abrite des rayons du soleil? Tandis que l'église où il discourait était vaste, très-haute, pavée en dalles, toutes choses
qui y tempéraient beaucoup la chaleur. Ensuite, il parle d'une manière remarquable, comme à soa ordinaire, de l'amoar qu'on
doit avoir pour ses euuemis, et du biea qu'il faut leur faire.

ARALVSE.

Chrysostome se plaint da petit nombre des auditeurs ; il repousse .les applaudissements de l'auditoire. Il cite, à propos de la per-
sévérance, le proverbe de la goutte d'eau qui creuse la pierre. — Nous ne sommes pas nés pour nous seuls. A l'exemple des
nous ne devons pas craindre les
saints, fatigues. Les mutuellement à fréquenter l'église.
fidèles doivent s'exhorter Du soir. —
extrême avec lequel les Juifs observent le sabbat. —
Les choses du siècle nous réussissent bien, quand nous honorons Dieu. —
Quelles ressources nous procure l'assistance au sermon. —
A la lecture de l'Ecriture, il faut ajouter les bonnes œuvres. Il est —
pénible et diflicile de se réconcilier avec ses ennemis. —
Comment il faut vaincre ses ennemis : David, sous l'ancienne Loi, fit
du bien k son ennemi. —
Pourquoi David épargna Saiil ; combien est grande la vertu de David. —
Eloge de la patience de
David.

1. Iln'a rien servi, à ce que je vois, de vous sont présents, et en accusant ceux qui ne sont
avoir longuement parlé naguère du zèle à fré- pas venus. Je blâme ces derniers de n'avoir
quenter nos réunions car voici encore l'église
: pas secoué leur nonchalance, vous, de ne vous
vide de ses enfants. Je suis donc obligé de vous être pas occupés du salut do vos frères. Je suis
paraître encore une fois ennuyeux et im- forcé de vous {"araitre ennuyeu.x el importun,
portun, en faisant des reproches à ceux qui non pour moi- même et pour mes propres in-
116 TRADUCTION FRANÇAISE DE SAINT JEAN CHRYSOSTOME.

térêts,mais pour vous et pour votre salut, qui tacte (Matth. XXV, 25); mais cela n'a pas suffi

m'est plus précieux que tout le reste. S'en pour le justifier. C'est qu'?/ fallait, continue

mécontente qui voudra, qu'on dise que je suis l'Evangile, placer chez les banquiers l'argent
insupportable, que je n'ai point de retenue : qu'on avait placé chez toi. (Ibid. v, 27.) Et
je ne cesserai de vous tourmenter continuelle- voyez combien les préceptes du Maître sont
ment pour les mêmes motifs : car il n'est lien doux à observer. Les hommes rendent respon-
de meilleur pour moi quo ce manque de res- sables, même de la réclamation, ceux qui prê-
pect humain. Peut-être en effet, peut-être que, tent à intérêt l'argent de leurs maîtres. On leur
rougissant, sinon d'autre chose, du moins de dit : C'est toi qui as placé l'argent, c'est à toi à
vous voir continuellement importunés sur le leréclamer; je n'ai rien à démêler avec celui
même sujet, vous prendrez enfin quelque jour qui l'a reçu. Dieu n'agit pas ainsi il nous or- :

en main les intérêts de vos frères. Que me ser- donne seulement de faire le placement il ne ;

vent en effet les louanges, si je ne vous vois nous charge pas de réclamer. Quoi de plus
faire des progrès dans la vertu? et en quoi doux? Et cependant, le serviteur appelait dur
pourra me nuire le silence de mes audi- un maître aussi débonnaire et aussi humain.
teurs , si je vois s'augmenter votre pieté ? Telle est, en effet, la coutume des serviteurs
Ce qui fait l'éloge d'un orateur, ce ne sont ingrats et lâches ; ils rejettent toujours leurs
pas les applaudissements, c'est le zèle pieux propres fautes sur leurs maîtres. C'est pour-
de son auditoire : ce n'est pas le tumulte quoi le maître le fit torturer, enchaîner, et
au moment où on l'écoute , mais l'attention emmener dans les ténèbres extérieures. Pour
qu'on lui prête tout le temps. A peine ks cris ne pas avoir le même sort à souffrir, plaçons à
d'applaudissements sont - ils sortis de vos intérêt chez nos frères les enseignements que
bouches, qu'ils se répandent et vont se perdre nous recevons, persuader ou
qu'ils se laissent
dans les airs : mais quand les auditeurs de- non. Car s'ils se laissent persuader, ils seront
viennent meilleurs , alors c'est une récom- utiles à eux et à nous si le contraire arrive,
;

pense incorruptible, immortelle, et pour celui ils s'attirent un châtiment inévitable, et a nous,

qui a parlé, et pour ceux qui ont suivi ses ils ne sauraient nous nuire absolument en rien.

conseils. Vos cris et vos louanges rendent Nous avons fait ce qui dépendait de nous en
l'orateur illustre ici-bas, mais la pieté de votre leur donnant des conseils s'ils ne les écoutent
;

âme procure à celui qui vous a instruits une pas, il ne peut nous en advenir aucun mal. On
grande assurance au tribunal du Christ. De est répréhensible, non pas pour n'avoir pas
sorte que si vous aimez ceux qui vous parlent, persuadé le prochain, mais pour ne l'avoir pas
aimez non pas qu'on les applaudisse, mais que conseillé ; après l'exhortation et le conseil,
leur auditoire profite. Ce n'est pas un léger mais des exhortations, des conseils persévé-
mal que l'insouciance envers nos frères, c'est rants, continuels, ce n'est plus à nous, mais à
au contraire le dernier châtiment, la punition eux que Dieu demandera compte. Je voudrais
sans ressource; nous en voyons la preuve dans donc être sûr que vous i)ersévérez à les exhor-
cet homme qui avait enfoui son talent. On ne ter, et que c'est malgré vos efforts qu'ils per-
lui reprochait rien pour sa conduite, car il sistent toujours dans leur indolence alors je :

n'avait fait aucune prévarication relativement ne vous iniportiuierais phis mais je crains
;

au dépôt confié, puisqu'il le restitua dans son que ce ne soit votre néL:li,i,'once et votre incurie
entier malgré cela, il se comporta mal quant à
; qui les laisse sans conoction. Cu'il est incon-
la manière de le gérer. En effet, il n'avait pas cevable qu'un homme qui acontinuellement le
doublé la sonmic confiée, et il en fut puni. Ce bienfait de l'exliorlalion et de renseignement,
qui fait voir (pie nous aurions beau, nous, ne devienne pas moilliur et phis zélé. Je vais
être zélés et ai)plaudis, et vous, être pleins vous rappeler uu proverbe bien po|»ulairesans
d'ardeur pour entendre les divines Ecritures, doute, mais qui conlirme ce que je vous dis.
cela ne suffirait pas pour notre salut. Nous La goutte d'eau, dit-on, à force de tomber sou-
devons, en effet, doubler
dépôt qui nous a
le vent, creuse la pierre. Et pourtant quoi de
été confié; or, nous le doublerons si, avec plus faible que leau ? quoi de plus dur que la
notre propre salut, nous pourvoyons encore à pierre? Malgré cela, la persistance a vaincu la
celui d'autrui. Car le dépositaire de l'Evan^^ile nature. Et si la persistance Uiomphe de la na-
a bien dit, lui aussi : Voilà voira njiiunc in- lui'c, combien plus puurra-l-e'lt! venir à bout
HOMKLIE SUR CE TEXTE : SI TON ENNEMI A FATM, ETC. 117

de la volonté. Le christianisme n'est pas un qu'en toute petite quantité, il fait lever tout
jeu, mes chers auditeurs, ni une affaire acces- le reste de la pâte, dont la masse est énorme.

soire. Nous ne cessons de vous le répéter, et Ainsi en est-il de vous quoique peu nom- :

cela n'avance à rien. breux en réalité, vous devenez nombreux et


2. Quelle douleur pensez-vous que soit la puissants par votre foi et par votre zèle selon
mienne ,
quand je me souviens que, lors des Dieu. De même donc que le levain ne perd pas
solennités , la foule dont les réunions se com- sa force à cause de sa petite quantité, mais
posent est comparable aux vastes flots de la mer, qu'il prend
le dessus par la chaleur qui est en

et que maintenant je ne vois pas rassemblée lui etpar sa vertu naturelle de même vous ;

en ce lieu même une minime partie de cette pourrez, sivous le voulez, ramener à la même
foule? Où sont maintenant ceux dont la mul- ferveur que la vôtre des frères bien plus nom-
titude nous encombre aux jours de fêtes ? C'est breux que vous n'êtes vous-mêmes. A cela on
eux que je réclame c'est pour eux que je , objecte aussi la chaleur car je le sais il
; , ,
y
m'afflige, en songeant combien il périt de en a qui disent La température est étouffante
:

ceux qui travaillaient à leur salut, de combien maintenant, l'ardeur de l'air est Intolérable,
de frères ''ai à supporter la perte, de quel petit nous ne pouvons supporter d'être ainsi res-
nombre en songeant que
le salut est le partage, serrés et pressés dans la foule la sueur nous ,

la plus grande partie du corps de l'Eglise res- couvre de toutes parts, la chaleur et le manque
semble à un corps sans mouvement et sans d'espace nous accablent; si telles sont leurs
vie. Et en quoi cela dépend-il de nous direz- , riisons, j'ai honte pour eux, croyez-moi ; ce

vous ? C'est bien de vous surtout que cela dé- sont là des prétextes bons pour les femmes ;
pend, de vous qui n'avez pas soin de vos frères, bien plus ces excuses ne sont même pas suf-
,

qui ne les exhortez et ne les conseillez point, fisantes pour


elles, quoique leur corps soit
de vous qui ne les contraignez pas, qui ne les plus délicat, et leur sexe plus faible. Mais;
entraînez pas de force qui ne les arrachez pas ,
quoiqu'il soit honteux de répondre à une pa-
à leur extrême indolence. Car il ne suffit pas reille justification, cela est pourtant néces-
d'être utile à soi-même, il faut encore l'être à saire. Et ne rougissent pas d'alléguer des
s'ils

beaucoup de monde Jésus-Christ nous l'a : choses semblables, nous devons, à plus forte
montré, en nous qualifiant de sel, de levain raison, ne point rougir de leur répondre. Que
et de lumière, toutes choses qui servent et pourrais-je donc bien dire aux gens qui don-
profitent à d'autres qu'à elles-mêmes. Car une nent de pareilles raisons? Je vais leur rap-
lampe ne pour elle-même mais pour
luit pas ,
peler les trois enfants qui, au milieu de la
ceux qui sont dans l'obscurité. Et vous, vous fournaise et de la flamme, voyant le feu les en-
êtes une lampe non pas pour jouir tout seul
,
vahir de toutes parts, envelopper leur bouche,
de la lumière, mais pour ramener dans son leurs yeux , leur intercepter la respiration , ne
chemin celui qui est égaré. A quoi sert une cessèrent pas de chantera Dieu , avec les autres
lampe si elle n'éclaire pas celui qui est dans
, créatures , cet hymne saint et mystérieux ; et
les ténèbres ? Et de même , à quoi sert un qui au contraire, du milieu de leur fournaise,
chrétien, s'il ne gagne personne, s'il ne ra- adressaient leurs bénédictions au Maître com-
mène personne à la vertu ? Le sel encore ne se mun de toutes choses, avec plus d'enthou-
préserve pas lui seul de la corruption, mais siasme que s'ils eussent été dans une délicieuse
il resserre aussi les corps qui se corrom- prairie. A côté de l'exemple de ces trois enfants,
pent, et empêche qu'ils ne périssent par dé- je rappellerai les lions de Babylone, et Daniel
composition. Eh bien! donc, puisque Dieu dans leur fosse et non pas lui seulement,
:

a également de vous un sel spirituel,


fait mais encore une autre fosse et un autre pro-
faitesreprendre, en les mordant, les chairs phète je prie ceux à qui je réponds de se
;

des membres corrompus, c'est-à-dire les âmes souvenir de Jérémie, plongé jusqu'au cou dans
de vos frères indolents et lâches délivrez-les ; un bourbier où il suffoque. Au sortir dece fossé,
de cette langueur qui est une sorte de putré- jeveux introduire dans une prison ces gens qui
faction , et rattachez - les
au reste du corps donnent pour prétexte la chaleur, et leur y mon-
de l'Eglise. Voici maintenant pourquoi Jésus- trer Paul et Silas, les entraves aux pieds, cou-
Christ vous a appelés un levain le levain ne : verts de meurtrissures et de blessures, le corps
se fait pas fermenter lui*même, mais quoi- tout entier déchiré d'une multitude de coups ,
418 TRADUCTION FRANÇAISE DE SAINT JEAN CHRYSOSTOME.

chantant au milieu de la nuit les louanges de pagnons de service ; et vous qui avez à remplir
Dieu, et passant toute la nuit dans une sainte les mêmes fonctions spirituelles, vous laissez
"veille. Et lorsque ces saints personnages dans , vos frères privés du gain qu'ils en tireraient
la fournaise et au milieu des flammes dans , Eh quoi ? direz vous; s'ils neleveulent point?
!

une fosse, au milieu des bêtes féroces ou d'une Faites (lu'ils le veuillent, par votre obsession
eau bourbeuse, (Jans une prison où ils sont conU'iuclle: car lorsqu'ils nousverrontinsister,
retenus dans les entraves, couverts de bles- ils le voudront à coup sûr. Et puis, ce ne sont
sures et entourés de gardes; enfin, lorsqu'en là (|ue prétextes et allégations vaines. En effets

proie à des maux intolérables, ils ne se plai- coinl ien de pères sont ici ,
qui n'ont pas leurs
gnent de rien mais qu'avec une grande énergie, fils avec eux ? était-il donc difficile de vous
et un zèle extrême, ils ne cessenlde vaquera la faire suivre de vos enfants? Cela montre clai-

prière et de chanter de saints hym nés comment; rement que les autres sont restés hors d'ici non
n'est-il pas inouï que nous autres, qui n'avons à pas seulement par leur nonchalance person-
endurer aucune des souffrances, ni petites ni nelle mais aussi par votre insouciance. Eh
,

grandes, énumérées ci-dessus, à cause de l'ar- bien vous ne l'avez fait jusqu'ici, maintenant
1 si

deur de la saison , pour quelques instants de du moins secouez cette apathie, et que chacun
chaleur et de sueur, nous négligions notre entre dans l'église avec les membres de sa
salut, etque laissant là les réunions saintes, famille que le père réveille son fils de cette
:

nous allions nous égarer dehors et nous gâter , langueur, et l'excite à se rendre à notre assem-
au contact de sociétés malsaines. La rosée de blée; que de même le fils y fasse venir l'auteur
Ja divine parole est si abondante , et vous pré- de ses jours, les maris leurs femmes, les femmes
textez la chaleur 1 Leau que je lui donnerai , leurs maris, le maître son serviteur, le frère
dit le Christ, deviendra en lui la source d'une son frère, et l'ami son ami que dis-je?ne :

eau qui jaillit jusque dans la vie éternelle (Jean, convions pas nos amis seulement, mais encore
VI, \ï) il dit encore
;
Celui qui croit en moi^
: nos ennemis, à ce commun trésor des vrais
comme Va dit l'Ecriture , de ses entrailles cou- biens. Quand votre ennemi verra votre sollici-

leront des fleuves d'eau vive. (Jean, vn, 38). Vous tude, n'en doutez point, il dépouillera sa haine.
avez en vous, répondez, des sources des , Dites-lui : N'avez-vous pas honte, en consi-
et vous craignez la chaleur
flieuves spirituels, dérant leur exemple ne vous fait-il pas
les Juifs ?
matérielle? Mais, répondez encore : Sur cette rougir? avec quelle exactitude ils observent le
place publique où
y a tant de tumulte, tant
il sabbat, et, dès la veille au soir, s'abstiennent de
de presse et de comment ne donnez-
soleil, touttravail! S'ilsvoient le soleil prêt à se coucher
vous pas aussi pour raison qu'on étoufTe et que ".e jour de la préparation, ils mterrompent leurs
l'on brûle ? Car vous ne pouvez pas dire que transactions et suspendent leurs affaires; si

là on puisse goûter un air plus frais et que , quelcju'un , leur ayant acheté quelque chose
tout l'air suffocant soit concentré ici pour avant le soir, arrive le soir pour leur en ap-
nous; bien au contraire, les dalles qui sont porter le prix , ils ne le souffrent pas , ils re-
ici sons vos pieds, et les autres conditions de fusent de recevoir cet argent. Que dis-je ? il ne
l'éclifice, car sa hauteur est énorme, tout contri- s'agit là que d'un prix de vente ou d'un con-

bue à rendre l'air plus frais et plus léger, tandis trat mais fût-il question de recevoir un trésor,
;

que sur la place, le soleil est en plein partout, ils aimeraient mieux perdre ce gain que de ,

on est fort serré, la fumée, la poussière sont ex- fouler la loi aux pieds. Eh! quoi? les Juifs
trêmes, et bien d'autres inconvénients encore sont si exacts à garder la loi, et cela, à contre-
y augmenhmt le malaise. D'où il résulte évi- temps ; ils s'appliquent à une observance qui
demment, que ces prétextes déraisonnables ne leur sert à rien, et qui même leur est nui-
sont ceux de la nonchalance et d'une àmo abat- sible; et vous, qui êtes au-dessus des tt'nèbres,
tue, et privée de la tlamme de !'Esi»ril-Sainl. vous àipii Dieu a daigné faire voir le Soleil de
3. En parlant ainsi maintenant, c'est moins justice, vous qui appartenez à la cité du ciel,
à eux (|ue je m'en prends, qu'à vous qui ne les vous ne faites pas preuve d'autant de zèle
attirez pas, qui ne les réveillez pas de leur qu'eux, (jui s'attachent mal à propos au men-
indolence et ne les entraînez pas à cette table songe, vous aux mains de qui la vérité a é'o
Des domestiques qui ont à s'acquitter
salutaire. remise? On vous appelle ici pour une peliti-
d'un commun emploi appellent leurs com- partie de la journée, et vous n'avez pas la
HOMÉLIE SUR CE TEXTE : SI TON l<:NtNEMI A FAIM, ETC. 119

force d'en faire le sacrifice pour écouter la ferveur ? Si en effet vous n'avez d*une part
divine parole ? Quelle pourrait être votre, aucun besoin de nos exhortations aux époques
excuse, dites-moi? Quel motif plausible et légi- des fêtes, et que d'autre part, lorsqu'elles sont
time aurez- vous pour vous justifier? Non, passées, vous ne tiriez aucun fruit de nos en-
celui qui est aussi négligent et aussi lAclie ne seignements, ne montrez- vous point par là,
peut jamais avoir d'excuse ,
quand même il autant qu'il est en vous, que nos paroles sont
mettrait mille et mille fois en avant les néces- inutiles?
sités des aû'aires de la vie. Ne savez-vous pas 4. Peut-êtr€ plusieurs de ceux qui m'enten-
que si vous venez adorer Dieu, et prendre part dent gémissent (ju'il en Mais ce n'est
soit ainsi.
à nos exercices, les affaires qui sont entre vos pas le lait des négligents : car dans ce cas, ils

mains n'en prospéreront que mieux? Vous se déferaient de celte insouciance, comme nous
avez, dites-vous, des préoccupations dans la qui chaque jour sommes intjuiets de vos inté-
vie? C'est pour cela précisément qu'il faut rêts. Quel fruit retirez-vous des affaires de la

venir ici, afin d'attirer sur vous, par l'assistance vie qui soit égal au tort qu'elles vous font?
à l'église, la bienveillance de Dieu, et de vous Il n'est pas possible que vous sortiez d'une au-

en retourner ainsi dans la sécurité afin d'avoir , tre réunion, d'une autre compagnie, ayant re-
Dieu pour auxiliaire, et de devenir invincible cueilli autant d'avantuges que de votre présence
aux esprits malins, secouru que vous serez par ici; non, quand ce serait le tribunal, ou le sé-
la main d'en-baut. Si vous venez bénéficier de' nat, ou même la cour du souverain. Ce n'est
prières de vos pères spirituels, si vous prenez en effet ni le gouvernement des nations et des
part à la prière commune,
vous écoutez la si villes, ni le commandement des armées, que
parole divine , si sur vous le
vous attirez nous contions à ceux qui entrent ici c'est un :

secours de Dieu quand vous sortirez d'ici


, autre pouvoir plus auguste que la royauté
revêtu de toutes ces armes, Satan lui-même ne même ; ou plutôt, ce n'est pas nous, c'est la
pourra plus vous regarder en face, à plus forte grâce de l'Esprit-Saint qui vous le confie.
raison ces hommes pervers ne le pourront, qui Et quel est donc ce pouvoir plus auguste que
ont à cœur de répandre sur autrui leurs déni- la royauté, et que reçoivent ceux ([ui entrent
grements et leurs calomnies. Si au contraire en ici ? Ils apprennent à dompter les passions in-
sortant de votre maison, vous allez à la place sensées, à régner sur les mauvais désirs, à
publique, on vous trouvera dépourvu de ces commander à la colère, à réprimer l'envie, à
mêmes armes, et vous serez facilement la proie asservir la vaine gloire. Non, celui qui est as-
de toutes les mauvaises langues. Si, dans nos sis sur le trône royal, la tête ornée du diadème,
affaires soit publiques, soit particulières, tant n'estpas un souverain aussi auguste que
de choses nous arrivent contre notre volonté, l'homme qui a su affermir sa droite raison sur
c'est précisément parce que nous ne nous le trône d'où elle commande aux serviles pas-
sommes pas occupés des affaires spirituelles sions, et ceindre son front du brillant diadème
avant de songer à celles du siècle, et que nous de son empire sur elles. A quoi servent, dites-
avons interverti l'ordre. C'est pour cela que la moi, ces vêtements de pourpre, ces tissus d'or
suite et l'ordre régulier de nos affaires est bou- et ces couronnes de pierreries, si votre âme est
leversé aussi, et qu'une grande perturbation a esclave des passions ? que gagnez-vous à être
tout envahi chez nous. Quelle pensez-vous que libre au dehors, partie de vous-même qui
si la
soit ma peine et ma douleur, quand je songe cjue doit régner est dans une servitude honteuse et
lorsqu'il y a une fête, une solennité, sans qu'il y pitoyable? En effet, quand la fièvre a pénétré
ait personne qui vous y appelle, toute la ville
profondément, et dévore tout l'intérieur du
y court en foule et qu'une fois la fête, une fois
;
corps, on ne gagne rien à ce que la surface ex-
la solennité passée, quand même nous passe- semblable de
térieure n'éi)rouve rien de ;

rions la journée entière à nous épuiser pour


même si noire âme est déchirée au dedans par
vous appeler, personne n'y fait attention ? Sou- pouvoir au dehors lui est sans
les passions, le
vent je repasse tout cela dans mon esprit, alors
utilité, et un siège royal ne nous avance à
je gémis amèrement, et je me dis A quoi bon :
du trône de
rien, quand notre esprit, renversé
les exhortations et les conseils , si vous faites
sa royauté par la tyrannie violente des passions
toutes choses simplement par habitude, et que
tremble devant leur révolte. Pour
's'abaisse et
nos enseignements n'ajoutent rien à votre
qu'il n'en soit pas ainsi, les prophètes et les
420 TRADUCTION FRANÇAISE DE SAINT JEAN CHRYSOSTOME.

apôtres accourent de toutes parts, pour répri- plus ne tirera aucun avantage de son enseigne-
mer nos passions, pour chasser hors de nous ment, s'il ne conforme point sa propre con-
tous les instincts grossiers de noire déraison, duite aux insli actions qu'il donne, si ce qu'il
et pour mettre en nos mains ce pouvoir plus fait ne s'accoiue avec ce qu'il dit, écoutez
auguste que la royauté. C'est pourquoi je vous comment il l'alinonesle, ce que fait aussi le
disais que ceux qui se privent eux-mêmes de Prophète. Car Prophète s'exprime ainsi
i" :

ces secours, reçoivent une blessure mortelle, Dieu a dit au pécheur : Pourquoi expliques-tu
en subissant le plus grand dommage qui puisse mes cotnmandcm nts^ pourquoi repasses-tu
leur arriver, de même qu'en venant ici, ils ma loi sur tes lèvres, et as-tu la discipline
recueillent les plus grands avantages qu'ils en aversion ? (Psciune xliï, 16-17.) Et l'Apôtre,
puissent trouver n'importe oii, ainsi que je s'en prenant aussi à ces mômes hommes qui
vous l'ai fait voir. Tu ne paraîtras pas les s'enorgueillissent de leur qualité de docteurs,
mains vides devant le Seigneur (Exode, xxiii, leur dit Tu es persuadé que tu es le conduc-
:

45), disait la loi; c'est-à-dire, n'entre pas dans teur des aveugles, la himière de ceux qui sont
le temple sans sacrifices à offrir. Or, s'il ne dans les ténèbres le précepteur des insensés, le
,

faut pas entrer dans la maison de Dieu les docteur des ignorants ; toi donc qui enseignes
mains vides de sacrifices, à plus forte raison autrui, que ne t'enseignes-tu toi-même? (Rom.
devez-vous entrer dans nos réunions, accom- II, 19-21.) Eh bien puisque nous ne saurions
!

l)agnés de vos frères; car c'est un sacrifice, trouver aucune utilité, ni moi orateur à parler,
c'estune offrande qui vaut mieux que celles de ni vous auditeurs à entendre, si vous ne vous

l'ancienne loi, d'entrer ici en y amenant une laissea persuader à mes paroks, et puisque cela

âme. Ne voyez-vous pas les colombes que l'on ne servirait même qu'à nous faire condamner
a dressées? comme elles sortent pour aller en plus sévèrement, faisons preuve d'un zèle qui
nes'arrête pasunefoislediscours entendu, mais
quête des autres! Imitons-les.
conservons-en les paroles pour les mettre en
En effet, quelle excuse sera la nôtre? Les
pratique. Car s'il est beau de passer assidûment
animaux sans raison sont capables d'aller à la
recherche de ceux de leur espèce son temps à écouter les divins oracles, cette
, et nous
belle occupation devient infructueuse, si l'on
doués de tant de raison de sagesse, nous né-
et
n'y rattache point l'ulililé (jui doit en résulter.
gligeons une poursuite semblable? Dans mon
Afin donc que votre réunion ici ne soit pas
dernier entretien, je vous cxhorlais dans les
termes que voici Que chacun de vous se rende
:
aine, employez tout votre zèle, comme je vous
au logis de son jn-ochain attendez ceux qui en ai souvent prié, et comme je vous en prierai
;

sans cesse , à attirer vos frères auprès de


sont sortis, retenez-les, et ramenez-les à lanière
nous, à exhorter ceux qui sont égarés, et à leur
commune faites comme ceux qui ont la rage
;

donner les conseils non pas de vos discours


du théàlie ils mettent la jjIus grande ardeur
:

seulement mais encore de vos actions. Le


,
à se donner rendez-vous; puis, dès l'aurore, ils
meilleur enseignement, c'est celui cpii vient de
attendent l'heure de ces coupables spectacles.
nos mœurs, de notre conduite. Même sans que
Mais notre exhortation n'a i)as eu le moindre
vous disiez rien, si, au sortir de l'assemblée,
résultat. C'est pourquoi je le redis, et ne ces-
votre contenance, votre regard, votre voix,
serai de le redire que lorsque je vous aurai
votre démarche, enfin tout le reste de votre
persuadés. Rien ne sert d'entendre, si l'effet ne
extérieur, montre à ceux qui n'ont pas assisté
s'ensuit. Au contraire, c'est nous atth'cr un
à cette réunion les avantages que vous empor-
châtiment plus grave, de ne rien faire de ce
tez d'ici, c'est déjà là une exhortation et un
(|u'on nous dit, (juand nous l'entendons répé-
conseil. Car nous devons sortir dece lieu comme
ter à chaque instant. Ecoutez-en pour preuve
d'un sanctuaire divin , comme si nous descen-
la parole de Jésus-Christ Si je n^ciais venu et
:

dions des cieux mêmes, être réglés, être sages,


ne leur eusse parle, ils n'auraient point de pé-
tout faire et tout dire dans la mesure convena-
ché, mais maintenant leur péché n'a plus d'ex-
ble que l'épouse en voyant son mari revenir
;
cuse (Jean, xv, 22); et la |>arole de l'Apôtre :
de l'assemblée, que le père en voyant revenir
Car ce ne sont pas ceux qui entendent la loi qui
son fils, le fils, son père, le serviteur son maitre,
seront justifiés. (Rom. ii, langage
13.) Voilà le
l'ami son ami, et l'ennemi son ennemi, éprou-
(ju'il tient aux auditeurs; mais comme il veut
vent tous le sentiment de l'utilité que nous y
aussi apprendre à l'orateur que celui-ci non
HOMÊIIE SUR CE TE'vïï^ : Si TOW ENNEMI A FATM, ETC, «I
avons trouvée ; or c'est ce qui arrivera, s'ils vices à leurs élèves. Et vous aussi, considérez
s'aperçoivent que vous êtes devenus plus doux, votre gymnnsle , le bienheureux Paul ,
qui
plus sages et plus vertueux. Sonj^ez à quels après avoir mérité mille et mille couronnes,
mystères il vous est donné d'avoir part, vous est assis maintenant hors de l'arène de la
autres initiés, en quelle compaj^nie vous faites vie présente, et nous cric à nous autres lut-
monter au ciel cet hymne mystique, à quelles teurs, par la voix de ses Epîtres, ([uand il nous
Toix s'unissent les vôtres pour chanter le Trois aperçoit maîtrisés par la colère, par l'esprit de
du dehors que vous
fois sairU ! Apprenez à ceux rancune, subjtigués par la passion Si ton en- :

avez été associé au chœur des Séraphins, que nemi a faim, donne-lui à manger. (Rom. xu,
vous comptez parmi le peuple d en-haut, que 20.) Et comme le maître des athlètes leur di":

vous avez été inscrit dans la société des anges, En en faisant cela, tu triompheras
faisant ceci,
que vous vous êtes entretenu avec le Seigneur, de ton adversaire; de même saint Paul ajoute :

que vous avez été le compagnon de Jésus- Car en agissant de la sorte, tu amasseras des
Christ. Si nous savons nous régler conformé- charbons ardents sur sa tête. (Ibid. 20.) Mais
ment à ces pensées, nous n'aurons, au sortir tandis que je viens de lire ce texte, il est survenu
d'ici, nul besoin de parler à ceux qui sont de- dans mon esprit une question qui semble se pré-
meurés à l'écart par notre profit ils jugeront
: senter d'elle-même et fournir à beaucoup de
de leur perte, et ils se hâteront d'accourir, pour personnes un sujet de reproche contre saint
avoir part aux mêmes bienfaits. Leur propre Paul je veux aujourd'hui exposer ce point de-
:

sentiment leur fera voir l'éclat de la beauté de vant vous. Quelle est donc celte pensée que re-
votre âme alors, fusseut-ils les plus apattii-
;
cèle l'esprit de ces gens qui ne veulent pas exa-
ques des hommes, ils se prendront d'amour miner tout avec soin ? Saint Paul, disent-ils, en
pour cette majesté. Car si la vue de la beauté nous interdisant la colère, et en nous conju
corporelle nous ravit, à plus forte raison la rant d'être doux et modérés envers le prochain.
présence d'une belle âme est-elle capable de ne fait que nous aigrir davantage, et nous
nous stimuler, et d'éveiller en nous un zèle pousser au ressentiment. Car si cette parole.
pareil au sien. Ornons donc en nous l'homme Si ton ennemi a faim, donne-lui à manger ;
inlérieur , et rappelons-nous hors de ce lieu ce s'il a soif, donne-lui à boire, est un beau pré-

qui s'est dit , car c'est dehors surtout qu'il est cepte, plein de sagesee, et utile à celui qui
opportun de nous en souvenir et de même : l'accomplit ainsi qu'à celui qui en est l'objet ;

qu'un athlète fait montre dans l'arène de ce les paroles quiviennent ensuite nous jettent
qu'il a appris dans la palestre, ainsi devons- dans une grande indécision, et paraissent ne
nous témoigner, dans nos actions hors d'ici, pas s'accorder avec la pensée (jui a dicté les
des paroles que nous entendons en ce lieu. précédentes. Et quelles sont ces paroles ? C'est
5. Souvenez-vous donc de ce que l'on vous lorsqu'il dit : En agissant de la sorte, tu amas»
dit ici, afin que, lorsque vous serez sortis, et seras des charbons ardents sur sa tête. En effet,
que le démon vous attaquera par la colère, par un tel langage, il a fait tort à la fois à l'au-
par la vaine gloire, ou par quelque autre pas- teur de l'action et à celui qui en est l'objet. A
sion, vous puissiez facilement, en vous rappe- ce dernier, il embrase
en y plaçant des
la tête
lant nos instructions vous débarrasser des
, charbons ardents. Et le bien qui résulte pour
entraves du malin. Ne voyez-vous pas, dans lui d'être nourri et abreuvé, est-il comparable
les écoles de gymnastique, les gymnastes qui, au mal que lui font ces charbons entassés?
après des luttes innombrables, sont désormais Ainsi, continue-t-on à dire, l'Apôtre fait tort à
exemptés par leur âge d'en soutenir de nou- celui qui reçoit le bienfait, en lui faisant subir
velles, s'asseoir en dehors du terrain, mais un châtiment plus grand que son premier
tout contre, presque sur le sable même, et de malheur. Et quant au bienfaiteur, l'Apôtre ie
là, regardant ceux qui sont dans la palestre, et blesse aussi dans ses intérêts d'une autre ma-
qui luttent, leur crier qu'il faut saisir la main nière. En effet, quel profit cet homme peut-il
de l'adversaire, le tirer par la jambe, s'emparer retirer de sa bienfaisance à l'égard de ses en-
de lui par derrière ? Par ces conseils, et bien nemis, s'il agit ainsi par espoir de vengeance ?
d'autres du même genre fais comme ceci,
: Car un honnne qui donne à manger et à boire
comme cela, et tu renverseras facilement ton à son ennemi, afin d'amasser sur la tête de cet
antagoniste, ils rendent les plus grands sei^ ennemi des charbons ardents, n'est pas ua
i23 TRADUCTION FRANÇAISE DE SAINT JEAN cliliiSOSlOME.

homme charitable et bon, mais cruel et bar- ennemi. C'est presque comme si l'Apôtre disait :

bare, puisqu'au mo
en d'un faible bienfait, il Tu ne veux ['as nourrir par vertu celui qui t'a
lui attire un chàt.nent inexprimable. Que fait du tort; nourris-le donc par espoir d'être

pourrait-on voir de i>'us dur qu'un homme qui vengé. Car saint Paul savait qu'une fois que
en nourrit un autn pour amasser des char- cet homme aura goûté à la bienfaisance envers
bons ardents sur la t3te de celui à qui il donne son ennemi, elle deviendra désormais pour le
de quoi manger? Voilà l'objection telle qu'on bienfaiteur l'origine et le chemin de la récon-
la fait il reste mai. 'tenant à en produire la
: ciliation. 11 n'est personne, en eflet, non, per-
réfutation, afin que I on voie clairement toute sonne, je le répète, qui consente à avoir éter-
la sagesse du légisU ieur ressortir des raisons nellement pour ennemi celui dont il a satisfait
mêmes qui paraissent mettre en défaut les la faim et la soif, et cela bien qu'il ait com-
paroles de la loi. Celle réfutation, quelle est- mencé par agir ainsi dans l'espoir d'en êti-e

elle? vengé; car le temps, dans sou cours, relâche


Ce grand homme, :e généreux apôtre savait l'intensité de la colère même. Et, comme le
bien que chose pénible et difficile que de
c'est pêcheur n'attirerait pas le poisson s'il lui pré-
se réconciher promj tcment avec un ennemi, sentait à découvert l'instrument meurtrier,
et que la difficulté, 1 lourdeur de celte tâche
1 tandis que l'hameçon, étant enveloppé, pénètre
tient moins à sa inture ])ropre qu'à notre inaperçu dans la bouche de l'animal qui s'a-
paresse; aussi, nous a-t-il connnandé non- vance; de môme, si l'Apôtre n'eût point fait
seulement de nom réconcilier avec notre apparaître à l'offensé l'expectative d'une puni-
ennemi, mais encore de lui donner à manger, tion de l'otfense, il ne lui aurait point persuadé
ce qui nous est bien plus à charge que le pre- d'entreprendre de faire du bien à celui d'où
mier point. Car, s'il 3st des personnes que la lui venait l'injure. Voilà donc des hommes qui
seule vue de ceux q^ li leur ont nui exaspère, fuient la présence d'ennemis qu'ils ne peuvent
comment se résouci ront-elles à les nourrir souffrir, d'ennemis dont la seule vue leur
quand ont faim? Que dis-je? la seule vue !
ils inspire du dégoût!
Saint Paul veut persuader
Rien qu'à leur so avenir renouvelé devant à ces hommes de combler ces ennemis des plus
nous, à leur nom prononcé, la plaie de notre grands bienfaits. Dans ce but, il leur parle de
âme rouvre et :îon irritation augmente.
se ces charbons ardents, non pas dans l'intention
Saint Paul savait tout cela; et, comme il vou- de faire retomber sur ces mêmes ennemis un
lait rendre facile et aisée cette tâche rude et chàlimcnt sans ressource, mais afin qu'après
épineuse comme il voulait persuader à
, avoir persuadé aux offensés de faire du bien à
l'homme qui ne pe. .t pas même soutenir la leurs ennemis dans l'attente d'une punition
vue de son ennemi c en venir jusqu'à lui faire pour ceux-ci, il persuade aux premiers, avec
du bien, il a parlé ie ces charbons ardents, le temps, de déposer tout ressentiment a l'é-

afin que cet hommo, excité par l'espérance gard de CCS mêmes ennemis.
d'être vengé, coure f \ire du bien à celui dont G. Voilà connue l'Apôtre a su apaiser la vic-
il avait à se plaindre. De même qu'un
pécheur time de l'ofltnse. Maintenant, examinez com-
enveloppe de toutes parts l'hameç^-on dans l'a- ment il sait encore rapprocher de la personne
morce pour le préseï ter aux poissons, de sorte lésée l'auteur de l'injustice. C'est d'abord par
que ceux-ci, accourant vers leur nourriture le procédé de la bienfaisance; car il n'est point
habituelle, soient pris grâce à ce moyen et fa- d'homme assez dépravé ni insensible pour ne
cilement saisis; ainsi l'apôtre saint Paul, vou- pas être disposé à devenir le serviteur et l'ami
lant amener l'ofl'ensé à faire du bien à l'auleur de celui qui lui a donné de qi oi boire et de
de l'offense, ne présente pas à celui-là lliame- quoi manger. En second lieu, c'est par la
çon de la sagesse tout à nu mais il se serl de ; crainte de la vengeance; en effet, si l'Apôtre
ces charbons ardents comme d'un appàl pour semble s'adresser au bienfaiteur en disant :

le recouvrir, et c'est par l'espoir d'un châti- E?i Of/iSSiOit de la sorte, tu amasseras drs char-
ment qu'il convie ce li (jui a roru l'injure à bons ardents sur sa tète, c'c st surtout à l'auteur
devenir le bienfaiteir de celui qui l'a faite; de linjure qu'il s'en prend; il veut, par cette
puis,quand il y est a; rivé, il le retient désor- crainte, renq)êcher de persister dans son ini-
mais et ne lui permet i)as de sécliapper, la mitié; en lui faisant comprendre que cette
nature même de son action l'attachant à sou nourriture, celte boisson qu'il a reçus lui por-
IIOMKUE SUR CE TEXTE : SI TON ENNEMI A FAIM, ETC. 123

toront le plus grand prêjiulice s'il persévère il ne permet pas qu'il demeure dans ce cou-
tloiis sa haine, il veut qu'il renonce à ce res- pable espoir de se voir vengé. Voyez-vous bien
pL'uliinent, car ce sera le moyen pour lui d'é- maintenant la sagesse du législateur? Et pour
toindre ces chai houe ardents. Ainsi, l'expecta- vous montrer qu'il a formulé cette loi à cause
tive du châtiment (jui doit punir l'un et venger de la faiblesse des gens qui sans cela n'au-
l'autre entraîne l'otTensé à faire du bic» * son .«•aJent pas eu le courage de se rapprocher
agresseur, et en même temps elle cITi'hye ce écoutez comment Jésus-Christ, en donnant h
dernier, le met sur ses gardes et le pousse à la même précepte, s'est gardé d'y attacher la mê me
réconciliatioi: avec cdui dont il a reçu nourri- récompense. Après avoir dit : Aimez vos en-
ture tt boisson. L'Apôtre a donc trouvé un nemis, faite'i (lu bien à ceux qui vous haïssent
double lien |)0ur les rapprocher : celui de la (Malth. v, il), ce que l'on fait lorsqu'on leur
bienfaisance et celui de la vengeance. C'est que donne à manger et à boire, il n'a pas ajouté :

le point difticile est de commencer ; c'est de car en agissant de la sorte vous amasserez des
trouver une introduction à la réconciliation : charbons ardents sur leur tête; qu'a-l-il ajouté?
la voie une fois ouverte, n'importe de quelle Afin que vous deveniez semblables à votre Père
manière, tout ce qui suivra sera facile et aisé, qui est dans deux. Cela devait être car il s'en- :

iiien que celui qui a souffert l'injure nourrisse tretenait alors avec Jacciues et Jean, et le reste
d'abord son ennemi dans l'espoir que ce der- du collège apostolique, et c'est pourquoi il leur
nier sera puni, comme cet acte même de le propose cette récompense. Que si vous dites
nourrir fera du bienfaiteur un ami , celui-ci que le précepte est pénible, même à ces con-
deviendra capable de rejeter de se voir le désir ditions, d'abord vous ne que mieux jus-
faites
vengé; car, d'ennemi étant devenu ami, ce ne langage de saint
tifier le Paul et puis vous
; ,

pourrait plus être dans la même attente qu'il vous enlevez à vous-même toute excuse. Com-
nourrirait désormais celui qui s'est réconcilié ment cela? C'est que le commandement que
avec lui. Et d'autre part l'agresseur, voyant sa vous trouvez pénible, je vais vous le montrer
victime se résoudre à lui donner à boire et à observé dans l'Ancien Testament, alors qu'une
manger, est à la fois touché par ce fait même sagesse aussi grande n'était pas encore dévoilée.
et effrayé du châtiment qui lui est réservé : ii Car saint Paul n'a pas énoncé cette loi dans des
renonce donc à toute haine, fùt-il mille et termes à lui , mais il a employé les propres
mille fois de fer, de roc, et dépourvu d'en- expressions dont s'était servi celui qui l'avait
trailles; car il est confondu de voir la bonté de autrefois formulée et c'est pour ne laisser
;

celui qui lui donne la nourriture, et il redoute aucune excuse à ceux qui ne l'observent pas.
la punition qui lui reviendra si, après avoir En effet, celle parole Si ton ennemi a faim,
:

été nourri par lui, il continue à le haïr. donne-lui à manger; s'il a soif, donne-lui à
C'estpourquoi saint Paul ne s'en tient pas boire^ n'est pas primitivement de saint Paul,
encore dans son exhortation mais qu'après
là ; mais de Salomon. (Prov. xxv,21,22.) Il a donc
avoir éteint le ressentiment de l'un et de l'autrCj employé les mêmes termes, pour persuader à
il rectifle leur intention en disant Ne vous
, :
son auditeur que c'est le comble de la honte
laissez point vaincre par le mal. (Rom. xii, 21 .
) de regarder comme pénible et à charge, au-
Car si tu continues, veut-il dire, à garder ran- jourd'hui qu'elle est élevée à un tel degré de
cune et à te venger, tu as l'air de vaincre ton sagesse, une loi ancienne et souvent pratiquée
ennemi, mais en réalité tu es vaincu par le par les hommes d'autrefois. Et qui, direz-vous,
mal, c'est-à-dire par le ressentiment; ainsi l'apratiquée parmi les anciens? Entre beaucoup
donc, si tu veux être vainqueur, réconcilie-toi, d'autres, David surtout, avec une plus grande
et ne recommence pas les attaques. Car la vic- supériorité. Il ne s'est pas contenté de donner
toire éclatante consiste à vaincre le mal par le à manger et à boire à son ennemi, mais à
bien, c'est-à-dire par le support du mal reje- , diverses reprises, quand cet ennemi était en
tant la colère et le ressentiment. Mais l'homme péril, David l'a arraché à la mort; il était maître
offensé n'aurait pu, dans son effervescence, de l'égorger, et il s'en est abstenu, une première
supporter tout d'abord de telles paroles. Aussi fois, une seconde et plus tard encore. Depuis
,

n'est-ce qu'après avoir donné satisfaction à cette qu'il avait comblé Saùl de bienfaits, remporté
fougue que saint Paul amène cet homme jus- de si éclatantes victoires et sauvé le peuple en
qu'au motif le plus parfait de la réconciliation : tuant Goliath, Saul le haïssait tant, il avait pour
iU TRADUCTION FRANÇAISE Dï, SAINT JEAN CIIRYSOSTOME.

lui une telle aTersion, qu'il ne souffrait même savez fort bien que nous nous jetons plus
pas qu'on le nommât en sa présence, et qu'il volontiers dans les entreprises pleines de faci-
rappelait par le nom de son père. Car un cer- lité, et que l'espoir du succès fait naître en
tain jour de fête, Saùl ayant machine une ruse nous un plus grand désir d'agir c'était le cas :

contre David , lui ayant dressé de cruelles où se trouvait David.


embûches, et ne le voyant pas arriver : Ouest, N'était-il pas en outre conseillé, excité par le
dit-il, le fils de Jessé? (I Rois, xx, 27.) Il l'ap- chef de l'armée ? N'avait-il pas le souvenir de
pelait par le nom
de son père, d'une part à ce qui s'était passé ? Eh bien rien de tout !

cause de cette haine qui lui rendait le nom de cela ne le poussa au meurtre, et la facilité
David insupportable, et aussi parce qu'il croyait même de cette immolation l'en détourna il :

que de ce père ternissait la


la basse naissance réfléchit que Dieu le lui avait li-vTé précisément
gloire de ce justo pensée misérable, in-
;
pour lui fournir un plus grand sujet, un plus
sensée, car avant tout, eût-il eu quelque chose grand motif de sagesse. Peut-être vous éton-
à reprocher à Jessé, cela ne faisait aucun tort nez-vous qu'il ne se soit souvenu d'aucun de
à David. Car chacun est responsable de ses ses maux passés quant à moi, je l'admire
;

propres actions, et c'est par là que chacun de pour quelque chose de bien plus grand et :

nous mérite les éloges ou


blâme. Mais,
le quelle est celte autre raison? C'est que même
n'ayant rien à lui riprocher de mal, il mettait la crainte de l'avenir ne Tait pas poussé non
en avant la bassesse de son extraction, se plus à s'emparer de son ennemi. Car il savait
figurant qu'il obscurcirait ainsi l'éclat de sa parfaitement que Saûl, une fois échappé de ses
gloire, et cela même était de la dernière folie. mains, recommencerait à se tourner contre
Quel sujet de blâine en effet, d'être né de lui mais il aima mieux courir lui-même des
;

parents obscurs et infimes? MaisSaûI ne savait dangers après avoir laissé échapper celui dont
pas voir les choses avec cette sagesse. Il appe- il avait à se plaindre , que pourvoir a sa
lait donc David ùe Jessé mais David, quand
fils ; propre sûreté en s'emparant de cet adversaire.
il trouva Saûl endormi dans la caverne, ne Que pourrait -on trouver d'égal à cette âme
l'appela pas fils de Cis; il lui donna son nom grande et généreuse qui , sous une loi qui
d'honneur Que je ne porte pomt ma main y
: ordonnait de crever œil pour œil, d'arracher
dit-il, sur l'oint du Seigneur ! (I Rois, xxvi, 14 .) dent pour dent, de se venger enfin en rendant
Tant David était pur de toute colère et de tout la pareille (Deuter. xix, 21), non-seulement n'a
ressentiment I il appelle l'oint du Seigneur point agi ainsi, mais encore a fait preuve d'une
celui qui lui a fait tant de mal, celui qui a soif sagesse bien supérieure ? Pourtant , s'il eût
de son sang celui qui après mille bienfaits
, alors tué Saùl , il eût, même dans ce cas, con-
reçus de lui, a tenté plusieurs fois de le faire servé sans tache sa réputation de sagesse, non-
périr. C'est qu'il ne considérait pas quel châ- seulement pour s'être vengé sans avoir été le
timent Saûl méritait; mais bien ce qu'il était premier et injuste aggresseur, mais aussi pour
convenable à lui, David, et de faire et de dire; avoir surpassé par sa grande modération le
or c'est là la dernière limite de la sagesse. précepte Œil pour œil. Car ce n'est pas pour
:

Quelle est cette conduite? tu tiens ton ennemi un seul meurtre qu'il en eût accompli un ;
comme emprisonné, il est attaché par une Saûl ayant essayé de le tuer, non pas une fois,
double chaîne, par une triple chaîne, l'exiguïté ni deux, mais à plusieurs reprises, c'eût été
de l'endroit, l'absence de tout secours, la cap- pour ces ditîérontes morts que David lui en
tivité du sommeil, et tu ne lui fais pas subir ta aurait donné une seule mais en outre, l'ap-
;

justice, ta vengeance? Non, répond-il; car je préhension où il était de l'avenir pouvait lui
n'examine pas en ce moment de ciuellc peine faire prendre le parti de la vengeance; et cette
il est digne, j'examine ce (pi'il m'est séant de considération, jointe aux précédentes, lui as-
faire. David ne regarda pas à la facilité du sure dans toute sa plénitude la couronne de la
meurtre, mais il eut en vue l'exact accomplis- patience des injures. Car si , irrité contre Saûl
sement d'un devoir dicté par la sagesse. Et de ce qui avait eu lieu, vengé de lui,
il se fût
pourtant, de toutes les circonstances où il se il n'aurait pas droit aux éloges dus à cette pa-

tiouvait, quelle est celle qui n'était de nature tience si au contraire, ayant mis en oubli tous
;

à le déterminer à tuer Saùl? Son ennemi ne les faits |)assés, faits nombreux et graves, mais

lui était-il pas livré tout encbuiné ? Or vous en même temps craignant pour l'avenir et
HOMÉLIE SUR CE TEXTE : SI TON ENNEMI A FAl5l, ETC. 125

pourvoyant à sa propre sûreté il eût jugé que , nécessaire, plutôtque de continuer à mener
cela le ferrait à prendre le parti de la ven- dans son pays une vie qui aurait fait le tour-
geance dans ce cas personne ne lui refuserait
;
ment de son insidieux persécuteur. Quoi de
les couronnes de la modération. plus doux que cette âme ?
11 avait réellement

7. Eh David n'a pas nicine fait ainsi :


lien ! bien raison de dire Seigneur, souviens-toi de
:

il a trouvé une sorte de t-agosse nouvelle et David et de toute sa mansuétude. (Psaume


extraordinaire , et ni le souvenir du passé, ni cxxxi, 1.) Imitons-le donc, nous aussi ; ue di-
la crainte de l'avenir, ni les sollicitations du sons aucun mal de nos ennemis, ne leur en
chef de l'armée, ni la solitude dn lieu, ni la faisons aucun; faisons-leur même du bien
facilité du meurtre, rien en un mot ne put dans la mesure de nos lorces, car ce sera nous
le déterminer à tuer Saùl il épargna cet ; en faire encore plus qu'à eux-mêmes. Car, dit
ennemi, ce persécuteur, comme il eût fait l'Ecriture, si vous pardonnez à vos ennemis il ,

d'un bienfaiteur t[ui lui eût rendu do grands vous sera pardonné. (Mat th. vi, i4.) Pardonnez
services. Quelle excuse aurons-nous donc les fautes aux serviteurs, afin d'obtenir, pour
nous qui nous souvenons des offenses passées, du Maître; si les fautes
vos fautes, l'indulgence
qui nous vengeons de ceux qui nous ont con- commises envers vous sont grandes eh bien 1 ,

tristés, lorsque ce grand personnage (jui , sans plus elles le sont, plus sera grande aussi, si
avoir fait de mal, avait eu tant à souilrir, et vous les pardonnez, l'indulgence que vous
qui s'attendait que des maux plus nombreux obtiendrez vous-mêmes. Car c'est pour cela
encore et plus cruels lui reviendraient du salut que nous avons été instruits à dire Pardonnez-
:

de sou ennemi, nous donne l'exemple d'un ri'ius, comme nous pardonnons (Ibid. 12) c'est ;

ménagement tel, qu'il préfère courir lui-même afin que nous sachions que la mesure du par-
des dangers, et vivre dans la crainte et l'anxiété don vient en premier lieu de nous-mêmes. De
plutôt que d'immoler comme il en , avait le sorte que, plus les maux «[u'un ennemi nous
droit, l'homme qui doit lui créer mille et mille fait sont cruels, plus il nous lait de bien. Effor-

tourments ? çons-nous donc et hàtons-nous de nous récon-


Il nous a donc prouvé sa sagesse, non-seule- cilier avec ceux qui nous ont persécutés que ,

ment en ne tuant pas Saiil , quand la nécessité leur ressentiment soit justu ou injuste. Car en
était si pressante, mais encore en ne proférant vous réconciliant ici-bas vous vous exemptez
,

contre lui aucune parole d'outrage, et cela, du jugement d'en-haut; si, au contraire, ]>en-
quand celui qui aurait été insulté ne devait dant que votre inimitié subsiste encore, la
point l'entendre. Et à nous, il nous arrive sou- mort survenant surprend cette haine et l'em-
vent de dire du mal même de nos amis lors- porte, il est nécessaire qu'ensuite le comjiteen
qu'ils ne sont pas là David lui , n'a pas mal
; , soit rendu là-haut. Ainsi, suivons l'exemple
parlé, même de son ennemi d'un ennemi qui , d'une foule de gens qui, ayant des contesta-
l'avait tant persécuté. Voilà donc ce qui nous tions entre eux, s'atTranchissent de bien des
fait voir sa sagesse et quant à sa miséricorde,
; frais, des craintes et des. dangers, en s'arran-
à sa bonté sous tous les rapports, elle éclate geant à l'amiable, sans comparaître au tribu-
dans ce qu'il fit ensuite. 11 coupa la frange du nal, parce que leur affaire se termine à la satis-
manteau de Saùl, emporta son urne d'eau, et faction des deux parties ; lorsqu'au contraire
s'en alla au loin puis, s'arrêtant, il cria (1 Rois,
;
ils s'adressent au juge, chacun de leur côté, il

XXIV, 5, et XXVI, ^3 etsuiv.), et montra ces en résulte de l'argent dépensé, souvent des
objets à celui qu'il venait de laisser sain et vengeances, et il reste entre eux une haine in-

sauf; ce qu'il ne fit pas par ostentation et par destructible. De même, parmi nous, si nous
orgueil, mais dans l'intention de le persuader terminons nos différends pendant cette vie,
par ses actes, qu'il était mal fondé et qu'il per- nous nous déhvrons de tout châtiment mais ;

dait sa peine à le suspecter comme un ennemi ;


si, toujours ennemis, nous paraissons devant

il s'efforçait par là de le ramener à son amitié. le redoutable tribunal, la plus rigoureuse con-
Mais n'ayant pas réussi, même par cette con- damnation nous sera certainement infligée par
duite, à persuader Saùl, et, quoique pouvant se la sentence du divin Juge les deux parties
:

défaire de lui, il préféra s'exiler de son pays et subiront un châtiment inévitable; celle dont
aller vivre à l'étranger, éprouvant des peines le ressentiment est injuste sera punie pour
journalières pour se procurer la nourriture cette injustice même, et celle dont le ressenti-
1S6 TRADUCTION FRANÇAISE DE SAINT JEAN CHRYSOSTOME.

ment est fondé sera punie pour s'être souve-


, tout cela réfléchissons à la rémunération qui
,

nue du mal, quelque réel qu'il fût. Quand y est attachée, au peu de peine et d'efforts qu'il
même, en effet, nous aurions souffert quel(iue en coûte pour effacer nos fautes, et pardonnons
mal injustement nous devons le pardonner à
, à ceux qui ont eu des torts envers nous. Car ce
ceux qui l'ont commis. Voyez comme Noire Sei- que d'autres obtiennent à peine par les jeûnes,
gneur exhorte et presse ceux qui ont fait quelque les gémissements, les prières, le sac et la
to^' et quelque injustice, i)Our qu'ils se réconci- cendre, et des confessions multipliées, je veux
lient avec ceux qu'ils ont olTcnsés Situ apportes, . dire de faire effacer leurs péchés, il nous est
dit-il, ton présent devant l'autel et que là, tu , donné d'y parvenir aisément sans sac , ni
te rappelles que ton frère a quelque chose cendre , et sans jeûne, si seulement nous effa-
contre toi, va d'abord te réconcilier avec ton çons de notre cœur le ressentiment et si nous
frère. (Matth. v, 23, 24.) 11 n'a pas dit : Dispose pardonnons avec sincérité à ceux qui nous ont
ton sacrifice et offre-le ; mais : Va te réconci- offensés. Que le Dieu de paix et d'amour, ban-
lier, et après cela, oflre-le. Laisse d'abord là le nissant de notre âme toute colère, toute amer-
sacrifice, afin que la nécessité de l'offrir con- tume daigne nous accorder
et toute irritation ,

traigne bon gré mal gré celui qui a contre toi d'être intimement unis ensemble comme les
un juste ressentiment, à venir se réconcilier. membres d'un même corps, afin de pouvoir,
Voyez ensuite comment il nous exhorte à aller un même esprit comme d'une seule
tous dans
trouver celui qui nous a irrité Remettez, dit- : bouche et d'une seule âme, faire monter con-
il, les dettes à vos débiteurs,
afin que votre Père tinuellement vers lui les hymnes d'actions de
vous remette aussi vos fautes. (iMarc, xi, 25.) grâces qui lui sont dues , car c'est à lui qu'ap-
Car ce n'est pas une petite récompense qu'il partiennent la gloire et la puissance , dans les
nous a proposée elle surpasse de beaucoup la
: siècles des siècles. Ainsi soit-il.
grandeur de la bonne action. Peasous donc 4

IVvAn/ par M. MALVQJSill


HOMÉLIES SUR PRISCILLE ôz AQUIT.A
(ROM. XVI, 3.)

PREMIÈRE HOMÉLIE.

AVERTISSEMENT.

Nous n'avons pu découvrir, dans ces deux homélies, presque rien qui nous indique à quelle époques elles ont été prononcées. La
seule chose que nous puissions dire, en nous appuyant sur une conjecture assez probable, c'est qu'il est vraisemblable qu'elles

l'ont été à Aiilioche. de ce que l'orïlèur dit eu quelques passages sur les prôlres de la vile où il était, on peut arguer,
En cffot,

ce semble, encore que simple pièlre ; mais l'endroit le plus srjnificatif, c'est au paragraphe cinq de la seconde
qu'il u'élail
homélie, quand il réprimande ses auditeurs, les uns pour les injures et les paroles outrageantes qu'ils proféraient contre les
prêtres, et les autres pour entendre ces mauvais propos sans les réprimer ; il leur dit alors Quoi de plus heureux qu^eux :

et guoi de plus infortuné que nous? puisqu'ils ont donné leur sang, leur vie, pour ceux qui les ont instruits, et que
souvent nous n'osons pas même proférer le moindre mot en faveur de nos pères communs, jntp rdv xo(vwv nuTipcav,
mais que lorsque nous les entendons outrager et lâchement insulter tant par nos proches que par les étrangers, nous ne
fermons pas la bouche à ceux qui parlent ainsi, nous ne nous opposons pas, nous ne les rep-enons point. Il ne semble
assurément pas que ce soient là les paroles de Chrysosiome, déjà évèque de Constantinople ; car s'il eût déjà été évêque, il

n'imail pas appelé pères communs, ces prêtres qu'on insultait; il est plus vraisemblable que, v yant accabler d'injures les

prêtres de l'Eglise d'Antioche, plus vieux que lui, il les considère comme ses pères, et leur en donne le nom. En outre Chry-
sosiome, dans ces deux homélies, s'attache à déraonlrer, comme
dans beaucoup d'autres discours, que les titres des livres, les
noms propres, les salutations, et jusqu'aux moindres particules de l'Ecriture sainte, ne sont pas superflues, et doivent être exa-
minées à fond ; or, lorsqu'au début de la seconde homélie il fait mention de ces titres et de ce noms propres en disant :
Apa l/jàetTt xal Ini'/pxpà;, xxi àjôfjLxrx /.ai 'pàài nspispyx!;î(sO:ii -pospr,-:-ii N'avez-vous pas jpris à Scruter les titres,
;
i

les noms propres, et les simples formules de salutation ? Il semble bion faire allusion à huit hor.iélies qu'il avait prononcées
Actes des Apôtres et sur d'autres de l'Ecriture sainte, et quatie sur les noms propres et
à Antioche, quatre sur le titre des
leurs changements. C'est donc encore une raison de croire que les deux homélies suivantes ont été prononcées dans celte même
Till«; car il est bien clair qu'il s'adresse au même peuple qui avait entendu les homélies que Chrysostome rappelle.

ANALYSE.

!• 11 n'y a rien de superflu dans l'Ecriture sainte. D'où sont nées les hérésies. 20 Ce qu'il faut considérer dans la salutation eu
question. Paul salue des ouvriers et des pauvres. Ce qui fait la noblesse. H ne faut pas blâmer le mariage. Ce ne sont pas seule-

ment lesparoles des saints qui sont instructives, mais encore leur vie. —
3° Péroraison du discours et exhortation morale au
travail des mains. Nous ne devons pas avoir honte du travail et de la condition d'artisan.

d. Il en est, je pense, plusieurs parmi \o\ià quoique j'eusse aujourd'hui jeté mes vues d'un
qui s'étonnent du passage de l'Apôtre qu'on autre côté, je renonce àc", premier sujet, et je

vient de vous lire, ou plutôt, qui considèrent me dispose à aborder cel li-ci, pour vous ap-
cette partie de son épître comme accessoire et prendre que dans les saintes Ecritures rien
superflue ,
parce qu elle ne contient qu'une Yest superflu, rien n'est nccessoire, fût-ce un
succession continuelle de salutations. Aussi seul iota, un seul accent, et qu'une simple sa-
428 TRADUCTION FRANÇAISE DE SAIN^f JEA^ CHRYSOSTOME,

lulation nous ouvre souvent un océan de pen- les livres, qu'il ne connaissait point de re-
sées. Et que dis-je, une simple salutation? lâche, même en voyage, et qu'assis dans sa
Souvent l'addition d'une seule lettre de l'al- voiture il s'appliijuait à une lecture fort atten-
phabet apporte avec soi tout un ensemble de tive des divines Ecritures (Act. vin, 27 et suiv.);
pensées fécondes. C'est ce qu'on peut voir à pro- et nous ,
qui n'avons pas la millième partie de
pos de l'appellation d'Abraham. Celui qui reçoit ses occupations, nous sommes étrangers au
une lettre de son ami ne se contente pasdelire nom même des épîtres, et cela, quand chaque
le corps même de cette lettre, il lit aussi la sa- dimanche nous nous rassemblons en ce litu
lutation qui est au bas, et c'est par là surtout pour profiter de l'audition de la parole sainte.
qu'il juge de la disposition de celui qui a écrit. Eh bisiil donc, car je ne voudrais pas employer
Et quand c'est Paul qui écrit, ou plutôt, non tout mon discours à vous faire des reproches,
pas Paul, mais la grâce de l'Esprit-Saint qui voyons donc un peu ensemble cette salutation
adresse une lettre à une ville entière, à uu Qvi a l'air inutile et gênante. Car si nous l'ex-
peuple si nombreux, et par eux à tout l'uni- pliquono et si nous faisons voir tout le profit
,

vers, n'est il pas déi»lacé de croire qu'il y ait qui en revient à ceux qui y fout bien attention,
dans le contenu quelque chose d'inutile, et de alors le reproche n'en sera que plus grand
passer légèrement à côté, sans réfléchir que contre ceux qui négligent de pareils trésors et
c'est là ce qui a tout bouleversé? Oui, ce qui qui rejettent loin d'eux les richesses spiri-
nous a plongés dans cet abhne de tiédeur, c'est tuelles qui sont entre leurs mains. Quelle est
de ne pas lire les Ecritures dans leur entier, donc cette salutation ? Saluez , dit saint Paul

c'est de faire un choix de ce qui nous paraît mes coopérateurs dans le


Priscille et Aquila,
le plus clair, sans tenir le moindre compte du Seigneur. (Rom. xvi, 3.) Ne trouvez-vous pas
reste. C'est ce qui a môme introduit les héré- que voilà une bien insignifiante formule, et
sies que de ne pas vouloir étudier tout l'en- qui ne nous oflre rien de grand, ni de noble ?
sembie et de croire qu'il y avait du superflu, Eh bien ! c'est pourtaut à elle seule que nous
de l'accessoire. Aussi, tandis qu'en tout le reste consacrerons tout cet entretien, ou plutôt, nos
nous avons poursuivi, non-seulement le su- efforts n'auront même pas assez d'aujourd'hui

perflu, mais encore l'inutile et le nuisible, l'é» pour épuiser devant >ous toutes les pensées
tude des Ecritures est restée négligée et mé- renfermées dans ces queUiucs mots nous se- ;

prisée. Ceux qui ont la frénésie d'assister aux rons forcés de réserver pour un autre jour le
courses de chevaux, savent bien vous dire avec surplus des méditations que cette brève saluta-
la dernière exactitude le nom de chaque che- tion fera surgir. Car pour aujourd'hui ,
je n'ai
val, à quelle troupe il appartient, quelle est sa pas en vue de la considérer tout entière ;
je
race , son âge , et sa force comme coureur ; ils n'en examinerai qu'une partie, le commence-
vous diront lequel, attelé avec quel autre, en- ment, le début Saluez Priscille et Aquila.
:

lèvera la victoire ;
quelle bète enfin ,
partie de 2. Et d'abord, on a lieu d'être frappé de la
quelle barrière, et avec quel écuyer, aura le vertu de Paul, aux soins de qui l'univers entier
pas sur son concurrent, et obtiendra le i)rix de avait été remis, et qui, ayant à s'inquiéter de
la course. Les gens qui ont fait de la danse la terre et de la mer, de toutes les villes que le
l'objet de leur étude, nous olfrcnt l'exemple soleil éclaire, des Crées et des Rarbares, enfin
d'une folie non moins grande, i)lus forte même d'un si grand nombre de peuples, montrait
encore, à l'égard de ceux ([ui exposent leur tint de préoccupation jtuur un seul honune et
honte sur les théâtres je veux dire les mimes
, une seule fennne; une autre chose encore
puis,
et les danseuses ils vous débitent leur famille,
: est admirable, c'est ce qu il fallait à son âme de
leur patrie, leur éducation, et tout le reste. Et vigilance et de sollicitude pour se souvenir
nous, quand on nous demande combien il y a non-seulement de tous en général mais eu ,

d'épîlres de saint Paul, et ce (in'elles sont, particulier de chaque personne estimable et


nous ne pouvons même pas en dire le nombre. vertueuse. De nos jours, cela n'a rien d'éton-
Et s'il y a quelques personnes qui le sachent, nant de la part de ceux qui sont à la tête des
on les embarrasse en leur demandant à ciuellts Eglises, car les troubles d'alors sont ai);iises, et

villes elles furent envoyées. Ainsi, uu eunu- les prélats ne sont plus charges que du soin
que, un étranger, préoccupé d'une infinité d'une seule ville; tandis que, dans ce temps-là,
J'dlDùre^ diverses» avait tant d'a:^:>idui non-sculemeullagraudcui' des dangers, mais
HOMÉiMLS PKBIlthE HOMIlLIË. 120

aussi les distances, les nombreuses préoccupa- les rois mêmes ; cela est reconnu de tout hî

tions, le (lux et rellux perpétuel des événe- monde. En effcît , l'homme qui commandait
ments, rinipossibililé d'être toujours au milieu aux malins esprits, qui ressuscitait les morts,

de tous, et bien d'autres inconvénients plus qui pouvait d'une seule injonction rendre les
graves que ceux-là, étaient de nature à bannir gens aveugles et guérir ceux qui l'étaient,
de sa mémoire les gens môme les plus recom- l'homme dont les vêtements et l'ombre elle-

mauddbles. Mais non, il n'en perdit pas le sou- même dissipaient toute espèce de maladie ,

venir. Et comment cela fut-il possible? C'est était bien évidemment non plus
regardé
que Paul avait l'a nie grande et une charité comme un homme , mais comme un ange
ardente etsincère. Il avait ces personnes-là telle- descendu des cieux. Malgré cela, avec toute
ment présentes à sa pensée, qu'il en faisait sou- cette gloire dont il jouissait, cette admiration
vent mention même dans ses lettres. Mais voyons qui le suivait en tous lieux, tous les regards se
quel était le caractère, la condition de ces fi- fixant sur lui n'importe où il s(î montrait, il ne
dèles qui captivèrent Paul à ce point, et s'atti- rougissait point d'un faiseur de tentes, et il ne
rèrent son afl'ection personnelle. C'étaieif Itensait pas avilir la dignité des personnages
peut-être des consuls, des préteurs, des pi( si haut |tlacés. ('ar dans l'Eglisr? de Home il y

curateurs, d'autres dignitaires illustres, ou i


avait naturellement bien des personnages illus-
ces grands, de ces ricbes qui mènent la \i tres, qu'il chargeait ainsi de saluer ces pauvres

comme ils veulent? Non, rien de pareil, m; gens. C'est (pi'il savait, il savait parfaitement
tout à fait le contraire : des pauvres, des iiiii que la noblesse ne vient pas de l'éclat de la
gents vivant du travail de leurs mains. Carlcj fortune, de l'abondance des richesses, mais de
état, dit l'Ecriture, était de fabriquer des tel la bonne conduite de sorte que si l'on est dé-
;

tes; etPaul n'avait point honte et ne regard: pourvu de celte dernière, et ([ue l'on s'enor-
nullement comme un opprobre pour la vil. gueillisse de la gloire de ceux auxquels on doit
royale par excellence et pour ce peu|)le or le jour, on se pare seulement du vain nom de
gueilleux, de lui recommander de saluer ces la noblesse, sans en avoir la réalité; disons
artisans ; il ne croyait pas faire injure aux Ro- mieux, il se trouve souvent que le nom même
mains par l'amitié qu'il portait à ces mêmes est dérobé, s'il prend idée à quehiu'un de re-
artisans : tant il avait appris alors la véritable monter plus haut que ces nobles ancêtres. Tel
sagesse à tous les fidèles. Et nous, quand nous en effet, illustre et en vue lui-même, ficut en-
avons dans notre famille des gens un peu plus core nommer un père et un aïeul célèbres;
pauvres que nous, souvent nous les excluons mais en cherchant bien, vous lui trouverez

de noire familiarité ; nous nous croirions souvent un bisaïeul obscur et sans nom de ;

déshonorés, si l'on venait à découvrir qu'ils même que si nous voulons scruter, en remon-
tiennent à nous par quelque parenté. Ce n'é- tant par degrés, toute la généalogie de ceux
tait pas ainsi que se comi)ortait Paul loin de : que nous croyons de basse naissance nous ,

là, ileu tire gloire, et il proclame non-seuJe- leur trouverons souvent pour aïeux éloignés
ment devant sou époque, mais pour tous les des procurateurs, des préteurs, dont les des-
âges à venir, que ces faiseurs de tentes occu- cendanls ont fini par devenir des éleveurs de

paient un des premiers rangs dans son amitié. chevaux, des engraisseurs de porcs. Kieu de
Et qu'on ne vienne pas me dire Qu'y a-t-il : tout cela n'échappait à saint Paul aussi fai- :

donc de grand et d'admirable, ([u'ayant lui- sait-il peu de cas de cette sorte d'avantages,
même cet état, il n'ait point rougi de ceux de mais il cherchait la noblesse de l'àme, et il ap-
son métier? Comment? C'est précisément là prit aux autres à admirer cette qualité. En atten-
ce qu'il y a de plus grand, ce qu'il y a d'ad- dant, nous tirons de là un fruit ([ui n'est pas mé-
mirable Lorsqu'on peut citer des ancêtres
! diocre , c'est de ne rougir d'aucun de ceux
illustres , on rougit moins de ceux dont la dont la condition est plus humble que la nôtre,
position est iu(ime comparée à la nôtre, que de rechercher la vertu de l'àme, et de consi-
lorsque , d'une condition jadis aussi humble dérer comme superfiues et inutiles toutes les
que la leur, on s'est ensuite élevé tout d\v> circonstances qui nous sont extérieures.
coup à un certain éclat, à un poste en vue. 0^^ y a encore un autre avantage non moins
3. Il
personne alors n'était plus illustre, ni plus en grand à en recueillir, et qui, mis à profit,
évidence que Paul, il était plus célèbre que exerce où. ne peut plus d'inUuence sur la règly

ToîJK iV.
130 TiUDUCTlON FKAiNÇAlSE DE SAINT JEAiN CHRVSOSTOME.

de notre \ie. Quel est-il? C'est de ne point songez ce qu'ils durent devenir, en habitant
accuser le mariage, c'est de ne pas regarder deiLx ans avec lui, à même d'observer sa tenue,
comme un empêchement et un obstacle au sa démarche, son regard, sa mise, toutes ses
citerniriqui mène à la vertu, d'avoir une femme, actions, toutes ses habitudes. C^r, dans les
d'élever des enfants, d'être chef d'une famille, saints, cene sont pas seulement les paroles, ni
et d'exercer une profession manuelle. Voyez, les enseignements et les exhortations, mais

dans l'exemplo (|ui nous occupe, il y avait encore tout le reste de la conduite de la vie
aussi un mari et une femme, ils étaient à la qui est capable de devenir pour les gens atten-
tète d'un atelier, ils travaillaient de leurs mains, tifsune école complcte de sagesse. Figurez-
et i!s olTr.iient le spectacle d'une vertu bien vous ce que ce devait être de voir Paul prendre
plus parfaite que ceux (jui vivent dans des mo- ses repas, adresserdesrepT'Oches ou des exhorta-
na'^tères. Et qu'est ce (j'ii nous le prouve? Le tions, prier, verser di s larmes, enfin dans toutes
salut que Paul leur adresse; ou plutôt, non ses démarches. Si nous autres, qui ne possédons
pas le salut seulement, mais ce qu'il atteste de que quatorze lettres, nous les portons
lui

ensuite. Car après avoir dit : Saluez Priscillc par tout l'univers, ceux qui possédaient la
et Aquila, il ajouta aussi leur titre. Et quti source de ces épîtres et la langue même de
tilre? 11 n'a pis dit ces riches, ces personnages l'univers, la lumière des Eglises, le fondement
illustres, de famille noble; qu'a-t-il dit? Mes de la foi, la colonne et la base de la vérité,
coopcrateurs dam U So'njneur. Or, il ne saurait quels ne seraient -ils pas devenus, dans le
y avoir rien d'égal à cela comme recomman- commerce d'un tel ange? Et si ses vêtements
dation de vertu; et ce n'est pas là le seul trait étaient redoutablesauxmalinsesprits,etavaient
qui nous fasse voir leur vertu, c'est encore une si grande vertu, avec quelle abondance
qu'il ait demeuré chez eux, non pas un jour, sa société intime n'aurait-elle pas attiré la giàce
non pas deux ou trois, mais deux années en- du Saint-Esprit. Voir le lit où Paul repo.-ait,
tières. En eflet, de même que les puissants <le la couverture qui l'enveloppait, sandaks les
1» terre ne cboi'^issent jamais pour y descendre où il niellait ses pieds, cela n'aurait-il [tas sulli
Jr's maisons des gens obscurs et de basse condi- pour leur inspirer une com[ionttion conti-
tion, mais qu'ils recherchent les splendides nuelle? Car si les démons tressaillaient à la
demeures de quchpies personnes marquantes, vue de ses vêtements, bien plus les fidèles qui
de sorte que la ba-^sesse du rang de leurs hôtes vivaient avec lui devaient-ils se sentir contrits
ne porte pas atteinte à la grandeur de leur di- et humiliés à cet aspect. Mais, une chose qui
gnité; ainsi faisaient les apôtres : ils ne des- vaut la peine d'être examinée, c'est le motif
cen(lai(Mit pas chez les premiers vimuis, et si qui lui fit nommer, dans cette salutation, Pris-
les grands s'attachent à splendeur de la ré- 1 1 cille a\anl. son mari. Il ne dit pas : Saluez
sidence, les Apôlres demandaient la vertu de Aquila et Priscille, mais, Priscille et Aquila.
l'àme, ils recberchaicut avec soin les fidèles ipii Ce qu'il n'a point fait au h.sard, mais, je
l''ur étaient dévoués et ils venaient lojier dans pense, parce (juil lui savait plus de piélé qu'à
leur maisuu. En effet, il y avait un précepte son mari. Lice que j'a\ance là, vous pouvez
(lu Christ qui l'ordonnait ainsi. Quand tous A ous convaincre, par la lecture même des Acies,
entrerez, dit-il, dans une ville ou dans une que ce n'est pas une simple conjecture. Apollo,
rno/son, demandez qui de ses luibilants nié/ite hoinine éloquent et tres-versé dans les saintes
de vous rccecoir, et demearez-i/. (Luc, ix, 4.) Ecritures, mais qui ne connaissait (jue le bap-
Ainsi, Priscille et Aquila étaient dignes de tême de Jean, avait été recueilli par Priscille,
l'aiii et s'ils étaient dignes de l\ml, ils étaient
; qui l'avait initié à la voie de Dieu, et en avait
dignes des anges. Quanl à moi jappelleiais , lait un docteur accoin]di. ^Act. xvm, 24, :25.)
hardiment cette pauvre maisonnotle une église, Car les remnies du temps des apôtres ne s'in-
un ciel. Car où était IMul, là aussi élait le quiétaient pas comme celles d'aujourd'hui,
Christ. Cherchez-vous, dit-il, une preuve du d'avoir de belles toilettes, d'embellir leur vi-
Christ qui parle en moi? (Il Cor. xui, 3.) Et sage avec du fard et des traits de couleur, elles
la cù ('lait le Christ, la aussi les anges se por- ne tourmentaient pas leur mari pour lui faire
taient continiiellenienten foule. acheter une robe plus chère que celle de leur
Or (OS lidèles(jui,inèine auparavant, s étaient voisine et de leur égale, pour avoir des mulets
montres digiics des allcuti(jns de saiul Paul, blancs avec des frcius saupoudrés d'or, un
HOMÉLIES SUR PRISCILLE ET AQUILA. — PREMliJlE HOMÉLIE. 131

cortège d'eunuques, un nombreux essaim de familles illustres, recherchent la vertu jointe à


suivantes, et toutes les autres fantaisies les plus la pauvreté, qu'ils ne rougissent point de leurs
ridicules; elles avaient secoué tout cela, rejeté frères plus dénués qu'eux, qu'ils ne délaissent
loin d'elles le luxe du monde, etne clierchaieut pas là le faiseur de tentes, le corroyeur, le
qu'une chose, d'avoir part à la société des Apô- marchand d'étoffes de pourpre, le forgeron,
tres, et de conquérir avec eux un même butin pour aller faire leurcour aux potentats; afin
spirituel. Aussi Priscille n'était pas la seule qui aussi que subordonnés ne s'imaginent point
les
se comportât de la sorte; toutes les autres fai- que rien les empêche de recevoir chez eux les
saient de même. Car saint Paul parle d'une cer- saints, mais que, songeant à la veuve qui reçut
\ taine Persis, gui, dit-il, a beaucoup travaillé Elie lorsqu'elle n'avait qu'une poignée de farine
pou/nous (Rom. xvi, 12), et il admire Marie et (lll Rois, xvu, 10 et suiv.), et à ceux-ci, qui
Tryphène pour les mêmes labeurs, c'est-à-dire, donnèrent deux ans l'hospitalité à saint Paul,
parce qu'elles travaillaient avec les Apôtres et ils ouvrent leurs maisons à ceux qui ont be-

s'étaient préparées aux mêmes luttes. Mais alors soin, et que tout ce qu'ils possèdent, ils le
conuiient donc, écrivant à Timolhée, lui dit-il : mettent en commun avec leurs hôtes. N'allez
Quant à la femme, je ne pas d en- la charge pas me dire, en effet que vous n'avez pas de ,

seigner, ni d'exercer V autorité sur son mari ? domestiques pour vous servir. Quand vous
(l Tim. II, 12.) C'est dans le cas où l'homme en auriez dix mille Dieu vous ordonne de ,

aussi est pieux, où il possède la même foi, où cueillir vous-même


le fruit de l'hospitalité.
il en partage ia même sagesse; mais lorsque C'est pourquoi saint Paul s'adressantàla femme
le mari est hors de la foi, lorsqu'il vit dans veuve, et lui commandant d'exercer l'hospita-
l'erreur, saint Paul ne refuse pas à la femme lité, lui ordonnait de le faire non par d'autres
cette autorité ainsi, écrivant aux Corinthiens,
: mais par elle-même. Car après avoir dit :
il leur dit Que la femme dont le mari est
: Si elle a exercé r hospitalité , il ajouta Si elle :

hors de la foi, ne se sépare pas de lui. Que sais- a lavé les pieds des saints. (I Tim. v, 10.) 11 n'a
tu en effet, ô femme, si tu ne sauveras pas ton pas dit : si elle a dépensé de l'argent, ni : si

mari?{[Cov. vu, 13, 16.) Or, comment la femme elle a ordonné à ses domestiques de rendre aux
qui a la foi aurait-elle pu sauver sou mari qui saints ce service , mais si elle l'a accompli
:

n'avait point la foi? Il est clair que c'est en elle-même. C'est pour cela aussi qu'Abraham
le catéchisant, en l'instruisant, en l'amenant à (jui avait trois cent dix-huit serviteurs, courait
la foi, exactement comme Priscille l'afaitpour lui-même au troupeau, portait le veau , et fai-
Apollo. D'ailleurs, lorsqu'il dit Je ne charge : sait tous les autres offices , associant sa femme
pas la femme denseigjier, il parle de l'ensei- aux de cette hospitalité. C'est encore pour
fruits
gnement que l'on donne du haut de la chaire, cela que Notre-Seigneur Jésus-Christ vient au
du discours en public, de celui qui est dans monde dans une étable; qu'une fois né , il est
les attributions du sacerdoce; mais il n'a pas élevé dans sa famille, et cjue, devenu grand, il
interdit à la femme de donner en particulier n'avait pas où reposer sa tête, pour vous ensei-
des exhortations et des conseils. Car si cela eût gner de toutes les manières à ne pas soupirer
été défendu, il n'aurait pas donné des éloges après les splendeurs de cette Aie, à aimer en
à celle qui le faisait. tout la simplicité, à rechercher la pauvreté, à
Que les maris écoutent cela
4. que Ils ,
fuir le luxe, et à vous orner intérieurement.
femmes l'écoutent aussi ces dernières afin : , Car, dit l'Ecriture, la gloire de la d'un roi fille
d'imiter une personne du même sexe et de la est tout intérieure. vous avez
(Ps. xliv, 14.) Si
même nature qu'elles ; les premiers, pour ne l'intention de l'hospitalité, vous en avez le tré-
pas se montrer plus faibles qu'une femme. En sor tout entier quand vous ne posséderiez
,

eflet, quelle excuse sera la nôtre, quel pardon qu'une obole mais si vous avez dans le cœur
;

mériterons-nous, lorsqu'ayant l'exemple de ces de l'aversion pour l'humanité et [)Our vos


femmes qui ont fait preuve d'un si grand zèle hôtes, nageriez- vous dans l'abondance de
et d'une si nous restons perpé-
haute sagesse , toutes choses, vos hôtes sont à l'étroit dans
tuellement enchaînés parles affaires du monde. votre maison. Priscille ne possédait pas de
Que tous l'entendent, dignitaires et subordon- litsà garnitures d'argent, mais elle possédait
nés, prêtres etla'iques, afin que les uns, au une grande chasteté point de couverture de;

lieu d'adiwer ks ricbes et d'être à la jaîlc des parade mais une intention de bonté et d'hos-
,
132 TUADUCTION FHAiNÇAISE DK SAIM JEAN CHKYSOSTÔMË.

de balustres brillants, mais une


pitalité; point aux arbres et aux semailles, afin que l'occupa-
éclatante beautéd'âme son logis n'offrait ni ;
tion de ces travaux écarte de tout vice la pen-
murs revêtus de marbre, ni dalles étnaillées sée des travailleurs. Au commencement, pour
de marqueterie, mais elle était elle-même un prouver sa puissance, il voulut que tout sortît
teni|)le du que loua Paul,
Saint-Esprit. Voilà ce de terre sans labeur de notre part Que la :

voilà ce dont ilpour cela qu'il


lut épris; c'est terre, dit-il, fasse germer les pousses de l'her-

resta deux ans sans quitter celte maison c'est ; be (Genèse, i, 11) ; et à l'instant tout se couvrit

pour cela qu'il ^c souvient toujours de ses de verdure mais plus tard
; il n'en fut pas ainsi :

liabitanls, elk-ur compose un éloge grand et ilordonna que ces m^mes productions fussent
admirable, non pour ajouter à leur gloire^, mais arrachées à la terre par notre labeur, afin de
pour amener les nutn>s au même zèle, pour nous apprendre que c'est pour noire bien, pour
persuader aux autres de regarder comme bien- notre avantage qu'il a introduit le travail
heureux non pas les riches ni les puissants
, parmi nous. Cela nous semble un châtiment,
mais les honunes qui aiment leurs hôtes, qui une vengeance, d'entendre cette parole Tu :

exercent la miséricorde, qui ont de la charité mangeras ton pain à la sueur de ton front
pour leurs semblables, ceux enfin qui donnent (Gen. ui, 19) mais en réalité, c'est un avertis-
;

la preuve d'une grande affection pour les sement et une leçon, c'est le remède aux bles-
saints. sures qui nous viennent du péché. C'est pour-
5. Eh bien ! donc, nous aussi , instruits que quoi Paul lui-même travaillait sans relâche,
nous sommes i)ar celte salutation, prouvons-le non-seulement le jour, mais la nuit; c'est ce
par notre conduite, cessons de regarder à la qu'il proclame en ces termes : Travaillant nuit
légère les riches comme bienheureux, ne dé- et jour, afin de n'être à charge à aucun de vous.
daignons pas ne rougissons point
les pauvres, (I Thess. Il, Et ce n'était pas simplement
9.)

des professions manuelles que l'opprobre soit ,


par plaisir pour se distraire qu'il se livrait
et
à nos yeux, non pas de travailler, mais d'être au travail, connue faisaient plusieurs des frères,
paresseux, et de ne savoir que faire. Car si le mais il se donnait toute cette peine afin de
travail était une honte, Paul ne s'y serait point pouvoir en outre secourir les autres. Car, dit-il,

adonné, il ne s'en serait point glorifié plus que mes mains ont subvenu à mes besoins, et à ceux
d'autre chose, en disant: Car je n'ai point lien de 7ncs compagnons. (Act. xx, 3i.) Un honune
de me vanter de ce que y annonce l'Evangile. qui commandait aux malins esprits, le docteur
Et quelle est donc récompense ? Ccst en ma de l'univers, aux soins duquel avaient été
prêchant l'Eivniqile du Christ, de le répandre confiés tous les habitants de la terre, qui pro-
r/ratuitcmcnt. (1 Cor, ix, tr)-t8.) Si les métiers diguait sa sollicitude ;\ toutes les Eglises du
étaient un opprobre , il n'aurait pas condamné 'monde, à cette multitude de peuples, de na-
ceux qui n'en exerçaient aucun à ne pas man- tions et de villes, cet honune travaillait nuit cl
ger. (Il Tliess. m, 10.) C'est qu'il n'y a que le jour, sans donner un moment de relâche à île
péché (juihonteux; or la paresse l'engen-
soit tels labeurs. El iiou'^, cjui n'avons pas la dix-mil-
dre ordinairement, et non-seulement une espèce lième p;atie de ses préoccupations, qui même
de |)échés, non-seulement deux ou trois, mais ne pouvons nous en faire vxwq idée, nctus pas-
toute la malice d'un seul coui». Aussi un sage, sons toute notre \'w dans I,i juiresse. El quelle
(pli faisait voir (jue la paresse nous a a|>pris e\eu>e aurons-nous, quelle indulgence méri-
tous les vices, dit-il en parlant des serviteurs : terons-nous, dites-moi ?
Mets-le à l'onvraqe, afin qu'il ne soit pas oisif. La source d'où tous les maux se soîjI ré-
Cav ce (jue le frein est au i'lu\al, \c tra\ail l'est pandus dans notre vie, l'est que bien des gens
à notre nature. Si la j>aresse était un bien, la regardent connue un forl grand mérite de ne
terre produirait tout, sans semailles ni labour; point exercer leur métier, et connue la dernière
or elle ne l'ail rien de tel. Primitive lutMit, il est confusion <le païaîlre savoir cpielque chose do
vrai, Dieu ordonna de tout taire pousser
lui semblable. Paul cependant ne rougissait pas, en
sans être labourée; mais depuis, il en a disposé même temps qu'il maniait le Iranchet et qu'il
autrement il a obligé les boinuK^s à atteler
: cousait des peaux, de parler avec les gens
des bœufs, à leur faire traîner uuo charrue, il élevés en dignité; il était même fier de ses
ouvrir un sillon, à répaiulre des semences, à occupalii>ns, lui à qui venait s'adresser une
donner ime loulc d'autres soins à la viijno. foule de persouna;,'es dislinj^ues et illustres.
HOMKf.lES Srn PRISCILLE ET AQUILA. — PHEMlt^RE HOMP'LIE. 133

Et non-?eiilemcnl il ne rougissait point de son monde, comme transgressant les lois de Dieu,
mtitior, n)ais il h; {gravait pour ainsi dire or- connue poitant préjudice à la table des ma-
{^'Ucilk'UsiMiicnldaus ses c|)î(res comme sur un lades, et comme avilissant etix-mêmes leur
cippe d'airain. Ainsi, ce qu'il avait appris dans tâme. En effet le mal n'est pas seulement
,

le conmiencement, il l'exerçait encore par la qu'au lieu de tirer leur subsistance, comme
suiti'. cl même au
a!or?, qu'il avait été ravi ils le devraient, de leur maison et de leur per-
troisième ciel, (|u'il avait été transporté dans sonne, ils assiègent en importuns les maisons
le paradis, et qu'il avait reçu de Dieu commu- d'autrui; mais c'est encore qu'ils deviennent
nication de paroles mystérieuses; et nous, qui eux-mêmes ce ([u'il y a de pire au monde. Car

ne sommes pas même dignes de ses san- il n'est rien, non rien absolument, qui ne se
dales, nous rougissons de ceux dont lui était perde par la paresse. Voyez l'eau : celle qui
Ûer ; noiiS(iui prévariquonstous les jours, nous séjourne se corrompt; celle qui courre et erre
ne nous convertissons pas, et nous ne regardons de tous côtés conserve sa vertu; le fer : celui
pas cela comme un opprobre; mais nous fuyons qui reste en repos, est miné à force de rouille,
connue un sujet de honte et de risée une vie qui il perd de sa solidité et de sa valeur; celui au
s'entretientd'untravail légitime. Quel espoir de contraire qui sert à différents travaux, devient
salut aurons-nous donc, dites-le moi?Carsivous à la fois bien plus utile et bien plus beau : il

avez honte, ce devrait être d'avoir péclié, d'avoir de l'argent


brille à l'égal le plus pur. Chacun
offensé Dieu, et fait quelque action contraire à peut remarquer encore qu'une terre laissée
votre devoir; mais quant aux métiers et aux inactive ne [>roduit rien de bon mais seu- ,

travaux, vous devriez au contraire en être lement de mauvaises herbes, des épines, des
fiers. Car c'est par là, c'est par l'occupation chardons, et des arbres stériles celle au con-
:

du travail, que nous pourrons chasser aisé- traire qui a le bonheur d'être cultivée, se
ment de notre esprit les mauvaises pensées, couvre de fruits savoureux. En un mot, tout
secourir les malheureux, ne point fatiguer ici-bas se perd par la paresse et devient plus utile
les autres en assiégeant leur porte, et accom- par son travail propre. Eh bien! donc, puisque
plir la loi du Christ qui a dit C'est une pins : nous savons tout cela, tout le dommage qui
grande bénédiction de donner que de recevoir. résulte de la paresse, et tout le profit que l'on
(Act, XX, 35.) En etTet, si nous avons des retire du travail, fuyons Tune et recherchons
mains, c'est pour nous aider nous-mêmes, et l'autre, afin de passer honorablement notre
pour fournir, de nos propres ressources, tout vie présente, de secourir les malheureux avec
ce qui est en notre pouvoir, à ceux qui ont des ce que nous avons, et après avoir rendu notre
inlirmités; de sorte que l'honune (jui passe sa âme meilleure, d'avoir en partage les biens
vie dans la paresse, est plus malheureux, éternels : puissions-nous tous obtenir cette fa-
même lorsiju'il se porlc bien, que les gens qui veur, par la grâce et la miséricorde de Noire-
ont la lièvre; car ceux-ci ont leur
maladie Seigneur Jésus-Christ, à qui appartiennent la
pour excuse, et ils méritent la commisération ;
gloire et la puissance, ainsi qu'au Père et au
mais les autres, qui déshonorent leur bonne Saint-Esprit, maintenant et toujours, et dane
santé, s'attirent à bon droit la haine de tout In ks siècles des siècles. Ainsi soit-il.
loi TRADUaiON FR.\NÇAISE DE SALNT JEAN CHUYSOSTOMF.

DEUXIÈME HOMÉLIE.

Sur le devoir de ne poini mal pailei des piêiies de Di£i,

ANALYSE.

!>> Combien était la sollicitude de saint Paul. Priscille et Aquila, plus heureux que fous les rois de la terre. .Kc.Mérilé de?
grande
Apôtres : de ces cxoir.ples. Objection contre les Apôtres et contre d'aulrcs chiOtiLiis rulalivoraenl à !a pauvrcîé réponse
utilité :

aux incrédules. —
2» Pourquoi Jésus-Clirist recommande la pauvreté? Pourquoi il n'en a pas fnii ure nhliption absolue et
permanente à ses disciples? —
S» De la manière dont il faut interpréter certains préceptes. —
i° Parallèle du riitie et du

pauvre. —b» L'union et l'affection mutuelle des maîtres et des disciples, au temps des Apôtres, étaient la source de la prospé-
rité du Christianisme. Combien est grave la faute de mal parler des chefs de
l'Et-dise. —
6° En disant du mal d'eux, c'est à

nous-mêmes que nous nuisons. Même lorsqu'ils ont des défauts, nous devons nous abstenir de les ju?er, h cause du caracière
sacré de leur personne il y a de l'hypocrisie à leur donner en public des témoignages de vénération, à avoir recours à eux, et
;

chez soi , ou bien h approuver ceux qui les décrient. Ce manque de respect et de cliarilé euvers les prêtres est
à les décrier
une plaie de l'Eglise. En outre, cela compromet directement les intérêts de notre salut ; car si nous ne voulons pas être jugés
par Dieu, nous ne devons pas juger les autres, et nous devons nous juger nous-mêmes.

1. N'ctes-vous pas instruits maintenant à ne pauvreté n'est nullement un obstacle à l'iiospi-


rien regarder comme accessoire dans le texte que nous avons besoin partout, non de
talité,

de la sainte Ecriture? N'avez- vous pas appris fortune et d'argent, mais de vertu, et d'une
à scruter jus([u'auv titres , aux noms |)ro- intention pituse, enfin, qu'avec la crainte de
pres et aux simples salutations qui se lisent Dieu, on surpasse tous les hommes en éclat,

dans les divins oracles? Quant à moi, j'tstiiuc fût- on réduit à la dernière misère.
que désormais nul homme s'udieux ne souf- Nous proclamions donc naguère comme plus
friraqu'on nég'.ijiie rien parmi les paroles con- heureux (jue tous les rois celle Priscille cl cet
signées dans TEcriture, ne fi'it-cc qu'une lii^le Aquila, ces fabricants de lentes, artisans l'un
de noms propres, une énuntération de dates, et l'autre et vivant dans la pauvreté. On ne
ou une simple saluta' ion adressée à telles ou |)arle plus des dignitaires et des potentats; mais
telles personnes. Mais, pour donner plus de ce faiseur de tmtes et sa fenune sont célèbres
encore à cet avertissement, examinons
solidité par toute la terre. Et si, même en ce monde,
aujourd'hui ce (jne nous avions laii^sé des pa- ils jouissent d'une éclatante renommée, songez
roles à l'ailresse de IMircille et d'Aquila, (pioi- (le quelles récompenses et de quelles couronnes
que déjà commenc. ment ne nous ait point
le ils seront jugés dignes au jour supième ;
puis,
médiocrement profité. Eu tffi t, nous en avons en attendant que vienne ce jour, ils ont dès
appris quel hien c'est (jue le travail, (juel 1 m maintenant recueilli une somme non médiocre
que la jïaresso; puis, ce qu'ét.iit l'âme de Paul, de joie, de profit et de gloire, pour avoir été
quelle vi-ilance, quelle sollicitude, comhieu pendant si longtemps les compagnons de Paul.
elle se préoccupait non-seulement de tant de En effet, ce que je disais la dernière fois, je le

villes diverses, de tous ces peuples, de tiiule.^ redis encore et ne cesserai de le redire, c'est
ces nalions, mais encore de chacun des fidè'is qu'il y a pour nous une source féconde de joie

en particulier. Nous y avons mi comment la et d'utilité, non-seulemcDt dans les enseigne-


IlUMLdLS SIR PIllSLlLLt: Eï AQCILA. — DEUXIÈME HOMÉLIE. m
ment? , les exiiortations et les conseils des que Jésus ordonnait aux apôtres de vivre de
saints,mais encore dans leur seul aspect, dans l'Evangile, lui, Paul, vivait du travail de ses
l'aiTangemcnt de leurs vêtements et jusque mains, allant ainsi au (UMi de ce qui lui était
dans la manière dont ils chaussent leurs pieds. commandé. 11 vaut donc réellement la peine
Car un point d'où il nous revient un grand d'examiner pounjuoi, obéissant au Christ eu
avantage pour la conduite de notre vie, c'est toutes choses, ils semblent ici transgresser sa
de savoir dans quelle mesure ils usaient des loi. Eh bien non, ils ne la transgressent point.
!

choses nécessaires. Non-seulement, en eOet, ils Car ce discours ne nous sera pas seulement
ne dépassaient pas les limites du besoin, mais utile pour cette question relative aux saints
(piehjuelbis même ils ne satisfaisaient pas le apôtres, il nous servira encore à. fermer la
besom tout entier, et ils se laissaient avoir bouche aux païens. En effet, voyez une fotile
laim, avoir soif et manquer de vêtements. En de ces gens qui bouleversent les maisons des
«'adressant à ses disciples, Paul leur donnait veuves, dé[)Ouillent les orphelins, s'entourent
cet ordre : Quand nous aurons de quoi nous des biens de tous, et, malfaisants comme de
nourrir et nous vêtir, nous nous en contente- vrais lou|>s, vivent des labeurs d'autrui. Lh
rons (I Tim. VI, 8); et sur son propre compte, bien ! parce qu'ils ont souvent l'occasion de
nous le voyons dire : Jusqu'à l'heure pr(''se7ite voir des fidèles, à cause de leur faible santé, se
nous souffrons la faitn, la soif, la nudité et cou\rir de plusieurs vêtemenis, aussi iôt ils

les coups. (I Cor, IV, 11.) Mais une pensée m'est nous opposent la loi du Christ, et nous tiennent
survenue tandis que je vous disais quelque le langage que voici Le Christ ne vous a-t-il
:

chose tout à l'heure, et me revient encore après pas ordonné de ne pas avoir deux tuniques, et
ce que je viens de dire : cette pensée, il est de n'avoir aucune chaussure ? Comment donc
nécessaire que je l'expose devant vous, parce transgressez-vous la loi sur ce point? Puis ils

qu'elle prête à une grande discussion. ne tarissent plus de railleries et de plaisan-


De quoi s'agit-il? Ce que je disais tout à teries, et quand ils ont bien bafoué leur frère,
l'heure, c'est que l'an angL ment même du vê- ils se sauvent. Or, pour éviter cela, voyons

tement des apôtres est pour nous la source donc un peu à faire taire leur impudence. Il
d'un grand profit; or, pendant que je pronon- n'y a qu'une chose à leur répondre. Et la-
çais cette parole, il m'est vt-nu à l'esprit cette quelle? La voici. Si vous regardez le Christ
lui du Christ, (pi'il leur a donnée en ces ter- comme digne de foi, on comprend que vous
mes : Ne possédez îii or, îii argent, ni airaiji fassiez cette objection, que vous nous posiez
pour mettre dans vos bourses, ni chaussures, cette question. Mais si vous ne croyez pas en
îii bâton pour la route. (Math, x, 9, 10.) Or, lui, pourquoi nous opposer ses commande-
nous voyons que Pierre avait des sandales, ments? iMais, quand vous voulez nous accuser,
puisque, lorsque l'ange le réveilla de son le Christ vous semble un législateur qui mérite
sonnneil, et le fit sortir de la prison, il lui créance; quand au contraire ou vous demande
dit : Mets à tes pieds tes sandcdes, couvre- toi de l'adorer et de l'admirer, alors vous ne faites
de ton vêtement, et suis-moi. (Act. xii, 8.) Et l)lus le moindre cas du souverain Maître de
Paul, écrivant à Timothée, lui dit : Quand tu l'univers.
viendras, apporte-moi le manteau que j'ai laissé ^2. Mais, afin qu'ils ne s'imaginent pas que
en Troade, chez Carpos; apporte aussi les li- c'est à défaut de justification que nous parlons
vres, surtout les parch^miiis. (II Tim. iv, 13.) ainsi, poursuivons plus avant, allons à la so-
Que dis-tu là? Le Christ nous a ordonné de lution même de la question. Et quand serat-
n'avoir même pas de chaussures, et tu as un elle ré-olue? Quand nous aurons vu à quelles
m.inteau, et un autre a des sandales? Si c'é- personnes, dans quel moment, et pour (lucl
taient de ces hommes vulgaires, qui n'obéis- motif Jésus-Christ a donné cet ordre. Car il ne
saient [ias la question ne
toujours au Maîtn', faut pas se contenter d'examiner les paroles en
serait pas à faire mais ce sont des apôtres qui
; elles-mêmes, nous devons encore scruter avec
s'élaient consacrés à Dieu corps et âme, ce sont soin quels sont les personnages, les temps, les
les chefs, les premiers des discip!es, qui, en causes, et toutes les circonstances de ce genre.
toutes choses, obéissaient à Jésus-Christ. Paul Et en effet, si nous y regardons attentivement,
non-seulement faisait ce qui lui était ordonné, nous trouverons que cet ordre n'avait pas été
mais il franchissait même la limite; et tandis donné atout le monde, mais aux seuls apôtres,
J36 TRADUCTION FRANÇAISE DE SAINT JEAlî CHRYSOSTOME.

et encore,non pas pour toujours, mais pour un de conseiller, autre chose de poser une loi.
temps nous le prouve?
limité. Qu'est-ce qui Celui qui établit une loi entend que l'ordre
Ce sont les paroles mêmes, car ayant appelé les donné soit suivi quand même; celui qui con-
douze disciples, il leur dit : Ne prenez pas le seille et exhorte remet à la disposition de Tau-
chemin des nations païennes, et n'entrez pas ditcur le choix de ce dont il s'agit, il laisse

non phis dans la ville des Samaritains; allez celui qui écoule maître d'y consentir ou non.
plutôt vers les brebis perdues de la maison C'est pour cela qu'il ne dit pas simi)lement :

d Israël ; guérissez lesmaladrs, purifiez les lé- Va vendre ce qui tu possèdes, afin qu'on ne
preux^ chassez les démons ; vous avez reçu (jra- prenne pas ce qu'il dit pour une loi : comment
tuitement, donnez gratuitement; ne possédez s'exprime-t-il? Si tu veux être parfait, va ven-
ni or, ni argent, ni airain, pour mettre dans dre ce r^ue tu possèdes; et c'est afin de vous

vos bourses. (Mallh. x, 6, 9.) Voyez la sagesse faire savoir qtie la chose dépend du consente-
du Maître, et comme il a rendu le commande- ment des auditeurs.
ment facile à suivre. Il commence par dire : Voilà qui prouve donc que ce commande-
Guérissez les malades, purifiez les lépreux^ ment ne s'adressa qu'aux Apôtres; mais la so-
chassez les démons, et c'est après leur avoir lution n'est jias encore trouvée tout entière ;

donné avec libéralité la grâce qui vient de lui, car bien que cette loi n'ait été posée que pour
qu'il leur fait le commandement en question, eux, pourquoi donc, s'ils ont reçu l'ordre de
leur rendant cette pauvreté facile et légère par n'avoir ni chaussures , ni deux vêtements
l'abondance des faveurs qu'il leur accorde trouve-t-on l'un ayant des sandales, et l'autre
comme signes de leur mission. Puis, outre ayant un manteau? Que répondre à cela? Nous
qu'il n'a donné cet ordre qu'aux seuls apôtres, répondrons que, même jtour les apôtres, Jé-
il y a encore plusieurs autres preuves. Il punit sus-Christ n'a point permis que cette loi fût
les \ierges folles parce qu'elles n'avaient pas obligatoire pour toujours ; mais que sur le
d'huile dans leurs lampes; il adresse des re- point de marcher à cette mort salutaire , il les
proches à d'aulres gens de ce que l'ayant vu délia de ce précepte. Et quelle preuve? Les pa-
manquant de nourriture ils ne lui ont point roles mêmes du Sauveur. Il allait prendre le

donné à manger; de ce que, vu pressé


l'ayant chemin de la Passion, lorsqu'il les fit venir et
par la soif, ils ne lui ont pas donné à boire. leur dit : Quand je vous ai envoyés sans bourse
Or une personne qui n'aurait ni argent, ni et sans sac, avez-vous inanquéde quelque chose?
chaussures, mais seulement un unique man- De rien, répliquèrent-ils. Eh bien! ynaintennnt,
teau, comment pourrait-elle en nourrir une reprit Jésus, que celui qui a ime bourse, que
autre, ou vôtir sa nudité, où donner asile h celui qui a un sac les emporte; et que celui
,

celle qui manque de gîte? l\Iais outre cela, qui n'en a pas vende son rètement, et achète
^

vous avez encore une autre preuve évidente. une épée. (Luc, xxii, 3ri, 36.) Mais peut-être on
Quelqu'un s'apjiroche de Jésus, cl lui demande: médira: Vos paroles ont absous les apôtres de
Maître, en quoi faisant héritcrai-jc dr la rie cette Jieeusalion mais la question est de savoir
.

éternelle? (Mallh. xix, 16.) Jésus lui énumère pourquoi le Christ a établi des lois contraires,
tous les |»oints de la loi, et cet homme, vou- en disant tantôt N'ayez point de sac et tan-
:
,

lant s'instruire encore davantage, lui dit : J'ai tôt Qui' celui qui a rtne bourse, que celui çtita
:

observé tout cela depuis ma jeunesse ; que me un S'ic, les emporte. Eh bien quelle en est la !

manque-t-il encore ? Alors Jésus lui répond : raison ? C'en est une di|:ne de sa sagesse et de
Si tu veux être parfait, va vendre tout ce que sa sollicitude pour ses disciples. Dans le com-
tu possèdes, do7uie-le aux pauvres, et reviens meneement, il donna le premier ces ordres,
meswvre. (Ibid. xx, 21.) Pourtant, si c'était là pour que les Apôtres trouvassent dans des faits,
une loi et un précepte, Jésus aurait dû renon- etdans leur propre expérience , la démonslra-
cer tout d'abord, en faire une obligation, le tion de la puissance de Jésus-Christ, et que,
poser en devoir, et non pas l'amener connue forts de cette preuve, ils se répandissent dans
un conseil et une exhortation. Lorsqu'il dit tout l'univers. Mais lorsque ensuite ils eurent
aux apôtres : Ne possédez ni or m argent, c'est suffisamment connu cette puissance , il voulut
un ordre qu'ildonne; mais quand il dit à cet aussi qu'ils montrassent la vertu qui ven.iit de
homme : Si tu veux être parfait , c'est un leur propre fonds, c'est pourqu( i il ne les
conseil et une exhortation. Or, autre chose est soutient pas juscju'au bout , mais les aban-
lîOMÉIJES SUR PiUSCILLE ET AQIJILA. - DEUXIEME HOMÉLIE. 137

donne à eiix-mômes, les laisse aller seul?, ex- clairement cette vérité. En effet, il ne leur a
posés à toute sorte d'épreuves, afin qu'ils ne pas dit simplement : Prenez une bourse et un
demeurent pas entièrement oisifs et en repos. sac; mais il leur a rappelé le passé, en leur di-
Les maîtres de natation commencent par sou- sant: Quayulje vous ai envoyés sans bourse et
s:: tenir avec Jurande attention leurs élèves en te- sans sac, avcz-vous 7nanqué de quelque chose?
nant eux-mêmes les mains par-dessous, mais ce qui veut dire: Toutes choses ne vous arri-
après le premier le second ou le troisième
, vaient-elles pas à sou liait , et ne jouissiez- vous
jour, ils retirent souvent leur main, et ordon- pas d'une grande abondance? mais mainte-
nent à leurs élèves de s'aider eux-mêmes ils ; nant je veux que vous luttiez par vous-mêmes,
les laissent enfoncer un peu de temps en temps, je veux que vous éprouviez aussi la pauvreté,
et avaler beaucoup d'onde amère. Eh bien I c'est pourquoi je ne vous astreins [dus désor-
Jé?us-Cliri?t en usa de même à l'égard de ses mais aux rigueurs de ma première loi mais je ,

disciples. Dans le commencement


au début, , vous permets d'avoir une bourse et un sac,
il ne permit qu'ils éprouvassent aucune souf- afin qu'on ne croie pas que j'opère comme par
france, ni pctitC;, ni grande; il était toujours l'entremise d'instruments inanimés les œuvres
là, les proiégeant, les prénumissant, et pre- que vous ferez, mais afin que vous ayez vous-
nant ses mesures pour que tout leur arrivât à mêmes de quoi faire preuve de votre sagesse
souhait mais lorsqu'ils furent obligés de faire
; personnelle.
à leur tour preuve de courage, il diminua un 3. Et pourquoi, dira-t-on, la grâce n'aurait-
peu sa grâce les exhortant à beaucoup faire par
, elle pas paru plus grande encore, s'ils avaient
eux-mêmes. Et c'est pour celte raison que tan- continué jusqu'à la fin dans les premières con-
dis qu'ils n'avaient ni chaussures, ni bourse, ditions? C'est qu'alors ils n'auraient pas eux-
ni bâton, ni argent, ils ne manquaient de rien. mêmes fait leurs preuves; car s'ils n'eussent
Avez-votis, leur dit-il, manqué de quelque eu aucune tribulalion à essuyer, aucune pau-
chose? De rien, l'épliquèrent-ils
; et qu'au con- vreté, aucune persécution, aucune gène ils ,

maintenant qu'il leur a ordonné d'avoir


traire, fussent demeurés inaclifs et engourdis tandis ;

une bourse un sac et des chaussures, ils se


, que le Sauveur a voulu ainsi , non-seulement
trouvent au dépourvu pour le manger, pour le faire éclater sa grâce, mais en outre faire paraî-
boire et pour le vêtement. Cela prouve qu'il iredequoi sont capables ceux qui lui obéissent,
permettait souvent qu'ils courussent des dan- afin qu'on ne pût venir dire ensuite Ils n'ont :

gers et qu'ils fussent dans la gêne ,


pour qu'ils rien produit par eux-mêmes, tout cela est le
eussent une récompense. C'est à peu près ce fait de l'impulsion divine. Sans doute Dieu
que font les oiseaux à l'égard de leurs petits : pouvait fort bien les établir jusqu'à la fin dans
tant que ceux-ci ont les ailes faibles ceux-là , cette même affluence de secours, mais il ne l'a

restent sur le nid pour réchauffer leur couvée, pas voulu pour plusieurs motifs impérieux
mais quand ils voient que les grandes ]>lumes que nous avons souvent exposés à votre cha-
ayant poussé, les jeunes sont en état de tendre rité l'un est celui que nous venons de dire, le
;

l'air , ils commencent par leur apprendre second, qui n'était pas moins important, c'é-
à voler sur le nid même, puis ils les conduisent tait pour qu'ils apprissent à être modestes, et

un peu plus loin tout alentour : d'abord ils les le troisième, pour qu'ils n'obtinssent pas une
suivent et les soutiennent, et ensuite ils les gloire trop grande pour des hommes. C'est
laissent se tirer d'affaire tout seuls. C'est ainsi donc pour ces raisons, et pour bien d'autres
qu'en usa le Christ. La Palestine est le nid où encore, que, permettant qu'ils tomba-sent dans
il nourrit ses disciples; puis quand il leur a plusieurs dangers imprévus il ne voulut pas ,

appris à voleter en sa présence et soutenus par les laisser sous la rigueur de sa première légis-
lui , il fm prendre leur essor à
les laisse à la lation; il relâcha le frein, il tempéra l'austé-
monde, en leur ordonnant de s'aider
travers le de celte vertu, pour que la vie ne leur de-
rité
eux-mêmes en mainte occasion. Pour nous vînt pas un fardeau insupportable, si, aban-
convaincre que c'est afin de leur faire con-^ donnés à eux-mêmes dans mainte rencontre,
naître sa puissance qu'il les a dénués de tout,
, ils eussent été forcés d'observer une loi aussi

qu'il les a envoyés vêtus d'un seul manteau sévère. Et comme il faut donner une entière
et leur a ordonné de marcher sans chaussures, évidence à tout ce que la question pourrait
écoutons ses propres paroles , et nous verrons présenter d'incertitude, il est nécessaire d'à-
138 TRADUCTION FRANÇAISE DE SAINT JEAN CHRYSOSTOME.

jouter une chose. Après avoir dit : Que celui toits, nous avons compris autre chose; de
qui a une bourse que celui qui a un sac, les
,
même , ne supposons pas, à cause de ce mot
emporte, il ajouta Et que celui qui 7i'en a pas,
: d'épée, qu'il leur ait prescrit d'avoir véritible-
vende son vêtement et achète une épée. Et
,
ment des épées ; mais entendons par là une
quoil voici qu'il arme ses disciples, celui qui allusion aux embûches qu'on lui prépare, une
a dit Si quelqu'un te frappe sur la joue
: prédiction de ce que les Juifs lui feront souf-
droite^ présente-lui l'autre? (Matth. v, 39; frir, et qu'il souffrit en effet. Ce qui suit en
Luc, VI, 29.) Celui qui nous a ordonné de bénir est la preuve. Apiès avoir dit : Qu'il achète
ceux qui nous injurient de supporter les ou- , une épée , il faut que ce qui est
ajoute : Car il

trages, de prier pour nos persécuteurs, le voici écrit de moi s'accomplisse. (Luc, xxu, 37.)
à présent qui arme ses apôtres, et rien qu'avec Que j'ai été compté parmi les injustes. (Isaïe,

l'épée? Comment cela peut- il être raisonna- i.in, 12.) Et quand les apôtres lui eurent ré-
ble? Car enfin, s'il fallait à toute force les pondu : Il ya ici deux épées, car ils ne com-
armer, ils n'avaient pas seulement besoin d'é- prenaient pas ce qu'il avait voulu dire, il ré-
pées, mais aussi d'un bouclier, d'un casque et pliqua : Cela suffit. (Luc, xxii, 38.) Pourtant
de cnémides. Et d'ailleurs, s'il voulait prendre cela ne suffisait certes pas; car s'il voulait
de telles dispositions au point de vue humain, qu'ils se servissent de secours humains, deux
de combien de gens un ordre semblable ne épées ni trois n'auraient pas suffi, ni cent non
devait-il pas être la risée ? Quand ils auraient plus; et s'il ne le voulait pas, les deux même
possédé des milliers de pareilles armes, quelle étaient de trop. Toutefois, il ne leur expliqua pas

figure allaient faire ces onze apôtres devant l'énigme; et nous voyons souvenlagirainsi:
l;

toutes les attaques, tous les pièges des peuples comme ils n'ont pas compris ce qu'il a dit il ,

et des tyrans, des villes et des nations? Au- passe outre et laisse la chose de côté, s'en re-
raient-ils pu entendre hennir un cheval? n'au- mettant à l'accomplissement des événements
raient-ils pas été saisis de terreur à l'aspect ultérieurs pour l'intelligence de ses paroles :

seul des armées, ces hommes élevés au miheu c'est, je le répète, ce qu'il a fait dans d'autres
des lacs et des rivières, sur de frêles esquifs? circonstances. Ainsi, en parlant de sa résurrec-
Et pourquoi donc leur parle-t-il ainsi ? Il veut tion, il leur disait : Détruisez ce tcjnple , et je
leur annoncer les attaques des Juifs, et insi- le rebâtirai en trois jours. (Jean, ii, 19.) Et de
nuer que ces derniers s'empareront de lui. Il même ne surent pas ce qu'il vou-
les disciples

ne voulut pas le dire clairement, mais à mots lait (lire que l'Evangéliste nous fait
; c'est ce

couverts, pour ne pas jeter sts disciples dans remarciuer en ces termes Et quand Jésus fut :

un nouveau trouble. 11 en est de ceci comme ressuscité^ alors ils crurent à sa parole et d ,

lorsque vous l'entendez dire Ce que Von vous : l'Ecriture. (Ibid. v, 22.) Et encore autre part :

a dit à V oreille publiez-le sur les torts, et ce


,
Cor ils 7ie savaient pas qu'il fallait qu'il res-
que vous avez entendu dans les ténèbres, dites- suscitât d'entre les morts. (Jean, xx, 9.)
leen plein jour. (Matih. X, 27; Luc, XII, 3.) C;:r \. Mais la question est maintenant suffisam-
vous ne soupçonnez pas alors qu'il leur com- ment résolue : passous à la seconde partie qui
mande de quitter les rues et la place pul)li(|uc reste de De quoi donc s'agissait-
la salutation.

pour aller réellement proclamer la parole sur il, et comment en sommes-nous venus à cette

ks toits nous ne voyons pas, en effet, (\uc


; et digression? Nous déclarions Priseille et A(juila
les disciples aient agi ainsi mais par ces , bienheureux parce (pi'ils habitaient a\ec saint
mots Sur les toits, en plein jour, il entend
: : Paul, parce qu'ils observaient soigneusement
en toutes liberté de langage et par ceux-ci ; : sa manière de se vêtir, de se chausser, et tous
A V oreille, dojis les ténèbres, il veut dire Ce : les autres détails de sa manière d'être. C'est ce
que vous avez entendu dans un petit coin du qui a donné lieu à la ciuestion précédente; car
monde, dans un seul petit canton de la Pales- nous nous sommes demandé pourquoi, malgré
tine, faites-le retentir par toute la terre. Aussi la défense du Christ de posséder absolument

bien n'était-ce ni à l'oreille, iii dan? le? ténè- rien sinon un seul vêtement, nous voyions les
bres qu'il leur parlait, mais sur les hautes apôtres avoir des chaussures et un manteau.
montagnes, et souvent dans Us synagogues. Al -rs notre discours vous a montré qu'en
Eh bien nous devons ici adnutUe la même
1 usant de ces objets, ils ne transgressaient pas

chose. De même que par l'expression sur les : la loi, mais qu'ils l'observaient parfaitement.
HOMELIES SL'U PKISCILLE ET AOL'lLA. — DEUXIÈME liUMÉLIE. 139

K,t ce laiip:;>ffc de notre pari n'avait pas pour possédaient-ils? quelle grandeur de puissance?
biil (le vous l'xiiter à l'akindance des richesses, quel crédit aupiès des gens en place? Ils

ni de vous en posséder plus que


eni^ai^cr à n'eurent ni richesses abondantes, ni autorité
vous n'eu avez besoin le but était de vous ;
près des gens puissants ; mais ce qui valait
fournir de (juoi répondre aux infidèles qui se mieux que tout cela un zèle généreux et une
,

niO(|uent de notre religion. Car Jésus-Christ, âme munie d'une foule de ressources contre
en abrogeant sa première prescription ne , les dangers. C'est pour cela qu'ils sont devenus

nous a [>as ordonné de posséder des maisons, les bienfaiteurs et les sauveurs de tant de
des eselav» s , des lits de parade , des ustensiles monde. Car les liches pusillanimes ne peuvent
d'argent , ni rien autre chose de tel , mais il a pas être utiles aux Eglises comme les pauvres
onlonné que nous fussions alTranchis de l'obli- à l'àm.e généreuse. Et que nul ne trouve cette
gation imposée [»ar sa première parole. Et parole étrange; car elle ed conforme à la vé-
saint Paul le comj)renait ainsi, lorsqu'il don- rité, et démontrée par les faits eux-mêmes. Le
nait ce conseil Quand nous awons de quoi
: riche est vulnérable par bien des endroits. Il

nous nourrir et nous vêlir, nous Jious en con- craint pour sa maison, pour ses serviteurs,
tenterons. (I ïini. VI, 8.) Car, pour ce qui dé- pour ses champs, pour ses richesses; il tremble
passe notre besoin, nons devons l'employer en qu'on ne lui en enlève quelque chose. Multi-
faveur des indigents et c'est ce que faisaient ; plicité de possession engendre multiplicité de
Priscllle et Aquiia. C'est pour cela que saint servitude. Pendant ce temps-là, le pauvre, tou-
Paul les loue et les admire et qu'il rédige sur , jours prêt pour la lutte, et qui s'eit défait de
leur compte le plus grand éloge. En effet, après tous les points sensibles dont nous venons de
avoir dit Saluez Priscille et Aquiia, mes coo-
: parler, est un lion qui nspire la flamme son ;

pcrateurs dans le Seigneur {ï\om. x\i, 3), il âme est généreuse, et comme il est détaché de
donne la cause d'une telle affection. Et quelle tout, il accomplit aisément tout ce qui peut
est-elle? Eux , dit-il ,
qui ont exposé leur tète servir les Eglises, qu'il s'agisse soit de con-
pour me sauver la vie. (Ibid. v. A.) C'est donc damner, soit de blâmer, soit de subir mille
pour cela que vous les aimez, que vous les affronts pour Jésus-Christ et comme il a une ; ,

chérissez , dira-t-on ? Assurément et quand il ; fois pour toutes méprisé la vie présente
, tout ,

n'y aurait que cet éloge, il serait suffisant. Car lui est facile et extrêmement aisé.

celui qui sauve le général, sauve par là même En effet, que craint- il? dites- moi. Que quel-
les soldats ; médecin d'un
celui qui délivre le qu'un ne lui enlève ses richesses ? Cela n'est
danger, ramène par contre- coup les malades même pas à dire. Qu'on ne le bannisse de sa pa-
à la santé; celui qui arrache le pilote aux flots, trie? Mais tout sous le ciel est pour lui une cité?
arrache au naufrage l'équipage entier; do Qu'on ne lui retranche le fa!^te et les honneurs?
même ceux qui ont sauvé le docteur de l'uni- Mais il a dit adieu à tout cela sa cité est dans :

vers ,
qui ont versé leur sang pour son salut le ciel, et il lui tarde d'arriver à la vie future.
ont été les bienfailt urs communs de toute la Quand il lui faudrait livrer sa vie, verser son
terre, puisque dans leur sollicitude à l'égard du sang, il ne s'y refuserait pas. C'est là ce qui
maitre ils ont sauvé tous les disciples. fait un tel homme plus puissant et plus riche
Mais pour vous convaincre qu'ils ne se con- que les tyrans, que les rois, que les peuples,
duisirent pas ainsi à l'égard du maître seule- que tous les hommes enfin. Et pour vous
ment, et qu'ils firent preuve de la même solli- convaincre que je parle sans flatterie, et que
citude envers leurs frères, écoulez ce qui suit. véritablement ceux qui ne possèdent rien sont
Après ces paroles Eux qui ont exposé leur
: en état plus que ({ui que ce soit d'avoir leur
tête pour me sauver la vie, il ajoute ceci Et à : franC'itarli r, combien n'y avait-il pas de riches
qui je ne suis pas seul reconnaissant mais avec , du temps d'IIérode? combien de potentats? Eh
moi toutes les Eglises des nations. Eh ! (juoi ? bien (|ui est-ce qui parut en publie? qui est-
!

toutes les Eglises des nations sont donc recon- ce qui fit des reproches au tyran? ((ui est-ce
naissantes à des faiseur de tentes, à de pauvres s qui vengea les lois de Dieu outragées? Per-
manœuvres qui ne possèdent rien de plus que sonne d'tntre les opulents, mais le pauvre, le
la nourriture nécessaire? Et (jucl si grand ser- nécessiteux, celui qui n'avait ni lit, ni table,
vice ces deux personnages ont-ils pu rendre à ni toit ; ce fut Jean, le citoyen du désert, qui,
tant dEgiises? quelle abondance de richesses le premier et le seul, accusa le tyran en toute
TRADUCTION FRA>'ÇAISK DE SAINT JI:AN CîIP.YS'.STO.ME.

franchise, dévoila ?on union adultère, et en malade presque an point de mourri\ et Dieu a
présence et aux oreilles de tous, porta la sen- eu pitié de lui, et non-seidement de lui, mais
tence qui condamnait Hérode. Et avant lui, le aussi de moi, afin que je n'eusse pas chagrin sur
grand Elie, qui ne possédait rien de plus que chnririn. (Philipp. il, 27.) Ces paroles montrent
sou vêtement de peau de brebis, fut seul aussi qu'il aurait ressenti une juste douleur de la
à confiamner avec un grand courage cet mort de son disciple. Et
révèle encore atout
il

Achab, ce roi inique et impie. C'est qu'il n'est le monde la vertu


d'Epaphras, lorsqu'il dit :

rien pour disposer à la liberté du langage, // eit arrivé tout près de la mort , noyant
pour inspirer la confiance dans tous les dan- point tenu compte de sa vie, afin de combler
gers, pour nous rendre forts et invincibles, ce quil s'en manquait de vos soins envers moi.
comme de ne rien posséder, de n'avoir au- (Philipp. II, 30.) Quel sort plus heureux que
cun embarras d'affaires. Ainsi, pour qui veut le leur, et ({Uel sort aussi plus déplorable que
posséder un grand pouvoir, il n'y a qu'à em- le notre! puisqu'on peut dire que taudis qu'ils
brasser la pauvreté, à mépriser la vie pré- ont exposé pour leurs maîtres leur sang et leur
sente, à considérer la mort comme rien. Un existence, nous autres nous n'osons souvent
tel homme pourra être aux Eglises d'une plus pas faire entendre un simple mol en faveur de
grande utilité, non-seulement que les riches de nos pères communs; nous entendons les
et les gens en place, mais que les souverains gens de notre maison ainsi que les étrangers
eux-mêmes. Car tout ce que peuvent faire les les couvrir d'outrages et d'injures malveil-
souverains et les riches, ils le font par leurs nous ne leur fermons pas la bouche,
lantes, et
richesses : tandis que l'homme dont nous par- nous n'empêchons pas, nous ne condamnons
Ions a souvent fait sortir une foule de grandes pas un tel langage!
choses du sein même des dangers et de la Et, plùl au ciel que nous ne fussions pas eu
mort. Or, autant sang est plus précieux que
le tête de cette bande médisante. Or on ireuten-
tout l'or du monde, autant ce dernier résultat diait pas sortir de la bouche des infidèles au-
l'emporte sur l'autre. tant d'insultrs et de mauvais propos contre les
5. Tels étaient ces hôtes de saint Paul, celte chefs de l'Eglise, que de la bouche de ces gens
Priscille et cet Aquila, qui n'avaient point qui passent pour être des fidèles incorporés
l'abondiiucedes richesses, mais qui possédaient dans nos rangs. Chercherons-nous donc encore
une âme plus riche que tous les trésors, qui d'oîi est venu tant de lâcheté, tant de mépris
s'attendaientchaque jour à mourir, vivaient au pour la piété, quand nous avons envers nos
mi heu des meurtres et du sang, étaient enfin pères spirituels des dispositions aussi hostiles?
continuellement martyrs. C'est pour cela que Certes,il n'est rien, non, ricu de [dus capable

nos intérêts prospéraient à cette épocjue ,


de désunir et de ruiner l'Eglise; que dis-je? il
parce que les disciples étaient à ce point atta- est diflicile qu'il lui vienne du dehors une
chés à leurs maîtres, et les maîtres à leurs désunion, une ruine aussi grande, que lorsqu'il
disciples. Car saint Paul ne parle pas d'eux n'exislc pas des liens fort étroits entre les dis-
Eculcnient, mais tUi bien d'autres. En écrivant ciples et leurs maîtres , les enfants et leurs
aux Hébreux, auxThessaloniciens et aux Gala- pères, les subordonnes et leurs chefs. Eh !

les, il rend témoign;ige des nombreuses épreu- quoi? si quelqu'un dit du mal de son frère, on
ves (jue tous avaic!)t à souflrir, et il ni- n!re l'exclut mêniu lie la Kcture des di>incs Ecri-
p.ir les mêmes épilres qu'ils étaient chassés, tures car Pourquoi, dit Dieu, as-tu ma loi à
; :

exilésde leur patrie, privés de leurs biens, cl la bouche? (Ps. xlix, 16.) Puis il doune le
exposés jusqu'à verser leur sang; enfin toute motif de ce reproche, eu ajoutant Tu siégeais :

la vie était pour eux une lutte, et ils n'au- en accusateur contre ton frère (Ibid. 20); et
raient pas même reculé h se lai.«;ser nmtiler après cela, toi, (pii accuses ton père spirituel,
pour ceux qui les instruisaient. Aussi saint lu te crois digne »le pénétrer dans le vestibule
Paul, écrivant aux Calâtes, leur disait-il Cor : sacré? Cela pourrait- il être fondé? Si ceux (pii
je vous rcmh ce tcmoi(jno(/c (ji/c\ ,<;'// ei>f cfc maudissent leur père ou leur mère sont punis
possible^ vous vous seriez arraché les yeux de mort (Exode, xxi, 17), quel châtiment méri-
pour 7)10 les (lou)ier. (Calât, iv, 15.) Et il loue tera celui qui ose maudire l'homme qui lui
encore pour la même chose Epaphras ,
qui lirnt de bien plus près encore et qui vaut bien
était à Colosses ; voici ses termes : // a été mieux que les parents? Comment ne cramt-il
HOMELIES SUK PKISCILLE ET AQUILA. — DKUXlftME HOMÉLIE. 141

pas que la terre ne s'entr'ouvre et ne l'englou- un voleur, un avare, un transgresseur de


tisse loiit enlier, ou que la foudre de?ceniiant toutes les lois, il fut condainné sévèrement, (;l

du ne consume sa lant^ne accusatrice? Ne


ciel destiné à un supplice plus terrible cjue celui
savez-vous |)as ce qui arriva à la sœur de Moïse qu'avait mérité ce coupable. Mais si un homme
qUiTid elltîcul pLulécoDtre le chef des Hébreux, innocent, pour avoir réprouvé par une simple
coiuuie cil;' devjjit impure, fut attaquée de la lè- parole un criminel reconnu pour tel par tout
pre, t't subit le dernier mépris; que même, àla le monde, s'est attiré un pareil châtiment,
prière de son frère, qui se prosterna devant nous, qui péchons plusieurs fois par jour, si
Dieu, elle n'obtint puint de pardon? c'clailelle nous nous permettons de censurer la conduite
pourtant qui avait exposé autrefois le saint per- des autres, alors qu'elle n'est ni publique ni
sonnalise, qui avait pourvu à ce qu'il fût nourri, manifeste, voyez quel châtiment nous encou-
qui s'était arrangée en sorte que sa mèrj devînt rons, et combien il nous est peu permis de
sa nourrice, et que le jeune enfant ne fût point, compter sur l'indulgence. Car il est écrit :

nu commencement de sa vie, élevé entre des Seloii le. jugement que vous aurez porté vous ,

mains étrangères; plus tard cnGn, elle avait été serez jugés vous-mêmes. (Mutth. vu, 2.)
le chef de la trou|»e des femmes, comme Moïse 6. Ainsi je vous avertis, je vous prie, je vous

de celle des hommes, cHe avait supporté avec conjure de renoncer à cette détestable habi-
lui tous les dangers, elle était la sœur do Moïse : tude. Ce n'est pas aux prêtres que nuiront
ch bien! tout cela ne lui servit de rien pour nos diffamations, soit calomnieuses, soit même
échapper a la colère de Dieu, lorsqu'elle eut conformes à la vérité. Car le pharisien n'a fait
tenu un langage coupable; et Moïse, qui avait aucun tort au publicaiu, que dis-je? il lui a
lléchi Dieu en faveur d'un si grand peuple été utile, bien qu'en l'accusant il ne dît ({ue la
coupable de celte impiété indicible que vous vérité. C'est nous-mêmes que nous précipite-
connaissez, a beau se prosterner et demander rons dans les plus grandes calamités, de même
grâce pour sa sœur, il ne peut réussir à rendre que le Pharisien a détourné le glaive contre
Dieu favorable, il en reçoit même de vifs re- lui-même et s'en est allé frappé d'un coup
proches. C'est jiour que nous s.ichions combien mortel. Afin d'éviter le même sort, réprimons
il est coupable de mal parler de nos supérieurs l'intempérance de notre langue. Si celui qui
et de juger la conduite d'autrui. En effet, au avait médit du publicain, n'échappa point au
dernier jour. Dieu nous jugera certainement, châtiment, nous qui médisons de nos pères,
non pas seulement d'ai)rès nos fautes, mais quel recours aurons-nous? Si Marie, [)Our avoir
aussi d'apiès les jugements que nous aurons une seule fois mal parlé de sonpunie frère, fut
portés sur autrui et souvent ce qui n'est en
; si rigoureusement, quel salut pouvons-nous

soi qu'une laute légère, devient grave et im- encore espérer si nous continuons à nous ré-
pardonnable jiar suite du jugement porté sur pandre chacpie jour en invectives contre nos
autrui par celui qui a lait la faute. Peut-être ce magistrats! Et qu'on ne vienne pas me dire que
que je dis là u'est-il pas assez clair : je vais ce magistrat était Moïse ! car je pourrais ré-
tâcher de letel. Quelqu'un a fait une
rendre pondre à mon tour que cette médisante était
faute : condamne sévèrement uue autre
puis, il Marie. Vous comprendre d'ailleurs que
allez
personne qui commet la même faute. Eh bien! les prêtres, fussent-ils en faute, ce n'est pas à
il s'attire pour le dernier jour, non pas une vous de juger leur vie. Ecoutez plutôt ce que
peine proporlionnée à sa faute, mais une peine le Christ ordonne touchant les magistrats des
double, triple, inhniment plus grande car ce : juifs. C'est sur le siège de Moïse que sont assis
n'est pas d'après sa faute,mais d'après sa sévé- les Scribes et les Pharisie7is : faites donc tout
rité contre ceux qui auront péché comme lui, ce qu'ils vous disent de faire ; mais ne faites
que Dieu lui infligera le châtiment. Ceci de- pas tout ce qu'ils font. (Matth. xxui, 2, 3.) Ce-
viendra plus manifeste quand je vous aurai pendant peut-on rien imaginer de pire que
mis sous les yeux, ainsi que je vous l'ai promis, ces honmies, que leurs disciples ne pouvaient
des exemples em[)runlés à 1 histoire du passé. imiter sans se perdre? Quoi qu'il en soit, Jésus
Le pharisien n'était point lui-même uu pé- n'a pas voulu les dégrader de leur dignité, ni
cheur il vivait dans la justice, et pouvait se
: les rendre méprisables à leurs subordonnés. La
prévaloir de nombreux mérites. Néanmoins raison en est facile à comprendre. En effet, si

[iour avoir réprouvé le publicaiu, c'est-à-dire les subordonnés s'arrogeaient un tel pouvoir.
112

on les verrait bientôt destituer leurs magisrrats ce cas, de médire et de vous déchaîner contre
descendre de leurs si'ges. Voilà
et les forcer à eux. C'est en parlant des parents selon le corps
pourquoi Paul, après avoir re])ris sévèrement qu'un sage a dit : S'il manque de raison^ il

le grand prêtre des Juifs et lui avoir dit ; Dim faut l'excuser. (Eccli. ni, 45.) En effet, com-
te frappera, muraille b'annhie , et tu sièges ment t'acquitter envers eux de ce qu'ils ont
pour me juger (Act. xxiii 3) entendant que , ! fait pour toi ? A plus forte raison faut-il obser-
quelques-uns disaient, afin de lui fermer la ver cette loi quand il s'agit des pères selon
bouche Tu insultes le grand prêtre de Dieu ;
: l'esprit : c'e<=t notre propre conduite que nous
et voulan' monîrer quel respect et quels égards devons nous attacher tous à scruter, à surveil-
il convient d'accorder oux magistrats, répondit ler, sinous ne voulons nous entendre dire au
aussitôt Je ne savais point que ce fût le grand
: grand jour Bgpocrite, pjourquoi vois-tu la
:

prêtre de Dieu. Voilà pourquoi Daviil, lorsqu'il paille qui est dans l'œil de ton frère , et ne
eut entre les mains Saiil, un prévaricateur, un vois-tu point la poutre qui est dans ton cil?
homme qui respirait l'iiomicide, un criminel (Matth. vu, 3.) En effet, n'est-ce point hypocri-
digne des plus grands châtiments, non-seule- sieque de baiser la main des prêtres, en public
ment respecta sa vie, mais s'abstint même de et aux yeux de tout le monde, d'embrasser
lui adresser aucune parole outrageante, et la leurs genoux, de solliciter leurs prières, de
raison qu'il en donne c'est qu'zV est , l'oint courir à leur porte dès qu'il s'agit du bap-
du Seigneur. Et ce n'est point par ces tême, et do charger ensuite d'invectives, ou de
exemples seuls, mais encore par une quantité laisser insulter en notre présence, soit chc-z
d'autres, qu'on peut se convaincre combien la nous, soit sur une place, coux qui sont pour
pensée de reprendre les prêtres doit être loin nous les auteurs ou les ministres de tant de
de l'esprit des fidèles. Quand l'arche fut rap- biens. En effet, si tel père est vraiment un mé-
portée, quelques hommes sans autorité voyant chant, comment le crois-tu digne d'initier les
qu'elle vacillait et qu'elle était près de tomber, autres à nos redoutables mystères? Mais s'il

la remirent en équilibre sur-le-champ ils : te paraît qu'il mérite un tel ministère, pour-
furent punis le Seigneur les frappa et ils res-
: quoi permets-tu qu'on en dise du mal pour- ,

tèrent sans vie. Ils n'avaient pourtant rien fait quoi ne pas fermer la bouche aux médisants,
qui ne fût naturel : ils n'avaient pas renversé par ton courroux, par ton indignation, afin de
l'arche, au contraire, ils l'avaient remise en recevoir de Dieu une plus belle récompense,
place et empêchée de tomber. et des éloges de la bouche même des accusa-
Mais afin de vous convaincre irrésistiblement teurs? En effet, fussent-ils amoureux de l'in-

des égiirds dus aux prêtres, et de la faute où vectiveau suprêmedegré, cela ne lesempêebera
tombent les subordonnés ou les laïques qui les pas de te louer et d'approuver ton respect à
reprennent en de pareilles circonstances. Dieu l'égard de tes p^-res spirituels; tout au contraire,
les mil à mort sous les yeux de la multitude, si nous les laissons dire, ils seront unanimes à
de telle sorte que cette extrême rigueur inspi- nous condamner, bien que la médisance vienne
rât de la crainteaux autres, et leur ùlàt toute d'eux-mêmes. El ce n'est pas seulement cela
penséede violer le sanctuaire du sacerdoce. En <iu'il faut craindre, c'est surtout la condannia-
effet, si chacun pouvait, sous prétexte de re- tion suprême qui nous attend là-haut. Car il
dresser les manquements commis, faire inva- n'y a point pour les Eglises de fléau comparable
sion dans la dignité sacerdotale, les occasions à cette maladie; et, de même qu'un corps dont
de redressement ne feraient jamais défaut, et les ressorts ne sont pascxactcment soudés entre
il n'y aurait plus moyen de distinguer le chef eux, donne naissance à une foule d'infirmités et
des subordonnés, au milieu de la confusion rend l'existence insupport \ble, de même une
générale. El (pie Ton n'interprète point ce «pie Kvlise. qui n'est pas forlement et indissoluble-
je vais dire dans un sens délavoraltle aux prê- ment imie parla cljarilé, enfante des guerres
tres grâce à Dieu ils se montrent, vous ne
( , sans nombre, attise la colère de Dieu, et donne
l'ignorez pas, fidèles à tous leurs devoirs , et lieu à mille tentations. Dans la crainte que cela
jamais ils fi'ont donné prise à personne sur ne nous ariiNc prenons garde d'irriter Dieu
,
,

eux); mais sachez bien que, (|uand même vous d'augmenter le nombre de nos maux, de nous
auriez des parents vicieux ou des maîtres indi- préi)arer un châtiment qn\ nous laisse sans re-
gues, il He serait ui sûr iii prudent, même dons cours, cl iie remplir notre vie d'amertumes de
HOMÉfJES SUR PRISCILLE ET AQUILA. — DEUXIÈME HoMLLlE. 443

tout gonre; ap^trenons à parler comme il con- par ces paroles : Si nous nom Ju^wns noiis-
vient, appliquons, ch.iqnc jour, à notre propre mPmes, nom ne serions point jugés par le Sei-
Tje tonte notre vigilance, et, nous remetlant du gneur. (I Cor. u, 31.) Ainsi donc, afin d'échap-
soin de juger la vie d'autrui sur Celui à qui per à cet arrêt suprême, négligeons tout le
nul secret n'échappe, contentons-nous déjuger reste pour nous inquiéter seulement de notre
nos propres péclirs. C'est ainsi que nous pour- propre vie, corrigeons les pensées qui nous in-
rons échapper au feu de la géhenne. Car, si duisent à failUr, livrons à la componction notre
ceux qui portent toute leur attention sur les conscience, et demandons-nous compte de nos
fautes d'autrui néglif^ent de s'occuper des propres actions. Par là nous pourrons, allégés
leurs, de niême ceux qui craignent d'épier la d'une partie de nos péchés, ohlenir des trésors
conduite des autres donneront l'attention la de miséricorde; nous pourrons passer heureu-
plus scrupuleuse à leurs propres infractions. sement la vie présente, et gagner les biens de
Or, ceux qui réfléchissent à leurs péchés, (jui la vie future, par la grâce et la charité de Notre-
les jugent chaque jour, et s'en demandent Seigneur Jésus-Christ, par qui et avec lequel
compte, ceux-là trouveront alors le jug(! misé- gloire au Père et au Saint-Esprit, dans les
ricordieux. Et c'est ce que Paul fait entendre siècles des siècles. Ainsi soit-il.

Vraduit par M. MiLVOlSlN-


HOMÉLIE SUR L'AUMONE*.
ImproTiste par roraleui pendant la saison rigoureuse, m jour qu'ayant traversé la place publique pour venir à l'église, il avait vu une mullitud»

de pauvres et d'inCrmes étendus par tene dans le plus pitoyable état.

ANAirSE.

Celle liornélie a été prononcée certainement k Antioclie, connu ) on le voit dans le cours même de l'iiomélie; mais on ne peuc
savoir en quelle année. KHe roui» sur rauniône; c'est un^ exiilication simple, noble et instructive des qnalre premi rs versets
du seizième chapitre de la première épitre aux Corinthiens, l/orateur y montre d'une manière épalem ni solide et louchante
quel était le zèle de saint Panl pour faire 'anm(!înc et pour engager à la faire (jnelle était sa prudence cl la générosité de ses
;

sentiment-, ce qu'il entendait par le mol de saints; i' exhorte les fidèles, d'après l'avis de cet Apôtre, à mettre des deniers à
part pour le soulagement des pauvres, et en général à secourir les indigonts dans le rs besoins, sans examiner tr 'p s ru-
p>:kMi f ment que'le e.>t leur personne. F.'exorde de cette homélie est remarquable i' est plein d'une dignité imposante, en :

même t mps (pi'il respir^ un tendre intérêt pour ks pauvres. Saint Jean f.hrysostome a traversé une partie de la vi le pour ar-
river à l'églis : il se suppose d puté ve s les riches par les misérables qu'il a vus étendus par terre dans une saison rigoureuse;
'

il sollicite lear compassion par le spectacle de leurs misères dontii a été le témoin.

i. Je vien5 remplir une ambassade aussi règne maintenant? Pendant l'été, la saison
convenable à mon ministère qu'elle est im- môme soulage les pauvres. Ils peuvent mar-
portante et digne de toute votre attention. Ce cher nus sans péril ; les rayons du soleil leur
sont les pauvres de celte ville qui m'envoient servent de vêtement. Ils peuvent coucher sur
aujourd'hui vers vous ils ne se sont point as-;
la terre, sans craindre que la fraîcheur des
semblés pour me nommer leur représentant : nuits les incommode. Ils n'ont besoin ni do
le spectacle seul de leurs miecres a parlé suf- chaussure, ni de vin, ni d'une nouiriturc
fisamment à mon cœur. En traversant la place abondante une fontaine suffit à leur boisson ;
:

et les carrefours, empresse, selon ma coutume, quelques herbes et quebiues légumes, voilà
de venir vous rompre le pain de la parole j'ai ,
leurs aliments, voilà les simples mets que la
vu une multitude d'infortunés étendus par saison est toujours prêta à leur servir. Un autre
terre, les uns privé? de leurs mains, les autres soulagement (jui n'est pas moindre, c'est qu'ils
de leurs yeux d'autres tout couverts d'ulcères
, ne manquent pas alors d'ouvrage. Ceux qui
et de plaies incurables, étalant aux regards font bâtir des maisons, qui cultivent la terre ,
publics les membres qu'ils devraient cacher ou qui parcourent les mers, ont besoin de leurs
dans l'état d'horreur où L' mal les a réduits. bras. Les maisons les champs les héritages
, ,

Il y aurait de Tinhumanité, mes frères, à ne sont la substance assurée des riches les pau- ;

point vous parler des pauvres, surtout quand vres n'ont de revenus que ce qu'ils gagnent
la circou'îlance actuelle nous en fait une loi par leurs sueurs. Ainsi lété, ils ptuvenl trou-
si pressante. Si nous devons en tout temps vous ver encore quelque ressource; mais l'hivrr,
exhorbir à l'aumône, parce qu'en tout leiups tout leur fait la guerre ; au dedans, la faim <lé-

nous avons besoin de la miséricorde du Maître vore leurs entrailles; au dehors, le froid gl.ice
comniim qui nous a créés, combien plus ne le leurs membres, et rend leur chiir presque
devons-nous pas dans le froid rigoureux qui morte. Il leur faudrait plus de nourriture des ,

* Traduction d'Auger, rems. vêlements meilleurs, un toit, un lit, des chau»-

ÏOMB IV. 10
4^46 TRADUCTIOiN FRANÇAISE DE SALNT JEAN CHRYSOSTOME.

sures , et mille autres nécessités. Ce qu'il ya biens présents, ni des richesses, ni de l'opu-
de plus triste dans leur situation , c'est que la lence, ni de l'or, ni de l'argent, ni des délices,
rigueur du temps leur ôte tout moyen de tra- ni des habits magnifiques, ni des tables somp-
vailler pour se notirrir. tueuses; or, celui qui méptise tous ces avan-
Puis donc qu'à présent leurs besoins se mul- tages, se portera plus aisément à soulager les
tiplient, puisqu'ils n'ont pas la ressource du pauvres. C'est pour cela que saint Paul, après
travail, puisque personne ne loue leurs servi- avoir bien préparé l'esprit des fidèles par des
ces et ne les enijiloie à aucun ouvrage, sup- réflexions utiles sur la résurrection, leur donne
pléons à tous les moyens qui leur manquent, ses avis sur l'aumône. Il ne dit pas : Quant
engageons les personnes charitables à leur aux aumônes qu'on recueille pour les pauvres,
tendre la main, et prenons pour collègue de pour les indigents mais pour les saints, ap-
, :

notre ambassade le bienheureux Paul , ce prenant à ses auditeurs à respecter les pauvres
père tendre, ce grand protecteur des pauvres. lorsqu'ils sont vertueux, et à mépriser les

En effet, ce grand apôtre s'est occupé de l'au- riches lorsqu'ils méprisent la vertu. Il traite

mône plus que personne. Aussi quoiqu'il eût d'homme impur et pervers même un empe-
,

partagé avec Pierre les peuples chez lesquels reur , lorsqu'il est ennemi de Dieu , et il
ils devaient porter la prédication, il ne partagea nonune saints , même les pauvres , lorsqu'ils
pas le soin des pauvres mais après avoir dit :
;
sont sages et bien réglés. Il appelle Néron un
Les apôtres nous donnèrent la main à Barnabe mystère d'iniquité Le mystère d'iniquité, dit-
:

et à moi pour marque de l'union qui était en- il, agit dès à présent (H Thess. ii, 7); et
,

ire eux et nous , afin que 7ious prêchassions des hommes qui manquent de la nourriture
l'Evangile aux Gentils et aux circoncis, il nécessaire, qui l'attendent de la f>itié publique,
ajoute : Ih nous recommandèrent stidemcnt de il les a appelés des saints. Il donne en même
nous souvenir des pauvres , ce que j'ai eu aussi temps une leçon secrète aux riches; il leur ap-
grand soin de faire. (Galat. ii, 9 et 10.) Partout prend à ne pas concevoir d'orgueil à ne point ,

dans ses épîtres, il parle de l'aumône, et il se prévaloir du précepte, comme s'ils soula-
n'en est aucune où ne recommande celte
il geaient des êtres vils et méprisables mais à ,

vertu. Il savait combien elle a


savait, oui, il se bien persuader eux-mêmes que c'est pour
de pouvoir. C'est par là qu'il termine tous les eux un très-grand honneur d'être jugés di-
avis qu'il adresse aux fidèles, c'est comme le gnes de participer aux alfiictions des pauvres.
faîte admirable dont il couronne un bel édifice. 2. Mais il est à propos d'examiner ce que
Ainsi, dans le passage que nous entreprenons saint Paul entend par le nom de sainte car ce ;

d'expliquer, après avoir parle de la résurrec- n'est pas seulement ici qu'il en parle, mais
tion, et avoir réglé tout le reste, il finit par encore ailleurs Maint» nant dit-il aux fidèles
: ,

l'aumône, et voici comme il s'exprime Quant : de Rome, je m'en vais à Jérusalem porter aux
aux au}nônes qu'on recueille pour les saints, saints les aumônes que j'ai recueillies. (Rom
suivez le mâne ordre que nous avons élohli XV, 25.) Saint Luc parle de ces mêmes saints
pour les Eglises de Galatie. Que le premier dans les Actes, lorsqu'on était menacé d'une
jour de la semaine chacun de vous.... (I Cor. grande famine : Z,c5 discijtles, dit-il, résolu-
XVI, 1 et suiv.) Voyez la prudence de TApùtre, rent d'envoyer, chacun selon son pouvoir^
et combien il place à propos ses avis sur l'au- qu ff/uc< aumônes aux saints de Jérusalen). qui
mône. C'est après avoir parlé d'un jugement étaient daiis l'indigence. (Ait. ii, 20.) Et dans le
à venir, d'un tribunal redoutable, de la gloire passage que nous avons cité plus haut -.Ils nous
dont les justes doivent être revêtus, et d'une recommandèrent seulement, dit saint Paul, de
vie inunortelle, c'est alors qu'il s'occupe de nous souvenir des pauvres ce que j'ai eu aussi ,

l'aumône, afin que son auditeur, frappé par grand soin de faire. Lorsque nous nous fûmes
la crainte d'un jugement futur, animé et con- partagés les peuples, que j'eus pris pour moi les
solé par l'attente des biens que Dieu lui ré- Gentils, et que Pierre eut pris les Juifs, nous
serve rempli d'heureuses espérances, reçoive
, réglâmes, d'un conunun accord, que ce par-
ses discours avec plus d'einpressemeul, Oui tage ne s'étendrait pas sur les pauvres. Lors-
sans doute, celui qui raisonne sur la réï^urrec- qu'il s'agissait de prédication , l'un prêchait
tion ;
qui se transporte tout entier lui-même aux Juifs, l'autreau\ Gentils; mais lorsqu'il
dans une autre vic^ :ie fera aucun cas dQl fallait secourir les pauvres, ce n'était [il us la
HOMKIJE Sru L'AUMONE. U7
même chose : l'un n'était pas chargé spéciale- retirer. Aussi Pilate se lava-t-il les mains en
ment des pauvres parmi les Juifs, et l'autre disant : Je suis innocent du sang de cet homme
des pauvres parmi les Gentils, mais ils s'occu- (Matth. xxvn, 24); et comme il se vit pressé
paient tous deux, avec uu grand soin , des par les Juifs, il se retira sans prononcer. Les
pauvres de la Judée. C'est ce qui faisait dire Juifs, de leur propre autorité, le condanmèrent,
à saint Paul nous recommandèrent seu-
: Ils et firoiit ie reste. Ils ont aussi souvent atlaciué
lement de nous souvenir des pauvres^ ce que saint Paul. Comme donc ils se jugeaient eux-
j'ai eu aussi grand soin de faire. Quels sont mêmes, il arrivait de là que ceux d'entre eux
donc les pauvres dont il parle ici, et dans l'é- qui croyaient en Jésus-Christ avaient plus à
pître aux Romains et dans celle aux Galates,
, soulfrirque partout ailleurs. Chez les antres
pour lesquels il exhorte encore les Macédo- peuples, il y avait des tribunaux, des lois, des
niens ? ce sont les Juifs pauvres (jui étaient à magistrats; et il n'était pas permis aux Gentils de
Jérusalem. Et pounjuoi s'ocoupc-l-il d'eux avec faire mourir, de lapider ceux d'entre eux qui
tant d'attention? est-ce qu'il n'y avait pas de s'écartaient des usages ou de leur faire quel-
,

pauvres et d'indigents dans chacune des que autre mal, de leur propre autorité; mais
autres villes ? pourquoi donc n'envoie-t-il si l'on en surprenait (juehju'un à commettre
d'aumônes qu'aux pauvres de Jérusalem et ,
quelque acte de violence contre la volonté des
exhorle-t-il pour eux les fidèles des autres juges, il était puni lui-même. Les Juifs, au con-
pays ? Ce n'est pas sans motif et au hasard , ni traire, avaient pour ces sortes de violences
par acception de personne qu'il le fait, mais illégales une entière licence. Aussi, je le répèle,
par raison d'utilité et de convenance. ceux d'entre eux qui avaient embrassé la foi

Il de reprendre les choses d'un


est nécessaire étaient plus persécutés que les chrétiens des
peu plus baut. Lorsque l'empire des Juifs fut autres nations ; ils étaient comme des brebis
tombé, lorsqu'ayant crucifié Jésus, ils eurent au milieu des loups, et ils ne trouvaient per-
prononcé contre eux-mêmes cette sentence : sonne qui vînt à leur secours. Les Juifs battirent
^ous 11 avons de roi que César (Jean, xix, 15), souvent de verges saint Paul, comme nous l'ap-
et qu'ils furent désormais soumis aux Komains, prenons de lui-même J'ai reçu des Juifs,
:

ils ne se gouvernaient plus par leurs propres dit-il, en cinq fois différentes, trente-neuf
lois comme auparavant, sans qu'ils fussent coups de fouet ; fai été battu de verges par
aussi assujétis que de nos jours; mais ils trois fois ; j'ai été lapidé une fois. (II Cor. u, 24
étaient au rang d'alliés, ils payaient tribut aux et 25.) Et pour preuve que nous ne parlons
empereurs, et recevaient des gouverneurs point par conjecture, écoutez ce que saint Paul
choisis par eux. Cependant ils usaient de leurs écrit aux Hébreux Rappelez en votre mémoire
:

propres lois dans plusieurs occasions, et punis- ces premiers temps auxquels, après avoir été
^

saient leurs coupables suivant leurs anciennes éclairés par la foi, vous avez soutenu de grands
ordonnances. Ce qui prouve (lu'ils payaient combats dans les afflictions que Von vous a fait
tribut aux Romains, c'est que s'étant approchés souffrir, ayant été d'une part exposés devant
de Jésus pour le tenter, ils lui firent cette de- tout le monde aux injures et aux mauvais trai-
mande Maître^ est-il libre ou non de payer le
: tements, et de l'autre ayant été compagnons de
tribut à César? (Malth. xxii, 17.) Jésus-Christ ceux qui ont enduré de pareils outrages; car
leur ayant fait montrer une pièce de monnaie, vous avez vu avec joie tous vos biens pillés, sa-
leur dit Rendez à César ce qui est à César
:
,
chant que vous aviez dans les deux d'autres
et à Dieu ce qui est à Dieu. Saint Luc dit biens plus excellents et plus durables. (Héb. x,
expressément que le temple était occupé par 32, 33 et 34.) Il exhorte ainsi les Thessaloni-
des chefs de troupes romaines. Ce sont là des ciens, eu les produisant pour exemple : Mes
preuves très-fortes que les Juifs étaient soumis vous êtes devenus les imita-
frères, leur dit-il,
aux Romains. Mais ce qui prouve qu'ils leurs des Eglises de Dieu, qui ont embrassé la
usaient souvent de leurs propres lois , c'est foi de Jésus-Christ dans la Judée, ayant souf-
qu'ils ont lapidé Etienne sans le mener devant fert les mêmes persécutions, de la part de vos
un tribunal ,
qu'ils ont fait mourir Jacques concitoyens, que ces Eglises ont souffertes de la
frère du Seigneur ,
qu'ils ont crucifié Jésus- part des Juifs. (I Thess. n, 14.) Ainsi comme ,

Christ lui-même, quoique le juge le déclarât les fidèles de Jérui^alem avaient plus à soulfrir
purgé de toute accusation, et lui permit de se que dans toute autre ville, qu^ou les persécU'
i48 TRADUCTION FRANÇAISE DE SAINT JEAN CHRVSOSTOME.

tait sans pitié, qu'on enlevait tous leurs biens, avec Dieu, que notre race a recouvré son an-
qu'ils étaient pillés partout, chassés de tous les cienne noblesse, ou plutôt est montée à un
lieux, c'est avec raison que saint Paul excite rang beaucoup plus sublime; c'est en ce jour
tous les peuples à les secourir. C'est ici encore que le soleil a vu un prodige merveilleux :

en leur faveur qu'il exhorte les Corinthiens par l'homme devenu immortel. C'est pour nous
ces paroles Quant aux aumônes qu' onrecueille
: rafipeler tous ces grands avantages, que saint
pour les saints, suivez le même ordre que nous Paul choisit le jour du Seigneur; il prend ce
avons établi pour les Eglises de Galatie. jour pour appuyer ses paroles, et il semble dire
3. J'ai prouvé suffisammentquelssontles saints à chacun Pensez, ô homme, de quels biens
:

que désigne saint Paul, et pourquoi il s'occupe vous avez été comblé en ce jour, de quels
d'eux avec une attention particuhère; il faut maux vous avez été déhvré ce que vous étiez
;

montrer maintenant pour quelle raison il parle d'abord, ce que vous êtes devenu ensuite Si
I

des Galates; car, pourquoi ne dit-il pas Quant : d'anciens esclaves honorent le jour où ils ont
aux aumônes qu'on recueille pour les saints été mis en liberté; si nous honorons le jour de
suivez cet ordre que le premier jour de la
: no^'-e naissance ; si les uns célèbrent des fes-

semaine chacun de vous mette à part chez soi tins, si d'autres, plus généreux encore, font des

quelque chose, amassant peu à peu, au lieu de présents; à plus forte raison devons-nous ho-
dire -.Quant aux aumônes qu'on recueille pour norer le jour que l'on peut appeler le jour de
les saints, suivez le même ordre que nous avons la naissance de la nature humaine. Nous étions

établi pour les Eglises de Galatie? Pourquoi perdus, et nous avons été retrouvés ;nous
s'expriine-t-il de la sorte? pourquoi ne parle- étions mor's, et nous sommes ressuscites; nous
t-il pas d'une ou de deux villes, mais do tout étions ennemis, et nous avons été reconciliés.
un peu|)le? c'est pour que les Corinthiens Nous devons donc honorer ce jour d'une ma-
montrent plus d'ardeur, et que les éloijjrs don- nière spirituelle, non en célébrant des festins,
nés à d'autres soient pour eux un motif d'ému- non en nous livrant aux excès de la bouche et
lation. à des danses peu honnêtes, mais en tirant de
Ensuite, il leur explique l'ordre qu'il vou- la détresse nos frères indigents. Je ne vous fais
drait éta!)Iir Que le premier jour de la se-
: pas ces réflexions afin que vous y applaudis-
maine, chacun de vous mette à part chez
dil-il, siez, mais afin que vous agissiez d'après ce que

soi quelqiie chose, amassant peu à peu ce qu'il je vous dis. Croyez que ce n'est pas seulement

pourra, avec l'aide du Seigneur, afin qu'on aux Corinthiens que s'adresse l'ApùIre, mais à
n'attende pas à mon arrivée à recueillir les chacun de nous et à ceux qui viendront après
aumônes. Le premier jour de la semaine, c'est- nous. Suivons l'ordre établi par saint Paul, et
à-dire le dimanche, le jour consacre au Soi- mettons à part, dans le jour du Seigneur, l'ar-
gneur. Et pounjuoi a-t-il manjué ce jour pour gent d(^stiné pour le Seigneur. Faisons-nous-
les contributions de chacun? pouniuoi n'a-t-il en \n\{^ loi et un usage invariable, et notis n'au-
pas dit le deuxième jour de la semaine, le
: rons pas besoin d'être animés ni exhortés. Une
troisième, ou le dernier? Ce n'est pas au ha- longue etancienne habitude fait plus dans c^s
sard et sans raison il voulait tirer du temps
: sortes de bomies œuvres que tous les discours
même un motif pour les faire contribuer, avec et toutes les exhortations. Si nous nous faisons
plus d'ardeur, au soulagement des pauvrefî. La une règle de mettre (lueljuc chose à part le
circonstance du temps fait beaucoup eu toute dimanche pour iesoulaLijmcnt d<'s pauvres, ce
chose. Et que fait, dire/- vous, la cireoustauce sera pour nous une loi (|ue nous n'oserons en-
du jour pour engager à faire laumùne? D;uis freindre, quelque nécessité qui survienne.
le jour que marque l'Apôtre, on cesse tout trâ[- Après avoir dit Le prcjni<*r jour de la se-
:

vail; le repos rend l'àuie plus gaie et plus con- 7nainr, l'AiuMre ajoute chacun de votts. Je no
:

tente. Mais, ce (|u"il y a (le plus important, c'isl parle jias seulement, dil-il, aux riches, mais
qu'en ce jour nous avons joui d'une infinité de encore aux pauvres; non-seulement aux per-
précieux avantages. C'est en ce jour (|ue la sonnes libres, mais encore aux esclaves non-;

mort a été vaincue, la malédiction détruite, le seulement aux liouuues, mais encore aux f lû-
péché alioli, les portes de rrnfer brisées, le mes. Que piM'sonne ne se dispense de cette
démon enchaîné, une longue guerre terminée; bonne œiivre, que persotme ne se prive du
c Cbt en ce jour que l'homme a été réconcilié fruit qu'on peut en recueillir, mais que chacun
HOMÉLIE SUR L'AUMONE. 149

contribue selon son pouvoir. Non, la pauvreté dépendent '. Tout lieu où est woposé ï'argent
ne |)Out être un obstacle à une pareille contri- des pauvres est inaccessible aux démons; et
bution. Qucliiue pauvre que vous soyez, vous cet argent vaut mieux pour garder les maisons
n'êtes pas i)Iuspauvre que cette veuve de l'E- et pour les défendre que les troupes de soldats,
vangile, (jui donna tout ce ({u'elle a^ait. (Luc, que les pi(|ues, les boucliers et les épées.
XXI, 2.) Quelque pauvre (jue vous soyez, vous Anrès avoir marqué le temps et la manière
n'êtes pas plas pauvre que cette veuve de Si- d'amasser cet argent, et les personnes qui doi-
donie, qui, ne possédant qu'une poignée de vent être chargées de cet office, l'Apôtre aban-
farine, pressée par la faim, n'ayant rien en ré- donne la quantité à la volonté de ceux qui con-
serve, se voyant entourée d'enfants, ne se dis- tribuent; car il ne dit pas : Contribuez de tant,
pensa pas, s'empressa au contraire de recevoir pour (jue le précepte ne soit pas à charge, et
le prophète. (111 Rois, xvn. M.) que les pauvres ne puissent pas se rejeter sur
Mais pourquoi saint Paul a-t-il dit mette à : leur impuissance mais il règle la grandeur de
;

part chez soi, amassant peu à peu, à la lettre, la contribution le pouvoir de ceux qui con-
sur
thésaurisant. Comme celui qui mettait à part tribuent Que chacun de vous, dit-il, mette à
:

aurait pu avoir honte d'offrir une somme mo- part chez soi quelque chose, a?nassant peu à
dique, c'est pour cela qu'il dit Gardez chez : peu ce qu'il pourra avec laide du Seigneur,
vous ce vous mettez à part, et lorsque vous
(jue annonçant, par ces derniers mots, que le se-
aurez grossi la sonnne en mettant à plusieurs cours du ciel ne manquera pas ; car saint
reprises, alors venez nous l'offrir. Il se sert du Paul ne cherchait pas seulement à faire secou-
mot thésaurisant, afin de vous apprendre que rir les pauvres, mais à les faire secourir avec
cette contribution est un revenu, que cette dé- joie. Il savait que c'est beaucoup moins pour le

pense est un trésor, et le plus précieux des tré- soulagement de l'indigence, que Dieu a or-
sors. Un trésor terrestre est sujet à être pris, à donné l'aumône, que pour l'avantage de ceux
être diminué, perd souvent ceux qui l'acquiè- qui la font. En effet, s'il n'eût [)ensé qu'aux
rent; un trésor céleste est bien différent : on pauvres, il eût simplement ordonné de les sou-
ne peut le perdre, il ne peut être pri? par les lager, sans recommander de le faire avec joie;
voleurs, il est le salut de ceux qui ie possèdent, mais vous voyez que, dans plusieurs endroits,
ilne diminue pas avec le temps, l'envie ne peut saint Paul insiste sur ce dernier point Ne :

nous en dépouiller, il est à l'abri de toute ra- donnez pas dit-il dans une de ses épîtres 7ie
, ,

pine, il procure mille biens à ceux qui l'amas- donnez pas ce que vous avez envie de donner,
sent. avec tristesse et comme par force; car Dieu
4. Suivons donc le conseil de l'Apôtre , et, aime celui qui donne avec joie (II Cor. ix, 7) ;

selon qu'il nous recommande, ayons en ré-


le non simplement celui qui donne, mais celui
serve dans nos maisons un argent sacré, qui qui donne avec plaisir. Que celui qui fait Vau-
soit comme sauvegarde de nos fortunes par-
la mône, dit-il ailleurs, la fasse avec simplicité ;
ticulières; car de même que l'argent d'un par- que celui qui gouverne s'en acquitte avec vigi-
ticulier, déposé dans le trésor du prince, parti- lance; que celui qui exerce les œuvres de mi-
cipe à la sûreté de ce trésor, ainsi l'argent des scricoide, les exerce avec joie. (Rom. xn, 8.)
pauvres, amassé peu à peu dans votre maison La nature de l'aumône consiste à donner avec
pendant tous les jours consacrés au Seigneur, joie, et à croire qu'on reçoit plus qu'on ne
fera la sûreté du reste; et vous serez vous- donne. Aussi TApôlre emploie-t-il tous les
même le dispensateur de vos propres fonds, moyens pour alléger le précepte, pour faire
nommé par le bienheureux Paul. Que dis-je? contribuer avec plaisir au soulagement du
ce que vous aurez amassé d'abord sera pour pauvre.
vous un motif et une occasion damasser da- Et voyez en combien de manières il s'est ef-
vantage. Lorsque vous aurez pris une heureuse forcé d'ôter à l'aumône tout son fardeau. Pre-
habitude , vous pourrez vous exciter vous- mièrement, il ne fait pas contribuer une ou
même sans que personne vous exhorte. Que la deux personnes, mais toute la ville; et le mot
maison de chacun devienne donc par là une qu'ilemploie signifie une contribution géné-
église, en devenant dépositaire d'un argent
' Chaque église avait un bâtiment oui lui était annexé, no
sacré puisqu'une des marques auxquelles on
grec gnzojjliihikion. On y déposait le» denlen qol devaient «
,

reconnaît les églises ce sont les trésors qui en ployéb au iojlagement des pauvre».
130 TRADUCTION FRANÇAISE DE SAINT JEAN CIIRYSOSTOMË.

raie,où chacun donne pour sa part. Seconde- pas l'argent, vous abandonnez cette fonction à
ment, il fait valoir la dignité de ceux qui re- d'autres! Pour que cette idée ne pût pas ralen-
çoivent; car il ne dit pas les pauvres, mais : : tir leur ardeur, voyez comme il la prévient
les saints. En troisième lieu, il anime par un encore. Il ne simplement /enverrai
dit pas :

exemple Sîdvez Vordre^ dit-il, que nous avons


: ceux que vous aurez choisis ; maïs que dit-il?
établi pour les Eglises de Galatic. Ajoutons avec des lettres de ma part. Si je ne les accom-
qu'il marque un temps favorable Que le pre- : pagne pas en personne, je serai du moins avec
mier jour de la semaine^ dit- il, chacun de vous eux par mes iettros, et je les seconderai dans
»?e/^e«/j«r^.Cinquièmem''nt,ilne fait pas don- leur ministère.
ner toute l'aumône à la fois^ mais partiellement 5. Serions-nous dignes de l'ombre de Paul,
et peu à peu car ce n'est pas la même chose de
;
serions-nous dignes de dénouer sa chaussure,
donner tout en un seul jour, ou de distribuer si lorsque cet apôtre, qui jouissait d'une gloire
la dépense dans plusieurs intervalles de temps, si étendue, a dédaigné de recevoir de la part
ce qui empêche qu'on ne s'en aperçoive. Sixiè- des fidèles des marques de considération, nous
mement, il ne détermine pas la quantité de la sommes fâchés et indignés que les administra-
somme, mais il s'en rapporte à la volonté de teurs de l'argent des pauvres ne soient pas de
ceux qui donnent, et il déclare qu'ils auront notre choix, ne soient pas agréés par nous, nous
l'aide du Seigneur; car telle est la force du regardons comme une injure que ceux qui
terme dont il fait usage. Il njoute encore un donnent de leurs deniers pour de bonnes œu-
septième moyen Afin, dit-il, qu'on n'attende
: vres ne nous consultent pas dans la manière
pas à mon arrivée à recueillir les aumônes. Il de les administrer?
excite les fidèles de Corinthe en môme temps Et voyez comme saint Paul est toujours d ac-
qu'il les console, en leur faisant espérer qu'ils cord avec lui-même, comme ilne se dément
ne tarderont pas à le revoir, et en leur fix;ait point. Le terme qu'il emploie pour exprimer
le terme où ils le reverront. les aumônes des Corinthiens est
celui de grdce^
Enfin, il emploie un dernier moyen; et quel annonçant par là que si ressusciter les morU^,
est ce moyen? Lorsque je serai arrivé, dit-il, chasser les démons, guérir les lépreux, est une
j'enverrai avec des lettres de ma par t^ ceux que œuvre de la grâce, soulager la pauvreté et ten-
vous aurez choisis pour porter vos charités à dre la main à l'indigence l'est beaucoup plus
Jérusalem. Que si la chose mérite que f y aille encore. iMais quoique ce soit une grâce, il faut
moi-même, ils m'accompagneront. Voyez com- leconcours de notre zèle et de notre ardeur,
bien cette àme sainte et généreuse est modeste nous dcAons y correspondre et nous en rendre
et éloignée de tout faste, combien elle est ten- dignes par notre \oU»nlé propre. Au reste,
dre et attentive Saint Paul se dispense de
! l'Apôtre console les Corinthiens, en cbargcant
nommer lui-même, et à son gré, les dispensa- de lettres de sa part les dispensateurs de leurs
teurs des aumônes, il en abandonne le choix aumônes, et en faisant quelque chose de plus,
aux Corinthiens; et loin de regarder connue en promettant de les accomiaguer dans leur
une injure qu'ils fussent choisis par eux et non voyage : Que il, mérite que j'y
si la chose, dit
par lui, il jugeait au contraire peu convenable aille moi-mêj7ie^ ilsm'accompagncrout. Consi-
que faisant eux-mêmes les aumônes, un autre dérez encore ici sa prudence. II ne refuse ni
en nommât les dis|»cnsateurs. Il leur en laisse ne promet absolument de les accompagner;
donc le choix, aunon(,;uit par là sa modestie, mais il abandonne encore ce voyage au choix
en même temps qu'il éloignait toute ombre de de ceux qui font les aumônes, il les eu laisse
mauvais soupç^'on. Quoiqu'il lui plus pur que le les arbitres, eu leur faisant entendre que si ces

soleil, au-dessus de tout soupçon défavo-


et aumônes sont assez consi^iciables pour le dé-
rable, ne crojait pas pouvoir prendre trop
il terminer, il se mettra volontiers en roule. C'est
de précautions pour ménager les faibles, et ne là le sens caché sous ces mots :Que si la chose

donner aucune |)rise à la cidoninie. C'est j)our mérite que j'y aille inoi-mcmc. S'il avait refusé
cela qu'il s'exprime, avons dit comme nous absolument, ou s'il n'avait promis que d'une
l)lushaut Lorsque je serai arrivé^ fcnveirai
:
manière équivoque et douteuse, il eût diminué
ceux que vous aurez choisis pour porter vos le courage et ralenti l'ardeur des Corinthiens.

charités à Jérusalem. Quoi donc! vous ne faites C'est pour cela qu'il ne leur refuse ni ne leur

pas le voyage de Jérusalem, vous ne iircucz promet absolument, mais qu'il les laisse arbi-
IIMMLLIE SUR LWrMuNE. 151

1res de son départ. Sachant que Paul pourrait lait, qui aurait pu protluire sur-le-champ
porter lui-même leurs aumônes, ils en met- d'immenses trésors, ne l'a pas voulu; mais il a
taient à part les deniers avec plus d'ardonr, ordonné à ses disciples d'avoir une bourse et de
dans l'espoir que ses mains saintes pourraient porter ce qu'on y mettait pour en secourir
en avoir l'administration, et qu'il joindrait ses ceux qui étaient dans le besoin. Aussi, lorsqu'il
prières à leur sacrifice. Ils pensaient qu'un parlait obscurément à Judas de sa trahison, les
apôtre cbar{j^é du monde entier, et du soin de disciples, qui ne pouvaient comprendre ses pa-
toutes les Eglises que le soleil éclaire, ne s'en- roles, crurent qu'il lui ordonnait de distri-
gagerait pas à administrer une somme trop buer quelque argent aux pauvres, parcequ'il
modique, une somme qui n'en vaudrait point avait la bourse (Jean, xiir, 59), et que c'é-

la peine. Mais si les Corinthiens, (jui devaient taitlui qui portait ce qu'on mettait dedans.
remettre leurs aumônes entre les mains de Dieu, oui, Dieu a fort à cœur la miséricorde,
Paul, pour les porter à Jérusalem , en amas- non-seulement celle qu'il nous témoigne à
saient les deniers avec plus de zèle, quelle nous-mêmes, mais encore celle que nous de-
excuse vous restera-t-il, vous balancez à faire
si vons montrer envers nos semblables. Il nous
l'aumône, lorsque vous devez donner votre ar- donne sur l'aumône une infinité de préceptes
gent au Maître de Paul, qui le reçoit lui-même dans l'Ancien comme dans le Nouveau Testa-
par la main des pauvres? ment; nous commande de signaler notre
il

Pénétrés de ces idées, soit que vous deviez amour pour les hommes par des actions, par
donner aux pauvres en votre nom, ou leur dis- des paroles par d'utiles largesses. Moïse en
,

tribuer les deniers d'autrui, ne le faites ni avec parle fort souvent dans toutes ses lois; les
lenteur ni avec tristesse, comme si vous portiez prophètes nous crient, dans la personne de
atteinte à votre fortune. Le laboureur qui jette Dieu Je veux la miséricorde et no7i le sa-
:

tout ce qu'il a de semence, loin d'être fâché crifice. (Osée, vi, 6.) Les apôtres agissent et
et de s'affliger, loin de regarder cela comme parlent conformément à ce principe. Ne né-
une perte, le regardeau contraire comme un gligeons donc pas l'aumône, qui est si utile
gain et un revenu ,
quoique ses espérances aux pauvres et encore plus à nous-mêmes
,

soient incerlaines; et vous (|ui semez pour re- puis(jue nous recevons beaucoup plus que nous
cueillir des fruits beaucoup plus précieux, vous ne donnons.
qui confiez votre argent à Jésus-Christ lui- 6. Ce n'est pas sans motif que je fais mainte-

même, vousdifTérez, vous balancez, vous pré- nant ces réflexions, mais parce que j'en vois
textez le défaut de moyens 1 cette conduite est- plusieurs examiner scrupuleusement les pau-
elle raisonnable? Dieu ne pouvait-il pas ordon- vres, s'informer de leur patrie, de leur vie, de
ner à la terre de produire de l'or pur? Celui leurs mœurs de leur profession , de l'état de
,

qui a dit : Que la terre produise de Vherbe leur corps, leur faire mille reproches, leur
ir/7e(Gen. i, il), et «jui l'a montrée aussitôt demander mille comptes de leur santé. Aussi
revêtue de verdure, pouvait sans doute ordon- beaucoup d'entre eux contrefont-ils des corps
ner à tous les fleuves et à toutes les fontaines estropiés et impotents, afin de fléchir notre
de rouler de l'or. Il ne l'a pas voulu, il a laissé cruauté par les faux dehors d'une infirmité
beaucoup d'hommes dans l'indigence pour ap|)arcnte. Il est mal de leur faire des repro-
leur avantage et pour le vôtre; car la pauvre'.é ches, même dans la belle saison, quoi(|ue cela
que les richesses, et
est plus propre à la vertu puisse se souffrir; mais pendant le froid le
une médiocre ressource pour ceux
ce n'est pas plus rigoureux, se montrer à leur égard uï\
qui ont péché que les secours accordés aux juge si dur et si cruel, ne leur point pardon-
indigents. ner de rester oisifs, n'est-ce pas le comble de
Dieu a sicœur l'aumône, que lorsqu'il
fort à l'inhumanité? Pourijuoi donc, dira-t-on, saint
vint dans le monde, re\èlu de notre chair et Paul donnait-il cette règle aux Thessaloniciens:
conversant avec les hommes, il ne regarda pas Celui qui ne veut pas travailler ne doit pas
comme une honte, comme indigne de sa ma- non plus fnanger? C'est afin que vous la con-
jesté, d'administrer lui-même les deniers des naissiez vous-même, celte règle, que vous vous
pauvres cependant, lui qui avait créé assez de
; adressiez à vous-même les paroles de l'Apôlre,
pains pour nourrir une grande multitude, qui et non pas seulement aux pauvres car les pré- ;

n'avait (ju'à ordonner pour faire ce qu'il vou- ceptes de saint Paul ne sont pas seulement pour
153 TRADUCTION FRANÇAISE DE SAINT JEAN CHRYSOSTOME.

les pauvres, mais encore pour nous. Ce que je par mains de Barnabe et de Paul, aux fidèles
les

vais vous dire est un peu dur, et pourra vous de Jérusalem (Act. H, 30), à ceux mêmes dont
déplaire; je vous le dirai toutefois, puisque je nous avons tant parlé dans ce discours. Serions-
vous le dis pour vous corriger, et non pour nous donc excusables, si, lorsque nos ancêtres
vous offenser. Nous reprochons aux pauvres la secouraient de leurs deniers des hommes éloi-
paresse, vice souvent excusable et nous, nous; gnés de leur pays, et qu'ils allaient les chercher
avons souvent à nous reprocher bien plus que eux-mêmes, nous repoussions des misérables
de la paresse. Mais moi,direz-vous, j'ai un pa- qui accourent à nous d'ailleurs, nous leur de-
trimoine. Mais parce que ce misérable est pau- mandions un couij.le rigoureux; et cela, sa-
vre, et qu'il est né de parents pauvres, qu'il chant que nous sommes coupables de mille
n'a pas eu des ancêtres opulents doit-il donc , crimes, et que si Dieu nous examinait avec la
périr? je vous le demande. Ne doit-il pas, pour même rigueur que nous examinons les pau-
cela même, surtout trouver de la compassion vres nous n'obtiendrions aucune indulgence,
,

dans le cœur des riches? Vous qui passez tous aucune pitié. Vous serez jugés dit l'Evangile, ,

les jours dans les spectacles, dans des assem- selo?i que vous aurez jugé les autres. (Matt. vu, 2.)
blées nuisibles, dans des sociétés d'où l'on ne Soyez donc humains et doux envers votre sem-
retire aucun avantage, où l'on se permet mille blable, pardonnez-lui beaucoup de fautes, ayez
traits de médisance et de calomnie, vous croyez compassion de lui, afin qu'on ait pour vous les
ne rien faire de mal et n'être pas coupable de mêmes égards. Pourquoi vous créer à vous-
paresse et un malheureux qui passe tout le
, mêmes des embarras? pourquoi vous inquiéter
jour à pleurer, à gémir, à supplier, à souffrir vous-mêmes. Si Dieu vous eût ordonné d'exami-
mille maux, vous le citez à votre tribunal, vous ner la vie de vos frères, de rechercher leurs
le jugez durement, vous lui demandez mille mœurs de leur demander des comptes, plu-
,

comptes! est-ce là, je vous prie, un procédé sieurs n'auraient-ils pas élé mécontents? n'au-
humain? Ainsi, quand vous dites Que répon- : raient-ils pas dit Assurément Dieu nous a
:

drons-nous à saint Paul? adressez -vous les pa- chargés d'une fonction fort disgracieuse et
roles de rA|)ôtre à vous-même, et non pas aux très-difficile?Pouvons-nous parvenir à connaî-
pauvres. D'ailleurs, ne vous contentez pas de tre la vie des autres ? Pouvons-nous savoir les
menaces de saint Paul lisez aussi ses
lire les , fautes que tel et tel a commises? Plusieurs
paroles indulgentes. Le même apôtre qui dit : n'auraient-ils pas tenu ces discours et d'au-
Cchd qui ne veut pas travailler ne doit pas tres semblables ? Et lurstjue Dieu nous dis-
710)1 plus ynaufjer, ajoute Mais vous, mes frè-
: pense de ces recherches pénibles , lorsqu'il
res, ne vous lassez pas de faire le bien. (Il Thess. promet de nous donner une récompense abon-
III, 12 et 13.) dante, soit que ceux (jue nous soulagions soient
Mais quel est encore un prétexte spécieux de bons ou méchants, nous nous formons à nous-
nos riches impiloyables?ce sont, disent-ils, des mêmes des embarras. Et qu'est-ce qui prouve,
esclaves fugitifs, des vagabonds, des étrangers, direz-vous, que nous recevrons toujours notre
qui abandonnent leur patrie, et qui accourent récompense, soit que ceux à cpii nous donnons
dans notre ville. Eh quoi, mon frère êles-vous ! soient bons ou méchants? Ce sont les paroles
donc fâché qu'on regarde généralement votre mêmes du Fils de Dieu Priez, dit-il, pour
:

ville comme un port commun, qu'on la pré- ceux qui vous persécutent et qui vous calom-
fère à sa ville natale? voulez-vous lui ravir nient, ofiii que vous soyez scniM ai/les à votre
cette couronne? Vous devez vous réjouir et Père qui est dans les cienx , qui fait lever son
triomjjher de ce que tous les malheureux ac- soleil sur les bons et sur les méchants, qui fait
courent dans nos bras comme dans un asile pleuvoir sur les justes et sur les injustes. (Malth.
commun de ce qu'ils roganleul notre ville
, v, -Il et io.) Suivez donc l'exemple de votre
comme leur mère et leur proteclrice. Ne pri- Seigneur et de votre Maître. Quoi(iu'une infi-
vez pas votre patrie du plus beau do ses éloges, nité d'honunes le blasphèment, quoiqu'une
ne lui enlevez pas une gloire qu'elle tient de infinité d'hommes se livrent à la fornication ,

ses ancêhes. Dans les premiers jours du chris- aux vols, aux rapines, soient souillés de vices
tianisme, lorsiiue toute la terre était menacée et de crimes, il ne cesse de les combler de
d'une grande famine , les habitants de notre biens, il verse sur eux des rayons bienfaisanls,
ville eiivoyèrenl une grande bonunc d'argent, des pluies fécondes, tous les fruits de la tcire,
HOMÉLIE SUR L'AUMONE. 153

il leur donne mille marques de sa bonté et de en vain. Je vous exhorte donc à renoncer à des
son amour. De môme vous, lorsque vous trou- peines inutiles, à des soins superflus, à soula{,^er
vez l'occasion d'exercer la miséricorde et de tous ceux qui sont dans la détresse, et à leur
sigrnaler votre bienfaisance, secourez le pauvre procurer d'abondants secours, afin que, dans
dans ses besoins, apaisez sa faim, délivrez-le de les joursde la justice, nous éprouvions l'iu-
son aftliclion, n'examinez rien davantage. Si dulj^ence et la miséricorde de Dieu, par la

nous voulons recbercher la vie des inalbeu- grâce et la bonté de Notre-Seigneur Jésus-
reux, nous n'en soula{?erons aucun; arrêtés Christ, avec qui soient au Père et à rEs[)rit-
sans et sse par des inquiétudes déplacées, par Saint, la gloire, l'honneur, l'empire, mainte-
des recherches hors de saison nous ne pro-
, nant et toujours , dans tous les siècles des siè-
duirons aucun fruit de miséricorde nous ne , cles. Ainsi soit-il.

Bocourrous personne, et nous nous fatiguerons


HOMÉLTE

SUR LA FÉLICITÉ DE LA A^IE FUTURE


<5c sur le néant de la vie présente*.

ANALYSE.

Cette homélie qui a été certainement prononcée à Antioche , quoi(]u'on ignore en quelle année, roule sur différents objets de mo-
rale. L'orateur, après avoir loué ceux qui l'écoutent pour kur zèle à venir entendre la parole sainte, montre 1° en quoi con- :

sistent la vraie grandeur et la vraie principauté. —


2° Combien les avantages spirituels remportent sur les avantaçes temporels.
— 3° Quelle est la différence de la vie présente et de la vie future. — 4° Enfin (et c'es^t l'arlicle sur lequel il s"éteud davan-
tage), comment Jésus-Christ nous a rendu faciles les préccpl'S les plus sublimes , en les praliquaul lui-même, et en nous met-
tant Eous les yeux les prix et les récompenses. — 5° et 6° Exhortation.

i. La chaleur est excessive, les rayons du de la plus grande sûreté ; leshonneurs sont à
soleil sont brûlants ; mais votre ardeur à en- l'abri de tout changement, pouvoirs ne
les

tendre nos instructions n'en est pas ralentie. finissent jamais, et loin d'être interrompus
Tel est l'auditeur vigilant et attentif; forlitié par le trépas, c'est alors qu'ils sont plus as-

par son amour pour la parole sainte, il supporte surés.


tout aisément pour satisfaire cette passion noble Ne me parlez point d'un homme porté sur
et spirituelle. Rien n'est capable de l'arrêter : un char magnifique, avec une contenance
ni les excès de la chaleur, ni les embarras des fîère, environné de gardes, et précédé d'un hé-
affaires, ni tous les soins de la vie présente ;
raut dont la voix le proclame et l'annonce ce :

tandis que l'auditeur néghgent et lâche ne n'est pas à ces marques que je reconnais le
peut être animé ni par la douceur de la tem- prince, mais à l'état de son âme. S'il com-
pérature, ni par la tranquillité du loisir, ni mande à ses passions triomphe de ses
, s'il

par la sécurité d'un état paisible. Vous, mes vices, s'il se rena maître de sa cupidité, s'il
frères, vous êtes bien (HlVcrcnts. Aussi je vous règle ses désirs , s'il n'est pas consume par
préfère à tous les habitants d'Antioche ;
je l'envie , s'il une par la folle pas-
n'est pas eiitr
vous regarde comme la partie principale de sion d'une vaine gloire s'il ne redoute pas la ,

cotte ville célèbre : votre ardeur et votre vigi- pauvreté, s'il n'appréhende pas de revers fâ-
lance sont toujours les mêmes , et vous suivez cheux, si cette appréhension ne le glace pas
atttMitivement toutes nos instructions. Ce tem- d'épouvante c'est à ces marques que je re-
:

ple est pour moi plus auguste que les palais connais le prince, c'est là la vraie principauté.
des princes. Les faveiu's i]u'on accorde dans Si, connuandaut aux hommes, il obéit à ses
CCS palais, quelles qu'elles puissent être, se passions, je i>rélends qu'il est le plus esclave
terminent avec la vie , elles sont sujettes à de tous les esclaves. Et comme celui qui est
mille révolutions. Ici, au contraire, on jouit dévoré par une fièvre intérieure, quoique rien
'Traduction d'Augcr, revue. ne paraisse au dehors, et que la plupart ne
HOMÉLIE : FÉLICITÉ DE LA VIE FUTIIHE ET NÉANT DE LA VIE PUÉSÉNTE. l^r;

s'en ajH'n oivont pas, est déclaré par les méde- biens j'augmente mes richesses
,
en , même
cins attîKjuc d'une fièvre dangereuse ; de temps que je vous rends plus riches : cette
même dont l'âme est asservie à ses pas-
celui profusion m'enrichit loin de m'appauvrir. C'est
sions, quoique loul au dehors annonce le con- tout le contraire pour l'or si j'en ai une :

traire, je le déclare esclave, parce qu'il est do- grande quantité en réserve, et que je veuille
miné intérieurement par la tyrannie de ses en faire part à tous, ce partage diminuera ma
mativais désirs ;
je le déclare malade, parce possession , et je ne conserverai plus mon an-
qu'il est brûlé intérieurement par la fièvre cienne opulence.
des vices. Celui qui a secouéle joug des pas- 3. Puis donc que les avantages spirituels ont
sions, que mauvais désirs ne donnnenl
ses une si grande supériorité, puis(iu'ils se com-

pas, qui n'éprouve pas une crainte déraison- muni(iuent si facilement à icvs ceux qui veu-
nable de la pauvreté, de l'infamie, de tout ce lent les recevoir, recherchons-les avec ardeur,
qu'on regarde comme triste dans le monde, cessons de poursuivre des ombres, des préci-
fût-il revêtu de haillons, habilàt-il une prison, pices, des écueils. C'est afin d'augmenter notre
fût-il chargé de chaînes, est à mes yeux le plus ardeur pour les avantages spirituels que Dieu
libre de tous les hommes libres, le plus prince a fait les avantages temporels de nature à ex-
àe tous les princes. Les pouvoirs de cet empire pirer avant la mort de celui qui les possède. Je
ne s'achèlent pas à prix d'or ils ne sont expo- ; m'explique. Ce n'est pas lorsque l'homme
sés niaux invectives d'un accusateur, ni aux meurt que ces avantages meurent avec lui ;

attaques de l'envie, ni aux artifices de l'in- mais ils se flétrissent et disparaissent entière-
trigue. Placés comme dans l'asile inviolable ment lorsqu'il vit encore, afin que l'expérience
d'une [ihilosophie sainte, ils sont stables et lui apprenne que, par leur nature, ils sont plus
permanents, ne cèdent à aucune révolution, fragiles que le verre, plus fugitifs que l'ombre,
ni à la mort même. C'est ce qu'attestent les et que cette connaissance le guérisse de la fu-

martyrs, dont les corps sont réduits en cendre, reur qui lui fait désirer et embrasser des objets
et dont le |)Ouvoir augmente tous les jours, qui lui échappent. Par exemple les richesses ,

chasse les démons, dissipe les maladies, excite abandonnent souvent le riche avant sa mort. La
le zèle des villes, appelle ici les peuples. Ce jeunesse n'attend point notre trépas elle nous ,

pouvoir a une telle force, môme après la mort quitte au milieu de la route pour faire place
des saints, que tous accourent en foule, non à la triste vieillesse. La beauté expire du vivant
contraints par la nécessité mais entraînés par
, même de la femme qui en est si fière, et à ses
une ardeur que le temps ne peut ralentir. traits agréables succèdent des traits difformes.
2. Vous le voyez, ce n'est pas à tort que j'ai Il en est de même de la gloire, de la puissance,
annoncé ce temple comme plus auguste que les des honneurs, qui sont passagers, et plus mor-
palais des princes. Les faveurs qu'on obtient tels que les hommes qui les possèdent. On voit
dans ces palais ressemblent aux feuilles qui périr tous les jours des biens présents comme
sèchent et aux ombres qui passent les grâces : on voit mourir des corps. Or, cela arrive afin
qu'on reçoit ici sont plus fermes que le dia- que nous nous attachions uniquement aux
mant, puisqu'elles sont immortelles, immua- biens futurs, que nous soupirions après leur
bles, qu'elles ne cèdent à aucune révolution, jouissance, et que, marchant sur la terre, nous
qu'elles viennent d'elles-mêmes à ceux qui les vivions dans le ciel par le désir.
désirent, qu'elles ne sont pas sujettes à être Dieu a fait deux vies différentes entre elles,
disputées, ni attaquées en justice, ni calom- l'une présente, l'autre future; l'une visible,
niées. Les avantages temporels trouvent une l'autre invisible ; l'une sensible, l'autre spiri-
foule d'envieux ;
plus les avantages spirituels rituelle ; l'une dont on jouit réellement, l'autre
s'étendent sur un grand nombre de personnes, dont on ne jouit que par la foi l'une qui est ;

plus ils se multiplient et


deviennent précieux. entre nos mains l'autre qui n'est qu'en espé-
,

Vous pouvez vous en convaincre parle discours rance l'une est la carrière, l'autre le prix
; ; il

même que je vous adresse. Si je l'avais retenu a donné à l'une les combats et les travaux, il a
au dedans de moi-même, je n'en aurais été réservé pour l'autre les couronnes et les ré-
que plus pauvre en le répandant sur tous
; compenses l'une est la mer, l'autre le port ;
;

ceux qui m'écoutent, comme une bonne se- l'une est courte, l'autre immortelle. Ainsi,
inence dans une bonae terre, je multiplie mes comme beaucoup d'hommes préféraient lea
456 TRADUCTION FRANÇAISE DE SAINT JEAN CHRYSOSTOÎIE.

choses sensibles aux choses spirituelles, il a ment, dans son ancienne patrie, dont elle était
rendu celles-là fra;4iles et passagères, afin de exilée. Dès son entrée dans le monde, hono-
nous éloij^ner des ciioses présentes et de nous rant la virginité et changeant les lois de la na-
altacher fortement à l'amour des biens fu- ture il est né d'une femme qui est demeurée
,

turs. Ensuite, comme les choses invisibles vierge en devenant sa mère. Ainsi comme ,

et spirituelles n'existaient que par la foi et en venant sur la terre il nous donnait ces pré-
en espérance que fait - il ? Se revêlant de
,
ceptes et qu'il rendait notre vie sublime,
notre chair , et accomplissant sis desseins ilnous offrait une récompense qui répondait à
admirables, il paraît dans le monde, nous nos travaux, qui mêuic leur était bien supé-
met sous les yeux les choses futures, et par rieure. Mais cette réconipeuse-là même é'ait
là confirme dans la foiles esprits les plus invisible, elle qu'en espérance, par
n'existait
grossiers. En effet, comme il nous apportait la foi, et dans laltente des choses futures. Puis
une \ie angé!i(|ue ,
qu'il faisait le ciel de la donc que les préceptes étaient relevés et péni-
terre ,
qu'il donnait des préceptes (lui devaient bles que les prix et les couronnes n'existaient
,

égaler aux puissances incorporelles ceux qui que par la foi voyez comment il procède
,

les pratiqueraient , que des hommes il fai- comment il rend la lutte aisée et les combats
sait des anges, qu'il les api)elait à des espé- faciles.

rances célestes, qu'il multipliait leurs com- 5. Comment procède-t-il donc ? Il emploie

bats, qu'il leur ordonnait de prendre un essor deux moyens. Le premier, c'est de pratiquer lui-
plus sublime, de s'élever jusqu'au plus haut même ce qu'il ordonne le second c'est de ; ,

des cieux, de s'armer et de combattre contre nous montrer lui-même les récompenses et de
toute la troupe des esprits impurs, d'étouller nous les mettre sous les yeux. Dans ses pa-
le tumulte des passions , de porter un corps et roles il otfre le précepte et la récompense.
de le mortifier, d'être revêtu d'une chair et Voici le préceule Priez pour ceux qui vous
:

d'être l'égal des puissances spirituelles : calomnient et qui vous persécuteîU ; voici la
comme il donnait, dis-je, ces préceptes, que récompense afin que vous soyez les enfants
:

fait-il? comment rend-il le combat plus aisé? de votre Père qui est dans les cieux. (Mallli. v,
Ou plutôt,vous le trouvez bon, parlons d'a-
si 44 et 45.) Et encore ; ]'ous êtes heureux lors-
bord de grandeur des préceptes voyons
la ;
que les hommes vous chargeront de ntalédic-
comment il nous fait prendre notre essor en tions qu'ils vous persécuteront , qu'ils diront
,

haut, comment il nous a ordonné presque de faussement toute sorte de mal contre vous. Ré-
nous dépouiller de la nature humaine pour jouissez-vous alors et tressaillez de joie, parce
nous transporter dans le ciel. qu'une grande récompense vous est réservée
4. La loi ordonnait de prendre œil pour œil. dans les cieux. (Matlh. v, H et 12.) Vous voyez
Si quelqu'un, dit Jésus-Christ, vous frappe sur encore ici le précepte et la récompense. Il or-
la joue droite, présentez-lui la (jauche. (Mattli. donne le travail, et il prépare lui-même le sa-
V, 39.) Il ne nous dit pas seuleminl Sup|)ortez : laire. Celui, dit-il encore, qui abandonnera sa
1 injure avec douceur et avec courage mais ; ;
7naison, ses frères et ses sœurs, voilà le pré-
Que votre modération aille plus loin, préparez- cepte , recevra le centuple et possédera la vie
vous à soufl'rir plus encore qu'on ne veut vous éternelle (Mallh. xix, 20), voila le prix et la
un excès de modéiation
faire soufl'rir, o|)po.-ez couronne. Ain^i, je le répète, comme les pré-
à un excès d injure, afin que celui qui vous in- ceptes étaient relevés, et que les récompenses
sulte, respectant votre extrême douceur, soit n'étaient pas visibles »|ue fait-il ? Il nous ,

touché et se retire. Priez dit le même Jésus , montre lui-même les préceptes en exécution,
pour ceux qui vous calouuuent, priez pour vos et il nous met les couronnes sous les yeux. Et
ennemis faites du bien à ceux qui vous /lais-
, conune celui à qui on ordonne de marcher
sa J. (xMallli. V, -U.) El lorsqu'il conseille la dans une roule non battue, sil voit queliju'un
virginité Que celui, dit-il, qui peut contpren-
: marcher devant lui, entreprend plus aisément
dre ceci, le comprenne. (Maltli. xix 12.) , la chose et lexécute avec plus d'ariieur de :

Conune après la désobéissance d'Adam, la vir- même, dans les préceptes quand nous nous ,

ginité s'était enfuie du i)aradis lencstre, et voyons précédés, nous marchons facilement.
avait quitté le monde où nous vi>ons, Jésus- Afin donc (jue noire faiblesse suivît avec moins
Christ l'a ramenée, après un long bannisse- de peine, Jésus - Christ, se revêtant de notre
HOMÉLli^ ' kii^LiaiLs DL LA VUi 1?IJTL'K£ ET NEAiM DE LA \iL PliEbLiNTE. 157

cliair etde notre nature, a marche lui-même celui qui instruit offre son propre exemple
dans la route, et nous a montré les préceptes sans se borner à des discours, c'est pour cela
en exécution. Ce précepte Si quelquun vous : qu'il a ajouté une prière. C'est ainsi qu'il a
frnppe sur la joue droite, présodez-lui la non qu'il
lavé les pieds de ses disciples, fût
f/anche , il l'a exécuté lui-même, quand il fut moindre qu'aucun d'eux, mais quoiqu'il fût
(Va|)pé par un serviteur du grand prêtre. Sans leur Seigneur et leur Maître ; il s'est abaissé à

entreprendre de se venger, il se contenta de cette humble fonction, afin de leur enseigner


répondre avec douceur Si fai mal parU^, : l'humilité. C'estpour cela encore qu'il leur di-
le mal que j'ai dit ; si j'ai bien
faites voir sait Apprenez de moi que je suis doux et
:

parlé . pourquoi me frappez-vous ? (Jean, humble de cœur. (Matth. xi, 29.)


XVIII, 23.)Vous voyez une patience incroyable, 6. Voyons maintenantcommcnt ce même Dieu
une Il était frappé non
luimilité merveilleuse. nous offre et nous met sous les yeux les prix et
par un homme libre, mais par un vil et mé- les récompenses. Il nous a promis la résurrec-
prisable esclave et il répond avec une modé-
;
tion des corps, l'incorruptibilité, l'enlèvement
lation extrême. C'est ainsi que son Père disait au milieu des nues et des airs pour aller au-
aux Juifs Mon peuple, que vous ai-je fait? en
: devant de lui ; et c'est ce qu'il nous a montré
quoi vous ai-je affligé? quelle peine vous ai-je par des effets. Comment cela ? Il est ressuscité
causée? répondez -moi . (Mich. vi, 3.) Jésus- après sa mort, et il a conversé pendant qua-
Christ dit lui-même Faites voir le mal que : rante jours avec ses disciples alin qu'ils fus- ,

j'ai pu Son Père avait dit Répondez-


dire. : sent bien assurés quels doivent être nos corps
moi. Jésus-Christ dit lui-même Pourquoi me : après la résurreclion. Il nous dit par la bouche
frappez-vous? Son Père avait dit En quoi : de son Apôtre Nous serons ejilevés dans les
:

vous peine vous ai-je cau-


ai-je affligé? quelle nues pour aller à la rencontre du Seigneur au
sée? Et lorsqu'il enseigne la pauvreté, voyez milieu des airs (I Thess. iv, 16); et c'est ce
comme il la montre lui-même dans sa per- qu'il nous a encore montré dans sa personne.
sonne :Les renards, dit-il, ont des tanières^ et Lorsqu'après sa résurrection il devait monter
les oiseaux du ciel ont des nids ; mais le Fils dans le ciel, il s'éleva, en présence de ses dis-
de riwmyne îi'a pas oit reposer sa tête. (Maîth. ciples, et il ejitra dans une nuée qui le déroba
VIII, 20.) Vous voyez son extrême pauvreté : il à leurs yeux ; les disciples étaient frappés d'é-
n'avait ni maison, ni table, ni siège, rien en io).nement en le voyant monter dans le ciel.
un mot. nous enseignait cà écouter patiem-
Il (Act. I, 9.) Notre corps, comme tiré de la
ment les injures; et il nous a donné l'exemple même masse que celui de Jésus-Christ, partici-
de cette palience. Lors((ue les Juifs l'appelaient pera à la même gloire; les membres seront
possédé du démon et samaritain, il pouvait les tels que la tête, et la fin telle quele commen-
punir de leur insolence et les faire périr; mais cement. C'est ce que saint Paul ex[)rime plus
il ne leur faisait que du bien, il chassait leurs clairement par ces mots Il transformera :

démons. Priez pour ceux qui vous calomnient, notre corps, tout vil et abject qu'il est, afin de
nous dit-il et il l'a fait sur la croix. Lorsque
; le rendre conforme à son corps glorieux. (Phi-
les Juifs l'eurent crucilié, il disait à son Père lip. III, ±\.) Or, s'il est conforme à celui de

du haut de la croix où ils l'avaient attaché : Jésus-Christ , il prendra la même route , et


Pardonnez leur, car ils ne savent pas ce qu'ils il s'élèvera de même dans les nues. Attendez-
font. Il faisait cette prière, non qu'il ne pût vous donc aussi au même avantage dans la ré-
leur pardonner lui-même, mais il voulait nous surrection. Comme le nom de royaume céleste
apprendre à prier pour nos ennemis. Comme était obscur pour ceux à (pii on le prononçait,
il ^oulait nous instruire par des actions, en- c'est j)Our cela que Jésus-Christ, se transportant
core plus que par des paroles, voilà pourquoi sur une montagne, se transfigura en présence
il a ajouté une prière. Que les héréti(pies n'a- de ses disciples qu'il leur fit voir un échan-
,

busent donc point de paroles qui annoncent sa tillon de la gloire future, et comme une image
bonté pour le taxer de faiblesse car c'est le ; imparfaite de ce que seraient un jour nos
même qui a dit : Or, afin que vous sachiez que corps. Dans sa transfiguration, il se montra

le Fils de l'honûne a le pouvoir sur la terre de avec SCS habits, ce qui ne sera pas dans la ré-
remettre les péchés. (Maîth. ix, 6.) Mais comme surrection de nos corps. Ils n'auront besoin ni
il voulait nous instruire, je le répèle, et que de vèluiuent, ni de toit, ni d'abri, eu un mot,
i58 TRADUCTION FRANÇAISE DE SAINT JEAN CHRYSOSTOME.

d'aucune des commodités que nous leur pro- instruits par les oreilles et par les yeux, par ce
curons. En effet, si, avant son péché, Adam ne qu'on nous a dit et par ce que nous avons vu,
rougissait pas d'être nu, parce qu'il était re- menons une telle vie sur la terre, que. trans-
vêtu de gloire à plus forte raison nos corps
; portés un jour dans les nues, nous vivions
n'auront-ils besoin de rien lorsqu'ils seront éternellement avec Jésus Christ, sauvés par sa
élevés à un état beaucoup plus parfait. Aussi grâce et jouissant des biens futurs. Puissions-
Jésus-Ctirist en ressuscitant a-t-il laissé ses ha- nous tous obtenir ces avantages en Jésus-Christ
bits dans le tombeau, et a-t-il élevé dans les Notre-Seigneur, avec qui soient, au Père et à
cieux son corps qui n'était revêtu que d'une l'Esprit-Saint, la gloire, l'honneur, l'empire,
gloire ineffable, et d'une splendeur immor- l'adoration, maintenant et toujours, dans tous
telle. les siècles des siècles. Ainsi soit-iU
Pénétrés de ces idées, mes très-chers frères |
HOMÉLIE SUR LE PROPHÈTE ÉLIE
Sur la Veuve et sur l'Aumône.

IIILVII.

l» Cette homélie qnJ ne porte aucnne marqne du temps ni du lieu on elle fat prononcée a pour but d'exhorter k la pratique de
l'aomflne. Dignité de cette vertu pratiquée admirablement par deux veuves une de l'ancien, une du nouveau Testament.

2» La famine désole la terre par l'ordre du prophète Elie qui se réfugie chez la veuve de Sarepta. 3» Court et charmant —
tableau de Thabilation de cette veuve. —
4» Dieu avant de frapper les coupables prend toujours soin de les mettre publique-
ment dans leur tort. Exemple : Punition des Sodomites. — 5" Les prophètes et le Christ lui-même ont été souvent repoussés
par les Juifs et accueillis par les Gentils. — 6» Elio fut lui-même soumis à la famine pour que les autres se souvinssent, pour
qu'il se souvint lui-même qu'il était homme. — 1° Elie aborde la veuve. Sagesse de celle-ci. — 8o-9o La veuve Offre l'hospi-

talité k Elie malgré tous les obstacles qu'elle rencontre à faire celte bonne œune. — 10" Késumé conclusion.et

1. Dans ces jours qui étaient, pour nous tous, chambre de l'époux sacré ,
parce qu'elles n'a-
des jours de jeûne, j'ai souvent pensé à vous vaient pas toujours de l'huile dans leur lampe.
parler de l'aumône ; le soir arrivait, qui inter- (Math. XXV.) Remarquez bien ici la différence:
rompait notre entretien. C'était sans doute un l'aumône sans la virginité, introduit ses nour-
effet de la sagesse de Dieu qui, recherchant rissons dans le ciel la virginité sans l'aumône
;

notre avantage, différait jusqu'à cette heure n'a point ce pouvoir. Donc, puisque telle est la
nos exhortations sur ce sujet. Dieu ne voulait puissance de cette vertu, appliquons-nous, de
pas que la table de l'aumône vous fût servie toutes nos forces, à écouter les discours qui la
pendant que vous étiez divisés dans l'église. recommandent. La meilleure recommandation
Ce n'est pas que nous ayons aujourd'hui quel- et la pluscourte sera de vous conduire auprès
que chose de bien relevé, de magnifique à vous de laveuve de Sarepta , chez les Sidoniens.
dire, mais c'est que l'aumône est une vertu Ceux qui instruisent par leurs œuvres sont des
tout à fait relevée et magnifique; elle nous maîtres beaucoup plus dignes de confiance
constitue dans l'intimité de Dieu; c'est une que ceux qui se réduisent à des conseils en pa-
reine qui nous prend par la nous con- main et roles. C'est pourquoi la veuve dont je vous

duit, en toute confiance, dans les demeures du parle sera pour nous enseigner l'aumône, le
ciel, qui lui sont familières. Elle se montre: meilleur de tous les docteurs. Pour nous, c'est

les puissances qui font la garde aux portes cé- par nos discours que nous vous exhortons ; mais
lestes voient que c'est l'aumône qui entre ;
la veuve aura, de plus, le droit de vous ins-

aussitôt, par égard pour l'aumône, elles font, truire par ses œuvres; elle vous montrera
même aux autres vertus mille honneurs, en , aussiune compagne douée comme elle de la , ,

leur ouvrant les portes. Mais, si elles les voient même vertu car, il y a deux veuves l'une,
;
:

venir sans rauiiiône, elles ferment les portes; dans le Nouveau Testament celle qui donna ,

c'est ce que nous démontre l'exemple de ces deux petites pièces de monnaie, l'autre dans
•vierges qui ne furent pas admises dans la l'Ancien qui mérita de recevoir le prophète.
,
IGO TRADUCTION FRANÇAISE DE SAINT JEAN CHRYSOSTOME.

Toutes les deux paninrcnt à la même sagesse, ment la surface , mais le pénètre profondé-
monlrèrenl la même douceur charitable, et, ment et brûle les os ; de même la sécheresse
par la conformité de leurs bonnes œuvres, nous alors ne brûlait pas seulement la surface de la
ont manifesté l'affinité des deux Testaments. terre, mais descendait dans ses profondeurs, et
Vous connaissez au milieu des ports ces
, , tarissait, dans ses entrailles, tous les éléments
tours élevées à une ^ande hauteur , qu'on
, liquides.
appelle des phares ,
portant une lumière qui Donc, quelles paroles Dieu adressa-t-il au
brille toute la nuit sans s'éteindre; les ma- prophète ? Allez à Sarepta., chez les Sidoniens;
rins errant en pleine mer, guidés par cette là, je commanderai à une veuve de vous nour-
tlamme éclatante, arrivent jusqu'au port, où rir. Qu'est-ce que cela veut dire?
(Ibid. IX.)

ils trouvent la sécurité. Ces deux veuves par N'a-t-il donc reçu dans sa patrie, nulle part,
leur sérénité, furent deux ports qu'éclairait, des preuves de bonté? Vous l'envoyez dans
dans les ténèbres les plus épaisses delà nuit, une contrée étrangère, auprès dune veuve? Si
la lumière de leur âme généreuse. Car la elle était dans l'opulence, si elle était très-
vie de l'homme ressemble à la nuit, comme riche, si c'était ré[>ouse d'un roi, si elle avait
dit le bi( nlieureux Paul Ln mdt est déjà fort : des m.agasins remplis de l'abondance des fruits
avancés et le jour s approche. (Rom. xni, 12.) de la terre, là même alors , la crainte de la fa-
Il en est qui dans la nuit profonde, s'égarent
, mine ne rendrait-elle pas sa volonté plus sté-
sur la nier de l'avarice; ils sont [)rès d'être en- rileque la terre elle-même? Pour que le pro-
gloutis; ces veuves les invitent à venir goûter phète ne pût pas adresser à Dieu de telles pa-
leur sérénité tranquille, elles portent la flamme roles, ou seulement les penser, le Seigneur le

de la charité, qui brille toujours ; elles conser- nourrit d'abord par l'entremise des corbeaux.
vent, elles ne laissent pas s'éteindre la lumière (Ibid. VI.) C'était presque lui dire : Si j'ai pu
de l'aumône. f.iire que des êtres sans raison exerçassent en-
2. La veuve du Nouveau Testament nous vers vous l'hospitalité, sans doute il me sera
occupera dans une autre occasion; aujourd'hui, bien plus facile encore d'y porter des créatures
c'est de la veuve de l'Ancien Te?tament que (jui ont reçu la raison en partage.
nous voulons vous parler. Tant qu'on célébrera 3. Voilà pourquoi la veuve ne vient qu'après
cette veuve, on tressera aussi pour l'autre la lescorbeaux. Et il fallait voir ce pnq.liète à la
couronne de louanges comme leurs bonnes ; merci d'uiu' f.iible femme cette âme (|ui s'é- ;

œuvres se ressemblent, elles se partagent aussi levait jusiju'au ciel, cetteliivine, ce géné- âme
nos éloges. Donc autrefois surgit une grande
, reux, ce sublime Elie, comme un vagabond,
famine ce n'est pas que la terre fatiguée re-
; comme un mendiant, arrivant aux portes de la
fusât ses productions, mais les péchés des hom- veuve; et cette bouche, qui avait fermé le
mes écartaient L' présent de Dieu. Donc, autre- ciel , entendre les paroles de ceux qui
faisait
fois surgit une grande famine, plus triste, plus mendient donnez-moi du pain donnez-moi
: ,

difficile h supporter que toutes les famines, de l'e.iu. C'est pour vous apprendre qu'il n'y a
('elle famine-là, c'était le grand Elle qui l'avait rien d'affectueux, de bon, de charitable connue
amenée, comme on fait venir son serviteur, la maison d'une veuve, connue un abri rempli
comme on fait venir un bourreau, pour châ- par la |>auvreté, d'où est bannie la richesse, et
tier les serviteurs (pii outrageaient le Maître tous les vices que la richesse enfante. Ce séjour
commun. N'hésitons pas à dire (|iie ce furent était pur, vide de tout tumulte, |>lein de la
les péchés des Juifs (|ui appelèrent cette fa- ptMfectiou de la sagesse, plus trauciuille que le
mine. Ce fut bouche du prophète qui la
la |iort le plus paisible. Voilà les demeures faites
produisit Vive, dil-il. A- Seigneur Dicn ! il ne
:
l»our les àihes des saints.
tombera de pluie que par /no bouclie. (III Rois Donc, le prophètt^ se dirigeait vers cette
XVM, 1.) veuve, dont l'exemple allait confondre les
Donc, ne se pouvait supporter, car
le fléau Juifs, à qui les étrangers étaient odieux; il se
cette voix terribledu prophète, non-seulement dirii^eait \ers celte veuve , enseignant à tous
frappa la terre de stérilité, mais tll rebrousser combien les Juifs méritaient leur [lunition.
les lieu \ es et dessécha tous les loirenls. Et, de Car lorsque Dieu doit punir, il ne se contente
même qu'une fièvre ardente, bMllanle, qui pas d'envoyer le châtiment, il ne lui suffit pas
tombe sur le corps, n'en dessèche pas aeuL- de son suffrage particuUer; il tfcxcuse aussi, par
HOMÉLIE SUR LE PROPHÈTE ÉLIE. 4G1

dos faits réels, aux yeux des hommes comme , rêta pas là. Loth eut beau promettre de leur
si, (levant un tribunal, il discutait publiquement livrer ses filles, ils ne se retiraient pas, ils
les soupçons dont le vulgaire le poursuit. Et s'obstinaient, ils disaient qu'ils ne s'en iraient
de môme que les juges (|ui vont prononcer le pas tant qu'on ne livrerait pas ces hommes à
dernier supplice, assis sur leur tribunal, d'où leur brutalité , et ils menaçaient des plus
ils dominent la foule, ordonnent d'ouvrir les grands malheurs, celui qui leur avait promis
tentures, de lever les rideaux, rassemblent au- de leur abandonner ses filles, afin de ne pas
près d'eux la cité tout entière , ils sont ainsi manquer, envers ses hôles, aux égards de
sur un théâtre public, et ils jugent, et sous les l'hospilalité. Voyez -vous comme le Seigneur a

yeuxde tous, qui les voient et qui les entendent, montré, par tous ces faits réels, la corruption
ils interrogent celui qui est en cause; ils font des gens de Sodome avant de leur faire subir
,

lire les actes, les pièces où sont relatés les cri- le châtiment? C'est pour qu'à l'aspect du sup-

mes commis {)ar l'accusé ; ils font en sorte que plice qui les frappe, la grandeur du désastre
l'accusé s'accuse lui-même, et enfin ils portent ne brise pas votre cœur c'est afin que vous ;

leur sentence; de même Dieu, comme assis au ne vous mettiez pas de leur côté, pour accuser
tribunal sublime de la prédication de l'Ecriture Dieu, mais, du côté de Dieu, pour !es condam-
qu'il préside, ordonne à l'univers de se ras- ner, parce qu'il a pris soin de monirer d'abord
sembler autour de lui sous les yeux de tous, ,
toute leur corruption parce qu'il nous a en- ,

qui écoutent; il institue l'enquête et l'examen levé tout sujet de miséricorde, parce qu'il a
des péchés il ne fait lire ni actes, ni pièces il
; ;
supprimé en nous toute compassion, toute
n'expose pas des tablettes au milieu de l'as- pitié pour eux. C'est ce qu'il fait en ce mo-

semblée : ce sont les péchés mêmes des cou- ment à l'égard du pro[)hète. Dieu ne veut pas
pables qu'il expose à la contemplation des que la famine qui consume les Juifs soit pour
yeux. vous un sujet de douleur; il vous montre leur
4. Au moment de lancer ses foudres vengeres- barbarie, leur cruauté, leur dureté envers les
ses contre les habitants de Sodome au moment ;
voyageurs. En elîet, non-seulement ils n'ac-
d'exterminer villos et peuples sous celte flamme cueillirent pas le prophète , mais ils menacè-
déluge étrange, inouï, beaucoup plus
terrible, rent de le tuer, ce (jui résulte des paroles de
épouvantable que le premier, eiîrayante inon- Dieu même. En effet, il ne dit pas seulement à
dation, la première et la seule (ju'ait jamais Sun prophète : Retirez-vous ! mais il ajoute :

vue le soleil; avant d'infliger un châtiment de Cachez-vous, (lll Rois, xvir, 3.) Il ne vous
ce genre il révéla les faules des coupables qu'il suffit pas de fuir, pour sauver votre vie, il
allait punir; il ne les révéla pas, comme je l'ai faut, de plus, vous cacher avec le i)lus grand
dit, en faisant lire des tablettes ; il fit compa- soin, j)arceque c'est le peuple juif, peuiilc
raître en public les
crimes des méchants. altérédu sang des prophètes, et qui s'entend
(Gen, XIX.) Voilà pourquoi il envoya ses anges; à égorger les sainis; il a toujours les mains
ce n'était pas pour faire sortir Loth il voulait ; rouges du sang des prophètes; voilà pounjuoi
montrer aux yeux la dépravation des gens de Dieu, l'envoyant hors de la Judée, lui dit: Allez
Sodome, et c'est ce qui arriva. Quand Loth eut et cachez-vous; mois quand il l'envoie vers la
reçu les voyageurs, la maison où s'exerçait veuve Je lui ai, dit-il, commandé. Voyez-
:

l'hospitalité fut assiégée par tous; ils étaient vous comme il lui conseille de prendre beau-
là, tout autour, en cercle, et le général qui coup de précautions dans sa fuite, comme il
commandait ce siège, c'était l'amour infâme, lui ordonne, quand il entrera dans l'asile qu'il

l'abominable désir d'un commerce contraire à lui in(ii(}ue, de se montrer plein de confiance
la loi de Dieu; passion elfrénée qui ne connais- et de sécurité ?
sait plus lesbornes de l'âge et de la nature. Ce n'est pas tout; Dieu a une autre pensée
5.
Les jeunes gens n'étaient pas seuls à entourer encore, (|uand il envoie ce prophète à la veuve.
la maison on vit venir aussi des vieillards;
: Plus tard, on devait voir le Christ, après tant
les cheveux blancs ne calmèrent pas cette d'incomparables bienfails dont il avait comblé
rage ; la vieillesse n'éteignit pas cette flamme la Judée, après tant et tant de morts ressus-
insensée ; on put voir, dans le port même , le cites par lui, après tous ces avt ugles auxquels
naufrage; dans un cœur de vieillard, un détes- il avait rendu la lumière; après ces lépreux
table désir, et cette abominable passion ne s'ar- purifiés; après ces démons chassés; après cet

TOMR IV, II
162 TRADUCTION FRANÇAISE DE SAINT JEAN CHRYSOSTOME.

admirable enseignement qui sauve , tour- gardait rancune des mauvais traitements qu'il
menté par ceux à qui il avait fait tant de bien; en avait reçus, c'est parce qu'il détestait leurs
honoré par les Gentils qui n'avaient rien vu, fautes contre Dieu, leur malignité, leur inso-
qui n'avaient rien entendu. Il y avait là un lence; voilà pour quelles raisons il les frap-
sujet d'é'onnement. de doute, d'incrédulité. pait de cette famine. Comment donc se fait-il
V'oilà pourquoi^ bien avant le temps, le Sei- qu'il soit lui-même soumis au châtiment,
gneur nous montre, par ses serviteurs, la per- qu'il le subisse avec eux? pourquoi ne jouit-il
versité des Juifs, TafFabilité, la douceur des pas de l'abondance de tous les biens, sans avoir
Gentils. Voyez l'exemple de Joseph! ceux à qui rien à craindre? C'est que, si le Prophète,
lui-même venait distribuer des vivres entre- pendant que les autres étaient frappés par le
prirent de le tuer; au contraire, un barbare fléau, pendant que les autres périssaient par
l'éleva au faîte des honneurs. Voyez Moïse : la faim, eût joui des délices d'une bonne table,

comblés de ses bienfaits, les Juifs le chassent; on aurait pu l'accuser de cruauté. Qu'offrirait
un barbare, Jothor, lui donne l'hospitalité, lui de merveilleux l'existence d'un homme qui a
fait un accueil affectueux. VoyezDavid^queSaiil tout en abondance, et qui jouit des malht urs
chassa, après qu'il eut tranché la tète de Goliath, d'autrui? Dieu donc a permis qu'il eût sa part
et délivré Saùl, et la cité tout entière de mille du désastre, qu'il sentît par expérience les
pressants dangers au contraire, Anchus, un
: malheurs qui se réalisaient; qu'il eût sa part
roi barbare , accueillit David et le combla des tourments de la faim, pour vous apprendre
d'honneurs. De même, ici encore, Elie chassé que ce qu'il éprouvait le plus, ce n'» tait pas la
par les Juifs est accueilli par une veuve. faim, mais le zèle de Dieu. El en elTel, dans
Donc, lorsque vous verrez le Christ repoussé cette vie d'angoisses, pressé par ce mmque
par eux, accueilh par les nations, rappelez- absolu de ressources, tourmenté, affligé, rien
vous les figures qui présagent dans le passé, ne put jtourtanl le contraindre à rap|iorler ses
l'avenir, et ne vous étonnez pas d'une vérité qui menaces, parce que l'ardtur d'un ^r;ji zèle
Fe manifeste elle-même. Vous avez aujourd'hui s'exprimait par cette voix bienheureuse. Aussi,
entendu la parole du Christ qui vous fait en- tronvait-il plus de charmes à subir l'alllietion
trevoir cet événement. Dans ses entretiens lui-même, à regarder le chàtiinent des cou-
avec ces Juifs, irrités contre lui, il leur disait : pables, qu'à les voir atTranchis du fléau et re-
H y avait beaucoup de veuves au temps dElie. touib mt dans leur première impiéié.
Elie ne fut envoyé chez aucune d'elles, mais t). Telles en effet se montrent partout les
chez une veuve de Sarepta datis le pays , âmes des saints; pour la correelion des autres
des Sidoniens. (Luc, iv, 25.) Mais, peut-être ils exposent volontiers eux-mêmes leur propre
demandera -t- on voilà un homme , qui a sécurité. Dieu n'a pas voulu qu'on pût dire
montré pour la gloire de Dieu un zèle si qu'EIie.parun excès de cruauté, avait prolongé
;inlent pourquoi Dieu soutlVe-t-il qu'on
; la famine, et Dieu permit que sou serviteur
Ialtlige, qu'on lui rende la vie pleine d'an- en soulfrit lui-même, atin de vous faire com-
goisses? pourquoi l'envoie-t-il tantôt vers , prendre la vertu du Prophète. Autre raison
un torrent tantôt chez ime veuve, ailleurs
, d'ailleurs; souvent ceux qui opèrent des mi-
encore, conmie un exilé (ju'il force à pisser racles cèilent à l'orgueil qui les emporte, et
d'un lieu dans un autre? Ces afflictions, ces les témoins de ces mu-acles se persuadent fa-
angoisses vous préoccupent? écoutez encore ce cilement qu'il y a, dans ceux qui les font,
qu'en dit Paul Ils étaient vofjabonds, couverts;
: quelque chose de supérieur à la nature. Dieu
de peaux de chccres, manqtiatit de tout. nffU- a pourvu à ces deiix dangers, en soutenant et
gr's, persécutée. (Héb. xi, 37.) Pourquoi donc corrigeant notre faiblesse. Que les choses se
Dieu permis qu'il fùtaflligé?Car enfin, si
a-t-il passent ainsi, c'est ce (|u'il est facile de con-
le prophète avaitiiilligé ce chàtirnenl aux Juifs clure des paroles de l'Apôtre. Ecoulez Paul,
p >ur venger les torts dont ils s'étaient rendus quand il déclare cjue le don des miracles pro-
coupables envers lui, on aurait raison de dire voque l'orgueil : De peur que la grandeur de
qu'il était lui-même rangé avec justice sous mes révélations Jic me causdt de l'orgueil., j'ai
le coup d'une alllietion destinée à le rendre ressenti dans ma chair un aigu lion, qui est
j)lus huu'ain, à \o. corriger de sa cruauté mais, ; fange de Sa/an. pour me donner des soufflets.
i;u C'iiiiraire, ce n'est pas parce qu'il leur (Il Cor. xu, 7.) Quant «mt témoins portés à
HOMÉLIE SUR LE PROPHÈTE ÉLIE. U>.1

concevoir une trop haute opinion de ceux qui disciples : En quelque ville, ou en quelque vil-

t»pèrcnt les miracles, c'est encore le bienlieu- lage que vous entriez, informez-vous qui est
lenx Paul (jui nous les dénonce. Après avoir digne de vous loger, et demeurez là. (Matth. x,
p;n-lé de ses révc-lalions, ilajoute Si je vou- : 41.) De même, ici, c'est parce que Dieu savait
lais me glorifier, je le powrais sans impru- quecetlefemmeétiiitdigne, entre tous lesaulres
dence, car je dirais la vérité. (II Cor. xn, 6.) habitants, de recevoir le prophète, que, négli-
Pourquoi donc ne vous j^lorificz- vous pas? /ewie geant tous les autres, il l'a indiquée au pro-
retiens, de peur que quelquun ne in estime au- phète. Voyons, dans la réalité même de la con-
dessus de ce qu'il voit en moi, ou de ce qu'il duite , la noblesse de son âme : Apportfz-ruoi,
entend dire de moi. Dieu donc, pour empêcher dit-il, un vase. Voilà, certes de
de Veau dans ,

qu'il n'arrivât à Llie rien de pareil (c'était la part de cette femme, une grand(! preuv*- de

Elie, mais Elic était homma) a mêlé au mi- sagesse. Comment, elle lui ré|)ond ? elle s'en-
racle la défaillance de la nature. Voilà pour- tretient avec lui? elle ne se jette pas sur lui?
quoi celui qui maîtrisait le tiel n'a pas pu elle n'appelle pas tout le peui)le pour punir cet
maîtriser sa faim; celui qui resserrait les en- être exécrable? N'est-ce pas là uno, conduite
trailles de la terre a été impuissant à resserrer étonnante, admirable? Qu'une pauvre femme
les siennes, il a dû avoir recours aune femme, poussée par faim ait pu , avec une appa-
la ,

à une veuve; c'est pour vous faire comprendre^ rence de raison s'abandonner jusque-là à sa
,

et la puissance de Dieu et la faiblesse de colère, c'est ce que va prouver un exemple


l'homme. Et ce n'est pas là que se réduit l'ulililé emprunté aux Juifs. Elie avait un disciple,
à recueillir de cette histoire. y a plus encore.
Il Elisée, un second Elie (car le disciple était la
Quoi donc ? Il y a que, si Ton vous exhorte a imi- rejjroduetion du maître). Elisée, après Elie,

ter le zèle du Prophète, vous ne devez pas vous prédit une famine ; ce n'est pas lui qui l'en-
décourager, vous désespérer, dire qu'il était voya, comme l'avait fait Elie; la famine devait
d'une nature supérieure à la vôtre; que c'est là venir, Elisée la prédit. Eh bien ! que fit le roi

ce qui lui donnait, auprès de Dieu, tant de con- qui régnait alors? Il se revêtit d'un sac ; le fléau

fiance. Et ce conseil que nous vous adressons, brisa sou orgueil. Cependant, tout brisé qu'il
vous est insinué par un Sage Elie était un : était, lorsqu'il entendit les lamentations d'une
homme sujet, comme nous, aux mêmes mi- femme qui déplorait la famine, il entra dans*
sères (Jacq. V, 47); conuiie ne croyez
s'il disait : une telle colère, qu'aussitôt il s'écria et dit:

pas qu'il soit impossible d'atteindre, avec lui, Que Dieu me traite dans toute sa sévérité, et y
au faîte de la sagesse il avait la ; même nature ajoute encore, si la tête d' Elisée, fd^ de Saphat,
que nous. Toutefois son incomparable, sa di- est sur ses épaules jusqu'à la fin du jour! (IV
vine vertu l'a élevé de beaucoup au-dessus Rois, VI, 31.) Voyez-vous la colère du roi ? Voyez

des autres hommes. la sagesse de la femme. Elle rencontre celai


Mnisilestlemps de retournera notre veuve.
7. je ne dis pas qui a prédit la famine, mais qui
Elie, dit le texte s en alla à Sarepta ville de
, , a famine; elle est tout près de la ville,
fait la

Sidon, et il trouva une femme veuve qiti ra- elle ne s'indigne point, elle ne s'abandonne pas

massait du bois. (III Rois, XVII, 10.) Digne por- à la colère, elle n'excite pas le peuple aie livrer
tique d'une maison qu'habite la pauvreté. Eh ausu|)plice; elle lui obéit avec une parfaite
bien! après? a-t-il rebroussé chemin, quand il sagesse.
a vu ces prémices de l'hospitalité annoncée? 8. Or, vous savez bien ce qui arrive parfois
Non, il avait entendu la parole divine; il cria (juand nous sommes préoccupés , nos amis
donc derrière cette femme et lui dit Appor-
, , : mêmes nous importunent; nous ne pouvons
tez-moi un peu d'eau , et elle alla pour lui pas les supporter. Maintenant ,
quand une af-

apporter de Veau. Femme vraiment généreuse fliction terrible comme l.i Ir.mine vient à fon-

et vraiment sage, et, si l'expression ne paraît dre sur nous, la lumière même nous est à
pas trop hardie femme vraiment digne de la
,
charge que prouve encore un exemple
: c'est ce

grande âme du prophète Mais non, cette ex- ! emprunté aux Juifs. Moïse arrivait, leur annon-
pression n'est pas trop hardie; car, si cette çait des biens sans nombre, l'alTranchissement
femme n'eut pas été réelkment digne, elle de la tyrannie le retour dans leur
, la liberté ,

n'aurait pas été jugée digne de recevoir ce ancienne patrie Mois ils ne Vécoutèrott point ,
:

^raud saint. De même que le Christ a dit à ses à cause de leur extrême affliction et des ira-
164 TRADUCTION FRANÇAISE DE SAINT JEAN CIIRYS03T03IE.

vaux gui les accablaient. (Exode, vi, 9.) A l'as- femme donc étrangère et du pays de Si-
était ,

pect d'un homme qui leur apportait de si heu- don; c'était une femme, par conséquent un
reuses nouvelles, ils se détournèrent. Cette être faible, ayant, à tous égards, besoin d'ap-
femme vit le prophète, qui ne venait pas pour pui ; elle était veuve, quatrième obstacle ; cin-
dissiper la famine mais pour lui être à charge , quième obstacle, le plus grand de tous, des
à elle-même et elle n'éprouva rien de ce qu'on
; enfants à nourrir. Ecoutez, veuves, et vous
vit chez les Juifs. Ce qui les rendait moroses, toutes qui nourrissez des enfants : elle n'a pas
c'était la fatigue de leurs travaux cette femme, ; trouvé là une excuse pour
suffisante, légitime,
au contraire ne souffrait pas de la fatigue; elle
, ne pas l'aumône , pour écarter des étran-
faire
éprouvait la faim cruelle; certes, entre la fa- gers. Elle n'avait plus qu'une poignée de fa-
tigue et la faim la différence est grande. Et, rine, et après, c'était la mort qu'elle attendait.
non-seulement elle ne se détourna pas, elle fit Pour vous, quand vous auriez tout dépensé,
plus elle épuisa toute sa pauvreté, pour bien
: quand vous vous seriez mis à nu, encore pou-
recevoir celui qui leur avait infligé la famine. vez-vous aller chez les autres, et là trouver
Et elle s'en alla pour lui apporter de l'eau, dit quelque consolation mais alors, nul moyen
:

le texte , et le prophète cria , et dit : appor- de mendier; tous les refuges étaient fermés;
tez-moi aussi du pain, et je mangerai, (lll c'était la famine. Aucun obstacle ne l'arrêta.
Rois, XVII, 41.) Que fit la femme alors? même Je veux dire, maintenant, un sixième obstacle,
alors, elle consent à tout. Mais que dit-elle ? à savoir, la personne même que cette femme
Vive le Seigneur votre Dieu ! je n'ai point de allait accueillir. Ce n'était ni un ami, ni une
pain, je n'ai qu'une poignée de farine. Pour- connaissance, mais un voyageur, un étranger;
quoi jure-t-clle? C'est que le prophète a de- ajoutez que la religion élevait comme un mur
mandé du pain; du pain, elle n'en avait pas; entre elle et lui. Et ce n'était pas seulement un
donc, ellea eu peur que pendant qu'elle ferait voyagL'ur, un étranger, c'était précisément ce-
cuire ,
qu'elle préparerait son pain ce qui de- , lui qui avait appelé la famine.
mandait du temps, le prophète, ne supportant 9. Et cej)endant, aucun de tous ces obstacles
pas ce retard, ne se retirât , et que la proie of- ne prévalut , n'arrêta cette femme ; elle offrit
ferte à son hospitalité n'échappât de ses mains. des aliments à cette bouche qui lui avait enlevé
Voilà pourquoi elle empressée, sous la foi s'est tous ces aliments; l'auteur de la famine fut
du serment de apprendre que ce n'est pas
, lui nourri par celte femme des restes que lui lais-
la farine qui lui manque, mais le pain; qu'elle a sait la famine. C'est loi , dit-elle, qui m'a fait
de la farine; et il ne lui suffit pas de son ser- perdre tout ce que j'avais; c'est grâce à toi que
ment, elle y ajoute la démonstration, par l'ac- je n'ai plus que cette poignée de farine; eh
tion qu'il lui voit faire, Voici, en ofTet, dit-elle, bien! jusqu'à celte pauvre poignée de farine,
que je ramasse deux morceaux de bois , et je je la dépenserai pour toi ;
je m'exposerai moi-
rentrerai, et j'apprêterai à manger à mes fils même, et mes enfants avec moi, je les expose-
et à moi, et nous mangerons, et nous mour- rai à la mort , pour que toi , l'auteur do notre
rons. détresse, lu ne ressentes pas, de cette détresse,
Entendez tous , constructeurs de palais ma- la moindre atteinte. Qui poussa jamais plus
gnifiques, acheteurs de somptueux domaines, loin le culte de Tbospilalilé? Je dis que celui-
qui promenez, par les places publiques, vos là est impossible à rencontrer. Elle voit un
troupeaux de serviteurs , ou plutôt, riches et voyageur, et, tout de suite, elle ne sent plus
p.uivres, écoutez tous : 11 n'y a plus, pour per- qu'elle est mère ; elle oublie les douleiu'S de
sonne, d'excuse depuis cette veuve ; malgré renfantomont ; elle voit ses enfants autour
tant d'embarras qui devaient rarrèler , elle d'elle, et sa résolution tient bon. Je sais bien
tranche tout , elle surmonte tout. Ecoutez ,
que l'on dit et que l'on répète un tel a donné :

écoutez : C'était une étrangère, premier obsta- à un pauvre la seule tunique qu'il avait lui-
cle; du pays de Sidun , t-ocoiid obstacle; car, même pour se couvrir; il s'en est dépouillé
ce n'est pas la même chose que d'être, à quel- pour eu revêtir celui qui était nu; il a euj-
que litre que ce soit, étranger, ou d'être origi- priuité un manteau, et il a pu se retirer ainsi ;

naire de Sidon, d'une ville inrànie. Le Cbrist, et cette action a paru belle et admirable. Assu-
dans les Evangiles, parle de celte ville comme rément, c'est une belle diction mais ce qu'a
; fait

d'une cité abominable. (Matth. xi, 21, 22.) Cette celte veuve est bien plus beau encore.
iio:ûélîe srR le prophète eue. ifiS

qui s'est dépouillé, qui a recouvert les mem- iO. Peut-être avons-nous fait un trop long
bres nus du pauvre, pouvait du moins em- discours. Plùtaucielqu'il nous fût pLrmi^;, tous
prunter un manteau; mais cette veuve, après les jours, de vous entretenir de l'aumône! S'il

avoir dépensé sa poignée de farine, ne pouvait vous semble que nous vous eu avons assez dit,
pas s'assurer une autre poignée de farine; le eh bien résumons toutes nos réflexions. J'ai
I

danger, pour elle, ne se réduisait pas à la nu- dit pourquoi le prophète a été envoyé à cette

dité, elle ne pouvait que s'attendre à la mort, veuve; c'est pour que vous cessiez de mépriser
pour elle et pour ses enfants. Eh bien quand ! la pauvreté, d'attacher tant de prix aux riches-

nous voyons que, ni la pauvreté, ni ses enfants ses, de vanter le bonheur du riche, de plaindre,

à nourrir, ni Thorreur de la famine, ni une de déplorer la condition de l'indigent; c'est


telle indigence, ni la mort qui l'attend, rien pour que vous compreniez la malignité des
ne l'arrête, quelle pourra être notre excuse, h Juifs. C'est la coutume de notre Dieu, quand il

nous qui sommes dans l'abondance ? quelle apprête un châtiment, de se justifier par des
sera l'excuse des pauvres? Vive le Scir/ncur faits qui se réalisent il ne veut pas que,
:

voire Bien!je n'ai poinl de pain, je ri'ai qiinne voyant dans la suite des temps le Sauveur com-
poignée de farine dans un pot, et un peu mun de tous les hommes, rejeté par ces Juifs,
d huile dans un petit vase; et voici que je ra- accueilli par les nations, vous soyez étonnés et
masse deux morceaux de bois et je reyitrcrni , incertains; voilà pourquoi il vous montre,
et f apprêterai à manger à mes fils et à moi, longtemps d'avance, leur perversité, leur ha-
et nous mangerons, et nous mourrons. Plainte bitude de récompenser par des tourments ceux
lamentable, ou plutôt parole bienheureuse et qui leur ont fait du bien; il ne veut pas que
digne du ciel, qu'il faut que chacun de nous vous taxiez de cruauté la prière du prophète,
inscrive sur les murailles de sa maison, dans la le châtiment que cette prière suscite, mais que

chambre où nous dormons, dans la salle où vous y reconnaissiez un zèle divin, une sage
nous prenons nos repas. Chez nous, hors de sollicitude apprenez que, même les plus ver-
;

chez nous, sur la place publique, dans les réu- tueux ont besoin de correction, parce qu'ils
nions de nos amis, quand nous allons au tri- sont des hommes comme nous; ne répondez
bunal, quand nous entrons, quand nous sor- pas, quand nous vous exhortons à montrer le
tons, chacun de nous tous, méditons cette pa- même zèle que le prophète, qu'il vous est im-
role, et voici ce que je dis, ce que j'aftirme, possible de l'imiter. J'ai dit, en parlant de la
c'est qu'il n'est pas d'homme, eût-il un cœur veuve, comment, dans une si grande détresse,
de pierre, de fer, de diamant, qui, lorscpi'un malgré la famine qui la tourmentait, elle n'a
pauvre s'approchera de lui le renvoie encore
, pas adressé une seule parole amère au Prophète,
les mains vides , si cet homme a inscrit celte quoique sa colère eût été de circonstance, ce
parole, si cet homme tient ses regards fixés sur que j'ai prouvé par le caractère des Juifs rien :

cette veuve. de pareil pourtant ne s'est montré en elle; avec


Mais peut-être me dira-t-on : envoyez-moi une douceur, une charité parfaite, elle l'a ac-
un prophète, et vous verrez quel accueil je lui cueilli; toute son indigence, elle l'a dépensée
ferai, moi aussi. Formulez votre promesse et pour lui faire honneur, et, cependant, c'était
moi je vous amène un prophète; (jue dis-je, une femme de Sidon, une étrangère; elle n'a-
un prophète? je vous amène le Seigneur mcnie vait pas entendu les leçons de la sagesse, les
des prophètes, Celui qui est, pour nous tous, prophètes recommandant l'aumône; elle n'a-
notre Dieu, Notre-Seigneur Jésus-Chrisl. Car vait pas entendu les paroles du Christ J'ai en :

c'est lui qui prononce cette parole : J\n eu faim, et vous m'avez donné d manger. Quel
faim, et vous m'avez donné à manger. (Mallli. pardon pourrons-nous mériter, si, après tant
XXV, 35.) S'il y a des incrédules qui dédaigrunt d'exhortations, lors(|ue de si hautes récom-
cette parole et les devoirs de la charité, on les penses nous sont promises, lorsque l'on nous
leur fera comprendre à l'heure des châtiments royaume des cieux, nous ne parvenons
offre le
et des supplices. Attendu que c'est le Christ lui- pas, avec cette veuve, à la même perfection do
même qu'ils auront dédaigné, ils s'en iront subir la bonté, de la charité? C'était une femme de
l'insupportable torture. Pour ceux qui nourris- Sidon, c'était une étrangère, une femme, une
au Christ lui-mèFue qu'ils
sent les pauvres, c'est veuve, chargée de nombreux enfants, et la fa-
donnent leurs soins à eux la rovauté du ciel
: 1 mine était là, elle en voyait tous le» dangers.
166 TRADt'CTlON FRANÇAISE m SAINT JEAN GilKYSOSTOME.
elle n'atlendait plus que la mort, et elle allait avares de nos richesses, et gaspilleurs de notre
accueillir un inconnu, l'auteur même du fléau, salul? Donc, évitons à tout prix les châtiments
et, dans ces citconstcmces mêmes, elle n'épar- terribles, montrons aux pauvres toute la ten-

gna pas sa dernière poignée de l'arine eh bien! ! dresse de nos entrailles, afin de mériter, nous
nous, qui avons entendu les proi)hètes, qui aussi, les biens à venir, par la grâce et par la
jouissons des dogmes divins, qui pouvons sage- bonté de Notre-Seigneur Jésus-Christ, à qui ap-
ment méditer sur le monde à venir, qui ne su- partient, comme au Père, comme au Saint-
bissons pas la fam.ino, qui sommes bien plusri- Esprit, la gloire , dans les siècles des siècles.
clies que cettefemrae, de quel prétexte, dequelle Ainsi suit-il.
excuse ï pourrons-nous nous couvrir, nous,

Traduit pnr il. C. PORTELETTE.


Hl)MraiH SUR CE TEXTE î

jp: i.ui ai résisté en face.

AVERTISSEMENT & ANALYSE.

Cotnine nn venail de lire ce passase de l'épUre Lorsque Pierre vint à Anttoche, je lui ai résisté en face, saint
aux Galales :

Chrysosloine craignant qu'une di>seiision, si ceux qu'il nnoirae les colonnes de l'Eglise, ne troublât l'esprit
petite qu'elle fût, entre
des li'!c!es, eii!ro;'fn.l a'ex,itii|'iu' Cti endroit ilans un long discours. —
\. Il revient au milieu de son auJitoire comme un petit

enfant revient dans les bras de s,i mère. F.e snji't qu'il va traiter étant d'une iraporlanco particulière, réclame aussi une atten-
tion particulière. —2-j. L'orateur exagère à dessein la gravité des conséquences qu'entraînerait pour les deux apôtres cette
dispute si elle était vènl.iblc. —-i-G. La répiii.iauJe de Paul supposerait de la faiblesse chez Pierre. Cependant Pierre a donné

d'éclatantes preuves de rouragr et de zèle après cumme avant la passion —


7. Pierre est jus'ifié ; mais il reste à justifier Paul
— 8. Paul respectait Pierre fl l'aimait; coinmont dnne expliquer le passage de l'épitre aux Ga'ates? 9. L'orateur reprend la—
question déplus haut. Pierre était l'apôtre des Juifs, Pail celui des Gentils. — 10. Pourquoi Pierre est-il envoyé aux Juifs et

Paul aux Gentils? — 11. L<'s Juifs avaient trop de haine contre Paul pour qu'il pût être leur apôtre. 12. Pierre prêrhmt—
aux Juifs usait de condcsccmlarice et les d'ilacliait diuicement de la loi de Moïse, Paul prêchant aux Gentils étrang>TS à la loi de
Moïse n'avait pas tous ces méuapemenis it gardci : voilà à quoi se réduit la différence de leur prédication, voili à quoi se ré-
duit celle divergence entre Pierre el Paul, si énunuémenl exagérée par les rationalistes allemands, sous les noms barbares de
Pétrinisme et de PuuHni^me, une ditTérenco de conduite. —
13. Paul jiidaïsait aussi par politique, et quand la condesten-
dance aux rits judaïques devenait dangereuse, Pierre savait s'en affranchir entièrement. Comment donc expliquer les reproches
qu'il dit avoir adressés à Pierre? —
14. Exposé des faits qui donnèrent lieu à la réprimande. 15. Quelques-uns préiendent —
que ce n'est pas de l'apùtrc Pierre, mais d'un inconnu que veut parler saint Paul; cette opinion est inadmissible. 16. D'après —
saint Chiysosloine, les repioches que Paul adresse à Pierre auraient été concertés d'avance entre eux. Cette opinion, dnni Ori-
gène passe pour avoir été l'aut'^ur. fit quelque temps soutenue par saint Jérôme, qui l'abandonna ensuite, pressé par les argu-
ments de saint Augustin. —
17-20. L'orateur développe son opinion et la soutient.

1. Je ne vous ai quittés qu'un jour et je suis c'est ainsi que j'ai pu lui plaire et l'engager à
aussi triste et aftligé que si j'avais été séparé m'aimer, au point qu'il ne se fasse jamais \oir
de vous un an tout entier. Pour en juger, in- sans son enfant; c'est ma sécurité, car étant
tcrrogez vos propres impressions.Un enfant à témoin et spectateur de mes luttes, il combat
la mamelle, s'il vient à être arraché du sein avec moi par l'efficacité de ses prières. Et de
maternel, partout où on l'emmène, regarde même que les efforts des matelots, le gouver-
sans cesse à droite et à gauche, en cherchant nail et le souffle du zéphyr conduisent avec
dus yeux sa mère; moi de même, emmené loin sécurité un navire dans le port, de même sa
des bras maternels, je me retournais sans cesse, bienveillance, son affection et le secours de
comme pour revoir votre sainte assemblée, ses prières, plus puissantes que le zéphyr, que
Mais j'étais bien consolé en songeant que je les matelots et que le gouvernail, font parve-
vous (juittais pour obéirau père qui nous chérit, nir mon discours au port. J'avais encore une
et l'adoucissement de mon chagrin était la ré- autre consolation, c'était de vous laisser devant
compense de ma soumission. Je regarde, en une table somptueuse, tenue par un hôte li-
effet, comme plus éclatant qu'un diadème, plus béral et magnifique. Je le sa^ ais, non-seulement
brillant qu'une couronne, l'honneur de voya- par la renommée, mais par expérience ; plu-
ger partout avec mon père spirituel; c'est ma sieurs auditeurs redisaient ce qu'ils avaient
parure et ma sécurité. C'est ma parure, car entendu, et j'ai pu juger du festin par ce qui
1G8 TRADUCTION FRANÇAISE DE SAINT JEAN CHRYSOSTOME.

en restait. J'aidonc fait l'éloge de celui qui monde. Plus haut, il dit en face, et ici de-
: :

l'avait offert, j'ai admiré sa magnificence et sa vant tout le monde. Notez bien ici cette ex-

richesse, mais je vous ai aussi félicités de votre pression devant tout le monde. Si toi, qui es
:

zèle et de l'exactitude avec laquelle vous rete- juif, tu vis comme les Gentils, et non comme
niez ses paroles, au point de pouvoir les rappor- les Juifs, pourquoi forccs-tu les Gentils eux-

ter à d'autres. C'est pouiquoi nous avons plaisir mêmes àvivre comme des juifs. (Gai. ii, H, li.)

nous-mêmes à parler devant un auditoire aussi Peut-être avez-vous applaudi à la franchise de


zélé; car celui qui sème parmi vous ne jette Paul que personne n'a pu intimider et qui n'a
point sa semence sur la route, ne la répand pas rougi de soutenir la vérité évangéliquc
pas dans les épines, ne la laisse point tomber devant tous les assistants. Mais cet éloge fait à
sur la pierre; votre cliamp est tellement riche Paul est une confusion pour nous. En effet, si
et fertile que toutes les semences qu'il reçoit Paul a eu raison, Pierre a eu tort, puisqu'il a
multiplient dans son sein. quitté la bonne route. Quel avantage y a-t-il,

Mais si jamais vous avez montré du désir et si chevaux de l'attelage est boiteux ?
l'un des

de l'ardeur pour nous entendre,, comme en effet Ici je ne parle point d'après Paul, mais d'a-
vous en avez toujours montré, je vous prie de près les profanes; c'est pour cela que j'appelle
m'accorder aujourd'hui cette grâce. Il ne s'agit votre attention. En effet, j'aggrave l'accusation,
pas du premier sujet venu mais de choses im-
, je l'exagère, afin de vous en préoccuper da-
portantes. Aussi j'ai besoin que vous ayez le re- vantage. Car celui qui s'intéresse aux combat-
gard perçant, l'esprit ouvert, la réflexion pé- tants veille au combat, et celui qui craint pour
nétrante, le raisonnement suivi, l'àme éveillée son père est attentif; celui qui connaît l'accu-
et attentive. Vous avez entendu la lecture de sation désire aussi entendre la défense. Si donc
TApôtre, et celui qui l'a écoutée avec attention je commence par insister sur l'accusation, vous
soit que nous nous se>mmes proposé pour au- ne devez rien en préjuger sur mon opinion.
jourd'hui un sujet plein de difficultés et de Je veux, dans ce discours, labourer votre es-
fatigues. Lorsque Pierre^ dit-il, vint à Antio- prit, sillonner votre âme, afin que mes pensées
che,je lui ai résisté en face. (Gai. u, il.) y restent profondément semées, et qu'elles y
2. Chacun de vous n'est-il |)as troublé quand soient retenues pour toujours. Du reste, ce que
il entend dire que Paul a résisté à Pierre, que nous disons est à la gloire de votre ville. C'est

les colonnes de l'Eglise se sont heurtées et pré- elle qui a été témoin de celte lutte, de ce com-
cipitées Tune sur l'autre? En effet, ce sont les bat; ou, du moins, de celle apparence de
e'.olonnesqui soutiennent et maintiennent le combat, plus utile que la paix elle-même. Car
toit, ce sont des colonnes et des remi)arts. Ce les parties de notre corps ne sont pas plus unies

sont encore les yeux du corps de l'Eglise, les par les nerfs entrelacés que ne Tétaient les
sources de tous ses biens, ses trésors, Us i)orts apôtres par les liens d'une affection mutuelle.
où comparaisons (juc
elle s'abrite, et toutes les 3.Vousavez ai)plaudiPaul? Ecoutez mainle-
l'on pourra faire seront toujours au dessous nantcommenllesparolesdePaulconstituentune
d'eux. Mais plus grands sont leurs mérites, accusation contre lui, à moins que nous ne trou-
plus difficile est notre tâche. Soyez donc at- vions un sens caché à ce qu'il a dit. Que dis-tu,
tentifs; nous parlons de vos pères, afin de ré- ô Paul? Tu as réprimandé Pierre parce qu'il ne
futer ce que disent contre eux les étrangers marchait pas suivatit les vérités de l'Evangile.
(|ui vivent en dehors de la foi. Quand Pierre C'est bien. Alors, pourquoi ces mots: en face,

vint à AntiochCy je lui ai résisté on face, parce ou bien: devant tout le tnojule? fie valait- il
(]uil était réju-éhensiblc. Ensuite il ajoute la il |vas mieux faire ces reproches sans témoin?

raison de ce blâme : Avant que quelques disci- Poun|Uoi choisir le public pour juge et pren-
ples ne fussent vcnrts de chez Jacques, il tnan- dre tant de témoins de ton accusation? No poii-
geait avec les Gentils ; mais quand ceux-ci furent vail-onpas dire (jne tu agissais ainsi par haine,
venus, il se retirait et se tenait à part, craignant par envie ou par jalousie? N'es-tu pas celui
ceux qui étaient circo}^c>s. Les autres juifs qui a dit : je suis devenu faible pour les faibles?
partagèrent cette dissimulation, au point que (1 Cor. IX, 2-2.) Que signifie faible pour
: les

liarnabé y fut entraîné lui-même. Mais quand faibles? Cela montre la condescendance, le

fai vu qu'ils s'écartaient du droit chemin de soin de cacher leurs l)lessures, de peur qu'ils
l'Evangile, je l'ai dit à Pierre dcvatit tout le ne soit'ul tentés de les étaler impudemment.
Srn CF TEXTE : .TE \.V\ Aï RÉSISTÉ EN FACE. \m
Ainsi, loi qui as été si altenlif et si bon avec voir en quoi consiste cette accusation appa-
tes disciples, tu serais devenu si inluiinain avec rente. Quand Pierre vint à Antioche, je h/i ré-
ton confrère dans l'apostolat? N'as-tu pas en- sistai en face. Pounjuoi? Parce qu'il était ré-
tendu CCS paroles du Christ : Si ton frère est préhensihle. Quel blâme méritait-il? Avant V ar-
en faute, va et fais-lui des reproches entre toi rivée de ceux qui étaient envoyés par Jac([Uis ,

il manqeail avec les Gentils


; quand ils furent
et lui seulement. (Mattli. xviii, 45.) Toi tu fais

d'S reproches publics, puis tu t'en glorifies 1 venus il se retirait et se tenait à part, craifpinnt
Quand Pierre est vejiu à Andoclie, je lui ai ceux qui étaient circo7icis. Que dis-tu? Pierre
résisté en face. était donc timide et lâche? N'a-t-il pas reçu ce

Ce n'est pas seulement en public que tu le nom de Pierre parce que sa foi était inébran-
reprends, mais encore tu écris en tontes lettres lable? Que fais-tu donc? respecte ce nom (jue
l'histoire de celte lutte, comme sur une co- le Seigneur a donné à son disciple. Pierre faible
lonne monumentale, afin que le souvenir en et lâche? Qui pourra supporter ces p.iroles
soit immortel ! afin (|iie, non-seulement les môme de ta part? Ce n'est pas là ce que pourra
assistants, mais tous les habitants futurs de la dire de lui Jérusalem, et le premier théâtre de
terre, l'apprennent par ton épîtrel Est-ce ainsi son apostolat, cette Eglise, où il s'est élancé le
qu'en ont agi avec toi les apôtres à Jérusalem, premier et où il a prononcé le premier cette
lorsque, après quatorze ans, tu es allé pour parole bienheureuse C'est Dieu qui a ressus-
:

conférer avec eux de l'Evangile? Ne dis-tu cité Jésus, et l'a délivré des étreintes de la mort.
pas Quatorze ans après je suis venu et j'ai
: (Act. Il, 24.) 11 ajoute : David n est point monté
conféré de rKcangile avec eux, enparficulier au ciel, mais il dit : Le Seigneur dit à mon
avec ceux qni paraissaient les plus considéra- Seioneur, assieds-toi à ma droite jusqu'à ce que
bles? (Gai, II, 1, 2.) Quoi donc? les apôtres je mette tes ennemis sous toi comme un marche-
t'ont-ils empêché d'explicjuer à part ton en- pied. (Ibid. 34, 35.)
seignement, t'ont-ils amené en public et forcé Etait-il donc, dis-moi, timide et lâche, celui
de paraître devant tout le monde? Non, sans qui, au milieu d'une si grande terreur, de dan-
doute. Ainsi tu exposes ta doctrine en particu- gers si imminents, est allé avec tant d'audace
personne ne s'y oppose, ettuatla(}uesun
lier, et au-devant de ces chiens altérés de sang, bouil-
en public? N'avais-lu pas encore d'autres
a|)ôtre lants de colère et respirant le meurtre, pour
preuves de leur bonté? Quand il y avait tant leur dire que celui qu'ils avaient crucifié était
de milliers de juifs réunis, n'ont-ils pas eu à ressuscité, qu'il était au ciel, assis à la droite
ton égard la même sagesse? ne t'ont-ils pas du Père, et qu'il écraserait ses ennemis de
pris en particulier pour te dire : Tii vois, mon maux innombrables? Ne jugeras-tu pas plutôt
frère, combien de milliers de juifs se sont réu- qu'il mérite d'être admiré, couronné même,
nis; tous sont zélés pour leur loi et ils ont en- rien que pour avoir eu la force d'ouvrir la
tendu dire que tu enseifines à se séparer de bouche, de desserrer les lèvres, de se tenir ou
cette loi. Quel parti prendre ? fais ce que nous de paraître seulement devant ceux qui avaient
allons te dire. Ily a parmi nous des hommes crucifié son Maître? Quel discours, quelle in-
qui ont fait un vœu. Prends- les avec toi, fais- telligence pourra exprimer quelle fut dans ce
toi raser avec eux, et purifie-toi avec eux, afin jour son audace et la liberté de sa parole? Per-
qu'ils fassent savoir ([ue tout ce qu'on a dit sur sonne n'en serait capable. Si, même avant la
toi était faux. (Act. xxi, 20, 24.) Vois-tu comme passion, les Juifs avaient décidé que celui qui
ils veillent sur ta réputation, comme ils te s'avouerait disciple du Christ serait expulsé de
couvrent sous le voile de cet artifice, comme la synagogue (Jean, ix, 22), comment, après
ils teprotègent par ce sacrifice et ces purifi- la passion, voyant un homme qui, non-seule-
cations? Pourquoi toi-même ne montres -tu ment se disait disciple du Christ, mais qui pro-
pas la même sollicitude? clamait toutes ses loisavec toute l'ardeur pos-
4. S'il s'agissait véritablement d'un combat, sible, comment nel'ont-ils pas déchiré et coupé
d'une dispute, toutes mes accusations seraient en morceaux, lui qui osait le premier résister
fondées; mais ce n'est point un combat, ce n'en à leur fureur?
est que l'apparence, et nous reconnaîtrons la 5. Voilà donc une chose importante : il a
grande sagesse de Paul de Pierre, ainsi que
et non -seulement confessé le Christ mais , il l'a

leur bienveillance mutuelle. Commençons par confessé avec audace devant les Juifs encore
TUADUCTION FRANÇAISE DE SALXT JEAN CIiRYSOSTOME.

De même que, dans


furieux et ivres de carnage. son Maître en lui disant : Voulez-vous ? 11 peut
quand une troupe ennemie est en
la {guerre, arriver encore, dit-il, que l'amour me fasse
bon ordre, nous admirons surtout celui qui parler d'une manière indiscrète. Aussi c'est

s'élance le premier et qui parvient à briser le pour éviter une nouvelle réprimande qu'il dit :

fronl de cette phalange (ce n'est pas seule- Voulez-vous ? La sainte cène fut encore pour
ment dans cette circonstance, c'est aussi dans lui un sujet de crainte ;
quand Jésus dit : un de
toutes les autres que l'oa estime par-dessus vous me trahira (Mat. xxvi, 21 ), il n'osa pas in-
tous celui qui a ouvert la route des billes ac- terroger son Maître à cause de la réprimande
tions en commen(,'ant à les exécuter) ; de même qu'il avait déjà encourue ; cependant son
faut-il raisonner à l'égard de Pierre, parce amour ne lui permettait pas de se taire. Il vou-
qu'il s'est avancé le premier au combat, qu'il lait à la fois s'informer et éviter de paraître
a rompu le front de la phalange juive, qu'il l'a téméraire et inconsidéré. Comment donc par-
vaincue par un long admirable discours, et vint-il à salif faire son désir et à éviter le repro-
frayant ainsi le passage aux autres apôtres. Et che? Son désir de s'informer montrait la vio-
si Jean, Jacques, Paul ou tout autre, nous lence de son amour; d'un autre côté, en ne
semble par la suite avoir fait quelque chose de parlant pas lui-même, et mettant un autre à sa
grand celui-là l'emporte sur tous qui leur a
, place, il montrait son obéissance et sa docilité.
frayé le chemin par son courage, et leur a ou- Voici des ccueils de toutes parts, disait-il. Il

vert la route ; il leur a permis d'avancer avec s'agit de trahir danger est
le Seigneur; le
coiifiaiice , et comme un fleuve au cours grand, mais il y a im prcL-ipice de chaque côté.
impétueux , il entraîne ceux qui lui résis- Si je me tais, mon âme sera dévorée d'inquié-
tent et arrose doucement des ondes de sa tude; si je parle, je crains de me faire encore
do. trine les âmes dociles. Ne fut-il pas ainsi réprimander. Il prit donc une route intermé-
après la passion? Avant la passion n'était-il diaire, et lui, qui d'ordinaire se mettait en
jias le plus ardent de tous ? Les apôtres avant, eut besoin d'emprunter la voix de Jean
n'empruntaient-ils [)as sa voix? ne parlait-il pour savoir ce dont il s'agissait. En effet, il ne
pas quand les autres se taisaient ? Que dit-on respirait que pour son Maître et n'avait pas
de moi? que je suis le fds de Vhoimne? dit d'autre pensée. Aussi, par la suite, il affrontait
le Christ. (Mat. xvi, 13.) Les uns répondaient les prisons et millegenres de mort, et méprisait
Elle, les autres Jérémie, d'autres un des pro- toute la vie présente. Lorsqu'il eut été flagellé
l»hctes. Et qus dites-vous que je
vous, dit-il, j)Our son Maître, et que son dos était sillonné
suis? Pierre lui répondit Vous êtes le Christ, : de meurtrissures, il disait à ceux qui le fouet-
le Fils du Dieu vivwit. Le Maître avait dit vous, : taient : // not(s est impossible de tie pas dire ce
et de môme que la langue parle pour tout le que nous avons vu et entendu. (Act. iv, 20.)
corj)S, de même Pierre a réjjondu au nom de Voyez quel courage indomptabli\ voyez quelle
tous. Est-ce alors seulement qu'il a paru ainsi, contiauce invincible, voyez celle iime toute
cl son zèle s'est-il ralenti ailleurs? Nullement; pleine de désir et d'amour céleste! Comment
t;">iiiours et |iartout il montra la même ardeur. donc oserait-on dire qu'il craignait les cir-
Quand le Christ lui dit : On livrera le fils de concis, qu'il se retirait et se tenait à part
l'homme, on le flagellera, on le mettra en croix pour les éviter? Je pourrais vous dire encore,
(Marc, x, 33, 31), il dit lui-même Pitié pour : au t«ujet de Pierre, bien des choses pour vous
vous, Seigneur que cela ne vous arrive pas !
! prouver sou ardeur, son courage et l'amour
(Mat. xvi, 21.) Car il ne faut pas examiner si qu'il eut pour le Christ, mais pour ne pas éten-
cette réponse était inconsidérée mais voir , dre inulilement ce discours, je me contenterai
(ju'elle provenait d'un amour parfait et fervent, de ce (|ue j'ai dit. Car ce que je me propose au-
l^oi'sque le Christ se fui Iraiisliguié sur la mon- jourd'hui n'est pas de faire son éloge, mais de
tagne, et ai)parut conversant avec Moïse et Elle; résoudre la question cpii se présente à nous et
alors Pierre lui dit encore : Si vous voulez, de la mener à bonne fin.
lions fei'ons ici trois tentes. (Mal. xvn, i.) 7. Voyez, duu autre côté, combien cotte ac-
C. Voyez combien il aimait son maîtn^ ob- cusation est peu probable.Quand il disait en
servez combien il avait de soin et de prudence. commençant Ce Jésus, que vous avez cru-
:

Aj)rès qu'une réponse inconsidérée lui eut fait ci/lé Dieu Va ressuscité, et l'a délivré des
,

iujpiser silence, il remet tout à la volonté de étreintes de la moi't (Act. ii, 24) ; il était au
suî; 'ÏL\'Œ : JE Lui Al KLi.oiii: LU LaCE. in
milieu de ses ennemis , encore respirant le sultat de la vanité et de la jalousie. En vérité,
meurtre, encore bouillants de colère , encore j'ai honte de parler ainsi laissons cela. En ;

avides de déchirer les disciples, car leurs pas- effet, Paul était le serviteur, non-seulement de

sions étaient encore excitées, et leur fureur Pierre, le chef de tous ces saints, mais il l'était
allumée. Mais quand Paul écrivait ainsi, il y aussi de tous les apôtres ; et quoiqu'il les sur-

av;;.ii dix-sept ans que la prédia'.t'.on de l'Evan- passât tous par îis travaux, il se regardait
gile était commencée. Après avoir dit: Trois comme le dernier d'entre eux. /e sz«5, dit-il,

ans après je suis allé à Jérusalem (Gai. i, 18 ), le moindre des a poires ; je ne mérite mêmepns
il dit »'n<*«r.» : qu/itnrze ans après, je suis allé à le nom
d'apôtre (1 Cor. xv, 9) il ne dit pas ;

Jérusalnn. (C-îJ. ii, 1.) Celui donc (jui n*a rien cela seulement pour les apôtres, mais pour
,

craint au début de sa prédication aurait été tous les saints en général. Cette grâce m'a été
etTrayé si longtemps après? celui qui ne trem- accordée à moi, dit-il, qui suis le moindre de
blait pas à Jérusalem aurait tremblé à Antio- tous les saints. (Eph. m, 8.)

cbe Celui qui était resté impassible au milieu


! 8. Voyez-vous cette humilité ? voyez-vous
des ennemis qui l'entouraient, aurait eu peur comme il se met au-dessous de tous les saints,

au milieu d'un cercle, non plus d'ennemis, et, à plus forte raison des apôtres ? Celui qui
mais de fidèles et de disciples, et aurait quitté avait de pareilles dispositions envers tout le

le droit chemin 1 Qui pourrait s'imaginer monde savait toutes les prérogatives de respect

qu'un homme capable d'alîronler un bûcher qui étaient dues à Pierre, il le respectait au-
élevé et embrasé, tremblât de crainte en le dessus des autres hommes ; en un mot, il

voyant éteint et réduit en cendres? Si Pierre avait pour lui les sentiments qu'il méritait.
avait été timide et faible, c'est au commence- Et voici ce qui prouve Tous les yeux
le :

ment de sa prédication, dans la capitale des du monde tournés vers Paul , de


étaient
Juifs, qui lui étaient tous hostiles, c'est alors lui dépendaient les Eglises de toute la terre,
qu'il aurait été efl'rayé,mais non pas si long- cnaque jour il était accablé d'une foule de
temps après dans une ville entièrement chré- soins, de toutes parts il était assiégé par des
tienne, et au milieu de ses vrais amis. Ainsi procurations, des patronages, des réprimandes,
ni le temps, ni le lieu, ni l'entourage, ne nous des conseils , des exhortations , des enseigne-
permettent de croire aux paroles que nous ments ; enfin, par mille affaires dont il devait
avons rapportées, et d'accuser Pierre d'aucune s'occuper. Eh bien I laissant tout cela, il se
crainte. rendit à Jérusalem, sans avoir d'autre motif
Ainsi vous êtes de mon avis. Cependant, pour ce voyage, que de voir Pierre, comme il
vous commenciez par admirer Paul, et par le ditlui-même Je vins à Jérusalem pour
:

vous être charmésde sa franchise; notre discours voir Pierre. (Gai. i, 18.) C'est ainsi qu'il l'ho-
achangé l'accusateur en accusé. Mais, comme je norait et le mettait au-dessus de tous. Eh bien!
disais en commençant que nous n'en étions ,
après l'avoir vu, le quitta-t-il aussitôt? nulle-
pas plus avancé, si nous prétendions que Paul ment, car il resta quinze jours avec lui. Or, si
avait raison, parce qu'alors il serait clair que vous voyez un officier brave et distingué, la
Pierre aurait eu tort, et que la honte de cette guerre étant déclarée l'armée disposée le , ,

faute retomberait toujours sur nous, quel que combat commencé, quand une foule de soins
lut le coui>able de môme, je vous le dis en-
; le réclament de tous côtés si vous le voyez ,

core nous ne gagnerons rien à écarter de


, abandonner son poste et s'éloigner pour voir
Pierre toute accusation, puis(iue alors Paul un ami, auriez-vous besoin, dites-moi, d'une
semblerait avoir accusé son confrère dans l'a- autre preuve de sou affection pour cet homme?
postolat avec une audace imprudente. Eh Pour moi , je ne le crois pas. Pensez donc la

bien ! délivrons aussi l'autre apôtre de tout même chose sur Pierre et sur Paul. Ici une
blâme. Quoi donc? nous a\ons vu ce qu'était rude guerre était engagée, l'armée disposée,
Pierre Paul n'était-il pas tel (jue lui quoi de
; ! le combat commencé, non-seulement contre
plus ardent que Paul ,
qui mourait tous les les hommes, maiscontre les principautés ,

jours puur Christ? Cependant, ne parlons


le contre les puissances, contre les chefs de ce
pas de courage, car ce n'est pas ce dont il monde de ténèbres (Eph. vi, 12), et c'était le
s'agit , mais il faut voir s'il avait de la haine combat du salut des hommes. Néanmoins, il
contre l'Apôtre , ou si cette dispute est le ré- pour Pierre, qu'au milieu
avait tant de respect
«72 TRADUCTION FRANÇAISE DE SAINT JEAN CIÎRYSOSTOME.

d'obligations si imminentes et si pressantes, il disait : Il confia à Pierre l'apostolat chez les


courut le trouver à Jérusalem, et resta quinze Juifs, et à moi chez les Gentils. De même, en
jours avec lui avant de songer au retour. effet, qu'un roi sage, qui sait discerner les dif-
Vous avez vu le courage de Pierre le dé- , férentes capacités, fiit commander la cavalerie
vouement de Paul pour tous les apôtres, et à un officier et l'infanlerie à un autre de ;

pour Pierre en particulier il faut maintenant ; même aussi, le Christ, divisant son armée en
arriver h la solution de la question elle-même. deux parties, mit Pierre à la tête des Juifs et
Car, puisqu'il aimait Pierre, et que celui-ci Paul à celle des Gentils. Cela faisait deux corps
n'était ni timide ni faible, puisqu'il n'y avait d'armée et un seul roi. De même que la difï<;-
entre eux ni haine ni opposition, que signifie rence de deux armées consiste dans l'équipe-
ce que je vous ai lu, et comment rexpliijuer? ment et non dans la nature des homme-, de
9. Ici, soyez attentifs, élevf z et soutenez vos même cette autre différence n'était re[)résentée
esprits pour me comprendre et bien voir le que par un petit morceau de chair, et non par
jour favorable que je vous présenterai. En une diversité de nature.
efTet, pondant que je fouille la terre avec tant 10. Ainsi, comme je le disais, ils avaient la
de peine et que vous êtes sur le point de voir conduite de ces deux armées. Si ce discours
paraître l'or sans vous fatiguer, il serait ab- n'est pas trop long, si vous n'êtes pas fati-
surde que vous perdissiez un pareil trésor par gués, je vous dirai pourquoi les Juifs avaient été
votre négligence. Il faut que je reprenne mon confiés <à l'un et les Gentils à l'autre. En effet,
discours d'un peu plus haut, afin de vous il est intéressant de rooliorcher pourquoi Paul,
éclaircir cette inslruclion. Quand Jésus fut qtii avaitétudié si exactement la loi de ses pères,
monté au ciel, après avoir accompli sa mission qui avait vécu longtemps aux pieds de Gama-
pour le salut des hommes , il laissa à ses liel, qui était irrépréhensible selon la justice

disciples la parole divine de sa loi; ainsi Paul de la loi mosaï(]uo, n'a pas été mis à la této dos
à\i : Il mit en nous la parole de la réconcilia- Juifs, mais des Gentils comment au con- : ,

tion ; et aussi : Nous faisons la fonction d'am- traire le pêcheur Pierre


, illettré et sans ,

bassadeurs pour Jésus-Christ, comme si Dieu instruction, a été choisi pour conduire les Juifs.
exhortait par notre boiiche (Il Cor. v, 19, 20), Celte observation, si nous pouvons la bien ex-
c'est-à-dire comme si c'était le Christ. Alors, pliquer, nous sera utile pour résoudre la ques-
quand ils prêchaient ainsi sur toute la terre, tion qui nous occupe. Il ne faut pas dire que le
il n'y avait pas d'hérésies; la nature humaine Christ voyant Paul hésiter, refuser et craindre
n'avait que deux dogmes, l'un pur et l'autre de commander à ses frères, n'avait pas voulu
corrompu. En effet, tous les hommes étaient le forcer et le contraindre. Le contraire est évi-
gentils ou juifs. H n'était pas encore question dent. Car non-seulement Paul n'a pas évité de
de Manès, de Marcion, de Valent! n, ni d'au- diriger les Juifs mais (juand le Christ lui
,

cun autre; car, que sert de compter toutes ordonne d'aller vers les Gentils, il désire se
les hérésies? Mais, quand l'ivraie eut été semée charger de la conduite des Juifs après avoir :

avec le froment, la corruption de l'hérésie vint souffert mille maux de leur part, après que
à se répandre. Le Christ envoya Pierre aux l'ensoigutîmont dos Gentils lui a été confié, il

Juifs et Paul aux Centils. Et je ne parle pas ne cesse de prier pour les Juifs, disant tanlùt :

ainsi de moi-même, mais vous pouvez enten- Je désirais être ana thème pour mes frères, pour
dre les paroles de Paul // confia à Pierre: mes parents suivant la ciwir (Rom. ix, 3) tin- ;

l'apostn/at chez hs circoncis et à moi chez les tôl aussi Mes frères, le souhait de r?ion cœur
:

Gentils. (Cal. ii, 8.) Ici, la circoncision désigne et ma prière d Dieu est pour le salut d'Israël.
la nation. Et comment le voit-on? par ce qui (Rom. X, 1.) Pourquoi donc, malgré sa bonne
suit. Car après avoir dit : il confia à Pierre volonté, son désir i\c les instiniro, ne lui a t-il

l'apostnlat chez les circoncis, il ajoute : il me pas permis i\o les instruire, mais l'a-t-il plutôt
Va donné chez les Gentils, ce qui montre bien envoyé enseigner sa loi aux Gentils? Ecoutons
que le mot de circoncision indiijue ici la dilTé- les paroles du Christ lui-même, et Paul qui
rence des nations. C/est donc do cotte dilTéicnce nous les rapporte. Pendant fna prière dit-il, ,

de nations qu'il s'agit, et non do la ciiconcision je fus ravi en extase, et fai vu le Christ qui me
en elle-même, et ce sont les Juifs qu'il désigne disait : llàtc-toi, et pars nromptcmcnt, car ils
en parlant de circoncision; c'est comme s'il ne recevront point le témoignage que lu reii-
SUR CE TEXTE : JE LUI Al RÉSISTÉ EN FACE. 173

dras de moi. (Act.xxii, 17, 18.) Ainsi il explique en a l'habitude, il commence ainsi Dieu a :

la cause de son départ. Ils te haïront, dit le parlé autrefois à vos pères bien souvent et
Seigneur, et te repousseront ; aussi ne rece- de bien des manières, (lléb. i, 1.) Et c'est là un
vront-ils pas tes enseignements. Et cependant, trait de sagesse de la part de Paul. De jieur que
il suffisait, pour rendre sa préilicalion digne de la h qu'on a contre lui ne rejaillisse sur
lirie

foi et persuasive, que sa conversion fût évidem- sa lettre,il se cache comme sous un masque en

ment surnaturelle comme elle l'était. En effet, supprimant son nom et leur présente en se-
quand un homme s'était montré ainsi , qu'il cret le remède de ses exhortations. Car, non-
l'avait fait, bouillant de colère, respirant le seulement les Juifs incrédules, mais même
meurtre, ne croyant pas aux miracles du Christ les croyants de cette nation avaient contre
ni à ceux des apôtres qui ressuscitaient les lui de l'aversion et de la haine. Aussi quand ,

morts, aucun pouvoir humain n'aurait pu il va à Jérusalem, écoutez ce qui lui est dit
le convertir au milieu de sa fureur, ni le dé- par Jacques et par tous les autres : Tu vois,
terminer à déployer ensuite autant et môme mon frère, combien de milliers de juifs se
plus de zèle pour la prédication de la foi du sont réunis; tous sont zélés pour leur loi, et
Christ, qu'il n'avait d'abord montré d'empor- ils ont entendu dire que tu enseigiies à se
tement à la persécuter. Il n'y avait véritable- séparer de cette loi. (Act. xxi, 20, 21). Voilà
ment qu'une force divine qui piit opérer cette pourquoi ils avaient contre lui de l'aversion et
conversion et cette transformation. de la haine.
11. C'était ce même motif que Paul mettait donc pourquoi ce ne sont pas les
12. Voilà
en avant quand il demandait à Jésus de lui Juifs,mais les Gentils qui lui ont été confiés.
confier l'apostolat des Juifs : Seigneur, ils sa- Lorsque plus tard les Juifs lui furent aussi
vent que f emprisonnais et que je persécutais confiés comme à Pierre, mais d'une autre fa-
ceux qui croyaient en votre nom, et quand on çon, il les conduisait à la foi par une autre route.
versait lesang d'Etienîie, votre martyr, j'étais Quand je parle d'une autre route, ne pensez
complice de sa mort. (Act. xxii, 19, 20.) Et pas qu'il y eût de différence pour la prédica-
cette fureur cruelle prouve que ce change- tion, car elle était la même pour les Juifs et
ment subit n'est point une œuvre humaine, pour IcsGentils. Elle consistait, essentiellement,
mais divine, et a été inspirée par le ciel. Que à dire que le Christ était Dieu, qu'il avait été
dit le Christ? Va, car je t'enverrai au loin crucifié, enseveli et qu'il était ressuscité; qu'il
chez les Gentils. (Act. Tout cela
xxii , 21.) était assis à la droite du Père, et qu'il devait
ne suftit-il point, dit l'Apôtre, pour convaincre juger morts ces dogmes et
les vivants et les :

les plus endurcis que cette prédication n'est d'autres semblables étaient également prêches
pas une œuvre humaine, mais qu'elle dépasse par Paul et par Pierre. Où donc était la diffé-
les forces de l'humanité, et que Dieu est vrai- rence? Dans les prescriptions légales sur les ali-

ment l'auteur de ce changement et de cette ments, dans la circoncision, dans les autres rils

conversion? Tout cela devrait suffire, ô bien- des Juifs. Car Pierre n'osait pas dire claire-
heureux Paul, à ne considérer que les faits en ment et ouvertement à ses disciples qu'il fal-
eux-mêmes, mais les Juifs sont les plus aveu- lait les Il craignait, en
abolir entièrement.
gles des hommes; ils n'examinent point les effet, que s'il cherchait prématurément à sup-
laits, ni ce qui semble le plus raisonnable et primer ces habitudes, il ne détruisît en même
le plus nécessaire à croire, ils ne songent qu'à temps chez eux la foi du Christ; l'esprit des
satisfaire leur haine. Toi, tu considères l'en- Juifs, depuis longtemps imbu des préjugés de
chaînement des événements, mais Dieu con- leur loi, n'était point préparé à entendre de
naît le secret des cœurs. C'est pourquoi il te tels conseils. Aussi saint Pierre les laissait
dit : Va, car je t'enverrai au loin chez les Gen- suivre les traditions judaïques. Quand un bon
tils, pour que la haine soit affaiblie par la dis- jardinier greffe une jeune pousse à une vieille

tance. tige, n'ose point arracher l'ancienne piaule


il

Aussi, tandis que, lorsqu'il écrit à tous les de peur de déraciner aussi la nouvelle, mais
autres peuples, il met toujours son nom en il attend que le jeune arbre soit bien implanté,
tête de ses épitres, quand il écrit aux Hébreux, et ait poussé ses racines dans le sein de la terre j

il ne fail rien de semblable : tout simplement, alors il enlève sans crainte l'ancienne souche.,
gaus dire qui il est, nia qui il écrit, ainsi qu'il ne redoutant plus rien pour la nouvelle : c'est
174 TPuVBUCTTON FUANÇATSE DE SAINT JEAN CTIRYSOSTOME.

ce qne faisait saint Pierre, lllaisçait la nouvelle circonstances exigeaient dcs concessions, Paul
foi se bien itnplantor dans l'esprit de ses au- lui-n)ême se prêtait aux habitudes jud'^npies;
diteurs, attendant qu'elle y eût poussé de |)ro- et, d'un autre côté, quand ne fallait plusil

fondes racines pour enlever aux Juifs tous agir avec condescendance, mais é^^blir des
leurs préjugés. Mais il n'en était pas de même dogmes et des lois, Pierre savait s'affranchir de
pour Paul, qui n'était astreint à aucune de cette condescendance et proclamer les dogmes
ces entraves, en prêchant chez les Gentils qui dans leur franchise et leur pureté. Observez
ne connaissaient aucunement la loi mosaïque que Paul était présent à cette conférence, qu'il
et qui n'entendaient rien aux prescriptions des a tout entendu, qu'il communiquait de tous
Juifs. côtés la lettre qu'il avait reçue et qu'il est im-
Nous devons donc croire que les deux apô- possible de prétendre qu'il ignorât l'opinion
tres ont agi comme ils ont fait, non pas qu'ils de Pierre. Pourquoi donc fait-il maintenant
fussent opposés l'un à l'autre, mais par con- de pareils reproches à Pierre, prétendant qu'il
descendance à In faiblesse de leurs disciples; redoute ceux qui sont circoncis?
cela se comprend, quand nous voyons Paul 14. Pour que vous compreniez mieux tout
permettre ces pratiques
au'^si bien que Pierre, ce qui s'est dit, je vais remonter un peu au
et non-seulement les permettre, mais y coo- delà; mais soyez attentifs, je vous en supplie;
pérer; quand nous voyons, d'un autre côté, car nous sommes arrivés au fond même delà
Pierre sanctionner cette môme liberté que question. Jacques, le frère du Seigneur, était
Paul propageait chez les Gentils, Mais, dira- d'abord évêque de l'Eglise de Jérusalem, c'est-
t-on, où peut-on voir tout cela? A Jérusalem à-dire à la tète de tous les juifs croyants. Mais
même. C'est là que le docteur des Gentils il y avait à Antioclie d'autres juifs qui croyaient
a rasé sa tête, a sacrifié et s'est soumis à la aussi au Christ, mais qui, étant loin de Jéru-
purification. En efTet la circonstance l'exigeait, salem et voyant que les fidèles, parmi les Gen-
ainsi que la présence d'une foule de juits, Tii tils, vivaient sans se préoccuper d'observer les

vois, mon combien de mil-


frère, lui disait-on, pratiques judaïques, insensiblement »'t peu à
liers de juifs se sont réunis ; tous sont zélés pour peu s'étaient laissés entraîner eux-mêmes à
leur loi, et ils ont entendu dire qne tu ensei- négliger ces habitudes judaïques et à suivre la
gnais à se séparer de cette loi. doctrine de la foi, pure et san-? mélange. lii-
Paul était forcé de faire cette con-
13. Ainsi dessus, Pierre arrivant, et voyant (pie rien ne
cession aux rits judaïques; il ne la faisait point lui imposait ses condescendances habituelles,
par opinion, mais par politique. De même, vivait dès lors à la manière d^s Gentils. Or, ce
Pierre, le maître des Juifs, admettait toujours que Paul appelle vivre à la manière dos Gen-
la circoncision et les autres pratiques judaï- tils, consiste à supprimer les pratiques judaï-

ques, pour se prêter à la faiblesse de ses dis- ques, à ne pas observer les injonctions de cette
cijtles; mais quand il trouvait l'occasion de se loi; par exemple, la circoncision, le sabbat et
soustraire à cette nécessité, quand ce n'était autres prescriptions. Pendr.nt quo Pierre vivait
plus l(! moment de se livrer à cette indulgence, ainsi, arrivèrent quelques juifs envoyés par
mais celui de proclamer les dogmes et les lois, Jac(]ues, c'est-à-dire venant de Jérusalem, les-
écoulez c<; (pi'il disait, Lorscjuc Paul, Baiimbas (|uels étant toujours restés dans cette ville, et
et <|Mel(|ues disciples furent venus d'Autioclie n'ayant jamais connu d'autres mofui-s, conser-
à Jérusalem pour consulter les apôtres, il y vaient les préjugés judaïques et gardaient beau-
eut une {grande discussion; Pierre se leva et coup de ces pratiqin^s. Pierre voyant donc ces
dit Mes frères, vous savez que depuis long-
: disciples qui venaient de quitter Jac(iues et
temps Dieu m'a choisi parmi nous pour que Jérusalem, et qui n'étaient pas encore aOermis,
ma bouche fasse ontaulrc et croire aux iienlils craignit que éprouvaient un scandale ils
s'ils

la parole de l'Evangile. (Aet, xv, 7.) Il ajoute n(> rejetassent la foi ; ilchangea tlonc encore
quclipies mots, et dit cncon; Pourquoi tentez- : de conduite, et cessant de vivre à la manière

vous /Jiert en imposant aux IJoifils un joug des Gentils, il revint à sa première condescen-
que nos pères et nous n'avons pas eu la force dance observâtes prescriptions relatives à la
et
de porter? C'est seulenwnt par la foi en Jésua- nourriture. Les juifs qui vivaient à Antioche le
Chrlst que ?u)us c/'ogous être saurés ainsi , voyant agir ainsi et ne com|>rtMiaut pas le mo-
qu'eux-mêmes. Vous voyez donc que, si les tif qu'il avait, furent entraînés eux-mêmes et
SI H CE TEXTE : JE LUI Al RESISI'E EN l'ACh:.
175

se crurent ohlip:és de vivre à la manière des Pierre que Paul s'étonne, mais c'est de voir
.Niil's que le maîlre. C'est
ainsi là ce que Paul que Barnabe qui prêchait toujours avec lui,
relève; et, pour éclaircir mes pafolcs, je vous qtji n'avait pas alFaire aiix Juifs, mais ensei-

répéterai encore celles de l'AptMre : Quand gnait les Gentils ait été lui-même entraîné.
PÙTre vint à Antioche, je Ini airé^isté e)i face, Du reste, ce (jui [irécède et ce (jui suit fait voir
car il était répréhensible. Avant que quelques que c'est du véritable Pierre ({u'il s'agit. Car
disciples ne fussent venus de chez Jacques, c'est- pour dire qu'il lui a résisté en fice, et pour
à-dire di'Jérusalem, ihnaitg'iait avec les Gentils, regarder cela comme grave, il faut évidemment
c'est-à-dire avec ceux d'Aulioche.il/fl/,9y '«w^/ qu'il ait tenu tête à un personnage considé-
ces disciples furent vcm/s de Jérusalem (c'étaient rable ;
pour tout autre, il n'aurait |)as dit Je :

ceux qui restaient attachés à l'ancienne loi), lui ai résisté en face et n'aurait point regardé
,

il se retirait et se tenait à l'écart, craionant cela comme grave. De plus si c'eût été ,

ceux qui étaient circoncis. Qui cela? Ceux qui un autre Pierre , son changement n'aurait
venaient de chez Jacques. Les arttres juifs par- pas eu assez d'influence pour entraîner tous
tagèrent cette dissimula f ion. Quel? jnil's? Ceux les autres juifs.En elîct il ne les a ni exhortés,
,

qui, avant l'arrivée des disciples de Jérusalem, ni consultés, seulement il s'est séparé et s'est
habitaient Antioche et n'avaient conservé au- retiré; et cette séparation et cette retraite ont
cune pratique judaïque. De sorte que Barnabe eu l'influence d'entraîner les disciples à cause
lui-même fut entraîné à dissimuler. Voilà com- du respect attaché à sa personne.
ment l'accusation paraît formulée. 16. En voilà assez pour prouver que c'était
15. Si vous le voulez, je vais d'abord vous Pierre lui-même. Voulez-vous connaître l'autre
exposer les dilférentes justifications que d'au- solution? Quelle est-elle? Paul avait raison de

tres auteurs ont imaginées ,


puis j'essaierai de reprendre Pierre dont la condescendance était
vous expliquer mon avis, alin que vous puis- poussée trop loin. Car, de même ({ue l'un,
siez choisir entre ces opinions. Comment diffé- quand il venait à Jérusalem, se soumettait aux
rents écrivains ont-ils cherché à résoudre cette habitudes des Juifs, de même l'autre, venant à
question? Ce Pierre dont il s'afjit ici, disent-ils, Antioche , devait laisser les mœurs juives
n'est pas le prince des apôtres, celui à qui les pour prendre celles des Gentils. Ainsi , au mi-
brebis du Christ furent confiées , mais un lieu d'un peuple entièrement juif, Paul lui-
homme ordinaire et inconnu ; en un mot, le monic était forcé de vivre comme les Juifs de ;

premier venu. Comment voient ils cela? Les même, quand les Gentils étaient en majorité
autres juifs ayant été entraînés, Paul ajoute, et «}ue la ville ne réclamait nullement l'an-
disent-ils : De sorte que Barnabe lui même fut cienne condescenriance ne fallait p;is scan- , il

à cette dissimidation. Ces mots Bai^-


entraîîié : daliser tant de Gentils par égard pourquelquts
nabé lui-même montrent alors qu'il était bien Juifs. iMaiscen'estpas là résoudre, c'est grossir la
plus étonnant de voir entraîner Barnabe question. Comme je l'ai dit en commençant ee
que le Pierre en question il semble donc ; discours, nous ne chercherons pr)int à montn r

regarder Barnabe connue le plus grand des ((ue l'acc;usation de Paul était juste , car alors
deux puisqu'il dit
,
non-seulement Pierre
:
,
la question resterait tout entière ,
puis(jue
mais Barnabe. Or Barnabe n'était pas supé- Pierre aurait mérité ces re|)roches : ce (jiie

rieur à l'apotre Pierre. Mais il n'en est pas nous cherchons , c'Cvst de faire voir que ni l'un
ainsi; non il n'en est pas ainsi
certes, Ce n'est ! ni l'autre n'étaient blâmable. Comment y par-
point à cause de la supériorilé de Barnabe viendrons-nous? Eu apprenant dans quel es-
qu'il s'étonne mais pour(|uot ? Parce que
,
prit l'un a fait le reproche et l'autre l'a r- ru,

Pierre avait été en\oyé chez les circoncis, tau- et eu e\pli(|iianl leur pensée. Quelle était celle

dis que Barnabe prêchait avec Paul chez les pensée? Pierre lui-même désirait ardennuent
Gentils, et était toujours d'acconl avee Paul. que les ji'it's envoyés de Jérusalem par Jat-jucs
Aussi dil-il ailleurs : Ou
n'y a-t-il que moi seul abandonnassent les pratiques des Juifs. M.iis si

et Barnabe qid pas le droit de ne pas


n'ai/ons lui-même leur en avait donné l'idée et s'il

traiailler [\ Cor. ix, (5); et encore Je suis allé : avait dit : Cessez de vivre à la manière ju-
à Jérusalem avee Banvibé du reste, vous le \ daïque, il aurait eu l'air de blâmer lui-même
voytz partout ensi'ign<?r avec Paul. Ce n'est tout ce (pi'il avait fait jusiiue-là, et il aurait

pomt parce que Barnabe était supérieur à scandalisé ses disciples. De plus, si Paul leur
176 TKAUL'CIION FIUiNl.^AiSE DE SAINT JEAN CHRYSOSTOME.

avait tenu ce langage, ils ne s'y seraient pas ches de Paul étaient justes. Mais écoulons en-
soumis ne l'auraient pas écouté. Car eux qui
et core ces reproches : J'ai dit à Pierre devant
déjà avaient conçu contre lui de l'éloignement tout le monde : Toi qui es juif, tu vis comme
etde^aver^ion à propos d'un bruit de celte na- les Gentils. Observez sa prudence;
ne dit il

ture l'auraient encore plus haï s'ils en avaient pas : Tu


mal de revenir à la vie juive,
fais

reçu ces conseils. Qu'arriva-t-il? Personne ne mais il relève son premier changement, de
réprimanda les juifs qui venaient de chez manière à faire voir que cette exhortation et
Jacques, mais Pierre reçut les reproches que ce conseil n'étaient point imaginés par Paul,
Paul lui adressait, afin qu'après avoir été ré- mais semblaient dépendre d'une opinion que
primandé par son confrère dans l'apostolat, il Pierre s'était déjà formée. Car s'il eût dit Tu :

pût aussi réprimander ses disciples ainsi : as tort d'observer la loi les disciples de Pierre ,

Pierre reçoit les reproches, et les disciples se l'eussent condamné mais du moment qu'ils ;

corrigent. Cela se fait aussi dans les contrats comprennent que Paul ne songeait pas à faire
séculiers. Par excm[)le , si les citoyens doivent d'exhortation ni de réprimande mais que ,

encore un reste de leurs contributions, et si Pierre était déjà habitué à vivre comme les

ceux qui sont chargés de les réclamer ne l'osent Gentils, et que c'était là son opinion, ils de-
pas parce qu'ils rougissent de les trop pressu- vaient s'apaiser bon gré mal gré. Voilà pour-
rer, ils cherchent un moyen et une occasion quoi Pierre n'émet pas lui-même cette opinion,
de faire des instances plus pressantes, et pour mais se laisse accuser par un autre du moins ,

cela ils se font, en leur présence même, dé- par Paul , et il se lait pour que sa doctrine soit

pouiller par leurs compagnons d'armes, inju- plus facilement acceptée.


rier et accabler de mille maux, afm qu'ils ne Ce n'est point seulement par ce qui pré-
tS.
semblent pas exiger l'argent par leur propre cède, que l'on peut remarquer la sagesse de
volonté, mais forcés par une contrainte étran- Paul, mais aussi par ce (}ui suit. Il ne dit
gère : ainsi les injures qu'ils reçoivent leur pas : Toi qui es juif tu vivais comme les

servent d'excuse. Gentils et non comme les Juifs ; mais tu


17. C'est là ce (jui arriva entre Paul et Pierre. vis, c'est-à-dire : lu es toujours du même
Les Juifs avaient encore quelques obligations à avis. Après avoir dit Tu vis comme les Gen- :

remplir. Quelles obligations ? De s'éloigner tils, quoique tu sois juif, il n'a pas ajouté :

complètement du judaïsme. Pierre désirait ar- Pourquoi forces-tu les Juifs de judaïser? mais
demment faire accomplir ces dernières obli- au contraire Pou/ quoi forces-tu les Gentils
:

gations et exiger d'eux la foi dans toute sa de judaïser? et tout en faisant semblant de ne
pureté. Aussi voulant trouver une occasion vouloir que proîéger ses disciples et montrer
favorable pour satisfaire cette exigence, il con- sa sollicitude |iour les Gentils , il enseigne
certa avec Paul une réprimande énergique que adroitement aux Juifs tjue leur devoir esl d'ab-
celui-ci devait lui faire, afin que ces reproches jurer leurs anciennes coutumes. Que la répri-

simulés lui offrissent une occasion facile de mande fût feinte, c'est ce qui ressort claire-
parler librement à ses disciples. Voilà pour- ment de ses paroles elles-mêmes. En ell'et d'a-
(juoi Paul en commençant Je lui ai résisté
ilit : {uès ce qu'il nous rapporte lui-même, c'étaient
(tu face, et aussi : Tai parlé à Pierre devant les Juifs qui s'étaient laissé entraîner à la suile
tout le monde. S'il avait voulu corriger Pierre, de Pierre et il dit ici Pourquoi forccsiu les ;

il lui aurait parlé en i)articulier mais comme ; Gentils de jud'ûser? Cependant il aurait fallu
telle n'était pas son intention (en effet, il sa- dire Pourtjuoi forces-tu les Juifs de judaïser?
:

vait pounjuoi Pierre agi^sait ainsi) comme il , Car ceux qui avaient été entraînés ainsi n'étaient
voulait ratl'trmir ceux (jui avaient longtemps pas gentils, mais juifs. Cependant, s'il avait
cloché, il lui adresse ses reproches devant tout parlé ainsi, son discours aurait paru trop vio-
le monde. Pierre les accejtie , se lait et ne dis- lent et inconvenant de la part du docteur des
cute pas : il savait dans quelle intention Paul Gentils. Mais en paraissant s'inquiéter de ses
ratlaijuait et Pierre achevait tout en ne répon- proj)res disciples il donne à sa réprimande
,

dant rien. Son silence était la meilleure leçon plus dindep(Midance et d'autorité. .Mais pour
j)our montrer aux Juifs que leurs rils ne de- que vous compreniez que ce discours n'était
\ aient plus être observés. Car si le maitre s'est pas une réprimande adressée à Pierre mais ,

lu, disaicnl ils, c'est qu'il savait que ces repro- (jue cette apparence de réprimande donnée à
SUil CE TEXTE : JE LC/ Al RÉSISTÉ EN PAGE. 47?

Pitîrre, n'était qu'un avertissement etunen- devenait public. Ensuite afin qu'ils ne puis-
si'ignt'tnent {lour les Juifs, écoute/ ce qui suit: sent se dire entreeux : Pierre et i aul ont peut-
Nous so}n77ies Juifs de naissance et non pé- être tort, Pauldonne des raisons justes et in-
cheurs d'entre les Gentils. (Gai. ii, 15.) Ici contestables pour ne pas observer les rits ju-
docteur qui s'adresse à tous pour les
c'est le daïques, en disant que ce n'est pas la loi, mais
insîruire, ce n'est plus Paul qui reprend Pierre; la foi seule qui peut justifier. Il conmiencc

avait commencé
s'il a parler en maître des le son discours avec modération, il le continue
commencement, les ne l'auraient pas to-
Juifs avec énergie et véhémence : Si e7i cherchant
léré. Mais ayant débuté par une réprimande que à être justifiés par le Christ , nous nous
Pierre semblait avoir justement méritée en atti- troiwio7is pécheurs 7ious - mêmes , le Christ
rant les Gentils à l'observation de laloi judaïque, serait do7ic le ministre du péché? (Gai. 11 , 17.)
il arrive enOn avec confiance aux avertisse- Voici ce qu'il veut dire : La foi justifie et or-
ments et aux conseils y avait été
, comme s'il donne de quitter les rils judaïques, qui ont
conduit par la suite du discours. De peur que cessé d'exister; mais si, au contraire, celte loi

quelqu'un ayant entendu ces mots Tu forces : nous gouverne nous domine encore, si celui
et
les Gentils à judaïser, crût que cela leur était qui l'abandonne est jugé coupable alors le ,

défendu, mais était permis aux Juifs, il s'a- Christ, qui nous a ordonné de l'abandonner,
dresse aux maîtres eux-mêmes. Pourquoi par- sera l'auteur de notre faute et non-seulement
des Gentils et des autres Juifs? I*our-
ler, dit-il, il ne nous aura pas délivrés du péché, mais il

quoi ne pas nous nommer, nous qui sommes nous aura môme entraînés au [)éché. C'est à
docteurs et apôlres, je dis plus, nous qui cause de la foi que nous avons abandonné la
sommes Juifs de race et qui n'en avons pas loi si donc l'abandon de la loi est un péché,
;

moins conqdétemeni abandonné la loi de nos il s'ensuit que la foi est la cause de noire péché.

ancêtres? Pourra-t-on nous pardonner quand Après avoir ainsi réduit ses adversaires à l'ab-
nous engageons les autres à la suivre? Voyez surde, il ne s'arrête plusà discuter, il se contente
comme il s'empare doucement des Juifs et d'ajouter A Dieu ne plaise! car l'absurdité
:

comme il établit la parfaite doctrine. Après est évidente. E71 effet, dit-il, 5/ je rcco7is-
leur avoir dit : Noiis sommes Juifs de 7m's- truiscequefai abattu, je me rends 7noi-7nème
sa)tce et non pécheurs d'e7ître les Ge7itils, il prévaricateur (Gai. 11, 18), il atlaque à son
donne une cause raisonnable pour expliquer tour et fait voir que ne consiste pas à
le tort
comment lui et bieti d'autres avaient quitté le transgresser la loi, mais à ne pas l'abandonner ;
j'.'daïsme. Nous savions ciueV homme ne se jus- et quoiqu'il parle à la [.remière personne, c'est
tifie pas parles œuvres de la loi 77mis parla foi encore Pierre qu'il a en vue. Pierre n'avait-il
de Jésus-Christ. Nous aussi, nous avons cru en pas rompu les prescriptions sur la nourriture,
Jésus-Christ pour être justifiés par la foi du
^ en préférant vivre comme le s Gentils? Donc en
Christ et 71071 par les œuvres de la loi, car
, revenant ensuite aux habitudes des Juifs et vi-
rho77ime ne se justifie pas par les œuvres de vant comme eux il réédifiait ce qu'il avait
,

la loi 7nais par la foi e7i Jésus-Christ. (Gai.


y abattu.
II, 16.) 20. Vous voyez que partout il insiste sur la
Voyez comme il parle souvent de l'infir-
19. conduite de Pierre fait remar-
; et comme il

mité de la loi et de la justification que l'on quer sa première conversion il ne semble ,

trouve dans la foi. Il répèle fréquemment ces point que ce soit par le discours de Paul, mais
mots, et ce n'est pas là le langage du blâme, par ro[iinion de Pierre, ain^^i démontrée par
mais celui de l'enseignement et du conseil. ses actions, que les Juifs se trouvent averh's.
Mais, comme je le disais, s'il se fût adressé aux C'est pour cela qu'il dit CToirj7ia7\t ceux qui :

Juifsdans ces termes, tous ses efforts auraient étaient circo7icis ; ei parce qu'il étnit rér-'é-
:

été perdus et inutiles, puisqu'ils ne voulaient he7isiôle;et parce quilne 7narchait pa adroit,
:

pas de lui pour maître; mais comme il s'adres- suivant la vérité de VEvamjile. Il n'en était
sait à Pierre, ceux-ci |)rufitaient tacitement de pas ainsi, à Dieu ne plaise! nous l'avons assez
cette réprimande infligée à Pierre qui la rece- fait voir. Mais, de même qu'alors Paul faisait
vait en silence, car, l'opinion de Pierre était dé- des réprimandes que Pierre écoutait en si-
couverte, non par
mais par son confrère
lui, lence ,
pour ne pas contrarier les desseins de
dans lapostolat, et son premier changement Paul, acceptant ces repioches comme s'il avait

ToMff IV.
178 TRADUCTION FRANÇAISE DE SAINT JIL\N CURYSOSTOME.

eu tort, de s'en prévaloir auprès de ses


afin perpétué le souvenir; mais il n'en faut pas
disciples même, et avec la même inten-
; de moins admirer Pierre qui les a acceptes : celui
tion qui lui faisait accuser Pierre , nous
,
qui a accepté la correction, l'accusation même,
voyons Paul écrire tout cela, dans son épître et a su se taire, celui-là a tout redressé et
aux Galates. Car, s'il avait été utile aux Juifs, réparé : c'est le fruit de la sagesse. Ai. si ,

que Pierre fût accusé et gardât le silence , il ni l'un ni l'autre des apôtres n'est blâmable,
était encore plus utile de tout raconter à ceux tous deux méritent des louanges infinies, car
des Galates qui étaient corrompus. De même leur zèle pour le salut des hommes leur a
que ceux des Juifs qui vivaient à Antioche, permis de tout dire et de tout entendre. Prions
voyant Pierre se taire, après une sévère répri- donc le Dieu de Pierre et de Paul, qui les a atta-
mande, se corrigi aient par les reproches faits chés par les liens de la concorde, de nous atta-
à leur maître, et par son silence de même ; cher aussi les uns aux aulrcs, p ir une chûrité
alors , également d'habi-
les Galates infectés plus étroite, afin que conservant tous em en. ble
tudes judaïques apprenant par Paul qu'il
, notre union en Dieu, nous soyons dignes de
avait réprimandé Pierre qui était répréhen-
,
voir ces grands saints, et de vivre dans leurs
sible, et ne marchait pas droit, suivant la vé- tentes éternelles, par la grâce et la bonté de
rité de l'Evangile, et que Pierre n'avait ré- Notre-Seigneur Jésus-Chri;t, à qui, ainsi qu'au
pondu à ces reproches que par son silence ; Père et au Saint-Esprit, gloire, puissance, hon-
les Galates recevaient la meilleure leçon qui neur et adoration, maintenant et toujours, et
pût les faire renoncer aux rits judaï-^ues. Voilà dans les siècles des siècles. Ainsi soit-il.
pourquoi Paul » fait alors ces reproches, et en a

irudurUon <1$ M. BOUSliL.


HOMÉLIES SUR LE MARIAGE.

AVERTISSEMENT.

Les trois homélies suivaules , dont lapremière a pour texte les paroles de saint Paul : Propter fomicationes, etc., la seconde,
roule sur la répudiation , la troisième sur le choix d'une épouse ont évidemment été prononcées de suite. Un passage
, au ,

commencement de la seconde , montre qu'elle a suivi de près la première , dont le texte s'y trouve reproduit. La Iroi-
«ième dut pareillement être prononcée peu de jours après la seconde : nous en avons pour preuve le témoignasse même du
Saint dans son exorde. H est principalement question , dans la première, de la célébration du mariage et de l'inconvénient des
danses licencieuse^; des chansons obscènes qui, au temps de Clirysostome, accompaguaieat ordinairement cette cérémonie. L'ora*
tenr s'élève ensuite contre ceux qui persistent dans la fornication^ même après le mariage, et aussi contre l'opinion mondaine
qni réserve le nom d'adultère à l'inûdélité des femmes mariées et à la complicité de leurs séducteurs. Dans le discours suivant,
saint Jean Chrysostome traite de la répudiation, et conclut, contre les maximes et la pratique des Grecs de nos jours, qu'il n'est
pas permis d'épouser une femme répudiée pour cause d'adultère. Enfin, le titre même de la troisième homélie, du choix d'une
épouie dit assez quel en est le sujet. Chrysostome y fait l'éloge d'un Maxime, qu'il désigne en langage figuré comme son coad-
juleur, et qui était peut-être cet évêque de Séleucie, en Isaurie, qui avait précédemment porté la parole à sa place : de ce oièrna
témoignage on peut miérer que saint Jean Chrysostome était alors évèque de Coustautinople.

PREMIÈRE HOMÉLIE.

Soi ces paioles de saint Paal : i à cause de la fornication que chacun ait sa femme, i [I Cor. VII, 1)

ANALYSE.

1» Effets de la parole sacrée. — Qu'il faut savoir maîtriser sa langue.


2" De la célébration du mariage. —
Des abus qui l'accompagnent.
3» Que le démon a part à ces abus. —
A quoi tend l'institution du mariage.
4" Réfutation de l'erreur mondaine concernant l'adultère.
S*> Châtiment de l'époux adultère en ce moude et dans l'autre.

1. Je veux encore aujourd'hui vous con- préfère au miel. (Ps. cxviii 103.) Mais Cû ,

duire par la main vers les sources de miel, le n'est pas seulement le miel (jue passe en dou-.
miel étant une chose dont on ne peut se lasser, ceur le charme des célestes paroles, c'est l'or,'

Telle est la nature des paroles de Paul, et tous ce sont les pierres les plus rares qui lui cèdent
ceux qui s'abreuvent à ces sources, parlent en valeur, c'est l'argent le plus raffiné qui Kii
sous l'inspiration du Saint-Esprit; ou plutôt, la cède en pureté. Les paroles du Seigneur, dit la
douceur du miel n'est rien auprès du charme môme, sont des paroles pures, un argent passé
attaché aux paroles divines. Et c'est ce que le au /eu, purgé de sa teire, sept fois purifié,
prophète exprime en ces termes : Que pa-
tes (Psal. xi, 7.) Voilà ce qui faisait dire à un
rol^ sont douces à mon gosier; ma bouche les sage : // n'est pas bon de manger beaucoup d9
480 TRÂDUCTIO.N FiUNÇAlSL ^E SAINT JEAN CHRYSOSTOME.

miel ; mais il faut honorer les paroles glo- Ainsi donc, mon cher auditeur, si tu ns

rieuses. En effet, le miel peut


(Prov. XXV, 27.) quelque chose à dire qui soit propre à rendre
causer une maladie à l'homme sain, tandis meilleur celui qui l'écoute, ne reste pas bou-
qu'à l'aide de ces paroles, riiomme infirme che close en celle occasion de sahil mais si lu :

peut se guérir; de plus, le miel se corrompt n'as rien de pareil, et seulement des propos
dans la digestion, tandis que les paroles di- répréhcnsihles cl dissolus, lais-toi, ne parle
vines, lorsqu'on les digère, deviennent encore ]ioint contre rinlérêt du prochain. Car, c'est là
plus agréables et plus salutaires, et pour ceux un discours mauvais, puisque non-seulement
qui les ont goûtées et en même temps pour
, il n'édifie pas l'auditeur, mais encore fait tout
beaucoup d'autres. Enfin, celui qui s'assied le contraire. En effet, si cet auditeur pratique
à une table matérielle où règne le luxe, la la vertu,de tels propos lui inspirent souvent
quitte souvent avec des nausées qui le rendent de l'orgueil; et s'il est nonchalant pour le
incommode à tout ce qui l'entoure : au con- bien, il redouble son indifférence. Si tu dois
traire, celui qui exhale l'odeur de l'in'^truction prononcer quelque parole licencieuse et gros-
spirituelle, délecte ceux qui l'approchent par sièrement risible, lais-loi. Car ce discours e-t
des parfums enivrants. Aussi David, ijui goû- mau\ais qui rend plus déréglés et celui qui
tait sans cesse à ce festin béni, pu dire a-t-il : le profère et celui qui l'écoute et qui ravive en
Mon cœur a exhalé le parfum de la boime pa- chacun les ardeurs coupables. Comme le bois
role. (Ps. XLiv, 2.) En effet, il est aussi une mau- est la matière et l'aliment de la flamme ,

vaise parole, dont on peut exhaler l'odeur. Et ainsi les mauvaises pensées sont attieérs par
comme dons les festins du corps, la nature des les paroh'S. Il ne faut donc pas dire iu'listiue-
aliments détermine la qualité de l'odeur qui lement tout ce que nous avons dans Tt-^prit;
revient à la bouche des convives; ainsi, quand mais travaillons sérieusement à b innir de no-
il de paroles, la qualité de celles dont on
s'agit tre esprit même, et les désirs coupaMes ,

s'est nourri se reconnaît généralement à l'ar- et toute pensée honteuse. Que si par hasard,
rière-goût qu'elles laissent après elles. Par et à notre insu, nous laissons pénétrer en nous
exemple, vous allez vous asseoir sur les degrés quel(|ue sale imagination, girdons-nous de la
d'un théâtre, vous entendez des chansons lu- produire indiscrèiement. et plutôt clouffons-la
briques vos conversations sentiront encore
: sous lesihnee. Voyez, eu effet, lesanimaux fa-

les propos que vous aurez entendus. Mais vous rouches et les repides pris au piège ; s'ils trou-
venez à l'église vos oreilles participent aux
, vent quelque issue pour s'échapper, ils devien-
discours s()irituels Vdtre bouche en rendra le
;
nent plus léroces après leur évasion si au ;

parfum. De là cette parole du prophète Mon : contraire ils restent enfermés sans répit dans
cœur a exhalé le parfum de la bonne parole, leur prison, bientôt, pour une cause ou une
par où il veut nous faire entendre l'aliment autre, ils sont détruits et exterminés. x\iusi

dont il avait coutume de se nourrir. Et i\uil, des pensées coupables: notre bouche, nos dis-
sur la foi du projihète, nous exhortait en ces cours leur otVreut-iis (juelquc issue, leur
termes Qu'aucun discoîws mauvais ne sorte
: flanune intérieure en reçoit de nouvelles for-
de votre bouche ; que s'il en sort quelqu'un^ ces. Mais si l'on terme sur elles la porte du si-
qu'il soit bon. (Ephés. iv, "29.) El (juest-ee lence, elles s'alTaihlissenl, et, rédyites par notre
qu'un discours mauvais ? diia-t-on si vous ; r-Meuue à une sorte d'inanition, elles meurent
apprenez ce que c'est qu'un bon discours, vous emprisonnées dans noire âme. Par consé-
connaîtrez en même temps ce (jue c'est qu'un quent, alors même que tu éprouverais quehjue
discoiHs mauvais, car ces deux choses sont iei houleuse convoitise, si tu sais l'abstenir de
opposées l'une à l'autre. Ce (jue c'est (juun paroles houleuses, lu éteiu'^ dans ton cœur la
bon discours il n'est pas besoin que je vous
1 convoitise elle-même. Ta pensée n'est point
l'appremie car Paul lui-même nous en a ex-
, pure du moins que la bouche le soit; garde-
,

pliqué la nature. En elîel, après ces mots: 7//'// loi de jeter ces ordures à la porte, de peur de

soit bon, il ajoute, propre à édifier l'Iù/lise, nuire à d'autres el à loi-ujéme. En etlet, les

montrant par là (ju'un bon discours est celui paroles honteuses souillent non -seulement
(|ui éditie le prochain. Par consé(iueut, si le ceux «]ui les prononcent, mais encore ceux qui
hou discours est celui qui éditie, le discours les enleutieul. Je l'invite donc et t'exhorte à
mauvais et condamnable est celui qui détruit. feinicr, non-seulement ta bouche, mais encore
HOMÉLIES SUR LE MARLVGE. - PREMIÈRE HOMÉLIE. !81

tes oreilles h tous propos de ce genre, et à res- et ses frères. Car il est écrit : Qniconqne fait
ter attaché d'une uianière inébranlable à la la volonté de mon Père, celui-là est mon frère,
loi divine. Telle est la conduite de l'homme etma sœur et ma mère. (Mallh. xii, TiO.) .le sais
que proclame heureux le Piopliète Heureux : que quel(iues-uns trouvent importunes et fati-
V homme qui na point marclié dans te conseil gantes ces exhortations, ainsi que nos efforts
des impies, qui ne s'est point tenu debout dans pour déraciner un antique usage. Je ne m'en
la voie des pécheurs, qui ne s'est point assis inquiète nullement, car je n'ai pas besoin de
dans la chaire dj pestilence; mais sa volonté vous mais seulement de vous être utile:
plaire,
est dam la loi du Seigneur, et dans sa loi il je n'ai pas besoin de vos applaudissements ni
méditera le jour et la ymit. (Ps. i, t, 2.) de vos éloges mais de votre avancement et de
,

2. Dans les conversations du siècle, s'il se votre instruction. Qu'on ne vienne donc point
glisse parfois qucbiues bonnes paroles, c'est me dire que c'est un usage dès que le péché :

au milieu de mille propos méprisables, qui se commet, cessez de parler d'usage. Si l'usage
laissent à peine de la place pour un discours ne vaut rien détruisez-le , quelque ancien
,

sensé. H en est tout autrement des saintes qu'il puisse être s'il est innocent, vous fùt-il
;

Ecritures vous n'entendrez rien qui soit


: là, inconnu d'ailleurs il faut l'introduire et l'im-
,

mauvais, rien qui ne soit sahitaire et rempli planter. Mais la preuve que ces pratiques indé-
d'une profonde sagesse tel est , par exemple : centes ne provienntnt point d'un antique
le texte qui nous a été lu aujourd'hui. Ce texte, usage, et sont au contraire des nouveautés,
quel est-il ? Quant aux choses do}it vous m'avez vous la trouverez en vous rappelant la ma-
écrit il est avantageux à Ihomme de ne tou-
, nière dont Isaac épousa Rébecca, dont Jacob
cher aucune femme. Mais à cause de la forni- épousa Rachel. En effet, l'Ecriture raconte
cation que chaque homme ait sa femme et
, leurs mariages; elle nous apprend comment
chaque femme son mari. (I Cor. vu, 1, 2.) Paul lesjeunes femmes furent conduites chez leurs
décrète en cet endroit au sujet des mariages , ; époux et elle ne mentionne rien de pareil.
,

il n'eu rougit pas, il n'en éprouve point de Seulement le fes'in fut plus brillant que le repas
honte. En ell'ct, si son Maître a daigné assister habituel, et les parents furent invités à la noce:
à un mariage, .si, loin de s'en ab.^tenir par pu- quant aux flûtes, aux cymbales, aux danses
deur, il a au contraire honoré la cérémonie de d'ivrognes, à toutes les indécences qui sont
sa présence et de son cadeau (et nul ne se mon- à la mode aujourd'hui, elles furent laissées à la
tra plus généreux que lui pour les époux, puis- porte.
qu'il changea l'eau en vin), comment l'esclave Chez nous, l'on danse en chantant des hym-
aurait-il rougi de décréter au sujet des mariages? nes en l'honneur d'Aphrodite, on entonne des
Ce n'est pas le mariage qui est une mauvaise chansons où il n'est question que d'adultères,

chose c'est l'adultère , c'est la fornication. Or


, d'épouses séduites, d'amours illégitimes, d'ac-
le mariage est un remède contre la fornica- couplements monstrueux, enfin d'impiétés et
tion. d'infamies de tout genre, et cela dans un pareil
Evitons donc de le déshonorer par des pompes jour; et c'est en état d'ivresse, c'est à la suite
diaboliques, et que, à l'exemple des mariés de de lou» ces dérèglements, c'est au milieu de
Cana en Galilée, ceux qui prennent fenune au- propo.s obscènes ((ue l'on fait cortège publique-
jourd'hui aient pareillement entre eux Jésus- ment à la jeune épouse. Et comment donc,
Christ. Mais comment, dira-t-on, cela peut-il se dis-moi peux-tu exiger d'elle la chasteté
,
,
faire? Par le simple ministère des prêtres. En quand dès premier jour, tu
, le lui donnes de
effet, il est écrit : Celui qui vous reçoit me re- pareilles leçons d'effronterie; quand tu exposes
çoit. (Malth. X, 40.) Si donc vous chassez loin de à sa vue et à son oreille des spectacles, des
vous le diable, les chansons lubri(iues, les propos dont le récit ferait horreur à des es-
poésies voluptueuses, les danses déréglées, les claves un peu réservés? Quand le père, con-
paroles obscènes, et tout cet appareil diabo- jointement avec la mère, a consacré si long-
lique , et ce tumulte
gorge dé-
, et ces rires à temps toute sa sollicitude à veiller sur sa fille
ployée si vous bannissez enfin toute indécence
; vierge à empêcher qu'elle ne dît rien, qu'elle
,

et que vous introduisiez les saints serviteurs n'entendît rien de pareil quand il a multiplié ;

du Christ, le Christ lui-même, en leur per- pour cela les précautions chambres particu- :

sonne, sera là, n'en doutez point, avec sa mère lières, appartements réservés, gardiens, portes,
i&2 Tn \miCTION FRANÇAISE DE S.UNT JEAN CHKYSOSTOME.

"verroux , soin de tout fermer le soir, défense pris l'admirable initiative et elle lui vaudra,
de se laisser voir, même
aux parents, que sais- en même temps, une réputation de munifi-
je encore ? tu arrives et dans un jour tu dé- , cence et profit. En effet , si d'autres suivent ce
truis tout cet ouvrage , lu dépraves toi-même bon exemple , c'est à toi , qui auras semé , que
ta femme par une ignoble cérémonie, tu ou- reviendra le prix de la moisson. Ce mérite fera
vres son âme au langage de la corruption 1 Et que tu seras bientôt père ; il protégera ensuite
d'où viennent, si ce n'est de là , les maux dont tes enfants et sera cause que l'époux vieillira
on se plaint ensuite ? d'où viennent les adul- aux côtés de son épouse. En effet, si Dieu ne
tères et les jalousies? d'où viennent les stérili- cesse d'j menacer les pécheurs, s'il leur dit :

tés , les veuvages les morts qui font de petits


, Vos enfants seront orphelins et vos femmes se-
orphelins ? Quand vous appellerez les démons ront veuves [Exod. xxn, 24) à ceux qui lui ,

par vos refrains quand vous comblerez leurs


,
obéissent en toutes choses il promet et une
désirs par vos discours licencieux, quand vous vieillesse heureuse et tous les biens avec ce-
,

introduirez dans vos demeures des mimes, lui-là.

d'infâmes histrions et tous les scandales du 3. Paul nous apprend encore que les morts

théâtre quand vous remplirez votre maison


;
prématurées résultent souvent du grand
de prostituées et que vous y mettrez en fête et nombre des péchés. C'est pour cela, nous dit-
en branle toute la troupe des démons, quel sa- il, (\\\'il y a parmi vous beaucoup d'infirmes et

lut , dites-moi ,
pouvez-vous encore espérer ? de languissants^ et que beaucoup s'endorment.
Mais pourquoi faire venir des prêtres ,
quand (I Cor. XI, 30.) Mais, que la nourriture donnée

le lendemain c'est une pareille fêle que vous aux pauvres prévient ces accidents, ou, dans
devez célébrer ? le cas d'un malheur imprévu, y porte promp-
Voulez - vous déployer votre munificence tement remède, c'est ce que vous prouvera
d'une manière profitable? Invitez des pau- l'exemple de la jeune fille de Joppé. Elle
vres en guise de danseurs. Mais vous avez gisait privée de vie, mais les pauvres nourris
honte, je crois, vous rougissez? Et quelle par elle l'entouraient leurs larmes la ré- :

pire déraison que d'attirer le diable chez vous veillèrent et la rendirent à la xie. ( Act.
comme s'il n'y avait rien là de honteux et de , IX, 36.) Tant il est vrai que la prière des
rougir quand on vous parle d'y laisser entrer le veuves et de^ pauvres est préférable à tous
Christ Car, de môme que les pnuvrcs , en en-
1 les rires et à toutes les danses I — Ici, un
trant, sont accompagnés du Christ, de même, plaisir éphémère : là un profil durable et
au milieu des danses que forment ces mimes constant. Songe au prix que valent tant de
et ces infâmes le diable est là qui prend part
, bénédictions réunies sur la tête d'une jeune
à la fête. En outre de tels frais ne rapportent
, femme, au moment où elle entre dans la
rien, ou plutôt ils produisent un grand dom- maison de son époux. Combien de couronnes
mage, tandis que la dépense dont je vous parle ne faudrait-il point pour en effacer l'éclat 1

ne vous laissera pas longtemps sans une riche Combien d'or pour en égaler la valeur aussi î

récomptMise. —
Mais personne dans toute la ville vrai que la mode actuelle est insensée et ab-
ne s'est comporté de la sorte. Eh bien! songe — surde au suprême degré. En effet, en admet-
à donner l'exemple et à prendre l'initiative de tant que nulle punition, nul châtiment, ne
celte noble coutume, afin que ceux ijui vien- soit le prix de pareilles indéconcos, songez si ce
dront ensuite t'en reportent l'honneur. Si l'on n'est pas déjà un cruel supplice, que de sup-
t'imite, si l'on t'emprunte cette pratique, les porter ce torrent d'injures en public, devant
petits-neveux et les enfants des pelits-neveux une foule qui les entend, de la part d'houmies
pourront dire à ceux qui eu rechercheront l'o- ivres cpii n'ont pins l'usage de leur raison.
rigine Un tel le premier a mis en honneur
: , , Les pauvres bénissent la main qui leur fait

ce bel usage. Voyez ce cpii se passe dans le l'aumône, forment mille vœux pour leur
et
monde au sujet des jeux publics : c'est à qui, bienfaiteur; au contraire, les gens dont je
dans les festins , célébrera ceux qui se sont ac- parle ne quittent la table où ils se sont enivres
quittés avec munificence de ces stériles devoirs et repus que pour lancer les quolibeU les
envers l'Etat. A plus forte raison cette fonction plus orduriers à la tête des époux, et apporter
spirituelle vaudra-t-elle des éloges et des ac- à ce jeu je no sais quelle ('mulation diabo-
tions de grâces unanimes à celui qui en aura lique : on dirait que les mariés sont des en-
HOMÉLIKS SIU LE MARIAGE. — PREMIÈF\E HOMÉLIE. 483

nemis, tant leurs parents semblent faire assaut teté, surtout aujourd'hui que notre espèce a
à qui proférera sur leur compte les plus in- couvert la terre habitable. Dans le principe,
convenants sarcasmes; c'est comme une ba- chacun devait désirer d'avoir des enfants, afin
taille rangée et cette lutte entre les invités a
: de laisser un souvenir et une trace de son exis-
pour résultat de remplir répoux et l'épouse de tence. En effet, lorsqu'il n'y avait point encore
honte et de confusion. d'espérances de résurrection, et que c'était le
Faut-il maintenant^ dites-moi, chercher une règne de la mort, et que les mourants pen-
autre preuve que ce sont les démons qui saient être anéantis à l'issue de leur carrière
agitant leurs âmes, leur font tenir cette con- terrestre,Dieu donna aux hommes cette con-
duite et ce langage? Et qui donc pourrait solation de la paternité, en sorte que ceux qui
contester, désormais, que ce soit l'impulsion partaient se survécussent dans de vivantes
du démon qui les incite à parler et à agir de images, que notre race se conservât, et que ceux
la sorte? Personne assurément, car ce sont qui allaient mourir aussi bien que leurs fa-
bien rémunérations du diable injures,
là les : milles eu sent dans leurs rejetons un sujet
ivresse déraison. Si maintenant quelqu'un
, incomparable de soulagement.
tire un présage de l'invitation adressée de pré- Et pour vous faire bien comprendre que c'était
férence aux pauvres, et juge que ce serait en- ce motif surtout qui faisait désirer des enfants,
trer en ménage sous de fâcheux auspices, je je vous citerai la plainte de la femme de Job à
veux lui apprendre à mon tour que ce n'est son mari, dans leur adversité Voilà, dit-elle, :

pas l'accueil fait aux pauvres et aux veuves, que tout souvenir de toi a disparu de la terre,
mai? celui qu'on fait à des infâmes et à des tes fils comme tes filles. (Job, xvni, 17.) Et de
prostituées qui présage des afflictions de tout même Jure-moi dans le Sei-
Saûl dit à David :

genre et des milliers de maux. Plus d'une fois, gneur que tu n'extermineras pas ma race et
en effet, ce jour même vit un jeune époux mon 7iom après moi. (ï Kois, xxiv, Tl.) Aiais
arraché à sa nouvelle famille par les mains puisque désormais la résurrection nous attend à
d'une courtisane nui. du môme couu. éteignit que la mort ne compte plus pour rien,
la porte,
en lui tout amour pour son epuube, ruina que nous nous acheminons de cette vie vers une
l'harmonie du ménage, rompit ses liens avant vie meilleure, tout soin de ce genre est su-
qu'ils fussent formés, et y jeta les semences de perflu. En effet, si tu souhaites des enfants, il

l'a'lultère. Voilà ce que devraient craindre les en de bien meilleurs, de bien plus souhai-
est
"parents, ne craignissent-ils rien autre chose ! et tables, dont il ne tient qu'à toi d'être le père,
M serait assez pour qu'on dût interdire l'accès maintenant qu'il existe des gestations spiri-
des noces aux mimes
aux danseurs. Car le
et enfantements d'un ordre supérieur,
tuelles, des
mariage n'a pas été institué dans l'intérêt de et des bâtons de vieillesse d'une espèce plus
la débauche et de la fornication, mais dans précieuse. En conséquence, le mariage n'a
celui de la chasteté. Voici 'lu moins ce que dit qu'une fin, empêcher la fornication et c'est :

Paul A cause des fornications^ que chaque


: pour ce mal qu'a été inventé ce remède. Mais
homme ait sa femme et chaque femme son si tu devais, même après le mariage, te laisser
mari. En effet, il y a deux raisons pour les- aller à la fornication, c'est en vain que tu au-
quelles le mariage a été institué c'est à sa- : rais eu recours au mariage, c'est inutilement,
voir, afin que nous soyons chastes, et afin que c'est sans profit. Que dis-je? ce n'est pas seu-
nous devenions pères mais de ces deux motifs,
: lement pour rien, c'est plutôt pour ton mal-
le plus important est celui de la chasteté. C'est heur. En effet, la faute n'est point la même à
du jour où s'est introduite la concupiscence commettre la fornication quand on n'a point
que s'est introduit le mariage, qui coupe court de femme, et à y retomber après le ma-

à l'incontinence, et amène l'homme à se con- riage dès lors ce n'est plus fornication, c'est
:

tenter d'une femme. Car pour la procréation, adultère. Ce que je dis peut paraître étrange :

ce n'est point tant l'effet du mariage que de c'est vrai pourtant.


cette parole de Dieu qui dit Croissez et mul- : 4. Je le sais: beaucoup de gens s'imaginent
tipliez, et remplissez la terre. (Gen. i, 28.) qu'on ne se rend adultère que par la séduction
Témoins tant d'hommes qui ont usé du ma- d'une femme en puissance de mari. Et moi je
riage et ne sont point devenus pères. En sorte prétends que quiconque, étant marié, a des
que la raison dominante est celle de 1a chas- rapporte coupables et illicites avec une femme,
184 TRADL'CTiOiN FRANÇAISE DE SAhNT JEAN CHRYSOSTOME.

fiit-ce une fille publique, une servante, une V homme chef de la femme (ib., 23);
est le

personne quelconque non mariée , commet un et enfin: La femme doit être soumise à son
adultère. En eiîet, ce n'est pas seulement la mari, (ib., 22.) De même dans l'Ancien Tes-
personne dcshonorée c'est encore l'auteur de
, tament Ton recours est en ton mari, et il
:

son déshonneur, dont la qualité constitue sera ton maître. (Gen. m, 16.) Comment donc
l'adultère. Et n'allez point, en ce moment, a-t-il pu établir sur ce point une réciprocité
m'alléguer les lois du monde qui traînent les parfaite d'esclavrge et dedomination? En effet,
épouses séduites devant les tribunaux et leur cette maxime La ftmme n'a pas puissance sur
:

font subir un jugement, tandis qu'elles ne de- son corps c'est le 7nari; de 7nême le mari n'a
^

mandent point de comptes aux bommes mariés pas puissance sur son corps, c'est la femms^
qu'ont dcLaucliés des courtisanes. Moi, je vous annonce l'intention d'établir une complète
lirai la loi de Dieu, qui sévit également contre égalité et de même que l'Jiomme est le maître
:

rbonime et contre la femme, et les déclare pa- du corps de la femme de même la femme, à ,

reillement adultères. Après ces mots: Et que son tour, est maîtresse du corps de l'homme.
chaque f(.mme ait son mari, viennent les sui- D'où vient donc qu'il ait institué une égalité si
vants : Que mari rende à sa femme l'affec-
le parfaite ? C'est que dans tout le reste la préé-
tion qu'il lui doit. (I Cor. vu, 3.) Que veut-il minence est indispensable. Au contraire dès ,

faire entendre par ces mots? Qu'il faut avoir qu'il y va de la continence et de la chasteté
l'œil à ses revenus? garder sa dot intacte? lui l'homme n'a plus aucune prérogative à l'éi^ard
fournir de riches vêtements? une table somp- de la femme , et encourt le même châtiment,
tueusement servie? une suite brillante? une s'il vient à enfreindre les lois du mariage. Cela
nombreuse maison? Que veux-tu dire? quelle s'explique parfaitement. En effet , si ta femme
est cette affection que tu prescris? Aussi bien est venue à toi, si elle a quitté son père sa ,

toutes ces choses sont-elles des preuves d'aiïec- mère, et toute sa famille, ce n'est pas pour que
tion. Rien de tout cela, répondra Paul je ne : tu l'outrages, pour que tu lui substitues une
proscris que la continence et la chasteté. La vile courtisane, pour qu'elle soit en butte à

personne de l'époux n'ajipartient plus à l'é- une guerre perpétuelle tu l'as prise pour :

p.oux, mais à l'épouse, qu'il lui garde donc in- qu'elle fût ta compagne, ton associée, pour
tacte cette proj.riété, qu'il n'en dérobe rien, qu'elle fût libre et jouît des mêmes droits que
,

qu'il ne la dissipe point. En effet, on dit qu'un toi-même. N'est - il pas étrange que la dot
serviteur a de l'affection pour ses maîtres, lors- qu'elle t'apporte soit l'objet de toute ta sol-

(lue chargé de gérer leurs biens, il n'en laisse


,
licitude, que tu évites soigneusement d'en rien
rien se pcrîrc. Puis donc que la personne du distraire et que ces trésors, bien |»lus pré-
:

mari est la propriété de l'épouse , l'homme doit cieux (qu'une dot je veux dire la continence et
,

montrer son an'ection en veillant bien sur ce la chasteté, et ta propre personne, qui est sa

dépôt. Et la preuve que tel est le sens de ces pa- propriété, tu les prodigues et les corrompes?
roles de Paul Qu'il lui rende V affection qui lui
: S'il l'arrivé de louchi r à la dot , c'est à ton
est due c'est qu'il ajoute autsilôt La fcnmie
,
: beau jière que tu rends tes comptes. Mais si tu
7i'apas puissance sur soîi corps c'est le mari; , attentes à la chasteté Dieu qui te les , c'est

de même le jnari n'a pas puissance sur son demandera. Dieu qui a institué le mariage, et
corps, c'est la femme. (1 Cor. vu, -4,) Par con- de qui tu tiens ton épouse. Si vous en voulez
séquent, si vous voyez une courtisane vous une preuve écoutez ce que , dit Paul au sujet
tendre des pièges, chercher à vous attirer, s'é- des adultères : Celui qui méprise ces préceptes^
l)rendre de votre personne, dites-lui : Ce corps nu'j)ri>enoiipas un homme, nuusDieu, qui nous
n'est pas à moi mais à
, ma femme ;
je ne puis a donne son Esprit saint, (l Thess. iv, 8.)
en abuser, ni le livrer à une autre femme. Voyez-vous combien les preuves abondent à
Et que de son côté la femme agisse de même. l'appui de notre prn|iosilion qu'il y a adultère,
En eliet, sur ce poini, les droits des deux sexes non- seulement quand on séduit une femme
sont égaux. D'ailleurs, Paul accorde dans le en puissance de. mari, mais encore quand on
reste une grande prééminence au mari, comme a conunerce avec une concubine quelconque,
rattcslcnt ces paroles Que chacun de vous aime
: dès lors qu'on est marié? En effet, de même que

sa femme comme lui-même ; mais que la femme nous appelons la ftmme adultère, soit que son
craigne son mari (Ephés. v, 33); et ailleurs : complice soit un valet ou tout autre, dès qu'elle
HOMÉLIES SUR LE MARLVGE. ~ rREMlERE HOMELIE. 185

est infidèle à son mari ; ain^-i nous dcvon'- don- lesrayons mêmes du soleil ne luisent plus pour
ner le même nom à tout homme inOclèleàsoii eux; il n'est pas jusqu'à la lumière, dont ils
épouse, fut-ce avec une coui lisane, ou la pre- ne se trouvent im|)ortnnés, et cela, non-seule
mière venue des femmes publiques. Veillons nient lorsqu'ils ont surpris leurs femmes en
donc à noire sulut, et ne livrons poiutnohe âme flagrant délit, mais sur un simple soupçon.
au diable par ce péché. De là les ruines, de là Eh bien ! songez que ces soufirances sont éga-
les guerres sans fin dans les ménaj^^es; par là lement celles de votre fenmie, si elle vient à
fuit la tendresse, par là s'évanouit l'affection. a|)prendre de quelqu'un, ou seulement à soup-
En effet, s'il est impossible qu'un homme chaste çonner que vous vous êtes abandonné à une
dédaigne sa femme et la méprise jamais, il est concubine. Que cette pensée vous fasse éviter
également impossible qu'un homme livré à la non-seulement l'adultère, mais jusqu'au soup-
débauche et à l'inconlinence aime son épouse, çon de ce crime; que si votre femme vous
quand bim même elle aurait des charmes in- soupçonne injustement, calmez-la, persuadez-
comparables. De la chasleté naît la tendresre, la. Car ce n'est point par haine ou par déraison,

et de la tendresse des biens sans nombre. c'est par sollicitude qu'elle agit de la sorte,
Considérez donc les autres femmes comme c'est par un excès de crainte pour sa propriété.

de pierre, dans la conviction qu'une fois


étiuit Car, ainsi que je l'ai déjà dit, votre corps est
marié, vous ne pouvez jeter un regard d'in- sa propriété, et une propriété plus précieuse
continence sur une autre femme, éi)ouse ou que tout ce qui lui appartient d'ailleurs. Crai-
fille publique, sans tomber sous le giief d'a- gnez donc de commettre à son égard la plus
dultère. Répétez-vous cha(iue jour ces paroles grande des injustices, craignez de lui porter le
au fond de vous même; et si vous voyez que coup mortel. Si vous la méprisez, à tout le
la convoitise d'une autre femme est éveillée moins, redoutez le Seigneur, qui punit les
pour vous, et que cela vous fait trouver voire adultères, le Seigneur qui a prononcé contre
épouse déplaisante, entrez dans volri! chambre, les fautes de ce genre les plus terribles arrêts.
ouvrez ce livre, et par la médiation de Paul, Car pour de coupables, ainsi qu'il
cette classe
par la vertu de ces paroles constamment répé- est écrit : Le ver ne mourra point et le feu ne
tées, éteignez cette ardeur. s'éteindra pas. (Marc, ix, 47.)
Par là vous reprendrez de l'amour pour votre Mais si vous vous mettez peu en peine de l'ave-

femme, en l'absence de toute passion qui di- nir, quele présentdu moinsvousépouvante.En
minue votre attachement pour elle et non- ; eflelbeaucoup d'hommes après s'être livrés à des
seulement voire femme vous semblera plus courtisanes ont succombé justement et miséra-
aimable, mais vous paraîtrez vous-même bien blement aux intrigues dont les avaient circon-
plus digne de respect et de considération. Car venus ces prostituées, jalouses de les détacher
il n'est ien, non, rien de plus vil qu'un homme
I de leur constante et légitime épouse, et de les
marié (pii tombe dans la fornication. Ce n'est enchaîner complètement à leur propre amour;
point seulement devant son beau-père, devant elles mettent en œuvre les sortilèges, préparent
ses amis, devant ceux qu'il rencontre, c'est de- des philtres, organisent mille enchantements,
vant ses propres serviteurs qu'il est forcé de et souvent, par là ciusent à leurs amants
,

rougir. Que dis-je? ce n'est rien encore; mais d'accablantes infirmités, les jettent dans la
sa maison même lui paraît plus affreuse que langueur et dans la consomption, les préci-
le plus odieux cachot, parce que ses regards et pitent dans un abîme de maux où ils trouvent
son imagination sont constamment tournés la fin de leur vie terrestre. Si tu ne crains pus
vers la concubine qu'il aime. la géhenne, toi qui m'entends, redoute les en-
5. Voulez-vous vous faire une juste idée de chantements de ces femmes. Lorsque par ton
cette misère ? Considérez l'existence que mè- incontinence tu t'es privé de l'ajjpui du Sei-
nent ceux qui soujiçonnent leurs femmes, com- gneur, quand tu t'es dépouillé toi-même de sa
bien ce qu'ils mangent, combien ce qu'ils boi- céleste protection, c'est alors que ta concubine,
vent leur parait insipide. On dirait que leur te trouvant sans appui, peut impunément, avec
table est chargée de poisons mortels. Ils fuient l'aide de ses démons (ju'elle invoque, des amu-
comme une maison où ils ne trouvent
la peste lettes qu'elle fabrique, des embûches qu'elle
que chagrins. Plus de sommeil pour eux, plus dresse; c'est alors, dis-je, qu'elle peut sans
de nuits trauquilles^ plus de réunions d'amis ;
nulle peine consommer ta perle, après avoir
186 TRADUCTION FRANÇAISE DE SAINT JEAN CHRYSOSTOME.

fait de toi un objet d'opprobre et de risée pour t'ait vu, ta conscience ne cessera de porter
toute la ville, au point qu'il ne te reste plus témoignage contre toi; vers quelque lieu que
même la consolation d'être plaint. Car il est tu t'échappes, partout te suivront les repro-
écrit : Qui donc aura pitié de Venchanteur ches, les cris formidables de cet implacable
mordu par un serpent et de tous ceux qui ap- accusateur. Si donc vous recherchez le plaisir,

prochent des bêtes féroces? (Eccli. in, 13.) fuyez le commerce des courtisanes. Car il n'y a
Je passe sous silence les pertes d'argent, les rien de plus péniblequecettefréquentation, rien
défiances quotidiennes, l'arrogance, l'orgueil, de plus intolérable que ccsrapports, rien de plus
l'insolence dont les courtisanes accablent leurs infâme que cette société. Qu'elle soit ta biche
folles victimes, supplice mille fois plus dou- la plus chère, ton faon de prédilection; que ta
loureux que mort. Tu ne supportais pas de
la fontaine soit la source où tu puises. (Prov. v,
ta femme une parole un peu vive, et tu courbes 19 et 15.) Quand tuas sous la main une source
la tôle sous les soufflets d'une prostituée. Et tu d'eau limpide, pourquoi courir à un marais
ne sens point de honte, tu ne rougis pas, tu ne fangeux qui exhale l'odeur de la géhenne et
souhaites pas que la terre s'entr'ouvre pour des inexprimables tourments? Quelle est ton
l'engloutir? Commentoseras-tu vcnirà l'église, excuse? ton titre à la miséricorde? Si ceux qui
et élever les mains vers le ciel Comment m- ! tombent dans la fornication avant le mariage
voquer Dieu avec celte bouche souillée par les sont punis et expient leur faute, comme celui
baisers d'une courtisane? Et tu n'as pas peur, qui était revêtu d'habits sordides, à plus forte
tu ne trembles pas, dis-moi, que la foudre, raison les fornicaleurs mariés. Car, dans ce
tombant du ciel, n'embrase ce front sans pu- double et triple, et parce que
cas, le grief est
deur? Tu as pu cacher à ta femme ta trahison, les consolations dont ils' jouissent ne les ont
mais tu ne la cacheras pas à l'œil qui ne pas empêchés de se jeter dans de pareils dé-
s'endort point; car, à cet adultère qui disait : sordres, et parce que leur crime n'est plus
Les ténèbres et des murs m'entourent; qu'ai-je compté seulement pour fornication, mais en-
à craindre? Le Sage a répondu que les yeux core pour adultère, ce qui est le plus grave des
du Seigneur ont mille fois plus de lumière que péchés.
le soleil^ pour regarder les œuvres des hommes. Ne cessons donc point de nous répéter à
(Eccli. xxni, 26, 28.) Voilà pourquoi Paul a nous-mêmes et de répéter à nos femmes ces
dit toutes ces choses Que chaque homme ait
: maximes; et c'est pourquoi je veux finir moi-
sa femme^ et chaque femme son mari; que le même sur ces paroles: A cause de la fornica-
mari rende à sa femme l'affection qu'il Ixddoit, tion., que chaque homme ait sa femme, et cha-
et pareillement la femme à son mari. (I Cor. que femme son mari. Que le mari rende à sa
VII,2, 3.) Un miel découle des lèvres de la femme l'affection qui lui est due, et pareille-
courtisane, lequel^ sur le moment., flatte ton ment la femme à son mari. La f< mmc na pas
gosier;mais plus tord tu le troureras plus puissance sur son corps; c'est le nuiri. De même
amer que le fiel, et plus acéré qu'un glaive à le mari n'a pas puissance sur sou corps, c'est
deux tranchants. (Prov. v, 3, 4.) la femme. Conservons précieusement ces pa-
Il y a du poison dans le baiser de la courti- roles dans notre mémoire; sur la place pu-
sane, un
poison secret et dissimulé. Pourquoi bli(iue, à la maison, le jour, le soir, à talile,
donc courir après un plaisir réprouvé, perni- au lit, partout enfin; méditons-les, habihu^ns
cieux, qui cause des plaies incurables, au lieu nos femmes à nous entendre
les citer, à se les
de vivre dans le bonheur et dans la sécurité? citer par nous, afin qu'avant passé chastement
Auprès de ta f( lume légitime tu trouves à la la vie |)résente. nous soyons admis au royaume
fois plaisir, sûreté,
délassement, respect, con- des cieux, par la grâce et la charité de Noire-
sidération et bonne conscience; là, au con- Seigneur Jésus-Christ, par qui et avec qui,
traire, tout est amertume, tout est dommage, gloire au Père et au Saint-Esprit, dans les siè-
et tu es sous le coup d'une accusation perpé- cles des siècles. Ainsi soil-il.
tuelle. Car, à supposer même que personne ne
HOMÉLIES SUR LE MAKlACK - D^XWIÊME HOMÉLIE. ^87

DEUXIÈME HOMÉLIE.
la femme est life I la loi aussi longtemps que vit son mari ; que si son mari s'endort, elle est libie de se marier \ qui elle to-kîm. roa's «o-
lement dans le Seigneur. Cependant elle sera plus heureuse si elle demeuje comme elle est. (ICor. Yll, 39, 40J. Bt de l'acte de répuiiaiioa.

ARALYSE.

1» Qu'il est défendu d'éponser une femme répudiée. —


Les lois do monde ne peuvent prévaloir contre la loi divine.
2° Motifs de la loi mosaïque concernant la répudiation, Transition à la loi nouvelle.—
3" Adultère de l'homme qui épouse une femme répudiée. —
Adultère de l'homme marié qui commet la fornication avec une
f('mmc quelconque.
4« Sagesse de Paul : sa condescendance pour la faiblesse humaine. — Compensations allacbées même, en ce monde, à la constance
dans le veuvage.
B» Comment s'opère la purification de l'âme. — Exhortalion.

4. L'aulrc jour, le bienheureux Paul nous que nous suivrons en sa personne puisque ,

formulait la loi du mariage,


nous en e.xpo- et l'Apôtre a écrit constamment non par lui- ,

sait les vrais principes vous avez entendu ; mcme, mais sous la dictée du Seigneur. Eq
ce qu'il écrivait, ce qu'il disait aux Corin- effet, ce n'est pas une affaire de peu d'impor-

thiens Quant aux choses dont vous m'avez


: tance qu'un mariage selon les règles et mille j

écrit il est avantageux à l'homme de ne tou-


, infortunes attendent ceux qui n'en usent point
cher aucune femme. Mais, à couse de la forni- comme il convient. La temme, qui est une
cation que chaque homme ait sa femme, et
,
auxiliaire , devient parfois un ennemi secret.
chaque femme son mari. (1 Cor. vu, 1, 2.) Le mariage^ qui est un port, peut aussi devenir
Aussi avons- nous consacré nous -même tout un écueil, non en vertu de sa nature propre,
l'entretien à ces paroles. Or aujourd'hui il faut mais par la faute de ceux qui ne savent pas en
encore que nous revenions sur le même sujet faire un bon usage. En effet, l'époux qui se
puisque Paul nous en parle encore aujour- conforme aux lois conjugales trouve dans sa
d'hui. En effet, vous avez entendu avec quelle maison , dans sa femme, une consolation, un
force il nous crie La femme est liée à la loi
: asile contre tous les maux, publics ou antres,
aussi longtemps que vit son mari ; que si son qui peuvent le frapper. Au contraire, celui qui
mari s'ejidott, elle est libre de se marier à qui traite légèrement et sans réflexion, cette seule
elle voudra, rnais seulement selon le Stigneur. affaire, quand publique serait pour
la place
Cependant elle sera plus heureuse si, selon mon lui sans orages ne verra plus en rentrant
,

conseil, elle demeure comme elle est : or, je chez lui que récifs et rochers dangereux. Il
pense que j'ai, moi aussi, l'Esprit du Sei- faut donc, puisqu'il y va pour nous de si
gneur. (I Cor. VII, 39, 40.) Attachons-nous grands intérêts, apporter une grande attention
donc à ses pas encore aujourd'hui, et entrete- à ces paroles ; il faut que celui qui veut pren-
nons-nous de ce sujet; car en marchant sur dre femme commence par se conformer en
la trace de Paul , c'est vraiment le Christ cela aux lois de Paul, disons mieux, aux lois
188 TRADUCTION FRANÇAISE DE SAINT JEAN ClIRYSOSTOy.E.

du Christ. Je le sais ce précepte paraît nou- , marier à qui elle voudra. Mais en disant ,

veau et extraordinaire à un bon nombre. Je qu'elle est devenue libre j)ar la mort de son
ne nie tairai point pour cela, mais, après vous mari, il montre qu'avant cela, et de son vi-
avoir lu d'abord la loi, je m'efforcerai ensuite vant, elle était esclave ; or, tant qu'dle est es-
de lever la contradiction qu'on croit y trouver. clave et soumise à la loi, quand même elle
Quelle est donc la loi que Paul nous impose? aurait reçu mille actes de répudiation, elle
La femme, à la loi; donc, tant
dit-il, est liée tombe sous le coup de la loi qui concerne l'a-
que son mari est en vie, elle ne doit pas s'en dultère. Les serviteurs peuvent quitter leurs
séparer, ni prendre un autre époux, ni con- maîtres pour d'autres du vivant des premiers,
voler en secondes noces. Et voyez avec quelle mais les femines ne peuvent changer de maris
exactitude, avec quelle justesse de termes il tant que leur premier époux est en vie, car
s'exprime 11 ne dit pas
1 Elle doit habiter avec : c'est un adultère. Ne viens donc pas me lire
son mari tant qu'il est en vie mais bien, la ; les lois qui sont à l'usage du monde , les
femme est liée à la loi aussi longtemps que vit lois qui prescrivent de donner un acte de ré-

son mari, de telle sorte que, à supposer même pudiation, et de divorcer ensuite. Car ce n'est
que son mari lui ait donné un acte de répu- point d'après ces lois-là que Dieu doit te juger
diation ,
qu'elle ait alors quitté la maison et au grand jour, mais d'après celles que lui-
soit allée habiter chez un antre, elle est liée à même a promulguées. Que dis-je? les lois
la loi^ elle estcoupable d'adultère. mêmes du siècle n'étfiblisseut i)oint cela d'une
Si donc mari veut renvoyer sa femme, ou
le manière absolue, ni comme article principal;
la femme quitter son mari, il faut que celle-ci elles-mêmes punissent ce péché, ce qui témoi-
se rappelle ce précei)tc, qu'elle se représente gne assez qu'elles le réprouvent. Elles dé-
Paul la suivant et lui criant aux oreilles La : pouillent de tous ses biens et chassent, sans
ftmme est liée à la loi. Ainsi que les servi- lui laisser de ressources, l'épouse qui a mérité
teurs fugitifs traînent encore leur chaîne der- d'être congédiée, et punissent de la perte de
rière eux après s'être évadés de la maison de sa fortune cehii cjui a été l'occision du di-
leur maître, ainsi les femmes, môme après vorce ; et certes, si elles statuent ainsi sur ce
qu'elles ont quitté leur mari, restent enchaî- fait, c'est ne l'approuvent point.
qu'elles
nées par la loi qui les condamne, qui les ac- 2. Et Moïse? il a statué de même pour un

cuse d'adultère, elles et leurs compile es. Ton pareil motif; niais écoutez ce que dit le Christ:
époux vit encore, dit-elle, et ton acte est un Si votre justice n'est pas plus abomlante que
adultère. Car la femme est lice à la loi aussi celle des Saibes et des Pharisiens, vous n'en-
loHQtcfnjJS que vit su?i. mari. Et, çuiconr/ue trerez point dans le raynime des deux. (Matth.
épouse une femme im adul-
réjnidiée coimnct V, 20.) Ecoulez encore cette autre parole Qui- :

tère. (Mallh. v, 32.) Mais, quanddonc, dira-t-on, conque renvoie sa femme, hors le cas d'adul-
lui sera-t-il permis de convoler en secondes tère., la rend adultère; et quiconque épouse

noces ? — Quand? lorsqu'elle sera délivrée une femme renvoyée commet un adultère. (Ib.,
de sa chaîne, lorsque son époux sera mort. 32.) Si le Fils unique de Dieu est venu sur
Cependant voulant exprimer cela, il n'a pas dit la terre, s'il a pris la forme d'un esclave, s'il
si son mari meurt, elle est libre d'épouser qui a versé sou précieux sang, s'il a détruit la
elle voudra, mais si son mari s'endort^ connue mort, sil a éteint le péché, sil a répandu plus
s'il femme en son veuvage,
voulait consoler la libéialement de l'Esprit, c'est pour
le bienfait

et lui persuader de s'en tenir à son premier vous initier à une sagesse plus profonde. Et
époux, de n'en pas i)renlre un second. Ton d'ailleurs, si .Moïse a porté cette lui, ce n'est
UKU'i n'est pas mort, il dort seulement. Quest- point comme une loi fondamentale; c'est parce

ce qui n'atlind pas un honnne endormi? Voilà qu'il était forcé de condesceiuUv à la faiblesse
pounjuoi il dit S^il s'endort, elle est libre de
: des siens. Les voyant prêts au meurtre, accou-
se marier à qui clic voudra. Il n'a pas dit tumés à souiller leurs foyers du sang des
qu'elle se marie, pour ne point p iraître la for- leurs, à n'épargner ni parents ni étrangers,
cer, la contraindre. Il no rempiH'he pas de et craignant qu'ils n'égorgeassent leurs fem-
contracter, si elle le veut, un second mariagt;, mes, s'ils étaient forcés de les garder contre
il ne l'y eng;;j;e pas si elle ne le veut point il ; leur gré, il leur a permis de les renvo\er, alîn
se borne à lui lire la loi : Elle Ci>t llOrc de se d'cniiiècher un mal plus grand, les meurtres
HOMÉLIES SUR LE MARIAGE. — DEUXIÈME HOMÉLIE. 189

piiilti plies. Ce qui prouve que les Juifs étaient et non pas introduire une loi qu'on a imagi-
liomicidcs, ce sont ces paroles des prophètes née. Si quelqu'un, dit-il encore, a congédié sa
eux-mêmes : Edifiant Sion dans le sang, et femme, et l'a renvoyée de sajnaison, et qu'après
Jcnisalent dans les iniquités (Mich. m, 10) ; et l'avoir quitté elle ait appartenu à un autre
tncore : Ilssang au sang (Osce,
mêlent le homme, et que ce dernier homme aussi l'ait

IV, 2); et aillenrs Vos mains sont pleines de


: prise en haine, et qu'U lui ait éc?'it iin acte de
sang. (Isaïe, i, 15.) Et ce n'est pas seulement répudiation, et qu'il le lui ait remis entre les
contre les étran^-^ors, c'est encore contre leurs mains, et qu'il l'ait renvoyée de sa maison, ou
proches que se dcchahiait leur fureur, comme que l'homme mort qui l'avait prise pou?
soit

le montrent ces mots du Pro[»hèle :Et ils ont femme, l'hojnme qui l'aura précédemment ren-
immolé leurs fils et leu7-s filles aux démons voyée ne powra la rappeler et la prendre pour
(Ps. cv, 37) ; or ceux qui n'épirgnaienl pas épouse. (Ib.v, 2-4.) Ensuite, voulant montrer
leurs enfants n'auraient pas davantage épar- qu'il n'approuve pas cette conduite que ce ,

gné leuis femmes. C'est donc afin d'empêcher n'est pas ainsi qu'il entend le mariage, et qu'il
cela qu'il accorda celte permission ; aussi le ne fait que condescendre à la faiblesse des Juifs,
Christ , lorsque les Juifs lui demandèrent : après ces mots : L'homme qui l'aura précédem-
Comment donc Moïse a-t-il pennis de donnera ment renvoyée ne pourra la prendre pour
safemme un acte de répudiation ? voulant femme, il ajoute Après qu'elle aura été souil-
:

montrer que de Moïse ne contredisait


la loi lée (Ib. v. 4) : façon de parler qui indique suffi-

point la sienne, répondit à peu près en ces samment que ce second mariage, contracté du
termes : Moïse a parlé ainsi à cause de la du- vivant du premier époux, est une souillure
reté de voscœurs ; mais au commencement il plutôt qu'un mariage. Voilà pourquoi il n'a
n'en fut pas ainsi; Celui qui fit l'homme au pas dit Apres qu'elle se sera remariée. Voyez-
:

commencernent les fit mâle et femelle. (Matth. vous comme concordent avec celles
ses paroles
XIX, 8 et 4.) Si cela était honnête, veut-il dire. du Christ? Après il ajoute la raison: cela,
Dieu n'aurait pas fait un homme et une Parce que c'est une abomination devant Dieu.
femme seulement; après avoir fait un seul (Ib. v,4.) Voilà pour ce qui regarde Moïse. Mais

honniie, Adam,
il aurait créé deux femmes, le prophète Malachie indique la même chose

pour où celui-ci aurait voulu renvoyer


le cas bien plus explicitement, ou plutôt ce n'est
l'une et prendre l'autre mais, par le mode ; point Malachie, c'est Dieu par la bouche de
même de sa création, il a établi la loi que je Malachie; et voici ses paroles Ed-il convena- :

promulgue maintenant. Quelle est donc cette ble de jeter les yeux sur votre sacrifice , ou
loi? c'est que l'homme conserve jusqu'à la fin d'agréer quelque chose sortant de vos mains ?
la femme qui lui est échue d'abord cette loi- ; (Malach. ii, 13.) Puis, après la réponse Pour- :

ci est plus ancienne que l'autre, et cela, de quoi as-tu abandonné la femme de ta jeunesse?

toute la distance qui sé[)are Adam de Moïse. (Ib. 14.) Enfin, faisant voir l'énormité de cette
Par conséquent je n'innove point, je n'intro- faute, et refusant toute miséricorde à celui qui

duis point de dogmes étrangers, mais des dog- l'a commise , il renforce encore l'accusation
mes anciens et antérieurs à Moïse. parce qu'il ajoute Et celle-ci était ta compa- :

Mais il faut entendre la loi de Moïse même gne et la femme de ton pacte , et le reste de
,

sur ce sujet : Si quelquun, dit-il, a pris ton esprit y et ce n'est pas une autre qui l'a
une femme et qu'il ait habité avec elle; si faite. (Ib.) Voyez que de litres il allègue! d'a-

elle ne trouve pas grâce devant lui, parce bord l'âge, la femme de ta jeunesse; puis l'in-
quil aura trouvé en elle un fait d'ignominie il , timité : Et celle-ci était ta compagne; puis le

lui écrira un acte de répudiation, et le lui don- mode de création Le : reste de ton esprit.

neraentre les mains. (Deut. xxiv, 1.) Voyez! il 3. Mais à la suite de tout cela , vient quoique

n'a pas dit qu'il écrive ,


qu'il lui donne : que chose de bien plus considérable , la majesté de
dit-il donc ? Il lui écrira un acte de répudia- celui qui l'a faite. Car c'est là ce que signifie ce :

tion et le lui donnera entre les mains. C'est n'est pas im autre qui l'a faite. Tu ne peux ob-

bien différent. En effet, dire qu'il écrive, qu'il jecter, veut-il dire, que tu as été lait par Dieu,

donne, c'est un ordre, une injonction. Mais tandis qu'elle n'a pa. été faite par lui, mais
dire : Il écrira un acte de répudiation, et le lui par quelque être inférieur ; c'est un même et
donnçra entre les maiiiSf c'est annoncer un fait, unique créateur qui vous a donné l'existence
190 TRADUCTION FRANÇAISE DE SAINT JEAN CHRYSOSTOME.

à tous deux; de telle sorte que, par égard pour voyée, ajoutant que celte action est un adul-
ce titre, sinon pour les autres , tu dois lui gar- tère. Comment donc as-tu osé contracter un ma-
der ta tendresse. En effet, si l'on voit souvent riage défendu? que dire alors et que répondre?
des esclaves, après une querelle, se réconcilier Il ne s'agira point là-bas d'alléguer les décrets
par celte seule raison qu'ils doivent obéissance des législateurs du muets enchaînés
siècle : ,

à un seul tf. înwn: e maître , à [)Vas forte ra': ;on il tduii-» nous voir ammener au feu de la gé-.
en être ainsi de nous, quand nous n'a-
doit-il henné avec ceux qui n'ont pas
les adultères et
vons, à nous deux, qu'un créateur et qu'un respecté chez les autres les droitsdu mariage.
,"
maître. Car celui qui a répudié sauf le motif indiqué
Vous voyez comment l'Ancien Testament celui d'adullère, et celui qui épouse une femme
lui-même prélude déjà pour ainsi dire, aux ,
répudiée, du vivant de son mari, sont punis
règles de la nouvelle sagesse. En effet, lorsque pareillement , ainsi que la femme répudiée. Je
les Juifs vivaient depuis longtemps sous l'an- vous avertis donc, je vous prie et vous conjure,
cienne loi, qu'il fallait les amener à des pré- hommes, de ne point renvoyer vos femmes,
ceptes plus parfaits, que leur constitution ap- femmes, de ne point quitter vos maris mais ,

prochait déjà de sa fin , dès lors le prophète, de prêter l'oreille à la parole de Paul La :

profitant des circonstances, achemine à les femme est liée à la loi aussi longtemps que vit

celte nouvelle sagesse. Obéissons donc à celte son mari ; que si son mari s'endort, elle est
belle loi , affranchissons-nous de tout ce qui libre de semarier à qui elle voudra, mais seu-
nous déshonore, interdisons-nous et de ren- lement selon le Seigneur.
voyer nos femmes et de recevoir celles que
, En effet, quelle indulgence peuvent espérer
d'autres auront renvoyées. Et de quel front ceux qui, lorsque Paul autorise les secondes
verras-tu le mari de cette femme ? de quel œil noces après la mort de l'époux, et donne de si
les amis de cet homme, ses serviteurs? Si celui grandes facilités, osent passer outre avant celte
qui épouse la femme d'un mort éprouve un époque? Quelle excuse reste-t-il, soit à ceux qui
sentiment de peine et de dépit pour peu quil épousent les femmes d'hommes vivants, soit
ait vu l'image du défunt, quelle sera l'exis- aux hommes mariés qui fréquentent les filles
tence de celui qui aura sous les yeux l'époux, publiques? Car c'est encore une espèce d'adul-
encore vivant, de sa femme ? Dans quelles dis- tère d'avoir commerce avec des courtisanes,
positions renlrera-t-il chez lui? Avec quels quand on a une femme à soi. Et de mémo
sentiments, avec quels yeux verra-t-il celle que la femme mariée, si elle se livre à un
femme d'un autre qui est devenue la sienne? homme, libre ou esclave, qui soit célibataire,
Mais plutôt ne l'appelons ni l'épouse d'un n'en tombe pas moins sous le coup de la loi
autre ni la sienne ; une prostituée n'est la qui concerne l'adultère , de même le mari,
femme de personne. Elle a foulé aux pieds le quand bien même il pèche avec une fille pu-
pacte qui l'unissait à son premier mari ; et blique ou avec toute autre femme non mariée,'
elle est venue à toi sans l'aveu des lois qui l'o- est réputé coupable du même crime. Fuyons
bligeaient. Quelle folie ne serait-ce pas d'in- donc aussi cette forme de l'adultère. En effet,
troduire chez vous un
dangereux fléau ? Est-
si qu'aurons-nous à dire, à alléguer après une pa-
ce qu'il y a diselte de femmes? Pouri|uoi, reille faute? Quel prétexte spécieux pourrons-
lorsqu'il y en a tant que nous pouvons épouser nous produire? Les appétits de la nature? Mais
sans enfreindre les lois ni porter le trouble la femme qui nous est échue est là. près de
dans nos consciences courons-nous à celles , nous, et nous ôle ce moyen de défense. Si le
qui nous sont interdites pour causer la ruine ,
mariage a été institué, c'est pour prévenir la
de nos maisons, y introduire la guerre civile, fornication. Mais ce n'est pas seulement notre
exciter de toutes pails des haines contre nous, femme, ce sont tant d'autres créatures d'une
déshonorer notre propre vie, et, ce qui est bien nature pareille à la nôtre qui nous interdisent
plus terrible que tout le reste, nous préparer cet appel à l'indulgence. Lorsque ton compa-
une punition sans appel au jour du jugement? gnon d'e<=clavage, dont le corps ressemble au
En effet, que répondrons-nous à celui qui doit tien, dont les passions sont les tiennes, dont les
nous juger, quand, après avoir mis la loi sous bcioins ne diffèrent point de ceux qui te pous-
nos yeux et l'avoir lue, il nous dira Je t'ai : sent, ne jette les yeux sur aucune autre femme
enjoint de ne [xis prendre une femme ren- que la sienne et lui reste fidèle, en quoi le^
IIOMtLlLS SUR LE MARIAGE. — DEUXIÈME HOMliLIE. 191

passions que tu allègues pourront-elles servir nant la chute des faibles. Car, après qu'il a dit :

à la justifRalion? Et encore je ne parle que des Cependant elle est plus heureuse si elle demeure
hommes mariés. Mais songe un peu à ceux qui comme elle est, de peur que vous ne voyiez là
passent leur vie tout entière dans le célibat, qui une loi humaine, en l'entendant dire : selon
n'ont jamais connu le mariage et se sont mon- mon il ajoute
conseil, Or, je pense que j'aiy
:

trés parfaitement chastes. Quand d'autres sont 7noi aussi,V Esprit du Seifpieur. Ainsi vous ne
chastes sans être mariés, quelle miséricorde pouvez dire que ce soit là la pensée d'un
obtiendras-tu, toi qui vis, étant marié, dans la homme c'est une révélation due à l'Esprit,
:

fornication? Hommes et femmes, veuves et c'est une loi divine. N'allons donc pas croire
épouses, écoutez tous ces paroles : car c'est à que c'est Paul qui nous parle ainsi c'est le :

tout le monde que s'adressent Paul et la loi Paraclet qui promulgue cette loi à notre u?age.
qui dit La femme est liée à la
: loi aussi Que s'il dit 7e pense, ce n'est point par igno-
longtemps que vit son mari; que si son mari rance qu'il parle ainsi, mais par modestie et
s'endort, elle est libre de se marier à qui elle par humilité. 11 dit donc que la femme sera
voudra^ mais seulement selon le Seigneur. Les plus heureuse dans le veuvage; mais comment
épouses, les filles, les veuves, les femmes re- sera-t-elle plus heureuse? c'est ce qu'il ne dit
mariées, toutes enfin ont profil à tirer de ces pas, parce qu'il a donné une preuve suffisante
paroles. L'épouse ne voudra pas, du vivant de en montrant que c'est l'Esprit qui lui a dicté
son mari, être à un autre, sachant qu'elle est son affirmation. Voulez-vous maintenant véri-
liée tant que son époux est en vie. Celle qui, fier cela par la réflexion ? Les preuves ne vous
après avoir perdu son mari, voudra convoler manqueront vous trouverez que la
point, et
en secondes noces, ne formera pas cette union veuve est plus non-seulement dans
heureuse ,

à la légère ni sans réflexion, mais elle se con- réternité d'oulre-tombe, mais encore dans la
formera aux lois de Paul qui dit EUe est libre : vie présente. Paul savait parfaitement cela, lui
de se marier d qui elle voudra, mais seulement qui fit entendre la même chose encore en par-
selon le Seigneur, c'est-à-dire suivant les règles lant des vierges. Voulant recommander et con-
delà pudeur et de la chasteté. Que si par hasard seiller la virginité, il s'exprime à peu près en
elle préfère demeurer
fidèle à ses engagements ces termes Je pense qu'il est avantageux à
:

envers le défunt, apprendra quelles couron-


elle Vhomme d'être ainsi à cause de la nécessité
nes lui sont réservées, et sera encouragée par là près ante. vu, 26.) Et ailleurs
(1 Cor. Si une :

dans sa résolution car elle sera plus heureuse,


; vierge se marie, elle ne pèche pas. (Ibid. v, 28.)
dit Paul, Si elle demeure comme elle est. Par ce mot : vierge, il entend ici non point

A. Voyez-vous comment ce langage est pro- celle qui a renoncé, mais seulement celle qui
fitable à tous, en ce que d'une part il condes- n'est point mariée, sans s'être assujétie par
cend à la faiblesse de certaines femmes, tandis un vœu à l'obligation d'une virginité perpé-
qu'il ne frustre pas les autres des éloges qui tuelle. Toutefois ces personnes auront les tri-
leur sont dus? Paul, au sujet du premier et du bulations de la chair ; pour moi , je voudrais
second mariage , tient ici la môme conduite vous les épargner. (Ibid.)

qu'à l'égard du mariage et de la virginité. 11 Par cette seule et simple parole, il laisse aux
n'interdit point le mariage, de peur de sur- auditeurs à repasser dans leur âme les maux
charger les faibles; il n'en fait point non plus de l'enfantement, les soins de la maternité, les
une ne point priver de leurs
obligation, afin de inquiétudes, les maladies, les morts prématu-
futures couronnes ceux qui préfèrent garder rées, les brouilles, les querelles , l'obéissance
leur virginité mais il montre d'un côté que le
; à mille caprices, la responsabilité des fautes
mariage est une belle chose, et, de l'autre, d'autrui, les chagrins sans nombre appesantis
fait voir que la virginité est encore préférable. sur une seule âme. Elle échai)pe à tous ces
De même, dans celte nouvelle matière, il maux, celle qui fait choix de la continence et, ,

pose encore des degrés; il nous montre qu'il y outre l'exemption de ces ennuis, une magni-
a plus de grandeur et d'excellence dans le veu- fique récompense lui est rései-vée oans Ja vie
vage, mais qu'à la seconde place et à un rang future. Tâchons donc nous qui savons tout ,

plus bas viennent les secondes noces; de cette cela, de nous en tenir au premier mariage. Que
façon, il augmente la vigueur des forts, de ceux si néanmoins nous avons le dessein d'en con-

qui veulent rester où ils sont, tout en préve- tracter un second, que ce soit suivant les for->
TUAbUCTitN FItVi>ÇAlSE Dii bALNÏ JE.\i\ CHRYSOSTOME.

mes et les règles prescrites, suivant les lois de au bain aprcs ce pccbé? N'est-ce point que tu
Dieu. Voilà pourquoi Paul a dit : Ella est libre te jugestoi-même plus impur que le plus im-
de semarier à qm elle voudra^ et, tout de suite monde bourbier? Quelle autre preuve plus con-
après mais seulement selon le Seifjneur. Par
: vaincante vcux-tude l'impureté de ton action,
là, en même temps qu'il donne une permis- et quel verdict dois-lu attendre du Seigneur,
sion, il la protège contre l'abus; en même quand toi-inême, toi, le coupable, tu portes un
temps qu'il accor*îe une faculté, il la circons- pareil jugement sur ta conduite?
crit entre les limites dont il l'enceint des lois Ils ont raison de se trouver impurs c'est à :

de toutes parts; de sorte que, par exemple, la merveille, et je les approuve; mais ils ne re-
femme n'introduise point dans la maison des courent point au vrai moyen de se purifier; et
hommes dissolus et sans mœurs, des histrions, c'cit pourquoi je les blâme et les accuse. Si la
des fornicateurs; mais qu'elle observe les rè- souillure était corporelle, cest avec raison que
gles de la pudeur, de la chasteté, de la piété, vous chercheriez à vous en purifier par le bain ;
afin que toutes choses tournent à la gloire de mais c'est votre âme que vous avez souillée,
Dieu. C'est parce qu'on avait vu souvent des que vous avez reniiue impure cherchez donc :

femmes, rendues libres par la mort de leurs un moyen de purification qui soit nropre à
époux, lesquelles, précédemment adultères, per- laver sa tache. Or, quel est le bain qui convient
sistaient, en s'unissant à d'autres, dans ce genre pour un péché? Un torrent de larmes brû-
tel

de liaison , et imaginaient d'autres pratiques lantes, desgémissements sortis du fond de la


abominables; c'est pour cela, dis-je, que Paul poitrine, une perpétuelle componction, des
ajoute Mais seulement dans le Seifjneur. Cela,
: prières assidues, des aumônes d'abondantes
,

afin que le second mariage n'ollre rien de pa- aumônes, le repentir du péché commis, l'at-
reil car, à cette condition seule, il pourra être
: tention a n'y point retomber c'est ainsi que
:

innocent. En eiîet, le mieux est d'attendre le se lave le péché, c'est ainsique l'âme se purifie
mort, de rester fidèle à ses engagements envers de ce qui la souille. Si nous négligtous ces
lui, de garder la continence, de rester auprès moyens, c'est en vainque nous Ira veinerions le
des enfants qu'il a laissés et de mériter ainsi , courant de tous les fleuves nous n'y laisserions
:

une plus abondante part dans les bontés de pas la moindre parcelle de notre péché. Le mieux,
Dieu. Si l'on veut cependant s'unir à un second sansdoute, est de ne plus s'exposer à commettre
époux, que ce soit suivant les règles de la clias- cet abominable i)éclié. Mais si par hasard le
teté,de la pudeur, suivant les lois établies; car pied nous a manqué employons ces remèdes,
,

cela est permis, il n'y a d'interdit que la forni- après avoir fait vœu d'abord de ne point retom-
cation et l'adultère. ber daas la même faute. Car, si au moment du
Fuyons donc ces crimes, que nous soyons ou pécbé nous condamnons ce que nous venons
non mariés ne déshonorons point notre vie,
; défaire, et qu'ensuite nous recommencions,
n'exposons pomt notre existence au mépris, ne c'esten vain que nous auron.> voulu nous pu-
souillons |»oint notre corps, n'introduisons rifier.Se baigner pour retourner ensuite se
aucun remords dans notre conscience. Et com- rouler au même bourbier, détruire ce qu'on a
ment oserais-tu entrer dans l'église en sortant édi Je, et réedifier ensuite, cela ne sert a rien
de c!iez les prostituées? Comment élever au qu'à perdre son temps et sa peine. Et nous, de
ciel ces mêmes bras dont tu étreiguais une notre côlé, si nous ne voulons prodiguer inu-
courtisane connncnt renuier celle langue
, tilement noire \ie, purilions-nous île nos pé-
comment |)rononcer une invocation avec celte chés précéileals, et le reste de notre
passons tout
bouche qui touchait ses lèvres? De quel œil vie dans la chasteté, dans la réserve, dans toutes
regarderas-tu ceux de tes amis qui ont quelque les vertus enfin : afin qu'ayant Dieu favorable,
pudeur? Que dis-je? les amisl Quand bien nous obtenions le royaume des cieux, par la
même personne ne connaîtrait ta taule, c'est grâce et la charité de Notre-Seigncur Jcsus-
devant toi surtout qu'il te lauiira rougir de con- Cljrist, auquel gloire dans les siècles des siè-
fusion, et rien ne l"ins[)irera |)lus de degoiil cles. Ainsi soil-U.
que ton propre corps. Sinon ^ pourquoi courir
TROISIÈME HOMÉLIE.

Sur le choix d'une épouso.

ANALTSE.

Le titre d-dessns annonce le véritable snjel de cette homélie. Les mots Eloge de Maxime, dont on le fait précéder générale-
:

ment, nous ont paru devoir être supprimés outre qu'ils manquent dans deux manusorils, il n'est question de Maxime que dans
:

le premier para^riphe du discours; c'est tout à fait accidentellemeaf, comme on le verra, que saint Jean Chrysoslome (ait

l'éloge de son collègue avant d'entrer en matière.

i" Eloge de Maxime, collègue de saint Jean Chrysoslome.


S" Que le repcutir est une partie de la jnstiQcation.

30 Entrée en matière : Longues réflexions qu'exige le mariage.


40 Les lois du mariage son; écrites chez saint Paul. — De l'amoar qn'on doit à son épouse
5° La patience, obligation du mari.
6* Comparaison entre Kve et l'Eglise.
7» Qu'il faut préférer sa femme à ses parents.
8« Destination de la femme : elle doit être l'auxiliaire de son époux. — Contre les mariages d'argent. — But de l'institution du
mariage.
9*> Exemple tiré du mariage d'haac. — Commentaire sur le récit dit l'Ecriture sainte. — Abraham proposé comme exemple aux
parents, Rébecca, aux vierges et aux jeunes femmes.
10° Exhortation aux parents et aux jeunes gens à marier.

1. J'ai manqué à votre précédente réunion, Ecritures, y a recueilli les pensées, incompa-
mais le festin n'en a été
et j'en ai été fàclié : rablement plus précieuses queTor, dont il a
que plus somptueux et je m'en suis réjoui. Ce- fait largesse à vos âmes. Les miennes, je le

lui qui partage avec, moi le soin de cultiver vos sais, vous paraissent aujourd'hui bien peu de

âmes est celui qui l'autre jour a ouvert le sil- chose. L'homme habitué à une table indigente
lon : sa riche éloquence a versé la graine; son s'est-il vu admettre par hasard à un banquet

infatigable sollicitude a fait l'œuvre du labou- moins frugal s'il lui faut maintenant retour-
:

reur. Vous avez vu la pureté de ce langage ner à son ancien régime il n'en sentira que ,

vous avez oui l'élégance de cette diction vous ; mieux sa pauvreté.


avez été abreuvés de l'eau qui jaillit vers la vie Néanmoins je ne reculerai point devant ma
éternelle vous avez vu la source qui lance des
;
tâche. Car vous savez, pour l'avoir appris de
torrents d'or pur. On cite un lleuve qui porte Paul, manger et souû'rir la faim, avoir du su-
des paillettes d'or aux habitants de ses rives, perflu et manquer du nécessaire admirer le ,

non que eaux aient la vertu de donner nais-


les riche et ne point mépriser le pauvre. Et de
sance à l'or; mais comme les sources de ce même que ceux qui aiment à boire font fête au
fleuve traversent par hasard des montagnes bon vin sans dédaigner celui qui ne le vaut
,

renfermant des mines, le courant, dans son tra- pas de même , dans votre passion pour la
;

jet, s'enrichit aux dépens de cette terre fortu- céleste parole, vous prisez le talent chez vos
née, et devient un trésor pour les riverains (jui maîtres, mais ceux qui sont moins habiles
n'ont qu'à recueillir ces présents du hasard. n'en rencontrent pas moins en vous uneardeur
Pareil à ce fleuve, le maître qui vous a parlé et un zèle peu communs. En effet , l'homme
l'autre jour, en parcourant la mine des saintes indolent et dissolu manque d'appétit, mémo
TOMB IV, 13
AU TRADUCTION FRANÇAISE DE SAINT JEAN CHRYSOSTOME.

une table hien


fïevant servie; au contraire, lent entrer en ménage réfléchissent mûrement
l'homme actif et sobre , celui qui a faim et soif En effet, s'agit- il pour
à ce qu'ils vont faire.
de la justice , court avec joie s'asseoir à un re- nous d'un achat de maisons ou de serviteurs,
pas frugal. Et que mes paroles ne sont point nous prenons mille peines, nous tournons
flatterie, que vous-mêmes avez bien
c'est ce autour du possesseur actuel, des précédents
fait voir dans notre précédent entretien. Nous propriétaires. Il nous faut connaître dans un
vous parlions longuement du mariage nous : cas l'état du mobilier, dans l'autre la consti-
vous montrions que c'est un véritable adultère tution physique et les principes moraux. A plus
que de répudier sa femme , ou d'épouser une forte raison , avant de se m:irier, doit-on pren-
femme répudiée, du vivant de son premier dre autant et bien plus de précautions.
mari nous vous lisions la loi du Christ ainsi
; On peut revendre une maison dont on est
conçue: Quiconque épouse une femme répudiée mécontent; on peut renvoyer un serviteur in-
se rend coupable d'adultère ; quiconque répudie capable à la personne qui s'en est défaite, mais
sa femme hormis le cas de prostitution, la
, une épouse, on ne peut la rendre à ceux dont
rend adultère. (Matth. v, 35.) Je vis alors beau- on la tient; de toute nécessité il faut la garder
coup d'entre vous baisser la tête, se frapper le chez pour toujours, ou, si l'on s'en débar-
soi
visage, n'oser lever les yeux; alors, portant rasse en la chassant, être convaincu d'adultère
mes regards au ciel , je m'écriai Loué soit le : selon les lois de Dieu. Ainsi quand tu voudras ,

Seigneur de ce que notre voix ne frappe point te marier, ne te bornes pas à lire les lois qui
des oreilles privées de vie, de ce que nos pa- sont faites pour le monde lis d'abord, lis celles
:

roles saisissent les esprits de nos auditeurs, et qui ont force parmi nous. Car c'est d'après
les ébranlent si fortement Le mieux sans doute! celles-ci, et non pas sur les autres, que dans le
est de ne point pécher du tout: mais c'est quel- grand jour Dieu te jugera: en négligeant ces
que chose encore, à l'égard du salut, que d'être dernières c'est une perte d'argent que souvent
,

contristé après le péché, de porter condamna- l'on encourt, mais celles dont je parle appel-
tion contre son cœur, de flageller sa conscience lent sur leurs transgresseursles supplices éter-
avec un scrupule acharné; un tel repentir fait nels et laflamme inextinguible de l'enfer.
partie de la justification, et c'est le chemin qui 2. Cependant quand vous voulez vous ma-
mène à ne plus jamais pécher. Voilà pourquoi rier, vous n'avez rien de plus pressé que de
Paul se réjouissait quand il avait affligé ses au- courir chez les jurisconsultes du siècle là, ;

diteurs, non de les avoir affligés, mais de les vous vous installez, vous vous enquérez minu-
avoir corrigés en les affligeant : Je me réjouis, tieusement de ce qui arrivera si la femme
dit-il, non de vous voir affligés , mais de vous meurt sans enfants, ou, au contraire, si elle
voir dans cette affliction qui mène au repentir ; laisse un, deux, trois enfants; que devien-
car toute affliction scloyi Dieu produit un dront ses biens selon qu'elle aura encore son
repentir de salut. (II Cor. vu, 9, 10.) Que ce père, ou qu'elle l'aura perdu? quelle part de
soient vos péchés ou ceux des autres (jui vous son héritage doit revenir à ses frères, quelle
aient jetés dans la tristesse, je ne puis dire com- part à son mari? Dans quel cas celui-ci aura-
bien vous méritez «l'élogcs. Pleurer sur le sort t-il droit à la totalité, et pourra t-il s'opposera
d'autrui, c'est montrer des entrailles aposto- ce qu'il en soit rien distrait eu faveur de per-
liques, c'est imiter l'Esprit-Saint dont voici les sonne? et nulle autres questions pareilles dont
paroles : Qui peut que je souffre?
souffrir, sans vous harcelez ces légistes démarches, pré-:

Qui peut rire scandalisé sans que je sois dans cautions, rien ne vous coûte pour empêcher
les angoisses? (II Cor, xi, 29.) Avoir du regret les parents de la femme de s'immiscer à aucun
de ses propres péchés, c'est éteindre la flamme titre dans ses aflaires; et pourtant, comme je
préparée pour le châtiment de ses fautes anté- l'ai dit plus haut dût-il ad\enir quchjue acci-
,

rieures, c'est se rendre pour l'avenir, grâce à dent imprévu il ne s'agirait que d'une perte
,

ce chagrin, moins sujet à tomber. Et c'est |)our d'argent ce qui ne vous empêche pas de
,

cela que moi-même, vous voyant baisser la tète, mettre en œuvre toute votre vigilance. Eh
sangloter vous frapper le visage, je me rejouis-
, bien !si pour éviter un préjudice pécuniaire,

sais en songeant au truit de cetle douleur c'est : nous déployons tant d'activité ne serait-il pas .

pourccla qu'aujourd'hui encore, je vous entre- absurde, quand il est question du péril de
tiendrai du même sujet, aUnoLUC ccilx qui veu- notre âme et des comptes qui se règlent là-
HOMÉLIES SUR LE iMARIAGE. — fROISIEME HOMÉLIE. i9U

liant, (le ne donner aucun soin à une affaire ou les vertus de son âme? On ne saurait le pré-
<jiii réclame, avant tonte autre, notre zèle, tendre, car la suite montre qu'elle était laide
notre empressement et notre sollicitude? et sordide; écoutez plutôt : Il s'est sacrifié
En conséquence, j'invite et j'exhorte ceux pour elle, vient-il de dire, Afin de
et il ajoute :

qui veulent se marier à prendre conseil du la sanctifier en la purifiant par l'eau. Par ce
bienheureux Paul , à lire les lois qu'on trouve mot purifier, il fait était im-
entendre qu'elle
chez au sujet des mariages, à s'instruire
lui pure et souillée, non point d'une souillure
et
d'abord des recommandations qu'il adresse à comme une autre, mais d'une extrême impu-
l'homme auquel est échue une femme vicieuse, reté ce n'était que graisse, que fumée, que
;

corrompue, adonnée au vin, acariàlre sans , sang, que taches de toute espèce. Et cependant
jugement, ou frappée de quelque autre im- il n'a pas eu dégoût de sa laideur, il a remé-

perfection et alors seuiement à entrer en


; dié à ses disgrâces, il a changé sa figure cor- ,

pourparlers au sujet du mariage. Si tu vois rigé ses formes, réparé ses imperfections; c'est
que Paul te permet pour peu que tu décou-
,
l'exemple que tu dois suivre. Quelques fautes
Tres chez ta femme un de ces défauts, de la que ta femme puisse commettre à ton égard,
répudier et d'en prendre une autre il n'y a , oublie tout, pardonne tout. A-t-elle un mau-
plus aucun risque et lu peux te rassurer. Mais vais caractère, réforme-le à force de douceur
s'il te refuse ce droit et l'ordonne au contraire et de bonté, comme a fait le Christ à l'égard de
de tout endurer chez ta femme hormis la , l'Eglise. Car, non content de laver ses taches,
prostitution, et de la garder chez toi, quels il l'a encore débarrassée de la vieillesse, en lui
que soient ses défauts , alors affermi&-toi dans faisant dépouiller le vieil homme, ce composé
cette pensée qu'il te faudra subir tous les vices d'iniquités. Et c'est à quoi Paul encore fait al-

de ta femme; que si cette obligation te paraît lusion, Afin de se faire une Enlise
en disant :

rigoureuse et intolérable n'épargne ni tes , glorieuse, qui n'eût ni taches, ni rides. (Ephés.
soins, ni ta peine pour te pourvoir d'une V, 27. ) En effet , c'est peu de l'avoir embellie ;
épouse bonne, sage et docile, et ne perds il l'a rajeunie, non selon le corps et la nature,

point de vue celte alternative imposée au mari mais selon l'âme et la volonté. Et ce qu'il faut
d'une femme vicieuse, ou de supporter les en- admirer, ce n'est pas seulement que, l'ayant
nuis qu'elle lui cause , ou, s'il s'y refuse et la reçue laide, repoussante, difforme et décrépite,
répudie, d'avoir à répondre d'un adultère. Car loin de prendre en dégoût sa laideur, il se soit

il Quiconque répudie sa femme, hor-


est écrit :
livrélui-même au trépas et l'ait transformée
mis le cas de prostitution, la rend adultère ; et par là au point de la rendre admirablement
; c'est que, dans la suite, en
quiconque épouse une femme répudiée se rend belle dépit des ta-

coupable d'adultère. (Matth. v, 32.) Une fois ches et des souillures qui reviennent souvent
bien pénétrés, avant mariage, de ces ré-
le la ternir, il ne la répudie point, ne s'en sépare

flexions et bien instruits de ces lois, nous met- point, et qu'il persiste à l'entourer de ses soins

trons tous nos soins à faire choix, tout d'abord, et à la corriger. Combien, dites-moi, ont pé-
d'unefemme vertueuse et bien assortie à notre ché après avoir reçu la foi ? Et pourtant il
humeur cela fait, nous n'y gagnerons point
;
ne les a point repoussés avec dégoût. Par
seulement de ne la répudier jamais , mais en- exemple ce fornicateur connu des Corinthiens
core de l'aimer avec une profonde tendresse, était membre de l'Eglise, cependant le Christ

ainsi que Paul le recommande. En effet, il ne n'a point coupé ce membre : il l'a redressé.

se borne pas à dire Hommes , aimez vos


;
L'Eglise des Calâtes tout entière s'emporta

femmes (Ephés. v, 25) ; mais il indique encore hors de la voie et tomba dans le judaïsme,
le degré de celle affection en ajoutant Comme :
néanmoins il ne l'a pas rejotée non plus il :

le Christ a aimé V Eglise. Mais comment dis- ,


lui a donné ses soins par le ministère de Paul

moi, le Christ l'a-t-il aimée? Jusqu'à se sa- et l'a ramenée ainsi dans sa première famille.
a'ifier pour elle. Ainsi, fallùt-il mourir pour ta
Et nous aussi, de même que, si nous tombons

femme , ne marchande point. Si le Seigneur a malades, nous ne coujions pas le membre,


aimé son esclave au point de se donner pour mais travaillons à chasser la maldie c'est ;

plus forte raison dois-tu même amour ainsi que nous devons agir à l'égard d'une
elle, à le

à ta compagne d'esclavage. Mais peut-être est-ce épouse. Si elle a quelque défaut, au heu
beauté de l'épouse qui a entra..^ l'époux, de la répudier, c'est son vice qu'il faut ta-
Ja
196 THADUCTIOx\ FRANÇAISE DE SALXT JEAN CIIRYSOSTOME.

clier d'expulser. D'ailleurs on peut amener Il veut dire que , comme Eve est née de la

une femme à s'amender tandis qu'il est bien ,


côte d'Adam, ainsi nous sommes nés de la

des cas où un membre attaqué ne peut se gué- côtedu Christ. En que signifie
effet, c'est ce :

rir. Néanmoins, bien que nous connaissions le De sa chair et de pour ce qui est
ses os. Mais,
membre infirme pour incurable, nous ne le re- d'Eve, nous savons tous qu'elle est née de la
tranchons point pour cela. Combien d'hommes côte d'Adam, et l'Ecriture dit clairement que
ont un pied de travers, une jambe boiteuse, Dieu envoya le sommeil sur Adam, prit une
\m bras paralysé et perclus, un œil privé de lu- de ses côtes, et en façonna la femme. Mainte-
mière, qui ne se font point extraire cet œil, nant, sur quoi se fonder pour prétendre que
couper cette jambe , amputer ce bras , et qui l'Eglise aussi est formée de la côte du Christ?
sans méconnaître que ces parties de leur corps C'est encore l'Ecriture qui nous l'indique. En
lui sont désormais inutiles et ne servent qu'à effet, lorsque le Christ fut élevé sur la croix, y

le défigurer, les gardent néanmoins par égard fut attaché et mourut, un des soldnts s appro-
pour la solidarité qui les attache aux autres. chant lui perça le flnnc, et il en sortit du sang
Mais si, quand la guérison est impossible et et de l'eau. (Jean, xix, 31.) Eh bien! c'est de
que l'utilité estnous montrons tant de
nulle , ce sang et de cette eau que toute l'Eglise est
circonspection à abandonner le malade, alors formée. Jésus lui-même l'atteste par ces pa-
qu'il reste de l'espérance et des chances nom- roles Quiconque ne sera point ré'/énéré par
:

breuses de changement, n'est-ce pas le comble l'eau et l'esprit, ne pourra entrer dans le
de l'absurdité? Les infirmités naturelles lais- roynumedes deux. (Jean, ni, 5.) Le sang, c'est
sent l'homme sans recours miis une volonté ; l'esprit. Nous naissons grâce à l'eau du hap-
pervertie est susce(itible d'amélioration. tême, et c'est par le sang que nous sonunes
3. En vain tu objecterais que le mal de ta nouiris. Voyez-vous comment nous prove-
femme est incurable, qu'en dépit de tes soins nons de ses os et de sa chair, enfantés, nourris
elle s'obstine à suivre ses projjres penchants : par son sang, par son eau? Et de même que,
ce n'est pas encore une raison suffisante pour pendant le sommeil d'Adam, la femme fut
la répudier; car, de ce qu'on ne peut guérir façonnée, ainsi, le Christ mort, l'Eglise fut
un membre, il ne s'ensuit pas qu'on doive le formée de son côté. Mais, s'il faut aimer sa
couper. Or c'est un de les membres que ta femme, ce n'est pas seulement parce que notre
femme Ils seront deux dans ime chair, dit
: femme est membre de nous-mêmes, et que
l'Ecriture. (Gen. ii, 2i.) Mais quand c'est d'un nous avons fourni la matière dont elle a
membre qu'il s'agit, il ny a nul luofit à le été créée c'est encore parce que Dieu a
:

soigner, que les progrès de la ma-


une fois promulgué à ce sujet une que voici
loi :

ladie ont rendu la médecine impuissante. Au L'homme quittera son père et sa mère et s'at-
contraire, si le malade est ta femme, quand tarlura à sa femme, et ils seront deux dans

bien même sa maladie st-rait incur.ible, compte une chair. (Geii. u, 24.) C'est pour cela que
que tu seras bien réconiiH usé de tes leyons et Paul aussi nous a lu cette loi,afin de uous
de tes soins paternels. Et dùt-elle n'en re- f)0usst'r de toutes parts à cet amour. Observez
cueillir aucun fi uit, Dieu saura bien rénui- ici la s.tgesse apoj^lolitiuc ! ce n'est point exclu-
nérer notre que c'est sa
patience, parce sivement au nom des lois divines, m des lois
crainte qui nous aura excités à montrer tant de humaines, qu'il nous invite «à aimer nos
persévérance à supporter avec douceur les dé- épouses; mais il fait parler les unes et les au-
fauts de notre compagne, à diriger ce membre tres tour à tour de telle façon que les esprits
:

de nous-mêmes. Membre de nous-mêmes, dis- élevés et philosophiques soient amenés aimer ta

je, et membre inséparihie aussi devons-nous : par les motifs célestes, les esprits faibles au
l'aimer avec prédilection. C'est ce que nous contraire par les raisons terrestres et natu-
enseigne encore le même Paul en disant : [js relles. Dans cette vue, il s'appuie dabord sur
hommes doivent aimer leurs femmes comme la sagesse du Christ et conuuence son exhor-
ils aiment leurs corps. Car jamais personne tation en ces termes Aimez vos femmes ainsi
:

n'a haï sa propre chair ; mais il la twurrit que le Christ a aimé l'Eglise. Mais ce qui vient
et l'entoure de soins comme a fait le Christ ai)rès est humain Les hommes doivent aimer
:

pour r Eglise, car nous sommes membres de leurs femmes autant que leurs propres corps.
son corps^ de sa chair, de ses os. (Ep. v. 28 30.) La suite est du Christ Nous sommes membres :
IIOMf<fJFS SUR LE MAHIACE. - TROISIÈME HOMÉLIE. 497

de non corps, de sa chair, de ses os. Mais ceci le trône paternel pour aller vers son épouse.
•vientdes hoinnies L'homme quittera son
: Au lieu de nous appeler là-haul, il est des-
père et sa mère et s'attachera à sa femme. Et cendu lui-même vers nous. (D'ailleurs par
après avoir lu celte loi, il ajoute : Voilà le ces mots il a quitté, n'allez pas entendre
grand mystère. En quoi, grand? demandercz- un déplacement mais bien une condescen- ,

vous. En ce qu'une jrnne


enfermée jus- fille, dance en effet même étant avec nous, il
; ,

que-là dans sa chambre, peut aimer et chérir encore avec son Père.) Aussi Paul dit-il :
était

du premier jour, comme son propre corps, Voilàle grand mystère. Grand sans doute,

IVpoux (ju'elle n'avait jamai>î vu auparavant; même à ne regarder que les hommes. Mais
en ce que l'homme (lu'elle n'a jamais vu préfère (|uand je vois que cela est encore vrai à l'égard
du premier jour à toutes choses, une femme du Christ et de l'Eglise, alors je m'étonne,
avec laquelle il n'avait pas précédemment alors j'admire. Lui-même après ces mots :

échangé un propos, qu'il la préfère, dis-je, à Voilà le grand mystère ajoute ceci Je parle , :

ses amis, à ses proches, à son père et à sa à l'égard du Christ et de l'Eglise. Tu sais main-
mère... Parlons maintenant des parents : vien- tenant quel mystère c'est que le mariage; tu
nent-ils, éprouver quelque
hors ce seul cas, h. sais de quelle grande chose il est le symbole :

perte d'argent, les voiKà dans le chagrin, dans songcs-y donc mûrement et avec circonspec-
la peine ils traînent devant les tribunaux
; tion et ne cherche pas la richesse quand tu
;

celui qui leur a fait tort : qu'un homme


et voici voudras prendre femme. Ne regarde pas le
que souvent ils n'ont jamais vu, qu'ils ne mariage comme un trafic, mais comme l'as-
connaissent pas, reçoit d'eux avec leur fille sociation de deux existences.
une dot considérable. Que dis-je? c'est une fête 4. J'ai souvent oui dire Un tel était pauvre : :

pour eux, bien loin qu'ils imputent cet événe- son mariage l'a enrichi, il a épousé une femme
ment à la mauvaise fortune. Au moment où riche : il vit maintenant dans le luxe et l'opu-
ils se voient enlever leur fille, ils n'éprouvent lence. Que dis-tu là, mon ami? Tu veux que
ni regret de l'intimité passée, ni dépit, ni dou- ta femme te rapporte de l'argent? Tu peux
leur : loin de là, ils rendent grcâcts, et jugent dire cela sans avoir honte, sans rougir? Et tu ne
leurs vœux exaucés, quand il leur e«ît donné vas pas te cacher au fond de la terre, toi, qui
de voir leur fille quitter leur maison, et avec peux imaginer de pareilles spéculations? Est-ce
elle s'en aller une partie de leur fortune. Paul là le langage d'un époux? Tu n'as rien à de-
remarquant tout cela, considérant que les mander à ta femme (jue de veiller sur tes épar-
deux époux quittent leurs parents pour s'atta- gnes, d'administrer tes revenus, d'avoir soin
cher l'un à l'autre, et qu'une si longue habi- de ta te l'a donnée pour l'aider
maison. Dieu
tude a dès lors moins d'empire que cette liaison en cela dans toutes les choses du même
comme
fortuite, réfléchissant de plus que ce n'est pas genre. Attendu que deux sortes d'affaires se
là un fait humain, et que c'est Dieu qui sème partagent notre vie, les affaires publiques et
ces amours dans les âmes, qui inspire cette les atîaires privées, le Seigneur a divisé la
joie aux parents des époux, comme aux époux tâche entre l'homme et la femme à celle-ci il :

eux-mêmes, Paul, en conséquence, a écrit : a départi le gou\ernemenl de la maison, à

Voilà le grand mystère. Et, pour prendre un celui-là toutes les affaires de l'Etat, toutes celles
exemple chez les enfants, comme le petit en- qui se traitentsur la place publi(jue, jugements,
fant qui vient de naître reconnaît tout d'abnd (Irl.bér.ition^, conunandements d'armées, et le

ses parents en les voyant, avant de savoir reste. La leiinne est incapable de diriger un
parler : ainsi l'époux et l'épouse, sans (|ue per- javelot, de lancer un trait, mais elle est capa-
sonne les ra[»proche, les exhorte, les instruise ble de manier la quenouille, de tisser une toile,
de leurs devoirs, n'ont qu'a se voir pour être de faire régner le bon ordre dans toute la mai-
unis. Puis, observant que la même chose est son. Elle est incapable d'ouvrir un avis dans
arrivée pour le Christ, et principalement un conseil; mais elle est capable d'ouvrir un
pour l'Eglise il s'étonne
, il admire. Et , avis à la maison, et souvent, dans les soins do-
comment donc la même chose est -elle ar- mestiques que son mari partage avec elle, elle
rivée pour le Christ et pour l'Eglise ? De montre plus de clairvoyance que lui-même.
même que le mari quitte son père pour aller Elle est incapable de bien gérer les deniers pu-
trouver sa femme, de même le Christ a quitté blics , mais elle est capable de bien élever ses
108 TRADUCTION FRANÇAISE DE SAINT JEAN CHRYSOSTOME.

enfants , ce trésor précieux entre tous ; elle sance, une soumission parfaite, et supprime
est capable d'observer les manquements des toutes les causes de disputes, de querelles,
servantes, de surveiller les mœurs des servi- d'extravagances, de rébellion elle unit les deux
:

teurs, de procurer à son époux plus de sécurité, époux dans la paix, la concorde, la tendresse,
de le décharger de tous les soins qu'exige un l'harmonie. Ce n'est donc pas l'argent que nous
ménage, j'entends ceux de l'office, du filage, devons chercher, mais la paix, si nous voulons
de la cuisine, de la toilette enfin, elle prend : trouver le bonheur. Le mariage n'est pas fait

sur elle tous les travaux dont il ne serait ni pour remplir notre maison de luttes et de com-
convenable, ni facile à l'homme de s'occuper, bats, pour nous faire vivre au milieu des dis-
quelque difficile à contenter qu'il puisse être. putes et des querelles, pour mettre la division
En effet, c'est un trait de la générosité et de la dans le ménage et nous rendre l'existence in-
sagesse divines, que celui qui excelle dans les supportable, mais pour nous procurer une
grandes choses, se montre dans les petites insuf- aide, pour nous ouvrir un port, un asile, pour
fisant et incapable de telle sorte que l'homme
, nous consoler dans l'affliction, pour que nous
ait besoin de la femme. En effet, si Dieu avait trouvions de l'agrément dans la conversation
créé l'homme également propre aux deux em- de notre femme. Combien n'a-t-on pas vu de
plois, le sexe féminin n'aurait été qu'un objet riches, enrichis encore par la dot de leurs
de mépris et, d'autre part, s'il avait permis
: femmes, mais privés du même coup, pour ja-
aux femmes des fonctions plus relevées et plus mais, de la paix et de la félicité, par un ma-
sérieuses, il leur aurait inspiré des prétentions riage qui faisait de leur tableune arène, un
extravagantes. Aussi, a-t-il évité de donner les théâtre de querelles journalières? Combien,
deux aptitudes à la même créature, de peur au contraire, ne voit-on pas de pauvres, unis à
que l'un des sexes ne fût échpsé et ne parût des femmes plus pauvres encore, qui jouissent
inutile et il n'a pas voulu non plus faire la
: de la paix, et sont heureux de voir la lumière
part égale aux deux sexes, de peur que cette tandis que plus d'un riche, au sein de l'abon-
égalité n'engendrât des conflits, des querelles, dance, souhaite la mort pour être délivré de
et que les femmes n'élevassent leurs préten- sa femme, et ne demande qu'à déposer le far-
tions jusqu'à disputer aux hommes le premier deau d'une telle vie? tant il est vrai que l'ar-
rang; mais conciliant le besoin de paix avec gent ne sert à rien , faute d'une compagne
les convenances de la hiérarchie, il a fait dms vertueuse ! Mais, pourquoi parler de paix et de
notre vie deux parts dont il a réservé à , concorde? Celui-là même qui ne songe qu'à
l'homme la plus essentielle et la plus sérieuse, gagner de l'argent, se trouve mal souvent, ,

en assignant à la femme la plus petite et la d'avoir épousé une femme plus riche que lui.
plus humble de telle sorte que les nécessiti s
: Quand il a augmenté son luxe en proportion de
de l'existence nous la fassent honorer, sans que la dot reçue, une mort prématurée n'a qu'à venir
l'infériorité de son ministère lui permette d'en- l'obliger de restituer la dot entière aux parents :

trer en révolte contre son mari. alors, pareil à ces naufragés dont la personne

En conséquence, cherchons tous désormais seule échappe aux flots, ce malheureux, au


une seule chose, la vertu, un bon naturel, afin bout de tant de querelles, de luttes, de révoltes,
de jouir de la paix, de goûter les délices d'une de procès, a grand peine à se tirer d'affaire
concorde et d'une affection perpétuelles. Epou- avec ses quatre membres et sa liberté. Et
ser une femme riche c'est prendre un souve- , comme on voit des trafiquants insatiables, pour
rain plutôt qu'une femme. Par elles-mêmes, avoir encombré leur vaisseau de marchamlises
déjà, les femmes ont assez de vanité, assez de et lui avoir imposé un fardeau au-dessus de
penchant à briller s'il leur survient encore le
: ses forces, causer la submersion de leur équi-
renfort dont je parle, comment leurs maris page, et perdre toute leur cargaison ainsi, ces :

pourront-ils y tenir désormais? Au contraire, ambitieux qui font dos mariages démesurément
celui qui prend une femme de sa condition, riches, dans la pensée d'augmenter beaucoup
ou plus pauvre que lui, prend une auxiliaire, leur avoir, grâce à leurs femmes, perdent sou-
une alliée et c'est vraiment le bonheur qu'il
: vent jusqu'à ce qu'ils possédaient en se ma-
introduit dans sa maison. La gêne que cause à riant : il suffit d'un instant et du choc d'une
l'épouse sa pauvreté lui inspire toutes sortes de vague pour faire enfoncer le navire; ainsi, la
soins et d'attentions pour son mari l'obéis- , mort prématurée de la femme a suffi pour
HOMELIES SLR LE MAULVGE. — TROISIÈME HOMÉLIE. 199

apporter la ruine avec le deuil à son mari. jetée bien loin ; l'idée même de l'incontinence
5. Consiiléroiis biou tout cela, et, au lieu de n'entrera jamais chez ce mari attaché à sa
chercher la fortune, cherchons la vertu, l'hon- femme par l'amour ;
jusqu'à la fin il lui reste
nêteté, la mo'lestie. Une femme modeste, ver- fidèle, et ainsi, par sa chasteté , appelle sur
tueuse et sa^'e, fùl-ellesans fortune, saura tirer toute sa maison la bienveillance et la protec-
parti de la pauvreté mieux qu'une autre de la tion divines. Voilà les unions que formaient nos
richesse : au contraire, une femme gâtée, in- justes des anciens temps plus attentifs à la ,

ti-nipérantf?, acariâtre, trouvât-elle au logis des vertu qu'à la fortune. Pour le prouver par un
milliers de trésors, les aura bi(;nlôt dissipés exemple, je vous rappellerai un de ces maria-
avec du vent, et précipitera son mari
la vitesse ges Abraham déjà vieux et avancé en âge dit
:

dans d'innombrables maux, outre la ruine. Ce au plus âgé de ses serviteurs qui gérait tous ses
n'est donc pas l'opulence que nous devons biens : Pose ta main sous ma cuisse afin que
rechercher, mais une femme qui sache bien je te fasse jurer au nom du Seigneur Dieu du
employer l'argent du ménage. ciel et de la terre, de ne pas donner pour femme.,
Apprends d'abord quelle est la raison du à mo7i fils Isaac une des filles des Chanatiéens,
mariage, quel dessein l'a fait introduire dans parmi lesquels j'habite, mais tu te rendras
notre existence , et n'en demande pas davan- dans la terre où, je suis né, au milie^i de ma
tage. Quel est donc l'objet du mariage, et dans tribu et tu choisiras là une épouse pour mon
,

quelle vue Dieu l'a-t-il institué? Ecoute ce que fils. (Gen. XXIV, 1-4.) Voyez-vous quelle solli-
dit Paul Depeitrdes fornications^ que chacun
: citude chez cet homme vertueux, chez ce juste,
ait une femme à soi. (I Cor. vu, 2.) Il n'a pas au sujet du mariage; il n'a pas recours, comme
dit remédier à sa pauvreté ni pour se mettre
: cela se pratique aujourd'hui, àdes entremetteu-
dans Vaisance. Pourquoi donc? Afin que nous ses, à des négociatrices, à de vieilles conteuses
évitions les fornications, afin que nous répri- de fables ; c'est à son propre serviteur qu'il con-
mions notre concupiscence, afin que nous vi- fie même est une grande
cette affaire. Et ceci
vions dans la chasteté, afin que nous nousren- marque de prudence de ce patriarche, qu'il
la
diins agréables à Dieu en nous contentant de ait su former assez bien un serviteur pour le

notre propre fenune. Voilà le présent que nous rendre capable d'un pareil ministère. Ensuite
(ait le mariage, en voilà le fruit, en voilà le la femme qu'il lui faut n'est ni une femme
bénéfice. Ne lâche donc pas le plus pour courir riche ni une belle femme mais une femme
, ,

après le moins; car l'argent est peu de chose vertueuse et c'est pour cela qu'il prescrit un
;

au prix de la chasteté. Le seul motif qui doive aussi long voyage à son messager. Considérez
nous déterminer au mariage c'est la résolu- , aussi l'intelligence du serviteur il ne dit :

liuu de fuir le péché, d'échapper à toute forni- point quelle commission me donnes-tu la
: I

cation ; tout le mariage doit donc tendre à ce Quand nous sommes entourés d'un si grand
but, de nous aider àla chasteté. Or il en sera nombre de nations, chez lesquelles se trouvent
nous épousons des femmes capables de
ainsi, si en grand nombre des filles d'hommes riches,
nous inspirer beaucoup de piété, beaucoup de distingués, illustres, tu m'envoies dans un
retenue, beaucoup de sagesse. En effet, la |)ays aussi lointain parmi des hommes incon- ,

beauté du corps, quand elle n'a point la vertu nus? A qui m'adresser? (|ui me connaîtra? Et
pour compagne, peut bien retenir un mari s'ils me tendent des embûches? s'ils me trom-

vingt ou trente jours, mais au delà elle perd pent? Car il n'y a rien de si facile à prendre au
son empire, laisse voir les vices qu'elle cachait piège qu'un étranger. Il ne fit aucune de ces
d'abord, et dès lors tout le charme est rompu. objections, mais négligeant toutes ces diffi-

Au contraire, celles en qui reluit la beauté de cullés, seulement au soupçon qui se


il s'arrêta
l'âme n'ont rien à craindre de la fuite du
, présente tout d'abord a l'esprit en ne résis- :

temps, qui leur fournit chaque jour de nou- tant pas à son maître, il avait montré son
velles occasions de découvrir leurs belles qua- obéissance; en demandant seulement ce dont
lités; l'amour de leurs époux n'en devient que il fallait principalement s'informer, il mani-

plus ardent, et l'attachement mutuel ne lait festa son intelligence et sa prévoyance. A quoi
que se resserrer. Dans cet état de choses et de- donc cette ques-
fais-je allusion ? et (pielle est

vant l'obstacle de cette ardente et légitime affec- tion qu'il adressa à son maître ? Si la femme,
tion, toute espèce d'amour impudique est re- dit-il, ne veut point partir avec moi, ramène-
200 TIUDUCTION FRANÇAISE DE SAINT JEAN CUHYSOSTOME.

rai-je ton fils dans le pays d'où tu es sorti? suivent : Et prends en miséricorde mon
Abraham répondit : Ne ramène pas mon fils maître Abraham. Gen. xxiv
( 42. Quand , )

en ce pays. Le Seigneur Dieu du ciel et de la nous aurions des milliers de mérites nous ,

terre qui m'a tiré de la maison de mon père et voulons devoir à la grâce notre salut, et tenir
de la terre où je suis né qui m'a parlé et m'a ,
tout de ta bonté, rien à titre d'acquittement
dit avec un serment ces paroles Je donnerai : ou de restitution. Et que demandes-tu donc?
cette terre à toi et à ta postérité, ce même Dieu Voici, répond-il, que je me tiens debout auprès
enverra son ange devant toi, et t'aplanira le de la fontaine, et les filles des habitants de la
chemin. (Gen. xxiv, 4-7.) Voyez-vous la foi du ville sortiront pour venir pui!>er de Veau. Donc
patriarche? Au lieu de faire appel à ses amis, la jeune fille à qiù je dirai prête-moi ta cru- :

à ses parents, ou à toute autre personne , c'est che afin que je boive, et qui me répondra : bois,
Dieu même qu'il donne pour interprète et et je donnerai de plus à boire à tes chameaux

pour compagnon de roule à son messager. jusqu'à ce qu'ils soient abreuvés, c'est celle
Puis, voulant rassurer ce serviteur au lieu de , que tu as préparée pour ton serviteur Isaac,
dire simplement le Seigneur Dieu du ciel et de et par là je reconnaîtrai que tu as pris en
la terre il ajoute qui m'a tiré de la maison
, : miséricorde mon maître Abraham. Remar-
de mon père. Souviens-toi, lui dit-il, comment quez la sagesse du serviteur, au signe quil
nous avons fait ce long voyage, comment après choisit. Il ne dit pas : si j'en vois une portée
avoir abandonné notre propre pays, nous sur un char attelé de mules, traînant à sa
avons trouvé sur la terre étrangère plus de suite un essaim d'eunuques entourée de ,

ressources et de félicité, comment l'impossible nombreux esclaves, belle et resplendissante de


estdevenu possible. Et ce n'est pas seulement tout l'éclat de la jeunesse, c'est celle que tu as
en ce sens qu'il dit Qui m'a tiré de la maison
: préparée pour ton serviteur. Que dit-il donc?
de monpère; il veut encore indiquer que Dieu Celle à qui je dirai : Prète-moi ta cruche afin
est son débiteur. Nous sommes ses créanciers, que je boive. Que fais-tu, mon ami ? C'est une
dit-il, il a dit lui-même Je donnerai cette
: femme de celte sorte que tu cherches pour ton
terre à toi et à ta postérité. De sorte que, tout maître, une femme qui i)orte de l'eau, et qui
indignes que nous sommes en considération , daigne te parler? Oui, répond-il : car ne il

de promesse qu'il nous a faite de sa bouche,


la m'a pas envoyé chercher la richesse, ni la no-
et dans la vue de l'accomplir, il nous assistera, blesse de la naissance, mais les qualités de
aplanira devant nous tous les obstacles, et mè- l'âme. On trouve souvent des porteuses d'eau
nera à consommation ce qui est l'objet de nos qui possèdent une vertu parfaite, tandis que
vœux. Cela dit, il congé lia son messager. nonchalamment assises dans de riches
d'autres,
Parvenu au |>ays qui lui avait été désigne, demeures, sont pleines de vices et très-mau-
celui-ci n'aborda aucun des habitants de la vaises. —
Maisâ quoi reconnaîtra-t-il la vertude
ville il n'entra pas en conversation avec les
, cette femme? — Au signe qu'il a indiqué.
hommes, il n'appela point les femmes; mais Mais que vaut ce signe pour distinguer la vertu?
renianjucz comment il resta fidèle, lui aussi, à — Il est excellent et infaillible. Car il manifeste
donné com-
l'intermédiaire qui lui avait été , clairement la charité, de façon à rendre toute
ment il pour prier,
s'adressa à lui seul. Il se lève autre preuve superflue. Ses paroles reviennent
et dit Seigneur^ Dieu demnnmaitre Abraham,
: donc à ceci, bien qu'il ne le dise pas en propres
aplanis aujourd'hui le chemin devant moi. termes Je cherche une vierge tellement cha-
:

(Gen. XXIV, 12.) Il ne dit pas Seigneur mon : ritable, qu'elle rende tous les services dont elle
Dieu; que dit-il donc? Seigneur, Dieu de tnon est capable. Et ce n'est point sans réflexions
maître Abraham. Je ne suis qu'un misérable, qu'il chercliait une telle épouse mais, étant :

ini objet de rebut; mais je me couvre de mon d'une maison où florissait surtout Ihospitalité,
maître car ce n'est pas pour moi que je viens,
; il voulait avant toute chose trouverune femme
je ne suis que son ministre aie donc égard à ; assortie à l'humeur de ses maîtres. C'est comme
sa vertu, et aide -moi à accomplir jusqu'au bout s'il disait: Nous voulons faire entrer chez nous

la lâche prescrite. un fenuue doul les mains soient ouvertes pour


G. Maintenant, pour que vous n'alliez pas les hôtes, afln qu'il n'y ait pas de guerre et de
croire (ju'il parle en créancier qui réclame querelles lorsiiue le mari fera largesse de son
ce qui lui est dû , écoutez les paroles qui bien à l'exemple de sou père, et accueillera
HOMÉLIES SUR LE MAULN'^iR.. - TROISIÈME IlOMiaiK, 201

les étrangers ce qui arriverait si la femme


: point elle était chaste, et quelle beauté elle
regardante, et ne voulait pas laisser faire,
était avait dans l'àme. C'est une chose adniiiablo
comme c'est le cas dans bien des maisons dès ; que la chasteté ,
mais bien plus admirable en-
maintenant je veux m'assurer si elle est lios- core, quand elle est jointe à la beauté. C'est

pilalitre, car c'est de là que viennent toutes pourquoi l'Ecriture, avant de raconter l'his-
nos pros|>érilés. toire de Joseph et de sa chasteté, parle d'abord

C'est par là ({ue mon maître a obtenu du ciel de ses avantages corporels elle nous apprend
:

celui qu'il va marier, par là qu'il est devenu qu'il était beau et dans tout l'éclat d'une jeu-

père. Il a sacridé un ve ui, et il a reçu un enfant; nesse florissante, et c'est alors seulement qu'elle
il a pétri la farine, et Dieu lui a promis de lui nous entretient de sa chasteté, et fait voir que
donner des descendants aussi nombreux que les cette beauté ne l'avait point [u'écipilé dans l'in-
étoiles. Puis donc que c'est d'une telle source continence. En effet, la beauté ne provoque [.as
que découlent toutes nos prospérités, je re- plus nécessairement la débiuehej que la lai-
cherche cette qualité avant tontes les autres. deur ne fait la chasteté. Beaucoup de femmes
Pour nous, ne nous arrêtons pas à ceci (ju'il ne parées de tous les charmes du corps ont brillé,
demandait que de l'eau considérons plutôt :
grâce à la chasteté, d'un éclat encore plus vif :

que c'est la marque d'un cœur bien hospitalier, tandis que d'autres qui étaient diflormes et re-
de ne pas se borner à donner ce qu'on de- poussantes ont eu dans Tàme encore plus de
mande, muis dolfrir i)ius que ce qui est deman- difl'ormité, et se sont souillées d'innombrables
dé. Ei il arriva C6't/,diirKcriture, qu avant qu'il prostitutions. Ce n'est pas dans le corps, c'est
eût fini de parler, Rcbecca sortait de la ville, dans l'àme et dans la volonté que résident les
et ainsi se trouva accomplie cette parole du Pro- principes de ce vice comme de celte vertu.
l>liète : Tu n'auras pas fini de parler que je 7. Ce n'est pas sans intention qu'il lui applique
dirai: me voici. (Isaïe, lvhi, 9.) deux fois le nom de vierge. Rai)pelez-vous qu'a-
Voilà les prières des hommes vertueux avant : près avoir dit : Cette vierge était très-belle, il

qu'elles soient finies, Dieu a déjà consenti à les ajoute Elle était vierge,
: aucun hummene l'avait
exaucer. Et toi aussi, par consécjuent, lorsque connue. C'est parce qu'il ne mancjue pas de vier-
lu voudr.is te marier, n'aie point r». cours aux ges qui, tout en conservant leur corps intact,
honnnes, ni à ces femmes qui font métier du ouvrentraccès de leur âme à tousles désordres,
malheur dautrui, ne se proposent qu'un
et coquetteries, manèges pour attirer de toutes
but, àsavoir, de ga};nerun salaire. Aie recours parts une foule d'amants autour d'elles, re-
à Dieu. Il ne dédaigne point de présider lui- gards propres à euflanmier les espérances des
même à ton mariage. C'est lui-même qui en jeunes gens, gouffres et embûches de toutes
a fait la promesse en ces termes Cherchez le : pour cela, dis-je, que Moïse, vou-
sortes, c'est
rof/aume des cienx, et tout le reste vous sera lant indiquer (jue liébecca n'était pas semblable
donné par surcroît. (Matlh. vi, 3J.) Et g;irde- à ces mais qu'elle était vierge à la fois de
filles,

toi de dire : Mais comment puis-je voir le Sei- corps et d'âme, prend soin d'ajouter : Elle
gneur? Est-ce (juil peut m'adrcsser la parole, était vierge, aucun homme ne lavait connue.
et s'entretenir avec moi visiblement, de telle Cependant ce n'est pas faute d'occasions qu'au-
façon que je puisse aller à lui et l'interroger? cun homme ne l'avait connue je dis cela d'a- :

Pensées d'une âme sans foi. Un instant sufllt à bord à cause de sa beauté et en second lieu, ;

Dieu, et la parole ne lui est pas nécessaire pour à cause de l'oflice qu'elle remplissait. Si elle
exécuter tout ce qu'il veut: et c'est justement était restée perpétuellement dans sa chambre,
ce qui eut lieu pour le serviteur d'Abiaham. Il comme les jeunesfilles d'aujourd'hui, si elle ne

n'ouïtaucune voix, ne vit aucune apparition. jamais montrée sur la place, si elle n'é-
s'était

Debout auprès de la fontaine, il pria, et sur-le- taitjamais sortie de la maison paternelle, l'é-
champ fut exaucé. // arriva ceci, qu avant qu'il loge eût été moins grand à dire qu'aucun
eût fini de parler, il vit sortir de la ville Rcbecca, homme ne l'avait connue. Mais si vous vous la
fille de Bathuel, fils de Melclta, portant une représentez allant sur la place, obligée de se
cruche sur l'épaule : cette vierge était très rendre chaque jour à la fontaine, une fois,

belle ; elle était vierge, aucun homme 7ie l'a- deux fois et plus, et que vous songiez ensuite
vait connue. Mais à quoi bon me parler de sa qu'aucun homme ne la connut, c'est alors que
beauté? C'est afin que tu comprennes à quel vous comprendrez parfaitement la valeur de
202 TUADUGTiON FRANÇAISE DE SAINT J

l'éloge. On a vu plus d'une jeune fille qui n'é- grité qu'elle a manifesté c^s deux vertus : la
tait ni belle ni gracieuse, et qu'escortaient une chasteté, en attend. ml la demande de l'étran-
quantité de suivantes, perdue néanmoins pour ger; rhospilahté, une ho?pitahlé au-dessus de
avoir passé une fois ou deux sur la place pu- toute louange, en lui fournissant c« qu'il de-
blique. Que direz-vous donc de celle qui sort mandait. Hospitalité au-dessus de toute louange,
chaque jour seule de la maison paternelle, et comment nommer, en effet, celle qui,
ai-je dit;

cela, non-seulement pour aller sur la place, non contente d'accorder ce qu'eu demande,
mais pour se rendre à la fontaine et rapporter offre encore quelque chose de plus. Sans doute,
de l'eau, courses qui l'exposent nécessaire- son présent n'était que de l'eau mais c'est tout ;

ment à mille rencontres? N'est-elle pas vrai- ce qu'elle avait alors sous la main. Or l'usage
ment digne de toute notre admiration, lorsque est de mesurer la générosité des hôtes, non à
ni ces sorties continuelles, ni les charmes qui la richesse de leur don, mais aux ressources
l'embellissent, ni les passants quis'otïrent par- sur lesquelles ils le prélèvent. C'est ainsi que
tout à sa vue, rien, en un mot, ne peut porter Dieu a loué l'homme (jui avait donné un verre
atteinte à sa pureté ; lorsqu'elle sait maintenir d'eau fraîche, et a dit que la femme qui avait
son âme et son corps à l'abri de la corruption, offert deux petites pièces de monnaie avait
garder plus strictement la chasteté que les donné plus que personne, parce qu'elle avait
femmes qui restent enfermées chez elles, se sacrifié tout ce qu'elle possédait alors. De même
montrer enfin pareille à celle que Paul de- Pu becca fit largesse à ce brave étranger de
mande en ces termes : Qu'elle soit sainte de corps tout ce qu'elle avait à lui offrir. Ce n'est pas
et d esprit ? (I Cor. vu, 34.) Etant donc des- sans intention que le texte emploie ces expres-
cendue à la fontaine^ elle remplit d'eau sa cru- sions : elle se hâta, elle courut, et autres sem-
elle et remonta. Alors le serviteur courut à sa blables; c'est pour montrer le zèle avec lequel
rencontre et lui dit : Laisse-moi boire un peu à elle agit en personne qui n'est ni contrainte,
ta cruche. Elle répondit: Bois., seigneur et elle .^
ni forcée, qui agit sans hésitation ni répu-
s'empressa de prendre sa cruche sur son bras, gnance. Ceci n'est pas insignifiant: n'avons-
et elle lui donna à boire jusqu'à ce qu'il fût dé- nous pas vu plus d'une fois un passant que
saltéré. Puis elle ajouta : je puiserai aussi pour nous priions de s'arrêter un instant et de nous
tes chameaux., jusqu'à ce que tous aient bu. Et laisser allumer notre torche à la sienne, ou de
elle s'empressa de vider sa cruche dans l'abreu- nous donner, pour nous désaltérer, un peu de
voir : et elle courut au puits afin de tirer de l'eau l'eau qu'il portait, s'y refuser et nous repousser
pour tous les chameaux. (Gen. xxiv, 10-20.) avec brusquerie? Rébecca, au contraire, non
Grande élaitla charité de cette femme, grande contente d'incliner sa cruche en faveur de l'é-
sa chasteté ces deux points sont bien établis,
;
tranger, va juscju'à prendre la peine de puiser
tant par ses actions que par ses paroles. Vous de l'eau pour tous les chameaux, mettant ainsi
avez vu comment sa chasteté ne nuisait point avec la plus grande bonté, sa personne même
en elle à la charité, comment d'autre part la au service de la chariié. Ce n'est pas seulement
charité ne compromettait point sa chasteté. Ne son action, mais encore son empressement qui
s'être point précipitéeau-devant de l'étranger, témoigne de sa vertu; elle appelle seigneur
ne première, voilà pour
lui avoir i)oint parlé la un inconnu qu'elle voit pour la première fois.
la chasteté; n'avoir point résisté jiar signes ou Et de même <]ue son futur beau-père Abraham
paroles à sa demande, c'est le fait d'une cha- ne demandait pas aux voyageurs qui éles- :

rité et d'une humanité peu communes. En vous?de quelle famille? où allez-vous? d'où
cfTet, de même
qu'elle aurait fait paraître de venez-vous? et prolit.ul sans relard de l'occa-
de l'impudence si elle était allée
l'effronterie et sion offerte à sa charité; de même Rébecai ne
à sa rencontre ou lui avait parlé avant ([u'il eût demanda pas: (jui es-lu? de quelle famille?
rien dit; de même, si elle l'avait repoussé quel est le motif qui t'amène? mais pressée de
quand il invoquait son assistance, elle se serait saisir l'aubaine qui se présentait à son zèle,
montrée dure et inhumaine. Mais elle sut évi- elle négligeait toutt s ces questions superflues.
ter ces deux écueils la chasteté ne la pas
: Ceux (pii achètent des perles afin de
les échan-

rendue inlidèle aux lois de lliospilalité; son ger contre de ne songent qu'à s'enrichir
l'or

liospitalité n'a pas su davantage diminuer les aux dépens des acheteurs, et non à les impor-
éloges dus à sa chasteté c'est dans leur inté- ; tuner de questions curieuses. Ainsi Rébecca ne
HOMÉLIES Srn le mariage — TROISIÈME HOMÉLIE. 203

pense qu'à recueillir le fruit de l'hospitalité, tience et de douceur, elle dit le nom de son
qu'à recevoir entière la récompense proposée. père. Elle aurait pu se fâcher et répondre Mais :

Elle n'i{j:norait pas que les étrangers pèchent toi, qui es-tu donc, indiscret, qui t'encjuiers si
moins que personne par excès d'audace; ils curieuFement de notre maison? Au lieu de cela,
ont hcsoin d'un accueil empressé qu'un excès ellerépondit Je suis fille de Bathuel , fils de
:

de réserve ne vienne pas refroidir; si nous Melcha, qui l'est de Nachor. Il y a chez nous
nous avisons de les obséder de (iiieslions iii- de la paille et du fourrage en abondance, et un
di>crètcs, ils s'eiïarouchent, ils se dérobent, ils endroit pour les hôtes. (Ib. v, 24, 25.) Encore
ne viennent plus à nous qu'à regret. Aussi s'en cette fois, comme lorsqu'il s'agissait de l'eau,
garda-t-elle bien dans cette occurrence, et son donne plus qu'il ne demandait. Alors il
elle lui
beau -père de même, quand il recevait des ne demandait qu'à boire elle lui offrit de dé- :

hôtes; il craignait trop d'efl'rayer le gibier; il saltérer ses chameaux et les désaltéra en effet.
se contentait de donner ses soins au voyageur, C'est la même demandait seu-
chose ici : il lui
et quand il avait tiré d'eux le profit désiré, lement s'il y avait de la place pour les hôtes,
alors il les congédiait. elle lui apprend qu'il y a de la paille, du four-
8. C'est pour cela qu'il reçut un jour des rage et le reste , le tout afin de l'engager, de
anges dans sa maison s'il les avait pressés de : l'attirer à la maison , et de recueillir ainsi le
questions, récompense eût été diminuée
sa prix de l'hospitalité.N'écoutons pas ceci à la
d'autant. En effet, ce que nous admirons en légère, ni par manière de distraction, mais son-
lui , ce n'est pas qu'il ait reçu des anges , c'est geons à nous-mêmes mettons-nous à la place ,

qu'il les ait reçus sans les connaître. S'il leur des personnages , c'est ainsi que nous appré-
avait donné ses soins à bon escient, il n'y au- cierons la vertu de Rébecca. Souvent, quand il
rait là rien de surprenant; la dignité de tels nous faut héberger des amis, des connaissan-
hôtes aurait rendu courtois et humain l'homme ces, nous nous y prêtons à regret, et si leur sé-
le plus dur et le plus insensible. Ce qu'il faut jour se pro'onge durant une ou deux journées,
admirer, c'est que, les prenant pour des voya- nous voilà de mauvaise humeur. Rébecca n'a-
geurs vulgaires il leur ait prodigué des soins
, vait affaire qu'à un étranger, un inconnu;
si empressés. Rébecca fut digne d'Abraham : cependant elle met tout sou empressement à
elle ignoraitle nom du serviteur, le butdeson l'attirer dans sa maison, et cela, sachant bieni
voyage, Tintention qu'il avait de la demander qu'elle sera obligée de non- donner ses soins,
en mariage ne voyait en lui qu'un voya-
: elle seulement à lui , mais encore à ses chameaux.
geur et un étranger. Aussi la récompense de sa Le serviteur entre remarquez une nouvelle et
:

charité fut-elle d'autant plus grande, (ju'elie plus forte preuve de son intelligence. Elle lui
avait accueilli avec une bienveillance parfaite offre du pain Je ne mangerai pas, répond-il,
:

un homme absolument inconnu, tout en res- avant d'avoir dit ce que fai à dire.
tant fidèle aux lois de la chasteté. Ni effronte- Voyez-vous cette activité, cette tempérance?
rie^ ni hardiesse, ni excès d'instances, ni mau- On l'invite à parler considérons le langage :

vaise humeur : elle sut remplir son office sans qu'il tient. Va-t-il leur dire qu'il a un maître
se départir de la réserve convenable. C'est à de haut rang, universellement honoré, le pre-
quoi Moïse fait allusion en disant; L'homme la mier personnage sans contredit, de la contrée
,

considérait en silence , afin de s'assurer si le qu'il habite s'il eût voulu parler sur ce ton, il
;

Seigneur avait béni son voyage. (Gen. xxiv, 21.) n'aurait pas été embarrassé. En effet, les gens
Que veut dire ceci Il la co?isidé/'ait ? Ce\a.\eut
: du pays honoraient Abraham à l'égal d'un roi.
dire qu'il observait son maintien sa démarche, , Mais ne dit rien de pareil; il passe sur ces
il

sa physionomie, son langage, tout enfin avec titreshumains, et c'est de la faveur divine qu'il
un grand soin, cherchant à lire dans ses gestes décore Abraham en disant Je suis serviteur :

•le secret de son âme. Ce n'est pas tout il veut : dWbraham, le Seigneur a comblé mon maître
recourir encore à une autre épreuve. Lors- de ses bénédictions et il a été exalté; et il lui
,

qu'elle l'eut désaltéré, il ne s'en tint pas là, et a donné des brebis et des bœufs de l'or et de ,

lui dit: Fais-tnoi savoir de qui tu es la fille: Vargcnt. (Gen. xxiv, 34, 35.) S'il fait mention
y a-t-il dans la maison de ton père un lieu de ces richesses, ce n'est point pour montrer
où je puisse descendre ? Gen. xxiv 23. ( ,
)
qu'Abraham est dans l'aisance mais pour faire ,

Quelle est sa réponse? Avec beaucoup de pa- voir qu'il est aimé de Dieu ce n'est pas de les ;
20i TRADUCTION FRANÇAISE DE SAINT JEAN CHRYSOSTOME.

posséder qu'il le loue, mais de les avoir reçues eCTet,essayon?-nous de f ire <iuelqiiecho«e sans
de Dieu. Il arrive ensuite au jeune homme ; son appui, ce qui semblait tout simple et tout
Et Sa?'a, femme de mon maître, lui a donné aiséne nous offre plus que précipices, qu'a-
un fds alors quil était déjà vieux. Ici il veut bîmes, que chances contraires. Au contraire
appeler l'atlention sur le miracle de cette nais- quand il est avec nous et qu'il nous assiste, le
sance, en la représentant bienfait de comme un projet le plus difficile à exécuter réussit comme
la faveur divine en dehors des lois de la na-
, de lui-même. En conséquence, n't'ntrei>renons
ture. Et pareillement, si quelqu'un de vous rien, ne disons rien, sans avoir d'abord invoqué
cherche une femme ou un mari qu'il examine ,
Dieu, et l'avoir prié de mettre la main lui-
avant tout si la personne qu'il a en vue est ai- même à ce qui nous occupe , ainsi qu'a fait le
mée de Dieu si la bonté céleste lui prodigue
, serviteur.
ses faveurs. Car si cela se trouve en elle, tout 9. Voyons maintenant, la demande accordée,
le reste s'ensuit dans le cas contraire possé-
:
,
comment se firent les noces. Traîna-t-il der-
dât-elle la plus belle fortune et la mieux assu- rière lui des joueurs de c>imbales, de flûte,
rée, c'est comme si elle n'avait rien. En«;uite le des danseurs, des tambours, et tout cet appa-
serviteur, afin qu'on demande pas: ne lui reil que l'on connaît? Rien de tout cela :

Pourquoi n'a-t-il pas épousé une femme de son seule il avait reçu Rébecca, seule il l'em-
pays? ajoute aussitôt après: Mon maître m'a mena, sans autre compagnon que lange qui
fait prêter serment et il m'a dit: Tu ne don- lui faisait escorte, en accomplissement de la

neras pas pour femme à mon fds une des filles prière qu'Abraham avait faite à Dieu, de pro-
des Chananéens ; mais tu te rendi^as dans la léger voyage de son serviteur, quand il au-
le

maison de mon père, et dans ma tribu, et tu choi- rait quitté la maison. Et la jeune femme était
siras là une épouse pour mon fds. (Gen. xxiv, conduite à son éj»oux, sans qu'elle eût en-
37, 38.) Mais je ne veux pas vous rapporter ici tendu ni flùle, ni lyre, ni autres instruments ,

toute l'histoire, de peur que aous ne me trouviez mais la tête toute chargée de bénédictions cé-
importun. Arrivons donc à la fin. Quand il eut lestes, couronne supérieure en éclat aux plus
raconté comment il s'était arrêté à la fontaine, riches diadèmes. Elle était conduite à son
comment il avait fait une prière à la jeune époux, parée non de tissus d'or, mais de chas-
fille, comment elle lui avait donné plus qu'il ne teté, de piété, de charité, de toutes les vertus

demandait, comment Dieu avait été son média- enfin. Elle était conduite à son époux, non sur un
teur; enfin, quand il eut tout narré dans le char couvert, ni sur quelque autre siège d'appa-
plus grand détail, il finit alors de parler. Les rat, mais sur le dos d'un chameau. C'est qu'a-

autres, après avoir entendu ce récit, n'hési- lors, indépendanunent de leurs vertus, les
tèrent plus un instant, et sans faire attendre jeunes filles avaient un tempérament robuste.
leur réponse, comme inspirés par Dieu lui- En eflel , leurs mères ne les élevaient pas
même, ils accordèrent leur fille sur-le-champ. connue c'est la mode aujourd'hui, et ne com-
Ceci est l'ordre de Dieu, répondirent Laban et promettaient point leur santé à force de bains,
Bathuel, nous ne pouvons donc dif^jntter contre de parfums, de fard, de vêtements moelleux ,
toi. Voici Ih'bccca cnunènc-la et pars; et
,
enfin par mille autres superfluités propres
qu'elle soit la femme de ton maître, suivant la seulement à les amollir au contraire ellts; ,

parole du Seigneur. (Gen. xxiv, 50, 51.) Qui ne les soumettaient aux plus rude? épreuves.
s'étonnerait? (jui ne resterait IVapiié de sur- Aussi avaient-elles une beauté florissante et ,

prise, en songeant au nombre et à la gravité de bon aloi, attendu qu'elle devait tout a la na-
des obstacles levés ainsi dans un instant ? L'en- ture et rien à l'artifice. Aussi jouissiiient-elles
voyé était un étranger, un serviteur; la dis- d'une santé à l'abri de toute atteinte, et leurs

tance à parcourir était considérable; ni le jeune grâces étaientH-lles incomi»;Hables, parce que
homme, ni son pèie, ni aucun de ses pannls leur corps n'était jamais iiiconnnode par la
n'était connu. C'était as:ez d'une de ces diffi- nialadie et que la mollesse leur était inconnue.
cultés pour empêcher le mariage rien ne l'em- ; En clfet, les peines, les fatigues, l'habiUide de
pêcha pourtant, et connue si ls;'.ae élail un voi- faire tout par soi-même, en chassant la mol-
sin, une connaissance, un ami du prcniierjour, lesse, donnent une force, une santé inébran-
ils lui donnent leur fille avec une entière con- lable. Par là on les rendait plus capables d'ins-
fiance: c'est que le médiateur élail Mien. Kn pirer aux honmies la tendresse et l'amour; car
HOMÉLIES SUR LE MARLVGE. - TROISIÈME HOMÉLIE. f05

ils trouvaient en elles, non-seulement plus de cette magnificence diabolique, et tout ce qui
peifeitions corporelles, mais encore plus de peuty ressembler: qu'ils prient seulement Dieu
qualilcs moraks tt plus de sagesse. Elle était d'être leur médiateur dans toutes leurs démar-
donc sur un chameau, ; arrivée dans le voisi- ches. Si nous menons toujours ainsi nos aflai-
nage, avant qu'elle fût proche de la maison, ros,il n'y aura ni divorce, ni soupçon d'adultère,
elle leva les yeux, vit Isaac, et sauta à bas du ni molif de jalousie, ni batailles, ni querelles,
chameau. Voyez-vous cette force? voyez-vous mais nous goûterons toutes les douceurs de la
cette agilité ? elle saute à bas d'un chameau. paix et de la concorde, auxquelles viendront
Telle était la vigueur qui se joignait à la sa- nécessairement se joindre toutes les vertus. De
gesse, chez les filles de ce temps 1 et elle dit au même que, lorsque l'homme et la femme sont
serviteur Quel est cet homme qui s'avance
: divisés, tout s'en ressent dans la maison, quand
dans la plaine ? Le serviteur répondit Mon : bien même toutes les autres affaires iraient à
maître. Alors, prenant son voile, elle s' en enve- souhait : de même, lorsquela paix et la concorde
loppa. (Gen. XXIV, 03.) Reconnaissez partout sa régnent ,tout prend du charme, quand bien
chaslelé, contemplez sa jaideur et sa modestie. même l'orage éclaterait cent fois par jour. Si
Et Isaac la reçut pour ftmme, et il la chérit., et l'on se marie comme je ledemande, il sera bien
elle adoucit le chagrin qu'il avait eu de la mort facile d'amener les enfants à la pratique de
de sa mère Sara. (Gen. xxiv, 67.) Ces mots, il la vertu. En admettant que la mère soit ce que
la chérit., elle adoucit le chagrin qu'il avait eu j'ai dit réservée, chaste, riche de toutes les
:

au sujet de sa mère., ce n'est pas pour rien que vertus, certes elle sera bien en état de gagner
je les cite ;
j'ai voulu vous faire entendre son mari et de le maîtriser par la tendresse
quels charmes Rébecca avait apportés de chez qu'elle lui inspirera ; et quand elle l'aura ga-
elle pour mériter tant de tendresse et d'a-
,
gné, elle trouvera en lui un auxiliaire plein de
mour. Et qui aurait pu ne pas chérir une zèle pour l'éducation de ses enfants. Elle amè-
femme si sage, si réservée, si humaine, si cha- nera ainsi Dieu lui-même à partager sa sollici-
ritable et si douce, une femme si virile par le tude. Alors, Dieu lui-même prêtant son assis-
cœur, si robuste par le corps? Ce que j'en ai tance à ce ménage si bien dirigé, cultivant
dit n'est point pour me faire écouter ni pour , lui-même âmes des enfants, tous les ennuis
les
obtenir vos éloges, mais pour exciter votre auront disparu tout sera pour le mieux dans
;

émulation. Vous, pères, imitez la sollicitude la maison, comme dans l'âme des maîtres, et
que montra le patriarche, afin de faire épouser chacun pourra de la sorte, avec sa maison,
à son fils une femme vraiment vertueuse ; il j'entends avec sa femme, ses enfants et ses ser-
ne rechercha ni la fortune, ni la noblesse, ni viteurs, parcourir sans danger jusqu'au bout
la beauté, ni aucun autre avantage que l'excel- sa carrière terrestre, et entrer ensuite dans le
lence de l'âme. Vous, mères, c'est dans celte royaume des cieux, bonheur que je vous sou-
pensée que vous devez élever vos filles. Quant haite à tous d'obtenir, parla grâce et la charité
aux jeunes gens qui voudiont les prendre pour de Noire-Seigneur Jésus-Christ , avec lequel
femmes, qu'ils célèbrent leurs noces avec la gloire et puissance ,au Père et à l'Esprit saint
même décence; loin d'eux les danses, les éclats et vivifiant, maintenant et toujours, et dans
de rire, les propos grossiers, les flûtes, et toute les siècles des siècles. Ainsi soit-iL
I

I
HOMELIE SUR CETTE PAROLE DE L'APOTRE :

« Je ne veux pas que vous ignoi^iez, mes fr^ères, que nos


pèr-es fur^ent tous sous la. nuée et qu'ils ti^aveirsèirent ,

tous la mer'. » (I Coir. X, 1.)

AVERTISSEMENT.

Nous ne savons rien touchant la date de cette homélie. Seulement deux passages de l'exorde attestent qu'elle fut prononcée pn
été, et le lendemain du jour où Chrysostome avait loué saint Barlaam. C'est à Antioche que se célébrait particulièrement la fêle
de ce saint d'où l'on peut induire que la présente homélie fut prononcée dans la même ville. S. Chrysoslouie s'y propose d'y
:

démontrer que les événements accomplis sous l'ancienne Loi sont comme des figures et des présages de ce qui devait arriver
sous l'empire de la Nouvelle. Il attaque incidemment les erreurs de Marcion, de Manichée, de Paul de Somosate, et termine en
sollicitant l'iateiceision des saints.

ANALYSE.

1» Pourquoi saint Paul a recours à l'.Xncien Testament, et non au Nouveau pour faire redouter aux pécheurs les châtiments qu'ils
ont mérités. —
Comment les prédictions peuvent être conlirraêes par les exemples empruntés au passé.
20 Que le Dieu de l'Ancien Testament et Celui du Nouveau sont un seul et même Dieu. — Réputation de Marcion et de Manichée.
3" Le passage de la mer Rouge, figure du baptême.
4" En quoi la figure ou le symbole diffère de la vérité.
5° Figure de la Sainte Table dans l'ancienne Loi. —
Hérésie de Paul de Samosate.
6° Autres rapports entre la vie des Juifs dans le désert et ce qui se passe aciuellement dans l'Eglise.
7» CoDclusiOQ et exhortation.

4. Les mers que les marins préfèrent à toutes eux, que l'apparition d'une cime de montagne
les autres sont celles où les ports et les îles se à l'horizon, qu'une fumée qui s'élève, un trou-
trouvent en abondance. Une mer sans port, peau qui paît sur le penchant d'une colline.
quand bien même calme y régnerait, est un
le Néanmoins, c'est seulement quand ils arrivent
sujet d'effroi pour ceux qui la sillonnent; mais au port qu'ils goûtent une joie sans mélange.
s'ils aperçoivent des ports, des rivages, des Alors ils déposent la rame, alors ils arrosent
plages de toutes parts, ils naviguent alors avec d'une eau douce et pure leurs corps imprégnés
une entière sécurité. L'onde a beau s'émouvoir du sel de l'onde amère, alors ils descendent
un instant, conune il leur suffit d'uu moment sur le rivage, et une heure de sommeil sur
pour trouver un abri, ils comptent écbapper terre leur fait oublier toutes les épreuves de
sans peine et sans retard aux maux suspendus la navigation. Or, de même que ces hommes
sur leurs tètes. Par la même raison, quand se plaisent sur les mers dont j'ai parlé, à cause
bien même le port est dans le lointain, et non des fréquentes occasions de repos qu'ils y trou-
dans le voisinage, il leur sufût de l'apercevoir vent; aitisi je sens, moi aussi, une préférence
puur éprouver un grand soulagement. Ce n'est pour la saison où nous sommes; non point
pas, eu effet, un médiocre encouragement pour parce que nous sommes délivrés de l'hiver, ni
208 TRADUCTION FIi\NÇAISE DE SAINT JE.\N CHRYSOSTOME.

parce que Télé fait souffler sur nous la douce l'exemple de quelques - uns d'entre eux, aînst
haleine du zéphyr, mais parce que les ports : Le peuple s'assit pour manger
qu'il cit écrit

spirituels ne cessent de s'ouvrir à nous, j'en- et pour boire, et ils se levèrent pour se divertir.
tends par là les l'êtes des saints martyrs. En Ne commettons pas la fornication, comme ont
efl'ct, les ports ne relèvent pas tant le courage fait quelques-uns d'entre eux; et dans un seul
des nautonniers que les tètes de ces saints ne jour il en tomba vingt-trois mille. Ne tentons
raniment celui des fidèles. Le port ne délivre pas le Christ, comme ont fait quelques-uns
le marin que de la fureur des vagues et des d'entre eux, et ils périrent par les serpents. Ne
fatigues de la rame; mais ceux qui assistent murmurons pas, comme ont murmuré quel-
aux solennités en l'honneur des martyrs sont ques-uns cT entre eux, et ils ont été frappés par
dérobés par cette commémoration aux esprits lange exterminateur. (I Cor. x, 4, dO; Exod.
mauvais et impurs, aux pensées déréglées, aux xxxii, 6.)
tempêtes qui agitent Tâme. Les afiaires publi- Ces paroles semblent claires, et pourtant
ques, celles de sa maison, l'accablent de tiis- elles suggèrent certains doutes assez embar-
tesse; il est entré ici traînant après lui sa peine; rassants à ceux qui réflLchissent. En effet, il y
il s'en va soulagé, tranquille, dispos; content, a lieu de rechercher d'abord pourquoi il a
non ou lâché le gouver-
d'avoir quitté la raine rappelé ces vieilles histoires, par quelle asso-
nail,mais d'avoir déposé l'incommode et pe- ciation d'idées, parlant des sacrifices offerts
sant fardeau des ennuis de la vie, et de sentir aux idoles, il se jette nous
dans ce récit qui
son âme se rouvrir à la joie. transiiorte au milieu du désert. En effet, ce
Je vous en atteste, vous tous qui, dans la bienheureux n'a pas l'habitude de parler à la
journée d'hier, avez joui des épreuves du bien- légère ni au hasard au contraire, il a toujours
;

heureux Barlaam. Pleins de sécurité, vous soin de mettre beaucoup de suite et un exact
vous êtes jetés dans ce port, vous vous êles enchaînement dans ses discours. Que se pro-
purifiés des amères souillures de la vie, et vous pose-t-il donc, et d'où vient qu'il se jette dans
avez revu votre maison, allégés par le tableau ce récit? Il réprimandait ceux qui allaient
de tant de vertus. Et voici que nous allons étourdiment et sans réflexion vers les idoles,
avoir bientôt d'autres martyrs à célébrer. Mais et goûtaient aux victimes offertes sur leurs au-

en attendant que nous courions nous abriter tels sacrilèges et après avoir montré que ces
;

dans ce nouveau port, imitons les matelots; ils imprudents encouraient double dommage, en
chaulent pour charmer les ennuis de la tra- scandalisant les faibles, et en se rendant eux-
versée; do même, en attendant cpie nous soyons mêmes convives des démons, après avoir suf-
au port, éciiangeons entre nous quelques dis- fisannnenl humihé leur orgueil par ses pre-
cours s[)iriluels. Le bienheureux Paul sera mières paroles, après leur avoir montré que le
notre guide dans ce pieux entretien, et nous fidèle ne doit pas songer à lui seulement, mais

Je suivrons partout où il lui plaira de nous con- encore au grand nombre, afin d'augmenter
duire. Quel est donc ce chemin qu'il nous indi- encore leur elïroi, il leur remet en ménioiredes
(jue? Le chemin qui traverse le désert, ce lieu faits passés depuis longtemps. Voyant (jue les
illustré par tant de miracles. Aujourd'hui même Corinthiens étaient Irès-fiersd'être fidèles d'être ,

vous avez entendu Paul élever la voix et dire : délivrés de l'erreur, initiés à la doctrine, associés
Je neveux pas que vous ignoriez, 7}ies frères, aux ineffables mystères, appelés au royauniedes
fjue tous nos pères étaient sous la nuée et que cieux, et voulant leur prouver que tout cela
tous ont traversé la mer, et que tous ont été ne sert de rien, si leur conduite publicjue n'est
Iniptisés en Moïse, et que tous ont mangé le pas eu harmonie avec ces grâces exception-
même aliment spirituel, et que tous ont bu le nelles, il a recours, pour les en convaincre, à
même breuvage spirituel. Car ils buvaient à la l'histoire des anciens temps.
pierre spirituelle qui les suivait; et cette pierre ^1. Mais même ceci soulève encore de nom-
était le Chribt. Mais Dieu ne se complut point breuses questions. Pounjuoi ne se sert-il pas
dans la plupart d'entre eux, car ils furent ter- avec eux des paroles du Christ consignées dans
rassés dans le désert. Et ce sont là des figures l'ENangile? Pourcpioi ne leur parle-l-il pas de

pour que )ious ne désirions pas les choses mau- lagéhenne, des ténèbres extérieures, du ver ve-
vaises, ainsi que ces hommes les ont désirées, et nimeux, des chaînes éternelles, du feu allumé
pour que nous ne devenions pas idolâtres, à pour le diable et pour ses anges des grince- ,
SUR .<:E texte : JE NE VEUX PAS QUE VOUS IGNORIEZ, ETC. Î09

ments de dents, et autres supplices inexprima- les choses qui se rapportent au règne de la
bles? S'il voulait les effrayer, il aurait dû re- grâce? Ce n'est pas sans réflexion ni sans motif
courir à ces châtiments d'un ordre supérieur, qu'il a pris ce parti car il était plein de sa-
;

et non pas à ceux qui turent infligés dans le gesse. Mais quel a pu donc être son motif ou
désert. En effet, les coupables d'alors , s'ils fu- son but? Il y en a deux d'une part, il voulait
:

rent punis, le furent avec moins de rigueur et rendre sa réprimande plus efficace, et, de Tau-
sur le coup, et tout fut terminé dans un jour ; ire, montrer la parenté des deux Testaments.

au lieu que les damnés subiront des peines En effet, on voit beaucoup de gens qui ne
étemelles en même temps que plus rigoureu- croient pas à la géhenne et n'admettent pas ,

ses. Pourquoi donc a-t-il choisi cet exemple même l'existence du châtiment; ils croient
afin d'effrayer, au lieu de rappeler les paroles que Dieu n'a proféré ces menaces que pour
du Christ? En effet, rien ne l'empêchait de nous faire peur et nous corriger; et de là, selon
leur dire Je ne veux pas que vous ignoriez,
: eux, le ver éternel, le feu inextinguible, les té-
mes frères , les lois que le Christ a édictées au nèbres extérieures mais ils ne peuvent révo-
;

sujet de ceux qui, ayant la foi, n'auront pas quer en doute les faits qui se sont passés.
une vie sans reproche. Ne voyez-vous pas qu'il Car, comment prétendre que ce qui est arrivé
a exclu du royaume des cieux des gens qui n'est point arrivé en effet? Les choses que per-
avaient fait des miracles et se montraient pro- sonne n'a vues, qui ne se sont point réalisées
phètes, lorsqu'il a dit Beaucoup me diront dans
: visiblement, rencontrent beaucoup d'incré-
ce jour : Seigneur^ Seigneur , n'est-ce pas en dules. Mais les faits, les événements accomplis,
votre nom que nous avons chassé des démons^ il n'y a pas un être , si incapable et si stupide
n'est-ce pas en votre nom que nous avons pro- qu'il soit, qui puisse, quand il le voudrait, en
phétisé, et que nous avons fait beaucoup de nier la réalité. L'Apôtre part donc des faits bien
miracles ? Et alors je leur dirai hautement : reconnus, des faits accomplis, de ceux dont il
Retirez-vous de moi, je ne vous connais pas, reste beaucoup de traces, afin de convaincre les
artisans d'iniquité! (Matth. vu, 22-23.) Ce qu'il coupables de l'exacte justice de Dieu. C'est à peu
reprochait aux vierges, ce n'était pas de man- près comme s'il disait Si tu doutes de la gé- :

quer de foi ou d'être infidèles aux dogmes; henne ,du châtiment, du supplice et que ce ,

c'est à cause de leur vie dissolue, de leur inhu- soient là, à tes yeux, desimpies menaces de
manité de leur dureté, qu'il leur interdit la
, Dieu, repasse dans ton esprit les faits passés, et
chambre nuptiale. (Matth. xxv, 10-12.) S'il a fait apprends ainsi à croire à ceux qui doivent arri-
lier et mettre à la porte T homme revêtu d'ha- ver. En effet, si c'est le même Dieu qui régnait
bits sordides (Matlh.xxu, 11-13), ce n'est point alors et qui règne aujourd'hui, au temps de la
comme manquant d'orthodoxie, mais comme grâce, comme au temps de l'ancienne loi,
vivant dans la fange de l'impureté. De même, comment admettre qu'il ait alors puni et livré
ceux qu'il a condamnés au feu préparé pour le au supplice les pécheurs et qu'aujourd'hui il ,

diable et ses anges ne furent pas envoyés par


, nous fasse grâce à nous qui sommes encore
,

lui à ce supplice comme ayant abandonné la plus criminels? Réponds-moi Les Juifs ont :

foi, mais comme n'ayant jamais eu de pitié forniqué, et ils ont été châtiés? Ils ont mur-
pour personne. Paul eût pu rappeler ces faits muré, et ils ont été punis. Il faut bien que tu
avec ceux qui s'en rapprochent, et dire Je ne : m'accordes cela. Eh bien ! comment Celui lui
veux pas que vous ignoriez, mes frères, que a puni ces téméraires pourrait-il excuser ( hcz
tous ces gens-là avaient reçu le baptême, par- toi des fautes analogues? Cela serait absurde.
ticipé aux mystères, montré beaucoup de foi Mais tu n'as pas été puni ici-bas ? Pi nson de
et acquis une science profonde; néanmoins plus pour que tu croies aux supplices de la
comme leur vie ne répondait pas à leur foi, ils géhenne, puisque tu n'as pas été puni '.;n^ ce
furent exclus du royaume et livrés au feu. monde. En effet, si quelque châtimeal m- t'a..-
Pourquoi donc, au lieu de parler ainsi, au lieu tendait pas dans l'autre vie, tu ne serais pus
de citer ces exemples, a-t-il mieux aimé dire demeuré impuni après avoir commis les
,

quelque chose comme ceci Je ne veux pas : mêmes fautes que ces anciens pécheurs.
que vous ignoriez mes frères, que nos pères
, Par conséquent, s'il t'arrive de rencontrer,
ont tous été sous la nuée et leur rappeler le , un voluptueux, un libertin, un homme adonné
récit de Jloïse en passant d'abord sous silencft
, sans nulle pudeur à tous les dérèglements, et

To:ii£ IVj
210 TRADUCTION FRANÇAISE DE SAINT JEAN CHRYSOSTOME.

que tu l'entendes traiter le châtiment et la il l'a délivré de toute crainte et de toute an-
géhenne de pures fables de simples menaces , goisse. Mais le premier venu , le moins intel-
proférées par Dieu pour nous intimider, tiens- ligent des hommes ne tomberait pas dans
lui ce langage : Mon ami, tu ne crois pas à une faute aussi grossière, à plus forte raison
l'avenir ,
parce qu'il n'est pas visible ,
parce Paul, dont la sagesse était si grande. Il faut
que nous ne l'avons pas sous la main, parce donc reconnaître que c'est un seul et même
que nos regards ne l'atteignent pas. Mais quand Dieu qui a frappé les Juifs dans le désert, et
il s'agit de faits passés et accomplis, le doute qui punira un jour ceux d'entre nous qui au-
6st-il encore possible ? Songe un peu à Sodome ront péché. En effet ,
je le répète , si ce n'était
et à Gomorrhe, Si cette contrée fut condamnée pas un seul et même Dieu, Paul ne se fonde-
à un châtiment si terrible, c'est simplement sur les actes du Dieu de l'ancienne loi
rait pas
parce que les habitants de ces villes avaient pour nous effrayer sur l'avenir qui nous at-
donné l'exemple de liaisons illégitimes, d'a- tend mais, parce que c'est un même Dieu, il
;

mours défendus, et avaient bouleversé les lois n'y a pas moyen de réfuter Paul quand il me-
de la nature. Comment donc admettre que nace coupables du châtiment et leur montre
les
Dieu, toujours même
alors et aujourd'hui,
le qu'ils doivent craindre et trembler car. :

coupables sans miséricorde,


ait alors châtié ces Celui qui a puni nos pères de leurs péchés ne
et que toi , qui as péché après eux , toi bien fera pas grâce à leurs fils , coupables des
plus condamnable et digne d'un bien plus mêmes infractions.
grand châtiment, puisque tu as eu part au Mais il faut revenir au commencement
bienfait de la grâce, et que tu n'as pas été cor- même du récit scrupuleusement
et peser
rigé par cet épouvantable exemple, que toi, chaque mot. Je ne veux pas que vous ignoriez^
dis-je, tu échappes à la punition qui t'est due? frères. Il appelle les disciples frères, non en :

3. Voilà pourquoi Paul évite de parler d'abord raison de leur dignité, mais en raison de sa
de la géhenne parce que les choses futures
, charité. Il savait, en effet, il savait à merveille
sont loin de trouver toujours créance, et ne se que rien n'égale cette vertu, et que la plus
sert que de faits passés et bien établis pour haute dignité réside dans la plus grande cha-
corriger ceux à qui il s'adresse. C'est que, si rité. Premier exemple offert à notre émula-
l'avenir est plus terrible , le passé est plus tion. Quelque supériorité que nous puissions
croyable aux yeux des hommes mal instruits, avoir sur ceux à qui nous parlons, donnons-
et ,
par conséquent ,
plus propre à leur inspi- leur desnoms qui marquent notre sollicitude
rer de la crainte. Aussiargu- il emprunte ses pour eux, qu'ils soient libres ou esclaves,
minls à des faits contre lesquels le plus témé- riches ou pauvres. En effet, ce ne sont pas
ratie n'oserait s'inscrire en faux, et en même seulement les riches d'entre les Corinthiens,
temps il porte un coup mortel â Marcion, à ni les hommes libres ni les hommes émi-,

Wanès et à tous ceux qui partagent leur inlir- nents , ni les hommes distingués mais encore ,

mité. Je m'explique Si le Dieu de l'Ancien :


les simples particuliers , les valets , tous les
Testament n'est pas le Dieu du Nouveau, si que Paul honore indistinctement
fidèles enllu,
TAuleur de la vieille loi n'est pas le même qui de ce nom. C'est qui! n'y a en Jésus-Christ ni
devait prouuilguer la nouvelle, ô Paul, tes pa- esclave, ni homme libre, ni barbare, ni scythe,
roles sont inutiles, tu n'inspires aucune crainte ni savant, ni ignorant toute l'inégalité des ; là,
à tes auditeurs. Car celui qui t'écoute peut conditions mondaines disparaît. Et (ju'y a-t-il
t'objecter que si ces dieux sont deux dieux d'étonnant à ce que Paul ait ainsi dénonnné
difTérents que nous servons ne nous ju-
, celui ses compagnons d'esclavage quand son Maître
gera pas d'après de l'autre et ne se
les décrets lui-même a rendu le même honneur à notre
conformera pas aux mômes lois. En quoi les nature en disant J'annoncerai ton nom à mes
:

cliàtiuients qu'il a plu au Dieu de lancienne frères, je te louerai au milieu de V Eglise?


loi d'infliger au coupable peuvent-ils me faire (Ps. XXI, 23.) Et non-seulement il nous a ap-
peur à ta voix et me remplir d'épouvante? pelés frères, mais encore il a voulu devenir
C'est un autre Maître qui doit me juger. On notre frère; il a revêtu, pour naître, une chair
voit que, Dieu de la nouvelle loi dilïère
si le connue la nôtre, et participé à notre nature.
du Dieu de l'ancienne Paul est allé tout à fait, El cela même faisait dire à Paul, en son admi-
contre son but; car, loin d'eflrayer l'auditeur, ration Nulle part Dieu ne prend les anges
:
Sim CE TEXTE : JE NE V^*;^ PAS QUE VOUS IGNORIEZ, ETC. 211

mais c'est In race d'Abraham qu'il prend; sagesse. Pourquoi donc cette perpétuelle répé-
aussi a-t-il en tout semblable à
dû se rendre tition ? C'est qu'il veut nous montrer la parenté
ses frères (Hébr. ii, 40, 47); et encore Comme : des deux Testaments et nous faire entendre
les enfants ont participé à la chair et au sang que le premier était l'image du second, et
ainsilui-même y a participé. (Ib. v, 44.) comme une esquisse de l'avenir. Et voici par
Vous entendez Chassons donc de nos âmes
1 où il commence pour mettre en évidence celte
Tanité présomption et toute espèce d'orgueil,
,
harmonie. Il veut établir un rapport avec l'E-
et apportons le plus grand soin à saluer notre glise dans laquelle aucune distinction n'existe
prochain de noms qui l'honorent et témoignent entre l'esclave et l'homme libre, entre l'étran-
de notre zèle à le servir. C'est là, dira-t-on, un ger et le citoyen le vieillard et le jeune
,

petit et mince mérite oui mais c'est le prin-; , homme, le savant et l'ignorant , le magistrat
cipe de grands biens, tandis que la conduite et le simple particulier, l'homme et femme, la
contraire engendre fréquemment quantité de et où tous les rangs, où
deux sexes vont les
haines, de dissensions et de querelles. Mais ce pareillement se plonger dans les eaux du bap-
n'est pas seulement cette parole, c'est la sui- tême où le monarque et le mendiant sont ad-
,

vante qui mérite d'être examinée avec beau- mis à la môme purification c'est en effet le ;

coup d'attention, car ce n'est pas au hasard plus grand signe de la générosité chrétienne
qu'il l'a écrite. Après avoir dit Je ne veux pas : que nous initiions également et le mendiant
que vous ignoriez, frères , il ajoute Que tous : et l'homme revêtu de la pourpre, et que l'un
nos pères; il ne dit pas les Juifs, ni ceux qui n'ait aucune prérogative sur l'autre en ce qui
sont sortis d'Egypte^ mais tous nos pères ; et concerne nos mystères. —
Afin de montrer ce
par là tout à la fois il montre son humilité
, , rapport, Paul introduit le mot tous dans le
puisqu'il ne dédaigne pas de reconnaître les récit de l'Ancien Testament. Et, en effet, on
pécheurs comme ses parents, lui qui leur est ne peut avancer que Moïse ait suivi la route
si supérieur en vertu, et il ferme la bouche de terre, tandis que les Juifs traversaient les
aux impudcMit? (jui osent calomnier l'ancienne flots, ni que les riches aient pris alors un

loi. En effet, s'il avait eu en haine l'Ancien chemin , les pauvres un autre ni que les ,

Testament, il ne se serait point servi des plus femmes aient passé au grand jour et les
honorables expressions pour parler de choses hommes sous la nuée non tous ont traversé
; ,

jugées indistinctement condamnables. Tous, la mer, et tous étaient sous la nuée, et tous
ce mot là n'est pas mis au hasard ni acci- , ont été baptisés en Moïse. En effet ce passage ,

dentellement, mais dans une intention pleine étant l'image du futur baptême, il fallait avant
de sagesse. La preuve, c'est qu'il ne s'est pas tout, pour que l'image fût parfaite, que tous
borné à s'en servir une fois, mais qu'il l'a ré- eussent joui des mêmes bienfaits, de même
pété deux fois, trois fois, et plus c'est afin de ; qu'aujourd'hui tous participent également aux
TOUS faire entendre l'ini portance qu'il y attache mêmes grâces. Mais, dira-t-on, comment ces
Quand il a dit : Que tous nos pères ont été sous événements peuvent-ils être une figure de ce
la nuée, il ajoute Et tous ont traversé la mer,
: que nous avons sous les yeux ? Apprenez donc
et tous ont été baptisés en Moïse; et tous ont d'abord ce que c'est que figure, ce que c'est
mangé le même aliment spirituel, et tous ont que vérité ensuite je vous rendrai compte de
,

bu le même breuvage spirituel. Voyez-vous ce que je viens de dire.


combien de fois revient ce mot tous ? Paul ne 4. Qu'est-ce donc qu'une figure? qu'est-ce
l'eût pasemployé si souvent s'il n'avait voulu qu'une vérité ? Voyons, prenons pour exemple
faire allusion à quelque grand et admirable les portraits que font les peintres. Vous avez
mystère. S'il n'avait pas eu d'intention parti- vu plus d'une fois un peintre reproduire les
culière c'était assez d'une fois, et il aurait suffi trailsd'un monarque: le portrait est d'abord
de dire Que tous nos pères ont été sous la
: coloré d'une teinte d'azur, puis l'artiste, en
nuée ont traversé la mer, ont été baptisés en
, traçant des lignes blanches, représente le mo-
Moïse, ont mangé le même aliment spirituel narque, son trône, et près de lui des chevaux,
ont bu le même breuvage spirituel. Mais non des gardes , enfin des ennemis enchaînés et
à chaque nouveau il a répété le mot tous,
fait subjugués. Cette esquisse ne vous instruit pas
et par la nous ouvre un grand jour sur sa
il complètement, et ne vous laisse pas complète-
pensée, un jour qui nous permet de sonder sa ment dans l'ignorance; vous entrevoyez qu'tUe
2J3 TRADUCTION FRANÇAISE DE SAINT JEAN CHRYSOSTOME.

représente un homme, un cheval mais quel ; ont été remis en liberté, bien que notre liberté
est ce monarque, quel est cet ennemi ? \ous diffère de la leur et soit bien plus glorieuse. Et
ne le devinez qu'à moitié, jusqu'à ce que la si tout est plus grand chez nous que chez eux,

vérité des couleurs vienne éclaircir les objets que cela no vous déconcerte point; c'est jute-
et les rendre reconnaissables. Maintenant ment ce qui caractérisée la vérité, de surpasst-î
ainsi que vous n'exigez pas de ce portrait une de beaucoup son image, sans qu'il y ait oppo-
représentation parfaite, avant qu'il ait été re- sition ni contraste.
vêtu de couleurs expressives, que vous vous et Mais que veut dire ceci tous furent bap- :

contentez d'y trouver une indication vague des tisés en Moïse? Peut-être celle paro e est-elle
choses, tant qu'il reste à l'état d'esquisse ; c'est obscure : La mer
je vais essayer de l'éclaircir.
ainsique vous devez juger de l'Ancien et du yeux des Juifs, et ordre
s'étendait alors sous les
Nouveau Testament, au lieu d'exiger de moi leur était donné de s'engager dans un chemin
que je vous fasse voir sur le dessin la vérité étrange, inouï, que jamais n'avait suivi aucun
dans toute son exactitude. Alors nous pour- des mortels. Ils hésitaient, ils tergiversaient,
rons vous enseigner comment l'ancienne loi se désespéraient. Moïse passa le premier, et
avait une certaine parenté avec la nouvelle, et tous n'eurent désormais qu'à marcher sans
comment le passage des Juifs a du rapport avec obstacle sur ses pas. Voilà ce que signifie Ils :

notre baptême. D'abord, ici et là, l'eau joue un furent baptisés en Moïse. C'est parce qu'ils eu-
rôle : d'une part, une piscine; de l'autre, la rent foi en lui, qu'ils osèrent entrer dans l'e lU
mer. Ici. tous se plongent dans l'onde c'est la ; et passer à sa suite. La même chose s'est ré-

même chose là-bas. Voilà la parenté. Exigez- pétée à l'égard du Christ: après nous a^oir dé-
vous maintenant la vérité des couleurs? Là, ils livrés de l'erreur, affranchis de l'idolâtrie, nous
s'échappaient de l'Egypte en traversant les conduisant comme par la m in au céleste
fld'.s; ici c'est de Tidolàtrie là le pharaon ; royaume, il entra le premier dans la voie, le
était submergé, ici c'est le diable là les Egyp- ; premier il monta au ciel.
tiens se noyaient, ici le vieil homme chargé Eh bien de même que les Juifs, confiants
!

d'iniquités est englouti. Considérez le rapport dans Moïse, ne craignirent plus de passer, de
de l'image à prééminence de la
la vérité, et la même nous aussi, confiants dans le Christ,
vérité à l'égard de l'image l'image ne doit pas ; osons entreprendre ce voyage. Et que tel est
différer en tout de la vérité, autrement ce ne le sens de l'expression Us furent baptisés en
:

serait pas une image par contre, elle ne doit


: Moïse, c'est ce que démontre l'histoire car ils :

pas non i)lus égaler la vérité, autrement elle ne furent point baj)tisés au nom de Mnï^e.
se confondrait avec elle. H faut qu'elle se Mais, parce que non-seulement nous avons
tienne dans l'espèce de conformité qui lui ap- Jésus pour guide, mais que nous nous faisons
pai tient, qu'elle n'ait pas tout de la vérité , et encore baptiser en son nom, tandis que les
qu ne s'en écarte pas non plus en tout
elle Hebieux n'ont pas été baptises au nom de
point car dans le premier cas, elle serait elle-
; Moïse, ceci n'est pas non plus une raison de
même vérité; dans le second, elle cesserait nous in(juiéter ; en effet. J'ai dit quelle supé-
d'être image. Elle doit emprunter à la vérité rioril(> immense et incalculable aj)partient à
certains traits, et lui laisser les autres. Ne me la vérité.
demandez donc pas de vous faire voir toute la Voyez- vous maintenant, en ce qui concerne
nouvelle dans l'ancieime, et quand vous
loi le ba|)têine, quelle est l'image, quelle est la
aurez trouvé dans celle-ci (juelques allusions ,
vérité? A présent, je vais vous montrer dans
si petites et si voilées qu'elles soient, tenez- r.Vncicn Testament une es((uisse de la sainte
vous pour contents. Dès lors, eu quoi consiste Table et de la participation aux mystères, à
le rap|)ort de limage à la vérité? En ce qu'il condition qu'en ceci encore, vous n'exigerez
s'agit de tous, là comme ici ; en ce que là, pas de moi une conformité parfaite, et que
comme ici , l'eau sert de chemin en ce que
; Vous examinerez les faits comme il est donné
les Juifs , aussi bien que nous, ont été déli- au dessin et aux images de les représenter.
vrés de l'esclavage , bien (juc d'un autre Après avoir fait mention de la mer, de la
esclavage ; car ils étaient esclaves des Egyp- nuée et de Moïse, il poursuit en ces termes:
tiens, et uous des démons; ils l'étaient des Et tous ont numgc le nu'me aliment spirituel.
barbares et nous du péché. Comme noua, ils Ainsi que toi, veut-il dire, tu sors du bap'
SUR CE TEXTE : JE NE VEUX PAS QUE VOUS IGNORIEZ, ETC. tlS

listère pour courir à la Table, ainsi les Hé- source était à la disposition de tous. Il y a plus :
breux, en sortant de la mer, allèrent à un chose étonnante et incropble quelque^-; n-^des 1 >

festin extraordinaire et singulier c'est de la : Hébreux essayèrent de recueillir plu& .^i il ne


manne que je veux parler. Puis, de même que leur était nécessaire, et ne gagnèrent rien à
tu t'abreuves d'une boisson merveilleuse, le s'être montrés cupides. Tant qu'ils respec-
sang du Sauveur, de même ils eurent pour se taient l'équité, la manne restait manne ; mais
désaltérer un breuvage inattendu, non l'eau des dès qu'ils voulurent accaparer, leur avarice
fontaines^ ni celle des fleuves, mais celle qui transforma la manne en vers. Et pourtant celte
jaillit à l'improviste et en abondance d'un avarice ne nuisait pas au prochain, puisqu'ils
aride rocher. C'est pour cela même qu'il ap- ne touchaient pas à la subsistance d*autrui pour
pelle cette boisson spirituelle, non point que augmenter leur provision : néanmoins, parce
telle fût sa nature, mais parce que son origine qu'ils avaient été insatiables, ils furent con.
la rendait telle : car ce n'est point selon l'ordre damnés. Car, s'ils ne faisaient pas tort au pro-
de la nature qu'elle leur fut donnée, mais bien chain, ils se faisaient le plus grand tort à eux-
selon la volonté toute- puissante de Dit u qui mêmes, en s'habi tuant à l'avarice par la façon
les commandait. C'est ce qu'il dit lui-même dont ils amassaient. Ainsi, en même temps
en se reprenant. Car après ces mots Et tous
: qu'ils se nourrissaient, ils s'instruisaient dans
burent le même breuvage spirituel, attendu la science divine ; en même temps qu'ils sou-
que ce breuvage était de l'eau, voulant faire tenaient leurs corps, leurs âmes étaient édi-
voir que s'il l'avait nommé spirituel, ce n'était fiées. Et non-seulement la manne les nourris-
pas à raison de sa nature, mais à raison de sa sait, mais encore elle les exemptait de maint
provenance, il continue en ces termes : car labeur. Ils n'avaient besoin ni d'atteler des
ils buvaient à la pierre spirituelle qui les sui- bœufs, ni de tirer une charrue, ni d'ouvrir des
vait; et cette pierre était le Christ. Il veut dire sillons, ni d'attendre une année: ils avaient
par que ces sources n'étaient point dues à
là leur repas sous la main, repas extraordinaire,
la pierre, mais au pouvoir efficace de Dieu. étrange et quotidien ; l'expérience les ins-
5. Par là, il extirpe en môme temps l'hérésie truisait de ce précepte évangélique, qu'il ne
de Paul de Samosate. Car, si le Christ était faut pas songer au lendemain un tel souci :

l'auteur de toutes ces choses, comment ces n'aurait été d'aucune utilité pour eux. En ef-
hommes peuvent ils prétendre qu'il n'existait fet, ce que l'on amassait par précaution se gâ-
pas avant que Marie l'eût enfanté ? En effet, tait, était perdu , et tout cequ'on gagnait à
si les aventures du désert ont précédé Marie, cela, c'était d'être convaincu d'avarice. Main-
et si c'est le Christ qui y a présidé comme Paul tenant, n'allez pas croire que cette pluie fût
le prétend, il existait donc avant cet enfante- dans l'ordre de la nature la preuve, c'est :

ment, il existait avant la gestation : car, à coup qu'au jour du sabbat, il ne se passait rien de
sûr, s'il n'avait pas exi-té, il n'aurait pas opéré pareil Dieu voulait faire savoir en même
;

des miracles aussi surprenants. Ensuite , le temps aux Hébreux, et que c'était lui qui, les
saint auteur qui précédemment, en disant que jours précédents, faisait tomber cette pluie
tous ont traversé la mer, a montré dans le étrange et miraculeuse, et qu'il cessait ce jour-
passé une image anticipée de la générosité de là, pour leur apprendre, môme par contrainte,
l'Eglise, en ajoutant plus bas : Jls ont mangé du sabbat.
à garder le repos le jour
le même aliment spirituel^ fait encore allusion Mais ce n'est pas seulement en ce qui con-
à la même En effet, ainsi que dans l'E-
chose. cerne la nourriture, c'est encore en ce qui
glise, il n'y a pas un corps pour le riche, un touche les ^•êtements , les chaussures et le

autre corps pour le pauvre, un sang pour le reste, que l'on pou\ait voir réalisées dans les

premier, un autre sang pour le second de ; faits les prescriptions des apôtres. En effet, les

même dans le désert, la manne du riche ne Juifs n'avaient ni maison, ni table, ni lit, ni
fut point autre que la manne du pauvre la ; vêtement de rechange, ni chaussure. Dieu en
source où but moins
le riche ne coula point ayant ainsi disposé. Voyez quelle analogie
abondante pour le pauvre mais, comme parmi : entre l'Ancien et le Nouveau Testament Le 1

nous, la même table, la même boisson, la même Christ imposait aux apôtres l'obligation de se
nourriture sont offertes à quiconque entre réduire au nécessaire telle était à peu près la
;

ici : de même alors, la même manne, la même manière de vivre des Juifs, et toute la création
214 TRADUCTION FRANÇAISE DE SAINT JEAN CIIRYSOSTOME.

se pliait à leur usage. Et pourquoi cela, direz- mour pour eux. Ensuite : Ils furent terrassés
vous? Dieu devait cantonner dans un en-
les dans le désert. en venir, ô Paul ?
Où. veux-tu
droit de la terre et leur ordonner de l'y
, Ce sont là des figures pour que nous ne dési-
adorer constamment, de n'élever ailleurs ni rions pas les choses mauvaises, ainsi que ces
temple ni autel, mais de lui apporter là leurs hommes les ont désirées, et que nous ne deve-
offrandes, leurs victimes, d'y célébrer leurs pas idolâtres, à l'exemple de quelques-
tiioïis

fêtes , d'y lire la loi, d'y accomplir enfin tous uns d'erdre eux, ainsi qu'il est écrit : Le peu-
les autres ritesde la sanctification. Afin donc ple s'assit pour manger et pour boire; et ils se

que ce culte circonscrit ne les induisît pas à levèreid pour se divertir.


croire que sa Providence elle-même était res- Voyez la sagesse de Paul. Il a indiqué le pé-
serrée entre les mômes limites, et qu'il n'était ché, il a indiqué le motif du péché; il a in-
que le Dieu d'un pays, pour prévenir cette er- diqué le châtiment en punition du
infligé
reur , il manifesta sa puissance sur la terre péché par là il nous avertit de ne pas imiter
;

étrangère, en Egypte, au désert, où il n'avait ces coupables. Le motif du péché fut la gour-
ni fidèles ni adorateurs ; et la création se prê- mandise Le peuple s'assit pour manger et pour
:

tait aux effets contraires par lesquels il agis- boire. Son péché fut son divertissement même.
sait, forçant ainsi les incrédules eux mêmes à Voici maintenant le châtiment Ils furent ter- :

reconnaître la nature pour l'ouvrage du Sei- rassés dans le désert. Mais il poursuit Ae com- :

gneur. En effet, la mer noyait les uns, sauvait mettons point la fornication, comme ont fait
les autres; l'air,ou bien précipitait la grêle et quelques-uns d'entre eux. Ici il omet la cause,
ruinait les barbares, ou bien laissait tomber ia et ne parle que du châtiment. Ce ehàtiment,
manne et nourrissait les Juifs. La terre à son {juel fut-il donc? // en tomba vingt-trois mille
tour produisait tantôt des insectes pour le dans un seul jour. Mais pourquoi n'avoir rien
cliàtimcut des ennemis, taniôl des cailles pour dit des CH'constanccs qui les excitèrent à la
Je salut du peuple de Dieu. Pour les uns il fai- fornication ? il a laissé à ceux qui voudraient
sait nuit en plein jour, les autres voyaient une s'en enquérir le soin de recourir à Ihisloire,
lumière s'allumer dans la nuit. Les Egyptiens, et de retrouver le principe du mal comme ,

riverains du Nil, succombaient à la soif et à la font les médecins qui révèlent l'origine des
sécheresse les Juifs, campés dans un désert
; maladies^ et y appliciuent leurs remèdes. Aussi
sec et aride, avaient de l'eau en abondance. a-t-il soin de dire : Or toutes ces choses leur
Ceux-là ne pouvaient résister à des grenouil- arrivaient en figure, et elles ont été écrites
les, ceux-ci bravaient l'attaque des géants. pour nous servir d'avcrtissoyient. Ainsi l'Au-
6. Mais pourquoi le bienheureux Paul évo- teur de ces événements, Celui qui châtia ces
que-t-il devant vous ces souvenirs ? Par la coupables, est Celui qui nous avertit aujour-
raison que j'ai dite en commençant, pour vous d'hui, non-seulement par des paroles, mais
convaincre que ni le baptême, ni la rémission encore par des faits; ce qui est la meilleure
des péchés, ni la doctrine, ni la participation manière d'avertir. Voyez-vous comment Paul
aux mystères, ni la sainte table, ni le droit de donne pour maître, à ceux qui vivent sous la
goûter du corps, ni celui de participer au loi de grâce. Celui qui faisait ces choses au
sang, ni aucune autre de ces choses ne pourra temps de rancienne loi, en montrant que les
nous être d'aucune utilité si nous n'avons une actes accomplis alors, et les paroles actuelle-
vie droite, honorable et exempte de tout pé- ment dictées à lui-même doivent être rappor-
ché. Et voici la preuve ([ue telle fut son Inlen- tées à la même origine vrai Dieu
! Car. si le

liou : après avoir exi»li()[ué la figure du bap- n'avait été pour rien dans ces actes, Paul n'au-
tême, cachée dans le passage de la mer et dans rait certes pas dit que c'étaient là des figures,
la nuée il passe à celle des mystères repré-
, ni que le récit en avait été fait pour nous ser-
sentés dans l'Ancien Testament par la manne vir d'avertissement et il n'aurait pas eu re-
;

et le rocher; puis, après avoir dit que tous ont cours à l'histoire de ces temps pour nous ef-
jyiangê le même aliment spirituel, et ont bu le frayer, comme si nous devions tomber entre
7nvme breuvage spirituel il poursuit en ces , les mains du Dieu des Hébreux. Mais afin de
termes Mais Dieu fie se co?nplut point dans
: nous montrer que nous devons subir son ju-
la plupart d'entre eux. Après tant d'éclatants gement, et que l'un et l'autre peuple, celui
prodiges, reniarque-t-il, Dieu n'eut point d'a- d'alors et celui d'aujourd'hui, sont sujets à ces
Sun CE TEXTE : JE M VEUX PAS QUE VOUS IGNORIEZ, ETC. 2!»

lois, il a évoqué tous ces souvenirs, et a dit sés,pour résoudre notre esprit à croire au ju-
que cet endroit des Ecritures était destiné à gement futur. Car, si les mauvaises doctrines
nous servir d'averlissenient. Instruits de ces amènent souvent le dérèglement des mœurs,
choses, croyons à l'avenir comme au passé. Et souvent aussi la corruption donne naissance à
s'il se rencontre des gens qui n'y veulent point Terreur. Répétons donc ces paroles, pour que
croire, servons-nous du passé pour les amener rien de pareil n'arrive ni à nous ni aux autres;
à l'amour de la vltIu : racontons-leur la ruine restons dans le droit chemin de la foi, et
de Sodome, les calamités du déluge, les fléaux vivons chrétiennement ,
puisqu'il a été dé-
déchaînés sur l'Egypte, afin que, ramenés au montré surabondamment que les dogmes ne
bien [»ar l'exemple des châlimenls infligés à servent à rien quand la vie n'est point ver-
autrui , et vivant désormais comme il con- tueuse. Puissent les prières des saints et des
vient, ils a(hiieltent les dogmes de la géhenne bienheureux que nous conservions dans
faire
et de la résurrection. En
ceux qui neeffet, sa pureté la doctrine de véritéque nous avons
croient pas au jugement ne sont dans cette er- reçue de nos pères, et que notre vie réponde à
reur que parce que leur vie est dissolue et , notre foi, par la grâce et la charité de Notre-
que leur conscience n'est pas tranquille. Seigneur Jésus-Christ, avec lequel gloire, hon-
Par conséciuent, il suffit que nous nous lavions neur et puissance, au Père et au Saint-Esprit,
de nos péeliés, et que nous nous instruisions maintenant et toujours, et dans les siècles des
par la peur, au souvenir des châtiments pas- siècles ! Ainsi soil-il.

Cette homélie, aivsi que lei trot i précédente» y a été tradvitt par II. X'i
HOMÉLIE SUR CE TEXTE !

IL FADT QU'IL Y AIT DES HÉRÉSIES PARMI VODS. ETC.

(ROM. XII, 20.)

AVERTISSEMENT & ANALYSE.

N^ons ne pouvons rien dire, môme par conjecture sur la date ni sur le lieu de cette homélie.
1» Le mol il faut nu doit pas s entendre dans le texte Ci-ccssus d'une nécessité quelconque ; mais c'est simplement nne prédic-
tion que fait l'Apùlre. Le mol grec ("va du texte n'indique pas la cause mais l'événement. —
2» Dans ce passage de saiot Paul,
il ne s'agit pas des liéicsics proprement dites, mais des scissions que l'orgueil faisait naître entre les riches et les pauvres de
Corintlie.— 3° Charmante description de l'agape chrétienne dans les premiers temps de l'Eglise. —
4» Saint Paul reprend les
riches fortement et doucement. Continuation du commentaire. — 5° Exhortation.

1. Une assez ardente émotion éclatait derniè- en parlant de morale ; c'est votre tête que je
rementdans ce théâtre spirituel, quand je vous guéris aujourd'hui en traitant du dogme; alors
montrais dans mon discours Jérusalem gémis- avec les paroles de Jérémie, aujourd'hui avec
sant et annonç^ant ses propres malheurs. Alors celles de Paul.

je vis vos yeux se gonfler de larmes toutes Que signifient donc les paroles de Paul qui
prêtes à couler ;
je vis les sentiments qui op- me servent de texte aujourd'hui? // faut qu'il
pressaient mon âme, pénétrer dans les vôtres y ait, dit-il, des hérésies parmi vous, de sorte
et lesremplir de douleur etde trouble. Aussitôt qu'on découvrira ceux d'entre vous qui ont une
je mis fin à cette tragédie je dérobai mon sujet,
;
vertu éprouvée. ICor. n, 19.) Importante ques-
(

et j'arrêtai les gémissements qui allaient s'é- tion. Car si c'est un conseil que donne Paul, et

chapper du fond de vos cœurs. Car l'esprit en s'il faut vraiment qu'il y ait des hérésies, les

proie à la douleur ne saurait proférer ni rece- hérésiarques sont innocents. Mais il n'en est
voir aucune parole salutaire. Mais pourquoi point ainsi; bien loin de là. Ce n'est pas un
vous ai-je rappelé ce souvenir? Parce que le sujet conseil, c'est une prédiction que tonlicnneat
que je dois traiter aujourd'liui tient de près à ces paroles. Quand un méilecinvoit un malade
celui que je traitais en ce jour. Mes paroles d'a- se livrer à la boisson, à la débauche et violer
lors réprimaient la mollesse de notre conduite ses défenses, il faut, dit-il, que ces excès engen-
clcorrigeaient noire négligence du devoir. Ce drent la fièvre. Ce n'est point une loi qu'il im-
que je vais dire maintenant vous donnera peut- pose, un conseil qu'il donne c'est une prévi-
;

être une connaissance plus sûre et plus exacte sion de l'avenir que lui inspire le présent. De
de nos dogmes. Il faut qu'en toutes choses nous même le laboureur ou le pilote voyant les nua-
soyons accomplis, que nous atteignions à la ges amoncelés et sillonnés de tonnerres et d'é-
perfection de Vhomme^ à la mesure de l'ârjc clairs, dit: Il faut que ces nuages amènent la pluie

(E|>h. IV 13)
, selon l'expression du divin
,
etde violents orages. Ce n'est point l'expression
ApôUc. Cétail votre corps que je soignais alors d'un désir, c'est une prédiction. C'est daus ce
HOMELIE SUR CE TEXTE : IL FAUT QU'IL Y AIT DES HÉRÉSIES. 217

«ens que Paul a employé le mot il faut. Et : d'une vertu éprouvée qu'elles ont éclaté, mais
nous-mêmes, quand nous voyons des gens se que d'autres raisons les ont fait naître? écoutez
disputer et s'accabler mutuellement d'injures, le Christ Le royaume des deux, dit-il est
: ,

nous disons Il faut que ces gens en viennent


: semblable à un homme qui avait semé de bon
aux coups ils ont besoin d'être surveillés. Ce
;
grain dans son champ. Tandis que les hommes
n'est ni un conseil ni une exhortation (comment dormaient, vint l'ennemi qui sema Vivraie.
cela serait-il?), c'est une conjecture que nous (Matth. XHi, 24, 25.) Voyez-vous que les héré-
inspire ce que nous voyons. Ainsi Paul ne sies ont éclaté parce que les hommes dormaient,
donne point un conseil quand il dit // fmit : parce qu'ils manquaient de zèle? Parce qu'ils
qu'il y parmi vous des hérésies ; il prédit et
ait ne s'attachaient pas exactement aux paroles de
prophétise l'avenir. Une preuve qu'il ne con- Dieu ? Quelqu'un aurait pu dire Mais pour- :

seille point l'hérésie c'est que c'est lui qui a


, quoi le Christ l'a-t-il permis? Paul a répondu
dit Quand un ange vous annoncerait un autre
: d'avance Il l'a permis, mais quel mal cela
:

Evangile que celui que nous vous avons annoncé^ vous fait-il? Si vous êtes un homme d'une
qu'il soit anathème. (Gai. i, 8.) C'est lui-même vertu éprouvée, vous n'en serez que plus en
qui, voyant la loi de la circoncision intempes- lumière. Il n'y a point le même mérite, quand
tivement observée et la pureté de sa prédica- personne ne vous attaque ne vous tend de ,

tion exposée aux calomnies, rejette la circonci- pièges, à conserver sa foi, qu'à rester ferme et
sion et dit : Si vous vous faites circojicire, Jésus- inébranlable quand éclatent mille tempêtes.
Christ ne vous servira de rien. (Gai. v, 2.) Mais De même que les arbres exposés à la furie de
pourquoi, me direz- vous, a-t-il indiqué cette tous les vents deviennent plus solides quand
cause des hérésies, que par elles on découvrira ils ont poussé de bonnes racines; de même les

ceux qui ont une vertu éprouvée? Mais le mot âmes fortement enracinées dans le sol de la foi
^>*, dans les Ecritures, est souvent employé, résistent à tous les assauts des hérésieseten re-
non pour indiquer une cause mais la façon , çoivent plus de fermeté. Que dirons-nous des
dont les choses arriveront. Par exemple le faibles, qu'un souffle ébranle et renverse? Ce
Christ vient et rend la vue à un aveugle cet : ne sont point les attaques des hérésies, mais
homme aussitôt l'adora; mais les Juifs, après leur propre faiblesse qu'ils doivent accuser. Et
cette guérison, tentèrent par tous les moyens je ne parle pointdeleur faiblesse naturelle, mais
d'ensevelir dans l'ombre ce miracle et chassè- de leur faiblesse volontaire, faiblesse coupable,
rent Jésus. Alors il dit : Je suis venu en ce qui mérite peines et châtiments, et qu'il est en
mondeexercer unjugement^de sorte que ceux qui notre pouvoir de corriger ; d'où vient qu'en la
ne voyaient pas voient^ et que ceux qui voyaient corrigeant nous méritons des louanges, en ne
deviennent aveugles. (Jean, ix, 39.) Etait-il la corrigeant point, nous encourons des puni-
donc venu pour ôter la vue à quelqu'un? Non, tions.
il n'était point venu pour cela, mais cela est 2. A qui rien ne peut nuire; j'es-
veille,
arrivé et, pour désigner l'événement, il em-
; démontrer autrement. Est-il
sayerai de vous le
ploie la même expression qui eût indiqué une un être plus malin, plus scélérat que le dé-
cause. Autre exemple il donne une loi pour : mon? Cependant cet être malin et scélérat,
arrêter les pécheurs qui couraient à leur perte dont la force est si redoutable, dressa contre
et modérer les passions de ceux qui la rece- Job toutes ses batteries, épuisa sur la maison
vraient. Mais le zèle leur manque, et le contraire et sur la personne de ce juste tous les traits de
arrive; les péchés se multiplient. Paul dit son carquois, et non-seulement il ne l'abattit
alors Im loi est survenue^ de sorte qu'elle a
: point, mais il donna un éclat nouveau à sa
donné lieu à l'abondance du péché. (Rom. v, vertu. Le démon ne put faire aucun mal à Job;
pour cela qu'elle était
20.) Or, ce n'est point Judas, au contraire, qui était faible et sans
survenue, mais pour diminuer le nombre des zèle, ne gagna rien à son commerce avec le
péchés. Mais les choses sont arrivées ainsi par Christ; malgré ses exhortations et ses conseils,
la désobéissance de ceux qui l'avaient reçue. il ne fut qu'un traître. Pourquoi? c'est que
Ici encore, le mot
ne désigne point la cause,
"ivx Dieu ne fait violence à personne et ne lui fit
mais l'événement. —
Voulez-vous vous con- point violence. Veillons donc, et le démon ne
vaincre que ces hérésies ont eu d'autres causes; nous pourra point nuire; si nous ne veillons
que ce n'est pas pour faire connaître les hommes pas, si nous sommes lâches, nous ne tirerons
SIS TRADUCTION FRANÇAISE DE SAINT JEAN CHRYSOSTOME.

aucun fruit même des choses utiles, et nous mour d'âmes en une seule,"
et réunissait tant

nous exposerons aux plus sensibles dommages, c'était le mépris des richesses. Personne, en
tant la mollesse est dangereuse. C'est ainsi que effet, dit l'Apôtre, ne prétendait posséder en

les Juifs, non-seulement ne profitèrent point propre aucune chose ; mais tout était commun
de la venue du Christ, mais en souffrirent. entre eux. (Act. iv, 32.] L'avarice, source de
Toutefois ils ne peuvent point accuser le Christ, tous les maux, étant supprimée, les biens étaient
la faute est à leur faiblesse et à leur méchan- veims en foule, et ces hommes étaient liés les
ceté. Jésus-Christ le dit lui-même : Si je ne uns aux autres parce que rien ne les séparait.
fusse point venu et ne leur eusse pas parlé, ils Le mien et le tien, funestes paroles qui ont
n'auraient point de péché ; mais maintenant causé mille guerres dans le monde étaient ,

ils n'ont pas d'excuse de leur péché. (Jean, xv, bannis de cette sainte Eglise, et ils habitaient
22.) Voyez la venue de Jésus- Christ les a
I la terre comme les anges font le ciel ; les pau-
privés du pardon et leur a enlevé toute excuse, vres n'enviaient point les riches, car il n'y avait
tant il y a de mal à ne pas veiller sur soi- point de riches; les riches ne méprisaient pas
même, à ne pas songer comme on doit à ses les pauvres, car il n'y avait point de pauvres;
intérêts! La même chose arrive au corps: si c'étaitune vraie communauté. Personne ne
quelqu'un a les yeux malades, le soleil l'offus- prétendait posséder en propre aucune chose;
que et l'aveugle, tandis que les ténèbres même ce n'était point ce qu'on voit aujourd'hui.
ne peuvent nuire à des yeux sains. Ce n'est Maintenant ceux qui possèdent donnent aux
point sans motif que j'insiste sur ces pensées ; pauvres. Alors il n'en était point de même; ils
tant d'hommes devraient accuser leur mol- renonçaient à la propriété de leurs richesses,
lesse , corriger leur malice , secouer leur les mettaient en conmiun, et dès lors on ne
torpeur, qui s'en vont cherchant de vaines distinguait plus parmi les autres le riche de la
excuses et disant ; s'il n'y avait point de veille ; de sorte que l'orgueil même qui pou-
démon nous ne péririons pas; si la loi n'exis- vait naître du mépris des richesses était effacé
tait pas, nous ne pécherions pas; s'il n'y avait dans cette communauté, dans ce mélange des
]»oint nous n'y tomberions pasî
d'hérésies, fortunes. Et ce n'est point par là seulement,
Mensonges et vains prétextes que tout cela Je ! mais par la manière dont ils renonçaient
le répète à qui veille, rien ne peut nuire à
:
; à leurs richesses qu'on peut voir toute leur
qui s'endort mollement et trahit son salut, rien piété. Tous ceux qui avaient des terres ou des
ne peut servir. C'est ce que Paul lui-même fait maisons les vc7idaient et en déposaient le prix
entendre cjuand il dit On découvrira par là
: aux pieds des apôtres. (Act. iv, 31.) Il ne dit
ceux d'entre vous qui ont une vertu éprou- point dans leurs iiiains, mais à leurs pieds, ce
vée. C'est-à-dire ne vous troublez pas, ne crai- qui prouve le respect, la vénération, la crainte
gnez point; les hérésies ne peuvent vous nuire. que leur inspiraient les apôtres; car ils ne
Ainsi, quand même il parlerait des hérésies croyaient pas donner plus qu'ils ne recevaient.
dogmatiques le texte ne , donnerait lieu à Et c'est là vraiment mépriser les richesses,
aucune (}uestion difficile puisqu'il renferme c'est là nourrir le Christ, de le faire sans or-
une proi)hétie et non un conseil une pré- , gueil ni ostentation, de se montrer plus oblige
diction et non une exhortation et que le ,
que celui qui reçoit. ne sont point
Si telles
mut T/7. indi(iuc non une cause, mais l'événe- vos dispositions, ne donnez pas si vous ne
ment. Mais ce n'est point du dogme qu'il veut croyez pas recevoir plus que vous ne donnez,
parler ; c'est des pauvre.^ et des riches, de la gardez vos richesses c'est ce que Paul vous
;

bonne chère et de l'abstinence, de la luxure et témoigne dans d'autres paroles // faut, mes :

de la débauche (l(>s rielu s, du mépris (|u'ils frères, que je vous fasse savoir la grâce que
font des pauvres; permettez-moi, pour vous le Dieu a faite aux Eglises de Macédoine, qui est
prouver, de remonter un peu plus haut ;
je ne que leur profonde pauvreté a répandu avec
saurais sans cela vous le montrer clairement. abondance les richesses de leur charité sincère.
Quand les apôtres commencènnt à semer la Je leur rends ce témoignage qu'ils se sont por-
parole de foi, aussitôt se joignirent à eux trois tésd'eux-mêmes à donner autant qu'ils pou-
nulle honmies, puis cinq mille, et tous ces vaicnt, et même au delà de ce qu'ils pouvaient,
honmies n'avaient qu'un cœur et qu'une âme. nous conjurant avec beaucoup de prières de
Ce qui faisait leur concorde, les liait par l'a- recevoir leurs aumônes et de souffrir qu'ils eus*
HOMÉLIE SUR CE TEXTE : IL FAUT QU'IL Y AIT DES HÉRÉSIES. 219

fûni part à la charité qu'on fait aux saints seyaient avec eux à table ; c'étaient des repas
de Jérusalem. (Il Cor. viii, i-4.) Voyez-vous et des festins communs dans l'Eglise même; la

qu'il les admire davantage, parce que ce fut communauté de la table , la sainteté du lieu,
avec reconnaissance, avec prières et supplica- tout enfin resserrait les liens de la charité, c'é-
tions qu'ils firent paraître leur générosité? tait pour tous un plaisir en même temps qu'un
3. nous admirons Abraham ce n'est
Et si , avantage. Les pauvres étaient efficacementcon-
point seulement parce qu'il immola un veau solés, les richess'attiraient l'amour deceuxqu'ils
et pétrit la farine, mais parce qu'il reçut ses nourrissaient, celui de Dieu pour qui ils le fai-

hôtes avec une joie et une humilité profonde, saient, et s'en retournaient [)leins
de grâces.
courant au-devant d'eux, les servant, les appe- De là découlaient mille biens, et d'abord l'a-
lant ses maîtres, persuadé qu'il avait trouvé mour croissant à chaque réunion entre les
un trésor inépuisable ,
quand il voyait un hôte bienfaiteurs et les obligés, assis à la même ta-
chez lui. En l'aumône est double quand
effet, ble. Les Corinthiens, avec le temps, perdirent
nous donnons et que nous donnons avec em- cette coutume : les riches mangeaient à part,
pressement. Dieu aime ceux qui donnent avec ils dédaignaient les pauvres, ils n'attendaient
joie (II Cor. ix, 7), dit l'Apôtre. Vous donneriez pas les retardataires, ceux que retenaient les
dix mille talents, si c'est avec orgueil, jactance nécessités où sont soumis les pauvres et qui
et vaine gloire, c'est autant de perdu : ainsi, le n'arrivaient point à temps. Et quand ils ve-
pharisien qui donnait la dîme de son bien, mais naient enfin, la table était levée, ils se reti-
avec orgueil et vanilé , avait perdu le fruit de raient tout honteux. Les uns s'étaient trop
ce don en sortant du temple. Il n'en était point hâtés, les autres avaient trop tardé. Paul,
ainsi du temps des apôtres : c'était avec joie, voyant les maux qu'avait causés cette désunion
avec allégresse qu'on donnait ses richesses , et et ceux qu'elle devait causer encore, caries
dans la pensée qu'on s'enrichissait ainsi; et l'on riches méprisaient et dédaignaient les pauvres,
s'estimait heureux quand les apôtres daignaient les pauvres souffraient et détestaient les riches,
les recevoir. Et de même (jue les hommes ap- et tous les maux enfin qui devaient sortir de
pelés aux plus hautes magistratures et obligés cette source , essaya de corriger cette vicieuse

d'aller habiter les grandes villes du royaume, et funeste coutume. Et voyez avec quelle pru-
s'y transportent après avoir réalisé toute leur dence et quelle modération il entreprend cette
fortune; ainsi faisaient ces hommes appelés au correction: Voici ce que je vous dis d^ abord:
ciel, à la patrie d'en-haut, au céleste royaume. je ne puis vous louer de ce que dans vos as- ,

Ils savaient que c'était là leur vraie patrie; ils semblées , vous vous conduisiez de manière
réalisaient tous leurs biens et les y envoyaient qu'elles vous nuisent au lieu de vous servir.
devant eux par les mains des apôtres. C'est en (I Cor. II, 47.) Qu'est-ce à dire au lieu de vous :

effet la dernière folie de laisser ici-bas la moin- servir? Vos ancêtres, dit-il, et vos pères ven-
dre de nos possessions, puisque nous devons daient leurs biens, leurs domaines, leurs pos-
sitôt partir nous-mêmes Tout ce que nous y I sessions, mettaient tout en commun et s'ai-
laissons après nous est perdu. Envoyons donc maient les uns les autres; et vous, qui devriez
tous nos biens au lieu où nous devons habiter rivaliser avec eux, non-seulement vous ne les
nous-mêmes. C'était dans ces pensées qu'ils imitez point, mais vous avez perdu le seul bien
renonçaient à leur fortune, et faisaient ainsi que vous eussiez, la coutume des repas en com-
deux fois le bien : car ils soulageaient la misère mun après ces réunions. C'est pourquoi il dit :

des pauvres, et s'assuraient une fortune plus Vos assemblées vous nuisent au lieu de vous
grande et plus certaine en faisant passer au ciel servir.

leurs possessions. Ils abandonnaient toutes leurs richesses aux


De de cette coutume naquit alors
cette loi et pauvres, et vous, vous les avez chassés de la
dans l'Eglise un usage admirable les fidèles : ta', le qu'ils partageaient avec vous. Car, prc-
assemblés après les instructions, les sermons
, mièrement ^
j' apprends que quandvous vous as-
et la participationaux mystères, quand finis- semblez daîis l'église, a des divisions entre
il ij

sait la sainte réunion, ne se retiraient point vous, et je le crois en partie. (I Cor. xi, 18.)
aussitôt chez eux les plus riches et les plus
; 4. Remarquez de nouveau la prudence de

opulents portaient de chez eux des aliments et cette correction. Il ne dit ni Je le crois, ni :je
:

des mets , et appelaient les pauvres. Ils s'as- ne le crois pas; il prend un moyen terme je :
Ô20 TRADUCTION FRANÇAISE DE SAINT JEAN CHRYSOSTOME.

en partie, c'est-à-dire je ne le crois pas


le crois réunion commune puisque vous n'avez pas de
enlièrement, mais je ne refuse pas entièrement table commune? Nos biens nous viennent du
de le croire. Il dépend de vous que je le croie Seigneur, et ceux qui le servent avec nous les
ou que je ne le croie point. Si vous vous corrigez doivent partajfer. N'avez-vous pas vos maisons
je ne le crois point, si vous persistez je le crois. pour y boire et pour y manger ? ou méprisez-
Ainsi, sans les accuser, il les accuse. Ce n'est vous l'église de Dieu et voidez-vous faire honte
point une accusation complète : il leur laisse à ceux qui sont pauvres? (Ibid. 22.) Vous croyez,
l'espoir du retour et leur ouvre le chemin du dit-il, que l'injure n'atteint que votre frère!
repentir; mais ce n'est point une absolution, il Elle atteint aussi le lieu saint. C'est l'église
craindrait de les voir persister dans le mal. Je entière que vous méprisez. Il dit l'église, parce
ne l'ai pas définitivement cru, dit-il ; car c'est que l'église reçoit en commun tous les fidèles.
là ce que signifie : je le crois en partie. Il les Pourquoi traitez-vous l'église avec aussi peu
engageait ainsi à se corriger et à s'amender, à de respect que votre maison? Si vous méprisez
l'empôclier lui-même de croire semblable chose, votre frère, respectez du moins le lieu saint,
même en partie. Car il faut., dit-il, qu'il y ait car c'est l'église qui est insultée. Et il n'a pas
même des hérésies parmi vous, de sorte qu'on dit vous privez ceux qui sont pauvres, ou
: :

découvre par là ceux d'entre vous qui ont une vous n'avez pas pitié des pauvres il dit vous ; :

vertu éprouvée, (l Cor. xi, 19.) Quelles hérésies? faites haute à ceux qui sont pauvres. C'est la
Soyez attentifs à cet endroit ; ce n'est point des manière la plus sensible de leur reprocher
dogmes qu'il parle en disant il faut qu'il y : leurs dérèglements. Le pauvre a moins de
ait parmi vous des hérésies, mais de la désu- souci, dit-il, de sa nourriture, que des af-
nion, qui avait aboli la table commune. Après fronts qu'il reçoit. Voyez avec quelle gravité
avoir dit il faut qu'il y ait des hérésies parmi
: il défend la cause du pauvre et comme il re-

vous, il fait connaître les hérésies dont il parle : dresse fortement les riches Que vous dirai-
Lorsque vous vous assemblez comme vous je ? vous donnerai-je des louanges ? Non ,
faites, ce n'est pas pour manger la cène du je ne vous louerai point. Qu'est-ce à dire? Il
Seigneur. Ce n'est pas dit-il pour
(Ibid. 20.) ,
,
leur démontre d'abord la folie de leur con-
manger la cène du Seigneur il fait allusion à : duite et les blâme ensuite avec douceur. Il le
ce repas qu'institua le Christ dans sa nuit der- fallait ainsi pour les empêcher de s'endurcir
nière, quand tous ses disciples étaient avec lui. dans le mal. Avant de leur démontrer leur
A ce repas les serviteurs eurent place auprès folie, il a énoncé toute sa pensée D'abord :

du Maître, et vous, qui êtes tous des serviteurs je ne vous louerai point. Puis, quand il leur a
de Dieu, vous êtes séi)arés et divisés Jésus 1 montré combien ils sont repréhensibles, il

n'éloigna pas même les traîtres, car Judas était adoucit l'expression de son blâme et laisse
là avec les autres, et loi, tu chasses ton frère I toute la force de l'accusation dans ses précé-
Ce point pour manger la cène du Sei-
n'est dentes paroles et dans sa démonstration. En-
gîieur, dit-il; il appelle cène du Seigneur ces suite il parle de la table mystique pour leur
repas où la concorde appelle tous les fidèles. inspirer plus de crainte c'est du Seigneur que
:

Eîi effet, chacun de vous prend son repas pour j'ai appris ce que je vous ai enseigné. Quelle est
le manger c?i particulier, l'un souffre de la la suite logicjuede ce discours? Vous i)ariiezdes
faim, tandis que l'autre est ivre. (Ibid. 21.) Il repas communs, et vous faites mention main-
ne dit point : l'un a faim tandis que l'autre tenant des plus redoutables mystères! Oui,
mange ; le mol d'ivresse les doit louclior da- certes, dit-il. Car si cette table spirituelle, où
vantage : de part ni d'autre, dit-il, mille me- s'accomplit un redoutable my,<tère, est com-
sure, tu te gorges de nourriture, tandis qu'un mune à tous, au riche et au pauvre, si le riche
autre meurt de faim ; tu manges plus cju'il ne n'y est pas mieux traité que le pauvre, ni le
faut, tandis (lu'un autre n'a pas même le pauvre moins bien traité que le riche, s'ils y
nécessaire. Ce double mal (lu'engendre la ruine sont tous également honorés et y trouvent une
de l'égalité, voilà ce (ju'il a|)pelle hérésies, place égale si, jusqu'à ce que tous aient pris
;

divisions et luttes entre des honiiuos dont l'un part au festin, se soient assis à cette table spiri-
était ivre, tandis (jue l'autre mourait de faim. tuelle et sacrée, elle demeure servie, si les prê-
Et il a bien dit : Quand vous vuus assemblez. tres sont là attendant le dernier des pauvres,
Pourquoi vous assembler? A quoi sert cette àplus forte raison en doit-il être ainsi à la table
H05TÉLIE SUR CE TEXTE : IL FAUT QU'IL Y AIT DES HÉRÉSIES. 221

matérielle. Voilà pourquoi j'ai parlé de la cène fermez bouche à ceux qui font un usage
la

du Seiji^nour. C'est du Seignew' que j'ai appris irréfléchi des paroles et desenseignements de
ce que je vous ai enseigné, que le Seigneur l'Apôtre. Redressez ceuxqui tournent les saintes
Jésus, la nuit même qu'il devait être livré, prit Ecritures à leur perte et à la perte des autres.
du pain, le bénit, le rompit^ et dit à ses disci- Car vous savez que ces paroles // faut qu'il :

ples : ceci est mon corps, qui est rompu pour y ait des hérésies parmi vous, ont été dites de
beaucoup, pour la rémission da; péchés. Faites la désunion qui s'était mise dans les repas
cela en mémoire de moi. Il prit de même le communs puisque l'Apôtre ajoute
,
L'un :

calice après le repas, et dit : le calice est la souffre de la faim, tandis que l'autre est ivre.

nouvelle allivice en mon sang. (Ibid. 23-26.) Avec une foi orthodoxe et une conduite en
^. Puis longuement de ceux qui par-
il parle harmonie avec les dogmes, montrons un grand
ticipent indignement aux mystères, il les sai- amour pour les pauvres, prenons le plus grand
sit, les confond, et après avoir enseigné que soin des indigents. Exerçons ce négoce spiri-
ceux qui reçoivent le corps et le sang de Jésus- tuel, et ne cherchons rien au delà de nos be-
Christ sans réflexion ni conseil, subiront la soins. Voilà la richesse, voilà le négoce, voilà
même peine que les meurtriers de Jésus-Christ, l'inépuisable trésor, de faire passer tous ses
il revient à son sujet, en disant: Ainsi^ mes biens dans le ciel et de se confier au gardien
frères, lorsque vous vous assemblez pour man- de ce dépôt. Nous retirons de l'aumône un
ger, attendez-vous les uns les autres; et si quel- double profit d'abord nous ne craignons pas
:

qu'un est pressé de manger, qu'il mange chez pour notre argent, ainsi mis en réserve, ni les
lui, afin que vous ne vous assembliez pas pour voleurs, ni les brigands, ni les esclaves infi-
votre condamyiation. Ibid. 33, 34. ) Voyez
( dèles; de plus, il n'est pas stérilement enfoui.
comme il dissimule le reproche qu'il fait à leur Mais de qu'un arbre planté dans un sol
même
intempérance. Il ne dit point Si vous êtes pres- : fertile porte chaque année des fruits en sa sai-
sés de manger, mais: 5/ quelqu'un est pressé de son , de même l'argent semé dans les mains
manger, afin que chacun, rougissant à la pensée des pauvres nous rapporte, non point seule-
d'être exposé à ce reproche , le devance et se ment chaque année, mais chaque jour, des
corrige. C'est enfin sur la crainte du châtiment fruits spirituels, la confiance en Dieu, le par-
qu'il arrête son discours en disant: Afin que don des péchés, lacompagnie desanges, la bonne
vous ne vou<i assembliez pas à un jugement, conscience, la joie et le bonheur spirituel, une
c'est-à-dire, à votre condamnation et à votre espérance légitime, et les biens admirables que
honte. Ce n'est point un repas ni une table, dit- Dieu réserve à ceux qui l'aiment, à ceux qui,
il, si l'outrage fait à un frère, le mépris de l'é- dans le zèle et la ferveur de leur âme, implo-
glise, la gloutonnerie et l'intempérance y trou- rent sa miséricorde et son règne. Puissions-
vent place. Ce n'est point une réjouissance, nous tous, après avoir vécu selon sa loi, l'obte-
mais un châtiment et une peine. Vous vous at- nir avec l'éternelle joie de ceux qui arrivent
tirez de redoutables vengeances en outrageant au salut, par la grâce et la miséricorde du vrai
vos frères, en méprisant l'église, en faisant de Dieu et de notre Sauveur Jésus-Christ, auquel
ce lieu saint une maison ordinairepar les repas appartiennent la gloire et la puissance, avec le
que vous y faites. Maintenant que
particuliers Père et le Saint-Esprit , dans les siècles des
Vous avez aussi entendu ces lecoûS| mes frères^ siècles 1 Ainsi soitril.
HOMÉLIES SUR CE TEXTE '.

PARCE QUE NOUS AVONS UN MÊME ESPRIT DE FOI.

AVERTISSEMENT.

On a formé quelques doutes sur les trois homélies qui expliquent ces paroles de saint Paul aux Corintbiens : Parce que nous
avons un même esprit de foi. La première raison de douter si ces trois homélies sont de saint Jean Chrysostome, c'est que
dans la première, l'auteur, en parlant du commencement de la foi, s'exprime d'une manière qui semble favoriser le semi-péla-
gianisme. A't Dieu, dit-il, ni la grâce du Saint-Esprit ne préviennent notre dessein, et quoique Dieu nous ait appelés, il
attend néanmoins que nous approchions librement de notre propre volonté, et, lorsque nous nous sommes approcliés, il
nous donne tout son secours. La seconde raison, c'est qu'au commencement de la troisième homélie, l'auteur compte cinq
cents ans depuis saint Paul : ce qui marque un auteur plus récent que saint Chrysostome. Mais ne sait-on pas que ce Père
ayant vécu avant les controverses sur la grâce, a moins ménagé les expressions que s'il eût vécu depuis? D'ailleurs, on trouve
dans SCS écrits les plus assurés divers endroits où le saint évêque déclare que le secours de la grâce est nécessaire pour le
fommencement de la foi. A l'égard de l'anachronisme qui se trouve dans la troisième homélie, outre que les chiffres ont pu
être corrompus, on voit, par plusieurs autres endroits, en particuUer par le cinquième discours contre les Juifs, que saint
Chrysostome n'était point exact chronologie, puisqu'il y compte quatre cents ans depuis la dernière ruine de Jérusalem :
dans la

fautes qui sont pardonnables dans discourait souvent sans préparation. Au reste, pour peu qu'on soit accoutumé
un auteur qui
à la lecture de ses écrits, on reconnaîtra aisément son style et toutes ses façons de parler dans ces trois homéli'^s. Il les pro-
nonça à Antioche, comme on le voit par ce qu'il dit de la vie austère des moines qui se retiraient sur les montagnes. (Dom
Remy Ceillier.)

PREMIÈRE HOMÉLIE.

Zoi Cil paioles da FApfitn : i Paica que nons avons on mSme esprit de foi, selon qu'il est écrit [II Coi. IV. 13] j el loi ces mots i J'ai cru :

c'est pouiquoi j'ai parlé [Ps. CIVII, 10] ; et sur l'aumôua. i

ANALYSE.

. Lorsque les médecins sont obligés d'employer ne le font pas sans compatir ï h Couleur qu^ls causent i leurs ma-
le fer, ils
lades-, saiut Paul, obligé de corriger les Corinthiens, éprouve de la peine en songeant à c- lie qu'il leur cause. 2. Faiblesse —
naturelle à la raison raffermie par la force de la foi. — 3. Imbécillité de la philoso, hie séparée de la foi. 4. Le mot foi a —
deux signiÛLations dans les Ecritures : il signifie cette vertu par laquelle les apôtres opéraient des miracles, il signifie encore
ce qui conduit à la connaissance de Dieu. — 5. Dans ce chapitre, saint Chrysostome parle de la grâce d'une manière qui parait
favoriser le semi-pélagianisme. — Les bonnes œuvres font demeurer en nous l'Esprit-Saint. La virginité a besoin d'être
6.
unie à la charité. — 7. Dieu a particulièrement à cœur le précep.*£ <ie la charité. —
8-10. Exhortation à la pratique de l'au-
mdne.

1. Quand les habiles médecins voient qu'une causent dans l'opération, et se réjouissent à la
plaie a besoin du fer, ils pratiquent des inci- pensée qu'ils rendent ainsi la santé à ceux qui
sions, mais ils ne le font point sans peine ni l'avaient perdue. C'est aussi ce que fit Paul, ce
pitié. Ils souffrent et se réjouissent autant que snge médecin des âmes. Les Corinthiens eurent
leurs malades. Ils souffrent de la douleur qu'ils un jour besoin d'un blâme sévère , il les
221 TRADUCTION FRANÇAISE DE dALNT JEAN CHRYSOSTOME.

blâma, et se réjouit en s'affiigeant. Il s'affli- convives, plus la iible est abondamment ser-
geait de la peine qu'il leur causait, et se ré- vie; ce n que Dieu dédaigne le petit
est point
jouissait du bien que produisaient ses paroles. nombre, c'est qu'il désire le salut de beaucoup
Ce sont ces deux sentiments qu'il exprime en d'hommes. C'est pourquoi, tandis que Paul
disant Car encore que je vous oie attristés
: ne faisait que traverser les autres villes le ,

par ma lettre, je n'en suis pins fâché, quoique Christ lui apparut et lui ordonna de séjourner
je l'aie été auparavant. (II Cor. vu, 8.) Pour- à Corinthe, disant : Ae crains point; paris
quoi en avais-je été fâché, pourquoi n'en suis-je sans te taire, car j'ai dans cette ville un grand
plus fâché ? j'étais lâché de vous avoir si sévè- peuple. (Act. xviii, 9, 10.) En effet, si pour une
rement blâmés je n'en suis plus fâché parce
: brebis le berger parcourt les montagnes, les
que j'ai corrigé votre erieur. Et pour vous bois , les lieux inaccessibles , comment ne
convaincre qu'il en était bien ainsi, écoutez la prendrait-il pas plus de peine encorequand il
suite : C'est que je voyais qu'elle vous avait faut arracher un grand nombre de brebis à
attristés pour un peu de temps ; mais mainte- l'indifférence et à Teneur? Et pour vous as-
nant j'ai delà joie, non de ce que vous avez été surer que Dieu ne méprise point le petit nom-
contristés, mais de ce que votre tristesse vous bre, écoutez Jésus Ce n'est point la voU-nté
:

a portés à la pénitence. \yb\à.*d.) le vous ai attris- de mon Père qu'aucun de ces petits périsse.
tés pour un moment, votre chagrin n'a point Ni le petit nombre ni l'infimité ne peuvent
,

été de longue durée, et le bien que vous en faire qu'il néglige notre salut.
avez retiré ne passera point. Permettez à l'a- 2. Puisque la Providence prend tant de soin
mour que j'ai pour vous d'employer les mê- des petits et du petit nombre, tant de soin du
mes paroles. Si je vous ai attristés dans ma grand nombre, confions-nous entièrement à ce
précédente instruction, je n'en suis point fâ- secours, et examinons les paroles de Paul que
ché, quoique j'en fusse fâché auparavant. Car je viens de vous lire. Nous savons, dit-il, que
je vois que cette instruction et mes conseils, si cette maison de terre où ?ious habitons vient
en vous attristant pour un moment, m'ont à se dissoudre. (II Cor. v, 1.) Mais remontons
causé une grande joie, no7i de ce que vous plus haut, au principe même de cette pensée.
avez été contristés, mais de ce que votre tristesse Comme ceux qui cherchent une source, s'ils
vous a portés à la pénitence. Voyez pour avoir ! trouvent un terrain humide, ne se contentent
été attristés selon Dieu, quel zèle en vous au- pas de remuer la terre à la surface, mais sui-
jomd'hui une assemblée plus belle, ce théâ-
! vent la veine et pénètrent plus avant, jusqu'à
tre spirituel plus brillant, la réunion de nos ce qu'ils aient trouvé la source même des
frères plus nombreuse Ce zèle est le fruit de
! eaux, aiusi ferons-nous. Nous avons trouvé la
votre tristesse. fontaine spirituelle qui découle de la sagesse
C'est pourquoi, autant je souffrais alors, au- de Paul suivons la veine et remontons à la
:

tant je me réjouis aujourd'hui, (jue je vois source même de la pensée. Quelle est cette
notre vigne spirituelle couverte de fruits. Si source ? Mais parce que nous avons le même
dans les festins ma'.ériels, il y a plus d'hon- esprit de foi , selon qu'il est écrit : J'ai cru,
neur et de plaisir pour l'hôte à mesure qu'il y c'est pourquoi nous aussi, nous
j'ai parlé; et
a plus de convive^:, à plus forte raison en doit- croj/ons, et c'estpourquoi fiou< parlons. Que di-
il être ainsi dans ces festins spirituels. Dans tes-vous? si l'on ne croit, l'on ne parle point
les premiers, toutefois, un plus grand nombre on reste muet? Oui, répond l'Apôtre. Je ne
d'invités consomme plus de mets, et cause puis sans la foi ouvrir la bouche, ni reuuier la
plus de dépense; dans les autres, au contraire, langue, ni desserrer les lèvres. Malgré la rai-
un plus grand nombre d'invités, au lieu d'é- son dont je suis doué, je reste muet ne si la foi

puiser les tables, y amène l'abondance. Et, si me De même que si l'arbre


dicte nies paroles.
dans les uns on trouve plaisir à dépenser, n'en n'a point de racines, il ne porte point de fruit,
trouvera-t-on pas davantage ilans les autres à de même sans le fondement de la foi, la parole
gagner et à s'enrichir? Car telle est la nature de la doctrine demeure stérile. C'est pourquoi
des biens spirituels; plus on en distribue, plus il dit ailleurs // faut croire de cœur pour ob-
:

ilss'augmentent. Et puisque je vois notre table tenir la justice et confesser la foi par ses pa-
pleine, j'espère que la grâce du Saint-Esprit rôles pour obtenir (Rom. x, 10.)
le salut.
aura un écho dans nos âmes. Car plus il v a de Qu'y a-t-il de préférable ou de comparable à
PAKCE QUE NOUS AVONS UN MÉMIC KSIUllT DE FOI. -^^ PIlFJlli'JKE HOMÉLIE. 223

dont la racine, aussi bien que les ra-


cet arbre profanes, quand elle s'attache à la foi, la plus
meaux, porte son fruit? car de la racine vient ferme de toutes les ancres, se sauve du nau-
la justice, des rameaux le salut. C'est pourquoi frage et trouve un abri tranquille dans la cer-
il dit Nous croyons, et cest pourquoi nous
: titude de sa conscience. C'est ce que nous fait
parlons. De même qu'un corps tremblant et entendre l^aul Dieu nous a
par ces paroles :

affaiblipar la vieillesse, s'il s'appuie sur un donné des apôtres afin qu'ils travaillent à la
,

bâton qui affermisse ses pas, ne peut chance- perfection des saints^ jusqu'à ce que nous par'
ler ni tomber ainsi notre àme, chancelante et
; venions tous à l'imité d'une même foi et d'une
défaillante par la faiblesse de la raison, en s'é- même connaissance du Fils de Dieu, et que
tayant de la foi, le plus sûr de tous les appuis, nous ne soyons plus comme des insensés flot-
acijuiert assez de force pour ne jamais tomber, tant à tous les vents des opinions. (Eph. iv,
parce qu'il y a dans la foi une surabondance 11-14.) Vous voyez la vertu de la foi ; comme
de force qui compense rimbécillité de la raison. une ancre solide, elle nous affermit dans la
La foi dissipe les ténèbres dont l'âme est entou- tempête. C'est ce que Paul écrit encore aux
rée, dans l'obscure demeure qu'elle habite au Hébreux C'est pour notre âme comme une
:

milieu des troubles de la raison, et l'éclairé de ancre ferme et assurée, qui pénètre jusqu'au
sa propre lumière. Aussi ceux qui en sont pri- sanctuaire qui est au dedans du voile. (Héb.
ves, semblables aux infortunés qui vivent dans VI 19.) Et ne croyez pas que cette ancre
,

les ténèbres, (jui se heurtent aux murs et à vous attache à la terre l'Apôtre parle d'une 1

tous les obstacles, se laissent choir dans les ancre toute nouvelle, qui au lieu de vous
fossés et les précipices, et ne peuvent se servir retenir ici-bas, élève votre âme, la porte au
de leurs yeux que la lumière n'éclaire point, ciel, et la fait entrer dans le sanctuaire que
ceux qui sont privés de la foi se heurtent les cache le voile; car c'est le ciel qu'il appelle
uns aux autres, se choquent aux murailles, et de ce nom. Comment et pourquoi? c'est que
se précipitent enûn dans quelque gouffre où de même que le voile séparait de l'extérieur
ils trouvent la mort. du tabernacle le Saint des saints, ainsi le ciel,
3. Témoins ceux qui s'enorgueillissent de la jeté comme un voile au milieu de la création,
sagesse profane, qui se font gloire de leur lon- sépare de l'extérieur du tabernacle, c'est-à-
gue barbe, de leurs haillons et de leur bâton. dire du monde visible, le Saint des saints, le.
Après de longs et d'interminables raisonne- monde céleste placé au-dessus de lui, et où la
ments, ils ne voient point les pierres qui sont Christ nous a précédés pour nous en ouvrir
devant leurs pieds ; car s'ils les voyaient ils , les voies.
ne les prendraient pas pour des dieux. Ils 4. Voici le sens de ses paroles : La foi, dit-il,
se heurtent les uns aux autres, se plongent élève notreâme au ciel, ne la laissant accabler
dans le gouffre sans fond de l'impiété, uni- par aucun des maux présents et soulageant ses
quement parce qu'ils se confient tout en- misères par l'espérance de l'avenir. Car celui
tiers à leurs raisonnements. C'est ce que fait qui regarde l'avenir, qui vit dans l'espoir du
entendre Paul quand il dit: Ils se sont égarés ciel, et dirige là-haut les yeux de l'àine, na
dans leurs vains raisonnements, et leur cœur sent même pas les maux que Paul ne
présents,
insensé a été rempli de ténèbres; ainsi ils sentait point. Et il nous indique les causes de
sont devenus fous en s attribuant le nom de sa philosophie : Le moment si court et si léger
sages. (Rom, i, 21, 22.) Ensuite, pour faire voir des afflictions que nous souffrons en cette vie
leur aveuglement et leur folie, il ajoute : Ils produit en 7ious le poids éternel d'une souve-
ont transféré l'honneur qui n'est dû qu'au raine et incomparable gloire. Comment etdu
Dieu incorruptible à l'image d'un homme cor- quelle manière? Si nous ne considérons pa^
ruptible^ à des figures doiseaux, de quadru- les choses visibles, mais les invisibles. (II Cor.
pèdes et de serpents. (Ibid. 23.) Toutes ces té- IV, 17, 18.) Et cela, avec les yeux de la foi. Car,
nèbres la foi les dissipe en pénétrant dans
, de même que les yeux du corps ne voient
1 amequi la reçoit. Ainsi qu'un vaisseau que point ce qui est intelligible, de même les yeux
ballottait la tempête et qu'inondaient les va- de la foi ne voient point ce qui est sensible.
gues, quand on jette l'ancre, reste ferme, et Mais de quelle foi parle Paul ? Car le mot foi a
prend, pour ainsi dire, racine au milieu de la deux significations. Il appelle foi cette vertu
mer ; notre âme, bouleversée par les pensées par laquelle les apôtres opéraient des miracles,

TOMB IV.
226 TRADUCTION FRANÇAISE DE SAINT JEAN CHRYSOSTOME.

et dont le Christ disait Si vous aviez de la


: nous la tenions tout entière de la grâce du
foi comme un grain de sénevé vous diriez à ,
Saint-Esprit, si c'est d'elle-même qu'elle entre
cette montagne: transporte-toi, et elle se trans- en nos âmes, si elle ne nous doit procurer au-
porterait. (Matth. XVII, 19.) Un jour que les cune récompense, pourquoi l'Apôtre a-t-il dit:
disciples ne pouvaient délivrer du démon un // faut croire de cœur pour obtenir la justice et

possédé, et qu'ils voulaient savoir la cause de confesser la foi par ses paroles pour obtenir
leur impuissance, il leur fit entendre que la lesahit?{VLom. x, 10.) C'est que chez l'homme
foi leur manquait : C'est à cause de votre incré- qui croit, la foi devient un mérite de sa
dulité. C'est encore de cette foi que parlait vertu. Paul le ferait-il entendre ailleurs par
Paul, quand il disait : Si j'ai la foi qui trans- ces paroles : La foi d'un homme qui , sans
porte les montagnes. (I Cor. xiii, 2.) Et quand faire des œuvres, croit en celui qui justifie le
Pierre,marchant sur la mer, se crut en dan- pécheur, lui est imputée à justice (Rom. iv,
ger d'être englouti, le Christ lui adressa le 5), si tout dans la foi nous venait de la grâce

même reproche Homme


de peu de foi, pour-
: du Saint'Esprit? Pourquoi, à cause de cette

quoi as-tu douté? (Matth. xiv, 31.) On appelle même foi, comhlerait-il de louanges le patriar-
donc foi cette vertu qui produit les mira- che Abraham, qui, méprisant le présent, eut
cles et les prodiges. On appelle encore foi la foi et espéra contre toute espérance? Pour-

ce qui nous conduit à la connaissance de Dieu quoi donc dit-il l'Esprit de foi? Pour marquer

et qui fait dechacun de nous des fidèles c'est : que notre premier pas dans la foi dépend de
dans ce sens qu'il dit aux Romains Je rends :
notre bonne volonté, de notre docilité à lTv-u\.!e
grâces à mon Dieu par Jésus-Christ de ce que Dieu; mais que, quand la foi est entrée eu nus
votre foi est annoncée dans tout l'univers. âmes, nous avons besoin du secours du Saint-
(Rom. I, 8.) Et aux Tliessaloniciens No?i-seu- : Esprit pour la garder ferme et inébranlable.
lement vous êtes cause que la parole du Sei- Car, ni Dieu, ni la grâce du Saint-Esprit ne pré-
gneur s'est répandue dans la Macédoine et dans viennent notre volonté; Dieu, il est vrai, nous
VAchaïe, mais même la foi que vous avez en appelle, mais il attend que nous venions libre-
Dieu est devenue célèbre partout. (I Th. i, 8.) ment et de notre gré, et quand nous sommes
De quelle foi parle-t-il en cet endroit? C'est venus, il nous prête tout son secours *. Comme,
évidemment de la foi de connaissance la suite ; en effet, le démon, des que nous nous sommes
le prouve Nous croyons, dit-il, et c'est pour-
: rendus à la foi, se glisse en nos âmes pour en
quoi nous parlons. Que croyons-nous ? Que arracher cette précieuse semence et y répandre
celui qid a ressuscité le Christ, nous ressusci- l'ivraie afin d'étoulîer le bon grain, nous avons
tera nous-mêmes par sa vertu. (II Cor. iv, alors besoin du secours du Saint-Esprit, qui,
iA.) Mais pourquoi l'appelle-t-il l'Esprit de semblable à un laboureur actif s'établit en nos
foi et la comple-t-il au nomhre des {.TÙoes? cœurs et pir ses soins prévoyants, prottge
En etîet, si la foi est une grâce, un don du contre toutes les atteintes la plante naissante de
Saint-Esprit, si elle n'est point notre conquête, la foi. Aussi Paul écrivait-il aux Thessaloni-
les incrédules ne seront pas punis, ni les lidè- ciens : Xétcignez pas l'Esprit (I Tbess. v, 10),
les récompensés. Car, telle est la nature des leur montrant ainsitiu'aveclagràc" del'Esprit-
grâces, qu'elles ne sont suivies, ni de récom- Saiiit ils seraient désormais invincibles au dé'
penses, ni de punitions. Un don n'est point un mon et à l'abri tle ses pièges. Car, si pei-sonnc
mérite chez celui qui le reçoit, c'est un elTot de ne peut dire Seigneur Jésus si ce n'est en lEs-
la munificence de celui qui le donne. C'est pour- prit-Saint, à plus l'orle raison ne pourra-t-il
quoi Jésus défendit à ses disciples de se réjouir avoir sans lui une foi ferme et assurée.
du pouvoir (lu'ils avaient de chasser les dé- G. Mais connnent nous attirer
le secours de
mons, heaucoup d'entre ceux (jui avaient
et l'Esprit-Saintet por^uaderde rester en nous?
le

prophétisé en son nom et fait de grands nii- Par les bonnes œuvres et riionnèleté de notre
cles furent exclus par lui du royaume dos vie. De mémo que la lumière de la lampe
cieux, parce qu'ils ne se sentaient aucun mé- se conserve par Ihuile, et que, l'huile épuisée,
rite propre et voulaient se sauver par les dons la lumière s'éteint , de même la grâce du
qu'ils avaient reçus. Saint-F.sprit. tant que nous faisons de lionnes
5. Mais si la nature de la foi est telle que œuvres et que nous répandons sur nos
nous n'en devions rien à nous-mémos, que ' Vovgi l'avartisseBcnt.
âmes la céleste rosée de l'aumône, reste eii donné à boire et à manger à Jésus, (jui avait
nous comme la tlamme que conserve l'huile. soif et qui avait faim, quoiqu'ils n'eussent
Mais sans ces pratiques elle nous quitte et se point à se faire gloire de la virginité, ont en-
relire de nous. C'est ce qui arriva aux cinq tendu ces paroles Venez, les élus de mon
:

\ierges. Après beaucoup de fatigues et de Père, dans le royaume qui vous est préparé
sueurs, privées du secours qu'assure à l'iionune depuis le commencement du monde. (Ibid. 34.)
la cliarité, elles ne purent conserver la grâce Et c'est à juste raison, car quiconque jeûne et
de rEsj)rit-Saint; elles furent chassées de la garde la virginité se sert lui-même, mais ce-
chambre nuptiale, et entendirent ces effrayan- lui qui exerce la charité est comme un port
tes paroles : Retirez-vous, je ne vous connais pour les naufragés; car il soulage la pauvreté
point (Matth. xxv, 12), paroles plus terri- de son prochain et subvient aux besoins d'au-
bles que la géhenne même. C'est encore pour trui. Et, parmi nos bonnes actions, les plus es-
cela que Jésus les nomme folles, et à juste ti- timées de Dieu sont celles dont les autres reti-
tre. Elles avaient vaincu les plus tyranniques rent le fruit.

passions et elles cédèrent aux moins impérieu- 7. Ce qui vous convaincra que Dieu a ce pré-
ses. Voyez 1 elles avaient triomphé de la na- cepte plus à cœur que tous les autres, c'est
ture, comprimé la furie des sens et calmé les que, lorsque Jésus parle du jeûne et de la vir-
désirs charnels ; sur la terre elles avaient mené ginité ,nous promet pour récom|)ense le
il

une vie angélique ; êtres corporels, elles avaient royaume du ciel; mais quand il parle de l'au-
rivalisé avec les créatures célestes ; et, parve- mône et de la charité, quand il nous commande
nues à ce point, elles ne surent point vaincre d'être miséricordieux, il nous propose un prix
l'amour de l'argent folles, insensées C'est; ! bien plus considérable que le royaume des
pourquoi elles furent jugées indignes de par- cieux Vous serez dit-il, semblabl-es à votre
: ,

don. Leur faute, en effet, ne venait que de leur Père qui est dans les cieux. Car ce qui est le
manque de zèle. Elles avaient pu éteindre la plus capable de rendre l'homme semblable à
flanune ardente des désirs corporels, dépasser Dieu, autant que l'homme peut être semblable
les limites des devoirs auxquels elles étaient sou- à Dieu, c'est l'observance des lois qui ont rap-
mises (car il n'y a i)as de loi qui commande la port au bien commun. C'est cela même que
virginité, la volonté des fidèles est la seule rè- vous enseigne le Christ quand il dit // fait :

gle) ; et ensuite elles se laissèrent vaincre par luire son soleil sur les bons et sur les mé-
l'amour des richesses, et pour un peu d'ar- chants et tomber la pluie sur les justes et sur
gent (est-il rien de plus misérable?) elles je- les injustes. ( Matth. v, 4t5.) Et vous, travaillez
tèrent la couronne de leur front ! Je ne parle selon vos forces à l'utilité commune et imitez
point ainsi pour décourager les vierges , ni Dieu qui de ses biens un égal partage à
fait

pour détruire la virginité, mais pour qu'elles tous les hommes. Le mérite de la virginité est
ne courent point inutilement, pour qu'elles ne grand, et je veux qu'on lui prodigue les louan-
se voient pas après bien des fatigues, privées ges. Car le mérite de la virginité ne consiste
de la couronne, couvertes de confusion et ex- point seulement à s'abstenir du mariage, mais
clu»^s de la lice. C'est une belle chose que la à faire paraître de la bonté, de la charité, de
virginité, c'est un mérite surnaturel mais ; ce la miséricorde. Que sert la virginité avec la
mérite si beau, si grand, si surnaturel, ne dureté du cœur? Que vaut la tempérance unie
saurait, sans la charité, donner l'accès du à l'inhumanité? Tu n'as point cédé aux pas-
vestibule même de la chambre nuptiale. Et sions charnelles, mais tu as cédé à la passion de
considérez la force de la charité et la vertu de l'argent. Tu as vaincu l'ennemi le plus redou-
l'aumône La virginité sans la pratique de
!
table pour te laisser dompter et terrasser par le
l'aumône ne peut donner l'accès du vestibule plus faible, et ta défaite est d'autant plus hon-
de la chambre nuptiale et l'aumône sans la ;
teuse. Aussi n'es-tu point digne de parilon, toi
même virginité conduit ceux qui la praliquent qui as vaincu le plus redoutable ennemi, qui as
au du royaume glorieux qui leur était pré-
sein lutté contre la nature même et
qui as succombé
paré avant la création du monde. Parce que à l'amour de l'argent, i\ue souvent des esclaves
ces vierges n'avaient pas donné une large au- et des barbares ontsurmonté sans peine.
mône, elles entendirent ces mots Retirez- : 8. Ce que sachant, mes frères, et ceux qui
V0us,je ne vot*: x^vjiais pas I Et ceux qui ont contractent le mariage et ceux qui pratiqi: at
228 TRADUCTION FRANÇAISE DE SAINT JEAN CHRYSOSTOME.

la ''.iginité, montrons le plus grand zèle pour endurer la faim, la soif, se soumettre à des or-
l'aumône, puisque ce n'est point autrement donnances plus dures encore. Mais il n'en est
qu'on obtient le royaume des cieux. Car si la point ainsi des maux de l'âme. 11 sufût déverser
virginité sans l'aumône ne peut ouvrir l'entrée son argent entre les mains des pauvres pour
de ce royaume, quelle autre vertu le pourra être aussitôt lavé de toutes ses souillures sans
aura assez de force sans elle? Il n'en est au- douleur ni souffrance. Car le médecin des
cune. Donc, de toute notre àme et de toutes âmes n'a besoin ni de l'art ni des instruments,
nos forces, versons de l'huile dans nos lampes, ni du fer, ni du feu. 11 n'a qu'un signe à faire,
qu'elle soit abondante, qu'elle coule toujours, et le péché sort de nos cœurs et s'évanouit dans
afin que la lumière soit vive et bien nourrie. le néant.
Et ne considérez pas le pauvre qui reçoit, mais 9. Voyez ces moines qui embrassent la vie
Dieu qui rend; non celui à qui vous donnez solitaire et se retirent sur le faîte des monta-
l'argent, mais celui qui se fait caution de la gnes quelle dure existence Ils couchent sur la
: 1

dette. L'un la contracte et l'autre la paye, parce cendre, sont vêtus d'un sac, se chargent de
qu'il faut que le malheur et la misère du pau- chaînes, s'enferment dans le cloître, luttent
vre qui reçoit l'aumône vous poussent à la sans trêve contre la faim, vivent dans les pleurs
pitié et à la miséricorde, et que les richesses etdans d'intolérables veilles, pour se délivrer
du Dieu qui promet de payer cette dette avec d'une petite partie de leurs péchés. Vous n'a-
usure vous rassurent sur le i)rincipal et l'in- vez pas besoin de toutes ces rigueurs la voie ;

térêt, et vous engagent à faire de plus larges delà piété vous est plus aisée et plus douce.
aumônes. Car, je vous le demande, quel Car, est-ce une peine, dites-moi, de jouir de
liomme sachant qu'il recevra le centuple et vos biens, et de donner aux pauvres le super-
entièrement sûr du paiement, ne donnerait flu? Ne vous proposerait-on point un prix si
tous ses biens? relevé, une récompense si belle, la nature
Ainsi n'épargnons point nos richesses, ou de la chose suffirait à persuader aux cœurs les
plutôt épargnons-les car celui-là épargne sa
; plus cruels d'user de leur superflu pour sou-
fortune qui la confie aux mains des pauvres; il lager les misères des pauvres. Mais alors que
en fait ainsi un inviolable dépôt que les vo- l'aumône nous procure tant de couronnes, de
leurs, ni les esclaves infiilèles, ni les traîtres, récompenses, une complète rémission de nos
ni les malfaiteurs, ni les ruses des hommes ne fautes, quelle excuse, dites-moi, auront ceux
l)euvent atteindre. Que si, a|)rès ces paroles, qui sont avares de leurs richesses et per-
vous hésitez à donner vos biens, si l'espoir de dent leure âmes dans le gouffre du péché? Si
recevoir au centuple, ni les misères des pau- rien ne vous peut émouvoir, ni vous porter àla
vres, ni aucune autre considération ne vous miséricorde, considérez du moins l'incertitude
I)cut fléchir, comptez vos péchés, entrez dans du terme de votre vie songez que, quoique;

la conscience de vos fautes, examinez toute vous ne donniez pas votre argent aux pauvres,
votre vie saris rien omettre, et connaissez vos quand viendra la mort il faudra, bon gré mal
erreurs. Scriez-vous le plus dur des hommes, gré, le laisser à d'autres, et devenez aiiisi cha-
tourmenté sans cesse par la crainte du chàli- ritable dès à présent. Ce serait le comble de la
menl, cl n'ayant d'espoir de vous racheter que démence de ne point partager volontairement
l»ar l'aumône, vous donnerez non seulement avec d'autres ces biens dont nous de^ons nous
vos biens, mais 'votre corps même. Si nous séparer, et cela, sachant (jue nousde\ons re-
avions des plaies ou des maladies corporelles ,
tirer les plus grands fruits do notre charité.
pour les guérir nous n'épargnerions rien, nous Que votre abondance, dit l'Aiiôtre, sou'age
donnerions notre vêtement même |)Our nous leur dcfresse. (II Cor. vui, i-i., Que dit-il par
en délivrer les maladies de l'àme sont plus
: ces paroles?Vous recevez plus que vous ne
dangereuses et nous i»ouvons les guérir, nous donnez vous domiez des biens matériels et vous
;

pouvons fermer par l'aïunône les blissures du recevez des biens spirituels et célestes; vous
péché. Faisons donc l'aumône de tout notre donnez de l'argent, et vous recevez le pardon
cœur. Et i)Our se délivrer des maladies du de \os fautes; vous délivrez le pauvre de la
corps, il ne suffit pas de donner son ar-it nt faim, et Dieu vous délivre de sa colère. Dans
sans hésiter; il faut souvent souffrir des inci- cette affaire, le gain surpasse de beaucoup la
sions, des brûlures, boire d'amers breuvaces, dépense. Car vous ue dépensez que dos ri-
PARCE QCE NOUS AVONS UN MÊME ESPRIT DE FOI. — PREMIÈRE HOMÉLIE. 229

cbesscs et vous gagnez non point des riches- ébranlent la solidité de la foi, écoutez ce que
ses,mais la rémission de vos péchés, la paix Paul dit à Timothée : Acqidttez-voits de tous
devant Dieu, le royaume du ciel et des biens ces devoirs de la milice sainte, cons'rvant la
que les yeux morlcls ne peuvent voir, ni les foi et la bonne conscience. (Or, la bonne con-
oreilles entendre, ni la pensée concevoir. N'est- science est d'une vie pure et des bonnes
le fruit

il pas absurde que les marciiands n'épargnent œuvres). Quelques-iins y ont renoncé, et leur
pas leur avoir pour aopiérir, non point des foi a fait naufrage, (l Tim. i, 18, 19.) Ailleurs
biens d'une nature snpérieurc, mais des biens il dit : V amour des richesses est la cause de tous
semblables, et (pie nous, pour échanger des les maux;quelques-uns en étant possédés se
biens périssables et passagers contre des biens sont égarés de la foi. (Ibid. vi, 10.) Vous voyez
impérissables et éternels, nous ne sachions que, pour une cause, les uns ont fait naufrage,
point comme eux dépenser nos richesses? les autres, pour une autre cause, se sont éga-
Non, mes frères ne soyons pas ennemis de
, rés; les premiers, pour avoir renoncé à la
noire salut laissons-nous toucher à rexcniplc
: bonne conscience, les seconds, pour avoir suc-
des vierges folles et de ceux qui se précipitent combé à l'amour des richesses. Ce que consi-
dans le feu préparé pour le démon et ses an- dérant avec soin, appliquons-nous à bien vivre
ges rebelles, pour n'avoir pas donné h manger pour nous assurer une double récompense
et à boire à Jésus-Christ; conservons le feu celle que nous procurera la rétribution de nos
de l'Esprit-Saint par une abondante charité et œuvres, et celle qui nous viendra de la fermeté
de larges aumônes, afin que notre foi ne fasse de notre foi. Car la bonne vie est à la foi ce
point naufrage. Car la foi a besoin du secours que la nourriture est au corps, et de même que
et de la présence de l'Esprit-Saint, pour rester notre corps ne saurait vivre sans aliments
inébranlable et ce qui nous assure le se-
; notre foi ne saurait vivre sans les œuvres. La
cours de l'Esprit-Saint, c'est la pureté de la foi sans les œuvres est une foi morte. (Jacq. ir,
vie et la bonne conduite. Si nous voulons 20.) 11 me reste une chose à dire. Que signifient
que la foi jette en nous de profondes ra- ces mots Le même esprit de foi? car l'Apôtre
:

cines, nous devons mener cette vie pure et n'a pas dit simplement l'esprit de foi. J'avais:

sage qui conserve en nous la grâce et la vertu intention d'ex[)liquer cette parole, mais je vois
de l'Esprit-Saint. Car celui qui ne mène point que les pensées jailliraient à flots de ce seul
une vie pure ne saurait garder sa foi à l'abri mot; je crains que le nombre des choses qu'il
des orages. faudrait dire ne déborde de vos âmes et que
10. Les insensés qiri parlent de la destinée et l'instruction ne souffre de ces longueurs.
n'ont point la salutaire croyance de la résur- C'est pourquoi je m'arrête, en vous priant et
rection sont poussés, par leur mauvaise con- vous suppliant d'observer avec soin les pré-
science et leurs mœurs impures , dans cet ceptes que je vous ai donnés sur la pureté do
abîme d'impiété. Et de même que les gens pris la vie, sur la foi, la virginité, la charité et
de fièvre, pour en apaiser l'ardeur, se jettent Taumône, de les retenir exactement pour être
dans l'eau froide, et, après un léger soulage- prêts à entendre ce que je dois vous dire encore.
ment, sentent s'aviver la flamme qui les dé- Car l'édifice qu'élèvent mes paroles sera ferme
vore, de même ces hommes, en proie à leur et inébranlable si mes premiers enseigne-
mauvaise conscience, cherchant le repos, mais ments, étant bien assis dans vos âmes, y don-
ne voulant pas le trouver dans le repentir, ont nent aux suivants de solides fondements. Et
recours à l'aveugle tyrannie du destin et à que Dieu, qui m'a fait la grâce de vous dire ces
l'incroyance en la résurrection. Ils se reposent choses, et à vous de les écouter avec zèle,
un temps en de froids raisonnements, mais ils nous rende dignes de produire quelque fruit
allument ainsi des flammes plus dévorantes ; par nos œuvres, par les mérites et la bonté de
ils se plongent de plus en plus dans l'indiffé- Notre-Seigneur Jésus-Christ à qui appartient ,

rence, et, quand ils descendront aux enfers, la gloire dans les siècles des siècles. Ainsi
ils verront chacun expier ses fautes. Et pour soit-il.
TOUS convaincre que les actions mauvaises
230 TRADUCTION FRANÇAISE DE SAINT JEAN CHRYSOSTOME.

DEUXIÈME HOMÉLIE.

MauiclSens el tons ceux qui calomuienl l'Âncioi Testamenl et le séparent du Nouveau, «t m raumSni

MUTSE.

10 Résumé de la dernière homélîô. —


2» L'ancienne loi et h nouvelle sont dn même législateur, du même Dieti. 3» Ces deux —
mais non pas opposées.
lois sont différentes, —
4o Jérémie montre clairement qu'il n'y a qu'un Dieu pour l'Ancien et le Nouveau
Testament. Contre les Juifs et les sectateurs de Samosate, son témoignage est décisif. —
ù* Aliraham eut deux fils, un de la
servante. Vautre de la femme libre. C'est une ali'goric, ce texte, admis par les Manichéens, les condamne. 6° Les deux —
épouses d'Abraham figurent les deux testaments. Elles n'ont qu'un époux; donc aussi les deux testaments n'ont qu'on même
Dieu. — lo-iO" Exhortation à la pratique de l'aumône.

i. Je VOUS dois depuis longtemps l'explica- est écrit J'ai cru, c'est pourquoi j'ai parlé;
:

tion des paroles de l'Apôtre. Peut-être mon et nous aussi nous croyons, et c'est pourquoi
retard vous a-t-il fait mais
oublier cette dette , 720US parlons. (II Cor. iv, 13.) De quelle foi est-
je n'ai pas oublié mon
pourrons, car
affection il question ? De celle qui opère les miracles, et

tel est l'amour il veille el s'inquiète. Et non-


: dont le Christ a dit Si vous aviez de la foi
:

seulement ceux qui aiment portent partout comme un grain de sénevé, vous diriez à cette
dans leur cœur ceux qu'ils aiment, mais ils se montar/nc : Transporte-toi, et elle se transpor-
souviennent de leurs promesses plus que ceux terait? y^Matlb. xvn, 19.) ou de celle qui nous
qui en doivent recevoir l'accomplissement. donne laconnaissanceel qui fait de nousdes fidè-
Ainsi une tendre mère conserve les dôbris les.Pouniuui? r.Vpùlre a-t-il dit l'Esprit de foi et
d'un festin pour ses enfants; ils l'oublient ce qu'est cettefoi ? Ce sont toutes choses que je

peut-être, mais elle s'en souvient, leur sert ces vous ai expliquées selon mes forces, en vous par-
reliefs (lu'elle a gardés avec soin, el rassasie lant dcraumônc en même temits. J'avais encore
leur faim. Que si les mères ont pour leurs en- à chercher le sens de ce mot : le même Esprit
fants pareille tendresse , nous devons vous de foi , mais la longueur de mon discours me
prouver noire amour par une sollicilude plus défendait d'examiner à fond cette parole; c'est
soigneuse encore et plus attentive, car la pa- pounjuoi je la réservai pour ce joiu', et je suis

renté spirituelle est plus forte que la parenté venu payer ma dette. Pouriiuoi donc l'Aiiôtre
selon la cbair. Quel est donc le festin dont a-t-il dit : le même Esprit de foi? C'est pour

nous vous avons conservé les restes ? C'est la montrer Tintime union de l'Ancien Testttmcnt
parole de l'Apôlrc, qui nous a déjà fourni la et du Nouveau. Il nous remet en mémoire une

nourriture spirituelle en abondance, et dont proiihétie, en disant Parce que nous avons le
:

nous avons déposé une partie dans \os âmes même esprit de foi, et en ajoutant Selon qu'il :

en réservant l'autre pour aujourd'bui afin de , est écrit : Xai cru, c'est pourquoi fai parlé.

ne pas fatiguer votre mémoire par de trop (Ps. cxv, 10.) Cette parole, David l'avait autre-

longs discours. Quelle est celle parole? Parce fois i>rononci''e ; Paul la répète aujourdhiu pour
que nous avons lemcme esprit de foi, selon quil montrer que c'est par la même grâce du Saint-
PAÎICE QUE NOUS AVONS UN MÊME ESPRIT DE FOI. — DEUXIÈME HOMÉLIE. 231

Esprit que la foi s'est solidement établie, et attribuer à deux dieux diCTérentp. Si do"". '-o
dans l'àine du prophète et dans les nôtres. même temps, pour les mêmes homm^. ja.it

C'est comme s'il disait : C'est le même esprit les mêmes soins et les mêmes devoirs, Dieu

de foi tjui a parlé en lui et agi en nous. avait fait des lois contradictoires, ce sophisme

2. Où sont maintenant ceux qui calomnient aurait peut être une ombre de raison. Mais si
rAncien Testament, qui déchirent le corps des ces deux Testaments ont été écrits pour des

Ecritures et attribuent à deux dieux différents hommes différents \ivant dans des temps di-
,

l'Ancien Testament et le Nouveau? Qu'ils enten- vers, et dans des circonstances diverses, la dif-

dent comme Paul ferme leurs bouches impies, férence des lois implique-t-elle deux législa-
met un frein à leurs langues qui s'attaquent teurs? Pour moi, je ne le vois pas; que nos
à Dieu , et montre par cette seule parole (luc adversaires parlent s'ils le peuvent, mais que
le même Esprit règne dans l'Ancien Testament pourraient-ils dire? Le médecin emploie sou-
et dans Nouveau. Car ce seul nom de Testa-
le vent des remèdes contraires, sa science cepen-
ment nous donne l'idée d'une entière harmo- l'ant n'es^t pas contradictoire: elle est une et

nie. On appelle l'un Nouveau, pour le distin- constante. En effet, il brûle ou ne brûle pas,
guer de l'Ancien et l'autre Ancien, pour le
;
incise ou n'incise pas le même corps; tantôt il

distinguer du Nouveau, comme Paul le dit prescrit des breuvages amers, tantôt des breu-
lui-même Eii disant le Nouveau Testanieiit
:
vages doux: ces traitements sont opposés, la
il a marqué Vaiiclenneté du premie7\ (Hé)ir. science qui les dicte est une et constante, elle

VIII, 13.) Or, s'ils ne venaient tous deux du n'a qu'un but unique, la santé du malade.
même Maître on ne pourrait appeler l'un
,
N'est-il pas absurde de ne point blâmer un mé-

Nouveau, l'autre Ancien. Celte différence de decin qui emploie des remèdes contraires sur
noms elle-même marque leur parenté, et la le même corps et de condamner Dieu pour
,

dilTérence qui sépare l'un de l'autre n'est pas avoir donné à des hommes différents, et qui
dans leur essence, mais dans le temps où ils vivaient dans des temps différents, des lois dif-
ont paru; ce n'est qu'en cela que le Nouveau férentes?

Testament est opposé à l'Ancien. Au reste cette 3. Ainsi , les lois seraient-elles contraires,

différence des temps n'implique nul change- ilne faudrait point accuser Dieu je viens de :

ment de Maître, nulle diminution de pouvoir. le prouver. Mais elles ne sont point contraires,

C'est ce que le Christ a lui-même fait entendre elles sont seulement différentes faisons-les ;

en disant Cest pourquoi je vous le dis : Tout


:
comparaître devant nous. Ecoutez, dit Jésus,
docteur imtruit de ce qui regarde le royaume ce qui a été dit aux anciens : Vous ne tuerez

des deux est semblable à un pèi^e de famille fas. Voilà l'ancienne loi voyons la nouvelle; :

qui tire de son trésor des choses nouvelles et El qidconque s'irritera sans
77wi je vous dis :

des choses anciennes. (Matlh. xiir, 52.) Vous motif contre son frère méritera d'être con-
voyez des biens différents aux mains du même damné au feu de l'enfer. (Matth .v, 21 22.) Sont- ,

maître. S'il se peut qu'un même maître dis- ce dites-moi, des lois contraires. Est-il un
là,

pense des biens nouveaux et des biens anciens, homme, si peu de riison qu'il ait, qui le puisse
rien n'empêche que l'Ancien Testament et le prétendre? Si l'ancienne loi défendait le meur-

Nt^uveau soient du même Dieu. Cela même tre , et si la nouvelle le commandait, on pour-
indi(iue l'abondance de ses trésors qu'il fait rait dire (ju'elles sont opposées. Mais quand
paraiire (luaud il dispense, non-seulement des l'une ordonne de ne point tuer, et que l'autre

biens nouveaux , mais encore des biens depuis prescrit de ne pas même s'irriter, c'est une dé-
longtemps amassés. fense plus sévère, et non une défense contraire.

Il n'y a dans les deux Testaments que des L'une retranchait l'effet du mal le meurtre ; ,

différences de nom du ; reste, nulle opposition, l'autre en arrache la racine en proscrivant la

nulle contradiction. Car l'ancien devient ancien colère; la première arrêtait le cours du vice,

par le nouveau or, ce n'est point là une oppo-


: l'autre en dessèche la source même, car la ra-

sition, une contradiction, mais une simple dif- cine et la source du crime sont dans la colère
nom. Mais j'irai plus loin. Les lois
férence de et le ressentiment. L'ancienne loi nous a pré-
du Nouveau Testament et celles de l'Ancien parés à recevoir la nouvelle, et la nouvelle a
seraient-elles différentes, j'affirmerais résolu- complété l'ancienne. Où est la contradiction?
l'une retranche du mal, l'autre le prin-
ment qu'il n'y aurait nulle nécessite de les l'eff'el
232 TRADUCTION FRANÇAISE DE SAINT JEAN CHRYSOSTOME.

cipe. L'une veut que nos mains soient pures même du législateur? Je vous donnerai un
de sang, l'autre ferme aux desseins pervers Testament Nouveau, autre que celui que je
l'accès de nos âmes. Ces lois sont donc en har- donnai à nos pères. (Jérém. xxxi, 31.) Ainsi,
monie, et non en opposition, comme s'efforcent le Dieu qui donne le Nouveau Testament est le

à tout propos de l'établir les ennemis de la vé- même Dieu qui avait jadis donné l'Ancien. Cela
rité , qui ne voient pas qu'ils jettent sur ce Dieu ferme aussi la bouche aux sectateurs de Paul
du Nouveau Testament la plu? grave accusa- de Samosate, qui nient l'existence du Fils de
lion de négligence et d'incurie. Car il serait Dieu avant les siècles. Car s'il n'était pas avant
convaincu (que ce blasphème retombe sur la l'enfantement de Marie, s'il n'existait pas avant
tête de ceux qui me forcent de le proférer), d'a- de se revêtir de la chair et de paraître à nos
voir mal réglé ce qui nous touche. Je vais dire yeux comment aurait-il pu porter une loi sans
,

comment L'enseignement élémentaire de l'An-


: exister? Comment aurait-il dit: Je vous don-
cien Testament est semblable au lait; la philo- nerai un Testament Nouveau autre que celui ,

sophie du Nouveau est une nourriture solide. que je donnai à vos pères? Comment avait-il pu
Donnerait-on à l'enfant, avant le lait, de la nour- donner un Testament à leurs pères, puisqu'il
riture solide? C'est là ce qu'aurait fait ce Dieu n'existait pas, à ceque prétendent ces héréti-
du Nouveau Testament, s'il n'avait commencé ques ? Contre les Juifs et contre les sectateurs
par donner l'Ancien. Avant de nous donner le de Paul qui sont attaqués du même mal, le
lait, avant d'instruire notre enfance dans la loi, témoignage du prophète suffit. Mais pour fer-
il nous aurait donné une nourriture solide. Et mer aussi la bouche aux Manichéens, prenons
ce n'est point la seule accusation qu'on fa'-se des témoignages dans le Nouveau Testament,
peser sur lui, il en est une plus grave. Il serait puisque l'Ancien ne compte point à leurs yeux,
coupable de n'avoir songé à notre génération i)lus d'honneur au
sans toutefois qu'ils fassent
qu'au bout de cinq mille ans. Si ce n'est point Nouveau; car, tout en paraissant lui rendre
le même Dieu qui par ses prophètes ses pa- , hommage, ils l'insultent aussi bien que l'An-
triarches et ses justes, a pris soin de nous, si cien: Premièrement, quand ils l'en séparent,

c'est un autre Dieu, sa l'rovidence a été bien ils ébranlent par cela seul son autorité. Car la

lente et bien tardive; on dirait que le repentir vérité s'éclaire de la lumière des prophéties qui
l'a porté a se souvenir de nous. Or, il serait in- l'ont précédée, et à laquelle ces hommes ferment
digne non-seulement d'un Dieu mais du der- , leurs yeux, sans comprendre qu'ils font plus
nier des hommes, de laisser tant de temps périr d'injure aux apôtres qu'aux prophètes eux-
tant d'âmes et de songer au bout des siècles à mêmes. Voilà donc la première injure qu'ils
s'occuper du [)etit nombre qui survit. font au Nouveau TLsl.iincnt. La seconde, c'est
4. Voyez-vous les blasphèmes sans nombre qu'ils en retranchent une grande partie. Mais
de ces hommes qui assignent à deux dieux dif- des choses qui y sont conte-
telle est la force

férents l'Ancien Testament et Nouveau ? Tous


le nues, que ce qu'il en reste suffira à mettre au
ces blasphèmes s'évanouissent, si nous accor- jour leur malice. Car ces membres mutilés
dons que les deux Testaments émanent du crient, redemandent et réclament sans cesse
même Dieu. On verra alors que sa Providence d'être réunis aux membres dont ils ont été
a toujours disposé selon la sagesse les alTiiiresdes violemment séparés et avec lesquels ils compo-
honnnes, d'abord par la loi, aujourd'hui par la saient un tout harmonique, un corps vivant.
grâce, et que ce n'est pas depuis peu ni tout 5. Conunent donc montrerons-nous que
récemment, mais depuis le premier jour du même dans l'.Vncien Tes-
le législateur est le

monde, qu'il a pris soin de nous. Mais pour tament et Ntuiveau? Par les paroles
dans le

mieux fermer la bouche aux impies, appelons mêmes des apôtres que nos adversaires ad-
en témoignage les paroles mêmes des prophètes mettent, et qui paraissent au premier re-
et des apôtres dont la voix proclame hautement gard accuser l'Ancien Testament , mais qui
que le législateur du Nouveau Testament est le le défendent au contraire, et prouvent qu'il

même (|ue celui de l'Ancien.A|tpelons Jérémie, contient une révélation divine et venue d'en-
le prophète sanctifié dès le sein de sa mère, haul. C'est la sagesse du Saint-Esprit qui a
qu'il nous montre clairement qu'il n'y a qu'un voulu que, se trompant aux apparences, ceux
Dieu dans l'Ancien Testament et dans le Nou- ijui calomniaient la loi admissent malgré eux

veau. Que dit-il? Que proclame-t-il du chef et sans s'en douter la défense même Je la loi.
PARCE QUE NOUS AVONS UN MÉJIE ESPRIT DE FOI, — DEUXIÈME flOMÉLIE. : 33

afin que s'ils voulaient voir la vérité, ils eus- pa^ nécessaire de recourir à l'histoire. Car Sara
sent des paroles où ils se pussent attacher, et et Agar n'avaient point deux maris dilTérents,
que, s'ils dans leur incrédulité, ils
i)cr?istaient mais un en disant Ces deux fem-
seul. Ainsi ;

n'eussent aucun espoir de grâce ne croyant , mes figurent les deux Testaments (Gai. iv, 24),
pas, pour leur malheur, aux choses mêmes l'apôtre ne veut rien dire autre chose sinon
anx(juelles ils paraissent croire. En quel en- qu'il n'y a qu'un législateur, de môme que les
droit donc le Nouveau Testament témoij,me-t-il deux épouses n'avaient qu'un mari, Abraham.
que l'auteur de ses lois est aussi le législateur Mais l'une était esclave l'autre femme libre. ,

de l'Ancien Testament? En bien des passages. Qu'importe? question était seulement de sa-
la
Mais nous ne voulons en citer qu'un que les voir si elles eurent le môme maître Que les
Manichéens ont conservé. Quel est-il? Dites- hérétiques admettent d'abord ce point, nous
moi votis qui voulez être sous la loi n'avez-
, , leur répondrons ensuite sur l'autre. Qu'ils
vous point lu la loi ? Car il est écrit qu'Abra- soient forcés de s'y rendre, et leur dogme
ham eut deux fils, Vun de la sei^vante, l'autre tombe en poussière. Car lorsqu'il sera démon-
de la femme libre. (Gai. iv, 2t-22.) A ces mots, tré que le législateur de l'Ancien Testament
l'un de la servante , les hérétiques d'accourir, est le même que celui du Nouveau, comme il
et, comptant que ces paroles renferment une l'est en effet, notre discussion est terminée. Mais
accusation contre la loi, ils retranchent le sans nous laisser troubler par leur objection,
reste,ils en font un appui à leur calomnie. attachons-nous exactement à la parole de l'A-
Montrons par ce passage même qu'il n'y a pôtre. Il L'une était esclave, l'au-
n'a pas dit :

qu'un législateur Abraham eut deux fils,


: tre libre, v(id\?>:Vuneengendrant pour la servi-
l'un de la servante, l'autre de la femme libre. tude. De ce qu'elle engendrait pour la servitude,
C'est, dit l'Apôtre, uneallégorie. (Ibid 24.) . Com- Une s'ensuit point qu'elle soit esclave être en- ;

ment est-ce une allégorie? Cq qui est arrivé gendré pour la servitude n'est point la faute
au temps de la loi est la figure de ce qui arrive de la mère, mais celle des enfants. C'est parce
au temps de la grâce. De même
qu'il y a deux qu'ils se privèrent eux-mêmes de leur liberté
épouses, de môme il y a deux Testaments. Mais par leur malice et perdirent les droits de leur
,

la parenté de l'Ancien Testament et du Nou- naissance que Dieu les traita comme des escla-
veau apparaît d'abord en ce que l'un est la ves ingrats , les instruisant par une crainte
figure de l'autre. Car la figure n'est pas l'op- incessante, les corrigeant i)ar des peines et des
posé de la vérité elle est de môme nature. Or,
: menaces. Ne voit-on pas aujourd'hui encore
si leDieu de l'Ancien Testament n'était point le grand nombre de pères traiter leurs fils, non
Dieu du Nouveau, il n'aurait point dans la , en fils, mais en esclaves, et les contenir par la
figure des deux femmes, proclamé l'excellence crainte? La faute n'en est point aux pères,
du Nouveau Testament et en admettant qu'il ; mais aux enfants qui ont forcé leurs pères à
Paul n'aurait eu garde d'user de
l'eût figurée, traiter en esclaves des hommes libres. C'est
la figure. Et si l'on dit qu'il l'a fait pour ainsi que Dieu lui-même contenait en ce temps
condescendre à la faiblesse des Juifs, il de- les peuples par la crainte et les châtiments,
vait donc aussi, quand il prêchait aux Grecs, comme il eût fait un esclave ingrat. Il ne faut
employer des figures grecques, et faire mention accuser ni Dieu ni la loi de ces sévérités, mais
des faits que contient l'histoire des Grecs. Il seulement les Juifs indociles au joug et qui
ne l'a point fait, et ce n'est pas sans cause. avaient besoin d'un frein plus solide. Dans
Car lia n'y là rien de commun avec la vérité cet Ancien Testament , nous trouvons bien des
;

ici, y a les lois de Dieu et sa révélation. Il


il hommes qui n'ont point été traités ainsi : Abel,
y a donc manifestement parenté entre l'An- Noé , Abraham , Isaac , Jacob , Joseph , Moïse
cien Testament et le Nouveau. Elie, Elisée et bien d'autres qui s'élevèrent
6, Ce premier argument prouve donc le jusqu'à la philosophie du Nouveau Testament.
profond accord des deux Testaments. J'en Ce ne furent ni la crainte, ni les châtiments,
trouve un second dans l'histoire même. De ni les menaces, ni les punitions, mais l'amour
même que les deux épouses n'avaient qu'un divin, leur zèle ardent j)Our Dieu, qui les firent
mari, de même les deux Testaments n'ont ce qu'ils ont été. Ils n'eurent besoin ni de pré-
qu'un législateur. S'il y en avait deux l'un pour ; ceptes, ni de commandements, ni de lois, pour
l'Ancien l'autre pour le Nouveau il n'était
, , pratiquer la vertu et fuir le vice ; ces âmes bien
234 TMDUCTION FRANÇAISE De SALNT JExLN CilUYSOSTOSÎE.

nées, généreuses, ayant conscience de leur di- c'est-à-dire avec abondance. Dans les choses
gnité, sans terreur, ni châtiments embrassè- matérielles, la semence
et !a moisson sont de

rent la vertu, tandis que le reste des Juifs sui- même nature. Car celui qui sème répand dans
vit la pente du mal et eut besoin du frein la terre du froment, de l'orge ou d'autres se-
de la loi. Quand ils fabriquèrent le veau d'or mences pareilles, et quand il fait la moisson,
et adorèrent des statues, ils entendirent ces il récolle les mêmes grains. Il n'en est point

mots : Le Seigneur ton Dieu est le seul Sei- de même de l'aumône. Vous semez l'argent et
gneur. (Deut. VI, 4;. Quand ils commirent des vous récoltez la paix devant Dieu; vous donnez
meurtres et des adultères, ils entendirent ces des richesses et vous recevez en échange le
mots Tu ne tueras points tu ne seras point
: pardon de vos fautes; vous distribuez du pain
adultère, et ainsi des autres commandements. et des vêtements, et en récompense vous vous
7. Ce n'est donc pas la condamnation de la préparez le royaume du ciel et mille biens que
employé la crainte et les châti-
loi qu'elle ait l'œil de l'homme ne peut voir, ni son oreille
ments comme on fait pour instruire et corri- entendre, ni sa pensée concevoir. Le premier
ger dos esclaves méchants c'est sa plus belle : de ces biens est que vous devenez semblable à
louange, sa gloire la plus rare d'avoir arraché Dieu, autant qu'il est po-sible à l'homme. Car
les hommes au mal où ils se livraient, de les c'est de l'aumône et de la charité que le Christ
avoir par sa force propre, délivrés du crime, avait parlé quand il ajoutait Afin que vous
:

corriges et rendus dociles à la grâce, de leur dcveîiiez semblables à votre Père qui est dans
avoir ouvert un chemin vers la philosophie les deux, qid fait luire son soleil sur les bons
du Nouveau Testament. Car c'était le même et sur les méchants et fait tomber la pluie sur
Esprit qui dictait les lois de l'Ancien Testa- les justes et sur les injustes. (Matth. v, 45.)
ment et celles du Nouveau, malgré leurs dif- Vous ne pouvez faire luire le soleil, ni faire
férences. C'est ce que Paul faisait entendre tomber la pluie, ni répandre vos bienfaits sur
quand il disait : Parce que nous avons le même toute la face de la terre. Mais il suffit que
esprit de foi , sclo?i qiCil est écrit : J'ai cru^ vous employiez les biens que vous avez en
c'est pourquoi f ai parlé. bonnes œuvres pour devenir semblables à
Et ce n'est point seulement pour cela qu'il Dieu qui fait luire le soleil autant qu'il est
disait : le môme E'^prit, mais pour une cause possible à l'homme de devenir semblable à
non moins importante. Je l'aurais expliqué Dieu.
aujourd'hui, mais je crains que mes enseigne- 8. Ecoutez bien toutes ces paroles sur les bons
:

ments répandus à flots trop abondants ne et sur les jnéchants, a-t-il dit. Agissez de même.
s'échoppent mémoire. Je réserve
de votre Quand ^ous ferez l'aumône, ne recherchez
donc cette pour un prochain
explication point la vie passée, ne demandez pas compte
entretien , vous exhortant seulement à gar- de la conduite. Aumône signifie commiséra-
der de celui-ci un entier souvenir, à obser- tion ; elle estainsi appelée, parce qu'il n'en faut
ver exactement mes conseils et à joindre la point priver même ceux qui en sont indi-
sagesse prati(iue à la pureté du dogme. Il faut gnes. Car celui qui est miséricordieux accorde
que l'homme de Dieu à
soit parfait et disposé sa commisération non au juste, mais nu pc-
toute sorte de b(nme<> œuvres. Tim. ni, 17). (Il chonr. Car le juste est digne de louanges et de
A rien ne vou? servirait la pureté du dogme couronnes; le pécheur a besoin de commisé-
si votre vie était impure, de même qu'une vie ration et de pardon. Ainsi, nous imiterons
irré[irochal)Ie vous serait innlilt^sans hi pureté Dieu, en donnant aussi aux méchants. Songez
de la foi. Afm donc de nous assurer de parfaits en elTet comliieu il y a sur la terre de blas-
avantages, allermissons-nous (h?s deux côtés, phémateurs, de scélérats, de fourbes, d'hom-
que notre vie se pare des noblesfruils de toutes mes souillés de tous les vices! Dieu leur diaine
vertus, mais princi|ialemeiit de ceUu de l'au- leur pain de chatiue jour, pour nous appren-
niùne dont je vous ai déjà parlé, et (|u'il faut dre à étendre notre charité sur tous les hom-
praticjuer avec zèle , avec abondance. Qui- mes. Mais nous faisons tout le contraire. Car,
conque sème peu, dit l'Ecriture, récolte peu; non-seulement nous repoussons les méchant^,
et celui qui sème dans les Inhiédict^ons récol- les |i M'vers; mais qu'il se présente un homme
tera dans les l^énédicf/ons. (Il Cor. ix, (5.) Que en bonne santé, que sa probité, son amour de
signilient ces puroicj", dans les bénédictions ? la liberté, sa paresse même, s'il faut le dire,
PARCE QUE NOUS AVONS UN MÊME ESPRIT DE FOI. — DEUXIÈME HOMÉLIE. 235

condamnent à la pauvreté, il ne trouve qu'ins- tient cette lettre, notez-le et ne faites point
j lires, outrages, railleries sans nombre nous
; société avec liii{\\ Thess. m, 14); après avoir
le renvoyons les mains vides, nous lui objec- ainsi chassé l'incrédule du sein de l'Eglise, il

tons bonne
sa santé, nous lui reprochons l'y ramène en grâce auprès de
et le fait rentrer
sa paresse, nous lui demandons des comptes. ceux qui l'avaient rejeté, en ajoutant Ne le :

Dieu vous a-t-il commandé de ne prodiguer considérez point néamnoins comme votre en-
que le blâme et les reproches à ceux qui sont nemi, mais comme votive frère. (II Thess.
dans le besoin? Dieu veut qu'on ait pitié d'eux, ni, 15.) De même qu'après avoir dit: Que celui
qu'on porte remède à leur pauvreté, et non qui îie travaille point, ne mange pas, il engage
qu'on leur en demande compte et qu'on les ceux qui le peuvent à prendre grand soin
injurie. — Vous voulez, dites-vous, porter re- d'eux; de même eu ce passage, après avoir dit :

mède à leurs vices, les délivrer de la pa- Ne faites point société avec eux, il n'engage
resse, et pousser au travail ceux qui vivent point ses auditeurs à abandonner le soin de ce
dans l'oisiveté. — Donnez-leur d'abord, corri- malheureux, mais au contraire, il leur or-
gez-les ensuite; ainsi, loin devous faire accu- donne de veiller attentivement sur lui, en
ser de dureté et d'inhumanité, vous ferez ajoutant : Ne le considérez point comme un
croire à votre bonté car, celui qui, pour toute
; ennemi, mais comme un frère. Vous avez cessé
aumône, distribue le reproche, s'attire l'aver- de faire société avec lui, mais ne cessez point
sion et la haine ; le pauvre ne peut supporter de prendre soin de lui. Vous l'avez exclu de
sa vue, et à juste raison car il croit que ce ; l'Eglise, ne l'excluez point de votre amour.
mais par le désir de se
n'est point par intérêt, Car c'est dans mon amour pour lui que je vous
dispenser de l'aumône qu'où lui fait des re- ai donné ces ordres. J'ai voulu, en le séparant
proches, ce qui est la vérité; mais celui qui de vous, le corriger et le guérir, pour le rendre
ajoute ses reproches à l'aumône, dispose le pau- ensuite au corps de l'Eglise. On voit des pères
vre à entendre des conseils que dicte, non la renvoyer leurs enfants de leur maison, mais ce
dureté, mais la bonté d'âme. C'est ainsi que fai- n'est point pour qu'ils n'y rentrent jamais;
saitPaul. Après avoir dit Que celui qui ne
: tra- c'est pour qu'ils se corrigent dans cet exil et
vaille point 7ie mange point (Il Thess. in, 10), reviennent meilleurs. Ce que j'ai dit suffit à
il ajoute ce conseil :JPour vous^ ne cessez point confondre ceux qui reprochent aux pauvres
de faire le bien. (Ibid. 13.) Il y a une appa- leur paresse.
rente contradiction dans ces paroles. Si ceux Mais il en est beaucoup d'autres qui ont re-
qui ne travaillent point ne doivent pas manger, cours pour se défendre, à des excuses pleines
pourquoi conseillez-vous aux autres de persé- de dureté et d'inhumanité. Je vais les réfuter
vérer dans la bienfaisance? Il ne saurait y aussi, non pour leur enlever tout moyen de
avoir de contradiction. Si j'ai dit, nous répond défense, mais pour les décider à abandonner
l'Apôtre, que celui qui ne travaille point ne de vains et inutiles prétextes, et à préparer par
mange pas, ce n'est point pour détourner de leurs œuvres la défense vraie, la seule qui leur
l'aumône ceux qui sont disposés à la faire, puisse servir au tribunal du Christ.
mais pour détourner de la paresse ceux qui y Quels sont donc ces prétextes vains et inu-
consument leur vie. Ces paroles qu'il ne : tiles où se réfugient tant de gens? J'ai des en-
mange point, excitent les uns au travail par la fants à élever, disent-ils, une maison à soute-
crainte que leur donne cette menace ; et ces nir, une femme à nourrir, mille dépenses né-
mots Ne cessez point de faire le bien, invi-
: cessaires. Je n'ai pas assezpour soulager tous
tent les autres à faire l'aumône et sont pour les pauvres que je rencontre en mon chemin.
eux une exhortation salutaire. Quelques mains Que dites-vous? Vous avez des enfants à nourrir
auraient pu se fermer devant la menace faite et c'est pour cela que vous ne soulagez point
aux paresseux mais l'Apôtre les ouvre à l'au-
; les pauvres? Mais c'est pour cela même qu'il
mône en disant Ne cessez pas de faire le
: les faut soulager pour ces enfants que vous
,

bien. Car, donner à un paresseux est encore élevez, afin de leur rendre favorable, au prix
faire le bien. de quelques deniers, le Dieu qui vous lésa
Ce dessein de l'Apôtre se manifeste dans
9. donnés, afin de leur laisser après votre mort, ,

la suite de son épîlre. Après avoir dit Si : ce Dieu pourprotecteur afin de leur assurer la
,

quelqu'un fenne V oreille aux paroles que con- grâce et la faveur d'en-haut, par ces richesses
236 TRADUCTION FRANÇAISE DE SAINT JEAN CHRYSOSTOME.

mêmes que vous dépensez pour Dieu. Ne voyez- semer dans le ciel des moissons qui ne crai-
vous pas que souvent les mourants inscrivent gnent point les intempérie>', où vous n'avez à
dans leurs testaments les riches et les grands redouter ni malheur ni déception, vous hési-
qui ne sont point de leur famille, et les don- tez, vous reculez? Quelle excuse aurez-vous,

nent pour cohéritiers à leurs enfants, pour as- vous qui semez dans la terre sans crainte ni
surer leur sort par de faibles dons, et cela sans hésitation, et qui, lorsqu'il faut semer dans
savoir quels seront, pour ces enfants après la ,
la main de Dieu, doutez et différez? Si la terre

mort du père les sentiments de ceux qu'il a


, rend ce qu'on lui confie, la main de Dieu ne
appelés à i)rendre part à son héritage. Et vous, rendra-t-elle pas avec usure tout ce que vous y
qui connaissez la de
bonté, l'amour, la justice aurez déposé?
votre Seigneur, vous ne l'inscrirez pas dans 10. Ce que sachant ne considérons point la
,

votre testament? vous ne le donnerez pas pour dépense quand nous faisons l'aumône; consi-
cohéritier à vos enfants? Est-là, dites-moi de , dérons le revenu qu'elle rapporte, les espéran-
l'amour [)aternel ? Si vous aimez ces enfants ces qu'elle nous donne pour l'avenir, et même
que vous avez mis au monde , laissez-leur des le gain qu'elle nous assure aussitôt. Car non-
créances dont Dieu soit le garant. Voilà leur seulement l'aumône nous ouvre le royaume
plus bel héritage, voilà leur richesse, voilà leur des cieux, mais elle nous procure dans la vie
sécurité. Appekz-le avec eux au partage de vos présente la sécurité et l'abondance. Qui nous
biens d'ici-bas, afin qu'en retour il vous a|)pclle l'assure ? Celui qui est maître de dispenser ces
avec vos enfants à partager l'héritage céleste. biens. Celui qui donne aux pauvres, dit-il, re-
C'est un humain, bon, puis-
héritier généreux, cevra le centuple en ce monde, et aura en par-
sant et riche vous n'avez à suspecter en rien
: tage la vie éternelle. (Matth. xix, 29.) Voyez-
sa société. On donne encore à l'aumône le nom vous qu'une large rémunération nous est pro-
de semence, parce qu'elle n'est point une dé- mise, dans l'une et l'autre vie? N'hésitons donc
pense, mais un revenu. Quand vient le temps point, ne différons point, mais chaque jour
des semailles, vous videz sans difficulté vos gre- recueillons les fruits de l'aumône, afin de jouir
niers pleinsdu blé des récoltes passées; vous de la prospérité en ce monde et d'obtenir la vie
ne songez qu'à la moisson qui en doit sortir, éternelle. C'est ce que je souhaite à nous tous,
mais que vous n'avez point encore, et cela sans par la grâce et bonté de Notre-Seigneur
la
savoir aucunement ce qui adviendra. Car la Jésus-Christ, à qui appartiennent, ainsi qu'au
nielle, la grêle, les sauterelles, les intempéries, Père et au Saint-Esprit, la gloire, rhonneur et
mille fléaux enfin viennent parfois briser l'es- la puissance, dans tous les siècles des siècles»
poir de la saison prochaine. Et quand il faut Ainsi soit-il.
PARCE QIK NOUS AVONS UN MÊME ESPRIT DE FOI. — TROISIÈME HOMÉLIE. 437

TROISIÈME HOMÉLIE.

Dieu s tenu eaveis les justes de l'ÂttcieiinB Loi la même conduite qu'euvois tou» les fidèles de là Loi nouvella. De rauHiJag,

ANALYSE.

i« Résumé de la dernière homélie. —


2» Ce n'est pas seulement pour nous montrer l'accord des deux testaments, que safnt Paul
a dit :Par^e que nous avons le même esprit de foi c'est pour une autre raison, qui fera le sujet de la présente liomclie.
,

Z°-^° Etat du momie dans les premiers temps Je la prédication ctirétienne. —
C° Souffrances de saint Paul. 7" Utilité des —
souffrances en général. —
S» Même dans l'Ancien Testament, on trouve des justes dont la récompense est différée à l'autre vie.
Voilà la seconde raison pour laquelle saint Paul a dit Parce que nous avons le même esprit de foi. Il veut encourager les
:

fidèles de sou temps. —


Q'-IO» La conduite de Dieu n'a point été la même envers les saints qu'envers la multitude, dans l'Ancien
Testament. — li<'-12''. Exhortation à l'aumône.

1. Dans la précédente réunion et dans l'a- la sagesse divine ? Nous aussi nous extrayons
vant-dernière nous avons pris pour texte une
, de non de l'or matériel, mais de l'or spi-
l'or,

parole de l'Apôtre , et nous avons consacré à rituel nous creusons, non point les mines de
;

l'expliquer notre discours tout entier. Nous la terre mais les mines de l'Esprit-Saint. Car
,

voulons encore l'examiner aujourd'hui. Nous les lettres de Paul sont les mines et les sources

le faisons à dessein , pour vous être utile, et de l'Esprit-Saint; les mines, car elles nous
non par ostentation. Je ne songe point à faire donnent une richesse plus précieuse que tout
montre d'abondance et de fécondité. C'est l'or de la terre; les sources, car jam-^is elles
pour vous révéler la sagesse de Paul et exciter ne tarissent plus on y puise, plus elles sont
:

votre zèle, que je reviens sur le même sujet. abondantes. J'en prends à témoin le temps
La profondeur de son esprit sera plus mani- écoulé. Depuis l'époque oi!i vivait Paul , cinq
feste, si iHie seule de ses paroles nous ouvre cents ans sont passés, et tout ce temps, mille
une si féconde source de pensées ; et quand écrivains, docteurs et commentateurs ont tiré
vous verrez que d'un seul mot de l'Apôtre on de ses lettres des richesses sans nombre sans ,

peut tirer d'ineffables trésors de sagesse vous , épuiser le trésor qu'elles contiennent. Ce trésor
ne vous contenterez pas d'effleurer négligem- n'est point matériel ; c'est pourquoi , au lieu
ment ses lettres, mais vous pénétrerez plus de s'épuiser sous les mains qui le creusent , il

avant, et dans l'espoir d'y trouver ces richesses, s'augmente et s'enrichit. Je parle de nos devan-
vous examinerez avec le plus grand soin cha- ciers; mais après nous, combien d'autres par-
cune de ses paroles. Car si une seule nous four- leront, et après eux combien encore, sans que
nit la matière de trois entretiens, quel trésor la source se dessèche sans que la mine s'ap- ,

nous ouvrirait un passage entier, exactement pauvrisse C'est une mine spirituelle et dont on
1

étudié ? Ne nous lassons donc point avant d'a- ne trouvera point le fond. Quelle était donc la
voir épui^é celte pensée. Car si ceux qui creu- parole de l'Apôtre qui de mes faisait le sujet

sent les mines d'or, quelques richesses qu'ils derniers discours? Parce que nous avons le

en aient tirées, ne s'arrêtent point avant d'avoir même esprit de foi, selon qu'il est écrit : Tai
épuisé la veine, ne devons-nous point montrer cru., c'est pourquoi j'ai parle.
plus d'ardeur et de zèle dans la recherche de 2. Nous avons cherché pourquoi l'Apôtre
238 FRADUCON FRANÇAISE DE SATXT JEAN CHRYSOSTOME.

avait dit Le même esprit de foi, et nous en


: dressaient des embûches, les rois s'apprêtaient
avons exposé une cau'^c. C'était afin de mon- à la guerre, les armes s'agitaient, les épées
trer l'accord de l'Ancien Testament et du s'aiguisaient, on préparait des soldats, on ima-
Nouveau. Car si l'on fait voir que c'est le ginait mille châtiments, mille supplices : pil-
même Esprit qui parlait j)ar la bouche de David lage et confiscations, prison, exécutions quoti-
quand il disait: J'ai cm, c'est pourquoi j'ai diennes, tourments, chaînes, bûchers, glaives,
parle' (Ps. cxv, 10), et qui agissait dans l'âme bêtes féroces, gibets, roues, précipices, abî-
de Paul on aperçoit aussitôt la parenté qui
, mes, il n'était rien qu'on n'inventât pour ex-
unit les prophètes et les apôtres, et il suit de là terminer les fidèles. Et là ne s'arrêtait point la
qu'il y a parfait accord entre l'Ancien Testa- guerre. Car non-seulement les ennemis l'atti-
ment et le Nouveau. Mais je m'abstiens de re- saient, mais la nature était divisée contre
dites fastidieuses, et vais uxposer la seconde elle-même. Les pères faisaient la guerre aux
cause qui a fait dire h l'Apôtre Le même esprit
: enfants, les filles haïssaient leurs mères, les
de foi. Car je vous ai promis de vous faire con- amis détestaient leurs amis, dans toutes les fa-
naître cette seconde cause. Prêtez-moi toute milles dans toutes les maisons se glissait la
,

votre attention. La pensée que je vais vous discorde, et le trouble était grand sur la terre.
développer est profonde, et demande de la pcrs- Et de même qu'un navire au milieu des va-
j)icacité et de la pénétration. C'est pourquoi je gues soulevées des nuées qui s'entr'ouvrent,
,

vo engage à écouler sans en rien perdre ce


:s dt>stonnerres qui éclatent, des ténèbres qui cou-
que j" vais vous dire. A moi la peine, à vous le vrent tout d'une épaisse nuit, de la mer en fu-
bénéfice. Mais je ne dois pas dire à moi la : reur, des monstres qui se dressent, des pirates
l)eine, car le Saint-Esprit me donnera sa grâce, qui attaquent, des dissensions de l'équipage,
et quand c'est lui qui nous révèle la agesse, il ; ne saurait échapper au danger, si une main
n'y a de peine ni pour l'orateur, ni pourl s au- d'en-haut, forte et puissante, ne détournait la
diteurs, mais pour tous la tâche est facile. Soyez guerre, n'apaisait la tempête, et ne rendait le
donc attentifs; car e; tendriez-vous la plus calme aux navigateurs; ainsi advint-il dans les
grande partie de mes paroles, si votre attention commencements de la prédication. Car non-
sommeille un moment, vous ne saisirez pas seulement au dehors la tempête se déchaî-
la beauté de l'ensemble ayant une fois ,
nait, mais souvent au dedans régnait la dis-
perdu le fil de mon discours. De même qiie corde. Qui nous l'apprend? c'est Paul lui-même
ceux qui ne connaissent point leur chemin et quand il écrit au dehors la lutte, au dedans
:

ont besoin d'un guide seraient-ils allés très-


, les terreurs. (II Cor. vu, 5.) Et pour vous
loin à sa suite, si, par négligence, ils le per- prouver la vérité de ce que j'avance, et que
dent (le vue un moment, l'oftic '
(pi'on leur a maîtres et disciples étaient entourés de mille
rendu leur devient inutile, ils s'arrêtent et ne maux et victimes dune guerre universelle,
savent où se diriger; ainsi des auditeurs qui j'appellerai encore Paul en témoignage. Sou-
écoutent une ins!ruction, s'ils se relâchent un venez-vous de toutes mes paroles, et lorsque
moment de leur attention
perdent la suite des
,
vous connaîtrez les dangers, les C[)reuves et Us
pensées et ne peuvent point parvenir à la con- malheurs sans nombre où étaient exposés les
clusion. Pour qu'il ne vous advienne point fidèles en ce temps, vous rendrez plus d'ac-
ainsi ,
prêtez une constante attention à mes tions de grâces à Dieu qui conjura tous ces
discours, jus(ju'à ce que nous arrivions ensem- dangers, donna aux honmies une paix pro-
ble a la conclusion. fonde, éloigna la guerre et rétablit dans le
3. L'Apôtre a dit
Parce que nous avons le
: monde le calme et la trancjuillilé que désor- ;

même montrer que dans


esprit de foi, voulant mais les indiirérents ne coîuptent pas échaj)-
l'Ancien Tostamcnt, comniedans le Nouveau, la per au châtiment, et que les justes relèvent la
foi eslla mère de tous les biens. Pour le prouver, têtel
remontons un peu plus haut. La cause nous i. En eiïet, il n'y a point un égal mérite a
paraîtra ainsi plus manileste. Quelle est donc montrer le même au milieu des attaciues
zèle
cette cause? Au moment où parlait l'Apôtre, la et (les orages, ou dans le calme et la sécurité
guerre entourait les tidèles, guerre terrible et du port. Or les fidèles alors n'était nt pas
,

sans trêve. Des villes entières, des peuples di- moins agitésque des matelots ballottés par les
vers se levaient contre eux les tyrans leur ; flots en courroux, tandis qu'aujourd'hui nous
PARCE QUE NOUS AYONS UN MEME ESPRIT DE ti)\. — TiiOiSlKME liO.MÉLlE. 2/J

sommes sans trouble , comme le navire au lée, quand toute la terre a embrassé notre foi.

port. Prenons donc garde de nous enorgueillir Or, non-seulement les fidèles supportèrent
de noire fui, de succomber aux tentations, ou alors les accusations , les injures et les ou-
d'abuser, pour nous relâcber, de la paix de trages, mais ilseurenl de lajoie à les souffrir; la
l'Eglise. Ne cessions point de jeûner et de suite des [)aroIes de l'Apôtre nous le prouve :

\eiller, car nous avons encore à lutter contre Vous avez vu avec joie tous vos biens pillés.
les passions de notre nature. Nous n'avons (Ibid. 34.) Voyez-vous qu'autrefois on confis-

plus d'ennemis dans les hommes, mais nous quait les biens des fidèles, et qu'on les livrait
en trouvons dans les plaisirs de la chair. Les en i)roie à quiconque leur voulait nuire ?
tyrans elles rois ne nous font plus la guerre ,
Voilà donc ce que Paul écrit aux Hébreux.
mais la colère, la vanité, l'envie, la jalousie, 5. Il rend aux Thessaloniciens le même té-

et les autres sentiments coupables nous la font moignage Vous êtes devenus^ leur dil-il, nos
:

encore. A peine délivics d'une épreuve, il s'en imitateurs et les imitateurs du Seigneur, arjant
présente de nouvelles où il faut triompher. reçu la parole de V Evangile parmi de grandes
Si je vous ai rappelé les malheurs de ces afflictions. (I Thess. i, 6.) Vous voyez que ce

temps, c'est afin que ceux d'entre vous qui peuple avait aussi des afflictions, et de grandes
sont éprouvés aujourd'hui soient efficacement afflictions.Les tentations étaient violentes, et
consolés, et que ceux qui vivent dans le calme continuels les dangers ni repos ni trêve pour;

et ne sont point exposés à ces périls, met- ceux qui luttaient alors. Mais parmi ces maux,
tent tout leur zèle à combattre les pensées ils ne s'indignaient point, ils ne perdaient point

déraisonnables. C'est pour nous instruire, nous courage ; au contraire ils se réjouissaient.
,

consoler, nous soutenir, que toutes ces choses Comment le savons - nous ? par les paroles
ont été écrites. Je vais vous les faire connaître, mêmes de Paul. Après avoir dit : Parmi de
et vous montrer la grandeur des dangers que grandes afflictions., il ajoute : Avec la joie du
couraient alors, non-seulement les maîtres, Saint-Esprit. (Ibid.) De la tentation naissaient
mais les disciples; écoutez ce que Paul écrit les aiflictions, mais ils se réjouissaient en son-
aux Hébreux Rappelez en votre mémoire ce
: geant à la caus ; de la tentation. Ce leur était

temps auquel^ après avoir été illuminés par le unes-uffisanteconpolation de savoir qu'ilssouf-
baptême, vous avez soutenu de grands combats fraient pour le Ch:ist. Aussi, je les admire
et de terribles persécutions. (Hébr. x, 32.) Car moins d'avoir en ces temps supporté les afflic-
il n'y eut pas le plus petit intervalle de tions, que de s'être réjouis de souffrir ])our
temps : dès le premier jour que fut prêchée Dieu. Car une âme généreuse et [)leine de
la doctrine, les fidèles furent éprouvés, et, l'amour de Dieu, sait supporter les affliciions
dès baptême, tombèrent dans les périls.
le et les peines; mais supporter dignement la
Et voici comment D'une part., vous avez
: tentation et rendre grâces à Celui qui permet
servi de spectacle au monde par les ou- qu'on soit éprouve, c'est là le signe du plus
trages et les tribidations que vous avez en- excellent courage, d'une âme zélée et qui s'é-
durés. (Ibid. 33.) Ils étaient conspués , inju- lève au-dessus de toutes les choses terrestres.
riés, moqués, bafoués ; on les appelait fous, Ce n'est point seulement en ce passage,
insensés ,
parce qu'ils avaient renoncé à la re- mais dans d'autres encore que l'Apôtre nous
ligion de leurs pères et adopté de nouveaux enseigne tout ce que les fidèles de ce temps
dogmes. Ces outrages pourraient certes ébran- avaient à souffrir de leurs proches et de leurs
ler une âme où la foi n'aurait pas poussé de parents, et c'étaient les plus terribles maux.
profondes racines. Car rien ne blesse une âme Vous êtes devenus, dit-il, les imitateurs des
aussi cruellen.ent que l'outrage, rien n'anéan- Eglises de Dieu qui sont dans la Judée. En
tit l'esprit et la raison comme la moquerie et quoi sont-ils devenus leurs imitateurs? £/i ce
la raillerie. Bien des hommes ont succombé au que vous avez souffert les mêmes persécutions
sarcasme. Je vous dis ces choses afin que nous de la part de vos co7icitoye/is que ces Eglises ont
n, U.)
nous attachions avec confiance à notre foi. Car, souffertes de la part des Juifs. (Ibid.
si dans le temps que le monde entier outra- Voilà encore la guerre, mais la guerre civile,

geait les fidèles, ils ne succombèrent point, à surcroît de douleurs. Si un emiemi ra'amit
plus forte raison devons-nous, avec une en- ouiragé, je l'aurais souffert, dit le prophète ;

tière confiance, nous attacher à la vérité révé- mais c'est toi qui vivais dans un même esprit
240 TRADUCTION FRANÇAISE DE SAINT JEAN CHRYSOSTOME.

avec moi, qui étais le chef de mes conseils^ mon nistres de Jésus-Christ? quand je devrais passer
plus cher confident. (Ps.lxxxiv, 13, 14.) Cette pour imprudent, j'ose dire que je le suis plus
figure étais alors réalisée. Aussi les hommes qu'eux. (II Cor. xi, 23.) Ensuite, pour nous
avaient besoin de grandes consolations. Ce convaincre que le don des miracles est dun
que voyant Paul, et que ceux qu'il avait mis- moindre prix que la patience à souffrir pour
sion de conduire souffraient et faiblissaient Jésus-Christ, et faisant valoir sa qualité d'apôtre
sous le poids des maux et des douleurs qui pour montrer qu'il vaut mieux que les autres,
se succédaient sans nombre , il s'ingénie à je ne dis point les autres a|)ôlres, mais les faux
relever leurs courages. Tantôt il leur dit : Il apôtres, ce ne sont point ses miracles qu'il donne
devant Dieu qu'il afflige à leur
est bien juste comme des preuves de sa supériorité, mais
tour ceux qui vous affligent maintenant^ et les continuels dangers où il a vécu. J'ai pins
qu'il vous console avec nous, vous qui êtes souffert de travaux, dit il, plus reçu de coups,
comme nous dans V affliction. (H Thess. i, 6, 7.) plus enduré de cliaînes. Je me suis souvent vu
Tantôt : Ze Seigneur est proche, ne soyez tout près de la mort. J'ai reçu des Juifs, en
point ijiquiets. (Pliil. iv, 5, G.) Ne perdez point cinq différentes fois, trente -neuf coups de
votre confinnce : car la patience vous est né- fouet. J'ai été trois fois battu de verges, lapidé
cessaire, afin qu'en faisant la volonté de Dieu, une fois ;j'ai fait naufrage trois fois, j'ai pas^é
vous puissiez obtenir les biens qui vous sont un jour et une nuit au fond de la mer, j'ai été
promis. (Hébr, x, 35, 3G.) Et pour les engager souve7it exposé dans les voya'jes : périls sur
à la patience, il ajoute Car, encore un peu de
: les fleuves, petits des voleurs, pé/'ils de la part
temps, et Celui cpii doit venir viendra, et ne de ceux de ma nation, périls au J7iilieu des
tardera point. (Ibid. 37.) Quand un petit en- villes, périls au 7nilieu des déserts, périls sur
fant pleure, s'irrite et demande
sa mère, on la mer, périls entre les faux frères. E/i fin j'ai
s'assied près de pour le consoler, on
lui, et souffe7't toute sorte de travaux et de fatigues,
lui dit : attends encore un peu de temps, ta les veilles fréque7\tes, la faim, la soif, les jeûnes
mère va venir assurément; de même Paul, réitérés, le froid, la 7iudilé, et d'autres maux
voyant les fidèles de ces temps en proie à la outre ces ynaux extérieurs. (Ibid. !23, 29.) Telles

douleur, se plaindre et demander, dans l'into- sont les vraies marques de l'apostolat. Bien
lérable excès de leurs maux, la venue du d'autres ont fait des prodiges et n'en ont tiré
Christ, il leur dit pour les consoler Encore un : d'autre fruit que d'entendre ces paroles : lie-

peu de temps ; et Celui qui doit venir viendra tirez-vous, je ne vous co7mais pas, ouvriers
et ne tardera point. di7iiquité! (Matth. vu, 23.) Ceux qui peuvent,
6. Les disciples étaient donc affligés, en- comme Paul , énumérer leurs souffrances ,

tourés de maux, et, comme des agneaux au n'entendront ces paroles, mais avec confiance
milieu des loups, poursuivis et persécutés, ils monteront au ciel pour y jouir de tous les
vous l'avez vu. Ceux qui les instruisaient ne biens réservés aux élus.
souffraient pas de moindres maux, mais des 7. Mon discours vous semble long peut-être,
maux plus grands; car plus ils confondaient mais soyez sans crainte, je n'oublie point ma
les ennemis de la foi, et plus ils en étaient promesse, et j'y reviens aussitôt. Ce n'est point
tourmentés. L'Apôtre, à qui nous empruntions sans dessein que je me suis étendu c'est pour ;

les précédentes citations, nous l'apprendra vous donner plus de preuves et rendre ma dé-
encore. Il écrivait aux Corinthiens Nous pre- : monstration plus claire, et ensemble pour re-
nons garde aussi nous-7ncme de ne donner à lever les âmes affligées, pour que chacun de
personne aucun sujet de scandale, afin que notre ceux qui sont dans les tentations et les dangers
ministère ne soit point désho/ioré. Mais en emporte une consolation efficace, en sachant
toutes choses 7ious )ious montrons ministre de que ces soutfrances le mettent eu compagnie
Dieu, par une grande patience dans les maux, de Paul, et même du Christ , le Roi des
dans les 7u''cessitcs , dans les extrêmes afflic- anges. Car celui qui participe ici-bas à ses
tions, dans les plaies, dans les prisons, dans les douleurs participera là haut à sa gloire Si :

séditions, dans les travaux, dans les veilles, nous souffro7iS e7ise77\ble dit-il, c'est pour être
,

dans les jeûnes. (II Cor. vi, 3, (5.) Vous voyez glorifiés e7ise7nble (Rom. vu i, 17); et encore :

combien de maux il acomptes, que d'épreuves Si nous supportotis les 77iê77i€S maux, c'est pour
et d'orages II leur écrit encore ; Sont-iis rif-
1 p.z'Cager la même couronne. (II Tim. ii, 12.}
PARCE QUE NULS AVONS UN MÊME ESPRIT DE FOI. - TROISIÈME HOMÉLIE. 241

Il faut de tonte nécessité que les fidèles commencement de la prédication quelques


ëuient éprouvés : Tous ceux qui voudront vivre âmes fussent découragées, lorsqu'aujourd'hui
dans la religion du Christ souffriront la per- que la prédication s'est étendue sur toute la
sécution. (Ill Tim. m, 12.) Ailleurs il est écrit : terre, qu'on a vu tant de preuves de la vérité
Moyi fils 5/ tu veux servir Dieu , préparc ton
,
des promesses de l'Evangile, tant de fidèles tom-
âme à la tentation; sois juste et fort. (Eccl. 11, bent néanmoins dans le découragement? Et ce
1.) —
Voilà d'encourageantes promesses! Tout n'était point cette seule cause qui les jetait dans
d'aborddestentations! Est-ce donc une puissante le trouble; en était une autre tout aussi puis-
il

exhortation, une sensible consolation, pour qui sante. Laquelle? Ils faisaient réflexion que
se consacre au service de Dieu, de trouver des dans l'Ancien Testament les choses n'étaient
dangers dès les premiers pas? Oui, c'en est point ainsi réglées, mais que les prix et les
une puissante, admirable, féconde. Et com- récompenses de la vertu nese faisaient point at-
ment? Ecoutez la suite : Comme on éprouve tendre à ceux qui vivaient dans la justice et la
ior dans le feu , de même Dieu éprouve ses sagesse. Ce n'était point après la résurrection,
éhis au creuset de la tentation. (Eccl. 11, 5.) ni dans la vie future mais dans la vie présente
,

Voici le sens de ces paroles : de même que qu'ils voyaient s'accomplir les promesses de
l'or soumis au feu devient plus pur, de même Dieu. Si vous aimez le Seigneur votre Dieu,
l'àme éprouvée par les afflictions et les traver- dit l'Ecriture, vous serez heureux. Dieu fera
ses en sort plus brillante et plus belle, et se prospérer vos troupeaux de bœufs et de brebis;
purifie de toutes ces souillures du péché. C'est il n'y en aura point d'infécondes ni de stériles,

pouniuoi Abraham disait au riche : Lazare a vous n'aurez à craindre ni langueur, ni mala-
souffert^ et ici il est consolé. (Luc, xvi, 25.) Et die. (Deut. VII, 13, 15.) Dieu enverra sa béné-
Paul aux Corinthiens
écrit C'est pour cette : diction sur vos greniers. (Deut. xxviii, 8, 12.)
raison qiiil y a parmi vous beaucoup de fai- // ouvrira le ciel et vous enverra la pluie le
bles et de malades, beaucoup d'aiitres qui som- matin et le soir. (Ibid. xi, 14.) Il y aura abon-
meillent. Car il est certain que si nous nous dance de blé sur votre aire et de semence dans
jugions nous-mêmes , nous ne serions pas ainsi vos sillons. (Lévit. xxvi. A, 5.) Et bien d'autres
jugés de Dieu , et même lorsque nous sommes promesses encore ,
qu'il accom [dissait dans la
jugés de la sorte , c'est le Seigneur qui nous vie présente. Ceux qui ont quelque perspicacité
châtie afin que nous ne soyons pas condamnés
, peuvent déjà voir la solution. Ainsi la sanlé du
avec le monde. (I Cor. xf, 30-32.) Et s'il livre corps, la de la terre, une nombreuse
fertilité

le fornicateur à la mortification de la chair, et sainte postérité, une vieillesse heureuse,


c'est afin que son âme soit sauvée (I Cor. v, 5); des saisons bien réglées, l'abondance dt s mois-
montrant ainsi que la tentation présente fait sons, l'opportunité des pluies, la lecondité des
notre salut, et que les traverses, pour qui troupeaux de bœufs et de brebis, tous les biens
les supporte en rendant grâces à Dieu, sont la enfin leur arrivaient en celte vie, ils n'avaient
plus efficace purification de l'âme. Ainsi les pointa les espérer, à attendre le jour qu'ils
fidèles étaient éprouvés ; maîtres et disci- quitteraient la terre. Les fidèles, songeant que
ples étaient exposés à mille dangers ; ils leurs pères voyaient les biens naître sous leurs
n'avaient point de trêve dans les guerres de pas et qu'eux-mêmes devaient attendre la vie
toute espèce qu'ils soutenaient de tous côtés. future pour recevoir les prix et les couronnes
Mon discours l'a suffisamment montré; et promises à leur foi, ils souffraient et se lais-
après ce que ceux qui se plaisent à
j'ai dit, saient abattre par les maux où ils devaient
l'étude des saintes Ecritures y pourront trou- passer leur vie tout entière.
ver de nouvelles preuves. Paul voyant leur découragement et les maux
Revenons enfin à notre sujet. Quel était-
8. terribles qui le devaient suivre, qu'aux uns
il? Pourquoi Paul a-t-il dit ayant le même : Dieu avait promis après la mort le prix de leurs
esprit de foi? C'est que les fidèles de ces temps travaux, et qu'aux autres il avait accordé leur
étaient troublés de ne trouver que des maux récompense dan- la vie présente; prévoyant
dans la vie présente, et de ne voir de bonheur que ces pensée- les jetter.iienl dans le relâche-
(ju'en espérance; des maux actuels, des es- ment, il veut ranimer leur zèle et leur ensei-
pérances éloignées; d'un côté la réalité, de gner qu'au temps de leurs pères les choses
l'autre l'attente. Se faut - il étonner qu'au étaient réglées comme elles sont aujourd'hui,

TOMB IV. se
242 TRADUCTION FKAISÇAISE \)E bMXÏ JEAxN CilKYSOSlOMt.

et que beaucoup d'hommes alors furent récom- tiquer la vertu et à aimer le bien. Mais Elie,
pensés en espérance et non par la réalité. C'est Ehsée, Jérémie, Isaïe, et tous les prophètes en
pourquoi il leur cite la parole du prophète : un mot , et tous ceux qui appartenaient au
J'ai cru, c'est pourquoi j'ai parlé. En effet la , chœur des saints et des forts , il les appelait au
foi se rapporte aux choses qu'on espère et non ciel et au partage des biens qu'il y réserve aux
à celles qu'on voit car ce qu'on voit, on ne
, élus. Aussi, Paul n'a-t-il point parlé de tous
saurait l'espérer. Or, si le prophète croyait aux les hommes. 11 a cité ceux qui voyageaient cou-
choses qu'il espérait, et si ce qu'on espère on verts de peaux de brebis et de chèvres , ceux
ne le voit point, il s'ensuit qu'il n'avait point en- qui périssaient dans les fournaises , dans les
core en sa possession les biens auxquels il croyait. prisons, sur les chevalets, sous les pierres, par
Voilà pourquoi Paul a dit Parce que nom avons
: la faim et la misère, ceux qui vivaient dans les
le même esprit de foi , c'est-à-dire, la même foi déserts, dans les cavernes, dans les souter-
que celle de l'Ancien Testament. Il dit ailleurs, rains , et qui souffraient mille maux. Ce sont
en parlant des saints de ces temps Ils étaient : ces hommes qu'il dit être morts dans l'espé-
vagabonds couverts de peaux de brebis et de
, rance et sans avoir vu se réaliser les promesses
peaux de chèvres, abandonnés., affligés ,
persé- de Dlfi. i il ne parle point du commun des i uifs,
cutés, eux dont le monde n'était pas digne. mais des nommes qui ressemblaient à Elie.
(Hébr. XI, 37, 38.) Et pour nous enseigner Et si l'on demande pourquoi ces hommes
qu'ils supportèrent tous les maux sans en re- n'ont point encore reçu les couronnes qu'ils
cevoir la récompense, il dit:Tous sont morts méritent, Paul nous répondra. Après avoir dit :

dans la foi., sans avoir reçu des promesses


l'effet Tous ces hommes sont morts dans la foi, sans
deDieu, mais seulement les ayant vues et sa- avoir reçu Vtjfet des promesses de Dieu , il

luées de loin. (Ilébr. XI, 13.) Mais comment ont- ajoute Dieu ayant voulu, par une faveur sm-
:

ils pu voir ce quin'était point accompli? Avec gulière qu'il 7wus a faite, qu'ils ne reçussent
les regards de la foi qui pénètrent dans le ciel
, qu'avec nous l'accomplissement de leur bo7i-
et contemplent tout ce qu'il renferme. heur. (Hébr. xi, 13, 40.) C'est une fête com-
9. Considérez la sagesse de Dieul il leur mune et plus joyeuse, dit l'Apôtre, que celle qui
montre de loin les récompenses, et ne les leur nous réunit tous dan^ le triomphe. De même
donne point sur-le-champ, aOn d'exercer leur aux jeux olympiques, les athlètes de la lutte,
patience mais il les leur montre de loin , afin
; du pugilat, du panciace , soutiennent leurs
que, soutenus i)ar cet espoir, ils supportent, combats en divers lemp:^. et tous les vainqueui'S
sans même les sentir, les maux de la vie pré- sont proclamés ensembie ; de même dans les

sente. festins, quand certains convives viennent de


Peut-être les plus attentifs d'entre vous nous meilleure heure et que d'autres tardent
accuseront-ils de contradiction. Si nos pères l'hôte, pour faire honneur aux absents, prie
eux-mêmes, diront-ils, ne recevaient pas sur- ceux qui sont arrivés d'attendre un moment
le-champ les prixetlesrccomj)enses, pourquoi ceux qui mantjuent. C'est aussi ce que fait Dieu.
nous avez-vous si longuement énuméré les 11 a invité à une fête commune et spirituelle les

saisons bien réglées, la santé du corps, une justes qui ont vécu en divers temps dans toute
nombreuse et sainte postérité, l'abondance des la terre, et il veut que les premiers arrivés at-
moissons et des fruits de la terre la fécondité , tendent ceux qui doivent venu* après eux, pour
des troupeaux de bœufs et de brebis, tous les les rassembler tous et leur faii'e partager le
biens de la vie ? Que rcpondrai-jc à ces pa- même honneur et la même joie.
roles? Que Dieu, dans ce temps, traitait le vul- U). Quel surcroît d'Iiomi-.-.ur ! Paul et les
gaire et encore mal atl'ormi dans le
le i)cuple, saints de son temi»s; Abraham et les honnnes
bien, autrement que ces àmt s nobles et (pii s'é- de son âge tous ceux qui, lauide siècles avant
;

taient par avance initiées à la philosophie du lui ont lutté et vaincu, assis au ciel, et atten-
Nouveau Testament. A la multiluilc cpii ram- dant (lue nous y soyons appelés! Car Paul n'a
pait à terre, dont les yeux ne voyaient pointée point encore reçu saeouronne, ni aucun de
qui est grand, et qui ne pouvaient élever leur ceux qui, depuis le commencement du monde
ilmc à jouir en espérance des biens à venir , il ont été élus de Dieu , et ils ne la recevront point
promcKaii les biens de la vie présente pour (jiie loiis eeux (jui doi\enl èlre couronnes ne

soutenir leur faiblesse, pour les conduire à p:a- soient arrivés au ciel. Ecoutez les i)aroles de
PARCE QUE NOrs AVONS UN MEME ESPRIT DE FOI. — TROISIEME HOMÉLIE. 243

Paul J'ai bien combattu J'ai achevé ma course;


: pourquoi Paul l'appelle immortelle Faites- :

j'aigardé la foi. Il ne me reste plus qu'à atten- vous, dit Jésus, des amis avec les trésors d'ini'
dre la couronne de justice qui m'est réservée, quité.
et que le Seigneur me donnera comme imjuge H. Admirez toute la bonté du Maître, son
équitable. Quand ? Au jour du jugement en , humanité, sa douceur. Ce n'est point sans des-
même temps qu'à tous ceux qui aiment son sein qu'il a prononcé ces paroles mais voyant ;

avènement. (II Tim. iv, 7, 8.) Et ailleurs, pour que bien des riches ne doivent leurs trésors
nous marquer que ces biens seront donnés le qu'à la fraude et à la rapine, il ne fallait
même jour à tous les justes, il dit aux Thessa- point, dit-il, amasser des biens par le ciime;
loniciens II est bien juste devant Dieu qu'il
: mais puisque tu les as amassés injustement,
afflige à leur tour ceux qui vous affligent main- mets un terme à tes vols et à tes rapines, et
tenant et qu'il vous console avec nous, vous qui sers-toi pour le bien des trésors que tu pos-
êtes dans l'affliction. (II Thessal. i, 6, 7. )Et ail- sèdes. Je ne te dis point d'être à la fois .nique
leurs encore Nous qui vivons et qui sommes
: et miséricordieux; je te conseille de le dé-
réservés pour l'avènement du Seigneur, nous partir de ton avidité et d'employer tes biens en
ne devancerons pas ceux qui sont déjà dans le aumônes et en bonnes œuvres. Car celui qui
sommeil de la mort. (I Thess. iv, 15.) Par toutes ne met point fin à ses rapines ne saurait faire
ces paroles, il nous apprend que nous recevrons une fructueuse aumône. Jetterait-il d'innom-
tous ensemble et en commun les honneurs cé- brables richesses dans les mains des pauvres,
lestes. Cela même est pour les premiers arrivés s'il vole celles des autres et satisfait son avi-
une joie nouvelle, de jouir de ces indicibles dité, il sera traité par Dieu à l'égal des homi-
biensavec ceux qui sont leurs propres membres. cides. Il faut renonce à son amour
donc qu'il
Un père, assis à une table riche et splendide, de l'or avant de secourir les malheureux. Oui,
reseent plus de bonheur quand tous ses enfants la puissance de l'aumône est grande. Je vous

partagent son bonheur et sa richesse. Ainsi, en ai parlé dans un précédent entrelien, je


Paul et tous les saints qui vécurent en son vous en parlerai aujourd'hui encore. Mais (jue
temps ,
jouiront d'une félicité plus grande nul d'entre ceux qui m'écoutent ne prenne
quand ils verront leurs membres la goûter avec cette insistance pour une accusation. Dans les
eux. Car les pères ont moins d'amour pour ceux d'entre les
luttes, les spectateurs excitent
leurs enfants que n'en ont les saints pour les coureurs qu'ils voient près d'atteindre le prix,
hommes qui les ont suivis dans la voie de la ceux qui ont le plus d'espoir de vaincre. Ainsi
vertu. Pour être au nombre de ceux qui seront fais-je moi-même. Je vois que vous écoutez
honorés en ce jour, efforçons-nous d'imiter les toujours avec une attention nouvelle ce que je
saints. Et comment, dites-vous, pourrons-nous vous dis sur l'aumône, c'est pourquoi je m'é-
y arriver? qui nous montrera la route? Le ends d'autant plus volontiers sur ce sujet. Les
Maître de ces saints; il nous enseigne non-seu- pauvres sont les médecins de nos âmes, nos
lement à les imiter, mais encore le moyen de bienfaiteurs, nos protecteurs. En effet, vous
devenir leurs compagnons dans leur céleste leur donnez moins que vous ne recevez d'eux;
demeure. Faites-vous des amis, dit-il, avec les vous leur donnez de l'argent, et vous recevez
trésors d'iniquité afin que loi^sque vous vien-
,
le royaume des cieux vous éloignez d'eux
;

drez à manquer, vous reçoivent dans les de-


ils la pauvreté et vous vous réconciliez le Sei-

meures éternelles. (Luc, xiv , 9.) II a bien dit : gneur. Voyez -vous que l'échange n'est point
Eternelles. Car eussiez-vous en ce monde un égal? Les biens que vous donnez sont terres-
splendide palais, iliautqu'il périsse de vétusté. tres, ceux que vous recevez sont célestes les :

Et avant quil tombe en ruines sousTellorl du uns passent, les autres demeurent; les uns pé-
temps la mort surviendra qui vous chassera
, rissent, les autres sont à l'abri de tout acci-
de cette somptueuse demeure et avant la ; dent. Vos pères ont placé les pauvres à la
mort peul-clre, les malheurs, les attaques des porte des églises, afin que les plus durs et les
calomniateurs, les embûches des ennemis vous plus inhumains, à la vue des pauvres, fassent
en feront sortir. Mais là-haut, vous n'aurez rien un retour sur eux-mêmes et soient portés à
à craindre, ni la mort, ni la ruine, ni les calom- l'aumône. En présence d'une foule de vieil-
niateurs, ni les autres fléaux : vous habiterez lards courbés par l'âge, couverts de miséra-
une demeure impérissable, immortelle. Voilà bles haillons appuvés sur des bâtons et so
m TRADUCTION FRANÇAISE DE SAINT JEAN CHRYSOSTOME.

soutenant à peine, aveugles souvent et estro- confiance celui qui peut vous remettre vos
piés de tous leurs membres , quel cœur de péchés. Si vous vous habituez à ne franchir
pierre ou d'airain serait insensible à leur vieil- jamais ce seuil sacré sans avoir fait l'aumône,
lesse, à leur faiblesse, à leurs infirmités, à leur bon gré mal gré vous accomplirez toujours
pauvreté, à leur méchant vêtement, en un cette bonne œuvre. Telle est la force de l'ha-
mot, à ce spectacle de pitié, et ne se sentirait bitude! de même que jamais vous n'allez prier
fléchir? Voilà pourquoi ils se tiennent à nos sans avoir lavé vos mains, parce que vous en
portes, où leur aspect, plus puissant que tou- avez une fois pris l'habitude; de même, si vous
tes les paroles, entraîne et provoque à la pitié vous imposez la loi de l'aumône, bon gré mal
ceux qui en franchissent le seuil. De même gré vous la pratiquerez tous les jours, par la
qu'il est établi par la loi qu'il doit y avoir des force de l'habitude.
fontaines devant les oratoires, afin de purifier La prière est un feu, surtout quand elle sort
ses mains avant de les lever vers Dieu, les de l'âme de celui qui veille et qui jeûne. Mais
pauvres furent placés comme les fontaines, de- ce feu a besoin d'huile pour s'élever jusqu'aux
vant les portes des églises, afin que nous puis- hauteurs du ciel l'huile qui l'entretiendra
;

sions purifier nos âmes par la charité, de n'est autre chose que l'aumône versez donc
:

même que nous purifions nos mains par l'eau, l'huile en abondance , afin que dans l'allé-
,

avant d'adresser à Dieu nos prières. gresse de cette bonne œuvre, vous adressiez à
12. Car l'eau a moins de puissance pour la- Dieu vos prières avec plus de confiance et d'ar-
ver les taches du corps que l'aumône pour ef- deur. De même que ceux qui n'ont conscience
facer les souillures de l'âme. Vous n*osez point d'aucune bonne action ne peuvent pas même
aller prier sans avoir lavé vosmains ce serait ; prier avec confiance, de même ceux qui, après
cependant une faute assez légère de même ; avoir fait le bien, s'en vont prier, heureux du
n'allez jamais prier sans avoir fait l'aumône. souvenir de leurs bonnes œuvres, offrent à
Quoique nos mains soient pures, nous ne les le- Dieu leur prière avec plus d'ardeur. Afin donc
vons jamais vers Dieu sans les avoir lavées, car que nos prières soient plus efficaces, pour que
telle est lacoutume établie faisons de même
; notre âme y soit excitée par le souvenir du
pour l'aumône. N'aurions-nous conscienced'au- bien que nous aurons fait, donnons l'aumône
cunc faute grave purifions cependant notre
,
avant la prière. Souvenez- vous exactement de
âme par l'aumône. La place publique vous a toutes mes paroles, et surtout retenez toujours
fait tomber dans plusieurs fautes un ennemi
; l'image que je vous ai présentée en disant que
vous a irrité un juge vous a forcé de faire
; les pauvres, à la porte de nos églises, font pour
quelque action peu honnête vous avez dit des
; notre âme le même que les fontaines
office
paroles déplacées; pour ménager un ami vous pour notre corps. Si nous gardons toujours ce
avez fait quelque injustice, votre âme enfin a souvenir, si nous purifions nos âmes, nous
reçu ces souillures qu'un homme doit recevoir pourrons adresser à Dieu des prières pures;
quand il vit sur la place publique, siégeant nous aurons ainsi la paix devant Dieu, et nous
aux jugements, administrant les atTaires de la obtiendrons le royaume descieux, par la grâce
cité; c'est pour toutes ces fautes que vous allez et la bonté de Notre-Seigneur Jésus-Christ, à
prier Dieu et implorer son pardon. Versez donc qui appartiennent la puissance et la gloire,
l'aumône aux mains des pauvres purifiez-, dans tous les siècles des siècles. Ainsi soil-il.
vous de vos souillures, afin d'invoquer avec
HOMÉLIE

CONTRK CEUX QUI ADUSENT DE CETTE PAROLE DE L'APOTRE

PAR OCCASION OU PAR VERITE LE CHRIST EST ANNONCÉ

(PHIL. l, 18.)

et «ur* ri^umilité- *.

IVERTISSEMENT & ANALYSE.

Cette homélie a été prononcée à Antiocbe quelques jours après la cinquième contre les Auoméens^ c'est-à-dire dans les derniers jours
de l'aunée 386. C'est en effet dans la cinquième homélie contre les Anoraéens, que se trouve commentée l'histoire du publi-
cain et du pharisien mentionnée au début de celle-ci. L'occasion de celte homélie fut l'abus que certains hérétiques faisaient des
paroles de saint Paul : par occasion ou par vérité' que le Christ est annoncé, je m'en réjouis, prétendant qu'elles
Que ce soit
signifiaient qu'il importait peu que les dogmes fussent vrais ou faux pourvu que le Christ fût annoncé.
1. Le cinquième discours contre les Anoméens est mentionné. —
2. L'humilité est la seule pierre solide sur laquelle doit être
fondé l'édifice de notre salut. — 3. La simplicité, la pureté, l'unité de foi exigée par saint Paul et par Notre-Seigneur Jésus-
Christ. — Chrysoslome raconte en quelles circonstances saint Paul a prononcé les paroles dont on abusait; il était
4-9. Saint
dans les fers, et ses ennnemi> prêchaient l'F.van^jile pour irriter Néron et le porter à faire mourir l'Apôtre; néanmoins, la pré-
dication faisait des progrès, voilà pourquoi saint Paul disait les paroles en question. —
10. Après cela ces paroles s'expliquent
d'elles-mêmes. — 11-12. Exhortation à la prière.

4. En vous parlant naguère du pharisien et et n'était souillé d'aucune iniquité. Comment


du publicain, pour exemple deux chars
je pris et pourquoi? C'est que, s'il n'était souillé ni
attelés, l'un de la vertu, l'autre du vice, et vous d'avarice ni de rapines, il avait laissé germer
fis voir ce qu'on gagne par l'humilité et ce en son âme la vanité, l'arrogance, mère de
qu'on perd par l'arrogance. Je vous montrai tous les vices. C'est pourquoi Paul nous ex-
comment l'arrogance, attelée avec la justice, horte par ses paroles : Que chacun examine
les jeûnes et les dîmes, se laissa devancer, tan- bien ses actions : il trouvera ainsi sa gloire en
dis que rhumiUté, attelée avec le péché, dé- lui-même^ et non dans les autres. (Gai. vi, 4.)
passa le char du pharisien, quoique conduite Or, ce pharisien se fait l'accusateur du monde
par un mauvais cocher. Y eut-il plus grand entier, et se prétend meilleur que tous les
coupable que le publicain? Cependant, par la hommes. Se fût-il préféré à dix seulement, à
contrition de son âme et l'aveu de ses péchés, cinq, à deux, à Dieu ne l'aurait pu souf-
un seul.
il l'emporta sur le pharisien, qui pouvait se frir. Or, non-seulement il se préfère au monde

faire un mérite de ses dîmes et de ses jeiines, entier, mais il accuse tous les hommes. C'est

On
pourquoi il fut devancé. Et, semblable à un
' trouvera à la fin da Tolome l'homélie : Utinan tuttineretis
modi'eum, «te. vaisseau qui, ayant traversé les flots agités,
24fi TRADUCTION FRANÇAISE DE SAINT JEAN CHKYSOSTOME.

échappé à mille tempêtes, vient, à l'entrée Auriez-vous et la continence , et la virgi-


même du port, se heurter à un écueil, et laisse nité, et le mépris des richesses, ou d'autres
échapper tous les trésors qu'il contenait ce , vertus, ce n'est que souillure et abomination
])harisien qui avait enduré les fatigues du
,
sans l'humilité. Qu'elle soit donc dans nos pa-
jeûne et des autres œuvres de vertu, parce roles, dans nos œuvres, dans nos pensées, ne
qu'il ne sut point modérer sa langue, fit nau- bâtissons point sans elle.
trage au port. Car, tirer de la prière, au lieu 3. Mais c'est assez parler de Thumilité, non

du fruit qu'il y fallait trouver, un semblable pour l'excellence de cette vertu car personne ,

dommage, c'est véritablement faire naufrage ne la pourrait dignement célébrer, mais pour
au port. votre instruction, mes chers frères. Car je sais
2. Ainsi, mes chers frères, serions-nous ar- que peu de paroles que je vous ai dites vous
le

rivés au faîte de la vertu, estimons-nous les engageront à l'embrasser avec zèle. Mais puis-
moins hommes, sachant que l'ar-
parfaits des qu'il faut expliquer la parole de l'Apôtre que
rogance peut précipiter du ciel même celui je vous ai lue aujourd'hui, qui paraît fournir
qui ne veille point sur soi, et que l'humilité à quelques hommes une occasion de relâche-
peut élever du fond de l'abîme du péché celui ment, et d'où ils pourraient tirer de vaines
qui sait être modeste. L'une mit le publicain excuses pour négliger leur salut, je passe à ce
au-dessus du pharisien ; l'autre , c'est l'arro- nouveau sujet. Quelle est cette parole? Que ce
gance, la fierté que je veux dire, vainquit soit par occasion ou par vérité qu'on annonce

même l'invisible puissance du démon. L'hu- Jésus-Christ. (Phil. i, 18.) Cette parole, bien des
milité, au contraire , l'aveu de ses fautes con- gens la vont répétant à la légère, sans avoir lu
duisirent le coupable au ciel avant les apôtres ce qui précède ni ce qui suit. Ils retranchent la
eux-mêmes. Or, si les pécheurs, en avouant suite des pensées, et, pour la perdition de leur
leurs fautes, peuvent s'assurer ainsi la paix âme, ils l'offrent comme unajipàtaux plus relâ-
devant Dieu que de couronnes attendent
,
chés. Car tandis qu'ils tendent de les détourner
ceux qui ont conscience de leurs bonnes œu- de la véritable foi, les voyant craintifs et trem-
vres, et qui humilient leurs âmes? Le pé- blants devant le danger qu'ils y aperçoivent,
ché, attelé avec l'humilité, court assez légère- pour les délivrer de leurs terreurs, ils leur ci-
ment pour dépasser et devancer la justice tent la parole de l'Apôlre, et leur disent Paul :

jointe à l'arrogance. Or, si vous unissez l'hu- permet cela, puisqu'il dit par occasion ou par :

milité à la justice, oij n'arrivera-t-elle point, à vérité, que le Christ soit annoncé. Mais il n'en est

quelle hauteur des cieux ne s'élèvera-t-ellc point ainsi, loin de là! Dabord Paul n'a pas dit :

point? Elle vous portera assurément au trône soitannoncé, mais : est annoncé ^ ce qui est
même de Dieu, au milieu des anges, et vous bien différent; en effet, dire soit annoncé,
y asseoira dans une entière confiance. D'autre c'est porter une loi; dire est annoncé, c'est

part, si l'arrogance, jointe à la justice, peut, signaler un fait. Paul n'autorise point l'hérésie,
par l'excès et le poids de sa malice propre, en- ilen détourne tous ses auditeurs écoutez ses ;

traîner dans l'abîme la confianceque donne la paroles Si quelqu'un vous annonce un autre
:

vertu, cette même croyance jointe au péché, évangile que celui que vous avez reçu ,

ne précipitera -t-elle point dans la géhenne qu'il soit anathème, so'ait-ce moi, serait-ce
même celui qui en est possédé ? un ange du ciel! (Cal. i, 8, 9.) Il n'aurait
Si je vous dis ces paroles, ce n'est point pour pas anathématisé et lui-même et l'ange s'il ,

vous portera négliger la justice, mais à fuir l'ar- avait cru la chose sans danger. Il dit ail-
rogance il ne faut point être pécheurs, mais
; leurs : fai pour vous un amour de jalousie,
être modestes. Le fondement de notre philo- et d'une jalousie de Dieu , parce que je vous
sophie est riuimilité. Elèveriez-vous vers les ai fiancés à cet unique époux comme j'eusse
cieux un immense édifice d'aumônes, de fait ime vierge pure. Mais j'aj)préhcndc qu'ainsi
prières, de jeûnes, de vertus, sans ce fonde- que le serpent séduisit Eve par ses artifices,
ment, c'est en vain que vous bâtissez l'édi- : vos esprits aussi ne se corrompent et fie dé-
fice tombera au premier souflle parce ([u'il ,
génèrent de la simplicité qui est en Jésus-
repose sur le sable. Il u'est point une seule de Christ. (II Cor. XI, 2, 3.) Vous voyez qu'il
nos bonnes œuvres qui n'ait besoin de riuinii- fait de la simplicité une loi et qu"il n'accorde ,

liié, une seule qui puisse subsister sans elle. point qu'on s'en éloigne. S'il l'accordait, il n'y
DES PROGRÈS DE L'ÊVANGlLE ET Î)E L'HUMILITÉ. 217

aurait point de danger; s'il n'y avait point de ses mains que l'amour qui attachait son cœur
danger, Paul n'aurait pas eu de craintes; et à ses disciples. C'est ce qu'il fait paraître au
le Christ n'aurait pas ordonné de brûler l'ivraie commencement de sa lettre : Car je vous ai
s'il était indilTérent d'écouter celui-ci ou celui- tous dans le cœur, à cause de la part que vous
là, en un mot le premier venu. avez prise à mes liens, à ma défense et à l'af- ,

A. Que signifie cette parole? Je prendrai les fermissement de VEvangile. (Philip, i, 7.) Et
cho'^es d'un peu plus liant : il faut que vous comme un roi qui le matin monte sur son
sachiez dans quelle situation se trouvait Paul trône, s'assied sur le siège royal et reçoit de ,

au moment qu'il écrivait cela. Dans quelle toute part d'innombrables lettres, Paul, assis
situation était-il? En prison, dans les chaînes, dans sa prison comme
dans un palais, recevait
dans les plus grands dangers. Comment le et envoyait plus de lettres qu'un roi, car toutes

savons-nous? Par sa lettre même, car il dit les nations en appelaient à sa sagesse; il avait

plus haut Or je désire que vous sachiez, mes


: plus de soins que l'empereur même, car un
frères, que ce qui m'est arrivé a servi au pro- empire plus grand lui était confié. Ce n'était
grès (le l'Evangile ; en sorte que mes liens sont pas seulement le monde romain, mais encore
devenus célèbres à la cour, dans les autres le monde barbare la terre et les mers que
, ,

lieux de la ville, à la gloire de Jésus- Christ; et Dieu avait mis en ses mains. C'est pourquoi il
ainsi plusieurs de nos frères en Notre-Seigneur disait aux Romains Je ne veux pas , mes frè-
:

ont pris confiance en mes liens et conçu une res que vous ignoriez que f avais souvent pro-
,

hardiesse nouvelle pour annoncer sans crainte posé de vous aller voir pour faire quelque
la parole de Dieu. (Philipp. i, 12, \\.) C'était fruit parmi vous comme dans les autres na-
,

Néron qui l'avait jeté dans les fers. De même tions ; mais je me aux Grecs et aux Bar-
dois
qu'un voleur qui entre dans une maison pen- bares, aux sages et aux simples. (Rom. i, 13,
dant que tout le monde dort, et la dévalise, 14.) Chaque jour donc, il s'inquiétait de ce
s'il voit quelqu'un allumer une lampe, il éteint que faisaient les Corinthiens, les Macédoniens,
la lumière et tue celui qui la porte, afin de de la vie que menaient les Philii)piens, les
pouvoir en liberté achever le pillage; ainsi Calâtes, les Athéniens, les habitants de Pont,
l'empereur Néron semblable à un voleur et à
, et tous les hommes. Cependant, quoique la

un brigand pendant que tous


,
les hommes terre entière lui fût confiéene s'inquiétait , il

étaient plongés dans un profond et insensible point seulement des nations, mais aussi de
sommeil, pillait les biens, souillait les maria- chaque homme. Tantôt il envoyait une lettre
ges, ruinait les maisons, commettait tous les à l'occasion d'Onési me, tantôt à l'occasion de
crimes. Quand il vit Paul porter la lumière celui qui avait commis chez les Corinthiens le
dans le monde entier, je dis la parole de péché de fornication. Car il ne songeait point
la doctrine, et confondre sa scélératesse, il que ce n'était qu'un pécheur qui avait besoin
voulut étouffer la prédication et mettre à mort de direction mais que c'était un homme, un
,

celui qui instruisait les hommes, afin de pou- homme aux regards de Dieu la plus précieuse
voir en liberté commettre tous les excès; il des créatures, et pour laquelle il n'a point
enchaîna le saint, et le jeta en prison. C'est hésité à donner son Fils unique.
alors que Paul écrivit les paroles que vous avez Ne me dites point que c'est un esclave
5.
entendues. fugitif,un voleur, un brigand chargé de tous
Qui ne serait frappé d'étonnement et d'ad- les crimes que c'est un mendiant, un homme
;

miration, ou plutôt qui serait assez étonné, méprisé, san'' prix ni valeur. Mais songez que
qui admirerait assez cette àme noble et vrai- pour cet homme, comme pour les autres, le
ment céleste? A Rome , dans les fers, du fond Christ est mort, et cela suffit pour que vous lui
de sa prison, desi loin, il écrit aux Philip- donniez tous vos soins. Songez au prix que vaut
piens! Vous savez quelle distance sépare la cette créature que le Christ a estimé assez haut
Macédoine de Rome. Mais ni la distance, ni le pour ne point épargner son sang. Si un roi se
temps, ni les difficultés, ni les dangers, ni les sacrifiait pour un honnnc, nous ne demande-
malheurs sans fin, ne purent faire sortir de rions pas d'autre preuve de la valeur de cet
son àme l'amour ni le souvenir de ses disci- homme ni de l'état que le roi faisait de lui, je
ples. Ils étaient toujours présents à sa pensée, pense. Car cette mort suffirait pour démontrer
iloins solides étaient les liens qui enchaînaient l'amour qu'avait pour lui celui ([ui aurait
248 TRADUCTION FRANÇAISE DE SAINT JEAN CIIRYSOSTOME.

donné sa vie. Mais, ce n'est point un homme, mort même ; voici ce qu'il écrit d'eux : Aqui-
ni un ange, ni un archange, c'est le Maître des la et Priscille vous saluent pour sauver ma :

cieux lui-même, le Fils unique de Dieu fait vie ils ont exposé leur tête. (Rom. xvi, 3, 4.)
fiomme qui donné pour nous. Ne ferons-
s'est C'est évidemment à la mort qu'ils se sont
nous point tous nos efforts pour que des exjtosés. Et, parlant d'un autre de ses disci-
hommes qui ont reçu pareil honneur ressentent ples, il // s'est vu tout proche de la mort
écrit :

les effets de notre plus vive sollicitude? quelle pour avoir voulu servir à l'œuvre de Jésus-
défense aurions-nous, quelle ( xcuse ? C'est ce Christ, abandonnant sa vie, afin de suppléer
que vous faisait entendre Paul quand il disait : par so?i assistance à celle que vous ne pouviez
Ne point périr par votre manger celui
faites me rendre vous-mêmes. (Philip, ii, 30.) Vous
pour qui Jésus-Christ est mort. (Rom. xiv, io.) voyez comme ils aimaient leur maître, comme
Voyant des hommes qui méprisent leurs frères ils négligeaient le soin de leur vie pour ne
et dédaignent les faibles, il veut les faire rou- songer qu'à sa sûreté C'est la cause qui les I

l'amour du prochain, les en-


gir, leur inspirer empêcha d'être jamais vaincus. Si je rappelle
gager à prendre soin des autres; pour toute ces faits, ce n'est pas seulement pour que nous
exhortation il leur présente la mort du Christ. en entendions le récit, mais pour que nous les
Ainsi, du fond de sa prison, il écrivait aux imitions. Et j'adresse mes paroles non point seu-
PhiHppiens, malgré la distance. Car tel est lement à ceux qui sont gouvernés, mais aussi à
l'amour selon Dieu; les choses humaines ja- ceux qui gouvernent. Je veux que les disciples
mais ne lui font obstacle, parce qu'il a dans fassent paraître la plus grande sollicitude pour
les cieux sa source et sa récompense. Et que leurs maîtres, et que les maîtres montrent à
leur dit-il? Je veux que vous sachiez^ mes frè- ceux qu'ils conduisent tout l'amour que Paul
res. (Philip. I, t2.) Voyez-vous comme sa pen- avait pour ses disciples de loin comme de ,

sés se porte vers ses disciples? voyez- vous la près. Car Paul considérait comme une habita-
soUicitude du Maître ? Entendez aussi les tion unique la terre tout entière, et, oubliant
témoignages de l'amour que les disciples ses chaînes, ses douleurs, ses plaies, ses an-
avaient pour le Maître, afin que vous appreniez goisses, il s'inquiétait et s'informait chaque
que s'ils étaient fermes et invincibles c'était jour de l'état où ét.iient ses disciples. Et sou-
par l'effet de ce mutuel attachement. Car, un vent, pour cette seule cause, il envoyait tantôt
frère soutenu par un frère est comme ime ville Timotliée, tantôt Tycliicus c'est de lui qu'il ;

fortifiée. (Prov. xvni, 19.) A plus forte raison dit // vient s'informer de ce qui vous touche
:

un si grand nombre d'hommes, unis par les et consoler vos cœurs. (Ephés. vi, 22.) Et de
liens de l'amour, sont capables de repousser Timothée : Je Vai envoyé vers vous, car je ne
toutes les attaques du démon. L'attachement contenais plu<: mon inquiétude, pour savoir si

de Paul pour ses disciples n'a plus besoin d'être le tentateur ne vous a point tentés. (I Thess. ni,
démontré vous l'avez vu, dans les fers mêmes,
; 5.) Ailleurs il envoie Titus ailleurs d'autres ,

ne point cesser de prendre soin d'eux, et cha- encore. Comme il était souvent lui - même
(pie jour mourir pour eux, le cœur enflammé retenu par ses chaînes dans le même lieu, et
do l'amour du prochain. ne pouvait se trouver parmi ceux qui étaient
6. Quant aux disciples de Paul, ils étaient son sang et ses entrailles, il les allait trouver
liés à leur maître par le plus entier attache- dans la personne de ses disciples.
ment, et non-seulement les hommes, mais les 7. Il est donc dans les fers quand il écrit aux
femmes. Ecoutez ce qu'il dit de Phébé Je : Philippiens : Je veux que vous sachiez, mes
vous recommande notre sœur Phéhc, diaconesse frères... (Philipp. i, 12.) Il appelle ses disciples
de rjùjlise de Corintlic, qui est au port de Cen- du nom de frères. Tel est Tamour : il efface
cltrée, afin que vous la receviez, au nom du toute inégalité; ne connaît ni prééminence,
il

Seigneur, comme on doit recevoir les saints, et ni dignités; par lui, le plu? grand des hommes
que vous l'assistiez dans toutes les choses où s'abaisse jusqu'au plus humble, à l'exemple de
elle pourra avoir besoin de vous, car elle en a Paul. Mais que leur veut-il faire savoir? Qu6
assisté elle-tncmc plusieurs, et inoi en particu- tout ce qui m'est arrivé, dit-il, a servi au pro-
lier. (Rom. XVI, 1, 2.) Paul ne témoigne que de grés de l'Evangile. (Ibid.) Comment, et de
l'assistance qu'il dut au zMe de Pliébéi Mais quelle manière? Avcz-vous donc été délivré de
Pinscille et Aquila aUronlèrent pour lui la vos liens? Avez-vous déposé vos chaînes, et
Drs PROr.nftS DE L'EVANGILR ET DE L'IlllMIUTÉ. 249

pnVhez-voiis sans trouble l'Evangile dans éclat, et de lui procurer, par ces chaînes, celle
Kome? Avez-vous fait dans l'église de longs prison, ces douleurs et ces angoisses, accrois-
discours sur la foi, et gagné bon nombre de sement et grandeur. C'est ainsi que la |)uis-

disciples? Avez-vous ressuscité les morts et fait sance du Christ paraît d'une manière plus
éclater des miracles? Avez-vous guéri des lé- accomplie dans la faiblesse. (II Cor. xn, 9.) Si
preux et étonné la multitude? Avez-vous cbassé Paul n'eût trouvé dans ses liens que découra-
des démons, et le peuple a-t-il célébré vos gement et timidité, c'est alors que lui-même
louanges? Rien de pareil, répond l'Apôtre. et ceux qui s'étaient attachés à lui auraient eu
Quel est donc ce progrès de l'Evangile? C'est de justes sujets de crainte; mais, s'il
y puisait
que mes liens sont devenus célèbres â la cour plus de confiance et voyait s'accroître sa gloire,
de l'empereur et dans tous les lieux de Rome. il faut s'étonner et admirer (jue de l'ignominie
(Ibid. 13.) Que dites-vous? Est-ce là ce pro- le maître ait tiré de la gloire, et (ju'un etfrayant

grès, cette extension, cet accroissement de la supplice ait apporté aux disciples confiance et
prédication, que tous les hommes aient appris consolation. Car, quel homme n'était point
que vous êtes dans les fers? Oui, dit-il. Et la frappé d'étonnement à la vue de Paul chargé
suite va vous montrer que ces fers, loin d'être de chaînes? Les démons fuyaient plus vite en
un obstacle à la prédication, étaient un nou- le voyant dans sa prison. C'est que le diadème
veau sujet de confiance Ainsi, plusieurs de : donne moins d'éclat à une tête couronnée que
nos frères en Notre-Seigneur ont pris confiance n'en donnaient aux mains de l'Apôtre ces fers,
871 mes liens, et conçu une hardiesse nouvelle qui ne sont point un ornement de leur nature,
pour annoncer sans crainte la parole de Dieu. mais qui brillaient des splendeurs de la grâce.
(Ibid. 14.) Que dites-vous, Paul? Au lieu de C'est elle qui prodiguait aux fidèles les conso-
jeter le doute dans leur àme,vos liens leur ont lations : ils voyaient les mains de Paul enchaî-
inspiré la confiance, et, au lieu de la crainte, nées, mais sa langue libre; ses bras chargés de
l'ardeur? 11 n'y a nulle raison dans ces paroles I chaînes, mais sa parole sans entraves parcourir,
— Je Mais ce n'est point la raison hu-
le sais. plus rapide qu'un rayon de soleil, la terre tout
maine qui peut expliquer ces événements, dit-il. entière. Et ils se consolaient en apprenant, par

Ils surpassent la nature et viennent de la grâce lesœuvres, qu'il n'y a rien de considérable
céleste. Voilà pourquoi ce qui ébranlait les dans les choses présentes; car une âme vrai-
autres insi)irait la confiance aux fidèles. Quand ment pleine de l'amour de Dieu ne jette ses
l'ennemi fait captif un général, le charge de regards sur aucune des choses présentes. Mais,
chaînes et fait coiuiaître son sort, il met en comme les insensés courent sans hésiter au
fuite tous ses soldats; quand les voleurs se feu, au fer, aux bêtes sauvages, à
la mer, ces

saisissent d'un berger, ils enlèvent le troupeau hommes, d'un délire sublime, délire
saisis

sans coup férir. Mais n'en était point ainsi


il spirituel engendré par la sagesse, se riaient de
de Paul, et le contraire arrivait le général : toutes les choses terrestres. Aussi, en voyant
était aux fers, et d'une ardeur
les soldats, pleins leur maître dans les fers, ils faisaient éclater
nouvelle, s'élançaient au combat avec plus de une joie témoignant par leurs
plus vive ,

confiance; le berger était chargé de chaînes, œuvres, à leurs adversaires, qu'ils étaient de
et le troupeau n'était ni détmit, ni dispersé. toutes parts imprenables, invincibles.
8. Qui jamais a vu, qui jamais a ouï dire que 9. A ce moment et dans ces circonstances
les afflictions des maîtres aient consolé les dis- queUiues ennemis de Paul pour attiser la ,

ciples? Comment ne furent-ils pas saisis de guerre, et aviver la haine que le tyran nour-
crainte et ne dirent-ils point à Paul : Médecin, rissait contre lui, entreprirent de feintes prédi-
guéris-toi toi-même? (Luc, iv, 23.) Délivrez- cations , où ils enseignaient la véritable foi
vous des maux et de leurs chaînes, et vous pour faire progresser la doctrine. Mais ce n'é-
nous procurerez ensuite tous les biens que tait point dans le dessein de répandre la foi

vous nous promettez. Comment ne lui par- dans le monde. Ils voulaient que Néron fût
lèrent-ils point ainsi? Comment? C'est qu'ils instruit du progrès de la prédication et de l'ac-
étaient instruits, par la grâce du Saint-Esprit, croissement de la doctrine, et se hâtât de faire
que tous ces maux n'arrivaient point par la périr l'Apôtre. y avait donc deux enseigne-
Il

fiiiblessede leur maître, mais par la permission ments celui des disciples de Paul, et celui de
:

du Christ, afin de donner à la vérité un nouvel ses ennemis; les uns prêchant pour rendre té-
250 TRADUCTION FRANÇAISE DE SAINT JEAN CIIRYSOSTOME.

moignage à la vérité, les autres par esprit de comptant ajouter, c'est-à-dire, pensant, pour
discorde, et p:jr haine contre TApôtre. C'est ce montrer qu'ils le peuvent croire, mais qu'il ne
qu'il marquait lui-même en disant Quelques- : pense point de même ; qu'au contraire, il se
uns prêchent Jésus-Christ par esprit de d>s- réjouit du progrès de la prédication. Aussi
cordeet de haine (Pliil. i, la), et par ces mots, Q.\o\\{Q-i-\\: Mais je m'en réjouis ^ et m'eji ré-
ildésigne ses ennemis; d'autres le prêchent jouirai toujours. (Ibid. 18.) Si la doctrine de
par bonne volonté (Ibid.), c'est de ses disciples ses ennemis eût été erronée, si elle eût causé des
qu'il parle. Plus loin il dit encore : Les uns hérésies, Paul ne se fût point réjoui. C'est parce
prêchent Jésus-Christ par jalousie, ce sont des que leurs dogmes étaient purs et sans altéra-
ennemis, dont les intentions ne sont ni pures, tion qu'il a pu dire Je m'en réjouis et m'en
:

ni justes, comptant ajouter une nouvelle af- réjouirai toujours. Que m'importent mes en-
fliction à celle que je souffre dans les fers ; les nemis, si leur haine tourne contre eux-mê-
autres, par charité. (Ibid. M, 16.) Il dit encore mes? cette haine servira ma cause. Voyez-vous
de ses disciples : Parce que j'ai
qu'ils savent la puissance ne se laisse sur-
de Paul, et qu'il
été établi pour la défense de V Evangile. (Ibid. prendre à aucune des ruses du démon ? et
46.) Mais que m'importe ? puisque de toute ma- non-seulement il ne se laisse point surprendre,
nière par occasion ou par vérité Jésus- Christ mais il le fait tomber dans ses propres pièges.
est annoncé ? (Ibid. 18.) C'est donc inutilement Grande était la fourbe du démon, grande aussi
qu'on d'appuyer l'hérésie de ces pa-
s'efforce la malice de ses serviteurs : sous ombre de
roles. Car ceux qui prêchaient alors ne prê- partager la même foi, ils voulaient étouffer la
chaient point une doctrine corrompue ; ils prédication. Mais Celui qui perce les ruses des
enseignaient une foi saine et droite. En effet, habiles [l Cor. in, 10), ne le permettait point;
s'ils avaient prêché une doctrine corrompue c'est ce (jne montrait Paul dans ces paroles : Il
et diflérente de celle de Paul, ils n'auraient ja- est plus utile pour votre bien que je demeure
mais atteint leur but. Quel était leur but? d'é- encore en cette vie; pourquoi j'ai unecon-
c'est

tendre la foi, d'accroître le nombre des disci- fiance qui me persuade


que je demeurerai en-
ples de Paul, et de pousser ainsi Néron à faire core avec vous et que j'y demeurerai même
,

aux chrétiens une guerre plus acharnée. S'ils assez longtemps. (Pliil. i, 2i, 25.) Mis ennemis
eussent prêché une doctrine différente ils ,
me veulent faire perdre la vie, et pour y par-
n'auiaient pas gagné des disci[>lcsà l'Apôtre, et venir, il n'est rien qu'ils n'osent tenter, mais
sans cela, ils n'auraient pas excité la colère du Dieu ne le permettra point à cause de vous.
tyran. Aussi Paul ne dit-il point que leur doc- 11. Souvenez-vous exactement de toutes mes

trine fût corrompue, ne conilamne que la


il paroles, afin que si vous trouvez des gens qui,
cause qui prédication. Autre
les poussait à la à la légère et sans réflexion, abusent de l'Ecri-
chose est de condanmcr la cause de la prédica- tuie |)our perdre le prochain, vous les puissiez
tion, autre chose d'accuser la prédication elle- redresser en toute connaissance de cause. Or,
même de n'être pas pure. Car elle ne l'est nous conserverons fidèlement le souvenir do
point lorsque les dogmes enseignés sont pleins ces instructions et nous pourrons redresser les
d'erreurs ; la cause de la prédication est blâ- autres, si nous avons recours à la prière, si
mable lorsque, quelle que soit la pureté de la nous prions le Dieu qui donne la parole
doctrine, elle n'est point prêchée en vue de de sagesse, de nous donner aussi l'intelligence
Diiui, mais par haine ou par tout autre motif. pour la recevoir, et la grâce de conserver in-
10. Aussi Paul ne dil-il point ijue ces hom- tact et inviolable ce dépôt spirituel. Car sou-
mes causèrent des hérésies ; mais que le motif vent ce cjue nos propres forces sont impuis-
de leurs prédications était coupable, et qu'ils santes à faire, s'accomplit sans peine avec le

ne prêchaient point par piété, ('ar ils n'avaicMit secours de la prière, je dis la prière assidue.

point dessein de propager l'Evangile, mais de En elTet, il faut prier toujours, prier sans cesse

guerre et de le faire tomber dans


lui faire la dans les traverses et dans la paix, dans les
de plus grands dangers. Voilà i)t>urtiuoi l'A- malheurs et dans la prospérité; dans la paix et

pôtre les accuse. Et voyez (piclle exactitude la prospérité


,
pour que ces biens s'alfermis-
dans ces mots Comptant ajouter une afflic-
: sent, ne passent ni ne périssent point; dans
tion à celle que je souffre dana mes licfis. les traverses et les malheurs, afin qu'il sur-

(Pliil. I, 17.) Il ne dit pas ajoutant, mais vienne un heureux changement, et que le
DES PROGRftS DE L'ÉVANGILE ET DE L'HUMILITÉ. 251

trouble se tourne en calme et en consolations. prières lui fut un mérite. Non-seulement Jésus
Vous vivez dans le calme? priez donc Dieu, traita comme on celle que la
traite ses enfants

afin tjue ce calme dure. Vous avez vu la tem- au rang des animaux mais il la
loi abaissait ,

pête s'élever contre vous? priez, suppliez Dieu renvoya comblée d'éloges Femme, lui dil-il, :

d'apaiser les flots et de vous rendre le calme ta foi est grande, qu'il te soit fait comme tu
a[)rès l'orage. Vous avez été entendu ? remer- veux. (Ibid. Le Christ a dit Ta foi est
28.) :

ciez Dieu qui vous a exaucé. Vous ne l'avez grande. Ne cherchez point d'autre preuve de la
point été? Insistez pour qu'il vous exauce. Si noblesse d'âme de cette femme; vous avez vu
jamais Dieu diffère ses grâces, ce n'est point comme elle devint digne des grâces du Sei-
qu'il vous haïsse ou vous repousse il veut par ; gneur, elle qui en était d'abord indigne. Vou-
ce retard vous retenir plus longtemps auprès lez-vous aussi vous convaincre que Dieu se rend
de lui, comme font les pères qui aiment leurs plutôt à nos prières qu'à celles qu'on lui fait
enfants. Quand raffeclion de leurs fils n'est pour nous? La Chananéenne criait, et les dis-
pas assez vive, pour les retenir toujours au- ciples s'approchanldu Jésus, lui dirent Accor- :

près d'eux, ils tardent à dessein à se rendre à dez-lui ce qu'elle demande car , elle crie après
leurs prières. Vous n'avez pas besoin de cher- nous. (Ibid. 23). Et il leur répondit: Je Ji'ai été
cher des intermédiaires auprès de Dieu ni de envoyé qu'aux brebis perdues de la maison
gagner à grand'peine, à force de flatterie3, le d'Israël. (Ibid. 24.) Mais elle s'approcha elle-
bon vouloir des autres hommes ; seriez-vous même et insista disant : Mais, Seigneur, les

seul, sans protecteur, seul avec vous-même, chiens mangent aumoins les miettes de la table
invoqnez Dieu, et vous obtiendrez assurément. de leur maître. (Ibid. 27.) Alors Jésus lui accor-
Ilcède moins volontiers aux prières qu'on lui da sa demande et lui dit ; Qu'il soit fait comme
adresse pour nous qu'à celles que nous lui fai- tu veux. (Ibid. Voyez-vous que Jésus re-
28.)
sons nous-mêmes dans nos besoins, fussions- pousse la prière des disciples, mais qu'il cède
nous mille fois pécheurs. Aurions-nous fait aux prières et aux cris de la mère? Il répond
mille olTenses à un homme, s'il nous voit aux uns Je n'ai été envoyé qu'aux brebis per-
:

venir à lui le matin, à midi, le soir, pour ten- dues de la maison d'Israël ; et à la Chana-
ter d'adoucir sa colère, notre continuelle pré- néenne Ta foi est grande, qu'il soit fait comme
:

sence, notre assiduité calme sans peine son tu veux. A sa première demande, Jésus n'ac-
ressentiment. Cela ne doit-il pas être plus aisé corde point, mais la voyant revenir à lui trois

encore auprès de Dieu? fois, il exauce sa prière, nous enseignant,


12. Mais, dites-vous, vous êtes indigne des que s'il différait cette grâce qu'il lui accorde
dons de Dieu. Rendez-vous-en digne i>ar l'assi- à la fin, ce n'était point pour la repousser,
duité de vos prières. Oui, le plus indigne peut mais pour nous donner en exemple sa patience.
mériter des grâces par l'assiduité de ses prières. Car s'il eût différé pour la repousser il ne ,

Dieu cède plutôt à nos prières qu'à celles qu'on l'eût pas exaucée même à la fin. Mais comme il

lui fait pour nous, il tarde souvent à nous exau- n'attendait que pour faire paraître la sagesse de
cer, non pour nous décourager ou nous ren- cette femme, il gardait d'abord le silence. S'il
voyer les mains vides, mais pour nous procurer lui avait dès l'abord accordé la grâce qu'elle
plus de biens que nous n'en demandons. Je demandait, nous n'aurions point connu sa
veux vous démontrer ces trois vérités en me vertu. Accordez, disent les disciples, car elle
servant de la parabole que je vous ai lue au- crieaprès nous. Que réi)ond le Christ ? Vous
jourd'hui. Le Christ vit venir à lui la Chana- entendez sa voix, mais je lis dans sa pensée je ;

néenne qui le priait pour sa fille possédée du ne veux pas que le trésor qu'elle contient de-
démon et qui s'écriait Ayez pitié de moi,
, : meure caché, j'attends en silence pour le dé-
Seigneur : ma fille est tourmentée par le dé- couvrir à tous les regards, pour le faire briller
mon. (Matth. XV, 22.) Voilà une femme de na- aux yeux du monde. Ainsi serions-nous pé- ,

tion étrangère en dehors de la loi des Juifs.


, cheurs, indignes des grâces de Dieu, ne déses-
Devait-elle être aux yeux de Jésus-Christ plus pérons point , et assurons-nous que par la per-
qu'un chien! était-elle digne d'être exaucée? sévérance nous pouvons nous en rendre dignes.
Il n'est pas bon, dit Jésus lui-même, de pren- Serions-nous seuls, sans protecteurs, ne per-
dre le pain de ses enfants et de le donner aux dons point confiance, sachant que c'est une
chiens. (Ibid. 26.) Cependant l'assiduité de ses puissante protection que de s'adresser soi-même
252 TRADUCTION FRAxXÇAISE DE SAINT JEAN CHRYSOSTOME.

à Dieu , le cœur plein de zèle. S'il tarde , s'il prière ardente et pure. Car elle seule nous peut
diffère, ne nous laissons point détourner, cer- délivrer des maux présents et des châtiments
tains que ces retards sont une preuve de sa sol- que nous méritons en celte vie. C'est pourquoi,
licitude et de sa bonté. Si nous avons cette per- si nous voulons passer avec moins de peine la

suasion, si avec un cœur contrit, plein d'a- vie présente, et la quitter avec confiance, prions
mour, avec une ardente volonté, comme la avec zèle, avec ardeur, avec persévérance. Ainsi
Chananéenne, nous allons au Seigneur, se- nous obtiendrons les biens qui nous sont réser-
rions-nous des chiens, des pécheurs chargés de ves et nous goûterons les plus douces espéran-
crimes, nous nous délivrerons de.nos misères, ces. C'est ce que je souhaite pour nous tous,
et deviendrons assez purs pour servir aux au- par la grâce, la miséricorde de No-
bonté et la
tres de protecteurs. C'est ainsi que la Chana- tre-Suigneur Jésus-Chiist, qui partage, avec le
néenne emporta non-seulement la confiance Père et le Saint-Esprit, la gloire, l'honneur et
devant Dieu et mille louanges; mais qu'elle la puissance , dans tous les siècles des siècles.
arracha sa fille à d'intolérables tortures. Rien, Ainsi soit-il.

je vous le dis, rien n'est plus puissant que la

Traduit i^ar M. WIEIŒYSKI.

1
HOMÉLIE SUR LES VEUVES.
Sur ce teite : ii Que celle qui seia choisie pour èlte mise au rang des veuves, n'ait pas moins de soixante ans (1 Tim V. 9) h

De l'éducation des enfants ai de l'aumâne.

AVERTISSEMENT & ANALTSE.

Celle homélie fut prononcée la même année que l'homélie sur les Calendes et que Ijs homélies sur F.azare. On le voit par
l'exorde où saint Chrysostome dit parlé deruièrement sur ce texte
qu'il avait : Au sujet de ceux qui donnent, je ne veux
pas vous laisser ignorer. C'est le du cinquième discours sur Lazare. Donc l'homélie sur les Cal. ndcs, les sept sur Lazare
sujet
et celle-ci furent faites par l'orateur, au commencement de la môme année, à Anlioche. Quelle est cette année? c'est ce que
l'on n'a pas encore découvert.
1-2. Dignité de la veuve. Dou.t sortes de veuves, les veuves pauvres que l'Rglise nourrit, et les veuves opulentes. Desquelles
l'Apôtre e.\ige-t-il qu'elles aient soixante ans? évidemment des dernières. Lit oi il s'agit de secours adonner, il n'y a pas d'âge
à doterrainer. Quiconque souffre veut être soulagé k tout âge et dans n'importe quelle condition. y avait autrefois des — 3. 11

chœurs de veuves, comme il y a maintenant des chœurs de vierges. Dans la composition de es chœurs, l'on ne pouvail agir
avec trop de prudence; de lii ce cons il de n'admettre que celles qui étaient d' n âge à ne plus vouloir retourner dans le
monde. — 4. Le conseil de que les veuves qui ne supporteraient pas l'épreuve du veuv»ge. Celle
se remarier jeunes, ne regarde
qui veut être admise à la dignité deveuve doit d'abord en montrer les œuvres. —
5-6. Des inconvénients des secondes noces.
— 1-11. Œuvres de la veuve; premièrement bien élever ses enfants.
: —
12-14. Deuxièmement, exercer l'hospitalité. —
15. Il faut servir les pauvres. — 16. Exhortation à la pratique de l'aumdne.

1. Reconnaissons l'a propos dans la grâce que vous les avez recueillies avec toute l'ardeur
l'Esprit-Saint vous a ménagée par la lecture de d'un vrai zèle; gardez-les où vous mêliez en
la lettre apostolique de ce jour; on y trouve, réserve les bonnes pensées. Certes, quand on
avec ce que nous disions naguère, un rapport dit veuvage, il semble que l'on dise malheur;
de parenté; vous verrez que ce sont des pen- il n'en est pas ainsi pourtant; le veuvage est
sées de la même famille si vous vous atta- , une dignité, c'est un honneur, c'est la gloire
chez moins aux paroles qu'au sens des expres- la plus belle; ce n'est pas un opprobre, mais
sions. En effet, notre lecture de l'autre jour, une couronne. Si la veuve n'a plus de mari
c'était : Touchant cetix qui dorment, je ne veux dont elle partage l'habitation, elle partage l'ha-
pas que vous ignoriez^ mes frères (I Thess. bitation du Christ, qui écarte tous les maux
IV, 12), et alors nous avons parlé avec dévelop- déchaînés contre nous. En effet, il suffit à la
pement de la résurrection, du courage à mon- veuve qu'on outrage et qu'on tourmente, d'en-
trer dans les jours de funérailles, des grâces trer, de tlécliir les genoux, de gémir dans
qu'il fautrendre à Dieu, quand il nous prend Tumertume de son cœur, de verser des larmes,
ceux qui sont nos proches. Voici aujourd'hui et elle repousse loin d'elle tous les assauts; car
notre lecture Que celle qui sera choisie pour
: voilà les armes de la veuve : les pleurs, les
être mise au rang des veuves, n'ait pas moiîis gémissements, les prières assidues; par là,
de soixante ans. Puisque c'est la mort qui fait elle n'écarte passeulement les injures que lui
le veuvage; puisque c'est là ce qui excite le font les hommes, mais les assauts que lui
plus la douleur, et rend le deuil plus amer, livrent les démons. Affranchie des affaires du
rappelez-vous les consolations naguère adres- siècle, elle n'a plus qu'à suivre son chemin
sées par nous à ceux qui sont dans le deuil vers le séjour d'en-haut ; le zèle qu'elle témoi-
;
254 TRADUCTION FKiVNÇAISE DE SALNT JEAN CHRYSOSTOME.

gnait à son mari, le culte qu'elle avait pour notre zèle ;


pour nous quelle patronne, celle
lui, elle pourra le convertir aux choses spiri- qui est vraiment une veuve !

tuelles. Si vous me dites que


veuvage était le Mais il est utile de considérer ici, avec soin,
un malheur que je vous ré-
autrefois, voici ce de quelles veuves parle le texte sacré. On en-
pondrai La mort aussi a été une malédiction, et
: tend par veuves, celles qui, tombées dans la
la mort est devenue une dignité pour qui sait plus grande indigence, et portées sur les re-
nohlement la braver. Voilà comment les mar- gistres , sont nourries aux frais de l'Eglise,
tyrs conquièrent leur couronne voilà de , comme cela se pratiquait au temps des apôtres.
même comment la veuve s'élève à un rang si Il s'éleva, dit l'Ecriture, un murmure parmi
haut. les Juifs parce que leurs veuves étaient
grecs ,

2. Voulez-vous comprendre la grandeur de méprisées dans la dispensation de ce qui se


la veuve, de quelhonneur elle est digne auprès donnait chaque jour. (Act. vi, i.) On appellle
de Dieu, quel amour Dieu a pour elle, de quelle aussi de ce nom les femmes qui ne connais-
protection puissante elle peut couvrir auprès sent nullement l'indigence; qui, au contraire,
de Dieu ceux qui sont déjà condamnés; les sont riches, à la tète de leur maison, et n'ont
désespérés qui n'osent pas nmrmurer une pa- l)erdu que leur mari seulement. Voyons donc,
role, qui sont détestés de Dieu, privés de tout de quelles veuves, le texte parle ici, en disant,
espoir d'indulgence comme
elle peut les déli-
; que celle qui sera choisie pour être mise au
vrer, les réconcilier, non-seulemeni obtenir rang des veuves, 7iait pas vioins de soixante
leur pardon, les arracher au supplice, mais ans. Est-ce de celle qui a besoin de secours,
leur conquérir la confiance dans l'affection du qu'il faut nourrir aux frais de l'Eglise; ou de
Seigneur, la gloire; leur rendre une splendeur celle qui n'est nullement dans l'indigence, qui,
l)lus pure que les rayons du soleil, quand ils au contraire, possède de grandes richesses ? Il
seraient les i)lus souillés parmi tous les est évident qu'il est question de la dernière ;

hommes? Entendez Dieu lui-même parlant car, lorsqu'il parle de lautre, qui est tour-
ainsi aux Juifs Lorsque vous étendrez vos
: mentée par la faim, il ne se préoccupe ni
mains vers moi, je détournerai mes yeux de d'âge, ni de bonnes mœurs, mais il dit, d'une
vous, et lorsque vous multiplierez vos prières, manière absolue Si quelqu'un des fidèles ou
:

je vous écouterai point, parce que vos mains


?ie si quelqu'une des fidèles a des veuves, qu'il
sont pleines de sang. (Isaïe, i, 15.) Eh bien ! leur donne ce qui leur est nécessaire, et que
pourtant, à ces scélérats, à ces homicides, à l'Eglise n'en soit pas chargée, [l Tim. v, 16.) Il
ces ini'àmes souillés de toute espèce d'ignomi- ne dit pas Pourvu quelle ail soixante ans ;
:

nie, promet de se réconcilier avec eux s'ils


il il ne dit i)as Si elle a exercé l'hospitalité, si
:

portent secours aux veuves à qui l'on fait uue elle a lacé les pieds des saints (Ibid. v, 10) et ;

injustice. Car après avoir dit Je détowmcrai : c'est avec raison que le texte n'apporte pas ces
mes yeux de vous, et je ne vous écouterai point, restrictions. En ell'et, où il faut remédier à
W à\i faites justice à l'orphelin, défendez la
: l'indigence, on ne doit pas s'occuper de l'âge.
veuve et venez, et soutenez votre cause contre Qu'importe qu'elle n'ait que cinquante ans, si
moi. Quand vos péchés seraient comme l'écar- elle meurt de faim? qu'importe qu'elle soit
late, je les rendrai blancs comme la jieige. jeune, celle dont le corps est mutilé ? Faudra-
(Ibid. xvn,
Voyez-vous quelle grande puis-
18.) t-il qu'elle dorme, attendant qu'elle ait soixante

sance possède la veuve, non pas auprès d'un ans? Ce serait le comble de la cruauté. Ainsi,
prince ou d'un roi de la terre, mais auprès du quand il faut calmer la faim, il ne s'in(|uiète
Roi même qui règne dans les cieux? quelle pas curieusement de l'âge ou des bonnes
colère elle apaise! comme il lui est donné de mœurs. Mais, quand il n'y a plus à secourir
calmer le Seigneur irrité contre ceux que pos- l'indigence, d'un honneur,
quand il s'agit
sède un mut
incurable! quel |)Ouvoir elle a d'une dignité à conférer, il institue, et il a
pour les arracher à l'insupportable supplice! raison une emiuête qui se rapporte aux
,

ce qu'elle l'ait d'une ànie que le péché a souil- mœurs.


rendue immonde! Elle la purilie, elle lui
lée et 3. C'est (jue, comme il y a des chœurs do
rend tout l'éclat de la plus parfaite pureté. vierges, y avait aussi des chœurs de veuves ;
il

Gardons-nous donc de mépriser la veuve, en- et il n'était pas permis d'eu former les listes
tourons-la de toute notre sollicitude, de tout iudillérenimeut. 11 n'est donc pas question,
lIO^itLIE SlIU LES VEUVES. 2oS

ici, de la veuve qui vit dans l'indipfcnce, qui a sont celles qui, ayant secoué le joug du Christ,
besoin de secours, m;iisde colle tjui veut pren- veulent se remarier; des bavardes, des cu-
dre le titre de veuve. Pourquoi maintenant rieuses, des coureuses, disant ce qu'on ne doit
p.)se-l-il, au sujet de celle-ci, une question pas dire, qui se sont mises de la suite de
d'âge? C'est qu'il savait bien que la jeunesse Satan. Et, en effet, après avoir dit : Je veux
est comme un bùclier, comme une mer
aux que les jeunes veuves se marietit^ il ne s'est pas
innombrables Ilots, tourmentée par mille tem- arrêté, mais il entend par jeunes
dit ce qu'il
pêtes ; donc, ce n'est qu'après qu'elles étaient veuves, et il raconte leurs faux pas. Quels sont-
aCTrancliies, par le bénéfice de l'âge, a|)rès ils, ces faux pas ? Parce que la mollesse de leur

qu'elles étaient parvenues au port de la vieil- vie, les portant à secouer le joug de Jésus-Clirist,
lesse, ce n'est qu'après que le feu des passions ellesveulent se remarier ; des fainéantes ,
ne couvait plus en elles, qu'il les admettait, des causeuses, des curieuses, des coureuses, di-
sans défiance, dans ce chœur des veuves. Quoi sant ce qiCon ne doit pas dire, des femmes
donc! n'a-t-on pas vu, dira-t-on, nombre de perverties. ( Ibid. H, 13, 15), pour voir qui?
veuves, des veuves de vingt ans, briller d'un pour voir Satan. Donc, puisqu'après avoir em-
pur éclat jusqu'à leur dernière heure, porter brassé le veuvage et continué toute cette vie
longtemps le joug, et montrer, sans jamais se de honte, elles veulent contracter un second
démentir, un noble spécimen de la vie aposto- mariage, mieux vaut qu'elles le contractent
lique? eh bien! donc, je vous le demande, les avant d'être devenues les épouses du Christ, et
écarterons-nous? et, quand elles veulent con- d'avoir violé leur contrat avec lui. S'il est une
server le titre de veuves, les forcerons-nous à veuve qui ne ressemble pas à celles-ci, le texte
contracter un second mariage ? Est-ce là une ne lui impose pas la nécessité d'un second ma-
conduite digne du conseil de l'Apôtre? Que riage.
signifient donc ses paroles ? Prêtez-nous toute 4. Et voici la preuve que c'est là la vérité. Si,
votre attention, mes bien-aimés; comprenez en effet, on eût prescrit, comme par une loi, à
bien le sens du texte. Il ne dit pas : qu'il n'y toutes les femmes de se marier, de rester à la
ait pas de veuve âgée de moins de soixante tête de leur maison, l'enquête suivante eût été'
ans, mais que celle qui sera choisie pour être superflue : Si elle a bien élevé ses enfants, si
mise au rang des veuves; et, d'un autre côté, elle a lavé les pieds des sai?its, si elle a secoiam
il ne dit pas que les veuves plus jeunes ne
: les affligés, à toutes
si elle s'est appliquée
soient pas choisies, mais évitez les veuves : sortes de bonnes œuvres. (Ibid. v, 10.) Il est
plus jeunes. (I Tim. v. H.) Ce sont là les pa- aussi inutile de dire qu'elles n'aient eu qu'un
:

roles qu'il écrit à Timothée. Les détracteurs, m,ari. (Ibid. 9.) En effet, si vous ordonnez à
les médisants abondent toujours, leurs langues toutes les jeunes veuves de se marier, com-
sont aiguisées contre ceux qui dirigent les ment pourra-l-il arriver qu'une des veuves
Eglises. Paul veut mettre un chef d'église à l'a- qui vous occupent n'ait eu qu'un mari ?Donc,
bri des accusations; il lui prescrit la loi qu'il le texte considère les veuves dont on doit se

exprime à peu près ainsi Pour ce qui est de : défier. Telle est encore la pensée du texte sur
toi, ne choisis pas. Si, d'elle-même, si, de son le commerce conjugal. En effet, après avoir dit ;

propre mouvement, la veuve tient à entrer iN^e vous refusez point l'un à l'autre ce devo'r,
dans cette compagnie, qu'elle y entre; toi, ce- si ce n'est du consentement de l'un et de Vautre,
pendant, ne l'admets pas encore. On pourrait pour un temps, afin de vous exercer au jeûne
dire : elle était jeune, elle voulait se marier, et à la prière, et ensuite vivez ensemble comme

rester à la tête de sa maison; c'est un tel qui auparavant (I Cor. vu, 5) pour que vous ;

l'a forcée; voilà pouniuoi elle a succombé ; de n'alliez pas regarder celte parole comme une
là, ses fautes. Toi, ne la choisis pas, afin que, loi, conmie un précepte, il en donne aussitôt

si plus tard elle succombe, lu sois à l'abri des la raison, en disant De peur que le démon ne
:

accusations; et afin que, si elle demeure vous tente, ce que je vous dis comme une chose
ferme, tu puisses la choisir, au temps conve- qu'on vous conseille et non pas qu'on vous
nable, avec plus de sécurité. Si le texte dit : commande à cause de votre incontinence. Donc,
Je veux que les jeunes veuves se marient, de même que, dans ce passage, il ne s'adresse
qu'elles aient des eyifants (I Tim. v, 14), com- pas à tous les hommes, mais seulement aux
prenez ce qu'il entend par jeunes veuves. Ce plus incontinents, à ceux qui succomberaient
266 TRADUCTION FRANÇAISE DE SAINT JEAN CHRYSOSTOME.

facilement ; de même, à présent, il a en vue, dans ce qu'on lui conseille le précepte, au ;

parmi femmes, celles dont la chute est trop


les contraire, supprime ce pouvoir de choisir.
facile, celles qui ne supporteraient pas le veu- L'Eglise ne fait pas, ici, de précepte; elle
\age jc'eslàelles qu'il donnelecoiiseildese ma- exhorte seulement Paul a permis les seconds
;

rier une seconde fois. C'est qu'en effet le veu- mariages, quand il a dit La femme est liée à
:

vage est chose double. Comment cela, double? la loi du mariage ta7it que son mari est vi-
C'est un spécimen de bonnes œuvres, c'est une vant; mais si son mari meurt, elle est libre ;
très-haute dignité. De môme donc qu'une ma- qu'elle se 7narie à qui elle voudra, pourvu que
gistrature, aussi, est chose double ; en effot, il
y ce soit selon le Seigneur. Cepeiidant elle sera
faut considérer les œuvres et la dignité: la di- plus heureuse si elle demeure en cet état. (ICor.
gnité c'est la puissance du magistrat, les hon- vu, 39, 40.) Ainsi, comme le mari.ige est bon,
neurs que le peuple lui rend, c'est la magistra- mais la virginité vaut mieux; de môme,
ture en elle-même. Quant aux œuvres de la ma- le second mariage est bon, mais le premier,

gistrature, c'est de secourir ceux à qui l'on fiit l'unique mariage, vaut mieux. Nous ne reje-
injustice, de réprimer les auteurs de l'injustice, tons donc pas le second mariage nous ne ;

de commander aux villes, de veiller, de passer prescrivons rien non plus sur ce point, mais
les nuits pour les affaires communes de la répu- nous exhortons Que celui qui veut conserver
:

blique, ce sont mille autres soins; de même la chasteté se contente du premier mariage.

pour le veuvage, il faut distinguer la dignité Et, maintenant^ pourquoi nos exhortations et
et les œuvres la plus grande dignité, c'est
: nos conseils? Pour assurer la sécurité de la
d'être veuve, nous l'avons déjà démontré ;
maison. Souvent le second mariage est une
quant aux œuvres, c'est de ne pas faire venir occasion de luttes et de cond)ats de tous les
un second mari, mais de se contenter du pre- jours. Assurément, bien souvent, il arrive
mier ; de bien élever ses enfants, d'exercer qu'assis à table, le mari, au souvenir de sa

l'hospitalité, de laver les pieds des saints, de première femme, pleure en silence; mais l'au-
secourir les affligés, de .«i'a[>pli(iuer à faire le tre, tout à coup, prend feu, bondit connne une

bien, de toutes
manières. Aussi, Paul,
les bête fauve, et lui demande raison de sa ten-
en parlant de ces œuvres, permet aux veuves dresse pour celle qui n'est plus. S'il veut louer
de les accomplir toutes, mais il ne permet pas la femme qui est partie, c'est un {trétexie de
d'élever à la dignité de veuve, de faire entrer guerre; un éloge est un sujet de combat. Et,
dans la conqiagnie, de mettre au rang des voyez, quand nos ennemis particuliers sont
veuves, celle qui n'a pas soixante ans accom- morts, nous ne sentons plus rien contre eux ;

plis; c'est comme s'il disait: Qu'elle fasse toutes la même heure a terminé leur vie et notre
les œuvres qui conviennent aux veuves; quant haine. Clifz les épouses, ce qui se montre, c'est
à la dignité, qu'elle ne l'obtienne que quand, tout le contraire; la femme qu'elle n'a pas vue,
après avoir accompli toutes ces bonnes œuvres, la femme qu'elle n'a pas entendue, la femme
elle devra au bénélice de l'àgc toute sécurité, qui ne aucun mal, celle-ci là déteste,
lui a fait

et, à ses œuvres, la démonstration et le témoi- l'a en horreur, et la mort même n'éteint pas

gnage extérieur de sa vertu. Que nul n'aille sa haine. Qui donc a jamais vu, qui donc aja-
s'imaginei" que ce discours ne convienne mais entendu dire que la poussière fût un
qu'aux fenunes, car les honnues y trouveront objet de jalousie, qu'on lit la guerre de la
aussi de quoi proUter. lis doivent, eux aussi, cendre?
s'en tenir à la femme qu'ils ont perdue ils ne ; G. Mais ce n'est pas là que s'arrête le mal ;

doivent pas vouloir que des lionnes habitent soit quela seconde épouse ait des enfants, soit

avec leurs enfants, (pie des belles-mères, in- qu'elle n'en ait i)as, nouveaux combats, tou-
troduites dans leur maison, en ruinent toute jours la guerre. Si elle n'en a pas, son chagrin
la sécurité. amer, et, pour cette cause, elle regarde
est plus
Ce que nous disons, ce n'est pas pour vous
5. connue des ennemis, (jui lui fout le plus grand
prescrire la haine d'un second mariage, mais outrage, les enfant? de première femme;
la
nous vous conseillons de vous contenter du [nc- elle les regarde comme un
reproche qui lui ,

mier. Autre chose est l'exhortation, autre chose rend plus sensible sa stérilité; si, au contraire,
le conunandement. L'exhort.ili(Mi, le conseil, elle a des enfants, le mal n'est pas moititlre.
laissent à la discrétion de l'auditeur le choix Eu ellèt, souvent le mari, par tendresse pour
HOMÉLIE SUR LES VEUVES. »57

l'épouse qu'il a perdue, embrasse ses enfants, œuvres. Chacune de ces paroles nesembletiu'un
et, par l'afFcclion, par la compassion qu'il petit mot, sans valeur, et pourtant contient en
éprouve, il soutTre de les voir orphelins. Mais soi ce qui constitue la vie.
l'autre veut que toujours et partout on prélère 7. S'il vous paraît bon, étudions d'abord ce
ses enfants à elle, et, à ses yeux, les autres ne que Paul a mis au premier rang Si elle :

sont pas des frères, mais de vils esclaves; voilà a bien élevé ses enfants. Il indique par là
qui est de nature à bouleverser la maison, à l'éducation non pas cette éducation sim-
, ,

rendre pour l'époux la vie insupportable. Aussi, ple, vulgaire, qui consiste, lorsque les en-
nous vous exhortons à garder, s'il est possible, fants meurent de faim , à s'en aperce-
la continence, à vous contenter du premier voir. Il suflitnature pour veiller tou-
de la
mariage. Nous conseillons, aux maris, de ne jours aux soins de ce genre; d'où il arri\e
pas prendre une nouvelle femme; aux femmes, qu'il ne faut ni commandement, ni loi, pour
de ne pas prendre un nouveau mari, de ne pas obtenir (jne les veuves élèvent leurs enfants.
jeter leur maison dans un tel bouleversement. Mais Paul entend ici le soin de les élever, dans
Mais maintenant, pourquoi Paul, parlant de la justice et dans la piété. Celles qui n'élèvent
la viduité, ne s'est-il pas contenté de cette pas ainsi leurs enfants, sont des inlanlicides
première condition Pourvu qu'elle n'ait eu : plutôt que des mères. Ce que je dis, je
qu'un mari? C'est afin de vous faire com- ne l'adresse pas aux femmes seulement je ,

prendre que ce qui constitue la veuve, ce n'est l'adresse en même temps aux hommes. Il ne
pas seulement de ne jamais épouser un second manque pas de pères qui, pour donner à leur
mari, mais d'abonder en bonnes œuvres, en un bon cheval, des demeures magnifiques,
fils

aumônes, en douceur, en soins pour les étran- un domaine d'un grand prix, font tout, re-
ge s. Car, si la virginité n'a servi de rien aux muent tout; quant à obtenir que leur fils ait
vierges (et cependant la virginité est bien su- l'âme bonne, et se tourne vers la piété, ils n'y
périeure à la viduité), si les vierges dont la pensent pas. Et c'est là ce qui produit le chaos
lampe s'est éteinte sont tombées dans le mé- sur la terre entière. Nous n'avons pas soin de
pris pour n'avoir pas pu montrer les fruits de nos enfants; de leurs possessions, de leur for-
la charité et de l'aumône (Matth. xxv) c'est , tune, nous prenons grand souci nous négli-
;

€<• qui est encore bien plus vrai des veuves. geons leur âme, et voilà le comble de la dé-
Quand Paul entend cette parabole, etîrayé pour mence. En effet, multi[tliez tant que vous vou-
les veuves, il étudie leur cause avec le plus drez les riches domaines, si le possesseur n a
grand soin; il ne veut pas que la modération ni vertu ni zèle de l'honnêteté, tout s'en va,
qui les porterait à s'en tenir à un seul mariage tout s'évanouit avec lui; et ces richesses cau-
leur fasse négliger les autres vertus. Voilà pour- sent, à celui qui les possède, un préjudice af-
quoi ilQu'on puisse rendre témoignage de
dit ; freux. Au contraire, une âme généreuse et sage,
ses bonnes œuvres,(l Tim. v, 10.) En effet, de quand elle n'aurait aucun bien en réserve,
môme (jue la virginité, quoiqu'élant un bien, ne est assuréede jouir de tous les trésors. Noi.s
produit toute seule aucun fruit, et ne peut ouvrir devons donc nous proposer de rendre nos en-
la chambre de l'époux; de même la viduité est fants, non pas riches d'argent et d'or, ni d^s
un bien, mais, sans les autres vertus, elle est choses de ce genre, mais riches, le plus pos-
vaine et supertkie. Aussi le consinl de Paul ne sible, par la pieté, par la tempérance, par l'ac-
se réduit pas à ce qu'elles s'abstiennentd'un quisition de toutes les vertus, nous proposer
second mari, mais réclame, de la veuve, il de les préserver de mille habitudes qui de-
d'autres vertus, en grand nombre, et des ver- viennent des besoins; de leur faire prendre
tus considérables. H faut que des soldats d'é- en mépris les choses du siècle, les passions
lite soient des soldats bien constitués ; de même, succédant toujours aux passions pour sur- ,

Paul choisissant les soldats du Christ, veut des prendre l'àme. Où entrent-ils? d'où sortent-
âmes bien constituées, vaillantes, ardentes ils? voilà ce qui doit exciter notre curiosité,
pour toutes les bonnes œuvres, et il prononce éveiller tous nos soins. Quelles sont leurs
ces paroles Si elle a bien élevé ses enfants; si
: connaissances ? quels sont leurs amis ? et
elle a exercé r hospitalité; si elle a lavé les comprenons bien que si nous négligeons
,

pieds des saints ; si elle a secouru les affligés ; cette surveillance, nous n'obtiendrons, de
si elle s'est appliquée à toutes sortes de bonnes Dieu, aucun pardon. S'il est vrai que notre

To-.:i: IV. n
258 TRADUCTION FRANÇAISE DE SAINT JEAN CHRYSOSTOME.

négligence pour intérêts d'autrui, nous


les son, insultera son père, et dégradera son âme.
attire des châlinients, que personne ne cherche 8. Donc soyons vigilants, puisque nous savons
sa propre satisfaction^ dit l'Apôtre, mais le que, s'ils rendenta Dieu ce qui lui est dû, nos
bien des autres (I Cor. x, 24); quel châtiment enfants jouiront, même dans la vie présente,
bien plus terrible nous frappera, si nous négli- d'un brillant et glorieux nom. A l'homme ver-
geonsnos enfants. N'ai-jepasinistonenfantdans tueux et modeste les respects de tous, tous les
ta maison, dès le commencement, dit le texte? honneurs, fût-il le plus misérable de tous les
ne t'ai-jc pas établi son préce|)teur, son maîlre, pauvres le méchant, le pervers n'excite que
;

son i)rotecteur, son juge? ne t'ui-je p,is remis répulsion et que haine, vît-il abonder chez lui
entre les mains tout pouvoir sur lui? Je t'ai les richesses à grands flots. Et non-seulement
confié le soin de pétrir, de façonner cette âme votre enfant sera, pour les autres, un sujet de
molle et délicate? (jucl pardon mériles-lu si, vénération, mais vous-même, son père, vous
pour quelque résistance, tu l'abandonnes? que le chérirez plus encore car, à l'amour qui ré- ;

pourrais-tu dire ? que c'est une nature rétive, (j ui sulte de la nature se joindra l'amour non ,

ne sup()orte pas le frein? Mais c'est tout d'abord moins vif (jui s'attache à la vertu, et non-seu-
ce qu'il fallait prévoir; quand il supportait le lement vous le chérirez plus, mais ce cher
frein, quand il était dans première jeunesse,
la objet vous sera plus utile, vous honorant, vous
il fallait prendre le soin de le brider, Ihabi- servant, vous soutenant dans votre vieillesse.
tuer, le façonner au devoir, châtier les vices De même que les ingiats envers Dieu, mépri-
dont son âme est malade. La culture était fa- sent leurs parents, de même ceux qui hono-
cile; c'était alors qu'il fallait arracher les épi- rent leur Créateur entourent leurs parents
nes; dans un âge encore tendre, on les eût d"hnmmag(;s tt de vénération. Donc voulez-
plus facilement extirpées; on n'aurait pas vu vous être considéré de Dieu et des hommes,
les passions grandir, par la néglij;ence du assurer le doux bonheur de votre vie, vous
surveillant, et défier qui les veut combattre. préserver des châtiments à venir, faites de
Voilà pourquoi, dit h; Siige : Fléchis-hd le coii, votre enfant l'unique objet de vos soins. Ceux
quand il est jeune (Eccl. vu, 23); c'est-à-dire, qui négligent leurs enfants, fussent-ils d'ail-
à l'heure où il est plus facile du le former par leurs honnêtes, tempérants et sages, subuont,
l'éducition. Et l'Ecriture ne se contente i)as pour cette négligence, le plus terrible des châ-
du précepte, elle se met à l'œuvre avec vous. timents, que prouve une vieille histoire,
ce
Connnenl? Celui qui aura maudit son père ou que je vais vou> raconter.
sa mère, sera puni de mort. (Exod. xxi, 17.) Il y availchez les Juifsun prêtre honnêted'ail-
Voyez-vous quelle crainte elle inspire? quel leurs etsage que l'on nommait Iléli. Cet Héli
redoutable rempart elle constiuit pour vous? avait deux fils, tomliés dans les derniers excès
quelle force elle vous donne? Quelle excuse de ladépra\atiou ; il ne les repriinan»lait pas.il
pourrons-nous donc alléguer? Coimnent! si les laissait faire : c'est-à-dire il les réprimandait
nos enfants nous outragent, Dieu n'épargne bien, il cherchait à les retenir, mais il ny
pas même leur vie; et nous, quand nous les mettait pas le soin suffisant, il mantiuait de
voyons «>utrager Dieu, nous soumies sans co- sévérité. (1 Rois, n, il). Il aurait dû employer
lère, et nous les su|)porlons! Moi, dit le Sei- les verges, il aurait dû les chasser de la mai-
gneur, je ne reluse pas de mellre à mort qui son paternelle, user de tous les moyens de cor-
t'outr.ige, et toi, tu ne veux môme p is (|u'on rection eh bien non, il v'-e conleidail de leur
;
!

attriste d'un mot celui (|ui foule aux pieds mes adresser des evhorlalions, des C'Uiseils; il leur
lois! Eh! (pielle pourrait (Mre l'excuse d'une telle disait Ne faites pas cela, 7nes enfauts, fie
:

conduite? Vous voyez (pi'on outrage son Créa- faites pas cela, car je n'ai pas les oreilles flat-
teur, et vous ne vous indignez pas, répondez- tées: de ce qui vient à )nfs oreilles à cause de
moi, et vous ne tuMublez pas, et vous n'avez vous, (l llois, n. 2i]. Qu'-di^-tu? Ils ont outra.,é
pas de réprimande pour reutanl,et celaipiaud Dieu et lu les appelles tes enfuits? Us oui mé-
vous savez qu'il enfreint la loi de Dieu! ce connu leur Créateur et tu les reconnais? Voilà
n'est pas que l'outragé en reçoive aucun pré- pourquoi lEoriture dit ipTil ne les répriiuan-
judice (l)ieu n'a rien à |>erdre), mais renla.it (lait pas, c'e4 (juj la réjiriniuhlc n'est |)as un

n'est-il pas à sauver? qui se livre contre Dieu conseil ipielconque, c'est un moyen éuergiijue,
i des outrage? ijiççnscs, à bien pluç furie rai- mordant; qui mesure, à la gravité do la blcs-
HOMÉLIE SUR LES VEUVES. S59

sure, la rigueur du traitement, du coup qu'il XIV, 35) ; et, en tel autre endroit, parlant des
faut frapper. Il ne suffit pas de prononctr des enfants Elevez-les en les instruisant et les aver-
.•

paroles, des exhortations, il faut aussi de la tissant, selon le Seigneur. (Ephés. vi , A.) Dites-

fermeté, de la force, inspirer une terreur qui vous que vous avez des statues d'or dans vos
secoue l'indolonce de la jeunesse. Donc, comme maisons, vos enfants; et, tous les jours, po-
il le? exhortait, mais ne les exhortait pas dans lissez-les ne vous lassez pas de les observer
,

la mesure qui convenait, illcs livra aux coups avec le plus grand soin et employez tous les ,

des ennemis, et, quand la bataille s'engagea, moyens, pour les embellir, pour les former.
ils périrent dans la mêlée; incapable de sup- Imitez le bienheureux Job, qui redoutant les
porter cette nouvelle, le père tomba à la ren- suites de leurs péchés, offrait peureux, des ,

mourut, Avais-je raison


verse, se brisa la tète et sacrifices et ne cessait, pour eux, de s'inquié-
,

de les appeler meurtriers de leurs enfants, les ter, de tout prévoir. (Job. i, 5.) Imitez Abra-
pères qui les négligent, qui ne les châtient pas ham peu soucieux de ses trésors, de toutes
,

sévèrement, qui ne les forcent pas à rendre le ses possessions; ce dont il se souciait, c'était
culte qu'ils doivent à Dieu ? C'est ainsi qu'lléli de la loi de Dieu, c'était d'en recommander, à
a été le meurtrier de ses fils. Sans doute, ce Dieu rend
ses descendants, l'observance exacte.
sont les ennemis qui ont tué ses fils, pourtant témoignage delà vertu de ce juste, par ces
c'est lui qui a été l'auteur de leur mort vio- paroles Je sais qu'Abraham ordonnera à ses
: ,

lente, parce que sa négligence à l'égard de ses enfants, d'agir selon l'équité et la justice. (Gen.
fils, a détourné d'eux le secours du Seigneur, xvui, David aussi, en mourant, fit venir
19.)
les a livrés, nus, privés de tout appui, à qui son fils légua comme un bel héritage
, et lui
les voulait tuer. Et non-seulement il les a per- ces recommandations, sans cesse renouvelées :

dus, mais perdu lui-même avec eux.


il s'est Si vous voulez mon fils vivre conformément
, ,

9. C'est justement ce qui arrive, maintenaut à la loi de Dieu, aucun malheur imprévu ne
encore à un trop grand nombre de pères. Ils
, fondra sur vous , etvous jouirez d'une grande
ne veulent pas punir par les verges ni même , sécurité ; mais si vous perdez ce puissant se-
châtier en paroles, ni attrister leurs enfants , cours, toute votre royauté, toute votre puis-
qui vivent dans les désordres et violent les sance ne vous servira de rien. Voilà ce qu'il
lois qu'arrive-t il ? souvent ils les voient
; lui disait, telles étaient ses exhortations, sinon
convaincus des plus grands crimes traînés , ses paroles mêmes.
en jugement, décapités par les bourreaux. 10. Répétons-les, nous aussi, et pendant tout le
Puisque lu ne les châties pas puisque lu ne , temps de notre vie, et au moment de partir, à
les corriges pas puisque tu t'en vas toi-
, nos enfants; persuadons -leur que c'est une
même te mêler à des scélérats, à des hommes grande richesse, et un héritage infaillible, et un
perdus puisque tu te fais le complice de leurs
; trésor, le plus assuré de tous, que la crainte de
crimes , on les triute d'après la rigueur des lois, Dieu soyons moins jaloux de leur laisser une
:

et, sous les yeux du public on les châtie et , ; fortune périssable, que cette piété durable qui
au malheur, se joint un surcroît d'infamie, ne se dissipe jamais. Sans la piété, la fortune
quand tous montrent du doigt le père, dont s'évam»uit, ne vous laissant (juc les dangers et
le fils n'existe plus et lui rendent impossible
, la honte ; avec la piété , la fortune arrive.
l'accès delà place publique. Comment ses yeux Elevez bien votre fils, un autre en fera autant
pourraient-ils supporter ceux qu'il rencontre, de son fils, et après cet autre, un autre en-
après une telle ignominie, après le malheur core ; c'est une chaîne, une filiation excellente
de son enfant? Aussi , je vous en prie je vous , de chastes enseignements, qui s'étendra sur
en conjure , ayons bien soin de ces enfants tous, et vous en serez le principe, la racine, et
qui sont nôtres, et toujours, et partout appli- bonne éduca-
tous les fruits, récollés de cette
quons-nous au salut de leurs âmes. Le maître, tion des enfants, se moissonneront pour vous.
le docteur de toute la famille, c'est toi ; et fa Si les pères appliquent tous leurs soins à bien
femme , et tes enfants , Dieu te les confie ,
pour élever leurs enfants, c'en est fait, il n'est plus
les instruire toujours. Et, en tel endroit, Paul, besoin, ni de lois, ni de jugements, ni de pei-
en parlant des épouses, dit : Si elles veulent nes, ni de supplices, ni d'expiations publi(|ucs
s'instruire de quclrjue chose, qu'elles le denian- par le sang car Ce nest pas pour le juste, dit
;

dmtf dans leurs maisons, à leurs maris. (I Cor. l'Apôtre, que la loi est faite. (I Tim. i, 9.)
i60 TRADUCTION FRANÇAISE DE SAINT JEAN CHRYSOSTOME.

Mais, comme nous ;ioin, nous


n'en prenons pas la maison, ils entendaient toujours, de votre
les précipitons dans grands malheurs;
les plus bouche, les discours de la saijesse , les bons
nous les livrons aux mains des bourreaux ;
conseils, auxqut^Ues se joindraient les paroles
trop souvent, c'est nous qui les jetons dans qui se prononcent ici, ils nous montreraient

Ips gouffres. Car, dit l'Ecriture, Celui qui bien vite heureux fruits de ces généreux
,

évente son fils , pansera ses plaies. Eccl. ( germes, une riche moi?son. Mais nous ne fai-
XXX, 7.) Que signifient ces paroles, Celui gui sons rien de semblable; nous négligeons ce
évente ? c'est-à-dire, celui qui cherche, outre qui est de première nécessité faites des ex- ;

mesure, à soulager, celui qui flatte, qui pro- hortations à ce sujet, tout de suite on rit de
digue des soins serviles. Car ce qu'il faut à vous, et de là le bouleversement; les pères
l'enfant^ c'est un soin austère, sévère, qui ins- négligent de corriger leurs enfants à la mai-
pire la crainte. Ce que j'en dis, ce n'est pas son au dehors, on s'en charge, et les enfants
;

pour que nous soyons durs et farouches avec subissent la correction des lois.
les enfants, mais pour éviter de devenir mé- 11. N'avez-vous pas de honte, ne rougissez-
prisables à leurs yeux. Si la femme doit crain- vous pas, répondez-moi, quand ce fils, qui est
dre son mari, à bien plus forte raison, le fils votre fils, par le juge pour le
vous est pris
doit-il craindre son père. Et ne me dites pas châtier; pour rendre plus saize qnauil il
le ;

que la jeunesse est indomptable. Car si Paul faut la correction du dehors à cet enfmt, qui,
demande à une veuve, à une femme, de pren- de[)uis si longtemps, depuis sa naissance, a
dre soin de ses enfants , à bien plus forte demeuré avec vous? Ne vous cachez-vous pas,
raison, le demande-t-il aux hommes ; et s'il y ne rentrez-vous pas sous la terre? avez-vous le
avait impossibilité, il n'aurait pas exprimé courage, répondez-moi, de supporter qu'on
un commandement. Voici la vérité : toute pcr- vous nomme son père, vous qui avez ainsi trahi
Tersité provient de notre négligence, provient votre enfant, qui ne lui avez pas donné tous
de ce que, dès le principe, dès l'âge le plus les soins nécessaires, (jui l'avez négligé, quand
tendre nous n'avons pas formé nos enfants à
, la corruption pénétrait dans son àme? A la vue
la vertu. Nous avons grand soin de les met- d'un esclave qui bat votre enfant, vous vous
tre à l'étude des sciences profanes, de les initier indignez, votre colère s'allume, votre fureur
àlamilice, etnousdépensonsdel'argent, etnous écla'e ;
plus terrible qu'une bète féroce, vous
assiégeons nos amis de nos prières ; et à droi le, à bondissez à la vue de celui qui a fiap[»é votre

gauche, à chaque instant nous nous mettons enfant; et, à l'aspectdu démon, qui le soufllelte
en course mais, pour que nos enfants soient
: chaquejour sous vos yeux, des anges déchusqui
en honneur auprès du Roi des anges, nous l'altirent dans toutes ks fautes, vous dormez,
nous donnons fort peu de mouvement. Nous et vous ne vous indignez pas, et vous nai ra-
leur permettons souvent d'aller aux sj)ec- cliez ]ias, au plus redoul;ible des monstres,
tacles; mais nous ne les poussons jamais, pour votre enfant? Si votre fils est démoniaque,
qu'ils viennent à l'église si une fois, deux
; vous courez vers tous les saints, vous troublez
fois, un tout jeune enfant vient ici, c'est un le repos de ceux qui résident au sommet des
hasard sans conséquence, sans aucune utilité ;
montagnes vous voulez le voir délivré de
;

c'est parce que cela l'amuse, qu'il se trouve en ce cette maladie sinistre, et, quand c'est le péché,
lieu. C'est le contraire que nous devrions voir: le péché, (>lus funeste (jue tous les démons en-
quand nous envoyons nos enfants aux écoles, semble, qui le trouble sans relâche, vous res-
nous leur demandons qu'ils nous rendent tez les bras croisés.
compte de leurs leçons, ce que nous devrions Etre possédé du démon, ce n'est rien ; cette
faire en envoyant à rcj;lise, ou plutôt eu les
les possession ne peut pis jeler dans l'enfer.

y conduisant. Car ce n'e^t pas à des mains Si nous voulons pr. tuiuer la sagesse, cette
étrangères que nous devons les confier; c'eslà épreuve nous vaudra de brillantes d'écla- ,

vous de les anvner ici, d'y entrer vous-même, tantes couronnes; sachons bénir Dieu dans
afin de leur demander ensuite s'ils se souxieu- de tilles épreuves. Mais celui ijui passe sa vie
nont bien de ce qu'ils ont entendu, de ce qu'ils entière d «us le péché ne peul èlre sauvé ; il est

ont appris. Celle conduite nous rendrait bien absolimient nécessaire, et qu'il subisse, sur la
l>l(is lacile et plus expédilive la tache de rc- lerie, lous lcs«»pprobies, et qu'en partant d'ici,
(liy^ser vos culants. Car si, dans l'inUrieui do il endur^ les élcruels supi»liccs. C'est pourtant
HOMÉLIE SUR LES VEUVES. Mi
ce qtie vous savez maïs voilà pour éviter les
; : site,il succombe. Et, de même que le pauvre

mallu'iirs moindiL'S, nous montrons tout notre ne rencontre, dans sa pauvreté, aucun obsfiicle
zèle; pour s plus {grands, nous ne voulons pas
!< pour raumône, parce (jue son âme est riche ;
nous réveiller, A lavned'undémoniacjiie, nous de même le riche ne trouve, dans son abon-
gémissons à la vue d'un pécheur, nous ne sen-
; dance, aucun ressort pour parce la sagesse,

tons rien ; c'est alors pourtant qu'il faudrait se que son âme est exemples ne
pauvre. Et les

frapper la poitrine et frémir; mais non, il ne sont pas loin. Cette veuve avec un peu de fa-
,

suffit pas de ^M'mir, il faut contenir, il faut ré- rine, accueillit le prophète Achab, au seia ;

primer, employer le frein, conseiller, exhor- d'une si grande opulence, convoita le bien
ter, faire trembler, réprimander, user de tous d'autrui. Ce n'est donc pas la richesse de V.\T'
les moyens de guérison, pour chasser ce mal gent ou de l'or, mais la richesse de l'âme, qui
funeste. Il faut imiter cette veuve, dont parle nous rend l'aumône facile, puisque cette
le bienheureux Paul : Si elle a bien élevé ses veuve, avec deux oboles seulement, a sur-
enfants ; car ce n'est pas d'elle seulement qu'il passé des milliers de riches puisqu'elle n'a ;

parle. C'est à tous sans exception qu'il adresse pas trouvé d'obstacle dans sa pauvreté. Donc,
son discours c'est à tous qu'il dunne ce con-
; cette pauvreté môme rend l'aumône plus con-
seil Elevez vos enfants dans l'esprit du Sei-
: sidérable. C'est ce que dit le bienheureux Paul:
gnenr. (Ephés. vi, 4.) Voilà la première, la plus Lnir profonde panvi^eté a répandu avec abon-
grande de toutes les bonnes œuvres, la première dance les richesses de leur charité sincère,
aussi qu'il demande à la veuve ; ensuite il (II Cor. viii, 2.) Il ne faut pas considérer ceci,

ajoute : a exercé l'hospitalité. Que dites-


Si elle qu'elle a donné deux oboles, mais que possé-
vous, répondez-moi ? C'est d'une veuve que dant uniquement ces deux oboles, elle ne les
vous réclamez l'hospitalité? Ne lui suffit-il pas a pas ménagées; elle a donné toute sa fortune ;

d'élever ses enfants? Non, dil-il, il faut encore il faut l'admirer et la couronner. Ce n'est pas de

qu'elle y ajoute ce devoir; qu'à la surveil- fortune que nous avons besoin c'est un zèle ;

lance de ceux quilui appartiennent, elle joigne empressé qu'il nous faut, quand nous recevons
le soin des autres; qu'elle ouvre sa maison les étrangers. De même que, si ce zèle nous
aux étrangers ton mari est parti, le culte que
; anime, la pauvreté ne nous porte aucun pré-
tu avais pour lui, déploie le envers les étran- judice de même, si ce zèle nous manque,
;

gers. Quoi donc! me répond-on, et si elle est nous ne retirons, de notre abondance, aucune
pauvre ? elle ne l'est pas plus que cette pauvre utilité. Que m'objectez- vous ? Cette veuve a ses

femme qui, avec un peu de farine, un peu enfants à soigner, et, |)0ur celte raison, elle
d'huile, a reçu le grand prophète Elie elle ; ne pouriait pas s'occuper des étrangers? Pour
aussi avait des enfants mais ni son indi- ; , cette raison même, il lui sera plus facile de
gence, ni la famine qui pesait sur elle, ni la rendre aux étrangers ses devoirs. Elle associera
la mort qu'elle attendait, ni ses inquiétudes ses enfants aux soins qu'elle prendra d'eux.
pour ses enfants, ni son veuvage, ni quoi que Ses enfants partageront sa tâche, s'attacheront
ce puisse être, rien n'a été un obstacle pour à elle, dans celte occupation si noble. Ainsi,
cette femme, attachée aux devoirs de l'hospi- ce n'est pas un obstacle, c'est un secours, dans
talité. l'exercice de rhos[)ilalité, que le grand nombre
12. Vous le voyez, ce qu'il faut partout, ce des enfants; le grand nombre des mains à l'ou-
mesure de la fortune, mais la
n'est pas la juste vrage, facilitera le ministère. Ne me parlez pas
justemesure de la sagesse quiconque a la ;
d'un table somptueuse ; si elle reçoit l'étran-
grandeur de l'àme, la richesse des saj-'cs pen- ger dans sa maison, si elle lui ofl're ce qu'elle
sées, fùl-il le pluspauvre de tous ks houimes, a, si elle lui montre tout le zèle d'une affec-
parce que l'argent lui manque, peut surpas.-er tion charitable, elle a recueilli, sans que rien
les plus riches, par l'hospitalité, par l'aiiniôue, y manque, de Ihospitalité. S'il suffit
le fruit
par toutes les autres vertus. Celui dont l'àme d'un verre d'eau pour ouvrir le royaume du
est petite, dont la pensée est pauvre, celui qui ciel; l'accueil qui admet sous le même toit,
rampe à terre, aurait beau être le plus opu- qui fait asseoir l'étranger à la même table,

lent de tous les hommes, ilpauvre


est le plus qui reposer, quel fruit ne recueillera-
le fait se

de tous et le plus indigent. Voilà pourquoi, t-il pas, répondez-moi? Kemarquez bien jus-
dans l'exercice des vertus hospitalières, il hé- qu'où va le précepte de Paul : il ne demande
S62 ïiu\ULC110N FRANÇAISE DE SALNT JEAN CHK\bUMuMË.

pas simplement, ici, qu'on accueille les étran- les affaires de la vie, qui l'assiste devant les

gers, mais qu'on leur fasse accueil, de tout juges ou dans quelque autre circonstance? Tu
cœur, avec une âme que brûle le feu de la cha- lui fais un accueil plein d'atfection et tu lui
rité. Après avoir dit : Si elle a exercé l'hospi- baises les mains, et tu dépenses de l'argent, et
talité, il Si elle a lavé les pieds des
ajoute : tu partages les soins des servantes. A la vue du
saints. ne faut pas qu'assise superbement,
Il Christ qui t'arrive, tu recules et tu renonces à
elle abandonne, à des servantes, le loin d^ l'é.- le .servir I Si tu ns reçois pas l'étranger comme
tranger elle doit le servir elle-même, ravir
;
le Christ, ne le reçois pas; mais, si lu le reçois
elle-même ce fruit de vertu; elle ne doit cé- comme le Christ, ne rougis pas de laver les

der à personne ce trésor si beau. Et comment pieds du Christ. Et ne vois-tu pas com.bien de
cela :ii ferai l-il, me dit-on, si elle est de bonne victimes de l'injustice se sont réfugiées aux
famille, issue de nobles et illustres ancêtres ;
pieds de ses images? Matière insensible, pour-
elle-même les pieds de l'étran-
elle ira laver tant, bronze inanimé! Mais, comme ce sont de
ger? Comment, ne serait-ce pas une honte? royales images, on prend confiance; on s'assure
Uiie honte si elle ne les lave pas, entendez
! que, de ces pieds que l'on touche, on recueillera
bien ; fût-elle mille et mille fois de plus noble quelque toi, quand tu vois non des
utilité. Et
famille, issue de plus nobles, de plus illustres pieds insensibles,non une matière sans âme,
ancêtres, elle est du même sang que celui mais une image qui porte le Roi en elle; quand
dont elle lave les pieds ; esclave, comme ce- cette image vient vers toi, tu ne cours pas à sa
lui qu'elle soigne, et qui est son égal. rencontre! Réponds-moi. Tu ne t'attaches pas
13. Méditez, considérez quel est Celui qui a à ses pieds, tu ne l'entoures pas de tous tes
lavé les pieds de ses disciples, et ne me parlez soins? Quelle pourrait être l'excuse de cette
plus de nobl(;sse,et ne me parlez plus de noble indifférence? Comment n'en pas rougir? Con-
naissance. Seigneur qui com-
Le Maître, le sidère quel commerce exalte ton orgueil,
mande à la terre entière, le Roi des anges, il a transporte ta vanité, toi qui rougis de prendre
lavé leurs pieds! Il s'est mis un linge autour soin d'un étranger. Ce conmierce, c'est le
des reins, et il n'a pas lavé seulement les pieds commerce avec le démon; car le vain orgueil,
de ses disciples, mais aussi les pieds de celui voilà sa maladie. Si, au coiitraire, lu cours au-
qui le trahissait! Comprenez-vous, entre celui devant de l'étranger, considère quel est Celui
qui lavait et ceux qui étaient lavés, quelle dont tu suis l'exemple tu imites ton Seigneur,
:

dislance il y avait ? Le Seigneur pourtant tu fais l'action du Christ. Quelle honte, quel
n'a rien voulu voir de toute cette distance, opprobre y a-t- il à faire comme le Seigneur?
et le maîire a lavé son esclave, afin que la Réponds-moi. La honte! je sais bien ce qui la
fennne esclave ne rougisse pas d'en faire au- pioduif c'est d'avoir honte de ces soins, c'est
:

tant à celui qui est esclave comme elle ;


de regarder comme un opprobre ce qu'a fait
et, si le Seigneur a lavé les pieds du traître, le Christ. Les pieds des saints ont un grand
c'est pour que vous ne disiez i)as de l'étranger pouvoir quand ils entrent dans une maison :

qu'il est trop vil, trop méprisable pour que il: sanetilient le sol, ils introduisent dans la
vous lui doiimez vos soins. Je veux qu'il soit maison un trésor de biens innombrables; ils

vil et mé|)risable il ne l'est pas autant que


: corrigent l'aveuglement de la nature; ils dis-
Judas; il ne vous a pas fait ce que Judas a fait sipent la famine ; ils amènent l'abondance.
à sou Miître après taut de bienfaits, il a été
: C'est ce(}ue firent les pieds d'Elie entrant
dans
le traliir. Le Seigneur prévoyait tout cela, et il la maison de >euve, où ils introduisirent
la

lui a lavé les pieds, pour montrer à nos yeux, une incroy;iblc, une admirable abondance. La
dans la praliijue, les lois qu'il nous impose, maison de la veuve devint un champ fertile ;

pour nous apprendre que, quel que soit son vase devint un grenier. On vit alors une
notre rang et noire dignité, et quand les der- semenee nouvelle, une moisson inouïe la veuve :

niers de tous les hommes devraient venir semait dans la bouche du juste, et elle mois-
chez nous demander l'hospitalité , ce n'est sonnait dans son vase, avec une merveilleuse
p<is une raison pour nous de nous sous- al)ondanee, ee qu'elle avait semé; elle semait
tiaire aux soins (ju'ils réclament; ne rougissons la farine, et elle moissonnait la farine. Elle n'a
pas de leur bassesse. Que fais-tu, ô fennne! à eu besoin ni de bœufs, ni d'attelage, ni de
la \nc d'un lionnne qui te porte secours dans charrue, ni de sillons prépares, ni de pluie, de
HOMÉLIE SIH Li;S vEUVES. I6â

(f mp^rature favorable, de faux, de greniers, donnez. Si cette maison vous rêçoft, votre paix
de gerbes, de van pour séparer le grain de la viendra sur elle ; si elle ne voxts reçoit pas, se-

paille, ni de meule pour moudre; en un ins- couez la poussière de vos pieds. Je vous dis, en

tant, dans son vase, elle a trouvé le couronne- vérité, jour du jugement, Sodome et Go-'
ait

ment de tous SCS travaux deux fontaines


: inta- morrhe seront traitées moins rigoureusement.
rissables, une de farine, une d'huile, ont jailli (Ibid. xiir, 15.) Voyez quel feu vengeur ap[)el-

à la voix du Prophète. lent, attisent les pieds des saints. Voilà pour-
14. Tels sont les présents des saints : ils sont quoi Dieu nous commande de laver ces pieds :
abondants et ne coûtent aucune peine. Les c'est afin que le soin que nous en aurons pris

fruits de la terre se consument; les fontaines nous concilie la faveur de Dieu. Et, en même
où la veuve puisait chaque jour étaient inépui- temps, il nous avertit d'exercer par nous-
sables; la dépense et l'abondance luttaient à mêmes tous les devoirs de l'hospitalité. Imitez
armes égales. Voilà les présents qu'apportent Abraham, ô veuve devenez une fille d'Abra-
1

les pieds des saints, ou plutôt ils en procurent ham. Il avait trois cent dix-huit esclaves, et
de bien plus considérables. Si ce n'était la lui-même partagea avec son épouse le fruit de
crainte de trop allonger ce discours, je pourrais l'hospitalité; lui-même apportait le veau, Sara
passer en revue un grand nombre de présents pétrissait la farine. Empressez-vous de les
du même genre. De môme que ceux qui les imiter. Ce n'est pas seulement l'argent que
traitent avec honneur obtiennent d'eux de tels Ton donne, mais le soin que l'on prend en
dons, de même ceux qui les méprisent s'attirent servant soi-même les pauvres, qui mérite de
un redoutable supplice, la flamme, à laquelle grandes récompenses. Voilà pourquoi les apô-
on ne peut échapper. Qui le prouve? Ecoutez tres confièrent ce ministère aux sept parmi
le Christ lui-même parlant à ses disciples En : lesquels on comptait Etienne. (Actes, vi.) Sans
quelque ville ou en quelque village que vous doute, ils ne donnaient d'eux-mêmes rien aux
entriez, informez-vous qui est digne de vous pauvres; mais ils distribuaient sagement ce
loger, et demeurez là, et, en entrant, dites : que les autres avaient donné, et ils ont mérité
Que la paix soit dans cette maison! (Matth. x, une grande récompense pour avoir distribué
4i, 12.) Et, afin que vous ne disiez pas Je dé- : avec sagesse, avec une parfaite diligence, les
pense de l'argent, je dissipe ce que j'ai en ser- dons qui provenaient des autres.
vant des repas aux étrangers, le Seigneur fait 15. Devenez donc, vous aussi, les sages dis-
que celui qui entre dans votre maison est le pensateurs de vos biens afin de recueillir un
,

premier à vous donner les présents de l'hospi- double fruit, et parce que vous donnez, et
talité, présents magnifiques, qui surpassent parce que vous distribuez vos dons avec sa-
toutes les richesses. Quels sont-ils? La pléni- gesse. Ne rougissez pas de servir le pauvre, de
tude de la paix. Rien n'est comparable à la vos propres mains ; le Christ ne rougit pas de
paix. Voyez avec quelle abondance de biens le vous tendre la main, lui-même, en prenant la
saint fait son entrée dans une maison la paix, :
figure du pauvre il ne rougit pas de rece-
;

ce n'est qu'un mot bien mais qui ren-


petit, voir et vous rout^iriez, vous, de tendre la main
;

ferme des biens infinis. Quoi de plus sûr pour accorder le don? ne serait-ce pas le com-
qnune maison qui jouit de la paix? Les saints b'e de la démence? Je ne connais qu'une
souhaitent la paix à ceux qui les reçoivent ce : honte, la pensée mauvaise, la cruauté qui n'a
n'est pas seulement la paix avec les autres, pas d'entrailles; mais, la tendresse du cœur,
mais la paix avec nous-mêmes. En etTet, il l'aumône, la charité, le soin que l'on prend des
arrive souvent que nous sentons la guerre pauvres voilà ce qui nous assure la gloire.
,

dans nos pensées; personne ne nous interpelle Plus vous serez riches et opulents, plus vous
et nous sommes dans le trouble; les passions vous acquerrerez toutes les louanges, quand
mauvaises se lèvent contre nous. Ce combat vous vous abaisserez jusqu'au mendiant, jus-
intérieur s'apaise à cette parole des saints, (jui qu'au pauvre qu'on méprise. Vous n'aurez pas
produit en nous une profonde tranquillité; car, seulement les louanges des hommes, mais
aussitôt que le saint a prononcé cette parole, celles de l'ange et du Dieu des anges et le Sei- ;

toute pensée inspirée par ledémon, tout mau- gneur ne se contentera pas de vous louer, il
vais conseil est banni de notre âme. Et voilà vous décernera en retour, des présents, qui
,

comment vous recevez bien plus que vous ne vaudront deux fois les vôtres; il ne se conten-
%i TRADUCTION FRANÇAISE DE SAINT JEAN CHRYSOSTOME.

tera pas de récompenser en vous l'aumône, tantôt à certaines occupations, tantôt à d'au-
mais il récompensera largement riiumililé. tres occupations ; mais, après avoir absolument
Donc, ne rougissons pas de nous faire les ser- renoncé à toute affaire, applique toute son âme
viteurs des pauvres; ne refusons pas de laver aux choses spirituelles. Cest évidemment ce
les pieds des étrangers car nos mains sa sanc-; que nous montre la parabole des dix vierges.
tifient par un
ministère; et, quand votre
tel Pourquoi sont-elles exclues de la chambre de
prière les relève vers le ciel, après qu'elles se l'époux ? c'est parce qu'elles n'ont pas dbuile ;

sont abaissées à ces soins, Dieu les voit, et il or, l'huile n'est pas autre chose que la compas-
s'émeut plus facilement, et ilaccorde ce qui lui sion, l'aumôue, la bienfaisance, le soulage-
est demandé. Il est facile de donner de l'ar- ment apporté aux douleurs des victimes de
gent ; mais se faire le serviteur des pauvres, l'injustice la consolation donnée à ceux qui
,

et les servir avec l'allégresse de l'amour et de sont dans la tristesse. Et comme ces vierges
la charité, avecune affection fraternelle c'est ,
n'avaient pas cette huile, elles ont dû se retirer,
là ce qui suppose une âme grande et vraiment sans honneur, loin de la chambre nuptiale.
sage et c'est là ce que Paul demande à tous,
; 16. Donc puisque nous sommes instruits
,

avant toutes choses, quand il nous ordonne de de toutes ces vérités, épouses, époux, vierges,
compatir au sort des affligés, des pauvres, de femmes mariées, veuves, tous tant que nous
ceux qui sont dans la tribulation, de nous re- sommes appliquons-nous de toutes nos for-
, ,

présenter que nous-mêmes, nous sommes frap- ces, àl'aumône et ne disons pas Voilà un
, ;

pés comme eux Souvenez-vous de ceux qui sont


:
méchant, qui ne mérite pas un bienfait; voilà
dans les chaînes, comme si vous étiez oichaînés un être vil, voilà un être méprisable. Ne re-
avec eux. (Hébr. xui, 3.) Aussi ne se borne-t-il gardez pas aux mérites de celui qui a besoin
pas à ces paroles; mais, autre part, il dit en- d'assistance et de secours; ne voyez que sou
core Si elle a secouru les affliges, en les ser-
:
indigence il est, tant que vous voudrez , >il
; ,

vant ; si elle s'est appliquée à toutes sortes de mé])iisable, abject; (luoi qu'il en soit pourtant,
bonnes œuvres. (I Tim. v, 10.) Que signifie, si le Christ vous est aussi i^^connaissanl de votre
elle s'estappliquée à toutes sortes de bonnes que s'il l'avait reçu lui-même, par la
bienfait,
œuvres? Si elle est entrée dans les prisons si , main du malheureux. Voici qui prouve ([ue
elle a visité ceux qui étaient dans les fers si ; nous ne devons pas considérer les mérites de
elle a été voir les
malades, réconforter les affli- ceux qui reçoivent les bienfaits; écoulez la
gés, consoler ceux qui sont dans la tristesse, parole du Christ J'ai eu faim, et vous m'avez
:

et, si elle a
tout ce qui dépendait d'elle, ne
fait donné à manger. (Matlh. xxv, 35.) Et connue
refusant absolument rien de ce (jui a pour but on lui disait Quand dojic avez-vous eu faim,
:

le salut et la consolation de nos frères. S'il ré- et vousavons-notis daiiu' à manger? 11 ajoutait
clame , d'une veuve , tant de bonnes œuvres, ces paroles : Autant de fois que vous l'avez
quelle sera notre excuse, à nous, qui nous fait à l'un de ces plus petits, de mes frèns,
appelons des hommes, de ne pas faire ce que c'està nwi-ntvmc que vous l'uviz fait. (Ilud.
Paul a prescrit à des femmes? Mais, peut-être xxxvii, iO.) Ainsi , plus de prétexte! Pour pré-
me dira-t-on, comment réclame-t-il enfin, venir notre résistance, nos paroles de cegenre :

d'une veuve, d'une femme, tant de zèle, lui Où donc trouverons-nous maintenant lui , ,

qui, quand il écrivait au sujet des vierges, n'a honnue (pii ressemble à Klie? un honnu;' qui
rien dit de pareil ? Il exige d'elles une vertu ressemble à Elisée? ou bien encore Amenez- :

plus grande encore, car après avoir dit Il y a : moi de tels hommes, et vous verrez avec
celle qui est mariée, et celle qui est vierge. La (|uelle ardeiu' je les accueillerai; comme je ne
vierge s'occupe du soin des choses du Seigneur^ refuserai pas de leur laveries pii ds; de leur
elle s inquiète de lui plaire; il ajoute : Je vous rendre toute espèce de soins; pour prévenir
pour votre avantage, pour vous donner
dis ceci ces discours, voici (jue le Maître d'Elie, d'Eli-
un moyen plus facile de prier Dieu, sans onpê- sée, et de tous les prophètes, le Seigneur nous
chcment. (I Cor. vu, ^^^, 3.").) Ce i\\i\ veut sim- promet de venir vers nous, lui-même, sous la
plement dire, qu'il faulciu'une vierge, une fois ligure des i)auNres,il nous dit: Autant de
»|u'elle a renoncé à toutes les afl'aires de ce fois que vous l'avez fait à l'un de ces plus
monde , se consacre à Dieu tout entière ; n'ait petits, de mes frères c'est à moi-même que
,

plus rien qui l'allachc à la terre, ne vaque pas, vous l'avez fait.
HOMÉLIE SUR LES VEUVE8. 8C5

Mai? par(l«»z-vons de pa<:scr en courant sur ce pauvres^ nous le donnons aux esprits menteurs;

qui .1 été dit; remar(|uez que ci lie |»;iiole. J'ai la [>lupart du temps, les voleurs, ou des servi-
en faim et vous m'avez donné à manger^ con- teurs malfaisants, nous emportent nos riches-
tient quatre nt''<'(s itt's de l'auniôni^ : la con- ses, et s'en vont; ou c'est encore quelqu'autre
fiance que niérile celm' qui demande, parce coup du hasard, (pu nous ravit notre bien.
que c'est le Seij^neur qui demande; la nécf^ssité Supposez que nous évitions tous ces accidents,
qui le prisse, parce (|ue c'est la faim , la facilité la mort survient, qui nous emmène, nus.

de donner ce (ju'il dt mande, p.iicc qu'il ne


lui Evitons ces maliii!urs; hâtons-nous de donner
cherche que de la nourriture, il ne demande au Christ, qui nous demande; incitons notre
que du pain, et non des choses délicieuses; la fortune en réseï ve dans un trésor qu'aucun
grande récompense à allendre, puis(|ue, pour brigand ne menace; qui nous assure que la
si peu de chose, ce (jui est promis, c'est la fortune est bien gardée, et rapporte. Car, il ne
royauté. Etes-vous un honnue sans entrailles, suffit |)as au Christ, de garder avec soin ce

sans pitié, un être cruel? respectez, redoutez la qu'il a reçu, il veut vous le rendre encore, avec

dignité de celui qui demande. La considération un ample profit; gardons-nous donc i!e croire
de cette dignité ne vous suflit pas? Soyez du que nous diminuons nos ressources, quand
moins fléclii parle malheur. Mais le mallieur nous faisons l'aumône. Elles ne diminuent pas,
ne vous tlcchit pas, n'excite pas votre pitié? il elles croissent; elles ne se dissipent pas, elles

est si facile daccorder ce qu'on demande, don- nudfiplient; c'est un commerce à gros béné-
nez. Mais, ni la dignité , ni la nécesbilé pres- fices; ce sont des semailles avant la moisson;
donner ne peuvent vous
sante, ni la facilité de ou plutôt, plus que toute semaille, plus que
persuader? Eh bien alors, ne voyez que la tout commerce, voilà qui est profitable et as-
grandeur des biens qui nous sont amioncés, et suré. Le commerce est exposé aux vents, aux
donnez à l'indigent. Comjjrenez-vous qu'il y a flots, aux naufrages sans nombre il faut ;

quatre causes? fussiez- vous des pierres, des craindre, pour ks semences, la sécheresse, la
avares, des êtres sans yeux et sans cœur, les pluie, toutes les intenipéries, toutes les varia-
plus stupides de tous les hommes, cpialre tions funestes de l'air; mais l'argent déposé
causes sutlisantes pour vous exciter? Quel par- dans la main du Christ, est à l'abri de tous les
don ceux qui, après tant d'ex-
jiourrait mériter dangers. Nul ne peut le ravir à cette main
hortations et de conseils, mépriseraient les divine, une fois qu'elle a reçu ce qu'on lui a
indigents? Jeveuxdire, je veux ajouter encore, confié. L'argent reste là, produisant des inté-
à ces considérations, une considération nou- rêts ineffables, une moisson, qui se montre,
velle ; écoutez, vous qui êtes initiés. Lui-même, quand le temps magni-
arrive, d'une ineffable
Lui, quand il fAut vous nourrir, n'épargne pas ficence. Celui qui sème peu, moissonnera peu,
sa propre chair,quand il faut vous abreuver, celui qui sème avec abondance moissonnera ,

n'épargne pas son propre sang il ne vous le ; ausài avec abondance. (11 Cor. ix, 6.) Semons
refuse pas, et vous, vous ne donnerez pas, donc avec abondance, afin de recueillir aussi
même un peu de pain, pas même un verre des moissons abondantes, afin de jouir de la
d'eau? Quel pardon enfin obtiendrez-vous, vie étcinelle; puissions-nous tous l'obtenir, par
vous qui avez reçu tant de biens, si précieux, la grâce et par la bonté de Notre-Seigneur
et qui êtes, pour de si petites choses, si avares? comme au Père,
Jésus-Christ, à qui appartient,
Prenez garde, qu'en refusant, trop souvent, de connue au Saint-Esprit, la gloire, l'empire,
(aire, avec le Christ, une dépense qui profite, l'honneur, maintenant et toujours, et dais
vous ne fassiez, avec le démon, une dépense les siècles des siècles. Ainsi soit-il.
qui damne. Ce que nous ne donnons pas aux

Yroâuilpar M. C. fùHTtLtiiH.
HOMÉLIE SUR CE SUJET t

QITIL NE FAUT PAS DIVULGUER LES DÉFAUTS DE SES FRERFi

NI PRIER POUR QU'IL ARRIVE DU MAL A SES ENNEMIS,

AVERTISSEMENT & ANALYSE.

L'homélie qu'il ne faut pâs divulguer les défauts de ses frères, précéda d'un jour celle qai a pour snjet qu'il ne ftiut pas désespérer
de soi-môme. La date est incertaine.
l» et 2° L'Kglise guénl les âmes ; elle ne vend pas ses remèles ; ceux-ci conservent une efficacité qui est toujours la même ;
ils agijseul sur toutes les personnes de bonne volonté, sur les pauvres mieux encore que sur les riches.— 3''-4«' La richesse et
la pauvreté, choses en soi indifférentes, deviennent bonnes ou nia'ivaises par l'iisa^e que l'on en fait.— 5» Le démon redouble

la vigueur de ses attaques contre nous lorsque nous prinus. —


Bo-O» Je vous parlais hier de la puissance de la prière et voici
que la lecture d'aujourd'hui nous fournit une preuve de cette même puissance. La prière a donné un enfant à Isaac dont la femme
était stérile. lf»aac pria vingt ans. Sarra, Rébecca, Rachel, Llisabelh enfantèrent malgré leur stérilité naturelle afin de préparer
les hommes à la foi dans l'enfantement, beaucoup plus miraculeux, d'une vierge. —
lOoil" C'est faire outrage à Dieu que de
demander la punition de nos ennemis.

1. Je VOUS félicite, mes bien-aimés, du zcle sans force; bien plus très-souvent, la maladie
,

qui vous fait tous accourir dans la maison de triomphe des remèdes, qui ne sont que des pro-
votre Père ce zèle que vous témoignez, est un
; duits de l'homme. Il n'en est pas de même de
garant de la santé de votre âme et nous som- , la médecine de Dieu après un long intervalle
;

mes rempli de confiance; c'est qu'aussi c'est de temps, le remède conserve toute son éner-
une admirable médecine, que renseignement gie propre. Depuis les temps de Moïse (car c'est
de l'Eglise médecine non du corps, mais de
; , à lui que commencent les Ecritures), depuis
Pâme; médecine spirituelle, qui ne guérit pas tant d'hommes que le remède a guéris , il con-
les blessures la cliair, mais les péchés de
de serve encore l'efficacité qui lui est propre. Ja-
l'esprit. Quel pour ces péchés, pour ces bles-
est, mais maladie n'en a triomphé; ce remède ne
sures, le remède? la doctrine. Ce remède ne se se vend pas celui qui montre une volonté sin-
;

compose pas de plantes arrachées à la terre; sère, une sainte aOection emporte chez lui le
,

mais de paroles descendues du ciel: ce ne sont remède dans toute sa vertu. C'est pourquoi
pas des mains de médecins qui le préparent, riches et pauvres jouissent également de cette
c'est la langue des pro|)hètes. Aussi son effica- médecine. Quand il faut dépenser de l'argent,
cité se manifeste sans relâche; la longueur du le riche est seul admis à profiler du remède.

temps ne l'aCfaijiit pas ; la violence dco mala- Il faut souvent que le pauvre s'en prive faute ,

dies n'entriomphe pas. Les remèdes des mé- de ressources pour se le procurer. Mais ici

decins sont défectueux de deux manières au : comme il n'y a pas à faire de dépense d'argent,
moment où on les applique ils montrent leur , qu'il suffit de la foi et de la bonne volonté, celui
énergie après un long temps, semblable à des
; qui peut faire cette dépense et se plaît à la ,

corps que brise la vieillesse^ ils deviennent faire tire du remède la plus grande utilité.
,
u% TRADUCTION FRANÇAISE DE SAINT JEAN CHRYSOSTOME.

paiement qu'on exige pour cette mé-


C'est là le mesure, à commettre des injustices, vous en
decine; et le riche et le pauvre sont admis éga- avez corrompu l'usage ce n'est pas la faute de ;

lement à en profiter, ou plutôt ils ne sont pas la richesse, mais de celui qui rem[)loie pour
admis également à ce profit bien souvent le : conmietlre des injustices. Même observation
pauvre en retire une utilité plus grande. Pour- sur la pauvreté. Si vous la supportez nob'e-
quoi? c'est que le riche est préoccupé de mille ment, en bénissant le Seigneur, elle devient
soucis, l'orgueil le gonfle, son opulence le rend pour vous une occasion, un moyen d'acquérir
superbe, il passe sa vie dans une majestueuse des couronnes; si, au contraire, parcequevous
indolence; il n'a ni application ni zèle; il re- êtes pauvres, vous blasphémez le Créateur, si
çoitd'un air indifférent le remède que lui offre vous accu ez sa providence, vous faites ser\ir
l'Ecriture au contraire, le pauvre, qui ne con-
; à mal la pauvreté. Et ici, ce n'est pas à la pau-
naît ni les délices, ni le luxe ni la vie indo- , vreté que nous imputerons le blasphème , mais
lente et relâchée ,
qui passe tous ses jours dans à celui qui ne la supporte pas sagement ; car,
le travail des mains, dans des fatigues légiti- il est toujours vrai que l'éloge et le blâme ne
mes, en retire un accroissement considérable sont dus qu'à notre intention, à notre volonté.
de sagesse il devient plus attentif, plus fort
; ;
Les richesses sont un bien, mais non d'une
il recueille avec plus de soin la parole. Aussi, manière absolue , un bien, seulement pour
comme il paye un plus grand prix, il emporte, celui qui est sans péché. Et maintenant, la pau-
en se retirant , un profit plus considérable. vreté est un mal, mais non d'une manière ab-
2. Mon intention n'est pas , en parlant ainsi, solue: un mal, pour rimpie, parce qu'il ne s'y
de blâmer, quels qu'ils soient, tous les riches, résigne pas, parce qu'il s'indigne, parce qu'il
de vanter quels qu'ils soient, tous les pauvres ;
accuse son Créateur.
car les richesses ne sont pas un mal , ce qui est 3. Donc , n'accusons pas la richesse , ne blâ-
un mal, c'est l'abus; la pauvreté n'est pas un mons pas la pauvreté d'une manière absolue;
bien, ce qui est un bien, c'est le bon usage de la blâmons seulement ceux qui ne savent pas
pauvreté. Ce riche du temps de Lazare, n'a [las été s'en servir. Quant aux choses, elles sont ,
tourmenté parce qu'il était riche , mais parce d'elles - mêmes indifférentes. Nous disions
,

qu'il était cruel et sans entrailles. Ce pauvre donc (il est bon de reprendre notre première
porté dans le sein d'Abraham, n'a pas été célébré pensée), que le riche et le pauvre jouissent
parce qu'il était pauvre, mais parce qu'il sup- avec une égale abondance, avec une égale con-
portait sa pauvreté, en rendant à Dieu des ac- fiance, de nos remèdes; nous ajoutions que sou-
tions de grâces. En effet, parmi les choses (fai- vent le pauvre se les applicpie avec un plus
tes attention, jevous en prie, soyez bien appli- grand zèle. La première vertu de ces remèdes,
qués à suivre ce discours; vous pourrez y trou- ce n'est pas de guérir les âmes, ce n'est pas
ver la sagesse dont vous avez besoin il pourra ; de conserver longtemps leur efficacité, ce n'est
chasser loin de vous les pensées mauvaises, pas de triompher des maladies, ce n'est pas
vous apprendn» à bien juger ce que sont les d'être gratuitement utiles, également olTerls
choses en réalité); donc, parmi les choses, les aux riches aux pauvres ils ont encore une
et ;

unes sont naturellement bonnes les autres, ; autre vertu (|ui ne le cède en rien à ces autres
naturellement mauvaises il en est qui ne sont : a\antages si précieux. Quelle est donc cette
,

ni bonnes, ni mauvaises, mais indifTérentes vertu ? C'est que ceux qui viennent chercher
par elles-mêmes. C'est une bonne chose en soi leur guérison. nous ne les faisons pas connaître
que la piété; une mauvaise chose que Tim- ,
au public; les malades qui vont trouver les
piélé ; une bonne chose (pie la vertu une mau- , médecins du monde, ont un grand nomlie
vaise chose que la perversité. Quant à la ri- de spectateurs «jui voient leur plaie ; il faut
chesse, (juant à la pauvreté, elles ne sont, en que médecin la découvre, avant d'y appli-
le

soi, ni bonnes ni mauvaises. C'est la vitlonté (|uer le remède ici, on ne procède pas de la
:

des riches ou des pauvres, qui les fait ou bon- même manière, nous voyons des malades sans
nes ou mauvaises. Si vous vous servez de votre nombre, et notre cure est secrète. Et en eCfel,
fortune, pour praticpier la charité, elle devient, nous ne f.iisons pas comparaître les pécheurs,
pour vous ,matière d'une chose essentielle-
la jiour divulgue rieurs péchés; nous proposons,

ment bonne; au contraire, vous l'employez


si, à tous, la doctrine qui leur est conunime, et

ù faire des rapines , à vous agrandir sans nous laissons à la conscience des auditeurs le
SUR LE DEVOIR DE NE PAS RÉVÉLER LES PÉCHÉS DES AUTRES. 269

8oin de déjrafîor, des paroles entendues, la tement proposé de prévenir. Voulez-vous com-
nirilecine qui coinitiu; ,
pour chacun à sa , prendre toute l'utilité de cette médecine so-
propre Mi'>suie. De îa linj^ue de roinlenr crèU;? Ecoutez la parole du C.hnA Si vo/re :

jaillit ladoitrinr, (|ui l)lâine le vice, cclèbre frère a iiéclii' contre vons, représentez bii sa
la vorlu, répriman.le la l;ixure, reci>unna:i(le faute ;\\ ne dit pas : En prenant la cité, ni
la cliastelé, accuse l'orfiiu'iL exalle la nio.les- en prenant le peuple à téinom, miis : En par-
tie; c'est Cduniie uneniédocine varice et mul- ticulier , entre vous et lui. (Math, xviu , 1").)

tiple, coîuposée de toutes les espèces de re- Que l'accusation se produise sans témoin , dit-

incdes. Maintenant, que chacun prenne ce qui il , que la conversion soit facile. C'est donc
afin

lui convient, ce qui lui es! uli'e, c'est la tfiche un grand bien, que l'exhortation ne soit pas
df chacun des audih ur>. L' discours se nionre publiijue; il suffit de la conscience , il suifit

donc ouvt rtemen! , il entre da i> !a conscience decej'ige incorruptible. Vous ne pouvez ré-
de chacun, il f.iit, d'une manière latente, la primander le pécheur, comme fait sa propre
cure qu'on espère, et plus d'uujfois, avant conscience (car c'est là son accusateur le plus
q»>e la maladie ail été divulguée, il a rendu sévère) vous ne pouvez non plus connaître
;

la santé. aussi exactement ses fautes; n'ajoutez donc pas,


A. Hier, as'surément, vous avez entendu l'é- aux blessures, une blessure nouvelle, en allant
loire que j"ai fait de la vc tu d.'la prière, le hlàme dire partout qu'un tel a péché mais exhor- ;

que j'ai adressé à ceux (lui la néji'.igent et ce- , tez le pécheur, en l'absence de tout témoin.
pendant je n'ai montré du doijït personne, d'où C'est ce que nous faisons nous-mêmes, en ce
il est arrivé, que tons ceux d'entre vons qui moment, imitant la conduite de Paul, lors-
ont cons(i«'nce de leur zèle f)Our |)rier, se sont qu'il accuse^ auprès des Corinthiens, un pé-
appliqué réloge qui a été fait de la prière et ; cheur, en l'absence de tout témoin. Soyez at-
que cet éloge a ranimé leur zèle que ceux, : tentifs voyez comment. Av reste mes frères,
, ,

au contraire, qui ont la conscience de leur né- j'ai proposé ces choses sous mon nom et sous ,

gligence, se sont a[)pli(|ué le reproche, et ont celui d\Apollo. (I Cor. iv, 6.) Or, ce n'était
renoncé à leur négligence. Cependant ni les ni lui ni Apollon qui avaii^nt partagé le peuple,
uns ni les sujtres ne n« us sont connus, et ce qui avaient divisé l'Eglise. Il enveloppe et
fait que nous ne les connaissons pas, est utile dissimule l'accu^alion ; son nom et celui
pour les uns «;omme pour les autres. J'expli- d'Apollo sont comme des masques dont il

que comment Celui qui a enlenlu l'éloge de


: se pour couvrir les coupables, et leur
sert
la prière, et qui a la conscience de son exac- permettre de se corriger de leur méchanceté.
titude à prier, s'il voyait un grand nombre Et encore De peur que Dieu ne m'hw/iilie,
:

d'hommes témoins des éloges qu'on lui adress<% et que je ne sois obligé, lors({i(e je serai revenu

tomberait dans l'orgueil ; mais, commeil reçoit chez vous, d'en pleurer plusieurs qui ont déjà
l'éloge en secret, il est à l'abri de toute osten- péché et qui ne se sont pas repentis de leurs
^

tation. D'un autre côté, celui qui a conscience impuretés et de leurs fornications. (Il Cor.
,

de sa négligence et (jui entend le reproche


, xu, 21.) Voyez comme il désigne d'une ma-
66 corrige par ce reproche, parce qu'il ne voit nière générale et indéterminée les pécheurs
aucnn témoin de la réprimande qu'il subit; ne voulant pas qu'une accusation manifeste
ce qni n'est pas pour lui d'un médiocre avan- les expose à montrer plus d'im[)udence. Eh
tage. Nous sommes assujétis à l'opinion du bien donc ! Si nous administrons les répri-
Milgaire, et, tant que nous croyons nos fautes mandes en gardant tous ces ménagements,
ignorées nous nous sentons le goût de deve-
, vous, à votre tour, je vous y exhorte, recevez,
nir meilleurs; mais, une fois que nos fautes de votre côté avec , un zèle parfait, la correc-
sont connues de tous, que nous perdons la tion qui vous redresse; appliquez- vous, avec
consolation d'être vicieux en secret, alors notre soin , à écouter la Parole.
impudence, notre néglige-.ice grandit. Et, de 5. nous vous avons entretenns de la
Hier,
môme que les pi des uuscs a dec«)uvert tou- , vertu de vous ai montré comment,
la prière, je

jours exposées à l'air froid, s'enveniment; de lorstjue nous [)rions, le démon, n'écoutant (|ue
même l'àme coupable, réprimandée publii|ue- sa malice, nous dresse des pièges. En effet,
nient pour ses fautes devient p'us éhontéc.
. comme il voit que nous retirons de la prière
Malheur que notre discours s'est encore secrè- le plus grand profit, c'est alors qu'il nous livre
270 TRADUCTION FRANÇAISE DE SAINT JEAN CHRYSOSTOME.

l'assaut le plus formidable, parco qu'il vcut plus, qui fume; notre bouche n'exhale plus
n(»usen!cvernoti'e justification, p;;ic(Mjn'jl veut que des piroles vaines; mais de même qu'on
nous reiiN oyer clr z nous les mains vides. Voyez md le doiiil sur le trou de la lanterne, de
ce qui se passe auprès des princes! si les satel- même, piotcgeons notre pensée par la raison,
ceux qui font escorte au prince détes-
lites, si inl. rcep'ons le |)assage au malin esprit, pour
tent les personnes qui viennent trouver le qu'il n'éti igné pas la lumière de notre prière.
prince, ils les écartent à coups de verges, leur Vous êtes-vous bien mis dans la tète ce doub'.e
défendent d'approcher, de lui faire entendre exemple, d'une part, des sol lais qui escortent
leurs plaintes, d'éprouver les efTets de sa clé- les magistrat; ; d'autre part, de la lanterne? Si
mence. C'est la conduite que tient le démon à nous vous proposons ces exemples, ici, a la
l'aspect des hommes qui s'approchent de leur place où nous sommes, c'est afin que, quand
juge; il li'S en écarte, non à coups de v'crg<'s, vous serez partis d'ici, rentrés chez vous, les
mais en leur inspirant une lâche indolence. objets que vous aurez sous la main, vous rap-
Car il sait, il sait parfaitement que, si no'rc pelltit nos paroles. C'est une grande arme que
prévoyance, notre vigilance nous approchent la prière, c'est une grande sécurité.

du souverain Juge, que si nous confessons nos G. Hier, vous avez entendu comment les
péchés, que si, dans la ferveur qui nous anime, trois jeunes hommes chargés de chaînes, ont
nous versons des larmes sur nos fautes, nous ré{trimé la violence du
feu, ont foulé aux [>ieds
obtiendrons une grande miséricorde. Dieu est laflamme, ont vaincu la fournaise, ont triom-
si boni voilà pourquoi le démon prend les phé des éléments. Ecoutez maintenant com-
devants, et pourquoi il nous empêche de nous ment ce généreux et grand Isaaca vaincu, par
rencontrer avec Dieu, de l'entretenir; il ne la jirière, la nature même de notre corps. Ces
veut pas que nous obtenions rien de ce que trois jeunes hommes ont réduit à néant l'éner-
nous demandons. gie du feu ; Isaac aujourd'hui a rompu les liens
C'est avec violence que les satellites des ma- qui mutilaient la nature. Apprenez comment
gistrats écartent les personnes qui veulent s'np- il s'y est pris. Jsaac, d'il le iQxle, priait pour son
procher d'eux; le démon, au contraire, n'est pas épouse , parce qu'elle était stérile. ( Gcn.
violent, mais trompeur, et c'est à la négligence xxv, 21.) C'est la lecture d'aujourd'hui ; l'entre-
qu'il nous pousse. Aussi, sommes-nous impar- tien d'hier était sur la prière, et, aujourd'hui,
donnables de nous priver nous-mêmes de notre voici que se rencontre la démonstration de la
vrai bien. L'ardente prière, c'est la lumière de vertu de la prière. Voyez-vous, comme, par la
l'esprit, c'est la lumière de l'àme, lumière qui grâce de l'Esprit qui dispose toutes choses, il

ne s'éteint pas, lumière éternelle. Aussi le dé- arrive (jue la lecture d'aujourd'hui se rapporte
mon jeltc-t-il dans nos esprits d'innombrables à la lecture d'hier? Isaac priait, dit le texte,
pensées qui nous souillent, des pensées que po7(r so)i épouse Rébccca, parce qu'elle était
nous n'avons jamais eues; il choisit le temps Avant
stérile. tout, ce qu'il faut chercher, c'est
de la prière pour les rassembler, pour les ver- pourquoi elle était stérile. Sa vie étaitadmi-
ser dans notre àme. Et de mémo que fréquem- rable, sa chasl( té exemplaire, et son mari lui
ment des vents contraires éteignent la lumière ressemblait. Nous ne pouvons pas censurer la
d'une lanterne, ainsi, (piand le démon voit la vie des pc sonnes justes, nous ne jtoiivons pas
flamme de la prière allumée en nous, il ne dire que la stérilité foit \\\\ ellV't du {léclié. Ilé-

prend pas de repos qu'il ne l'ait éteinte. Fai- becca ne fut pas seule stérile, la mère d'Isaac
sons connue ceux qui allument ces lanternes. aussi avait été stérile, mit au
Sarra, qui le
Que font-ils donc? quand ils voient le vent monde, et non-seu'ement sa mère, non-seule-
souffler avec violence, ils mettent le doigt sur ment son épouse, mais sa belle-n'le aussi, Ra-
le trou de la lanterne pour intercepfer l'air. En chel, épouse de Jacob. Que signifie celte foule
que le démon s'élancera sur nous du
effet tant de femmes stériles? tous ces pcrsonnagesctaient
dehors, nous pourrons résister; mais, si nous justes tous étaient doués de vertus, tous ap-
lui ouvrons les portes de nolie pi'usi'e, si nous prouvés par le iém >ig:iage de Dieu. C'est d'eux
introduisons l'ennemi dans la place, im|>os- en i ffi't (ju'il dit Je suis le Dieu (TAhrotiam
;

sible alors moindre résistance.


d'oi>|»oser la et le Dieu d Isaac et le
Dieu de Jacob. (Exode
Noire mémoire complètement éteinte par le en parlant d'eux, s'exprime ainsi
ni, G.) Paul, :

démon est connue la lanterne <pii n'éclaire Aussi Dieu ne rougit point (TiHre appelé leur
SUR LE DEVOIR DE NE PAS RÉVÉLER LES PÉCHÉS DES AUTRES. 274

Dieii. (H('l)r. xi, \0.) Lour ôlofîe se trouve son- nm's point d'homme? Que répond l'ange alors?
vent dans le Nouveau Testament, souvent dans Le en vous. (Ibid.
S'iint -Esprit surviendra
l'Ancien. Us étau'ut à tous éjiards nobles, illus- xxxiv, J5.) Ne vous in<|uiétez pas de la nature,
tres, et Inus avaient d<'S f( nuues slérilts, et ils lui (lil-il puisque ce qui se passe est supérieur
;

ont vécu longtt nips sans enfanls. Donc, quand à nature; ne considérez pas le mariage ordi-
la

vous voyez un mari et une femme passant leur naire, les douleurs de l'enfantement; le mode
vie dans les prescriptions de la vertu, dans la de la génération |)résente est supérieur à tous
relif-'ion, dans la piété, et sans enfants, gardtz- les mariages. Comment cela se fera-t-il^ dit-
vous de croire que la stérilité soit une punition elle,car je ne connais point dliomme? Eh
des péchés. Il y a beaucoup de raisons de la Provi- bien cela se fera justement parce ijue vous ne
!

dence divine que nous ne connaissons pas; nous connaissez point d'homme. En effet, si vous
devons toujours rendre à Dieu des actions de aviez conrm un homme, vous n'auriez pas été
grâces, et il ne faut rt'gardcr comme malheu- jugée digne de servir à ce ministère. Croyez
reux que ceux qui se souillent par leurs vices, donc précisément par la raison même qui vous
et non ceux qui n'ont p is d'enfants. Souvent porte à ne pas croire. Quant à ce que je dis, que
Dieu se propose notre utilité même dau'^ les vous n'auriez pas été digne de servir à ce mi-
choses qui nous paraissent des ivantagensps, nistère, ce n'est pas que le mariage soit un
mais nous, nous ne voyons pas la cause des mal, mais que la virginité vaut mieux.
c'est
événements, c'est pourquoi il faut toujours Il convenait àNotre-Seigneurde prendre, pour

célébrer sa sagesse et glorifler son inetl'able son entrée dans le monde, la route la plus au-
bonté. guste ; c'est un roi, le roi fait son entrée par la
7. Les réflexions peuvent être
présentes route la plus auguste. 11 fallait qu'il fùl engen-
utiles à nos mœurs, il nous faut toucher ici la dré engendré d'une manière ditférente.
, et
cause de la stérilité de ces femmes. Quelle en Cette double nécessité est satisfaite ici; il naît
fut donc la cause? Dieu a voulu que, quand des entrailles d'une mère, voilà ce qu'il a de
vous verriez une Vierge enfanter notre Dieu, commun avec nous il naît sans qu'il y ait eu
;

notre commun Seigneur, vous ne refusiez pas mariage, voilà ce qui dépasse notre condition.
votre foi. Exercez donc xotre pensée, réfléchis- Etre porté, être conçu dans le sein d'une femme
sez sur cette stérilité quand vous voyez celles c'estcequiappartientà lanature humaine, mais
qui n'éttient pas fécondes, que la nature avait maintenant qu'aucun commerce charnel n'ait
condamnées, démentir la nature et devenir suscité laconce[)tion, c'est un privilège auguste,
mères, ne vous étonnez pas qu'une Vierge soit supérieur à la nature humaine. Voilà donc
devenue mère aussi, disons mieux, soyez tou- pourquoi ces deux caractères se montrent dans
jours pénétrés d'admiration, admirez avec stu- cette naissance, c'est afin que vous appreniez
peur, mais ne refusez pas votre foi îux mira- combien l'enfant qui naît est supérieur à notre
cles. Quand un juif vous dira comment une : nature, et combien, entre notre nature et lui,
vierge est-elle devenue mère? répondez-lui, se rencontrent de liens communs.
vous comment est-elle devenue mère celle qui
: 8. Et maintenant, considérez la parfaite sa-
était stérile et accablée par la vieillesse? Deux gesse qui se manileste ici; ni cette supériorité
Dbstacles alors; l'âge avancé, l'incapacité de la sihaute n'altère en rien la ressemblance, la
nature. Dans la Vierge, il n'y avait qu'un parenté qui l'unit à nous; ni cette parenté que
obstacle, c'est qu'elle ne connaissait pas le ma- nous avons avec lui, n'obscurcit en rien l'éclat
riage. La femme ouvre donc la voie à
stérile de cette supériorité; ressemblance et supério-
la Vierge. Et ce qui vous prouve que c'est là le rité ont paru en toutes choses; d'une part, res-
motif qui fait que l'Ecriture montre d'avance semblance pirfaite, d'autre part, complète dif-
aux honmies, des femmes stériles; que l'Ecri- férence. Quant à ce que j'ai dit, que les temmes
ture a voulu assurer votre foi à l'enfantement stériles ont précédé, afin que l'enfantement
par une Vierge, écoutez les paroles que lui d'une Vierge fut accepté par la foi, afin que
adresse Gabriel ; il vient, et lui dit : Vous con- Cette Vierge fût conduite comme par la main,
cevrez da7i'i votre sein et vous etifanterez un à croire à la promesse qu'elle entendait de la
fils à qui vous donnerez le nom de Jésus. bouche de l'ange Le Saint-Esprit surviendra
:

(Luc, 1, 31.) La Vierge s'étonna, admira, et en vous, et la vertu du Très-Haut vous cou-
dit : Comment cela se fera-t-il, car je ne con- vrira de son ombre; c'est ainsi, dit-il, que vous
272 TRADUCTION FRANÇAISE DE SALNT JEAN CIIRYSOSTOME.

enfanterez. Ne regardez pas la terre, c'est du 9. J'aurais bien voulu ajouter encore d'au-
ciel que vient la vertu t fficace, c'est la grâce tres réflexions, et vous donner d'autres raisons
de l'Esprit qui opère oubliez la nature et les
; de la slérili'é de Rijbecca
et de Rathel; mais le
lois du mariage. Toutefois, comme ces paroles temps me presse, et je me hâte de vous mon-
dépassaient son esprit, il ajoute une autre dé- trer la \ ertu de la prière car toutes nos digies-
;

monstration. Considérez comme la stérilité lui sions ont eu i)ûur but de vous faire comiren-
sert à produire la loi nécessaire ici. Les paroles dre l'cflicacité des prières d'Isaac pour faire
qu'il avait prononcées n'étant pas comprises de cesser la stérilité de son épouse, et la longueur
la Vierge, voyez comme il abaisse son discours du temps qu'uut duré ces prières. Isaac, dit le
pour la conduire à la foi qu'il réclame d'elle, texte, priait pour Réiecca son épouse,
et Dieu
comme il se sert de choses sensibles Sachez^ : Vexauça. (Gcn. xxv, 21.) N'allez pas croire
dit-il, qiC Elisabeth, votre coushie, a conçu aussi qu'il invoqua Dieu et qu'aussitôt il fut exaucé.
elle-même un fils dans sa vieillesse, et voici le 11 emjdoya beaucoup de temps à prier Dieu. Si

sixième mois de la grossesse de celle qui est vous voulez savoir combien de temps, je vous
appelée stérile. (Luc, i, 36.) Comprenez-vous le dirai d'une manière précise Vingt ans bien :

bien que cette stérilité n'a eu lieu qu'en vue comptés, employés à prier Dieu. Qui le prouve?
de la Vierge? Car pourquoi lui parle-t-il de la La suite même des événements. Car l'Ecriture,
grossesse de sa cousine? pourquoi dans dit-il voulant nous montrer la foi, la patience et la
sa vieillesse? pourquoi ajoute-t-il de celle qui sagesse de l'hounne juste, a révélé juscju'au
estappelée stérile ?\\ employait tous ces moyens temps, quoique un peu à mots couverts, pour
pour obtenir la foi due à l'Annonciation. Voilà réveiller nos esprits engourdis. Toutefois, elle
pourquoi il parle et de l'âge, et du défaut de la n'a pas voulu que Ton pût s'y tromper. Ecou-
nature voilà pourquoi il a attendu qu'un cer-
; tez donc, voyez de quelle manière elle nous a
tain temps se fût écoulé depuis le jour de la révélé le temps, à mots couverts. Or., Isaac
conception. En effet, il ne la lui a pas annoncée avait quarante ans lorsqu'il épousa Rébecca^
tout de suite, il a attendu six mois, de ma- fdle de Bathuel, le Syrien. (Gen. xxv. 20.)
nière que la grossesse indiquât conception la Avez-vous entendu l'âge qu'il avait, quand il
et que démonstration de cette conception
la se maria? Quarante ans^ dit le texte, quand il
fût incontestable. Et maintenant considé- , épousa Rcbecca. Maintenant que nous savons
rez encore la sagesse de Gabriel il ne lui ;
son âge, quand il se maria, a|>prenons aussi à
parle pas de Sarra, ni de Rébccca, ni de Rachel, quel âge il eut des enfants, combien d'années
quoique ces fennues eussent été stéiiles et fort il avait quand il engendra Jacob; ce qui nous

avancées dans la vieillesse, et que leur fécon- montrera combien de temps sa femme est de-
dité ait été un miracle; mais c'étaient d'an- meurée stérile, et nous fera voir aussi, que,
ciennes histoires. Or, les faits nouveaux et de pendant tout ce temps-la, il priait Dieu. Com-
date récente qui arrivent de nos jours, ont bien d'années donc avait-il quand il engendra
beaucoup plus de force que les anciens pour Jacob? Jacdb, dit le texte, sortit, tenant de sa
nous persuader à croire au miracle. Voilà pour- main le pied de sofi frère. C'est pourquoi il
quoi, laissant de côté ces vieux exemples, Ga- l'appela Jacob, et Vautre Esaii. Isaac avait
briel lui propose celui de sa cousine, pour soixante ans lorsque ces deux enfants lui na-
l'amener à conclure de ce fait ce qui devait lui quirent.(Gen. xxv, 25, 20.) Donc, s'il avait
arriver à elle-même de renfanteiuont de sa quarante ans quand il épousa Rébecca, et
cousine, le mystère redoutable et vénérable de soixante ans,quand ses fils lui naipiirent, il
l'enfantement qui devait, elle aussi, la rendre que son épouse est demeurée stérile
est clair
mère. Cet enfantetnent (rKIisabeth lient le mi- pendant vingt ans, et que, pendant tout ce
lieu entre renl'anlomcnt or.Iiuaire et renfanle- teuips-là, Isaac priait Dieu.
nient(jui produisit Seigneur; moins mer-
le 10. Eh bien ne rougissons-nous pas, ncsom-
!

veilleux que l'enfanteinent virginal, mais plus nu s-nous pas confondus, (juaud nous voyons ce
merveilleux que rentantemenl de nos mères. juste, pendant ^ingt ans, attendre, sans perdre
De sorte (prElisabeth était connue un pont(jui lespoir, tandis (pie nous, trop souvent, après
lui servait à faire passer l'esprit
de la Vierge une ou deux demandes, nous nous découra-
de l'enfantemenl naturel à reiif.iut.'menl qui geons, nous nous indignons; et cepentlant c» t

sur[)assc la nature. homme juste élail en giande faveur auprès de


SUR LE DEVOIR DE NE POINT RÉVÉLER LES PÉCHÉS DES AUTRES. 273

Dieu il se résignait à voir le don différé ; il at- fin ce moyen ? Je ferai en sorte qu'il emploie
tendait avec patience mais nous, souillés de pc-
;
son zèle à violer la loi ; car, prier pour qu'il
cliés sans nonilire, nousenqui habile une con- ai rive du mal à ses ennemis, c'est violer la
science tourmentée, nous qui n'avons aucune loi. H donc de l'église, non-seulement
s'en ira
affection pour le Seigneur, si nous ne sommes n'ayant aucun profit de son zèle, mais en-
tiré

pas exaucés avant d'avoir parlé, nous perdons core ayant subi un plus grand dommage que
courage, nous nous indignons, nous renon- celui qui résulte de la négligence; voilà les
çons à la prière, ce qui que nous nous en
fait artifices du démon. Les uns, il les perd par
allons toujours les mains vides. Quel liomme leur négligence les autres, par leur zèle
; même,
a prié Dieu pendant vingt ans, faisant toujours n'emploient pas ce zèle conformé-
lorscju'ils

la même prière, comme a fait ce juste ? Disons ment à la loi de Dieu.


mieux, quel homme a prié Dieu vingt mois It. Mais il convient de les entendre un peu,
seulement? ces prières, ces prières puériles, vraies prières
Hier, je vous disais qu'il y a beaucoup de d'enfant; j'ai honte, je l'avoue, de les réciter,
personnes qui prient négligemment, en s'é- mais il absolument nécessaire de les dire,
est
tirant les bras, en se retournant sans cesse, d'imiter ce langage d'un ignorant mal élevé.
montrant toute espèce d'inattention lors- Quelles sont donc ces prières? Vengez-moi de
qu'elles prient. Mais aujourd'hui, je découvre mes ennemis, montrez-leur que j'ai Dieu pour
un autre vice dans les prières, et bien plus moi, moi aussi. Mauvaise manière de montrer,
funeste que la négligence. Beaucoup de per- ô honmie, que nous avons Dieu pour nous, que
sonnes se prosternent, se jettent par terre, frap- de céder ainsi, nous livrer à la fureur, à la co-
l>;nit le sol de leur front, pleurant à chaudes lère, à la bile. Si Dieu est avec nous, montrons-
larmes, poussant , du fond de leur poitrine, le, par notre modestie, par notre douceur, par

d'ainères gémissements, étendant les mains, la perfection de notre sagesse. C'est ainsi que
montrant un zèle ardent, de et, se servant Dieu nous dit Que votre lumière luise devant
:

celle ferveur , de cette ardeur passionnée , les hommes^ afin qu'ils voient vos bonnes œuvres,

d'une manière contraire à leur salut. C'est que et qu'ils glorifient votre Père, qui est dans les
ce n'est pas parce qu'elles ont péché, que ces deux. (Matth. v, 46.) Ne voyez-vous pas que
personnes prient Dieu ce n'est pas le pardon ; vous faites injure à Dieu, quand, pour nuire à
d(! leurs propres fautes qu'elles lui deman- vos ennemis, vous osez prier Dieu? Et com-
dent ce zèle, elles le déploient tout entier,
; ment est-ce lui faire injure, me dit-on? C'est
uni(juement contre leurs ennemis , comme parce que Dieu lui-même a dit : Priez pour
ferait celui qui, après avoir aiguisé le glaive, vos ennemis. (Ibid.nous a
44.) C'est lui qui
au lieu de l'employer comme il convient, l'en- donné ce précepte divin. Donc, quand vous
foncerait dans sa propre poitrine. De même, priez le Législateur de violer les lois qu'il a

ces gens-là ne demandent pas que leurs propres faites, quand vous l'invoquez, afin qu'il porte
péchés leur soient remis ; c'est à obtenir la pu- des lois contraires à ses propres lois; (juand
nition de leurs ennemis qu'ils font servir leurs vous adressez à Celui qui vous a défendu de
prières, ce qui est tourner le glaive contre soi- prier contre vos ennemis, votre prière contre
même. une invention du démon, qui veut
C'est vos ennemis, ce n'est pas une prière que vous
que nous nous perdions nous-mêmes par tous les faites alors, vous ne l'invoquez pas, vous ou-
moyens, et par notre négligence, et par notre tragez le Législateur, vous irritez Celui qui
zèle. Car, tandis que les uns, négligeant la allait vous accorder les biens que l'on recueille
prière, irritent Dieu, parce que leur négligence de la prière. Et comment, je vous en [)rie,
montre leur mépris, les autres témoignent d'un peut-il se faire que votre prière soit écoutée,

grand zèle, mais ce zèle, ils l'emploient contre quand elle irrite celui qui l'écoute? Car, en
leur propre salut. Un tel, dit le démon, cède à prononçant cette prière, c'est votre salut que
l'indolence, cela me suffit ; il n'obtiendra ja- vous jetez dans un gouffre; vous tombez dans
mais aucun bien ; cet autre est plein de zèle, le précipice, vous qui frappez votre enni nii,
toujours éveillé, que va-t-il arriver de lui ? Je sous les yeux mêmes de votre roi. Si vos mains
ne peux pas éteindre son zèle, ni le précipiter ne le frappent pas, vos paroles le frappent; ce
dans le mépris de la prière; j'emploierai un que vous n'osez pas faire contre ceux qui sont
autre moyen pour le perdre. Quel est donc en- des serviteurs comme vous. Essayez, montrez

To-:: iV Iti
274 TRADUCTION FRANÇAISE DE SAINT JEAN CHRYSOSTOME.

la même audace sous les yeux d'un prince de âme s'embrase, votre poitrine se gonfle, votre
ce inonde ;
quand vos bonnes œuvres ne se cœur se soulève, et il vous est impossible,
pourraient compter, il vous fera aussitôt con- quand vous vous rappelez le tort qu'on vous a
duire à mort. Comment! vous n'osez pas, en
la fait,de réprimer votre colère? A ce feu qui
présence d'un mngistrat outrajïcr votre égal; , vous brûle, opposez le souvenir de vos fautes,
et vous qui faites cela, en présence de Dieu, et la crainte du jugement à venir. Rappelez-
dites-moi, vous ne frissonnez pas, et c'est sans vous tous les comptes que vous devez au Sei-
crainte que vous prenez précisément le temps gneur; les châtiments auxquels ces comptes
de l'oraison et des prières, pour vous abandon- vous exposent, et la crainte triomphera plei-
nera cette fureur, à ce délire, pour vous mon- nement de cette colère, car c'est là une affec-
trer plus pervers que celui qui réclamait les cent tion bien autrement puissante. Rappelez-vous

deniers? Oui, plus pervers, plus violent; en la géhenne, les peines, les supplices; évo-

Toulez-vous la preuve , écoutez. Un serviteur quez CCS pensées, dans vos prières, et la pensée
devait dix mille talents à son maître; il ne de votre ennemi ne vous viendra même pas.
pouvait pas les lui rendre; il pria son maître de Faites-vous un cœur contrit; humiliez votre es-
patienter, de ne pas vendre sa femme , sa prit, par la conscience de vos fautes, et la colère

maison, ses enfants, pour éteindre la dette. ne pourra pas vous troubler. Mais voici la cause
(Matth. xviii, 24 et suiv.) Le maître fut touché de tous les vices nous relevons, avec le soin
:

de ses gémissements, et lui remit les dix mille le plus rigoureux, les péchés des autres, nous

talents. Ce serviteur sortit, et en rencontra un ne jetons, sur les nôtres, que des regards non-
autre, qui lui devait, à lui-même, cent de- chalants. C'est tout le contraire qui convient :

niers; il le prit à la gorge, et les lui réclama ne jamais oublier ses fautes, ne jamais penser
avec une cruauté barbare. Le maître, informé à celles du prochain. Si nous tenons cette con-
de cette conduite, le fit jeter en prison, et cette duite, nous nous rendrons Dieu favorable,
dette des dix mille talcnls qu'il lui avail n mise, nous abjurerons Timmortelle haine contre le
il l'exigea de nouveau, et cet homme eruel fut prochain; c'en est fait, nous n'avons plus un

ainsi puni de sa rigueur barbare envers son ennemi; que si, parfois, peut-être, nous en
compagnon. rencontrons un, vite, nous éteindrons cette
Mais vous, voyez donc combien vous
12. haine, et nous obtiendrons, également vite, le
êtes plus insensés encore, et plus dépourvus pardon de nos |>ropres fautes. Car, de même
de tout sentiment, quand vous priez contre que celui qui garde le souvenir des injures qu'il
vos ennemis. Cet bonnue ne demandait pas à a reçues d'autrui. s'oppose, par là, à ce qu'on
son maître de réclamer, il réclaniait lui-même lui remette l< s chàl inents de ses fautes; de
les cent deniers; vous, au contraire, vous in- même, qui s'atîranchit de sa colère, s'alTran-
voquez le Seigneur, pour cette réclamation chit égalemenî, et vite, de ses péchés. Car si,

impudente , impie. Cet autre, ce n'était pas nous, méchants, e-clives de la colère, nous
sous les yeux de son maître, mais, hors de ses oublions, |)Our ohcir au connriaiulement de
regards, qu'il étoulTait son compagnon; vous, Dieu, tous les péchés commis envers nous, à

au contraire, c'est au moment même de la plus forte raison, Dieu cjui nous aime, le
le

prière, c'est en la présence de votre roi, (jue Dit u de bonté, le Dieu de pureté, le Dieu

vous commettez une pareille action. Et main- (praueune passion ne trouble, fermera les
tenant, si cet homme qui n'avait pas prié son yeux sur nos fautes, et nous récom|)ensera
maître de soutenir sa réclamation, (|ui l'avait de notre charité envers le prochain, en nous
laite, hors de sa présence, n'a obtenu aucun accordant notre pardon. Puissions-nous tous
pardon; vous, (jui excit»'z le Si igm uràser\ir l'obtenir, par la grâce, et par la bouté de

lui-même votre rigueur sacrilège vous, qui ; Notre-Seigneur Jésus-Christ, à qui appartient
faites, sous ses yeux, une telle action, quel la gloire et la puissance, dans les siècles des

châtiment n'encourre/, -vous pas, répondez- siècles! Ainsi soil-il.

moi? Mais, à la pensée de votre ennemi, voire

Traduction de M. C. PORTE LE TTE.


HOMÉLIE SUR CE SUJET :

QU'IL NE FAUT PAS DÉSESPÉRER DE SOI-MÊME

NI PRIER CONTRE SES ENNEMIS

ni se décour^ager^ quand la prière n'est pas exaucée, et que


les maris doivent vivre en paix avec leurs femmes.

ANALYSE.

1» L'orateur éprouve de la joie en voyant les fruits de componction produits par son dernier discours. — 2° Pour bien prier il

faut se souvenir de ses pécliés et ne pas se souvenir de ses bonnes actions. —


3° Quand Dieu veut faireun grand miracle, il

prépare le monde par des Wiiuwi. Ainsi des femmes stériles enfantent pour disposer les esprits à croire rcnlantement virfiinal ;

ainsi Jonas rejeté par la bakine iV'iuc le Christ forlanl vivnnt des entrailles de la mort. La mort avait avalé la pierre angiiliiire,

elle n'a pu la digérer, elle l'a rcjclée et avec elle tout le penre luimain. —
4» Sarra, figure de l'Eglise. r,°-G° Déductions —
morales à tirer de ses dogmes. —
70-8» Une épouse doit être tolérée malgré ses défauts. Puissance de la prière.

1. Je vous'suis très-reconnaissant du bon ac- telle est la semence spirituelle, elle n'a pas be-

cueil que vous avez fait à mon sermon sur la soin d'années, de temps ni de jours, mais quand
prière; vous m'avez rendu bienheureux, car elle pénètre une âme généreuse, elle donne
bienheureux est Vorateur à qui l'on prêle l'o- sans relard des épis vigoureux et parfaits; voilà
reille. (Eccl. xxv, 12.) Ce nesont pas seulement ce qui s'est passé hier pour vous. J'avais semé
vos ai)[)Iautlissements et vos éloges qui m'ont la recueilli les gémissements
com ponction et j'ai
prouvé voire attention, mais c'est la conduite de la confession, gémissements qui sont les
que je vous ai vu tenir. En effet, quand je vous richesses des gens de bien. Car, si ce publicain
défendais de prier contre vos ennemis, ajou- en se frappant la poitrine et en disant Soyez :

tant aue ceux qui le font irritent Dieu et vont propice à un/)éclteur comme w20?"(Luc, xxv,2.j),
à rencontre de sa loi (car, puisqu'il a dit : se retira plus justifié que le pharisien, quelle
Priez pour vos ennemis [Ma^ih. v, -U),si nous indulgence ne devons-nous pas attendre pour
prions contre eux, nous lui demandons de vio- avoir montré tant de componction en si [)eu
ler lui-même sa loi)pendant que je parlais
;
de temps? Observez qu'il n'est rien de pire
ainsi, je voyais beaucoup d'entre vous qui se qu'un publicain, c'est la limite du mal; aussi,
frappaient la figure et la poitrine, en versant quand le Christ veut indiquer ce qu'il y a de
des larmes amères, et qui levaient les mains plus mauvais, il cite toujours la courtisane et
au ciel pour imidorer le pardon de semblables le publicain. En lui, en effet, se trouvent la

prières. Alors, levant moi-même mes regards violence sans crainte, la rapine sans répression,
vers Dieu, je lui ai rendu grâces des fruits si ra- l'avarice sans honte, le trafic sans raison, le né-
pides qu'avait produits moa discours. £n eQët, goce sans pudeur. Cependant, celui qui avait
276 TR.\DUCTION FRANÇAISE DE SAINT JEAN CHRYSOSTOME.

vécu au milieu de toutes ces infamies, a pu les venimer celles de ton prochain : c'est le mo-
réi»arer avec quelques mots seulement, et rece- ment de l'expiation, de la prière et des gémis-
voir même plus qu'il n'avait demandé. Car, il sements, non celui de la colère; celui des
avait dit : Soyez propice à un pécheur comme larmes, et non de la fureur; celui de la com-
moi, et Dieu non-seiilrment lui a été propice, ponction et non de l'indignation. Pourquoi
maisl'a justifié plus que le pharisien. Aussi, Paul tout bouleverser? pourquoi te faire la guerre à
dit-il peut tout faire de manière à dépasser
: Il toi-même? pourquoi détruire ta propre mai-
nos prières et nos pensées. (Eph. ni, 20.) Cepen- son ? L'homme qui prie doit avant tout avoir
dant, le pharisien avait prié, il s'était tenu l'âme adoucie, l'esprit apaisé, le ccear con-
dans le temple, il avait invoqué le même Dieu, trit : mais celui qui crie contre ses ennemis,
il avait dit plus de paroles et commencé sa ne retirera aucun fruit de sa prière; il ne
prière par une action de grâces. D'où \ient, ce- pourra jamais s'y appliquer avec le calme né-
pendant, qu'il a perdu les biens qu'il possédait, cessaire.

tandis (jue l'autre a obtenu la grâce qui lui Ainsi nous ne devons pas prier contre nos
manquait? C'est que la manière de prier n'é- ennemis mais nous ne devons pas non plus
,

tait pas la même. L'une des prières était pleine nous souvenir de nos bonnes actions, de peur
d'arrogance, de faste et d'orgueil, l'autre de qu'il ne nous arrive la même chose qu'au
fr.inchise. Aussi celuiqui succombait sous le pharisien. Car s'il est bon de nous rappeler
poids d'innombrables péchés, s'en est vu com" nos f»écliés , il n'est pas moins bon d'oublit
plétemcnt délivré; celui qui arrivait avec un nos bonnes actions. Pourquoi cela? Parce que
navire chargé de bonnes actions, d'aumônes, le souvenir de nos bonnes actions nous en-

jle jeûnes, se brisant sur l'écueil de l'orgueil et traîne à l'orgueil tandis que le souvenir de
.

de la vaine gloire a fait naufrage dans le port : nos péchés nous inspire le mépris de nous-
car se perdre par une prière c'est échouer au mêmes et l'humilité ainsi l'un nous rend :

port. Cependant cela n'arrive point par la na- plus négligents et l'autre plus diligents. Car
ture de la prière, mais parla f.uite de notre ceux qui pensent n'avoir aucun bien, devien-
volonté. nent plus actifs pour en acquérir ceux qui :

2. Vous voyez donc que pour notre salut la croient posséder beaucoup se fient à leur ri-
prière ne suffit yias, mais encore qu'il faut chesse, ne montrent guère d'empressement
plier suivant les lois que le Christ a établies. pour en acquérir davantage.
Or, quelles lois a-t-il établies? De prier pour 3. Oubliez donc vos bonnes actions afin que

nos ennemis, même pour ceux qui nous altli- Dieu s'en souvienne. Il dit, en ell'ct Confesse :

gent le plus. Faute do le faire, nous nous per- h premier tes fautes, afin que tu sois justifié.
dons entiôrcmf'nt comme le , prouve l'exemple [U. XLMi, 26); et aussi : J'oublierai tes fautes,
du pharisien. Eh bien! si cet homme, qui n'a- pas
7nais ne les oublie (Ibid.).

vait point prié contre ses ennemis, mais qui Mais pounjuoi Dieu a-t-il exaucé si prompte-
n'était coupable que de vanité, a été ainsi ment le publicain, tandis qu'il a laissé Isaac
l)uni, quel supplice attend ceux qui ne taris- le prier i>endant ^ingt ans et l'implorer pour
sent pas lorsqu'ils parlent contre leurs enne- son épouse, et que seulement alors il a exaucé
mis Que fais-tu donc, mon ami? Tu viens
1 les prières de ce juste? H faut ici que je com-
pour demander pardon de tes péchés et ton âme plète! l'instruction que je vous ai donnée hier.
ost pleine décolère ? Lorscjuc nous devrions être Pourquoi, dis-je, cela s'est-il i»as?é ainsi? Alin
plus doux que jamais, puisque nous parlons que l'exemple du publicain montre la bonté
u Seigneur, que nous implorons pour nos du Seigneur si prompt à exaucer, et que celui
péchés sa miséricorde, sa clémence et son par- d'Isaac fasse voir la patience du serviteur dont
don, c'est alors (jne nous nous irritons, que ne cesse de
la salisfaclion est tardive. Tuais cjui
nous ressemblons à une bête furieuse, et que prier : alui que
pécheur ne désespère pas et
le

notre bouche se remi>lil de lid? Et comment que le juste ne se glorilie pas. Ce ne sont pas
pourrons-nous, dis-moi, obtenir notre salut les personnes bien portantes mais les vmlades ,

si, tout on i)renant une attitude suppliante, qui ont besoin de médecin. (Matth. ix 42.) ,

nous proférons des paroles insLMisées, cl si Le publicain était malade, aussi Dieu s'est
nous irritons le Seigneur contre nous? Tu es cmi)resr.é de lui tendre la main Isaac :

venu pour guérir les blf^ssuros et non pour en- était plus atTeiini , aussi Dieu a semblé l'a-
SUR CE SUJET : QU'IL NE FAUT PAS DÈSESPÉIŒR DE SOI-MÊME. 277

bandonner pour faire valoir sa patience. saac ; de même aussi le Christ étant nioit a
Mais ce n'est là tni'une considération acces- ressuscité par sa projjre puissance. Et pour
soire. Pourquoi celte femme était-elle stérile? prouver que cette explication n'a rien de forcé,
Il faut le dire que la foi ne vous
: c'est alin écoutez Paul, voici ce qu'il dit à propos d'A-
manquât pas en voyant une vicrije mère; c'est braham. Il ne co7isidéra pas que la vertu de

afin que, si un juif vous dit comment a en- : concevoir était éteinte chez Sarra, mais il se
fanté Marie? vous puissiez lui répondre. Com- confirma dans la foi çfi rendant (jloire à Dieri^
ment ont enfanté Sarra, Rcbecca et Racliel? En sachant bien (juetout ce qu il promettait il. pou-
eUet, quand un miracle inouï doit se mani- vait aussi le faire. (Rom. iv, 19-21 .) C'est-à-dire
fester, précédé de signes précurseurs.
il est qu'un fils pouvait lui naître par la fécondation
Quand l'empereur doit passer, les soldats cou- d'un corps stérile. De plus, afin de nous con-

rent en avant pour que la foule soit prête à le duire d'une croyance à l'autre, Paul ajoute :

recevoir; de même, qunnd un prodige éclatant Cela n'a pas été seulement écrit pour Abraham,
va paraître, il est annoncé par des faits figu- en faveur de qui ce miracle a été arcimpli, mais
ratifs qui avei lissent le monde de Tatlendre, aussi pour nous. (Rom. iv, 23, 2i.) Pourquoi?
et nous préparent à son arrivée, en préve- Cela s" accomplira aussi pour les hommes qui
nant l'excès de notre étonnement. croient à celui par lequelJésus N»tre-Seiqneur
Cela se voit aussi pour la mort du Christ. est ressuscité des morts. Voici ce qu'il veut dire.
Jonas l'a précédé et a préparé notre esprit. Dieu a fait naître Isaac d'un corps aussi froid
Ainsi, la baleine Ta vomi après trois jours, qu'un cadavre ; de même il a fait renaître son
ne trouvant pas en lui l'aliment naturel qui Fils, qui était devenu cadavre lui-même.
lui convenait. Comparez, et voyez que l'ali- Mais voulez-vous trouver encore un autre
ment naturel qui convient à la mort est le symbole dans celte stérilité ? L'Eglise était
péché; c'est là qu'elle a pris naissance, là destinée à produire une multitude innom-
qu'elle a pris racine, là qu'elle prend sa nour- brable de fidèles or, pour que vous conceviez
:

riture. Nous môme, quand nous avons par comment elle a pu enfanter après avoir été si
imprudence avalé une pierre, notre estomac longtemps inféconde infructueuse , , stérile,
cherche d'abord à la digérer, mais bientôt il une stérilité naturelle a précédé sa stérilité
reconnaît que cette nourriture ne lui convient volontaire et Sarra a été la figure de ^Egli^e :

pas; il a beau taire, sa force digestive s'épuise l'une a enfanté dans sa vieillesse, l'autre a
sans résultat ; alors ne pouvant plus supporter enfanté dans les derniers temps. Pour le dé-
ce fardeau, vomit avec douleur. C'est ce
il le montrer, écoutez Paul. Nous sommes les fils de
qu'on a vu pour la mort elle-même. Elle a la femme libre. (Gai. iv, 31.) Comme Sarra, qui
avalé la pierre angulaire et n'a pu la digérer; était libre, était la figure de l'Eglise, voilà pour-
toute sa force s'y est épuisée elle a rejeté en : quoi il dit : Noi/s sommes les fils de la femme
même temps cette nature humaine qu'elle libre. Et il ajoute : Nous sommes les fils de la
avait également absorbée. Aussi sera-t-elle pi'omesse à l'exemple d" Isaac. (Cal. iv , 28.)
obligée à la fin de la rendre tout entière. Qu'enlend-il par cette promesse ? De même
Si donc il y a eu jadis des femmes stériles, que ce n'est pas la nature qui a fait naître
pour nous avertir d'avoir toi dans l'en-
c'était Isaac, de même ce n'est point la nature, mais
fantement virginal ou plutôt ce u'ctait pas
: la grâce de Dieu qui nous a engendrés. El il
seulement pour nous inspirer cette foi, c'était dit encore La Jérusalem céleste est libre., c'est
:

encore et surtout, si nous y réfiéchissons pro- elle qui est notre mère (Gai. iv, 26); ce'a si-
fondément, pour nous faire voir que celte sté- gnifie lEglise. Voîts êtes parvenus, dit-il, à la
rilité est la figure de la mort. montfiqne de Sioii, à la cité du Dieu vivant, à
^. Mais écoulez bien ; car ce que nous avons la Jérusalem céleste et à VEqlise des premiers-
à vous dire est un peu subtil. Nous allons ex- 7iés. (Héb. xii, 22.) Du reste si la Jérusalem
pliquer comment la stérilité de Sarra nous con- céleste est l'Eglise, Sarra représente cf lie Jé-
duit par la main au dogme de la résurrection. rusalem céleste, puisiju'il dit Elles sojit d>jux, :

Comment nous y conduit-elle ainsi ? De même Vune qui engendre dans la servitude, c'est Agar:
que Sarra, qui était morte au point de vue de Vautre, la Jérusalem d'en-haut est libre ; c'est
la génération, a été régénérée par un bienfait elle qui est notre mère. (Gai. iv, 2i-26.) Il est
de Dieu pour faire croître et vivre le corps d'I- clair que Sarra, par sa stérilité, puis par son
578 TRADUCTION FRA^ii^lbE Dl SAIM JLA:i UiRYSOSTOME.

enfantement , représente cette Jérusalem cé- lèges, toutes choses superflues, inutiles, nui-
leste. sibles, et qui ne servent qu'à perdre l'âme,
que tout cela est bien subtil, mais
5. Je sais il négligea toutes ces ressources, et, dédai-

avec de l'atlenlion, nous pourrons tout saisir. gnant tous les secours humains, il ne s'adressa
Nous avons envisagé le côté n^y^téncux et dog- qu'au Seigneur de la nature qui peut seul ac-
matique, mais, si vous le voulez, j'entrerai complir de tels vœux,
dans des considérations plus pratiques. Ré- 6. Ecoutez cela, maris et femmes, étudiez-le,

becca était stérile^ afin dui'uire éclater la pureté et imitez tous ce juste. Que la femme ne res-
de son mari il ne la répudia point, bien qu'a-
: pecte rien plus que son mari
que le mari j

lors aucune loi ne s'y opposât, il ne prit pas n'aime rien plus que sa femme. La sauvegarde
une autre femme pour remplacer son é|)Ouse de l'existence, c'est l'accord du mari et de la
de race libre. Cependant c'est ce que font bien femme, c'est là ce qui conserve l'univers. De
des gens sous prétexte d'avoir des enfants et même (ju'un édifice s'écroule quand les fonde-
en réalité pour satisfaire leur libertinage : ils ments sont ébranlés, de même la discorde en-
renvoient lesunes, appellenlles autres, excitent tre les époux bouleverse toute la vie. Voyez en
contre elles les concubines et remplissent leurs elTet! le monde est fait de villes, les villes de

maisons de mille discordes. Mais ce juste n'en maisons, et chaque maison contient un mari
agit pas ainsi : content de la femme que Dieu lui et sa femme. Si donc la concorde n'existe pas
avait donnée, il |)riait le Maître de la nature dans les ménages, le désordre s'étendra jus-
d'étendre pour lui les bornes de la nature, et il qu'aux villes; si les villes sont troublées, l'uni-
ne reprocbait rien à sa femme. Comment prou- vers entier sera plein de séditions, de guerres
ver qu'il ne lui reprocbait rien? Par l'Ecriture et de combats. C'est pour cela que Dieu fait de

elle-même. S'il lui eût fait des reprocbes, l'E- cette concorde une recommandation toute par-

ciiture l'aurait aussi raconté et ne l'aurait ticulière, c'est pour cela qu'il défend de répu-

point passé sous silence. En eCTet, elle raconte dier sa femme, excepté pour cause d'adultère.
les bonnes et les mauvaises actions des justes Mais, direz-vous, si elle est insolente, pro-
afln que nous imitions les unes et que nous digue et luxueuse, si elle a une foule d'autres
évitions les autres. Aussi quand sa bru Racbcl défauts? Suppoiloz cela avec constance, et ne la

se plaignait à son mari, fils d'Isaac, et que renvoyez pas à cause de ses vices, mais corri-
celui-ci répondait durement, l'Ecriture a tout gez ces vices eux-mêmes. Vous êtes à la tête
rapporté et n'a rien cacbé, quand elle lui dit :
du ménage, c'est |)Our en guérir le corps. En
Donne-moi des enfants^ ou je meurs. Que ré- effet, notre corps aura beau avoir mille plaies,
pond-il? Je ne suis pas Dieu, c'est lui qui Va jamais nous ne le séparerons de la tête. De

j.riiée du fruit de tes entrailles. (Gen. xxx, même ne vous séparez pas de voire femme,
i--!.] Celle demande que lait la tenune, donne- car elle est comme votre corps. Aussi saint
moi des enfants, manque de raison. Tu dis à Paul disait un mari doit aimer sa ftnnne
:

ton mari donne-moi des enfants, sans tenir


: cotnme si c'était son propre corps. (Eph. v, 28.)
compte du Maître de la nature. Aussi le mari, La même loi s'étend aussi aux femmes. De
par sa réponse sévère, repoussa sa demande même que lu enlrelions et que tu cultives ta
insensée et lui montra à qui elle dev.iit être tête, ô fenune, de même lu dois soigner ton
laite. Mais Isaac ne dit rien de semblable et mari : et ce n'est pas sans raison que nous in-
aussi sa femme ne lui fil ni plainte, ni lamen- sur celte nécessité. Je sais combien d'a-
^^islons

tations. vantages procure la concorde entre mari et


Ces exemples nous enseignent en même fennne, je sais combien la discorde entraîne
temps la cliastelé et la foi. Le mari prouve sa de maux. Alors la richesse, le bonheur d'avoir
foi en priant Dieu ; sa pureté éclate en ce <|u'il des enfants nombreux et vertueux, les magis-
ne répudie point sa fenune entin, (juand il ne ;
tiatures et la puissance, la gloire, les hon-
lui reproche rien et qu'il ne désespère point, neurs, les délices, le luxe et toutes les félicités
il met en évidence sa patience et sa modéra- imaginables, ne peuvent réjouir un mari et
tion, ainsi cjne sa bonté et son amour pour sa une fennne qui sont en querelle.
femme. Il n'a point agi coimne bien des |)or- 7. Voilà donc quelle doit être notre prin-

sonnes maintenant qui, en pareilles circons- cipale étude. Votre femme a un défaut? faites
tances, ont recours aux philtres et aux sorti- ce qu'a fait Isaac : [triez Dieu, S'il a pu, par la
SUR CE SUJET : QU'IL NE FAUT PAS DÉSESPÉRER \)V. SOl-MËMÉ. 27!)

puissance de la prière, suppléer à rimnuissance V accordera à Vimpnrtnnité. Ainsi, dit-elle,

(le la nalure, nous pourrons à plus forte rai-


l'amitié était im|)uissnnte, mais alors la per-
nous sévérance réussira. Etsur(|ui cela s'est-il vé-
son, corriger les vices de la volonté, si

invoquons Dieu assidûment. Si Dieu voit que, rifié? sur le publicain. Il n'était pas l'ami de
par amour pour sa loi, vous supportez avec Dieu, mais il l'e.st devenu ninsi. môme si :

constance les drl'auts de votre femme, il vous vous êtes son ennemi, la persévérance vous
aidera à la corriger et vous récompensera de rendra son ami. Voyez encore la Cliananéenno et
votre patience. Comment save.z-vous si vous écoutez ce que le Christ lui dit d'abord // :

saiwez votre femme ? Comment savez-vous si n'est pas bon de prendre le pain des enfants
tous sauvez votre mari? (I Cor. vu, IC.) Ne pour le jeter aux chiens. (Matth. xv, 2G.) Cepen-
vous découragez pas, ne désespérez pas. Elle dant comment l'a-t-il fait, si ce n'était pas une
peut se corriger, et quand même elle ne se bonne action ? rendue bonne
Cette femme l'a

corrigerait pas, votre [tatience est toujours mé- par sa persévérance; ce qui nous enseigne que
ritoire. Mais vous la répudiez, vous êtes pé-
si l'homme le moins digne d'un bienfait flnit
clieur tout le premier, puisque vous transgres- par le devenir en persévérant.
sez la loi , et vous êtes adultère au jugement 8. c'est pour vous empê-
Si je parle ainsi ,

de Dieu. Quiconque, dit-il, renverra sa femme, cher de dire: Je suis un pécheur, je n'ose par-
autrement que pour adultère, l'entraîne à Va- ler, je ne puis prier. Celui-là est écouté (jui
dultère. (Matlh. v, 32.) croit ne pas l'être; celui, au contraire, qui
Souvent vous prenez une femme plus diffi- est sûr de lui devrait craindre, tel que le pha-
cile que la |)remière vous n'avez fait que
, risien : tandis (pie celui qui se regarde comme
changer un mal |)0ur un pire et votre repos repoussé et indigne d'attention, est écouté plus
n'y gagne rien. Si la seconde vaut mieux (|ue qu'un autre; tel ()ue le publicain. Voyez com-
la preuuère vous ne pouvez pas goûter avec
, bien d'exemples vous en avez la Chananéenne, :

elle des plaisirs purs, en songeant que vous le publicain, le voleur sur la croix, l'ami que
êtes regardé comme adultère a cause de celle la parabole nous représente demandant trois
que vous avez renvoyé; et, en effet, ce divorce pains elles obtenant, non par amitié, mais
est un adultère. Ainsi , quand vous voyez se par importunité. Si chacun d'eux avait dit je :

présenter une difficulté dans le mariage ou suis un pécheur, couvert de tant de honte que
dans toute autre chose, ayez recours à Dieu ; je ne dois pas me présenter; cela n'aurait servi
lui seul peut nous tirer des emharrasde la vie; à rien. Mais comme chacun d'eux n'a pas con-
en etlot, la prière est une arme bien puissante. sidéré la grandeur de ses péchés, mais liné-
Je l'ai dit .souvent, je le dis maintenant, et je piiisablo bonté de Dieu, il a été confiant et
ne cesserai point de le dire Si prêcheur que : audacieux : tout pécheur qu'il était, il a de-
vous soyez, considérez le publicain qui a tté mandé plus qu'il ne croyait mériter, et il a
exaucé, qui s'est purifié de tant de ptchés. Vou- réussi à l'obtenir.
lez-vous savoir ce (jue peut la prière? Auprès Songeons à tous ces exemples et gardons-en
de Dieu même l'amour ne suffit point sans la
, la mémoire prions sans cesse avec vigilance,
:

prière. Ce n'est pas moi qui parle, car je n'ose- avec confiance, avec un bon espoir, avec un
rais pas vous dire de moi-mèine une chose zèle iufaligabie. Toute cette ardeur que d'au-
aussi grave. Apprenez de l'Ecriture même que tres mettent à faire des vœux contre leurs en-
là où l'afleclion seule échoue, la prière réus- nemis, mettons-la à prier pour nos ennemis,
sit. Un de vous, ayant un ami, vient et lui dit: pour leurs frères, et nous obtiendrons en
Mo7i ami, prête-moi trois pains ; Vautre ré- même temps la satislaelion de nos désirs per-
pond: La poi te est fermée, les enfants sont sonnels. Car notre bienlaileur est si bon pour
couchés, ne me tourmente pas. Eh bien! je vous nous qu'il désire encore plus donner t|ue nous
quil aurait refusé à l'amitié, il l'ac-
le dis ; ce ne désirons recevoir. Ainsi, bien pénélré> de
cordera à l'importunité et donnera tout ce tous ces exemples, quand même nous serions
qu'il faudra. (Luc, xi, 5, 8.) Vous voyez ainsi tombés au plus profond abiine de laperverMté,
que l'afleition n'a point suffi sans la persévé- nedésespérons pas, même alors, de notie salut,
rance. Car le solliciteur était ami, mais pour mais présentons-nous avec une bonne espé-
qu'on ue croie pas que cela lui ait suffi, l'Ecri- rance, et pei>uadons-nous (jue nous ot)lien-
ture dit Ce qu'il aurait refusé à l'amitié, il
: drons tout ce que nous demanderons, pourvu
Î80 TnADULTlON FRANÇAISE DE SAINT JEAN CIIRYSOSTOME.

que nous le dcmaudious en observant la loi Dieu, appartient gloire, honneur et adoralionj
portée par celui qui peut tout faire de ma- ainsi qu'au Père éternel et au Saint-Esprit,
nière à dépasser nos prières et nos pensées, principe de toute vie, maintenant et tou-
(Eph. ni, 20.) i^^i^'jj et dans les siècles des siècles. Ainsi

Au Cliriol, Souveraiji tout-puissanl, notio soit-il.

Tra/hction d* '! Il'JUSEL


HO^IÉLIES

SUR LA DISGRACE D'EUTROPE.

PREMIÈRE HOMÉLIE.

AVERTISSEMENT & ANALYSE.

L'eunuque Eutrope, homme de la plus basse extraction et sans aucun mérite réel, à force d'iolrigaes et de souplesse, était darenu
loul-puissanl auprès de rempereur Arcadius, qui l'avait comblé d'Iionnenrs et de richesses, et qui même venait de l'élever au
consulat. Abusant de son crédit, il avait vexé le peuple et persécuté l'Eglise ; entre autres lois injustes, il en avait porté une
pour abolir le droit d'asile dont jouissaient alors les temples. Il trouva dans saint Jean Chrysostome une âme ferme qui s'opposa à
toutes ses entreprises, qui le reprit avec force de tous les abas qu'd faisait de sou pouvoir, et qui lui représenta avec sincérité
les périls que lui faisaient courir les excès auxquels il se livrât. Tout le peuple et tous les soldats auxquels se joignit l'impé-
ratrice, demandèrent à grands cris la déposition de cet odieux min.sire, h l'empereur, qui, bonteux lui-même de sa faiblesse, et
ouvrant entiu les yeui, lui fit donner ordre de sortir sur-le-cliamp de la cour, avec défense d'y reparaitre. Abandonné du prince
et chargé de la haine publique, Eutrope ne tiouva dt ressource que dans la pieuse générosité de saint Jean Chrysostome qu'il
avait souvent maltraité, et dans l'asile sacré des autels qu'il s'était efforcé d'abolir, cl où il se réfugia dans sa disgrâce. L'em-
pereur envoie plusieurs de ses gardes pour l'en arracher par force ; Chrysostome s'oppose à leur violence, il défend un ennemi
mortel dont il s'était attiré la haine par sa vertu, et obtient du prince qa'Lutrope puisse demeurer en sûreté dans l'enceinte de
l'église. Tous les soldats qui se trouvaient alors à Coiistaiilinople, s'assenibleut aussitôt autour du palais ils poussent de grands
;

cris, font retentir leurs armes et veulent qu'on lonr livre PJiIrope pour en faire justice. Arcadius se présente à cette multi-
,

tude mutinée il faut qu'il ait recours aux prières


ses ordres ne sont pas écoutés, il les conjure de respecter l'asile sacré des
:
;

autels ;
larmes qu'il vient à bout de calmci leur fureur. Le lendemain, jour destiné à la célébration des
et ce n'est qu'à force de
saints mystères, le peuple accourut en foule pour voir humilié et abattu celui qu'il avait vu si insolent dans la prospérité. La
plupart étaient animés contre lui, ils étaient fâchés qu'on lui eût ouvert l'église, ils auraient voulu ou l'immoler eux-mêmes à
leur vengeance, ou qu'on l'eût livré à la haine publique.
SaintJean Chrysostome entreprend de les toucher et de les attendrir en faveur de ce malheureux , de faire succéder dans leur
âme les sentiments de la douceur et de la compassion à ceux de rm'lipnatiou et de la haine, et de les encager mène h deman-
der sa grâce à l'empereur. Sans chercher à justitier Eutrope , il montre dans sa personne un exemple frappant de l'instabilité
des grandeurs humaines et de la fragihté des biens de ce siècle, tt il le montre d'une manière si vive et si touchante, il mêle
avec tant d'art les divers mouvements dont il fait usage, qu'il chanL^e absolument la disposition de son auditoire et le fait fondre
en lamies. Abondance d'images variété et gradation de sentiments, richesse de pensées et d'idées douces et simples, grandes et
,

sublimes ; voilà ce que nous oITre l'homélie sur la disgrâce d'Eutrope, un des plus beaux discours , sans doute, qui nous soient
venus de l'antiquité.

On pourra choqué dans ce discours des paroles un peu dures que l'orateur lance contre un malheureux étendu à ses pieds,
être
souvent à lui-même ; mais, il ne faut pas oublier que le peuple extrêmement animé contre cet homme auquel
et qu'il lui adresse
S. Chrysostome avait donné refuge, et qu'il fallait en quelque sorte tlatter d'abord le ressentiment populaire pour le calmer
ensuite.
Le discours de saint Jean Chrysostome eut son effet; il sauva pour le moment la vie d'Eutrope, qui, quelques jours après ayant
eu l'imprudence de sortir de l'église pour se sauver, fut pris et banni en Chypre. On le tira de cette lie pour le ramener à
Cbalcédoine, où on lui Qt son procès, et où il fut condamné à avoir la tête tranchée.

l»-2° Admirable ampliflcation de ce texte : Vanité des vanités, etc. — 30-40 Eutrope, obligé de se réfugier dans l'église à la-

quelle il avait enlevé le droit d'asile. — 5° Pardonnez-nous nos offenses comme nous pardonnons à ceux qui nous ont
offensés.

1. Eternelle vérité , vérité actuelle surtout : consulat? où sont les splendides lumières? où
Va7iité des vanités, et tout est voiu'té! [Ecd.'i, '2.) sont, et les applaudissements, et les chœurs,
Où est-elle maintenant la pompe brillante du et les banquets, et les fêtes? où sont les cou-
2g2 TRADUCTION FRANÇMSK DE SAINT JEAN CHRVSOSTOME.

ronnes et les draperies? et le bruyant frémis- de ma véracité : je suis ton ami, moi, plusque
sement de la ville et, avec les courses du cir-
;
iC? flatteurs? je suis, moi qui te blâme, plus
que, les accbmations triomphantes; et, avec jaloux de tes intérêts que ceux qui veulent te
les spectateurs, leurs flatteries ? De iouUts ces com{;laire? N'njoulais-je pas à ces paroles:
joies, plus rien : le vent, d'un soufQe, a jeté crois-en plus les amis qui te blessent que les

sur la terre tout le feuillage, nous a montré ennemis l'apportant leurs baisers? Si tu avais

l'arbre nu, ébranlé jurqn'a la racine ; car tel a supporté mes blessures, leurc- baisers n'au-
été le choc de la tempête, qu'elle menace raient pas enfanté cette mort pour toi : nus
d'arracher jusqu'à la racine de l'arbre, mainte- blessures produisent la santé, tandis quêteurs
nant qu'elle a brisé tous les liens qui l'atta- baisers t'ont causé une maladie incurable.
chaient à la terre. Où sont- ils maintenant Où sont maintenant les échansons? où sont-ils,

lesamis fardés? où sont-ils ceux qui se ras- les appariteurs, écartant la foule au milieu des
semblent autour des coupes, autour des ta- places sur ton passage? et ces milliers de pa-

bles? où est-il l'essaim des parasites ? et le négyristes chantant partout tes louanges? Ils

vin sans mélange , versé tant que le jour ont pris la fuit;j, désavoué ton amitié ; des pé-
dure; et les cuisiniers industrieux, et les cour, rils où te jette leur abandon, ils se sont fait

tisans de l'homme puissant, concertant [lour leur sûreté. Mais nous, nous ne sommes pas de
lui plaire toutes leurs actions, tous leurs dis- ceshonmies mais nous, malgré ton aversion,
;

cours? C'était la nuit ([ue tout cela, un songe ;


nous ne t'abandonnons pas, et, dans ta chute,
le jour a paru, évanouissement! c'étaient des nous t'enveloppons de nos soins. Oui, traitée
fleurs du printemps le printemps passé, tout
;
par toi en ennemie, l'Eglise a étendu son voile,

s'est llétri ; c'était une ombre , et Tombre a l'a déployé sur toi, et t'a reçu ; tandis que ces
disparu; c'était un fruit qui s'est gâté; c'étaient théâtres, chers objets de tes soins, qui, tant de

des bulles d'air qui n'ont pu tenir; c'était une fois, ont suscité ta haine contre nous, t'ont

araignée, on a marché dessus. C'est pourquoi trahi, perdu. Cependant, nous te disions tou-
nous répétons cette parole de l'Esprit-Saint, jours et sans cesse : que fais-tu ? Pourquoi cette

sans nous lasser de la redire Va/n'té des va- : fureur contre l'Eglise? ce délire qui le pousse
nités, et tout est vanité! Car, cette parole, il toi-même aux précipices? tu courais, sourd à
faut l'inscrire, et sur les murs, et sur les vête, tous nos cris. Et tandis que le cirque qui t'a
nients, et dans la place publique , et dans les pris tout ton or aiguise contre toi le gbdve,
maisons, et dans les rues, et sur les portes, et l'Eglise, qui n'a jamais joui que de ta colère

dans les vestibules; et surtout, et toujours, insensée, s'agite pour toi de toutes part^, au-
c'est dans de chacun de nous,
la cotiscience tour de ces filets dont elle veut t'arracher.
qu'il la faut incruster, pour la méditer sans re- 2. Et ces choses, je ne les dis pas pour fouler
lâche. Puisque les affaires, qui ne sont que sons mes pieds celui que je vois renversé, mais
tromperie, elles visages qu'hypocrisie et men- pour affermir ceux qui sont encore debout;
songe, paraissent aux yeux du grand nombre je ne fais pas l'homme meurtri de nou-
à
la vérité, cette i>arole, il n'est pas de jour qu'il velles blessures, mais ceux qui sont jusqu'à
ne soit nécessùrc de la faire entendre au mo- ; jtrésent sans blessures, je les veux conserver
ment du dîner, au moment du souper, dans dans un état de santé que rien n'ébranle je ;

tous les entretif^ns, chacun doit dire à son voi- n'enfonce pas sous la vague l'homme déjà saisi
sin, et, en ummuc t(Miips, le voisin doit dire: par le tourbillon, mais aux navigateurs que
Vanité des vanités, et tout est vanité! ^\csuh-ic poussent les vents prospères j'enseigne ce qu'il
lassé de te répéter, que l'or est un esclave fugi- faut savoir pour ne pas sombrer. Couunent
tif? Mais, toi, iw ne voulais pas nous écouter. éviter cemalheur? Pensons à l'inconstimcedes
Ne te disais-je pas que c'est un domestique in- choses humaines. Oui, si l'homme qui est de-
grat? Mais, toi, tu ne voulais rien entendre. vant vous avait craint cette inconstance, il ne
Et voici quelesaffaires,rexpérience te montrent subirait pas celte iueonstanc(\ Mais, puisque ni

que ce seuUMueut un fugitif, un in-


n'est pas chez lui, ni dehors, les conseils n'ont pu le

grat, mais, de plus, un meurtrier car c'est : corriger, vous, du moins, qui vous parez de
ton or, c'est lui (jui fait maintcnanl (jue tu vos richesses, faites votre profil de son infor-
trembles et que tu as peur. Ne te disais-je i)as, tune, car rien u égale les choses humaines eu
quand tes reproches continuels s'indignaient fragilité. Quelques mots que vous employie»
nOMÉxilib blH LA DibGIlACE D'IillUOrE. ~ PUEiaÉUE llOJiÉLIE. 283

pour faire entendre que cela n'a pas de valeur, a combattu l'Eglise sans relâche. Eh bien 1

vous serez au-dessous de la vérité. On a beau c'est précisément pour cette raison qu'il faut
dire une fumée, un brin d'herbe, songe, un surtout rendre gloire à Dieu. Dieu a permis
des tk'urs du priiilcnips de (jucbiue nom : que cet honune fût forcé de reconnaître et la
qu'on désigne les choses humaines, caduques? puissance de mansuétude sa
l'Eglise et sa :

périssables, elles le sont plus encore, plus puissance, parce que l'homme précipité de si
néant (}uc le néant même. Et maintenant qu'il haut ne l'a été que pour avoir combattu l'E-
y ait à la fois dans les choses de ce monde glise sa mansuétude, parce (pie l'Eglise com-
;

néant et précipice, en voici la pieave. Ouel battue par lui étend sur lui maintenant son
homme fut plus élevé que celui-ci ? La terre bouclier, et le reçoit sous ses ailes, et le met
enlière vil-elle rien d'égal à ses richesses? N'é" à l'abri de tous les périls, et, oubliant les in-
tait-il pus monté au laite des honneurs? iN'est- jures passées, ouvre son sein pour le recevoir
11 pas vrai que tous tremblaient, frémissaient avec allection, avec amour. Voilà le plus glo-
devant lui? Mais, voici qu'à présent les prison- rieux de tous les Iropbées, voilà la vicîoire la

niers sontmoins aflligés (pie lui, les esclaves plus éclatante, voilà ce qui ouvre les yeux des
sont moins misérables, les mendiants, les af- Gentils, voilà ce qui confond les Juifs, voilà ce
famés sont moins indigents; chaque jour, il qui met au visage de l'Eglise de splendides
voit l'es glaives aiguisés, et la fosse des crimi- rayons voyez ; son ennemi est chargé de
!

nels, et les bourreaux, et la mort au bout du chaînes; elle le prend, elle lui fait grâce; au-
supidice; il n'a pas même
le souvenir de sa tour de l'infortuné, la solitude tous le dédai- ;

grandeur passée ne jouit pas môme des


; il gnent : seule, comme une mère afiectueuse,
rayons du soleil la pleine clarté du jour est
; l'I caché sous ses voiles, et à la fierté
glise l'a
comme la nuit la plus épaisse pour ce captif envi- du ressentiment impérial, et à la colère du peu-
ronné de murailleset privé de l'usage de sesyeux. ple, et à une haine implacable, elle tient tète 1

Inutiles eQoits d'un discours impuissantà expri- voilà, par excellence, l'ornement du sanc-
mer l'angoisse d'un homme qui attend tl'heure tuaire.
en heure le coup de h mort! Qu'est-il besoin de Quel ornement me ré[)li(|ue -t-on : le
1

nos paroles, quand il s'est lui-miênic conmie monslre qui a tant à expier, ce cupide, ce pil-
dessiné à nos yeux, nous uïontrant de son àme lard, on lui permet de toucher le sanctuaire 1

une si image? Hier, quand il vit \enir à


claire Ne prononcez pas ces paroles, puisque aussi
lui les gens du palais de l'empereur qui vou. bien la femme de mauvaise vie a touché les
laient l'arracher violemment de ces lieux, quand pieds du Christ, cette femme qui avait tant à
il courut vers les vases sacrés, son visage était. expier, celte impudique et il n'y avait pas là ;

Voyez-le encore, absolument le visage d'un ca- une raison d'accuser Jésus. iMais ce qui arriva
davre ; le grincement de ses
ajoutez à cela fut un prodige digne d'être célébré dans des
dents et craquement de ses membres, et le
le cantiques de gloire ; car le Dieu pur n'a pas
tremblement de tout son corps, et ses cris inar- été souillé par la femme impure; mais celle
ticulés, et sa langue engourdie, et tout son qui avait tant à expier, fenune de mauvaise la

aspect enfin, n'eùt-on pas dit, à le voir, que vie, au contact de l'être pur et sans reproche,
^pn àme s'était comme pétrifiée. a reconquis la pureté. Ne garde pas le souve-
3.Etsije parle ainsi, ce n'est pas que je veuille nir des injures, ô bomme Nous sommes ! les
l'outrager, je ne foule pas sous mes ()ieds son serviteurs de Celui qui, sur la croix, disait :

infortune; au contraire, je veux vous fléchir, Pardniinez-leur, car ils ne savait pas ce qu'ils
vous résoudre à la pitié, vous persuader qu'il fout. (Luc, xxui, 34.) Mais, me réplique-t-on,
doit vous suffire duehàliment qui a eu lieu. entre ce refuge et lui, lui-même a mis un nuu-,
Puisqu'il y a parmi nous un grand nombre que ses édits, que ses lois ont élevé. Mais,
d'hommes qui nous accusent, nous aussi, et voyez donc ! l'expérience lui a montré ce que
nous reprochent de l'avoir recueilli près de valait ce qu'il a fait ; et sa loi, il a été le pre-
l'autel, c'est pour attendrir leur àme insensible mier à l'enfreindre, grâce à ce qu'il a fait; et
que j'étale les souffrances de cet infortuné. le voilà le spectacle de la terre, et du lieu
Voyons, d'où vieat ton indignation, parle, où il se trouve, son silence même est une
mon ami, mon frère? C'est que, me répond -il, voix qui avertit ainsi l'univers: Ne faites

Celui qui s'est réfugié dans le sein de l'Eglise, pas ce que j'ai fait, pour ne pas souffrir ce
284 TRADUCTION FR^^NÇAISE DE SAINT JEAN CIIRYSOSTOME.

que je souffre. Il nous instruit du haut de une fleur des champs : l'herbe s'est desséchée, la
la tribune où l'a porté son malheur, et une fleur est tombée. (Isa'ï. xl, 6, 7.) Autres pa-
grande clarté illumine l'autel, redoutable au- roles : Comme l'herbe des chainps^ ils seront
jourd'hui surtout, et trioniphant, parce qu'il vite séchés ; comme les plantes de nos jardin^\
tient le lion enchaîné. Car s'il est vrai que la ils seront vite tombés. (Ps. xxxvi, 2.) Autn s
sfdendeur impériale consiste à être assis sur le paroles encore : Ses jours sont une fumc'i
trône, revêtu de la pourpre et le front ceint (Ps. CI, 4), et tous les exemples du même
du diadème, quel éclat n'ajoutent pas à la genre. Pour le pauvre, à son tour, qui entre et
majesté de l'empereur les barbares qu'on voit qui vient voir,il ne se prend plus en piiié; il

à ses pieds, les mains liées au dos, la tête in- ne gémit plus de son indigence; au contraire,
clinée vers la terre 1 Mais ce qui prouve qu'il il remercie sa pauvreté, qui est pour lui un

n'est pas besoin ici de la persuasion des dis- sûr asile, un port sans tempêtes, un solide
cours, c'est l'empressement qui vous fait tous rempart : et, plus d'une fois, devant un tel

que le spectacle est brillant


accourir. Car voici spectacle, il lui arrivera de préférer sa condi-
pour nous aujouidhui et l'assemblée est , tion présente à la courte possession de tous les
magnifique et toule cette foule
, que j'ai biens de ce monde, inséparables du danger de
vue, à la fête de Pâques, réunie dans le temple, voir bientôt son sang répandu. Comprenez-
je la revois encore ici à cetle heure ; le silence vous de quel rare profit, et pour les riches et
de cet homme, plus retentissant que les trom- pour les pauvres, et pour les petits et pour
convoqué
pettes, a le peuple tout entier au cri les grands, et pour les esclaves et pour les
qui s'échappe de la réalité de son malheur. hommes libres, est le spectccle de ce réfugié ?
Les jeunes filles ont laissé vides leurs cham- Comprenez- vous quel remède chacun doit em-
bres ; les femmes, leurs gynécées ; les hommes, porter dans son cœur, s'il suffit de voir pour
la place publique, et, tous ensemble, vous être guéri? Ai-je fléchi vos ressentiments,
vous êtes empressés d'accourir pour voir ici la éteint votre colère, attendri votre dureté?
nature humaine confondue, la fragilité des Vous ai-je attirés à la compassion? Je n'en
choses du siècle mise à nu cette courtisane , doute pas, j'en suis assuré, j'en crois vos vi-
qui se nomme la fortune, avant-hier, hier, sages, et vos larmes que je vois jaillir. Eh
si resplendissante encore , aujourd'hui nous bien puisque chez vous le roc s'est trans-
!

montrant un visage (car la prospérité fille de formé en une terre fertile, en une grasse cam-
la rapine a des rides plus hideuses que la plus pagne, courage 1 quand le fruit de la miséri-
difforme décrépitude), d'où l'adversité, comme corde sera sorti de son germe, quand le riche
avec l'éponge, a fait disparaître le fard, le épi de la sympathie et de l'amour se dressera
plâtre, tout l'éclat emprunté. devant nous, nous tomberons aux pieds de
Car voilà jus(iu'où s'étend
A. la puissance du l'iiupcreur, ou plutôt nous prierons le Dieu de
coup que l'on vient de frapper : l'homme glo- mansuétude de lléchir la colère de l'empe-
rieux, l'homme illustre est devenu le plus vil de reur, d'attendrir son cœur, pour que nous ob-
tous les misérables. Pour le riche (jui se rend à tenions tout entière la grâce de cet infortuné.
ce spectacle, le profit est grand : car, à contem- Déjà, depuis le jour qu'il est venu chercher ici
pler la chute qui précipite d'un faîte si élevé, un refuge, les dispositions ont bien changé.
celui qui d'un signe remuait le monde ; à le Car aussitôt que l'empereur eut appris qu'il
voir ramassé sur lui-même ; à voir (juc le lièvre dans cet asile, que l'armée l'a-
s'était précipité
tinù(le,(|ue la grenouille craintive connaissent vait suivi, que les soldats, aigris par ses fautes,
moins que lui la terreur; à le voir, sans liens qui demandaient son supplice, il p;nia longtemps
le retiennent, rivé àcette colonne où, à défautde pour faire tomber leur colère il ne voulait pas ;

chaînes, l'épouvante l'étroint; à voirrcIVroi, le qu'on se bornât à raiipelor les égarements,


tromblcmenl qui l'agite , l'arrogance tombe, mais qu'on se ressouvînt aussi de ses services,
l'orgueil se dissipe, l'âme se prend à méditer ce cl qu'on tînt en compte, et il disait que sa re-
(pi'il est nécessaire de méditer des choses hu- connaissance ne les oubliait pas. que pour les
maines, et l'on empoite days son CdMU', en se torts de l'homme, il les pardonnait. Cependant
retirant, les paroles de TLcriture, dénuinlrécs l'indignation se réveillait, l'empereur avait été
par la réalité, à savoir que, toute chair une c.»/ outraiié; les sohiats criant, trépignant, récla-
hi'rbe des chtimps ; toute (/loire humaine connue mant l'arrél de mort, agitaient leurs lances;
IIOMELÏES SUR LA DISGRACE D'EUTROPE. — PREMIÈRE HOMÉLIE. 28r

des larmes coulèrent alors des yeux du plus prière, et Dieu, avant l'einpereur , agréera
clénu'iildes |)riiurs, il [larla de la table sainle, notre conduite, et récompe sera magnifKjue-
refuge du uiallioureux, et c'est ainsi qu'il ment notre humanité. Car. anlanl il hait et
apaisa les cttlères. déti ste 1 homme cruel, autant il ;iime et chérit
5. A nous maintenant d'ajouter les paroles celui qui est doux et miser cordieux. Si c'est
qui conviennent à notre ministère. Quel par- un juste , Dieu lui tresse do plus brillanics
don pourrez-vou?mérit(r,si, quand l'empereur couronnes; si c'est un pécheur, Dieu ne voit
outragé oublie son injure, vous, qui n'avez plus ses péchés, et la sympalhic, l'amour mon-
rien eu à vous persistez dans votre
souffrir, tré par ce puclieur aux Q,^ mpagnons de s^an
haine implacable? Comment, au sortir de exil sur la terre, est la m sure de l'amour
cette assemblée, prendrez-vous voire part de que le Seigneur lui réserve en échange. Car,
nos niystères? Conunent pourrez-vous pro- c'est la miséricorde que je ceux, dit le Sei-
noncer cette prière qui nous prescrit de gneur, et non le sacrifice. (0-ée, vi, 6.) Et
dire Remettez-nom nos dettes, comme nous les
: partout l'Ecriture nous montre Dieu recher-
remettons nons-même< à cenx qui nous doi- chant la miséricorde et nous la représentant
vent (Matlh. VI, 12), s'il vous faut le supplice comme le meilleur moyen d'elTacer les péchés.
de votre débiteur? Il vous a prodigué les in- C'est donc ainsi qu'à notre tour nous nous ren
justices et les outrages? Nous ne voulons pas drons notre Dieu favorable ; c'est ainsi que
en disconvenir. Cependant nous ne sommes nous réparerons nos fauti s c'est ainsi que ;

pas à l'heure de la justice, mais de la pitié; ce nous serons la parure de i'Eglisc; c'est ainsi
n'est pas l'heure des comptes sévères, mais de que nous mériterons, comuie je vous l'ai dit,
la clémence ; l'heure de l'examen, mais du les louanges d'un prince clément «;t lesap|)lau-
pardon; l'heure de la sentence et du jugement, dissemenls de tout le peuple, et les extrémités
mais de la compassion et de l'indulgence. de la terre admireront notre clémence et notre
Plus de fineurs, plus de haines, mais bien plu- douceur, que toutes les bouches vont célébrer à
tôt prions le Dieu de clémence d'ajouter à ses l'envi.Hàtons-nousdonc de jouir de ces grands
jours, de l'arracher au supplice qui le me- avantages ta genoux, implorons, prions; arra-
;

nace, qu'il revienne lui-même de ses égare- chons à ses dangers le captif, le fugitif, le sup-
ments; rendons-nous ensemble auprès du clé- pliant, pour qu'il nous soit donné à nous-
ment empereur; au nom de l'Eglise, au nom mêmes d'obtenir les biens (jui nous attendent,
du .sanctuaire, demandons-lui pour un seul par la grâce et la miséricorde de Jésus-Christ
homme, pour que cet homme vive, sa grâce, Notre-Scigneur, à qui soitnt la gloire et la
comme un présent offert, à la table sainte. Si puissance, maintenant et toujours, et dans les
nous le faisons, l'empereur accueillera notre siècles des siècles. Ainsi soii-il.
236 TRADUCTION FîlANÇAISE DE SAINT JE.AaN CIîRYSOSTOjIE,

DEUXIÈME HOMÉLIE.

Piononcée aptes qn'EQtrope. pris hors de l'église, eut été livré au supplice. — Des saintes Ecritires, et sur ce iEW t
Q &dstitit résina a deztris tais d [Ps. îLIV, 10.]

AVERTISSEMENT & ANALYSE.

On ne retrouve plus dans celte homélie le style de saint Chrysostome. Ce n'est plus cette éloquence facile, contante, familière et
élégante. C'est un langage dur, pénible, saccadé, embarrassé. L'ordre logique est souvent interrompu. Ses idées se succèdent et
ne se lient pas. La seconde partie, sur les noces de l'Eglise, a surtout paru à TiUemonl indigne de saint Chrysoslome, du reste
c'est le même style partout.

1» Combien la lecture do la sainte Ecriture est en même temps utile et agréable. — Magnifique éloge de la stabilité de l'Eglise.
— 2° Le chrétien ne craint pas les puissances de ce monde. — 3°
Chrysostome attaque souvent les riches parce qne
Saint
les riches atlaqutnl toujours les pauvres; d'ailloursiUlisliu^ue toujours eiilre les bous cl l-'S mauvais riches. 4» Ne craignons —
que le péché, ayons la conscience pure et tout sera sauf. Adam est tombé dans le paradis , Job s'est sauvé sur sou famicr,
imitons celui-ci. —
fi" La vie présente est un séjour dans une hiMcUerie. —
G" Ne ravissez pas les biens terrestres, ravi-stz le
royaume du ciel. Attachez-vous à l'Eglise. L'orateur célèbre les louanges de l'Eglise. "<> —
Comment il faut interpréter Ips pas-
sages où ri-;c!iture semble aUnbuer Dieu des passions.— S» Des dillereuts noms que Dieu prend dans les Ecritures.
il 9» En- —
core l'Eglise et Dieu. —
10° Dieu ne se raon'ie pas aux créatuies til q'i'il est, mais il modère son éclat. Traustiguraiion de
Jésus-Christ. —
11» Que les comparaisons les plus sublimes que puisje employer le langnge humain sont toijoiirs fort au-des-
sous de l'infinie beauté de Dieu. —
12° Le vrai trésor. La dot de l'épouse du Christ. —
IS» La totalité de la dot ne sera
pnyéc que dans la vie future, dans ce monde nous ne recevons que des aiilies. —
14o Lu dot sera d'un pra iuûni. 15-17" Com- —
mentaire de ces paroles du psaume XLiv, 10 : Âdslitit regina a dcilrù tuis, etc.

4. Agréable est la prairie et le jardin , mais toute agitation, de toute secousse. La mer est
bien plus agréable la lecture de l'Ecriltire en fureur, mniston navire s'avance tranquille;
.sainte. Là-bas on voit les fleurs se llétrir; ici c'est (pie tu as pour pilote rEcriliire; c'est que
lletu'ir les pensées; là-bas soiiftle le zéphyr; tu tiensun câble (pie ne peut rompre l'assaut
ici l'Esprit divin; là-bas des baies formées des choses humaines. El je ne men.^ pas; j'ai
d'épines; ici la divine Providence est notre pour témoin la réalité même des choses. Il y a
rempart ; là - bas le chant des cigales ; ici peu de jours que l'église était assiégée vinrent ;

la voix retentissante des proiihètes; là-l)as le des soldais, une armée enliÎMe; leurs yeux
plaisir des yeux; ici l'utilité delà locliire. Le lançaient des llammes, et l'olivier ne s'est pas
jardin n'occupe qu'une place, les Ecritures desséché; les glaives sont sortis des fourreaux,
sont partout répandues sur la terre; \o jardin et ind n'aiivu debU^ssnre; les portes du palais
est nécessaifeniiMit assiijéli aux iiillin'nces des de rempi^ivur s'agi'nient et iremb'aient, et
saisons, les Ecriliires ne connaissent ni Ihiver, 1 église n'était |vas ébranlée; cependant c'était
nilelé, toujours riches de letiillage, et sur- ici que
se ruait le flot de la guerre, ('ar c'était
chargées de tmits. Appli(jUons-nous donc à la iciqu'on recherchait le fugitif, et nous nous
lecture de riù'iiliu'e sainte car (elle api-lica-
, tenions devant lui, pour le défendre, sans
tion riùrilme chasse le décourag<"inent,
à craindre la fureur des soldils. Pourquoi? c'est
engendre le plaisir, détruit la perver.'^ité, alfer- que nous avions pour gage de notre inébran-
niil les racines de la vertu, qu'elle préserve de lable fermeté , la parole : Tu €< Pierre, et sur
HOMELIES SUR LA DISGMCE D'EUTROPE. •:E HOMELIE. 287

cpfte picrvp f édifierai mon Eglise , et les por- celte guerre? pour avoir à montrcrun trophée
tos de V enfer ne prévaudront pas contre elle. plus glori(Mix. Vous avez vu ce jour fameux,
(Mallh. XVI, 18.) Ettjuand je dis l'Eglise, ce et tant d'armes qui s'agitaient, et celte armée
nVst pas le lieu seiilomonl, mais surtout le furieuse, plus violente (jue l'inrcndie, et nous
Dieu je ne parle pas des murs matériels d'une
;
nous empressions de nous rendre au palais de
éfîlise, mais des lois de l'Eglise. Quand tu te rem|)ereur. Qu'est-il arrivé? Par la grâce de
réfiifrios dans ne demande pas ton
uneéj;'''=e, notre Dieu rien ne nous frappa de terreur.
refu^^e à mais a ton propre cœur. Car
un lieu, 2. Ce que je dis, c'est pour (pie, vous aussi,

l'Eglise n'est pas un mur, un toit, mais une vous fassiez comme nous. Ponniuoi n'avons-
foi une règle de vie.
, nous nas été frappés de terreur? C'est que, de
Ne di? DOS <jne c'est l'Eglise qui a livré celui tous ces objets de terreur, nous n'en redou-
qui a été livré. S'il n'avait pas abandonné tions aucun. Car qu'y a-t-il de terrible? la
l'Eglise, il n'aurait pas été pris. Ne dis pas mort? elle n'a rien de terrible; elle nous mène
qu'il s'est réfugié et qu'il a été livré. Ce n'est rapidement au port qui ne connaît pas de tem-
pas l'Eglise qui abandonné mais
l'a , c'est lui- pêtes. Mais tes biens seront confisqués? l^u je
même (jui a abandonné l'église. Ce n'est pas suis sorti du ventre de jna mère , nu je m'en
dans l'église qu'il a été livré, mais dehors. retournerai. (Job. i, 21.) Mais les exils? C'est
Pourquoi donc a-t-il abandonné l'église? Tu au Seigneur qu'appartient la terre ^ et ce qui
voulais être sauvé? Tu devais ne pas lâcher la remplit. (Ps. xxiii, 2.) Mais les calom-
I
l'autel. S'il n'y avait pas la des murailles, il
y nies? Jiéjouisséz-vous et soyez pleins d'allé-
avait, pour te mettre en sûreté, la provi- gressequand on dira de vous toute espèce de
dence de Dieu. Tu étais un pécheur? Dieu ne mal en mentant, parce que votre récompense
te repousse pas Car il n'est pas verni pour
: est considérable dans les cieux. (Malth, v, i2.)
appeler les justes mais les pécheurs à la péni-
, Je voyais Ks glaives, et je pensais au ciel; j'at-
tence. (Matlh. IX, 13.) La femme de mauvaise tendais la mort, et je me rappelais la résurrec-
vie a été sauvée pour avoir touché les pieds du tion ;
je voyais irj-b is les souffrances, et j'énu-
Seigneur. Avez-vous entendu la lecture de ce méraislesrécompensesd en-liaut; jereniar(|Mais
jour? e que je vous dis, c'e>t pour ijue vous
( les attaques, et je méditais If céleste couronne;
n'hésitiez jamais à vous réfugier dans le sein car la raison de mes combats suffit pour me
de l'Kglise. Demeurez dans l'Eglise, et vous ne donner le courage et la eonsolalion. J'étais
serez pas trahis par l'Eglise. Mais si vous vous certes un homme qu'on emmène, mais il n'y
enfuyez loin de l'Eglise, la faute n'en est pas à avait pas là, pour moi, de déshonneur : car,
l'Eglise. Car, tant que vous restez au dedans, en fait de déshonneur, il n'en est qu'un,
le loup ne s'approche pas; mais une fois sortis, le péché. Quand la terre entière voudrait
vous devenez la proie de la bête féroce; n'en ton déshonneur , si tu ne te déshonores
accusez pas la bergerie mais votre démence. , pas toi-même, tu ne seras pas déshonoré,
Non, il n'est rien d'égal à l'Eglise. Ne me par- Il n'est de trahison que celle qui livre la cons-

lez ni d'armes, ni de murailles; les murailles, cience. Ne trahis pas ta cou- ciencc et nul ne ,

Je tenq)S les détruit, ne sait pas mais l'Eglise peut te trahir. J étais emm» né, et je voyais la
vieillir. Les murailles sont démolies par les réalité, ou plutôt mes paroles devenues une
barbares, mais l'Eglise défie jusqu'aux dé- réalité; l'homélie faite par moi en paroles,
mons. Je ne fais pas d'étal.ige de paroles mes ; prèchée sur la place publit|ue, par la réalité.
preuves, c'est la réalité. Combien d'ennemis Quelle homélie? celle que j ai sans ces:e répé-
ont combattu l'Eglise, et combien sont morts, tée : le souffle du vent a dispersé le feidllige;
tandis (jiie sa tète s'est élevée au-dessus des V herbe s'est desséchée, la fleur est tombée.
cieux ! Voici quelle est la grandeur de l'Eglise : La nuit s'en est allée, et le jour a
(Isa. XL, 8.)

ses combats sont des victoires; ses dangers paru l'ombre a été rejetée, et l'on a vu pa-
;

des triomphes; les outrages rehaussent sa raître la vérité. Ils sont montés jusqu'aux
gloire; ses blessures la trouvent indom[)tabie; cieux et sont descendus jusque dans les plai-
les tourbillons ne l'engloutissent pas; les tt-m- nes. flots a été rabattu par la
L'orgueil des
pèies ne lui font jamais un naufrage; c'est un réalité des choses humaines. Qu'est-ce à dire?
lutteur invincible; c'est un athlète qu'on ne C'est un enseignement que ce qui s'est passé.
terrasse pas. Pourquoi donc a-t-elle consenti à Oui je ,
me disais à moi m eue : cette leçon de
2liS TRADUCTION FRANÇAISE DE SAINT JEAN CHRYSOSTOME.

sagesse profilera-t-elle à nos descendants? la sans relâche ({ue les richesses trahissent le
leçon que donne Texpérience sera-t-elle, en possesseur qui en use mal? Le temps est venu,
moins de deux jours, livrée à l'oubli? L'aver- qui a montré la vérité de mes paroles. Pour-
tissement retentissait encore; je parlerai de quoi retenir ces richesses ,
qui ne te sont d'au-
nouveau, je ferai de nouveau des discours. cun secours au moment des é[)reuves? Si elles
Quelle utilité? la voici, l'utilité. Si tous n'en- ont quelque puissance, eh bien! dans un be-
tendent pas, la moitié entendra; si la moitié soin pressant, qu'elles t'assistent; mais si alors
n'entend pas, le tiers entendra; si ce n'est pas elles prennent la fuite, à quoi te servent-elles?
le tiers, ce sera le quart; si ce n'est pas le Les choses parlent d'eîles-mènics. Quelle est
quart , mettons dix auditeurs ne sont pas ; s'ils l'utiUté des richesses? Les glaives aiguisés, la
dix, mettons-en cinq; à défaut de cinq, un mort menaçante, une armée furieuse, luttenle
seul; à défaut d'un seul, eh bienl c'est moi d'un sort si cruel, et, en même tenips, plus
qui ai mon salaire tout prêt. L'herbe s'est dessé- d'or pour toi nulle part. Où a-t-il pris sa
chée, la fleur est tombée; mais la parole de course, le fugitif? C'est lui qui t'a préparé
Dieu demeure éternellement. (Isa. xl, 8.) toute cette catastrophe, et, dans cette crise, il

3. Avez-vous vu le néant des choses humai- prend la fuite.


nes? avez-vous vu la fragilité de la puissance? Cependant de nombreuses voix m'accusent
avez-YOus bien vu que cet or, qu'on appelait toujours d'attaquer les riches; c'est que les
toujoursun fugitif, n'est pas un fugitif seule- riclies attaquent toujours les pauvres. Oui
ment mais un meurtrier? Car il ne lui suflit j'attaque les riches, c'est-à-dire non pas les

pas d'abandonner ses maîtres, il faut qu'il les riches, mais ceux qui ne savent passeser\ir
égorge. C'est quand vous l'entourez de i>lus de de leurs richesses. Car je ne cesse de dire que ce
soins qu'il est surtout prompt à vous trahir. n'est pas le riche que j'attaque, mais le ravis-
A quoi bon tant de soins pour cet or qu'on ne seur. Bien différents sont le riche et le ravis-
peut jamais retenir? Et bien, veux-tu lui pro- seur; bien diirerents l'honnue opulent et l'a-

diguer tes soins, \eux-tu le retenir? ne Ten- vare. Faites la distinction entre les choses, ue
iouis pas dans la terre , mais livre-le entre les confondez pas ce qui doit être séjjaré. Etes-
mains des j)auvres. Les richesses sont des bètes vous riche? à la bonne heure. Eles-vous uq
sauvages; si on veut prennent
les retenir, elles ravisseur? je vous accuse. Possédez-vous des
la fuite; dispersez-les, elles restent. Il a dis- biens qui sont votre propriété? jouissez-en.
pei'sé ses trésors , dit lePsalmiste, il a donné Vous eujparez-vous du bien d'autrui? je ne
aux pauvres. (Ps. cxi, 9); sa justice de- me tairai pas. Voulez-vous me lapider? je suis
meure daruiV éternité. Disperse-les pour qu'ils ,
prêt à verser mon sang, je ne veux que re-
demeurent; ne les enfouis pas, pour qu'ils ne pousser le péché. Peu m'importe la haine, peu
t'échappent pas. Oii sont-elles ses richesses? m'importe la guerre; ce qui m'importe uni-
j'aimerais à l'apprendre de ceux qui se sont quement, ce sont les progrès de c u> qui m e-
retirés de lui. Et ce que j'en dis, ce n'est pas coutent. Les riches sont mes enfants, et les
pour lui faire outrage, non; ni pour irriter ses pauvres aussi sont mes enfants ; les uns et les

veux par les naufrages des


blessures, mais je ,
autres, le même sein les a portés, les mêmes
autres, vous ménagerie port. Quand on voyait douleurs les ont enfantés. Si donc tu attaques
les soldats et les glaives quand ,
la ville était le pauvre, je t'accuse, parce que ton attaque
en feu, ([uand le diadème avait perdu son est moins préjudiciable au pauvre qu'à toi-
j)restige, (juand la pourpre était insultée, même, car le pauvre ne subit jamais un grand
quand la fureur remphssait tout, (luétaient donnuage; c'est à ses biens que l'on en veut;
devenus la richesse, les vases d'argent, les mais toi, c'est ton ;unc que tu meurtris. Me
lits d'argent, les serviteurs? Déroute uni- frappe du glaive, qui voudra; me lapide, qui

verselle! les eunuques? tous en fuite; les voudra; me déteste, qui voudra: les assauts

amis? plus de mascjues; ses palais? fermés contre moi m'assurent autant de couronnes;
à la clef; ses trésors? il fuyait, le maître vous comptez mes récompenses, en comptant
de ces trésors. enOn, où étaient-ils,
Mais mes blessures.
ces trésors? enfouis. Où donc se cachaient- •l. Je ne crains donc pas la haine qui veut
ils? Jevoussuiiià cliarge, n'est-ce pas, et je nuire; ma seule crainte, c'est le péché. Que
vous impiulune, n'cFt-cepas, en vous répétant personne ne puisse me convaincre de pVlié,
HOMÉLIES SUR LA DISGRACE D'EUTROPE. - DEUXIÈME HOMÉLIE. 28d

et que la terre entière me déclare la guerre. sait hier la main est aujourd'hui son ennemi.
Car cette guerre-là me couvrira de gloire. Ce Pouniuoi? c'est que les baisers d'hier étaient

sont là les enseignements que je veux vous mensonge. Le temps est venu, et les masques
donner. Ne redoutez pas les attaques de l'homme sont tombés. Est-ce qu'hier tu ne lui baisais
puissant, mais redoutez la puissance du péché. pas les mains? est-ce que tu ne l'appelais pas
L'homme ne pourra vous nuire, si vous ne ton sauveur, ton protecteur, ton bienfaiteur?
vous frappez pas vous-même. Si vous êtes sans est-ce que tu ne lui tressais pas la plus belle

péché, quand les glaives par milliers se dres- couronne de louanges que tu pouvais? Pour-
seraient contre vous, Dieu vous sauvera dans quoi donc aujourd'hui l'accuses-tu? Hier tu
ses bras; mais si le péclié vous tient, quand chantais ses louanges, et aujourd'hui tu l'ap-
vous seriez dans le paradis, votre chute s'ap- pelles en jugement; hier les éloges, et aujour-
prête. Adam était dans le paradis , et il est d'hui les accusations! quel est ce change-
tombé; Job était sur le fumier, et il a été cou- ment ? quelle est cette transformation ?
ronné. De quoi a servi à celui-là le paradis? 5. Mais moi, je ne suis pas de ces hommes ;

quel mal a fait à celui-ci son fumier? L'un mais moi qu'il attaquait, je suis devenu son
n'avait aucun ennemi, et il a été supplanté; défenseur. soulfert de lui des maux sans
J'ai

démon, et il a été cou-


l'autre a été assailli par le nombre, ne lui ai pas rendu la pareille. Car
je
ronné. Le démon ne s'est-il pas emparé de ses je suis l'exemple de mon Dieu qui, sur la ,

richesses? mais sans pouvoir lui ravir sa piété- croix, disait: Pardonnez-lew\ car ils ne savent
No lui a-t-il pas arraché ses enfants? mais sans pas ce qu'ils font. (Luc, xxni, 3i.) Et je vous
pouvoir ébranler sa foi. Ne lui a-t-il pas dé- le dis, pour que les conjectures des méchants

chiré tout le corps? mais sans pouvoir trouver ne troublent pas votre jugement. Que de révo-
son trésor. N'a-t-il pas armé sa femme contre lutions depuis que je suis à la tète de cette ville,
lui? mais il n'a pas fait trébucher le soldat de et personne n'est revenu à la sagesse Quand I

Dieu. Ne l'a-t-il pas couvert de ses traits, de je dis personne, loin de moi la pensée de vous
ses flèches? mais sans pouvoir lui faire de condamner tous. Non, il n'est pas possible que
blessures. Il a mis en mouvement les ma- cette grasse campagne, qui a reçu les semences,
chines de guerre; mais la tour n'a pas branlé. ne porte pas les épis. Mais c'est que je suis in-
Il a soulevé les flots, mais le navire n'a pas satiable; je ne veux pas vous sauver en petit
sombré. Que ce soit là votre exemple et votre nombre, mais tous. Si un seul de vous se per-
loi, je vous en prie; je m'attache à vos genoux, dait, je suis bon, et je veux être ce berger
que mes mains ne touchent pas mais que , des quatre-vingt-dix-neuf brebis, (jui court à la
j'embrasse par la pensée, et je vous dis, les centième égarée. (Luc, xv, Combien ai
4.)

yeux mouillés de larmes, que ce soit là votre temps encore les richesses? combien de temps
exemple et votre loi, et nul ne peut vous nuire. encore l'argent, et l'or, et le vin répandu, et
Ne dites jamais, heureux le riche ne regardez ! les flatteries des serviteurs, et les cratères cou-
jamais comme malheureux que le pécheur; ronnés, et les banquets sataniques, remplis de
dites, heureux le juste! Car ce n'est pas la na- l'œuvre du démon?
ture des choses, mais la pensée de l'homme Ne savez-vous pas que la vie présente est un
qui fait l'heureux et le malheureux. Ne redou- voyage, que vous n'êtes pas des citoyens? vous
tez jamais les épées si votre conscience ne êtes des voyageurs. Comprenez- vous ce que
yous accuse pas; ne redoutez jamais l'état de je dis? vous n'êtes pas des citoyens, mais
guerre si votre conscience est pure. Où sont- des voyageurs et des passan's. Ne dites pas :

ilsceux qui ont disparu? répondez-moi. Est-ce telle ou telle ville est ma cité. Personne n'a de

que les peuples ne se tenaient pas inclinés de- cité à soi. La cité est en-haut. Le présent est
vant eux? est-ce que leà plus grands en di- un voyage. Nous sommes, tous les jours de
gnité n'étaient pas ceux qui tremblaient le notre vie, des voyageurs, jusqu'à ce que la na-
plus devant eux, qui leur rendaient le plus ture ait achevé sa course. Voit-on des voya-
d'hommages? Le péché est venu, et tout cela geurs mettre des trésors en réserve? voit-on
s'est trouvé confondu : les serviteurs sont de- des voyageurs enfouir de l'or? quand vous en-
venus des juges; les flatteurs des bourreaux; trez dans une hôtellerie, répondez-moi, vous
ceux qui baisaient ses mains ont été les pre- amusez-vous à orner l'hôtellerie? Non, mais
miers à le traîner hors de l'église; qui lui bai< vous mangez, vous buvez, et vous vous hàtej
T<'Mr IV, *9
290 TRADUCTION FRANÇAISE DE SAINT JEAN CHRYSOSTOME.

de sortir. La vie présente est une hôtellerie. le royaume des deux, cest la violence qui le
Nous y pomnnes entrés, nous dépensons la vie ravira. (Matth. xi, 12.) Pourquoi ravir les biens
présente ;
prenons soin d'en sortir avec une du pauvre qui vous accuse? Ravissez les tré-
belle espérance, ne laissant rien ne ici, afin de sorsdu Christ qui vous approuve. N'avez-vous
pas être là-bas sans ressources. Quand vous pas compris ce qu'il y a d'insensé dans cette
entrez dans une hôtellerie, que dites-vous à fureur? Vous ravissez au pauvre le peu <ju'il
•votre serviteur? Voyez bien où vous mettez possède ? Le Christ vous dit : c'est à moi qu'il
les bagages; ne laissez rien ici, n'égarez rien faut ravir, et je vous saurai gré de votre ra-
de si petit, de si mince que ce soit, que nous pine ; ravissez-moi mon royaume par la vio-
puissions tout remport r à la maison. Faisons lence. La royauté den-b^s, vous voulez la si

de même quant à la vie présente; regardons ravir si vous avez .«seulement la pensée de la
,

la vie comme une hôtellerie, et ne laissons ravir, le châtiment est sur vous mais la royauté ;

rien dans l'hôtellerie mais emportons tout


, d'en-haut, si vous ne voulez pas la ravir, c'est
dans la cité, dans la métropole. Vous êtes des alors aussi que vous serez châtiés. Où sont les
voyageurs, des yjassants. disons mieux, vous biens de la terre, là s'exerce l'envie; mais où
êtesmoins que des voyageurs. Comment cela? sont les biens spirituels, c'est là que règne la
je vais vous le dire. Le voyageur sait quand il charité. Faites de ces pensées vos méditations
entre dans l'hôtellerie, et quand il en part, car de chaque jour, et, pour avoir vu un homme
il est le maître d'en sortir comme d'y entrer : porté sur un char, couvert d'un vêtement de
mais moi qui entre dans l'hôtellerie, c'est-à- soie, fier et triomphant, ne soyez pas, deux
dire dans la vie présente, quand dois-je en sor- joursencore après ce spectacle, tourmenté, bou-
tir? je l'ignore. Et parfois je me ménnge pour leversé , troublé. Ne louez pas le riche, mais
longtemps des provisions, et voilï le Seigneur seulement le juste ne maltraitez pas le pau-
;

qui tout à coup m'appelle Insensé! pour qui : vre, mais apprenez à porter sur toutes choses
ce que tu as ornasse? car, cette nuit même, on un jugement droit et que rien ne fausse.
te prend ton âme. (Luc, xii, 20.) Incertaine Ne vous séparez pas de l'Eglise car l'Eglise ,

l'heure du départ; mal assurée la possession; a une puissance sans égale. Votre espéiance,
des précipices sans nombre; partout les flots c'est l'Eglise ; votre salut, l'Eglise; votre re-

grondants. Quelle fureur de s'attacher à des fuge, l'Eglise. Elle s'élève plus haut que le

ombres? pourquoi, abandonnant la vérité, ciel, elle s'étend plus au large que la terre.
cours-tu après des ombres? Jamais vieillissante, toujours jeune. C'est pour-
choses, et je ne cesserai pas de
6. Je dis ces quoi l'Ecriture, considérant sa solidité iné-
les redire au risque de vous causer de la
,
branlable, ra|)pelle une montagne; son incor-
douleur, je veux porter les mains sur ces ruptibilité une vierge
, sa magnificence , ;

plaies non pour ceux qui sont tombes


, ,
une reine; à cause des liens qui l'unissent à
mais pour ceux qui sont debout. Ceux - là Dieu, elle la nomme sa fille; à cause de la fé-
ont disparu; il n'en est plus question; mais condité de son sein, elle lui compte sept en-
ceux qui sont restés debout se sont alfer- fants; elle a dis termes sans nombre pour ex-

niis au spectacle de ces malheurs. Eh bien ! primer sa noblesse. Car, de même que son
me dit-on, que devons-nous faire? une seule maître et Seigneur a beaucoup de noms, qu'on
chose détestez les richesses et euibrassez ce
,
, l'appelle le Père, qu'on rap[)elle la voie, qu'on
qui vous fait vivre. Rejetez les biens de ce l'appelle vie, lumière, bras, propitiation. fon-
monde, je ne dis pas tous, mais retranchez le dement, porte; qu'on l'aiipelle impecc.ible,
su|)erllii. Ne désirez pas le bien d'aulrui ne , trésor, Soigneur, Dieu, Fils, Fils unique, forme
dépouillez pas la veuve, ne pilkz pas l'orphe- de Dieu, image de Dieu; un seul nom ne —
lin ne volez pas sa maison. J'oublie les per-
. donc pas pour comprendre le tout?
snflit-il

sonnes, mes paroles ne font en ce moment que nullement nous aNons besoin de ces milliers
;

proclamer des vérités. Si quelqu'un se sent at- de termes pour apprendre sur Dieu bien peu
taciué par sa conscience, à lui la faute, non à de chose ;

de môme lEglise a aussi «les noms
mon discours. .\ quoi bon ravir ce qui excite en foule. Ou l'appelle vierge, elle qui avait été
la basse envie? Ravissez ce qui assure la cou- une impu(li(|ue: car le prodige accompli par
ronne. Ne soyez pas un ravisseur de la terre, l'époux, c'est (ju'il a fait d'une courtisane une
Tnais du ciel. C'est à la violence qu'appartient vierge, nouveauté, ô élrangeté ! Les hymeusi
nOMËLÎES SUR LA DISGRACE D'EUTROrE. - DEUXIÈME HOMELIE. 201

de la (erlrc âont la fin de la virginité ; l'hymen dire que Dieu engendre, ne concevez pas une
qui vient de Dieu est la résurrection de la vir- séparation quelconque , mais la consubstantia-

ginité. Chez nous, la vierge qui reçoit un lité. Car Dieu nous a emprunté beaucoup de
époux cesse d'être une vierge avec le Christ, ; termes de notre langage et nous, à notre tour,
,

la courtisane qui le prend pour époux devient nous tenons à honneur de lui emprunter des
une vierge. termes pour les employer comme lui.
Je voudrais demander une explication
7. 8. M'avez-vous compris ? Soyez attentif, mon
seulement à rhéréfique qui se donne tant de ami, mon frère. Il y a des noms divins,
il y a

peine pour comprendre la suprême généra- des noms humains. m'a pris des noms qui
Il

tion, et qui se dit Comment le Père a-t-il en-


: sont à moi, et il m'en a donné d'autres qui sont
gendré? Demandez-lui donc comment l'Eglise, de lui. Donne -moi tes noms, et prends les
qui était d'abord une courtisane, est-elle deve- miens, dit-il. Tu as besoin des miens; ce n'est
nue une vierge? comment celle qui a enfanté pas moi qui en ai besoin, mais toi, attendu que
est-elle restée vierge ? Car je sntis jaloux de ma substance est sans mélange, mais que toi,
vous de la jalousie de Dieu, dit Paul, car f ai tu es un homme, mêlé à un corps, et qu'il te
conclu l'Oft fiaiiçailles avec V Epoux unique, afin faut des paroles en rapport avec ton corps, pour
que vous soyez une chaste vierge pour lé Christ. que toi, mêlé h un corps, tu puisses, grâce aux
(Il Cor. XI, 2.) sagesse, ô intelligence! Car je manières de parler qui te sont connues, conce-
suis jaloux de vous de la jalousie de Dieu. voir les pensées qui dépassent ta nature. Quels
Que signifient ces paroles? Je suis jaloux (Yd-W. , noms m'a-t-il pris, et quels noms m'a-t-il don-
Tu es jaloux, toi, qui mènes la vie spirituelle ? nés ? C'est lui qui est Dieu , et il m'a appelé
C'est que je suis jaloux, dit-il, à la manière de Dieu ; là-haut est la réalité; ici l'honneur du
Dieu. Eh quoi Dieu est jaloux? Certes, il est
! nom. J'ai dit, vous êtes des dieux, et tous, les
jaloux non par vice de nature mais par
, , fils du Très- Haut. (Ps. lxxxi. G.) Les mots
amour, par la jalousie de l'amour ardent. Car sont pour la terre, mais là-haut est la réalité.
je suis jaloux devons de la jalousie de Dieu. Il m'a appelé Dieu , c'est-à-dire qu'il m'a fait

Vous dirai-je comment il est jaloux? 11 a vu un honneur. Il a été lui-même appelé homme,
la terre corrompue par les démons, et il a livré appelé Fils de l'Homme, appelé la voie, appelé
son propre Fils. Les paroles qu'on applique h porte, appelé pierre. Voilà les noms qu'il m'a
Dieu n'ont plus la même énergie. Par exem- pris; les autres sont des expressions qui lui
ple, la jalousie de Dieu, la colère de Dieu, Dieu sont propres et qu'il m'a attribuées. Pourquoi
se repent. Dieu déteste. Ces paroles sont em- s'est-il appelé la voie? Pour vous apprendre
pruntées à la langue des hommes; ce qu'elles que c'est par lui que nous montons vers le
signifient dans l'Ecriture n'appartient qu'à la Père. Pourquoi, pierre? Pour vous apprendre
nature de Dieu. Comment Dieu peut-il être la nécessité, la solidité de la foi. Pourquoi, fon-
jaloux ? C'est que je suis jaloux de vous de dement? Pour vous apprendre que tout est
la jalousie de Dieu. La colère s'empare de supporté par Pourquoi, racine? Pour vous
lui.

Dieu ? Seigneur, ne me reprenez pas dans apprendre que c'est en lui que nous portons
votre fureur. 1.) De sorte que l'on
(Ps. vi, des fleurs. Pourquoi, berger? Parce que c'est
peut dire même sommeil de Dieu ? Levez-
le lui qui nous mène dans les pâturages. Pour-
vous ,
pourquoi dormez - vous Seigneur ? ,
quoi, brebis? Parce qu'il a été sacrifié pour
(Ps. xuii, Dieu se repent? Je me repe?is
23.) nous, et qu'il est devenu la propitiation. Pour-
d'avoir fait l'homme. (Gen. vi, 7.) Dieu dé- quoi, la vie ? Parce que nous étions morts, et
teste? Vos fêtes et vos néoménies ynon âme , qu'ilnous a ressuscites. Pourquoi, lumière?
les déteste. (Is. Mais ne considérez pas
i, 14.) Parce qu'il a dissipé nos ténèbres. Pourquoi,
les paroles, elles sont chélives, mais conce- bras? Parce qu'il est consubstantiel au Père.
vez les pensées d'une manière digne de Dieu. Pourquoi, Verbe? Parce qu'il a été enfanté par
Dieu est jaloux, parce qu'il aime. Dieu s'irrite, le Père; car, de même que ma parole vient de
non parce qu'il est impatient, mais parce qu'il mon âme, de même le Fils a été enfanté par le
est la réparation et le châtiment. Dieu dort, Père. Pourquoi, vêtement? Parce que j'ai été
non parce qu'il sommeille, mais parce qu'il revêtu de lui par le baptême. Pourquoi, table?
est la longanimité qui attend. Sachez discerner Parce que je me nourris de lui quand je par-
le sens des paroles. Ainsi, quand vous entendrez ticipe aux mystères. Pourquoi, maison? ParcQ
è<)2 TRADUCTION FRANÇAISE DE SAÎNT JEAN CHRYSOSTOME.

que je demeure en lui. Pourquoi habitant? ,


trables. Telle est sa grandeur, telle est sa na-
Parce que nous sommes son temple. Pourquoi, ture, si, toutefois, l'on ose dire : Telle est sa

tête? Parce que nous sommes ses membres. grandeur et telle est sa nature. Mais, moi,
Pourquoi, fiancé? Parce qu'il m'a voulu pour qu'ai-je voulu? Je suis homme , et je parle le

son épouse ? Pourquoi chaste ? Parce qu'il a ,


langage de l'homme ma langue est d'argile ; ;

choisi ma virginité. Pourquoi, maître? Parce j'implore le pardon du Seigneur. Ce n'est pas
que je suis sa servante. une témérité insensée qui m'a fait me servir de
9. Voyez les divers noms donnés à l'Eglise, ces paroles, mais la pénurie de mon infirmité,

comme je vous le disais, tour à tour, épouse, l'indigence naturelle de notre langage. Soyez-
fille, vierge, servante , reine , femme stérile, moi propice, Seigneur; ce n'est pas une témé-
montagne, jardin, mère téconde, lis, fontaine. rité insensée qui m'a fait prononcer ces pa-
C'est pourquoi, si vous avez entendu, n'atta- roles, c'est que je n'en ai pas d'autres; et, ce-
chez pas à tous ces mots un sens matériel; pendant, je ne m'arrête pas à la bassesse de ces
faites un effort de pensée de tels mots ne peu- : paroles chétives, mais je m'élève sur les ailes
vent pas avoir un sens matériel. Par exemple, de grandeur, telle est sa
la pensée. Telle est sa

une montagne n'est pas une vierge; une vierge nature. Je dis ces mots pour que, vous aussi,
n'est pas une épouse une reine n'est pas une
; sans vous arrêter à ces paroles, à l'indigence de
servante. L'Eglise est tout cela. Pourquoi? C'est notre langage, vous appreniez à faire ce que je
qu'il n'y a là rien de matériel, tout est pour tente. Pourquoi vous étonner que je fasse ce

l'àme. Un objet matériel ne pourrait contenir que fait quiconque veut montrer des choses au-
à la fois tout cela mais, dans l'âme, tous les
; dessus de l'homme? Il faut bien, quand on
flotsde la mer s'entendraient à leur aise. La s'entretient avec des hommes, se servir d'i-

Reine se tenait à ta droite. (Ps. xliv, iO.) mages à la portée des hommes, insuffisantes à
Une reine? Celle qu'on foulait aux pieds, la montrer ce qu'on dit, impuissantes à exprimer
mendiante, comment est- elle devenue une toute l'étendue de la pensée, suffisantes pour-
reine? où est-elle montée? En haut se. tenait tant, eu égard à l'infirmité de ceux qui écou-
cette reine. Comment cela? Parce que le roi tent.

est devenu esclave il ne l'était ; mais il pas, 10. Faites un


effort de pensée; ne vous fati-

l'est devenu. Apprenez donc les de la clioses guez pas de longueur de ce discours. Car,
la

Divinité médilez-en l'économie. Apprenez ce


; comme il arrive lorsque Dieu se fait voir,
,

qu'il était, et ce qu'il est devenu pour vous, et qu'il ne fait pas voir ce qu'U est; que son es-
gardez-vous de confusion et, de ce qui prouve ; sence ne se fait pas voir à nu (car perFonne :

sa bonté pour les hommes ne faites pas l'oc- , n'a jamais vu Dieu, ce qu'il est, lui car, bien ;

casion d'un blasphème. Il était élevé, et celle-ci qu'il usât de condescendance les chérubins ,

ôtait dans la bassesse. Son élévation ne lui ve- tremblaient; il condescend, et pourtant les
nait pas du liou, mais de sa nature. Il était sans montagnes fument; il condescend, el pourtant
mélange; indestructible substance; nature in- la mer se dessèche; il condescend, et pourtant
corruptible, incompréhensible, invisible, in- le ciel est bouleversé : s'iln'usait de condescen-
saisissable, éternelle; existence identique; au- dance, qui pourrait le supporter?) donc, comme
dessus des anges, au-dessus des puissances d'en- il arrive que Dieu ne fait pas voir ce qu'il est,
haut; surpassant la raison les yeux sont, pour ; mais seulement ce que peuvent supporter de
l'atteindre, sans pouvoir; ce pouvoir n'appar- lui les yeux (pii le voient, pour cette raison, il
tient (pTà la foi. Los anges le voyaient et trem- se montre ianlùt en vieillard tantôt en jeune .

blaient; les chérubins se couvraient de leurs homme, dans le feu, dans l'air, dms feau ;

ailes, et tous étaient dans la crainte. Son regard quelquefois il est en armes il ne change pas ,

faisait trembler la terre ; il menaçait la mer el sa sul'stance, seulement il prend, pour les yeux,
la desséchait; du désert, il tirait des tleuves; des formes (pii varient selon les circonstances;
les montagnes, il les mettait dans la balance, de même aussi, (juand il veut nous apprendre
cl il [lesait les vallées et leurs bois. Où trouver ,1e lui (pielque chose, il se sert de ligures hu-

des paroles , des images pour vous les mon- maines. Kxeuiple ii monta sur la montagne,
:

trer? Sa graiuleiir n'a pas lie limites; sa sagesse Et il se trnnsfitjura en leur présence^ et son vi-
mesure el le nombre ses jugeinenis
défie la ; scjfjc rp<plcn(i/ssait comme la lumière, et ses
ne pcuvcal être soudés; ses voies sont impéné- vêiernvits étaient blancs comme la neige^
HOMÉLIES SUR LA DISGKACE DËUfROPE. - DEUXIÈME HOMELIE. S93

(Matlh. XVII, 2.) Il laissa voir, veut dire révan- Dieu recherche une impudique? Rien n'est
géliste, un peu de sa divinité ; il leur montra plus vrai. L'homme recherche l'impudique,
le Dieu caché sous cet extérieur, Et il se trans- pour devenir impudi([uc lui-même; Dieu,
figura en leur présence. Faites bien attention à au contraire, recherche l'impudique , pour
la parole. L'évan^^éliste dit Et il se transfigura : faire, de l'impudique, une vierge de sorte ;

en leur présence, et ses vêtements resplendis- que le désir de l'homme est la perte de
saient conmie la lumière, et son visage comme celle qu'il désire ; mais le désir de Dieu est
le soleil. Puisque j'ai dit Telle est sa gran- : le salut de celle qu'il a désirée. Telle est sa
deur et telle est sa nature, et que j'ai ajouté : grandeur et telle est sa nature, et
il a désiré

Soyez-moi propice, Seigneur, je veux (|ue vous l'impudique. Et pourquoi? pour devenir son
sachiez que c'est Ecriture qui m'a enseigné ce époux. Que fait-il?Il ne lui envoie pas un de

langage. L'évangélisle a donc voulu montrer ses serviteurs; iln'envoie pas son ange à l'im-
sa splendeur, et il dit : // resplendissait. Com- pudique il ; ne lui envoie pas un archange il ;

ment resplendissait-il, réponds-moi? Vivement. ne lui envoie pas chérubins; il ne lui en-
les
Et conmient dis-tu Comme le soleil? Comme
: voie pas les séraphins ; c'est lui-même qui se
dis-tu? Sans doute. Pounjuoi? Parce
le soleil, rend auprès d'elle, auprès de celle qu'il aime.
que je ne sais pas d'astre plus brillant. Et il Encore une fois en entendant parler d'amour
était blanc neige? Pourquoi, comme
comme la n'allez pas vous figurer qu'il s'agit de l'a-
la neige? Parce que je ne sais pas d'autre ma- mour des sens. Recueillez les pensées, déta-
tière plus blanche. Car la preuve qu'il ne res- chez-les des paroles, imitez modèle excel- ,

plendissait pas de cette manière vient tout de lent, l'abeille qui voltige sur les fleurs, pre-
suite après. Et les disciples tombèrent par terre. nant le miel et la cire, et laissant tout le reste.
S'il eût resplendi comme le soleil, les disciples II a désiré l'impudique; et que fait-il? il ne

ne seraient pas tombés car ils voyaient le so- ; la fait pas monter jusqu'à lui, car il ne vou-
leil chaque jour, et ils ne tombaient pas mais, ;
drait pas d'une impudique au ciel ; mais c'est
comme il resplendissait plus que le soleil, plus lui qui descend. Comme
ne pouvait paselle
que la neige, c'est pour cette raison que, ne s'élever jusqu'à lui, c'est lui qui est descendu
pouvant pas supporter sa splendeur, ils tom- jusqu'à elle. II va vers l'impudique, et il n'en
bèrent. rougit pas. II se rend où elle se cache. Il la voit
11. Dis-moi donc, ô évangéliste ! il resplen- dans l'ivresse. Et comment se rend-il auprès
dissait plus que le soleil, et tu dis comme le d'elle? Son essence ne se dépouille pas de tout
soleil? Sans doute, je veux vous représenter voile, mais il devient ce qu'était l'impudique.
cette lumière, et je ne connais pas d'astre plus Il ne prend pas sa corruption, mais sa na-

grand, je ne connais pas d'autre image régnant ture, pour que sa vue ne la trouble pas, ne
au milieu des astres. J'ai dit ces paroles avec la la fasse pas se débattre et s'enfuir. Il se rend
pensée que vous ne vous arrêtiez pas à la fai- auprès de l'impudique, et devient homme. Et
blesse de l'expression. Je vous ai montré les comment le devient-il? Il est porté dans des
disciples tombant.
tombèrent par terre
Ils et entrailles, il grandit peu à peu, et il prend la
ils furent plongés dans un lourd sommeil, et route que je peux suivre moi-même. Qui donc ?
ils y étaient ensevelis. Relevez-vous! \t\\v dW-W, C'est le Dieu fait homme, ce n'est pas la divi-
et il les réveilla, et ils étaient appesantis. nité seulement. C'est la forme de l'esclave, ce
(Malth.xvii, 7.) C'est qu'ils n'avaient pu sup- n'est pas la forme du Maître ; c'est ma chair à
porter l'excès de la splendeur, et leurs yeux moi, ce n'est pas son essence à Lui; il grandit
s'assoupirent; ainsi la lumière qui parut sur- peu à peu, et il se mêle parmi les hommes. 11 a
passait le soleil. Si l'évangélisle a dit, comme le beau la trouver remplie d'ulcères, furieuse, ac-
soleil, c'est que cet astre nous est connu et sur- cablée par les démons, que fait-il? Il s'approche
passe tous les autres astres sans exception. Mais d'elle. Celle-ci le voit et s'enfuit. Il appelle les
celui dont je disais telle est sa grandeur et telle mages. Que craignez-vous? Je ne suis pas un
est sa nature, a recherché l'impudique. Une juge, mais un médecin. Je ne suis pas venu
impudique recherchée par Dieu? Oui, ime im- pour juger le 7nonde mais pour sauver le
,

pudique. Je parle de notre nature. Une impu- monde. (Jean, xii, 47.) Il appelle aussitôt les
dique recherchée par Dieu? Mais l'homme qui mages. étranges et incroyables choses! Les
recherche une impudique est condamné^ et prémices apparaissent aussitôt, les mages. Le
Traduction française dé saîxt jeân chîiVsostomé;

Voilàcouché dans une crèche, Celui qui porte d'un potier, vous les briserez, (Ps. ii, ô.) Il nô
dans des langes, Celui qui
la terre, et le yoilà dit pas , comme les vases de terre cuite*, que
enveloppe l'univers. Ce qui est couché, c'est le chacun possède car les vases du potier sont:

temple, et celui qui l'habite, c'est Dieu. Et les ceux que le potier fabrique sur sa roue; et les
mages arrivent, et l'adorent aussitôt; arrive le vases du potier sont d'argile tandis que les ,

liublicain, et il devient évangéliste ; arrive la nôtres sont de terre cuite. Donc le Prophète,
courtisane, et elle devient une vierge ; arrive annonçant la recomposition par le baptême,
la Chananéenne éprouve sa charité.
, et elle comme les vases d'un potier, dit-il, vous les

C'était le propre d'un cœur plein d'amour de briserez. Nouvelle forme, dit-il, corps de nou-
ne pas réclamer les comptes sévères des pé- veau pétris. Je me plonge dans les eaux du
chés, mais de pardonner les délits et les fautes. baptême, et ma forme est renouvelée, le feu de
Eh bien que fait-il? Il prend l'humanité, il fait
1 l'Esprit la reconstitue , et de là la terre cuite.

ses fiançailles avec elle. Et que lui donne-t-il? Et ce qui prouve qu'il n'y a pas là un étalage
Un anneau. Lequel? l'Esprit-Saint. Ecoutez Paul: de paroles, écoutez Joû' : /^ nous a faits dar-
Le Dieu qui affermit notre société avec vous, le gile. ( Job, x, 9. ) Voici PauJ : Gardant ce tré-
Dieu qui nous a scellés de son sceau, et qui nous sor dans des vases [de terre cUu?- (H Corinth.
a donné les anches de l'Esprit. (II Corinth. i, 21 IV, 7.) Considérez la force de la îtTre cuite,
^
2-2. ) C'est l'Esprit qu'il lui donne. Ensuite, il lui ici : c'est qu'il n'est pas question de la terre
adresse ces mots : Ne l'ai-je pas plantée dans cuite dans le feu, mais dans l'Esprit. Comment, S
le paradis? Elle répond, oui. Et comment en vases de teri^e cuite? Ecoutez; Cinq fois, j'ai
es-tu déchue? Le diable est venu, et il m'a reçu trente-neuf coups de fouet ; trois fois j'ai
prise, et m'a tirée du paradis. Tu avais été
il clé frappé de verges; une fois j'ai été lapidé
plantée dans le paradis, et il t'en a chassée ; (II Corinth. xi, 2i, 25), et le vase de terre cuile
voici que je te plante en moi, c'est moi qui te n'a pas été brisé. Un jour et une nuit, je suis
porte. Comment? il n'ose pas s'approcher de resté au fond de la mer. Il est resté au fond de
moi. Je ne te fais pas monter dans le ciel, mais, la mer, et le vase de terre cuite ne s'est pas
ici, tu seras plus grandement qu'au ciel c'est : dissous; il à fait naufrage, et le trésor n'a pas
en moi-même, en moi, le Maître du ciel, que été perdu. Le navire a été englouti , et le
je le porte. Le berger |)orlc la brebis, et le loup chargement a surnagé. Gardant ce trésor.
n'approche plus; ou plutôt je lui permets d'ap- Quel trésor? Les provisions de l'Esprit, la jus-
procher. Il porte notre nature, et le diable tice, la sanctification, la rédemption. Quel tré-
s'approche, et il est vaincu. Je t'ai plantée en sor? Pu'pondez-moi. Au nom de Jésus-Christ,
moi. Voilà pourcjuoi il dit Moi, je suis la ra- : lève-toi et marche. (Act. ni. G.) ^Encée, Jésus-
cine, et vous, les sarments (Jean, xv, 5), et il Christ te guérit. ( Act. ix, 3i. ) Je te le dis, es-
l'a implantée en lui. Et après? Mais je suis un prit impur, sors de ce corps. (Act. xvi, 18.)
pécheur, dit l'iiomme, et un être immonde. 12. Avcz-vous compris ce trésor, plus ma-
Ne t'inquiète pas, je suis médecin. Je connais gnifique (juc tous les trésors des rois? Car quelle
mon vase, je sais connuent il a été détérioré. perle royale a le pouvoir des paroles de l'Apô-
Il était d'argile d'abord, et il a été détérioré. tre? Mettez mille et dix mille diadèmes sur
Je le renouvelle par un baptême de régénéra- des morts, vous ne les réveillez pas; une seule
lion, et je le livre au feu. Voyez bien I il a pris parole est sortie de lApôlre, et la nature re-
de la terre et il en a l'homme; il la fa-
fait devenue docile, et la voilà rétablie en
belle est
çonné. Le diable est venu, il l'a détérioré. Il son premier état. Gardant ce trésor. trésor
est venu, Lui, et, de nouveau, il l'a rcpélri, et non-sculenicnt conservé dans la maison, mais
il lui a donné une nouvelle forme dans le bap- conservant la maison qui le possède! Avez-
tême, et, celte fois, il n'a pas voulu que son vous compris? Les rois, les princes de la terre,
corps fût simplement d'argile , mais il Ta fait quand ils ont des trésors, construisent da
de terre cuile. H a livré l'argile au fou de IKs- grands édifices; il leur faut des murailles, des
l)ril : Lui-mvmc vous baptisera dans rjisprit- verroux, des portes, des gardes, des serrures,
^aiiif et dcnis le feu (Matlb. ui, 1 i); dansl'oau, pour conserver le trésor; le Christ a fait tout
pour réformer; dans le feu, pour consolider.
C'est pounjuoi le Prophète, inspiré d'en-liaut, '
Le va^c de potier, cVst le rase qui n'a p»' er.rr-re pa«ïr pir l6
feu ; le vase de terre cuite c'est le même vase (jiie le feu a durci.
disait longtemps d'avance : Conunc les vases Ccitc mcue Uutincuoa c»l déjà Uau> la i<rcaiièiu cuicch«60i
.lES SUK LA DISGRACE D'ELTilOMS. - DEUXIEME lIO.'îELiE. 21)5

le contraire : ce n'est pas à une construction 43. Attention! pourquoi cette dot annoncée
de pierre qu'il confie le trésor, il le met dans d'avance? Il a stipulé pour moi, dans ma dot,
un vase de terre cuite. Si le trésor est grand, la résurrection des corps, l'incorruptibililé.

pourquoi ce vase fragile? Eh le vase est fra- ! C'est que la résurrection n'a pas pour onsé- (

gile, justement parce que le trésor est grand ;


quence nécessaire l'incorruptibilité mais c'é- ;

c'est qu'il n'est pas conservé par le vase, mais taient deux faits dislincls. Il y a eu beaucoup
c'est lui qui conserve le vase. C'est moi qui dé- de morts ressuscites, lesquels sont morts de
pose le trésor, qui donc peut voler? Le dia- le nouveau exemples, Lazare et les curps des
;

ble est venu , la terre est venue, des milliers saints. Mais lui n'agit pas de même; il nous

d'hommes sont venus, et ils n'ont pas volé le promet résurrection, incorruptibilité, notre
trésor ; on a flagellé le vase , et le trésor admission dans le chœur des anges, la venue
n'a pas été livré ; la mer a tout englouti, et du Fils au milieu des nuages, et il nous dit
il n'y a pas eu naufrage y a eu mort
; il et , que Nous serons toujours avec le Sei'
:

le trésor demeure. 11 a donc donné son gage. gncur. (1 Thess. iv, i7.) Il nous promet encore
Où sont-ils les blasphémateurs de rEs[)rit ? l'affranchissement de la mort, la déli\rance
Faites attention Le Dieu qui affermit notre
: du péché, la destruction de la mort. Que si-

société avec vous dans le Christ et qui nous a , gnifie cette fin? Les choses que l'œil n'a pas
donné les arrhes de r Esprit. (Il Cor. i, 21-22.) vues , et que l'oreille n'a pas eiitendues et ,

Vous savez tous ce qu'on appelle arrhes, une qid ne sont pas entrées dans le cœur de
partie peu importante du tout comment cela? ; l'homme et que Dieu a préparées pour ceux
,

Ecoulez Un homme va acheter une maison


: qid l'aiment. (I Corinth. ii, 9.) Me donnez-
d'une valeur considérable, et il dit Donnez- : vous donc des biens (|ue je ne connais pas?
moi des arrhes, pour ma sûreté. Un homme Oui, répond-il c'est ici que je t'épouse, c'est
:

va conclure un mariage il convient de la dot , ici que tu dois m'aimer. Pourquoi ne me

et de tous les arrangements, et il dit Donnez- : donnez-vous pas ma dot ici? Quand tu seras
moi des arrhes. Soyez attentifs dans l'achat ! venu vers mon Père; quand tu seras vciia
d'un esclave , des arrhes et dans tous les mar- , dans mon palais. C'est moi qui suis venu vers
chésqu'on passe, des arrhes. Eh bien donc! dans toi est ce que c'est toi qui es venu me trou-
;

le contrat que le Christ a fait avec nous (car il ver? Je ne suis pas venu jwur que tu continues
devait me prendre pour son épouse), il stipule à demeurer ici, mais je suis venu pour te
une dot aussi en ma faveur, apport non d'ar- , prendre et remonter. Ne cherche pas ici ta
gent, mais de sang. Or la dot qu'il stipule pour dot: tout, en espérance; tout par la foi. Et ,

moi c'est la richesse des biens que l'œil ?ia


, ,
vous ne me donnez rien ici ? Reçois des arrhes,
pas vus, que l'oreille na pas entendus et qui , répond-il, pour ajouter foi à l'avenir qu<' je

ne sont pas entres dans le cœur de l'homme. t'annonce; prends des nantissements, prends
(I Corinth. u, 9.) Il m'a donc stipulé en dot, les gages des fiançailles. Aussi Paul dit Je me :

l'immortalité le bonheur de le louer, au mi-


, suis fiancé avec vous. (Il Corinth. xi, 2.)
lieu des anges , d'être affranchi de la mort, Connue on donne des gages aux fiançailles,
délivré du péché ; l'héritage de sa rovauté ainsiDieu nous a donné les biens présents ce ;

(quelles richesses !) la justice, la sanctification, sont des gages de fiançailles les biens pié- ,

l'aflranchissement qui vous arrache au monde senls; ce sont des arrhes. La dot tout entière
présent, et fait trouver les biens à venir. C'é- est là-haut. Cumment cela? je vais vous le
tait pour moi une dot considérable. Soutenez dire : ici, je vieillis ; là-haut, je ne vieillis pas;
votre attention. Voyez ce qu'il fait. Il est venu ici, je meurs; là-haut, je ne meurs pas; ici, je

prendre la courtisane. Si je vous parle de l'im- m'afflige; pas d'aftliction; ici, pau-
là-haut,
pureté de la femme, c'est pour vous faire com- vreté, maladie, perfidies ; la-haut, rien de pa-
prendre l'amour de l'époux. Il est venu, il reil ; ici , les ténèbres et la lumière là-h.iut, ;

me prend, il me stipule une dot; il me dit Je : la lumière seule ; ici, les trames insidieuses ;

te donne ma fortune. Comment? Tu avais là-haut, la liberté; ici, la maladie; là-haut, la


perdu, dit-il, le paradis? reprends-le. Tu avais santé; qui a une fin là-haut, la vie
ici , la vie ,

perdu, dit-il, la beauté? reprends-la; reprends sans fin péché; là-haut, la justice, mais
; ici, le

tout cela. Mais la dot ne m'a pas été donnée le péché jamais ici l'envie là haut, rien
; , ,

pour en jouir ici. de pareil. Donnez-moi cela. Attends pour —


TRADUCTION FRANÇAISE DE SAïNT JEAN CHR\SOSTOME.

que tes compagnons d'esclavage soient sau- divines. Comment put-il suffire à cette tache?
vés avec toi, attends. Celui qui nous affermit, par la grâce de l'Esprit. C'était un homme
nous a aussi donné les arrhes. Quelles arrhes? d'ailleurs dépourvu de tout, nu, déchaux,
L'Esprit-Saint, les provisions de l'Esprit. Je celui qui distribuait les arrhes de l'Esprit.
parle de l'Esprit. Il a donné aux apôtres son Ce qui lui fait dire Et qui est capable :

anneau , avec ces paroles : Prenez et donnez à d'un tel ministère? (Il Cor, ii, 16.) Si nous en
tous. Est-ce que l'anneau se partage ? On le par- sommes capables^ c'est par Dieu, qui nous a
tage et on ne le divise pas on le partage et on ; retidiis capables d'être les ministres de la nou-

ne le consume pas. Apprenez les dons de l'Es- velle alliance ; pas


no?i de la lettre, mais de
I)rit. Pierre a reçu , et Paul aussi a reçu l'Es- l'esprit. (II Cor. m5, 6.) Voyez ce qu'a fait
,

prit-Saint. Il parcourait la terre, délivrait les l'Esprit ! il a trouvé la terre pleine de démons,
pécheurs du péché, redressait les boiteux; etil en a fait le ciel. N'arrêtez pas votre pensée

donnait des vêtements à ceux qui étaient nus, aux choses présentes, mais reprenez les autres,
ressuscitait les morts, puriflait les lépreux, fer- par vos conceptions. C'était le deuil, partout
mait la bouche au diable, suffoquait les dé- des autels, partout de la fumée, partout l'odeur
mons, s'entretenait avec Dieu, faisait fleurir l'E- des graisses brûlées, partout des fornications,
glise, renversait les temples , détruisait les au- partout des initiations, partout des sacrifices,
tels, dissipait la malice ,
plantait la vertu dans partout les transports des démons, partout la
les cœurs, et, des hommes, il faisait des citadelle de l'enfer, partout la fornication re-
anges. cevant la couronne, et Paul était tout seul.
14. Voilà quelle était notre condition. Les Comment n'a-t-il pas été englouti? Comment
arrhes célestes ont rempli la terre entière. En- n*a-t-il pas été mis en lambeaux? Comment
tière, cela veut dire, tout ce que voit le soleil, a-t-il pu ouvrir la bouche ? Il est entré dans la
la terre , la mer , les îles , les montagnes , les Thébaïde les peuples sont devenus ses prison-
;

vallées , les collines. Planant partout comme niers. H est entré dans "les palais des rois, et
un oiseau , sans autres armes que le bruit de voilà que celui qui était roi est devenu son dis-
sa voix, Paul a paru
, ce fabricant de tentes, ce ciple. 11 est entré où siègent les juges, et voilà
corroyeur, qui cousait des peaux; et cette in- que le juge lui dit Vous fne persuadez presque
:

dustrie n'a pas été un obstacle à la vertu, mais de devenir chrétien [kd. xxvi, 28] et le juge ;

le fabricant de tentes s'est trouvé plus fort que est devenu son disciple. Il est entré dans la
les démons; celui qui n'avait pas d'éloquence, prison et il a conquis le geôlier. (Act. xvi, 29 et
était plus philosophe que les philosophes. suiv.) Il s'en est allé dans une île des barbares,
Comment cela? Il avait reçu les arrhes; il por- et, d'une vipère, il a fait un docteur. (Act.
tait l'anneau et le faisait voir autour de lui. xxvni et suiv.) Il s'en est allé chez les Ro-
Tous les regards contemplaient notre nature mains, cl il a gagné le sénat à sa cause. Il s'en
fiancée au roi : le démon vit les fiançailles, et est allé vers les Ueuves, il s'en est allé dans
se retira; il vit les divines arrhes, et il trem- tous les lieux déserts. Pas une terre, pas une
bla, il recula; il vit les vêtements nouveaux, et mer, que sa voix n'ait redressée ; car il a Jonué
il prit la fuite. puissance de l'Esprit ce n'est ! les divines arrhes de l'anneau, et celui qui les
pas seulement à l'àme qu'il a donné le pou- donne prononce ces paroles voici ce que je :

seulement au corps, mais aussi au vêle-


voir, vous donne dès ce moment le reste, je vous ;

ment et non-seulement au vêtement, mais


; le promets. De là, ces paroles que lui adresse
à l'ombre. Pierre allait et venait, et son ombre le Proi)lièle La reine se tenait à ta droite avec
:

mettait en fuite les maladies, et chassait les un vêtement enrichi d'or. (Ps. xliv, 10.) Ce
démons, et réveillait les morts. Paul allait et n'est pas le vêtement qu'il désigne, mais la

venait parcourant la terre, relranchant les épi- vertu. De là, ces autres paroles de l'Ecriture :

nes de l'impiété , répandant les semences de la Comment es-tu entre ici sans robe nuptiale ?
piété , agriculteur excellent ,
poussant devant (Malth. XXII, 12). Ce n'est pas la robe qu'il dé-
lui la charrue de la doctrine. Et quels furent signe, mais la fornication, la vie souillée, l'im-
les hommes qu'il visita? Des Thraces, des Scy- puieto. Semblable à un vêtement souillé, tel
thes, des Indiens, des Maures, des Sardes, des est le péché ;
pareille à des vêlements enrichis
Golhs, des bêtes farouches, et il renouvela tout d'or, telle est la vertu. Mais ce costume appar-
cela. Par quelle vertu? par la vertu des airUcs Icuait au roi, et le roi l'a donne à sa ûaucéc i
HOMÉLIES SUR LA DISGRACE D'EUTRÔPE. - DEUXIÈME HOMÉLIE. î^l

tàT elle était nue, nue et défigurée. La reine seulement soyez dans l'Eglise, seulement soyez
$e tt/iitit à ta droite avec un vêtement enrichi vêtu, seulement soyez soumis à la reine. Vête-
dor. Ce n'est pas le vctenienl qu'il désigne, ment enrichi d'or, vêtement varié. Je ne vous
mais la vertu. Il ne dit pas, vêtue d'or; atten- ferme pas la route car l'abondance des vertus
;

tion 1 L'expression est riche et profonde. 11 ne a rendu facile l'administration du roi. Recou-
dit pas. vêtue dor^ mais avec un vêlement cn- verte d'un vêtement enrichi d'or, d'une robe
riclù d^or. bien. Un vêtement d'or,
Cominencz varice. La variété est dans son costume. Pé-
est tout entier d'or mais un vêtement enriclii
; nétrez, si vous le voulez bien, dans la pro-
d'or, a des parties d'or, d'autres, de soie. Pour- fondeur de cette expression, considérez le vê-
quoi donc ne donne-t-il pas à la fiancée un tement enrichi d'or. Voyez les uns sont des :

vêtement mais un vêtement enrichi d'or?


d'or, moines, les autres, sous les lois d'un muriage
S(iut< nez avic soin votre attention. Le Prophète austère ne le cèdent pas de beaucoup aux
,

entend par là la constitution de l'Eglise, consti- premiers d'un côté sont maintenant ceux qui
;

tution vai iée. En t ITet, notre vie à tous n'est n'ont connu qu'une fois le mariage, d'un au-
pas unilbrme à l'un ; la virginité, à l'autre le tre, les veuves dans la fleur de l'âge. Pourquoi
veuvage, à cet autre les exercices de la piété : dit-on le paradis? pourquoi ce jardin varié?
le vêtement de l'Egli.^e, c'est la constitution de C'est qu'on y trouve la diversité des fleurs et
l'Eglise. des arbres, les perles en grand nombre. Il ya
Donc Notre-Seigneur, sachant bien que,
irj. un grand nombre d'étoiles, mais un s ul so-
8 il nous proposait une seule et m me route, kil; un grand nombre de vies, mais un seul
un grand nombre vivraient dans une molle paradis; un grand nombre de temples, mais
langueur, nous a proposé des routes diverses. un seul paradis; un grand nombre de temples,
Tu ne peux pas suivre la virginité? prends la mais une seule mère. On appelle telle chose le
route du mariage unique. Tu ne peux pas te corps , telle autre chose les yeux, telle autre
contenter d'un muriage unique? eh bien ! suis chose encore le doigt, mais tous nous ne fai-
la route où se trouvent les deux mariages. Tu sons qu'un. Car c'est la même chose, le petit,

ne peux pas suiv^î la continence?suis la route le grand, le moindre. La vierge a besoin de


de l'aumône. Tu ne peux pas suivre l'aumône? celle qui a connu le mariage, car la vierge
suis la route du jeune. Tu ne peux pas aller vient du mariage, qu'elle ne méprise donc pas
par ce chemin ? viens par celui-ci. Celui-ci ne le mariage. La vierge est la racine du mariage.
te va pas? viens par cet autre. Voilà pourquoi Tout est ensemble lié, les petites choses aux
le Prophète n'a pas dit un vêtement d'or, grand, s, les grandes aux petites. La reine se
mais enrichi d'or. Un vêtement est de soie, ou tenait à ta droite, avec un vêtement enrichi
de pourpre, ou d'or. Vous ne pouvez pas être dor, avec une robe vanée. (Ps. xliv, 40.) Le
vêtu d'or, portez un vêtement de soie. Je vous reste maintenant Ecoute, ma fille. Celui qui
:

accueille seulement soyez vêtu. Voilà pour-


, te conduit à ton époux, te dit que tu sors pour
quoi Paul dit à son tour Si Voji élève sur ce : aller trouver l'époux qui t'est supérieur par la
fondement un édifice d'or, d'argent, de pierres substance, supérieur par la nature. C'est moi
précieuses. (I Cor. ni, 12.) Vous ne pouvez pas qui te conduis à ton époux. Ecoute, ma fille.
être pierre précieuse ? soyez de l'or. Vous ne Est-elle donc toutde suite devenue son épouse?
pouvez pas êlre de l'or? soyez de l'argent, oui, assurément. Car il n'y a rien ici pour le
seulement montrez-vous sur un fondement. Et corps. 11 se l'est fiancée comme une épouse il ;

maintenant ailleurs Autî'e est l'éclat du so-: la chérit comme une fille il en a soin comme ;

leil, autre l'éclat de la lune, autre encore, d'une servante; il la comme une
conserve
r éclat des étoiles. Vous ne
(I Cor. xv, 41.) vierge; il l'entoure d'un mur comme un jar-
pouvez pas être le soleil ? soyez la lune. Vous din ; il est le membre qui la sert; la tête, qui
ne pouvez pas être la lune ? soyez une étoile. prévoit pour elle; la racine qui la rend fé-
Vous ne pouvez pas être une grande étoile? Eh conde ; le berger qui la conduit dans les pâtu-
bien, soyez-en une petite, seulement montrez- roges; l'époux qui s'attache à elle; le propi-
vous dans le ciel. Vous ne pouvez pas être tiateur plein d'indulgence ; la brebis qui se
vierge ? Mariez-vous avec la continence, seule- laisseimmoler; l'époux qui conserve la beauté
ment soyez dans l'Eglise. Vous ne pouvez pas de son épouse, le mari qui veille à tous ses in-
vous passer de richesses? faites raumône, térêts. Ici les pensées abondent, sachons met-
ÏRADUCTIÔN FÏIANÇàÎSË DE SAiKî JEAN CHRy^ÔSTÔMË,

ife à profit la moindre partie des biens qui parés pour ceux qui l'aiment. [\ Cor. ii, 9.)
nous sont ménagés. Ecoute, ma fille, et vois, et i6. Comprenez bien ce qui vous est dit, ne
considère les avantages de l'ulliance nuptiale, laissez pas les paroles se perdre, je me faligue
les avantages spirituels. Ecoute, ma fille. Cette afin que vous compreniez. 11 y avait donc deux
fille était d'abord la fille des démons, fille de parts de sa dot; l'une pour le présent, l'autre
la terre, indigne de la terre, et la voilà main- pour l'avenir; l'une pour ce que voient ks
tenant devenue la fille du roi, c'est là ce qu'a yeux, l'autre pour ce que les oreilles enten-
voulu celui qui l'aime. Carcelui qui aime, s'in- dent; l'une pour les dons effectués, l'autre
quiète peu de la forme; l'amour ne voit pas la dif- pour ceux que la foi attend l'une pour l'expé- ;

formité. Voilà pourquoi lesgrecsrappellentâfuî, rience, en même temps la jouissance, l'une


parce que souvent ilaime ce qui est diOorme. pour la vie présente, l'autre pour les temps
Ainsi a fait le Christ lui-même ; il a vu un après la résurrection. L'une, vous la voyez,
objet sans beauté (car je ne dirai certes pas l'autre vous l'entendez annoncer. Voyez donc
qu'il avait vu la beauté), il l'a aimé, et il lui ce qu'il lui dit, pour (ju'elle ne s'imagine pas
donne la jeunesse, il en fait disparaître les ta- qu'elle n'a reçu que la [tart piésente toulefois ;

ches et les rides. l'époux qui embellit la dif- cette part même était grande, d'un prix inef-
formité de celle qu'il épouse 1 Ecoute, ma fille, fable, au-dessus de toute pensée. Ecoute, ma
écoute et vois. Il deux choses, Ecoute, et
dit fille, et vois ; écoute ce (lu'on te dit des biens à
aussi, vois, deux choses à faire, qui dépendent venir , et vois ces biens présents ;
je ne veux
de toi, l'une de tes yeux l'autre de tes oreilles.
;
pas que tu dises : Encore esjtérer ? encore at-
Donc, vu que sa dot était dans ce qu'elle avait tendre parla foi? encore des biens à venir?
entendu —(s'il en est parmi vous qui devinent Tiens, regarde donne
; ces biens-ci, je te les ;

plus vite que les autres, il leur faut attendre ces autres, je le les prometsdonc ces autres ;

ceux dont l'esprit va plus lentement je loue : biens sont en espérance, mais prends ceux-
ceux d'entre vous qui devancent le discours, ci comme gages ceux - ci à titre d'arrhes,
,

et je n'en veux pas à ceux qui le suivent) ;


— ceux-ci comme échantillon. Je te promets
vu que sa dot était dans ce qu'elle avait en- un royaume ; crois -en les gages que tu
tendu — (qu'est-ce à dire, dans ce qu'elle avait tiens à présent, crois en moi. Vous me pro- —
entendu? dans la foi Car la foi vient de ce
: mettez un royaume ? Oui je l'ai douué — ,

qu'on a entendu. (Rom. x, 17.) Dans la foi, non plus encore je t'ai donné le Maître du
,

dans la jouissance, non dans l'expérience faite loyaume Celui qui na pas épargné son pro-
:

de toute chose) , —
j'ai conmiencé par dire pre Fils, viais l'a livré pour nous tous; com^.
qu'il avait divisé sa dot en deux parts , l'une ment ne nous donnera-l-il pas toutes choses avec
qu'il lui avait donnée à titre d'arrhes , l'autre lui? (Uom. vni, 3-2.) Vous accordez la ré- —
qu'il lui avait promise pour le temps à venir. surrection des corps ? oui, je t'ai donné plus. •—
Que lui a-t-il donné? il lui a donné le pardon Quoi donc? d'être délivrée du péché. En quoi
des péchés, la rémission du chàliment, la jus- est-ceun plus grand don? c'est que c'est le
tice, la sanclificalion, la rédemption le corps , péché qui a enfanté la mort. Le mal a mis
du Seigneur, le banquet divin, spirituel, la ré- au monde le chàliment. J'ai tué la mère ,

surrection des morts. Car tous ces dons furent et je ne tuerais pas le fils ! j'ai séché la racine,

faits aux apôtres. Donc cerlains i)résonls ont et je ne supprimerais pas le fruit Ecoute ma
!

«,lé donnés, d'autres promis les uns livrés à ; fille, et vois. Que puis-je voir? Les morts ré-
l'expérience pour en jouir les autres livrés à ; veillés, les lépreux purifiés, la mer soumise à
l'espérance, à la foi. Ecoutez encore : Qu'a-t-il un frein, le paralytique dont les membres se
donné? le bai)ltMiie, le sacrilice pour en jouir remuenl , le paradis ouvert, les pains multi-
actuellement. Voyez maintenant, (|u'a-t-il |)ro- pliés, les péchés remis, le boiteux qui saute, le

mis? La résurrection, lincorruplibilité, l'u- larron devenu citoyen du j)arailis, le publicaiu


nion avec les anges, l'entrée dans le chœur devenu évangélisle, la fenune inquulique de-
des archanges , l'admission aujuès de lui venue plus respectable ({u'une vierge. Ecoute
dans sa cité, la vie sans mélange, les biens et vois ; écoute les choses qui doivent venir, et
que Vœil n'a pas vus, et que l'oreille n'a vois les choses présentes. Prends celles-ci pour
pas entendus, et qui ne sont pas entrés preuves; je t'ai donné des gages de mes pro-
dafis le cœur de l'homme , et que Dieu a pré- messes, des gages plus grands que les pro-
HOMÉLIES scn LA DISGRACE D'EUTRÔM. - DEUXIÈME HOMELîEi

tnesses. Eh que vas-tu ! dire ? voilà quels sont volonté ? On s'accorde à l'attribuer à la nalurèV
mes biens à moi : Ecoute ma fille, et vois. Attention, pour apprendre les pensées des phi-
Voyons la dot; quel est l'apport de l'épouse? losophes. Cette beauté, la beauté du visage,
voyous. Toi aussi, feinme, apporte quelque des yeux, de la chevelure, du front, ne peut
chose ;
qn'apportes-lu, afin de ne pas te présen- être qu'un effet de la nature ou de notre vo-
ter sans dol ? — Moi, que pourrais-je, répond- lonté. Evidemment c'est un efletde la nature.
elle,vous apporter des autels des faux dieux ? Ce qui le prouve, c'est que la laide a beau re-
de la fumée, de la graisse des sacrifices, du courir à mille et mille artifices pour s'em-
culte des démons? quelle dot puis-je vous of- bellir, impossible à elle de devenir belle,
1/ ir ? quelle dot ? la bonne volonté et la foi. — quant au corps car les choses de la nature
:

Ecoute, ma fille, et vois. —


Et que voulez- vous matérielle ne changent pas, restent fixées dans
que je fasse? Oublie ton peuple. (Ps. xliv, il.) des limites infranchissables. Donc la belle ,

Quel peuple? les démons, les idoles, la fumée, est toujours belle , môme sans chercher à
la graisse des sacrifices sanglants. Et vois, et s'embellir; et ni la laide ne peut s'embellir, ni
oublie ton peuple, et la maison de ton père. la belle s'enlaiflir. Pourquoi? c'est que ces
Quitte ton père, et viens à moi. J'ai bien quitté effets dépendent de la nature. Avez-vous bien
mon Père, moi, et je suis venu auprès de toi, compris la beauté du corps? Faisons-la compa-
et toi tune quitterais pas ton père? Il est bien raître devant l'âme la servante devant la maî-
;

entendu que quand le Fils dit, j'ai quitté mon tresse. Conduisons-la devant l'àme. Voyez cette
Père, il ne faut pas l'entendre comme d'un dé- autre beauté, ou plutôt écoutez -la car vous , ;

laissement réel, c'est comme s'il disait, j'ai ne pouvez pas la voir car elle est invisible. ;

condescendu à la faiblesse, j'ai opéré un mys- Ecoutez cette autre beauté. Qu'est-ce donc que
tère, je me suis incarné. Voilà ce que fait l'é- la beauté de l'àme ? La modération, la conve-
poux, voilà ce que fait l'épouse , tous deux nance, l'aumône, la charité l'amour pour ,

abandonnent leurs parents; et ils s'unissent. ses frères , la bienveillance , l'obéissance à


Ecoute, ma fiile, et vois, et oublie ton peuple, Dieu, l'accomplissement delà loi, la justice,
et la îuaison de ton père. Et que me donnez- la contrition. Voilà les parures de l'àme. Et
vous, si je l'oublie ? et le roi désirera voir ta certes voilà des beautés qui ne dépendent pas
beauté. Tu
as pour amant le Seigneur. Si lu de la nature, mais de notre volonté. Oui, ce-
l'as pour amant, tu as aussi ce qui lui appar- lui qui ne les possède pas, peul se les procu-
tient je suppose que vous pouvez comprendre
;
rer, tandis que celui qui les possède, les perd
l'entretien c'est que la pensée en est délicate,
; en se néjiligeant. Je vous disais, en ce qui
et je veux coudre ensemble ici des lambeaux de concerne le corps, que la laide ne peut pas de-
la langue des Juifs. venir belle; quanta l'àme, c'est le contraire que
Soutenez bien votre attention. Soit qu'on je vous dis, la laideur de l'àme peut se chan-
m'écoute soit qu'on ne m'écoute pas
, je ,
ger en beauté. En effet, quelle àme fut moins
creuse, je.laboure. Ecoute, ma fille, et vois, et belle que celle de Paul blas[)liémateur , in-
oublie ton peuple maison de ton père,
, et la sulleur , et quelle àme
que la fut plus belle
et le roi désirera de voir ta beauté. La beauté sienne, qand on l'entendait dire, fai bien com-
que le juif entend ici , c'est la beauté sensible ;
battu j'ai achevé ma course, f ai gardé la foi ?
,

ce n'est pas la beauté de l'esprit, mais celle du (II Tim. IV, 7.) Quelle àme fut moins belle que

corps. celle du larron et quelle âme fut plus belle


,

17. Soyez attentifs ; apprenons quelle est la que la sienne quand il entendit ces paroles,
,

beauté du corps, et quelle est la beauté spiri- En vérité je vous le dis , aujourd'hui vous se-
tuelle. y a l'àme il y a le corps il y a deux
11 , , rez avec moi dans le paradis ? (Luc, xxiii, 43.)
substances il y a la beauté du corps, et il y a
; Quelle àme fut moins belle que celle du publi-
la beauté de l'àme. Qu'est-ce que la beauté cain rapace et quelle àme fut plus belle que
,

du corps? Des sourcils étendus, des regards la sienne, quand il prononça sa propre sen-
souriants, l'incarnat des joues, la pourpre des tence? Vous voyez que vous ne pouvez changer
lèvres, le cou droit, la chevelure flottante, les la beauté du corps, car ce n'est pas un ellèt
doigts d'une longueur, le buste bien
belle de notre volonté mais de la nature. Au con-
,

porté, la blancheur des lis. Cette beauté du traire, la beauté de l'âme


nous vient de notre
corps est-elle un effet de la nature ou de notre volonté. Vous avez entendu les principes qui
ôoo TRADLLiiU.N IIUINÇAISE DE SAINT JE.LN CtiiiVSOSTOME.

la constituent. Quels principes? A savoir que voyez quelle ne sera pas beauté de son âme. la

la beauté de râmevient de robéissance à Dieu. C'est pourquoi comme , de l'épouse la laideur

Car si l'àme frappée de laideur obéit à Dieu, n'était pas celle qui vient de la nature, mais
elle se dépouille de sa laideur, et devient belle. celle qui vient de la volonté ( attendu qu'au
Saul^ Saul, pourquoi me persécutez-vous ? Il lieu d'écouter le Seigneur, elle avait prévari-

répondu : qui êtes-vous, Seif/neur ? Je suis qué), pour cette raison, il lui applique un nou-
Jésus. (Act. IX, 4, 5.) Et il obéit, et son obéis- veau remède. Ta laideur était donc l'effet, non
sance changea la laideur de son âme en beauté. de la nature, mais de ta volonté et tu es deve- ,

Autre parole adressée au publicain


, Venez, : nue belle par l'obéissance. Ecoute ma fille , ,

suivez-moi. (Matth. ix, 19.) Le publicain se leva, et vois et oublie ton peuple, et la maison de
,

et devint un apôtre son âme, dépouillant sa


: ton père, et le roi désirera de voir ta beauté.
laideur, devint une belle âme. En vertu de Ensuite, pour vous faire bien comprendre,
quoi? de l'obéissance. Autre parole, adressée qu'ilne veut exprimer par ces paroles rien de
aux pécheurs Venez, suivez-moi et je vous
: ce qui frappe les sens pour que ce mot de ,

ferai pêcheurs d'hommes (Matth. iv, 19), et l'o- beauté ne vous représente ni l'œil, ni le nez,
béissance leur donna la beauté de la pensée. bouche, ni le cou mais la piété, la foi,
ni la ,

Voyons ici quelle est la beauté qu'il exprime. la charité, lesdons qui se trouvent au dedans
Ecoute, ma fille, et vois, et oublie to)i peuple ,
de nous, il ajoute Car toute la gloire delà
:

et la maison de ton père, et le roi désirera de filledu roi lui vient du dedans. (Ps. xliv,
voir ta beauté. Quelle beauté désirera-t-il voir? 14.) Pour toutes ces grâces, glorifions le Sei-

la beauté de l'âme. Pourquoi ? Parce qu'elle a gneur à qui nous sommes redevables de ces
oublié son peuple. Il dit : Ecoute donc, et ou- dons, à qui seul appartient la gloire, l'hon-
blie. Ce sont là des actes de notre volonté. neur, la souveraineté, dans les siècles des
Ecoule, dit-il. Celle qui était laide écoute et , , siècles. Ainsi soit-il '.

sa laideur ne s'en va pas, la laideur du corps.


* Il y a dans ce morceau tant de mauvais (oût qu'il ast lapoMibl*
Dites à la pécheresse, écoute, et si elle obéit. de croira qu'il soit de saint Jean Chrysostome.
HOMÉLIE

LûilSQDE SATURNIN ET AURÉLIEN FURENT ENVOYÉS EN EXIL.

AVERTISSEMENT & ANALYSE.

€amas, général des Goths, un de ceux qui avaient sollicité la disgrâce d'Eutrope, fier d'avoir causé la chute d'un ministre puis-
sant, abusa de la faiblesse d'un prince paresseux et timide. Il raenaça Arcadius de tout ravaser avec ses troupes, si on ne lui
livrait Aurélien, Saturnin et le comte Jean. C'étaient les premiers hommes de cour elles principaux personnai^cs de l'empire.
la

Gainas les craignait tous les trois, et il ne cacliait pas le dessein qu'il avait de leur donner ta mort. Ils furent sacriûés à la
haine du barbare on plutôt ils se dévouèrent généreusement eux-mêmes au salut de l'Elat, et partirent pour aller se
;
livrer à
Gainas. Saint Chrysoslome partit avec eux ; et son éloquence adoucit tellement le cœur d'un ennemi cruel , qu'il leur laissa 1*
vie et se contcuta de leur exil.

!• Au retour de son voyage, le saint évêque parle à son peuple suivant sa coutume ; il lui annonce pourquoi il s'est ab?cnlé et
pourquoi revenu ; il profite de la circonstance pour l'entretenir de l'incertitude des choses humâmes, et lui apprendre
il est
combien peu on doit compter sur les hommes dans le siècle présent. —
2° et 3» Il expose tous les inconvénients des grmdes
richesses et les avantages de la pauvreté, pour faire mépriser les unes et aimer les autres. 4° Il ajoute que si l'on n'a pai —
le courage de renoncer à ses biens dans la prospérité on doit prévoir les disgrâces et s'y attendre.
,
5^ 11 exhorte à celte —
sage prévoyance par l'exemple de Job dont il développe et dont il loue la résignation courageuse. Il conclut en disant qu'on
De doit se laisser ni abattre par la pauvreté ni eoHer par les richesses.

4. J'ai gardé un long silence; longtemps choses sinistres, je suis revenu auprès de vous
absent, je reviens à votre fraternelle assem- qui n'avez rien à craindre, qui naviguez sur les
blée : n'accusez ni mon âme d'indifférence, ni ondes parfaitement tranquilles. J'ai été les
mon corps d'indolence paresseuse, j'apaisais trouver, pour dissiper la tempête, et je suis
les tumultes , je calmais les fluts je modérais ,
revenu vers vous, pour qu'il ne s'élève pas de
la tempête, je tirais des abîmes les passagers tempête. J'ai été les trouver, pour les délivrer
engloutis, je travaillais avec ardeur pour les de leurs é|)reuves,et me voici de retour auprès
amener au port où rogne la tranquillité. Car de vous, pour que vous ne tombiez pas dans
je suis le père commun do tous, et je dois pren- les malheurs. Donc, comme il ne convient pas
dre souci, non-seulement de ceux qui sont de prendre souci seulement de ceux qui sont
restés debout , mais aussi de ceux qui sont restés debout, mais aussi de ceux qui sont
tombés; non-seulement de ceux qui ont les tombés, de même il ne faut pas s'inquiéter
\ents favorables, mais de ceux qui sont battus seulement de ceux qui sont tombés mais ,

par non-seulement de ceux (|ui


les flots agités; aussi de ceux qui sont restés debout des pre- ;

voguent sans avoir rien à craindre, mais des miers, pour qu'ils se relèvent, des autres, pour
malheureux quentourent les dangers. Voilà qu'ils ne tombent pas; des premiers, pour les
pourquoi je vous {ft quelque temps quittés ;
délivrer des maux qui les possèdent, des au-
j'allais et venais, j'exhortais, je priais, je sup- tres, pour les préserver des maux qui les me-
pliais,pour préserver du malheur les maîtres nacent. Car il n'y a rien de ferme , rien d'iné-
de ce monde. Une fois le terme arrivé de ces branlable dans les choses humaines; c'est
302 TRADrCTION FP»ANÇAÎf^.E DE SAINT JEAN f lîRYSOSTOME.

mer furieuse, tous les jours féconde en nau- que leur intérêt; que leurs vrais ennemis sont
frages , (jui produisent l'étonuemcnt et la dé- bien plutôt ceux qui me reprochent ma con-
solalion. duite? Vous avez vu les événements confirmer
Tout est plein de tumulte et de trouble; nos paroles. N'ai-je pas toujours dit que l'or
partout, des écueils et des précipices; partout est un fugitif, qui abandonne celui-ci pour
des brisants et des récifs; partout des craintes, aller à celui-là? Et plût au ciel qu'il n'eût fait
et des dangers, et des soupçons, et des trem- que passer de l'un à que ce ne fût pas
l'autre,
blements, et des angoisses. Personne ne se fie un au ciel que ce transfuge
Tiieurtrier, et plût
à personne, et chacun a peur de celui qui est ne fût pas un exterminateur! Que voyons-
à son côté. C'est que peut-être le temps est pro- nous aujourd'hui? il abandonne, et il livre au
che, que i'j Prophète a décrit par ces paroles Ne : glaive, et conduit vers les précipices c'est
il ;

vous fiez pas en vos amis, 7ie mettez pas dans un dangereux, ennemi surtout de ceux
traître
les pji?ices vos espérances. (Mich. vu, 5.) Ecar- dont il est aimé. Esclave fugitif, ingrat, homi-
tez-vous, chacun de vous, de votre plus pro- cide, implacable, bête sauvage, qu'on n'appri-
che voisin. Garde-toi de ton épouse, ne lui voise pas; précipice de toutes parts béant,
confie rien. C'est que les jours sont mauvais, écueil continuellement battu de flots sans
c'est que tout frère teîid des emMches à son nombre; mer agitée par tous les souffles de
frère, et tout ami a la marche tortueuse. (Jé- tous les vents; tyran cruel, plus barbare que
rém. IX,Pas d'ami sur qui l'on puisse
4.) tous les bourreaux; irréconciliable ennemi,
compter, pas de frère qui soit sûr. La charité, acharné, implacable, dont la haine jamais ne
cette belle chose a disparu ; tout est la proie pardonne à qui le possède.
de la guerre civile, et ce n'est pas la guerre 3. La pauvreté n'a rien de pareil; c'est le

civile enpleinjour, maissévisïantdansrombre. contraire de tout ce qui vient d'être dit. C'est
Partout, des milliers de visages mas(jaés. On un un port tranquille, une sécurité
asile sûr,
voit beaucoup de toisons de brebis; mais ce continuelle,une volupté sans périls, une joie
sont autant de loups qui se cachent dessous; pure, une existence que rien ne trouble, une
et il y aurait plus de sûreté à vivre au milieu vie qu'aucun flot ne tourmente, une abon-
d'ennemis déclarés, qu'auprès de ceux qui se dance qui défie tous les assauts; la pauvreté,
disent nos amis. Les courtisans d'hier les ,
mère de la sagesse, c'est le frein des em-
c'est la
flatteurs qui vous baisaient les mains, tous portements, c'est la suppression des châtiments,
aujourd'hui sont vos ennemis déclarés ils ont ; c'est la racine de l'huiuililé. Pourcpioi donc,
jeté leurs mas(iucs, il n'y a pas d'accusateurs répondez-moi, fuyant la pauvreté, poursuivez-
]»lus acharnés; ce qui vous méritait hier leurs vous ces richesses ennemies, homicides, plus
unanimes actions de grâces, aujourd'hui, vous redoutables que toutes les bêtes féroces? Car
attire leurs accusations, leurs calomnies. voilà ce qu'est l'avarice ; voilà ce qu'est la soif
2. Quelle est la cause unique de ce vertige? La insensée des richesses. Pourquoi loger conti-
cause, c'est l'amour des richesses, lasoifdel'ar- nuellement votre ennemi avec V(Uis? Pour-
gent, cette maladie incurable, Cv^tte fournaise quoi irriter la bête qu'il faut apprivoiser? Mais
qui ne s'éteint jamais, cette tyrannie qui s'est comment, me dites-vous, s'apprivoiserait-elle?
partout répandue sur la terre. Aussi, ce que Sivous supportez mes discours; en ce moment
nousavons déjà dit, nous le redirons encore sans même que les désastres éclatent autour de vous,
relâche, en dépit de tous les reproches (|u'ou que les malheurs sont à leur comble, cjne toute»
nous adressait dernièrement Ne cesserez-vous : les âmes sont dans le trouble et dans la conster-
pas de vous escrimer de la langue contre les nation. Conunent dou'' la bête féroce pourrait-
riches? ne cesserez-vous pas de leur faire elle n'être plus une bêle frroce? C'est que je

continuellement la guerre? Est-ce que je leur puis changer sa nature, si, de votre côté, vous
fais la guerre? est-ce que c'est contre eux que le voulez bien car telle est la force du dis-
;

jem'escrime? n'est-ce pas, au contraire, pour cours. Connuent donc la nature de la bête
eux que je dis tout, que je fais tout, tandis féroce pourrait-elle être changée? si nous ar-
qu'eux-mêmes ont aiguisé les glaives que l'on rivons à savoir commcnl lui vient sa férocité.

dirige contre eux? L'expérience n'a-l-elle pas Les lions, les panthères, les ours qu'on ren-
montré que moi, le perpétuel grondeur, le ferme, qu'on retient captifs dans Tobscurité,
perpétuel accusateur, je ne m'étais proposa vntent se réveiller, s'irriter leur colère; il en
LORSOrE SATrUNîN ET AT^KHEN EUnENT EN\'OYES EN EXIL. 30.1

est de même de l'or qu'on renferme, qu'on tendez les contraires; car, ; la place de l'expé-
enfouit; ce sont dos rMi;i:>soments ])lus forts rience, de il suffit l'alteute. Voilà donc ce que
que ceux du lion, et 'les ?auts en tous ?cns je dis vous êtes riche? At endez la piunrcté
:

avec des menairs; lâchez vos trésors à la lu- cha(pie jour. A cause de ([uoi et dans quel
mière du jour, disp'rs* z-les, reni|)lissez-en les but? C'est (jue cette altenle pourra vous être
piiuvres (|ui oui faim; In lièfe féroce est uiain- d'une très-grande utilité. En tflét, celui qui

ienant une bnbis; IVmbnscadc est devenue attend pauvreté a beau être riche, il no
la

unrenfori; un port; le naufrage, la


l'écueil, s'enorgueillit ni ne se livre, soit à li mollesse,
tranquillité! Chacun sait ce qui arrive aux soit à la prodigalité, ni ne désire le bien d'au-
cmharealions : le vaisseau trop chargé coule trui; car la crainte qui accompagne l'aUtnle,
à fond ; si le chargeni» ut n'excède pas la me- estconnue un précej)leur dont la présence
sure, le vaisseau vogue sans encombre. Eh modère et réprime les pensées, prévient ie dé-
bien 1 il enmême dans nos maisons
est de : veloppement des mauvaises branches de l'ava-
les richesses amassées au delà du nécessaire, rice, et les fait disparaître, la crainte des con-
c'est, au moindre souffle, au premier choc traires étant comme une faux qui les arrête et
d'un hasard imprévu, le vaisseau qui coule à les coupe.
fond, qui sombre corps et biens; mais si vous A. Voilà donc, d'un côté, un très-grand
ne mettez en réserve que le nécessaire, nar- profit; il en est un autre non moindre, qui
guant la tempête, vous sillonnez heureuse- consiste, quand la pauvreté vient, à ne pas la
ment les flots. Cessez donc de désirer plus que craindre. Ainsi, que l'attente des malheurs qui
le nécessaire, pour n'avoir pas à craindre de écrasent l'homme, vous servent à en prévenir
perdre tout; n'amassez pas de superflu, de la douloureuse expérience , car ce qui fait ve-
peur que vous ne perdiez le nécessaire; ne nir l'expérience, c'est que l'attente fait défaut;
dépassez pas les limit. s qui vous sont fixées, car si l'attente avait redressé l'homme, l'expé-
de peur que vous ne io^ez dépouillés de tout rience devenait inutile. Touioiu de celte vé-
à la fois; mais retranchez le superflu, afin de rité,le prophète Jonas auprès des lial>ilants
devenir riche du néce^saire. Ne voyez-vous pas de Ninive. (Jonas, ui.) Ceux-ci, prévenus par
que les agriculteurs taillent la vigne, alin (|ue le prophète, s'altendant à tomber dans un
toute sa force ne soit pas dans les feuilles, mallieur sans remède, gvàce à celle atlente
dans les branches, mais paraisse dans la ra- des maux qui allaient venir, détournèrent loin
cine? Faites ainsi, de votre côté coupez : d'eux la colère divine; au contraire, les Juiîs,
les feuilles , et tout ce que vous avez de pour n'avoir pas cru au pro[)hèle qui leur pi é-
zèle, pour produire des fruits.
dépensez-le disait la prise de Jérusalem, eurent à subir
Si vous ne pas dans les jours
le voulez une terrible calamité. Car le sage qui a craint
prospères, attendez les jours du malheur; le mal, s'en est détourné, mais l'inseîisé s'y en-
dans la tranquillité, voyez venir la tem- gage parce qu'il a confiance. (Prov. xiv, 16.)
pête; dans la santé, |>ensez d'avance à la ma- Celui (jui attend la pauvreté, quoiqu'il vive
ladie; dans la richesse, attendez la pauvreté, dans l'abondance, ne tombera pas facilement
l'indigence. Car souvenez-vous dit l'Ecclé- , dans la pauvreté c'est qu'il faut que le profit
;

siaste, de la famine dans l'abondance, de la que vous n'avez pas voulu retirer de l'at-
pauvreté et de l'iiuligence quand vous êtes dans tente, vous le retiriez tout entier de l'expé-
Vopulence. (Eccl. xviii, 25.) Dans ces disposi- rience. Donc, au sein de la richesse, attendez-
tions, vous administrerez votre richesse avec la pauvreté quand il se trouve que vous êtes
;

une sage économie, et si la pauvreté survient, dans l'abondance, attendez la faim dans la ;

vous la supporterez avec un ferme courage. gloire, attendez l'infamie dans la santé, la ;

Car l'imprévu tombant sur vous, vous boule- maladie. Ne cessez jamais de considérer la na-
verse et vous trouble; au contraire, l'arrivée ture des choses humaines, qui n'a rien de plus
d'un événement attendu ne cause pas de per- solide que les eaux courantes; qui s'évanouit
turbation. Ce sera donc un double profit, plus vite que la fumée dans l'air plus vaine ;

d'éviter l'enivrement, l'insolence de la pros- que l'ombre qui passe et disparaît. Si vous
périté, d'éviter aussi le bouleversement, le faites ces réflexions, ni la prospérité ne pourra
trouble produit par la fortune qui devient gonfler vos pensées, ni l'adversité, abattre
pontr^ire, et cela surtout si toujours vous at- votre courage ; si vous ne vous attachez pag
3J4 TRADUCTION FRANÇAISE DE SAINT JEAN CIIRYSOSTOME.

avec trop d'amour aux biens présents, l'ab- lancèrent sur lui, et le jetèrent hors de sa mai-
sence de cfts biens ne sera pns pour vous une son, au loin, et dès ce moment il traîna sa
amcre douleur. vous habituez votre âme à
Si vie sur fumier, et les vers jaillirent de
le
l'attente des contraires, il arrivera souvent ses chairs, et sur tous ses membres, l'hu-
que les contraires ne se montreront pas et , meur mêlée de sang coula de cet homme qui
supposé même qu'ils se montrent, il arrivera était un diamant précieux, et avec un tes-
que vous n'en serez pns fortement troublés. son il enlevait l'écoulement impur, et il était
5. Et pour vous convaincre que je ne parle lui-même son propre bourreau ; c'étaient dou-
pas ici par conjecture, je vous veux raconter leurs sur douleurs, insupportables tortures,
une vieille histoire. Il y avait un homme ad- la nuit plus cruelleque le jour, le jour plus
mirable, grand, célébré par toute la terre, un épouvantable que la nuit, comme il le dit lui-
homme heureux, Job, l'allilëte de la piété, le même Si je m'endors Je dis, à quand le jo?ir?
:

vainqueur couronné, connu de tous les peu- quand je me au contraire, à quand


lève, je dis,
ples, qui avait livré toute espèce de combats, le soir ? je suis rempli de douleurs depuis le
érigé des milliers de trophées pour ses vic- soir jusqu'au matin. (Job, vu, -4.) Oui, tout est
toires sur le démon.
Il fut riche, et pauvre; précipices, écueils, et personne pour consoler ;

couvert de gloire méprisé; père d'innom-


et pour vous insulter, on accourt eu foule. Ce-
brables enfants, privé de tous ses enfants; il pendant, au milieu d'une si aCTreuse tempête,
fut admis dans les palais des rois, il fut gisant battu par des flots qu'il était si difficile de sup-
sur le fumier; il porta une robe éclatante, et porter, il conserva la générosité de son àme, il

ensuite il porta sur lui la vermine qui rongeait demeura contre tous inébranlable. La cause
ses chairs ; il eut des serviteurs innombrables, de cette constance fut celle que je viens d'ex-
et ensuite il lui fallut supporter d'innom- poser dans la richesse, il attendait la pui-
:

brables outrages de la part des gens de sa vreté dans la santé, il attendait la maladie
; ;

maison soulevés contre lui, de la part de ses quand il se voyait le père de si nombreux en-
amis (jui lui adressaient des insultes, de la fants, il se préparait à se voir tout à coup privé
part de son épouse aux discours insidieux. de tous ses enfants. Et il sut se revêtir toujours
Tous d'abord affluaient auprès de lui,
les biens de cette crainte, et entretenir toujours cette
comme épanchés d'une source heureuse, l'a- anxiété, connaissant bien la nature des choses
bondance des richesses, la grandeur delà puis- humaines, réfléchissant toujours sur l'insta-
sance, l'éclat de la gloire, la paix, la sécurité, bilité des prétendus biens. Aussi disait-il :

les honneurs, les services empressés, la santé Ce que je craignais, m'est arrivé, le danger
du corps, un beau peuple d'enfants, et il n'y que je redoutais, m'a rencontré. (Job, in, 2.">.)
avait rien, au milieu de tout
dou- cela, pour la C'est que toujours ses réflexions le portaient
leur; la richesse paraissait là établie sur un au-devant de ce qu'il attendait, de ce (ju'il se
fondement solide, le bonheur, semblait iné- préparait à recevoir ce qui fait que l'arrivée
;

branlable, et à juste titre, car Dieu l'avait for- du malheur ne l'a pas troublé. Je n'ai goûté
tifiéde toutes parts. Mais ensuite tout s'é- ni la paix, ni le repos, ni la quiétude, ?7iais la
croula, et d'innomblahles lléaux envahirent sa colère d' en-haut est venue sur moi . (Job, m, 26.)
demeure ; et tous successivement et continuel- 11 ne dit pas au présent, je ne goûte ni la
lement; et tous, sans exception, dépassant paix, ni le rei)0s, mais, je n'ai pas goûté la
toute mesure. Cnr tous ses biens, d'un seul paix, au temps passé. En effet, quoique la
coup, lui furent ravis les gens de sa maison, ; prospérité semblât me conseilItM' la fierté, l'at-
ses enfants, tous à la fois périrent violemment tente des malheurs ne me laissait pas goûter
avant le temps, à la table où ils étaient assis, le repos. Quoicpie l'abondance de tous les biens
au milieu du nirme festin, victimes non du poi- m'invitât à mener une vie délicieuse, l'inquié-
gnard, non du glaive, mais de l'esprit nuunais tude, compagne de l'attente, écartait loin de
qui renversa la maison. Alors son épouse s'arma, moi la tranquillité; quoitpie la félicité présente
fit mouvoir contre le juste toutes les machines me forçât à jouir de mes biens, le souci, la
d'une guerre impie; et ses serviteurs, et ses crainte de ce qui pouvait arriver, corrompait
amis, l(>s uns lui crachèrent au visage, connue mon plaisir. C'est pourquoi, le jour où ses ré-
il le dit lui-même, ils nont pas craint de me flexions furent justifiées par la réalité des évé-
çmdwrau visage (Job, xxx, 10) ; les autres s'é- nements, il supporta avec courage les épreuves
LOnSQli: SATIRNIN ET AURl'il TEN FURENT ENTOYÉS EN EXH.. 30.*?

auxquelles il s'était exercé longtemps d'avance ;


ciel, qui brillent toujours, sont sujets à un cer-
et les malheurs que son attente avait prévus* tain changement} si le soleil s'éclipse; si la
devinrent visibles à ses yeux^ sans lui causer lune périt, n'est-ce pas le comble de la dé-
de trouble. Ce qui prouve qu'il ne s'était pas mence dt! les choses de la terre
regarder
attaché avec trop d'amour aux biens présents, comme durables? Voilà pourquoi les
lixes et

ce sont les paroles qu'il prononce; écoutez-les: biens présents ne lui causèrent pas une joie
Si fai mis ma joie dans mes f/randes 7ichesses, démesurée, pourquoi ladisparilion de ces biens
si j'ai regardé Vor comme étant ma force^ si ne le jeta pas (huis une douleur excessive : il

les pierres précieuses ont fait ma confiance, en connaissait la nature. Nous aussi, à notre
si j'ai travaillé pour possédei' des trésors sans tour, insiruilsparces Icyons.ïna" lien-aimés,
mesure. (Job, xxxi, 2i^ 25.) Que dis-tu, ô ne nous laissons ni abattre par la pauvreté, ni
homme? N'as-tu pas joui de l'abondance de enfler par les richesses dans rinslabilité des
:

tes richesses? Nullement, dit-il. Pounjuoi? choses humaines, conservons la constance,


C'est parceque j'en connaissais l'inslabiliié, je sachons recueillir ce fruit de la sagesse, afin de
gavais combien la possession en est varinble et jouir ici-bas du plaisir que la terre comporte,
fugitive. Et je vois bien, dit-il, cjne le soleil et de posséder un jour les biens à venir; et
brille et cesse de que la lune meurt,
briller, puissiou?-aous tous obtenir ce partage, par la
car le pouvoir n'est pas en eux-mêmes. (Job, grâce et par la bonté de Nolre-Suigueur Jésus-
ibid. 26.) Ce qui revient à dire : si les astres di^ Chriisl l

l^fiîtv'
HOMÉLIE

APRÈS LE RETODR DE SMNT CIIRYSOSTOME DE SON VOYAGE D'ASIE.

AVERTISSEMENT.

Noos n'avons que le lafin dps trois opuscules suivants. Le toxte est perdu f-u cioliô quelque part. Ils sont néanmoini? niît.en-
liques, aiusi que le piouvoiit les sujets, l'onlre des matières et piomicr do ces discours sur
le style. Saint Ciirysostouic lit le

U tin d'avril do l'an 101, le lendemain du jour où il revint de son V(»jagc en Asie voyage qui avait duré cent jours et qu'il
,

avait entrepris pour arranger les dillereuds de l'Eglise d'E()hèse et cliasser les évèques simoniaques. Pendant son alisence il
avait été extrêmement regretté de son peuple qui le chérissait. Les liabitants de Constantinople auraient désiré qu'il fût du
moius de retour pour célébrer avec eux la fêle de Piques ; mais il ne put revenir qu'après c'est pourquoi il les con- ;

sole : « La Pâque, leur dit-il, se célèbre toutes les fois que nous participons au corps et au sang de Jésus-Christ. »
Voici k quelle occasion fut prononcé le deuxième discours :

Sévérien, évèque de Cabales, se trouvant à Constantinople, s'était, par de faux dehors, concilié l'amitié de saint Jean Chryso-
stome. Pondant le voyage que le saint archevêque fit en Asie,Scvérianus, croit-on, voulut profiler de son absence, pour s'.tia-
chcr le peuple, on le détournant de celui qui avait son admiration et son amour. Saint Jean Chrysostomc, averti par Sérypion,
retrouva, à sou retour d'Asie, une fou'e heureuse de le revoir, empress; e à le féliciter ; et il ne parait pas s'èlre fi'rt pré'-C'upé
de cette alTairo. Mais voici qu'un jour la colère de Sévérianus contre Sérapion éclata en paroles impies ; le p( uple s'at-'ila,
s'irrita, et l'évèque des Gabales fut chassé de Constantinople. Rappelé par l. s soins de l'impératrice hu Inxip, de reiii[,ertiir ui-

mênie, il fut admis, quoique à contre-cœur, même par celui qu'il avait voulu supplanter. Lu peuple était toujours furieux ; saint
Jean Chrysostome pouvait seul le calmer ; de là les paroles qu'il lui adressa. Le lendemala Sévérien monta ea chaire et fil un
éloge de la paix ; c'est le troisième des discours sur lesquels roule cet avertissement.

Moïse, ce grand serviteur de Dieu, le prince Mais ce peuple que je vois, a des pensées plus
des prophètes, qui se fit un chemin au sein de hautes que le peuple ancien; aussi le grand
la mer, agita les espaces de l'air, dressa la table Moïse, descendant de la montagne, répriman-
pour son peuple; Moïse, CAposé à la mort parcelle dait Aaron à cause de la sédition du peuple, et
qui lui donna le jour, recueilli par une femme laissait tomber sur lui sa colère, parce qu'il
qui était son ennemie (vous savez que sa mère ne avait acquiescé à leiu' volonté. Moi, au con-
lui donna que le jour, ce fut une Egyptienne traire, à mon retour, je vous adresse des éloges,
qui le prit et le nourrit^, Moïse, qui recevait en et je veux vous tresser des couronnes. Car, si
Egypte sa nourriture, et qtii conversait dans le la prévarication nécessite l'accusation et la ré-
ciel; cet homme, qui érigea un si grand tro- primande , au contraire , ramenrkment des
phée, vous savez quel trophée ; cet homme, ce mœurs veut des éloges et des couronnes; voilà
grand homme, après avoir quitté son peuple, pourquoi, quelque prolongée qu'ait été mon
pour quarante jours, le trouva fabritiuanl les absence, je n'en éprouve aucim chagrin ;
j'étais
idoles et re.>îpirant les séditions. Moi, je ne vous sur de votre charité, de l'iiitégiité de votre
ai pas quittés pour quarante jours seulement^ foi ; je savais bien que mon épouse avait sa
mais pour cent cinquante et plus, et je vous chastelé pour rempart, comme arrive, même il

retrouve dans la joie, dans la sagesse, persévé- entre ép ux de la terre. Eu efTel. l'homme
les
rant dans la crainte de Dieu. Suis-je donc plus qui sait que son épouse manque de ptideur,
élevé que Moïse? Loin de moi cette pensée l ne lui permet pas seulement de regarder hors
l'exprimer, ce serait le comble de la démence, de la maison; est-il parfois contraint de voya»
308 TRADUCTION FRAiNÇAlSE DE SAINT JEAN CHRYSOSTOME.

ger, vite il se sent forcé de revenir; le soupçon, l'Eglise, des arbres fructifiant; dans cet an-
pour ainsi dire, l'aiguillonne tandis que l'é- ; cien paradis chaque plante persiste en son
,

poux qui sait avoir une épouse sobre et chaste, étal; dans ce paradis que vous me faites, si je
s'attarde sans inquiétude hors de sa maison ;
trouve une vigne sauvage, je la rendrai une
pour veiller sur son épouse, pour la protéger, vigne fertile; si je trouve un olivier sauvage,
il lui a laissé une garde suffisante, ses mœurs. je le rendrai un bon olivier : car telle est la
Voilà donc ce qui nous est arrivé, à moi, à nature de cette terre où Jésus-Christ vous a plan-
Woïse. Il avait une épouse incorrigible, la sy- tés. Aussi je me réjouis, elj'oublie de vous rendre

nagogue; il la laissa un moment seule, elle se lescomptes que je vous dois mais comment :

Dieu dit à Moïse


livra à la fornication. Alors : qu'un si long temps m'ait tenu séparé
se fait-il
Allez, descendez, car votre peuple a péché. de vous? recevez ici mes comptes, ô mes bien-
(Exod. xxxii, 7.) Mais moi, je n'ai reçu aucun aimés. Quand vous avez envoyé quelque part
ordre de ce genre ; et, quand il m'est survenu un esclave qui a fait attendre son retour, vous
une légère indisposition, je ne me suis pas in- exigez de lui les causes de ce retard ; il doit
quiété avons savoir loin de moi, et, tranquille vous dire où il a séjourné si longtemps; et
à votre sujet, j'ai attendu la guérison de mon moi, je suis l'esclave de votre charité; car vous
mal. En effet, ce îie sont pas ceux qui se por- m'avez acheté, non pas en donnant une somme
tent bien, qui ont besoin de médecin, mais les d'argent, mais en montrant votre charité. Je
malades. (Matth., ix, 42.) me réjouis d'un tel esclavage, je ne veux pas
un peu de temps loin de vous,
Si je suis resté en être affranchi; cet esclavage, qui maltache
mon absence ne vous a causé aucun détri- à vous, est pour moi plus beau que la liberté;
ment; au contraire, elle vous a servi, je pense, cet esclavage a marqué ma place à ce tribunal
à augmenter vos richesses; car ce que vous heureux ; cet esclavage n'est pas le joug de
avez corrigé, grâce à mon zèle, ou plutôt ])ar la nécessité, mais le choix de ma volonté. Qui
la grâce de Dieu, voilà votre couronne, voilà hésiterait à se faire l'esclave de votre dilectiou,
votre profit, votre avancement. Aussi, je suis de votre aflection noblement belle? J'au-
si

dans la joie et je trépigne d'allégresse, et il me rais une âme de que vous l'auriez ren-
pierre,
senjble quej'ai des ailes, et la grandeur de ma due plus tendre que la cire.
ne puis l'exprimer. Que ferai-je donc ?
joie, je Que dirai-je de ces touchants souhaits, de
Comment indiquerai-je le transport de mon cet empressement, de cet amour qu'hier vous
ame? J'en appelle au témoignage de votre «.oii- m'avez montré; de vos voix, de voire allégresse
science, puisque je vois que mon arrivée la pénétrant jusque dans le ciel? Vous avez sanc-
remplit de joie : celte joie, c'est ma couronne tifié l'air, vous avez fait de la cité une église :

et ma gloire. En eflet , si ma présence, la pré- j'étais honoré. Dieu était glorifié, les héréti-

sence d'un seul honunc remplit un si grand uues confondus, l'Eglise couronnée car c'est :

comprenez, si vous le
jtcuple d'un tel plaisir, pour la mère une vive joie quand ses fils
liouvez, celui qui me vient de ce que je vous sont dans l'allégresse. C'est un grand plaisir
vois tous. Jacob ne voyait qu'un seul de ses pour le pasteur, lorscjue les agneaux du trou-
lils, Jose[)h! et le >ieillard se réjouissait, et peaubondissent. J'ai goûté lesjoiesdevos vertus;
son esprit était récréé mais moi, je ne vois ; j'ai appris que vous avez lutté avec les héré-
pas seulement un Joseph, mais je vous vois tiques, et comme ils ont mal agi à l'occasion

tous, qui lui ressemblez, et je m'en réjouis; du baptême, vous les avez repris et réfutés.
j'ai recouvré mon paradis , l'aulre paradis Avais-je tort de dire qu'en l'absence de son
ne le valait pas : vous savez bien que, dans époux, l'épouse chaste repousse les adultères;
celui-là , y avait le serpent, toujours oc-
il qu'enl'abscncedu berger, elle chasse les loups;
cupé à suggérer le mal ici, le Christ célé- ; que les matelot?, sans le pilole. ont sauvé le na-
brant les mystères; là, il y avait Eve exerçant vire: que les soldats sans leur général ont rem-
ces séductions ; ici, c'est l'Eglise couronnant porté la victoire ;
que
les disciples sans leur
ses fidèles; là, il y avait Adam qui se laissait maître ont fait des progrès que les enfants ;

séduire; ici est le peuple qui demeure attaché sans leur père se sont fortifiés? Je me trompe,
ù Dieu; là, des arbres de diverses espèces; ilne faut pas dire sans leur père car voire :

ici, la variété des dons du Seigneur ; dans avancement c'est ma joie \otre glorillcat'onj ;

U ^uradis .
dg$ Hi'brcî se flC'trisJuul ; dans ma couronne.
IIÔMÊLIÉ DE S. CHRYSOSÏOMli: APRÈS SON RETOUR D'ASIE. m
Mais nous désirions, dites-vous, faire avec après avoir reçu la communication de l'empe-
vous la Pàque. Je veux satisfaire voire affec- reur, vous ne recherchez pas la qualité de la
tion, pui?(|ue voire mcconteulenient s'est éteint plume dont il du pa-
s'est servi, ni la qualité
du moment (juc mon retour a contenté vos yeux. pier, ni la ou la nature de l'encre
qualité
Car, si le père en recevant l'enfant prodigue, se mais voici uniquement ce que vous tenez à
réconcilie aussitôt avec lui ne réclame pas
, savoir, l'empereur a-t-il signé? de même, en
contre lui .le cli;itinient, mais l'embrasse à ce qui concerne le baptême, le fiopier, c'est
l'instant même; ainsi font, à bien plus forte la conscience; la plume, c'est la langue du
raison, des enfants qui reçoivent leur père. Ce- prêtre, la main, c'est la grâce du Saint-E?^prit.
pendant je veux répondre même à ce que vous En effet, soit par moi, soit par celui (jui
désinez : Pàque que vous vouliez faire
c'est la exerce les fonctions sacerdotales, c'est la même
avec moi; or personne ne vous empêche aujour- main, main du Saint-Esprit qui écrit, nous
la

d'hui de faire avec moi la Pàque. Mais peut- ne sommes que des ministres, nous ne som-
être me direz- vous est-ce que nous ferons : mes pas les auteurs du mystère. Paul lui-
deux Pâques? Non, mais une seule et la même, même n'est qu'un ministre Que les hommes :

un grand nombre de fois. En effet, le soleil se nous considèrent comme les niinistres du
lève toujours, etnous ne disons pas qu'il y a Christ, et les dispensateurs des mystères de
beaucoup de soleils, mais qu'il y a un soleil Dieu. Car qiCavez-vous que vous n'ayez reçu?
qui se lève chaque jour; il en est de même de (1 Cor. IV, 1, 7.) Si j'ai quelque chose, je l'ai

la Pàque nous aurons beau la consommer


: reçu ; or si je l'ai reçu, cela n'est pas de moi
toujours, la célébrer toujours, ce n'en est pas mais de celui qui m'a octroyé le don. Ainsi
moins une seule et même solennité pour nous. ne doutez pas, mon très-cher frère; car la
Nous ne ressemblons pas aux Juifs, nous ne grâce de Dieu a reçu son accomplissement.
sommes pas esclaves de tel ou tel lieu, ni sou- Le lieu n'est pas un empêchement, que vous
mis à la nécessité du temps, affermis que nous soyez baptisé, soit ici, soit sur un vaisseau, soit
sommes par la parole du Seigneur. Toutes les chemin faisant. Philippe a baptisé dans la rue;
fois, dit-il, que vous mangerez ce pain et que Paul, en prison; le Christ, sur la croix, le lar-
vous boirez ce calice^ vous annonciez la mort ron crucifié à côté de lui , et aussitôt il a mé-
du Seigneur. (I Cor. xi, 26.) En cBet, nous rité d'ouvrir la porte du paradis.
annonçons aujourd'hui la mort du Christ. Mais De là, ma joie et mes transports, et je vous
c'est que la fête était à telle époque eh bien : ! demande vos prières avec lesquelles j'ai fait le

aujourd'hui aussi, c'est la fête. Car où la cha- voyage d'Asie avec lesquelles je suis revenu,
,

rité se réjouit, là est la fêle ; et où j'ai re- avec lesquelles j'ai franchi les flots, vos
couvré mes enfants qui se réjouissent, je célè- prières qui m'ont aidé à obtenir une heu-
bre la plus grande de toutes Us fêtes. Et en reuse traversée; je ne me suis pas embarqué
effet, cette fête-là, c'est encore la charité, car sans vous je ne suis pas parti sans vous ;
;

Dieu, dit l'Apôtre, a tellement aimé le monde., je ne suis pas dans une cité quelconque sans
qu'il a do?mé son Fils unique pour lui. (Jean, vous; dans une église, sans vous; on m'a-
m, 16.) vait, par le corps, arraché à vous, mais je
Mais beaucoup de personnes, me dit-on , ont vous restais joint par la charité. Car je voyais
été baptisées en votre absence. Eh bien, après? votre Eglise, même en fendant la mer, et mon
La grâce n'en est pas moins la grâce; le don âme tressaillait de joie. Car c'est là ce que
de Dieu n'en est pas infirmé : ces personnes montre la charité qui ne se laisse pas empri-
n'ont pas été baptisées en ma présence , mais sonner j'entrais dans une église je m'appro-
:
,

c'est en la présence du Christ qu'on les a bapti- chais de l'autel ,


j'offrais mes prières et je di-
sées. Est-ce que c'est Ihomme qui baptise? sais : S.igneur, conservez l'Eglise que vous
L'homme main, mais c'est Dieu qui
étend la m'avez confiée. Sans doute j'en suis absent par
gouverne la main. Ne doutez pas de la grâce, le corps, mais votre miséricorde y est présente ;

mon très- cher frère, c'est le don de Dieu. c'est elle qui m'y a conduit, et qui m'a accordé
Appliquez avec boln votre attention aux paroles plus que je ne méritais. Et la preuve que le
qui se disent qu nul par hasard pour un mo-
,
,
Seigneur l'a agrandie cette Eglise, c'est la mul-
tif quelconque, il faut expli(juer un rescrit de titude de ceux que je vois présents. Je vois
l'empereur; après avoir présenté vos prières. fleurir la vigne, et nulle part je n'aperçois
310 THADUCTiON FRANÇAISE Dt SAINÏ JEAN CIînVHOSTOME.

crépines, nulle part aucunes ronces; les bre- mande vos prières. Vos prières sont pour mol
bis bondissent, et pas un loup. Que si quelque un mur et un renfort. Ne dites pas, je suis lan-
part on en a découvert un il se cbange en
, guissant, comment pourrai-je prier pour le
brebis. Car sigrande est votre foi , si grande prêtre ? Ecoutez la parole de l'Ecriture Or la :

"votre charité, que vous provoquez rémulation. prière était continuelle. (Act. xii, 5.) Et la prière

C'est le Seigneur lui-môme qui vous a con- de l'Eglise a brisé les liens de Pierre et dilaté la
servés, lui-même qui m'a ramené; dans mon confiance de Paul pour la prédication. La
infirmité, j'ai senti le secours de vos prières, prière a éteint la fournaise; la prière a fermé
dont je vous demande pour chaque jour les les gueules des lions ; la prière a calmé la sé-
huCfrages. Mon voyage a été pour votre cité dition; la prière a ouvert le paradis; la prière
l'occasion d'une couronne. L'amour que vous a fait tourner sur leurs gonds, pour les ouvrir,

me portiez dès le commencement , est mainte- les portes du fécondé celle qui
ciel; la prière a

nant manifeste pour tous. Absent, j'ai été pour était stérile ; la prière de Corneille a pénétré

vous comme si j'étais préser,.*. Quand j'étais dans les cieux; la prière a justifié le publicain.

dans l'Asie, occupé à corriger les Eglises, des Voilà le renfort que je requiers de vous ; voilà
voyageurs venus d'ici, me disaient en arrivant la grâce que je demande Dieu de
: et puisse le
là-bas vous avez embrasé la cité. On le sait
: gloire, accueillant vos prières, mettre dans
bien pourtant , à la longue l'alTection se fane ;
ma bouche un discours capable de fortifier le
au contraire votre attachement pour moi aug- peuple qui m'a été confié et de le pousser dans
mentait chaque jour. Et celui que vous aimiez les voies du salut, par Jésus-Christ Notre-
ainsi pendant son absence je crois bien qu'il
,
Scigneur, à qui a|ipartient, comme à Dieu le
vous arrive de l'aimer encore plus présent Pore, comme au Saint-Esprit, l'honneur, la
auprès de vous. Voilà le trésor que je vous gloire, la puissance dans ks siècles des siècles
dois, voilà mes richesses. Et aussi je vous de- Ainsi soit il.
HOMÉLIK

SDR LA RÉCONCILIATION ET LA RÉCEPTION DE SÉYÉRÎEN

S'il est nécessaire que le corps ne soit pas pour nous de même,
car vous avez pour nous
séparé de la tête, il faut de même que l'Eglise la même Ecoutez ce que dit Paul
affection. :

reste attachée à son évêque, que le peuple reste Saluez de ma part Priscille et Aquila, qui ont
atlaclié à son prince : comme les branches travaillé avec moi en Jésus-Christ; qui ont
tiennent aux racines, les fleuves à leurs sour- exposé leur tête pour me sauver la vie. (Rom.
ces, ainsi les fils doivent rester unis à leur XVI, 3, 4.)En effet, s'il est beau que le pasteur
père, les disciples à leur maître. Ce préambule s'immole pour ses brebis, en retour il est beau
que nous adressons à votre charité n'est pas que les brebis ne se séparent pas de leur pas-
inutile; notre but c'est, vu la communication teur, même par la mort. Car tant qu'elles se-
particulière que nous avons à vous faire de , ront unies à lui sans jamais s'en séparer, elles
prévenir toute espèce de trouble, toute inter- ne craindront pas le loup, le démon. C'est que
ruption de notre entretien notre but, c'est de ; la charité est un mur plus solide que le dia-
faire croître en vous l'obéissance des disciples mant : Et le frère qui est aidé par son frère ,

et de vous mettre à même de manifester l'af- est comme une ville forte et qui est bien assu-
fection que vous portez à votre père. Faites- Toutes ces paroles ten-
rée. (Prov. xvin, 19.)
moi une parure, mes lils; mettez sur mon dent à ce que vous écoutiez^ avec une entière
front la couronne de votre obéissance faites ;
affection ce que nous vous disons, et qu'au-
,

que tous me jugent bienheureux et glorifiez cun de vous ne commence à se troubler.


mon enseignement par votre obéissance, selon Nous parlons d'une chose qui mérite qu'on
les avis de l'Apôtre qui vous dit Obéissez à : en parle dans l'église, digne d'être écoutée
vos conducteurs et soyez-leur soumis; car ce par vous sans ré[)ugnance. C'est pour la paix
sont eux qui veillent pour votis, comme devant que nous vous adressons la parole. Ehl
rendre compte de vos âmes. (Hébr. xiii, 17.) quoi de plus convenable que le prêtre de
Je vous donne donc ce conseil et je commence Pieu persuadant au peuple la paix? Pas de
par là pour que personne ne se révolte contre contradiction du moment que le
possible ,

l'avertissement commun que je viens vous sujet de l'ambassade est conforme à la sain-
adresser. En effet je suis père, et il est néces- teté, et l'ambassadeur accepté. C'est pour la
saire que mes conseils persuadent mesfîls; paix que nous vous adressons la parole, pour
car ce que fait la nature de la chair dans les celle paix qui a fait descendre le Fils de Dieu
pères selon la chair, c'est la grâce de l'Esiîrit sur la terre, lui qui est venu pacifier par son
qui l'opère en nous. Je suis père, et ma crainte sang, non-seulement ce qui est sur la terre
paternelle est si vive pour mes UIs, que s'il mais ce qui est dans le ciel, et unir la
faut verser mon
sang pour vous je suis prêt. terre au ciel. C'est pour la paix que nous
Et en cela jn ne mérite pas de reconnaissance. vous adressons la parole; pour cette paix
Car c'est la loi des apôtres, c'est le précepte du le Fils de Dieu a souffert; pour cette paix
Seigneur Le bon pasteur donne sa vie pour
:
il a été mis en croix, enseveli cette paix, il
;

ses brebis, (Jean, x, 11.) A votre tour, faites nous l'a laissée pour tout héritage pour toute ,
312 THADIXTIÔN Fn.iKÇAISE DE SAINT JEAN CHRYSÔSTOMÈ*

richesse ; c'est comme le mur quïl a donné à Donc si j'ai préparé vos esprits à recevoir
l'Eglise ; c'est le bouclier dont il l'a couverte mon ambassade , recevez notre frère l'évêque
contre les assauts du dénioji ; c'est le glaive Sévérien. Je vous rends grâce de la faveur
qu'il lui a mis dans la main contre l'enfer; avec laquelle vous avez accueilli mes paroles.
c'est le port d'une tranquillité parfaite où il a Vous m'avez donné les fruits de votre obéis-
abrité les fidèles ; c'est la propiliation qui re- sance : maintenant que je me réjouis d'a-
c'est
conquiert la laveur de Dieu ; c'est l'absolution voir semé une bonne semence. Voici, en effet,
coiiccdce à nos fautes au nom de cette paix,
; que de suite les gerbes du
je vais récolter tout
je suis l'ambassadeur envoyé auprès de vous. froment. Que Seigneur vous accorde la ré-
le

Ne me faites pas un affront; ne faites pas (jue com[)ense de votre bonté, le salaire de votre
ma mission soit déshonorée; avec moi dites obéissance: car c'est bien maintenant que vous
oui, je vous en prie. Bien des choses, depuis avez offert à Dieu la vraie victime de paix, puis-
longteinps dans l'Eglise, des choses fâcheuses
, que personne parmi vous ne s'est trouble en
ont eu lieu; je confesse mon Dieu, mais je entendant ce nom, mais que votre charité l'ac-
ne loue pas les agitations ni les troubles cueille; dès que nous vous avons parlé, vous
je n'embrasse pas les séditions. Tenez il en , avez chassé de votre âme tout sentiment de co-
est temps, laissons cela; mettez un terme à lère. Recevez-le donc de tout cœur, a bras ou-
tout cela; concorde, paix, modérez-vous, plus verts. S'il a été fait quelque chose de fâcheux,
d'emportements, plus de colère c'est bien : oubliez; parce que du moment que le temps
assez de ce que l'Eglise a été dans la douleur ; de la paix est venu, il ne faut plus se souvenir
assez, finissons, plus de trouble telle est la
: daucun motif de discorde, afin qu'il y ail joie
volonté de Dieu , et tel est l'agrément de no- au ciel, joie sur la terre , allégresse et doux
tre très-pieux empereur. Car il faut bien assu- transport d'esprit dans l'Eglise de Dieu. Et
rément obéir aux chefs des Etals, surtout maintenant prions, pour que Dieu daigne gar-
quand ils sont les premiers à obtempérer aux der son Eglise dans la paix lui accorder une ,

lois de l'Eglise. Car, dit l'Apôtre Soyez sou- : paix assurée et durable, en Jésus-Christ Nolre-
mis aux princis cl iiux indssances. (Tit. m, 1.) Scigneur, à qui appartient la gloire, ainsi qu'a
A combien plus forte raison à un prince reli- , Dieu le Père, en même temps qu'au Saint-
gieux et qui soufre [lour l'Eglise? Esprit , dans les siècles des siècles. Ainsi soit-iL
DISCOURS DE SÉVÉRIEN SUR LA PAIX
eiprès qu'il eut été accueilli par> le loienneur-eux Tef^n
ôvêque de Constantinopie.

A ["avènement du Seigneur notre Sauveur, vons-nous consacrer en l'honneur de la paix?


quand il parut présent en corps, sur la terre,
, La paix , c'est le nom du Christ lui-même ,

les chœurs des anges du ciel cvangélisaient les comme TApôtre Car le Christ est notre
dit :

bergers , en leur disant : Nous vous apportons paix , lui qui des deux peuples n'en a fait
aujourd'hui une nouvelle, qui sera une grande qu'un (Ephés. ii, 14); ce n'était pas la diOé-
joie pour tout le peuple. (Luc, ii, 10.) Nous rence de la foi, mais la haine du démon qui
voulons emprunter les paroles des saints anges les divisait. Mais, comme on voit, quand un
eux-mêmes, nous vous annonçons aujourd'hui roi s'avance, les places se nettoyer, la cité tout
une grande joie. Aujourd'hui, l'Eglise f^st dans entière se couronner de fleurs, se parer de divers
la paix, et les hérétiques sont livrés à la colère. ornements, afln que tout soit digne des regards
Aujourd'hui, le vaisseau de l'Eglise est dans le du roi de ; même en ce jour où s'avance le
,

port, et la fureur des hérétiques est ballottée Christ, le roi de paix, faisons disparaître tout
par les flots. Aujourd'hui, les pasteurs de l'E- ce qui afflige les yeux ;
qu'à la lumière de la

ghse sont dans la sécurité, et les hérétiques vérité, le mensonge prenne la fuite ;
que la dis-
sont dans le trouble. Aujourd'hui, les brebis corde disparaisse au loin , la concorde resplen-
du Seigneur sont en sûreté, et les loups, en dit.Nous avons vu souvent, dans des tableaux
proie à la rage. Aujourd'hui la vigne du Sei- , re()résentant des rois ou des frères, le peintre
gneur est dans l'abondance et les ouvriers de
, Ogurer leur unanimité par une femme que
l'iniquité dans le besoin. Aujourd'hui, le peu- l'on aperçoit derrière eux; c'est la concorde
ple du Christ est exalté , et les ennemis de la qui les tient tous les deux dans ses bras ; elle
vérité sont humiliés. Aujourd'hui, le Christ montre ainsi que ceux qui forment deux corps
est dans la joie, et le démon est dans le deuil. distincts , ne sont qu'un par l'accord des pen-
Aujourd'hui, les anges sont dans l'allégresse, sées et de la volonté : de même , en ce jour, la
et les puissances de l'enter dans la confusion. paix du Seigneur au milieu de nous, nous ser-
Et qa'est~il be£oin de lant de paroles? Aujour- rant tous les deux sur son cœur plein d'amour,
d'hui, le Christ, qui est le roi de paix, s'avan- montre à tous que ceux qu'elle réunit dans ses
çanl avec sa paix, a mis en fuite tout dissenti- bras ne font, de deux corps, qu'une seule âme.
ment, en déroute les dissensions, chassé, ex- En elle s'accomplit manifestement la parole du
terminé la discorde. Et , comme la splendeur Prophète Et il y aura entre eux une alliance
:

du soleil illumine le ciel, ainsi l'Eglise s'illu- de paix. (Zach. vi, 13.)
mine des douces clartés de la paix, La paix ô ! Hier, noire père commun a fait entendre,
combien désirable est ce nom quel stable fon- ; avec une bouche évangélique, les préliminaires
dement de la religion des Chrétiens; quelle de la paix ; aujourd'hui c'est à notre tour de
,

armure céleste pour la défense de l'autel du publier les paroles de la paix. Hier, nous ten-
Seigneur ! Et quelles premières paroles pou- dant ks maint, il nous a accueilli avec un lan-
m TRADlXTiOiS liw>VAÎSÊ DE BALNT jla.> uihVSÔSTÔMÉ*

gage pacifique ; ù notre tour aujourd'hui , de ensemble le Christ, qui est notre paix, le Christ
dilater notre cœur, d'ouvrir les bras, de nous assis au milieu des chœurs célestes; et leurs
présenter au Seigneur, avec les offrandes de la voix se jcignent à ces chœurs mystiques, pour
paix. Maintenant, c'en est fait de toute guerre; crier: Eosanna au plus haut des deux! ^Mat.

la beauté de la paix a prévalu. Maintenant, le XXI, 9.) Disons donc, nous aussi Gloire à Dieu,
:

démon estdans le deuil, et toute l'armée des au plus haut des cieuxl il a humilié le démon,
enfers se lamente; maintenant la joie est dans il a exalté son Christ. Gloire à Dieu au plus
le ciel, et l'allégresse transporte les anges, haut des cieux ! il met en fuite la discorde, et
ces amis naturels, ces plus chers amis de il établit la paix. Je vous parle ici des artiflces

la paix. En eflet , les vertus célestes elles- du démon, vous n'en ignorez pas l'astuce. Sa-
mêmes admirent ce bien dont elles possèdent tan a vu la fermeté de votre foi, les dogmes
la source éternelle, intarissable, de laquelle établis dans l'enceinte inébranlable de la piété,
nous vient goutte à goutte , sur la terre, une il a vu l'abondance des fruits, des bonnes œu-

divine rosée. Aussi quoique nous ne goûtions


, vres et alors , à ce spectacle , sa rage s'est en-
que la paix de la splendeur de cette
la terre , flammée; dans le délire brûlant de sa fureur,
paix rejaillit jusqu'au ciel; les anges du ciel il a voulu déchirer l'amitié, arracher des cœurs

l'exaltent et s'écrient Gloire à Dieu, dans les


: la charité rompre tous les liens de la paix
, :

hauteurs du ciel et sur la teire paix aux ,


ma s puisse la paix du Seigneur être toujours
hommes de bonne volonté 1 (Luc, ii, 14.) Voyez avec nous, en Jésus-Christ Notre-Seigneur à ,

comme tous dans le ciel sur la terre s'en-


, , , qui comme à Dieu le Père et au Saint-Esprit
,

voient réciproquement les présents de la paix ! appartient la gloire dans les siècles des siècles!
Les anges du ciel annoncent la paix à la terre ; Ainsi soit-il.

les saints, sur la terre s'accordent pour louer


,
HOMÉLIES

AVANT QUE SAINT JEAN CHRYSOSTOME PARTIT EN EXIL.

PREMIÈRE HOMÉLie

AVERTISSEMENT.

Le Chêne ayant prononcé une sentence de déposition contre saint Chrysostome en 403 , l'empereur Arcade, qui
conciliabule du
i'avait le faire chasser de la ville. Dès que les fidèles en furent informés, ils se soulevèrent
couBrraée, donna ses ordres pour
avec beaucoup de chaleur et veillèrent pendant «rois jours à la garde de leur pasteur, passant tout ce temps en prières, et
oubliant même le soin de leur corps. Le saint évêque, à qui on avait signifié l'ordre d'Arcade , refusa les deux premiers jours
Tit violence. Le second jour, il fit à son peuple réuni un discours plein d'édification et de conso-
d'y obéir, attendant qu'on lui
lation pour tous ceux qui soutfrenl pour la justice. Nous l'avons encore en grec, mais on y a ajouté plusieurs choses qui ne sont
point dignes de saint Chrysostome, et dans lesquelles on ne reconnaît point son style ; elles sont plutôt de quelque mauvais dé-
ciamateur, et d'ailleurs elles n'ont aucune liaison avec ce qui précède.
Ces choses indignes de saint Chrysostome remplissent les deux derniers numéros du texte grec , nous n'en donnons pas la in"
dnclion.

4. Les flots s'amoncèlent et tempête de-


la richesse; je ne m'effraye pas de la mort; je ne
vient sinistre; mais nous ne craignons pas souhaite pas la vie, à moins que ma vie ne
d'être engloutis, car c'est sur la pierre que serve à votre avancement. Aussi, en vous par-
nous sommes établis. Que la mer se livre à ses lant des choses présentes, j'exhorte votre cha-
fureurs, elle ne peut pas dissoudre la pierre; rité à la confiance. Personne ne peut nous sé-
que les flots redoublent de violence, les flots parer; car ce que Dieu a joint, l'homme ne
n'ont pas assez de force pour faire sombrer la peut le désunir. En effet, si au sujet de la
barque de Jésus. Que pouvons-nous craindre? femme et de l'homme, Dieu a dit : Pour leur
répondez-moi. La mort? Ma vie à moi, c'est le ^ union, l'homme quittera son père et sa mère, et
Christ; et mourir est mon //om. (Philip, i, 21.) il s'attachera a safemme à eux deux, ils ne
; et

Est-ce l'exil? répondez-moi. Cest au Seigneur seront qu'une seule chair. (Gen. ii, 24.) Ce que
qu'appartieîit la terre, et tout ce qui la rem- Dieu a joint que l'homme 7ie le sépare pas.
,

plit. (Ps. xxiii, 1.) Est-ce la confiscation de (Matth. XIX, 5, 6.) Si vous ne pouvez pas rompre
nos biens? Nous n'avoîis rien apporté en ve- le mariage, combien vous est-il, à plus forte
7iantau jnonde, il est évident que nous w'en raison, impossible de rompre l'union de l'E-

pouvons rien emporter (I Tim. vi, 7), et ce que glise de Dieu avec son pasteur? Sachez bien
le monde trouve de terrible excite mon mépris, que vous la combattez sans pouvoir nuire en
et ses biens sont pour moi un objet de risée. Je rien à celui que vous combattez. Sachez bien
ue crains pas la pauvreté; je ne désire pas la que vous ne faites qu'ajouter à ma gloire, et
516 TRADUCTION FRANÇAISE DE SAINT JEAN CHRYSO^OMË.

que vous bri?ez votro propre force en luttant sur le point d'être submergé, ce n'était pas
contre moi car il vous est dur de regimber
; l'impétuosité furieuse des flots mais parce ,

contre l'aiguillon. (Act. ix, 5.) Vous ne pouvez que sa foi était faible? Sont-ce les volontés
rien contre l'aiguillon, mais vous ensanglantez humaines qui nous ont amenés au point où
vos pieds; les flots ne peuvent pas dissoudre la nous sommes? Est-ce que c'est un homme qui
pierre ils se décomposent eux - mêmes en
, nous a faits ce que nous sommes pour que
écume, ce soit un homme qui nous brise? Ce n'est pas
Rien n'a plus de force que l'Eglise, ô homme. dans le délire de l'orgueil que je parle ainsi,
Mets un terme à ta guerre, si tu ne veux pas loin de moi l'arrogance, mais je veux consoli-
voirie terme de ta puissance; n'entreprends der ce que je vois d'ébranlé en vous. La cité
pas de guerre contre le ciel. Si tu combats un était calme et forte, alors le démon a voulu

homme, tu peux être ou vainqueur ou vaincu. ébranler l'Eglise. Esprit impur, abîme d'impu-
Mais si tu combats l'Eglise, que tu sois vain- reté, tu n'as pas pu, ô démon, renverser les
queur, c'est impossible; car Dieu est toujours murailles, et tu crois pouvoir ébranler l'Eglise?
le plus fort. Est-ce que nous rivalisons avec le Est-ce que l'Eglise réside dans des murailles ?
Seigneur ? Est-ce que nous sommes plus forts C'est dans la foule des fidèles que réside l'Eglise.

que lui? (1 Cor. x, 22.) C'est Dieu qui a fondé, Voyez, que de colonnes solides ; ce n'est pas le
qui tentera d'ébranler? Vous ne connaissez fer qui en lie les parties, c'est la foi qui les ci-
pas sa puissance. Il jette un regard sur la mente. Je ne dis pas qu'une si grande foule a
terre, et il la fait tranbler (Ps. ciu, 32); il plus d'impétuosité que le feu, mais n'y eût-il
commande, et ce qui tremble s'est raffermi. S'il qu'un fidèle, tu n'en viendrais pas à bout, ô
a rétabli dans le calme la ville agitée, à bien démon Vois donc quelles blessures t'ont faites
!

plus forte raison, l'Eglise, il peut la rendre so- les martyrs. On a vu souvent venir une jeune

lide. L'Eglise est plus forte que le ciel. Le ciel vierge, molle et délicate, elle était plus molle
et la terre passeront, mais les paroles que je dis que la cire, et elle devenait plus solide que la

7iepasseront pas. (Matth. xxiv, 35.) Quelles pa- pierre. Tu lui perçais les flancs, sans pouvoir
roles? Tu es Pierre, et sur cette pierre qui m'ap- lui ravir sa foi. La chair était vaincue , et la foi

partient, j'édifierai mon Eglise, et les portes de triomphait; le corps était consumé, la pensée
l'enfer ne prévaudront pas contre elle. (Ibid. reprenait toute sa jeunesse, la subslance se
XVI, 18.) dissipait, mais la piété penùstait toujours. Tu
vous n'en croyez pas la parole, croyez-
2. Si n'as pas pu vaincre une femme seule, et tu
en l'expérience. Que de tyrans ont vouhi do- crois vaincre un si grand peuple? N'entends-tu
miner l'Eglise 1 Comptez les chaudières, les pas la voix du Seigneur En quelque lieu que
:

fournaises, les bêtes féroces, les glaives aigui- deux ou trois soient rassemblés en mon nom,
sés 1 et ils ne l'ont pas dominée. Où sont-ils je suis au milieu d'eux? (Matth. xvui, 20.)
ceux qui lui ont fait la guerre? Ils ont été ré- Combien plus ne sera-t-il pas où se trouve uu
duits au silence, livrés à l'oubli. Au contraire, si grand peuple uni par la charité? J'ai son
où est l'Eglise ? Elle efface le soleil par sa splen- gage. Est-ce que ma confiance me vient d'une
deur. Ses ennemis, avec tout ce qui tenait à force particulière? J'ai son écrit. Voila mon
eux, sont éteints; à tout ce qui tient à l'Eglise, bâton, voilà ma force, voilà mon port à l'abri

rimmorlalité. Si les chrétiens, en petit nom- des tempêtes. Quand toute la terre serait bou-
bre, n'ont pas été vaincus, aujourd'hui que leversée, j'ai son écrit ; je le lis ces caractères ;

leur religion remplit la terre, comment pouvez- que je lis, ces paroles, voilà mon mur d'appui,
vous les vaincre? Le ciel et la terre passeront, voilà ma sûreté. Quelles paroles? Je suis avec

mais les paroles que je dis ne passeront pas. Et vous tous les jours, jusqu'à la consonmuitiondes
c'est justice; car pour Dieu l'Eglise a plus de siècles. (Matth. xxvni, 20.) Le Clirist est avec
charmes que le ciel. Il n'a pas pris le corps du moi, qui donc craindrai-je? quand les flots se

ciel, mais il de l'Eglise; le ciel


a pris la chair saulèvoraient contre moi, et la mer, et les fu-

est pour l'Eglise et non l'Eglise pour lo ciel. iXHU'S des princes, tout cela est plus mince à
N'éprouvez aucun trouble de ce (\\n est arrivé. mes yeux cpie les toiles de l'araignée. Sans la
Accordez-moi cette gnice, une foi invariable. charitéqui me fait vivre pourvous, aujourd'hui
Ne savez-vous pas que si Pierre, marcliant sur inênic j'aurais consenti à partir. Car je dis tou-
les eaux, se vit, pour un monient dr doute, jours, Seigneur que votre volonté soit faite
PREMIÈUE HOMÉLIE DE S. CHRYSOSTOME AVANT SON DÉPART POUR L'EXIL. 317

(Ibid. VI, 10), non ce que veut un tel ou un tel, ce là ce qui cause mes épreuves? C'est l'amour
mais ce que vous voulez. Voilà ma tour, mon que pour vous; je fais tout pour vous
j'ai

roc, qui ne boufj^e pas, mon bâton »iui tient maintenir inébranlables, pour prévenir toute
ferme. Si c'est !a volonté de Dieu que telle invasion dans la bergerie, pour conserver mon
chose arrive, eh bien, (lu'ellc arrive! S'il me troupeau intact. La cause de mes combats me
veut ici, je le bénis; partout où il me voudra, suffit pour la couronne. Que ne soulfriraisje pas

je le bénis. pour vous? Vous êtes mes concitoyens vous ,

Que personne ne vous trouble priez. Le


3. : êtes mes pères, vous êtes mes frères, vous ôies
démon a fait ces choses pour interrompre votre mes enfants, vous êtes mes membres, vous êtes
application à la prière. Mais il s'agite en vain; mon corps, vous êtes ma lumière ou plutôt,
,

au contraire, nous vous trouvons plus zélés, vous êtes plus doux pour moi que cette lumière.
plus fervents. Demain je viendrai me joindre à Les rayons du soleil ont-ils pour moi une dou-
vos prières. Où je suis, vous où vous
êtes; ceur égale à celle de votre amour? Ces rayons
êtes, je suis; nous ne sommes qu'un même me servent pour la vie présente, mais votre
corps le corps ne se sépare pas de la tête la
; ; amour me tresse une couronne pour l'avenir.
tête ne se sépare pas du corps. Les lieux nous Je dis ces paroles pour les oreilles de ceux qui
divisent, mais la charité nous unit; la mort m'écoutent. Qu'y a-t-il de plus prompt à
même ne pourra pas nous désunir. Quand mon écouter que vos oreilles? Il y a tant de jours
corps viendrait à mourir, mon âme vit, elle que vous veillez, sans que rien ait pu vous
garde le souvenir de mon peuple. Vous êtes abattre, ni la longueur du temps vous amollir,
mes pères, comment puis-je vous oublier? malgré les sujets de crainte, malgré les mena-
vous êtes mes pères, vous êtes ma vie, vous ces devant tous les dangers, vous êtes devenus
;

êtes ma gloire. Vos progrès sont ma gloire, si des hommes forts. Que dis-je? Vous êtes deve-
bien que ma vie, ma richesse, réside dans ce nus ce que j'ai toujours désiré, vous avez mé-
trésor qui est le vôtre. Je suis prêt à subir pour prisé les choses du siècle, vous avez dit adieu
vous mille morts, et je ne vous fais en cela à la terre, vous vous êtes élancés jusqu'au
aucune faveur, je vous paie une dette Le bon : ciel. Vous vous êtes affranchis des liens du

pasteur donne sa vie pour ses brebis (Jean x, H ,


)
corps, vous combattez pour atteindre à celte
il se laisserait mille fois égorger, mille fois sagesse qui est la félicité Voilà mes couronnes,
!

trancher la tête. Cette mort, c'est le fondement voilà ce qui m'encourage, voilà ma consola-
de l'immortalité; ces assauts, c'est la voie qui tion, voilà l'onction pour moi, pour moi la
mène à la vie pour jamais tranquille. Ce n'est vie, pour moi le fondement de l'immortalité.
pas l'amour des richesses qui m'expose à ces Voilà ce dont nous rendons grâces à Dieu, à
attaques, pour que je m'afflige; ce ne sont pas qui appartient la gloire dans les siècles des
nies péchés, pour que je verse des larmes. Est- siècles. Ainsi soil-il.
318 TUADUCTION FRANÇAISE DE SALNT JEAN CHU YSOSTO?.!E.

DEUXIÈME HOMÉLIE.
oaun fm uDrysoslome su rnomem de panir pooi I em.

AVERTISSEMENT.

Cequ'il y a de bon dans ce discours se trouve déjà dans le précédent. Le reste ne paraU pas digne de saint Chrysoslome. l'ne
cbose cependant semble prouver l'aulhenlicité de celle homélie. Dans sou premiei discours ap:ès son retour de l'exil saint
Chrysostome dit Vous vom souvenez que fai fait paraître au milieu de vous le bienheureux patriarche Job... Or, le
:

patriarche Job figure eu effet dans le discours qu'on va lire. Mais le faussaire pourrait avoir tiré le passage du discours aulhen*
tique qui existait eucore. Quoiiiu'il en soit, ceux qui soutiennent que la pièce suivante est de saint Clirysostonie sont obiités
d'avouer qu'elle a subi de graves altérations de la part de» copistes.

1. Heureux pour nous, mes


sujet d'entretien Qu'ils déposent donc aussi l'apolre Paul, pour
frères, brillante mer, vaste et
réunion! c'est la avoir, après souper, conféré le baptême au
spacieuse, au.\ flots pressés, mais que n'agitent geôlier j
qu'ils déposent donc le Seigneur lui-
pas les vents impétueux. Car elle est venue même, pour avoir, après souper, distribué la
celle qui enfante la paix, qui éteint l'impétuo- communion à ses disciples. Les flots s'amon-
sité La mère de Sion dira : un grand
des vents, cèlcnt et la tempête devient sinistre, et je vois
nombre d'hommes sont nés dans elle; et le Très- les lances toutes prêtes ;
je suis comme un pi-
Haut lui-même Va fondée, (l's. lxxxvi, 5.) Mes lote, au milieu d'une grande tourmente; je
cliers petits enfants on veut ma mort
, El ! suis assis à deux poupes, car le navire en a
pourquoi craindrais-je la mort? Ma vie à moi., deux, l'Ancien et le Nouveau Testament, et,
c'est le Christ., et mourir est mon gain. (Philip. avec mes rames je repousse les vagues fu-
,

I, 21.) Mais ils vous enverront en exil? C'est an rieuses je ne dis pas avec des rames faites de
;

Seigneur qu'appartient la terre, et tant ce gui bois, c'est avec la croix adorable du Seigneur
la remplit. (Ps. xxiii, 1.) Mais la confisca- tjue je change l'agitation en tranquillité.
tion demes biens? Nous n'avo7is rien apporté Le Seigneur commande, et l'esclave est cou-
671venant au monde, il est évident que nous ronné; voilà jmnniuoi il le laisse un moment
n'en poucuns rien anporter. (1 Tim. vi 7.) , à la merci du démon. Les hommes ne saveot-
Mais vous savez bien, mes frères, pourquoi ils ils pas que c'est par le moyen de ce qui est

veulent me dépoircr. C'est que je n'ai pas dé- impur que le vase est rendu brillant de la plus
ployé de tapisseries c'est ; que je n'ai pas encou- grande pineté? Mes frères, je vous donne trois
ragé leur gourmandise qui engloutit tout ; fondements de la sanctification; la foi, la ten-
c'est que je ne leur ai offert ni or, ni argent. tation, la continence. Si vous dites que c'est la
Or, ils me disent (iiie j'ai mnngé, t|ue j'ai bu, foi qui est le soutien, imitez le bienheureux

que j'ai baptisé. Si j'ai fait cela, (jue l'anallième Abraham, qui recueillit dans une grande ,

soit sur moi ;


que je sois retranché du noiiibre vieillesse, la maturité des fruits. Si vous dites
desévèques; ([ue je ne sois pas admis parmi que c'est la tentation cpii est le soutien, imitez
les anges, que je ne stMS pas agtéal)le à Dieu! le bienheureux Job. Vousconnaissez ses mœurs,
Mais si j'ai ma igé, si j'ai baptisé, je n'ai rion vous avez appris sa patience, et vous n'ignorez
(ail qui ne lU de circonstance et à propos. pas sa foi. Si vous préférez dire que c'est la
DEUXIÈME HOMÉLIE DE S. CHRYSOSTOME AVANT SON DÉPART POrU I;EXIL. ;il9

continence qui est le soutien imite? le bienheu- , aujourd'hui elle m'a appelé Judas; hier, en
reux Joseph, qui fut vendu pour être conduit toute liberté, elle s'est assise auprès de moi, et
en Egypte ce pays était désolé par la famine,
;
aujourd'hui, comme une bête sauvage, elle a
il l'en délivra. Il eut à subir la tentation que bondi sur moi. II vaudrait mieux voir le soleil

lui olTrit une courtisane de rE{?ypto, esclave s'éteindre, ne plus apercevoir la lune, que
de l'amour qu'elle éprouvait pour lui, assise à d'oublier les paroles de Job. En effet, lorsque
ses côtés Dors, lui dit-elle, avec moi. (Cen.
:
Job souffrit un si grand coup, il se borna à
XXXIX, 7.) Elle voulait le dépouiller de sa con- s'écrier Que le nom du Seigneur soit béni
:

tinence sur cette terre d'Egypte, l'Egyptienne. da?îs tous les siècles! (Job, i, 21.) Quand sa
Ici aussi il y a un Egyptien '. Miis ni cette femme Maudissez Dieu, ei mourez
lui cria :

femme n'a supplanté le saint, ni l'Egyptien (Ibid. II, 9, 10), il la réprimanda par ces pa-

votre évêque au contraire, on a vu se mani-


;
roles Pourquoi parlez-vous comme une femme
:

fester à la fois la continence de l'homme libre, insensée? ingratitude de la femme! ô émol-


la noblesse des enfants et le dérèglement de lient des douleurs Est-ce que, quand tu étais
1

la femme barbare. malade toi-même, ô femme! tu as entendu de


2, Mes frères, le voleur ne va pas où il n'y a telles paroles de la bouche de Job? Est-ce que,

que de la paille, du foin et du bois, mais où se au contraire, par ses prières, par ses bons
trouvent l'or, ou l'argent, ou les perles de : soins, il ne t'a pas enlevé ta maladie? Quand il
même le démon n'entre pas où se trouve un vivait dans les palais des rois, quand il avait
débauché un impie , un ravisseur un
, ,
des richesses, quand il avait un train royal, tu
avare il cherche ceux
; qui vivent dans la ne disais rien de semblable; et maintenant
solitude. Mes frères, est-ce que nous voulons que tu le vois assis sur le fumier, en proie aux
donner à notre langue toute sa liberté en vers, tu lui dis Maudissez Dieu, et mourez.
:

ce qui touche l'impératrice? Mais que dirai-je? Ne lui suffisait-il pas de cette leçon dans le
Jézabcl fait le tumulte, ¥A\g prend la fuite; temps? Tu veux, par tes paroles, lui procurer
Hérodiade se réjouit, et Jean est dans les fers ;
un châtiment éternel! Mais que répond le bien-
l'Egyptienne ment, et Joseph est gardé en pri- heureux Job? Pourquoi parlez-vous comme
son. S'ils m'exilent, j'imiterai Elle; s'ils me une femme insensée? Si nous avons reçu les
jettent dans la boue, je serai comme Jérémie ;
biens de lamain du Seigneur, ne supporterons-
s'ils me précipitent dans la mer, Je ferai comme nous pas aussi les maux qu'il ?ious envoie ? Mais
le prophète Jonas; dans un lac, comme Daniel; que veut cette femme qui viole les lois? celte
s'ils me lapident, je serai comme Etienne; s'ils détestable, cette nouvelle, oui, je le dirai, cette
me tranchent la tète, je serai comme Jean le nouvelle Jézabel, est-ce qu'elle ne crie pas ea
précurseur; s'ils me
frappent de verges, ils disant '
elle m'envoie consuls et tri-
Mais
feront de moi un autre Paul; si leur volonté buns, ne fait que menacer. Et que
et elle
est de me scier, un autre Isaïe. Qu'ils me scient m'envoie-t-elle? Des araignées de la part d'une
donc avec une scie de bois, pour que je jouisse araignée. mes frères! ô vous tous! si les
de l'amour de la croix. Celle qui est ensevelie épreuves donnent la victoire, si les combats
dans son corps attaque l'homme affranchi de méritent la couronne, ainsi que le disait tout
son corps; celle qui se plonge dans les bains, à l'heure Paul, inspiré d'en-haut Tai bien :

dans les parfums, dans les embrassements d'un combattu, j'ai achevé ma course, j'ai gardé la
homme, combat la pureté immaculée de l'E- foi; ce qui meà attendre la cou-
reste, c'est
glise. Mais voici que cette femme va s'asseoir ronne de justice qui que me în'est réservée,
solitaire, veuve, du vivant
de l'homme même décernera, au grand jour du jugement, le Sei'
à qui elle s'est livrée. Ainsi, qui n'es toi, gneur, le juste Juge (II Tim. iv, 7), ta qui
qu'une femme, tu veux rendre veuve l'Eglise 1 appartiennent la gloire et l'empire, dans les
Hier, elle m'appelait le treizième apôtre, et siècles des siècles. Ainsi soit-il.

I
TU«0|)bilti, «véqut d Al«xaadri«. ' U 7 a un« Ucunt daoi ce Uite,
PREMIÈRE HOMÉLIE
DE

SALNT J. CHRYSOSTOME APRÈS SON RETOUR DE L'EXIL.

AVERTISSEMENT.

Saiut Jean Chrysostome était parti pour son exil ; mais bientiJl l'impératrice Eudoxie, qui avait contribué à le faire exiler, effrayée

des cris et desgémissements du peuple qui redemandait son évêque , et par un tremblement de terre qu'éprouva la ville de
ConstantinoplCj sollicita elle-même son rappel. On envoie de tout côté pour le chercher, et le Bosphore se couvre de barques
qui passent en Asie. Le saint Pontife est reçu dans la ville en triomphe, accompagné d'un peuple nombreux, qui, portant des
flambeaux et chantant des hymnes, le conduit au temple des Apôtres, où il prononce son premier discours. Il y rend grâces à
Dieu de son retour, comme il l'avait béni à son départ, acceptant de sa main le bien et le mal avec reconnaissance, à l'exemple de
Job. Il se félicite de l'amour de son peuple, auquel il est resté uni de cœur pendant son éloignement. Ses ennemis lui ont rendu
un grand service en croyant lui nuire ils lui ont: fait connaître combien il était aimé. Il fait l'éloge de son troupeau sous la :

figure d'une chaste épouse qui, séparée de son époux, lui reste fidèle, il le loue du vif attachement qu'il lui a témoigné ; il
prie le Seigneur de le récompenser comme il le mérite ; le Seigneur auquel ils doivent tous rendre des actions de grâces.
Dans un second discours, prononcé le lendemain, saint Jean Chrysostome s'étend davantage sur les circonstances de son départ
et sur celle de son retour. Il compare son église à Sara, et son ennemi, l'évèque d'Alexandrie, à Pharaon, qui enleva Sara des
mains d'Abraham, mais qui fut bieulôt obliç;c de la lui rendre. Il loue la fidélité de son église il s'élève contre les violences
;

de son persécuteur, qui n'ont servi qu'à prouver combien l'évoque de Constantinople était aimé dans sa ville. Les fidèles, les
hérétiques, les juifs mêmes, lui ont donné des marques d'attachement. Il félicite le peuple de n'avoir opposé que des prières
aux violences atroces de leurs ennemis. Il décrit l'empressement et les transports avec lesquels il a été reçu. Il rapporte quel-
ques circonstances de son retour, et cite les propres paroles de la lettre de l'impératrice, sur laquelle il fait des réflexions à la
louange de cette princesse. Un nouvel éloge pour lequel il est prêt à sacrifier sa vie, des plaintes contre son
de son peuple
clergé qui s'est ligué avec ses ennemis, des louanj;es
aux princes, qui témoignent tant de zèle pour l'Eglise, des
adres.'^écs
exhortations à son troupeau pour qu'il reste uni au pasteur, pour qu'il travaille à afl^errair la paix, et pour que, de concert avec
lui, il remercie Dieu des bienfaits qu'ils en ont reçus; voilà ce qui termine le second discours de saint Jean Chrysostome aprèi

son retour.

1. Quel discours, quelles paroles ferai-je en- est la même


que celle de l'été, fin unique, la
tendre? Dieu soit béni ! Ce que j'ai dit à mon prospéritédu champ cultivé. Béni soit Dieu qui
départ, je le dis à mon retour, ou plutôt, dans a permis que je partisse; béni soit Dieu qui a
mon séjour au loin, je n'ai pas cessé de le ré- voulu mon retour; béni soit Dieu qui a permis
péter.Vous vous rappelez que j'ai fait paraître la teiupête; béni soit Dieu qui a dissipé la tem-
au milieu de vous le bienheureux Job disant : pctc et fait la Ces paroles sont pour
tranquillité !

L€nomdHSeigneursoitbcnidanstoiislessiècles\ vous fortifier dans l'habitude de bénir Dieu.


(Job, 1,21.) Voilà les gages que je vousai laissés Des biens te sont accordés? bénis Dieu, et tes
en partant comme actions de grâces, je les re- biens te restent. Les malheurs sont venus?
prends : Le nom du Seigneur soit béni dans bénis Dieu, et les malheurs disparaissent. Vous
tous les siéc/esl Diversité dans les événements; voyez bien que Job au sein des richesses rendait
unité dans la glorification. Chassé, je rendais grâce à Dieu; devenu pauvre, il rendait encore
grâce; je reviens, je rends grâce encore. Diver- gloire à Dieu. M ravisseur d'abord, ni blas-
8ité dans les événements; mais la fin de l'hiver phématcur après, II y eut pour lui diversité de
Trvv jyr
2j
322 TRADUCTlOiN FRANÇAISE DE SAINT JEAN CHRYSOSTOME.

posilions, unité de volonté. Le calme de la mer avons été attaqués par des menées insidieuses;
n'engourdit pas l'énergie du pilote, la tem[)êle ils ont été chassés. Nous sommes venus auprès

ne l'engloutit pas. J'ai béni Dieu quand j'ai été de Timothée, nouveau Paul. Nous sommes ve-
séparé de vous, je le bénis quand je vous ai nus auprès des saints corps qui ont porté les
recouvrés. Ces deux états divers sont l'effet de stigmates du Christ. Ne crains jamais la tenta-
la même Providence. Mon corps a été loin de tion, si tu as une âme généreuse tous les saints :

vous, jamais ma pensée. Voyez quelles grandes ont été ainsi couronnés. L'affliction des corps
chosesunl faites les intriguesdenosennemis. Ils est grande, mais plus grande la tranquillité des

ont don né plus de force à l'amour qui nous unit, âmes. Puissiez-vous être toujours sous le far-
ils ont donné à l'amour de mon peuple l'occasion deau. C'est ainsi que le pasteur lui-même se

d'éclater comme un incendie, ils m'ont procuré réjouitquand il subit le travail pour ses bre-
des milliers d'hommes qui s'attachent à moi ;
bis. Que dirai-je? oîi jetterai-je la semence? Je

avant ce jour les miens m'aimaient, à présent ne trouve pas une place vide. Où travail-
voici que les Juifs en plus m'honorent. Ils espé- lerai-je? ma vigne n'est point dégarnie. Où
raient me séparer des miens, et ils n'ont fait que temple est achevé; mes filets
édifierai-je? le
me concilier des étrangers. Mais ce n'est pas à rompent à cause de la multitude des pois-
eux, c'est au nom de Dieu que j'en dois rendre sons. Que ferai-je? Ce n'est pas le temps du
grâce; il a fait servir leur perversité à notre travail. Aussi je vous exhorte, non pas parce
honneur, car les Juifs ont crucifié Notre-Sei- que vous avez besoin d'enseignements, mais
gneur, et le monde a été sauvé, et ce n'est pas parce que je veux vous montrer mon affection
aux rends grâce, mais au Cruci-
Juifs qiie j'en toute naturelle. Partout les épis dans toute
fié. Qu'ils voient donc comme voit notre Dieu, leur richesse. Tant de brebis, et pas un loup ;

quuUe paix ont enfantée leurs trames, quelle tant d'épis, et pas l'ombre d'une épine ; tant de
gloire elles nous ont acquise. Aupara\ant l'église vignes, et pas de renard. Les bêtes de>orarjie!>
seule était remplie, aujourd'hui la place pu- sont submergées; les loups ont fui. Qui les a

blique tout entière est devenue une église. De poursuivis? ce n'est pas moi, le berger, mais
l;i-bas jusqu'ici, ce n'est qu'une même âme, vous, les brebis. noble nature des brebis!
une seule tète qui remplit tout l'espace. Ptr- En l'absence du pasteur, elles ont mis les l(»ups

sonne n'a imposé silence à votre chœur, et en déroute. beauté de l'épouse, ou plutôt
cependant tous étaient dans le silence, tous chasteté en l'absence de l'époux, elle a chassé
!

étaient sair-is de componction. Les uns chan- les adultères. beauté et chasteté de l'épouse!
taient des psaumes, les autres trouvaient bien- elle a montré sa beauté, elle a montré aussi sa
heureux ceux qui chantaient les psaumes du probité. Commentas-tu chassé les adultères?
Seigneur. Aujourd'hui ce sont les jeux du C'est que tu aimais ton époux. Comment as-iu
circpie et [lersunne ne s'y trouve; mais tous se chassé les adultères? Par la grandeur de la chas-

sont précipités à granils flots dans l'église, on teté. Je n'ai point pris les armes, point de lances,
diiiiil des torrents; oui, votre assemblée est un point de boucliers je leur ai montré
;
ma beauté.
torrent, et vos voix sont des fleuves qui rejail- Ils pu soutenir mon éclat. Où sont-ils
n'ont
lissent au ciel et qui témoignent de votre amour maintenant ? dans la honte. Où sommes-
l)our un ()ére. Nos |iricres ont |)lus d'éclat pour nous? dans l'allégresse. Avec nous les empe-
moi (ju'un diadème. Je m'adresse à la fois aux reurs, avec nous les princes. Quels discours,
hommes et aux femuu s : Car en Jésus-Christ, quelles paroles ferai-je entendre? ()?/e le Sei-
il 11 y a ni homme ;</ femme Com-
(Gai. ni, 28.) gneur vous comble de nouveaux bidis, vous
ment parlerai-je des puissances du Seigneur? et vos enfants (Ps. cxm, ii), et recueille votre

Vous connaisse/ toute la vérité de ce (jue je allégresse comme dans un filet pour la tirer

veux vous dire celui (jui supj)ortera fortement


: à lui. Mettons ici fin à nos paroles, rendant en
les fenlalions. en recueillera un grand fruit... toutes choses des actions de grâce au Dieu de
2. Voilà |)Ourquoi je vous ai convoqués au- bonté, à qui est la gloire dans les siècles des
près des apôlres. Chassés, nous sommes venus siècles. Ainsi soit-il.

auprès de ceux qui ont été chassés. Nous


DEUXIÈME HOMÉLIE
DE

SAINT J. CHllYSOSTOME APRÈS SON RETOUR DE L'EXIL.

Lorsque Sara, l'épouse d'Abraham, lui fut


4. perversité de l'homme a paru, et, en même
ravie par Pharaon celte belle et noble femme
;
temps, a paru la bonté de Dieu. Le barbare
par ce méchant, ce barbare, cet Egyptien ;
d'autrefois reconnut son péché, avoua sa faute;
lorsque les regards de Thomme injuste pui- ildit à Abraham Pourquoi avez-vom fait
:

sèrent dans la contemplation de cette beauté cela? Pourquoi m'avez-vous dit : C'est ma
un df^sir adultère, si, à Theure môme, à l'ins- sœur? Vous m'avez exposé au péché. (Gen. xii,
tant, tout de suite. Dieu n'a pas infligé le châ- 18, 19.) Notre barbare à nous, après son in-
timent, c'était pour (|u'on vît bien et la vertu fraction à la loi, y a persisté. Misérable! mal-
de l'homme juste, et la chasteté de la femme, heureux ! Tu as péché, tiens-toi en repos.
et l'incontinence du barbare, et la divine N'ajoute pas le péché au péché. Sara sortit
Bonté la vertu de l'homme juste, parce qu'il
: d'Egypte, enrichie de l'or des Egyptiens : l'E-
soulfrit et bénit Dieu; la chasteté de la femme, glise est sortiede son épreuve, enrichie des
parce t|ue, louibce entre les mains du barbare, biens de l'âme, et plus belle de sa continence.
elle se conserva pure; l'incontinence du bar- Voyez la démence du barbare. Tu as chassé le
bare, parce qu'il envahit la couche d'un autre; pasteur, pourquoi as-tu dispersé le troupeau?
la divine Bonté, parce qu'après avoir attendu Tu as renversé le pilote, pourquoi as-tu brisé
que tout fût ilésespéré humainement. Dieu le gouvernail? Tu as chassé le vigneron, pour-
alors couronna le juste. Ce qui s'est fait quoi as-tu ravagé les vignes? Pourquoi as-tu
contre Abraham jadis, s'est fait, de nos jours, dévasté les monastères? Tu as fait ton invasion
contre l'Eglise. Aujourd'hui encore, un Egyp- à la manière des barbares.
tien ', connue autrefois, un Egyptien; il avait, 2. Tout ce qu'il a fait, c'est pour qu'on vît
celui-là, des satellites; celui-ci a eu des valets. paraître votre vertu ; tout ce qu'il a fait, c'est

L'ancien a enlevé Sara ; le nôtre, l'Eglise : pour montrer à tous qu'il y a ici une bergerie,
Pharaon n'a possédé sa proie qu'une seule avec le Christ pour berger. On chasse le ber-
nuit; celui-ci, qu'un seul jour, et un seul jour ger, et le troupeau est compacte, et la parole
même ne lui a pas été accordé. Il ne l'a pos- de l'Apôtre s'est accomplie Ayez soin, non-:

sédée que ce qu'il fallait pour révéler la chas- seulement lorsque je suis présent, mais aussi
teté de l'épouse; il entre de force, et l'honneur en mon absence^ d'opérer votre salut avec
de la chaste épouse n"a pas souffert d'atteinte. crainte et tremblement. (Philipp. ii, 12.) Vous
Il avait cependant tout préparé pour le faux savez quelles étaient leurs menaces, parce
mariage : le contrat était en règle ; grand qu'ils redoutaient votre vertu, votre charité,
nombre de ses familiers avaient signé; la ma- votre affection pour moi. Nous n'osons rien,
chine était dressée, elle a manqué son effet. La disaient-ils,dans l'intérieur de la ville; livrez-
> Tbao^hili il'Alex&ndri*. le-nous dehors. Prenez-moi donc dehors, si vous
1-24 TRADUCTION FRANaiSE DE SAINT JEAN CHRYS05T0>rE.

voulez coiinaître la générosité de mes enfants, vous ayez vaincu, mais qu'en mon absence
i'énei gie de mes soldats, la puissance de mes vous ayez vaincu. Si j'eusse été là, j'aurais re-
oplites, la splendeur de nos diadèmes, la sura- vendi(iué, auprès de vous, ma part de victoire ;

bondance de nos richesses, la grandeur de notre mais, comme j'étais au loin, le trophée n'ap-
charité, ce qu'endure la constance, ce qu'e>t la partient qu'à vous seuls. Que dis-je? Cela même
liberté dans sa fleur, ce qu'a d'illustre notre est une gloire pour moi. Je me reprends, et
victoire, ce que votre défaite a de ridicule. voici que je revendique, auprès de vous, ma
surprise, ô prodige! Le berger qu'on chasse, part de la victoire. C'est moi qui vous ai élevés
et le trouptiau dont l'ardeur bondit! le général de telle sorte que vous puissiez, même en l'ab-
au loin, et les soldats qui prenaient leurs sence de votre père, montrer la noblesse que
armes L'Eglise n'avait pas seulement pour
1 vous portez en vous. Comme on voit les athlètes
elle son armée; la cité entière était devenue généreux, même en l'absence du gymna-
l'Eglise. Les carrefours, les places, l'air se siarque, [)rouver leur vigueur; ainsi la vigueur
sanctifiaient, les hérétiques se convertissaient, généreuse de votre foi, même en l'absence de
les Juifs s'amendaient, des prêtres s'attiiaient votre maître, s'est montrée dans sa beauté. A
leur condamnation; oui, les Juifs bénissaient quoi bon les discours? Les pierres poussent
Dieu et accouraient vers nous. C'est ce (jui des cris, les murailles font entendre leur voix.
arriva pour le Christ. Caiphe le mit en croix, Allez au palais de l'empereur, et aussitôt vous
et un brigand le confessa. surprise, ô pro- entendez : les peuples de Constantinople. Allez
dige! Des prêtres assassinèrent, et des mages aux rivages de la mer, dans les déserts, aux
adorèrent! Ces choses ne doivent pas étonner sommets des montagnes, dans les demeures
l'Eglise. Si ces choses n'étaient pas arrivées, habitées, votre éloge y est inscrit. A quoi
notre trésor ne se fût pas montré; trésor réel ;
devez-vous la victoire? Non à vos richesses,
il ne se fût pas montré. C'est ainsi que Job mais à votre foi. peujde, ami de son docteur !

était juste; on n'aurait pas vu qu'il était juste ô peuple, qui chérit son père! ô ville bienheu-
sans ses blessures, sans les vers qui le ron- reuse, non à cause de ses colonnes et de ses
geaient. Il en est ainsi de notre trésor; sans les liunbris d'or, mais à cause de votre vertu ! Tant
perfides attaques, il ne se lût pas montré. d'aîtaques insidieuses, et vos prières les ont
Dieu, se justifiant, dit à Job Pensez-vous qu'en
: vaincues, et c'est justice, et c'est raison; car les
vous répondant^ faie pu avoir d'autre pensée prières étaient continuelles, et les larmes cou-
que de faire paraître votre justice? (Job, xl, 8.) laient comme des fontaines. Ils avaient des
Ils ont ourdi leurs trames contre nous, ils nous armes, vous aviez vos pleurs; ils avaient leur
ont fait la guerre et ils ont été vaincus. Com- rage, et vous, votre douceur. Fais ce que tu
ment nous ont-ils fait la guerre? Avec des bà- veux vous priez. Et ceux qui parlaient contre
:

lons. Comment ont-ils été vaincus? Par des nous maintenant, où sont-ils? Est-ce que nous
prières. Si quelqu'un vous a frappé sur la avons agité des armes, tendu des arcs, lancé
joue droite, tournez-lui encore l'autre. (Malth. des traits? Nous priions et ils fuyaient. Comme
V, 39.) Tu apportes des bâtons dans l'église, et la toile de l'araignée, ils ont été dissipés, et
tu lui fais la guerre? Où règne la paix pour vous êtes restés solides comme la |>ierre. Je
tous, tu excites la guerre? Tu n'as pas de res- suis bien heureux, à cause de vous; je savais
pect pour le lieu, ô inallioureux, ô misérable ! bien, même auparavant, quel trésor je possé-
ni pour la dignité du sacerdoce, ni pour la dais ;
je l'admire pourtant aujourd'hui. On
majesté du Chef? Le ba|>tis;ère a été rempli de méloignait, et la cité changeait de place. Pour
sang. Où se fait la rémission dos péchés, s'est un seul homme, la mer devenant une ville!

laite l'etrusiondu sang. Quelle bataille a vu ces Les femmes, les hommes, de tout jeunes en-
excès ! L'emp-ereur entre et jette bouclier et fants, des mères portant leurs enfants dans
diadème; toi, tu es entré, et tu as bramh les leurs bras, atfrontaient les vagues, mépri.
bâtons! L'empereur laisse aux portes île léglise saient les tlots ; l'esclave ne craignait plus
les emblèmes de l'empire; toi, tu apportes son maître; la femme avait oublié sa natu-
dans l'église les emblèmes de la guerre! Mais publique était changée
relle faiblesse; la place
tu n'as pas fait de mal à mon Epouse; elle me en église; plus de place publique, plus rien
reste, et l'on admire sa beauté. (|u'ime église; transfornialion partout, à
'^, C'est pourquoi je me réjouis, uon puisque cause de nous. Qui n'avez-vous pas rempli
IDEIXIÉME HOMÉLIE DE SAINl CHRYSOSiOME APRÈS SON HEiOLK DE L'EXIL. 32o

(le vos sentiments? Vous avez reçu l'inipé- et de leur baptême. Je me souviens que c'est
ratiiee ', confoiulno avec vous. Je neveux pas par vos mains qiie mes fils ont été baptisés.
caclier le zèle (jirellc a montré ponr moi. Ce Telle s'est montrée pour moi l'impératrice;
n'est pas en flatteur de rimpératrice que je quant aux prêtres, que la jalousie aveuglait
parle; c'est sa piété que je célèl)re. Je ne veux tous, ils ignoraient en quel lieu je m'étais re-
pas cacher le zèle (ju'elle a montré pour moi. tiré. Admirez ce que je vais vous dire : Celle-ci,
Elle n'a pas pris des armes; elle s'est couverte comme si elle eût tremblé pour
m'es- un flls,

de ses glorieuses vertus. On m'éloignail alors, cortait partout, non de


personne, mais par sa
vous savez comment. Il faut bien dire ce qui les soldats qu'elle avait envoyés en particulier.
pour vous faire comprendre ce (jui fait
afflige, Elle ne savait pas non plus où je m'étais retiré ;

du bien. Comprenez donc comment on m'éloi- mais partout elle envoyail dans la crainte que ,

gnait, et comment je suis revenu. Ceux qui le pasteur nefùtégorgétraîtreusementetqu'elle

sèment dam
les larmes moissonneront dans la ne perdît la proie à qui elle faisait la chasse,
joie. Ilsmarchaient et s'en allaient en pleurant., pour la sauver. Je ne veux qu'une chose, faire
et jetaient leurs semences sur la terre; mais ils le peu que je puis je ne veux qu'une chose,
;

reviendront avec des tramports de joie, en por- c'est que ses ennemis ne s'en emparent pas. Les
tant les gerbes de leur moisson. (Ps. cxxv, .^), 6.) ennemis allaient, circulaient partout, étendant
Ces paroles sont devenues la réalité. C'est avec leurs fllets pour me prendre, pour me remettre
joie que vous avez accueilli celui dont vous dans les mains des méchants. Cette pieuse
escortiez le départ avec douleur. Et il ne s'est femme s'adressait aussi à l'empereur, et tou-
pas écoulé un long temps; en un seul jour, chant ses genoux, s'efforçait de l'associer à sa
tout a été terminé. Ce retard, n'était que pour chasse généreuse. Comme Abraham cherchait
vous ; car Dieu, dès le principe, avait tout Sara, ainsi elle cherchait son époux. Nous avons
terminé, perdu le prêtre, dit-elle , mais il faut le rame-
\. maintenant une chose secrète
Je vous dis : ner. Nous n'avons plus d'espoir pour l'empire,
Je traversais la mer, seul, portant dans mes si nous ne pouvons pas le ramener. II m'est

bras l'Eglise, car la charité n'est jamais étroite. impossible d'avoir aucun commerce avec aucun
Le navire n'était pas trop petit. Mes en- de ceux qui ont fait ces choses et elle versait ;

trailles ne se sont point resserrées pour vous. des larmes, et elle adressait à Dieu ses prières,
(Il Cor. VI, 42.) Je m'éloignais, plein de soucis etil n'était pasderessortqu'ellenefîtjouer. Vous
Itour vous, séparé devons par le corp'*, joint à savez vous-mêmes avec quelle bienveillance
vous par la pensée , je m'éloignais, suppliant elle nous a accueillis,nous a pris dans ses bras
Dieu, déposant dans son cœur mon alfeclion comme ses propres membres, les paroles qu'elle
pour vous ;
je m'éloignais , j'étais assis , soli- nous a dites, pour vous montrer qu'elle parta-
taire, plein de soucis |)Our vous, méditant sur geait votre inquiétude ; ces paroles ont touche
mon exil, j'étais seul; tout à coup, après cette votre atl'ection; vous avez vu en elle, la mère
nuit malheureuse, au point du jour, je reçois des Eglises, nourrice des moines, la patronne
la

de la plus pieuse des femmes une lettre où , des saints, le bâton des pauvres. Son éloge est
je vois ces paroles. Car il faut que je vous cite devenu la gloire de Dieu, la couronne des Egli-
textuellement les paroles Que voire Sainteté: ses. Dirai-je l'ardeur de son amour? Dirai-je
se garde de croire que j'eusse connaissance de son zèle pour moi ? Hier soir elle m'a envoyé
ce qui s'est passé ; je suis innocente de votre ces mots : Dites-lui de ma part : « Ma prière a
sang. Des hommes pervers, des scélérats ont « été exaucée que je demandais, je l'ai ob-
, ce
dressé cette machine ; j'ai pour témoin de « tenu. J'ai reçu une couronne plus bdie que
mes larmes ce Dieu à qui je sacrifie. Qutlles « mon diadème , j'ai recouvré le pontife j'ai ;

l;bation> a-t-elle répandues? ses larmes étaient « rendu au corps sa tête, au navire son pilote,
des libations. A qui je sacrifie. Voyez-vous cette « au trou[»eau son pasteur, au lit nuptial l'é-
prêtresse, qui s'était ordonnée elle-même, qui « poux. »

otliait à Dieu ses larmes, la confession et la Les adultères ont été couverts de honte.
5.

pénitence, non pour le prêtre , mais pour l'E- Quejevive,queje meure, peu m'importe. Voyez
glise, pour le peuple qu'on déchirait. Elle se l'issue glorieuse de lépreuve. Que puis-je faire
souvenait, oui , elle se souvenait, et de ses flls, pour vous payer d'un juste retour? Conunent
' L'impemtnc» Kudoxi». donner à votre alTection une récompense qui
m ÏKAliUaiO*N i-KAiNVAiSE bh i>Ai:>i itXS Cb'RVSÛbîOilE.

légale ? (jui l'égale , c'est impossible. Mais ce Mais je ne veux pas apprécier ré\éncmenl
flots.

que je puis je vous le donne; je vous aime et par l'issue, je ne veux y voir que le crime de
je suis prêt à verser tout mon sang pour voire leur pensée. Comment toi, un assistant de
salut. Non, jamais personne n'a possédé de tels l'autel, a qui on avait coufié le soin duo si

fils; personne, un tel troupeau, personne, un grand peuple, qui devais réprimer les désor-
ctiamp si fertile. Je n'ai pas besoin de pratiquer dres, tu as irrité la tempête, tu as poussé le
de culture, moi je m'endors, et les épis jau- glaive contre loi-nième lu as perdu tes en-
,

nissent. Je n'ai pas besoin de travail, je me re- fants; tu as voulu les perdre si, en réalité, tu
,

pose et les brebis sont victorieuses des loups. n'es pas parvenu à les perdre. Mais Dieu t'en a
Quel nom vous donnerai-je? brebis, bergers, empêché; et je vous admire, et vous méritez
])ilotes, soldats, chefs d'armée, tous ces noms mes louanges, parce que la guerre terminée,
vers conviennent. Quand je vois votre bon la paix étant faite, vous méditez les UiOycus
ordre, je vous appelle brebis; quand je vois d'assurer cette paix. Il faut que pilotes et mule-
votre prévoyance, je dis Vous êtes des bergers :
;
lots soient unis d'un même cœur cur si le dé- ,

quand je vois votre sagesse, je vous donne le saccord survient, le navire est submergé. C'est I
titre de pilotes; quand je vois votre courage, à vous à cimenter, à rendre, avec la grâce de
votre constance, je vous appelle tous, et soldats Dieu, cette paix solide. Vous jouirez tous, j'y
et chefs d'armée. travail, ô prévoyance du ferai mes efïorls, de la parfaite sécurité; je ne
peuple Vous avez chassé les loups, et vous
! ferai rien sans vous, et sans la tiès-pieuse et
avez gardé votre prévoyante sagesse. Les mate- très-sainte Augusla. Elle aussi, n'a qu'une pen-
lots qui étaient avec vous se sont tournés sée, qu'une inquiétude, qu'un but de toutes
contre vous; ils ont déclaré la guerre au na- ses actions, c'est que ce ^\\^\ a elé planté de- ,

vire. Criez donc au loin ce clergé! un autre


: meure ferme, c'est que l'Eglise demeure iné-
clergé pour l'Eglise! mais qu'avez-vous besoin branlable, hors de l'atleinledesflols. Ainsi, j'ai
de crier? Ils sont partis, on les a chassés sans , eu raison de célébrer el les senliihenls que vous
que personne les poursuive , ils ont pris la avez nionties, et la i)révo\anee de nos princes;
fuite. Qui les accuse? personne; c'est leur car ils se préoccupent moins delà guerre que
conscience qui les accuse. Simon entieml r?i'a- de l'Eglise, de la cité que de l'Eglise. Adres-
vnit chargé de mnlédictions ,
je l'aurais souf- sons donc a Dieu nos prière.^, à la famille impé-
fert. (Ps. Liv, 12.)Ceux qui étaient avec nous, riale nos vœux et nos dcsiis, el conlinuoiis,

se sont tournés contre nous; ceux qui, aAcc persistons à prier. Les dangers ont disparu, ne
nous, gouvernaient navire, ont voulu faire
le laissons pas pour cela seraleiilirnolrczèlc. Voilà
sombrer le admiré ce qui s'est passé
navire. J'ai pounpioi, jus(|ua ce jour, m. us prions, (lour
m vous ce que j'en dis, ce n'est pas pour vous
;
êiredelivresdeMlangcrs. Céni^. oiis le Seigneur,
excitera la sédition; la sédition, ce sont eux nous avons été pleins de courage el nous som-
qui l'ont faite. Ce (pii a paru, de vous, c'est le mes, aujourdhui encore, pleins d'ardeur. Pour
zèle dela foi. Vous n'avez pas demandé qu'on tous ces biens, lendons des attio.iS de grâces
b'smîtàmort mais qu'on prcNinl le malheur,
, au Seigneur, à qui apjtartiennenl la gloin: el la
pour vous pour l'Eglise, d'être de nouveau
,
puissance, ainsi qu'au l ils elà l'Espril-S-iinl el
submergés. Votre couiage a conjuré la tem- vivitiaul, maintenant et toujours, el dans tous
pête leur pensée perverse a suscité la rage des
; les siècles des siècles. Aiusi suit-il.
HOMÉLIE

SUR LE RENVOI DE LA CHANANÉENNE

AVERTISSEMENT l ANALVSE.

Les critirpies r^'connaissent tons que cette homélie est écrite un peu négligemment comme beaucoup de celles que saint
,

Chrysostorae a prononcées à Constantmople. Elle a beaucoup de choses communes avec la 52« sur snint Matiliieu. S<)ville et
Tiilemont, ainsi que Monlfaucon, la regardent comme authentique. Frontoii-du-Duc seul la rant-e parmi les spuria. Moiitfaucoa
estime qu'on ne peut contester raulbenlicité, sinon de toute la pièce, au moins des trois premiers numéros jusqu'à miratur
Evangelista.

1» Saint Chrysostome exalte la fidélité de ses diocésains. Ses ennemis ont disparu. L'Eglise est indestructible. — 2° Saint Matthieu
le publicain. devenu évangéliste , va fournir la raitière de l'instruction, c'est lui qui va dresser la tibie spirituelle ;
quYjt-ce
qu'un publicain? — 3» Si grand pécheur que l'on soit, on peut devenir un saint. Voyez le publicain Matthieu. — 4° La ( ha-
nanéenne, après s'èlre adressée aborde Jésus-lui-même. Elle confesse la divinité du Chdst et le mystère de riii>ar-
au.x apdtres,
nalion. — 5° Mais Jésus ne lui répondit pas un seul mot. —
6° Le Christ est venu pour sauver indistinctement tous les
hommes. — 7° Vineam plantavi et .^epcm ipsi circumdedi. —
8. Le Christ a accompli la loi de Moïjc avant que de l'abro-
ger. — 9" Jésus, en maintes circonstances avait égard aux préjugés de sa nation. — 10* Il faut persévérer dans la prière. —
il» On peut prier en tout heu.

1. La tempête a redoublé sans abattre vos est inébranlable Les portes de Venfer ne pré-
:

courages et vous êtes venus les tentations ; vaudront point contre elle. (Matth. xvi, 18.)
ont redoublé sans éteindre voti e ferveur. Tou-
, Celui qui lui fait la guerre, se détruit lui-
jours assaillie, l'Eglise ne se lasse pas de rem- même, quant à l'Eglise, il la rend plus puis-
porter des victoires. On la veut ruiner, elle sante; qui lui fait la guerre, perd ses propres
triomphe ;
plus on fait d'efforts pour assurer forces , et rend plus glorieux nos trophées.
sa ruine, plus elle grandit; les flots ont été Job était un noble cœur avant la lutte; il

dissipés, le roc demeure inébranlable. Le jour, parut, après la lutte, plus généreux encore. 11

les enseignements de la doctrine ; la nuit, les était moins noble et moins grand, dans son
veilles ; c'est un combat du jour avec la nuit. corps plein de santé et de vie, qu'à l'heure où
Ici des collectes, et là, des collectes encore. La ses ulcères lui faisaient une couronne. Gardez-
nuit fait du forum une église, et votre ardeur vous de redouter jamais les épreuves si vous
est plus vive que le feu. Vous n'avez pas besoin avez une âme bien préparée. L'affliction no
d'exhortations, tant vous montrez de zèle. nuit pas, elle opère la patience. (Kom. v, 3.) La
Qui ne serait pas fiappé d'étoniiement et fournaise ne peut nuire à la vcitu de l'or l'af- ;

d'admiration ? Non-seulement ceux qui nous flicliou, de même, ne détruit pas la vertu d'un
appartiennent, ne sont pas restés en arrière, cœur noble. Que fait la fournaise à l'or ? Llle
mais ceux qui n'étaient pas avec nous, se le rend d'une pureté parfaite. Uu'o[>ere l'ufilic-
sont joints à nous. Voilà ce qu'on gagne aux tion dans celui qui l'endure? elle y opère la
épreuves comme la pluie réveille les germes,
: patience. Elle l'txalte, elU- retranche la non-
ainsi l'épreuve, en s'infiltrant dans rànie,y ré- chalance, elle rassemble toutes les forces de
veille la bonne volonté. Dieu l'a dit : L'Eglise l'àme, elle ravive la sagesse. Ils ont envoyé les
328 ÏKADrCTiO.N ITiANÇAISE DE SAINT JEAN CliKYSOSîOME.

épreuves pour dissiper les brebis, et c'est le il est devenu un évangcliste. Je constate et la
contraire qui est arrivé ; les épreuves ont fait perversité première, et la vertu qui l'a suivie,
accourir le pasteur. afin que vous appreniez toute l'efficacité du
Cù en sommes-nous? en possession de notre repentir, afin que vous ne desespériez jamais
gloire. Où en sont nos ennemis? à subir leur de votre salut. Nos docteurs furent d'abord il-
honte. Où sont-ils donc? on ne les voil plus. lustres dans le péché, mais bientôt ce fut dans
Je parcours la place publique, je n'aperçois la justice que s'illustrèrent, et le publicain et
personne. y avait des feuilles, le vent a souf-
Il le bla>j)hémateur, ces deux sommets de la per-

llé, elles sont tombées ; il y avait de la paille, Gar qu'est-ce que la profession de pu-
> eririté.

et elle s'est dispersée, et le froment a paru blicain? la rapine au nom de la loi, la violence
dans sa matui ilé ; il y avait du plomb, qui a })îeine de confiance, l'injustice soutenue par la

fondu, cl For est resté, Tor pur. Quel est donc lui les brigands sont moins durs que le pu-
;

celui qui ks chasse ? personne, mais ils ont un bhcain. Qu'est-ce que la profession de pubH-
ennemi secret, la conscience, qu'ils portent caiii? la violence qui se fait un rempart de la
dans leur cœur à côté du péché. Ils savent ce loi, qui transforme le médecin en bourreau.
qu'ils ont fait. Gain voulait tuer son frère (Gen. Gomi renez-vuus mes paroles? Les lois, voilà
iv);tant qu'il voulut le tuer, sonmauvais désir nos médecins, et il arrive que ces médecins de-

ne s'éteignit point dans son cœur le péché une ; viennent des bourreaux, car parfois ils ne gué-
fois commis, gémissant, tremblant, le meur- rissent pusla blessure, ils lenvcniment. Qu'est-
trier ne fut plus qu'un vagabond sur la terre. ce que la [)roiéssion de publicain? un péché
Ceux-ci, pour n'être pas des meurtriers de fait, sans pudeur, une rapine sans prétexte, plus
n'en sont pas moins des meurtriers, par l'in- détestable que le brigandage. Le brigand, du
tention. Le meurtre a été consonuné autant moins , rougit en commettant le vol, mais
qu'il a dépendu de leur scélératesse la vie : l'autre, c'est avec une pleine assurance qu'il
conservée ne l'a été (juc par la bonté de Dieu. Eh
pille. bien! ce publicain tout à coup est de-
Ge (jue j'en dis, c'est pour donner à votre ar- venu un évangélistc. Gonnnent et de quelle
deur l'huile fortifiante , c'est pour que les manière? Chemin faisant, dit-il, Jéms vit
épreuves ne vous causent jamais d'épouvante. Matthieu assis au bureau des impôts, et il lui
Eles-vous pierre ? regardez sans épouvante les dit Suivez-moi. (Mallh. ix, 9.)0 puissance de
:

flots. Sur cette pierre P édifierai mon Eglise, et la parolel'hameçon est entré
! et voilà le ,

les portes de V enfer ne prévaudront pas contre soldat captif, la boue est devenue de l'or l'ha- ;

elle. (Matth. xvi, 18.) Dieu Ta dit. Tantôt guer- meçon est entré , Et aussitôt il se leva et le
res du dehors, tantôt guerres du dedans, mais suivit. Il était au fond de l'abîme de la perver-
nul ne peut submerger le navire. sité, et il s'est élevé sur la cime de la vertu.
2. Je ne voudrais pourtant pas dépenser tout Que personne donc, mes bien -aimés, ne dé-
notre temps à rappeler leurs crimes abandon- ;
sespère de son salut. La perversité n'est pas le
nons-les aux terreurs de leur conscience, lais- pro|)re de la nature; nous avons reçu eu pri-

sons leur bourreau torturer ces âmes aux pen- vilège le choix volontaire et la liberté. Tu es
sées déréglées, aux désirs sans frein, laissons publicain ? tu peux devenir évangéliste. Tu es
ces fugitifs que personne ne poursuit, ces in- blasphémateur? tu peux devenir apôtre. Tu es
fâmes que nul ne veut combattre quant à ,
un brigand? tu peux voler le paradis. Tu es livré
nous, préparons la tal)le accoutumée. 11 n'est à la magie? tu peux adorer le Seigneur. Il
pas juste de perdre le temps à parler de leurs n'est pas de vice de ràmo, qui ne puisse être
crimes, et de négliger nos enfants que la faim dissipé par le repentir. Voilà i)ourquoi IcGhrist
tourmente. Hier donc, c'est Paul qui nous a s'est choisi ceux qui habitaient les sonuncts de
fccrNi notre table; aujourd'hui, c'est Matthieu liniquité , il n'a voulu nous laisser pour le
qui va la dresser; hier, le faiseur de tentes ;
dernier jour aucun subterfuge.
aujourd'hui le publicain ; hier le blasphéma- Ne me dites pas Je suis perdu, que me
3. :

teur; aujourd'hui l'homme à la main rapacc ;


rcste-t-il?Ne médites pas. je suis un pécheur,
hier le i>erséeuteur; aujourd'hui l'avare. Mais que ferai-je? Vous avez un médecin plus fort
ce blasphémateur n'est pas resté blasphéma- (lue votre mal, vous avez un médecin qui sait
teur, il est devenu un apôtre ; et riiomme de vaincre la nature de votre maladie, vous avez
rapines n'a pas toujours vécu dans les rai)iucs. uu médecin à qui il suffit d'un sigue pour gué:
HOMÉLIE SUR LE RENVOI DE LA CnAN.ViNÉE.NiNE. 339

rîr, vous avez un médecin à qui il suffit de de moi; voyez la sagesse. Ayez pitié de moi;
vouloir pour vous rendre la santé ,
qui peut, je n'ai pas de bonnes œuvres par devers moi,
qui veut vous la rendre. Vous n'étiez pas, il je n'ai pas la confiance que donne une bonne
vous a appelés maintenant vous êtes, et l'er-
; vie, j'ai recours à la pitié, je me réfugie dans le
reur vous tient, à bien plus forte raison, il poit ouvert aux pécheurs, je me réfugie auprès
pourra vous redresser. N'avez-vous pas entendu de la miséricorde, où il n'y a pas de tribunal,
dire comment, au premier jour, il prit de la où se trouve, sans examen, le salut; et ainsi
poussière de la terre, et forma l'honnue? com- malgré ses péchés, malgré ses infractions à la
ment, avec de la terre, il fit de la chair ? il fit loi, elle a osé s'approcher. Voyez encore la

des nerfs? il fit des os ? il fit une peau ? il fit sagesse de la femme Elle ne s'adresse pas à
!

des veines? il fit un nez? il fit des yeux, des Jacques, elle ne fait pas de prières à Jean, elle
paupières, des sourcils, une langue, une poi- ne s'approche pas de Pierre, elle ne fait pas de
trine, des mains, des pieds, tout le reste ? De distinction dans le chœur des apôtres. Je n'ai
la terre pour matière, une seule substance; pas besoin d'intermédiaire, le repentir parle
et l'art vint et il fit une œuvre variée. Pou- pour moi, et je vais droit à la source même.
vez-vous dire de quelle manière vous avez S'il est descendu, s'il a revêtu notre chair,

été créés ? De même, impossible à vous de dire c'est pour que moi aussi je m'entretienne avec
comment les pécliés se purifient. Si le feu qui lui. En haut, les chérubins tremblent près de
tombe sur les épines les consume, à bien plus lui, et, sur la terre, la femme impudique s'en-
forte raison la volonté de Dieu met à néant nos tretient avec lui. Ayez pitié de moi. Courte pa-
en arrache et en disperse les racines,
failles, role, mais elle a découvert l'immense mer doù
et met le pécheur dans le môme état que celui le salut découle. Ayez pitié de moi. C'est pour
qui n'a pas péché. Ne recherchez pas le com- cela que vous êtes venu près de moi; c'est pour
ment, ne scrutez pas ce qui est arrivé, croyez cela que vous avez revêtu ma chair, c'est pour
au miracle. J'ai péché, dites-vous, et souvent cela que vous êtes devenu ce que je suis. En
et {in^andement péché. Et qui est donc sans pé- haut, le tremblement; en bas, la confiance
ché? Mais, me répond celui-ci, mes péchés Ayez pitié de moi. Je n'ai pas besoin d'inter-
sont considérables, énormes, dépassant toute médiaire. Ai/ez pitié de moi. Qu'avez-vous ? Je
mesure. Voici ce qui te suffit pour le sacrifice ; cherche la pitié. Que souffrez-vous? Ma fille
Sois le premier à dire tes iniquités^ pour être est misérablement tourmentée par le démon.
justifié. (Isaïe xlim, 26.) Reconnais que tu as La nature est torturée, la commisération
péché , et ce sera pour toi un commence- s'exerce. Elle est sortie dans la pensée de par-
ment de correction. Afflige -toi, abaisse-toi, ler pour sa fille : elle n'apporte pas la malade,
verse des pleurs. La femme adultère a-t-elle ce qu'elle apporte, c'est sa foi. Il y a un Dieu qui
fait autre chose ? Rien autre chose que de verser voit tout. Ma fille est misérablement tourmen-
des pleurs de repentir; elle a pris le repentir tée par le démon. Deuil cruel; l'aiguillon de
pour guide, et s'est approchée de la fontaine. la nature a déchiré le sein maternel, la tem-
4. Que dit le publicain évangéliste ? écoutons : pête est dans ses entrailles. Que ferai-je ? Je
Jésus étant parti de ce lieu, se retira du côté de suis perdue. Et pourquoi ne dis-tu pas, ayez
Tyr et de Sidon, et voici qu'une femme. L'évan- pitié de ma fille, mais, ayez pitié de W20?. C'est
géliste s'étonne : Voici quune femme , l'an- qu'elle est insensible à son mal, elle n'a pas
cienne arme du démon, ccllcqui m'a chassé du conscience de ce qu'elle souCfre, elle ne sent
paradis, lanière du péché, la première têtede la pas la douleur, elle a comme un voile qui lui
prévarication, c'est cette même première femme dérobe son mal, douleur, ou
c'est l'absence de la
qui vient, c'est la nature même; merveille plutôt l'absencedu sentiment. C'est de moi, de
étrange, incroyable ; les Juifs fuient le Sauveur, moi qu'il faut que vous ayez pitié; de moi, qui
et une femme le suit. Et voici qu'wie femme, vois ces maux de chaque jour; j'ai chez moi
qui était sortie de ce pays-là, s écria en lui di- un spectacle continuel de malheur. Où aller?
sant : Seigneur, fils de David, ayez pitié de dans désert? Mais je n'ose pas la laisser seule.
le
moi ! (Matth. xv, 21, 22.) Une femme devient Rester à la maison? Mais j'y trouve l'ennemi
évangéliste et proclame la divinité et l'incarna- chez moi, lesgrondent dans le port,
flots

tion. ^e/V^nej^r, elle reconnaît la puissance; F//^ chez moi , un de malheur. Quel
spectacle
de David, elle confesse l'incarnation ; ayez pitié nom lui donner? Est-elle morte? mais je la
Î30 ÎRAUlXTiUN FKANÇAl.SE DE SAINT JEAN CllRYSOSTÔME.

vois se mouvoir. Est-elle vivante? mais elle n'a du médecin. Mais il ne lui répondît pas 7tti

pas la conscience de ce (jumelle fait. Je ne sau- seul mot. Pourquoi ? c'est qu'il ne considérait
rais trouver le mot qui exprime sa souffrance. pas ses paroles, il remarquait les secrets de sa
Ayez pitié de moi. ^\ ma fille était morte, je pensée. Mais il né lui répondit pas un seul
ne souffrirais pas ce que je souffre; j'aurais mot. Et les disciples? la femme n'obtenant pas
déposé son corps dans le sein de la terre, et, de réponse, ils s'approchent de lui et lui di-
avec le temps, l'oubli serait venu, la blessure se sent : Accordez-lui ce qu'elle demande, parce
seraitcicatrisée; mais maintenant j'ai toujours qu'elle crie derrière nous. (Matth. xv, 23.) Mais
un cadavre sous les yeux, qui fait à mon cœur tu n'entends, toi, le cri du dehors; j'en-
que
une continuelle blessure, qui toujours accroît tends, moi, le cri du dedans grande est la :

ma douleur. Comment puis-je voir des yeux voix de la bouche; plus grande, celle de la
bouleversés par la convulsion, des mains qui pensée. Accordez-lui ce qu'elle danande, parce
se tordent, des cheveux en désordre l'é- ,
qu'elle crie derrière nous. Un autre évangéliste
cume qui sort de la bouche, le démon inté- dit,devant nous\ Les paroles se contredisent,
rieur qui se manifeste sans se montrer? Le mais il n'y a pas de mensonges la femme fit ;

bourreau qui flagelle est invisible, mais les les deux. D'abord elle cria derrière ; ensuite,
coups, je les vois. Je suis là contemplant ces n'obtenant pas de réponse, elle alla devant,
douleurs hors de moi; je suis là, et la nature comme un chien qui lèche les pieds de son
me perce de son aiguillon. Ayez pitié de moi. maître. Accorde z-hd ce qu'elle demande. Elle
AQVcuse tempête, douleur épouvantable ; dou- était là en spectacle, elle rassemblait le peu-
leur qui vient de la nature, épouvante qu'ins- ple ; ne considéraient que d'une
les disciples
pire le démon. Impossible à moi de l'appro- façon tout humaine la douleur de la femme,
cher, impossible à moi de la toucher. La dou- le Maître, au contraire, considérait en outre le
leur me pousse auprès d'elle, l'épouvante me salut de celle fenune. Accordez-lui ce qu'elle
repousse loin d'elle. Ayez pitié de moi. demande, parce qu'elle crie derrière nous. Que
5. Méditez bien la sagesse de la femme. Elle fiit donc alurs le Christ? Je n'ai été envoyé
ne va pas trouver les sorciers, elle n'appelle qu'aux brebis de la maison d'Israël qui se sont
])as les devins, elle n'a pas recours aux anm- perdues. (Matlh. xv, 21.) Par celle réponse, il
lettes, elle n'a pas la pensée de payer des fem- iriita sa blessure : médecin qui coupe,
c'était le
mes qui vendent des sortilèges, qui évoquent non pour diviser, mais pour réunir.
lesdémons, qui ne font qu'aigrir la maladie; 6. Ici accor lez-moi toute votre attention. Je
du démon, elle se rend i)rès
elle quitte l'oflieine veux traiter une question profonde. Je n'ai été
du Sauveur de nos àmcs. Ayez pitié de moi, envoyé qu'aux brebis de la maison d Israël qui
ma fille est misérablement tourmentée par le se s<mt perdues. Est-ce là toute voire mission?
démon. Vous comprenez sa douleur, vous tous vous vous êtes fait humme, vous vous êtes in-
qui êtes pères ; venez en aide à mon discours, carné, vous avez fait de si grandes choses pour
vous toutes qui êtes mères. Je ne peux pas dé- ne sauver qu'un coin du monde, et qui péris-
crire la temi)ête qu'a supportée cette pauvre sait.La terre entière n'est-elle donc qu'un dé-
femme. Ayez pitié de moi : ma fille est misé- sert dans le pays des Scythes des Thraces, ,

rablement toiirmuitée par le démon, .\vez-vous de3 Indiens, des Maures, en Cilieie, eu Cappa-
compris la sagesse de la femme? avez-vous doce, en Syrie, en Phéuicie, dans tous les lieiLX
compris sa constance? avez-vous compris sa que voit le soleil? C'est pour les seuls Juifs que
force virile? avcz-\ous compris sa |>atit'nee? vous êtes venu ? toutes les n .lions, vous les
Mais il ne lui répondit pas un seul mot. négligez? el peu vous importe la graisse des
Chose étrange elle le prie, le conjure, dé|)lore
!
sacrifices, la fumée, votre Père outragé, les
auprès de lui son malheur, développe cette idoles adorées, les démons qui reçoivent un
tragique histoire, lui raconte sou affliction, et culte? Cependant les prophètes ne nous disent
lui, pleinde bonté jiMur les hounues, il ne ré- lias cela; votre aïeul selon la chair, que dit-il?
pond Verbe se lait, la source demeure
pas. Le Demandez-moi, et je vous donnerai les natiotis
fermée, le médecin garde ses remèdes. Quelle pour votre héritage, et j'étendrai votre posses
nouveauté surprenante Tu cours auprès des
1
sion jusqu'aux extrémités de la terre. (Ps.
autres, celle malheureuse accourt auprès de ' Sainl Marc (vii 25) dit : Elle se jeta devant ses pieds; de U vient
toi, et tu la charsos! Mais considérez la sagesse que *aiDt Ctirjrtostome qui de mémoire, dit devant noys.
cite :
HOMÉLIE SIR LE REmOI DE LA CHAN;VSÉENNE. 331

II, 8.) Et maintenant Isaïc, qui a contemi)lé les 7. Faites bien attention! comprenez la force
séraphins Le rijcton de Jcssé se
: lèvera virile de cette femme et la sagesse et la solli-
poKr commander à tons les peuples ; les na- citude du Seigneur; comprenez le profit du
tions espéreront en lui. (Isaïe, xi, 10.) El Jacob : relard ([u'clle sup|)orta, le trésor que lui mé-
Le sceptre ne sera point uté de Juda, ni le nageait un refus; et si vous priez, vous aussi,
prince de sa postérité jusqu'à ce que Celui sans recevoir, ne vous désistez jamais. Atten-
qui doit être envoyé soit venu, et c'est lui qui tion, faites bien attention. Quand les Juifs fu-
est l'attente des nations. (Gcn. xlix, 10.) Et rent affranchis de la tyrannie des Egyptiens,
Malacliie : Parce quen vous seront fermées et qu'ils s'échappèrent des mains de Pharaon,
les portes d'airain^ et elles ne changeront pas ils se dirigèrent vers le désert, pour entrer sur
ce qui est proposé, parce que, du levant jus- la terre des Chananéens,
impies, idolâtres,
qu'au couchant, votre nom est glorifié paimi qui adoraient des pierres, des morceaux de
les nations, et en tous lieux on offre l'encens bois, et manifestaient une grande impiété.
au Seigneur, et un sacrifice pur. (Malacli. i, Dieu alors imposa aux Juifs cette loi Vous :

40, 11.) EtDavid encore : Nations frappez ,


ne prendrez pas de leurs fils pour vos gendres,
des mains toutes ensemble : témoignez à Dieu vous ne leur donnerez pas votre fille pour bru.
votre ravissement par des cris d'allégresse. Car K échangez pas l'or avec eux, ne vous asseyez
le Seigneur est élevé et terrible ; il est le roi su- pas à la même table, n'habitez pas avec eux,
prême qui a rempii'e sur toute la terre. Dieu n'ayez aucun autre rapport semblable, parce
est monté au milieu des cris de joie, et le Sei- que ce sont des peuples injustes, et je vous mène
gneur au bruit de la trompette. Ps. xlvi ( ,
dnis leur pays pour quil devienne votre par-
1, 2, 5.) Et un autre Nations, réjouissez-vous : tage. (Exod. xxiu 24 Deut. vu, 3.) Telles
, ;

avec son peuple. (Deut. xxxu 43.) Et vous- , étaient à peu près les prescriptions de la
même à votre avènement ne vous êtes-
, , loi n'achetez pas
: ne vendez pas , ni ma- ,

vous pas empressé d'appeler à vous les mages, riages ni contrats; quoique voisins, soyez
,

la citadelle des nations, la tyrannio de Satan, séparés par les mœurs. N'ayez rien de com-
la vertu des démons? en descendant sur la mun avec eux, ni [>actes, ni ventes, ni achats,
terre, n'en avez-vous pas fait des prophètes? ni mariages : il pourrait se faire que les liens
c'estvous qui appelez les mages les pro- ; de la parenté vous fissent glisser dans l'im-
phè'es parlent dos nations. Après être res- piété; la réciprocité des dons vous rendrait
suscité de l'enfer, vous dites aux disciples : amis; soyez, au contraire, toujours leurs en-
Allez, instruisez toutes les nations, les bap- nemis. Qu'il n'y ait rien de commun entre
tisant au nom du Père, du Fils, et du Saint- vous et les Chananéens; ne recevez ni leur
Esprit (Mattb. xxvin, 19) ; et quand vient or, ni leur argent, ni leurs vêtements, ni leurs
cette malheureuse, cette infortunée, vous im- filles, ni leurs fils, ni rien de semblable; vivez

plorant pour sa fille, vous conjurant de la à part vous. Vous avez une langue qui vous
délivrer, vous lui dites Je n'ai été envoyé : sépare, et je vous ai donné une loi, voilà pour-

qu'aux brebis de la maison d'Israël qui se sont quoi la loi s'appelle une haie. Car, de même
perdues; au centenier qui s'approche, vous qu'on entoure vigne d'une haie, de même
la
dites : J'irai, et je le guérirai (Matth. vin, 7) ;
les Juifs sont et défendus par la loi
entourés
au larron : Aujourd hui, vous serez avec moi pour éviter qu'en la franchissant ils ne se mê-
daîis le paradis (Luc, xxiii , 43) ; au paraly- lent avec les Chananéens. Ces peuples, en
tique : Levez-vous , emportez votive lit , et effet, avaient des commerces illégitimes; les
allez (Matth. ix , 6); à Lazare : Lazare, lois naturelles étaient perverties; ils adoraient
venez ici , sortez (Jean , xi , 43) ; et au bout des idoles; ils rendaient un culte à des mor-
de quatre jours qu'il était mort , il sortit. ceaux de bois; Dieu était outragé; on égor-
Vous purifiez les lépreux vous ressuscitez les , geait les enfants; on méprisait les pères; on
morts, vous rendez la force au paralytique, insultait les mères; tout était confondu, tout
vous guérissez les aveugles, vous sauvez les était bouleversé, c'était une \'\c de démons.
brigands, vous rendez la courtisane plus chaste Aussi les Juifs n'avaient aucun commerce avec
qu'une vierge, et à celle-ci vous ne répondez eux, ne leur vendaient rien; la loi interdi-
ils

rien ? Quelle étrange conduite I qu'elle est sait Juifs, sous des peines sévères, tout ma-
aux
étonnante ! incroyable ! riage tout pacte, tout marché ; les Juit n'avaient
335 TRADUCTION FRANÇAISE DE S..L\T JLAN CIÎRYSOSTOME.

rien de commun loi avait donc


avec eux. La néeus, n algré la loi qui dit, tu n'auras aucun
pourvu à ce que ne fissent aucun pacte
les Juifs commerce ;
pour cette raison, au premier mo-
avec les Chananéens, àce qu'ils ne leur livras- ment, Christ n'adresse aucune parole à
le
sent point d'or, ni rien autre chose, de peur que cette femme. Attention, voyez comme il sa-
l'amitié ne devînt une occasion d'impiété. La tisfait à la loi, en ditTérant d'accorder à cette

loi était comme une haie autour d'eux. J'ai femme la guérison, comme il ferme la bouche
planté une vtgno.^ dit-il, et je Vai environnée aux Juifs, et ranime cette fennne. Mais il ne lui
(Tune haie, c'esl-à-dire, je l'ai environnée avec répondit fjas un seid mot, dit l'évaugéliste. Ne
la loi, qui n'a pas d'épines, mais des prescrip- vous saisissez pas de prétextes ; voyez, je ne dis
tions, pour protéger, pour séparer. Donc les rien ; voyez, je ne lui parle pas; voyez, le mal-
Chananéens étaient abominables, dignes d'exé- heur est là, et je ne me montre pas voyez le
;

cration, des impies, des criminels, des in- naufrage, et moi, le pilote, je ne lutte pas
fâmes, des êtres immondes, et, pour cette contre la tempête, parce que vous êtes là, mé-
raison les Juifs ne voulaient même pas les en- chants, et que je ne veux pas vous fournir de
enfendre, jaloux d'ailleurs d'observer la loi. prétextes. Voyez, cette femme a rassemblé au-
Or cette femme était chananéenne. Et voici tour de moi le peuple qui me regarde, et elle
qiCnne femme, qui était sortie de ce pays-là^ n'a pas encore ne veux pa«
une réponse ;
je
dit l'Evangéliste. C'est parce que cette femme que vous me disiez, vous vous êtes livré aux
était chananéenne, et s'était approchée du Chananéens, vous avez transgressé la loi, nous
Christ, que le Christ dit Qui de vous me
: nous emparons de ce prétexte pour ne pas
convaincra de péché? Est-ce que j'ai trans- croire en vous. Ainsi vous le voyez, s'il n'a
gressé la loi? Car s'étant fait homme, il rem- pas répondu à la femme, c'est pour mieux ré-
plissait les devoirs de l'homme. pondre aux Juifs son silence envers la femme,
;

8. Attention, maintenant. Donc, cette femme était une parole qui accusait la méchanceté

était chananéenne, elle sortait d'un pays où les des Juifs.


fureurs, la rage, l'impiété, la tyrannie de Sa- 9. Or, en cela il ne consultait pas sa dignité,
tan, tous les transports des dénions foulaient il trouvait un tempérament pour condes-
aux pieds la nature, où l'on ne voyait que l'a- cendre à leur infirmité. Quand il purifia le lé-
veugle brutalité des brutes, les fureurs infer- preux, il lui dit Allez, offrez le don prescrit
:

nales; de plus, la loi avait dit Entre tci ; par Moïse. (Malth. vni, -i.) Tu l'as purifié, et
et les Chananéens, rien de conniiun, ne leur tu le congédies en lui recommandant la loi de
donne ne reçois rien d'eux, ni femme, ni
rien, Moïse. Oui. Pourquoi? Pour les Juifs, pour
gendre; pour
ni pactes, ni contrats; car c'est qu'ils ne commencent pas à m'accuser d'avoir
cela (|ue j'ai planté la haie tout autour d<! mon liansgressé la loi. Aussi, quand il guérit le

peuple; maintenant le Christ est venu, s'est lépreux, d'une manière inaccoutumée
il le fit ;

fait homme, et tout d'abord a subi la circonci- ai)|)renez comiricnt Et, en même temps, ufi
:

sion légale, a ofl'orl les sacrifices, a présenté lépreux vint à lui, et lui dit : Seigneur, si
les offrandes d'usage, s'est en tout conformé à vous voulez, vous pouvez me guérir. Jésus,
la loi, lui qui venait pour abroger la loi. étendant la main, le toucha, et lui dit : Je le

On aurait pu lui dire que c'était, parce qu'il veax, soyez guéri. (Mattli. viii, 2, 3.) La loi
ne pouvait pas satisfaire à la loi, qu'il l'abro- défendait de toucher un lépreux. Quand Naa-
geait: il commence par y satisfaire, i:t ensuite, man, un général, couvert de la lèpre, vint
il l'abroge, parce (pi il ne veut pas que vous trouver le |)rophète Elisée (IV Rois, v, 9, 10),
pensiez (|u'il ne pouvait pas y satisfaire; tout son disciple lui dit H y a, à la porte, un gé-
:

au contraire, il y salisfailen tout, selon l'usage. néral, couvert de la lèpre. Le prophète envoie
Voilà pounpioi il s'écrie: Qui de vous me con- son disciple au dehors pour lui dire Allez :

vaincra de péché ? Donc, la inleniisant loi vous laver dam le Jourdain. Il n'osa pas sortir

tout rapport avec les Chananéens, les Juifs lui-même, voir, toucher le lépreux. Elisée
I
onvanl accuser le Christ et lui dire Voilà : donc purifia le lépreux; pour que les Juifs ne
poiinpjoi nous ne croyons pas en vous, c'est pussrul pas dire (jue le Christ avait opéré la
([ue vous transgressez la loi, vous avez vinlé la purilication de la même manière <}U Elisée,
loi, vous êtes allé dans le pays des Chana- celui-ci n'ose pas toucher lemalade; le Christ,
néens, vous avez eu commerce avec les Cha- au contraire, le touthe et dit : Je le veux.
HOMÉLIE SLK LE RENVOI DE LA CIUiNAiNEEiNiNE. 333

soyez çttéri ; étendant la main, il le toucha. maison d'Israël qidsesont perdues. N'étaient-ce
Ponrtiuoi le toucha-t-il? Pour vous apprendre pas là des paroles de refus ? C'est à peu près
qu'il n'est pas lui esclave assujéti à la loi, mais comme s'il lui disait, va-t-en, il n'y a rien de
le Sei^'neur , supérieur à la loi. Comment commun entre nous je ne suis pas venu pour ;

donc a-t-il observé la loi? Quand il a dit : Je toi, mais je suis venu pour les Juifs. Je n'ai
le veux, soyez guéri, au lieu de toucher le lé- été etwoyé qu'aux brebis de la maison d'Israël
preux tout de suite. La parole a précédé, la qui se sont perdues. A ces mots celte femme
maladie a disparu, ensuite il a touché le ma- dit Seigneur assistez-moi; et elle l'adorait en
:
,

lade, et il a dit: Je le veux, soyez guéri. lui parlant. ( Matth. xv, 25.) Mais il ne lui ré-
Comment?.4 Viiistantil fut guéri. L'évangéliste pondait pas. Voyez ce qu'il répondit : // n'est
n'a [)U trouver une expression (car, à t'imtant, pas juste de prendre le pain da enfants, et de
n'est pas assez rapide) capable de rendre la vi- le donner aux chiens. (Ibid. 20.) sollicitude du
tesse de l'action. A Vinstant. Comment? En médecin Il la réduit au désespoir. // n'est pas
!

même temps que la parole sortit, la maladie juste de prendre le pain des enfants : quels
avait disparu, s'était enfuie; plus de lèpre, c'é- sont ces enfants ? Les Juifs ; et de le donner aux
tait un homme désormais purifié que ce lé- chiens, c'est-à-dire, à vous.
preux. Aussi dit-il : Allez, montrez-vous au 10. En réalité, ces paroles ont été prononcées
prêtre, et offrez le don prescrit par Moïse, afin pour la honte des Juifs, par le Seigneur; ceux
que cela leur serve de témoignage. A qui? Aux qu'il appelait des enfants, sont devenus des
Juifs, afin qu'ils ne disent |)as que j'enfreins la chiens. De là, ce que dit Paul : Gardez-vous
loi. C'est moi qui ai opéré la guérison, et je des chiens, gardez-vous des mauvais ouvriers,
dis : Offrez le don, conformément à la loi, afin gardez-vous des faux circojicis. Car c'est nous
qu'en ce jour le lépreux accuse les Juifs {)ar qui sommes les vrais circoncis. (Pliil. m, 2, 3.)
ces paroles: il m'a prescrit d'offrir le don se- Les Gentils qu'on appelait des chiens, sont de-
lon la loi. Et comme le Christ taisait beaucoup venus des enfants. Mes petits enfants, pour qui
de choses, à cause des Juifs, afin de leui ôter ab- je sens de nouveau les douleurs de l'enfante-
solument toute excuse, il agit de même, en la ment, jusqu'à ce que Jésus-Christ soit formé en
présente occasion. Ayez pitié de moi, car ma vous. (Gai. IV, 19.) Cet éloge accuse les Juifs.

fille est misérablement toui^ïncntée par le dé- // n'est pas juste de prendre le pain des enfants
mon. Mais il ne lui répondit pas un seul mot. et de le donner aux chiens. Que fait la femme ? Il
Or les disciples s'approchèrent de lia, et lui est vrai. Seigneur, Oui. énergie de la femme I
dirent : Accordez - lui ce qiielle demande, noble combat! Le médecin dit, 7wn et celle- ,

parce qu'elle crie derrière nous. Que réj)ond ci dit, oui. Le Seigneur dit : non , et elle dit,
Jésus ? Je n'ai été envoijé qu'aux brebis de la il est vrai, oui. Il n'y apas d'accusation dans
maison d' Israël qm se sont perdues. H fait cette ses paroles d'impudence dans sa conduite elle
; ;

réponse, pour que les Juifs ne disent pas, vous attend le salut. Il n'est pas juste de prendre le
nous avez abandonnés vous êtes allé chez les , pain des enfants et de le dojmer aux chiens. ,

étrangers, et voilà pour(|uoi nous n'avons pas Il est vrai, Seigneur, oui. Vous m'appelez chien;
cru en vous. Voyez, dit-il, des Gentils viennent et moi je vous appelle Seigneur; vous me cou-
auprès de moi, et je ne les reçois pas pour ;
vrez d'opprobres, et moi je vous glorifie. Il est
vous, même quand vous me fuyez, je vous vrai. Seigneur, oui ; mais les petits chiens man-
appelle, Venez à moi, vous tous qui souffrez gent des miettes qui tombent de la table de
(Matth. XI, 28), et vous ne venez pas; celle-ci, leurs maîtres. (Matth. xv, 27.) adresse de la
je la rejette loin de moi et elle persiste. Un , femme I elle tire de l'exemple proposé une ré-
peuple que je n'avais point connu, dit le Psal- ponse qui s'y adapte avec justesse. Vous m'ap-
miste, m'a été assujéti , il in a obéi aussitôt pelez chien ,
je me nourris comme un chien.
qu'il a entendu ma voix. (Ps. xvii 43, 4-4.) , Je ne rejette pas l'opprobre, je ne refuse pas le
Et ailleurs J'ai apparu à ceux qui ne me cher-
: nom; prends la nourriture d'un chien, et
je
chaient pas et i'ai été découvert par ceux qui
, l'exemple que le chien donne. Quanta
elle cite
ne m'interrogeaient pas. (Isaïe, lxv, 1.) Accor- vous, confirmez vus paroles: puisque vous
dez-lui ce quelle demande parce . qu'elle crie m'avez appelée du nom de chien, je veux des
derrière nous. Voyons donc ce que dit le miettes vous vous
: êtes fait l'avocat de ma de-
?ihrist : Je n'ai été envoyé qu'aux brebis de la mande en me , refusant ; soyez d'accord avec
334 TRADUCTION FRANÇAISE DE SAINT JEAN CHRYSOSTOME.

vous-même. Il est vrai ^ Seigneur, oui; mais 1 i . Averti de ce qui se passe dans les prières,
les petits chiens manr/ent des miettes qui tom- mon bien-aimé, imitez la Chananéenne ; imi-
bent de la table de leurs maîtres. Eh bien ! que tez , vous qui êtes un homme , cette femme
faitmaintenant celui qui refusait, qui repous- étrangère, infirme, abjecte, vile. Mais vous
sait qui chassait loin de lui cette femme qui
,
n'avez pas de fille tourmentée par le démon?
lui (lisait // n'est pas juste de prendre le pain
: Mais vous avez une âme possédée par le péché. i

des enfants et de le donner aux chiens? Celui Que dit la Ayez pitié de moi! ma
Chananéenne ? |]
qui disait encore Jenai été envoyé qu'aux : fille Cït misérablement tourmentée par le dé-

brebis de la maison d'Israël qui se sont per- moli Dites aussi, vous, ayez pitié de moi! mon
:

dues? femme, grande est votre foi! {yoidi. 28.) âme est misérablement tourmentée par le dé-
Conuncnt, vous voilà devenu tout à coup son mon. C'est un grand démon que le péché. Le
panégyriste! vous publiez sa gloire! N'est-ce démoniaque excite la compassion le pécheur ;

pa3 vous qui la repoussiez qui la rejetiez loin ,


est détesté le premier, on lui pardonne, le se-
;

de vous? Rassnrez-vous; je sais bien pourquoi cond est sans excuse. Ayez pitié de moi. Courte
je l'ai fait attendre. Si je l'avais écoutée tout parole mais elle a découvert un océan de
,

d'abord, vous n'auriez pas connu sa foi. Si elle bonté car où réside la miséricorde, là tous les
;

avait été exaucée tout d'abord, vite elle se serait biens abondent.
retirée personne n'aurait deviné son trésor.
, Quoique vous soyez hors de l'Eglise dites, ,

J'ai donc différé pour montrer à tous la foi


,
criez Ayez pitié de moi ! ne vous contentez
:

qu'elle porte en son cœur. pas de remuer les lèvres, criez par la pensée;
O femme ! Dieu dit, ô femme! Ecoulez tous, ceux mêmes qui se taisent sont entendus de
\ou:U|ui ne savez pascncore bien prier. Quand Pieu. Ce qui importe, ce n'est pas le lieu
je dis à quelqu'un priez Dieu conjurez-le, , , mais un con.mencement de correction. Jé-
supplicz-le on me répond: je l'ai prié ime
; rémie était dans la bouc, il a attiré Dieu prus
fois, deux fois, trois fois, dix fois, vingt fois, de lui Daniel était daîis la fosse aux lions, et il
;

et je n'ai jamais rien reçu. Ne cessez pas, mon s'est rendu Dieu proj-ice; les trois jeunes hom-

frère, ju>5q\i'à ceque vous ayez reçu la fin de ; mes étaient dans la fourcaise et ils ont fiéchi
la prière, c'est ledon reçu. Cessez, quand vous Dieu, en le célébrant; le larron était crucifié,
avez reçu ou plutôt ne cessez pas, même alors
, la croix ne l'a pas empêché de s'ouvrir le para-
persévérez encore. Si vous n'avez pas reçu, de- dis; Job était sur le fumier, et il s'est attiré la
mandez pour recevoir si vous avez reçu, ren- ; clémence de Dieu Jonas était diiis le ventre de ;

d(Z grâces pour ce (jue vous avez reçu, l'ne la baleine, et sa voix a été entondue de Dieu.
foule de personnes entrent dans l'Eglise, y ré- Vous êtes au bain priez; en voyage, dans vo- ,

citent par milliers les vers en guise de prière et tre lit, en quelque endroit que vous soyez,
s'en vont, ne se doutant pas de ce ({u'elles ont priez. Vous êtes le tenqde de Dieu, ne vous
dit : ce sont les lèvres qui reuuieut, mais le préoccupez pas du lieu la volonté seule ;

cœur n'entend pas. Comment ! tu n'entends pas est nécessaire. En présence du juge, priez; le
toi-même veux que Dieu l'en-
ta prière, et tu juge s'irrite, priez. La mer devant lui, les
tende? J'ai fléclii dis-tu, les genoux mais , ; Egyptiens derrière lui , Moïse entre les deux,
la pe sce s'était envolée dehors ton corps : l'espace était bien resserré [our la prière;
était dans rég!i?e mais ton esprit par , , au contraire, le champ de la prière étail large:
la ville ta bouche récitait la prière mais ta
; , Par derrière, les Egyptiens qui poursuivaient
pensi'c snpi>ulait des intérêts d'argent , s'oc- en face la mer; au nnliiu la prière; et .Moïse .

cupait de contrats, d'échanges, de terrains, ne disait rien, et Dieu lui dit Pourquoi cries- :

de domaines à ac(|uérir de réunions avec , tu vers moi? (Exod. xiv, 15.) Sa bouche éliiil
des amis. Le démon est malin il sait cpie la . nuictte. c'était sa pensée qui criait. Et vous, de
prière est ce (jui avance !•' plus nos progrès, mi'ine, mon bion-aimé, en présence du juge
c'est alors (ju'il fiMid sur vous. Souvent nous furieux, du tyran qui vous adresse les plus
sonunes étendus sur le dos dans notre lit, sans lerribb^s menaces, et des autres bourreaux, (jui
penser à mal mais si nous venons pour prier,
; fontcrnnne lui, priez Dieu, et votre prière cal-
c'est alors (ju'il nous envoie mille et une pen- mera les tlots.
sées, pour nous chasser de l'Eglise, les mains Le juge vous presse? réfugiez-vous auprès
vides. de Dieu. Le prince eM là? invoqtiez le Seigneur,
V
HOMÉLIE SIR LE REXVOI DE LA CHANANÉENNE. aa-,

Est-ce que le Si i{,Mieuf est un homme, pour grande est votre foi. Entre dans l'Eglise des
qu'ilvous soit nooessaire de vous rendre dans Perses, et tu entendras la parole du Christ :

un lieu déferminù? Dieu est toujours près de femme! (jrande est votre foi ; dans l'Eglise des
vous. Si vous demandez une personne vous , Gotlis, dans l'Eglise des Barbar-es, des Indiens,
clierchez à savoir ce quVlle fait, si elle dort, des Maures, partout où le soleil regarde la
si elle est de loisir, et le serviteur ne vous terre : le Christ a dit une parole, une seule, et
répond pas. Avec Dieu , rien de pareil ;
celte parole retentit toujours, et à hante voix
partout où vous allez, où vous l'invoquez, proclame la foi de cette femrrie, femme!
il vous entend ; ni occupation, ni intermé- grande est votre foi, qu'il suit fait comme vous
diaire, ni cerviteur pour barrer le chemin. voulez. Il ne dit pas que votre fille soit gué-
:

Dites : Ayez pitié de moi, et aussitôt Dieu est rie, mais, comme vous voulez. C'est à vous à

présent. Vous n'aurez pas cessé de parler, dit- la guérir, c'est à vous à lui servir de médecin,
il, que je vous répondrai, me voici. (Isaïe, c'est à vous que je confie le remède, allez, ser-
Lviii, 9.) parole, pleine de douceur! 11 n'at- vez-le, qu'il soit fait comme vous voulez. Que
tend pas la fin de la prière; tu n'as pas encore votre volonté soit ce qui la guérisse. La Chana-
fini ta prière, et tu reçois le don. Af/ez pitié de néenne a guéri par sa volonté, et ce n'est pas
moi. Imitons cette Chanancenne, je vous en le Fils de Dieu qui opère de lui-même la gué-
prie Ayez pitié de moi! ma fi/ le est miséra-
: rison. Qu'il soit fait comme vous voulez. La
blement tourmentée par le démon. Et le Soi- femme n'a rien ordonné, rien prescrit au dé-
gneur lui dit : femme, grande est votre foi! mon, mais elle n'a eu qu'à vouloir, et la vo-
qu'il soit fait comme vous voidez. Où est l'hé- lonté de la femme a opéré la guérison et ex-
réiitjue? A-t-il dit, j'invoquerai mon pèn*? pulsé les démons. Où sont-ils ceux qui osent
A-t-il dit, je supplierai celui qui m'a engendré? dire que le Fils a opéré par la prière? Qu'il
A-t-il eu, ici, besoin de prière? Nullement. soit fait comme vous voulez. Voyez encore la
Pourquoi? Comme la foi était grande, comme beauté de l'expression. Il imite son Père. En
le vase était grand, la grâce y a été versée effet, lorsque Dieu créa le ciel, il dit : Que le

abondamment. Quanti la prière est néces- ciel soit fait, et le ciel fut fait; que le soleil

saire pour opérer le miracle , c'est que le soit fait, et le soleil fut fait; que la terre soit

vase, c'est-à-diie la foi, est faible. femme ! faite, et la terre fut faite; ce fut par un ordre
grande est votre foi! Vous n'avez pas vu le qu'il produisit la substance. De même, à son
mort vous n'a-
ressuscité, le lé|)reux purifié, tour, le Christ : Qu'il soit fait comme vous
vez pas entendu vous n'avez
les prophètes , voulez. L'affinité des expressions prouve ce
pas médité la lui, vous n'avez pas vu séparer qu'il y a de commun au fond des choses. Et
les eaux de la mer, vous n'avez vu aucun sa fdle fut guérie. Quand donc ? à l'heure
autre signe opéré par moi; bien plus vous avez même (Malth. xv, 28) ; non pas quand la mère
été couverte d'oppi ohre et repoussée malgré ; rentra diins maison, mais avant qu'elle y fût
la

votre affliction, je vous ai rejetee, et vous ne arrivée. Elle revenait pensant trouver une
vous êtes pas retirée, mais vous avez persisté : démoniaque, «lie trouva sa fille guérie, que sa
recevez désormais de moi un digne et juste vol(ulé avait rendue à la santé. Pour tous ces

éloge femme ! gra)ide est votre foi. La


: bienfaits, rendons grâces au Dieu à qui con-
femme est morte, et son éloge subsi>te, plus vient la gloire dans les siècles des siècles.
brillantqu'un diadème. Partout où tu iras tu , Ainsi soit-il.

entendras la parole du Christ femme I :


DISCOUBS.

A QUI NE SE NUIT PAS A LUI-MEME NUL NE PEUT NUIRE,

AVERTISSEMENT & ANALYSE.

Ce magnifiqoe discours, dont le titre seul est comme l'abrégé de la philosophie chrétienne, a été écrit à Gueuse, l'an 40C. Nons
voyons, par la quatrième lettre de saint Chrysostonie, qu'il l'envoya à sainte Olympiade pour la consoler dans ses maux, pour
l'engager à se mettre au-dessus de toutes ses disgrâces.

L'orateur, dans un magnifique exorde, annonce qu'un préjugé presque universel pourra faire regarder sa proposition comme
invraisemblable ; mais il demande qu'on l'écoute sans prévention, et il espère qu'alors on ne pourra disconvenir de la vérité
de ce qu'il avance. Avant d'entrer en matière, examine en quoi consiste le dommage, ce qui constitue le vrai mérite de
il

l'homme, ce qui lui fait réellement tort. 11 rapporte, pour rendre la chose plus claire, plusieurs exemples tirés des êtres animés
et inanimés; et après avoir bien établi que ce ne sont ni les richesses, ni la santé, ni la réputation, ni la hberté, ni même la

vie, qui constituent le vrai mérite prouve victorieusement, par les exemples de Job, d'Abel, de Joseph, de Lazare,
de l'homme, il

de saint Paul, que les persécutions et les maux, loin de leur faire aucun tort, ont fortifié leur vertu, relevé leur gloire, et que
si Adam a succombé sous les attaques du démon, c'est à sa propre faiblesse, plutôt qu'à la malice de cet esprit impur, qu'il
devait imputer sa défaite. Saint Jean Chrysostome interrompt 9on sujet par une excursion éloquente sur les richesses. Il peint
des couleurs les plus vives, et perce des traits les plus forts, cette cupidité fatale répandue sur toute la terre, et qui embrase
tous les cœurs. Afin d'en éteindre les feux, s'il est possib'e, il démontre que les richesses ne sont à désirer ni pour les plaisirs
de la pour les honneurs qui les accompagnent, ni pour la troupe d'adulateurs qu'elles attirent, ni
table qu'elles procurent, ni
pour la facilité donnent de se venger de ses ennemis. Après cette excursion, il revient à son sujet, et le prouve par un
qu'elles
grand nombre d'exemples, qu'il tire de l'Ecriture sainte, et qu'il développe avec celle abondance qui lui était si naturelle, il
prouve en même temps ces deux vérités : que les persécutions, quelles qu'el'cs soient, et les afllictions, ne font que fortifier
et illustrer davantage iesâmes fortes; au lieu que les plus grandes faveurs et les plus signalés bienfaits ne servent de rien aux
Imes faibles, ne les empêchent pas de succomb r et de commettre une infinité de fautes.
Ce discours est une des plus riches compositions de saint Jean Chrysostome : il y a ?ans doute un trop grand luxe de style ; mais
qu'il est étonnant que, déjà avancé en âge, accablé de maux et d'infirmités, relégué dans un pays inculte et désert, attaqué par
des ennemis qui le persécutaient jusque dans son exil, ce grand orateur ait pu encore déployer toute la vigueur et toutes les

richesses d'une élocution également forte et brillante!

i. Je sais bien que les esprits épais, attaches finde ce discours je suis persuadé qu'ils se;

au présent, cloués à la terre, esclaves des plai- rangeront de notre côté, que c'est contre eux-
sirs sensibles, indifférents aux choses de la mêmes qu'ils prononceront; qu'ils reconnaî-
pensée, vont trouver ce discours étrange, in- Iront avoir été dans l'erreur; qu'on les enten-
croyable; ils ne se feront pas faute d'en rire, dra chanter la palinodie, s'excuser, demander
et ils prononceront contre nous, que l'invrai- pardon pour leurs faux jugements, nous té-

semblance se montre des les premiers mots de moigncr toute leur reconnaissance comme ,

notre proposition. Ce n'est pas une raison pour font les malades aux médecins qui les ontgué-
nous d'y renoncer; au contraire, pour cette ris des maux qui assiégeaient leur corps. Ne
raison même, nous ferons les plus grands ef- m'opposez pas la pensée qui maintenant vous

forts afin de la démontrer, ce que nous entre- possède attendez jusqu'à la fin des combats
;

prenons avec une vive ardeur. Que ceux qui que vont livrer nos paroles, et c'est alors qu'il
ne pensent pas comme nous, veuillent bien, vous sera possible de porter un juste jugement,
sans trouble, sans tumulte, attendre jusqu'à la sans que l'ignorance vous empêche de discer»
AQ
TOMB IV.
33« TRADUCTION FR.VNÇAISE DE SAINT JEAN ClIRYSOSTOME.

ner la vérité. Que font les juges assis pour dé- justice d'autrui, mais de sa propre injustice.
cider des affaires du siècle ? Ils ont beau voir 2. Pour plus de clarté, voyons d'abord qu'est-
celui qui parle le premier, dans le mouvement ce que l'injustice, quels en sont le» éléments?
impétueux qui l'emporte, inonder tout des qu'est-ce enfin que la vertu de Ihomme? le
flots de son éloquence, ce n'est qu'après avoir nuisible à la vertu qu'est-ce? et encore qu'est-
écouté patiemment la réponse de l'adversaire, ce qui semble lui être nuisible, mais ne lui est
qu'ils osent porter leur jugement; le premier pas nuisible en réalité? Par exemple (des exem-
aurait beau paraître avoir mille fois pour lui ples sont nécessaires pour que notre discours
la justice, ils conservent à son contradicteur ait tout son développement , chaque chose a
toute l'intégrité de leur attention. Telle est en ce qui lui est nuisible pour le fer, la rouille: ;

effet la vertu qu'on exige des juges, écouter avec les vers, pour la laine pour les troupeaux de;

une rigoureuse attention les deux parties, et brebis, les loups. Le vin éprouve un dommage
n'introduire qu'après le jugement qui leur est par la décomposition qui l'aigrit ; ce qui est
propre. Eh bien donc! nous avons aujourd'hui, nuisible au miel, c'est de perdre sa naturelle
comme une manière d'orateur parlant le pre- douceur et de dégénérer en une liqueur
,

mier, ce préjugé vulgaire, et depuis longtemps amère. Pour les blés, pour les moissons, ce
enraciné dans une foule d'esprits, qui adresse qui leur nuit, c'est la nielle, c'est la séche-
son discours à la terre entière : Tout, s'écrie- resse ; pampres et les sarments
le raisin, les
t-il, n'est que bouleversement, confusion par- sont dévastés par les armées de sauterelles;
tout dans le genre humain, chaque jour, en d'autres végétaux, par les chenilles; les corps,
nombre prodigieux, les injustices, les outrages, qui n'ont pas la raison en partage, par la di-
les violences, les faibles écrasés par les forts, versité des maladies nous ne ferons pas une
;

les pauvres par les riches et pas plus que les


; revue complète qui allongerait ce discours,
flots de la mer, l'on ne peut compter les trames mais voyez, pour notre chair, le nuisible, ce
perfides, les injustices, les douleurs de l'hu- sont les tièvres, les paralysies, l'essaim des au-
manité les lois ne corrigent rien la crainte
; ; tres maladies. Eh bien de même que chacun !

des jugements n'arrête rien, rien ne triomphe de ces objets a ce qui ruine sa vertu j)articu-
de cette maladie, de cette peste de jour en ; lière, voyons, examinons ce qui est nuisible à
jour, au contraire, le fléau s'étend partout les ; notre espèce, ta l'homme; qu'est-ce enfin qui
lamentations, les gémissements, les larmes des ruine la vertu de l'homme? Le grand nombre
opprimés; et ceux qui ont pour mission de s'arrête à des causes que nous n'admettons
remédier au désordre irritent la tempête ,
, pas. Il en faut bien parler, exposer les opinions
et font durer la maladie. Conséquences d'un fausses, les écarter; c'est ainsi que nous met-
tel spectacle , nombre d'insensés, d'infortu- trons en lumière le mal réel (lui nuit à la vertu
nés se laissent prendre d'un nouveau déhre; en nous; que nous démontrerons jusqu'à Té-
ils accusent la providence de Dieu, parce qu'ils vidence que personne ne peut nous faire
,

voient, à chaque instant, l'homme sage et ver- éprouver de dommage, ni causer notre mine,
tueux, blessé, déchiré, étouffé, tandis ([ue le si nous ne nous trahissons pas nous-mêmes.

scélérat qui ne craint rien, l'inlàme issu de Ainsi donc le grand nombre, dausTégarement
parents infâmes, s'enrichit, se revêt du pou- de ses pensées, attribue à des causes étrangères
voir, devient redoutable au grand nombre, la ruine de la vertu dans l'homme les uns di- ;

cause à ceux (jui valent bien mieux que lui, sent, pauvreté les autres maladie
;
d'autres ;

mille affreïises douleurs, soumettant à son au- perte d'argent d'autres calomnie
; il en est ;

dace, et les villes, et les provinces, et les dé- qui disent, la mort, et ce sont des gé-
serts, mer. De là la né-
et les continents, et la missements , des lamentations sans fin et :

cessitéde ce discours pour réfuter ce (lue vous l'on s'apitoie ,


et l'on pleure sur les victi-
venez d'entendre, pour livrer un combat mes, et l'on est fra[)pé (létonnement, et l'on
étrange comme je l'ai dit en commençant,
, 5e dit, les uns aux autres
Quel désastre a :

étrange, incroyable, mais utile, fondé sur la éprouvé un tel! tout à coup, il a perdu toute
vérité, profitable à l'auditeur attentif et docile; sft fortune. Autre discours miintenanl d'un
ce discours se propose de démontri>r (écou- autre au sujet d'un autre : un tel atteint duue
tez sans trouble), que personne, parmi les maladie dangereuse a été condamné [tar les
\ictimes de l'injusticd, n'est victime de l'in- médecins qui l'ont vu. Calui-ci plaint les pri-
A QUI NE SE NIIT PAS A LUI-MÊiME NUL NE PEUT NUIRE^ 339

sonnîers, celui-là les expatriés, les exilés, cet sou fruit? Appliquons à l'homme cette ma-
autre, ceux qui ont perdu la liberté ; un autre nière de juger sachons discerner la vertu de
;

encore, ceux qui ont été enlevés par les enne- l'homme, et n'appelons donnnage que ce qui
mis et qui sont devenus captifs; en voici un ])eut lui nuire. Quelle est donc la vertu de
qui se lamente sur un noyé ou sur un brûlé, l'houjuie? Cen'estpasla richesse, nila santé du
ou sur un tel enseveli sous les ruines de sa corps, ni la réputation, ni simplement la vie,
maison force {gémissements sur tous ceux-là,
;
ni la liberté, en sorte que nous devions upiiré-
mais sur ceux qui vivent dans l'iniquité, au- hcnder et fuir la pauvreté, la maladie, la mau-
cune lamentation et, ce (ju'il y a de plus
;
vaise renommée, la mort ou la servitude ; c'est
triste, loin de les plaindre, souvent on célèbre ra[)plication à la doctrine de la vérité, c'est
leur bonheur, et voilà justement la cause de dans la conduite, l'honnêteté. Or, voilà le bien
tous les maux. Eh bien donc! (mais, comme que le démon même ne saurait ravir , si

je vous y ai exhortés en commençant, écoutez le possesseur est vigilant; est c'est ce que sait
sans interrompre), il faut vous démontrer (lUe bien ce perfide, ce farouche .démon. Car, s'il

rien de ce que nous avons dit, n'est nuisible pour l'appauvrir,


a <lépouillé Job, ce n'était pas

pour l'homme qui vit dans la tempérance, ni mais pour le forcer à proférer quelque blas-
ne peut ruiner sa vertu. Dites, répondez-nioi : phème et s'il lui a fait des blessures dans le
;

un homme a tout perdu, victime, soit des ca- corps, ce n'était pas pour le rendre malade,
lomniateurs, soit des brigands, soit de ses mais pour ébranler la vertu de son âme. Eh
propres serviteurs, misérables qui l'ont entiè- bien !il aeu beau faire jouerions ses ressorts, le

rement dépouillé ; eh bien 1 cette perte, quel rendre pauvre, de riche qu'il était, (ce qui, de
dommage a-t-elle causé à sa vertu? tous les malheurs nous paraît le plus é[)0U' an-
Faisons mieux, si vous permettez commen- ;
table); faire, de ce père de nombreux enfants,
çons par définir la vertu de l'homme, après un père qui n'a plus d'enfants; il a eu beau

nous être exercés à définir la vertu d'autres lui déchirer tout leavec plus de
corps ,

êtres, afin de rendre plus facile à comprendre cruauté que des bourreaux de prêteur (car
et plus évident, ce que nous voulons expli- leurs ongles creusent moins profondément les
quer. flancs de leurs victimes, que les vers enfoncés
3. Quelle est la vertu du cheval? un frein dans la chair de Job pour la ronger); il a eu
d'or, un caparaçon
d'or, des attaches de soie, beau l'envelopper de réprobation (car ses amis
des couvertures d'un tissu varié, parsemées venaient lui dire, qu'il n'était pas encore fla-
d'or, un harnais constellé de pierreries, une gellé en raison de ses fautes, et le chargeaient
crinière aux tresses entrelacées d'or ? ou la ra- d'accusations) il a eu beau, non pas le chasser
;

pidité de la course, la fermeté des jarrets, l'al- de sa cité, non pas le faire sortir de sa maison,
lure élégante, le pied digne d'un coursier gé- pour le transporter dans une autre ville, mais
néreux, le courage dans les longues routes, le lui donner pour maison et pour ville, un fu-
courage des combats, l'énergie vaillante dans mier, non-seulement il ne lui a fait aucun
la bataille, qui, dans la fuite, sauve son cava- mal, mais par ses coups perfides il l'a rendu
lier? N'est-il pas évident que la vertu du che- plus glorieux. Non-?eulement il ne lui a enlevé
val éclate dans les derniers traits, non dans les réellementaucun bien, quoiqu'il lui ait tant ravi,
autres? Etmaiutenant, quelle estdans les ânes, mais il a grossi sou trésor de vertus. Car, après
dans les mulets, la vertu? N'est-ce pas de por- ces épreuves. Job sentait avec bonheur en lui
ter commodément des fardeaux, de franchir cet accroissement de confiance qu'il devait aux
facilement les distances, d'avoir le pied aussi combats vaillamment soutenus. Si tant de
solide que la pierre? Dirons-nous que l'exté- souHVances ne lui ont causé aucun mal, quoi-
rieur, que ce qui sert à leur équipement, con- qu'elles lui vinssent, non d'un homme mais
tribue en quoi que ce soit à la vertu (jui leur du monstre qui surpasse les plus méchanis de
est propre? Nullement. Quelle vigne admire- tous les hommes par sa perversité, quoiqu'il
rons-nous? la vigne au feuillage épais, riche eût contre lui démon, quelle sera désormais
le

de pampres, ou la vigne chargée de fruits? l'excuse pour qui dira, un tel m'a fait du mal,
Quelle est la vertu de l'olivier? d'avoir de un tel m'a causé un préjudice? Car si le dé-
grands rameaux, une abondante chevelure de mon, ce monstre de perversité, après avoir
feuillage, ou de montrer partout la richesse de fait jouer toutes ses machines, lancé tous ses
340 TRADUCTION FRANÇAISE DE SAINT JEAN CHRYSOSTOME.

traits, entasse toute l'horreur des misères hu- me dira-t-on, les peines, les supplices? pour-
maines, et sur la maison de l'homme juste, et quoi l'enfer, pourquoi tant de menaces, et si

sur sa personne, non-seulement ne lui a fait effrayantes, si personne, ni ne subit l'injustice,


îiucun mal; mais, je l'ai déjà dit, au contraire, ni ne commet l'injustice ? Que dites-vous? Pour-
lui a été utile, comment i)onrra-t-on encore quoi cette confusion dans le discours? Je n'ai
imputer son mal à tel ou tel, comme si le mal pas dit que nul ne commet l'injustice, mais
vennit des autres, comme si le mal ne venait j'ai dit que nul ne souffre de l'injustice. Mais
pas du dedans? comment est-il possible, me dira-t-on, lorsque
4.Eh quoi donc, me dira-t-on? N'est-ce pas tant d'hommes commettent l'injustice que ,

le démon qui a fait du mal à Adam qui Ta ,


personne ne souffre de l'injustice ? Je viens de
supplanté, qui l'a chassé du paradis? Non, ce vous en donner la raison les frères de Joseph
;

n'est pas le démon, mais la nonchalance de furent injustes envers lui mais lui n'a pas ,

celui qui a souffert le mal c'est le défaut dat-


;
souffert de l'injustice. Cain a attenté à la vie
tention et de vigilance car si le démon, avec
;
d'Abel, mais Abel n'a pas été victime. De là,
tant et de si grands ressorts, déployés contre châtiments et supplices. C'est que la vertu de
Job ne, l'a comment a-t-il pu, avec
pas abattu, ceux qui souffrent, ne fait pas que Dieu sup-
de plus armes, triompher d'Adam si
faibles ,
prime les punitions la perversité des méchants
:

celui-ci, par sa propre indolence, ne s'est pas fait que Dieu ceux qui souffrent
les inflige. Si
trahi lui-même. Quoi donc? La victime des ca- le mal, deviennent plus glorieux par le fait de
lomnies, le malheureux à qui on confisque ses leurs ennemis , celte gloire , ils ne la doivent
biens, ne reçoit aucun mal? Celui qui perd son pas à la volonté de l'ennemi perOde mais à la ,

patrimoine, qui lutte contre toutes les horreurs force virile, qu'ils ont montrée. Ainsi, aux uns
de la misère? Non, celui-là n'a subi aucun mal; sont décernées les récompenses de leur sa-
au contraire, il s'est enrichi , s'il a la modestie gesse; pour les autres sont établis les suppli-
en partage: car en quoi, répondez-moi, la pau- ces, préparés à la perversité. On vous a dé-
vreté a-t-elle nui aux apôtres? Ne soutenaient- pouillé de vos biens? Dites Nu, je suis sorti :

ils pas contre la faim, contre la soif, contre du ventre de ma jnère, nu je m'en retournerai.
toutes les privations qui les mettaient à nu, (Job, 1,21.) Ajoutez-y la parole de TApôtre :

une lutte continuelle, et n'est-ce pas par cela Nous ri avons rien apporté en ce monde et il ,

môme qu'ils sont devenus illustres, glorieux; est sajis doute que nous n'en pouvons rien em-
qu'ils ont forcé Dieu à leur accorder son écla- porter. (1 Tim. VI, 7.) On a mal parlé de vous,
tant secours? el Lazare, en quoi maladies, bles- on vous a chargé de mille outrages? Rappelez-
sures, pauvreté, absence de toute assistance, vous cette parole Malheur à vous lorsque les
:

lui ont-elles été nuisibles? N'est-ce pas par cela homrnes diront du bien de vous! (Luc, vi, 20.)
même qu'il a con(iuis de plus nobles couron- Et rcjouissez-i'ous, et tressaillez dallégressey
nes? Et quel mal pour Joseph d'avoir subi la lorsque les honwies prononceront contre vous
réprobation dans son propre pays et sur la terre une parole mauvaise. Mallh. v. 11.) Vous avez
étrangère? car on disait de lui : C'est un adul- été jeté en exil; considérez que votre patrie
tère, c'est un impudique. Quel mal luiafaitla n'est pas en ce monde. Voulez-vous suivre la
servitude? Quel mal lui a fait l'exil ? x\'est-ce sagesse? Il vous a été ordonné de regarder la
pas,pour ces épreuves surtout, que nous le con- terre entière comme une terre étrangère. Mais
templons avec admiration? El à (|uoi bon vous vous êtes tombé dans unemalatlie grave? dites
parler d'exil, de pauvreté, de ré|)robation par- cette parole de l'Apôtre Encore que dans
:

mi les hommes et de servitude? La mort même, nous l'homme extérieur se détruise, néanmoins
quel mal a-t-elle fait à Aboi quoi qu'elle fût
,
V homme intérieur se renouvelle de jour en jour.
violente, (|uoi(|u'<lle fût prématurée, le crime (11 Cor. IV, 10.) Mais voici qu'un tel a subi une

d'un frère? N'est-ce pas pour cela même qu'il mort violente: considérez Jean, sa tête tran-
est célèbre par toute Voyez-vous
la terre ? chée dans la prison, apportée sur un plat, ser-
comme mon discoursadépassé mes promesses? vant de salaire à une courtisane qui danse.
Car non-seulement il a démontré (jue personne Considérez les récompenses à venir. Toutes ces
ne peut recevoir de mal de personne; mais, de soutlrances causées par l'injustice d'autrui ,

plus que le mal est un profit pour ceux qui


,
expient les péchés , opèrent la sancliflca-

fout attention à eux-mêmes. Mais pouniuoi, tion. Telle en est l'utilité incomparable, pour
A UL'l NE SE NUIT PAS A LUI-MÊME NUL NE PEUT NUlRK. Ui
ceux qui savent noblement les supporter. de coups terribles, lancés contre lui de toiites

5. Eh bien donc puis(|ue, ni les pertes d'ar-


I parts, le supplanter, le renverser, tant est
gent, ni les calomnies et les outrages, ni l'exil, grande l'énergie d'une âme généreuse. Faut-il
ni les maladies, ni les tourment? ni même ce , vous montrer Paul? N'a-t-il pas enduré tant de
grand é[)0uvantail la mort, ne causent aucun
: souffrances qu'il est difficile de lesénumércr?
dommage à ceux qui en sont frappés puis- ;
Habitant les prisons, chargé de chaînes, traîné
qu'au contraire, il y a là utilité et profit, com- entons lieux, battu de verges par les Juifs,

ment vous est-il possible de me montrer qu'on lapidé, les épaules déchirées par les lanières,
souffre du mal, puisque, de ces causes que je meurtries par les bâtons, plongé dans la mer»

viens de dire, ne résulte aucun mal? Je veux souvent tombé entre les mains des voleurs,
entreprendre une démonstration toute con- souffrant d'une guerre intestine, continuelle-
traire. Ceux qui souffrent les plus grands maux, ment tourmenté par ses ennemis, par ses amis
des pertes incalculables, qui subissent des souf- mêmes en butte à mille trames insidi(;u?es
,

frances qu'on ne peut guérir, ce sont ceux qui luttant contre la faim, la nudité, victime de
les causent. Car quoi de plus misérable que Caïn toutes les autres afflictions, sans relâche entas-
seconduisint envers son frèrecommevoussavez? sées sur lui, bref, mourant chaque jour; eh
Qui mérite plus de pitié que l'épouse de Phi- bien! au milieu de tant de souffrances, si
lippe, qui a tranché la lête de Jean? Que les cruelles, non-seulement, il ne fit jamais en-
frères de Joseph, qui l'ont vendu et jeté en tendre une parole de blasphème , mais il se ré-
exil? Que le démon, qui a déchiré Job de tant jouissait , il se glorifiait; ici: Je me réjouis,
de blessures? Car il ne sera pas puni seule- dit-il, de mes soit ffronces (Col. i, 21.) ; ailleurs:
ment des crimes qu'il l'ait commettre; mais, Et non-seidemejit dans cette espérance , mais
pour ses vains efforts, il subira le châtiment "^

nous nous glorifions encore dansl es afflictions.


terrible de sa malice infernale. Ne voyez-vous (Rom. V, 3.) S'il se réjouissait, s'il se glorifiait,
pas encore ici comment mon discours a dépassé dans de pareilles épreuves quelle sera votre ,

mes promesses? Non-seulement lesvirfimes que excuse, à vous qui n'en subissez pas la moindre
les méchants se proposent de frapper ne souffrent partie, et qui blasphémez?
aucun mal, mais encore tout le mal retombe sur 6. Mais il est, m'objecte-t-on, un autre mal
la tète de ces méchants. Evidemment, puisque ni que je subis, même sans que je blasphème ;

la richesse, ni la liberté, ni le séjour dans la pa- privé de ce que je possédais, je n'ai pins rien
trie, ni les autres biens que j'ai dits, ne consti- pour faire l'aumône, me dit-on. Pure alléga-
tuent la vertu de l'homme ;
puisqu'elle consiste tion et simple prétexte! Si c'est lace (jui vot'S

dans riionnéleté, dans l'càme, il s'en suit que, afflige, apprenez et comprenez que la pauvreté
parla perte de ces biens la vertu de l'homme, , n'empêche pas de l'aumône. Seriez-vous
faire
en réalité n'a rien perdu. Eh quoi si quel-
, !
réduit à la dernière indigence, vous n'ê'es pas
qu'un vient à perdre la sagesse même? Eh cependant plus pauvre que cette femme qui
bien même dans ce cas, la perte n'est pas le fait
! n'avaitqu'une poignée de farine pour toutbieu
d'aulrui, la perte vient du dedans; on ne doit (Rois, xvii, 12 que cette femme qui possédait
j ;

l'attribuer qu'à soi-même. Comment, me dit- en tout deux oboles (Luc, xxi, 2), et l'une et l'au-
on, elle vient du dedans? on ne doit l'attribuer tre, pour avoir donné aux indigents tout ce
qu'à soi-même? Quand un homme, frappé par (in'elles possédaient, ont excité li;s transports de
un autre, ou dépouillé de ses biens, ou subis- l'admiration. Une si grande pauvreté n'a pas f.iit
sant quelque grave injure, profère un blas- obstacle à une charité si grand«3; assez magni-
phème, alors il est atteint d'un mal, d'un mal fique, assez splendide a été l'aumône <le ct-s
affreux. Toutefois ce mal ne lui vient pas de deux femmes chétives, pour l'emporter sur
celui (|ui lui fait injure, mais il lui vient de tout ce qu'il y a de richesses, de somptueuses
sa propre lâcheté. Ce que j'ai dit , je veux le re- offrandes; l'opulence de leurs cœurs, la ri-
dire. Nul homme,
supposez lé plus pervers, ne chesse de leur zèle généreux a tout surpassé.
peut faire plus que le démon, acharné impla- , Ainsi, même à cet égard, vous n'éprouvez au-
cable ennemi, ni le dépasser en perversité, en cun tort au contraire , vous avez gagné
;

rage funeste. Ce monstre pourtant n'a pas pu, de conquérir, à peu de prix, de plus belles
en s'attaquanl à un homme qui vivait avant la couronnes que les riches avec tous leurs dons.
malgré tant de traits tant Mais nous aurions beau le redire à saliétc les
loi , avant la grâce , ,
:
342 TRADUCTION FÏVANÇAISE DE SAI^Î JEA.N CHRVsOSTOME.

âmes, attachées à la chair, qui se plaisent dans Voyez ce bûcher qui raontejusqu'aux nues, cette
le tourbillon du monde, qui s'enivrent des cho- fournaise qui enferme et embrase et la terre
ses présentes, ne consentiront pas à perdre ces et la mer. Pour éteindre cette flamme per- ,

fleurs si vite flétries ( telles sont les joies de la sonne. Pour activer le feu, tous les hommes
\ie sur cette terre) ; les hommes ne renoncent tant ceux que la flamme a déjà pris, que ceux
pas à ces ombres; au contraire, les plus qu'elle n'a pas pris encore, et qui veulent se faire
honnêtes s'attachent, de toutes leurs forces, prendre. Et vous pouvez voir les hommes et

et aux biens véritables et aux prétendus biens; les femmes, les serviteurs, les personnes li-

les malheureux, les infortunés, possèdent la bres, les i)auvres, les riches, chacun dans la

meilleure part du bonheur réel, la plus faible mesure de ses forces, apportant sa charge, ali-

du bonheur mensonger. menter jour et nuit cette flamme immense :

Arrachons donc les masques brillants, écla- charge, non de bois ni de fascines [cette flanuue
tants, et faisons voir la honteuse et hideuse n'est pas de nature à s'alimenter ainsi mais ) ;

réalité. Montrons l'infamie de la courtisane. d'âmes et de corps, d'injustices et d'infractions


J'appelle de ce nom la vie qui se livre aux aux lois. Voilà ce qui allume cette flamme. Les
délices , aux richesses , aux séductions de riches ne mettent jamais un terme à leur folle
la puissance honteuse
; hideuse infâme ;
, , cupidité, eussent-ils enveloppé dans leur do-
pleine de dégoûts, de peines et d'amertumes. maine toute l'étendue de la terre. Les pauvres
Voici , en effet ce qui ôte toute excuse à
, s'empressent d'aller plus loin que les riches ;

ceux qui se laissent prendre aux attraits et cette rage incurable, cette fureur effrénée,
de cette vie; c'est que, malgré ces dégoûts , cette maladie qui défie les remèdes, a saisi

malgré son amertume, elle leur paraît dé- toutes les âmes. Et cet amour, victorieux de
sirable , et qu'ils la chérissent, quels qu'en tout autre amour, chasse de l'âme tout autre
soient les maux infinis, les dangers, les flots désir. Et il n'y a plus ni amitié ni parenté; et
de sang qui la rougissent ; les précipices, les à quoi bon parler d'amitié et de parenté ? Il

écueils, les meurtres, les angoisses et les ter- n'y a plus ni épouse ni enfants. Quel bien
reurs, et la haine, et l'envie qui l'escorte, et pourtant est plus désirable! Tout a été jeté par
les perfidies, et les soucis, et les inquiétudes terre, fouléaux pieds par la cruelle et sauvage
sans fin ;
quoiqu'elle ne présente aucun gain ; souveraine qui domine en tyran dans toutes
quoiqu'elle ne produise aucun fruit de tant de les âmes captives. En effet, comme une reine
douleurs, si ce n'est les châtiments, les sup- qui n'a plus rien deTàme humaine, comme un
plices, les tourments Oui, cette vie,
éternels. tyran féroce, comme un barbare cruel, comme
telle qu'elle est, paraît enviable au grand nom- une courtisane banale et magnifique, elle

bre, désirable au prix de tous les combats, ce déshonore, elle épuise, elle expose a mille
qui résulte de la démence de l'àme ainsi cap- dangers à mille tortures les insensés qui ont
,

tive, et non de la réalité du bonheur. Voyez les pris le parti de s'assujélir à son service.

petits enfants, attachés à leurs jeux qu'ils ché- Elle est redoutable elle n'a aucune dou- ;

rissent et qu'ils admirent; ils ne |)euvent pas ceur ; elle est farouche et féroce ; son visage
comprendre les alfaires qui conviennent à Tàge marque la cruauté ; c'est le visage d'une béte

mûr; mais on peut au moins pardonner aux fauve, plus cruelle qu'un loup, qu'un lion ;

enfants; leurs erreurs sont de leur âge. Au et cependant elle paraît affable, désirable, plus

contraire, les insensés dont je parle, sont dé- douce »iue le miel à ses captifs. Ce n'est |kis

pourvus de toute excuse possible. Parvenus à tout, elle forge contre eux iliacjue jour des
l'âge mûr, ils ont des pensées puériles, et la épées toute espèce d'armes elle creuse des
, ;

simplicité des enfants négale pas leur dé- précipices; elle les pousse contre les écueils

mence. dans les abîmes elle tisse les mille filets des
;

Car enfin pounjuoi faut-il rechercher la ri- tortures; et elle parait en>iable à ceux qu'elle
chesse, répondez-moi? Telle doit être en effet a pris, à ceux qui désirent d'être pris par elle.
notre première l'tude, puisque la santé, la vie, Et connue on voit dans un cloaque, dans la
,

la considération auprès du peuple, une bonne boue le porc se vautrer avec une volupté dé-
,

réputation, patrie, amis, parents, tout semble licieuse ou connue on voit les scarabées sé-
;

moins précieux que les richesses à la plupart de journer sur le fumier (pi'ils ne quittent jamais,
ceux que tient celle grave maladie lavarice. :
ainsi ceux «luo l'avarice postède , sont plus mi;
A m NE SE NUIT PAS A LUÏ-MÉME NUL NE TElT NUmË. 345

semblés que ces animaux; leur fanpc est plus reur intempestive, une colère injuste, l'arro-
(légoùtaiite leur bourhier plus infect. Tant
, gance l'orgueil, le délire. Mais je n'en dirai
,

qu'ils rt'Slent enfoncés dans ce vice, ils s'i- rien.Ceux que possède cette maladie ne sou- ,

maginent y trouver un vif plaisir ; ce tiendraient pas un discours sur la vertu et sur
qu'il ne faut pas attribuer à la réalité, mais le vice, livrés qu'ils sont tout entiers aux plai-
à la disposition d'une âme malade : et par sirs, et, pour cette raison, esclaves des vo-
là les avares sont plus dégradés que les luptés on aurait beau tout ensemble les ac-
;

êtres sans raison. De même donc que dans le cuser et les convaincre. Négligeons donc un
bourbier, dans le fumier l'infamie n'e?t pas moment ces réflexions. Arrivons à ce qui nous
le propre du bourbier ou du fumier, mais des reste à dire et voyons si la richesse a pour
,

animaux sans raison qui s'y ensevelissent; de elle quelque plaisir, quelque considération qui
môme, pour l'iiomme, raisonnez par analogie. lui soit propre c'est tout le contraire que je
;

Avons-nous un moyen de guérir ceux qui


7. vois. Si vous voulez examinons d'abord les- ,

sont ainsi affectés? S'ils voulaient nous ouvrir tables des riches et celles des pauvres ; de-
leurs oreilles, nous découvrir le fond de leur mandons-leur au moment du repas, les-
,

cœur, accueillir nos paroles Pour les êtres sans ! quels jouissent du plaisir le plus pur, goû-
raison, nous ne pouvons pas les faire sortir de tent le vrai plaisir. Ceux qui jusqu'à la ,

leur fange, du bourbier où ils se vautrent ils ; fin du jour, couchés dans la salle à manger,
n'ont pas la raison en partage. Mais cette joignent les soupers aux dîners crèvent leur ,

créature douée de douceur d'intelligence , ventre, dépravent leurs sens ; sous la charge
et de raison l'homme , c'est de l'homme
; excessive des mets, font sombrer le navire;
que je parle, il n'a qu'à le vouloir c'est chose ; inondent la sentine produisent comme un ;

facile rien de pins aisé, que de le faire sortir


; naufrage du corps appesanti, envahi ceux qui ;

du bourbier, de l'infection, de ce fumier, de en roulent sur leurs pieds, leurs mains, leur
cette boue. Car enlin, pounjuoi la richesse ô , langue, tout leur corps, les liens de l'ivresse
homme te semble-t-elle digne d'être recher-
1 et de la luxure, plus lourds qu'une chaîne de
chée avec tant d'ardeur? à cause du plaisir, fer; ceux qui renoncent au sommeil calme et
etc'est tout, (jue procure la table? à cause de pur qui ne peuvent plus s'affranchir de l'ef-
;

la considération? du cortège que te font les froi des songes, ceux qui se rendent plus misé-
gens qui t'honorent pour ta richesse? à cause du rables que les fous furieux; qui introduisent
pouvoir de te venger de ceux qui t'ont offensé? volontairement le démon dans leur âme ;
qui
Est-ce parce qu'elle te rend redoutable à tous? s'exposent en spectacle à la risée de leurs servi-
Impossible, en effet, d'alléguer d'autre cause teurs ; disons mieux, qui paraissent, aux meil-
que le plaisir, ou la certitude de trouver des leurs de ces serviteurs, un objet lugubre et
flatteries, ou la terreur qu'on inspire ou le digne de larmes? Sont-celà les plus heureux,
pouvoir de se venger. En effet, ni la sagesse, ces stupides incapables de reconnaître per-
,

ni la tempérance, ni la modération, ni l'intel- sonne auprès d'eux, incapables de rien dire,


ligence ne sont les fruits ordinaires de la ri- de rien entendre qu'il faut porter dans les; ,

chesse elle ne rend l'homme ni meillenr, ni


; bras, de la salle à manger sur leurs lits? ou
plus humain, ni maître de sa colère, ni maître les hommes sobres et vigilants , qui me-
de son ventre, ni supérieur aux plaisirs elle ; surent leur nourriture à la nécessité, qui na-
n'enseigne pis la modération elle n"ap[)rend ; viguent au soufle des vents prospères, pour
pas l'humilité elle n'introduit ni n'implante
; qui le plus grand plaisir, c'est d'avoir faim
dans l'âme aucune vertu. Impossible de dire quand ils mangent, d'avoir soif quand ils boi-
que ce soit pour aucune de ces raisons que la ri- vent? En effet, aux
rien n'importe plus, et
chesse est recherchée avec tant d'ardeur, avec plaisirs, et à la santé, que d'avoir faim, que
tant d'amour. Non-seulement elle ne sait, ni d'avoir soif, lorsqu'on touche aux mets qui
planter , ni cultiver aucun des biens de l'àme; viennent d'être servis ; de se régler sur la né-
mais les germes cachés qu'elle y trouve, elle cessité pour se rassasier; de ne pas franchir
les corrompt elle en prévient le développe-
, les limites du nécessaire de ne pas charger le ;

ment, elle les flétrit, elle les dessèche il eu : corps d'un fardeau que ses forces ne peuvent
est qu'elle arrache pour introduire les semen- supporter.
ces contraires un luxe immodéré une fu-
: , 8. Si vous refusez de m'en croire, étudiez,
m TRADUCTION FRAN(1\1SE DE SAINT JE.VN CHRYSOSTÔME.

dans lesuns el dans les autres, l'état du corps, plaisir fut qu'ils éprouvaient la soif; pour
l'état de rame. N'est-il pas vrai que chez ceux exprimer la sensation délicieuse que cette eau
qui suivent un régime ainsi modéré (n'allez leur causa, le Prophète la nomme du miel.
pas m'opposer ce qui arrive rarement, des Ce n'est pas que l'eau fût réellement changée
accidents quelques maladies par suite de telle
,
eu miel mais il a voulu montrer que le plai-
,

cause ou de telle autre; observez ce qui arrive sir, procuré par cette eau avait toute la dou- ,

toujours et constamment, vous prononcerez ceur du miel, parce que la soif tourmentait
ensuite); n'est-il pas vrai que, pour ceux qui ceux qui la trouvèrent et qui en burent. S'il
pratiquent la tempérance dans le boire et en est ainsi, si la contradiction est impossible

le manger, le corps est vigoureux, les sens de- même de la part de celui qui serait entière-
viennent plus pénétrants , accomplissant avec ment dépour%Ti de sens, n'est-il pas manifeste
une entière facilité les fonctions (jui leur sont que du pauvre que s'assied le
c'est à la table

propres? Chez les autres, au contraire, vicié plaisirpur le plaisir sincère et parfaitcm<. nt
,

par l'excès des humeurs, le corps est plus mou vrai; au contraire, à la table du riche, ce qui
que la cire; l'essaim des maladies l'assiège; incommode, ce qui dégoûte, ce qui souille?
vous voyez en effet bientôt s'abattre sur eux et N'est-il pas vrai, comme l'a dit le Sage d'autre-
la goutte et un tremblement importun, et une fois, que la douceur mèmedteient importune?
vieillesse prématurée ajoutez à cela les dou-
; (Prov. ibid.)
leurs de tète ; les tensions d'estomac , les para- 9. Mais c'est l'honneur , me dira-t-on ,
que
lysies qui les suivent; plus d'appétit. II faut la richesse assure, à qui la possède, l'honneur
toujours des médecins , toujours des remèdes, et le pouvoir de se venger facilement de ses

un traitement de tous les instants. Est-ce donc ennemis. Est-ce donc pour cela, répondez-
là le plaisir, répondez-moi? Je voudrais enten- moi, que la richesse vous paraît désirable,
dre la réponse d'un de ces hommes qui savent digne que vous employiez toutes vos forces à
ce que c'est que le plaisir; le plaisir se montre la conquérir parce qu'elle nourrit en nous
,

lorsque le désir précède, que la jouissance les passions les plus funestes, parce qu'elle
vient après. Mais si la jouissance manque; si assure, à la colère son elTet parce qu'elle
,
;

le désir ne paraît pas, le plaisir s'évanouit. excite, parce quelle stimule, parce qu'elle
Voilà pourquoi les malades, à la vue des mets grossit cette fureur de gloire comme ces bulles
les plusrecherchés qu'on leur sert, n'éprou- qui se gonflent et qu'on remplit dair; parce
vent que des dégoûts. Ils se récrient contre quelle vous gonfle jusqu'au déhre? N'est te
l'importun qui les force d'en goûter; c'est pas au contraire surtout pour celte raison qu'il
qu'ils ne ressentent pas le désir, qui donne à nous faut la fuir, sans regarder en arrière,
la jouissance tout son agrément. Ce n'est pas puiscju'clle introduit dans notre âme des bêles
la nourriture en elle-même, ce n'est pas le furieuses et cruelles; puisqu'elle nous prive
breuvage en lui-même, c'est l'appétit de l'estu- de la vraie gloire de la gloire que tous esti-
,

mac qui produit le désir, et opère le plaisir ment ;


puisqu'elle y substitue la gloire men-
après. Voilà pourquoi un sago, qui se connais- songère, fardée de couleurs empriudées;
sait bien eu plaisiis, et qui savait dire sur ce puisqu'elle nous l'ait prendre, estimer comme
sujet des paroles sensées : Làine rassasiée, vraie cette gloire mensongère qui n'a [tour
dit-il , foulera aux
pieds le raijon de miel elle qu'une vaine apparence ? Les courtisanes
(Prov. xxvii, montrant par là que ce n'est
7), chaigéts de couleurs el de peinture, se font,
pas dans la table mais dans la disposition de de leur laideur une beauté, et celle laideur,
l'estomac que réside le plaisir. Voilà encore celte dillormité, trompant les yeux, se fait

pourquoi le Prophète, passant en revue les passer pour cette beauté même qui n'a rien
miracles accomplis dans riCgyi)te et dans le avec elle de conunun. Ainsi fait la ricliesse,

désert, dit, entre autres paroles : // lésa rassa- prétendant que les adulations constiluenl
siés du mieLsorti de la pierre. (Psal. lxxx, 17.) l'honneur. Ne considérez pas ce qui se montre,
Or on ne uulUnient que la pierre leur ait
voit les éloges qu'inspire la crainte, que dictent
versé du miel Uu"a-l-il donc voulu liire?
: les flatteries, ce sont des couleurs et de la
Accablés de fatigues d'un long voyage, eu peinture. Ouvrez le cœur de chacun de ceux
))ioie a une soif \iolente, les Hébreux Irouvè- qui vous flattent ; (jue trouverez-vous à linté-

vcut tout ù coup de l'eau fraîche. Leur grand ricur? des atcu.-alious sans lin, des milliers
A QUI NE SE NLIT PAS A LUI-MÊME NUL NE PEUT NUIRE, 348

d'ennemis qui crient contre vous, qui ont plus breux , dont ondétourne avec horreur. se
d'aversion plus de haine i)Our vous que les
, ,
Mais la pauvreté, dit-on, est importune, me
ennemis les plus im|)lacables et les plus acliar- à charge et souvent fait que Ton profère des

rés. Vienne une révolution qui fasse tomber ,


blasphèmes, qu'il faut supporter des occupa-
ce masque dont la crainte s'est couverte, tions indignes d'un homme libre. Non , ce
comme la chaleur du soleil fait tomber le n'est pas la pauvreté, mais la faiblesse de
fard et montre les visages tels qu'ils sont; l'âme : Lazare aussi était pauvre, et pauvre
alors vous verrez combien vous étiez en mépris tout à fait, (Luc, xvi, 20.) A sa pauvreté,
aujtrès deceux qui vous flattaient; vous avez se joignait maladie plus amère
la que ,

cru être honoré de ceux qui vous détestaient le toute pauvreté, et qui rend la pauvreté plus
plus; vous accablaient, ils vousdéchiraient,
ils cruelle. Ajoutez, à sa maladie, l'abandon, le
dans Itur cœur, de mille outrages, et leur plus manque de toute assistance ,
qui rendait
xif désir celait de vous voir plongé dans les [)lus amères et sa pauvreté et sa maladie.
pliisallreuxmalheurs. L'honneur, c'est la vertu; Prenez en effet, chacun de ces maux, un à
c'est la vertu seule qui le donne ; Thonneur n'a un; ils sont accablants; mais, si vous n'avez
rien de forcé l'honneur n'a rien de plâtré il
; ; personne qui vous assiste, alors le malheur est
n'a pas démasque pour se cacher il est pur, il ; plus affreux la flamme qui vous brûle , plus
;

est sincère, et jamais le malheur des temps ne cruelle, la douleur plus amère, la tempête plus
prévaut contre lui. atroce, le tourbillon plus violent, la fournaise
10. Mais vous voulez vous venger de ceux plus dévorante. Mais maintenant, si vous vou-

qui vous ont affligé? Eh! n'est-ce pas, au con- lez examiner attentivement, vous trouverez
traire, surtout pour cette raison, je l'ai déjà encore en Lazare une quatrième douleur un :

dit, qu'il faut fuir la richesse? Elle fait que riche auprès de lui, avec sa licence et son luxe.
vous aiguisez le glaive contre vous-même; elle Si vous voulez découvrir encore un cinquième
charge les comptes qu'il vous faudra rendre foyer de cette flamme, vous le verrez aussi
dans l'avenir; elle vous prépare d'insupporta- d'une manière distincte. Car, non-seulement
bles châtiments. Le mal de
vengeance est si la ce riche vivait dans les délices, mais de plus,
grand qu'il force Dieu
à révoquer sa même deux fois, trois fois, disons mieux, à chaque
bonté, et qu'il rend inutile le pardon, déjà instant du jour, ce riche voyait Lazare car le ;

accordé, d'un nombre infini de péchés. Vous pauvre était là, couché par terre triste et mi- :

savez bien qu'un homme s'était vu remettre sérable spectacle, fait pour exciter la douleur
dix mille talents: une seule prière avait suffi et la pitié. Sa vue seule aurait attendri un
pour lui faire obtenir une telle grâce; quand cœur de pierre cependant la vue de Lazare
;

ce même homme exigea cent deniers de ne porta en rien cet homme sans humanité à
celui (jui servait comme
lui, c'est-à-dire soulager la douleur d'un tel pauvre. Ce syba-
quand il réclama
châtiment des torts qu'on
le rite se mettait à sa table; il avait ses coupes
avait envers lui par sa cruauté envers son
, pleines, pleines jusqu'au bord le vin les rem-
;

semblable, il prononça sa propre condamna- plissait à flots; il avait une somptueuse armée
tion. (Math, xviu.) Ce fut là l'unique raison de cuisiniers, ses [)arasites, ses flatteurs dès le
pour laquelle il fut livré aux bourreaux aux , point du jour ; des chœurs de personnages
châtiments, condamné à rendre les dix mille chantant, vertant les vins, prêtant à rire par
talents. Aucun pardon aucune excuse ne le , leurs bons mots le riche n'avait pour pen-
;

put sauver il lui fallut subir le supphce éter-


; sée que gourmandise sous toutes ses formes,
la
nel; il lui fallut payer toute la dette que la s'enivrant, engloutissant tout dans son ventre,
bonté de Dieu, prévenant ses désirs, lui avait superbe dans ses vêtements, fier de sa table,
remise auparavant. Est-ce pour cela, répon- passant toute sa vie dans toute espèce de vo-
dez-moi, que la richesse est si désirable, si luptés; et à ce pauvre, tourmenté par la faim,
aimable? est-ce parce qu'elle vous porte si par les douleurs poignantes de la maladie ,

facilement à des fautes de ce genre ? Je assiégé par tant d'ulcères, abandonné, affligé
dis, qu'au contraire, pour cette raison,, il chaque jour de nouvelles douleurs, le riche, qui
la faut regarder comme ces ennemis , en- le voyait, ne donna jamais une place même
nemis particuliers, ennemis publics, cou- dans sa pensée. Parasites, flatteurs, mangeant
pables du massacres et do meurtres nom- avec excès, se crevaient presque le ventre, et
di6 TRADUCTION FtlÀNÇAÎSE DE SAÏNT JEAN CîmVSÔSTOMÊ.

ce pauvre, si complètement pauvre, étendu pour lui de ces maux sans nombre , de la

par terre, accablé de maux, ne jouissait pas cruauté de ce riche. Et eu effet, s'il a été cou-
même des miettes de cette table somptueuse, ronné, ce n'est pas seulement pour avoir en-
quoique ces miettes eussent comblé ses désirs : duré la faim, la douleur de ses blessures, la
eh bien! malgré cela, la vertu de Lazare ne langue des chiens; voici son plus beau titre
subit aucun dommage Jamais il ne fît entendre de gloire en dépit de ce riche dont chaque
:

une parole amère, un blasphème. jour il subiss lit les regards, regards abaissés
Comme on voit, au sein d'une flarnme ar- avec un continuel dédain, il supporta noble-
dente, l'or purifié devenir plus brillant, ainsi, ment, avec une constance inébranlable, cette
cet infortuné, dans ce tourbillon de soufFran- épreuve qui, s'ajoutant à l'irritation de la pau-
crs, était plus fort que toutes ces souffrances, vreté, de la maladie, de l'abandon devenait ,

plus fort que le bouleversement où les souffran- pour lui comme une nouvelle flamme qui le
ces jettent la plupart des hommes. S'il suffit brûlait avec la plus pénétrante vivacité.
aux pauvres de voir des riches pour sécher de Et que pensez-vous du bienheureux Paul?
jalousie, pour se sentir consumés par l'envie, répondez-moi, car rien n'empêche de rappeler
pour trouver l'existence insupportable, et cela, encore son souvenir. N'a-t-il pas supporté
quand ils ont la nourriture nécessaire, et même mille et mille douleurs , tombant sur lui
des gens qui les soignent, que dirons-nous de comme la neige ? Eh bien 1 quel mal en a-l-il
ce pauvre, pauvre comme on ne le fut jamais, éprouvé ? n'en a-t-il pas recueilli, au contraire,
et non-seulement pauvre, mais malade, sans de plus grandes couronnes pour avoir sup- ,

personne pour l'assister ou le consoler, qui se porté la faim, le froid, la nudité, les nombreux
voyait au milieu de la ville comme dans une coups de verges qui le déchiraient, les pierres
solitude profonde, qui se sentait rongé par la qui le meurlrissaient; pour avoir été plongé
faim la plus cruelle, et qui contemplait ce dans la mer? Mais aussi, me dira-t-on, c'était
riche inondé de tous les biens, qui se?nblaient lillustre Paul, et le Christ l'avait appelé. Mais
jaillir pour lui comme de sources abondantes; Judas aussi était un des douze, et lui aussi, le
tandis que l'infortuné, dépourvu de toute con- Christ l'avait appelé; mais ni le privilège d\\[>-
solation humaine, était comme une table con- partenir aux douze, ni sa vocation ne lui ser-
tiniiellemcnt servie pour les chiens qui ve- virent de rien, parce que son àme n'était pas
naient léclier ses plaies (car il était tellement préparée à la vertu. Au contraire, Paul lutlant
jicrclus, paralysé de tous les membres, qu'il contre lafaim, manipiant des aliments néces-
n'avait pas même la force de les écarter)? saires, endurant chaque jour tant de maux,
quels pénibles sentiments n'auraient pastroublé courait plein dallégrcbse sur la route qui con-
son àme, si elle n'eût été fortement trempée duit au ciel. Judas, appelé avani Paul, Judas
dans le courage delà sagesse? Voyez-vous bien (jui jouit des mêmes privilèges que Paul a re-
qu'à celui qui ne se nuit pas à lui-même ,
çus après lui ;
qui fut initié à la sagesse su-

quand l'univers entier chercherait à lui nuire, prême ; (|ui s'assit à la table sacrée; qui assista
il n'arrive aucun mal, car je veux reprendre à cette redoutable cène ; après avoir reçu le

la même pensée. pouvoir de ressusciter les morts, de purifier


41. Car, voyez donc, en quoi la maladie, en les lépreux, de chasser les démons ; après tant
quoi le manque d'assistance, en quoi ces chiens de discours cntendussur la pauvreté; aprèsavoir
toujours prés de lui, en quoi ce mauvais voisi- si longtem|)s conversé avec le Christ; Judas, à

nage du riche, en quoi le faste et le luxe et qui on avait confié l'argent des pauvres, pour
l'arrogance de ce superbe ont-ils été nuisil)les calmer sa passion de l'argent (car c'était un vo-
à la vertu de cet alhlMe ? Ces circonstances leur), Judas même dans ces circonstances, ne
ronl-elles énervé, rendu moins vigoureux pour s'est pas amendé, quoiqu'il eût obtenu une si

les combats de la vertu? Qu'y a-t-il dans ces grande preuve dimlulgence. Le Christ savait
épreuves qui ail ruiné saconst^ance? rien, non, bien en effet que c'était une àme avide; que
rien jamais. Au contraire, ces maux l'ont for- l'amour de l'ai gent le ferait périr, et non-seu-
tifié, lui ont été une occasion de coïKincrir lement le Christ ne le punit pas mais, pour ;

mille couronnes. Il y a gagné un surcroît de adoucir la plaie de son âme, pour prévenir,
récompenses, un redoublement de salaire une ; par un moindre mal. un mal plus grand, il lui
moisson de gloire et de rémunération est sortie confia encore l'argent des pauvres, afin que.
A QUI NE SE NUIT PAS A LUI-MÊME NUL NE PEUT NUIRE. 347

trouvant de quoi rassasier sa cupidilô, il ne sur la perver?itc. Voilà pourquoi elle s'est

lunn)at pas dans le goutHe épouvaulable où écroulée. En effet, même avant d'être as?aillie
néaiiinoins il est tombé. par la tempête, elle était sans solidité, prête à
i'2. Oui , voilà la vérité absolue ; à qui ne tomber. Les constructions de ce genre, même
veut pas se nuire à lui-nicnie, personne ne sans qu'on y touche , tombent toutes seules,
pourra nuire ; et à celui qui ne veut pas, de parcequeles f( 'ud. liions fléchissent (tsedérobent

tout son tempérance, faire


cœur, praticjner la sous elles. Les toiles d'araignées d'elles-mêmes
usa-îe des ressources (juMl porte en lui, nul ne sed( chirent, sans (jue personne y porte la main;
pourra jamais être utile. Voilà pourquoi TEcri- le diimant au contraire , quoique frappé à
luri' dans une admirable histoire, comme
, grands cou[)S, mêmequand on le frappe, résiste
dans un vaste magnifique tableau, a décrit
et sans se briser. de ceux qui ne se
Il en est ainsi
les vies des anciens hommes, étendant son nuisent pas à eux-mêmes. Sous les coups de mil-
récit depuis Adam jusqu'à ravènement du liers d'ennemis, ils deviennent plus forts, mais

Christ. Elle vous fait voir aussi bien ceux qui ceux qui se trahissent eux-mêmes, sans aucun
furent vaincus, que ceux qui ont con(|uis des ennemi qui les attaque, tombent de leur pro-
couronnes, pour vous montrer, par tous ces pre mouvemtmt et se décomposent et péris-

exemples, qu'à celui qui ne se nuit pas à lui- de Judas, qui, non-seule-
sent. C'est riiistoire
même, aucun autre ne peut nuire, (|uand la ment sans aucune épreuve qui le mît en périls
terre entière exciterait contre lui une guerre mais encore malgré tant de soins pour le
,

cruelle. Et en effet, ni la difficulté des circons- sauver, a trouvé la mort.


tances, ni les révolutions, ni les injures des 13. Voulez- vous des nations entières, comme
hommes puissants, ni les attaques perfides fon- exemples, pour éclairerce discours? De quelles
dant sur vous comme la neige, ni la rniillitude faveurs de la part delà divine Providence n'a ,

des calamités, ni tous les malheurs humains pas joui lanation desJuifs? Toutes les créatures
attroupés contre vous ne peuvent ébranler en visibles n'étaient-elles pas assujéties à leur
quoi que ce soit l'homme courageux, vigilant service? Une vie nouvelle, étonnante, étrange
et sage, comme tous les avantages possibles et ne fut-elle pas organisée pour eux? Sans en-
toutes les faciliics imaginables, ne rendent voyer au marché, sans faire aucune dépense,
point meilleur le lâche qui se trahit et s'aban- ils jouissaient de ce qu'on y vend pas de sil- ;

donne lui-même. C'est ce que nous indique la lons à creuser, de charrue à pousser, de sol à
parabole au sujet de ces hommes dont l'un a déchirer, de semences à répandre, et ils n'a-
édifié sa maison sur la pierre, l'autre sur le vaient besoin ni des pluies, ni des vents, ni de
sable. Il ne s'agit pas ici de sable, de pierre, de la diversité des saisons, ni des rayons du so-
maçonnerie, de toits, ni de fleuves débordés, leil, ni du cours de la lune, ni de l'action de
de vents furieux qui sont venus fondre sur la l'air, nide rien de tout ce qui y ressemble ils ;

maison (Malth. vu, 24) mais de la vertu et du ; ne préparaient pas de greniers, ne battaient
vice. Et comprenons encore par ces cxemi)les, pas le blé, ne s'incjuiétaient pas des vans ([ui
qu'à celui qui ne se nuit pas à lui-même nul , séparent le grain de la paille, ne tournaient [)as
ne peut nuire. Ainsi, ni les pluies malgré leur de meules, ne portaient ni bois, ni feu dans
violence, ni les fleuves qui se sont précii)ités leurs maisons chez eux, nul besoin des bras
;

avec impétuosité, ni les vents furieux n'ont pu qui font le pain ou manient le boyau, qui ai-

ébranler une seule partie de celte maison; elle guisent les faux ou pratiijucnt une industrie
est demeurée inexpugnable, invincible pour quelconque ; tisserands, maçons, cordonniers,
vous montrer que, celui qui ne se trahit pas à quoi bon? Ils avaient, pour leur tenir lieu
lui-même , aucune épreuve n'est capable de de tout, la parole de Dieu. Leur table était tou-
l'ébranler. L'autre maison, au contraire a été jours prêle, sans qu'il leur fallût supporter les
facilement renversée ; non pas par l'impétuo- sueurs et les fatigues. Voici, en effet, ce qu'é-
sité des forces qui l'éprouvaient (évidemment tait la manne, un aliment nouveau , subit,
ce qui est arrivé à Tune serait aussi arrivé à n'exigeant ni soins embarrassants, ni jamais
l'autre), mais par la folie de celui qui la cons- le moindre travail. Et maintenant, et leurs
truite : ce n'est pas parce que le vent a soufflé vêtements, et leurs chaussures, toul, chez eux,
qu'elle est tombé, mais c'est parce qu'elle était juscju'à leurs corps, échappait aux lois natu-
édifiée sur le sable^ c'esl-à-dire sur la lâcheté, relles de la faiblesse; dans un si long espace de
348 TRADUCTION FIlAx\Ç.\ISE DE SAIM JEA.N CIIRYSOSTOilE.

temps, rien ne s'usait leurs pieds, qui mar- ; Juifs en triomphèrent au son des trompette?,
chaient tant, ne se chargeaient pas de callo- au bruit des hymnes. C'était un chœur sacré
sités. Ni médecins chez eux, ni remède?, ni plus qu'une mêlée; une sainte initiation plus
rien de ce qui s'y rapporte, on n'en faisait ja- qu'une bataille, car tous ces prodiges n'arri-
mais mention, tant ils ignoraient toute ma- vèrent pas seulement pour servir de secours
ladie. Car il les fit sortir , avec beaucoup aux Juifs, mais pour leur faire conserver la
dor et d'argent; et il n'y avait point de ma- vraie doctrine, la connaissance de Dieu qu'ils
lades dans leurs tribus. (Ps. civ, 37.) On eût avaient reçue de Moïse , et partout s'enten-
dit que, loin de ce monde, transportés dans daient les voix qui publiaient le Seigneur.
un monde meilleur, ils y trouvaient leur nour- C'est là ce que criait la mer, soit qu'elle se
riture, leur breuvage les rayons du soleil de- ; laissât traverser à pied sec, soit qu'elle rede-
venus plus ardenis ne brûlaient pas leurs tètes, vînt la mer; et les eaux du Nil faisaient en-
abritées par la nue qui les couvrait de toutes tendre cette voix, quand ses eaux devenaient
parts comme un toit portatif à l'usage de
, du sang, et les grenouilles, et ces armées de
toutes ces tribus. La nuit venait, qu'avaient- sauterelles, et les insectes, et la nielle des blés
ils besoin de flambeaux dans les ténèbres? La tenaient le même langage à tout le peuple, et
colonne de feu, source intarissable de lumière, les prodiges du désert, la manne, la colonne,
doublement utile versait sur eux sa clarté,
, la nuée, la pluie de cailles, toutes les autres
et dirigeait leur marche. Car ce n'était pas seu- merveilles étaient comme un livre, conmie
lement un foyer de lumière, c'était encore, à des caractères à jamais indestructibles, qui
travers le désert, le guide sûr, excellent de ce ranimaient à chaque instant chaque jour leur
peuple immense. Et ils marchaient d'un pas mémoire et retentissaient dans leur pensée. Eh
ferme, non-seulement sur la terre, mais ils bien! après tant et de si grandes laveurs; après
traversaient la mer comme le continent ; les tant d'ineffables bienfaits, après de si grandes
limites de la nature n'arrêtèrent pas leur au- merveilles, après tant de marques d'une inexpri-
dace, quand ils foulèrent cette mer terrible, mable sollicitude, après cet enseignement, ja-
comme des voyageurs qui sentent sous eux un mais interrompu, après récialanle énergie des
f*;rme et solide rocher ; au moment de leur paroles, après les exhortati(»ns qui ressorlaient
passage, les sous leurs pieds
flots, ressem- , des choses mêmes, après les victoires bril-

blaient à des champs, à des plaines; mais, lantes, après les admirables trophées, après
quand les ennemis y pénétrèrent, la mer alors cette abondance des tables toujours prêtes,
fit ce qu'il en faut attendre ; où les Juifs après ces eaux fécondes, après celte gloire qui
avaient trouvé un chemin commode et sur, défie toute parole dont ils étaient revêtus à la

leurs persécuteurs trouvèrent un tombeau ;


face de tous les hommes, les voici devenus
pour les premiers, douce et bonne, elle les ingrats, stupides. Ils adoraient un veau, ils

conduisit où ils voulaient ;


pour les autres, rendaient un culte à la tête d'un bœuf, ils de-
violente, furieuse , elle les engloutit. Et la mandaient qu'on leur fît des dieux, quand les
fougue indisciplinée des flots montra la disci- souvenirs des bienfaits dont ils avaient été
pline intelligente et soumise des hommes comblés en Egypte, par ce Dieu, devaient vivre
doués de la raison la plus sage. Tour à tour dans leur mémoire, quand ils jouissaient en-
libérateur et bourreau, en un même Jour, la core de tant dautas ellets de sa bonté.
nier remplit soudain les fondions les i)lus oppo- ii. El voiei maintenant, spectacle loutdifTé-

sées. Parlerai-je des rochers versant des fleuves rent, les Ninivites, des barbares, des étran-
d'eau vive? parh'rai-je des nuées d'oiseaux (jui gers, (|ui n'ont rien reçu en partage, ni \\c\\ ni

couvrirent de leur foule inuombr.ible toute la beaucoup de ces faveurs; (jui n'ont connu ni

terre? des miracles de rEgy|>lc? des mer- discours, ni prodiges, ni actions, ni paroles;
veilles dans le désert? des trophées et des vic- (]ui ont vu simplement un homme, échappé
toires remportées sans effusion de sang? On au naufrage, un homme qu'ils n'avaient ja-
eût (lit des chœurs do nul^iquc et non des ba- mais reneoiilré auparavant, c'etaitalors la pre-
taillonsde guerriers quand ils abattaient leurs mière fois qu'ils le voyaient; il se présente, il

ennemis leurs tyrans mêmes, ils les vainqui-


;
tiil : Encore Ainive sera détruite,
trois jours et

rent sans prendre les armes. Quant à ceux qui, ^Jonas, ni, 3.) Ce peu de paroles les a transfor-

hors de lEgvple, combaliirenl avec eux, les més corriges rcnonyaut à leur perversité
, ;
A QUI NE SE NUIT PAS A U^-MÏ^ME NUL NE VEUT NUIRE. 349

première, touchés de repentir, ils se tour- terre étrangère, ils avaient tout perdu. Ils ne

nèrent du côté de la vertu , et si bien, qu'ils durent pas renoncer seulement à leurs mai-
firent révoquer le décret de Dieu, qu'ils raf- sons mais à combien de praticpies du culte
,

fermirent leur ville ébranlée, qu'ils écartèrent divin? Ne savez vous pas qu'ils furent livrés à
loin d'eux la colère divine et s'all'rancbirent de des barbares qui étaient plutôt des loups que
toute affliction. Cnr Dieu vit , d'\i l'Ecriture, des hommes? Et, ce quMl y a de plus terrible,
qu'ils s'étaient convei'tis en quittant leur mau- c'est qu'ils étaient relégués loin de la patrie, sur

vaise voie, et que chacun d'eux s'était retourné une terre barbare, réduits à la plus cruelle ser-
vers le Seigneur. (Ibid. 10.) Expliquez-moi cette vitude, (lu'ils n'avaient ni maître pour les ins-
conversion. Assurément leur malice était truire, ni prophète, ni prince. // n'ij a, dit
grande; leur perversité inexprimable; leurs l'Ecriture, ni prince., ni prophète, ni chef, ni
plaies difficiles à guérir et c'est ce (jue le
, moyens de sacrifier devant toi et d'obtenir mi-
Prophète a montré ainsi Leur malice s'est
: séricorde. (Daniel, ni, 38.)Ce n'est pas tout, on
élevée jusqu'au ciel. (Jonas, i, 2.) L'intervalle les conduisit dans le palais comme sur une
des lieux lui sert à faire comprendre la gran- hauteur bordée de précipices, comme sur une
deur de leur iniquité. Eh t)ien pourtant ! mer remplie de rochers qui se cachent sous
cette corruption si grande cette perversité , les flots; et sans pilote sans matelots, sans
,

assez accumulée pour s'élever jusqu'au ciel, voiles, ils furent forcés de naviguer sur cette
il a suffi de trois jours, de quehjues instants, mer dangereuse. Ils étaient comme dans une

de quelques paroles prononcées par un homme prison au milieu de ce palais. Instruits dans
,

seul , un inconnu, un étranger, un naufragé, la sagesse, supérieurs aux choses de ce monde,


pour que les gens de Niuive la détruisissent foulant aux ()ieds tout le faste des hommes,
entièrement, la fissent disparaître, au point de ces anges aux ailes légères, regardaient comme
mériterd'entendre cette parole Car Dieu a vu : un surcroît de malheur de résider dans ce sé-
qu'ils s'étaient convertis en quittojit leur mau- jour. En effet, s'ils n'y eussent pas été renfer-
vaise voie, et la compassion qu'il eut d'eux l'em- més, s'ils eussent habité une maison particu-
pêcha de leur envoyer les maux q u'il avait résolu lière, ils auraient joui d'une liberté plus
de leur faire. Comprenez-vous que l'homme grande; mais, dans cette prison (car cette
tempérant, vigilant, non-seulement ne soutire splendeur, toute cette magnificence ne leur
aucun mal de la part des autres hommes, mais, semblait pas moins à craindre qu'une prison,
de plus, qu'il détourne la colère divine Com- ! que des précipices, que des écueils), ils surent
prenez-vous en même temps que celui qui se bien tout de suite résister à de si grands dan-
trahit lui-même, qui se faitdu mal cà lui-même, gers. Le roi leur commanda de s'asseoir ta sa
a beau recevoir des bienfaits sans nombre, table voluptueuse, ce qui leur était interdit
qu'il en tire peu de profit? Ainsi, ni tant de et leur paraissait profane, impure, plus fu-
prodiges ne servirent aux Juifs, ni les autres neste que la mort; et seuls ils demeuraient

n'eurent à se plaindre de n'avoir eu aucune comme des agneaux au milieu d'une bande de
part à ces bienfaits. Les Ninivites étaient natu- loups. bien se laisser ronger par la
11 fallait

rellement généreux et bons; voilà pourquoi il faim , mourir, ou consentir à goûter


il fallait

leur suffit d'un moment si court pour devenir des mets défendus. Eh bien que font-ils, ces !

meilleurs, quoiqu'ils fussent des barbares, des jeunes gens, ces orphelins, ces captifs, ces
étrangère ,
quoiqu'ils n'eussent rien entendu étrangers, ces esclaves de ceux (jui leur don-
des divins oracles qu'un ,
si grand espace les nent de pareils ordres? ils ne pensèrent pas à
séparât de la Palestine ? se faire une excuse, ni de la nécessité, ni de
iri. Que dirons-nous répondez-moi, de ces
,
rautorité du tyran qui dominait la ville. Tous
trois jeunes hommes, si fameux? Leur vertu leurs efforts , toutes leurs tentatives étaient
a-t-elle souffert des maux qui fondirent sur pour se soustraire au péché, quoiqu'ils fussent
eux? N'est-il pas vrai que jeunes encore tout , abandonnés de tous. Ils ne pouvaient cor-
à fait jeunes ils subirent prématurément un rompre des hommes par argent, étant de
douloureux supplice, la captivité, le long exil, pauvres captifs. Ils n'avaient ni confidents,
loinde leur patrie, de leurs maisons, de leur ni amis; c'étaient des étrangers. Ils ne pou-
temple? Autel, sacrifice, offrande libations , vaient prévaloir par la puissance , c'étaient

psaumes chantés eu conunun , une fois sur la des esclaves ;


prévaloir par le nombre , ils
330 TRADUCTION FRANÇAISE DE SAINT JE.VN CHRYSOSTOME.

étaient trois. Ils Yont donc trouver l'eu- tête, était rangée devant eux; toute la puis-
nuque chargé de la table du roi, et le per- sance de Perse était mise en mouvement;
la
suadent. Ils le trouvèrent, eu effet, agité, touts'agilait, tout était préparé pour triompher
inquiet, tremblant pour sa vie, épouvanté de d'eux par la ruse et par la violence, par la di-
l'idée de mourir : Je crains^ dit-il, le roi mon versité des séductions de la musique, par la
seigneur^ car s'il voit vos visages plus ?nai- variété des supplices, par les menaces, par les
gres qne ceux des autres jeunes hommes de images terribles q-ii les entouraient de tous
votre âge^ vous serez cause qtie le roi me fera côtés, par les paroles plus terribles que ces
trancher la tête. (Dan. i, 10.) Ils le rassurèrent images; mais, comme ils ne se trahirent pas
et en obtinrent ce qu'ils voulaient. Quand ils eux-mêmes, conune, au contraire, ils déployè-
eurent donné au Seigneur tout ce qui dépen- rent toutes les ressources qui étaient en eux,
dait d'eux, le Seigneur à son tour leur conféra rien, non, rien ne leur fit sentir l'atteinte du
ce qui dépend de lui. Car ce n'était pas en mal, et ils ajoutèrent, à leurs premières cou-
Dieu seul que résidait le mérite qui leur valut ronnes, d'autres couronnes plus éclatantes
la récompense à eux réservée, le principe, le encore. Nabuchodonosor les chargea de fers et
point de départ, ils le portaient dans leur âme les jeta dans la fournaise, et il ne leur nuisit

généreuse une fois qu'ils l'eurent noblement,


; point ; il servit , au contraire leurs inté-
,

virilement montré, ils conquirent la faveur de rêts , il travailla à rendre leur gloire plus
Dieu, et ils parvinrent au terme de leur ardent brillante. Ces jeunes hommes n'avaient ni
désir. temple (je veux le répéter encore), ni autel,
Comprenez-vous combien il est vrai de
te. ni |)atrie, ni prêtres, ni prophètes; ils étaient
dire, qu'cà celui quine se nuit pas à lui-môme, dans un pays étranger , barbare au milieu ,

aucun autre ne peut nuire? Voyez donc jeu- : d'une fournaise au milieu de toute cette
,

nesse, captivité, séjour dans une terre étran- armée, sous les yeux du roi qui commandait
gère, abandon général, manque de tout se- leur supplice, et ils dressèrent un trophée
cours ordre rigoureux qui était imposé
, ,
splendide, et remportèrent une insigne vic-
ils

crainte violente qui oppressait l'âme de l'eu- toire, quandchantèrent tout à cou[) cet
ils

nuque, pauvreté, petit nonnbre, malheur de admirable cantique qui, depuis, se chante, de
se trouM au milieu des barbares, d'avoir ses
!" nos jours encore, sur toute la terre, et se chan-
ennemis pour maîtres, d'être h la merci d'un tera dans tous les siècles. Voilà donc la vérité ;

prince cruel , l'éloignemeut de tous les pa- que personne ne se fasse de mal à soi-même,
rents, de tous les proches, absence des prêtres, et personne ne fera de mal à autrui. Voilà en
des prophètes , de tous ceux i\\\\ pouvaient effet le cantique, la parole que je ne cesserai
instruire et soutenir, cessation absolue des li- pas de redire; car, s'il est vrai que la captivité,
bations et di s sacrifices, privation du temple la servitude, l'abandon, la patrie et tous les
et des chants sacrés, rien de tout cela, rien ne parents perdus, la mort, les flammes dévo-
porta atteinte à la vertu des trois jeunes rantes, une si grande armée, un tyran si cruel,
gens. Au contraire
s'est agrandie , elle ,
ont été sans pouvoir contre ces tiois jeunes
elle amérité plus de gloire qu'aux jours où ils hommes, ces captifs, ces esclaves , ces étrau-
jouissaient de tous ces biens dans leur propre gers, qui se trouvaient au milieu d'étrangers;
patrie. Ai)rès av<»ir achevé ce premier combat, s'il est vrai que rien n'a entamé leur vertu, que
ceint leur front d'une brillante couronne, con- ces attaciues cruelles n'ont al)outi qu'à faire
servé leurloi, u.ème en pays étranger, foulé éclater la liberté de leur langage, quel mal
aux pieds même l'ordre d'un tyran, vaincu la atteindra riionune chaste et lenq>érant? Non
terreur du démon, sans recevoir aucun dom- rien ue |>out lui être iHii.>;ible, eùt-il tout l'uni-

mage; aussi purs ([ue s'ils étaient restés dans vers contre lui. Mais Dieu, me rcpond-on, les

leur patrie, en pleine jouissance des biens sa- assistadans celte épreuve. C'est Dieu qui les
crés; heureux de leur tâche accomplie sans arracha aux flammes, sans doute, assurément,
crainte, ils furent de nouveau ai)i)elés à des et vous aussi, faites tout ce qui dépend de
luttes nouvelles, et, de nouveau, ils se mon- vous, et vous êtes sûrs que Dieu aussitôt vous
trèrent les mêui(>s. Un combat plus terrible accordera son secours.
que lepremier h ur était olVert; une fournaise 17. Cependant si j'admire ces nobles jeunes
«tait embrasée; une arm«« barbare, son roi en gens; si je célèbre leur bonheur; si je pro-
A QUI NE SE NUIT PAS A LUI-MÊME NUL NE PEUT Nl'IRE. 381

clame qu'ils sont di^nirs d'envie, ce n'est pas ils ont persisté à travers toutes ces épreuves.
parce qu'ils ont fniil»'; les llunuiies sons leurs Chaque difficulté ajoutait à leur gloire, à leur
pieils, i»aire qii ils ont Aainiii \c ft;u dévorant; gloire de plus en plus éclatante, et grossissait
mais parce que c'est pour rendre homrnaj^e à leur récompense dans le ciel. Les Juifs avaient
la vérité, à la vraie doctrine, qu'ils se sont leur temple, avaient l'autel, l'arche, les ché-
dans la fournaise et li-
laissés etichaîner, jeter rubins, le propitiatoire, le voile, l'infinie mul-
vrer au feu. Vnilà nnicjiicmont ce (pii leur titude des prêtres: cha(jue jour, le culte de
constitue un glorieux trophée. Du moment Dieu, les sacrifices du matin, les sacrifices du
qu'ils furent jetés dans la fournaise, la cou- soir, le continuel enseignement des prophètes;
ronne fut mise sur leur front. Cette couronne, les vivants et lesmorts parlaient à leurs oreilles,
on commença à la tresser, sans attendre l'is- leur rappelant les miracles de l'Egypte, les
sue de l'événement, aussitôt qu'ils firent en- miracles du désert, tous les autres prodiges.
tendre ces paroles prononcées avec une entière Cette histoire, les Juifs l'avaient dans leurs
conGance, librement, divant tout le peu|)ie, à mains ; la trouvaient inscrite sur leurs mu-
la face du roi : // n'est pas besoin, o roi, que nous railles ; c'était pour eux que tant de faits surpre-
vous répondions sur ce sujet, car notre Dieu, nants s'étaient manifestés, au-dessus de l'ordre
le Dieu que nous adorons peut certainement nous delà nature. Et, que dirai-je de toutes les autres
retirerdu milieu des flammes de la fournaise marques de la sollicitude, de la providence de
et nous délivrer, ô roi, d'e7itre vos mains; s' il ne Dieu ? Eh bien non-seulement, ils n'en ont
1

veut pas le faire, iious vous déclarons néan- retiré aucun profit; au contraire, ils y ont
moins, ô roi, que nous n honorons point vos trouvé ce qui leur a été nuisible ; élevant dans
dieux, et que nous n'adorons point la statue letemple même, élevant des idoles massa- ;

dor que vous avez fait élever. (Dan. ni, \Q, crant leurs fils et leurs filles, au pied des
17 et 18.) A partir de ces paroles, je constate arbres pratiquant tout ce qui est défendu
;

et proclame leur gloire; à partir de ces pa- par la loi ; souillant, de leurs exécrables sacri-
roles, vainqueurs, triomphan's, ils coururent fices, presque toute de la Palestine;
la terre
pour saisir l'éclatante couronne du martyre ;
commettant toutes abominations imagina-
les
confesseurs par les paroles, ils voulurent en- bles. Au contraire, ces jeunes hommes, en
core être confesseurs par les effets. Quand ils pleine barbarie, sur une terre ennemie, dans
furent livrés aux flammes, si les flammes res- lademeure d'un tyran, privés de tous les soins,
pectèrent leur personne , détruisirent leurs entraînés au supplice, brûlés, nou-.«eulement
liens, leur pcrmirenl de demeurer intactsdans ne soutîrirent par-là aucun mal, ni petit, ni
le foyer brûlant si le feu oublia sa nature; si
; grand, mais de plus, leur gloire a grandi. Ins-
la fournaise embrasée devint une source d'eau truits par ces exemples, par les exemples sem-
fraîche, cette œuvre surnaturelle, étonnante, blables que réunit l'Ecriture inspirée de Dieu
fut le propre de la divine grâce ; ce fut le (en effet, beaucoup d'exemples de ce genre nous
miracle de Dieu. Pour ces athlètes, même sont fournis par divers |)ersonnages), cessons
avant ces prodiges , aussitôt qu'ils furent de croire que la difficulté des temps ou des
entrés dans flamme, ils avaient érigé leur
la choses, que la nécessité, la violence, la tyran-
trophée, remporté leur victoire ils portaient ; monde, puisse nous servir
nie des grands de ce
au front leur couronne et le ciel et la terre ; d'excuse quand nous avons péché. Ce que j'ai
les célébraient et rien ne manquait plus à
; dit, en commençant mon discours, je veux le
leur gloire. Que pourrez-vous donc alléguer ? redire maintenant encore en le terminant.;
Vous êtes un exilé, banni de votre patrie? eux Celui qui reçoit un dommage, un préjudice, le
aussi. Vous avez enduré la captivité, sous des reçoit de lui-même et non des autres, y eùt-il un
maîtres étrangers ? eux aussi lisez leur his- ; nombre infinide personnes conspirantà lui faire
toire. Mais vous n'avez personne pour vous injustice, à lui causer préjudice et dommage.
assister, pour vous diriger, pour vous avertir, A'oilà la vérité : Quand un homme ne se nuit
pour vous éclairer? eus. aussi n'avaient per- pas à lui-même, c'est en vain que tout ce qui
sonne pour s'occuper d'eux. Mais on vous li- peuple et les terres et les mers, conspirerait
vrait aux flammes, mais la mortetaitsur vous? contre lui, ferait irruption sur lui, rien ne peut
je crois que vous ne i)Ourriez rien nous ob- même effleurer celui qui jiratique la vigilance,
jecter de plus sinistre eh bien euxaussi. Voyez,
; l la tempérance dans le Seijjjneur. Soyons donc,
."ÎS^ TBADTTJTON FRANÇAISE DE SAINT JEAN CHRYSOSTOMt.

je "VOUS en prie, toujours tempérants, toujours Notre-Seigneur, à qui appartient la gloire et

vigilants ; supportons, d'une âme généreuse, remi)ire, et maintenant et toujours, et dans


toutes les douleurs, afin de jouir des biens im- les siècles des siècles. Ainsi soit-il.

périssables, des biens éternels, en Jésus-Christ

Traduit i>ur j;. C. l'ORTELUTTE.


DISCOURS

CONTRE CEUX QUI SE SCANDALISENT,

AVERTISSEMENT & ANALYSE.

En plaçant ici ce livre nous snivons l'ordre indiqué par saint Cbrysostome lui-même (voyez plus loin chap. 15). Ne me parlez
pas, dil-ii, de ceux qui périssent ; puisque, dans un discours précédent, j'ai démontré que nul, s'il ne se nuit à soi-même,
ne peut être lésé par autrui, dût-il perdre même la vie.
Georges d'Alexandrie dit, dans sa vie de saint Cbrysostome, que ce discours fut composé à Gueuse pour la consolation et l'instruc-
tion du peuple de Constanlinople, qu'il était divisé en vingt-quatre chapitres, division conservée dans tous les manuscrits et
tontes les éditions.
Le sujet de ce discours est presque le même que celui du précédent. L'auteur y traite de l'adversité qu'il faut supporter, de quel-
que nature qu'elle soit. Les preuves sont empruntées aux exemples des saints de l'Ancien et du Nouveau Testament. Il s'adresse
à ceux qui se scandalisaient de voir les bons vaincus et persécutés par les méchants et qui accusaient de ce désordre la divine
Providence. Il flétrit en passant le mauvais prêtre que ses ennemis lui avaient donné pour successeur Qu'aucune de ces
:

choses ne vous scandalise, pas plus que la vue d'un homme vicieux élevé à la dignité épiscopale, de ce loup ravisseur qui
s'est jeté sur le trou)>eau. Ce livre ne fut écrit que peu de temps avant la mort de suint Chrysoslome.
Le médecin des âmes peut traiter ses malades à dislance. 1» 11 est nécessaire d'indiquer la cause du scandale. —
2o 11 est péril-

leux et insensé de rechercher avec curiosité les secrets de la sagesse divine. Du libre arbitre. —
3° Que Dieu est incompréhen-
sible, non-seulement pour nous, mais pour les puissances célestes. —
4» Que le prophète .Vloïse a, d'un seul mot, au début de
son livre, réprimé toute vaine curiosité. —5" Qu'il faut croire que tout est gouverné par la providence de Dieu, et que le
spectacle de la nature offre à ceux qui en doutent, une éclatante démonstration de cette vérité. —
6" De l'amour de Dieu qui
surpasse de beaucoup tout amour humaiu : evemple tiré de l'histoire de Jonas. — 1° Démonstration de la divine Providence,
tirée du spectacle de la création. Ltililé des étoiles qui nous guident du haut du ciel. Beauté du soleil et son utilité. Utilité de
chacune des diUéreules parties de la création. De l'utihlé des venls et de la nuit en particulier. De diverses espèces de poissons
et d'animaux farouches. — 8" C'est une grande preuve de la Providence que la loi, soit naturelle, soit écrite, nous ait été
donnée; qu'en quittant leur patrie, des hommes distingués aient enseigné les nations qui les avaient adoptés, et que, pour
comble de faveurs, la venue du Sauveur nous eût été accordée. Hommes justes, forcés à voyager. Il ne faut pas scruter avec
curiosité les œnvres de Dieu. Nous n'examinons pas les actions des médecins. —
9° Qu'il ne faut pas avoir une inquiète curio-
sité, mais qu'il faut attendre la fin des choses. —
10° Anciens qui ont attendu la fin des choses. L'ordre donné à Abraham
d'immoler son fils. Histoire de Joseph. Exemple de David propre à consoler les aflligés. —
M° Les Ancieus ne se sont pas
scandalisés dès le moment où ils ont vu les événements contraires aux piomesses de Dieu. —
12° Pourquoi il y a dans le monde
des méchants et des démous; pourquoi Dieu permet le scandale. —
13° Rien ne peut blesser ni renverser ceux qui sont attentifs
et vigilants; Abraham, Noé, Job. — 14° Il y a eu, môme du temps des apôtres, beaucoup de scandales, beaucoup de raé-
clianls, et de fréquentes persécutions contre les docteurs. —
15° Les hommes sans jugement ont été scandalises de ce qui était
le plus grand des biens, de la croix qui a sauvé le monde. —
16. Celui qui ne se fait pas de mal à lui-même ne reçoit jamais
des autres aucun mal. — 17" La croix est une grande preuve de la providence, de la bonté et de l'amour de Dieu. 18° Il —
fant regarder, non ceux qui se sont laissé surprendre par le scandale, mais ceux qui l'ont surmonté. —
19° Les martyrs ont été
utilesà l'Eghse. Deuxsortes de marlyis. — 20° Le temps des apôtres est celui de tous, qui a été affligé par les plus grands maux.
— 21» Pourquoi, tant dans l'Ancien que dans le Nouveau Testament, les justes sont si cruellement éprouvés. —
i?2° Les afflic-
tions ne sont pas un scandale, elles sont un grand bien pour tout homme qui a le jugement droit. L'égyptienne ne nuisit point
à Joseph. Combien l'exemple de Joseph est utile. —
23° Les malheurs dont l'Eglise a été frappée, sont la plus grande marque
de sa gloire, et ont été très-utiles à beaucoup de fidèles. —
24° Les méchants sont punis.

l. Lorsque les médecins veulent soigner des est en effet ctla condition de leur art, et la na-
personnes attaquées de la fièvre ou de quelque ture de ces maladies. Nous qui voulons traiter

autre mal, ils cherchent d'abord à voir les ma- non pas une ou deux personnes, mais toutes
lades, parce que, s'ils étaient loin d'eux, ils ne celles qui souffrent du scandale sur la terre,
pourraient leur enlever leurs souffrances. Telle nous ne sommes nullement soumis aux raô-
TO?;TT ÎV. 23
334 TRADUCTION FRANÇAISïT DE SAINT JEAN CHRYSOSTOME.

mes Nous ne demandons pas à en-


nécessités. cela pour toujours qu'ils seront délivrés. Telle
trer dans la demeure de nos malades, nous est en eCTet la vertu de ce remède, qu'il guérit
n'avons pas besoin de savoir dans quel lieu ils le mal dont on souffre dans le moment même,
sont alités, nous ne désirons pas même voir et qu'il prévient tous les autres qui peuvent
ces malheureux. Nos mains ne sont point ar- survenir.
mées d'instruments nous ne faisons point
, Ce n'est pas d'une seule, ni de deux, ni de
faire de dépenses aux infirmes que nous trai- trois,mais de mille manières, que dans la vie,
tons, en leur ordonnant d'acheter les remèdes le scandale frappe les faibles. Mais de quelque

que réclame leur guérison. Qu'ils nous soient manière qu'ils en soient atteints, notre dis-
inconnu*:, qu'ils habitent aux dernières extré- cours leur promet délivrance, si seulement,
mités do la terre, qu'ils se trouvent au milieu comme je l'ai déjà dit, ils veulent écouter mes
des barbares, qu'ils vivent dans l'abîme même paroles, et les graver dans leur esprit. Ce trai-
de la mendicité, qu'ils soient pressés par une tement que je prépare, je ne le tirerai pas
telle pauvreté, qu'ils ne puissent pas même se seulement des saintes Ecritures mais encore ,

procurer les aliments nécessaires à l'existence: de ce qui se voit, de ce qui arrive continuel-
aucune de ces circonstances ne nous empê- lement dans la vie, de sorte que notre remède
chera de les soigner. Nous ne bougeons pas de puisse devenir le partage de ceux même qui
place, et sans instruments, sans remèdes, sans ne lisent pas les Ecritures. Mais il faut qu'ils le
aliments, sans potions, sans frais, sans long veuillent, et je ne cesserai pas de le répéter.
voyage nous chassons cette maladie. Comment Car ce n'est ni par contrainte, ni par violence
cela? en préparant ce discours, remède qui que ce remède pourrait servir à un seul de
tiendra lieu de toutes ces choses à nos ma- ceux (jui lutteraient contre lui ou qui ne se ,

lades, et qui fera même plus d'elfet que tout soumettraient pas aux divins oracles. C'est de
ce que nous venons d'énumérer. Car il nourrit ces oracles que viendra la guérison, de ces
mieux que du pain, mieux qu'un mé-
il guérit oracles bien plus encore que de la démonstra-
dicament, il brûle avec plus d'ardeur que le tion que nous allons faire en nous a|)puyant
feu, et pourtant il n'apporte avec lui aucune sur les faits car les faits qui frappent les yeux
:

douleur; il arrête le cours fétide des pensées méritent beaucoup moins notre foi que la pa-
mauvaises, il coupe, plus au vif que le fer, les role révélée de Dieu. Aussi ceux-là seront plus
plaies corrompues, et cela sans faire sontfrir, terriblement punis, qu'\ , ayant entendu les
sans forcer à aucune dépense, sans réduire à Ecritures, n'en auront retiré aucune utilité

la pauvreté. Aussi, puisque nous avons |)ré- pour leur santé spirituelle et ne se seront |)as
paré ce remède, nous le faisons parvenir à guéris. Pour que ce malheur ne leur arrive
tous, et tous je le sais, obtiendront guérison, point, entreprenons de les sauver, et disons
si seulement ils veulent prêter à mes paroles d'abord la cause de leur maladie.
une oreille attentive et un esprit bienveillant. 2. Quelle est donc la cause d'une si grande

Dans le traitement d(,'s maladies du corps, il infirmité? c'est cet esjM'it de curiosité inquiète,
est loin d'être inutile, il est au contraire très- c'est ce désir de connaître la raison de toutes
avantageux au malade, pour se guérir de son choses, de pénétrer les secrets de l'incompré-
infirmité, de connaître la cause de cette infir- hensible, de linellable providence de Dieu, de
mité. Car, s'il la connaît, ndu-seulcment il se scruter impudemment celte sagesse, dont les
délivrera du mal (pii le tourmente, mais dans dt'sseins sont infinis, dont les voies sont invi-
la suite il ne se laissera plus tomber dans les sibles, et de seiupièrir de toutes choses. A-t-il
mômes soulliances, sachant d'où la douleur donc existé un homme plus sage que saint
lui est déjà venue une première fois, et se Paul? Dites -moi n'était-ce pas un vase
:

mettant en garde contre elle. Agissons de d'élection? n'avait-il pas obtenu du Saint-Es- I
même nous aussi, et apprenons tout d'abord à prit une grâce immense , merveilleuse ? le
ceux (pli soutTrent de la maladie que nous Christ ne parlait-il point par sa bouche? n'a-
voulons traiter, d'où leur est venue cette ma- t-il point été re(;u dans le secret des conseils ca-
ladie du scandale. Car s'ils le savent et (juils chés de la divinité? n'a-t-il point t'niendu ce
veuillent s'en prémunir avec vigilance , ce défendu à toute bouche humaine. :;c
tpi'il est

n'est pas de cette infirmité seule ni pour un raconter? n'a-t-il pas été ravi au paradis? n'a-
seul jour, mais d'elle et de bien d'autres, et t-il pas été emoorlé iusau'au t'-cisième ciel?
DISCOURS CONTRE CEUX QUI SE SCANnALlSENT. 3Sî

n*a-(-il point parcouru la terre et la mer? n'a- on ne peut pas suivre cette sogesse jup(|u'au
t-il point appris la sagesse aux barbares ? l'Es- terme où elle aboutit, on ne peut pas même la
prit n'a-t-il point opéré souvent et diversement saisir à son point de départ. Après avoir dit :

en lui? n'a-t-il point dirigé des peuples, des Que tes jugements sont inscrutables! que tes
cités entières? Dieu n'a-t-il pas mis toute la voies sont impénétrables! après avoir admiré,
terre entre ses mains? Eh bien ! cet homme si après avoir été frappé d'étonnement, il ter-

grand, si sage, si puissant, si inspiré, et qui a mina son discours en glorifiant le Seigneur
accompli des prodiges si étonnants , lorsqu'il par ces paroles Qui est-ce qui a connu les
:

fut amené à considonT la divine Providence ,


desseins de Dieu? qui a été son conseiller? ou
non pas même tout entière, mais seulement qui lui a doimé quelque chose le premier,
sous un de ses aspects, écoutez comme il fut pour 671 prétendre récompense? Car toutes
frappé d'admiration, comme il fut pris de ver- choses sont de lui et par lui et pour lui : gloire
tige, comme aussitôt il recula et céda devant à lui dans tous les siècles! A)nen. (Rom. ir,
l'incompréhensible. 11 ne cherchait pas à voir 3i, 36.) L'Apotre veut dire : il est la source,
comment Dieu étend sa providence aux anges, il est le principe des biens, il n'a besoin d'au-
aux archanges, aux chérubins, aux séraphins cun aide, il n'a besoin d'aucun conseiller; il

et aux autres puissances invisibles ou au so- ; n'est redevable à aucun autre de sa science,
leil et à la lune, au ciel, h la terre et à la mer; de son intelligence. Comme il veut, il fait, il

ou à toute la race humaine, aux animaux, aux est la cause, l'origine, la source de tous les
plantes, aux semences, aux herbes, à l'air, aux biens; il est le Créateur; c'est lui ([ui a créé
vents, aux sources, aux fleuves ou à la nais- ; ce qui n'était pas; c'est lui qui, après avoir
sance, à la croissance, à l'entretien de la na- créé, gouverne et conserve comme il lui plaît.
ture et à toutes les choses du même genre. Il Car ces paroles Toutes choses sont de lui, et
:

n'envisageait cette providence que dans ses par lui, et pour lui, n'ont pas d'autre sens que
desseins sur les Juifs et sur les Gentils : c'est celui-ci c'est que Dieu est l'Ouvrier, le Créa-
:

en elTet dans tout son


d'eux seuls qu'il |)arle teur du monde, qu'il gouverne et conserve
discours, enseignant comment Dieu api)elait à tout. Ensuite, se souvenant du présent qu'il
lui les Gentils, comment il repoussait les Juifs, nous a fait, l'Apôtre dit ailleurs Grâces soient :

et comment dans sa miséricorde il veillait au rendues à Dieu de son don ineffable! (II Cor.
salut des uns et des autres. Ecoutez donc ses IX, 15.) Quant à la paix du Seigneur, non-
paroles : seulement elle surpasse toute parole , toute
Voyant qu'en se plaçant à ce seul point de interprétation , mais l'Apôtre nous fait en-
vue, une mer immense s'ouvrait devant lui, tendre qu'elle surpasse toute pensée, lorsqu'il
et voulant plonger ses regards dans cette pro- dit La paix du Seigneur, laquelle surpasse
:

fondeur de pensée divine, comme s'il avait


la toute intelligence, gardera vos cœurs. (Phil.
été arrêté par l'obscurité mystérieuse de cette IV, 7.) Si donc infinie est la profondeur des
science, de celle économie, de cet ordre divin, trésors, de la sagesse et de la science de Dieu ;

frappé de stupeur, et plein d'admiration pour introuvables, ses jugements; impénétrables,


les conseils ineffables, infinis, insaisissables, SCS voies; inexplicable, son présent; si la paix
incompréhensibles de la sagesse et de la pro- du Seigneur surpasse toute intelligence, et
vidence de Dieu, il recula, laissa échapper ces non pas seulement la tienne, la mienne, celle
paroles, et s'écria dans le trouble de son àme : de tout autre homme, celle même de saint
profondeur des trésoi's, de la sagesse et de Paul et de saint Pierre, mais encore celle
la science de Dieu! Ensuite, pour montrer des anges, des archanges et de toutes les puis-
qu'il voyait cette profondeur, mais qu'il ne sances célestes : quelle défense auras-tu à pré-
pouvait pas faire comprendre combien elle était senter, dis-moi? quel pardon peux-tu espérer,
immense, il ajoute Que tes jugements sont in-
: toi qui as montré une une telle dé-
telle folie,

scrutables ! que tes voies sont impénétrables I mence ,


qui as voulu comprendre l'incom-
Il n'a pas dit seulement tes jugements sont : préhensible, qui as demandé l'explication de

la Providence tout entière? Celui qui


incompréhensibles, mais ils sont inscrutables. a été

Car non-seulement i)ersonne ne peut les com- doué de tant de science, qui a joui d'un crédit

prendre, mais personne ne peut même com- si merveilleux auprès de Dieu, qui a obtenu
mencer à les scruter. Àiosi, non-seulement de si grandes grâces, saint Paul, s'humilie et
TRADUCTION ITIANÇAISE DE SAlNi JEAN CIIRYSOSTOME.

rallie devant une recherche qui dépasse les montre que celui qui se livre à ces recherches

forces de son esprit, non-seulement il ne peut doit être aussi muet que l'argile, qui laisse le

pas trouver, mais il ne peut pas même com- potier la façonner comme il veut, qu'il ne doit
mencer à trouver une explication, parce qu'elle ni résister, ni montrer une vaine curiosité.
est impossible ne serais pas le plus mal-
: et tu C'est pourquoi il nous rappelle notre nature,
heureux des hommes, le plus plongé dans l'er- et nous parle de l'argile et du potier, bien que
reur et la démence, loi qui fais tout le coriliaire le potier ne soit pas d'une autre nature que

de l'Apôtre Encore, n'est-ce pas tout ce qu'il


I
Targile. Que si notre nature est la même,
a dit mais, comme il écrivait aux Corin-
:
notre obéissance doit être aussi la mèïne.
thiens, et qu'il parlait de la science, montrant Entre Dieu et nous la distance est infinie,
que quand nous aurions appris beaucoup de qu'on nous examiue dans notre nature, dans
choses, les limites de nos connaissances se- notre intelligence ou à tout autre point de
raient pourtant très-resserréeS;, il s'exprima en vue : quel pardon obtiendra-t-il donc celui
ces termes Si quelqu'un croit savoir quelque
:
qui aura été assez téméraire et impudent pour
chose, il n'a encore rien connu comme il faut s'enquérir de tout ce qu'a fait Dieu, son Créa-
le connaître. (I Cor. viii, 2.) Ensuite, ensei- teur? homme
considère qui lu es. Car c'est
!

gnant que notre science est très-incomplète, là le sens de ces paroles de l'Apôtre Qui es- :

qu'un bien petit nombre de connaissances tu? N'es-tu pas de l'argile? N'es-tu pas cendre
sont accordées au siècle présent, qu'un bien et poussière, fumée, foin, herbe de foin? Car

plus grand nombre sont réservées à l'avenir, ce sont là les comparaisons qui reviennent
il ajoutait I^ous ne connaissons qu'impar-
: continuellement dans les prophètes, lorsqu'ils

faitement, et nous ne prophéliso?is qu'impar- veulent exprimer la bassesse de notre condi-


faitement ; mais quand la perfection sera ve- tion. Au contraire. Celuique tu veux con-
nue, alors ce qui est imparfait sera aboli. Il ne naître est éternel, immuable, il existe tou-
s'arrêta pas là mais voulant faire voir quelle
: jours et de la même manière, il est sans

distance sépare cette science imparfaite delà connnencement et sans fin, i! est incompré-
parfaite, et combien grands sont ses vides, il hensible, il surpasse rinlelligence, il dépasse
le rendit sensible par plusieurs exemples, et il le raisonnement, il est inexplicable, incfftble,

dit Quand j'étais enfant, je parlais comme un


: insaisissable,non pour moi ou pour toi seule-
enfant.^ je juqeaiscomme un enfant, je rai- ment, mais pour les prophètes et pour les
sonnais comme un enfant ; mais lorsque je apôtres, mais pour ces puissances supérieures,
homme, j'ai quitté ce qui tenait
suis devenu pures, invisibles, immatérielles, qui jouissent
Nous ne voyons maintenant cjue
de Venfant. dans le ciel d'une vie ininiortelle.
comme dans un miroir et dans des énigmes, 3. Aussi lorsque tu vois roprési niés les séra-
mais alors nous verrons face à face, (l Cor. idiins volant autour du troue sublime et élevé

XIII, H, d2.) Vois-tu (juclle dillérence il y a de la Divinité, se cachant de leurs ailes étendues
entre ces deux manières de connaître? Elle les yeux, les pieds, le dos, le visage, et f.iisant

n'est pas plus grande entre un enfant et un retentir le ciel des cris de leur admiration, ne
homme fait, entre voir dans un miroir, dans crois pas qu'ils aient en effet des pieds et des
des énigmes ou à travers ([ueliiue voile obscur ailes car ce sont de purs esprits; mais consi-
: i
et voir d'une vue claire, c'est-à-dire face à dère qu'on veut par ces images exprimer la \
face. Pourquoi donc cette fureur, cette rage, nature insaisissable, incompréhensible de Celui
cette audace avec laquelle lu scrutes tomérai- qui est assis sur le trône. (Isaï, vi, 2, 3.) Car
remenl les mystères tjue ta raison ne peut même pour eux Dieu est incompréhensible et
comprendre? Poun|uoi ne pas se laisser per- insaisissable. Il s'abaisse pour se mettre à notre
suader par ces paroles de saint Paul Qui : portée, mais jamais on ne l'a vu tel (pi'il est.

donc es-tu, ô hojnme, pour contester avec Dieu, en effet, n'est pas assis, ne siège pas sur
Dieu? Un vase d'argile dit -il à celui qui l'a un trône, il n'est pas renrermé dans un lieu.

fait Pourquoi m'as-tu fait ainsi? (Uoni.


: Mais, même lorscpi'on le représente assis, sié-
IX, 20.) gean»^ sur un trône au milieu des anges (image
Vois-tu quelle obéissance réclame? (juel
il d'un Dieu qui se met à notre portée, mais qui
silence? Ce n'est pas (ju'il veuille nous en- n'est pas réellement assis), ces anges ne peu-
lever notre libre arbitre; non, certes, mais il vent pas le regarder, par l'impuissance où ils
DISCOURS CONTRE CEUX QUI SE SCANDALISENT. 357

sont (le contempler r»''clal radieux du Seigneur, tôt,de peur qu'on ne puisse penser que l'Es-
ilsouvrent leursaiies pour s'en couvrirles yeux; prit-Saint est borné aux connaissances que

ils ne sont capables que de le glorifier, que de Dieu nous a révélées par lui, et qu'il ne pos-
chanter des liynuies, que de faire retentir, sai- sède pas toute la science, l'Apôtre ajoute : Car
sis d'admiration, ce chant mystique parle(juel l'Esprit sonde toutes les choses, même ce qu'il
ils l'exaltent. El lu ne reculerais pas, tu ne te y a de plus profond en Dieu. Car qui est-ce qui
cacherais pas, tu ne t'ensevelirais pas sous la cojmait ce quiest en l'homme, si ce nest l'es-
terre, toi (juivcnx avec tant d'impudence por- prit d^l'homme, qui est en lui? De même aussi
ter ta vaine curiosité sur la providence de ce iml ne connaît ce qui est en Dieu, si ce n'est
Dieu, dont la puissance est inénarrable, inex- l'Esprit de Dieu. (Ibid. ii.) C'est-à-dire : De
plicable, incompréhensible môme pour les an- même que l'homme sait ce (lui est de lui, ce
ges du ciel! Ces secrets du Père ne sont tous qu'il veut, ce qu'il pense, et qu'il sait tout cela
clairement connus que du Fils et du Saint- très-exactement, de même le Saint-Esprit con-
Esprit aucun autre ne peut les pénétrer. C'est
: naît aussi très-exactement tous les mystères de
ce qu'ont proclamé l'évangéliste Jean et l'a- la science de Dieu. Lors donc qu'il dit : Nul rie
pôtre Paul. Le Gis du tonnerre, celui qui fut commît ce qui est en Dieu, si ce n'est l'Esprit de
le disciple bien-aimé du Christ, et qui était Dieu, il exclut de cette connaissance parfaite,
désigné par ce titre (ce qui était une grande non-seulement tous les hommes, mais même
marque de vertu), celui qui obtint une telle tous les esprits célestes. C'est pourquoi un sage
conûance de son Maître, qu'il reposa sa tête nous donne ce conseil Ne recherche pas ce qui
:

sur sa poitrine, Jean, parle ainsi : Nul naja- est trop difficile pour toi, ne scrute pas ce qui
mais vu Dieu. Pari'o/r, il entend connaître Le : dépasse ton intelligence, sache ce qui t'a été en-
Fils unique, qui est dans le sein du Père, est le seigné, car on t'a instruit d'un grand nombre
seul qui a doivié la connaissance. [Jean, i,
eji de choses qui dépassent l'esprit humain. (Eccl.
i8.) C'est ceque Jésus-Christ déclara lui-même, ui, 22, 25.) C'est-à-dire Les connaissances que
:

lorsque, s'adressant au peuple hébreu, il a dit: tu possèdes, tu ne les as pas toutes tirées de
Personne n'a vu le Père, si ce n'est Celui qui ton esprit; ce n'est pas par la seule force de ta
est né de Dieu, car c'est celui-là qui a vu le nature que tu as pu les avoir toutes; c'est
Père. (Jean, vi, 46.) Paul, ce vase d'élection, d'en-haut qu'elles te sont venues pour la plu-
comme son sujet l'amenait à parler du plan de part, car elles sont trop grandes pour que ton
la Providence, et qu'il voulait montrer com- intelligence ait pu les saisir pourquoi donc
;

ment il était arrivé à la connaissance des mys- veux-tu, par tes propres forces, en trouver de
tères, s'exprima en ces termes Nous prêchons
: plus profondes encore, lorsque la plupart de
la sagesse de Dieu qui était wi mystère, c'est- celles que tu as dépassent ton esprit? C'est ce
à-dire une chose cachée, que Dieu avait desti- que Paul conûrme par ces paroles :
saint
née avant les siècles pour notre gloire, et qu'au- Qu'as-tu que tu ii'aies reçu? Et si tu l'as reçu,

cun des princes de ce monde iia connue : cor pourquoi t'en glorifies-tu, comme si tu ne l'a-
s ils l eussent connue, ils ?i'auraicnt Jamais sa- vais pas reçu? (I Cor. iv, 7.) Cesse donc enfin
crifié le Seigneur de gloire. Mais comme il est de faire de si grands efforts, et écoute ce con-
écrit : Ce sont des choses que l'œil n'avait point seil plein de sagesse : Ne dis pas : qu'est ceci?
vues, que Voreillc n'avait point entendues, et à quoi bon ceci? car toutes choses ont leur uti-
qui n'étaient point venues dans l'esprit de lité. (Eccl. XXIX, 21.)
l'homme, et que Dieu avait préparées à ceux ^. C'est pourquoi, lorsque Moïse eut montré
qui l'aiment. (I Cor. u, 7, 9.) Comment donc, du néant et brillante de
toute la création sortie
ô Paul, sommes-nous arrivés à cette connais- toute sa beauté lorsqu'harmonieuse admi-
, ,

sance? Qui nous les a révélées, qui nous les a rable, digne d'une profonde admiration, il eut
rendues manifestes, ces choses que l'œil n'a- déployé aux yeux l'œuvre divine, comme des
vait point vues, que l'oreille n'avait point en- hommes pleins de folie et de démence devaient
tendues, et qui nélaient point venues dans un jour critiquer les ouvrages du Seigneur,
l'esprit de l'homme. Dis-le nous, et montre réprimant d'avance leurs jugements ignorants
quel est celui qui nous a donné une telle et leurs paroles insensées, d'un seul mot il
science. Mais pour }ioiis. Dieu nous les a révé- ferme leur bouche impudente Dieu vit toutes :

lées par son Esprit. I Cor. ii, 10.) Mais aussi-


( les choses qu'il avait faites , et elles étaient
:m TRADUCTION rR.VNC.UbE DE SAINT JEAN CHRYSOSTOME.

très-bonnes. (Gen. i, 31.) Il y avait pourtant sur donc tendent ces paroles? à prouver ce quô
la terre non-seulenieiit de la lumière, mais aussi avancé. Aussi, maintenant que tu as en-
j'ai

des ténèbres; non-seulement des fruits, mais tendu le prophète te dire que Dieu a vu ces
aussi des épines ; non-seulement des arbres frui- choses et qu'il les a louées, garde-toi de re-
tiers,mais aussi des arbres stériles; non-seule- chercher jamais aucune autre marque, aucune
ment des plaines, mais aussi des montagnes, des autre preuve de leur beauté, et ne te demande
wallons, des gorges profondes; non-seulement pas comment sont-elles bonnes? car la dé-
:

des hommes, mais aussi des reptiles venimeux; monstration tirée du spectacle de la création
non-seulement des poissons mais aussi des , elle-même, est moins évidente que le témoi-
monstres marins; non-seulement des mers na- gnage que rendent en leur faveur la sentence
vigables, mais aussi des mers fermées à la na- et le jugement de leur Créateur. C'est pour cela
vigation; non-seulement un soleil, une lune et que Moïse s'est servi ici de ce langage un peu
des astres, mais aussi des foudres et des éclairs; grossier. Supposez qu'un homme voulant ache-
non-seulement des zéphyrs favorables, mais ter des remèdes qu'il ne connaît pas, les ait
aussi des vents furieux; non-seulement des fait montrer tout d'abord au médecin. Comme

colombes et des oiseaux mélodieux, mais aussi il sait que si celui-ci les approuve après les
des milans, des corbeaux, des vautours et les avoir examinés, il n'est pas besoin de chercher
autres oiseaux qui se nourrissent de chair hu- une autre preuve de leur bonté, aussitôt qu'il
maine; non-seulement des brebis et des bœufs, apprend qu'il les a examinés et approuvés, ce
mais aussi des loups, des panthères et des seul témoignage, parce qu'il lui vient d'un
lions; non-seukment des cerfs, des lièvres et médecin, le rassure et lui suffit. De ménic
des daims, mais aussi des scorpions, des vipères aussi,puisque Moïse, pour arracher toute im-
et des dragons, et, parmi les plantes, non-seu- pudente curiosité de l'esprit des hommes, de
lement des plantes salutaires, mais aussi des ces hommes qui avaient à tirer profit de la
plantes vénéneuses qui devaient être pour un création, déclare par ces paroles que Dieu a vu
grand nombre d'hommes une cause de scan- sesœuvres, qu'il les a louées, qu'il les a jugées
dale et une occasion d'hérésie. Malgré cela, bonnes, et non-seulement bonnes, mais très-
après que toutes choses eurent été créées et bonnes, ne te livre pas à une vaine recherche,
curent reçu toutes leur genre de beauté, le ne scrute pas par des raisonnements sans fin
Créateur, comme nous le montre Moïse, loue la nature de toutes les choses créées, et sache
chacune d'elles, que dis-je? les loue l'une après te contenter du témoignage (jui a attesté leur
l'autre, puis toutes ensemble, afin que les beauté. Car si ce jugement divin ne te suffit pas,

hommes connaissant sou jugement, iln'y enait SI veux entrer dans l'examen de tout ce qui
tu
pas un seul assez téméraire et assez inipudeiit est, et te jeter dans l'océnn du raisonnement,

pour oser porter sa vaine et indiscrète curiosité dans celle mer si fertile en tempêtes, tu n'en
sur rien de ce qui peut tomber sous les yeux. sauras pas plus et tu rencontreras facilement
C'est [)Ourquoi,ai»rès que la lumière eut été faite, le naufrage. Tu ne pourras en eû'et trouver
Moïse dit L7 Dieu vit que la lumière était
: toutes les raisons de toutes les choses, et, si ton
bunnc, et ainsi pour chacune des autres choses. (Si)rit s'égare, tu blâmeras souvent comme
Ensuite, pour ne pas allonger son discours en mauvais cela même qui aujourd'hui te semble
nommant chacune de ces choses, il prononce bon. Il n'y a là rien d'étonnant; le jugement
bur tout à la fois, et il dit alors Dieu vil toutes : de l'homme est si faible, ([u'il va sans cesse
les clioses qu'il avait faites , et elles étaient d'un excès dans un autre, et il y a sur celle
trcs-ùo?t?ies. Ce n'est pas cjuc Dieu n'ait connu question de la création tant d'opinions diamé-
bonnes les choses (ju'il a faites qu'a|)rès qu'il tralement opposées! Nous voyons les enfanta
les eut faites; non certes, car si un habile arti- des gentils admirer la nature à l'excès et dépas-
san, même avant d'avoir produit ce ijue son ser tellement toute mesure, qu'ils vont jusqu'à
art lui apprend a faire, sait que ce qu'il fera l'appeler Dieu.
sera bon, combien plus cette ineffable Sagesse Les Manichéens, au contraire, et d'autres
(jui accomplit tout |>ar le seul acie de la vo- lu'i cliques disent qu'elle est l'œuvre d'un mau-
lonté, connaît-elle la bonté de son œuvre, avant vais [)rineipe. Il eu est d'autres (|ui, dans la
que son œuvre ait paru. En effet, elle ne l'au- nature, séparent une partie de toutes les aulies,
rait pas faite si clic ne l'eût pas connu. A quoi l'allribucut au.\ lois niccani(iucs de la matière,
DISCOURS CONTRE CEUX QUI SE SCANDALISENT. m
ci la jupcnt iiulipne de la main ch; Dieu. dence comme si tu en que In
doutais, c'est
Ainsi, couiino je l'ai dit, si on apporte dans tournes sur elle ta vaine Car
curiosité.
une telle recherche un juj,^ement, un es|)rit si tu sai;^, si tu es persuadé, ne cherche pas :

égaré, on trouvera souvent mauvais cela même que si tu doutes, interroge la terre, le ciel,
«lu'anjourd'hui on juge bon. Car y a-t-il rien le soleil ,
la lune ; interroge les ditférenfes

qui te paraisse phis l)»'au (pie le soleil? Pour- espèces d'animaux , les semences , les plan-
tant cet astre si hrillant et si doux blesse les tes, les poissons muets, les pierres, les mon-
yeux malades et brûle la terre, lorsqu'il lance tagnes, les vallons, les collines, la nuit, le

des rayons trop ardents; engendre des fièvres,


il jour. Car la providence de Dieu brille plus écla-
souvent il dessèche les fruits, nous prive ainsi tante que les rayons du soleil à cluuiue instant,
:

de leur usage, et rend les arbres stériles; sa en chaque lieu, dans les déserts, dans les con-
trop grande chaleur fait (jue la moitié du globe trées habitées et inhabitées, sur la terre, sur la
est inhabitable. Mais(|uoi! est-ce (|ue pour cela mer, en quelque endroit (jue tu ailles, tu verras
j'accuse le soleil? non, au contraire, je dis rà partou tdes témoignages luani lesles et suftisani s,
ma raison d'apaiser son trouble et de contenir tant anciens que nouveaux, qui l'attestent avec
sa voix tumultueuse; je m'appuie sur ce fon- des voix plus puissantes que la voix de notre rai-
denifiit solide, sur cette parole Dieu vit toutes
: son, et qui ap[)rennent à qui veut écouter toute
les choses qu'il avait faites, et elles étaieiit tJ'ès- sa sollicitude. C'est pourquoi le Pro[»hète, vou-
Aon/j«, et j'en conclus que tout dans l'action lant nous montrer leur puissance, a dit Il n'y :

du soleil est très-bon et très utile. Je le répèle, a point de langue, il n'y a point d'idiome par
il faut toujours revenir à cette parole divine, qui ces voix ne soient entendues. (Ps. xviii, 4.)
et dire : Toutes les choses que Dieu a faites En ellét, notre langue n'est comprise que de
sont très-bonnes. Mais n'est-il pas bon de vivre ceux qui la parlent, et ne l'est pas des étran-
dans bonne chère, dans la joie et dans les
la gers, mais la voix de la création est entendue
plaisirs? Ecoutez Salomou qui a essayé de toute de tous les peuples qui habitent la terre.
es|»éce de délices; il dit // vaut mieux aller à : 6. A ceux qui ont l'esprit droit il suffit,
itne 7)iaison de deuil quà une 7naison de festin. même avant toute autre démonstration, de la
(Eccl. vil, 8.) Mais, car il faut que je rapporte seule parole de Dieu pour les tenir assurés
ce que disent mes adversaires, mais n'est-ce non-seulement de sa providence, mais encore
pas une chose fâcheuse (jue la nuit? c'est le de l'amour extraordinaire qu'il nous porte.
repos des fatigues, la délivrance des soucis, Car il ne veille pas seulement sur nous il :

l'apaisement des souffrances, la tin des terreurs nous aime, et nous aime d'un grand, d'un im-
et des dangers; elle rend au corps sa vigueur, mense amour, d'un amour exempt, il est vrai,
à l'esprit son activité ; elle répare les forces des de passion, mais toutefois très-ardent, très-vif,
membres fatigués. Mais la maladie n'est-cUe très-sincère, qui ne peut avoir de fin, que rien
pasun mal? a quoi donc Lazare doit-il sa cou- ne peut éteindre. Pour nous le faire compren-
ronne? Mais la pauvreté? à quoi donc Job doit- dre, le livre saint, empruntant ses comparai-
ilsa gloire? .Mais les vexations qui nous tour- un grand
sons à la vie humaine, nous offre
mentent coup sur coup sans interruption? nombre d'exemples d'amour, de prévoyance
a quoi donc les apôtres doivent-ils h ur illus- et de sollicitude. Il ne veut pas que nous nous
tration? (luelle est donc la voie ijui conduit au arrêtions seulement sur les exemples, mais
saiul? n'est-elle pas étroite et pleine de tour- (jue nous les dépassions par la pensée. Car, si
ments? C'est pourquoi ne dis pas : pourquoi l'Ecriture les offre à notre esprit, ce n'est pas
ceci? à quoi bon ceci ? Mais lorsque tu exauunes à rendre tout l'amour de Dieu,
(ju'ils suffisent

soit le plan de la Providence, soit Us ouMages mais qu'étant connus de ceux à qui elle les
de Dieu, accorde à ton Créateur, o homine! le adresse, ils sont par là plus propres que tout le
même silence que l'argile accorde au polier. reste ànous en donner une idée. En voici une
5. Quoi dune me dira-t-on ne voulez-vous
1 : preuve Répondant à ceux qui se lamentaient,
:

pas que j'arrive a la pleine assurance, à l'en- gémissaient et disaient Le Seigneur rna :

tière conviction que Dieu gouverne tout par sa abandonne, le Dieu d Israël m'a oublié, le

])rovidence? Au contraire, je le veux, je le dé- Prophète leur avait aussitôt adressé ces paro-
sire, je le souhaite ardemment : ce que je ne les : Une femme peut-elle oublier son enfant
>eu\ pas, c'est que lu scrutes celte provi- et n'avoir pas compassion du fruit de ses en-
360 TRADIXTION FRANÇAISE DE SAINT JEAN CHRYSOSTOME,

trailles? (Isa. xlix, 14, IS.) C'est-à-dire : de tion humaine :mais il dépasse, il laisse der-
même qn'une femme ne peut ouldicr ses en- rière soi les bornes de la matière et nous ,

fants, ainsi Dieu ne peut oubliei' le genre hu- propose encore, pour se faire comprendre de
main. Mais lu vas comprendre que le Prophète nous, de nouveaux exemples. Ainsi agit en
n'a pas voulu nous montrer, par cette compa- effet celui <]ui aime il veut montrer, de mille
:

raison, que telle est la mesure de l'amour manières, sa tendresse à l'objet qui linspire.
d'une mère pour le fruit de ses entrailles, telle C'est ce que Dieu faiiici, en faisant entrer dans
est la mesure de l'amour de Dieu pour les ses comparaisons tous les exemples éclatants

hommes. S'il a choisi cet exemple, c'est uni- d'amour, non p is, je le répète, pour (jue tu
quement parce que l'amour maternel, bien que puisses mesurer par là toute la grandeur de sa
l'amour divin soit de beaucoup jdus vif encore, bonté, mais parce que les exemples dont il se
est ce que nous connaissons de plus grand sert sont ks plus frappants entre tous ceux que

dans les affecUons humaines. Aussi a-t-il ajouté : connaissent ceux à qui il s'adresse. Il dit par la
Mais quand même la mère oublierait son en- bouche de David Aidant que le ciel est élevé
:

fant, moi pourtant je ne f oublierai pas, dit le au-dessus de la terre, autant a-t-il affermi la
Seigneur. Ne vois-tu pas que son amour sur- grandeur de sa miséricorde sur ceux qui le
passe celui d'une mère? Pour te faire voir que craignent: et, autant que V orient est éloigné
cet amour laisse bien loin derrière lui la ten- du couchant, autant il a éloigné de nous nos
dresse maternelle et l'affection d'un père pour iniquités. (Ps. en, 11.) Il dit par la bouche

ses fils, le Prophète dit De même qu'un père


: d'Isaïe Mes pensées ne sont pas vos pensées, et
:

a une compassion plei?ie de tendresse pour ses mes voies 7ie sont pas vos voies; mais, autant
enfants, ainsi le Seigneur est touché de com- que les cieux sont élevés par-dessus la terre,
passion potir ceux qui le craignent. (Ps. en, 13.) autant 7nes voies sont élevées par-dessus vos
Il reproduit encore une fois sa comparaison, voies, et mes pensées par dessus vos pensées.
car il sait qu'elle est plus frappante que toutes {
Isa. Lv, 8, 9. ) Il parle ainsi parce qu'aupara-
les autres. vant il a dit, touchant la rémission des péchés :

Mais écoute le Maître de tous les prophètes et Je vous re7nettrai en abondance vos iniquités.
de tous les voulant montrer que la
humains : (Ibid. 7.) C'est pour montrer tout le sens qu'il
sollicitude de Dieu pour nous dépasse de beau- attachait à ce mot
abondamnient, qu'il intro-
:

coup celle d'un père, et qu'autant il y a de que nous avons


duisait ensuite la comparaison
dilléi cnce entre la lumière et les ténèbres, en- rapportée. Mais tout cela ne lui suffit pas,
tre la bonté et la méchanceté autant il y en a , et voici qu'il se sert d'une image encore
entre l'amour de ce Dieu provident et la plus grossière car il dit par le prophète
:

tendresse paternelle, il dit : Quel est celui Osée : Comment te traiterai-je, 6 Ephraim?
d'entre vous qui donnera une pierre à son fils, comment te traiterai-jc, o Israël ? Vous aban-
lui demande du pain ? et s'il lia demande
s'il donncrai-je comme Adama, et vous extermine-
du poisson, lia donnera- t-il un serpent? Si rai-je comme Scbo'im ? Mon cœur s'est retourné
donc vous, qui êtes mauvais, savez bien donner sur lui-même, il est agile de trouble et de re-
de bonnes choses à vos enfants, combien plus pentir. [Osée, XI, 8.) C'est comme s'il disait :

votre Père, qidest dans les deux, donncra-t-il Je n'ai pas eu le courage de prononcer même
des biens à ceux qui les lid demandent ? (Matth. une jiarole de menace non pour que tu te fi- ;

vu, 7, 9, 11.) 11 montre par là qu'autant y ail gures iju'il y a en lui quelque chose d'humain,
de dillcrence entre la bonté et la méchanceté, loin de toi celte pensée, mais pour que lu ap-
autant il y en a entre l'amour de Dieu et l'af- l)rennes, par cette comparaison grossière, que
fection d'un père. J'ai rapporté ces exemples, l'amour qu'il a pour nous est l'amour qui con-
afin (pie, si par la suite je vous offre de nou- vient à Dieu, qu'il est sincère, qu'il ne peut
velles comparaisons, vous ne vous teniez pas avoir de fin. Car de même qu'un homme épris
renfermés dans les limites du sens exprimé d'amour ne vomirait pas blesser, même en pa-
par les prophètes, mais que, suivant mon pré- roles, l'objetde sa tendresse, ainsi. Dieu lui-
cepte, vous alliez outre par la pensée, et que même nous dit Par cela que je t'ai blessé en
:

voijs vous fassiez une idée de la grandeur paroles, )non cœur s est retourné sur lui-même.
inexprimable d'un tel amour. Car il ne peut Ainsi il ne dédaigne pas d'employer de gros-
être contenu dans les limites d'aucune aDfec- sières images pour montrer son araour, et cela
DISCOURS CONTRE CEUX QUI SE SCANDALISENT. 361

même est d'un amour extrême. Mais il ne s'ar- ment : Tu voudrais qu'on eût épargné la colo-
rête pas là, il va plus loin, et se servant d'une quinte ;\\ ne se lait pas après ces paroles, mais
comparaison encore plus j^rossière, il dit : il Pour laquelle tu n'as pas travaillé
iijoute :

La joie que le jeune époux trouve en sa jeune et que tu n'as pas fait croître. C'est que les la-
épouse, le Seigneur^ la trouvera en vous. (Isa. boureurs ont un très-grand amour pour les
Lxn, o.) Parce (jue c'est dan? leurs conunonce- plantes qui leur ont coulé le plus de fatigue ;

menlsque les affections sont les plus vives, les et connue Dieu veut montrer qu'il a pour les

plusardentes, les plus enflammées. Il parle ainsi, hommes le même amour que le laboureur
non pas pour que lu t'imaj^nnes qu'il y a en lui pour ses plantes, il ajoute réellement aux pa-
rien d'humain (car je ne cesserai pas de te le roles qu'il a exprimées, celles-ci qu'il sous-en-

répéter), mais pour que lu connaisses ainsi tend Si lu défends ainsi un ouvrage (jui est
:

toute la chaleur, toute la sincérité, toute la vi- d'un autre que toi, combien plus ne défendrai-
amour. Ensuite il
vacité, toute l'ardeur de son je pas mon pro()re ouvrage, l'ouvrage de mes
ajoute aime comme un père et plus(ju'un
«lu'il mains? Ensuite il atténue la faute des habi-
père, comme une mère et plus qu'une mère, tants de Nmive
dit qu'ils ne peuvent pas
et il

comme un jeune époux et [)lus qu'un jeune dislmguer leur main droite de leur main gau-
époux et qu'il sin^passe la tendresse d'un
, che. Il déclare donc, qu'ils ont péché plutôt par
jeune époux d'autant ([ue le ciel est élevé au- simplicité que par malice, et c'est ce que
dessus de la terre , et plus ([ue cela encore, prouva leur repentir.
d'autant que l'orient est éloigné de l'occident, Comme il en reprenait d'autres qui gémis-
et [dus que cela encore. Il ne s'arrête pas saient, parce ([u'ils se croyaient abandonnés,
même là dans ses comparaisons, il va plus il s'exprima en ces termes Interrogez-moi :

loin et se sert d'un exemple plus grossier sur mes fils et marquez-moi ce que je dois faire
encore. de l'ouvrage de mes mains. (Isaï. xlv. M.)
Car, comme Jonas, après sa fuite et la ré- C'est comme s'il leur avait dit : Engage-t-on,
conciliation de Dieu avec les habitants de Ni- cxhorte-t-on un père à prendre soin de son
nive, voyait que ses menaces restaient sans fils? ou un artisan, un ouvrier, à ne pas lais-
effet, et (jue, sombre, inquiet, hors de lui, il ser périr son travail ? Ainsi lorsqu'il s'agit des
cédait à l'infirmité de la nature humaine, le hommes, vous connaissez leur nature ou
si

Seigneur ordonna au soleil de donner plus d'ar- leur art, c'est assez, vous êtes assurés de leur
deur à la flamme de ses rayons, ensuite il sollicitude et moi, vous croyez que j'ai besoin
:

commanda à la terre de produire sur l'heure une d'exhortations pour défendre mes enfants et
coloquinte gigantesque qui pût ombrager la mes œuvres? S'il leur parle ainsi, ce n'est pas
tête du prophète par ce moyen il ranima ses
;
tant pour les empêcher de lui adresser leurs
membres et mit fin à ses maux, puisilTaffligea exhortations, que pour leur apprendre, que
en faisant disparaître la |dante qui le couvrait, même avant toute exhortation. Dieu fait ce
et lorsqu'il l'eut vu ainsi raffermi et abattu tour qu'il doit faire. Quant aux hommes, il veut
à tour, écoutez ce qu'il lui dit : Tu voudrais qu'ils soient exhortés, car il sait que cela leur
quon eût épargné la coloquinte pour laquelle est d'une grande utilité. Vois-tu comment, par

tu n'as pas travaillé et que tu n'as pas fait ces comparaisons, la démonstration de son
croître ; et moi je n'épargnerais pas Ainive, ineffable providence brille d'une lumière plus
zette grayide ville dans laquelle il y a plus de que le soleil? Considère en
vive, plus éclatante
cent vingt mille créatures humaines, qui ne effet ; ilpour exemples un père, une
a choisi
savent pas distinguer leur main droite de leur mère, un jeune époux, une jeune épouse, l'in-
main gauche. (Jon. iv, 10-H.) Dieu veut dire tenalle qu'il y a entre le ciel et la terre, la

par là L'ombre de la colofiuinte ne t'a pas


: distance qui sépare l'orient de l'occident, le

rendu autant deforcequele salut des habitants cultivateur qui se fatigue pour faire croître ses
de Ninive m'a donné de joie, et sa perte ne t'a plantes, l'architecte qui voit d'avance la beauté
pas tourmenté autant que leur perte m'eût af- de ses œuvres, l'amant plein de ferveur qui se
fligé ainsi,c'est malgré moi qu'ils auraient péri.
: trouble s'il a offensé, même en paroles, l'objet
Vois- lu comme ici encore, il va au delà de sa de sa passion puis il a été montré que l'amour
;

comparaison? En effet, il ne dit pas seule- de Dieu surpasse autant toutes ces choses, que
* D'ïu'jes lisent le Christ. la bonté est au-dessus de la méchanceté.
362 TRADUCTION FRANÇAISE DE SAINT JEAN CHUYSO^TOMË.

7. Cette première démonstration suffit, je le hauteurs, est si éloignée de lui, le conduit avec
répète, à ceux qui ont Tesprit droit ; mai?, autant de sûreté que si elle était près du vais-
puisqu'il y a de ces hommes de boue qui résis- seau; elle le conduit au |)ort sans parler; son
tent, qui ne se laissent pas persuader, qui n'é- seul aspect indique à l'œil la voie qu'il faut
coutent que la chair, je vais, autant qu'il me suivre c'est à elle que les navigateurs doivent
;

sera possible de le faire, leur démontrer la de fendre les mers sans péril; car c'est elle
divine Providence par le spectacle de la créa- qui leur indique les saisons, pour que tantôt
tion. Il ne serait pas facile de leur faire voir ils retiennent le navire au port que tantôt
,
ils

toute la grandeur de celte providence, ni le lancent avec confiance au sein des fiots , el
même de la leur expliquer entièrement sous (pie, par ignorance de l'avenir, ils n'aillent pas
le moindre de ses aspects, tant elle est infinie ali'ronter imprudemment
la tempête et le nau-
dans les plus pe-
et inellable, tant elle éclate ne nous indi(|uent pas seule-
frage. Les étoiles
tites comme dans les plus grandes choses, soit ment la mesure des années et l'indication des
visibles, soit invisibles Ce n'est qu'à celles1 saisons, elles marquent aussi avec beaucoup
qui sont visibles que nous emprunterons nos d'exactitude l'heure et la marche de chaque
preuves. homme, cet univers si admirable, nuit, elles font connaître si elle a dépassé, si

si harmonieux, le Seigneur ne l'a fait pour au- elle n'a pas atteint la moitié de sa carrière , et
cun autre que pour toi ce monde si beau, si ! réciproquement; el cela n'est pas utile aux
grand, si varié, si riche, si plein de ressources, seuls navigateurs, mais même aux voyageurs,
ce monde, dont chaque partie a son ulifité, pour qu'ils ne se mettent pas en chemin pen-
soit pour nourrir et réparer le corps, soit pour dant la nuit en temps inopportun, ou qu'ils ne
instruire Tàme et la conduire à la connaissance continuent pas à se reposer lorsqu'est arrivée
d(; Dieu, c'est pour toi qu'il l'a créé. Les anjzes l'heure de marcher. L'observation de la \\\nc.

n'eu avaient pas besoin, car ils existaient avant vient en aide à celle des étoiles pour nous ren-
du néant écoute en effet com-
qu'il fût sorti : seigner exactement sur ces choses; car de
ment Dieu nous montre (pi'ils ont reçu l'être même que le soleil règle les heures du jour,
longtemps avant la naissance du monde. 11 dit la lune règle celles de la nuit. .Mais elle nous!

à Job: Lorsque les étoiles furent créées, les rend beaucoup d'autres services; elle donne à
anges m'exaltèrent et célébrèrent hautement l'air une douce température, elle engendre la

mes louanges. (Job, xxxviii, 7.) Cest-à-dire rosée qui fait germer les semences, et elle est
qu'ils furent étonnés de la grandeur de ces d'un grand secours pour fortifier l'homme.
étoiles,deleur beauté, de leur position, de leur Elle tient le milieu entre le chœur des étoiles
utilité,de leur variété, de leur éclat, de leur et l'éclat du soleil, plus petite que celui-ci,
s|)lendeur, de leur harmonie, el de tous leurs pins bienfaisante et beaucoup plus grande que.
autres mérites qu'ils peuvent apprécier beau- celles-là.Cette variété est tout à la fuis pour
coup mieux que nous. Mais le Oeateur n'a pas nous grand charme et un grand avantage
uiî ;

décoré le ciel d'étoiles seulement, il Ta encore car quelle grande utilité ne retirons-nous pas
orné du soleil et de la lune, pour nous char- des saisons et des heures, des dimensions des
mer et le jour et la nuit, el nous faiie retirer astres, de leur grandeur ou de leur petitesse,
de l'un et de l'autre de ces astres d'inuncnses el de leur infinie variété. L'un est plus petit,
avantages. l'autre plusgrand et plus éclatant, et plusieurs
Qu'y a-t-il(le jibis beau que le ciel (pii tautùl biilleul dans toutes l(>s saisons. En etTet l'in- ,

brille de l'éclat du ou de la lune,


soleil tantôt. comparable sagesse de Dieu montre partout
comme s'il dardait sur nous ses yeux, éclaire dans ses œuvres une variété étonnante, et en
la terre d'un nombre infini d'étoiles el (onrnil même temps (pi'elle donne une preuve de sa
aux matelots et aux Noyageurs des signes (jui miraculeuse puissance , elle veille à l'uti-
leur montrent leur clieniin? Voyez le pilote lité de ce (pi'elle ollre à nos yeux , nous four-
(jui fend les mers, assis au gouvernail, pen- nit des res.^ources inunenses, indicibles, et,

dant (|ue les Ilots sont furieux, (pie les ondes avec tout cela, de grands agréments.
déchaînées s'eianeenl sur son ua>ire , (|U(> les Y a-t-il rien de plus agréable que le ciel,

vents souttlenl avec violence el (pie la unil (|ui, tantôt selend sur nos têtes comme un pa-
ténébreuse est sans lune ; il se confie au ciel mUou sans tache et resplendissant , tantôt res-
qui le guide, el l'étoile, tjui, perdue dans les semble à nue prairie émaillée de Heurs, et
DicUOL'iko CU^TKE CEUX QlTI SE SCANDALISENT. 363

nous montre sa couronne d'étoiles? Non, il Nous pourrions encore, si tu n'étais pas fati-
n'est pas aussi doux de voir un oasis dans le gué examiner d'autres preuves de la Provi-
,

désert, qu'il n'est doux, qu'il n'est agréable de dence divine elles nous seraient fournies par
:

voir pendant la nuit le ciel partout couronné les nuages, par les saisons, par les solstices, par

de mille étoiles comme de mille (leurs, et de les vents, par la mer et par les diverses espèces
fleurs qui ne se flétrissent jamais, de fleurs d'êtres (lu'elle nourrit; par la terre, par ses
qui ont toujours toute leur beauté? Y a-t-il rien quadrupèdes et par ses reptiles; par les oiseaux
de plus agréable que ce même ciel, lorsque, la qui s'élèvent dans les airs, par ceux qui restent
nuit étant déjà sur son déclin et le soleil ne se sur le sol; parles amphibies qui vivent dans
levant pas encore, il se couvre d'un voile de les marais , dans les sources, dans les fleuves,
pourpre et rougit à l'approche de l'astre du par les contrées ou habitées ou inhabitées;

jour? Y a-t-il un spectacle plus beau que celui par les semences, par les arbres , par les her-
que nous offre le soleil, lorsque, chassant l'au- bes, par les plantes qui poussent soit dans les
rore, en un instant il disperse au loin ses lieux sauvages, soit dans les terres cultivées,
rayons et en éclaire toute la terre, toute la qui germent dans les plaines et dans les val-
mer, toutes les montagnes, les valions, les col- lées, sur les montagnes et sur les collines, qui
lines, et tout le ciel; lorsqu'il dépouille tous naissent d'elles-mêmes ou qui ont besoin de
les objetsdu voile dorit les couvrait la nuit et , soins et de culture par les animaux appri- ;

qu'il les montre nus à nos yeux? Comment voisés ou farouches, sauvages ou dociles, pe-
pourrait-on assez admirer sa révolution, la ré- tits ou grands par les oiseaux, les quadrupè-
;

gularité de sa course, sa fidélité à nous servir des, les poissons , les plantes et les herbes qui
qui a persisté inaltérable à travers tant de siè- paraissent en hiver, en été, en automne; par
cles , sa beauté éternellement florissante , sa les phénomènes de la nuit ou du jour; par les
splendeur, son pur éclat que le contact de tant pluies, par la durée de l'année, par la mort,
de corps ne saurait jamais ternir? Ajoute à par la vie, par les souffrances auxquelles nous
cela qu'il est utile au delà de toute expression sommes condamnés, par la tristesse, par la
aux semences aux plantes aux honnnes, aux
, , joie, par les aliments qui nous ont été accor-
quadrupèdes aux poissons aux oiseaux aux
, , , dés; par les métiers, par les lois; par les
pierres, aux herbes, à la terre, à la mer, à l'air, mines renfermées dans le seia
pierres, par les
en un mol à tout ce qui existe. Car tout a be- des montagnes; par la mer, soit qu'elle se
soin, tout tire profit de sou influence : tout ce prête, soit qu'elle se refuse à la navigation;
qui la sent, s'améliore, non-seulement les ani- par les îles, par les ports, par les rivages, par
maux ou les plantes, mais les eaux, les marais, la surface des ondes, par la profondeur des
les sources, les l'air lui-même,
fleuves et flots ;
nature des éléments dont le
par la
qu'elle rend plus léger, plus pur et plus clair. monde formé, par l'ordre des saisons, par
est
C'est pourquoi, voulant exprimer sa beauté, la longueur inégale des jours et des nuits; par
son éternel éclat , sa splendeur inaltérable , sa la maladie et la santé, par les membres du

magnificence, la perfection de sa forme, la corps par la constitution de l'âme par les


, ;

continuité de ses services , le Psalmiste dit : arts et par la sagesse qu'ils révèlent dans le
Le Seigneur a posé dans le soleil son pavilloîi. genre humain par l'utilité dont nous sont les
;

(Ps. xviii 6.) , dans les cieux


C'est-à-dire ,
bêtes, les plantes et toutes les autres créatures
car c'est là ce que le prophète entend par ces qui nous servent en esclaves; enfin par les
mots Le pavillon du Seigneur. Et il est sem-
: plus petits et les plus vils animaux. Y en
a-t-il,

blable à un époux qui sort de sa cJiambre nup- effet, rien de plus petit et de plus informe
tiale. Ensuite pour indiquer avec quelle faci- qu'une abeille? rien de plus vil que les four-
lité il accomplit sa fonction : // est plein d'ar- mis et les cigales? Et pourtant ces animaux
deur pour courir comme un géant dans sa
,
témoignent d'une voix éclatante en faveur de
carrière; pour enseigner qu'il suffit seul à la providence, de la puissance, de la sagesse

toute la terre Son départ est de Vune des


: de Dieu. C'est pourquoi le prophète David,
extrémités du ciel, et il arrive à Vautre extré- qui mérita d'être si grandement inspiré de
mité du ciel (Ibid.) pour montrer qu'il est utile l'Esprit-Sainl, comme il parcourait les œuvres
et bienfaisant pour tous les hommes Et il n'y : de la création et qu'il en avait nommé quel-
a personne qui puisse se soustraire à sa chaleur. ques-unes, fait retentir, frappé d'étonnement,
36i TRADUCTION FRANÇAISE DE SAINT JEAN CHRYSOSTOME.

celte admirable parole : Que tes ouvrages sont pour ceux qui ont été privés de repos pendant
pleins de magnificence, 6 Seigneur! tu les as que son voile couvrait le ciel. Supprimez par
toi's faits dans ta sagesse. (Ps. cm, 2-4.) Et tout la pensée celte tranquillité, ce repos, ce délas-
cela, ô homme, a été fait pour toi ! Pour toi ont sement de la nuit, qui raniment tout, et l'àme
été faits les vents eux-mêmes (car je me re- fatiguée, et le corps épuisé, et qui nous per-
porte au début de mon énumération) ils ont ; mettent de reprendre les travaux du jour avec
été faits pour souffler sur les corps fatigués, les meilleures dispositions, et vous verrez que

pour cbasser la boue et la poussière, pour dès lors nous ne pouNons plus rien. Que si la

nous délivrer du malaise que nous causent la nuit, comme le jour, nous restons éveillés à
fumée, les fourneaux et toutes les exhalaisons travailler ou même à
ne rien faire, et que nous
malsaines, pour tempérer l'ardeur du soleil, coiitiiiuions pendant quelque temps
ainsi
pour rendre la chaleur plus supportable; pour nous mourrions bientôt; sinon, frappés d'une
nourrir les semences, pour faire croître les maladie de longue durée, nous ne retirerions
plantes, pour t'accompagner sur la mer, pour aucun avantage des jours pour les travaux qui
servir au travail des champs sur la terre car ; nous seraient utiles, tant nos forces seraient
tandis que là ils poussent ton vaisseau avec épuisées.
plus de rapidité que la flèche, et te donnent Si nous arrêtions notre discours sur le peuple

ainsi une traversée facile et favorable , ici ils innombrable des poissons qui vivent dans les
t'aident à nettoyer l'aire, à séparer la paille du étangs, dans les sources, dans les mers ou na-
grain , et ils allègent tes pénibles labeurs. Ils vigables ou innavigables, ou sur les races infi-
sont faits pour te rendre l'air doux et léger, nies d'oiseaux qui volent dans les airs, qui se
pour te charmer diversement, tantôt en pro- tiennent sur le sol, qui vivent également sur
duisant un faible et agréable murmure, tantôt la terre et dans l'eau [car plusieurs d'entre eux

en effleurant mollement les herbes, en agitant ont celte double vie), qui sont doux ou farou-
le feuillage des arbres pour te procurer au
;
ches, qui, farouches de leur nature, se laissent
printemps et en été un sommeil plus délicieux ou ne se laissent pas a[)privoiser, qui peuvent
et plus doux que le miel pour rider le dos de
;
être mangés ou qui ne peuvent pas l'être; si
la mer et la surface des fleuves comme ils agi- nous examinions plumage, la voix
la beauté, le

tent le feuillage des arbres. Ils soulèvent les de chacun d'eux; seulement nous recher-
si

flots dans les airs, et te procurent ainsi tout à chions quelles différences ils nous offrent pour
la fois un beau spectacle et un grand avan- le chant, pour la nourriture, pour le genre de

tage. En effet, ils sont d'une grande utilité vie ,


quelles sont leurs habitudes et leurs
pour les eaux , en ne leur permettant pas de mœurs; nous passions eu revue tous les
si

croupir toujours et par suite de se corrompre ; avantages que nous en retirons, tous les ser-
en les agitant, en soufflant sans cesse sur vices qu'ils nous rendent; si nous parlions de
elles, ils les renouvellent, les vivifient et les leur grandeur et de leur petitesse, de leur
font plus proi)res à nourrir les poissons qui na- naissance, de leur croissance, et de la grande,
gent dans leur sein. de l'inimense variété ([u'on trouve eu eux; si
Il n'y a pas jusqu'à la nuit, qui, veux si tu nous entrions dans les mêmes détails sur les
l'observer, n'atteste la providence infinie de poissons; si, de là, nous arrivions aux plantes
Dieu; car elle met fin aux fatigues du corps, qui i>oussenl par toute la terre, et aux fruits
elle relâche et détend les membres, qu'ont que porte chacune d'elles; si nous examinions
tenu? en contention les travaux du jour; elle leurs usages, leurs parfums, leur position,
les ranime par son retour, et son repos leur leurs feuilles, leurs couleurs, leur forme, leur
rend une nouvelle vigueur. Mais ce n'est pas grandeur ou leur petitesse, leur utilité, la nm-
tout elle allège le poids des chagrins du jour
: nièie dont leurs vertus opèrent, la ditlerence
et nous délivre des soucis importuns; souvent de leurs écorces, de leurs troncs, de leui's ra-

même elle éteint la fièvre du malade, en lui meaux; nous regardions les prairies et les
si

amenant un sommeil (pii le guérit, conduit à jardins; si nous parlions ensuite des divei^
bon port l'art hésitant du médecin, et le dé- aromates, de tous les lieux qui les produisent,
charge de beaucoup de soins. Telle est son etde la façon dont nous les avons trouvés, dont
utilité, telle est la grandeur de ses services, nous en prenons soin, dont nous nous eu ser-
que souvent la journée elle-même est perdue vons dans les maladies; si, après tout cela, nous
DISCOURS COiNTRE CEUX QUI SE SCANDALISENT. 365

parcourions les moiita},'nes, qui sont si nom- à être sage, qu'il introduise dans son âme l'Iiu-
breuses et si ricin s en métaux, et que nous milité, cette mère des vrais biens. Ainsi, celui
portions notre inv stigatioti sur toutes les qui (piilte la vie n'est lésé en rien, car il doit
autres choses bien plus nombreuses encore recouvrer ce corps, mais incorruptible et
qu'on voit clans la nature, quel discours serait inmiortel; et celui qui reste dans la carrière
le nôtre, quel espace de temps suffirait pour un très-grand avantage de ce qui n'est
retire
a[>profondir un si vaste sujet! Et tout cela, ô nullement un mal pour celui qu'il voit mourir.
homme! a été créé pour toi! Pour toi, ont été Eu elîet, c'est une éloquente maîtresse de sa-
inventés les arts et les métiers; pour toi, ont gesse que la mort, soit pour régler notre vie,
été fondés les villes et les bourgs; pour toi, a tioit pour réprimer les passions de l'âme, pour
été fait le sommeil; pourmort; pour toi, la apaiser leurs flots furieux et rendre le calme à
toi, la vie et la croissance; pour toi, les œuvres cette mer agitée.
admirables de la nature; pour toi, le monde Puis donc que, par ces preuves et par beau-
toi que tu le voisaujourd'liui; pour toi encore, coup d'autres plus nombreuses encore, la Pro-
le monde avec les nouvelles perfections qu'il vidence divine brille plus éclatante que le
recevra : car il recevra de nouvelles perfec- soleil,ne donne pas carrière à une curiosité
tions, et cela, pour toi. C'est ce que t'apprend inutile, ne poursuis pas une vaine recherche,
l'apôire Paul; écoute-le : La créature sera dé- n'essaye j)as de connaître la raison de toutes
livrée elle-même de V esclavage de la corruption choses. Nous vivons, et cette vie dont nous
(Rom. VIII, 21), c'est-à-dire : elle ne sera plus jouissons est un
de sa pure bonté, puis-
effet

assujélie à être corrompue. Et, comme il veut qu'il n'avait pas besoin de nos services. Il faut
montrer que c'est pour toi qu'elle recevra une donc l'admirer et l'adorer, non-seulement
faveur si grande, il ajoute : Pour la glorieuse parce qu'il nous a créés, parce qu'il nous a
liberté des enfants de Dieu. donné une âme immatérielle et raisonnable,

Si Je ne craignais de rendre ce discours trop parce qu'il nous a faits supérieurs à tous les
long et de dépasser toute mesure, j'aurais parlé animaux, qu'il nous a établis les rois de la

longuement de la mort, et j'aurais montré création et qu'il l'a accordée tout entière à
qu'elle est une très-grande preuve de la sagesse notre usage, mais aussi parce qu'il nous a
et de la pro\ idence de Dieu je ;
me serais étendu créés n'iiyanl nul besoin de nous. Oui, sa bonté
sur cette corruption, sur celte pourriture, sur a cela d'admirable, que, n'ayant nul besoin
ces vers, sur cette cendre du tombeau, qui de nos services, il nous a donné la vie car, ;

arrachent plusdc plaintes etde gémissements


le avant la naissance des hommes, des anges
à la plupart des hommes car ils ne peuvent :
et des autres esprits célestes, il jouissait de
se résigner à la pensée que nos corps devien- toute sa gloire et de toute sa félicité, et c'est
dront cendre et poussière et seront la pâture par pur amour qu'il nous a donné la vie, qu'il
des vers. J'aurais tiré de là une dénior:stration a fait pour nous toutes ces choses, et tant d'au-
de la providence et de la sagesse de Dieu. En tres bien plus nombreuses encore !

effet, elle vient de la nuMne providence, de la 8. C'est encore par un effet de cette bonté

même bonté qui nous a tirés du néant lorsque que Dieu nous a donné la loi écrite qu'il nous ,

nous n'étions pas encore, celle loi qui nous a envoyé les prophètes, qu'il a fait ses mira-

ordonne de mourir et de quitter la terre. Rien cles. Mais même avant tout cela, dès qu'il eut
que la vie et la mort diffèrent, elles sont pour- créé l'homme il grava en lui la loi naturelle
tant toutes deux l'œuvre de la même bonté ;
pour le diriger comme le pilote dirige le vais-

cir, pour celui qui quitte la vie, la mort n'est seau, connue Técuyer dirige le cheval. Ainsi
pas un mal, et pour celui qui vit encore, elle Abel lui-même a connu Dieu cependant les :

est un très-grand bien. Le vivant tire profit lettres n'étaient pas encore in\entées, les pro-
pour lui-même du cadavre des autres lors- : phètes et les apôtres n'avaient point paru, au-
qu'il voit que celui qui, hier ou avant-hier, cune loi mais il possé-
écrite n'était établie :

marchait à ses côtés, est devenu la proie des dait la loi naturelle. en est de même poui
Il

vers et se dissout en pourriture, en poussière Caïn car lui aussi connut Dieu. Tous les deux
;

et en cendre, quand même il aurait l'orgueil- savaient ses prescriptions, et reconnaissaient

leuse démence de Satan, il faut qu'il tremble, sa souveraineté , mais tous les deux ne suivi-
qu'il tressaille, quil se modère, qu'il apprenne rent pas la même voie : l'un prit celle du vice,
3G6 TRADUCTION FRANÇAISE DE SAINT JEAN CHRYSOSTOME.

et l'autre celle de la verlu. Môme alors cepen- qu'il a faites : Qui pourrait réciter les exploits
dant le Seigneur n'abandonna pas Caïn, il de l'Etejiiel ? qui pourrait faire retentir toute
voulut le relever de la chute qui Tavait jeté à sa louarifje ? !Ps. cv, 2., Qui ne serait en extase,
terre, et il lui donna encore ses soins; d'abord qui ne serait frappé d'admiration devant cette
il emploie les conseils et les exhortations, en- immense sollicitude, en considérant comment,
suite c'est par la crainte et par la terreur qu'il pour des esclaves ingrats, il a livré son Fils
l'avertit, qu'il l'enseigna, qu'il l'instruisit. unique à la mort et à une mort exécrable,
,

Nombre d'hommes ont rejeté un si grand bien- ignominieuse, à la mort des plus grands cri-
fait, je veux dire cette science naturelle qui minels, à la mort des coupables condamnés
nous est d'une si grande utilité : même alors par les juges! Car il a été attaché à une croix,

il ne les a pas délaissés , ni ne les a livrés aus- il a été couvert de crachats, il a reçu des souf-
sitôt à la perdition ; mais il a toujours contirmé flets, il a été frappé à la joue, il a été bafoué.
de les avertir et de les exhorter par la voix des Pour tous les bienfaits qu'il avait accordés, on
choses elles-mt'ines, par des récompenses, par l'ensevelissait et son tombeau! El
on scellait

des châtiments ,
par le spectacle de la création toutes les injures, il les a subies pour toi, pour
cjuichaque jour fait son œuvre et remplit sa l'amour qu'il te portait, afin de l'arracher à
tâche accoutumée, par les événements extraor- l'esclavage du péché, de renverser l'empire de
dinaires et imprévus, par les justes qui ont satan, de couper les nerfs de la mort de l'ou- ,

vécu depuis la nai.^sance du monde. Car il a vrir les portes du ciel, de te décharger de la
conduit d'un pays dans un autre des hommes malédiction qui pesait sur toi, d'effacer le

dignes de toute admiration et pleins de sa- jugement de ta première condamnation , do


gesse : il a envoyé Abraham d'abord eu Judée, l'enseigner la patience et la force, et ainsi

puis en Egypte, Jacob, en Syrie, Moïse encore d'empèchcr que rien ne te tourmente sur cette

enEgyi)te; les trois enfants et Daniel et Ezé- terre, ni la mort, ni les outrages, ni les inju-
chiel en Babylonic, Jérémie, en Egypte. En- res, ni les ignominies, ni les verges, ni les
suite il a donné les tables de la loi, il a envoyé pièges de tes ennemis, ni les offenses, ni les
les prophètes ; il a abattu , il a relevé son peu- attaques, ni les calomnies, ni les soupçons
ple; il l'a livré à la servitude, et il l'a délivré injurieux, ni rien de semblable. Lui-même en
et il n'a pas cessé depuis le commencement effet , il a passé par toutes ces épreuves, il les

jusqu'à la fin de tout faire pour les hommes. a toutes partagées avec toi, il a triomphé de
II ne s'est pas contenté de nous instruire par toutes avec la plus grande gloire, pour l'ensei-
la seule voix mais, comme
et la création, gner et t'ai)prendre à ne redouter aucune
beaucoup d'hommes, enqmrlés par leur pro- d'elles. Mais tout cela ne lui suffit pas encore :

pre démence, n'en avaient retiré aucun fruit, remonté au ciel, il nous accorde une grâce
il entra dans de nouvelles voies pour les con- surprenante, il fait descendre pour nous le
vaincre pour mettre le cond^le à ses
, et enfin ,
Sainl-Espril, etnous envoie les apôtres par le
bienfaits, il leur envoya son Fils, son vrai ministère desiiuels il nous transmet sa doc-
Fils, son Fils unique ce fils qui était de la : trine. Il voit ces hérauts du salut accnblés de
même vraie nature que lui fut fait ce (jue je suis, mille maux, frappés de verges, outragés, jetés
il vécut sur la terre au milieu des houunes, à la mer, torturés par la faim et la soif, pour-
et là il mangeait, il buvait, il parcourait la suivis chatiue jour, chaque jour en péril de
terre, enseignant, instruisant, exhortant, fai- mort, et pour toi, par amour pour toi, il les
sant des miracles, et en même temps il pro- laisse endurer toutes ces souffrances! C'est pour
l)hétisail , donnait des con>:eils cl dos exhorta- toi, ô honuue, tju'il a iiréi>aié le royaume des
tions, souillait, supportait les faligu(>s, nous cieux, c'est à toi qu'il a desliné tes biens inef-
faisait des promesses, nous coud)lait de ses fables, cet héritage céleste, ce séjour plein de
dons. Kn elVet, il a accordé une partie de ses variété, qu'aucune parole ne
cette béatitudr
bienfaits auv lionunes de son tiMups, cl il a peut exprimer. Lors donc que tu as tant de
promis l'autre aux générations futures mais : preuves de la Providence, celles de l'Ancien et
l'on peut compter sur si'S promesses , elles sont celles du Nouveau Testament, celles de la vie

confirmées et par les prodiges qu'il a opérés présente et celles de la vie future, celles qui
|)en(lanl (ju'il était encore sur la terre et par seront, celles qui ont été, celles que nous
raccomplissonient de toutes les i»rophéties otlre chacun des jours que nous vivons, celles
DISCOrRS CONTRE CEUX m SE SCANDA LISEiNT. 307

(lu commencement de la création, celles du remèdes, et pourtant il ne sait pas ce qui


milieu (les temps, celles de la tin des choses, pourra arriver car combien de médecins
;

celles qui subsistent éternellement, celles que n'ont pas enlevé la vie à leurs malades par
fournil le corps, celles qui ont rapport à l'âme : leurs opérations! enfin il lui obéit en tout
Lors, dis-je, que pour ainsi
tu vois pleuvoir avec la plus grande soumission. Il en est de
dire sur toi de tous côtés tant de preuves qui même à l'égard du pilote , de l'arcliitecte, et
proclament la Providence doutes-tu encore ? , de tous ceux qui exercent un art quelconque.
Mais non, tu ne doutes pas; tu crois à la pro- Puisqu'il en est ainsi, je trouve ridicule, je le
vidence, tu es convaincu de son existence. déclare, qu'un simple mortel, tout plein de
Arrête donc désormais ta vaine curiosité et sois son ignorance, demande au divin Artisan la
sûr de cette vérité, que tu as un Dieu qui t'aime raison de tout ce qu'il a fait, qu'il scrute cette
avec une tendresse qui surpasse celle des Sagesse ineffable, indicible, inexprimable, in-
pères, avec une sollicitude que n'é^^ale pas compréhensible, qu'il recherche le pourquoi
celle des mères, avec une ardeur (jue n'atteint dételle ou telle chose, et cela, lorsqu'il sait
pas celle d'un jeune époux, celle d'une jeune avec évidence que ce Dieu sage ne peut tom-
épouse; un Dieu qui fait sa joie de ton salut, ber dans l'erreur, que sa honte est immense
et s'en réjouit encore jdus que tu ne te réjouis que sa prévoyance est infinie, que tout ce qu'il
toi-même de l'éloignement du |)éril et de la fait pour nous arrive à bonne fin, pourvu (lue

mort ce que j'ai montré par l'exemple de


: de notre côté nous aidions à la Providence,
Jonas, un Dieu qui a pour toi toute l'atTection qu'enfinil ne veut la perte d'aucun de nous,

que le père a pour ses entants, la mère pour mais le salut de tous. Ne serait-ce pas le su-

le fruitde ses entrailles, l'architecte pour son prême excès de la démence, que de soumettre
œuvre, le jeune époux pour sa jeune épouse, à notre examen dès maintenant, dès ce jour,
l'adolescent pour la vierge; un Dieu qui veut un Dieu qui veut, qui peut nous sauver, et de
éloigner de toi les maux , autant que l'Orient ne pas attendre la fin des choses.
est éloigné de l'Occident, autant que le ciel est 9. Ce qu'il y aurait de mieux pour toi ce ,

élevé au-dessus de la terre : car cela aussi je serait de ne pas vouloir tout connaître ni dès ,

l'aimontré; un Dieu entin dont la bonté ne le début, ni plus tard mais ^i ta curiosité est
;

répond pas seulement à ces comparaisons, sigrande et si active attends au moins la fin
,
,

mais se montre beaucoup plus grande encore, regarde où tendent les choses, et ne te trouble
comme nous l'avons fait voir plus haut, en pas, ne t'effraye pas dès le commencement. Si
avertissant (pi'il faut non |)as s'arrêter à ces
, un ignorant voit un orfèvre commencer par
(•xem()les, mais aller plus loin par l'effort de fondre l'or et le mêler à la cendre et à la pous-
la pensée. Car inexplicable est la providence sière, et qu'il n'attende pas la fin , il croira que
de Dieu, incompréhensible sa sollicitude, l'or a î)éri. De même, supposez un homme né
inexprimable sa bonté inimaginable son , et élevé sur la mer ,
qui serait porté tout à coup
amour. au milieu des terres sans avoir jamais en- ,

Maintenant donc que nous savons toutes ces tendu parler de la manière dont on cultive les
choses, soit par les paroles de Dieu, soit par campagnes: s'il voyait du blé entassé dans un
ses œuvres, par celles qu'il a faites, comme grenier, défendu par des portes et des verrous,
par celles (|u'il doit faire, ne l'abandonne pas protégé contre l'humidité, et que tout aussitôt
à une vaine curiosité, ne t'enquiers pas de le laboureur l'enlevât à ses yeux, le répandît
tout, et ne dis pas pourquoi ceci ? à (juoi bon
: et le jetâtdans la plaine, le laissât à la merci
cela? Une telle conduite serait d'un insensé : de tous ceux (jui pourraient passer dans sou
elle témoignerait de la dernière folie et de la champ et non-seulement ne le garantît pas
,

plus grande démence. Enetlel le malade laisse contre l'humidité, mais même l'abandonnât à
le médecin lui couper les chairs, lui brûler la boue et au fumier, sans y mettre de gar-

les plaies, lui appllcjner les remèdes les plus diens; ne croiiait-ilpasque c'en est fait du blé,
cuisants; il ne lui demande compte de rien, et ne blàuierait-il pas le laboureur d'avoir agi
quand même il serait sou esclave; mais, tout ainsi? Pourtant rien dans la nature n'autorise
maître (|u'il est, il supporte en silence toutes ce blâme : il vient de l'ignorance de cet homme
ses douleurs, il lui est même reconnaissant et de sa folle prétention de vouloir porter son
de cette brûlure, de cette amputation , de ces jugement sans attendre. Qu'il attende donc
368 TRADUCTION FRANÇAISE DE SAINT JEAN CHRYSOSTOME.

l'été : alors la moisson est luxuriante, la faux cette vie, le bonheur est réservé à l'autre. Mais

est aiguisée et le blé qui a été répandu çà bien que chez les Juifs le bonheur se trouvât
et là, laissé sans gardien , livré à la pourriture toujours sur cette terre et pour cette vie, voici
et à la corruption , abandonné dans la boue , a en quoi auraient été le plus digne d'admiration
germé, s'est multiplié, a reparu brillant, a re- ceux qui n'auraient pas voulu en jouir ne con- :

pris son ancienne splendeur , s'est dressé dans naissant pas encore le dogme de la résurrec-
la plaine avec une grande vigueur, et déjà il voyant que les faits allaient à rencon-
tion, et

est comme entouré de satellites, comme re- tre despromesses de Dieu, ils auraient surtout
couvert d'un vêtement brillant; il porte la tète mérité tout éloge, s'ils ne s'étaient ni scanda-
dans les airs, et réjouit l'œil du cultivateur qui lisés, ni troublés, ni effrayés de ce qu'ils avaient
va en retirer une nourriture abondante et un sous les yeux s'ils avaient humilié leur esprit
;

grand gain. A ce spectacle quel ne sera pas ,


devant l'incompréhensible providence du Sei-
l'étonnement de notre ignorant, lorsqu'il verra gneur, si , sans permettre que ce spectacle des
que c.' grain de blé a passé par de telles vicis- faits leur fût une occasion de scandale, restant

situdes pour arriver à tant de fécondité et de assurés malgré tout de la gi-andeur de la sagesse
beautéAverti par cet exemple, garde-toi, ô
!
divine et de ses ressources inépuisables , ils

homme, de soumettre à ton examen le Maître avaient attendu la fin , ou mieux, avant de voir
qui nous gouverne tous. C'est là ce qu'il y a de arriver la fin, avaient supporté avec reconnais-
plussage.Maissituesassezopiniâtte, assez témé- sance tous les malheurs qui pouvaient les affli-

raire pour vouloir satisfaire un désir si dérai- ger, et n'avaient pas cessé de glorifier Celui qui
sonnable, attends du moins la fin des choses. Le leur envoyait ces souffrances. Peut-être ces pa-
laboureur attend tout l'hiver en arrêtant sa roles sont-elles obscures pour votre esprit. Je
l)ensée non i)as sur les souffrances de blé pen- vais donc m'efforcer de les rendre plus claires.
dant ^a saison mais sur la douce in-
du froid , 10. Comme Abraham était chargé d'années
Iluencequi le ranimera au beau temps à plus : et que sa vieillesse l'avait rendu comme mort
forte raison devrais-tu attendre la fin , lorsqu'il aux joies de la paternité: car il n'était pas plus
s'agit de Celui qui cultive toute la terre, qui eu état d'être père que les morts eux-mêmes ;

prend soin de toutes les âmes. Quand je dis :


comme donc ce juste était vieux et très-vieux,
la fin, je ne parle pas seulement de cette vie qu'il avait dépassé de beaucoup les limites na-
mortelle (bien que souvent dès celte vie les turelles de l'âge où l'on peut encore avoir des
œuvres de Dieu aient leur fin) mais aussi de , enfants, et qu'il avait dans Sara une épouse
la vie future. Car ces deux vies sont ordonnées plus stérile que la pierre, Dieu lui promit de
en vue d'une seule lin (jui est notre salut et lui donner une postérité si féconde, que le
notre gloire. Rien qu'elles soient divisées par nombre de ses descendants égalerait le nombre
les temps, elles sont réunies par le but, et de des étoiles du ciel. (Geu. xv, 5.) Les plus grands
même qu'il y a dans l'année un hiver et un obstacles s'opposaient à raccomplissemenl de
été , mais que ces deux saisons concourent à celle promesse, puiscjuc le patriarche avait
une même fin, qui est la maturité des fruits, atteint les dernières limites de l'âge, et que son
de même notre vie aussi a deux saisons et une épouse était doublement stérile, par vieillesse
seule fin. Lors donc que tu vois l'Eglise dis- et par nature. En elTel, ce n'était pas seule-
persée et endurant les maux les plus cruels ment la vieillesse qui la rendait stérile , celait
les chrétiensqui font sa gloire, persécutés et aussi sa nature, puisque dans sa jeunesse, elle
frappés de verges, son chef relégué au loin, n'avait pas pu enfar;ter. Elle était donc infé-
n'arrête pas seulement ton esi^rit sur ces mal- conde, c'est ce que saint Paul faisait enlendrc,
heurs ; considère aussi les biens qui en résul- par ces paroles Levcuircde Sara était comme
:

teront, les couronnes, les récompense.^, les mort. (Rom. iv 19.) 11 ne dit pas seulement :
,

prix réservés aux vainqueurs. Car celui qui Sara^ car tu pourrais croire qu'il fait allusion
aura persévéré iusquà la fin, celui-là acra à son âge ; il dit : le ventre de Sara, car sa
sauvé [MMh. x, i2-2), dit Jésus. Dans l'Ancien stérilité ne vient pas seulement de vieillesse,
Testament, comme le dogme de la résurrection mais de nature. Malgré qu'il y eût, comme je
n'était pas encore connu , tout avait sa fin dans l'ai dit, de si grands obstacles , comme Abra-
cette vie? Dans le Nouveau, il n'en est pas tou- ham que
savait ce c'est que la promesse du
jours ainsi , et (luelquefois le malheur aflliijc Seigneur, combien elle a de ressources et d'ex-
DISCOURS CONTRE CEUX QUI SE SCANDALISENT. 909

pé<lients, et comment ni les lois de la nature, res de sa puissance et de sa sagesse ; de ne pas


ni la difficulté dos choses, ni aucun autre em- se laisser aller à une vaine et inutile recher-

pêchement no pout l'entraver, comme il était che et de ne pas se demander : Pourquoi ceii

assuré au contraire qu'elle aime à trouver ses à quoi bon cela ? comment cela se peut-il faire ?
voies et à atteindre ses fins à travers les obsta- Mais ce qui est digne d'admiration dans Abra-
cles mêmes , il accueillit avec foi la parole di- ham, ce n'est pas seulement qu'il eût cette foi

vine, espéra en son accomplissement, et ne ardente mais encore qu'ayant, après cette
,

laissa pas entrer dans son âme le trouble qu'au- promesse reçu l'ordre d'immoler son fils uni-
,

raient voulu y jeter ses raisonnements il jugea ;


que, son fils chéri, il n'ait pas même alors été
la puissance de Dieu assez grande, comme elle scandalisé , et pourtant que de causes de scan-
l'est en effet, pour tenir sa parole et ne recher- dale pour l'âme faible qui n'aurait pas été at-
cha pas comment, ni de quelle manière cette tentive et vigilante ! tout d'abord l'ordre même
paternité pouvait lui être donnée, pourquoi du Soigneur ne prêtait-il pas au scandale? Quoi
elle avait été refusée à sa jeunesse, pourquoi donc, Dieu accepterait-il de tels sacrifices! or-

elle était tardivementà sa vieillesse.


accordée si donnerait-il aux pères d'immoler leurs enfants,
Aussi Paul proclamc-t-il ses louanges d'une de finir leur vie par une mort violente d'être ,

voix éclatante parce? paroles Espérant contre : les meurtriers de ceux qu'ils ont engendrés!

toute espérance , il cnit qriil deviendrait le voudrait-il souiller se? autels d'un tel sang !

père de beaucoup de valions. (Rom. iv, t8.) armerait-il la main d'un père contre son fils

Cela signifie : contre toute espérance humaine, unique ? souffrirait-il que le juste fût plus
il espéra en cette puissance de Dieu, qui triom- cruel que les assassins? Ajoutez qu'Abraham
phe de tout, qui peut tout, qui est supérieure étaitéprouvé dans une affection que nous im-
à tout. Il crut non-seulement qu'il serait père, pose impérieusement la nature, et cela, non-
mais même qu'il serait père de beaucoup de sr;ulement parce qu'il était père mais encore ,

nations, et cela, malgré son âge, malgré la parce qu'il était bon [)ère , et qu'il s'agissait
stérilité naturelle et la vieillesse de son épouse, d'un d'un fils chéri d'un fils unique,
tel fils, ,

selon ce qui lui avait été dit : Ta postérité sera d'un fils dont la beauté si grande au premier ,

satis nombre. H ne s'affaiblit point dans sa foi aspect, ne paraissait pas moins grande après
et il ne considéra point., qu'étant âgé de cent examen. Il était en effet dans la fleur de l'âge,
ans , son corps était comme mort , et que le dans laforce de la vertu, éclatant d'une double
ventre de Sara n'avait plus la vertu de conce- S{)lendeur, de la splendeur de l'âme comme de
voir. Il n hésita point , et il nent pas la moin- celle du corps. De plus son père avait pour l'ai-
dre défiance de la promesse de Dieu ; mais il mer un autre motif d'un bien grand poids: c'est
se fortifia par la foi, rendant gloire à Diem qu'il l'avait eu contre toute espérance, et vous
pleinement persuadé qu'il est tout-puissant savez combien sont chéris ces enfants, qui
pour faire tout ce qu'il a promis. (Rom. iv, comme lui , naissent contre toute espérance et
19-21.) toute attente, qui nous sont accordés, comme
Cela veut direAyant rejeté aussitôt loin de
: l'avait été celui-ci, par une exception aux lois

lui la faiblesse humaine, s'en remettant à la ordinaires de la nature.


toute-puissance du Dieu qui lui faisait ces Mais, outre toutes ces considérations, ce qui
promesses, et croyant que ses voies sont infi- était surtout propre à fournir une occasion de
nies, il crut avec une pleine conviction à l'en- scandale, c'éliit la promesse de Dieu, carcel or-
tier accomplissement de la parole divine il ; dre allait En i ffcl, Dieu lui avait dit
contre elle. :

glorifia le Seigneur autant qu'il était possible Tes enfants seront aussi nombreux que les étoiles
par cela seul qu'il ne montra pas une vaine et du ciel (Gen. xv, 5), et maintenant, voilà que
inquiète curiosité, mais (pi'il s'humilia devant ce fils unique, qui devait remplir toute la terre
, va être ravi à ce monde
la profondeur incompréhensible de la sagesse de sa postérité livré à ,

et de la puissance de Dieu et qu'il ne douta pas la mort, immolé avec la dernière cruauté. Ce-
un seul instant que ce qui lui était promis ne pendant cette contradiction n'a pu scandali-
s'accomplît. Ne vois-tu pas que c'est rendre ser, ni troubler ce juste, il a évité le coup qui
^^loire à Dieu, autant qu'il est
en nous, que de aurait infailliblement atleint tout homme in-
s'humilier toujours devant les conseils impé- sensé , tout homme qui ne s'élève jamais de
nétrables de la Providence, devant les mystè- terre. Il n,- s'est pas dit : Qu'jst-ce donc ? £uiî-JG

TOME IV. 24
370 TRADUCTION FRANÇAISE DE SAINT JEAN CHRYSOSTOME.

trompé ? est-ce qu'on m'abuse ? est-ce là l'or- vait que ce fils, en lui seul était placée toute

dre de Dieu? Non, et je n'obéirai pas il est : l'espérance qu'on pouvait avoir en l'accomplis-
impossible que je sois le meurtrier de mon fils, sement de la parole de Dieu , et pourtant il ne
que je rougisse ma main d'un sang si pré- craignit pas de l'immoler; de même que ni
cieux 1 Comment donc la promesse aurait-elle le dépérissement de sa vigueur, ni la stérilité
son accomplissement? si je coupe la racine, dont était frappé le ventre de Sara, n'avaient
comment y aura-t-il des branches, comment y pu l'empêcher de croire à la paternité que
aura-t-il des fruits ? Si je comble la source, que Dieu lui ordonnait d'espérer, ainsi dans cette
deviendra le fleuve ? Si je fais mourir mon fils, occasion la mort même de son fils ne pouvait
comment une postérité si féconde
aurai-je ,
lui enlever sa confiance. Compare cette con-
que nombre de mes descendants égale le
le duite avec celle des hommes qui nous entou-
nombre des étoiles ? Abraham n'a rien dit, rent, et tu verras quelle pusillanimité est la
rien pensé de mais s'en remettant de
tel ; , tienne, quelle petitesse d'âme ont ceux qui se
nouveau à la puissance de Celui qui lui avait scandalisent aujourd'hui , et tu comprendras
fait cette promesse, à cette puissance infinie clairement que si le scandale t'atteint, la seule
si riche en moyens, si féconde en ressources, et cause en est que, loin defhumilier devant les
qui, éclatante de lumière à travers les obsta- mystères de la divine Providence, tu recherches
cles mêmes , supérieure aux lois de la nature partout la manière dont se déroule le plan de la
et plus forte que tout ce qui
ne trouve existe, création, tu veux connaître toutes les raisons de
rien qui lui puisse résister, il a rempli cet or- tontes les choses, tu portes ta curiosité sur tout
dre avec une pleine assurance, il a égorgé son ce qui existe. Si Abraham avait agi comme tu
tîls, il a ensanglanté sa main, il a rougi son fais, il mais tout au-
aurait chancelé dans sa foi,

glaive , il a enfoncé son épée dans le cou de la tre a été sa conduite aussi a-t-il obtenu une,

victime ; oui , il a fait tout cela, sinon en ac- gloire éclatante , et a-t-il vu s'accomplir les
tion du moins en intention. Aussi Moïse
, promesses du Seigneur; il ne s'est scandalisé ni
// arriva après ces choses que
l'exalte et dit : à cause de son âge ni h cause de l'ordre qu'il
,

Dieu éprouva Abraham et cria: Abraham! et reçut ensuite il n'a pas cru que le sacrilice
;

ilrép07ifUt : me voici ; et Dieu lui dit : Prends d'isaac arrêterait l'elfet des promesses du Sei-
maintenant ton fils unique , le fils de tes affec- gneur et il n'a pas désesjiéré de la parole di\ ine,
tions, Isaac pour l'offrir enholocauste sur une
^ bien que la tin des choses fût proche pour lui.
des montagnes que je te dirai. (Gen. xxii , Ne viens pas me dire que Dieu n'a jkis permis
4,2.) que son commandement fût exécute ni que la
Etait-ce là la parole de la promesse par la- main du juste lui ensinglanlée, mais consi-
quelle Dieu lui di'^ait d'une
qu'il serait le père dère <iu'il fignorait, qu'il ne savait pas qu il
féconde postérité et que ses descendants éga- obtiendrait la vie de son fils et le ramènerait
leraient en nonibre les étoiles du ciel? Mais vois dans sa demeure, qu'au contraire il s'était mis
comment, ai)rès avoir re^u ce comiuandenient, tout entier à l'exécution du sacrifice qui lui
il accepta d'immoler le (ils qui devait lui don- était ordonné. C'est pour cela que la voix de
ner une telle postérité, de le ravir à la lu- l'ange cria par deux fois son nom du haut du
mière et de l'ollVir en holocauste à Dieu. Saint ciel car l'auge ne dit pas seulement Abra-
, :

Paul exaltant et proclamant ses louanges


, ham mais Abraham, Abraham ; car, comme
, :

s'expiime en ces termes C'est par la foi : toute son attention était tournée vers le sacri-
qu'Abraham offrit Isaac lorsque Dieu voulut le fice, il fallut l'appeler par deux fois pour ar-
tenter, (llébr. xi, 47.) Ensuite, pour montrer racher son esprit à la préoccupation qui le
tonte 'a grandeur de son action, toute la vi- remplissait : tant il s'i'tait iittrté tout entier à
vacité de la foi dont il lit preuve, il ajoute: l'exécution du commandement du Si'igneur I
Car c'est son fils unique qu'il offrait : lui qui Tu donc qu'il l'exécuta complètement en
vois
avait reçu les promesses du Seigneur. intention, et que jamais cependant il ne fut
Ce qu'il veut exprimer |)ar ces paroles, le scandalisé; pourquoi? parce qu'il ne chercha
voici On ne peut pas dire qu'Abraham avait
: pas à pénétrer les desseins cachés de Dieu.
deux enfants chéris, et que, le premier étant Parlons maintenant de Joseph. Dis-moi : ne
saciilié,il espérait que le second le rendrait lui est-il pas arrivé cjuclque chose de sem-
père d'une nombreuse postérité; non il n a- , blable? A lui aussi Dieu promit une grande
DISCOURS CONTRE CEUX QUI SE SCANDALISENT. 37i

destinée et les faits allaient h rencontre de la L'un des frères ouvrit l'avis quSr'ne fallait pas
parole divine. Car promis en
il lui avait été se souiller d'un tel sang. Dieu persuada les
songe (jue ses frères se prosterneraient devant autres, et arrêta le meurtre. Cependant Josepli
lui. Deux rêves le lui avaient annoncé claire- ne vit pas s'arrêter là le cours de ses malheurs :

ment : l'un , i)ar la vision des astres ; l'autre quelle longue carrière d'épreuves il avait en-
par la vision des gerbes de blé mais les évé- ; core à parcourir Après (|ue Dieu eut empêché
I

nements qui survinrent ensuite démentaient ses frèresde l'immoler, comme leur cœur res-
complètement ces promesses. En elTet, ces vi- pirait encore la colère que la tempête de et
sions eurent pour premier effet d'exciter une leurs passions était encore dans toute sa force,
guerre violente sous le toit paternel : ses frères, ils ouvrirent à leur vengeance une nouvelle

ces tiis d'un même père, violant les lois du voie : ils dépouillèrent leur frère, le lièrent, le
sang, déchirant les liens de l'amour fraternel, jetèrent dans une fosse, les cruels! les inhu-
renversant l'ordre même
de la nature devin- , mains 1 les barbares 1 Ensuite ils mangèrent
rent ses adversaires, et ses ennemis, et eurent les aliments qu'il leur avait apportés, et, tandis
pour lui, à l'occasion de ces songes, une cruauté que jeté dans la fosse il craignait pour sa vie,
plus grande que celle des loups. Comme des eux faisaient bonne chère et s'enivraient.
bètes farouches et indomptables, qui auraient Leur démence alla plus loin encore ayant :

enlevé un agneau, ils lui dressaient sans cesse vu des étrangers d'un pays très - éloigné
des embûches. Une haine insensée et une ja- du leur qui se rendaient en Egypte, ils leur
lousie odieuse étaient la cause de cette guerre: vendirent leur frère, et lui préparèrent ainsi
bouillants de colère, chaque jour ils respiraient une autre mort, plus longue, plus cruelle et
lemeurtre, et l'envie allumait en eux comme pleine de misère. Car il était jeune, tout à fait
une fournaise ardente, d'où s'élançait la flamme. jeune, ilavaitété élevé avec une grande liberté
Mais, comme ne pouvaient lui faire aucune
ils sous le toit paternel, il n'avait jamais subi ni
violence, parce qu'il restait dans la maison pa- la servitude, ni les maux de la servitude : aussi
ternelle auprès de Jacob et de Rachel, ils atta- vois ce qu'il dut souffrir, lui qui tout à coup
quèrent sa réputation, ils lui tirent une renom- de libre devint esclave, de citoyen, étranger, et
mée honteuse, ils lui intentèrent d'odieuses supporta le plus dur esclavage. Mais l'esclavage
accusations, pour lui enlever ainsi l'amour de ce n'était pas tout encore le voilà arraché à :

son père et le faire tomber plus facilement son père, à sa mère, à toute sa famille, nu,
dans leurs pièges. Ensuite, l'ayant surpris loin étranger, sans patrie, sans cité, livré par sa con-
des yeux de Jacob, lorsqu'il venait leur porter mains barbares! Y avait-
dition d'esclave à des
leur nourriture dans le désert et s'informer de il une seule circonstance qui ne lût acca-

leur état, sans tenir compte du motif qui l'a- blante pour lui ? L'imprévu, la surprise d'un
menait vers eux, sans rougir de honte en voyant événement qui arrive contre toute attente,
qu'il leur apportait leur nourriture, ils tirèrent contre toute prévision, la gravité d'une telle
leurs épées, s'apprêtèrent à l'égorger et à deve- inlortuncla pensée qu'il a été jeté dans ce mal-
nir fratricides. Cependant ils n'avaient aucun heur par des frères et par des frères qu'il ché-
reproche, ni petit, ni grand, a lui adresser ; rit, par des frères auxquels il n'a jamais fait une

mais cette vertu même, qui aurait dû les [)0i ter seule injure ni petite ni grande, auxquels il a
à l'honorer et à le glorifier, ne leur inspirait prodigué au contraire ses bons ottices y a-t-il :

qu'une inimitié jalouse et pleine de dénigre- rien enfin qui ne fût fait pour le jeter hors de
ment. Joseph, malgré leur jalousie, loin d'évi- lui ? Rien toutefois ne l'a troublé. Cependant
ter leur commerce, gardait toujours des dispo- il était conduit par les marchands en Egypte,

sitions fraternellespour ceux qu'aveuglait une pour y échanger une fois de plus un joug con-
telle méchanceté eux au contraire malgré
: , tre un autre. Car arrivé là, après avoir passé de
son atlèclion pour eux, entreprirent de le tuer, iiiaitre en maître , il fut encore esclave, et il

et, autant qu'il fut en eux, ils le tuèrent, ilsen- habita avec des barbares, lui filsde laJudée,lui
sanglantèrent leurs mains, ils furent Iratrici- noble, lui deux fois libre, libre de corpset libre
des. Mais l'intinie sagesse de Dieu, qui marche d'âme. Malgré ces malheurs il ne se scandalisait
à Taisedans les sentiers impraticables, dans les pas ({uand le souvenir dessonges qui lui avaient
abîmes eux-mêmes et jusque dans les voies de promis un tout autre sort lui revenait à la mé-
la mort, l'arracha de leurs mains sacrilèges. moire il nf» se demandait pas même: pour-.
372 TRADL'CTiON FKANÇAISE DE SAINT JEAN CHKYSOSTOME.

quoi enfin tous les maux m'arri vent- ils? Ainsi flammes que la fournaise de Babylone. Car ses
pendant que ces fraliicicies, ceb loups, ces ani- désirs sétaient rallumés plus ardents, et la co-
maux féroces, vivaient dans les délices malgré lère, autre passion terrible, qui venait s'ajou-
leur crime sous le toit paternel, lui, qui devait ter à sa luxure, avait âme d'unerempli son
être leur roi, maintenant esclave, soumis à un extrême cruauté, se portait tout entière au
maître, vendu dans une terre lointaine, accablé meurtre, saisissait le glaive, méditait les châ-
par le poids de la misère, non-seulement il timents les plus injustes, et hâtait le supplice
n'était pas leur roi , mais il était devenu leur de cet athlète de la chasteté, de la fermeté et
esclave , et ses infortunes contredisaient de de la constance. Elle va donc vers son époux,
point en point les promesses qu'il avait reçues. et lui expose les faits, mais non dans leur vé-
En effet, bien loin de gagner un trône, il per- rité. Elle ourdit la trame de la calomnie, fait

dait sa patrie, sa liberté, la vue de ses parents, croire au juge tout ce qui lui plaît d'imagi-
et ses épreuves n'étaient pas encore à leur ner, accuse Joseph de l'avoir surprise seule,
terme. et, comme si elle avait été outragée, demande
Un nouvel abîme, plus profond que tous les vengeance : enfin, comme pièce de conviction,
autres, s'ouvre pour l'engloutir et le menace ses mains impures portent les habits de l'in-

une fois de plus de mort et de supplice, mais nocent jeune homme. Ainsi corrompu, le jui:e

de murt ignominieuse et de supplice plein de n'appela point l'accusé devant son tribunal, et
déshonneur. Car la reine a porté sur lui des ne lui donna pas la parole. Sans l'avoir vu, il
yeux impurs séduite par la beauté de l'ado-
; le condamna comme coupable et convaincu
lescent , captivée par l'éclat de son visage, à d'adultère, et le fit jeter chargé de chaînes
son tour, elle ourdit contre lui des pièges et des dans la prison. Ainsi, celui que la vertu ornait
embûches. Lorsque sa luxure eut tendu ses d'une si belle couronne, dut vivre en prison
filcls de tous côtés, elle observait chaque jour avec des imposteurs, des briseurs de sépul-
comment elle pourrait prendre l'adolescent cres, des meurtriers, des hommes souillés de
dans ses mailles, le précipiter dans le gouffre tous les forfaits : et pourtant toutes ces igno-
de l'adultère et le livrer à une mort éternelle. minies n'ont pas pu le troubler! Un prison-
Chacjuc j(»ur elle allait à cette chasse, aiguil- nier qui avait otlensé le roi fut relâché, mais
lonnée par sa passion; chaque jour son lascif lui, détenu depuis longtemps, il restait tou-
amour donnait de nouvelles armes. Eiitin,
lui jours enfermé : et ce qui eût dû lui mériur
l'ayant surpris loin de tous les regards, elle récompense et gloire lui avait valu le dernier
l'entraîna de force dans ses bras impudiques, des châtiments. ne s'en émouvait pas, il ne
Il

voulut le contraindre à souiller la couche de s'en scandalisait pas, il ne se disait |)asmême ;

son époux, et s'efforça de faire violence à sa pourquoi ces souffrances? à quoi bon ce.-
chasteté. Ce juste est pourtant sorti sans bles- épreuves? Moi (jui devais régner sur mes
sure d'une telle lutte : l'empire de la concu- frères, non-seulement je n'ai pas les honneurs
piscence, le trouble des sens dans un âge si suiirêmes, mais j'ai même perdu patrie, mai-
tendre, les pièges d'une épouse iinpudi(|ue, les son, parents, liberté, repos; j'ai été inunole
elforls d'une reine, rem|)orlenient de la jeu- par ceux qui de\ aient se prosterner devant
nesse, toutes les impressions i\ue pouvaient moi, et, après (juils m'eurent ainsi sacrifié,
éveiller en lui le contact, la vue, la fureur ils m'ont vendu; je suis devenu esclave dans

passionnée d'une fennne; il surmonta tout un pays barbare, jai passe de maître en maî-
avec la plu? erande facilité, comuie l'aigle qui tre, et là ne s'arrêtent pas mes malheurs il :

élève son vol V(Ms les plus hautes régions de n'y a autour de moi ipie goutlres et que préci-
l'air; et, se dépouillant de ses babils, les aban- pices. Car. après (|ue mes frères m'eurent en-
donnant à ces mains inq)ures, il sortit nu ; touré de pièges, m'eurent immolé, m'eurent
mais tout nu qu'il était, la chasteté le cou- livré à la servitude, à la servitude des mar-
vrait d'un vêlement splendide et |)lus éclatant chands, à la scr^itude des Egyptiens, voilà ipie
que la pourjnc elle-même. de nouveau je vois se dresser devant moi h s
Cet acte de vertu lui valut de voir encore une pièges de la mort, une calonmie plus noire
fois le glaive menacer sa tête, la mort lui dres- encore (jue celle dont j'avais déjà été victime,
ser ses embûches, la tempête redoubler de vio- dhabiles machinations, une attaciuo passion-
lence, tt la fureur de la reine jelcr pU.svH, liée, une justice conompue, une accusation
DISCOURS CONTRE CKUX QUI SE SCANDALISENT. :m
qui mocouvre de honte et me livre au sup- quoi donc tous ces maux? Moi, souverain,
pu plaider ma cause, je suis,
plice. S:ins avoir moi, (jui devais posséder un si grand emjiire,
quoitprinnocent jeté dans une prison où,
,
je ne puis pas même avoir la sécurité du
chargé de chaînes, je dois vivre avec des adul- simple citoyen; mais errant, fugitif, sans cité,
tères, des meurtriers, des criminels souilles sans pays, habitant une terre étrangère, chasse
de tous les forfaits. Cependant le premier dans un pays barbare, manque de la nour-
je
échanson est relâché, la prison s'ouvre pour riture nécessaire, et chaque jour je vois sus-
lui, et moi, je ne puis pas, même après lui, pendus sur ma tête les plus grands dangers.
obtenir de trêve à. mes souffrances; il a vu Où sont les promesses de royauté? où sont les
s'accomplir promesses de son rêve, selon
les paroles qui me disaient d'espérer un empire?
l'interprétation que j'en avais donnée, et moi — Non, il n'a rien dit, rien pensé de tel il ne ;

je reste accablé de maux intolérables Est-ce ! s'est pas scandalisé de ce qui arrivait, mais il

là ce que m'avaient annoncé mes songes? est- a attendu l'accomplissement des promesses.
ce là ce que me présageaient et les astres et les J'en pourrais citer mille autres qui, tombés
gerbes de blé? Où sont les promesses du Sei- dans des maux terribles, bien loin de se trou-
gneur? où sont ses paroles? Scrais-je donc bler, ont continué d'avoir confiance dans les
trompé? serais-je donc abusé? Car comment paroles du Seigneur, même lorsqu'ils voyaient
mes frères se prosterneraient-ils devant moi, que les faits étaient contraires aux promesses.
pauvre esclave chargé de chaînes, condamné Grâce à leur patience, ils ont remporté de glo-
comme adultère, sans cesse en péril de mort rieuses couronnes. Vous donc aussi, vous que
et si éloigné de la terre qu'ils habitent Les ! j'aime, attendez la fin : car tout sera accom-
promesses de Dieu ont péri et s'en sont allées pli, soit maintenant, soit plus tard. Humiliez-
au néant. Non, il n'a rien dit, rien pensé de vous devant l'incompréhensible providence de
tel; mais il attendait la fin de toutes ces choses Dieu, ne dites pas Quel remède pourra-t-il
:

en homme assuré que la sagesse de Dieu est trouver à de si grands maux? et ne recherchez
infinie, que ses ressources sont innombrables ;
pas curieusement par quelles voies le Seigneur
et non-seulement il ne se scandalisait pas, accomplit ses miracles.
mais même il était fier et glorieux de ses 11. Les justes dont je viens de parler n'ont
maux. recherché ni pourquoi, ni comment s'accom-
Que dire de David ? N'avait-il pas été sacré pliraient les promesses du Seigneur; mais,
roi? n'avait-il pas été désigné par le suffrage lors même qu'ils voyaient que tout était déses-

de Dieu? ne tenait-il pas le sceptre au milieu péré aux yeux de la raison humaine, ils ne se

des Juifs? n'avait-il pas remporté sur le bar- troublaient pas, ne s'effrayaient pas, ils sup-
ils

bare Goliath un glorieux triomphe? Cepen- portaient courageusement toutes les épreuves,
dant voilà qu'il souffre les maux les plus ils s'en remettaient à l'avenir, assurés que la

cruels, entouré d'ennemis, environné de piè- parole du Tout-Puissant ne saurait faillir, et


ges par SaiJI, courant risque de la vie, en- ne se laissaient pas abattre dans le moment
traîné dans les combats les plus périlleux, sans même par les événements contraires. Ils
cesse chassé dans le désert, errant, fugitif, étaient en effet pb^inement convaincus que
sans cité, sans pays, habitant une terre étran- Dieu a dans sa sagesse des ressources infi-

gère. Qu'ai-je besoin d'en dire plus? Enfin, il nies, qu'il peut, même après avoir tout obs-
n'avait plus de patrie, il avait perdu tout son curci, remettre tout dans un plus beau jour,
royaume, il vivait au milieu d'ennemis bar- et qu'il Jui est très-facile de mener à leur
bares acharnés à sa perte, il supportait une fin ses promesses. Toi aussi, mon ami , si dès
vie plus triste que la servitude car il man- : cette vie tu vois finir ce qui t'affiige, glorifie le
quait des premiers aliments, et il endurait ces Seigneur; si au contraire les malheurs s'ajou-
souffrances après que Samuel lui était apparu, tent aux malheurs, glorifie-le encore et ne te

après qu'il l'avait oint de Thuile sainte, après scandalise pas, persuadé que la providence de
qu'il avait reçu la promesse de la royauté, après Dieu est infinie, qu'aucune expression ne peut
qu'il avait tenu le sceptre et porté le diadème, la rendre et que toutes choses auront la fin
,

après que Dieu l'avait élu et lui avait donné que réclame la justice soit maintenant, soit plus
son suffrage. Cependant tant de malheurs n'ont tard. Que si quelqu'un, en m'entendant dire :

pu le scandaliser, et il ne s'est pas dit : Pour- Plus tard, s'imagine dans sa petite intelligence
374 TRADUCTION FRANÇAISE DE SAINT JEAN CFfRYSOSTOME.

qu'il verra tout s'accomplir ici-bas, nous lui qui résume tout ,
pourquoi l'antechrist s'a-
(lironsque notre vraie vie, que l'état où nous vance, lui dont le tel pour trom-
pouvoir est
resterons à jamais, nous est réservé dans l'ave- per, que, dit le Sauveur, il irait jusqu'à sé-
nir. Nous ne sommes ici que sur une route, là duire, s'il était possible, les justes eux-mêmes.
nous serons dans la patrie ici tout passe ; (Matth. XXIV, 24.) Maisil ne faut pas se poser

comme les fleurs du printemps, là tout subsis- ces en toutes choses rappiortons-
questions ;

tera comme le roc, là sont les couronnes et les nous-en à la sagesse incompréhensible de
récompenses qui ne périssent pas, là sont les Dieu. Car, quand mille vagues, mille tempêtes
prix destinés aux vainqueurs, là sont les peines l'assailleraient, celui qui se tient ferme p'ein
et les châtiments intolérables qui attendent d'une mâle assurance, non-seulement ne sera
ceux qui se seront couverts d'une telle ini- pas atteint, mais même de>iendra plus fort,
quité. iMais enfin, me dira-t-on, pourquoi ne tandis que Thomme faible et sans consistance,

pas voir aussi ceux qui ont été scandalisés ? Et qui n'a qu'une mollesse négligente tombe sou-
moi, je te demande pourquoi, ne parlant pas vent, même sans être poussé par personne. Si
de ceux qui ont brillé d'un plus grand éclat, pourtant lu veux une explication, écoute celle
tu choisis, pour les mettre en avant, ceux qui que nous connaissons. Il en est assurément
d'abord se sont couverts du masque de la piété, bien d'autres qui sont connues de Celui dont
mais qui sont maintenant démasqués? Ne sais- la providence nous gouverne par des voies si

tu pas que le téu purifie l'or et montre le vil différentes et sipour celle que nous
variées :

plomb dans tonte sa laideur? Ne distingues-tu connaissons, la voici. Le scandale, disons-


pas la paille du froment, les loups des agneaux, nous, est permis pour que les récompenses ré-
les hypocrites de ceux qui ont montré dans servées aux âmes fortes et vertueuses ne per-
leur \ie une piété sincère ? Lors donc que tu dent rien de leur éclat c'est ce que nous :

verras le scandale dans ceux-là, songe à la enseigne Dieu lui-même lorsque, parlant à
gloire dont brillent ceux-ci. Oui, il en est qui Job, il lui dit Si je fai répondu, crois-tu que
:

ont trébuché, mais il en est bien plus qui sont ce soit pour autre chose que pour faire briller
restés fermes, qui se sont préparé de grandes ta vertu ? (Job, xl, 3.) Paul dit également // :

récompenses , et n'ont cédé ni à la puissance faut qu'il y ait même des liérésies afin quon
des méchants qui leur dressaient des pièges, ni découvre par là ceux d'entre vous qui ont une
à la difficulté des temps. Que ceux qui ont été vertu éprouvée. (1 Cor. xi, 19.) Lorsque tu l'en-
scandalisés se l'imputent à eux-mêmes, puis- tends dire :// faut quil y ait des hérésies, ne

que arrachés du milieu des prê-


trois enfants crois pas que l'Apôtre parle ainsi pour nous
tres, éloignés du temi)le et de l'autel, vivant au engager à être héréticjues, loin de toi cette
milieu d'un p;i\s barbare où aucune pratique pensée mais il annonce ce qui doit arriver et
;

de la loi n'était observée, ont pourtant observé il prédit l'avantage qu'en retirent les fidèles at-
avtc une scrupuleuse exactitude toutes les tentifs et vigilants : car, dit-il, c'est alors que
prcsciij)tions de cette loi. Il en est de même de votre vertu paraîtra dans tout son éclat à vous
Daniel et de mille autres mais tandis que les: qui ne vous serez pas laissé tromper. Outre
uns, mènie réduits en escla\uge, ont |)reservé cette considération, Dieu a encore permis pour
leur de toute atteinte, il en est d'autres
foi un autre motif y eût des méchants
([u'il c'est :

qui, restant chez eux et jouissant de tous les pour (ju'ils ne fussent pas privés des avantages
avantages de la patrie, se sont heurtés sont , qu'ils retirent de leur conversion c'est ainsi ,

tombés et ont été condamnés. qu'ont été sauvés l'apôtre Paul, le bon larron,
12. Si lu cherches à savoir pourquoi le scan- la fennne de mauvaise vie, le publicain et
dale est permis, si, ne l'inclinant pas devant nulle autres. Si avant leur conversion ils
, ,

les raisons cachées des conseils de Dieu , lu avaient été enlevés de


aucun ce monde ,

t'efl'orces de satisfaire sur tous les points ton d'eux n'eût été sauvé. Quant à la venue
inquiète curiosité, de questions en questions de lanlechrisl Paul en donne encore une
,

combien d'autres ne vas-tu pas te


difficultés autre raison, quelle est -elle? c'est que les
proposer? Tu voudras savoir pourquoi Dieu a Juifs n'auront ainsi à se couvrir d'aucune
laissé les hérésies se produire, le diable et les défense. De quel pardon en effet, pourraient-
démons nous tenter , les méchants entraîner ils être dignes, eux qui n'ont pas reyu le

dans leur chute beaucoup d'entre nous, et, ce Chiist, eu qui ils devaient croire? C'est pour-
Dîsrouns contre ceux on se scandalisent. 37»

quoi l'Apôtre dit Dô. la sorte seront con-


: de prodiges, le dû enseigner aux
Christ a
damyiés tous ceux qui n'ont point cru à la vé- hommes 1 Abraham en beaucoup deavait,
rité, c'est-à-dire au Christ, jnnis rpii ont estimé siècles avant, donné l'exemple il a montré ;

l'injustice (H Thess. H), c'est-à-dire Van-


ii, une charité ardente et sincère, a méprisé les
techrist. Ils prétendaient en etîet qu'ils ne richesses,il a été |)lein de sollicitude pour tous

croyaient pas en lui parce qu'il se proclamait ceux qui lui étaient unis par le sang, il a foulé
Pieu. Nous te lapidons, disent-ils, parce qn'é- aux pieds tout faste, il a rejeté loin de lui toute
tant homme, tu te fais Bien. (Jean, x, 33.) Pour- mollesse et tout relâchement, et il a vécu avec
tant ils l'avaient entendu attribuer une grande plus d'austérité que les moines qui habitent
puissance au Père, il leur avait annoncé (|n'il maintenant sur le sommet des montagnes. Kn
venait avec la permission de son Père, et il en elfet, il n'avait pas de maison, et c'était un toit
avait donné beaucoup de preuves. Comment de feuillage qui abritait et couvrait la tête de
donc s'excuseront-ils, lorsqu'ils auront accueilli ce juste; étranger dans la terre qu'il habitait,
Tantechrist, qui, lui aussi se dira Dieu, mais il n'en avait pas moins de zèle à accorder l'hos-

qui, bien loin de parler du Père, n'en fera pas pitalité, et tout étranger qu'il était sur cette
même mention. Aussi, le Christ au milieu des terre étrangère, il s'employait chaque jour à
reproches qu'il leur adresse, leur fait-il cette recevoir et à soigner tous ceux qui pouvaient
prédiction Je suis venu au nom de mon Père,
: voyager à l'heure du midi, il les servait de ses
etvous ne me recevez pas; si un autj'e vient en propres mains, et se faisait aider par sa femme
son propre nom, vous le recevrez (.îean, v, 43) ;
dans cette noble occupation. Que n'a-t-il pas
voilà pourquoi le scandale est permis. Que si fait pour son neveu, bien que celui-ci se fût

tu mets en avant ceux qui ont été scandalisés, mal comporté envers lui et qu'il eût voulu
je t'opposerai ceux qui ont brillé d'une plus prendre la plus belle part dans le partage, et
grande gloire, et je te dirai qu'il
fallait pas ne cela après que l'élection du Seigneur avait
qu'à cause de la négligence et de la paresse de choisi Abraham! N'a-t-il pas versé le sang?
ceux qui ne peuvent pas êtn; attentifs et vigi- n'a-t-il pas armé tous ses serviteurs? ne s'est-il

lants, et gagner ainsi d'innombrables couron- pas jeté dans un danger manifeste? au temps
nes , récompenses réservées aux justes,
les où il lui fut ordonné de quitter son pays et
perdissent de leur éclat. Supprimez en effet d'aller dans une autre contrée, n'a-t-il pas obéi
ces occasions de combattre et de vaincre et , sur l'heure? n'a-t-il pas abandonné sa patrie,
vous faites tort aux justes donnez-les, et si les
;
ses amis, ses proches^ tous ceux qu'il connais-
faibles ne s'en tirent pas sans blessure ils ne ,
sait? par soumission au commandement du
peuvent du moins en accuser qu'eux-mêmes : Seigneur n'a-t-il pas délaissé des biens assurés?
pour les convaincre de leur faute et la leur ne les a-t-il pas sacrifiés dans sa pensée à des
reprocher, ils ont ^exemple de ceux, qui non- biens incertains, tant il croyait aux promesses
seulement n'ont pas été scandalisés, mais qui de Dieu, tant il avait toute la foi qui nous est
même sont sortis de la lutte plus glorieux et prescrite Après tout cela, comme la disette le
!

plus forts. faisait souffrir de la faim et qu'il avait dû ,

43. Dis-moi, je t'en prie, de quels prêtres changer de pays une seconde fois, loin de se
Abraham a-t-il eu le secours? de quels docteurs troubler et de s'effrayer, n'a-t-il pas montré la
pouvait-il consulter les lumières? par (jui a-t-il même obéissance, la même sagesse, la même
été catéchisé, exhorté, conseillé? Il n'y avait constance? n'est-il pas allé en Egypte, et, docile
pas alors d'Ecriture, de loi, de prophètes, ni à la voixde Dieu qui le lui ordonnait, ne s'est-
rien de semblable; il naviguait sur une mer il pas séparé de son épouse? n'a-t-il pas vu
qui n'avait pas encore été ouverte, il marchait l'Egyptien la souiller autant qu'il a été en son
dans une voie qui n'avait pas été frayée, bien pouvoir? n'a-t-il pas été frappé à l'endroit le

plus, il était né d'une famille et d'un père im- plus sensible d'un coup plus terrible que la
pies. Malgré tant de désavantages qu'il avait mort? Car, dis-moi, y a-t-il rien de plus aiïreux
sur nous, il n'a pas chancelé. Voyez au con- que de voir, après toute une vie de vertu, une
trairede quel éclat a brillé sa vertu ce qu'a- î femme uni par les liens du
à laquelle on est

près un si long temps, après les prophètes, mariage, livrée en pâture aux désirs effrénés
après la loi, ce qu'après une si longue instruc- d'un barbare, conduite dans le palais du roi,

tion, confirmée par tant de preuves, par tant enfin déshonorée? Il est vrai que l'outrage n'a
376 ThADUCTION FRANÇAISE DE SAINT JE^VN CHRYSOSTOME.

pas été jusqu'au fait même, mais Abraham celle du salut de sa famille, il se montra cepen-
s'attendait à le voir consomme, il n'en suppor- dant coupable envers lui, se moqua de sa
tait pas moins avec courage toutes les épreuves ;
nudité, et lu livra à la risée. (Gen. ix, 2-2.) Ne
ni le malheur ne pouvait l'abattre, ni la bonne vois-tu pas qu'on a toujours besoin d'avoir une
fortune le gonfler d'orgueil, mais il conservait ame forte et généreuse?
en toutes circonstances une admirable égalité Mais parlons de Job. Dis-moi, quels prophètes
d'âme. Ce n'est pas tout , lorsqu'il lui lut avait-ilentendus? quel enseignement avait-il
annoncé qu'il aurait un fils, son esprit ne lui reçu? aucun. Cependant, quoique privé de ces
montrait-il pas mille obstacles qui s'y oppo- secours, il s'est montré d'une scru|mleuse exac-
saient? Mais n'a-t-il pas apaisé ses raisonne- titude dans l'observation de tous les devoirs. Il

ments, calmé leur tumulte, cl brillé ainsi de a |)artagé avec les pauvres tous ses biens, il a
tout l'éclat de la foi? Lorsqu'ensuite il reçut fait plus; il a mis son corp;. a leur service, car

l'ordre d'offrir son fils eu holocauste, n'a-t-il il recevait les voyageurs, et sa maison leur
pas mis à le mener au sacrifice tout l'empres- appartenait plus qu'au possesseur lui-même. Il

sement qu'il aurait mis à le marier, à le con- employait vigueur de son corps à défendre
la

duire au lit nuptial? n'a-t-il pas pour ainsi dire les opprimés par la sagesse et la modération de
,

dépouillé sa nature et cessé d'être homme? n'a- sa parole, il réduisait au silence les calomnia-

t-il pas offert au Seigneur un sacrifice nouveau teurs; enfin, il faisait briller dans toutes ses
et extraordinaire? n'a-t-il pas, à lui seul, sup- actions une conduite vraiment évangélique.
porté tout le poids de la lutte, saus vouloir En effet, le Christ dit : Bicnhetireiu: les pauvres
appeler à son aide sa femme, son esclave ou desprit (Matth. v, 3]! et c'est ce dont Job a
tout autre? Il savait, oui, il savait clairement montré la vérité par tout ce qu'il a fait. Si
combien était profond le préci()ice qui s'ouvrait j'avais dédaigné, dit-il, de faire droit à mon
sous ses pieds, combien lourd le fardeau qui serviteur et à ma servaîite, quand ils ont con-
lui était imposé, combien terrible le combat testéavec moi, qu'eussé-je fait, quand le Dieu
qu'il allait soutenir, et c'est parce qu'il le savait fort se serait levé? et quand il m'aurait de-
qu'il a voulu parcourir seul toute la carrière, mandé compte, que lui auraiS'je répondu?
qu'il l'a parcourue, qu'il a combattu, qu'il a Celui qui m'a créé dans de ma mère, le sein

remporté la couronne, qu'il a été proclamé pas fait aussi celui qui me sert? Aous
n'' a-t-il

vainqueur. Quel prêtre lui a enseigné cette avons été formés de même dans le sein mater-
foi? quel docteur? quel prophète? aucun ;
nel. (Job, XXXI, 13-15.) Hienhcureux ceux qui

mais, comme il avait une àme forte, il s'est sont doux, parce qu'ils posséderont la teire!
suffi à lui-même en toute occasion. (Matth. V, 4.) Qui a donc été plus doux que
Qnc dire de Noé? quel prêtre, quel docteur, celui dont ses serviteurs disaient Qui nous :

quel maître l'a instruit? N'a-l-il pas, par ses donnera de sa chair? u'jus n'en saurions être
peules forces, alors que tout l'univers était rassasiés (Job, xxxi, 31), tant ils avaient pour

rempli de crimes, suivi une voie tout opposée à lui un ardent amour ! Bienheureux ceux qui
celle qu'il voyait suivre? n'a-l-il pas cultivé la pleurent, parce quih seront consolcsl (Mail!).
vertu? n'a-t-il pas brillé d'un tel éclat au mi- v, ^.) Ce mérite ne lui a pas manqué plus que
lieu des hommes, (pi'il a pu sortir lui-môme les autres. Ecoute-le en otTet :Quand j'ai péché
sain et sauf de la ruine commune do toute la volojitairement, ai-ie redouté la foule du peuple

terre, et, par sasublime vertu, arracher beau- pour ne pas raconter mon iniquité? iJob .

coup d'autres que lui aux dangers qui les me- XXXI, 33-34.) Un homme ainsi disposé devait
naçaient? De qui a-t-il appris à être juste, à évidemment verser une grande abondance de
être parfait ? Do quel prêtre, de quoi docteur larmes. Bienheureux ceux qui sont a/fumés et
a-t-il reçu ronsoignoniont? D'aucun que tu altérés de la ju^ticc\ (Matth. v, G.) Tu vois que
puisses citer. Voyez au contraire son filsl bien cette parole s'est admirablemenJ vérifiée en lui.
qu'il ait ou sous les yeux, pour l'instruiro sans .Vai brisé, dit-il, les mâchoires de l'injuste, et

cesse, la verhi d'un tel père, bien qu'il ait je lui ni arraché la proie d'entre les dents.
entendu les leçons (juc Noé lui donnait par ses (Job, XXIX. 17.) Je m'étais revêtu de la justice;
actions comme par se? paroles, bien qu'il eu ait mon équité était comme un manteau rpii me
pour l'exhorter la voix puissante des événe- servait de vcfemenf. (Ibid. 14.) Bienheureux
ments, celle do la porto du genre humain, ceux qui sont miséricordieux ,
parce qu'ils
DISCOURS CONTRE CEUX QUI SE SCANDALISENT. 377

obtiendront eux-mhnes miséricorde! (Mattli. Dieu avait déjà suspendu sur leurs tctos, et ne
V, 7.) Or, Job a miséricordieux non- été leur fit aucun n-proche pour les injures qu'ils
seulement en donnant son bien, en couvrant lui avaient adressées. Car là il a suivi ce pré-

les nus, en nourrissant le? afTamés, en se- cepte Aimez vos ennemis, priez pour ceux
:

courant les veuves, en défendant les orphe- qui vous persécutent. Matth. v, 4i..) Il les a ai-
(

lins,en portant remède aux blessés, mais aussi més en eflét, il a prié pour eux, il a apaisé la
en compatissant dans son àme à toutes les souf- colère de Dieu, et il a racheté leurs fautes. Ce-
frances. Car, dit-il, j'ai pleuré sur toutes les pendant ni prophètes, ni évangélistes, ni prê-
infirmités, et f ai gémi chaque fois que f ai vu tres, personne enfin ne l'avait
ni docteurs,
un lummie dujis la nécessité. (Job, xxx, 25.) En exhorté à la vertu. Vois-tu de quel prix est une
effet, comme s'il avait été le père de tous les àme généreuse, et combien elle se suffit à
infortunés, il venait en aide au malheur des elle-même dans la pratique du bien même ,

uns, il pleurait sur le malheur des autres, et lorsque personne ne lui donne ses soins? Bien
se montrait miséricordieux en paroles et en plus, il avait eu pour ancêtres des hommes sans
compassion et par ses larmes il
actes, par sa ; piété et souillés de tous les crimes. Paul, par-
employait tous les moyens pour relev(!r ceux lant de son ancêtre Esaû, s'exprime ainsi :

qui étaient accablés de maux et il était pour Qu'il n'y ait pas de fornicateur et de profane
tous les faibles comme un port hospitalier. comme E^aù, qui vendit son droit d'aînesse
Bienheureux ceux qui ont le cœur pw\ car ils pour u)i seid mets. (Hébr. xii, 16.)

verront Dieu\ (Matth. v, 8.) Cela s'est encore 14. Maintenant, dis-moi, n'y a-t-il pas eu du
vérifié en lui avec éclat. Ecoute en effet le té- temps même des apôtres mille scandales comme
moignage que lui rend le Seigneur Il n'a point : ceux dont tu te plains? Ecoute donc les pa-
défjal sur la terre cet homme intègre et droit, roles de l'apôtre Paul Tti sais que tous ceux
:

qui craint Dieu et se détourne du mal. (Job, qui sont d'Asie m'ont abandonné du nombre ,

xviii.) desquels so?it Phygelle et Hertnogène. II Tim. (

Bienheureux ceux qui souffrent persécution !, 15.) Les docteurs ne vivaient-ils pas en pri-

pour la justice, car le royaume des deux est à son? n'étaient-ils pas chargés de fers? ne souf-
eux Matth. v, 40.
I ( C'est ainsi qu'il a triom-
) fraient-ils pas les derniers maux de la part et

phé dans beaucoup de combats et remporté un de leurs concitoyens et des étrangers? Est-ce
grand nombre de couronnes. Ce n'étaient pas qu'après eux et pour les remplacer, des loups
leshommes qui le tourmentaient, c'est le dé- dévorants ne sont pas entrés dans les berge-
mon, ce principe de tous les maux, qui, après ries? est-ce que Paul ne prédisait pas toutes ces
avoir fait avancer toutes les machines de souffrances aux pasteurs d'Ephèse qu'il avait
guerre, l'assaillit, le chassa de sa demeure et fait venir à Milet? Je sais, dit-il, qu'après
de sa patrie, le jeta sur le fumier, lui enleva mon déport il entrera parmi vous des loups
toutes ses richesses, tous ses enfants, la santé ravissants qui n'épargneront point le troti-
même, et le tortura par les douleurs de la pcau, et que d'entre vous-mêmes il se lèvera
faim. Ensuite plusieurs de ses amis lui prodi- des hommes qui annonceront des choses perni-
guèrent l'insulte et rouvrirent toutes les bles- cieuses afin d'attirer les disciples après eux.
sures de son àme. Vous serez heureux lorsqu'à (Act. XX, 29, 30.) Est-ce qu'Alexandre, l'ouvrier
cause de moi on vous dira des injures, quon en cuivre, ne lui a pas fait souffrir mille njaux,

vous persécutera et qu'on dira faussement con- le poursuivant partout, l'attaquant, le combat-
tre vous toute sorte de mal. Béjouissez-vous tant, le réduisant à une telle extrémité, qu'il
alors et tressaillez de joie, parce que votre ré- en avertit son disciple Timothée, et lui dit :

compense sera grande dans les deux. (iMatth. v, Garde-toi aussi de lui, car il a fort résisté à
M, 12.) Cette béatitude, il l'a encore obtenue, nos paroles. (II Tim. iv, 15.) Est-ce que toute
et avec quelle plénitude! Eneflet, ceux qui lanation des Calâtes, corrompue par quelques
se trouvaient auprès de lui le déchiraient dans faux frères, ne s'est pas portée au judaïsme?
leurs paroles; ils prétendaient que son châti- (Gai. H, 4.) Au commencement même de la

ment n'était pas assez grand pour ses fautes, prédication de l'Evangile, voyez Etienne, cet
ils l'accablaient d'interminables accusations et homme dont la parole avait plus d'impétuosité
ourdissaient contre lui le mensonge et la ca- que les fleuves, qui imposait silence à tous, qui
lomnie. Job les arracha pourtant au péril que fermait la bouche impudente des Juifs, qui ne
378 TRADUCTION FRANÇAISE DE SAINT JEAN CHRYSOSTOME.

trouvait personne qui lui pût résister, qui por- qui ont été scandalisés par la croix même de
tait le trouble dans tout le judaïsme ,
qui a notre Maître commun, qui sont devenus plus
remporté un insigne trophée et une victoire méchants et plus audacieux, et qui, passant près

éclatante, et qui, si fort, si sage, si rempli de du Sauveur, l'ont tourné en plaisanterie par c( ?

la grâce, a rendu tant de services à l'Eglise. paroles : Celui qui détimit le temple de Dieu et

Avant d'avoir pu prêcher longtemps n'a-t-il , le rebâtit en trois jours, ne peut se sauver lui-
pas été tout à coup saisi, condamné comme même! Si tu es Fils de Dieu, descendsde la croix,
blasphémateur et lapidé? Et Jacques? n'a-t-il et nous croirons en toi. (Matth. xxvn, 40.) Ce-
pas été, lui aussi, arraché dès son début à la pendant ils ne sauraient s'excuser en alléguant
carrière dans laquelle il commençait, pour le scandale de la croix, car l'exemple du bon

ainsi dire, à prendre sa course? Hérode, pour larron accuse tous ceux qui se sont rendus
faire plaisir aux Juifs, ne l'a-t-il pas livré au coupables de ce crime. Celui-ci en effet a vu
bourreau lui, cette colonne, ce support de la
,
Jésus crucifié, et non-seulement il n'en a pas
vérité? (Act. xii, 2.) Combien d'hommes alors été scandalisé mais même il en a tiré une
,

n'ont pas été scandalisés à la vue de ces évé- grande occasion de faire preuve de sagesse, et,
nements! Mais ceux qui sont restés debout ont s'élevant au-dessus de toutes les choses de ce
vu leur vigueur s'accroître. Ecoute en effet ce monde, soulevé par les ailes de la foi, il a
que dit saint Paul dans son épître aux Philip- tourné toute sa pensée vers la vie future.
piens Je veux vous faire savoir^ mes frères,
: Voyant le Juste attaché à la croix, frappé de
que ce qui m'est arrivé^ loin de nuire au pro- verges, accablé d'outrages, abreuvé de fiel,
grès de l'Evangile, lui a plutôt servi, eyi sorte couvert de crachats, tourné en dérision par
que plusieurs de nos frères en Jésus-Christ, toute une multitude, condamné par le juge,
encouragés par mes liens, ont conçu une har- entraîné à la mort, il ne s'est scandalisé d'au-
diesse nouvelle pour annoncer sans crainte la cune de ces ignominies; au contraire, lors-
parole de Dieu. (Phil. i, d2-l'4.) Vois-tu cette qu'il eut contemplé le bois du supplice et les
force, cette confiance, cette fermeté d'âme, ce clous qui y étaient fichés, lorsqu'il eut entendu
dessein plein de sagesse ? Ils voyaient le maître les insultes si outrageantes qu'adressait au
emprisonné, chargé de chaînes, torturé, frappé, Christ un peuple dépravé, il entra dans la bonne
accablé de mille maux, et non-seulement ils ne voie et dit à Jésus Souviens-toi de moi dans ton
:

se scandalisaient pas, mais ils ne se troublaient royaume ! (Luc, xxm, 42.) Il fermait donc la
même pas; au contraire, ils prenaient plus bouche aux accusateurs, il confessait ses iniqui-
d'assurance, et les souffrances du maître leur tés, il méditait sur la résurrection, et cela sans
inspiraient plus d'ardeur pour affronter les avoir vu ni les morts rendus k la vie, ni les lé-
combats. M^ m'objectes-tu, d'autres sont
'.
preux guéris , ni la mer apaisée, ni les démons
tombés? Je nv le nie pas, car il est naturel qu'à chassés, ni les pains multipliés, ni tous ces au-
la vue de ce malheurs beaucoup d'esprits tres prodiges que le peuple juif avait eus sous
aient été abat Us ; mais, ce que j'ai déjcà dit les yeux, et qui ne l'avaient pourtant pas em-
souvent, et ce i/ue je ne cesserai jamais de ré- pêché de crucifier le Christ! Ainsi le l>on lar-
péter, je le redis encore : Ces hommes doivent ron le vit attaché à l'instrument du supplice
imputer leur chute à eux-mêmes et non à la et lereconnut Dieu, parla de son royaume, et
nature des choses. En clTet, le Christ en qnit- médita sur la vie future eux, au contraire ;

tint la lerro nous a laissé cet héritage de souf- après l'avoir vu accomi^lir ses miracles, après
frances lorsqu'il a dit : Vous aurez à souffrir avoir reçu l'enseignemont cju'il leur donnait

bien des afflictions dans le monde. (Jean, xvi, par ses paroles et par ses actions, non-seule-
33.) ¥j\ ailleurs : Vous serez iiiencs devant les ment n'ont recueilli dt- là aucun fruit, mais
gouverneurs et devant les rois. (Matth. x, t8.) mémo l'ont doué à la croix et se sont précipites
Ailleurs encore : // viendra un toiips oit qui- dans l'abîme le plus profond de la misère et
C07iquc vous fera mourir croira faire imc œu- do la ruine. Vois-tu conunont les méchants et
vre agréable à Dieu. (Jean, xvi, 2.) C'est donc- les lâches ne retirent aucune utiht»' des
en vain que tu mets en avant ceux (|ui oui été plus grands secours, et comment les bons et
scandalisés, car ces choses sont de tous les temps. les vigilants font tourner à leur plus grand
Mais qu'ai-je besoin de parler des soutl'rances profit ce qui est pour les autres une occision
des apôtres? Combien n'y a-t-il pas d'hommes de scandale ?
DISCOURS CONTRE CEUX QUI SE SCANDALISENT, 379

une nouvelle confirmation


Cette vérité reçoit plus précieux des biens, la croix n'a-t-ellc pas
de la conduite opposée de Judas et de Job; car été pour beaucoup un scandale? Est-ce que
Judas n'a pu être sauvé même par le Christ, qui Paul ne répète pas continuellement, sans au-
était venu pour racheter le monde, et Job n'a cune hontcî Pour nous, nous prêchons le Christ
:

pu èlre blessé même par le démon, qui a causé crxicifié, qui est un scandale aux Juifs et une

la perte de tant d'hommes. Job, bien qu'il ait folie aux Grecs. (I Cor. i, 23.) Mais quoi donc!
eu à souffrir mille maux, a ga^né la couronne; dis- moi : fallait-il que la croix ne parût pas;
Judas, après avoir vu des miracles^ après en que ce redoutable sacrifice n'eût pas lieu, que
avoir fait lui-même, après avoir ranimé les tant de grandes choses ne se fussent pas ac-
cadavres et chassé les démons (car il avait ce complies, parce ([ue de là naîtrait une occasion
pouvoir comme les autres apôtres), après avoir de scandale pour beaucoup, dans le présent,
entendu Jésus parler tant de fois de son dans l'avenir, dans tous les temps? Quel est
royaume et de son Père, après avoir participé l'homme assez insensé, assez égaré, qui l'osera
à la sainte Cène, après avoir été admis à ce soutenir? De même donc que, pour cette épo-
terrible repas, après avoir reçu du Maître une que, ne faut pas tenir compte de ceux qui
il

aussi grande part de bienveillance et de solli- ont été scandalisés, quel que soit leur nombre,
citude que Pierre, Jacques et Jean... que dis-je? mais de ceux qui ont été sauvés, qui ont été
une bien plus grande part encore, puisque, vertueux, et qui ont recueilli le fruit d'une
outre les soins et les égards que le Christ lui telle sagesse (qu'on ne nous dise pas, en effet,

prodiguait, il lui avait confié la garde du trésor qu'on peut leur opposer ceux qui ont été scan-
des pauvres; Judas, dis-je, après tant de bien- dalises, puisque, s'ils l'ont été, ils doivent se
faits, s'abandonna à sa fureur, laissa, par ava- l'imputer à eux-mênies) : ainsi devons-nous
rice, le démon entrer dans son cœur, de\int faire également pour le temps présent. Le
traîtredans son âme, et, consommant le plus scandale, en effet, nous vient non de la croix,

grand des forfaits, vendit trente deniers un mais de la démence de ceux qui se scandalisent.
sang si précieux et livra son Maître par un C'est pourquoi Paul ajoute Mais pour ceux :

baiser perfide. Que d'hommes, penses-lu, n'ont qui sont appelés^ tant Juifs que Grecs, le Christ
pas été scandalisés par cette trahison d'un est la puissance de Dieu et la sagesse de Dieu.

disciple 1 De môme, lorsque l'habitant du dé- (Ibid. 2i.) Le soleil lui-même ne blesse-t-il pas

sert, le fruit d'une source stérile,le fils de les yeux débiles? Mais quoi! fallait-il, pour
Zac'iarie, celui qui a été jugé digne de donner cela, que le soleil ne fût pas créé? Le miel ne

le baptême à une tête si sainte et si redoutable paraît-il pas amer aux malades? Fallait-il donc,

et d'être le précurseur de son Maître; lors, pour cela, nous en priver? Les apôtres eux-
dis-je, que Jean fut décapité et que sa tète fut mêmes n'ont-ils pas été pour les uns une odeur
le prix dont une femme impudique fit payer sa mortelle qui leur a donné la mort, et pour les
danse, que d'hommes alors, penses-tu, n'ont autres une odeur vivifiante qui leur a donné
pas été scandalisés! Et pourquoi dire Alors? : la vie? (Il Cor. ii, 16.) Parce qu'il en est qui
Est-ce qu'aujourd'hui encore, après tant de sont morts, fallait-il donc que les vivants fus-
temps écoulé, il n'y a pas des hommes que le sent privés des soins de tels docteurs? La venue
récit de ces faits scandalise? Mais, ai-je besoin même du Christ, le salut, la source des biens,
de parler de Jean, de sa prison, de son sup- la vie, leprincipe de mille admirables bien-
plice? ai-je besoin de m'arrêter sur les servi- faits, pour combien d'hommes n'a-t-elle pas
teurs, quand il faut encore revenir au Maître été un fardeau? à combien n'a-t-elle pas enlevé
lui-même? toute excuse et tout pardon? N'entends-tu pas
lo. La croix de Jésus, qui a relevé le monde ce que le Christ dit des Juifs Si je n'étais pas :

tout entier, détruit Terreur, mis le ciel sur la venu et que je ne leur eusse pas parlé, ils n'au-
terre, coupé les nerfs de la mort, rendu l'enfer raient point de péché; mais maintenant ils
inutile, renversé la citadelle de Satan, fermé n ont point d'excuse de leur péché. (Jean, xv,

la bouche des démons, donné aux hommes la 22.) Quoi donc! parce que la venue du Christ
beauté des anges, ruiné les autels et abattu les a rendu leurs crimes sans excuse, fallait-il qu'à
temples des faux dieux, soufflé par toute la cause de ceux qui ont mal usé d'un si grand
terre un esprit nouveau et inconnu, accordé à bien, elle n'eût pas lieu? Qui l'oserait dire?
tous des biens infinis, les plus grands et les Personne assurément, non, personne, même
380 TRADUCTION FRANÇAISE DE SAINT JE.\N CHRYSOSTO^IE.

parmi ceux qui ont perdu le jugement. De de son propre fils? Dans ces malheurs extrê-
même, dis- moi pour quelle multitude les
:
mes, n'a-t-il pas brillé d'un plus grand éclat
Ecritures n'ont-ellts pas été une pierre d'a- qu'au sein de la bonne fortune? Quel sort à
choppement? Combien d'hérésies n'ont pas, saint Jean, lorsqu'il fut jeté dans la mer? Q.id

p:r;iceà elles, trouvé l'occasion de se produire? sort aux apôtres, lorsqu'ils ont été, ceux-ci
Fallait-il que, pour ceux qui ont été scanda- précipités dans les flots, ceux-là livrés à d'autres

lisés, les livres saints fussent détruits ou n'eus- supplices? Quel sort aux martyrs, lorsqu'ils

sent point paru dès le principe? Non, certes; ont rendu l'àme au milieu des tourments? Si

il fallait, au contraire, qu'ils fussent


donnés tous ces justes ont jamais jeté un grand éclat,

pour ceux qui on devaient faire leur profit. n'était-ce pas surtout lorsqu'ils étaient calom-
Que ceux-là, en effet (car je ne cesserai pas de niés, lorsqu'ils étaient environnés de pièges,
répéter les mêmes choses), que ceux-là s'im- lorsqu'ils supportaient courageusement toutes
putent à eux-mêmes leur scandale; mais, pour les souffrances sans faiblir?
ceux qui devai nt recueillir de là les plus 17. Tout en glorifiant notre Maître commun

beaux fruits, c'eût été un grand tort qui leur pour tous ses autres bienfait?, ne le glorifie-
eût été fait, si, à cause de la démence et de rons-nous pas, ne le cclébrerons-uous pas, ne
l'assoupissement des autres, eux, qui devaient l'admirerons-nous pas surtout pour sa croix et
trouver dans ces biens de grands avantages, pour la mort ignominieuse qu'il a subie? D'un
avaient été privés de tels bienfaits. Ne me parle bout à l'autre de ses écrits, saint Paul ne nous
donc pas de ceux qui se sont perdus; car, ainsi donne-t-il pas, pour preuve de l'amour que
que je l'ai dit ailleurs, aucun de ceux qui ne Dieu nous porte, cette mort qu'il a acceptée
se font pas de mal à eux-mêmes ne reçoit ja- pour des hommes si criminels? Il passe sous
mais des autres aucun mal, quand même il silence , le ciel, la terre, la mer et toutes les

courrait risque de la vie. autres choses que le Christ a faites pour notre
t6. Quel sort a-t-il été fait au juste Abel, utilité et notre soulagement , et d'un bout
dis-moi, lorsque, tué par la main de son frère, à l'autre il nous présente sa croix. Dieu a
il fut frappé d'une mort violente et préma- fdlt éclater son amour envers nous, en ce que
turée? N'y a-t-il pas gagné bien plutôt? n'a-t-il Jésus-Chrht, lorsque nous étions encore pé-
pas ainsi obtenu une couronne plus brillante? cheurs, est mort pour Jious. (Rom. v, 8-9.]
Quel sort à Jacob lorsque son frère lui fit en-
, Ensuite nous inspire les plus belles espéran-
il

durer tant de misères, et que, expatrié, fugitif, ces par ces paroles Car si, lorsque nous étions
:

étranger, esclave, il fut réduit à la faim la plus eniienu's de Dieu, nous avons été réconciliés
cruelle? Quel sort, à Joseph, lorsqu'il fut éga- avec lui par la mort de son Fils, combien plus;
lement sans pays, sans patrie, et que, courbé étant déjà réconciliés, tie serons-nous pas sauvés
sous le joug d'un maître, il fut chargé de par sa vie ? N'est-ce pas ce qui rend l'Apôtre
chaînes, courut risque de subir les derniers si glorieux et si fier? n'est-ce pas pour cela

supplices, et supporta soit dans son pays, soit qu'il tressaille et bondit d'allégresse ? Ecoulez
en Egypte, de si odieuses calomnies? Quel sort ce qu'il écrit aux Galates : Dieu me garde de
à Moïse, lorsqu'il fut mille fois lapidé par un me glorifier en autre chose qu'en la croix de
peuple si nombreux, et qu'il vit ceux qu'il Notrc-Scigneur Jcsus-Christ. (Gai. vu, 14.)
avait comblés de bienfaits lui dresser des em- Pourquoi t'étonner que Paul bondisse et tres-
bûches? Quel sort aux prophètes, lorsque les saille de joie, et (ju'il se glorifie? Ne sais-tu
Juif-î les accablèrent de tant de maux? Quel pas que celui même, qui a soufTert ces maux,
sort à Job, lorsque le démon l'attaqua avec dit de sa croix que c'est une gloire. Mon
toutes ses machines de guerre? Quel sort aux Père, s'écrie-t-il, Voici l'heure: glorifie ton
trois enfants? Quel sort à Daniel, lorsqu'il fut fils. (Jean, xvii, 1.) L'apôtre qui a rapporté
menacé de perdre la vie, la liberté, et de souf- ces paroles, disait Le Saint-Esprit n avait
:

frir les plus cruels tourments? Quel sort à Elie, pas encore été donné, parce que Jésus n'é-
lorsque, pressé par la pauvreté la plus hor- tait pas encore glorifié. (Jean, vu, 39.) Par
rible, il fut chassé de sa maison, et que, fugitif, ces mots il appelait la croix une gloire. Aussi,

il habita les déserts, toujours errant dans des lorsqu'il a voulu montrer lamour que Dieu
contrées étrangères? Quel sort à David, lors- nous porte, qu"a-t-il dit? A-t-il mis en avant
qu'il eut tant à se plaindre de Saûl et ensuite des miracles, des sign-. s, des prodiges ? Nulle-
DISCOURS CONTRE CELX QUI SE SCANDALISENT. 381

ment. C'est la croix qu'il met sous nos yeux et le soin de la prouver; mais pour la croix,
il Dieu a tellement aimé le
s'exprime ainsi : c'est au milieu de au milieu d'une tète,
la ville,

monde qiiil a donné son Fils unique, afin que au milieu du peuple hébreu c'est en |»ré- ,

gtuconque croit en lui, ne périsse point, 7nais sence des juges de deux tribunaux, du tribu-
quil ait la vie éternelle. (Jean, \\\, 16.) Paul nal romain et du tribunal juif, et au moment
dit de sou côté Comment celui qui n'a point
: même où la solennité |)ascale avait rassemblé
épargné son propre fils, mais qui l'a livré toutes les tribus, c'est en plein jour, c'est sui le
pour nous tous, ne nous donnera-t-il point tliéâtre où se portait toute la terre qu'ilTa sup-
toutes choses aussi avec lui ? (Rom. viii, 32.) portée ; et, comme ceux-là seuls qui étaient
Lorsqu'il veut conduire à l'humilité, c'est présents,pouvaient voir son supplice, il or-
encore de la croix qu'il tire son exhortation, donna au soleil de se couvrir de ténèbres, pour
écoutez : S'il y a quelque consolation en Jésus- apprendre ainsi à tout l'univers ce qu'il osait
Christ, s'ilya quelque soulagement dans lacha- endurer. Cependant, je le répèle, sa mort a
y a quelqu'union dans la participation
rité, s'il été pour beaucoup une pierre d'achoppement.
duji même
esprit, s'il y a quelque tendresse et Mais il faut considérer, non ceux qu'elle a pei-
quelque compassion parmi vous, rendez ma dus, mais ceux qu'elle a sauvés, ceux qu'elle
joie parfaite vous tenant tous unis ensemble, a relevés. Pourquoi donc t'étonnes-tu , si dès
n'ayant tous qiiim même courarje, une tnêmc cette vie la croix a un tel éclat que Jésus la

âme et les mêmes ne faites rien


sentiments; et nomme une gloire, et que l'Apôtre s'en fasse
par un esprit de contestation ou de vaine un titre d'orgueil? Tu le sais: dans ce jour ter-

gloire, mais que chacun par humilité croie les rible et effroyable, où le Sauveur viendra dans
autres plus excellents rjue soi-même. (Phil. ii, toute sa gloire, où il paraîtra environné de la
1-3.) Il ajoute aussitôt après ce conseil : Ayez gloire de son Père, où le redoutable tribunal
les mêmes sentiments qu'a eus Jésus-Christ, le se dressera pour le jugement, où toute la race
quel, ayant la forme de Dieu, n'apoint cru que et humaine comparaîtra devant lui, où les flots
fût pour lui imc usurpatioyi d'être égal à Dieu; bouillonneront avec un bruit tumultueux, où
mais il s'est anéanti lui-mêjne, en prenant la les anges et les esprits célestes déploieront
forme de serviteur, en se rendant semblable du haut du ciel et rangeront autour de lui

aux hommes et en étant recoimu pour homme leurs escadrons serrés, où les mille récom-
par tout paru de lui au dehors ; il s'est
ce qui a penses de la vertu victorieuse se montreront
rabaissé lui-même en se rendant obéissant jus- aux yeux, où les uns auront la splendeur du
que' à la mon, et jusqu'à la mort de la croix. soleil, où d'autres brilleront comme des étoiles,

(Ibid. 5-8.) Ailleurs, recommandant la cha- où enfin s'avanceront les cohortes des martyrs,
rité, \oici comment Aimez- il s'exprime : les chœurs des apôtres, les légions des pro-
vous comme Jésus nous a aimés, lid qui s'est phètes et toute l'armée des hommes vertueux :

offert à Dieu pour nous comme une obla- ce jour-lcà il viendra dans sa splendeur et sa

tion et une victime d'agréable odeur. (Eph. magnificence, portant en ses mains la croix
V, 2.) Parlant de la mutuelle affection qui qui enverra de toutes parts des rayons écla-
doit unir les époux aux épouses , il dit ;
timts. Alors, dit-il en effet, le signe du Fils de
Vous, maris, aimez vos femmes comme Jésus l'homme paraîtra dans le ciel, et le soleil s'obs-
a aimé l'Eglise et s'est livré pour elle. (Ibid. curcira, et la lune ne donnera plus sa lumière,
25.) Jésus montre lui-même avec quelle ar- mais le signe de la croix paraîtra. (Mattli.

deur il souhaitait sa i<as?ion ; car lorsque le XXIV, 30.) éclat de la passion ! ô pure lu-
prince des apôtres, le fondement de l'Eglise, mière de la croix le soleil s'obscurcit, elles
1

le chorjphée du chœur des disciples, lui eut étoiles tombent comme des feuilles, mais la
dit par ignorance A Dieu ne plaise, Seigneur,
: croix brille plus éclatante que tous ces astres

cela né vous arrivera point (Matlh. xvi, 22-23), et remplit de ses rayons tout le ciel! Vois-tu

écoute quel nom il lui donna Retire-toi de : comme le Seigneur en est fier ! Vois-tu com-
moi, Satan, tu m'es un scandale. Par l'exagé- ment il déclare que cette croix fait sa gloire,

ration de ce reproche il montre avec quelle ar- lorsque dans jour du jugement il la montre
le

deur il se portait à la mort. De plus il a voulu environnée de tant de splendeur à tout l'uni-
que sa résurrection s'accomplit loin des re- vers?
gards et dan? ombre , laissant à l'avenir
i 18. Si donc tu vois des hommes qui se scan-
382 TRADUCTION FRANÇAISE DE SAINT JEAN CHRYSOSTOME.

dalisent de ce qui arrive, pense d'abord à ceci : souffrance pour plaire à Dieu en quelque chose
c'estque le scandale leur vient non des évé- que ce fût. Même, si l'on y fait attention, on
nements mais de leur propre faiblesse, comme verra que ces derniers ont plus de mérite que
le prouvent ceux qui ne se sont pas perdus. les premiers. En etïét, on ne peut pas mettre

Considère ensuite <iue beaucoup d'hommes sur la même ligne celui qui, ayant à choisir
ont, grâce à leurs épreuves, brillé d'un plus entre les tourments et la perte éternelle de son
grand éclat,, glorifiant Dieu et lui rendant âme, accepte toutes les douleurs et celui qui,
grâce avec la plus vive ardeur pour tous les pour ne pas se perdre, souffre pour un moindre
maux qu'il leur envoyait. Tourne donc tes bien lesmémes tourments. Que la couronne du
yeux non sur ceux qui sont tombés, mais martyre soit cueillie nun-seulement par ceux
sur ceux qui sont restés fermes et inébranla- qui ont été conduits au supplice, mais encore
bles, et ont môme ainsi gagné une nouvelle par ceux qui s'y sont disposés, qui s'y sont
vigueur, non sur ceux qui se sont troublés, tenus prêts; que la gloire du martyre soit
mais sur ceux qui ont dirigé droit leur navire; plus grande comme je viens de le dire
, ,

ils sont beaucoup plus nombreux que ceux qui pour celui qui s'est résigné à soutfrir pour
ont été emportés loin de la bonne voie, mais un intérêt moins considérable, c'est ce que
quand ils leur seraient de beaucoup inférieurs je prouver par le témoi-
vais essayer de
en nombre, un seul juste accomplissant les gnage de saint Paul. Après avoir commencé à
commandements de Dieu a plus de prix que énumérer tous ceux qui ont été illustres
mille prévaricateurs. dans les temps anciens, après avoir nommé
19. Pense à tous ceux qui ont obtenu la cou- tout d'abord Abel et ensuite Noé Abra- ,

ronne du martyre les uns ont été battus de


: ham, Isaac, Jacob, Mo'ise, Josué, David, Sa-
verges, les autres ont été jetés en prison, ceux- nmel, Elie, Elisée, Job, il ajoute ces paro-
ci ont été chargés de chaînes comme des mal- les Puis donc que nous sommes environnés
:

faiteurs, ceux là ont été chassés de leur patrie, d'une telle nuée de martyrs. (Hébr. xii , 1.)
d'autres ont perdu leurs biens, d'autres ont dû Cependant ceux qu'il vient de citer n'ont pas
quitter leur pays pour vivre sur une terre tous été tués, il n'en est pas même un seul
étrangère, d'autres ont donné leur vie, soit qui l'ait été, deux ou de trois,
à l'exception de
réellement , soit par l'intention. Lorsqu'ils d'Abel par exemple et de Jean, mais tous les
voyaient les lances préparées, les glaives ai- autres sont morts de mort naturelle. Encore
guisés que chaque jour ils étaient sous le
,
Jean n'a-t-il pas été sacrifié pour avoir refusé de
coup de nouvelles menaces, et que les magis- sacrifier aux faux dieux. Il n'a pas été conduit
trats, respirant la colère, leur présentaient la à l'autel, il n'a pas été traîné devant une idole,
mort et mettaient devant leurs yeux toutes m lis il a été mis à mort pour un seul mot.

sortes de tortures et de supplices, ils n'ont pas C'est pour avoir dit à Hérode // ne t'est point
:

o'édé, ils n'ont pas succombé, mais ils sont res- permis d'avoir la femme de ton frère Philippe
f('s inébranlables comme sur le roc et ont (Matlh. XIV, 4^, (lu'il a été jeté en prison, puis
mieux aimé tout faire et tout soutlrir plutôt décapité. Mais si, pour avoir attaqué une union
que de partager l'iniquité de ceux qui osaient illégitime autant qu'il a été eu lui (en effet,
se souiller de tant de crimes. Ce ne sont pas il n'a pas corrigé les coupables, il n'a fait que

seulement des honnnes qui ont sujtporté les [tarler, et il n'a pas pu empêcher ce commerce
douleurs, mais même des fenmies, car ces adultère) si, dis-je, pour n'avoir fait que par-
;

fennnes elles-nièuies s'armèrent pour ce com- ler, sans s'être porté à rien de plus, il est re-
bat et montrèrent souvent un courage plus gardé comme martyr et comme le premiei
viril que les hommes, et non-seulement des des martyrs par cela seul (ju'on lui a coupé la
l'ennnes, mais encore des adolescents et des en- tête comment ceux qui se sont otferts à tant
;

fants. Dis-moi tout ce peuple de martyrs a-t-il


:
de morts qui ont résisté, non plus à Hérode,
;

donc été peu utile à l'Eglise? Tous ceux-là en mais à des |)rinces maîtres de toute la terre;
eiïet ont clé martyrs, car ce nom n'appartient qui ont non plus combattu une union illégi-
pas sculeiiiont a ceux (jui, conchiits devant les time, mais pris en main la défense des lois de
juges, oui refusé de sacrilier aux idoles et ont la patrie et des règlements de l'Eglise contre

Lie conduits au supplice, mais aussi à tous ceux qui les attaquaient et qui ont montré soit
ceux tjui ont vuloulairement accepté toute dans leurs paroles soit dans leurs actions la
DISCOFRS CONTRE CEITX QUI SE SCANOALlSEiNT. 383

l>liis {j^ranile assurance; coininciit ceux qui, en voyant comment tout a si bien prospéré
ou
iKiiniuos, Itiiinics enfants, ont souffert lu dans de telles circonstances? Car je ne parle
mort chaque jour ne mériteraient-ils pas
,
pas seulement de ceux qui suivaient le droit
mil!e fois d'être portés au nointjre des mar- chemin, mais aussi d'un grand nombre d'hom-
tyrs? Abraham n'a pas en réalité inmiolé son mes, (jui, passionnés jusqu'à la folie pour les
fils, il ne l'a sacrUié que par la seule intention théâtres et les jeux du cirque ,
puis saisis tout
de sa volonté, et rependant n'a-t-ilpasentendu à coup d'un zèle plus ardent que la flamme,
la voix céleste lui dire Tu n'aspn'ntt épargné : ont rejeté toute leur ancienne démence, ont
ton fils, ton fils c/iért- pour moi? (don. xxii, marché pour ainsi dire à travers les glaives,

12.) Ainsi donc la seule intention, lorsqu'elle est ont été pleins d'assurance en face des magis-
d'une vertu parfaite, gajjne toujours une cou- trats, ont méprisé les tourments, ont ri des me-
ronne tout entière. Mais si Abraham, pour naces, et ont montré ainsi quelle est la force
n'avoir pas épargné son fils, a été glorifié ainsi, de la vertu et comment l'homme le plus per-
vois quelle récompense recevront ceux qui ne vers, s'il se repent et se convertit, peut s'élever
^e sont pas épargnés eux-mêmes, ceux qui, jusqu'à la voûte des cieux. Lors donc que tu
non pas pendant un jour ou deux, mais durant vois tant de récompenses, tant de ronronnes
toute leur vie, sont restés à leur rang dans le toutes tressées , et de tels enseignements ré-
combat, malgré les outrages, les injures, les pandus par tonte la terre, d'oîi, je t'en prie,
misères, les calomnies qu'ils essuyaient. Ce te viendrait le scandale? de Il te vient, dis-tu,
n'est pas Icà un mérite de peu de prix; aussi ceux qui ont jiéri. Mais je
ne ces- l'ai dit et je
connue saint Paul admire cette conduite dans serai pas de le répéter, que ceux-là s'impu-

l'épître où il dit D'un côté vous avez été ex-


: tent à eux-mêmes la cause de leur perte! Car
posés en vue de tout le monde à des opprobres nos paroles n'ont pas voulu prouver autre
et à des persécutions, et de l'autre vous avez chose. Mais je vais montrer un nouvel avan-
pris part aux maiix de ceux qui étaient ainsi tage qui résulte de leur scandale. Combien n'y
traités! (Méb. x, 33.) a-t-il pas d'hommes (jui se couvrent du mas-
Est-il besoin de rappeler ceux qui, hommes que de la piété? combien, qui ont une dou-
ou femmes, non-seulement mouraient eux- ceur d'emprunt ? combien, qui étaient regardés
mêmes mais excitaient encore le courage
, comme de grands hommes et qui ne l'ont plus
de ceux qui supportïient les combats qu'ils été, lorsque tout à coup, à notre époque, ils ont
avaient soutenus? L'Afiôtre leur accorde égale- été dévoilés, que leurs fraudes ont été mises à
ment un juste tribut d'élog<'S En effet, enflam- nu, qu'enfin ils ont paru ce qu'ils étaient, et
més parleurs paroles, combien de fidèles n'ont non ce qu'ils voulaient paraître par hypocrisie
pas donné leurs biens pour apporter quelque ,
et par tromperie? Il n'est pas peu utile à ceux
soulagement aux cruelles souffrances des pri- qui veulent attendre, il leur est au contraire
sonniers et des exilés! Ils se voyaient avec grandement avantageux de reconnaître ceux
plaisir ravir ainsi leurs richesses, selon l'ex- qui se sont couverts de la toison des moutons,
pression de saint Paul. D'autres en vinrent à pour qu'ainsi les loups ne passent plus confon-
subir , ceux-ci l'exil , ceux-là la mort même. dus avec les véritables agneaux. Or celte épo-
Ainsi les supplices enrichissent l'Eglise de tels que est comme une fournaise qui a montré le

trésors, lui donnent de tels biens et de tels cuivre caché dans la fausse monnaie ,
qui a
avantages , de telles ressources ! ('eux qui fondu le plomb, qui a brûlé la mauvaise paille,

auparavant étaient adonnés tout entiers aux qui a donné plus de prix aux métaux précieux.
théâtres, maintenant devenus plus ardents que C'est ce que saint Paul faisait entendre par ces
la flamme, gagnent les déserts et changent en paroles : H faut qu'il y ait même des hérésies,
églises les vallons et les montagnes Per- ! afin qu'on découvre par là ceux d'entre vous
sonne ne conduit le troupeau, et les brebis qid ont une vertu éprouvée. (1 Cor. xi, 13.)

remplissent les fonctions des pasteurs, et les 20. Ne te laisse donc pas scandaliser aujour-
soldats s'acquittent de I emploi du général tant d'hui ni par ce pasteur méprisable ,
qui s'est

ils montrent d'assurance et de courage, et ont jeté sur troupeau avec plus de férocité
le

tous la même ardeur, ie même zèle, la même qu'un loup, ni par aucun magistrat, par
activité à serrer leurs rangs 1 N'y a-t-il pas de aucun prince si cruel qu'il puisse être. Rap-
,

(^uoi être frappa -i'étonnement et d'admiration pelle-toi que de bien plus grands malheurs
384 TRADUCTION FRANÇAISE DE SAINT JEAN CHRYSOSTOME.

ont affligé le temps des apôtres. Car l'enipe- dit : Co?nme Jannès et Mambrès résistèrent à
reur qui tenait alors le sceptre était, comme Moïse, de même ceux-ci résisteront à la vérité.
l'appelle saiiit Paul,un mystère d'iniquité, il (II Tim. Ml, 8.) Ainsi toujours il y a eu des
avait parcouru toute la carrière du mal. il scandales, et toujours à leur occasion des cou-
l'avait emporté sur tous en j>yrversité, mais il ronnes ont été gagnées. Repasse-les dans ton
n'a publes?er ni l'F.glise, ni les honnnes géné- esprit, mais ce n'est pas assez, pense aussi aux
reux, au contraiie il ne leur a donné que plus avantages dont ils ont été la source. Considère
d'éclat. Quant au\ prêtres des juifs ils étaient enfin qu'ils ont été permis pour plusieurs rai-
si mé|)risables et si corrompus, qu'il fallait sons qui nous échappent. Car il nous est im-
défendre au peuple d'imiter leur conduite : possible de tout savoir, et qu'ils doivent être
Les scribes et les pharisievs, dit Jésus, sont suivis d'événements beaucoup plus heureux et

assis sur la chaire de Moïse , obsei^vez donc et nombreux miracles. C'est ainsi que les
de plus
faites tout ce qiiils vous diront d'observer^ commencements de Joseph ont été pénibles, et
mais ne faites pas comme ils font. (Matth. que pendant longtemps mille obstacles sem-
XXIII, 2, 3.) Que peut-on imaginer de plus cor- blaient s'opposer complètement aux promes-
rompu que des prêtres si pervers, qu'on pou- ses; mais ensuite les faits vinrent dépasser
vait se perdre en les imitant. Tels étaient à toute espérance. 11 en est de même pour l'épo-
celte époque les puissants; et toutefois ceux que de la passion ce n'est pas tout dabord,
;

qui brillaient par la foi, ceux que couronnait ce n'est pas dès le commencement, dès le prin-
la vertu, n'ont reçu aucune blessure au con- ;
cipe que la croix porta ses fruits ; elle fut alors

traire leur gloire en a été plus grande. Il ne un scandale , et il ne parut dans le moment
faut pas s'étonner de ce qui arrive aujour- moine que quelques prodiges pour faire ren-
d'hui , car ceux qui sont vigilants et attentifs trer dans la bonne voie ceux qui s'étaient
sont toujours éprouvés soit par leurs conci- souillés d'un tel crime; encore disparurent-ils
toyens, soit par les étrangers. Aussi Paul, aussitôt. Car bien que le voile du temple se fût
voyant nuées de dangers qui le menaçaient
les déchiré ,
que le soleil se fût obscurci que ,
les

et craignant que quelques disciples n'en fus- rochers se fussent fendus, cependant les niiia-

sent effrayés, écrivait aux Thessaloniciens Je : cles s'accomplirent dans l'espace d'un seul
vous ai envoyé Ti^nothée afin qu'aucun de jour et furent bientôt oubliés du grand nom-
vous ne soit ébranlé par ces afflictions; car bre. Ensuite c'est contraints de prendre la

vous savez vous-mêmes que nous sommes placés fuite, c'est affligés par les persécutions, par la

pour cela. (I Thess. m, 2.) C'est comme s'il di- guerre ouverte, par les embûches secrèti's,

sait : Telle est notre vie , telle est la condition c'est obligés de se tenir dans l'ombre et de se
de l'institution apostolique nous faut souf- ; il cacher, c'est tremblant^ de peur et poursuivis
frir mille maux. Car., dit-il, nous sommes de pierres, (jue les apôtres prêchèrent la pa
placés pour cela. C'est que comme les denrées rôle de Dieu. En ce temps-là les Juifs étaient
sont étalées pour être vendues, ainsi la vie très-puissants; or les Jiiifs les enlevaient, les

apostolique est faite pour être accablée d'ou- j»oursuivaient, les déchiraient, les torturaient,
trages, pour endurer les maux, pour ne jamais et, comme les magistrats leur étaient favora-

respirer, [)Our ne jamais avoir repos ni trêve. bles, chaque jour ils s'emparaient des apôtres
Mais ceux qui sont vigilants cl attentifs non- et les livraienten spectacle par toute la ville.
seulement n'y trouvent aucun préjudice, mais Mais qu'ai-je besoin de parler du peuple juif
même en reliront une grande utilité. Aussi et des magistrats? Un simple faiseur de tentes,

l'Apôtre les admire-t-il, aussitôt qu'il sait dont toute loccupation était découdre ensem-
qu'ils sont restés inébranlables dans la vertu ;
ble des peaux d'animaux, Paul entin ^et qu'y
aussi dit-il de plusieurs lidèles, quencouragés a-l-ildeplus misérable qu'un faiseur de tentes?),
par ses liens et par ses fers, ils ont osé annon- avait tant de fui-eur et de cruauté qu'il entraî-
cer la parole do bieu |>lus hardiment ol sans nait par la force les honnnes et les fournies, et

crainte. Mais, dis-moi, ne parlerons-nous pas les faisait mettre en pria»n. Cependant le cru-
du temps de Moïse ? Dieu n'a-t-il pas permis cifié le voyait et le laissait faire! Mais vois com-
alors que dans un pays barbare des magiciens ment le persécuteur a ensuite surpassé tous les
parussent revêtus du pouvoir de faire des mi- autres dans la foi, et conimonl sa conversion

racles? Paul rappelle cet événement lorsqu'il a brille d'un plus grand éclat que le soleil
OlSCOrUS CONTRE CEUX Ql'l SE SCANDALISENT. 38»

Ini-m^me et a resplendi dans tout l'univers 1 vu des justes maltraités, injuriés, emprisonnés,
21. Si tu me demandes pourquoi, dans l'An- calomniés, entourés de pièges, décapités, brû-
cien el dans le Nouveau Testament, il y a tant lés, précipitésà la mer et ne cédant pourtant à
de périls , tant d'afllictions , tant d'embûches ,
aucun de ces maux, dans quelle admiration
connais-en la cause. Cette cause, quelle est- n'ont pas dû les jeter ces athlètes soit dans le
elle? C'est que cette vie est en quelque sorte passé, soit dans le présent! Ainsi donc, non-
un lieu d'exercice, un gymnase, un combat, seu'-emcLt les événements les plus malheu-
une fournaise, un atelier pour la vertu. Les reux ne peuvent scandaliser ceux qui veillent,
corroyeurs prennent les peaux qu'ils ont re- mais ils leur permettent de tirer parti d'un si
çues, et tout d'abord les resserrent, les éten- grand enseignement. Voilà pourquoi Dieu a
dent, les battent, les frappent contre les murs fait entendre à Paul ces paroles Ma force :

et contre les pierres, et par mille préparations s'accomplit dans la faiblesse; et on peut en
les rendent propres à recevoir la teinture, avoir la preuve tant dans l'Ancien que dans le
ensuite ils leur donnent une belle couleur; Nouveau Testament. Considère en eflet ce qu'a
les orfèvres jettent l'ordans la fournaise, et dû souffrir Nabuchodonosor lorsque, sous les
lesoumettent à l'action du feu pour le rendre yeux d'une armée si nombreuse, il a été vaincu
plus pur les maîtres de gymnastique exer-
; par trois enfants, trois esclaves, trois captifs,
cent les athlètes par beaucoup de fatigues dans chargés de chaînes et exposés aux flammes, et
le lieu d'exercices, ils attaquent leurs élèves vaincu au point de ne pouvoir triompher de
avec plus d'ardeur que des adversaires, afin ces trois corps soumis à son joug, placés sous
qu'ayant acquis dans le gymnase toute la vi- sa main, de ces trois enfants chassés de leur
gueur désirable dans les luttes
ils brillent patrie, privés de liberté, de considération, de
véritables, et sachent éviter de donner aucune puissance, de fortune, et vivant loin de tous
prise à leurs ennemis Dieu n'agit pas autre- :
leurs proches! Si ce bûcher n'avait pas pu
ment sur nous dans celte vie lorsqu'il veut obtenu une récom-
s'élever, ils n'auraient pas

former l'âme à la vertu. Il la serre, il la fond, pense si éclatante, une couronne si glorieuse.
il la livre à l'épreuve du malheur, afin que Considère ce qu'a dû souffrir Hérode, lors-
les faibles et les lâches soient brisés dans cette qu'il fut repris par un prisonnier enchaîné,
étreinte et (jue les hommes vertueux devien-
,
lorsqu'il vit que ses fers ne lui avaient rien
nent ainsi plus vertueux encore, ne se lais- enlevé de la liberté de son langage, et qu'il
sent pas prenche par les embûches du démon, aimait mieux périr que de renoncer à parler
par les filets de satan, et soient tous dignes de avec cette noble franchise Réfléchis-y de tous
1 :

recevoir les récompenses éternelles. Car, dit les hommes qui vivaient alors ou qui sont nés
le Seigneur, la vertu qui n'a pas été tentée, plus tard, en est-il un seul qui ait été assez
n'est pas une vertu éprouvée. Et Paul : JJ af- faible et assez lâche pour n'avoir pas retiré
fliction produit la patience, et la patience^ Vé- d'une telle conduite le plus grand avantage,
preuve. (Rom. v, Pour nous donner plus
3, 4.) soit qu'il l'ait vue, soit qu'il en ait entendu

de fermeté et de patience. Dieu veut donc parler, si seulement il n'était pas tout à fait
qu'on puisse examiner de toute manière si dépourvu de jugement! Car ne me parle pas
nous sommes de bon aloi. C'est pour cette des criminels, des insensés, des endormis, de
raison qu'il a laissé Job souffrirtous ses maux, ceux qui se donnent tout entiers aux soins du
afin qu'il parût plus éclatant; c'est pour cette corps et qui sont plus légers que les feuilles :

raison qu'il a aifiigé les apôtres, afin qu'ils ceux là sont abattus non-seulement ptr ces
,

devinssent courageux et déployassent


plus grands malheurs, mais même par tout événe-
ainsi toutes leurs forces assurément ce n'est : ment, semblables au peuple juif, qui, soit qu'il
point là une raison de peu de valeur. Aussi mangeât la manne ou qu'il se nourrît de
,

dit-il à Paul (|iii lui demandait de donner une pain, soit qu'il vécût en Egypte ou qu'il en fût
fin, d'accorder une trêve à ses maux : Ma sorti, que Moïse fût présent ou absent, éliit

grâce te suffit, car ma force s'accomplit dans toujours également mécontent. Montre-moi
la faiblesse. (Il Cor. xn, 9.) ceux qui sont attentifs et éveillés, et considère
En effet, ceux qui n'ont pas encore la foi combien ils ont dû gagner à voir une âme inac-
chrétienne peuvent retirer de là, s'ils sont at- cessible à la crainte, une fierté que rien n'a pu
tentifs, un très-grand avantage. Lorsqu'ils onî asservir, un langage rempli de franchise, un
Tome IV.
386 TliAbUCTlON rUANÇAlSE DE SAINT JEAN CHRYSOSTOME.

habilanl du désert qui triomphe d'un roi, qui leure qu'on lui a cuvir'a'. Apprends à bi(^n
est enchaîné pourtant ne cède pas, qui va
et penser , et loin qu'aucune de ces choses te
cire décapité et pourtant ne se tait pas. iMais ne scandalise, toutes le seront très-utiles.
t'arrête pas là Vois ce qui a suivi. Hérode a
: 22. Quedirai-je de l'épouse de Pharaon? N'a-t-

décapité Jean, Jean a été décapité par Hérode : elle pas accusé Joseph? ne l'a-t-elle pas ca-

Quel est donc celui que tous s'accordent à dé- lomnié? ne l'a-t-elle pas fait charger de chaî-

clarer bienheureux? celui qui est exalté? celui nes et jeter en prison? n'a-t-elle pas suspendu
qui est couronné? celui qui est couvert d'élo- sur sa tête la menace des plus terribles dan-
ges? celui qui ett glorifié? celui qui jusqu'à ce gers? ne l'a-t-elle pas mis à mort autant qu'il
jour a condamné l'autre? Est -ce que dans a été en elle? n'a-t-elle pas jeté sur lui l'oppro-
toutes les églises Jean ne crie pas encore // : bre et l'infamie ? mais en quoi lui a-t-elle nui
ne t'est pas permis d'avoir la femme de ton soit alors, soit aujourd'hui? De même que le

frère Philippe ? (Matth. xiv, 4.) Est-ce qu'Hé- feu d'un charbon caché sous la paille parait
rode n'est pas, même après sa mort, flétri pour d'abord couvert, mais tout à coup dévore ce
son adultère, sa démence et sa témérité? Après qui le recouvre, et, alimenté par cette jiaille
tout ce qui vient d'être dit, examine encore elle-même, jette ^me flamme très-grande :

quelle était la force du prisonnier, quelle était ainsi la vertu, qui aparu ternie par la calom-
du tyran. Celui-ci n'a pas pu impo-
la faiblesse nie, reçoit ensuite un plus grand éclat, grâce
bouche d'un seul homme, il l'a
ser silence à la aux obstacles mêmes qu'elle a rencontres, et
fermée par la mort, mais en même temps et par s'élève jusqu'au ciel. En effet, peut-on avoir
cela môme, en a ouvert mille autres. Celui-
il plus de bonheur que n'en a eu ce vertueux
ci, an contraire, a effrayé son persécuteur, jeune homme pour avoir souffert la calomnie,
même après son supplice : car il fra|)pait sa et avoir entouré d'embûches, pour cela,
été
conscience de terreur, au point qu'Hérode crut dis-je, et non pour avoir exercé en Egypte une

que Jean était ressuscité d'entre les morts pour autorité royale, pour s'y être assis sur le trône?
faire des miracles ; et alors, et ensuite, et dans C'est que toujours les souffrances sont récom-
tous les temps, il l'a condamné par la voix de pensées par la gloire, les éloges et les couronnes.
tout l'univers, par celle des autres comme par Joseph n'est-il pas, en ettcl, exalté par toute la
la sienne propre. En effet , tout bomme qui lit terre? après tant de temps écoulé l'éclat de sa
l'Evangile, dit : // ne t'est pas permis d'avoir renonnnée n'a pu se ternir, mais, plus bril-
la femme de ton frère Pldlippe. lantes et plus durables que les statues mêmes
Mais laissons l'Evangile : dans les cercles, des rois, sa verlu et sa sagesse se sont pour
dans au foyer, sur a place pu-
les réunions, ainsi dire élevé leurs statues partout l'univers,
blique, dans tous les pays, que lu ailles en dans l'empire romain et dans les contrées bar-
Perse, dans les Indes, en Mauritanie, ou dans bares , dans les j>ensées et dans les paroles
toute autre contrée qu'éclaire le soleil ,
jus- de chaque bomme. Tous nous croyons le ,

qu'aux dernières extrémités de la terre, tu en- voir encore vivre pri?our.icr et esclave, n)on-
tendras celte parole , et lu verras ce juste , Ircr à celle misérable et infortunée courti-
nujourd'bui encore condanmanl d'une voix
, sane la conduite qu'elle devait tenir, faire
retentissante la perversité du tyran, sans ja- tout ce qui dépendait de lui pour son salut,
mais se taire, sans jamais affaiblir son blâme forcer son impudeur à rougir, éteindre sa
après tant d'années écoulées En quoi donc 1 flamme, s'cIVorccr de rarracheràcelli' terrible
Hérode a-l-il fail tort à Jean parce supplice? tempête et de la ramener par une mrr calme
en quoi, par cette mort violente ? en quoi, par jusqu'au port ; ensuite, comme l'orage conti-
ces chaînes? en (juoi, par celle prison ? Parmi nuait, que le navire était submergé, et que
les hommes sensés (juel est celui qui n'a pas lï'pouse de Pharaon fai>ail naufrage, fuir les
été redressé par ce qu'a dit, i)ar ce ([u'a fait ce vagues déchaînées, se réfugier sur le roc iné-
martyr, par ces iiaroles (lu'aujourdbui encore branlable de la chasteté, laisser ses habil5 dans
il répèle telles qu'il les a prononcées alors? Ne les mains de l'impudique, paraître dans sa nu-
dis donc pas Pouniuoi a-l-il été permis de le
: dité jdus brillant tjue ceux qui sont couverts
mettre à mort? Ce n'est pas la mort ijui lui a (levêlements de pourpre, et, semblable à un
été donnée, mais la couronne ce n'est pas la ; vaillant guerrier, à un vainqueur triomphant,
\ic qu'on lui a ravie, c'est une existence meil- élever le Irojdiée de la pudeur.
DISCOURS CONTRE CEUX QUI SE SCANDALISENT. 387

Wrtis nos souvenirs ne s'arrêtent pas là, ils faiblissement de sa santé, par les reproches de
vont plus loin et nous le montrent conduit en sa femme, parles injures, les plai.^anleries et
prison, enchaîné, hideux à voir et pendant un les outrages de ses amis, de même il a com-
long temps consumant sa vie dans un lieu battu l'Eglise, en soulevant contre elle, autant
d'ignominie. C'est là surtout ce qui nous le fait qu'il a pu, ses amis, ses ennemis, ceux qui
de nouveau admirer, exalter, célébrer, glorifier. étaient entrés dans le clergé, ceux qui étaient
Est-on chaste? en pensant à Josepii on devient enrôlés dans l'armée des fidèles, ceux qui
plus chaste encore. Est-on impudique? en enten- avaient été décorés des insignes épiscopaux,
dant parler d'une telle vertu on se sent ramené enfin toute sorte de personnes de toute condi-
à la pudeur et corrigé par l'histoire de Joseph. tion. Cependant, malgré tant de machinations,
Aussi, lorsque vous rappelez à votre mémoire non-seulement il n'a pas pu l'ébranler, mais
tous ces faits, ne vous troublez pas profitez : même il l'a rendue plus brillante, nullement
au contraire de ce qui e?t arrivé. Que la pa- troublée, elle continuait d'apprendre à tous
tience avec laquelle ces justes ont supporté les les hon)mes, comme elle fait aujourd'hui par
épreuves , vous enseigne la fermeté. Voyant toute la terre, à montrer de la fermeté, à vain-
que toute la vie d'hommes sicourageux et si cre leurs passions, à supporter les épreuves, à
sublimes n'a été qu'un tissu de maux, ne vous déployer leur patience à ne tenir aucun
,

laissez effrayer ou consterner ni par vos pro- compte des biens de ce monde à réputer ,

pres afflictions, ni par les calamités publiques. pour rien les richesses, à ne faire aucun cas
Car c'est par la souffrance que l'Eglise s'est de la réputation, à mépriser la mort, à dédai-
tout d'abord montrée si grande et qu'elle s'est gner la vie, à voir avec indifférence la patrie,
ensuite étendue si loin. Ne t'étonne donc pas, la famille, les amis, les parents, à se tenir prêts
il n'y a rien que d'ordinaire dans ce qui nous pour tous les supplices , à marcher à travers
arrive. De même
que pour les choses de ce les glaives et àpenser que tout ce qui brille
monde, ce n'est pas là où l'on trouve de la dans cette vie, je veux dire les honneurs, la
paille, du foin ou du sable, mais là où l'on que
gloire, les empires, les délices, est plus vil
trouve de l'or et des perles, que les pirates, les les fleurs du printemps. Cet enseignement ce
corsaires, les voleurs, les fouilleurs de sépul- n'est pas seulement un homme ou deux, mais
cres, exercent continuellement leurs violences un peuple tout entier ([ui nous le donne, et il
et préparent leurs embûches : de même aussi, nous le donne non-seulement en paroles, mais
c'est là où le démon voit accumulées les ri- en actions, en maux supportés, en victoires obte-
chesses de l'àme, c'est là où il voit rassemblés nues, en pièges évités, en attaques repoussées,
des trésors de piété, qu'il dresse et fait avancer en épreuves soutenues toutes avec une fermeté
ses machines de guerre. Queceux contre les- si qui surpasse celle du diamant, avec une force
quels sont préparés les pièges, veillent avec que n'a pas le rocher et cependant les fidèles
:

attention, non -seulement ils n'essuient au- n'ont pris aucune arme, excité aucune guerre,
cune perte mais même ils grossissent leur
, (endu aucun arc, lancé aucune flèche chacun :

trésor de vertu, comme on le voit aujourd'hui ne s'est défendu (jue par un rempart de pa-
encore. tience, de sagesse, de douceur et de valeur; et
23. On peut trouver dans ces épreuves la par leur courage à supporter la souffrance, ils
meilleure explication de l'abondance des bon- ont couvert d'un déshonneur sans égal ceux
nes œuvres et de la puissance de l'Eglise. En qui les persécutaient.
effet, lorsque le démon eût vu que, florisbante ^4. Aussi, voyez maintenant le visage joyeux, :

et glorieuse, elle s'était en un moment élevée l'œil confiant, le cœur plein d'assurance, ils se
jusqu'au ciel, que les hommes vertueux y fai- portent sur les places publiques , ils remplis-
saient dans la vertu de nouveaux progrès, que sent les maisons courent se réunir. Les
, ils

les pécheurs les plus criminels y devenaient méchants au contraire dissimulent chacune des
repentants, et que cette cité divine répandait machines qu'ils font avancer, ils rôdent çà
son enseignement par toute la terre, il fit avan- et là autour des gens de bien, torturés par la

cer contre elle toutes ses machines de guerre conscience de leur perversité, craintifs et trem-
et excita dans son sein des guerres civiles. De blants. De même que ces bêtes farouches qui ,

même qu'il avait attaqué Job par la perte de ont la vie tenace, se jettent avec emportement
ses biens, par la mort de ses enfants, par l'af- sur le fer des lances, lorsqu'elles en entêté
388

atteintes une fois ou deux , se portent elles- au contraire à qui ils auront fait souffrir tant
mêmes des coups plus terribles, et se blessent de maux , brillant alors de tout l'éclat que jet-
jusqu'au cœur; de même que les flols, qui teront sur eux leurs bonnes œuvres, leurs souf-
viennent frapper les rochers s'ouvrent et se , frances, leurs couronnes leurs récompenses, ,

brisent eux-mêmes avec la plus grande force; prendront place dans rangs des martyrs,
les
de même aussi les méchants, lorsqu'ils pré- des apôtres des hommes les plus vertueux et
,

parent leurs embûches , se creusent des préci- les plus sublimes. Ils verront les châtiments
pices pour eux-mêmes bien plus que pour les auxquels seront livrés leurs anciens persécu-
autres. En gens de bien auxquels on
effet, les teurs et ils ne pourront les délivrer de leurs
,

tend des pièges^ ont, pour les admirer les cé- , supplices: toutes les prières qu'ils feront pour
lébrer, les couronner, ceux qui les connaissent, eux leur seront inutiles. Si en effet le mauvais
ceux qui ne les connaissent pas, ceux qui ont riche, pour avoir rejeté le seul Lazare, a en-
vu leurs actions, et ceux qui en ont entendu le duré tant de tourments, et n'a pu obtenir au-
récit. Beaiicoup les plaignent ou leur viennent cun soulagement à ses maux, que ne souffri-
en aide dans la lutte. Tous prient pour leur ront pas ceux qui ont blessé tant de fldèles par
triomphe. Les méchants qui tendent ces pièges, leurs persécutions et leurs scandales. Repassez
sont au contraire un objet de haine pour une dans votre pensée toutes ces choses et recueil-
multitude non moins considérable : même c'est lez tout ce que les saintes Ecritures vous offri-
en bien plus grand nombre que les hommes ront de semblable; faites-vous-en pour vous-
les accusent, les reprennent , les blâment, les mêmes un sûr rempart tirez de là des remè- ,

couvrent de déshonneur et les dévouent aux des pour ceux qui sont encore faibles, et restez
puissances de l'enfer; la plupart ne désirent fermes et inébranlables, l'esprit tourné vers les
rien tant que de voir leur châtiment et leur biens qui vous sont destinés. Caren vérité, une
supplice. Mais qui pourrait rendre par la pa- récompense vous sera préparée et non-seu- ;

role tout ce qu'ils soullriront ensuite? Car si lement une récompense qui répondra à vos
celui qui aura scandalisé un seul petit enfant, mérites, mais une récompense inlinie qui les
doit recevoir un
châtiment qu'il vaudrait
tel surpassera de beaucoup. Telle est en effet la
mieux pour lui qu'on lui mît au cou une meule bonté de Dieu il veut que le mérite de toute
:

de moulin et qu'on le jetât dans la mer, vois bonne parole et de toute bonne action soit de
quelles peines terribles, quels supplices intolé- beaucoup sur|)assé par les récompenses et les
rables infligera la redoutable justice de Dieu à couronnes que nous réserve sa munificence
ceux qui se seront employés de tout leur pou- sans limite. Puissions -nous les obtenir, par
voir à ré|)andre la confusion par toute la Jésus-Clnist Notre-Seigneur, à qui appartient
terre, à renverser tant d'Eglises, à troubler une la gloire dans les siècles des siècles ! Ainsi
paix si profonde par innombrables scan-
les soit-il.
dales qu'ils auront produits en tout lieu! Ceux

Jnii/«4(. ^-iir M. A. btimt/L


LETTRES

AVERTISSEMENT.

La première lettre an pape Innocent fat écrite après la fête de Pâques, avant le second exil de saint Chrysostome. Il y raconte
en effet tout ce qui s'est passé à Conbtaiitinople depuis l'arrivée de Tliéophile. Le saint est déposé par un conciliabule , puis
rétabli dans son siège; puis encore persécuté, accusé, chassé de l'église. On envahit l'église et le baptistère. C'est par ce der-
que se termine le récit, et il n'est pas question des actes de violence qui s'accomplirent ensuite. Comme l'ob-
nier fait
serve Baronius (année iOi), puisque le saint raconte les faits dans l'ordre où ils ont eu lieu , et qu'il achève sa lettre par
le récit de- violences du samedi-saint, sans rien dire des crimes commis plus tard, il est certain qu'il a remis cette lettre
dans un temps voisin des scènes dont il parle en dernier lieu. C'était donc après la fête de Pâques de l'année 404.
« Quand vint ce grand jour, dit saint Jean Chrysostome, tout le peuple sortit de la ville, se réfugia sous les arbres et dans les
bois, et y célébra la fêtecomme un troupeau dispersé. » Le Saint était en exil depuis trois ans déjà, quand il écrivit la seconde
lettre :lui-même qui nous l'apprend. Dans celte lettre, il ne s'adresse pas seulement au pape, mais aussi à plusieursévêques
c'est

qui se trouvaient à Rome ou dans le voisinage de cette ville. Il les remercie de leur charité à son égard et du zèle qu'ils dé-
ploient pour apaiser une si violente tempête.
La lettre d'innocent à saint Chrysostome nous a été conservée par Sozomène. Innocent s'applique à consoler le saint évêque.
Sa lettre respire le respect et la charité la plus tendre. Elle de
patience dans l'adversité et de la couronne réservée à
traite la

ceux qui souffrent avec résignation. C'est la réponse à une lettre du irainl apportée par un diacre nommé Cyriaque.
La lettre d'Innocent au clergé de Constanlinople est ia réponse à une lettre du même clergé, que le prêtre Germain et le diacre
Cassien avaient remise au pape. Innocent y déplore les calamités de l'Eglise d'Orient. Pour guérir tant de maux, il est nécessaire
de tenir un concile, et son plus vif désir est de voir s'apaiser ces mouvements tumultueux.
La lettre de l'empereur Ilonorius à l'empereur d'Orient Arcadius se rapporte à la cause de saint Jean Chrysostome. L'empereur y
parle d'abord de celte image d'Eudoxie, que l'on promenait par les provinces en l'honneur de l'impératrice. On avait, aupara-
vant éri^'é une statue d'Eudoxie devant l'église de Sninte-Sopliie. A cette occasion , s'étaient donnés des jeux et des spectacles
peu hniiiêles et capables de dotniirner le peuple des exercires de piété. Saint Chrysostome, dans ses discours, s'éleva contre
ces scandales et s'attira ainsi la haine de 1 nupératrice. Honorius, dans sa lettre , s'indigne de tout ce qui s'est passé à Cons-
tanlinople, lors de l'injuste déposition du saint évêque. Il rappelle l'autel arrosé de sang humain, les prêtres envoyés en exil,
et Jean de Constanlinople chassé de son église.
Quant à la lettre aux èvèques et aux prêtres )etés en prison à cause de leur piété, elle fut écrite, à ce que l'on croit, à Gueuse
l'année 404. Saint Chrysostome leur adressa une autre lettre qui est la 118".

A INNOCENT, ÉVÊQUE DE ROME.

A MON TRÈS-VÉNÉRÉ ET TRÈS-PIEUX SEIGNEUR INNOCENT, ÉVÊQUE DK ROME, SALOT EN JÉSUS-CHRIST.

1. Avant d'avoir reçu ma lettre, votre piété a trius, Pansopliiiis, Pappus et Eugénius, ces
sans doute appris les crimes qui viennent de cvèijues si pieux, à quitter leurs églises, à
se commettre ici. Ils sont si grands, si affreux, s'exposer aux dangers de la mer, à entrepren-
si tragiques, que le bruit s'en est répandu dre ce long voyage, à courir vers vo're clia-
dans tout l'univers. Oui ,
jusqu'aux extrémités rite, pour l'informer de toutes choses, afin

du monde ils ont fait couler bien des larmes d'apporter au mal un prompt remède. Avec
et pousser bien des sanglots. Mais il ne sutfit eux nous avon*; envoyé noscliers et vénérables
point de pleurer il faut guérir le mal et cher-
: diacres Paul et Cyriacjue; et nous-même nous
cher le moyen d'apaiser cette tempête qui agite voulons par cette lettre vous instruire en peu
si violemment l'Eglise. Nous avons cru néces- de mots de ce qui se passe,
paire d'engager nos vénérables frères Démé- L'évêque d'Alexandrie, Théophile, mandé
390 TPiADUCTION FRANÇAISE DE SAINT JEAN CHRYSOSTOME.

par le très-pieux empereur, auprès duquel on pas devant un tribunal (nous nous serions
avait porlé plainte contre lui, devait se rendre mille fois [)résentéj, mais devant un implacable
seul à Coustantinople. Maii il a rassemblé bon ennemi (ce que nous montre assez et ce qui

nombre des évèfjues d'Egyple, laissant ainsi s'était déjà passé et ce qui se passa depuis),
pressentir qu'il y venait avec des intentions nous avons député plusieurs évêques, Dé-
lui

hostiles. Dès son arrivée dans cette grande et métrius évèijue de Pessinonte
, Eulysius ,

pieuse cité, il ne se rendit pas à Téglise, d'Apamée, Lupicinusd'Appiarie, et les prêtres


comme c'est depuis si longtemps la coutume Germain et Sévère, pour lui dire de notre
et la règle; il ne se mit en rapport avec part avec toute la modestie convenable, que
,

nous, par une visite, ni par des prières, ni


ni c'était non pas un juge, mais un adversaire,
par aucun tigne de communion. A peine un ennemi déclaré que nous vouUons éviter.
débarqué , il passa devant le vestibule de Comment en effet cet homme, qui, avant d'a-
l'église pour aller se fixer hors de la ville. Et
,
voir reçu aucun libelle d'accusation, s'était

cependant nous l'avions prié, lui et ceux qui éloigné des prières et de la communion de
l'accojnpagnaient, de descendre dans notre l'Eglise, avait suborné des accusateurs, attiré
maison, où nous mettions à leur disposition à lui le clergé, rendu les églises désertes, pou-
des appartements commodes et tout ce qu'il vait-il être digne de s'asseoir dans un tribunal

fallait. Maisne voulurent point céder à nos


ils si peu fait |iour lui? Est-il juste qu'un égyptien

instances. Cette conduite nous jeta dans un vienne juger un evèque qui habite la Thrace,
grand embarras; et nous ne pouvions savoir surtout (juand cet égyptien est lui-même sous
la cause d'une aversion si injuste. Toutefois le coup d'une accusalion , et se déclare l'en-
nous n'avons cessé de leur rendre tous les nemi de celui qu'il cite à comi»araîlre ? Mais

bons offices qu'exigeaient les convenances. rien ne l'arrête; il a hâte de voir ses desseins
Que de fois nous avons conjuré Théophile de se réaliser. Nous protestions que nous étions
se réunir avec nous de nous dire pourquoi
, prêt à nous justifier, à déclarer cette inno-
dès son arrivée, il allumait une telle guerre et cence, dont nous avions conscience, en pré-
jetait la discorde au sein d'une si grande ville. sence de cent, de mille évêques : il ne voulut
Il refusa de nous l'aire connaître ses motifs, et, pas nous entendre. Nous étions absent, nous
connue \ivcment pressé par ses accusa-
j'étais en appelions à un concile, nous réclamions un
teurs, notre pieux empereur me manda et jugement; et ce que nous fuyions, ce n'était
m'enjoignit d'aller trouver l'évêque d'Alexan- pas un tribunal mais racharnement d'un en-
,

drie pour m'informer des griefs soulevés con- nemi lui, cependant, il accueillait nos accu-
;

tre lui. On lui re|»rocliait des usurpations, des sateurs, il donnait Tabsolulion à ceux que
meurtres et mille autres crimes. Mais nous con- nous avions excommuniés et il recevait des ,

naissions les décrets des Pères, nous étions libelles de ceux-là même qui n'avaient pas
pleins de respect pour lui, il nous avait d'ail- encore répondu aux griefs soulevés contre
leurs écrit pour nous rappeler que les alVaircs eux; il faisait dresser des actes toutes choses ;

d'une province devaient se traiter dans la pro- que défendent les lois et les canons. Que vous
vince et nulle autre part; nous nous sommes dirai-je encore? Il ne cessa toutes ces menées
donc obstiné à ne pas vouloir nous charger de qu'après nous avoir, de sa pleine autorité,
cette cause. Mais lui, pour mettre le comble à expulsé violenuuent de la ville et de l'église,
ses premières tentatives contre nous, fait acte et cela, pendant la nuit, au milieu d'un peu-
d'autorité, mande mon archidiacre, comme ple qui nous poursuivait en désordre. Je fus
si l'Eglise eût été veuve et privée de son évo- donc entraîné de vive force du milieu de la
que, et par rarchidiacre il attire à lui tout le ville par le préfet, jeté dans un navire, et
clergé. Les églises furent bientôt désertes : car obligé de naviguer toute la nuit, parce que
on emmenait les clercs, on les excitait à nous j'en avais appelé à un concile et réclamé un
accuser et à jiroiluire contre nous des libelles tribunal où présiderait l'équité. Ne faudrait-il
accusateurs. Ensuite il nous cita lui-même à pas aNoir un cœur dur comme la pierre pour
son tribunal, avant de s'être justiûc, ce qui entendre ces choses sans verser des larmes?
est contraire à tous les canons et à toutes les Miiis, connue je le disais, il ne suffit pas de

lois. dé|)lorer lo mal ijui s'est fait; on doit y porter


"2. Or, sachant bien que nous irions, non remède: et c'est pourquoi je conjure votre
LETTRES. 391

charité de compatir à mes douleurs, et de faire ver, demandant à être jugés par eux, les
tout ce qui siTa en sou pouvoir, pour lucllro pressant vivement de nous entendre,
de
un teruie à l'injustice. Mais là ne se bonuuit nous remettre les actes d'accusation de ,

point leurs excès: ils sont allés plus loin en- nous dire au moins la nature des griefs
core. L'empereur cepeuilant clias^^a de Cons- (pie l'on nous reprochait, de nous faire con-
tantiuople ces houunes qui avaient envahi iiaî're les accusateurs; nous ne pûmes rien

l'église avec tant d'impudence, et plu;«ieurs obtenir et on nous chassa de l'église une se-
des évèques présents, témoins de tant d'au- conde fois. Comment vous dire le reste? Com-
dace, retournèrent chez eux, fuyant devant ment vous raconter ces actes plus que tragi-
cette invasion comme devant un incendie qui ques? qui pourrait les ouïr sans horreui?
porte le ravage de tous côtés; pour nous, ou Pendant (|ue je faisais tant d'instances, le jour
nous rappela dans cette ville et dans cette même du grand samedi, une troupe de soldats
église d'où l'on nous avait arraché, et nous y entra, sur le soir, dans les églises, en chassa
fûmes ramené par plus de trente é\èques et de vive force tout le clergé qui nous était favo-
par le notaire même de l'empereur, qui nous rable, et assiégea le sanctuaire. Les femmes
avait été envoyé. L'évèque d'Alexandrie prit mêmes (|ui à ce moment avaient ôlé leurs
aussitôt la fuite. Pourquoi, pour quel motif? vêlements pour recevoir le baptême, saisies
nous avions demandé
C'est qu'à peine rentré, de crainte à la vue de cette irruption, s'en-
à l'empereur de convoquer un concile pour fuirent toutes nues, et on ne leur laissa pas le
juger les acles qui venaient de se conmicttre : temps de se vêtir, comme l'exigeait la dé-
comme il avait conscience de sa conduite ini- cence; un grand nomi re même furent bles-
que , et qu'il redoutait une condamnation sées, les piscines étaient remplies de sang, et
(car la lettre de l'empereur avait été envoyée le sang rougissait ces bains sacrés. Mais ce ne
partout), il s'embanjua en secret, au milieu fut pas tout. Les soldats envahirent le lieu où
de nuit, et s'enfuit avec tous les siens.
la se gardaient les choses saintes, plusieurs d'en-
Mais plein de confiance dans notre cause,
3. tre eux, nous le savons, n'étaient pas même
nous ne nous sommes point dt!'sisté de notre initiés ànos mystères, et ils virent tout ce qui
poursuite, nous avons au contraire redoublé devait être dérobé à leurs regards. Bien plus,
d'ellorts auprès de l'empereur. Celui-ci lesang divin de Jésus-Christ, chose inévitable
agissant conformément à sa piété, enjoignit dans un pareil tumulte, fut répandu sur leurs
à Théophile de venir à Constantinople avec vêtements on les eût pris pour des barbares
:

tous ses complices pour y rendre compte de se livrant à tous les excès. Le peuple était
ses actes. Il devait bien penser, lui disait-il, chassé loin de la ville : Constantinople élait
que ce qui s'était fait en notre absence, était déserte, et dans grande fête les églises
une si ,

une violation (lagrante des canons, loin de étaient vides. Plus de quarante évêques de
suffire à le juslifu r lui-même. Au lieu d'obéir noire communion , avec le peuple et le
aux ordres du prince il resta chez lui , , allé- clergé , avaient été chassés sans aucun motif.
guant certains mouvements populaires, je ne Ces monstrueux forfaits excitaient partout
sais quel zèle intempestif de ses partisans; sur les places, dans les maisons, hors de la
tout au contraire cependant, le peuple, même ville, dans la ville, des gémissements et des
avant l'arrivée de la lettre, l'avait accablé de lamenlalions. Tous fondaient en larmes, et ce
mille iniures. Mais nous ne donnerons aucun n'était |.as seulement ceux que l'on maltraitait,

détail; nous en avons dit assez pour montrer mais ceux même qui n'avaient rien à souffrir;
qu'on ne se trompait point sur ses menées ce n'étaient pas seulement les fidèles, mais les
criminelles. Nous ne nous sommes pas tenu en hérétiques, les juifs, les païens, qui déplo-
repos; nous avons persisté à prier l'empereur raient avec nous ces atrocités. On eût dit une
de former un tribunal où nous pourrions dé- tant il y avait de tumulte
ville prise d'assaut,

fendre notre cause. Car nous étions prêt à on entendait de gémissements.


et d'effioi, tant
établir notre innocence et à prouver qu'ils Voilà ce que l'on a osé, malgré notre pieux
avaient indignement transgressé les lois. Les empereur, au milieu des ténèbres de la nuit.
Syriens qui l'avaient suivi à Constantinople et Celaient des évêques qui avaient tout disposé ;

ils dirigeaient eux-mêmes des


bandes armées,
qui avaient agi de concert avec lui, étaient
nous allâmes les trou- et leurs diacres étaient les maîtres de camp
restés dans cette ville ;
392 TRADUCTION FRANÇAISE UE SALNT JEAN CliRYSOSTOME.

qui les précédaient. Dès que le jour eut paru toute nation qui est sous le soleil, mande»-
tous les habitants sortirent des murs de la moi, je vous prie, que tout ce qui se fait con-
ville, et allèrent célébrer la fête de Pâques trairement aux canons, pendant mon absence,
sous des arbres et au milieu des bois, comme et par une seule partie, sans que j'aie refusé
des brebis dispersées. de comparaître, est non avenu comme cela
,

A. Par là vous pouvez juger de tout le reste ; doit être; obligez les transgresseurs à subir les
car raconter en détail ce qui s'est passé ,
je le j)eines déterminées par les lois ecclésiastiques.

répète, c'est chose impossible. Mais, ce qu'il y a Pour nous qui n'avons été
,
ni surpris dans
de plus fâcheux, c'est que ces maux si nom- aucune faute ni convaincus,, ni déclarés cou-
breux et si grands n'ont pas encore disparu, et pables, accordez-nous d'être avec vous, comme
on ne sait quand ils finiront. Le péril s'accroît par le en communion de lettres et de
passé ,

dejour.cn jour, et nous sommes devenus pour charité. Mais si nos ennemis qui ont fait ,

la plupart un objet de risée ; ou pUitôt per- preuve de tant d'iniquité, forgent encore de
sonne ne rit, pas même les plus pervers; mais, nouveaux griefs pour se justifier de nous avoir
comme je le disais, tous déplorent ces derniers chassé de Constantinople, sans nous donner ni
excès, qu'il serait difficile de surpasser. Et qui les actes, ni les libelles d'accusation, sans faire
pourrait dire aussi le trouble qui agite les au- connaître les accusateurs, alors qu'ils reunis-
tres églises ? Le mal en etlet ne désole pas seu- sent des juges incorruptibles et nous plaide-
lement Constantinople, il s'est propagé dans rons volontiers devant eux notre cause, nous
tout l'Orient. Quand les mauvaises humeurs leur prouverons que nous n'avons rien à nous
découlent de la tète , les autres membres se reprocher de ce dont nous accusent, que
ils

.corrompent aussi. Cette grande cité a été I)our eux, ont agi sans aucune
au contraire, ils

comme la source du mal, et le trouble s'est peu raison, et violé les lois et les canons ecclésias-
à peu répandu dans toutes les autres contrées. tiques. Que dis-je, les canons ecclésiastiques?
Partout les clercs se soulèvent contre les évè- mais jamais on n'a rien osé de semblable dans
ques ;on voit des évoques et des peuples s'éloi- les tribunaux des païens , ni même des barba-
gner les uns des autres; leur exem[)le sera res; non, ni les Scythes, ni les Sarmales n'ont
suivi le mal est sur le |)oint d'éclater partout,
; jamais remis le jugement d'une cause à l'une
et l'univers entier sera dans l'agitation. Je vous des parties en l'absence de l'autri-, quand celle-
en conjure donc vénérable et pieux sei-
, ci récuse, non pas des juges, mais des ennemis,
gneur, maintenant que vous êtes instruit de (juand au contraire, elle demande plusieurs
noire situation employez tout votre courage
, milliers déjuges, quand elle proclame son in-
(ît tout votre zèle à mettre im terme à ces vio- nocence, et otlre de la jirouver sur tous les
lences qui fondent sur les églises. Si celte points, en face de l'univers. Réfléchissez donc
coutume venait à prévaloir, et (ju'il fût loisihle à toutes ces choses, et quand nos vénérables
au i)reniier venu de s'ingérer dans les all'aires frères et seigneurs vous auront tout exposé
(I une égiisi;, même éloignée de la sienne, de avec déttiil accordez - nous
nous vous en
, ,

chasser de leurs sièges ceux qu'il voudrait, de prions l'assistance qu'ils vous demanderont.
,

tout décider de sa ])ropre autorité et selon son Ce n'est pas nous seulement (jue vous réjoui-
caprice, oui, bieuliM l'univers serait en proie à rez, mais l'Eglise tout entière, et Dieu vous en
une guerre interminable; on ne verrait i)lus récompensera, Dieu qui fait tout pour ia paix
qu'évêques chassés, et chassant à leur tour. des Eglises. Adieu, et priez pour moi, seigneur
Pour empêcher une telle confusion d'envahir très-vénérable et lrès-pieu\.
LETTlUiS. 303

A INNOCENT, ÉVÉQUE DE ROME,

JEAN , ÉVÊQUE , SALUT DANS LE SEIGNEOR,

Ecrite, à c« que l'on croit, l'an 400,

Notre corps, il est vrni, n'occupe qu'une tout paternel. Vous avez fait tous vos efforts

séuk; place, mais la cliarilé nous porîe sur ses pour ramener le calme, pour faire disparaîtie
ailesdans l'univers entier. Aussi, bien que sé- tant d'intamies et de scandales, pour rendre
paré (le vous par une telle distanci cliaipie , aux Eglises une paix, une sérénité sans nuage,
jour cependant nous sommes avec vous les : pour létablir le courant interrompu pour ,

yeux de la charité aperçoivent votre courage, venger l'honneur des lois méprisées et des
votre attachement sincère, votre fermeté, votre saints canons foulés aux pieds. Efforts impuis-
constance, et ces consolations nonibrenses, sants, hélas ! puis(iue les auteurs des premiers
continuelles t't puissantes que vous lous adres- troubles y ont mis le comble par de nouveaux
sez. Plus les tlofs s'amoncelent ,
plus les crimes. Je ne veux pas vous les exposer en dé-
écueils se multiplient, plus la tempête re- tail. Je ne le pourrais dans une lettre; les bornes
double de fureur, plus aussi s'accroît votre mêmes d'un récit historique ne sauraient les
vigilance. Kien ne peut vous rebuter ni la : contenir. Je vous prie cependant, malgré le
longueur du chemin ni les temps ni les
, , peu d'espoir qu'il y a de guérir les auteurs de
ditlicultes de la route. Mais vous ne cessez ces troubles, alteinls, ce semble, d'un mal in-
d'imiter ces pilotes excellents, qui déploient curable, de repentir, je vous
et incapables
tout leur zèle quand ils voient les flfts se sou- conjure, puisque vous avez entrepris de les
lever, la mer une nuit profonde
se gonfler, et guérir, de ne pas vous rebuter, de ne pas vous
couvrir l'océan au milieu du jour. Aussi vous décourager en considérant la grandeur d'une
rendons-nous de nombreuses actions de grâ- telle entreprise. C'estpour l'univers entier que
ces, et désirons-nous vous envoyer lettre sur vous combattez, pour les églises renver-
c'est
lettre c'est notre plus grande consolation.
: sées, pour les jjcuples dispersés, pour le clergé
Mais le désert où nous vivons, nous prive de que l'on attaque pour les évêques que l'on
,

ce bonheur; car il n'est pas facile d'arriver exile, pour les constitutions des Pères que l'on

jusqu'tà nous. C'est chose difficile, non-seule- viole. Aussi nous vous prions et nous vous
ment pour ceux qui sont loin d'ici, mais en- conjurons de redoubler de zèle, à mesure que
core pour ceux qui habitent les contrées voi- s'accroît la violence de la tempête.Nous espé-
sines; car ceux-ci même sont loin de nous, et rons que temps amènera quelque change-
le

le lieu que nous habitons est à l'extrémité de ment. Quoi qu'il arrive, vous recevrez du Dieu
la contrée. D'ailleurs les voleurs assiègent miséricordieux la couronne due à vos efforts,
toutes les routes. Que notre silence vous et la ferveur de votre charité remplira de con-
fasse compatir à nos douleurs, loin devons solations ceux qu'accable l'injustice. Voilà trois
porter à nous accuser de négligence Non ce ! , ans déjà que nous vivons dans l'exil, que nous
n'est point négligence de notre part, si nous sommes éprouvé par la famine, par la peste ,

gardons le silence; après avoir attendu bien par la guerre, par des sièges continuels, que
longtemps nous avons enfin rencontré le
,
nous vivons dans une affreuse solitude, que
prêtre Jean, que nous vénérons et que nous nous mourons chaque jour, sans cesse exposé
chérissons, et le diacre Paul, et depuis nous aux glaives des Isauriens et ce qui nous con-
;

ne cessons de vous remercier de nous avoir sole,c'est votre attachement si ferme, si cons-
témoigné une bienveillance, un dévouement tant, si plein de sincérité ce qui nous réjouit,
;
395

vraient aimer le calme, la paix et l'union? illicites et absolument contraires aux siens? Non-
Par un déplorable renversement de tout ordre, seulement donc il ne faut pas s'y conformer, mais
voilà que l'on chasse de leurs sièges des il faut les condamner, comme on condamne les

prêtres innocents. La première victime de dogmes pervers des hérétiques et des schisma-
cette violence, c'est notre frère Jean, votre évê- tiques. C'est ce que firent au concile de Sardique
que, dont on n'a pas instruit la cause, contre le- les évêques qui nous ont précédé. Mieux vaudrait,
quel on ne peut alléguer, on ne connaît même vénérés frères, condamner ce qui est bien, que
aucun motif d'accusation. Quelle perfidie! Pour de maintenir ce qui s'est fait contrairement aux
écarter toute occasion de jugement, pour qu'on canons. Mais que ferons-nous maintenant contre
ne songe pas même à la chercher, on substitue cette audace coupable? Nous soumettrons l'affaire

des évoques à la place d'évôques encore vivants ;


à ce concile, que depuis longtemps nous regar-
comme en débutant par un acte aussi criminel,
si dons comme nécessaire. C'est le seul moyen d'a-
on pouvait se taire regarder comme capable d'au- paiser ces troubles.Pour que ce concile puisse se
cune action bonne et conforme à la justice. Nos réunir, n'attendons le remède à tant de maux que
pères ont-ils jamais rien fait de semblable? Il de la volonté du Dieu tout -puissant et de son
était au contraire défendu d'ordonner un évêque Christ, Notre-Seigneur. Tous ces troubles que
à la place d'un autre qui vivrait encore. S'imagine- vient d'exciter la haine du démon contre ceux
t-on qu'une ordination illégitime puisse nuire en que Dieu veut éprouver, s'apaiseront; si nous
rien à la dignité d'un évêque? Est-il évêque sommes fermes dans la foi, il n'est rien que nous
celui qui usurpe le siège d'un autre? Quant à l'ob- ne devions espérer de la divine miséricorde. Nous
servation des canons, les seuls auxquels on doive nous occupons sans cesse de la célébration d'un
obéir, sont ceux du concile de Nicée ; ce sont les concile, afin que, par la volonté de Dieu, ces
seuls que doive reconnaître TEglise catholique. Si mouvements puissent se calmer enfin. Sachons
l'on en produit d'autres qui diffèrent de ceux-là, donc attendre un peu, munissons-nous de pa-
et qui soient manifestement l'œuvre des héréti- tience, espérons que le secours de Dieu rétablira
ques, les évoques catholiques ne peuvent les rece- l'ordre dans l'Eglise. Tous les maux que vous
voir. Il ne faut pas joindre aux canons de l'E- souffrez, nous en avions été informé déjà par les

glise catholique ceux qui ont été forgés par des évêques qui se sont réfugiés à Rome à diverses
hérétiques : que veulent-ils autre chose, sinon époques, c'esi-à-dire par Démétrius, Cyriaque,
affaiblir l'autorité du saint concile par des canons Eulysius et Palladius.

LETTRE DE L'EMPEREUR IIONORIUS A L'EMPEREUR D'ORIENT ARCADIUS.

Je vous ai averti au sujet de cette image prome- à votre sérénité ce que la renommée, toujours
née dans les provinces, chose inouïe jusque là; je prompte à annoncer le mal, n'a pu nous taire au
vous ai parlé des bruits injurieux qui se répan- sujet des alTaires de la religion et des malheurs

daient dans tout l'univers. Je souhaitais do vous que fait craindre votre conduite. C'est le propre de
voir renoncer à celte résolution, vous repentir de la nature humaine; tout incident nouveau offre

l'avoir prise, et faire tomber ainsi ces fâcheuses aux hommes une occasion de blâme, et leur goùl
rumeurs, en sorte que les peuples n'eussent pas à pour la médisance fait éclater leur méchanceté
censurer votre conduite. L'aflection que je vous contre leur époque.
porte m'a déterminé pareillement à attirer votre Voici donc ce qu'on nous a rapporté : A Cons-
attention sur l'Illyrie menacée do périr, et à vous tantinoplo, au jour sacré de la fête de Pâques, de
dire combien j'étais aflligé de penser que vous ne cette fête où la religion rassvMuhle en un même
vouliez pas reconnaître ce danger pressant de la lieu les populations des villes voisines pour célé-
république, cl de lapirondrc par une autre voie brer cette grande solennité en présence des prin-
que vos lettres. Cependant nous ne pouvons cacher ces; tout à coup les églises catholiques furent
394 TRADUCTION FKAISÇAISK DE SAliNT JEAN CHRYSOSTOME.

cVrt voire cliarilù si tendre et si bieiiviillintc remplit d'une joie délicieuse. Fussions- nous
Oii, tlle est pour nous un remuait
c«tniiiie jeté dans un désert bien plus alîreux enc(tre,
qui nous met a iahn des coups, onuue un i nous partirions consolé déjà de tant de souf-
pori (jui nous protège eontie les Ilots, cunune irances.
un trésor de biens innombrables; elle nous

A SON BIEN- AIMÉ FRÈRE JEAN, INNOCENT, ÉVÉQUE.

Celui dont l'âme est innocente, devrait vivre au supporter, quand on se confie en Dieu d'abord,
sein du bonheur et n'implorer que la divine misé- et ensuite en sa propre conscience. On peut
ricorde : cependant, voici que nous vous exhor- exercer la patience de l'homme de bien ; en
tons à la patience dans celte lettre, que vous re- triompher, jamais : car les divines Ecritures gar-
mettra le diacre Cyriaque. Si Tinjuslice accable par dent son àme. Que d'exemples ne renferment-elles
sa violence, que du moins une conscience pure pas, ces divines lectures que nous faisons à nos
fasse concevoir une douce espérance. Vous n'i- peuples! Elles nous montrent presque tous les
gnorez pas, en efTet, vous, le maître et le pasteur saints, tourmentés c'e mille manières, soutenant
de tant de peuples, que Dieu ne cesse d'éprouver pour ainsi dire un examen et obtenant ainsi la cou-
les gens de bien ;
qu'il veut connaître l'étendue ronne de Que cette bonne conscience
la patience.

de leur patience, savoir s'ils sont capables de ré- que vous avez de vous-même, soit donc votre con-
sister à toute espèce de fatigues et d'ennuis. Vous solation, vénérable frère! telle est en effet dans
savez que la conscience est ce qu'il y a de plus le malheur la consolation de l'homme vertueux.
fort contre l'injustice : ne pas supporter l'injus- Ainsi visitée par le Christ, Notre-Seigneur, toute
tice avec courage, c'est donner de soi-même conscience droite et pure entrera dans un port
une idée peu avantageuse. Car on doit tout sur et tranquille.

L'ÉVÉQUE INNOCENT

AUX PRÊTRES ET AtJX DIACRES, A TOUT LE CLERGÉ ET AU PEUPLE DE L'ÉGLISE DE CONSTANTTNOPLE,


SES FRÈRES BIEN-AIMÉS, SOUMIS A L'ÉVÊQUE JEAN, SALUT DANS LE SEIGNEUR.

La lettre que vous m'avez envoyée par le prêtre ainsi prévenu nous-même. Que pourrions-nous dire
Germain et le diacre Cassien, m'a mis sous les autre chose en effet pour soutenir votre courage ?
yeux une scène qui m'a rempli de tristesse J'ai : Notre-Seigneur arme de patience ceux de ses ser-
lu et relu ces maux sans nombre qui accablent la viteurs qui vivent au milieu des souffrances : ils

religion. Il n'y a vraiment que la patience qui savent se consoler eux-mêmes en se rappelant
puisse consoler nos cœurs. Car Dieu saura don- que les saints aussi ont eu beaucoup à souffrir.
ner un terme à tant de désordres, et nous nous Bien plus, nous pouvons à noire tour puiser des
réjouirons d'avoir souffert. Ce motif de consola- consolations dans votre lettre car nous parta-
:

tion, je le trouve au début même de votre lettre, geons toutes vos douleurs; en vous persécutant,
et je vous loue d'y avoir inséré tant de témoi- on nous persécute avec vous. Qui pourrait sup-
gnages si propres à consoler. Voue nous av«z porter tant de crimes de la part de ceux qui de-
396 TRADUCTION FRANÇAISE DE SAINT JEAN CHRYSOSTOME.

fermées, et les prêtres jetés en prison. Dans ce rer la divine miséricorde au pied d'autels ensan-
temps où l'on use plus particulièrement d'indul- glantés. Les édifices divins, remarquables aussi
gence, où l'on brise les fers des criminels, on n'a par leur splendeur, ont été dévorés par les flammes
pas craint de jeter en prison les ministres de la loi dont on excitait la fureur, et qui se répandaient

sacrée, les ministres de la paix. Les saints mys- au loin. Ces ornements, qui charmaient les yeux
tères ont été troublés, comme si la guerre eût du peuple, ces ornements, dons de nos ancêtres,
sévi, on a commis des meurtres dans les sanc- ont été brûlés, comme si l'on eût fait les funérailles

tuaires eux-mêmes, et telle a été la violence exer- de l'univers. Sans cesse accablé d'injures, peut-
cée autour des autels ,
que de vénérables évêques être aurais-je dû garder le silence, et ne pas aver-
ont été exilés, et les augustes sacrements, chose tir si fidèlement un frère qui partage avec moi le

inouïe jusque-là, inondés de sang humain. trône. Toutefois, les liens du sang l'emportent sur
Ces nouvelles, je ne puis le dissimuler, nous ont l'aiguillon de la douleur; je vous conseille, je vous
vivement ému. Après un tel sacrilège, qui ne re- presse de porter remède à tant de maux, de faire
douterait le courroux du ciel? Comment ne pas cesser une conduite déplorable. Apaisez, par des
croire que l'univers romain, que le monde entier vœux empressés la colère de Dieu, irrité contre
court les plus grands périls ? l'auteur de notre nous, ainsi que le montrent les événements.
puissance, le suprême gouverneur de cette répu- Recevez un témoignage de ma droiture et de ma
blique qu'il nous a confiée, ne doit-il pas être franchise. J'ai cru devoir donner ces conseils à
irrité par tant d'actions funestes et exécrables? votre clémence, pour n'être suspect à qui que ce
ô mon frère, ô vénérable descendant d'Auguste, soit. Peut-être, si j'eusse gardé le silence, aurait-
s'il s'élève entre les prélats quelque différend au on cru que je me félicitais en secret de ce qui
sujet de la religion, n'est-ce pas aux évêques qu'il avait eu lieu. On aurait pu penser que je donnais
appartient de prononcer? Oui, c'est d'eux que mon consentement à de telles actions, et qu'après
relèvent les affaires religieuses; pour nous, notre avoir souvent conseillé de ne pas les commettre,
devoir est d'obéir à la religion. Mais passe encore je n'étais pas lâché de les voir accomplies.Com-
que l'empereur se soit arrogé trop de puissance en ment ne pas éprouver de douleur si l'on se rap-
ce qui concerne les questions religieuses et catho- pelle son litre de chrétien, quand on voit tout à
liques ; fallait-il donc exiler les prêtres, et répandre coup la religion troublée et la foi catholique ren-
le sang humain? N'est-ce pas là pousser l'indigna- due chancelante? C'était un ditlérend survenu
tion jusqu'à l'excès? Quoi! dans ce lieu où prient entre les évêques; un concile devait se réunir et
les cœurs purs, où se forment des vœux pieux, où décider. Les deux partis avaient envoyé des dépu-
s'olTrent d'augustes sacrifices, on a vu briller le tésaux prêtres de la Ville Eternelle et de l'Italie;
glaive, que l'on doit à peine tirer du fourreau pour on attendait d'eux une sentence qui devait servir
sévir contre les coupables! Les faits eux-mêmes de règle. Jusqu'à ce qu'elle eût été prononcée, il

nous ont montré de quel œil la majesté divine a ne fallait rien exécuter, ni rien innover. Cependant
vu ces choses. Ils ont justifié les reproches que je on précipite toute chose avec une étrange ardeur,
vous adresse en ce moment; et puissions-nous ne et, sans attendre la lettre que l'on avait sollicitée

rien voir de plus fâcheux! L'âme saisie de crainte, de jiart et d'autre, sans rien examiner, on exile les
à la pensée de tant de crimes, redoute une ven- prélats, on sévit contre eux, avant d'avoir reçu la
geance plus terrible encore, après avoir déjà res- décision demandée. Rien de plus prématuré que
senti les coups d'une justice irritée. Veuille le ciel cette condamnation, comme révénement l'a mon-
ne pas réaliser ces tristes prévisions !
tré. Car ceux à l'autorité desquels on en avait
J'apprends que celte église vénérable, enricliie appelé, sont demeurés en communion avec l'évêquc
par les empereurs, si magnifiquement ornée par Jean, ont décidé qu'il fallait entretenir la concorde,
leur ])iété, rendue si auguste iiar leurs |)rièros, est et qu'on ne devait excommunier personne avant
devenue la proie des llummes. Cette brillante lu- de l'avoir jugé.
mière de l'église do ConslanliDople est convertie Comment empêcher maintenant que les schis-
maintenant eu un monceau de ci-ndres , d'où mes ne divisent l'Kglise et ne déchirent la foi
s'échappent dos nuages de fumée. Dieu n'a jias catholique; que d'un tel dissentiment ne naissent
empêché ce mallieur. Il semble avoir eu exécration des hérésies, toujours si ennemies de l'union î Peut-
la profanation des saints mystères, semble avoir
il on reprocher au peuple de se diviser pour suivre
détourné ses yeux de ce s;uicluaire où a coulé le divers partis? Voici que la puissance suprême
sang humain; il ne veut pas qu'on vienne implo- donne le signal des discordes et se plait à entre-
LETTRES. 307

tenir un foyer de st^dition. Si l'on veut prév(!nir mais on peut toujours fléchir la divine miséri-
des maux terrililos, il faul se liàter de prier le Dieu corde ; et alois ce n'est pas la laule qui demeure
miséricordieux de rétablir ces aflaires que l'on impunie, c'est la miséricorde qui s'exerce à l'é-

a conduites avec si peu de prudence. Pour ce qui gard du pécheur,


est Je nos acleS; nous avons loul lieu de craindre;

AUX ÉVÉQUES, AUX PRÊTRES ET AUX DIACRES JETÉS EN PRISON A CAUSE DE LEUR PIÉTÉ.

Bienheureux, vous tous qui avez été jetés en aux pieds, soutenu le sacerdoce audacieusement
prison, chargés de chaînes et de liens. Oui, vous outragé et prolané; vous qui avez souffert tant de
ôles bienheureux, trois fois bienheureux. Vous supplices pour la vérité, pour confondre la calom-
vous êtes attiré l'admiraiion el l'amour de l'univers. nie? Il ne vous est 'point permis d'avoir la femme de
Partout, sur la terre, sur la mer, on chante vos votrefrère (Matlh.xix, 4), disait le courageux, le Su-
glorieux exploits, voire courage, votre invincible blime précurseur de Jésus, et c'en fut assez pour
constance, votre àme vraiment libre et généreuse. prouverson intrépidité. Vous aussi, vous avez dit:
Rien n'a pu vouseflrayer, ni les tribunaux, ni les voici que nos corps vont être livrés aux supplices
bourreaux, ni les plus cruelles tortures, ni la mort et aux tourments; eh ! bien, faites- les mourir, acca-
dont on vous a menacés. En vain les lèvres du juge blez-les des supplices les plus cruels, vous ne
lançaient la flamme contre vous, en vain vos en- pourrez nous contraindre à proférer des calomnies;
nemis grinçaient les dents, vous dressaient mille nous aimons mieux mourir mille fois.

embûches, vous calomniaient, vous chargeaient On ne vous a point tranché la tète; mais letraite-
d'impudentes accusations, en vain vous meiiaient- ment qu'on vous a fait subir n'est-il pas encore
ils chaque jour la mort devant les yeux. Vous avez plus alfreux? Il y a certes moins de mérite à perdre
trouvé dans ces supplices mêmes d'abondantes la vie par un supplice d'un instant, que de lutter
consolations. C'est pourquoi tous vous décernent si longtemps contre de telles douleurs, et de telles
des couronnes, et publient votre vertu, non-seu- menaces, que d'être jeté en prison, traîné devant
lement vos amis, mais encore vos ennemis, et les tribunaux, livré aux mains des bourreaux,

ceux qui vous ont persécutés. Vos ennemis ne le aux langues impudentes des calomniateurs, à leurs
font pas ouvertement sans doute; mais si l'on pou- injures, à leurs sarcasmes, à leurs railleries. Il

dans leur conscience, on les trouverait


vait lire n'est point de lutte plus glorieuse que celle-là;
remplisd'admirationpour votre conduite. Telle est c'est saint Paul qui nous l'apirend en ces termes :

en efl"et la vertu, elle excite l'admiration de ceux- Rappelez- vous les jours ancieixs, où éclaires par la

mêmes qui lui font la guerre : la méchanceté est lumière de la foi, vous avez soutenu le glorieux combat

au contraire condamnée mèfne oar ^'^ méchants. des afilictions. (Hébr. X, 32.) 11 énumère ensuite
Voilà votre récompense dans celte vie; mais qui les phases diverses de celte lutte: On a donné en
pourrait dire les biens qui vous sont réservés dans spectacle vos opprobres et vos afflictions ; et vous avez

les cieux? Vos noms sont inscrits au livre de vie, compati aux douleurs des affligés. (Ibid. xxxiii.) Com-
avec ceux des martyrs. J'en suis certain. Je ne suis patir aux douleurs d'autrui, c'est engager un com-
pas monté au ciel, il est vrai, mais les divins ora- bat; n'est-ce donc pas combattre aussi que de
cles me l'ont enseigné. Jean, le fils de la femme souffrir soi-même? Vous êtes morts, non pas une
stérile, l'habitant du désert, témoin de l'adultère fois ou deux seulement, mais mille fois; non point

d'Hérode, blàraa ce prince, sans pouvoir le con- dans la réalité, mais par la volonté. Réjouissez-vous

vertir; on le jeta en prison, on lui trancha la donc, et tressaillez d'allégresse. Le Seigneur vous or-

tôte; il eut ainsi l'honneur d'être martyr et le pre- donne, non-seulement de ne pas vous attrister, de ne pas
mier des martyrs. Quelle récompense n'obtiendrez- vous laisser abattre, mais encore de vous réjouir et de
vous donc pas, vous qui avez défendu les lois et tressaillir d'allégresse, quand on en viendra à proscrire
les coDSlitulions des Pères, quand on les foulait votVii nom comme détestable. S'il faut se réjouir à pro-
398 TRADUCTION FRANÇAISE DE SAINT JEAN CHRYSOSTOME.

pos des calomnies, songez quelles récompenses, proportionnéts à la gloire dont nous serons environnés

quelles couronnes méritenl ceux qui sont non-seu- dans les deux. (Rom. viii, 18.) Encore un peu de
lement calomniés, mais encore battus de verges, temps: le terme de vos épreuves, le moment de la
misa la torture, percés de glaives acérés, chargés délivrance approche. Ne vous lassez point de prier
de chaînes, envoyés en exil, menés de pays en pour nous. Une longue distance nous sépare, et il
pays , assaillis par des légions d'ennemis. Ré- y a longtemps que nous vivons loin de vous; mais
jouissez-vous donc et tressaillez d'allégresse. (Matth, v, nous vous aimons comme si nous étions près de
12.) Montrez-vous pleins de courage et de force, vous, nous couvrons de nos baisers vos têtes ché- I
songez que par votre exemple vous avez ranimé le ries et ornées de couronnes, nous vous serrons
courage des chrétiens, raffermi ceux qui chance- affectueusement dans nos bras; nous savons bien
absents comme les présents; songez
laient, les que vous nous offrez en retour cette charité qui
que les chrétiens les plus éloignés ont retiré de ne s'est jamais démentie. Si l'on peut s'attendre à
vos souffrances les plus grands avantages sans en à une récompense uniquement parce que l'on vous
avoir été les témoins, mais pour les avoir entendu aime, songez quelles récompenses sont réservées I
raconter. Ayez toujours à la bouche ces paroles de à ceux, qui comme vous, se sont couverts de gloire
l'Apôtre : les souffrances de cette vie ne sont point dans de si nombreux combats.
LETTRES \ OLYMPIADE.

Ou ti'a pu retrouver l'ordre chronologique des lettres de saint Chiv-urlome. Les bénédictins ont conservé l'ordre suivi dans les
précedonlrs éililions.

Cet ensombln doit èire compté parmi les plus beaux monuments ec. àiasliques. Il nous fournit, en effet, de précieux renseigne-
mcnls sur ce grand srliisme de rE;;lise d'Orient et sur l'exil du sa.nl évêque.
Les dix-?epl leilres à Olympiade sont de toutes les plu» lonuues, les plus belles et les plus utiles, nous dit Photius. Les unes offrent
à cette pieuse veuve les cousoUlions et les cncourapements dont elle a besoin ce sont de véritables homélies j les autres nous
:

racontent sis tribulations. Voici quelques détails sur Olympiade.


Elle était fille du comte An>>'ms. Sou père la douua eu mariafte au préfet Nébride (probablement l'année 384.) Saint Grégoire
de Nazianze, invité aux no^v s, s'excusa de ne pouvoir y assister, et adressa à la jeune épouse un épithalame ou plutôt un
discours parœnéiique. Olympiade ne fut mariée que vingt mois. Devenue veuve à la Heur de son âge, elle voulut demeurer
veuve et rien ne put ébranler celle résoluiiou Théodose eut vainement recours aux prières et aux menaces pour lui faire
épouser l'espagnol Klpidius, son parent. Ce refus irrita l'empereur, qui, avant de marcher contre Maxime, enjoignit au préfet
de la ville de séquestrer tous ses biens jusqu'à ce qu'elle eût atteint l'âge de trente ans. Elle supporta, dit-on, cet acte odieux
avec tant de courage qu'elle semblait heureuse d'èlre dépouillée de sa fortune. \ son retour. Théodose comprit que rien ne
pourrait vaincre celle résistance, et lui lit rendre ses biens Dès lors, sa maison fut ouverte aux évêques, aux moines, aux
prêtres et aux autres clercs qui venaient à Conslaulinople. L'évèque Nectaire la fit diaconesse; et ce fut elle qui lui ferma les
yeux. Les lettres à Olympiade nous disent assez combien elle fui chère à saint Chrysoslome. Après l'exil du Saint, elle fut
traluée devant les tribunaux, accusée avec les autres amis du Pontife d'avoir mis le feu au temple de Sainte-Sophie. Malgré la
fermeté de ses réponses, on la condamna une forte amende; elle quitta ensuite Constanlinople pour se retirer à Cyzique où
i

elle attendit dos temps meilleurs. Saint Grégoire de Nazianze, Palladius, Sozomèae, Ammien, et d'autres biographes nous oat

transmis de nombreux détails sur cette vertueuse femme.

sibleencore en vous la représentant dans un


,

LETTRE PREMIÈRE. énergique tableau. Nous voyons une mer agi-


tée jusque dans ses profondeurs, les mitelots
Cacuse, eu 404.
morts et nageant au-dessus des flots ou bien .

1. n ne faut craindre que le péché. — 2. L'adversité nous


s'abîmant dans les ondes, les ais du navire dis-
vaut de grandes récompenses, et c'est pourquoi Dieu permet persés, les voiles déchirées, les mâts rompus,
qu'elle nous afflige. Les trois enfants dans la fournaise. — les rames échappées aux mains des rameurs,
3-4. De tout temps le Seigneur a permis qu'il y eiU des scnn-

dales et des persécutions, ahn de mieux manifester sa puis- les pilotes, loin du gouvern.Ml assis sur quel- ,

sance et sa sagesse. — o. Conclusion : Olympiade doit bannir ques débris du vaisseau pressant leurs ge-
,

de son âme cette tristesse que lui causent les désordres ac-
tuels.
noux dans leurs mains, et à bout de ressources,
réduits à verser des larmes et à pousser des pé-
A LA VÉNÉRABLE ET TRÈS - PIEUSE DIACONESSE missements. Ils ne voient plus ni ciel ni mer,
OLYMPIADE , JEAN , ÉVÊQUE , SALUT DANS LE autour d'eux s'étendent d'alfreuses ténèbres,
SEIGNEUR. une profonde nuit, qui ne leur permet pas
même d'entrevoir leurs proches. Les tlots mu-
1 Je vais donc essayer d'adoucir la plaie de
.
gissent, et de leurs seins les monstres marins
votre tristesse et de dissiper ces pensées qui ont se précipitent de toute part sur les passag<>rs.

amoncelé dans votre ànie de si épais nuages. Mais pourquoi me consumer en efforts inutiles?
Pourquoi étes-vous troublée? Pourquoi tant J'ai beau chercher quelque image des maux pré-
d'aniiclion et de douleur? Ah c'est qu'une ! sents; ils sont au-(lc.-susde toute expression, et
violente une atîreuse tempête s'est abattue sur
,
je me sens vaincu p;u leur immensité. Au reste,

les Eglises, et a répandu sur elles une nuit té- malgré tant d'horreur, ne perds pas l'es-
je

nébreuse; elle s'accroît de jour en jour, elle poir d'un meilleur avenir, quand je songe à
enfante d'horribles naufrages , et l'univers est cette Providence qui n'a pas besoin des res-
,

menacé de périr. Ces calamités, je ne les ignore sources de l'art pour \riom|)lier de la tempête,
qui pourrait donc les
{las: nier? Bien plus, cette mais qui d'un signe peut en briser la violence.
honible tragédie , je veux la rendre plus sen- Elle ne se hâte point, il est vrai, le plus sou-
400 TRADUCTION FRANÇAISE DE SAINT JEAN CHRYS0ST03IE.

vent , au contraire, elle ne dissipe point sur-le- rongera, comme elle ronge la laine, (Isa.

champ les maux


qui se produistnt; elle les Li, 7, 8.) Ne vous troublez donc point des
laisse s'accroître, et quand ils ont atteint leur maux qui s\irviennent ; n'allez pas implo-
développement, quand tout espoir de salut rer celui ou celui - là
- ci ne poursuivez ,

disparaît, elle se révèle par un miracle qui pas des ombres fugitives (c'est une ombre
frappe d'élonnement, et ainsi tour à tour elle en etïet que l'appui d'un homme); mais ne
manifeste sa puissance et exerce la patience de vous lassez pas de prier Jésus que vous ado-
ses serviteurs. Ne vous laissez donc pas abattre, rez (ju'il fasse un signe et à l'instant toutes
; ,

ô Olympiade 1 La seule chose qu'il faille redou- vos craintes seront dissipées. Vous avez prié,
ter, la seule tribulaliun qui soit à craindre, et cefiendant les maux n'ont point cessé. Ainsi
c'est le péché. N'est-ce pas là ce (jue je n'ai (jue je le disais tout à Iheure, c'est la conduite
cessé de vous dire? Tout le reste, embûches, ordinaire de la Providence, de ne pas dissiper
inimitiés, fraudes, calomnies, outrages, accu- sur-le-champ les maux qui nous accablent.
sations, confiscations, exils, glaives acérés, flots Elle les laisse s'amonceler autour de nous et ,

soulevés par la tempête, assauts livrés par l'u- quand nos ennemis ont, pour ainsi dire con- ,

nivers conjuré, tout cela ne mérite pas qu'on sommé toute leur malice, soudain, il ramène
s'en imiuiète. Eh 1 tout cela n'est-il pas tempo- un calme et un ordre auxquels on était loin de
raire, éphémère? Tout cela ne regarde-t-il s'attendre. Non content de nous envoyer les

point ce corps sujet à mourir, et peut-il causer biens que nous attendons et (|ue nous espérons,
quehjue dommage à une âme qui sait être cir- il nous en envoyer de plus nombreux
se plaît à
conspecte? Aussi, l'apôtre saint Paul voulant et et c'est pourquoi saint Paul
de plus grands ,

nous montrer toute la fragilité des biens et disait A celui qui peut nous faire du bienavec
:

des maux de la vie présente, n'a besoin surabondance, et nous accorder plus que nous
que d'une seule Tout ce qui se
parole : ne lui demandons ou que nous ne pouvons es-
voit , est temporel (Il Cor. iv 18) nous , , pérer. (Eph. m, iîO.)

dit-il. Quoi donc , vous redouteriez ce (jui Ne pou^ ait-il pas préserver les trois jeunes
est temporel, ce qui s'écoule avec la rapidité Hébreux de la tentation? Il ne le flt pas, afin
d'un fleuve? Cette image, vous pouvez rap|)li- de leur ménager de grandes récompenses. El
quer à tous les événements de cette vie qu'ils ,
c'est pour(|uoi il les laissa tomber aux mains

soient joyeux, qu'ils soient tristes. Un autre des barbares; c'est pouniuui il permit quon
prophète compare bonheur de l'homme, nonle allumât pour eux celle fournaise d'une hor-
pas à l'herbe des champs, mais à quelque chose rible profon<leur, et (jue dans l'àme du roi
de moins durable encore toute cette félicité, ; s'allumât aussi une colère plus ardente (jue le

dit-il , c'est comme la fleur de l'herbe. Il ne feu de la fournaise; qu'un leur liât ensuite les
s'agit pas seulement d'une partie de ce bon- mains et les pieds, et qu'on les préci[)ilàt au
heur, comme la richesse, la volupté, la puis- milieu des flannnes. Mais, lorsque tous les
sance, les honneurs : non, mais il ajjpelle du spectateiu's les croyaient réduits en cendres,
nom de gloire tout ce qui jette cjuehiue éclat on vit éclater soudain et contre toute attente la

sur notre vie , et cette gloire il la compare en- merveilleuse puissance du Dieu très-haut : le
suite à l'herbe des champs : Toute la gloire feu était enchaîné, et ceux (jui avaient été
humaine, dit-il, ressemble à la fleur de l'herbe. chargés de fers se voyaient délivres; la four-
(Isa. XL, 6.) naise était devenue un teniple, une fontaine
2. Mais, direz-vous , l'adversité est un lourd,* rafraîchissante; nul palais n'otlre tant de ma-
un insupportable fardeau. Entendezcette autre gnilicence et de splendeur. Cet élément des-
comparaison, bien capable à son tour de vous tructeur, plus puissant <\\w le fer ou la pierre,

faire mé[)riscr l'adversité. Le prophète com- des cheveux en avaient triom|)hè! Là, on voyait
pare les injures, les outrages, les opprobres, debout le chœur harmonieux de ces saints, invi-

les railleries, les pièges auxquels nous sonmies tant le ciel et la terre à se joindre à leur concert,
exposés de la part de nos ennemis à un vêle- et leurschantsde reconnaissance s'élevaient jus-
ment usé, à rongée par les vers. Voici
la laine qu'au Seigneur : ils le remerciaient d'avoir per-
ses exi)ressions Ne craignez pas les outrages
: mis qu'ilsfussent chargés de chaint s, jetés dans
des hommes^ ni leurs mépris. Lts vers les dé- les flammes par leui's ennemis, entraînés loin

voreront , comme un vêlement; et la teigne les de leur patrie i ils le remerciaient d'avoir per-
Î.ETTRES. iOl

mis ct'lt': caj l vite oiî ils vivaient prives de pour r.;irabbas, et un peuple corrompu s'écriait
toute liherlc, loin de leur ville, loin de leurs qu'il fallait préférer un homicide au Sauveur
familles, sur une terre étrangère et barbare. deshommes, à l'auteur de tant de bienfaits.
Voilà les sentiments d'une àme reconnaissante. Combien n'y en eut-il pas (jui tombèrent et
Mais, quand leurs ennemis eurent assouvi leur qui périrent? Mais reprenons leschoses de
rage ((jue pouvaient-ils entreprendre, après plus haut, ('e divin Crucifié ne fut-il pas, des
avoir essayé de les faire mourir?), quand les sa naissance, obligé de encore
s'exiler, de fuir,
athlètes eurent déployé toute leur vigueur, au berceau, sur une terre étrangère avec toute
quand ils eurent mérité la couronne et les sa famille; de se réfugier avec elle dans un
autres récompenses, quand rien ne manqua pays barbare, si éloigné de sa patrie? Ensuite,
plus à leur gloire, alors tous le> duigers dispii- que de sang répandu, (juc de meurtres, quel
rurent, et le prince tiui avait allumé la four- carnage! De tendres enfants étaient massacrés
naise pour les y précipiter se prit à célébrer la comme sur un champ de bataille; on les arra-
gloire des généreux athlètes, à publier le mi- chait aux mamelles (\n\ les allaitaient, et cette
racle accompli par Dieu, à envoyer par tout gorge encore arrosée du lait de leurs mères,
yunivers de ces événements, procla-
le récit on y enfonçait un glaive acéré! Y a-t-il tra-
mant avec enthousiasme les merveilles du gédie plus horrible? Et l'auteur de ces crimes,
Très-Haut. C'était un ennemi (jui envoyait celle c'était celui qui cherchait Jésus pour le faire
lettre : comment n'y eùt-on pas ajouté foi, mourir. Dieu cependant, ce Dieu si plein de
môme chez des ennemis? bonté, en présence de ces crimes, en présence
3. Ne voyez-vous pas l'habilelé, la sagesse, de ces flots de sang, se taisait; il se taisait,
la merveilleuse puissance du Seigneur? Ne quand il aurait pu tout empêcher; et c'était
voyez-vous pas tout ce qu'il y a en lui de misé- par un secret mystère de son inelTable sagesse
ricorde et de bonté? Ne vous effrayez donc qu'il manifestait cette merveilleuse douceur.
point, ne vous troublez point; en toute cir- Quand Jésus fut revenu de l'Egypte et (|u'il
constance, remerciez-le, louez-le, priez-le, con- eut grandi, de toutes parts on s'arma contre
jurez-le. Eussiez-vous devant les yeux le plus lui. Et d'abord, c'étaient les disciples de Jean,
horrible tumulte, les jilus affreux bouleverse- que la jalousie dévorait, qui s'affligeaient de
ments, ne vous inquiétez point. Le Seigneur, ses succès, malgré le respect de leur maître
en elfet, n'est jamais réduit à l'impuissance, pour Jésus, et qui lui disaient Celui qui était
:

quehjue funeste que soit la situation, quehiuc avec toi au delà du Jourdain^ voici qu'il bap-
grands (jue soient les dangers. Il peut relever tise, et tout le monde vient à lui. (Jean, ni, 26.)

ceux qui tombent, ramener dans le chemin N'est-ce pas le langage d'hommes qu'a pénétrés
ceux qui s'égarent, redresser ceux qui chan- l'aiguillon de l'envie etque ronge cette passion
cellent, délivrer ceux qui sont plongés dans coupable? N'est-ce pas à ce sujet aussi que l'un
un abîme de péchés et les rendre justes; il de ceux-là entama avec un juif une vive dis-
peut ressusciter les morts, restaurer un édifice cussion sur les purifications, et mit en parallèle
et en accroître la splendeur, rajeunir ce que la le baptême de Jean avec celui des disciples du
vieillesse a terni de son souille. Ne fait-il pas Sauveur? Les disciples de Jean, dit l'Evangile,
sortir la créature du néant? Ne communique- eurent une dispute avec un juif sur la purifi-
t-il pas l'être à ce qui ne l'avait point? A plus cation. (Jean, ni, 25.) Pour ses miracles, que
forte raison rétablira-t-il ce qui existait déjà, de calomnies ne lui suscitèrent-ils pas ? Les
ce qui était l'œuvre de sa puissance. — Mais uns l'appelaient Samaritain et possédé du dé-
combien il en est qui périssent! combien d'au- mon. Tu es un Samaritain, lui disaient-ils, et
tres sont scandalisés! — Que de fois n'a-t-on tu es possédé du démon. (Jean, viii, 48.) Les
pas vu de semblables malheurs, auxquels le autres l'appelaient imposteur, et disaient Il :

Seigneur ensuite appliqua le remède capable ne vient pas de la part de Dieu, mais il séduit
de les guérir! Si, une fois le danger passé, plu- lepeuple. (Jean, vu, 12.) D'autres l'appelaient
sieurs s'obstinèrent, c'est à eux qu'il faut re- magicien C'est par Béelzébub, prince des
:

procher la persistance de leur mal. Pourquoi démons, quil chasse les démojis. (Matth. ix, 34.)
vous troubler, pourquoi vous désoler de voir Voilà ce que sans cesse ils répétaient. Ils le
l'un repoussé et l'autre introduit? On menait traitaient, en outre, d'ennemi de Dieu, de dé-
le Christ au supplice, on demandait la liberté bauché lui reprochaient de s'adonner au vin
;

Tome IV. 26
402 TRADUCTION FKANÇAISE DE SAINT JE.VN CHRYSOSTOME.

et d'être l'ami des méchants et des hommes Que dire de ces soulflets qu'on lui appliqua sur
dissolus. Le Fils de l'iiomme est venu, man- la joue, de ces paroles injurieuses qu'on lui
geant et buvant^ et vous dites : C'est un homme adressa : Prophétise, ô Christ, et dis-nous quel
qui fait bonne chère et qui s'enivre, qui est est celui qui fa frappe ? (Matth. xxvi, 68.) Et
l'ami des publicains et des pécheurs. (Luc, vn, conduisaient çà et là, toute la journée, il
ils le

34.) Un jour même qu'il s'entretenait avec une dut subir leurs paroles injurieuses, leurs ou-
pécheresse, ils le traitaient de faux prophète : trages et leurs sarcasmes. Le serviteur du
Si c'était un prophète, disaient-ils, il saurait grand-prêtre le souftleta, les soldats se parta-
quelle est cette femme qui lui adresse la parole. gèrent ses vêtements. Tout nu, les épaules
(Luc, vu, 39.) Chaque jour enfin ils aiguisaient meurtries de coups, on le mena au supj)lice et

leurs dents contre lui. Mais ce n'étaient pas on le cloua sur une croix. Rien ne put amollir
seulement les Juifs qui le harcelaient de la ces cœurs farouches ; au contraire, ils redou-
sorte ceux que l'on disait être ses frères lui
: blèrent de fureur, c'était un spectacle de plus
manquaient d'égards, et ses proches lui fai- en plus horrible, des injures de plus en plus
saient une guerre acharnée. Vous pouvez voir, grossières. Les uns disaient: Toi qui détruis le
par les paroles de l'Evangéliste, jusqu'à quel temjÂe de Dieu et qui le rebâtis en trois jours;
point ils étaient corrompus eux-mêmes. Ses d'autres lui criaient H a sauvé les autres et il
:

^ frères, dit il, ne croyaient pas en lui. (Jean, ne peut se sauver hd-même ; d'autres enfin :

Vil, 5.) Si tu es le Fils de Dieu, descends de la croix et


4.Vous me parlez de chrétiens scandalisés nous croirons en toi. (Matth. xxvii, 40, 42.)
et détournés du droit chemin. Eh combien n'y ! Pour mettre le comble à l'insolence, ils lui
eut-il pasde disciples qui furent scandalisés donnèrent à boire du fiel et du vinaigre. Les
au temps de la Passion? L'un d'eux trahit son voleurs eux-mêmes le chargeaient d'oj)pro-
maître, d'autres prirent la fuite, un autre le bres, ses bourreaux poussèrent leur criminelle
renia. Tous l'abandonnèrent, et il demeura insolence jusqu'à s'écrier qu'ils lui préféraient
seul entre les mains de ses ennemis. Parmi ces ce scélérat, cet auteur de tant de vols et d'as-
hommes qui avaient été téuioins de ses mer- sassinats , et cpiand Pilate leur eut donné le
veilles, qui l'avaient vu ressusciter les morts, choix, ils choisirent Barabbas, voulant ainsi
guérir des lépreux, chasser les démons, multi- non-seulement crucifier Jésus-Christ, mais flé-

l)lier les pains, opérer tant d'autres miracles, ^ trir sa renommée. Ils prétendaient prouver par
et qui ensuite le virent abandonné de tous, là que Jésus était pire qu'un voleur, el telle-
enchaîné, entraîné par une vile soldatesque, ment chargé de crimes que ni la pitié, ni la
suivi de la foule tumultueuse des prêtres juifs, solennité du jour ne pouvaient le sauver. Flé-
entouré d'ennemis (jui l'accablaient de menaces, trir sa renommée, c'était là le but de toutes

en face de ce traître qui s'enorgueillissait de leurs démarches, et c'est aussi pour cette rai-
son action, parmi ceshonmies, dis-je, combien sou qu'ils le crucifièrent entre deux larrons.
n'y en eut-il pas de scandalisés? Que d'autres Mais, loin d'obscurcir la vérité, ils ne firent
se scandalisèrent quand ils le virent llagcller I (ju'en augmenter l'éclat. Us l'accusiiieut aussi
Ily avait là sans doute une multitude infinie d'aspirer à la royauté : Quiconque se fait pas-
de spectateurs, ('/était un jour de fêle, et tous ser pour roi, disaient -ils, ne peut être l'ami de
les Juifs se trouvaient à Jérusalem ; c'était dans César. (Jean, accusaient delà
ix, 1^2.) Oui, ils

cette capitale que se passaient ces sd>nes tragi- sorte Celui (jui où reposer sa tête.
n'avait pas
ques, et tous ces excès se connnettaient en Ils lui reprochaient aussi d'avoir blasphémé.

plein midi. Quel ne devait pas être le nombre Le pontife déchira ses vêtements en disant:
des spectateurs, el en le voyant ainsi enchaîné, // a blasphémé, qu'avons-nous encore besoin
battu de verges, inondé de sang, interrogé par de témoins? (Matth. xxvi, 05.) El sa mort,
Pilate, abandonné de tous ses disciples, quels peut-il y eu avoir de plus violente? N'était-ce
sentiments ne durent-ils pas éprouver ? Nul pas mourir connue un criminel, comme un
outrage ne lui fui épargné. On lui enfonça Iionune digne d'exécration ? Netail-ce pas la
dans la tête une couronne d'épines, on le re- plus honteuse des morts, la mort de ceux qui
vêtit d'un manteau de pourpre, on lui mit un se sont souillés des crimes les plus abomina-
roseau dans la m;nn, on se prosterna devant bles el qui ne sont pas même dignes de rendre
lui, en un mol, il fut le jouet de ses ennemis. sur la terre leur dernier soupir? Si ou lui donne
LETTllES. i03

la sépuîliiro, n'est-ce [)as comme un bieiilail, hommes du peuple,


voyaient accueillis par des
comme une grâce qu'on lui accorde? On vu par des ouvriers de toute coiidilion, par des
trouver Pilule et on lui demande le corps de femmes occupées à teindre la pourpre, par des
Jésus. Il n'y avait pour l'ensevelir aucun do faiseurs de tentes, par des corroyeurs, qui ha-
ses proches,aucun de ceux qui avaient reçu ses bitaient dans les faubourgs et })rès du rivage
faveurs, aucun de ses disciples, aucun de ceux de mer. Souvent même ils n'osaientse mon-
la

qui avaient joui de sa confiance et de ses grâ- trer au milieu des villes ou bien s'ils avaient
;

ces ; tous avaient disparu, tous l'avaient aban- cette hardiesse, leurs hôtes n'osaient les y re-
donné. Et ensuite ce bruit (jne l'on lit courir cevoir. Et c'est ainsi qu'à travers les épreuves
après sa résurrection : ses disciples sont venus et les consolations s'avançaient les progrès de
et ont dérodé so}i corps (Mattli. xxviii, 13) , ne^^ l'Evangile ceux qui naguère avaient été scan-
;

fut-il pas poiu' un j^rand nombre un sujet de dalisés, se trouvaient guéris; ceux qui s'étaienti
scandale et de chute ?Ce bruit, en ellet, si con- égarés, revenaient dans le droit chemin ei ;

Irouvé qu'il fût, et bien qu'on eût donné de l'ar- ce qui avait été renversé se trouvait relevé et
gent pour le répandre, n'eneut pas moins accès environné d'un nouvel éclat.
auprès de plusieurs. Oui, plusieurs y crurent, En vain l'apôtre saint Paul conjura-t-il le
maIgTé les sceaux apposés au sépulcre, malgré Seigneur d'accorder la paix et la sécurité aux
l'évidence du miracle. Le peuple en effet igno- prédicateurs de son Evangile Dieu ne l'exauça
:

rait ce que JeLHis-Clirist avait dit de sa résur- point; ne céda point à ses instantes prières,
il

reccion; ses disciples mêmes l'avaient oublié. et lui répondit: Ma grâce te suffit; car la
Ses disciples ne savaient pas, dit l'Evangélisle, vertu se perfectionne dans l'adversité, (II Cor.
giiil fallaitque Jésus ressuscitât d'entre les XII, 9.) Si donc maintenant vous voulez mettre

morts. ^Jean, xx, 9). Combien n'y eut-il donc en regard de tant de calamités les événements
pas de gens scandalisés dans ces circonstances ! capables de nous réjouir, vous apercevrez, si-
Dieu, dans sa bouté, le permit, et conduisit non de nombreux miracles, au moins mille
toutes choses avec une divine et ineffable sa- circonstances qui ressemblent à des miracles
gesse. et qui sont autant d'éclatants témoignages de
5. Ses disciples ensuite se cachèrent, s'enfui- la Providence et du secours de Dieu. Mais pour
rent tremblants de frayeur, changeant à tout ne pas vous épargner toute espèce de travail,
moment de domicile ; et lorsque, cinquante je vous abandonne le soin de recueillir tous
jours après, ils osèrent reparaître, et connnen- ces faits pleins de consolations et de les
cèrent à leur tour à opérer des miracles, ils mettre en regard de nos malheurs. Votre âme
furent loin d'être en pleine sécurité. Oui, appliquée à celte noble occupation se dérobera
même après tant de miracles, ils furent sou- à la tristesse et aux inquiétudes qui l'assiègent,
vent une occasion de scandale pour les faibles. et y trouvera de puissants motifs d'encoura-
On les frappait de verges, on jetait le trouble| gement. Saluez mille fois de ma part votre fa-
dans on chassait les apôtres souvent
l'Eglise, ; mille bénie. Portez-vous bien et dans votre
leurs ennemis triomphaient et ré|)andaient la corps et dans votre âme, vénérable et pieuse
terreur dans les âmes. Quand par leurs mi- Olympiade.
racles ils eurent acciuis une grande puissance Si vous voulez m'écrire une longue lettre,

sur le peuple, la mort d'Etienne souleva une apprenez-moi, mais sans me tromper, que
persécution qui dispersa les disciples, et jeta vous avez banni de votre âme toute espèce
de nouveau la consternation dans l'Eglise. De d'in(}uiétude et que vous vivez dans un calme
nouveau les disciples furent |)Iongés dans les parfait. Car tout ce que je me suis proposé
angoisses, denouveau ils se virent obligés de dans cette lettre, c'a été de ranimer votre cou-
fuir, de nouveau ils furent exposés à tous rage. Je vous écrirai fréquemment. Quand
les dangers. Néanmoins l'Eglise laisait des vous m'écrirez, ne me dites pas que vous avez
progrès : car les miracles la soutenaient, et sa puisé dans ma lettre beaucoup de consola-
racine était pleine de vigueur. L'un était des- tions. Je le sais bien. Dites-moi que vous êtes
cendu par une fenêtre et ainsi échappait aux consolée autant que je le désire; c'est-à-dire
mains du préfet d'autres étaient délivrés par
; que vous n'êtes plus dans le trouble, que vous
un ange qui brisait leurs liens; d'autres que ne versez plus de larmes, mais qu'au contraire
tourmentaient les riches et les puissants se vous êtes calme çt joyeuse.
404 TRADUCTION FRANÇAISE DE SAINT JEAN CHRYSOSTOME.

s'apaisent. Maisvous arriverez plus vite encore


à ce résultat, si nous vous apportons nous-
LETTRE II. même quelque secours. Comment donc ban-
nircz-vous cette tristesse de votre cœur? C'est
Ecrite à Gueuse, en 40i.
en méditant tout ce que nous vous avons dit

i. Il est dançrcrcux de se laisser abattre par le cha^'iii. — dans notre première lettre, car elle renferme
2. Exemple : Saint Paul, après avoir excommunié le Coriu- bien des motifs de consolation; c'est ensuite
tliien incLStuciix, le réconcilie ensuite avec l'Eglise, pour l'em- en faisant ce que j'exige de vous. Qu'est-ce
pêcher de tomber dans le désespoir. —
3. C'est la pensée des
donc ? Quand vous entendrez dire Une Eghse :
peines de l'enfer, ou plutôt du bonheur céleste qui doit oc-
cuper l'Ame d'Olympiade. 'i. Que de —
consolations elle pui- a péri, une autre est agitée par la tempête,
sera dans le souvenir de ses actions vertueuses, et dans l'es-
une autre est abîmée dans les flots, une autre
poir des récompenses éternelles! — 5-6. Bel éloge do la so-
esten proie à toutes les calamités, une autre
briété, de la patience, de la modestie et des autres vertus
d'Olympiade. —
Eloge de la virginité,
7. — 8-10. Digression sur encore est dévorée par un loup ravisseur, au
Job et ses malheurs. Retour au sujet. — 11-13. consoleIl
lieu d'être régie par un pasteur; celle-ci est
Olympiade qui s'atfligeait de son absence.
au pouvoir d'un pirate au lieu d'être conduite

A OLYMPIADE, par un habile pilote, celle-là est aux mains d'un


bourreau au lieu d'être traitée par un méde-
Sans doute la lettre que je vous ai écrite,
1. cin, il y a certes lieu pour vous de vous affliger.

suffirait pour calmer la vivacité de votre Qui pourrait alors ne pas éprouver une vive
douleur. Toutefois vous étiez si abattue, si af- douleur? Oui, affligez-vous, mais cependant
fligée que j'ai cru nécessaire de vous écrire mettez des bornes à votre chagrin. Si, lorsque
encore pour répandre dans votre cœur les nous avons commis nous-mêmes des fautes
plus abondantes consolations et raffermir vo- dont il nous faudra rendre compte, il n'est ni
tre santé. Je vais donc secouer de nouveau nécessaire, ni prudent, mais il est au contraire
cette poussière de la tristesse qui recouvre funeste et pernicieux de s'affliger outre me-
votre âme. Cet ulcère, cette tumeur, se sont, sure, à plus forte raison, quand il s'agit des
je crois, changés en poussière. Ce n'est pas crimes d'autrui, est-il inutile et superflu, sata-
une raison pour mettre de côté les précau- nique et dangereux pour l'càme de se laisser
tions: La poussière, eu cfTct, si l'on n'a pas tomber dans la mollesse et le désespoir.
soin de la secouer, met en péril le plus pré- 2. Pour vous montrer qu'il en doit être ainsi,
cieux de nos organes elle s'attache à la pru- ; je veux vous raconter une vieille histoire. Un
nelle de l'œil, dont elle trouble la sérénité, et corinthien, qui avait reçu le saint baptême,
qu'elle couvre comme d'un voile. C'est un qui avait été admis à la table sacrée, qui en un
malheur que nous devons éviter et ce reste ; mot avait participé à tous les mystères de notre
de maladie, il ne faut rien épargner pour le religion, qui de plus, à ce que beaucoup di-
faire disparaître. Mais levez-vous vous-même, sent, avait été chargé d'instruire les autres,
et tendez-nous la main. Voyez ce qui se passe après avoir reçu de si grands bienfaits, après
chez les malades. Le médecin a beau prêter le avoir été élevé aux plus hautes dignités dans
secours de son art si le malade se montre né-
; l'Kglise, tomba dans une faute très-grave. Il

gligent, il ne recouvre point la santé Ainsi en : porta des regards criminels sur l'épouse de
est -il de ceux qui soutirent dans leur âme. son père; il ne s'en tint pas à ces désirs impu-
Faites qu'il en arrive autrement, secondez nos diques; mais il réalisa son infâme intention.
efforts avec toute la prudence dont vous êtes Ce seulement une impudicilé, c'é-
n'était pas
capable, afin (jue de |)art cl d'autre vous rece- tait un adultère
et le plus alfieux de tous les
viez du secours. Jlais direz-vous, c'est ce que adultères. Aussi, (juaud saint Paul en eût été
je désire, seulement je ne puis rien, je fais informé, ne trouva-t-il pas de nom qui put
tout ce (pie je puis, sans réussira dissiper ce convenir à ce crime, et pour en faire conce-
nuage é|)ais et noir de la tristesse. Vaines ex- voir toute l'énormité, employa ces paroles:
il

cuses, vains prétextes. Je connais la noblesse Ou dit rjuc chez vous se commettent des impu-
de voire àme, l'énergie de votre piété, l'i'ten- dicites, et de telles hnpudicités, qu'il ntj a pas
due de votre prudence et de votre sagesse, et de 7wm fjuur les cxi>?'i?)ier mvme chez les gen-
je sais (ju'il vous suffit de vouloir connnander tils, (I Cor. v, 1.) 11 ne dit point : telles qu'il
aux Ilots de la tristesse, pour (praussitùl ils ne s'en commet point de pareilles, mais telles
LETTRES. iO«

qu'il n'y a pas de nom pour les exprimer, vou- qui est devenu notre propriété ; il s'en em|)are,
lant ainsi désiirncr uiu! faiiK' d'une incroyable grâce à notre lâcheté; plonge dans l'abîme
ille

gravité. de la tristesse, et désormais ne l'abandonne plus.


Il au démon, et le retranche de l'E-
le livre C'estpounfuoi l'Apôtre ajoute ces paroles Car :

glise; il ne permet à personne de l'admettre à nous 7i' ignorons pas ses artifices (II Cor. n, 11),
sa table. Avec cet homme on ne doit prendre c'est-à-dire ,. les choses mêmes qui nous se-
aucune nourriture. 11 s'emporte contre lui, il raient utiles, du moment où elles se font au-
le condamne au dernier supplice, et le bour- trement qu'il ne faudrait, le démon sait en
reau qui doit l'exécuter, qui doit déchirer sa profiter pour renverser celui qui manque de
chair, c'est Satan lui-même. Et cependant cet prudence.
apôtre qui l'avait cxconuiuiuié, qui défendait 3. Ainsi donc pourun tel crime, pour un
à tous les chrétiens de Tadmettre à leurs repas, crime énorme, Tapôlrc saint Paul ne veut
si

qui faisait prendre à tous le deuil à son sujet : point que ce corinthien se laisse abattre par
Vous êtes tous enflés d'orgueil, leur disait-il, la tristesse; au contraire il s'empresse, il se
et vous îi'ètes point plongés dans la douleur ,
hâte, il s'efforce de prévenir le décourage-
et vous n'avez point retranché du milieu de ment, et assure que toute tristesse excessive
vous celui qui a commis ce crime [l Cor. v, 2), est une victoire remportée par Satan l'oeuvre ,

cet apôtre, dis-je, qui le bannissait de toute de sa méchanceté et de ses perfides desseins.
réunion, comme un pestiféré, qui le chassait N'est-ce donc pas une folie que de s'affiiger si
de toutes les mairons, qui le livrait à Satan, vivement, que de se tourmenter ainsi pour des
qui condamnait au dernier supplice
le ne , fautes commises par d'autres , fautes dont
l'eut pas plus tôt vu plongé dans la douleur ,
leurs auteurs rendront un compte rigoureux ?
regrettant amèiement son crime, revenant à Faut-il , pour cette raison , jeter son âme
la pratique des bonnes œuvres, qu'il enjoignit dans ces épaisses ténèbres de la tristesse
aux Corinthiens tout le contraire de ce qu'il dans ce trouble, dans cette agitation, dans
leur avait naguère prescrit. H leur avait dit : celte violente tempête de la douleur ? Si
Retranchcz-le, chassez-h;, pleurez, que le dé- vous dites encore une fois, je voudrais, mais je
mon s'empare de lui Et maintenant, que : ne puis je vous répondrai de nouveau
; ce ,

leur dit-il ? Agcz à son égard une ardente cha- sont de vaines excuses et de purs prétextes. Je
rite, de peur qiiil ne soit comme absorbé par connais en effet toute la sagesse, toute la force
une trop grande tristesse , et que Satan ne de votre âme. Mais voici encore un autre moyen
triomphe de nous car 7wus n'ignorons pas
: qui pourra vous aider à combattre età vaincre ce
ses artifices. Ne voyez-vous pas
(II Cor. ii, 7.) funeste, ce mortel chagrin. Suivez le conseil
que Satan cherche lui-même à nous plonger que je vais vous donner.
vous entendez par-
Si
dans l'excès de la douleur que celte tristesse , de votre esprit les
ler de ces calamités, écartez
exagérée est un piège (ju'il nous tend afin de , souvenirs que ce récit vous rappelle, et trans-
changer en poison ce qui eût été pour nous un portez-vous par la pensée au jour terrible du
remède salutaire. Oui la tristesse dégénère , jugement, songez à ce redoutable tribunal, à
en poison, quand elle est excessive, et elle livre ce juge incorruptible, à ces fieuves de feu qui
riiommc à Satan. C'est pourquoi saint Paul coulent devantle tribunal et où bouillonne une

disait De peur que Satan ne nous dresse des


: flamme pleine d'ardeur, à ces glaives acérés, à
embûches. C'est comme s'il eût dit : cette ces supplices affreux, à ces tourments éternels,
brebis était atteinte d'un mal contagieux, on aux ténèbres extérieures, à ce ver plein de ve-
l'a séparée du troupeau , chassée loin de l'E- nin, à ces chaînes qu'on ne peut briser, à ces
glise; mais voici (jue le mal est guéri, la brebis grincements de dents, à ces pleurs intarissa-
estredevenue ce qu'elle était auparavant. Telle bles, à ces innombrables spectateurs venus ,

a été la vertu de la pénitence. Elle est donc du ciel et de la terre. Les Vertus du ciel seront
rentréedans le troupeau. Attirons-la vers nous, émues (Matth. xxiv , 29), dit le Christ. Sans
tendons-lui les bras, embrassons-la, couvrons- doute elles n'ont rien à se reprocher, et ce
la de nos baisers, témoignons-lui en un mot n'est pas elles que l'on jugera ; toutefois à la
toute notre affection. Si nous ne sommes ré- vue du genre humain rassemblé etde tant de
solus à le faire, Satan triomphe de nous; il nations citées à ce tribunal , elles ne pourront
prend, non pas ce qui lui appartient, mais celui se défendre d'un sentiment de crainte , tant ce
406 TRADUCTION FRANÇAISE DE SAINT JEAN CHRYSOSTOME.

spectacle inspirera d effroi. Oui, songez à ce ce que l'on peut exprimer et concevoir.
jour terrible , à celte sentence à laquelle il est Ne vous étonnez pas de m'entendre vous
4.

impossible d'échapper. Le souverain Juge introduire parmi les chœurs des vierges. Vous
n'aura pas besoin d'entendre les accusateurs êtes veuve il est vrai. Mais ne m'avez-vous
,

et les témoins il n'aura pas besoin de preuves


;
point souvent entendu dire, soit dans des entre-
ni de démonstrations, mais il produira devant tiens particuliers, soit dans des discours publics,
toute celte mullilude et mettra sous les yeux où je traitais de h. virginité ne m'avez-vous pas ;

des coupables leurs fautes et les circonstances entendu prétendre, dis-je, que rien ne s'opposait
qui les ont accompagnées. Personne ne se pré- à ce que l'on admît dans le chœur des vierges,
sentera pour arracher au supplice ni le père , celle qui
dans les autres vertus avait fait
ni le fils, ni la fille, ni ia mère, ni un proche ,
preuve d'une grande sagesse qu'elle surpas- ;

ni un voisin , ni un ami , ni un avocat. Per- sait même de beaucoup les vierges en mérite.

sonne ne pourra compter ni sur les présents, L'apôtre saint Paul, parlant de la virginité , n'a-
ni sur ses richesses , ni sur son crédit, ni sur t-il pas donné le nom de vierges , non-seule-
sa puissance. Tout cela aura disparu , comme ment à celles qui n'ont pas été mariées, mais
la poussièreque les pieds ont secouée et ; à celles même qui ont servi le Seigneur avec
il ne restera que l'accusé et ses œuvres qui le zèle. La charité envers les pauvres, cette vertu
feront absoudre ou condamner. Personne ne qui vous est si chère dans la pratique de la-
,

sera jugé pour les fautes d'autrui mais bien , quelle vous n'avez point d'égale, Jésus-Christ
pour les siennes propres. Voilà les pensées ne l'élève-t-il pas bien au-dessus de la virgi-
qu'il vous faut entretenir dans votre âme la ,
nité? N'a-t-il pas chassé du chœur des vierges
terreur qu'elle doit ressentir, qu'elle doit op- celles qui y étaient entrées sans iiosséder celte
poser à cette tristesse inspirée par Satan et vertu ou plutôt parce qu'elles ne la possé-
,

toujours si armez-vous ainsi contre


nuisible : daient pas assez pleinement? (car elles avaient
lui, et vous n'aurez qu'à vous montrer pour de l'huile, mais en trop petite quantité.) Au
dissiper, pour faire disparaître tous ses artifices. contraire ceux qui n'avaient plus la virginité
Cette tristesse, non-seulement elle est vaine et en partage, mais dont les cœurs étaient ornés
superflue, mais elle est dangereuse, elle est per- par la charité, ne les reçoit-il pas avec honneur,
nicieuse. Cette crainte du jugement, au con- ne les appelle-l-il pas les bénis de son Père, ne
traire, n'est-elle pas nécessaire et utile, n'offre- les fait-il pas approcher de sa personne, ne les
t-elle pas les plus grands avantages ? Mais je met-il pas eu possession de son héritage, et
me suis laissé entraîner trop loin, et tout ce ne publie-t-il pas leurs vertus en face de l'uni-
que je viens de vous dire , ne semble point vers entier? Oui, en présence des anges et de
\ous regarder. C'est àmoi-mcnie et à ceux qui tout le genre humain rassemblé, il les proclame
eomme moi sont plongés dans toute sorte de ses nourriciers et ses hôtes. Voilà les paroles
péchés, qu'il faudrait tenir ce langage, bien que vous entendrez à votre tour. Voilà la ré-
capable à lu fois d'etlVayer et d'exciter au bien. compense que vous recevrez. Oui votre seule ,

Mais vous qui êtes ornée de tant de vertus, qui charité envers les pauvres vous vaudra celte
déjà touchez à la porte des cieux, vous ne pou- récompense, celle couronne, cet éclat mer-
vez en éprouver le moindre mouvement de veilleux cette gloire immense. Que serait-ce
,

crainte. Je vais donc chercher un autre ins- donc si je passais en revue toutes vos autres
,

trument et toucher une autre corde , puis-


, vertus? Dès maintenant donc vous devriez
que la pensée du jugement ne peut prodnire couler vos jours dans une fête continuelle,
en vous plusd'effroi (|ue dans les anges. Tour- tressaillir d'allégresse former des chœurs et
,

nons-nous donc d'un autre côté. Suivez-nous couronner votre tête. Peut-on vous pardonner
et songez maintenant à vos bonnes actions, de vous consumer de chagrin, parce que celui-
aux brillantes récompenses qui leur sont ré- ci s'est laissé égarer par la fureur, parce que

servées, àccssplendides couronnes, aux chœurs dans le i»récipice? Peul-on


cet autre s'est lancé
des vierges , à ces jiortiques sacrés, à cette vous excuser de donner au démon cet accès
chambre nuptiale, à la compagnie des anges, dans votre âme, quand jusqu'ici vous n'avez
à ces entretiens si doux avec l'Epoux céleste, cessé de lui |)orter <les coups toujours victo-
à ces splendeurs merveilleuses , à tous ces rieux ?Rapiiellerai-je cette patience dont nous
biens , en un mot ,
qui surpassent tout avons eu tant de preuves ? Un discours, un vo-
LETTRES. 407

Iiime ne suffirait pas à redire les souffrances autre manière encore ; dès le principe vous
que vous ave/ supportées depuis votre enfance. avez surmonte la nature, en passant des nuits
Vos amis et vos ennemis , vos proches et les entières sans dormir; et l'habitude mainte-
ctranj,'ers , les puissants et les faibles , les ma- tenant est pour vous une seconde nature. Si
gistrats et les simples particuliers, les clercs chez les autres le sommeil est un besoin, chez
eux-mêmes, ne vous ont-ils pas souvent offert vous c'est le contraire la veille vous est de-
:

l'occasion de souffrir? Une seule de leurs injus- venue indispensable. Toutes ces vertus, consi-
tices composerait un long récit, pour peu qu'on dérées en elles-mêmes, ont de quoi ravi, d'ad-
veuille la développer. Mais si l'on se rappelle miration et frapper d'étonnement. Mais si l'on
en outre ces que vous vous êtes
afllictions
,
songe que vous vous imposiez toutes ces pri-
ménagées vous-même, si l'on veut les exami- vations dans un âge encore tendre sans être ,

ner par le détail, on verra que vous avez tou- dirigée par aucun maître n'ayant autour de ,

jours triomphé ni la pierre ni le fer, ni le


; ,
vous que des scandales; si l'on songe (}ue vous
diamant n'ont pu résister à votre énergie. Vous êtes sortie d'une maison impie pour embrasser
aviez une nature tendre et délicate habituée , la vérité ,
que la faiblesse naturelle à votre
à toutes les délices vous l'avez accablée sous
; sexe était accrue encore par les délicatesses

les coups de lu douleur, et aujourd'hui elle se d'une demeure opulente ,


quel océan de mer-
trouve, pour ainsi dire, en un état de mort. veilles s'offre alors aux regards ! A quoi bon
Vous avez ap])elc tout l'essaim des maladies, parler de votre humilité, de votre charité et de
et désormais l'art des médecins, la force des re- tant d'autres vertus? A leur souvenir, mon
mèdes, les traitements de toute espèce seraient âme ouvre devant moi mille autres sources,
impuissants à les guérir; vous vivez dans de et me mentionner que les espèces,
force à ne
continuelles souffrances. que pour ainsi dire autrement il
les titres, :

5. Comment redire encore votre sobriété, faudrait un discours infini. Mais je ne veux pas
votre patience dans les veilles? Ou plutôt n'ap- m'écarter de mon dessein ni me laisser en-
pelons plus des noms de sobriété et de patience traîner dans cet océan sans rivage. Si je ne me
des vertus dignes de noms plus relevés. Nous proposais d'arracher de votre cœur cette tris-
appelons patient et courageux l'homme qui, tesse qui le ronge, je m'arrêterais volontiers
tourmenté de quelque passion , finit par la à ce récit, et je m'embarquerais sur cet océan,
vaincre. Pour vous, quelle passion n'avez-vous ou plutôt sur ces océans immenses. Oui, cha-
point vaincue? Dès le principe vous vous êtes cune de vos vertus serait comme une route
lancée contre votre chair avec une telle ardeur, qui ouvrirait devant moi comme un nouvel
que vous en avez éteint tous les appétits. Ce n'est océan, qu'il s'agisse de votre patience, ou de
pas seulement un frein que vous avez mis au votre humilité, ou de votre miséricorde iné-
coursier, ce sont des entraves, vous l'avez puisable, qui se répand jusqu'aux extrémités
terrassé, vous l'avez rendu immobile. Alors du monde, ou de cette charité plus ardente
vous aviez la force en partage, maintenant que les flammes d'une fournaise, ou de votre
c'est le calme le plus parfait qui règne dans prudence ornée de tant de grâces et vraiment
votre âme. Vous n'avez plus à lutter contre la au-dessus de la nature. Mais vouloir énumérer
soif des délices, vous n'avez plus d'efforts à les que ces vertus ont produits, c'est
fruits

faire pour en triompher. Vous l'avez détruite, vouloir compter les flots de la mer.

vous lui avez fermé tout accès vous avez ap- , 6. Ne nous lançons donc point dans de si

pris à votre estomac à ne recevoir de nourri- vastes espaces, et contentons-nous démontrer,


ture que ce qu'il faut pour ne pas mourir et comme on dit, le lion par ses griffes. C'est
pour continuer à faire pénitence. Et c'est pour- de votre vêtement, de ces habits dont vous
quoi je ne puis appeler cela du nom de jeûne recouvrez si négligemment votre corps, que
ou d'abstinence; il faut un nom plus relevé. je veux dire quehjues mots. Cette vertu
Vos veilles ne sont pas moins dignes d'admi- sans doute, semble le céder aux autres, toute-
ration cette soif des jouissances une fois
; fois, en bien examinant, on lui trouvera beau-
éteinte, le désir du sommeil a cessé lui-même coup de grandeur, on la jugera digne d'une
de se faire sentir. N'est-ce pas, en effet, la âme vraiment sage d'une âme qui foule aux
,

nourriture qui entretient sommeil? Mais ce


le pieds toutes les choses de ce monde et prend
second besoin, vous en avez triomphé d'une son essor vers les cieux. Aussi n'est-ce point
408 TRADUCTION FRANÇAISE DE SAINT JEAN CHRYSOSIUME.

seulement dans le Nouveau Testament mais , corps mortel préludent à cette vie qui suivra
dans l'Ancien lui-même que le Seigneur dé- la résurrection (dans le siècle futur, nous dit
!

fend avec sévérité toute recherche dans les vê- Jésus-Christ , ni on n'épousera , ni on ne sera
tements. Et cependant Dieu instruisait a'ors le épousé. Luc, XX, 35.) Combien rivalisent de
genre humain par des ombres et des figures; pureté avec les esprits célestes, et revêtues
la vie était réglée par des lois moins parfaites; d'un corps péri::rable engagent la lutte avec
iln'y était jamais question des choses célestes, ces esprits immo: tels! Combien accomplissent
des biens à venir, la sagesse que nous profes- des conseils que beaucoup ne peuvent même
sons y était à peine indiquée, et les lois don- entendre , repoussent la volupté comme un
nées aux Hébreux étaient bien plus grossières, chien furieux qui sans cesse revient les atta-

bien plus charnelles que les nôtres. Voici donc ce quer, apaisent les flots de cette mer imtée et y
que dit le Seigneur par la bouche du Prophète : naviguent tranquillement portées sur ces va-
Voici ce que dit le Seigneur au sujet des prin- gues furieuses vers le terme de leurs désirs!
cesses de Sion : Parce qu'elles se sont enflées Combien demeurent debout dans cette four-
d'orgueil, parce qu'elles ont marché la tête naise des passions, 'ans éprouver aucun dom-
liante^ en faisant signe des yeux parce qu'elles ^
mage , et foulent aux pieds ces charbons ar-
se sont avancées traînant des tuniques flot- dents, comme ils fouleraient de la boue! Et
tantes et étudiant leurs démarches ; le Seigneur cependant elles se laissent prendre honteuse-
abaissera les princesses de Sion , il les dépouil- ment à cet amour de la parure, et, après avoir
lera de leur magnificence , leur enlèvera ces surmonté tant d'obstacles plus difficiles, elles
vêtements superbes. Leurs parfums seront chan- succombent devant celui-ci.
gés en poussière, leur ceinture en une corde; 7. Voyez la grandeur de la virginité, l'éner-

ces têtes, chargées d'ornements, il les rendra gie qu'elle suppose! Le Clirist, descendu des
chauves, à cause de leurs œuvres ; et au lieu des cieux pour faire de nous des anges, pour nous
tuniques de pourpre, il les revêtira de sacs. initier à une vie toute céleste, n'a pas osé nous

Tels seront désormais leurs ornements. (Isaïe, ordonner la virginité, ni faire une loi de celte
m, 16, 18, 24.) Peut-on parler un langage plus vertu. Il a fait une loi de mourir (qu'y a-t-il
indigné?quel châtiment! quel supplice quelle 1 de plus rude cependant?), il a fait une loi de
affreuse captivité Vous pouvez par là même
! j)ortcr constamment sa croix, de faire du bien

apprécier la gravité de la faute. Un Dieu si mi- à ses ennemis; il n'a pas fait une loi de la vir-
séricordieux n'eût certes pas infligé des peines ginité. Sur ce point, il a laissé libres ceux aux-
si graves, si le péché n'eût été bien i)lus grave quels il s'adressait, et leur a dit : Celui qui peut
encore. Si le luxe des vêtements est un crime, suivre ce conseil, qu'ille suive. (Matth. xix, 12.)
quel ne sera pas le mérite de la vertu con- Oui, grande est la difficulté, rude est lecom-
traire? Aussi l'apôtre saint Paul, s' adressant à bat 1 (jue de sueurs à ré|>audre ! (pie le chemin
ces femmes qui ont embrassé la vie du monde, est escarpé ne le voyons-nous point par ces
! et
non-seuloment leur conseille de ne point por- honunes dans l'ancienne loi, pratiquèrent
cpii,

ter d'ornements d'or, mais il ne leur i>ermet tant de vertus? Ce Moïse, si grand, ce chef des
pas môme de se vêtir d'habits somptueux. propliètes, cet ami si cher à Dieu, qui possé-
(I Tim. 11,9.) Ah il savait bien, il savait bien
! dait toute sa conlîance, qui avait assez de cré-
que le goût de la parure est une maladie grave dit auprès de lui pour arracher six cent mille
et diflicile à guérir, que c'est le signe mani- coupables au châtiment venu du ciel, cet
feste d'une àme corrompue, et (ju'il lui faut homme si puissant, qui commandait à la mer,
un médecin plein de prudence et d'habileté. qui en divisait les qui brisait les rochers,
flots,

Et n'en sont-elles |)as la preuve, ces fenmies <pii changeait la nature de l'air qui chan- ,

du monde ces fennnes mariées, qui ne peu-


, geait en sang les eaux du Nil qui opposiiit ,

vent suivre aucun conseil sur ce point? N'en à Pharaon une armée de grenouilles el
sont-elles pas la preuve, celles même qui pa- de sauterelles, qui transformait tous les élé-
raissent sages et (jui font partie du chcrur des ments, qui opéra tant de miracles et pratiqua
vierges? Combien d'entre elles font vii^lence à tant de vertus cet homme dis-je , ne put
, ,

la nature , fournissent leur course sans jamais même envisager ce combat. Mais il se maria,

porter la moindre atteinte à leur vertu, mè- il rechercha la société d'une épouse, connue
nent dès ici-bas la vie des anges, et dans un s'il n'eût pu s'en passer, el il n'osa se confier à
LETTRES. 409

cet océan de la virginité, dont il redoutait les rents obscurs, l'homme qui vit entouré de mé-
flots. Cet autre patriarche qui fut sur le pris, les outrages, les injures ne le troublent
point d'immoler son fils, put bien fouler aux guère. Mais celui qui, après avoir été dans
pieds les sentiments les plus vifs de la na- une vu entouré
position brillante, après s'être
ture, il put bien vouer à la mort cet Isaac, qui des hommages de entendu cé-
tous , s'être
était à la fleur de son âge et dans toute la vi- lébrer par toutes les bouches , tombe en-
gueur de la jeunesse, cet Isaac, son fils unique, suite dans le mépris et dans l'infamie, ne
son fils bien-aimé, qui lui avait été donné ressent-il pas le même chagrin que celui
contre toute espérance , seul appui de son qui , riche tout h l'heure , se voit main-
extrême vieillesse, orné de toutes les vertus; tenant abîmé dans la misère ? De même en-
il put gravir avec lui celle montagne où de- core celui qui se voit privé de ses enfants,
vait s'accomplir le sacrifice, élever l'autel, dis- qui les perd tous, il est vrai, mais à des épo-
poser le bûcher, étendre la victime, saisir le ques diflérentes trouve dans ceux qui sur-
,

glaive et l'approcher de la gorge d'Isaac. Oui, vivent quelque consolation à sa douleur, son
il en vint jusque là, et il fut sur le point de chagrin s'apaise, et si, quelque temps aprc?,
teindre ce glaive du sang de son fils , cet un autre vient à mourir, ce malheur lui paraît
homme plus dur que l'airain. Car il est dans moins cruel car la première blessure a eu le
:

la nature de l'airain d'être dur mais ; c'est par temps de se fermer et de se guérir, et la se-
l'énergie de sa volonté ({u'Abraham put acqué- conde est moins cuisante. Pour Job, en un ins-
rir cette invincible fermeté, et déployer ce tant il vit mourir ses nombreux fils, et de la
calme, cette tranquillité digne des anges. Eh mort la plus cruelle. Ils mouraient de mort
bien ! cet homme qui put soutenir un pareil violente et dans la force de l'âge, et le temps
combat, cet homme qui franchit les bornes de et le lieu rendaient encore ce malheur plus
la nature, n'osa se risquer aux de la vir-
luttes épouvantable. C'était pendant un festin, dans
ginité. Lui aussi, il craignit de descendre dans une maison ouverte aux hôtes, et cette maison
la lice, et rechercha les consolations du ma- leur servait de tombeau. Quelle est après cela
riage. cette faim d'un nouveau genre, et que nulle
8.Voyez Job lui-même, cet homme juste, parole ne peut exprimer? Non, je ne sais quel
cet homme ami de la vérité cet homme si , mot employer, quel nom donner à une cala-
pieux, qui s'abstenait de toute action coupable. mité si étrange! En vain lui offrait-on de la
11 fil au démon de terribles blessures; sans nourriture, ilne touchait pas aux mets servis
cesse attaqué, n'attaquant jamais hii-mème, il devant lui. L'horrible odeur qui s'exhalait de
vida le carquois de son ennemi. Que de flèches ses blessures lui ôtait tout appétit, et toute
lancées sur lui ! 11 soutint tous ces assauts avec nourriture lui devenait insupportable. Ce qu'il
une force merveilleuse. Que semble-t-il y avoir, faisait bien comprendre en disant : La puan-
qu'y a-t-il en de plus pénible dans la vie ?
effet teur est devenue ma nourriture. (Job, vi, 7.)
N'est-ce pas la pauvreté, la maladie, la mort La violence de la faim le contraignait, sans
des enfants, les attaques des ennemis, l'ingra- doute, à goûter les mets qu'on lui servait. Mais
titude des amis, la faim, les douleurs corpo- la puanteur ({u'exhalaient ses ulcères l'empor-
relles, les insultes, les calomnies, la mauvaise tait bientôt sur la faim qui le tourmentait.
réputation? Or, tous ces maux vinrent fondre Aussi, vous l'ai-je dit, cette faim, je ne sais de
sur Job, sur son corps, sur son àme; et, pour quel nom l'appeler. Dirai-je qu'elle était vo-
surcroît de peine, au moment où il s'y atten- lontaire? Mais il désirait prendre de la nourri-
dait le moins. Comprenez bien ma pensée. Un ture. Dirai - je qu'elle était involontaire ?
homme, né de parents pauvres, élevé dans Mais les mets étaient devant lui, et personne
leur maison, supporte aisément une pauvreté ne lui défendait d'en user. Comment rappeler
à laquelle il est habitué depuis longtemps. Mais maintenant ses horribles souffrances, ces vers
celui qui est plongé dans les richesses, qui pos- qui pullulaient sur sa chair, ce pus qui en dé-
sède de nombreux trésors, et qui soudain s'en coulait, ces outrages dont ses amis l'accablaient,
voit dépouillé, pourra-t-il facilement souffrir ce mépris qu'avait pour lui ses serviteurs ? Mes
un tel changement de fortune? Moins il s'y at- sejviteurs eux-mêmes ne m'ont pas épai^gné ,

tend, plus cechangement lui semblera cruel. dit-il; ils m'ont craché au visage. (Job, xxx,
Ou bien encore l'homme obscur et né de pa-
: 10.) D'autres l'insultèrent dans son malheur,
410 TRADUCTION FRANÇAISE DE SAINT JEAN CHRYSOSTOME.

et lepoursuivirent de leurs sarcasmes. Ceux sueurs elle exige, et quelle fermeté d'àme elle

que je ne dairjnais pas mettre au rang des suppose! Et cependant combien de femmes,
chiens qui gardaient mes troupeaux se sont après avoir engagé celte lutte généreuse, n'ont
élancés contre moi, et ces hommes si 'méprisa- pu triomplier de leur amour pour le luxe des
bles viennent me donner des conseils. (Job, xxx, vêtements, mais au contraire s'y sont livrées
4.) Tout cela ne vous senihle-t-il pas bien avec plus d'ardeur môme que les femmes du
cruel? Oui, sans doute. El cependant voici qui monde! Ne venez pas me dire qu'elles ne por-
Test encore davantage voici qui met le comble
; tent |)oint d'ornements d'or, ni de vêtements
à ses souffrances, ce qui domine tout le de soie, brodés d'or, ni de colliers de pierres
reste. Il était comme suffoqué par celle tem- précieuses. Elles font pis encore, elles révè-

pête qui agitait son âme : la pureté de sa cons- lent mieux encore le mal qui les ronge, la pas-
cience soulevait ses flots tumullueu" eri\elop- sion qui les tyrannise; elles s'étudient, elles
pait sa raison deléaèbres épaisses, et y répandait s'aj)pliquent de tout leur pouvoir à l'emporter

le trouble. Ceux qui se sentent coupables de par la simplicitémême de leurs vêtements, sur
crimes nombreux trouvent au moins dans leurs celles qui emploient l'or et les soieries, et à
pécliés la cause des maux qui leur arrivent, et paraître plus aimables qu'elles. Il n'y a, ce leur

ils n'é[)rouvent point ce trouble, conséquence semble, aucun mal à cela et cependant, à bien
;

de l'incertitude. Mais ceux qui n'ont conscience examiner, quoi de plus pernicieux de plus ,

d'aucun crime, dont les âmes, ornées de toutes dangereux, de plus près de l'abîme? Ne fau-
les vertus, trouvent dans le dogme de la résur- drait-il donc pas avoir mille langues pour célé-

rection, dans l'espérance des biens futurs un brer les louanges que vous méritez à ce sujet?
soulagement aux souffrances qu'ils endurent, Voilà un vice dont peuvent à peine triompher
et ces combats (ju'ils soutiennent, ils les envi- les vierges; et vous qui êtes veuve, vous le
sagent comme l'occasion de couronnes sans surmontez avec facilité, avec promptitude,
nombre. Mais Job, cet bomme de bien, ne sa- comme le montre votre conduite. Ce que j'ad-
vait rien du dogme de la résurrection, et ce mire, ce n'est pas seulement la simplicité de
qui le tourmentait surtout, c'était d'ignorer la vos vêtements, plus pauvres que ceux des men-
cause de ses maux; le doute, cette anxiété, diants ; c'est encore cette absence de tout ai)prêt,
étaient plus cruels pour lui (jue les vers et les de toute recberclie dans vos habits, dans vos
douleurs du corps. C'est l'exacte vérité. Quand chaussures, dans votre démarche. Ce sont là
le Dieu miséricordieux eut daigné lui faire conmie autant de couleurs cpii peignent aux
connaître la cause de tant de combats, et (jue regards les vertus cachées dans votre âme. Les
Job eut appris que tout cela avait été permis vêtements, dit le Sage, le nrc, la démarche de
alin de manifester sa justice, ne commeni,a-t-il l'hoinme manifestent son âme {^ccl. xis, 'il.)

pas dès lors à respirer, conmie s'il n'avait rien Il faut en efïct (pie vous ayez terrassé, que voub
souffert, et ses paroles ne nous le disent-elles ayez foulé aux pieds toutes les vanités de ce

pas assez? Cepeudaut s'il soulTrail cruellement monde pour les mépriser comme vous le
,

avant de coimaître la cause de ses douleurs, il faites, pour avoir banni de votre âme ce vice

ne perdit pas un instant courage, et prononça si coiq)al>le, après en avoir auparavant coura-

ces admirables paroles Le Seigneur in a don- : geusement trionq)lie. Que personne ne me


né le Seigneur m'a ôté. Tout a été fait selon
, taxe d'exagération, quand j'ap|>elle ce vice un
le bon plaisir de Dieu : que le nom du Sei- vice très-coupable. Voyez en etTt>t quels châti-
gneur soit bé/ii dans tous les siècles! (Job. i, ments il valut à ces feunnos du monde, chez
21.) les Ilobreux, sous la loi ancienne! Eli bien!
9. Le désir de parler de Job m'a écarté de celles ilont la conversation doit être dans le
mon sujet. Encore (jnelques mots, et j'y re- ciel, (pli doivent mener la vie des anges, qui
viens. Ce grand bonune, cet lionnnc si ver- vivent sous la loi de grâce, pensez-vous que
tueux, qui foula aux pieds toutes les jouissances Dieu puisse leur pardonner, quand elles tom-
de la nature, n'osa point non plus soutenir ces bent dans ce désordre? cette vierge, qu'enve-
combats de la virginité; il eut une épouse <pii lopper.l d'amples vêtements, qui porte une
lui donna de nombreux donc enfants. Elle est tunique llottaiite, dont la démarche respire la
bien pénible cette vertu ses combats sont donc1
mollesse, dont lavoix, les yeux, tout l'extérieur
bien méritoires et bien sublimes! Que de est un poison pour les cœurs impudi(]ues. qui
LETTRES. 411

creuse chaciiie Jour un précipice sous les pieds Néanmoins Lazare vit le mauvais riche, il en-
des passants, qui ne cesse de tendre des i)iégc'Sj tendit sa voix et lui répondit. en sera de Il

pouvez-vous l'appeler encore du nom de vierge, même pour vous. Si pour avoir méprisé un
et ne la rangerez-vous point parmi les courti- seul homme, le mauvais riche est ainsi tour-
sanes? mais les courtisanes ont moins d'api^àts, menté; si, pour avoir scandalisé un seul de ses
et secouent moins les ailes de la Yoluptél Oui, semblables, il vaudrait mieux être précipité
nous vous félicitons, nous vous admirons, nous dans mer, une meule au cou; quel sera le
la

vous louons d'avoir rejeté loin de vous ces sort de ceux cpii ont scaudalii^é le monde entier,
cbarmes funestes, de vous être mortifiée encore qui ont renversé tant d'églises, qui ont répandu
sur ce point, non pour orner votre sacrifice, partout le désordre et le trouble, dont la bar-
mais pour faire preuve de courage, non pour barie, dont la cruauté sur[)asse celle des pirates

y trouver plus de beauté, mais pour vous en et des barbares, auxquels le diable, leur chef,
faire une arme puissante. et les démons leurs alliés, ont inspiré assez de
10. Je viens de montrer, pour ainsi dire, les fureur pour exposer à la risée des juifs et des
griffes du lion, et encore je ne les ai montrées gentils une doctrine si vénérable, si sainte,
qu'en partie. Comment en effet célébrer tant vraiment digne de son auteur? quel sera le
de vertu ? Je le disais tout à l'heure je tremble ;
sort de ces hommes qui ont submergé tant
de m'embarquer sur l'océan de vos mérites. d'âmes, causé tant de naufrages par tout l'uni-
Au surplus, ce (jue je me suis proposé, ce n'est vers, allumé un si effroyable incendie, déchiré
pas de taire l'éloge de votre sainteté, mais de le corps du Christ et dispersé ses membres ?
verser dans votre âme le baume de la conso- VoKS êtes, nous dit l'Apôtre, le corps du Christ,
lation. Je reviens donc à ce que je disais plus et vous en êtes les membres. (I Cor. xii, 27.)
haut. Que disais-je donc? Je vous disais de ne Mais pourquoi vouloir essayer de peindre une
plus vous préoccuper des péchés de celui-ci, fureur que rien ne peut exprimer? Oui, quels
ou des crimes de celui-là, mais de songer à châtiments sont réservés à ces hommes cruels
votre patience, à votre constance, à vos jeùp.es, et sanguinaires? si, pour avoir refusé de la
à vos veilles, à votre tempérance, à votre misé- nourriture au Sauveur, on est jeté dans les
ricorde, à votre charité, à toutes ces vertus où flammes éternelles pour y brûler avec le
il faut soutenir des luttes si multipliées, si va- démon, quels supplices ne méritent point,
riées, si terribles. Rappelez-vous que depuis croyez-vous, ces hommes qui ont fait mourir
votre jeunesse, vous n'avez cessé d'apaiser la de faim, tant de moines, tant de vierges, qui
faim de Jésus-Christ, d'apaiser sa soif, de lui les ont dépouillés de leurs vêtements, qui, loin
donner des vêtements, de le recevoir dans votre de recueillir les étrangers, les ont chassés, qui,
maison, de le soigner dans ses maladies, de le loin de soigner les malades, ont redoublé leurs
visiter dans Rappelez-vous l'océan
les prisons. souffrances, qui, au lieu de se rendre auprès
de votre charité, cet océan si vaste, cet océan des captifs, ont fait jeteren prison ceux qui
qui a roulé ses flots impétueux jusqu'à l'extré- étaient libres? quels supplices ne méritent-ils
mité du monde. Non-seulement votre maison I»oint? Ah! vous les verrez dévorés par les
est ouverte à tousceux qui veulent y entrer; flammes chargés de chaînes
,
,
grinçant les
mais partout, sur terre et sur mer, que d'étran- dents, poussant de vaines lamentations, se con-
gers ont joui de vos généreuses libéralités! sumant dans une douleur inutile, et, comme
Rassemblez toutes ces vertus, réjouissez-vous, le mauvais riche, éprouvant un repentir sans
tressaillez d'allégresse à la vue de ces couronnes effet. Eux aussi, ils vous verront au sein du

et de ces palmes qu'elles vous assurent. Si bonheur et du repos, une couronne sur la tête,
vous voulez voir punir ces hommes criminels, formant des chœurs avec les anges, régnant
sanguinaires , chargés des crimes les plus avec le Christ; ils pousseront de grands cris et

affreux, vous serez satisfaite aussi en ce jour de grands gémissements, ils se repentiront des
du jugement. Lazare ne vit-il pas le mauvais outrages dont ils vous accablaient, ils vous
riche plongé dans les flammes? La diflérence adresseront leurs prières, ils se rappelleront
de leur vie leur avait mérité des places éloi- votre miséricorde et votre charité. Mais que
gnées l'une de l'autre un abîme les séparait,
; leur en reviendra-t-il ?
puisque l'un se trouvait dans le sein d'Abra- M. Occupez donc sans cesse votre âme de
ham, et l'autre dans une horrible fournaise. ces pensées, et ainsi, vous pourrez secouer
412 TRADLXTiON FRANÇAISE DE SAINT JEAN CHRYSOSTOME.

cette poussière de la tristesse. Mais il y a, je n'eût pas été lui qui les eût soufferts, soit qu'on
crois, autre motif de votre aidiclion. Je veux
un le jetâten prison, qu'on l'enchaînât, qu'on
renvoyât en exil, qu'on l'accablât de menaces,
y porter remède et par ce que j'ai dit, et par
ce ([ue je vais dire encore. Ce qui vous afflige, qu'on voulût le faire mourir, ou le lapider, ou
il semble, c'est aussi d'être loin de nous,
me le jeter à la mer, ou lui infliger tout autre
qui sommes pourtant si peu de chose. Vous vous supplice. Eh bien ! saint Paul, séparé d'une
en désolez, et vous dites à tout le monde : âme qu'il aimait tendrement, fut saisi d'un
Nous n'entendons plus nous ne rece-
sa parole, trouble si violent, qu'il sortit aussitôt de cette

vons plus ses enseignements, la faim nous ville où il n'avait point rencontré cet ami qu'il

dévore, et ces menaces que Dieu faisait aux espérait revoir. Troas était cette ville qu'il aban-
Hébreux se réalisent à notre égard ce qui nous ;
donna sur-le-champ, parce qu'elle ne put lui
manque, ce n'est point le pain matériel, ce montrer son cher disciple. Comme féfm's venu
n'est point l'eau matérielle, c'est îe [lain de la à Troas pour y annoncer l'Evanoile, et coimne
doctrine sacrée. Quelle doit être notre réi)onse? la porte de cette ville m'avait été ouverte par le

La voici : même en notre absence, vous pou- Seigneur, je sentis aussitôt mon esprit tout
vez lire nos livres. De notre côté, toutes les troublé, parce que je n'y trouvai point mon
fois que nous en trouverons l'occasion, nous frère Tite. Je pris congé des habitants et je par-
nous empresserons de vous adresser de longues tis pour la Macédoine. (II Cor. II, 12, 13.) Que
vous souhaitez de recevoir de notre
lettres. Si dites-vous, ô Paul? On vous met des entraves,
bouche les divins enseignements, peut-être un on vous jette dans les fers, les coups s'impri-
jour aurez-vous ce bonheur, et Dieu permettra ment dans votre chair, le sang ruisselle sur
que vous nous revoyiez; peut-être, c'est trop vos membres, vous instruisez, vous baptisez,
peu dire; certainement, vous nous reverrez; vous olfrez les saints mystères, et vous ne dé-
n'en doutez pas. Ne croyez jias que nous par- daignez pas de vous inquiéter du salut d'une
lions légèrement sans être sûr de ce que
, âme. Voici que vous arrivez à Troas, le terrain
nous disons Oui, un jour vous nous enten-
: est bien purifié, tout prêt à recevoir la se-

drez vous exposer de vive voix ce (ju'aujour- mence, l'aire est bien rem|)lie et vous offre

d'hui vous apprenez par nos lettres. S'il vous toutes les chanc. s de succès : vous le savez et
est pénible d'attendre, rappelez-vous que ce vous laissez échapper tous ces avant iges. C'est
délai ne sera point sans profit pour vous, que pour cela que vous y êtes venu [comme fêtais
votre patience sera généreusement récom|)en- venu à Troas, dit-il, afin d'y annoncer V Evan-
sée, si vous savez ne point murmurer, si vous gile) personne ne songeait vous résister; (lai

en prenez occasion de louer Dieu, comme vous porte inen était ouverte, dit-il encore.) Et ce-
le louez en toute circonstance. Ce n'est pas sans pendant vous en sortez aussitôt! Oui, sans
lutter vivement, sans déi)loyer beaucoup de doute répond-il
, car une violente tristesse
:

sagesse et île courage, (jue l'on peut supporter s'empara de mon âme, la jeta dans le trouble,
d'être éloigné d'uneàme que l'on aime. Qui en triompha l'absiMicc de Tite me força de
;

est-ce quivous tient ce langage? Quicon(|ue quitter cette ville. Que la tristesse en ait été
aime sincèrement et connaît la force de la cha- cause, ce n'est point de .olrc part une conjec-
rité, comprend ce que je viens de dire. ture; lui-même nous le fait assez entendre.
Sans nous donner la peine de chercher çà et Ne nous dit-il pas, en effet Le trouble s'em- :

là ces hommes, trop rares, hélas 1 cjui ont res- para de 7)ion àme, parce que je ne rencontrai
senti une alîection sincère, adressons-nous au point Tite. Alors, prenant congé des habitants,
bienheureux ajmtre Paul. Il nous dira tout ce je sortis de la vUle ?
qu'il faut d'énergie et décourage |)our suppor- 12. Voyez-vous comme il est difficile de sup-
ter une telle séparation. 11 s'était dépouillé (i(> porter sans se plaindre l'éloignement d'un ami I

l'honune charnel, il avait connue ré[tu(lié son Combien celte séparation est amère et doulou-
cor|)s son àme seule parcourait, pour ainsi
; reu-e! Combien, pour l'endurer, il faut de
dire, le monde son cœur
; était vide tie passion magnanimité et de courage! F/épreuve, pour
et aussi calme (|ue les esprits célestes; la (erre vous, se prolonge. Mais, plus elle est grand»*,
était pour lui le ciel, il vivait avec les chéru- plu: aussi la couronne sera brillante, i)lus les
bins et assistait à leurs mystérieux concerts; récompenses seront magnifiquesl Que ce soit
tous les maux il les supportait, comme si ce là votre consolation songez, que lors de mon
;
LETTRES. M.

retour, je voiisrevcrrai euiichie de ces récom- vous donc si vivement? Ah! ce que je désire,
peiises, ornée (le celte couronne et de cet écKit. c'est de voir vos visages. C'est pourquoi, dit-il,

Quand on s'aime ce , n'est pas assez que les nous souhaitons avec tant dardeur et d'em-
âmes soient unies par les liens de l'an'ection; pressement de vous revoir. (I Thess. ii, 17.) Que
la joie n'est pascomplète tant (ju'on demeure dites-vous , ô grand , ô sublime apôtie ? Le
diminuée i)ar
loin l'un de l'autre; elle est bien monde n'est-il pas crucifié pour vous, et n'êlcs-
cette séparation. Si nous interrogeons encore vous point crucifié au monde, n'avez-vous
le disciple de la charité, il nous répond ({u'il point renoncé à toute jouissance charnelle, ne
en est ainsi. Ne dit-il pas, en efiét, dans sa vous êtcs-vous point, pour ainsi ilire, dépouillé
lettre aux Thessaloniciens Mes frères, ayant: de votre corps? Et voilà qu(! l'affection vous
été pour un peu de temps séparé de vous de y captive au point de vous contraindre à recher-
corps , cœur, nous avons
7ion d'espr/t ni de cher la cùair, la boue, ce (pii tombe sous les
désiré avec d'auta)it plus d ardeur et d empres- sens, en un mol! Oui, certes, répond-il, cl je
sement de vous revoir. C'est pourquoi j'ai eu ne rougis point de le dire, au contraire, je
plus (Cune fois le dessein daller vous trouver : m'en fais gloire. La charité celle mère de ,

mais Satan y a mis obstacle. Aussi, pour apai- tous les biens, ruisselle dans mon àmc, et c'est
serma doideur, ai- je mieux aimé rester seid à elle qui m'y porte. Ce qu'il désire, ce n'est
Athènes et vous envoyer Timotliée? (I Thess. ii, point simplement leur présence, c'est encore
17, 18; et m, 1, 2.) quelle énergie dans cha- de voir leurs visages. Nous avons désiré avec
que expression ! Comme elles révèlent, toutes, d'autant plus d'empressement de voir vos visa-
cette flamme qui Lrùlc son cœur Il ne dit pas ! : Vous désirez donc, vous désirez de
ges, dit-il.
sé[)aré de vous, emmené du milieu de vous, les voir, de contempler leurs visages! Oui,
éloigné de vous, absent... mais, /jm'e de vous répond-il oui je le désire, et vivement. Car
,
,

et comme orphelin. 11 lui fallait ce mot pour c'est que sont rassemblés tous les sens.

manifester toute sa douleur. Il était pour eux L'àmc toute seule unie à une autre âme nç
comme un père, et cependant il emploie l'ex- peut rien dire ni rien entendre. Mais si je puis
pression dont se servent les enfants qui, encore jouir de leur présence, je leur parlerai, je les
en bas-âge, ont perdu leur père, afin de faire entendrai. C'est pourquoi je désire contempler
mieux sentir l'excès de sa tristesse. Qu'y a-t-il votre visage , où se trouve cette langue qui
de plus cruel que d'être orphelin de bonne rend des sons et manifeste les sentiments inté-
heure? L'orphelin ne peut se sufOre à cause de rieurs, où se trouve cette oreille qui les per-
son âge; personne ne s'empresse de lui venir çoit, où se trouvent ces yeux qui peignent les
en combien, au contraire, sont tout
aide, et mouvements de l'àme ce sont autant de :

prêts, ou du moins se préparent à lui nuire : moyens de jouir plus pleinement du com-
c'est comme un agneau laissé au milieu des merce d'une àmc que l'on aime.
loups, qui le tuent et le dévorent. Nulle expres- \3. Voyez quelle est l'ardeur de son désir! II
sion ne peut dire l'étendue de ce malheur. ne se contente pas de dire Nous avoyis souhaité :

Aussi l'Apôtre, après avoir cherché de toute avec empressement il ajoute avec ardeur.
, :

partun mot capable de bien exprimer la soli- Puis, lassé de se confondre avec d'autres, et
tude et l'abandon, et de montrer combien il pour montrer que son amour l'emporte sur
souffrait de se voir séparé de ses cliers Thes- celui des autres, après avoir dit Nous avons :

saloniciens, s'est-il arrêté à celui-là et l'a-t-il souhaité avec empressement, avec ardeur dal-
développé par ceux qui suivent. Nous sommes ler vous trouver, il se sépare des autres, il

comme un orphelin , dit-il , non pas dej)uis parle maintenant en son nom, et il ajoute :

longtemps, mais depuis ime heure; no?i pas Moi, Paul, j'ai désiré à plusieurs reprises. Ne
d'esprit et de cœw\ mais de corps seulement; veut-il pas faire comprendre que son désir est
et néanmoins nous en ressentons une insup- plus ardent que le leur? Ensuite, comme il ne
portable douleur. Cependant, quoi de plus peut le réaliser, il ne se contente pas d'écrire
consolant que de savoir nos âmes étroitement aux Thessaloniciens, il leur envoie son disciple
unies que de vous porter tous dans notre
,
Timotliée : il tiendra lieu d'une lettre, et il
cœur, que de vous avoir vu hier et avant-hier : ajoute : Nous éprouvons la plus vive douleur.
rien de tout cela ne peut calmer no re chagrin. noble expression! ô parole énergique et bien
Que voulez-vous doncl dites-moi, que désirez- propre à manifester cette charité, que uul frein
414 TRADUCTION FRANÇAISE DE SAINT JEAN CHRYSOSTOME.

ne peut comprimer, que nulle patience ne grande joie dans le désert où nous vivons.
peut arrêter Un homme que le feu dévore
1 Voulez-vous que notre âme goûte plus de
met tout en mouvement pour soulager sa dou- calme? (Je sais que vous le souhaitez et que
leur ; l'Apôtre aussi, brûlé intérieurement, vous n'avez rien plus à cœur.) Faites-nous
suffoqué, enflammé, cherche un moyen de savoir que vous avez secoué cette poussière de
calmer sa douleur Ne pouvant supporter : la tristesse,que votre âme est sans trouble et ;

cette douleur, nous vous envoyons Timothée, récompensez-nous ainsi de notre affection pour
ministre de l'Evangile , notrecompagnon et vous. Vous savez bien, oh ouil vous savez bien
notre auxiliaire. (I Thcss. m, 1.) C'est un quelle joie vous nous causeriez en recouvrant
membre bien nécessaire que nous enlevons à la paix de l'âme, et en nous informant par une

notre compagnie, c'est un chagrin (jui succède lettre que vous l'avez enfin recouvrée.

à un autre. Oui, l'absence de Timothée lui


était bien pénible, et cette peine, il se l'impo-
sait pour les chrétiens de Thessalonique. C'est
ce qu'il nous entendre par ces paroles il
fait :
LETTRE III.

nous a plu de rester seul. Son âme ne s'est-elle


Ecrite à Gueuse ea 404.
pas changée tout entière en charité ? Il est sé-
paré d'un seul de ses frères; et jl nous dit
La tristesse est le plus affreux de tous les manx. C'est un —
qu'il est seul, quand
en a tant d'autres avec
il mal plus terrible que la mort même. —
Saint Chrysostome le

lui. Voilà ce cesse vous devez méditer,


que sans
fait voir daus plusieurs exemples. — Les souffrances sont plus
méritoires que les bonnes œuvres. — Eloquentes réfleiions
et plus la séparation vous causera de peine, sur les souffrances de Job, de saint Paul et de Joseph.

plus aussi votre patience à la supjjorter vous


méritera de récompenses. Ce ne sont pas seu- A OLYMPIADE.
lement les souffrances du corps, mais aussi
celles de l'âme , qui gagnent ces couronnes, 4 . Le corps a-t-il lutté contre les ardeurs de
dont nul langage ne peut dire la magnificence : la fièvre, la mer a-t-elle été agitée par la vio-
ce sont surtout les souffrances de l'àme, quand lence des vents ; ce n'est pas tout d'un coup, c'est
on les accepte avec reconnaissance. Si on dé- peu peu que disparaissent les suites de la ma-
à
chirait, si on flagellait votre corps, vous souf- ladie, et que cesse l'agitation des flots. Une fois
fririezgénéreusement, vous en glorifieriez le la fièvre guérie, il faut beaucoup de temps au

Seigneur, et vous seriez magnifiquement ré- corps pour recouvrer la santé, et cette vigueur
compensée attendez-vous donc à de grandes
: enlevée par la maladie. Quand les vents sont
récompenses pour les maux (jue vous endurez apaisés, les ondes longtemps encore s'agitent,
dans votre âme. Attendez-vous aussi à nous se poussent en tous sens, et le calme ne renaît
revoir, à être délivrée de cette douleur, qui point sur-le-champ. Ce n'est pas sans motif
alors, qui dès maintenant, sera pour vous si que j'use de ce préambule j'ai voulu vous faire:

avantageuse. C'en est assez pour vous consoler, comprendre qu'il m'a semblé nécessaire de vous
non-seulement vous, mais toute autre per- écrire. Nous avons, il est vrai, triomphé de ce
sonne, eût-elle un cœur plus dur que la pierre. chagrin qui vous tyrannisait nous avons ;

Mais, avec votre |)rudence, votre vive piété, pour ainsi dire, renversé la citadelle du tyran;
votre sagesse si élevée , avec cette âme (jui mais il ne faut point nous lasser de parler, si
monde, com-
foule aux pieds les vanités de ce nous voulons ramener dans votre ànie une
ment ne seriez-vous point promptemcnt conso- paix profonde, cllacer jusqu'au souvenir de ces
lée? Montrez-nous que vous nous aimez, en troubles produits par la tristesse, et vous ren-
obéissant ù nos lettres conune vous nous , dre cette sérénité, ce calme, cette joie que
obéiriez à nous-même, si nous étions près de vous avez perdue. Oui, mon désir, ce n'est pas
\ous. Nous aurons la preuve de votre affec- seulement de bannir le chagrin, c'est encore
tion, nous apprenons (jne cette lettre a pro-
si de vous remplir d'une joie abondante et con-
duit (juclque etfet, ou plutôt tout rell'et (jue tinuelle. Il mest possible de le réaliser, si vous
nous désirons. Or, nous désirons (jue vous le voulez. Nous ne pouvons pas changer, nous
recouvriez cette sérénité que nous remar- ne pouvons pas renverser les lois de la na-
quions en vous quand nous étions près de
,
ture; ce que nous pouvons modérer au gré de
\ous. S'il en est ainsi, uous ressentirons une nos désirs, ce sont les mouvements de notre
LETTRES. A\:,

volonto ; et c'est d'eux que dôpend le bon état protégera, qui renversera, qui blessera, qui
(le notre ùnio. Vous le savez l)ien vous-même, tuera ces funestes pensées. Et où i)rendrons-
vous devez vous rappeler ces conversations nous ces machines, ces frondes, qui non-seu'e-
longues et fréquentes que nous avions naguère ment arrêteront l'ennemi et l'empêcheront d'a-
encore sur ce sujet. Je vous en donnas des vancer, mais (jui lerepousseronlbien loinelavec
exemples pris de l'histoire. Non, ce n'est point la plusgrande facilité? C'est dans la tristesse elle-
la nature, mais la volonté qui donne à 1 amc même, c'est en vous disant tout ce qu'elle a de
sa tranquillité. Combien n'en voyons-nous pas pénible et d'odieux. La tristesse est pour l'àme
qui nngcnt dans les richesses, et regardent ce- un alîrtux tourment, une indicible douleur,
pendant la vie comme insupportable! Com- un supplice au-dessus de tous les supplices.
bien d'autres au contraire coulent au sein de C'est un ver dont le venin ronge non la chair,
la pauvreté dos jours calmes et heureux ! Que mais l'âme même une teigne qui s'atla([ue,
;

de princes maudissent leur existence, malgré non point aux os, mais à l'esprit; c'est un
celle garde qui les escorte , malgré cette bourreau qui sans cesse déchire, non point les
gloire cl ces honneurs dont ils jouissent I Que flancs, mais la volonté dont il brise les forces.
dhommes obscurs par leur naissance, in- C'est une nuit continuelle, de noires ténèbres,
connus du monde, s'estiment néanmoins plus une tempête violente, une fièvre cachée, plus
heureux que beaucoup d'autres! Oui, je le ardente que la flamme; une guerre sans au-
répète, et je veux le répéter sans cesse, la vo- cune trêve, une maladie qui obscurcit la vue
lonté, et non pas la nature, voilà la source de et l'empêche de rien discerner. Le soleil lui-
la paix et du bonheur. Ne vous laissez pas même ,cet éclat qu'il répand dans l'atmos-
abattre, ma chère sœur, tenez-vous ferme, phère, ennuie une âme affligée; et la splen-

tendez-moi la main; c'est un secours puissant deur du midi ressemble pour elle à une nuit
et qui m'est nécessaire pour vous tirer de celle profonde. Aussi le Prophète disait-il admira-
dure captivité de l'inciuiétude. Si vous n'y blement Eîi plein midi le soleil sera couché
:

mettez autant de zèle que nous-mème, c'est en pour eux. (Amos, vni, 9.) Sans doute l'astre
vain (jue nous essayerons de vous guérir. N'en ne se couche point, son cours n'est pas inter-
soyez pas étonnée. Lorsque Dieu, le souverain rompu. Mais au milieu de l'éclat du jour, une
Maître de toutes choses, donne quelque aver- âme affligée se croit plongée dans les ténè-

tissement, adresse quelque exhortation, si bres. Les ténèbres de la nuit ne sont rien en
l'homme ne veut pas obéir, qu'arrive-t-il? il comparaison des ténèbres que produit la tris-
s'attire un châtiment plus rigoureux, à raison tesse. Celles-ci ne sont pas l'effet des lois de la

même de sa désobéissance. C'est ce que disait nature, mais bien de l'obscurcisstment des
Jésus-Christ : Si je et que je
n'étais pas venu pensées; ténèbres horribles, insuiiportables,
ne leur eusse point parlé, ne seraient poijit ils effroyables à voir, plus cruelles que tous les

coupables : mais aujourd'hui, ils ne peuvent tyrans. En vain essaie-t-on de les dissii)er :

trouver aucune excîise pour leurs péchés. (Jean, elles résistent; une
en possession d'une
fois

XV, 22.) Celait là encore ce qui le faisait âme, elles la chargent comme d'une chaîne
pleurer sur Jérusalem, et exhaler ces soupirs : d'airain, à moins qu'elle ne déploie beaucoup
Jérusalem, Jérusalem, qui tues les prophètes de sagesse.
et qui lapides ceux qui te sont envoyés ! com- 3. Ai-je besoin d'entrer dans de plus longs

bien de fois j'ai voulu rassembler tes enfants, développements, quand je puis vous donner
et tu t'y es refusée! Voici que tes demeures des exemples et par là vous faire sentir toute
vont être désertes! fMatth., xxui, 37, 38.) la force de ce mal ? Toutefois, si vous le per-
2. Eh bien donc o pieuse Olympiade, tra-
! mettez, avant d'en venir aux exemples, je vais
vaillez, faites-vous violence, aidez-vous de nos vous fournir une seconde preuve des douleurs
réflexions pour repousser avec énergie, pour que cause la tristesse. Adam, après ce péché
chasser de voire âme ces pensées qui la trou- si grave, qui entraîna la perle du genre hu-
blent, qui la remuent et la bouleversent. Oui, main tout entier, s'entendit condanmer au
vous vous obéirez à nos conseils
le ferez, oui, : travail.Eve était plus coupable; sa faute ilait
qui pourrait en douter? Nous allons vous pro- si énorme, que celle d'Adam n'était rien,
pour
curer glaives et javelots, arcs et flèches, cui- ainsi dire, en comparaison; Adam, dit en
rasses, boucliers, cnémides; armure qui vous effet l'Ecriture, ne fut point séduit; c'est la
416 TRADUCTION FRANC VISE DE SAINT JE.\N CHRYSOSTOME.

femme qui se laissa séduire et viola la défense certitude; et ces outrages, non-seulement il les

du. Seifjneur. (I Tim. ii, 1 i.) Eve s'était donc connaît; mais il les provoque lui-même; et

laissé tromper, elle avait violé la loi de Dieu, néanmoins il s'y résigne et les supporte. C'est
elle avait préparé pour elle et pour son époux une passion (jui triomphe en lui d'une autre
la coupe empoisonnée. Aussi Dieu \x con- passion; c'est une passion plus vive, la crainte
damna-t-il à la tristesse, qui de sa nature est de la mort, qui l'emporte sur une passion moins
plus accablante que le travail. Je multiplierai^ vive, la crainte de la honte et du déshon-
dit le Seigneur, om, je îmdtiplierai tes dou- neur.
leurs et tes gémissements. Tu eiifanteras tes Le grand Elie lui-même craint la mort, et
fds dans la douleur. (Gen. m, 16.) Pour Eve, s'enfuitdevant les menaces d'une prostituée. Il
point de travail ,
point de sueurs ,
point de avait fermé le ciel, il avait fait tant de mira-
fatigues; mais la tristesse, les gémissements, cles et quelques mots suffirent pour le glacer
,

les tourments qui en résultent, aussi terribles, de terreur. Cette âme vraiment céleste éprouve
plus terribles mille fois que la mort. tant d'effroi ,
que leprophète abandonne sa
Qu'y a-l-il cependant de i)lus terrible que la patrie, ce peuple si nombreux, pour lequel il
mort? N'est-ce pas le plus effrayant des maux? avait grands dangers. Oui le pro-
couru de si

un mal horrible, insupportable, digne d'un phète s'exile voyage seul pendant quarante
, il

torrent de larmes? N'est-ce pas^, selon saint jours et se rend dans le désert et cependant ;

Paul, la peine que le Seigneur intligc au plus que d'assurance, quelle hardiesse de langage,
énorme de tous les crimes ? Ceux qui s'ap- que de courage il avait déployé! La mort est un
prochent indignement des saints mystères ,
mal vraiment affreux; chaque jour elle se pré-
qui viennent s'asseoir indignement à ce fes- cipite sur le genre humain, et chacune de ses
tin redoutable, subissent la moit comme châ- victimes nous trouble, nous consterne, comme'
timent de leur crime Cest pourquoi, dil-il,
: si c'était la première. Rien ne peut nous ras-

beaucoup parmi vous sont faibles et infirmes. surer, ni la pensée du peu de temps que nous
Il y en a même beaucoup qui dorment. (I Cor. ii, avons à vivre, ni la contemplation, ni la médi-
30.) N'est-ce pas le supplice qu'indigent les lé- tation habituelle de la mort. La série des siècles
gislateurs à ceux qui ont commis de grands n'a pu faire vieillir colle tristesse ctceteffroi:ces

crimes? N'est-ce pas aussi la peine portée par sentiments sont toujours nouveaux , toujours
la loi de Dieu contre ceux qui tombent dans de forts , et chaque jour ils remplissent nos
grandes fautes? Quelle frayeur la mort ne pro- âmes d'une nouvelle en crainte. Eh! peut-il
duisit-elle pas dans l'àme d'Abraham ? Elle être autrement? Qui ne serait troublé, qui
étouffa les cris de la nature et le déterinina à
, ne serait consterné quand il voit immobile,
livrer son épouse aux passions des barbares muet comme une pierre, cet homme qui hier
et à la tyrannie des Egyptiens , à imiiginer ce encore ou peu de jours avant, se i)romenait,
drame si injurieux pour Sara, et à la prier de traitait ses mille affaires, s'occupait de son
jouer elle-même son rôle dans cette tragédie. épouse, de ses enfants, de ses serviteurs, de
Il ne rougit pas de dire le molif qui le porte à cités entières ; menaçait, terrifiait, remettait
faire usage d'un pareil moyen Quand les : une peine, en inlligeait une autre, faisait mille
Eqi/ptieus te verront, dil-il à Sara, quand ils travaux dans sa ville ou dans le pays qu'il ha-
charmes de ton visage.,
verj'ont ta beauté et les bitait ? Tous amis fondent en
le regrettent, ses
ils me feront mourir pour te garder. Dis que tu larmes, sou épouse est éperdue de chagrin, elle
es ma sœur, afin que l'on ni épargne, et qu'on se meurtrit le visage et s'arrache les cbeveux;
me laisse la vie à cause de toi. (Gen. xu, 1^2, 13.) autour d'elle ses innombrables servantes pous-
Voyez-vous comme la crainte etl'effroi remuent sent des cris de douleur, et lui il ne remarque
celte âme sage et élevée? Voyez-vous celte âme rien de tout cela Encore une fois, qui ne se-
!

d'airain vaincue dans ce combat? Il dément rait etfrayé à cette i>cnsée que tout a disparu,
5on origine, il impose
fennne un rôle
à sa raison, talent, âme, grâce et beauté du visage,
étrange, c'est une brebis qu'il expose à la fu- mouvement des membres ; et qu'à tous ces
reur des loups. Qu'y a-t-il de plus insuppor- avantages succède ce qu'il y a de plus rebu-
table pour un lionuue que de voir sa IVnune tant, le silence, riusensibilité, la corruption,
outragée? un sin)ple soupyon l'indigne. Pour les vers, la cendre, la poussière, la puanteur,
4i)raham, ce n'est pas un soupçon, mais une une complète dissolution, jusqu'à ce que le
LETTRES. 417

cadavre soil réduit à quelques os infoimes et s'est emparée de vos cœurs. (Jean, xvi, [>-(;.)

bideux. Voyez-vous comme la tristesse avec sa violence


l. E! cei)endant celte mort si effrayante (sa cnvelop|)e leur amour d'épaisses ténèbres,
nature et aux saints,
la crainte qu'elle inspire comment elle les captive, conunenl elle se
vous l'ont assez montré), n'est rien en compa- les assujétit? Voyez aussi le [irophète Elie
raison de la tristesse. Si je suis entré dans ces (car je ne veux point le laisser encore) Il :

d jveloppements, c'est jtour vous faire bien com- s'enfuit, il quitte la Palestine, cédant à la

l<rendre la rigueur de la peine que vous suppor- violence de sa tristesse ; cette tristesse si

tez, et vous exciter à attendre une récompense, violente, l'auteur de son histoire, nous la re-

je ne dis pas proi)ortionnée, mais bien supé- dit dans ces paroles Il s'en alla pour obéir
:

rieure auxmauxque vous endurez. Je veux vous à son âme ; entendez maintenant ce qu'il d(3-
le prouver par l'exemitle de ceux qui, comme mande au Seigneur C'est assez, Seiyneur, :

\ous, ont ressenti de la tristesse ; c'était du dit-il. Prenez ma vie ; car je ne suis pas meil-

reste mon dessein des le début de celte lettre. leur quemes pères. (III Rois, xix, 34.) Ce qu'il
Quanil Moïse vint annoncer aux Hébreux demande, n'est-ce pas le plus terrible des
leur délivrance et la fin de leur captivité, ils maux, le plus grand des supplices, la peine in-
ne voulaient pas même l'entendre. Et Moïse fligée aux grands crimes, et ne regardc-t-il
nous apprend la cause de celte conduite : mort comme un bienfait? Tant il est
|)oint la
Muïse parla au peuple ; et le peuple, par pu- vrai que la tristesse est plus pénible que la
sillanimité, îie voulut point Ventendre. (Exod. mort. C'est pour échapper à la tristesse, que
VI, 9.) Bien plus, quand le Seigneur menace le prophète souhaite de mourir.
les Juifs dos plus rigoureux cbâliments s'ils Ici je veux répondre à une objection. Je
5.
violent sa loi, la tristesse vient après toutes les sais que vous aimez ces sortes de réponses.
autres peines : il les menace de la captivité, Quelle est donc cette objection? la voici : Si la
de l'exil, de l'esclavage, de la famine, de la mort, aux yeux du Prophète, était moins pé-
peste ; il les menace de les réduire à manger nible que la tristesse, pourquoi donc voulait-il
la chair des honunes, et il ajoute : Je leur éviter la mort en quittant sa patrie et ses con-
donnerai un coeur afflirjé, des yeux défaillants, citoyens pourquoi, voulant naguère y échap-
?

vue dnie latujuissante. (Deut. 28-65.) Mais pour- per, la souhaite-t-il aujourd'hui? mais c'est —
quoi ra|)peler les Juifs, ce peuple ingrat et in- afin que vous compreniez mieux combien la
discipliné, esclave de la chair, dépourvu de tristesse est plus cruelle que la mort. Quand la
sagesse, quand
invoquer rexem[)le
je puis crainte de mourir possédait seule son âme, il
d'hommes admirables par la grandeur et l'élé- faisait tout ce qu'ilpouvait pour échapper à la
vation de leurs âmes ? Les apôtres avaient passé mort. Mais quand une fois la tristesse eut pé-

trois ans dans la compagnie du Sauveur ; ils nétré dans son cœur, et lui eut fait sentir sa

avaient reçu de sa bouche les plus sublimes violence, le rongeant, le consumant, le déchi-
enseignements sur limmortalité et d'autres rant, lui faisant endurer des tourments hor-
mystères, ils avaient opéré de merveilleux ribles, alors elle lui sembla plus aflreuse que
prodiges, ils avaient mangé, conversé avec lui le plus affreux des supplices. — Jonas, lui
dans de délicieux entretiens, ils s'étaient ins- aussi, appelait la mort pour se soustraire cà la
truits à son école ; ils le retenaient au milieu tristesse il la demandait à Dieu en ces ter-
:

d'eux, ils s'attachaient à lui comme des en- mes Prenez ma vie, disait-il, la mort pour
:

fants s'attachent au sein de leur mère ils ; moi est préférable à la vie. (Jon. iv, 3.) David
ne cessaient de lui demander où allez-vous'? : à son tour, soit (ju'il parle m son nom, ou au
El cependant dès qu'il les eut conli istés par nom d'une autre personne plongée dans l'af-
quelques-unes de ses paroles, le chagrin s'em- niction, exprime le même désir Le pécheur, :

para d'eux avec tant de violence, ils éprouvè- (\\{-'\\, s'est élevé contre moi; alors je me suis

rent des angoisses telles, qu'ils cessèrent de tu, j'ai été humilié, j'ai été privé de tous les
l'interroger. Jésus-Christ le leur reprocha en biens, et ma douleur a été renouvelée. Mon cœur
leur disant Vous m'avez entendu vous dire
: bridaitau dedans de moi, et mes pensées y allu-
que je retourne d Celui qui nïa envoyé et per- maient une flamme ardente. (Ps. xxxvni, 2-1.)
sonne de vous ne me demande : où allez-vous ? Cette flamme, c'est la tristesse plus dévorante
Depuis que je vous ai dit ces choses, la tristesse que toute espèce de flaimues. 11 ne peut plus en
Tome 27
IV.
418 TRADUCTION FRANÇAISE DE SAINT JEAN CHRYSOSTOME.

supporter les ardeurs ni les souffrances, et il frances, cette âme d'airain, cette âme ferme
B'écrie Ma langue a laissé échapper les désirs
: comme le roc, qui habita le pays d'Ausitide, et
de mon cœur. Quels sont donc vos désirs? remplit tout l'univers de l'éclat de ses vertus.
dites-le-nous, ô David Ce qu'il souhaite c'est
1 , Je vais donc vous exposer ses vertus et ses
la mort. Faites-moi connaître ma fin^ dit-il, souffrances, afin que vous puissiez les com-
et le nombre de mes jours, afin que je sache parer ensemble. Quelles étaient donc ses ver-
combien de temps encore il me reste à vivre. tus ? Ma maison, dit-il, a été ouverte à tout le
(Ibid. 5.) Elie ne s'exprime point dans les mê- monde ; c'était comme un port ouvert à tous
mes termes mais ses paroles ont le même
; les voyageurs. (Job, 31, 3-2.) Tout ce qu'il pos-
sens. Quand il dit Je ne suis pas meilleur que
: sédait, il le possédait moins pour lui que pour
mes pères n'est-ce pas comme s'il disait Fai-
, : les pauvres. J'étais, dit-il, j'étais l'œil de Va-
tes-moi connaître le terme de mes jours, afin veugle et pied du boiteux. (Job, xxix. 15-17.)
le

que je sache combien de temps encore il me Je servais de père à quiconque était faible;
reste à vivre ? c'est-à-dire Pourquoi me laisser
: j'examinais avec soin les différends dont j'étais
sur la terre? pourquoi m'en retirer si tard? l'arbitre ; je brisais les dents des hommes in-
tant d'autres l'ont déjà quittée, et moi je traîne justes, et je leur arrachais leur proie. Le faible
ici une longue existence. Telle est la force de qui avait besoin de quelque secours, n'éprou-
son désir, du sien, dis-je, ou de ceux au nom vait jamais de refus, et personne ne sortait de
desquels il parle, qu'en attendant l'arrivée de chez moi sans avoir rien reçu. (Job. xxii
la mort, il voudrait savoir le moment où elle 46, 34.) Comme de Job se multiplie!
la charité
viendra. Faites-moi savoir la fin de mes jours comme sa compassion sait venir en aide à tous
et j'en éprouverai la plus grande joie. Ainsi les besoins! il soulage les pauvres, il soutient
donc, un mal si horrible devient désirable, les veuves, il défend ceux que Ton outrage, il

grâce aux intolérables souffrances de la tris- se montre terrible contre ceux qui commettent
tesse et de cette ardeur qui dévore l'âme. Mes l'injustice. Son zèle ne se bornait pas à pro-
pensées^ dit-il, allument en mon cœur une téger, à porter secours, comme c'est la cou-
flamme ardente. tume de tant d'autres, il voulait voir l'œuvre
C'est donc un bien grand supplice que celui couronnée de succès, et il y mettait toute son ar-
que vous endurez; espérez aussi de grandes deur. Oui, dit-il, je brisais les dents des hommes
récompenses, des palmes brillantes, d'ineffa- i)ijustrs ^JobjXxix, 17\ ma prudence était comme
bles jouissances, des couronnes composées des un rempart dresbé contre leur méchanceté. Non-
plus belles fleurs. Ce n'est pas seulement en seulement les injustes entreprises des honunes,
faisant le bien, c'est aussi en souffrant le mal mais les dangers venant de la nature trou-
avec i)atience que l'on se rend digne de ces vaient un obstacle dans sa sollicitude il sa- :

récom|)enses magni(i(pies. Je vais mainte- — vait les écarter à force de vigilance et desoins.
nant vous tenir un langage plein d'utilité pour S'il ne pouvait rendre les membres perdue,
vous et pour tout le monde, bien propre à c'est-à-dire les yeux aux aveugles, les pieds
,

porter les àmcs à la [)aticnce, et à les empêcher aux boiteux il leur tenait lieu de ces mem-
,

de faiblir eu présence des combats qu'elles ont bres. Grâce à lui, les aveugles voyaient, les
à soutenir contre l'adversité. boiteux marchaient. Y a-t-il rien de compa-
6. Que la tristesse soit le plus horrible des rable à cette humanité? quant à ses autres
maux, (ju'elle les surpasse tous par les souf- vertus, vous les connaissez inutile de >ous :

frances (ju'elle procure, nous l'avons assez fait redire sou affabilité, sa douceur, sa sagesse, sa
voir. Il nous reste maintenant à com|)arer modération autant il s'indignait contre ceux
;

entre elles les vertus et les douleurs, pour qui outrageaient le prochain autant on le ,

vous faire bien comprendre (jue Dieu ne ré- voyait plein de douceur et de mansuétude à
compense pas seulement les vertus, mais aussi l'égard de tous les autres, à l'égard de ses ser-
les souffrances, qu'il les récom|)ense magnifi- viteurs eux-mêmes, qui témoignaient la viva-
quement, aussi magnifiquement, plus magni- citéde leur amour en s'écriant Qm nous :

fiquement même que les vertus. Je vais si , donnera de 7wus rassasier de sa chair? (Job,
vous le permettez, faire paraître devant vous XXXI, 31.) Si telle était l'affection des servi-
un modèle admirable de patience, un athlète, teurs, s'il se montrait si plein de douceur à
célèbre à la fois pai* ses vertus et par ses souf- l'égard de gens quil faut souvent faire trem-
LETTRES. 419

bler, quelle ne devait pas être sa bonté envers tion. Job avait mérité la plus belle des cou-
les autres honiiuos ? ronnes, il avait alteint le sommet de la vertu,
7. Telles et plus uouibreuses encore étaient donné de son courage une preuve évidente,
les vertus de Job. Passons maintenant en revue déployé la plus admirable sagesse. Ce saint
les souffrances qu'il endura, coni()aron?-lcs lu.mme voulant montrer aussi combien la tris-
avec ses vertus, et voyons à quelle é|)0(jue il tesse est plus à craindre que la mort, appelait
s'acquit le plus de mérites. Est-ce au temps où la mort un repos. Lamort, disait-il, est im repos
il praticjuait ces vertus, ou bien quand il endu- pour Vhomme. (Job, ni, 23.) Et il la demandait
rait ces souffrances si cuisantes, quand il res- comme un bienfait, afin d'être délivré do sa
sentait lamertume de la tristesse? Quand est-ce tristesse Qui tne donnera, disait- il, de voir se
:

donc que Job parut surtout admirable ? Est-ce réaliser ma prière! Puisse le Seigneur m^ accor-
quand il ouvrait sa porte à tout le monde, ou der ce que je désire ! Il a commencé, ah! qxCil
bien quand, après la ruine de sa maison, il ne achève, qu'il m'écrase et me fasse mourir! Que
fit entendre aucun murmure, et se prit au cette ville sur les murs de laquelle je dansais,
contraire à bénir Dieu? Dans le premier cas il soil enfin mon sépulcre ! (Job, vi, 8.) Ainsi donc
pratiijuait une verlu, dans le second il endurait rien de plus accablant que la tiistesse; aussi
une peine. A quel moment se montra-t-il plus reçoit-elle de plu? grandes récompenses.
digne d'admiration, dites-moi? Est-ce quand il Comprenez bien l'avantage ijui revient
8.
offrait des sacrifices pour ses fils, et les exhor- des soufirances. Quand même on ne souffrirait
tait à la concorde, ou bien quand, après les avoir pas à cause de Dieu (ce n'est pas une exagéra-
su écrasés sous les ruines de sa maison, enlevés tion de ma part) on a beaucoup de mérite si ,

ainsi par un trépas si lamentable, il souffrit l'on souffre avec courage et sans se plaindre.
patiemment cet horrible malheur? Etait-il plus Job ignorait qu'il souflYît pour Dieu, et ce-
admirable quand il réchauffait les épaules du pendant il obtint la couronne du vainqueur,
pauvre avec les toisons de ses brebis, ou bien parce que sans savoir la cause de ses souffrances,
quand, à la nouvelle ((ue le feu du ciel était il les supportait généreusement. Lazare tomba
tombé sur ses troupeaux, et les avait consumés malade (certes, ce n'était point là souffiir à
eux et les bergers, il supporta cette perte s;ins cause de Dieu) cependant il souffrait, il mon-
;

murmure, sans plainte et sans trouble? Yavait- trait de il ne recevait de soins de


la patience,

il plus de gloire à se servir de sa santé pour personne; il était rongé par ses ulcères, par
venir en aide à ceux que l'on outrageait , à la faim qu'il endurait le riche le traitait avec ;

broyer les dents des hommes injustes, à leur mépris et cruauté il souffrit avec courage, ;

arracher leur proie, à être comme le refuge aussi vous savez quelles couronnes lui valurent
des opprimés, qu'à voir son propre corps, ses soufirances. Peut on citer une seule bonne
naguèie le rempart des opprimés, rongé main- œuvre qu'il ait faite? Eut-il pitié des pauvres,
tenant par les vers, étendu sur un fumier, vint-il en aide aux opprimés , fit-il aucune
couvert d'ulcères ,
qu'il netloyait avec un action de ce genre? Non; mais il gisait à la
cocjuillage? J'amollis les mottes déterre^ disait- porte du riche, il était malade ; les chiens ve-
il, en nettoyant mes plaies. (Job, vu, 5.) Autre- naient lécher ses b'essures, le riche le dédai-
'ois c'étaient des actes de vertu ; maintenant ce gnait , et tout cela lui causait d'horribb s

M\\ des soufirances, et ces souffrances lui ont soufirances. Et cependant sans s'être distingué
valu plus de gloire que ces vertus. C'était en par aucun acte de générosité, pour avoir sup-
effet la partie la [dusrude du combat, celle qui porté courageusement tous ses maux, il eut h s

exigeait le plus décourage, le plus de fermeté, mêmes récompenses que le saint patriarch >.

le plus de s^igcsse et le plus d'ainour de Dieu. que je vais ajouter, pe tt


Je vais plus loin, et ce
Au temps des vertus de Job, le démon osait, paraître étrange mais cependant rien de pins
;

(sans doute avec une rare impudence et une vrai accomplirait- on quelque action grande
:

rare méchanceté), mais enfin il osait l'accuser, et généreuse, la récompense sera n)édiocre, si
et il disait : Est-ce avec désintéressement que elle n'a exigé ni fatigues, ni dangers, ni souf-
Job honore Dieu? (Job, i, 9.) Mais quand il le frances ; Chacun en effet recevra sa récompense
vitplongé dans le malheur, il s'enfuit, couvert en proportion de son travail (I Cor. m, 8);
de confusion, il s'éloigna , sans que son impu- non pas en y)roporlion de la grandeur de l'acta
dence pùl tromi^'i' nialièic à Li moindre obj'':.'- accompli, unis en proportion des soulfrances
420 TRADUCTION FRANÇAISE DE SAINT JEAN CHRYSOSTOME.

qu'il a endurées. Aussi l'apôtre saint Paul se tait-ce pas là encore souffrir? Si donc les souf-

glorifie-t-il non pas du bien mais des qu'il a fait, frances sont magnifiquement récompensées,
grandes actions qu'il a exécutées, mais de l'excès s'il n'est point de souffrance plus grande que
des maux qu'il a soufferts. Après avoir dit en la tristesse, voyez quelles récompenses lui sont
effet : Ils sont mi7iistres du Christ ; je le dirai, réservées! Je ne cesserai de vous le redire ; et
diissé-je passer pour imprudent je le suis plus ,
comme je vous l'ai promis en commençant,
qiCeux (II Cor. xi, 23); il s'applique à montrer c'est dans la tristesse même que je puiserai des
ce qui le rend supérieur aux autres. Il ne dit motifs de consolation.
pas J'ai prêché l'Evangile à tant et tant de
: Soyez de i)lus en plus convaincue que la
peuples. Non, il laisse de côté ses actions pour so ifl'rancedonne du prix aux belles actions, et
ne parler que de ses souffrances, et il !cs énu- qu'elles en ont beaucoup moins, si la souffrance
mère en ces termes : J'ai été accablé de fatigues, ne s'y trouve jointe. Ce Nabuchodonosor, roi
couvert de blessures^ jeté souvent en prison, de Babylone dont la main portait un sceptre
,

souvent aussi exposé à la mort^ j'ai reçu des et la tête une couronne, remplit un jour une

Juifs deux ce?its coup^.j'ai été trois fois battu mission pour ainsi dire, évangélique. Après
,

de verges, lapidé une fois, j'ai fait trois fois le la fournaise , il fit entendre ses
miracle de
naufrage, un jour et une nuit j'ai été dans les prédications par tout l'univers; il ne se con-
profondeurs de la mer. Sans cesse en voyage, tenta point d'élever lui-même la voix, mais il
sans cesse en danger de périr, les tempêtes, les envoya dans toutes les parties de la terre une
voleurs, ma nation les autres peuples , , les lettre qui disait Nabuchodonosor à tous les
:

villes, les déserts, l'océan, les faux frères me peuples, tribus et langues, qui habitent dam le
font courir des dangers. Je suis accablé de tra- monde entier, paix et bonheur ! Il m'a semblé
vaux, de fatigues, de veilles, de faim, de soif, bon de vous faire connaître les jniracles et les
de pauvreté. En outre, les choses du dehors me prodiges que le Dieu Très-Haut vient â^accom-
pressent continuellement. (II Cor. xi, 23-28.) plir parmi nous. Il a fait éclater sa grandeur
9. Voyez-vous comme il énumère ses souf- et sa force ; son règne est éternel, et sa puis-
frances ; comme il y trouve matière à se glo- sance s'étend de génération en génération.
rifier! Il rappelle ensuite les vertus qu'il a (Dan. III, 98, 100.) Et il publia un décret por-
pratiquées, et encore leur mérite vient-il moins tant que tout i)euple, toute tribu, toute langue
de l'acte lui-même que des souffrances endu- qui prononcerait une parole contre le Dieu de
rées pour l'accomplir. Après avoir dit : Ces Sidrac, de Misach et d'Abdénago, serait mis à
conjurations de chaque jour formées contre mort, et que la maison du coupable serait
moi, c'est-à-dire : ces emprisonnements, ces livrée au pillage. Ilajoutait // n'y a pas d'au-
:

tumultes, ces embûches (car telle est la force tre Dieu qui puisse ainsi sauver de la mort.
du mot employé par l'Apôtre), il ajoute : La (Ibid. 96.) Que de menaces dans cette lettre I

sollicitude de toutes les Eglises. (Ib. xxvni.) Il N'est-iile pas vraiment terrible? Nabuchodo-
ne dit pas, la réforme , mais la sollicitude, nosor n'est-il pas un prédicateur sublime, et
expression qui désigne la souffrance i)lutôt sa lettre ne se répand-elle pas dans tout l'uni-
qu'une action vertueuse. Il en est de même vers? Or, dites-le moi, sera-t-il récompensé
pour ce qui suit Qui est malade, sans que je
:
comme pour avoir publié la puis-
les apôtres,
le sois aussi ?\\ ne dit pas, i'a;?5 que je cherche à sance de Dieu, pour av(>ir déployé tant de zèle
le guérir, mais bien, sans que je sois aussi ma- et d'activilé pour la proclamer jusqu'aux extré-
lade. Et encore Qui est scandalisé, sans que
:
mités du monde? Non, certes, il s'en faut
je brûle au dedans de moi? (Ibid. xxix.) Il ne bien. Ce|)endant mission ressemble à la
sa
dit pas : Sans que je l'aie délivré du scandale; leur. Mais il la remplit sans éprouver de fati-
mais sanscjue j'aie partagé sa tristesse. Voulant gues ni de soutfrances, ce qui en dimi- et voilà
ensuite montrer qu'il est surtout récompensé nue le mérite.
de lîabylone fait usage
Ix" roi
pour avoir soutTert, il dit S'il faut me glori- :
de sa souveraine puissance et ne coint aucun
fier, je me glorifierai de 7nrs infinultés. (Ihid. danger les apôtres, au contraire, on s'oppose
;

XXX.) A tout ce qui précède il ajoute une autre à leurs elforts, on les chassp, on les accable de
circonstance de même nature, et rappelle ([u'il coups; ils vivent dans l'indigence, ils sont
.sortit de prison une fenèlre, au moyen
p,tr précipilts du haut des édilicos, jetés à la mer,
d'une corbeille glissant le long des nmrs; n'é- tourmentés pnr la î'aini ; ils juimuiMi! cha jt;e
LETTRES. 421

jour, et à toutes ces souffrances, s'ajoutent les vous le voyez, fut magnifiquement récompen-
douleurs de l'ùme , ils sont faibles avec les fai- sée dans chacun d'eux; quelles récompenses
bles, un feu intérieur les dévore, quand un de ne recevrcz-vous donc pas, vous qui les avez
leurs frères est scandalisé. Voilà les souffrances, endurées toutes ensemble, au plus haut degré
voilà surtout la tristesse qui leur vaut de si et à tous les instants de votre vie? Ce qui sur-
belles récompenses. Chacun ^ dit saint Paul, loutcomblede gloire, ce qui ravit le plus d'ad-
recevra une récompense proportionnée à ses miration, ce qui vaut les plus grands avantages,
travaux. (I Cor. ni, 8.) C'est ce que je ne ces- ce sont les tentations fréquentes, les dangers
serai moi-même de vous réj)éter. Paul demanda nombreux , les fatigues , les chagrins, les em-
souvent au Dieu miséricordieux d'être délivré bûches dressées par ceux qui à aucun titre ne
de ses matix et de sa tristesse de tant de , devaient le faire si on souffre tout cela avec
,

douleur et de tant de périls, mais il ne fut patience. Savez -vous ce qui rendit surtout
point exaucé. Trois fois je , fis cette prière au illustre et heureux le fils de Jacob? Ce fut cette

Seif/neur (II Cor. xii, 8), nous dit-il, et je calomnie imaginée contre lui , cette prison
n'obtins point ce que je désirais. Et comment, ces chaînes et les souffrances qui en résultè-
en effet, pouvait-il mériter une ample récom- rent. Oui , sa chasteté le couvrait de gloire,
pense? Etait-ce en préchant sans fatigue, en puisqu'elle triompha de la passion de l'égyp-
vivant dans les délices, et le repos? Etait-ce en tienne, et repoussa cette misérable qui voulait
demeurant assis dans sa maison n'ayant d'au- , le séduire; et ce|)endant ses souffrances lui fu-
tre peine que celle d'ouvrir la bouche et de rent plus méritoires encore. Quelle gloire y
remuer les lèpres? Rien de plus facile que tout a-t-il, je vous le demande, à ne point commettre

cela, et rien qui s'accorde mieux avec la mol- d'adultère, à ne point outrager un époux, à ne
lesse et la délicatesse de la vie. Ce que Dieu point souiller une couche nuptiale à laquelle
récompensera dans l'Apôtre , ce sont ces bles- on n'a aucun droit, à ne point faire in-
sures, ces morts de tous les instants, ces cour- jure à celui dont on a reçu des bienfaits, à
ses sur terre et sur mer, cette tristesse, ces lar- ne point plonger la maison de son maître dans
mes ces douleurs; ces récompenses, ces cou-
, l'opprobre et l'infamie? Mais ce qui était glo-
ronnes, il les recevra avec celte assurance que rieux pour lui , c'était le danger qu'il courait,
donne le mérite Durant trois jours et trois
: c'étaient ces embûches qui lui étaient tendues,
nuits, dit-i!, je n'ai pas cessé d'avertir chacun c'était la fureur de cette femme ivre de pas-
de vous, les lannes aux yeux. (Act. xx, 31.) sion, la violence qu'elle lui faisait; c'était cette
10. Méditez toutes ces choses, songez aux ré- prison que l'adultère lui avait apprêtée dans la
compenses que promet une vie passée dans le chambre nuptiale elle-même, ces filets qui
travail et la douleur, et soyez transportée de l'enlaçaient de toute part, cette accusation, ces
joie. Oui, dès votre enfance vous avez mené calomnies, cette captivité qui en résulta; c'é-
une vie riche de mérites, et digne de cou- tait de se voir injustement condamné après un

ronnes sans nombre, une vie toute remplie combat qui devait lui valoir une couronne, de
de continuelles souffrances. Des maladies de se voir jeté dans les fers comme un criminel,
toute sorte, des maladies mille fois plus cruelles de partager le grands coupables, et
sort des
que la mort ont sans cesse assiégé votre corps ;
d'être plongé avec eux dans les horreurs d'un
puis les insultes , les outrages, les calomnies cachot. A mes yeux il brille d'un plus vif
,

n'ont cessé de fondre sur vous. Enfin ,


que de éclat que dans ce temps où, sur le trône d'E-
,

chagrins, que de larmes, ont fatigué votre gypte, il distribue du blé à ceux qui en deman-

Ame, sans lui laisser un instant de repos Cha- ! dent, met un terme à la famine, et se présente
cun de ces maux n'est-il pas pour celui (jui les comme un port où tous se réfugient. Oui, je le
endure, la source des plus grands avantages? trouve plus illustre, les pieds et les mains en-
Lazare, pour avoir été malade, jouit du même chaînés, qu'avec ses magnifiques vêtements et
bonheur que le patriarche; quelques outrages son immense pouvoir. Le temps de sa capti-
valurent au publicain une justice bien supé- vité, c'était le temps du négoce et du gain le ;

rieure à celle du pharisien, qui l'insultait le ; temps de sa puissance, c'était le temps du luxe,
prince des apôtres effaça par ses larmes cette du repos, des honneurs temps de jouissance, ,

faute qui venait de faire à son âme une si il est vrai, mais presque sans profit et sans bé-

cruelle blessure. Une seule de ces souffrances, néfice. Oui je l'admire moins
,
lorsque son ,
an TRADUCTION FRANÇAISE DE SAINT JEAN CHRYSOSTOME.

père lui rend hommage, qu'à ce moment où seph non pas à des hommes de leur nation,
l'envie de ses frères le persécute, où il trouve mais à des barbares, qui s'en allaient dans un
des ennemis jusque dans sa famille. Dès son jtays lointain. Dieu, qui voulait le couvrir de

enfance, ils s'acharnent contre lui, et sans gloire, ne s'opposapas àleurs desseins: il laissa
avoir aucun motif de haine; ce qui les chagri- les périls succéder aux périls, sans faire écla-
nait, ce qui les enflammait de dépit, c'était ter sa colère. La jalousie, la calomnie fit place
cette bienveillance particulière dont Jacob le à un complot homicide, le complot à une ser-
favorisait. Or Moïse, le législateur des Hébreux, vitude plus horrible que la mort. Ne vous con-
nous dit que cette bienveillance avait sa cause tentez point d'effleurer ces réflexions : arrètez-
non dans la vertu de l'enTant, mais dans l'épo- vous-y. C'est un jeune homme, plein de no-
que où Joseph était venu au monde. Il était né blesse, élevé dans la maison paternelle, jouissant

longtemps après les autres, alors que Jacub d'une entière liberté , tendrement aimé de
avait atteint la vieillesse, et c'est pourquoi il son père, et le voilà soudain vendu par des
l'aimait d'un amour plus tendre. Car les en- frères qui n'avaient rien à lui reprocher, vendu
'fants dans ces circonstances sont plus
nés à des barbares qui parlent une langue étran-
chers que les autres, puisqu'ils sont nés contre gère, à des hommes cruels, livré à des bêtes
toute espérance. Son père V aimait tendrement, sauvages plutôt qu'à des hommes ; le voilà
dit la Genèse, parce qu'il V avait engendré dans banni de son pays, exilé, esclave, forcé de vivre
sa vieillesse. (Gen. xxxvii, 3.) sur un sol étranger, après avoir joui de la li-

11 Ces paroles de Moïse nous disent, je crois,


. berté ; le voilà réduit à la dernière infortune,

non la véritable cause de cette bienveillance ujjrès avoir vécu au sein du bonheur il n'a ;

spéciale, mais plutôt le prétexte mis en avant jamais eu de maître et il lui faut mainte- ,

par Jacob. Il voyait ce jeune homme en butte nant obéir à des maîtres cruels, dans un pays
à la haine de ses frères, et pour essayer de re- barbare et lointain. Mais ce n'est pas encore le
médier au mal, il imagina ce motif de sa bien- terme de ses maux les embûches succèdent aux
:

veillance, qui ne pouvait exciter une bien vive embûches! que nous sommes loin de ces songes
jalousie. La vraie cause de cette tendresse, qui lui prédisaient une si prodigieuse élévation,
c'était lavertu toujours croissante et préma- qui lui annonçaient qu'il serait adoré par ses
turée de Joseph; et la conduite de Jacob envers frères Les marchands qui l'avaient acheté ne
!

Benjamin nous le montre clairement; si l'ordre le gardèrent point, mais le vendirent à d'au-
de la naissance eût déterminé la préférence de tres barbares plus méchants qu'eux-mêmes.
Jacob, il aurait aimé plus tendrement encore Vous le savez, changer de maître dans de telles
Benjamin (jui était le plus jeune. Benjamin conditions, c'est un bien grand malheur. La
na(iuit après Jo^eidi, et Jacob était plus âgé , servitude est bien plus insupportable encore,
quand il l'engendra. C'était donc, comme je lors(iu'on tombe de nouveau aux mains d'é-
l'ai dit, un prétexte inventé pour apaiser celte trangers plus cruels que les premiers. Le voilà
animosité des Irères de Joseph contre lui. Mais en Egypte au milieu de ce peuple insensé, tou-
il n'y put réussir; la flamme n'en fut que plus jours en guerre avec le Seigneur, sans cesse
ardente. Pour le moment ils ne pouvaient lui lançant contre lui l'insulte et le blasphème;
nuire autrement qu'en faisant peser sur lui le voilà dans cette Egy[)te où il suffit d'un.

quelque accusation pleine de noirceur; ils lui homme pour bannir et chasser en exil l'il-
reprochèrent donc un crime honteux devan- , lustre Moïse. Joseph put toutefois y respi-
çant ainsi cette misérable barbare, et se mon- rer un instant : car ce Dieu miséricordieux
trant pires qu'elle ,
pusqu'ils étaient les frères dont providence opère des miracles, avait
la
de leur victime. C'était à un étranger (|u'elle changé en brebis cette bêle féroce qui l'avait
s'attaquait pour eux ils exerçaient leur mé-
: acheté. Mais bientôt l'arène s'ouvrit de nou-
•chanceté contre leur frère. veau, le stade fut de nouveau préparé; bientôt
Là ne se borna point leur cruauté cha- :
recommencèrent les luttes, les combats, les fati-
que jour c'étaient de nouvelles attaques dans le :
gues, et avec plus de violence que jamais! L'é-
désert, loin de la vue des hommes, ils résolu- pouse de Putiphar portasurlui des regards crimi-
rent de le faire mourir, ils le vendirent. le ré- lu Is, elle se laissa captixcr par la beauté de son
duisirent à la condition d'esclave, et jamais visage, et la violence de la passion fit de cette
servitude ne fut plus all'reuse. Us livrèrent Jo- femme une lionne furieuse. Cette fois encore.
LETTRES. 123

c'esl un ennemi ilonncsli(|ue, mais animé d'au- fonde, elle déploie de toutes paris les ailes de
tres intentions que ceux d'autrefois. Ceux-là lavolupté, comme si déjà elle tenait dans ses
étaient dévorés de haine, et c'est pouniuoi ils filets le jeune esclave : elle se glisse lentement,

exilèrent leur frère celle-ci l'amourl'enilammc, et se trouve seule avec lui. Non, elle n'était
;
pas
et voici une doul)le, une triple guerre, mille seule, car elle avait avec elle la jeunesse de Jo-
guerres du même coup. Il s'élança par-dessus seph, la nature, et les artifices qu'elle avait
les filets, il est vrai, en un instant il les eut mis apprêtés désormais elle emploie la violence
:

en pièces mais ne croyez pas qu'il n'eut be-


; pour entraîner au crime celle âme généreuse.
soin d'aucun effort. Au contraire il dut éprou- Quoi de plus terrible que celle tentation?
ver les plus grandes fatigues. peut-il y avoir une fournaise plus ardente, une
42. Pourvous en convaincre, demandez-vous flamme plus vive et plus impétueuse ? Un jeune
ce que c'est que la jeunesse, ce que c'est que homme plein de vigueur, esclave, abandonné de
celte fleur de l'âge. Joseph était alors à la fleur tous, sans pairie, étranger, exilé, se voit attaqué
de son âge. N'est-ce pas le moment où la flamme par une Jiiaîtresse passionée jusqu'à la fureur,
de la nature a le plus de violence, où se dé- par une maîtresse riche et puissante, dans un
chaînent toutes tempêtes des passions, où
les lieu solitaire (circonstance bien favorable à la
enfin la raison a le moins de force? Les jeunes séduclion) il est attiré par toutes sortes de char-
;

gens n'ont point d'ordinaire une bien grande mes, entraîné vers le lit de son maître et cela ;

prudence pour se soutenir, ni beaucoup d'ar- après avoir couru déjà de si grands dangers,
deur pour la vertu mais l'orage des passions
;
après s'être vu dresser des pièges si nombreux?
gronde avec fureur, et la raison qui les mo- Vous le savez, ceux que le malheur et la peine
dère et les gouverne, a trop de faiblesse pour ont accablés, s'empressent d'accourir dès qu'on
les calmer alors. A tout cela joignez l'inconti- les invite à jouir, à se reposer, à mener une vie
nence excessive de cette femme. Les Perses en- dissolue. Il n'eu fut pas ainsi de Joseph ; mais
tretenaient avec soin les flammes de la fournaise, il montra toujours la môme fermeté. Cet at-
ils les alimentaient sans cesse en y jetant des ma- tentat de la femme de Puliphar, je n'hésite pas
tières combustibles. Eh bien ! celte misérable, à le comparer à la fournaise de Babylone, à la
cette impudique, entretenait une flamme plus fosse aux lions où fut plongé Daniel, au ventre
ardente, plus dangereuse que celle de la four- de la baleine où fut englouti Jonas je : le trouve
naise elle inondait sa tête de parfum, se cou-
: plus terrible encore. Alors c'était la vie du
vrait les joues de fard, se peignait les yeux; la corps qui était menacée ; ici c'était l'âme même
mollesse de sa voix, de ses mouvements, de sa qui était exposée à une mort éternelle ; c'était
démarche, le luxe de ses vêtements, l'éclat de un malheur irrémédiable. Voyez à combien
l'or, mille autres charmes, mille autres attraits de titres ce lac était dangereux et funeste ;

pouvaient séduire le jeune hébreu. Un chasseur à la violence, aux artifices, se joignait une
habile, qui veut prendre un animal difficile à passion effrénée, un feu violent, qui brûlait,
saisir, met en mouvement tous les instruments non le corps, mais l'âme elle-même. Salo-
de son art elle aussi, qui connaissait la chas-
: mon va nous le redire, lui qui savait tout ce
teté de son esclave (comment ne l'aurait-elle qu'il y avait de dangers à s'entretenir avec une
pas connue après le long séjour de Joseph dans femme unie à un homme par le mariage. Voici
sa maison ?) crut avoir besoin de grands apprêts donc ses paroles: Peut-on déposer des chai bons
pour s'emparer de lui, et elle mit en jeu tous sur son sein, sans que les vêtements s enflam-

les artifices de la passion. Ce n'était pas assez; ment ? Peut-on marcher sur des charbons ar-
elle sut choisir le temps et le lieu les plus fa- dents^ sans se brûler les pieds ? De même si l'on
vorables pour tomber sur sa proie. Elle se garda entre vers la femme de son prochain, on ne
bien de l'attaquer, dès le jour où elle se sentit peut demeurer pur ime fois qu'on l'a touchée.
éprise d'amour pour lui elle attendit long-
: (Prov. VI, 27, 29.) Or voici le sens qu'il a en
temps encore, elle entretint en elle le feu de sa vue de même qu'il est impossible de se
:

passion et se prépara avec soin


, craignant , jeter dans le feu, sans se brûler de même il :

que trop de promptitude, trop de bruit dans est impossible de se familiariser avec les fem-
l'attaque, ne mît en fuite sa proie. Mais un jour mes sansêtre consumé d'une flamme intérieure.
elle le rencontre seul, occupé à son travail or- Mais la situation de Joseph était bien plus ef-

dinaire : alors elle creuse une fosse plus pro- frayante encore. Il ne la loucha point : c'est
AU TRADUCTION FRANÇAISE DE SAINT JEAN CHRYSOSTO^ÏE.

elle qui se jeta sur lui, et ils étaient seuls ! Et de ce qui avait eu lieu, elle triompha du juge,
déplus, il avait enduré tant de malheurs, fit rendre la sentence qu'elle désirait. L'inno-

ilavait soutenu tant d'assauts il soupirait si , cent est condamné, on lui inflige une peine
vivement après le repos et la sécurité ! terrible, on le charge de fers on le jette en ,

13. Que de filets, que d'attaques pour s'empa- prison. Ainsi cet homme admirable fut con-
rer de son âme commeelleledécliiic
! de toutes damné, sans même qu'il eût vu le juge. Ce
parts Ce sont ses mains qui l'ai relent c'est
I ; qui est plus étrange, il lut condamné comme
le son de sa voix , c'est le fard et les parfums, adultère comme ayant attenté à la couche
,

ce ?onl les plus riches ornements, les plus ri- nuptiale , comme ayant porté les mains sur
ches vêtements , c'est la passion , la mollesse l'épouse de son maître, comme ayant été pris
des paroles , une paruie efféminée , une soli- sur le fait et convaincu. Le juge, l'accusatrice,
tude qui promettait la sécurité ; ce sont les ri- la peine infligée donnaient du crédit à l'impos-
chesses et la puissance. De plus elie a pour ture auprès de la multitude qui ignorait la vé-
auxiliaires l'âge, la nature, l'esclavage, le sé- rité. Mais rien ne put ébranler son âme. Il ne
jour en pays étranger. Eh bien ! Joseph triom- dit pas : Est-ce donc ainsi que se réalisent mes
phe de tout cela. Ce tte tentation, je n'hésite pas songes ? Est-ce donc là ce que m'annonçaient
à la proclamer plus cruelle que la haine de ses mes visions? Voilà donc la récompense de ma
frères et de ses proches que celte servitude,
chasteté! Un jugement insensé, une injuste sen-
soufferte sous des maîtres barbares que ces ,
tence, une mauvaise opinion sur ma conduite.
longs voyages, que ce séjour à l'étranger, que On m'a chassé de la maison paternelle comme
cette prison, ces chaînes, ces maux innombra- un débauché, maintenant voici qu'on me traite
bles qu'il endura si longtemps. Après qu'il eut d'adultère, qu'on m'accuse d'avoir fait violence
remporté ce triomphe, il souflla dans ce lieu à la pudeur d'une femme, (ju'on me jette en
comme un frais zéphyr, le zéphyr de la grâce prison , et (jue tous me regaident connue uu
de Dieu et de la vertu du jeune homme. Telle criminel. Mes frères , qui devaient m'adorer
était sa tranquillité, telle était sa chasteté ,
(c'est que prédisaient mes songes), vivent
ce
qu'il essaya d'apaiser et d'éteindre la passion libres, tranquilles, heureux dans leur patrie
de cette femme. Le voilà donc sorti intact du et dans la maison de leur père; et moi, qui
milieu des flammes, comme autrefois ces jeu- devais régner sur eux, je suis enchaîné avec
nes hébreux sortirent intacts de la fournaise les violateurs des sépulcres , avec les scélérats,
de Babylone : On ne sentait point en eux l'o- avec les voleurs. Une fois éloigné de ma pa-
deur du feu, dit le Prophète. (Dan. m, 38.) Le trie , me voici [»longé dans de nouveaux trou-
voilà cet iUustre athlète de la chasteté , aussi bles , dans de nouveaux embarras ; même en
ferme que l'airain. Qu'arriva-t-il ensuite et pays étranger, de nouveaux goutVres se sont
quelle fut la récompense de sa victoire ? En- ouverts devant moi, de nouveaux poignards
core des embûches, encore des précipices , en- ont été aiguisés contre moi. Celle fennne, dont
core la mort, les dangers, la calonmie,des les calomnies m'ont attiré tous ces maux, par
haines injustes et slupides. Cette misérable son double crime est digne du dernier sui>-
femme, en effet, se console par la fureur de la l)lice,et cependant elle danse, elle est ivre
déception qu'elle vient d'avoir : elle entasse de joie , elle jouit de ses trophées et porte sur
passion sur passion, et à cet amour impudi- sa tête la couronne du triomphe moi, au con- ;

que elle joint une colère criminelle ; d'adul- traire, moi qui suis innocent, ou m'inflige les
tèr(î elle devient iKunicide. Ne respirant [)lus plus terribles peines. Non ,il ne dit rien de
(jue cruauté, lançant des regards sanguinaires, semblable , il ne pensa rien de semblable ;

elle dresseun tribunal, y place un juge cor- mais, comme un athlète qui va de victoire en
rompu, le maître lui-même, son époux, un victoire, il était c^ilme et joyeux, et ne conser-
barbare, un Egyptien; et elle y dénonce un vait de ressentiment ni contre ses frères, ni
crime dont personne ne peut témoigner. L'ac- contre celle fenune criminelle. El quelle preuve
cusé n'est même pas admis à comparaître ; en avons-nous? Rappelez-vous ce qu'il disiiit à
elle est sûre de la sentence ,
puis(ju'elle s'ap- l'un de ceux qui se trouvaient enchaînés avec
puie sur la sottise et la bienveillance du juge, liù. Rien loin d'être lui-même plongé dans le
sur la de son propre témoignage, sur la
foi désespoir, il dissi[>ait la tristesse des autres.
servitude de l'accusé. Disant tout le contraire Il en vit dont l'âme elait troublée , accablée
LETTRES. 42»

par le chairrin ; aussitôt il s'approcha d'eux ({ui brillait comme le soleil , dont la vertu lan-
pour savoir la cause de leur déses[)oir. Lors- çait de tous côtés ses rayons éblouissants, il
qu'il eut a[)pris qu'il provenait de certains habitait encore une prison
personne ne , et
songes, il sVni|>ressa de les leur expliquer. song(!ciit à demander au roi Ce sa délivrance.
Ensuite il dcnuinde à l'un d'eux de se souve- n'était pas encore assez de couronnes, pas en-

nir de lui auprès malgré son admira-


du roi : core assez de palmes le stade s'agrandissait
:

ble générosité il était homme cependant, et


,
devant lui cl offrait un plus grand esp.ice à
,

ne vonlail point se consumer dans les angois- parcourir. Dieu permellait que la lutte ee pro-
ses. Il l'invite donc à se souvenir de lui auprès longeât; sans abandonner l'athlète, il laissait
du roi , à demander sa mise en liberté. Il ses adversaires déployer tous leurs moyens, de
était forcé de dire la cause pour laquelle on manière que l'alhlèle ne succombât point et
l'avait jeté en prison, afin que l'intercesseur que cependant ses ennemis ne missent point
put alléguer un motif plausible en faveur de de terme à leurs attaques. Il permit qu'il fût
son protégé. Or il ne dit pas un mot des in- jeté dans une citerne, que ses habits fussent
justices qu'il avait soulfertes : il déclara son teints de sang; mais il ne voulut pas que ses
innocence, mais n'alla pas plus loin, et ne frères le fissent mourir. Sans doute un des
parla point de ceux qui l'avaient traité si in- frères donna aux autres le conseil de ne pas
justement. On m'a enlève, dit-il, du pajjs des le faire mourir mais c'était la providence
:

fh'brcux^ et on m'a jeté dans cette prison, saîis divine qui disposait toutes choses. Il en fut de
que f aie commis aucun crime. (Gen. xl, 15.) même en ce qui concerne la femme de Puti-
Pourquoi donc ne dites-vous rien de cette pros- phar. Pourquoi, je vous le demande , cet
tituée, de celte adultère, de vos frères, de homme si ardent si emporté (car vous le sa-
,

leur haine, de leur infâme trafic, de la passion vez, tel est le tempérament des Egyptiens) cet ;

de votre maîtresse , de son attentat de son , homme emporté jusqu'à la fureur (la colère,
intempérance, des pièges qu'elle vous tendit, en effet, exerce sur les Egyptiens un empire
de ses artifices, de ses calomnies, de la sen- incroyable), pourquoi, dis-je , n'a-t-il pas fait
tence injuste qu'elle fit rendre contre vous, du mourir par le glaive ou jeté dans les flammes
juge qu'elle corrompit, de cette condamnation cet esclave qu'il regardait comme un adultère,
podée sans aucun fondement? Pourquoi taire, qu'ilcondamnait comme ayant fait violence à
pourquoi cacher tout cela ? Ah je ne connais I son épouse ? Pourquoi malgré cette impudence
point le ressentiment, répond-il; toutes ces qui le portait à rendre une sentence, sans
injustices me valent autant de couronnes et avoir entendu les deux parties, sans donner à
de palmes elles sont pour moi d'un profit
; l'accusé la liberté de parler, monlra-t-il tant
immense. de clémence au moment du supplice , et cela
14. Quelle sagesse 1 que cette âme est au- quand il était témoin de la fureur et de la
dessus de la colère, supérieure à l'adversité 1 rage de son épouse, quand elle se plaignait
comme elle domine tous Vous le
les dangers ! amèrement de la violence qui lui avait été
voyez, il déplore plutôt le ennemis
sort de ses faite, quand elle montrait les vêtements dé-
qu'il ne garde le souvenir des injures. Pour chirés ,
quand redoublaient et sa fureur et ses
ne point nommer ses frères ni cette femme cris et ses lamentations ? Rien de tout cela ce-
homicide On ni a enlevé furtivement^ dit-il,
: pendant ne put l'amener à faire mourir Jo-
du pays des Hébreux et je ne suis coupable , seph. Pourquoi donc, je vous le demande?
d aucun crime Il ne désigne personne, il ne
. N'est-il pas évident que ce Dieu qui mit, pour
parle ni de la citerne, ni des Ismaélites, ni de ainsi dire, un frein à la fureur des lions, qui
qui que ce soit. Mais voici qu'une nouvelle et éteignit, pour ainsi dire, les flammes de la
violente tentation se présente encore cet ; fournaise, contint aussi le courroux sauvage
homme que Joseph avait consolé, qui selon de cet homme, réprima cette colère inouïe
sa prédication , s'étiiit vu délivrer de ses chaî- pour rendre le supplice moins rigoureux? Dans
nes , et rétablir dans son ancienne charge la prison, c'est encore la même conduite de
oublie et le bienfait qu'il avait reçu et la de- la Providence. Dieu permet, il est vrai, qu'on
mande que l'homme juste lui avait adressée. le jette dans les fers, au milieu des scélérats;
Lui , dans le palais du roi, il avait désormais mais il le soustrait aux mauvais traitements du
en partage toutes les jouissances; pour Joseph, geôlier. Vous n'ignorez pas «e que c'est qu'un
426 TRADUCTION FRANÇAISE DE SAINT JEAN CHRYSOSTOME.

geôlier. Eii bien 1 le geôlier se montra plein attendions à ses rigueurs, et nous n'avons rien
de douceur envers Joseph; non-seulement il négligé pour les diminuer. Nous faisons sans
ne lui imposa pas de rudes travaux, mais cesse du feu, nous fermons bien la chambre où
il lui donna autorité sur ks autres, et il l'a- nous restons, nous mettons plusieurs manteaux
vait reçu comme un criminel , comme un in- et nous ne sortons jamais. C'est assez pénible,

fâme adultère. Ce n'était pas, en effet, aune sans doute mais nous y trouvons notre avan-
,

femme mais à une femme


de basse coiidition ,
tage et nous patientons. Tant ([ue nous sommes
cnviionnéc d'éclat et d'honneurs qu'il était chez nous, le froid ne nous tourmente guère ;

censé avoir fait violence. Toutefois rien ne put s'il nous faut sortir, et nous tenir en plein air^

effrayer le geôlier ni le faire agir cruellement nous nous sentons fort incommodé. Aussi, je
à i'cgard de Juscph. Ainsi donc en même temps vous en conjure, je vous le demande comme
les afilictions tressaient des couronnes pour une grande grâce, faites tout ce qui dé|)end de
l'homme juste, et Dieu l'environnait de se- vous pour fortifier votre corps. La maladie en
cours aboudunts. effet est une conséquence de la tristesse quand

J'aurais voulu vous écrire plus longuement. une fois le corps, épuisé par la fatigue exté- ,

Mais j'ai déjà dépassé de beaucoup la mesure nué par la maladie, m.anque des soins néces-
ordiiiaire d'une lettre. Je m'arrête donc et je , saires quand il n'a pour se rétablir ni l'art
;

vous exhorte, comme je l'ai toujours fait, à des médecins, ni une température convenable,
bannir de ^otre âme la tristesse qui la remplit et les autres ressources indispensables, ah! il

encore à louer Dieu comme vous l'avez tou-


, ,
est bien à craindre qu'il ne succombe. Appelez
jours fait et comme vous continuez à le donc, je vous en prie, appelez plusieurs mé-
faire, à lui rendre grâces à l'occasion de tant de decins habiles , employez les remèdes propres
calamités et de douleurs. Vous recueillerez des à rétablir votre santé.Il y a quelques jours,

fruits abondants, vous ferez au démon de mor- l'étatde l'atmosphère nous fatiguait restomac
telles blessures, vous nous remplirez de conso- et nous donnait des envies de vomir nous ;

lations; vous n'aurez pas de peine à dissiper avons usage de plusieurs remèdes, entre
fait

cette nuée de chagrins qui voile votre front et autres d'une potion que nous a envoyée la véné-
à jouir d'une lran(iuiliilé[)arfaite. Arrière donc rable Synclétium, et il nous a suffi de trois jours
toute mollesse : sortez, retirez-vous de celte pour nous guérir. Faites donc vous-même
fumée (car cette tristesse vous la dissiperez usage de ce remède et dites qu'on vous le pro-

aussi facilement que la fumée.) Ecrivez-nous cure de nouveau. Chaque fois que nous avons
que vous avez suivi notre conseil et ainsi, ;
éprouvé ces douleurs d'estomac, nous l'avons
même loin de vous,nous trouverons dans vos employé et elles se sont apaisées. Il calme

lettres de quoi réjouir notre cœur. rinflammation, il met à la porte les humeurs;
il ne manque pas d'une certaine chaleur qui
donne des forces et exile l'appélit en peu d« :

temps nous avons ressenti tous ce? heureux


LETTRE IV. effets. Priez donc le vénérable Théophile de

nous préparer de nouveau ce même médi-


Peut-ctr« en 407. cament et de nous l'envoyer. Ne vous chagri-
nez i)as de nous voir passer l'hiver en ce pays.
Saint Jean r.lirysoslome apprend à Olympiade cpie, nialpré la

H i'encnge îi ne rien
Nous nous portons bien mieux que l'année
rigueur di- l'iiiver, il se porte bitii
iiépliger pour se guérir. —
Avantages des soullrauccs causées dernière ; et vous aussi , sivous vouliez vous
par la maladie — txcuinlc de Job, de Lazare, de Tuiiotliéc. soigner conmie il faut, vous jouiriez d'une
— Il l'exhorle il bannir de son Ame la tristesse qui l'accable.
meilleure sanlé. C'est la tristesse , dites-vous,
A OLYMPIADE. qui est cause de vos maladies. Pourquoi ré-
clamez-vous encore une lettre, puisque les
4. La rigueur de l'hiver, la faiblesse de notre précédentes n'ont pu vous rendre le calme, et
estomac, les inclusions des Isauriens, ne doi- que, tout au contraire, vous vous plongez dans
vent point vous causer d'inquiétude, vous ac- ces fiotsdelà tristesse, au point de désirer
cabler de soucis. L'hiver s'est fait, connue il se mourir? Ne savez-vous donc pas les récom-
fait d'ordinaire en Arménie ; voilà tout, et nous penses que la maladie mérite à celui qui sait
n'en avons pas été fort incommodé. Nous nous rendre grâces au Seigneur? Ne vous l'ai-je
LETTRES. 427

j)as assez dit, soit de vive voix, soit par lettres? et d'une mort qui leur improvise un tombeau.
Mais i)uisque ou la maladie, ou
les affaires, J ne les vil point étendus sur leurs lits, il ne
)l)

les adversités ne vous permettent pas de vous baisa point leurs mains, il n'entendit point
rappeler sans cesse mes réflexions, écoutez en- leurs dernières paroles, ne put toucher ni
core les mêmes conseils, afin de fermer les leurs pieds, ni leurs genoux, il ne ra|)procha

plaies creusées i)ar le chagrin. Je ne me las- jioint leurs lèvres, il ne leur ferma i)oint les
serai point, dit l'Apôtre, de vous écrire les yeux : toutes choses qui consolent un père au
tncmes choses, et vous y trouverez votre profit. moment, où il se voit |)rivé de ses enfants. Si du
(Philipp. m, 1.) moins, après avoir accompagné les uns à leur
2. Que vous dirai-je donc aujourd'hui ? Il n'est dernière demeure, il en trouvait d'autres à son
rien de plus glorieux, ô Olympiade, que la pa- retour qui jiussent le consoler Mais non on 1 :

tience dans la douleur. La |»atience est la reine vient lui annoncer que pendant le festin, et
des vertus, c'est la plus belle de toutes les cou- c'était un festin, respirant la charité et non la
ronnes. Si la patience en général l'emporte débauche, on vient lui annoncer, dis-je, qu'as-
sur les autres vertus, la patience dans la douleur sis fraternellement à une table frugale ils ont
rem|)ortesurlesaulresespèccsde patience. 11 ya été tous écrasés, engloutis sous les ruines,
l)eul et re quelque obscurité dans mes paroles je ;
qu'ensemble se sont trouvés confondus, le

vais les expliquer. Quelle est donc ma pensée ? sang, les murailles, les coupes, le toit, la table,

Que de patience ne faut-il pas pour supporter la poussière et les membres de ses fils. Voilà
avec courage de se voir dépouiller de ses ri- ce qu'on vint lui annoncer. Que d'autres mal-
chesses, surtout (juand on s'en voit dépouiller heurs n'avait-il pas appris déjà! Ses troupeaux,
complètement, supporter d'être privé de toutes ses bêtes de somme ou bien avaient été tués
ses dignités, chassé de sa patrie, emmené en par le feu du ciel,ou bien avaient été em-
exil, accablé de toute sorte de travaux, jeté en menés par ses ennemis, ou bien avaient été
prison, chargé de fers, couvert d'opprobres, mis en pièces avec leurs gardiens voilà ce :

d'injures et de railleries Pour nous en con- ! que venait lui apprendre le cruel qui s'était
vaincre, il nous suffit de songer à Jérémie, cet chargé d'un tel message. Or, au milieu de ces
homme si parfait, qui ne put ce|)endant rester désastres, après avoir appris à si peu d'inter-
calme en face de ces épreuves. Eh bienl ni ces valle le ravage de ses champs, la ruine de sa
afflictions, ni tant d'autres, comme la perte maison, la perte de ses troupeaux, la mort de
d'enfants chéris, fussent-ils enlevés tous par ses fils, à la vue de ces flots s'entassanl les uns
une mort imprévue, comme encore les atta- sur les autres, de ces écueils, de ces profondes
ques multipliées d'un ennemi cruel, et la mort ténèbres, de cette affreuse tempête, il n'est point
elle-même, le plus grand des maux, sont moins découragé, il semble ne pas s'en apercevoir,
effrayantes, moins honibles, moins funestes et, s'il ne peut comprimer absolument sa dou-
qu'une mauvaise santé. J'en prends à témoin leur, c'est qu'il est homme, c'est qu'il est père.

cet admirable modèle de patience, qui, une Mais dès qu'il se sent en proie à la maladie,
fois saisi par lamaladie, regardait la mort rongé par les ulcères, il désire la mort, il

comme le seul remèdeaux maux qu'il soutirait. pleure et se lamente. Vous le voyez donc, la
Que d'autres soutTraoces n'endurait-il pas ! maladie est le plus insupportable de tous les
Mais il ne les sentait, pour ainsi dire point, maux, en la supportant, que l'on fait sur-
et c'est

malgré les attaques qui se succédaient sans re- tout preuve de patience. Le démon ne l'ignorait
lâche, malgré cette dernière altaciue (jui sem- pas. Quand il eut tout mis en œuvre et qu'il vit
blait devoir être mortelle. Etudiez-en les cir- le généreux athlète demeurer calme en pré-

constances : quelle méchanceté, quel artifice sence du malheur, il lui livra ce dernier assaut
de la part de son ennemi
Ce n'est pas tout ! comme plus formidable qu'il pût imaginer,
le

d'abord, ce n'est pas au début de la lutte, mais convaincu que tout le reste était suppo! table,
c'est quand il le voit accablé déjà sous une mort des enfants, perte des biens ou de tout
multitude de traits, que le démon lui porte ce autre avantage (car c'est là le sens de ce mot :

coup mortel, en faisant mourir ses enfants. Peau pour peau, Job, ii, \), mais que la ma-
Et voyez avec quelle cruauté Ses fils, ses filles ! ladie du corps était une plaie vraiment mor-
étaient dans la vigueur de l'âge le démon les : telle. Vaincu dans ce dernier combat, il dut se

fait mourir tous ensemble d'une mort violente, taire honteusement, au lieu que tout à l'heure
428 TRADUCTION FRANXAISE DE SALXT JEAN CHRYSOSTOME.

ildéployait tout son audace et toute son im- d'expier leurs péchés. C'est pourquoi l'apôtre
pudence. Mais alors il ne put rien inventer saint Paul livre à la mort de la chair cet

de plus, et se retira couvert de confusion. homme qui avait outragé l'épouRede son père,
3. Si vous souliaiiez de mourir, ne dites pas et souillé lacouche nuptiale; il voulait ainsi
que Job aussi, vaincu [iar la violence de la dou- lui faire expierson crime. Oui, ces mortifica-
leur, fut réduit à demander la mort. Songez tions pouvaient le purifier d'une si abominable
au temps où il vivait, aux circonstances dans souillure. Ecoutez l'Apôtre : C'est afin, dit-il,
lesquelles il se trouvait: la loi n'avait pas encore que l'esprit soit sauvé au jour où paraîtra
été donnée aux Juifs, les prophètes n'avaient Notre -Seigneur Jésus-Christ. (I Cor. v, 5.) A
pas encore paru , la grâce n'avait pas encore d'autres il reproche un crime horrible, la pro-
été répandue avec abondance, cl son àme n'avait fanation de la table sainte et de nos sacrés
point reçu les conseils de la sagesse. Oui, on mystères, il leur dit que le profanateur est en
exige de nous plus (ju'on n'exigeait de Job et quelque sorte homicide du Corps et du Sang
de ses contemporains, nous avons de plus du Seigneur. Or voyez ce qui, suivant l'Apô-
grands combats à livrer. Ecoutez ce que dit tre, les lave de cette tache affreuse C'est :

Jésus- Christ Si votre justice iiest pas plus


: pourquoi leur dit-il, // y a panni vous tant
^

abondante que celle des Scribes et des Phari- d'infirmes et de malades. (Ibid. i, 5.) Il veut
siens vous n'entrerez point dans le royaume
,
leur faire comprendre que ces maladies ne
des deux. (Matth. v, 20.) Ainsi donc ne croyez sont pas seulement une punition, mais encore
pas qu'il n'y ait point de mal aujourd'hui à un avantage, en ce qu'elles servent à l'expia-
désirer la mort vous savez ce que dit saint
;
tion du crime, et c'est pourquoi il ajoute :

Paul Il vaudrait mieux pour moi mourir et


: Si nous nous jugions nous-mêmes., nous ne
vivre avec Jésus-Christ ; mais à cause de- vous, serions pas jugés.Eniious jugeant, Dieu nous
il est nécessaire qtœ je demeure ici-bas. (Phil. i, châtie, pour que 7wus ne soyons point con-
23, 24.) Plus l'affliction redouble, plus aussi damnés avec le monde. (Ibid. xxxi, 32.) Que
se mulliplicnt les couronnes plus l'or a été ;
les justes eux-mêmes trouvent de grands avan-
mis dans la fournaise, plus il a de pureté; tages dans la maladie, on le voit assez par
plus marchand parcourt les mers, plus il
le l'exemple de Job qui en retire tant de splen-
amasse de marchandises. Ne vous imaginez deur, par celui de Timothée, cet homme si

donc pas avoir à soutenir un facile combat; vertueux , si actif dans le saint ministère dont
non, cette maladie dont vous êtes atteinte, est il chargé, ce disciple qui, avec l'apôtre
était
le plus rude des combats (jue vous ayez jamais saint Paul vola jusqu'aux extrémités du
,

soutenus. N'est-ce pas ce qui valut à Lazare le monde, et qui cependant fut en proie à de
salut éternel ? (Je vous ai souvent cité cet violentes maladies, non pas deux ou trois
exemple : ne vous le
rien n'enij^èche que je jours, non pas dix jours, ni vingt, ni cent,
cite encore.) N'est-ce pas ce qui lui mérita mais bien plus longtemps encore, et, on peut
d'être transporté dans le sein d'Abraham, de le dire, presijue continuellement Buvez un :

ce patriarche, qui tenait sa nniisou ouverte à peu de vin, lui écrivait l'Apôire, à cause de
tous les passants, qui , pour obéir à Dieu, se votre estomac, et de vos continuelles souffran-
condanma à un exil perpétuel , se résigna à ces. (I Tim. V, 23.) Celui qui ressuscitait les

inunoler son fils, son (ils unique, un fils (ju'il morts ne le guérit point de ses infirmités, il
avait eu dans une vieillesse avancée ? Lazare le laissa plongé dans la fournaise de la mala-

pourtant n'avait rien fait de tout cela il souf-


: die, pour accroître le nombre de ses mérites.
frit patienunent la pauvreté, la maladie, la Tout ce qu'il avait re(:u du Seigneur, tout ce
privation de toute espèce de protecteurs. Quel (lu'il avait appris de son divin Maître , il l'en-
avantage pour ceux (jui endurent patienunent seignait à son disciide. malade
Il n'était pas
ces douleurs! Eussent-ils conunis les plus lui-même, il est vrai, mais les tentations ne
grandes fautes, c'est pour eux un moyen d'en le tourmerdaient pas moins vivement (jue ne
secouer le fardeau : sont-ils justes, ils ajinilent l'eùl fait la maladie, et lui causaient de gran-
par là de grands mérites à leurs autres mé- des douleurs dans la chair : J'ai en moi ^ dit il,

rites. Pour les justes c'est l'occasion d'obtenir cet (liguillon de la choir, ce nussager de satan^
une couronne dont l'éclat surpasse l'éclat du qui sans cesse me torture. (Il Cor. xii, 7.) Il
soleil; pour les jiécheurs c'est un moyen veut parler de ses enlrav^s^ de ses chaînes, de
LETTRES. 429

ses prisons ; il veut dire que ses ennemis l'en- abattre, ni l'intempérie de l'air, ni la solitude

iiaînent, lui déchirent le corps et le battent de des lieux, ni le manque de provisions et de


ver{;es. Ces douleurs qu'il ressentait dans sa serviteurs, ni l'ignorance des médecins. Nous
chair lui étaient insupportables, et il disait ne prenons pas de bains, nous sommes sans
encore : Trois fois (c'est-à-dire souvent) fai cesse enfermé dans une chambre, comme si
prié Seigneur d'en être délivré. (Ibid. vin.)
le nous étions en prison; nous ne sortons jamais,
Il ne exaucé , mais il comprit toute
fut point et lapromenade nous était si nécessaire autre-
l'utilité de ces soulfrances, et le calme se fit fois.Nous sommes sans cesse à côté du feu,
dans son àme, et il se réjouissait de toutes ces inondé de fumée, nous avons à craindre les
persécutions. Vous aussi, bien (jue vous soyez voleurs qui toujours nous assiègent, et mal-
contrainte de rester chez vous et de tenir le gré tout cela, malgré bien d'autres inconvé-
lit, ne vous imaginez pas que vous menez une nients, nous nous portons mieux qu'à Cons-
vie oisive. Oui, ceux que les bourreaux en- tantinople où nous étions si bien soigné. Son-
traînent, déchirent, torturent, livrent aux gez à ce que je viens de vous dire; bannissez
plus cruels supplices, soulïrent moins que toute tristesse à mon sujet, et ne vous infligez
vous ne souffrez votre bourreau ce sont les
: , pas de peines si fâcheuses et si superflues. Je
excessives douleurs de cette maladie qui ne vous envoie un livre que je viens d'écrire, et
vous quitte point. dont voici le titre Personne n'est blessé que
:

4. Puisqu'il en est ainsi, gardez-vous bien par hd-mème. C'est là ce que prétend démon-
de souhaiter la mort, et ne négligez point trer l'ouvrage que vous adresse. Parcourez-
je
votre corps. Cette négligence serait elle-même le souvent, et même si votre santé vous le

coupable. Aussi l'apùtie saint Paul conseille-t- permet, lisez-le à haute voix. Ce remède vous
11 à Timothée de soigner sa santé. Mais c'en est suffit, si vous le voulez bien. Mais si vous vous

assez sur ce point. Si vous vous désolez d'être obstinez, si vous ne voulez pas vous traiter
séparée de nous, ayez bon espoir, cette sépa- vous-même, si malgré tant d'avertissements
ration aura un terme. Ce n'est point pour vous et d'exhortations, vous ne voulez pas sortir de
consoler que je vous le dis; je suis sûr que ce nuage de tristesse à notre tour nous ne
;

cela arrivera. Sans parler en effet de tout ce vous écoulerons plus, et nous cesserons de
que j'ai souffert à Constantinople, vous pouvez vous écrire si souvent ces longues lettres, dont
vous faire une idée de tout ce que j'ai enduré, vous ne savez point profiter pour retrouver le
depuis mon départ, pendant ce long et péni- calme. Comment verrons-nous donc que vous
ble voyage où j'étais sans cesse menacé de êtes consolée ? Sera-ce par votre témoignage?
mourir; vous pouvez vous imaginer tout ce Non, mais par les effets; car vous venez de
que j'ai souffert depuis mon arrivée dans ce nous le dire, c'est la tristesse qui vous a ren-
pays, depuis mon départ de Cucuse, après due malade. Grâce à cet aveu, nous croirons
mon séjour à Arabisse. Eh bien nous avons ! que votre tristesse a cessé, si vous recouvrez la
échappé à tant de périls nous jouissons à ; santé. Puisqu'en effet, d'après vous, la tris-
l'heure qu'il est d'une santé parfaite, et nous tesse est la cause de votre maladie, une fois la
sommes complètement rassuré. Les Arméniens tristesse bannie, la maladie certainement dis-
s'étonnent qu'avec un corps si faible et si paraîtra, et la racine une fois arrachée, les
maigre je puisse supporter la violence du froid, branches périront. Tant que celles-ci fleuri-
respirer encore quand ceux même qui sont
,
ront, se porteront bien se couvriront de ces
,

habitués à CCS rigueurs, s'en trouvent si fort malheureux fruits, nous ne pourrons nous per-
incommodés. Or jusqu'à ce jour nous n'avons suader que vous aurez enlevé la racine. Donc
éprouvé aucun accident nous avons échappé : plus de paroles, mais des effets si vous recou-
:

aux mains des brigands, qui souvent se sont vrez la sauté, vous recevrez encore des lettres
jetés sur nous, nous mai.quons des choses les plus longues que ne le seraient des discours.
plus néces>aires, nous ne pouvons pas même un grand motif de consolation
N'est-ce pas
prendre de bains. A Con-^tanlinople, nous ne pour vous que nous vivions, que nous nous
pouvions nous en i)asser maintenant nous : portions bien, (pi'au milieu de tant d'ennuis,
nous trouvons si fort que nous n'eu sentons nous ne soyons ni malade ni infirme? Ah nos !

pas même le besoin; no re santé ne semble ennemis s'en attristent et en ressentent une
plus réclamer cet auxiliaire. Rien n'a pu nous vive douleur. Vous de^Tez donc de votre côté
430 TRADUCTION FRANÇAISE DE SAINT JEAN CHRYSOSTOME.

y puiser une abondante consolation, voire mot, il n'omit rien pour irriter encore ses
principale consolation. Non, ne dites point que blessures. Le démon est toujours le même :

vos amis sont abandonnés les soufTranccs : mais tous ses coups retombent sur sa tète au :

qu'ils endurent inscrivent leurs noms dans les contraire chaque jour augmente l'éclat de
cieux. J'ai éprouvé un bien grand chagrin au votre gloire, l'étendue de vos richesses et de
sujet du moine Pelage. Songez aux couronnes vos ressources, chaque jour multiplie pour
que méritent ceux qui combattent généreuse- vous les couronnes. Votre courage s'accroît
ment, quand vous voyez des lionuncs si pieux, avec les dangers; les attaques de vos ennemis
si saints, si patients, se laisser entraîner ainsi sont comme l'huile qui fortifie votre patience.
dans l'erreur. Telle est en effet la nature de l'affliction;
elle élève au-dessus des dangers ceux qui la
supportent avec résignation et avec généro-
sité, elle les rend inaccessibles aux traits du
LETTRE V démon, et leur fait mépriser toutes ses atta-
ques. Voyez les arbres ! s'ils grandissent à
Ecrite, à ce que l'on croit, l'an 406.
î'ombre, ils s'amollissent et ne peuvent pro-

Saint Chrysostome Olympiade de sa patience.


félicite Il — duire de fruits; mais s'ils subissent les varia-
l'exhorte à ne point perdre courage. —
Le juste est puissant tions de l'atmosphère, s'ils résistent à l'impé-
et heureux, même au sein des persécutions. Le méchant est — tuosité des vents, s'ils reçoivent les ardeurs du
faible et malheureux, même au temps de ses succès. Abel —
et Gain en sont la preuve. soleil, ils prennent plus de force, ils se cou-
vrent de feuillage et de fruits. Il en est de
A LA MEME. même de ceux qui voyagent sur mer. Est-ce
la première fois qu'ils s'embarquent? malgré
i. Votre affliction s'est accrue ! Le stade s'ou- tout leur courage, ils se troublent , ils s'ef-
vre plus profond devant vous, vous avez une frayent, ils sont pris de vertige. Mais s'ils ont
longue course à fournir; la colère de vos en- souvent parcouru les mers, s'ils ont essuyé de
nemis s'enflamme de plus en plus. Cependant fréciuentes tempêtes , s'ils ont rencontré des
ne vous troublez point, ne vous découragez écueils cachés sous les flots, des rochers, des
point; réjouissez-vous plutôt, tressaillez d'al- monstres marins, s'ils ont été attaciués par les
légresse couronnez vos têtes et formez des
, pirates désormais ils ont plus d'assurance
,

chœurs. Si vous n'aviez déjà porté au démon (jue s'ils voyageaient sur le continent, ils s'as-

des coups mortels, le monstre n'aurait pas seyent, non pas seulement à l'intérieur du na-
accru sa fureur; il n'aurait osé s'avancer plus vire, sur la carène, mais aussi sur les flancs

loin. C'est donc une preuve de votre courage, eux-mêmes; et ils se tiennent debout, soit à la
un gage de triomphe, et une marque de sa dé- proue soit à la poupe
, sans éprouver la ,

faite, s'il s'élance, aujourd'hui


s'il se précipite moindre frayeur. Ces marins, ipie l'on voyaiî
sur vous avec rage, redouble d'impudence,
s'il naguère transis d'clfroi, une fois qu'ils ont éU
s'il répand son venin avec plus d'abondance. longtemps exposés à la tempête, on les voii
Quand Job, après avoir perdu ses biens et ses tirer les cordages, déployer les voiles, prendre
enfants, eut triomphé de ses attaques, le dé- en main les rames, et courir çà et là sur le
mon ne dévoilait-il pas ses [iropres blessures, vaisseau. Ne vous laissez donc pas abattre par
en l'accablant du plus horrible de tous les les maux (jui fondent sur vous. Nos ennemis,
maux, en assiégeant sa chair, en y faisant pul- bien malgré eux, sans doute, nous ont réduil-
luler les vers, en la couvrant de mille ulcères? à ne |)Ouvoir i)lus être maltraités, puisiju'ils
Ces ulcères, c'était comme un chœur, comme ont é|)uisé sur nous tous leurs traits; et tout
une couronne, comme un essaim d'innombra- ce qu'ils ont gagné, c'a été de se couvrir de
bles victoires. Là ne se borna i)as sa cruauté : honte, de se faire mépriser, d'être regardés
il avait mis en mouvement, il est vrai, sa comme les »Minemis du monde entier. Voilà
meilleure machine de guerre (c'était en elTot les récompenses de leurs attaques, voilà le
un mal dont l'horreur ne pouvait être sur|)as- terme de la guerre qu'ils vous font. Oii! que la
sée), mais il lui en restait d'autres encore il : vertu est une grande chose, puisqu'elle nous
arma l'épouse de Job, il excita ses amis contre fait mépriser les maux de cette vie ! Les atta-
lui, il remplit ses serviteurs de colère, en un tpies lui sont avantageuses, ses ennemis lui
LETTRES. 4,1 1

trrsseni des couronnes, ceux qui la niallrai- tel et accomplir le fratricide? Qu'y a-tril de
teut auj^'uiontent son éclat. Cherclier à ren- plus hideux (jue cette langue, a|)rès cet abomi-
verser les hommes vertueux, c'est les rendre nable artifice qu'elle vient d'imaginer, après ces
plus fermes, |)lus sublimes, invincibles, inex- |)iéges (ju'elle vient de tendre ? Et que dire des
pugnables; et pour se détendre ils n'ont besoin membres qui ont exécuté le meurtre! Il était
ni de lances, ni de murailles, ni de retranche- tourmenté dans tout son être, en proie à de
ments, ni de tours, ni d'argent, ni d'armées : per|K3tuels gémissements, à une perpétuelle
il leur sultit d'une volonté ternie et d'une âme frayeur. spectacle inouï , victoire étrange,
«inergiiiue. La vertu, en un mot, triomphe de trophée d'un genre tout nouveau 1 Celui qui
toutes les attaques des hommes. venait d'être égorgé, celui qui était là gisant,
2. Voilà, ù très-pieuse Olympiade, ce que se voyait couronner et célébrer comme un
vous devez sans cesse vous redire à vous- vainqueur; celui qui avait triomphé, qui s'é-
même et redire à celles qui soutiennent avec tait retiré victorieux, non-seulement se voyait

vous ce généreux combat. Ranimez ainsi leur privé de la couronne, mais encore sa victoire
courage, rangez votre armée en bataille, et même lui causait d'horribles tourments et le
méritez par là une double, une triple cou- condamnait à d'insupportables supplices. Celui
ronne, un grand nombre de couronnes, d'a- qui pouvait se mouvoir, celui qui était plein
bord pour avoir soullert vous-même avec pa- de vie était accusé par sa victime plongée
,

tience, ensuite pour avoir exhorté les autres à dans la mort; celui qui pouvait parler trouvait
vous imiter, à tout endurer sans se plaindre, un accusateur dans sa victime réduite au si-
à mépriser de vains fantômes, des songes trom- lence. Que dis-je? ce n'était point le mort lui-
peurs, à fouler aux pieds cet amas de boue, à même, son sang, son sang séparé de
c'était
ne faire aucun compte de celte fumée, à ne son corps, qui se chargeait de ce rôle. Telle
pas regarder comme un péril ces toiles d'arai- est donc la puissance des justes, même après
gnées, et à ne pas s'attacher à cette herbe su- leur mort! Tel est donc le malheur des mé-
jette à se faner et à se corrompre. Ce sont au- chants, même
durant leur vie ! Si telles sont
tant d'images de la vaine félicité d'ici-bas. Elle les palmes décernées pendant la lutte, quelle
a moins de prix encore, et je ne sais à quoi ne sera [)oint la récompense après le combat,
Ton pourrait Tassiniiler. Ce n'est pas seule- alors que la piété sera récompensée, et rece-
ment au néant elle est très-funeste à ceux
: vra ce bonheur qui est au-dessus de toute ex-
qui soujiirenl après elle, non-seulement dans pression? Les afflictions, quelles qu'elles soient,
le siècle futur, mais aussi dans la vie présente, viennent des hommes, et elles en ont la fai-

dans le temps même où elle semble le plus blesse. Les dons et les récompenses viennent
féconde en délices. Si la vertu tressaille, fleu- de Dieu, et ils sont dignes de l'ineffable muni-
rit, brille du jilus vif éclat, lors même qu'on ficence (jui les distribue. Réjouissez-vous donc,
lui fait la guerre; le vice, à son tour, même et tressaillez d'allégresse; ornez votre front
entouré d'honneurs et de flatteries, montre d'une couronne, formez des chœurs; foulez
et

toute sa faiblesse, provoque le rire, et paraît aux pieds les aiguillons de vos ennemis avec
plus ridicule que ne le sont les personnages plus d'aisance que les autres ne foulent aux
de comédie. Qu'y a-t-il de plus misérable (jue pieds la boue. Rassurez-nous le plus souvent
Caïn, au moment même où il semblait triom- possible au sujet de votre santé, afin de ré-
pher de son frère, où il semblait avoir assouvi pandre la joie dans notre cœur. Ce sera, vous
ce courroux, celte injuste et exécrable colère? n'en doutez pas, un grand sujet de consolation
Ou'y a-t-il de plus affreux que cette main, pour nous, au milieu de la solitude où nous
chargée, ce semble, des palmes du la victoire, vivons, que d'apprendre souvent que vous vous
celle main qui vient de frapper le coup mor- portez bien. Adieu.
432 TRADUCTION FRA:>ÇAISE DE SAINT JEAN CHRYSOSTOME.

Ce qui me réjouit surtout, ce n'est pas de


TOUS savoir guérie, c'est de vous voir suppor-
LETTRE VI. ter avec courage tous les maux de la vie et de
vous entendre les comparer à une fable. Vous
Magnifique él'>ge du courage d'Olympiade. —Il s'ao roîl avec appelez de ce nom même les maladies corpo-
les persécutions. — La pensée de tant de mérites doit l'inonder
d'une âme énergique et
relles, et c'est le signe
de joie et de bouiieur.
qui porte des fruits abondants de patience et

A LA MÊME. de courage. Oui, supporter courageusement


l'adversité, bien plus, ne pas même en ressentir
reviens des portes de la mort, et je suis
1. Je les atteintes, les mépriser, mettre sur son front
bien aise que vos serviteurs ne soient arrivés celte couronne de la patience avec tant de faci-

ici qu'au moment où j'atteignais déjà le port. lité, sans travailler, sans se couvrir de sueur,
Il ne m'aurait pas été facile de vous tromper, sans éprouver d'embarras, sans en donner aux
et de vous donner de joyeuses nouvelles au autres, mais comme en se jouant et en cou-
lieu de tristes, s'ils s'étaient présentés au mo- rant, c'est la preuve d'une sagesse accomplie.

ment où j'étais comme sur une mer agitée, en Aussi je me réjouis, je tressaille d'une allé-
proie aux flots irrités de la maladie. L'hiver a gresse qui me donne, pour ainsi dire, des ailes;
été plus rigoureux que de coutume il a porté ; je ne songe ni à ma solitude ni à mes autres
,

le trouble dans mon estomac, et la mort m'eût ennuis; mais le bonheur inonde mon cœur ;

semblé moins pénible que les douleurs que j'ai grandeur d'àme et de vos
je suis fier de votre
éprouvées depuis deux mois. Je ne vivais en nombreux triomphes, non-seulement à cause
effet que pour sentir les maux qui m'assié- de vous, mais à cause de cette grande et popu-
geaient; tout était pour moi ténèbres, le jour, leuse cité, dont vous êtes comme la tour, le
le matin, le midi; j'étais comme perpétuelle- port et le rempart. Votre conduite, votre pa-
ment cloué sur mon lit; j'avais beau recourir tience, c'est une voix puissante qui apprend
à tous les moyens possibles, je ne pouvais gué- aux deux sexes à se tenir prêts pour le combat,
rir cette maladie que le froid m'avait fait con- à descendre avec courage dans l'arène, et à
tracter. J'allumais du feu, j'étais snifoqué par supporter de bon cœur toutes les fatigues delà
la fumée, je me tenais renfermé dans une lutte. Chose admirable vous n'allez point sur
!

chambre, j'étais chargé de vêtements, je n'osais la place publique, vous ne vous avancez pas au

franchir le seuil de ma demeure et néanmoins milieu de la ville; non, vous êtes dans une
je souffrais horriblement. C'étaient des vomis- chambre étroite, assise sur votre lit, et là, vous
sements, des douleurs de tète, le mantiuc d'ap- fortifiez, vous excitez ceux qui vous entourent.

pétit, de perpétuelles insonmies. La nuit se La mer est furieuse, les tlots s'amoncellent,
passant ainsi sans dormir, me semblait un vous naviguez au milieu des récifs et des ro-
océan à traverser. Mais pour(iuoi troubler votre chers, exposée aux monstres marins, au seia
ànie en insistant sur tous ces ennuis? Grâce des plus |)rofondes ténèbres; et vous vous
à Dieu, nous en sommes délivrés. Dès le retour avancez comme si tout était calme, connue si
du printemps, dès (jue la tcmj)ératuresefutun vous aviez le vent en poupe grâce aux voiles
,

peu adoucie, toutes ces douleurs s'évanouirent de la patience que vous déployez; non-seule-
d'elles-mêmes. Cependant il me faut prendre ment la tempête n'engloutit pas votre navire,
encore bien des précautions; je ne donne que l'eau même n'y entre point, et je n'en suis pas
peu de nourriture à mon estomac, alin qu'il surpris; la vertu tient le gouvernail avec tant
ptiibse aiscmoiit la digérer. Mais c'est avec un d'h:ibiletê!Les marchands, les pilotes, les ma-
anuT Chagrin nous avons appris que vous
(pie telots, naulomùers, quand ils voient les
les

aviez été sur le point de mourir. L'atlache- nuages s'amonceler, (juand ils entendent les
ment ipie nous avons pour vous, l'intérêt que vents mugir en se déchaînant sur les mers,
nous |>renons à tout ce (pii vous concerne, ne i|uand ils voient les Ilots se soulever et se cou-
nous avaient pas permis de demeiuer dans vrir d'écume, se gardent bit n de sortir <lu

cette grave anxiété juscju'à l'arrivée de votre port. S'ils sont surpris par la tempête au milieu
lettre; à plusieurs reprises, des gens qui ve- de l'océan, ils mettent tout en œuvre pour
naient de Constantiiiople noiis avaient donné aborder à (juchiue rivage ou dans une île.
de bonnes nouvelles île votre santé. Mais vous, (juand tous les vents se déchaînent,
LETTRES. 433

quand de toute [)art les Ilots se brisent les uns malgré leurs cheveux blancs, et sont devenus
contre les autres, quand la mer est remuée la fable de tous! Malgré votre sexe, malgré la
jus(|ue dans ses i)roroiuleurs, (juand les uns vous avez résisté à
faiblesse de votre corps,
s'abîment sous les va^^ies, et que les autres, non-seulement vous n'avez
toutes ces atta(|ues ;

déjà morts, flottent au-dessus des ondes, quand point succombé, mais vous avez soutenu les
d'autres sans vêtements flottent sur quelque autres.
débris, vous vous élancez au sein de cet océan Ceux dont je parlais tout à l'heure ont à peine
de souffrances, que vous appelez une fable et , engagé le combat; c'est dès le début, c'est au

vous naviguez, poussée par un vent favorable. seuil même de la carrière qu'ils ont succombé;
Je n'en suis point surpris. Le pilote, quelle que vous, que de fois n'avez-vous point atteint la li-
soitson habileté, n'en a pas assez cependant mite, gagnant une palme à chacune de vos cour-
pour faire toujours face à la tempête, et c'est ses! quelle espèce de combats n'avez-vous point
pourquoi souvent il évite de se mesurer avec soutenus C'est que ni l'âge, ni le corps ne
!

les flots. Mais vous, nulle tempête ne vous donnent la victoire; mais l'âme et la volonté.
trouve en défaut, grâce à cette sagesse, à celte C'est ainsi que des femmes ont mérité la cou-
force bien meilleure que celle d'une armée, ronne, et que des hommes ont été vaincus ;

plus puissante que celle des armes, plus sûre c'est ainsi que des enfants ont été proclamés

qu'une tour ou des murailles. Les armes, les vainciucurs, et que des vieillards ont été cou-
murailles, les tours mettent les corps en sû- verts de confusion. Ah! admirons ceux qui re-
reté, et encore pas toujours, pas en tout temps; cherchent la vertu, et quand tant d'autres la
parfois on en triomphe, et tout espoir de salut négligent, félicitons ceux qui l'embrassent
disparaît aux yeux de ceux qui comptaient sur avec ardeur. C'est à ce titre qu'il convient de
leurappui. Les armes que vous employez n'ont vous décerner de vifs éloges. Tant d'hommes,
point brisé les traits des barbares, ni les machi- tant de femmes, tant de vieillards renommés
nes des ennemis, elles n'ont pointrepoussé leurs pour leur vertu, ont tourné le dos, sont tom-
assauts, ni déjoué leurs artifices: mais elles ont bés, se sont laissé vaincre aux yeux de tous,
terrassé les nécessités de la nature, elles ont ren- sans que l'attaque fût impétueuse, sans que
versé sa tyrannie, elles en ont détruit la forte- l'ennemi fût terrible, avant le combat, avant
resse.Dans vos luttes contre les démons, que de la mêlée ; vous au contraire, après tant de com-
palmes vous avez conquises, sans recevoir au- bats, après tant de mêlées, non-seulement vous
cune blessurel Ils faisaient [ileuvoir sur vous une n'êtes pas affaiblie, épuisée par cette légion de
grêle de traits; ils n'ont pu vous abattre; bien souffrances, vous n'en avez que plus de vigueur,
mieux, vous avez retourné contre eux les traits et r)lus les combats se multiplient, plus aussi
qu'ils vous lançaient Quelle sagesse, quelle
! grandit votre courage. Le souvenir de vos glo-
habileté On veut vous accabler, et c'est vous
! rieuses actions vous remplit de joie, de vo-
qui terrassez; on vous dresse des embûches, et lupté, d'ardeur. C'est pourquoi, nous nous
ce sont vos ennemis qui y tombent; leur réjouissons, nous tressaillons, nous sommes
méchanceté ne sert qu'à vous fournir une heureux ; c'est ce que je ne puis me lasser de
ample moisson de mérites et de gloire. Vous redire; partout ce motif de joie me poursuit,
le savez, vous en avez fait l'expérience, vous et si notre absence vous chagrine, du moins
n'avez donc pas tort d'appeler tout cela une devez-vous trouver de grandes consolations
fable. Et comment ne le ferlez-vous pas? Vous dans la pensée de vos vertus, puisque nous-
vous mépri-
êtes revêtue d'un corps niorlcl, et même, séparé de vous par une si longue dis-
sez la mort, comme
ceux qui ont hâte de (juit- tance, votre courage nous cause tant de bon-
ter une terre étrangère pour retourner dans heur.
leur patrie. En une cruelle maladie,
proie à
vous êtes plus joyeuse que ceux dont le corps
est robuste et vigoureux ni les outrages ne
;

vous abattent, ni les honneurs et la gloire ne


vous enflent d'orgueil; et que d'autres cepen-
dant y ont trouvé leur perte que de prêtres, !

même après avoir jeté de l'éclat, après être ar-


rivés à une extrême vieillesse, sont tombés,

TOM£ IV.
434 TIUDL'CTION FRANÇAISE DE SAINT JEAN CHRYSOSTOME.

de la sorte qu'agit ce monstre, plein d'impu-


dence. Votre àuie intrépide et sublime lui a
fait de profondes blessures, et il s'est élancé
LETTRE VII.
sur vous pour vous accabler de tentations. Oui
Ls méchant ne peut échapper au jugement de sa conscience. c'e-t lui qui vous en accable, ce n'est pas le
Hiemple de Juda frère de Joseph; exemple de Judas, l'Uca-
,
Seigneur. Dieu les a permi-es pour accroître
riote. —
La vertu mérite un bonheur éternel; et dès i'i-bas
elle est récompensée. — Voilà ce qui doit consoler Olympiade
vos richesses, pour multiplier vos mérites, et
au milieu des persécutions qu'elle endure. vous ménager de plus amples récompenses.
Aussi ne devez-vous ni vous troubler ni vous
A LA MÊME. effrayer. Peut-on se lasser d'être riche? Puut-on
vivre dans le trouble, quand on s'est élevé aux
4. Eh bien! n'avez-vous pas élevé un tro- plus grands honneurs? Voyez ceux qui sont
phée? n'avez-vous pas obtenu une brillante revêtus des dignités humaines, si éphémères,
victoire, n'avez-vous pas mis sur votre front fugitives comme une ombre, aussi vite flétries
une couronne toujours verdoyante? n'est-ce que la fleur de champs : ils s'agitent, ils dan-
pas ce que dit le monde entier, qui célèbre sent, la joie leur donne des ailes. Et quelle
hautement vos vertus? Vous n'avez lutté que joie ! une joie qui, à peine sentie, s'écoule aussi
dans une seule arène vous avez combattu , rapidement que l'eau d'un fleuve. Ne devez-
dans un seul et même lieu c'est là que ; vous pas à plus forte raison
, trouver de ,

l'on vous a vu fournir si noblement votre grands motifs de joie dans les circonstances
carrière, vous couvrir, non de sueur, mais présentes, après avoir ressenti tant de tristesse
de sang et toutefois
: la gloire de vos
, auparavant.
exploits, votre renommée s'est répandue jus- Ce trésor que vous avez amassé, on ne peut
qu'aux extrémités du monde. Vous avez vous le dérober désormais; cet honneur, (jue
voulu l'accroître encore, vous avez voulu mul- vous ont valu tant desouUraoces, ritn ne peut
tiplier vos palmes, et ajouter à vos autres cou- vous en dépouiller, rien ne peut y mettre un
ronnes celles que donne l'humilité, en soute- terme, rien ne peutraffaiblir, ni les difficultés
nant qu'il n'y a pas plus de rap[)ort entre vous du temps, ni les pièges des hommes, ni les
et ces trophées, qu'entre la vie et la mort. Que attaques du démon, ni même la mort. Si vous
ce soit l'humilité qui vous inspire ce langage, voulez pleurer, ah ! pleurez sur les auteurs de
les faits suftisent démontrer. On vous a
pour le ces crimes, sur leurs com|>lices, qui se sont at-
chassée de votre patrie, de votre maison; on tiré (le si grands chat iuu'iits pour l'a venir, et ^ui,
vous a éloignée de vos amis et de vos |)roches; dès ici-bas, ont enduré les deriiitrs supplices,
on >ous a exilée, en un mot vous mouriez : c'est-à-dire, ont encouru la haine des hommes,
chaque jour, et si la nature était faible, vous ont été regardés jiar tous comme des ennemis,
aviez pour la soutenir la force de la volonté et chargés de maléilictions et de condamnations.
l'énergie de votre courage. Peut-être sont-ils insensibles à tout cela ; ils

Il est impossible de mourir plusieurs fois : n'en sont que plus malheureux, que plus di-
vous avez su le rendre possible par votre intré- gnes de vos larmes; ils ressemblent à ces fré-
pide fermeté. Bien plus, au milieu de ces néticjuts (jui lancent des cou[)s de pied a tous
maux et dans l'attente de ceux (jui devaient ceux (|u'ils rencontrent, souvent même à leurs
survenir ensuite, vous n'avez cessé de rendre bienfaiteurs et à leurs amis, sans s'apercevoir
gloire à Dieu, qui permettait ces [)ersécutions, de la fureur qui les possède. .\tfeinL< d'un mal
et de porter au démon des coups mortels. Oui, incinable, ils ne peuvet)t souffrir ni les méde-
il a reçu de mortelles blessures, et ce cjui le cins ni leurs remèdes; au contraire, ils acca-
prouve, c'est qu'il a eu recours à des armes blent de mauvais traitements ceux qui veu-
plus terribles : aussi les soulfranccs s'accrois- lent les traifjr et leur faire du bien. C'esi
de jour en jour. Le scorpion le
saient-elles , donc un grand mallieiu" pour eux i\ue de n'a-
serpent, ont- ils reyu quebjue blessure pro- voir pas même le sentiment de leur méchan-
fonde, on les voit se dresser contre celui qui ceté. Il peut leur être indifférent de se voir
lésa blessés, lancer contre lui leur aiguillon, condanmer par les hommes; mais ils ne peu-
et manifester ainsi la vivacité de leur souf- vent échapper au jugement de leur conscience,
Irance par la vivacité de leur élan. C'est aussi ils ne peuNcnl la corrompre, ni l'ebraider par
LETTRES. 43î

la terreur, ni par la flatterie, ni par des lar- prisé son affliction et la douleur de son dmc.
gesses, et le temps ne peut diminuer ses repro- Telle est la cause du jugement que nous
ches. subissons, du danger où nous sommes de per-
2. Ce fils de Jacob qui disait à son père dre nous avons péché contre la vie de
la vie :

qu'une bète cruelle avait dévoré Joseph, (|ui notre frère. C'est ainsi que
le traître Judas lui-
jouait cette indigne comédie, et qui cherchait même, vaincu par les remords de sa con-
à voiler de ce masque odieux le meurtre d'un science, courut se pendre et mettre fln à ses
frère, put bien^ il est vrai, tromper le malheu- jours. Quand il osa conclure ce pacte horrible
reux père, mais il ne put tromper sa propre avec les ennemis du Sauveur, il leur disait •
conscience, ni la contraindre à se calmer. Sans Que voulez-vous me donner, et je vous le livre-
cesse elle s'élevait contre lui, sans cesse elle rai? (Matth. xxvi, 15) ; il ne rougissait pas, lui,
poussait de grands cris que rien ne pouvait disciple de Jésus, il ne rougissait pas de com-
apaiser. Bien longtemps après, l'auteur de ce mettre un crime contre son Maître
tel les ;
^
mensonge infâme vit sa liberté, sa vie même, jours suivants n'éprouva aucun remords ;
il

en péril. Personne ne connaissait son crime, ivre du plaisir que lui causait son avarice, il
personne ne songeait à l'accuser, à le convain- n'entendait point les reproches de sa con-
cre, à le poursuivre, à lui remettre en mé- science. Mais une fois le crime consommé, une
moire la fable qu'il avait imaginée ; mais fois l'argent une fois son avarice assou-
reçu ,

après tant d'années, la conscience criait encore; vie, l'aiguillon du remords se fit sentir, et sans
ses reproches n'avaient pu être étouffés : en- que personne l'eût accusé, ou contraint, ou
tendez , en effet, ce qu'il dit : Oui, nous exhorté, il s'en alla^ de son propre mouvement,
sommes coupables à cause de notre frère : jeter la somme d'argent aux pieds de ceux qui
quand il nous suppliait nous avons méprisé , la lui avaient donnée, et confessa bien haut
son affliction et la douleur de son âme et , son crime : J'ai péché, en livrant le sang du
voici qu'on nous redemande le sang de Joseph. Juste. (Matth. xxvii, 4.) Il ne pouvait {dus sup-
(Gen, XLU, 21.) porter les reproches de sa conscience. — Telle
II s'agissait cependant alors d'un tout autre est, en effet, la nature du pcché avant cju il :

crime; on accusait Juda de vol, on lui re[)ro- soit commis il cause dans l'homme une sorte
chait d'avoir dérobé une cou[)e d'or. Il ne se d'ivresse. Une fois qu'il est accompli une fois ,

sentait [loint coupable d'une semblable action ;


qu'il est consommé le plaisir disparaît et s'é- ,

ce n'était point là ce qu'il se reprochait; ses teint, et ne reste plus que le remords la con-
il ;

souffiances, il ne au motif
les attribuait pas science est comme un bourreau qui déchire
pour lequel on le traduisait en justice et on le le pécheur, lui inflige les plus cruels sujjjdi-
jetait dans les fers; mais il les attribuait à ce ces et l'accable d'un poids plus lourd que le
que personne ne songeait à lui reprocher, à un plomb.
crime dont personne ne songeait à le punir, 3. Voilà pour les supplices de la vie pré-
pour lequel personne ne songeait à le traîner sente; et vous savez quels rigoureux sujiplices
devant les tribunaux oui, il s'avouait coupa- : sont réservés aux criminels dans la vie future.
ble, il s'accusait d'un crime qu'il n'avait pas Il donc verser des larmes sur leur sort et
faut
même consonuné. Sa conscience le tourmen- se lamenter à leur sujet. N'est-ce pas ce que
tait et cet homme, qui eût versé le sang de
; fait l'apôtre saint Paul? Ceux qui luttent qui ,

son frère d'une main ferme et intrépide, sans combattent, qui sont accablés de maux, il les
éprouver aucun sentiment de tristesse, voilà félicite mais il pleure sur ceux qui se rendent
;

qu'il se lamente au sujet de Jose|»h, voilà qu'il coupables. Voici ses jtarolcs : Quand je vien-
accuse ses nombreux complices, qu'il rappelle drai parmi vous, je tremble que Dieu ne m'hu-
leur cruauté dans un langage plein d'énergie : milie, je crains d'avoir à pleurer sur un grand
Tandis qu'il îioiis suppliait, nous avons me- nombre de péclœnrs, sur des pécheurs qui lï au-
prisé son affliction et la douleur de son âme. ront point fait pénitence de leur impureté et de
Comme s'il disait N'était-ce pas assez de la
: leurs fornications. (Il Cor. xh, 21.) Mais à ceux
nature pour amollir nos cœurs et les remplir qui comt)attcnt : Je me réjouis, leur lit-il, et

de compassion? Mais Joseph tondait en larmes, je vous adresse à tous des félicitations. (Philip.
il nous adressait de touchantes prières; et il II, il.) Ne vous troublez donc ni de vos maux
j)e put nous fléchir , mais nom avons tnc.. passés, ni de ceux qui vous menacent. Esl-cc
TRADUCTION FRANÇAISE DE SAi.M JLAN c.liHïbUbiUiiE.

que le? flots peuvent abattre le rocher? Plus ils avant de subir la peine de son crime, ne se
ont diinptjtuosité, [dus vite ils se brisent et fait-il pas mourir lui-même, en commettant

dis|) r iiss.'nt. C'est ce qui est arrivé pour vous, un meurtre, puisque ce crime le rend mépri-
c'r^t ce qui arrivera toujours. Que dis-je? Les sable? La maladie, l'hydropisie don-
la fièvre,

floisse contentent de ne pas ébranler le rocher; nent la mort au corps la rouille dévore le fer, ;

pour vous, non-seulement vos ennemis ne la teigne ronge la laine, et le ver ronge le bois
vous ébranlent [«as, mais encore ils vous affer- et la corne le vice n'est pas moins nuisible à
;

missent. Tel est, en eûet, le sort de la méchan- l'âme. 11 l'asservit, il lui enlève toute liberté.
ceté; tel est le sort de la vertu. La première Que dis-je? il en fait une âme semblable à
déclare la guerre, et elle est écrasée ; la seconde celle des brutes, à celle du loup, à celle du
soutient le choc, et elle n'en a que plus de chien, du serpent, de la vipère. Les itrophètes
splendeur. Elle n'aitend pas la fin du combat nous font bien voir ce changement opéré par
pour remporter la palme de la victoire; elle le vice. Ce sont des chiens muets, qui 7i ont pas

lriom|)liedurant le combat lui-même, qui déjà la force d'aboyer (Is. lvi, 10), nous dit Isaïe,
est pour elle une récompense. La méchanceté, comparant à des chiens dévorés par la rage,
dans son triomphe, est couverte de confusion, ces hommes perfides qui dressent en secret
punie, accablée de déshonneur, et, en attendant des embûches. Les chiens qui sont en proie à
les supplices qu'elle mérite, elle se voit tour- cette maladie ne se précipitent point sur
mentée même
durant son action, et non pas l'homme en aboyant; mais ils s"ap[irochent en
seulement après qu'elle a terminé son œuvre. silence, et blessent plus grièvement que ceux
Si vous ne m'en croyez, entendez le bienheu- qui aboient. Un autre compare certains hom-
reux Paul établir cette même distinction. mes à la corneille. (Jér. m, 2.) Un troisième
Dans son épître aux Romains il retrace la vie dit encore : Lh mme qui était entouré de tant
débauchée de certains hommes, il montre que, de gloire, 7ie l'a pas compris. Il s'est conduit
même avant d'être châtiés, ils trouvent leur cornme les bêles piivées de raison, et il leur est
supplice dans leurs œuvres mêmes; il rai)pelle devcfiu sembhible. (Ps. xlvui, 13.; Celui enfin
ces actes scandaleux par lesquels des femmes, qui est plus (ju'un prophète, le fils de la femme
des hommes, violant les lois prescrites par la stérile, prêchant sur bords du Jourdain, ap- les

nature, assouvissent une passion effrénée, et pelait les Juifs prévaricateurs, serpents et race
voici en quels termes il s'exprime Leurs : de vipères. Peut-il y avoir un plus grand sup-
femmes ,dit-il ont chamjé l'iisage naturel
,
plice que celui-là? l'honHue fait à l'image de
contre un ttsof^e opposé à la nature. De même Dieu, comblé de tant d'honneur, cet anin.al
aussi les hommes, cessant de recourir à la raisonnable et plein de douceur, descend par

femme, ainsi que la nature le prescrit, se sont ses crimes, au niveau de la brute !

enflammés de désirs coupables les uns à l'égard 4. Vous venez de voir conunent la méchan-
des autres ; des hommes accomplissent sur des ceté trouve en elle-même son châtiment, même
hommes de honteuses actions et reçoivent en
, avant d'être [uinie. Voulez-vous voir mainte-
C7ix-mrmes le que jnérttent leurs
châtiment nant conunent la vertu trouve en elle-même
crimes. (Rom. i, 20, 27.) Que voulez-vous dire, sa récompense , même avant d'être récom-
6 Paul! Ne se plongent-ils pas dans la volupté, pensée ? Quand il s'agit du corps (rien n'em-
ceux qui commettent ces actions, et (jui satis- pêche (pie nous n'em|»loyions cet exem|tle
font leur passion dans cette union criminelle? partaitement clair), quand, dis-je, il s'agit du
Pourquoi dites-vous donc que cela même est corps, celui qui se porte bien, qui est robuste, 1
pour eux un châtiment? Ce n'est pas, répond- qui n'a aucune infirmité, trouve son bonheur
il, ce n'est pas (rai)rès la volupté de ces insen- dans cette santé, même en l'absence de toute
sés, c'est d'après la nature même des choses, autre joie ; la joie est comme le j)artage de la
que je prononce celte sentence. santé, et ni les variations de température, ni
L'adultère, avant de recevoir son châtiment, le chaud, ni le froid, ni la simplicité des mets,
n'est-il point puni dans l'acte même iju'il ac- rien en un mot ne peut mure à cet honnne;
coni|dit? Au moment où il croit jouir, il se la santé dont il jouit suffit pour puer à tous
rend digne; de mépris. Et l'homicide, même ces dangers ; ainsi en est-il ordinairement de
avant d'être traduit devant les tribunaux , l'àme. Et c'est pourquoi l'apôtre saint Paul,
avant de voir les glaives dirigés contre lui. battu de verges, tourmenté, accablé de toute
LETTRES. 437

sone ae maux, se réjoiiissail et disait : Je suis pour y pleurer leur funeste état, et celle déso-
plein de joie dans les souffninces que f endure lation où ils ont jeté un si grand nombre d'é-
pour vous. (Col. I, 2-t.) Ce n'est pas seulement glises A vous la joie, à vous l'allégresse du
1

(l.ins le royaume des cieux, mais au sein des triomphe, [)arce que vous avez prali(jué la
tribulations, que la vertu trouve sa récom- plus noble de toutes les vertus. Car, vous n'en
pense. Et n'est-ce pas dt\jà une bien grande doutez point, il n'est rien d'aussi beau (jUC la
récompense que de soulTrir quelque chose pour patience, c'est la reine des vertus, c'est le fon-
la vérité? c'est pourquoi les apôtres s'en re- dement des grandes actions, c'est un port à
tournaient pleins de joie de devant le conseil l'abrides tempêtes, c'est la paix au sein de la
des Juifs, non-seulement à cause du royaume guerre, le calme au milieu des orages, la sécu-
des cieux, mais parce qu'ils avaient été jugés rité dans les embûches. Elle donne à l'âme
diiines d'endurer quelque outrage pour le nom une force invincible, (|ue ne peuvent renverser
de Jésus. (Act. v, 41.) Oui, c'est là un immense les armes les plus terribles, ni les armées ran-
honneur, une brillante con.ronue, une palme gées en bataille, ni les machines de guerre, ni
glorieuse, et le sujet d'une joie continuelle. les flèches, ni les lances, ni la troupe des dé-
Réjouissez-\ousd(me et tressaillez d'alUgresse. mons, ni les redoutables phalanges des puis-
11 est grand le combat (jue vous soutenez, ce sances ennemies, ni satan avec tous ses batail-
combat que vous livre la calomnie oui, il est ;
lons et tous ses artifices. Pourquoi donc vous
grand, puisqu'il s'agit d'une si étrange accusa- effrayer? pour(|uoi vous tuurmenler, puisque
tion, d'une si noiie c.iloumie, puisqu'ils osent votre àme s'est habituée à mépriser la mort
devant un tribunal public nous traiter d'incen- même, si elle se présentait? Vous désirez voir
diaires'? Voici comiiieiitSalomon nous dépeint la fin des maux qui vous accablent. Vous la
ce ([u'il y a de rude dans une pareille épreuve : verrez, et bienlôt, grâce à Dieu. Réjouissez-
Jai vu, dit-il, les calomnies qui ont lieu sous vous donc, et que la pensée de vos vertus ra-
le soleil ; fai vu les larmes de ceux qu'elles at- mène dans votre cœur. Ne désespérez
la paix

taquaient, et il n'y avait personne pour les pas de nous revoir, et de nous entendre vous
consoler. (Ecel. iv, 1.) Si la lutte est si terrible, rappeler ce que nous venons de vous dire.
n'est-il pas éNident que la couronne brillera
de l'éclat le plus vif? Aussi le Christ invite-t-il
à la joie et à l'allégresse ceux qui .avent ré-
sister avec patience. Réjouissez-vous., dit- il, et LETTRE VIII.
tressaillez d allégresse ,
quand ils lanceront
Ecrite lorsqu'il se rendait à Gueuse en 404.
contre vous toutes sortes de calomnies, à cause
de moi : car vous serez abondamment récom- Saint ChYysoslome propose h Olympiade plusieurs motifs de

penses dans les cieux. (Matth. v, 11, 12.) Voyez- consolation. — l'artout on compalit à leurs souffrances. —
Qu'elle songe aux récompenses de l'autre vie. — Les méchants
vous que de joie, que de récompenses, que de seuls sont à plaindre.
bonheur nous vaudront nos ennemis? loin de
vous pouvoir faire du mal, ils vous font du bien; A LA MÊME.
et c'est vous-même qui vous obstinez à vous

tourmenter. Comprenez-moi bien. Ils n'ont pu Même après avoir quitté Constanlinople, je
ébranler votre consiance, ils vous ont fourni devais donc trouver encore cet empressement
l'occasion d'un bonheur et d'une joie perpé- qui m'émeut jusqu'au fond de l'àme. Tous
tuelle; c'est vous-même qui vous plongez dans ceux qui nous rencontrent, soit Orientaux, soit
la tristesse, qui vous infligi z ces tourments, Arméniens, fondent en larmes dès qu'ils nous
qui laissez le trouble et le chagrin envahir aperçoivent , poussent des gémissements et
votre àuie. Ah ne ! serait-ce pas à eux d'éprou- nous suivent en déplorant notre sort. Vous le
ver ce trouble, s'ils voulaient enfm reconnaître voyez donc, vous n'êtes pas seule à vous af-
leur propre malheur? oui, ils devraient s'af- fliger à cause de moi et c'est là pour vous un
:

ûiger, pousser des gémissements , rougir de puissant motif de consolation. Ecoutez le Pro-
honte, se voiler le visage, se cacher dans les phète déidorer un mal vraiment affreux et in-
entrailles de la terre, ils devraient ne pas oser supportable : J'attendais, s'écrie t-il, que l'on
regarder le soleil, s'enfermer dans les ténèbres s' attristât avec moi ; et personne ne s est pré-
* AUtuion à riocendie de uiota Sophie, voy. —
t»' l«r, pag. 431. sent»^ ; j' attendais des consolations, et personne
438 TRADUCTION FRANÇAISE DE SAINT JE.\N CHRYSOSTOME.

n'est venu me consoler. (Ps. lîviii, 21 .) N'est-ce mède, une fois persuadé que mes lettres peu-
donc pas une consolation bien grande que de vent quelque chose pour consoler votre âme.
Toir tout l'univers s'associer à notre tristesse?
s'il vous faut quelque chose de
plus, je vous

dirai Après avoir tant souffert, nous nous


:

portons bien, nous ne sommes nullement in- LETTRE IX.

quiété; dans plus parfait repos, nous pas-


le
Ecrite pendant qu'il se rendait à Cocom ec 404.
sons en revue nos souffrances, nos continuelles
afflictions, les attaques dont nous avons été Il faut souffrir avec patience.
l'objet, et ce souvenir nous remplit sans cesse
de joie. Que cette pensée chasse loin de vous A LA MÊME.

celte trislessequi couvre votre âme comme


d'un nuage, et donnez-nous souvent des nou-
Quand je vois le long des routes, dans les

velles de votre santé. Quand on m'a remis la


bourgades, dans les villes, le peuple, hommes
lettre de très-cher seigneur Arabius , j'ai
mon et femmes se précipiter pour nous voir, et

élé surpris de ne rien recevoir de vous car :


fondre en larmes en notre présence, je songe

femme, je le sais, vous est très-attacliéc. à la douleur qui vous accable. C'est la première
sa
Rappelez-vous bien aussi que tout passe ici- fois que ces gens nous aperçoivent, et telle est

connne la tristesse. Si la porte est pourtant leur ne peuvent la


affliction (ju'ils
bas, la joie
étroite, chemin est resserré, ce n'en est
si le
supporter. En vain les prions-nous d'être plus
calmes, en vain cherchons-nous à les consoler,
pas moins un cbemin , c'est un mot que je
souvent répété. Si la porte est large, si à les rassurer leurs larmes ne font que redou-
:
vous ai

e?t spacieux, ce n'en est pas moins bler. Quelle ne doit donc pas être l'agitation de
le chemin
votre àme ? Mais plus la tempête a de violence,
encore un chemin.
Séparez-vous donc de cette terre, brisez ce plus aussi la palme aura d'éclat, si vous savez

lien charnel qui vous y tient attachée ,


rendre grâce au sein de la tourmente, si vous
secouez les ailes de votre sagesse, et ne les lais- savez résister avec courage. C'est du reste ce

ombre et cette
sez point s'appesantir sous cette
que vous faites. Que le pilote, sur une mer ora-
fumée. Les choses de ce monde, en effet, ne geuse, déploie outre mesure les voiles du

sont-elles pas ombre et fumée? bien plus,


navire, tout est perdu. Qu'il dirige an contraire

quand vous voyez ces honunes «jui ont agi si le navire avec ))rudence , ne court aucun
il

cruellement envers nous , rester dans leur danger. Ainsi donc, dame ne vous
très-jiieuse,

ays, chargés d'honneurs et environnés d'un abandonnez pas à la tyrannie de la tristesse ;


I

nombreux cortège, dites-vous à vous-même :


mais sachez triompher de la tempête à force
]':ile est large la porte, elle est spacieuse la de raison. Vous le pouvez; votre sagesse peut
voie qui mène à la perdition (Mallli. vu, 13), et dominer l'orage. Mandez-nous qu'il en est ainsi ;

alors déplorez leur sort, versez des larmes sur et même en pays étranger, nous ressentirons

eux. Le criminel qui, au lieu d'être ch;\lié une grande joie, en apprenant que vous sup-
dans ce monde, se voit comblé d'bonneurs de portez celte affliction avec sagesse et intelli-

la part des hommes, trouvera dans ces hon- gence. C'est des environs de Césarée que je vous
neurs mêmes, a|>rès cette vie, la matière des écris.

jilus horribles supplices. Si le riche de l'Evan-

gile enduia de si affreux lourments, ce ne fut


pas seulement à cause de sa cruauté envers
LETTRE X.
Lazare, mais aussi à raison de cette prospérité
dont il ne cessa de jouir, malgré sa cruauté, et Ecrite à Nicie sur U route d« CacoM «a 40L
sans revenir à de meilleurs sentiments. C'est
Saint Chrysostome reproche Ji Olympiade de ne paf lui
là ce que nous n'avons cessé de vous redire.
écrire assez souvent.
Entretenez -vous de ces pensées et d'autres
send)lables, pieuse Olympiade et déposez ce
; A LA MÊME.
lourd fardeau de Mandez-moi que
la tristesse.

vous avez réussi ; alors, comme je vous l'écri- Secouez cette crainte que vous cause notre
vais ,
j'emploierai plus fréquemment le re- voyage. Je vous l'ai déjà dit. je me sens plus
LETTRES. 439

de santé et devip:ueiir. L'airnous est favorable, est de ne pas savoir si vous vous portez bien.
et ceux qui sont cli;irj;és de nous mener en Dites-le nous donc, pour nous combler de
exil nitttenl tous leurs soins, s'applitinent de joie Que je saurai de gré à notre cher fils
I

toutes leurs forces à nous procurer du repos et Pergamius S'il vous plaît de nous écrire, usez
!

du souI;>ji:ement, au delà niLMutî de nos désirs. pour cela de ses services. C'est un ami sincère,
J'allais partir de Nicée qnaïui je vous ai écrit, qui nous est tout dévoué, qui lait le plus grand
letroisième jour de juillet. Donnez-nous donc cas de votre modestie et votre piété.
souvent des nouvelles de votre santé. Vous le
pouvez par l'enlreniise de Perg.imius, en qui
j'ai Ne nous rassurez pas seu-
toute confiance.
lement sur votre santé; dites-nous aussi que LETTRE XIL
vous avez dissipé ce nuai^e de tristesse qui en-
veloppait votre âme. S'il en est ainsi nous ,
Ecrite à Césaréa en Cappadoca ea 4M,

vous écrirons plus souvent, puisque nos lettres


Saint Chrysostome est arrivé à Césarée. Il 3 reconvré la
ne seront pas inutiles. Si vous voulez que nous
santé, et se loue des soins empressés qu'on lui prodigue.
vous écrivions fréquenmient, mandez-nous
que vous en retirez quelque avantage. Alors, A LA MÊME.
soyez-en sûre, nous nous montrerons prodigne.
Il est venu tant de voyageurs qui pouvaient C'est après avoir échappé à cette maladie qui
nous apporter de vos lettres 11 nous a été pé-
I m'a surpris en route et dont j'ai porté les restes
nible de ne rien recevoir. jusqu'à Césarée, c'est après avoir pleinement
recouvre la santé, que je vous écris de Césarée
même. Les soins m'ont été prodigués, par
d'excellents, par d'illustres médecins, dont la
LETTRE XL
sympathie et l'affection m'ont fait plus de bien
Ecrite sur la route de Cucase en 404. que tous les remèdes. L'un d'eux a même pro-
mis de partir avec nous plusieurs éminents
Calme de saint Chrysostom« au milieu de ses souffrances. — personnages nous ont fait la même promesse.
;

Il demande à Olympiade de lui écrire plus souvent.


Nous vous tenons au courant de toutes nos
A LA MÊME. affaires, et vous ne nous rendez guère la pareille.
C'est un reproche que je ne cesse de vous faire.
Plus l'épreuve s'accroît, plus aussi nous N'accusez que votre négligence, et nullement
recevons de consolation, plus nous avons d'es- le manque d'occasion. Le frère de l'évêque
poir dans l'avenir. Tout nous réussit cà sou h ait, Maxime est venu ici il y a trois jours; j'atten-
et vraiment nous naviguons à pleines voiles. dais une lettre de vous, et il m'a dit que vous
A-l-on jamais vu, jamais entendu rien de sem- n'aviez pas voulu lui en remettre. Le prêtre
blable? Que de bancs de sable! que de rochers I Tigrius a fait comme vous. N'oubliez pas de le
que de tourbillons et de tempêtes C'est une ! lui reprocher, à lui qui nous porte un amour
nuit afl'reuse, ce sont d'horribles gouffres, des si vif et si sincère et à tous ceux qui entourent
écueils sans nombre ; et cependant nous vo- l'évêque Cyriaque. Ne blâmez ni Tigrius, ni
guons sur cette mer, comme si nous étions personne de ne m'avoir pas suivi dans mon
dans le port. Que cette pensée, ô très-pieuse exil. C'est une faveur qui nous était réservée.

Olympiade, vous aide à dominer le trouble et Peut-être auraient-ils voulu partir avec nous,
l'agitation de votre âme. Daignez me rassurer sans pouvoir lealiser leur désir. Gloire à Dieu
sur votre santé pour nous, tout va bien, le
;
pour toutes choses Ce sera toujours ma maxime
!

corps et l'âme. Notre corps s'est fortifié, nous dans toutes les circonstances de la vie. Qu'ils
respirons un air pur, et les soldats qui nous n'aient pu me suivre, je le veux bien; mais du
escortent nous comblent de bons offices. Nous moins ne pouvaient-ils pas m'écrire ? Quant
n'avons pas besoin de domestiques ; eux-mêmes aux sœurs du vénérable évêque Pergamius, qui
nous en tiennent lieu. L'amour qu'ils nous montrent tant de zèle pour nos intérêts, remer-
portent en est cause. C'est comme une garde ciez-les en it on nom. Elles ont inspiré au duc,
rangée autour de nous, et chacun s'estime sou gendre;, lant de bienveillance à notre égard,
heureux de nous être utile. Noire seule peine qu'il souhaite vivement de nous voir. Donnez-
TRADUCTION FRANÇAISE DE SAINT JEAN CHRYSOSTOME.

nous souvent des nouvelles de votre santé et de m'envoyer à Césarée un de ses serviteurs
de la santé de nos amis. Mais soyez sans inquié- pour me prier et me sup[)lier de ne préférer
tude à noire sujet car nous nous portons bien,
;
aucune maison à la sienne. Beaucoup d'autres
nous avons l'ànie tranquille et joyeuse, et nous m'ont fait la même prière. J'ai donné la préfé-
goûtons un parfait repos. Nous voudrions savoir rence à Dioscore, et c'est chez lui que je suis

si l'on a mis en liberté ceux qui accompagnaient logé. Il nous dévoué et nous ne cessons
est tout ;

l'évêque Cyriaque. On ne nous a rien dit de de lui reprocher tant de libéralité, tant de bons
bien clair à ce sujet. Renseignez -nous donc offices. A cause de nous il a quitté la ville pour

vous-même , et dites à l'cvèque Cyriaque venir à la campagne, afin de nous entourer de


que la tristesse m'a empêché de lui écrire. toute sorte de soins il nous ; fait construire

une maison pour nous protéger contre les


rigueurs de l'hiver, et il se donne à cet effet
beaucoup de peines en un mot il n'est
:

LETTRE XIII. rien qu'il ne fasse pour nous être utile.


Ajoutez que beaucoup d'intendants et d'éco-
Ecrite à Cncuse en 404.
nomes, sur une lettre de leurs maîtres, s'em-
Saint Chrysoslomc raconte à Olympiade tout ce qu'il a soufTei t pressent continuellement de nous venir en
avant d'arriver à Cu' use. — 11 parle ensuite des sympathies
aide.
qu'il rencontre dans ce pays, et des soins dont il est sans cesse
l'objet.
Si je vous ai rappelé tout cela, si j"ai déploré
devant vous les maux que j'ai soufferts, si je
A LA MÊME. vous ai ensuite exposé les heureuses circons-
tances qui ont suivi, c'est afin que pe sonne
Enfin nous respirons maintenant que nous ne s'avise de m'éloigner d'ici. Si ceux qui
sommes à Gueuse, et c'est de cette ville que nous favorisent nous laissent libres de cîioisir
nous vous écrivons. Enfin nous revoyons la le lieu que nous désirerons, et qu'ils ne

lumière, après avoir été plongé dans cette fu- veuillent pas nous assigner ensuite tel ou tel
mée, dans ce nuage de souffrances qui sont lieu, selon leur bon plaisir, c'est une faveur
venuesfondre sur nous pendantle voyage. Main- que vous devrez acce|)ter. Mais s'ils veulent
tenant que la douleur est passée, je vais vous nous faire passer d'ici dans un autre pays, et
raconter tout ce que nous avons souffert. Je qu'il nous faille voyager de nouveau cela ,

n'ai pas voulu le faire plus tôt pour ne pas vous nous serait fort pénible. D'abord ils pourraient
causer trop de cbagrin. Pendant plus de trente nous envoyer dans une contrée bien plus éloi-
jours j'ai été sans cesse brûlé par une fièvre gnée et bien plus désavantageuse; ensuite, les
ardente. Ajoutez la longueur et les difficultés du fatigues du voyage nous sont mille fois plus à
cbemin, et ces cruelles douleurs d'estomac qui charge que l'exil. Le voyage que je viens de
ne me donnaient aucune trêve. Et là, point de faire ne m*a-t-il pas conduit aux portes de la
médecins, point de bains, |)as même lescboses mort?
nécessaires à la vie : aucun soulagement enfin. Maintenant, à Cucuse, nous avons retrouvé
Les Isauriens pouvaient à cliaqueinstantsurve- un séjour fixe et le repos; et ces os bri^és, ce
nir.Nonsétionsenbutleàtouteslespeinesqu'en- corps accablé par les fatigues, nous pouvons,
gendrent des routes presque impraticables, le grâce au repos, leur rendre leur première
souci, l'inquiétude, l'ennui, et celte pensée qu'il vigueur. Le jour même de mon arrivée, j'ai
n'y avait près de nous personne pour prendre rencontré la pieuse diaconesse Sabinicnne,
soin de nous. Mais tout cela maintenant est elle-même aussi brisée, accablée. Elle ''st dans
passé.Une fois arrivé à Cucuse, nous avons un àgo où l'on supporte diflicilonient les voya-
vu disparaître les moindres traces de la maladie ;
ges mais elle a toute l'ardeur de la jeunesse,
;

notre santé est aujourd'bui fiorissante; nous et ne sent point les coups de l'adversité. Elle
n'avons plus à craindre les Isauriens il y a ici ; était toute prête, disait-elle, à m'accompagner
bon nombre de soldats, tout disposés à se me- en Soytliie, (piand le bruit courait i\uc je serais
surer avec eux. Tout nous arrive en aboiidance, emmené dans ce pays. Elle est bien résolue,
bien que nous soyons dans un vrai désert; dit-elle encore, à ne pas s'en retourner; elle
tous se montrent bienveillants à notre égard. veut être partout où je serai. Les chrétieiiS
Dioscorc s'est trouvé ici par basard, et il vient l'ont accueillie avec empressent i)t et bit u-
Ul
veillance. Constanlius, ce prêtre si pieux, de- essayé ? Si vous n'avez pu réussir, est-ce une
vrait se trouver ici depuis longtemps. Il m'a maison de vous affliger ? Peut-être Dieu a-t-il
écrit de lui permettre de venir me rejoindre. voulu rouvrir devant nous une carrière plus
Car, disait-il, malgré son grand désir, il n'ose- longue à parcourir, pour nous donner lieu de
rait se mettre en route, sans avoir reçu mes mériter une couronne plus glorieuse. Pour-
conseils. 11 ajoutait qu'il ne pouvait rester à ()uoi donc vous attrister de ce qui fait notre
Constantinoi)le ; il se cache, il vit dans la re- gloire? 11 faudrait au contraire vous réjouir,
traite, tant il se voit accablé sous le poids de et tressaillir d'allégresse, vous couronner de
l'adversité. Suivez mes instructions au sujet fleurs, puisquedivine miséricorde nous ré-
la
du lieu de ma demeure. Si vous jugez à compense bien au delà de nos mérites. —
propos de sonder leurs intentions, ne dites Mais c'est la solitude où nous sommes qui
rien de vous-même , cherchez seulement à vous cause du chagrin. En vérité, qu'y a-—
pénétrer leur dessein, toujours avec prudence, de plus agréable que
t-ii séjour de Gueuse? le
et vous le pouvez. Ft si vous voyez qu'il C'est une solitude profonde, une tranquillité,
s'agisse de quelque ville voisine de la mer, un repos continuel; nous nous portons à y
comme Cyzique, et peu éloignée de Nico- merveille. La ville, il est vrai, n'a point
médie, acceptez cette proposition. Si, au con- de marché; on n'y vend, on n'y achète rien.
traire, il est question d'un pays éloigné, plus Mais (lu'importe ? Tout m'arrive en abon-
éloigné ou aussi éloigné que celui-ci, gardez- dance, comme d'une source féconde. L'évêque
vous bien d'accepter. C'est ce qu'il y aurait de de cette ville et Dioscore semblent n'avoir
plus fâcheux et de plus ennuyeux pour moi. d'autre occupation que de me soulager. L'ex-
Ici je goûte un profond repos, et il m'a suffi C(illent Patricius vous dira notre bonne hu-
de deux jours pour chasser tous les enuuis de meur, notre dont nous sommes
joie, les soins
ce pénible voyage. entouré. Voilà pour Gueuse.
Si vous vous désolez de ce qui nous est arrivé
à Césarée, vous avez tort aussi. Car là encore
nous avons remporté de brillantes couronnes;
LETTRE XIV.
on nous loue, on nous vante on nous admire ,

Ecrite à Cucuee en 404. Pour bien comprendre toutes les allusions jusqu'à l'enthousiasme, depuis que nous avons
contenues dans cette lettre, lire les chapitres 38, 39 et 40 du
été accablé d'outrages et chassé de cette ville.
tome I«f.
Mais je vous en prie, ne le dites à personne,
n lui raconte ce qui lui est arrivé à Césarée. bien que le bruit s'en répande de toute part.
Pîeanins m'a fait savoir qu'il y a ici des prêtres
A LA MEME. de Pharétrices, qui se disent en communion
avec nous qui prétendent n'avoir rien de
,

Pourquoi pleurer? Pourquoi vous at-


1. commun avec nos ennemis , et n'avoir jamais
trister? pourquoi vous infliger un supplice eu avec eux aucune espèce de relations. C'est
que vos ennemis eux-mêmes n'ont pu vous pour ne pas les troubler, que je vous prie de
faire subir? Le chagrin continue à tyranniser ne rien dire; car on nous a fait subir les plus
votre âme, témoin cette lettre que Patricius cruels traitements. N'eussé-je rien enduré au-
nous a remise et qui nous dévoile les blessures paravant, il suffisait bien de ces outrages pour
de votre cœur. Ce qui m'afflige, ce qui me obtenir des palmes glorieuses, tant j'ai couru
tourmente c'est de vous voir chercher de
, de dangers. Sachez donc garder le silence; je
tous côtés des sujets de douleur, quand vais tout vous raconter en peu de mots, non
vous devriez faire tous vos effttrts pour pour vous affliger, mais au contraire pour vous
calmer votre chagrin. Vous allez jusqu'à vous réjouir. Tout cela est une occasion de profit
forger des illusions (ne me l'avez-vous pas pour moi ; c'est là ma richesse ;
j'expie mes
dit?) sans aucune raison, sans aucun motif, fautes en traversant toutes ces épreuves, qui
vous faites à votre âme des blessures qui lui se succèdent sans relâche et me sont suscitées
sont très-funestes. A quoi bon vous tourmenter par ceux que j'en aurais moins crus capables.
le
de n'avoir pu nous faire sortir de Gueuse? Nous étions sur le point de passer en Cappa-
N'avez-vous pas fait tout ce qui vous a été doce; nous étions délivré de ce Galate, qui n'a-
possible? n'avez-vous pas tout remué, tout vait pas craint de nous menacer de mort, lors-
443 TRADUCTION FRANÇAISE DE SAINT JEAN CHRYSOSTOME.

que pendant le voyage nous renconirânnes livrer aux flammes et de nous faire mourir, si
nombre de gens qui nous dirent « Pliarétrius : nous ne partions au plus vite. Ni l'approche
vous attend il est satis cesse en route, tant il
,
des Isauriens, ni la pensée de la maladie qui
craint de ne pas vous rencontrer; il veut à nous accablait, rien ne put les adoucir; telle
toute force vous voir, vous embrasser, vous était leur colère, telle était leur fureur, que les

témoigner son affi ction il a mis en mouvement ; soldais eux-mêmes étaient effrayés. Ils les me-
tous les monastères, soit d'hommes, soit de naçaient de se jeter sur eux, et ils se vantaient

femmes. » Je me gardai bien d'en rien croire; d'avoir dtjà accablé de coupsbon nombre de
je me figurais précisément tout le contraire, prétoriens. Ainsimenacés les soldats vinrent ,

sans en rien dire toutefois à ceux qui m'expri- nous trouver, nous prièrent et nous suppliè-
maient ces désirs de l'évèque. rent de les délivrer de ces monstres, dussions-
Enfin je suis arrivé à Césarée, accablé de
2. nous tomber entre les mains des Isauriens. Le
fatigues, affreusement amaigri, dévoré par les préfet, averti de ce qui se passait, arriva lui-

ardeurs de la fièvre, succombant de faiblesse, même pour nous porter secours. Ses prières
éprouvant en un mot les plus vives souffran- ne touchèrent pas les moines, et il ne put non
ces. J'ai trouvé un logement à l'extrémité de la plus rien obtenir. Après ces vains efîorts, il
ville, et je me suis hâté de voir les médecins, n'osait nous conseiller de sortir; car c'était

pour éteindre cette fournaise qui me brûlait; nous envoyer à une mort certaine il n'osait ,

dont je souffrais. Joignez


c'était la fiè>re tierce non plus nous conseiller de rester, vu la fureur
à cette maladie la misère, les fatigues du des moines. 11 fit donc prier Pliarétrius de
voyage, l'accablement, le manque de soins, la nous accorder quelques jours en considération
privation des chos- s les plus nécessaires. En de notre maladie et des dangers que nous cou-
outre il n'y avait là aucun médecin ,
j'étais rions. Cette démarche n'eut pas plus de succès.
épuisé de las-itude ; la chaleur, les veilles Au contraire le lendemain les moines revin-
m'avaient abattu , et enfin je suis arrivé pres- rent à charge avec plus de violence encore
la ;

que mort à Césarée. Alors je me vis entouré et pas un prêtre n'osait résister et nous secou-

du clergé, du peuple, des moines, des reli- rir; mais rougissant de honte (car tout cela,

gieuses, des niédecius; et tous s'empressèrent disaient-ils, se faisait par ordre de Pharetrius),

de me soigner, de me servir, de me fournir ils se tenaient cachés; et quand nous les man-

tout ce dont je pou\ais avoir besoin. Néan- dions, ils n'obéissaient pas.
moins dévoré par ctitte fièvre brûlante, j'étais A quoi bon vous en dire davantage? Envi-
en danger de mort. Peu à peu la maladie se ronné de tant de périls, ayant la mort devant
calma et disparut. Cependant je ne voyais pas moi, dévoré par la fièvre (car je n'étais pas en-
Pharetrius ; c'est (ju'il attendait mon départ, core guéri), sur le midi, je me jetai dans une
je ne sais pour(|uoi. Quand je me sentis à peu on m'emporta, au milieu des gémis-
litière, et

près guéri, je tongeai à quitter Césarée ,


|H)ur sements, des lamentaticns du peuple entier
me rendre à Cucuse, un peu des et me reposer qui maudissait l'auteur de ces violences; tous
fatigues de la route. Nous en étions là quand ,
}tou?saient(les sanglots et versaient des larmes.
on nous annonça qu'une immense multitude Quand je fus sorti de la ^ille, quchpies clercs
d'Isauriens ravageaient les environs de Césa- en sortirent aussi sans rien dire, et m'accom-
rée, (ju'ils avaient réduit en cendres un bourg pagnèrent en se lamentant. Plusieurs disaient:
considérable, (|u'en un mot ils se livraient Pouniuoi l'emmener ainsi à une n)ort cer-
aux derniers excès. Aussitôt le tribun maicha taine ? Un de ceux qui m'aimaient le plus ten-

sur eux avec ses soldats. On craignait qu'ils drement me disait « Partez je vous en prie,
:
,

ne vinssent atta(|uer Césarée elle-même tous ; tombez plutôt aux mains des Isauriens que de
étaient saisis de terreur à la pensée des dan- rester ici. Partout où vous irez, vous serez en
gers (jue courait leur patrie. Les vieillards sûreté, si >ous pouvez vous tirer de nos mains.»
inémes se tenaient tout armés sur les nm- Entendant tout cela, et témoin de tout ce qui
railles. se passait, une vertueuse dame, Sêleucie, l'é-
Voilà que vers le matin, une cohorte de moi- pouser de Rutin (il n'est pas de bons offices
nes (je ne trouve pas d'autre nom pour expri- (|u'elle ne nous ait rendus), me pria d'accepter
mer leur fureur), se précipitèrent sur la mai- l'ollrt! qu'elle me faisait de sa maison de cam-
sou où nous rébidious, nous meuavaut du la pagne, située à cinq milles dw Ciîtiariie ; «11«
LETTRES. ii3

y envoya un certain nombre d'hommes, et par la main : et ainsi conduit, ou plutôt traîné,
nous nous y rendîmes nous-même. je continuai ma route. Les chemins étaient si
3. Mais là ne devaient pas s'arrêter les me- difficiles, lesmontagnes si rudes à gravir, la
nées de nos ennemis. Dès (|ue Pliarétrius en nuit si que j'avançais à peine
profonde, :

fut averti, il lui fit toute sorte de menaces. songez à ce que je dus souffrir, accablé que
Moi j'étais à sa maison de campap:ne sans me
,
j'étais de tant de maux, en proie à la fièvre,

douter de quoi que ce fût. Elle vmt me voir, ne sachant rien de ce que l'on avait ourdi
sans rien me
mais elle informa son in-
dire ; contre moi, ne craignant, ne redoutant que
tendant du danger que je courais, et lui enjoi- les barbares, et m'atlendant bien à tomber

gnit de veiller à tous mes besoins et dans le , dans leurs mains. N'eussé-je jamais rien souf-
cas où les moines viendraient renouveler leurs fert auparavant, n'était-ce pas assez souffrir,
outrages, de réunir les laboureurs de ses au- je vous le demande, pour expier mes péchés
tres maisons de campagne , et d'en venir aux et pour obtenir une gloire brillante? Or voici,
mains avec les moines. Bien plus elle m'invi- je crois, la cause de toutes ces souiïrances. A
tait à me réfugier dans sa maison ,
qui était mon arrivée à Césarée, tous les magistrats, les
fortifiée etinexpugnable, et de me soustraire anciens vicaires ou présidents devenus so-
ainsi aux mains de ré\èque et des moines. phistes, les anciens tribuns, les gens du peuple
Mais elle ne put m'y déterminer. Je restai à la venaient me voir, m'assistaient, ne me per-
cam|)agne sans rien savoir de ce que l'on pré- daient pas de vue un seul instant. Pharétrius,
parait ensuite contre moi. Mais cela ne suffit je crois, en fut blessé; et cette jalousie qui
pas pour apaiser leur fureur. nous a fait chasser de Constantinople , con-
Au milieu de la nuit, sans que je pusse m'y tinue jupqu'en ces lieux à s'acharner contre
attendre ( Pliarétrius l'accablait de ses me- nous. Je n'affirme rien cependant; c'est une
naces, voulant la contraindre à me chasser simple conjecture de ma pan. Et qui pourrait
de sa maison de campagne), cette femme, à dire tout ce que nous eûmes à souffrir durant le
bout de patience , m'annonça que les barbares voyage? Que de frayeurs! que de périls! Tous
arrivaient; elle n'osait avouer la contrainte les jours ils me reviennent à l'esprit, ils s'of-
qu'elle subissait. Donc au milieu de la nuit, le frent à mon souvenir pour me combler de
prêtre Evéthius vint me trouver, me réveilla joie et me faire tressaillir de bonheur. N'est-
et se prit à crier : « Levez-vous, je vous prie, ce pas comme un magnifique trésor que je
voici les barbares; ils sont tout près d'ici. » Je possède maintenant? Voilà mes sentiments et
vous laisse à penser (juelle fut alors mon émo- mes dispositions. Je vous invite donc à vous
tion. Que demandai-je; nous
faut-il faire? lui en réjouir avec moi; oui, je vous invite à
ne pouvons retourner dans la ville où nous , bondir de joie, et à bénir le Seigneur de nous
courrions plus de dangers qu'ici au milieu avoir jugé digne de tant de souffrances. Mais
des barbares. Le seul parti à prendre c'est de , gardez pour vous tous ces détails et ne les
fuir. Il était minuit, pas de lune; mais au con- dites à personne bien que les soldats puissent
,

traire partout d'épaisses ténèbres ; et nous voici les répandre dans la ville car, eux aussi, ils :

de nouveau dans un étrange embarras. Per- ont couru risque de perdre la vie.
sonne pour nous venir en aide. Tous nous 4. Au reste, que personne ne les sache par
avaient abandonné. Saisi de crainte, n'atten- vous; tâchez même d'imposer silence à ceux
dant que mort, accablé de toute sorte de
la qui les voudraient raconter. Si vous vous
maux, je me fis allumer des torches.
levai et je affligez des conséquences de tant de soul-
Mais le prêtre les fît éteindre , de peur qu'atti- frances, sachez bien que maintenant tout est
rés par cette lumière, les barbares ne se préci- fini, que je me mieux qu'à
porte beaucoup
pitassent sur la maison. On éteignit donc les Césarée. Ne craignez pas que du je souffre
torches; et nous partîmes. froid. On nous a préparé une demeure fort

Le chemin était escarpé et pierreux. Le commode et Dioscore ne néglige rien pour


,

mulet qui portait notre litière, tomba sur ses que nous ne sentions pas la moindre fraîcheur.
genoux, me renversa avec la litière, et peu A en juger par le début, ce climat ressemble
s'en fallut que je ne périsse. Je me relevai et à celui de l'Orient, tout autant cpie celui d'An-
m'acheminai péniblement. Le prêtre Evé- tioche. C'est la même chaleur, la même tem-

thius, qui était descendu de cheval, me prit pérature. Vous m'avez fait beaucoup de peine
444 TRADUCTION FRANÇAISE DE SAINT JEAN CHRYSOSTOME.

en me disant « Peut-être êtes-vous fâché, et


: résultat, j'ai prié Pentadia de faire en sorte de
« trouvez-vousqu j'ai été négligente. ». Ne — trouver quelque remède au mal. Vous me
\ousai-je pas écrit, ilya liHigtcinpscJéjà, pour dites que c'est sur Tordre de cet évêque, que
"VOUS prier de ne pas me faite sortir d'ici '? Je vous avez osé m'avertir de ces calamités. Vous
pouvais m'imaginer qu'il vous faudrait tout un êtes vraiment bien hard ie. Je n'ai jamais cessé,
discours et une [)eiacinruiie pour vous jusUlier je ne cesserai jamais de dire que le seul mal,
au sujet d'une telle parole. Peut-être vous en c'est le péché; tout le reste n'est que cendre

êles-vous en partie justifiée en disant « Cha- : et fumée. Est-ce un mal (jue d'être en prison,
« que fois que j'y songe, je sens s'accroître que d'être chargé de chaînes? Est-ce un mal
« mes douleurs. » Je ne puis, à mon tour, que de souffrir, puisque la souffrance amène
m'empècher de vous reprocher bien vivement tant de richesses? Est-ce un mal que l'exil,
d'entretenir à dessein votre chagrin par vos que la confiscation des biens? Ce sont des
réflexions. Au lieu de faire tous vos efforts noms moins vides de sens, des noms qui ne
pour di^;sipcr votre affliction, vous secondez désignent pas un malheur réel. La mort, c'est
lesvues du démon, en dévelo[)pant en vous le une dette qu'il faut payer à la nature, quand
découragement et la tristesse. Oubliez-vous même personne ne nous fera mourir; l'exil,
tout ce qu'il y a de fâcheux dans la tris- qu'est-ce autre chose que voir d'autres pays
tesse? N'ayez plus aucune crainte au su- et visiter un grand nombre de villes? La
jet des Isau riens : ils se sont retirés dans confiscation des biens, c'est la liberté, c'est
leur pays; et le prcfet n'a rien négligé pour l'indépendance.
les y contraiuilre. Je suis beaucoup plus tran- 5. Ne vous lassez point d'entourer de vos

quille ici qu'à Cesaree. Il ett peu de gens que bons offices l'évêque Maruthas, pour le tirer
je redoute autant que les évêques. Quant aux de l'abîme, si vous le pouvez. Car j'ai bien
Isaurient^, ra>surez-vous. Ils ont disparu, l'hi- besoin de lui pour lesafiairesde Perse. Tâchez
ver les force à se tenir chez eux; peut-être d'apprendre de lui ce qu'il a pu réformer dans
reviendront- ils après la Pentecôte. ce pays, le motif qui l'amène à Constantinople,
Comment ^c fait-ilque ^ous ne receviez pas et dites-nous aussi si vous lui avez remis les
de lettre? Je vous ai envoyé trois lettres, la deux lettres que je vous ai envoyées à son
première, par les soldats, la seconde, par An- adresse. S'il veut bien m'écrire, je lui répon-
toine, et la troisième par Anatole, votre ser- drai. S'il ne le veut pas, priez-le de vous dire
viteur, toutes trois tort longues. Les deux der- les résultats tju'il a obtenus et ceux qu'il es-
nières surtout sont bien [)ropres à relever le père obtenir à son retour. C'est là ce qui me
courage, à taire cesser tout scandale, à rendre faisait tant désirer de le voir. Faites en un
à l'àme ime parfaite tranquillité. Quand donc mot tout ce que vous pourrez, remplissez voire
vous aurez reçues, ne vous lassez point de
les devoir, (pioiiiue tous se jettent tète baissée
les liri;; vous en verrez leffieacilé, vous dans Tabîme. Car vous recevrez une récom-
y
trouverez un remède salutaire et vous nous pense magnifi(|ue. Soy^z donc à son égard
direz que vous en avez retiré de gran Is avan- aussi empressée que possible. N'oubliez pas
tages. J'en avais écrit une troisième sur le non plus ce que je vais dire; je fais appela
même sujet, que je n'ai pas voulu vous en- votre zèle. Les moines Marses et Goths, chez
voyer tout de suite; je souffre tro;> de vous qui l'éxêque Sérajjion se tenait caché, mont
entendre dire que vous entassez les réflexions dit avoir vu le diacre Moduarius il leur a:

pénibles, (|ue vous vous tordez mille cliinières. api^ris la mort d'Fnilas, cet evèijue admirable
Tout cela est indigue de nous, et je ne puis que j'ai ordonné il n'y a pas longtemps, et que
moi-même (|u'en rougir de honte. Lisez donc j'ai envoyé dans le pays des Goths. Il a fait
ces lettres, et vous n'oserez plus tenir ce lan- beaucoup de bien durant son épiseopat. Mo-
gage, quand même vous vous obstineriez à duarius apporte une lettre du roi des Goths,
vous plonger dans la lri^tesse. Pour ce que qui demande un autre évêque. Au mal-
vous me dites de l'êvêciue lléraelide, libre à heur dont nous soiumes menace, je ne vois
lui, s'il le veut, de poursuivre devant les tribu- d'autre ivmèile que les délais. Ils ne peuvent
naux, et de sortir ainsi de si s eniuiis il n'y a : main!enant gagner le Bosphore, ni se rendre
que ce moyen... liien que je n'obtinsse aucun dans celle contrée; et faites en sorte de les
' Voir tome 1er, pag. 404. retenir eu alléguant la mauvaise saison. Ne
LETTilES. 445

iiéplippz rien pour cela : j'y attache la j)lus


grandi! ini|H)i tance. Il y a deux choses t|ue je
redoute et que je prie Dieu dVnipccJKr. Je
LETTRE XV.
ne voudrais |)as (|iie cet évè(|ue tût oidonné
par les auteurs de tant de maux ; ils n'ont Ecrite d'Arabisse en 406.

aucun pouvoir pour cela; je ne voudrais pas


Il exhorle Olympiade à ne point s'effrayer des persécutiOM,
non phis que l'on prît le premier venu. Vous et lui apprend qu'il n'est pas encore pariaitcmcnt guéri.
savez bien (|u'ils ne s'emj)resseront pas de
choisir un homme de bien; et vous n'ignorez A LA MÊME.
pas quelles seront les conséquences de leur
choix. Dès votre bas âge vous avez donné des preu-
Mettez donc tout votre zèle à prévenir un ves de sagesse, vous avez foulé aux pieds l'or-
pareil malheur. Ce qu'il y aurait de mieux, ce gueil humain^ et vous espériez mener une vie
serait que Moduarius pût venir en secret et sans trouble et sans luttes 1 C'était impossible :

sans bruit JMS(|u'à nous. S'il ne le peut, faites quand les hommes sont en uns contre lutte les
tout ce (juil sera possible de faire. Il en est des les autres, soit dans les palestres, soit dans les

soins à donner à une d'une


affaire, comme guerres, que de blessures ne reçoivent-ils pas?
ofTrande j)écnniaire. Rappelez-vous celte veuve Et vous qui vous êtes armée contre les princi-
de l'Evangile. Elle donna deux oboles, et en pautés et contre les puissances, contre ceux
cela, elle se montra plus généreuse que d'au- (juirégnent sur les ténèbres de ce siècle, contre
tres qui avaient offert des sommes considéra- les malins esprits eux-mêmes, vous qui avez
bles. Car elle avait donné tout ce qu'elle pos- déployé tant de bravoure, élevé tant de tro-
sédait. De même
ceux qui donnent à une phées, qui avez inquiété de tant de manières
altaire tous les soins dont ils sont capables, ce démon si féroce et si dangereux, comment
n'ont rien à se reprocher et méritent d'être pouviez-vous espérer mener une vie paisible
pleinement récompensés. Je remercie du fond et sans troubles? Ne vous effrayez donc point
du cœur l'évèque Hilaire. Il m'a écrit pour de toutes ces guerres, de ce tumulte qui surgit
me demander de lui permettre de retourner de toute part. C'est le contraire qui eût dû
dans son église , me promettant de revenir, vous surprendre il eût fallu vous étonner de
;

aussitôt qu'il aurait tout arrangé. Sa présence ne rien voir arriver de semblable. Non, la
nous est fort utile. Car c'est un homme rempli vertu ne va jamais sans le travail et le danger.
de piété, de constance et de zèle. Aussi l'ai-je Vous le saviez bien depuis longtemps et il ,

exhorté à revenir promplement. Faites- lui n'est pas besoin que d'autres vous l'appren-
donc tenir, dès que vous pourrez, et par une nent. Ce n'est pas pour vous tirer de l'igno-
personne de conliance, la lettre que nous lui rance que nous vous écrivons. Nous savons
écrivons prenez bien garde qu'elle ne se
;
bien que ni l'exil, ni la confiscation des biens,
perde. Il nous supplie avec beaucoup d'ins- toujours pénibles aux liommes, ni les ou-
si

tance de lui écrire, et d'ailleurs sa présence trages, niaucune autre affliction ne sont ca-
nous offre de grands avantages. Ayez donc pables de vous troubler. S'il faut ambitionner
bien soin de cette lettre; et si vous n'avez pas le sort de ceux qui compatissent aux souf-
sous main le prêtre Helladius, ne
la la confiez frances d'autrui, que dire de ceux qui souffrent
qu'à un homme prudent et de tète. eux-mêmes tous ces maux?
Et pourquoi l'apôtre saint Paul adresse
c'est
tant de louanges aux Hébreux convertis à la
religion chrétienne Rappelez-vous ces jours,
:

déjà éloignés, où, éclairés de la lumière de la


foi, vous avez supporté si géîiéreusemeyit tant
de souffraiica. tour à tour chargés d'opprobres,
rassasiés daflliction, donnés, pour ainsi dire,
en spectacle aux hommes, ou bien compatissant
aux douleurs de vos frères. (Hébr. x, 32, 33.)
A quoi bon vous écrire une longue lettre? On
ne s'approche point du guerrier victorieux et
446 TRADUCTION FRANÇAISE DE SAINT JEAN CHRYSOSTOME.

fier de ses trophées pour lui venir en aide, aux flots de se soulever, tantôt imposé silence
mais pour le combler d'éloges et célébrer son aux eaux de l'adversité et changé en un calme
courage. Nous, qui savons tout ce que vous profond les plus horribles tempêtes? Ne pleu-
avez montré de sagesse au sein du malheur, rez donc plus, ne vous laissez donc plus aller à
nous vous félicitons et nous vous admirons, la tristesse, n'ayez donc plus sans cesse devant

soit pour votre patience, soit pour les récom- les yeux ces sujets d'affliction si nombreux, ou
penses qui vous sont réservées. Vous voulez plutôt si continuels; miis songez aussi qu'ils
maintenant avoir de nos nouvelles; car nous sont bientôt dissipés et qu'ils vous ont mérité
avons gardé un long silence. Eh bien! nous une récompense au-dessus de toute expression.
avons échappé à une maladie dangereuse, mais Comparez ces peines aux récompenses qui vous
nous en éprouvons encore les suites. Nous sont réservées ne sont-elles pas comme une
:

avons ici d'excellents médecins; malheureuse- toile d'araignée, comme une vaine fumée,

ment, le secours de la médecine est paralysé moins encore, s'il est possible? Qu'est-ce donc
par le manque des choses les plus nécessaires : que l'exil? Qu'est-ce que passer d'un pays dans
non-seulement il n'y a ni médicaments, ni rien un autre? Peut-on s'en plaindre? Peut-on se
de ce qui peut contribuer à la guérison du plaindre d'être persécuté, d'être proscrit, d'être
corps, mais nous sommes menacé de famine traîné devant les tribunaux, emmené de vive
et de peste. La cause de tant de maux, ce sont force par les soldats; d'être maltraité par ceux
les perpétuelles incursions des brigands, qui à qui l'on a fait du bien, tourmenté par ses
assiègent tous les chemins, ferment le passage serviteurs et par ses enfants, puisque ainsi l'on
aux voyageurs et leur font courir les plus mérite le ciel et ces biens si purs, ces biens
grands périls. Andronique, à ce qu'il dit, est inefl'ables, éternels, qui font goûter à l'âme de
tombé dans leurs mains; ils l'ont dépouillé et perfiétuelles délices? Ces embûches, ces mau-
l'ont ensuite laissé libre. Je vous en prie donc, vais traitements, la perte des biens, ces chan-
n'envoyez désormais personne dans ce pays ;
gements de lieux, ce séjour à l'étranger, n'y
autrement, celui que vous enverriez courrait songez plus; foulez aux pieds ces biens aussi
risque d'être égorgé. Si cela arrivait, vous n'i- méiirisables que la boue, et considérez ces tré-
gnorez pas quelle serait notre douleur. Mais, sors que méritent les souffrances, ce gain qui
si vous trouvez un homme en qui vous ayez ne s'épuise ni ne se consume jamais, ces ri-
confiance et qui vienne ici pour d'autres chesses dont on ne peut vous dépouiller.
affaires,donnez-nous des nouvelles de votre Mais la peine et l'adversité vous ont rendue
santé; seulement, que personne ne vienne ici malade; les pièges de vos ennemis ont accablé
pour notre utilité personnelle je vous l'ai dit,
:
votre corps. —
N'est-ce pas là encore l'occasion

nous craindrions pour ses jours. de grands, d'ineffables mérites? Vous savez,
oui, vous savez bien quelle gloire il y a à sup-
porter généreusement et avec un cœur recon-
naissant les maladies du corps. Je vous l'ai
LETTRE XVI. souvent répété c'est là ce qui valut à l«izare
:

sa couronne; c'est là ce qui couvrit Satan de


Ecrit* k Gueuse «n 405.
confusion quand il se fut mesuré avec Job, et

bommes pieux des joiei et des souffrances.


ce qui couvrit de gloire cet athlète invincible.
DLou ménage aux
Oui, il aimait la pauvreté, il méprisait les ri-

A LA MÊME. chesses, il avait perdu ses lils, il s'était vu


dresser mille embûches : tout cela lui valut
Dieu vous montre sou ineffable miséricorde, moins de gloire que
maladie; la maladie,
la

soit en iiermettant les épreuves si nudlipliees plus (jue tout ferma la bouche à ce
le reste,

et si rudes que vous traversez, et qui vous mé- démon si plein d'impudence. Réfléchissez donc
ritent de si splendidos couronnes, soit en se à ce que je viens de vous dire; réjouissez-vous,
hâtant de vous eu délivrer, de peur (jue leur tressaillez d'allégresse vous êtes sortie d'un
:

trop longue durée no tiuisse par accabler >olie rude combat, et, ce qu'il y a de plus difficile,
âme. N'est-ce pas ainsi iiu'il sest conduit a le- vous l'avez soutenu avec patience, en rendant
gard des apôtres et des prophètes, ces honunes gloire au Dieu miséricordieux qui dissipe tous
si plein» d« couraij;e? N'a-t-ii pas tantôt permis le» maux, qui leur permet aussi de se produire
LETTRES. U7
pour vous offrir l'occnsion de mériter pins de terreur pourraient-ils vous nspi rer, ces
i hommes
récompenses. Et voilà ponrijiioi nons ne ces- qui ne cessent de travailler à leur propre perte?
sons de vous proclamer bitmlieureuse. Nons Vous feront-ils craindre la perte de vos biens ?
nous réjouissons pareillement de vous voir dé- Mais ces biens, vous les regardez comme une
livrée de tant d'alluires et de tant de procès; vile poussière, ils ont à vos yeux moins de prix
vous en êtes sortie avec une véritable dignité : que la boue. Vous enlèveront-ils votre patrie et
on ne peut vous reprocher ni négligence, ni votre maison ? Mais que vous importe d'habiter
opiniâtreté; vous ne vous êtes point lancée une grande ville, une ville populeuse, ou bien
dans les tril)unaux, ni exposée aux maux qui un désert? N'avez-vous f)oint passé toute votre
en résultent. Vous avez su retrouver cette vieloin de l'agitation du siècle et dans le calme,
liberté dont vous aviez besoin; en toutes choses n'avez-vous pas toujours mis sous vos pieds
on a reconnu votre prudence, votre courage, toutes les pompes du monde? Ils vous feront
votre patience, et cette intelligence qui ne peut mourir? Mais vous avez prévenu leurs me-
se laisser surprendre par les ruses d'un naces, et vous n'avez cessé de méditer sur la
ennemi. mort; vous traînent au lieu du sup-
s'ils

plice, ils n'y traînerontqu'un cadavre.


Que dirai-je encore ? On ne pourra vous
menacer d'un seul mal que vous n'ayez depuis
LETTRE XVIL longtemps soulTert avec patience. C'est par la
voie étroite que vous avez toujours marché ;

Ecrite eu 404 ou en 405.


et de la sorte un long exercice vous a donné
l'habitude de sonCTrir avec une généreuse ré-
Saint Chrysostome félicite Olympiade de son courage et de
sa résiguatiuQ signation. Cette science admirable, vous l'avez
apprise, pour ainsi parler, dans le stade; et
A LA MÊME. elle vient de vous rendre illustre dans les
combats. Les maux qui vous arrivent ne trou-
Non, vous n'avez rien éprouvé de fâcheux ; blent point votre àme elle conserve toute son
;

au contraire, ces épreu^es continuelles ont son allégresse. Oui,


activité, toute sa joie, toute
tendu les ressorts de votre àme, et en ont accru vous êtes merveilleusement exercée au combat,
l'ardeur et la force elle conibjittra désormais
; vous engagez la lutte avec une étonnante faci-
avec une nouvelle énergie, et sortira de la lutte lité, nonobstant la faiblesse naturelle à votre

toute remplie de joie. Tels sont les effets de sexe, et ce cori)S plus délicat qu'une toile d'a-
i'advernté, quand elle rencontre une àme ar- raignée vous foulez aux pieds comme en vous
;

dente et généreuse. De même que le feu éprouve jouant ces hommes si vigoureux et qui ,

l'or, de même aussi, quand l'affliction tombe grincent les dents de fureur. Vous êtes toute
sur un cœur d'or, elle en redouble l'éclat et la prête à soutenir plus de maux qu'ils n'en pré-
pureté. C'est pourquoi saint Paul disait : La parent contre vous. Vous êtes bienheureuse,
trihidatioti produit la patience^ et la patience trois fois bienheureuse, vous qui méritez de si
Vépreuve. (Rom. v, 3,i.) Aussi tressaillons-nous brillantes couronnes; que dis- je ? vous êtes
d'allégresse, t sommes-nous inondé de joiej
» bienheureuse, vous qui soutenez de si glorieux
etdans le désert où ikuis vivons, votre courage comb.its. Telle est en effet la nature de ces
nous iemj)lit de consolations. Oui, fussiez-vous combats que, même avant de remporter la
entourée de loups , d'uni- multitude de mé- victoire, on est récompensé dans l'arène par
chants, nous ne redoutons (juoi que ce soit à ce i)laisir dont jouit une àme courageuse et
votre snjit, Touletois nous prions le Seigneur patiente. Ainsi aguerrie, elle se sent invincibie,
de mettre un terme aux ffliclions présentes,
. imprenable, supérieure à tous les dang-TS. Non,
de ne pas permettre que d autres surviennent, [lersonne ne pourra vous nuire, car au sein de
et en cela nous accuni plissons le précepte de cette tempête, vous êtes assise sur le roc ; vous
l'Evangile qui nous ordou .e de demander que voguez tranquillement sur celte mer irritée.

nous n'entrions pas en teiitation. Qu'? si Dieu Voilà quelles sont, avant le bonheur céleste,
les permet de nouveau, lous nous rassurons les récompenses de ladversilé <tans la vie pré-
en pensant à votre àme aussi pure que l'or, sente. Je le sais, oui, je le sais bien , vous vous
à ces trésors qu'elle en buma retirer, Quelle considérez comme déjà dépouillée do votre
448 TRADUCTION FRANÇAISE DE SAINT JEAN CHRYSOSTOMK.

corps ; la joie vous donne, pour ain^i dire, des tant de crimes, versez des larmes sur leur
ailes, et si les circouslances l'exig int , \ous conduite. Cila comient à votre sagesse. Vous
vous dépouillerez de ce corps mortel avec plus vouliez avoir des nouvelles de notre santé. Eh
do facilité que d'autre? ne se dépouillent de bien ! nous voici délivré de cette maladie qui
leurs vêtements. Réjouissez-vous donc, soyez nous causa it de si grandes souffrances et ,

heureuse, et à votre sujet, et au snji t de ceux maintenant nous n«>U5 portons mieux. Puisse
qui sont morts d'une mort {glorieuse, non dans l'hiver ne pis faire de mal à notre estomac qui
leurs lits, ni dans leurs maisons, mais dan? les est si délie U Quant aux IsdUiieus, nous n'avons
!

prisons, dans les fers, au milieu des sup|>lices. rien à craindre de leur part.
Déi)lorez au contraire le sort des auteurs de
LETTRES DIVERSES.

AVERTISSEMENT.

Dans les lettres qui suivent, saint Chrysoslome témoigne son affection aux personnes auxquelles il écrit, et les prie de lui don-
ner 'Je leurs nouvelles. — Le cœur de Tami et du saint s'épanche tout entier dans ses lettres, généralement courtes et con-
çues dans le style le plus simple et le plus familier. —Il en est plusieurs touletois où saint Chrysostome traite d'affaires
iinpoi tantes. Celles-là nous en donnerons des analyses spéciales.

LETTRE XVIII. pouvons point; la distance, l'hiver, la crainte

Cucuse, 404. des brigands sont autant d'obstacles qui s'y op-
posent. Nous voudrions au moins trouver de
A CARTER (E. fréquentes occasions de vous écrire, pour sa-
pleinement le besoin que nous avons de
tisfaire
Que vous nous écriviez souvent, que vous nous entretenir avec vous. Mais nous habitons
nous écriviez rarement, nous aurons toujours un désert, éloigné de toute grande route et ,

(It! votre charilé Tidée que nous en avons eue nous sommes privé môme de la consolation
dès le principe. Nous le savons en efîet, soit de vous écrire souvent. Vous nous pardon-
que vous nous que vous gardiez
écriviez, soit nerez donc. Mais soit que nous vous écrivions,
le silence, vos sentiments à notre égard ne soit que nous gardions le silence, soyez per-
changent pas. Daigne le Seigneur vous accorder suadés de notre bienveillance envers vous.
un prompt rétabli.ssenient et vous délivrer de Imputez notre silence prolongé au désert (jue
voire maladie Nous avons été fort inquiet en
!
nous habitons, et nullement à notre indiffé-
apprenant que vous étiez malade. Aussi nous rence à votre égard.
vous prions de nous donner de vos nouvelles
toutes les fois (jue vous le pourrez, et de nous
dire si vous vous portez mieux. Vous n'ignorez
pas combien nous nous aftliguons de vous sa-
voir malade, quelle joie nous é|trouvonsau con-
LETTRE XX.
traire, de quel plaisir nous sommes rempli, Cucuse, 404.

quand nous vous savons bien portante. Puisqu'il


en est ainsi, noble et généreuse dame, toutes A AGAPET.
les fois que vous le pourrez, n'hésitez pas à
nous écrire, et diîes-nous dans quel état de Je connais votre affection sincère, ardente et

santé vous vous trouvez. Vos lettres, croyez- franche pour notre personne ; je sais que rien
le bien, nous feront toujours le plus sensible ne peut l'affaiblir, ni les préoccupations, ni le
plaisir. temps, ni la distance; je sais combien vous
souhaitez de nous voir et de nous entretenir.
Miiis puisque la longueur du chemin, la ri-

LETTRE XIX.
gueur de la saison, les Isauriens ne le permet-
tent pas, réjouissez notre cœur par vos lettres,
404 on 405.
donnez-nous de vos nouvellos et des nouvelles
A MARCIEN ET A MARCKI.LIN. de votre maison. Si vous nous écrivez souvent,
nous en éprouverons beaucoup de joie et notre
Notre plus vif désir serait de vous voir, vous âme sera heureuse, même dans ce désert où nous
qui nous aimez si tendrement. Mais nous ne le vivons. Vous n'ignorez pas en eOet, illustre et

Tome IV
450 TRADUCTION FRANÇAISE DE SAINT JEAN CHRYSOSTOME.

vénéré seigneur, les vœux que nous formons fection, nous ne le trouverons jamais assez
pour votre santé. élevé, nous souhaiterons toujours qu'elle aug-
mente encore l'amour est une dette que l'on
:

paye sans cesse, et que l'on doit toujours. Ne


vous devez jamais rien les uns aux autres,
LETTRE XXI. sinou un amour mutuel. (Rom. xiu, 8.) Cette
Peut-être 405. dette, nous ne cessons d'en réclamer le paie-
ment vous vous acquittez abondamment il
: ,

A ALPHIUS. est vrai, et cependant nous ne croyons jamais


être complètement payé. Ah je vous en con- !

Heureux, trois fois heureux, mille fois heu- jure, cette dette précieuse, qui produit tant de
rcuX;, vous qui vous appliquez à des travaux, à charmes, ne vous lassez point de l'acquitter.
des affaires, qui vous mériteront une grande De part et d'autre on goûte un égal bonheur,
récompense, un riclie trésor dans les cieux. soit en acquittant cette dette, soit en recevant
Oui, vous nous avez comblé de joie, en nous le paiement car de part et d'autre on s'enri-
:

apprenant que vous avez fait tous vos efforts chit.


])Our déterminer le prêtre Jean à se rendre en
11 n'en est pas ainsi des dettes pécuniaires :

Pliénicie. Vous ne nous dites pas que vous lui


celui qui les acquitte devient plus pauvre;
avez donné de l'or votre piété vous imposait
;
celui qui reçoit le paiement devient plus riche.
FilencG mais cet acte de générosité, et tant
;
Rien de semblable dans ce contrat de l'affec-
d'autres encore n'ont pu nous rester mconnus. tion mutuelle. Quand s'agit d'argent,
il le
C'est pourquoi nous ne cessons de vous admirer
débiteur n'a plus rien en sortant de chez son
d nous \ous félicitons d'amasser ces richesses créancier. Mais l'àme n'est jamais vide, quand
qui sont les seules véritables richesses, et nous elle a soldé la dette de ratfection :au contraire
vous conjurons de nous écrire frétjuemment. elle s'est enrichie. Puisqu'il en est ainsi, pieux
'Nous achèterions Mon chiM- le plaisir de vous
et vénérés seigneurs, ne cessez de montrer ces
voir, si cela était possible. Mais puisque nous
dispositions à mon égard. Sans doute vous
sommes privé de ce bonheur écrivez-nous ,
n'avez pas besoin de cette exliortalion ; mais
de temps en temps, pour nous donner des nou- nous vous aimons trop pour ne pas attirer
velles de votre santé et de la santé de toute
sur ce point votre attention et pour ne pas
votre famille. Nous aurons toujours beaucoup
vous recommander de nous écrire souvent et
de plaisir à apprendre que vous vous [>ortez
de nous donner de vos nouvelles. Oui, votre
bien. Vous en êtes persuadé, et c'est pourquoi
santé nous est trop chère pour que nous ces-
vous ne voudrez pas nous priver de celle joie.
sions de vous faire cette demande, (jui je ,

l'avoue, n'est pas absolument nécessaire. Il ne


vous est pas facile, il est vrai, île nous écrire :

la rigueur de la saison, la difliculté des che-


LETTRE XXII. mins, la pénurie des messagers s'y opposent.
Vu tant d'obstacles, écrivez-nous du moins le
Gueuse, 405.
plus souvent que vous le pourrez : nous pres-
AIX l'UÈrULS U ANTIOCIIE, CASTLS, VALÉIUI'S, sons votre charité de nous accorder celle
DIOl'HAME ET CVIUAQLE. grâce. Sur votre demande, nous avons écrit à
notre pieux seigneur , le prêtre Romain ; et
Je ne suis passur|)ris(iue vous appeliez brève nous vous savons beaucoup de gré de nous y
une lellre pourlant si longue. C'est en elVel le avoir invité. C'est la vivacité de votre aflection
|)ropre de ceux (|ui aiment de ne pouvoir être pour nous qui vous a portés à nous donner,
rassasiés. IMuh ils reçoivent de ceux «|u'ils ai- avec tant d'enl|)I•e^senlent, ce conseil de nous
inenl, |)lus leiu- désir s'accroît. Nous vous au- unir plus étroitement avec ces hommes si dis-
rions adressé une lettre dix fois plus longue tingués. Quand vous aurez reçu que
la lettre
<|ue vous l'auriez encore appelée courle iion- ; nous lui avons écrite, nous vous prions de la
seulemenl vous l'auriez ainsi ai»|)elée, mais eu lui remetlre. Avant même de l'avoir reçue,
réalité vous l'eussiez trouvée trop courte.
, SiUuez-le de notre part. y a longtemps que 11

JNous aussi, quel que soit le degré de votre af- nous ressentons pour lui beaucoui) d'alkcliout
T,ETTnES, ir;i

Je souhaite que vous lui dipiez vous-inèmcs bonne volonté, et je vous eu félicite. Vous êtes
que cette alVection ne s'est pas afTaiblie, et que venu autant qu'il dépendait de vous, et vous
c'est ])our nous un vrai bonheur de l'entre- n'occupez point dans notre cœur moins de
tenir dans notre âme. Diles-hii (|ue, si nous ne jilace (}ue ceux qui nous ont visité de leur

hii avons pas écrit, ce n'est pas négli^^encc de personne. Dieu vous délivrera, je l'espère, de
notre part; c'est que nous attendions une votre maladie, rétablira votre santé, et nous
lettre de lui. 11 nous a prié de lui écrire le pre- aurons le bonheur de vous voir et de jouir de
mier; nous le faisons, et nous le ()rions à nuire votre présence. Nous désirons vivement vous
tour de nous écrire souvent. voir,vous embrasser et baiser votre tète chérie.
Tani (|uc votre maladie et le mauvais temps
nous priveront de ce bonheur, nous ne cesse-
rons de vous écrire et de puiser dans cette ex-
LETTRE XXllI. pression de nos sentiments une joie véritable.

Gueuse, '105.

AU PRÉTUK ROMAIN. LETTRE XXV.

Très-pieux et très -vénéré seigneur, vous Gueuse , '101.

savez quels sont nos sentiments à votre égard ,

A l'ÉVÊQUE ELPIDIUS.
et quel lien étroit la charité a formé entre
nous. Nous admirons la douceur de vos
Nous voudrions vous écrire bien souvent, et
mœurs, nous sommes ravi de l'éclat de cette
vous n'en doutez pas, très-vénérô seigneur.
vertu, qui vons gagne les cœurs de tous ceux Mais nous sommes privés de cebonlutur, parce
(|ui vous approchent. C'est pourquoi, malgré
que rarement on vient jusqu'ici; c'est un pays
la distance qui nous sépare, vous occupez sans
désert que nous habitons; ce qui le rend plus
cesse notre pensée et dans quelque désert
;
désert encore, c'est la crainte des voleurs, et la
qu'on nous entraîne, nous ne pourrons ou-
mauvaise saison; Cucuse est pour ainsi diro
blier votre charité. Mais nous vous voyons,
inaccessible. Toutes les fois que nous rencon-
comme si vous étiez ici ; nous nous représen-
trons un voyageur, nous satisfaisons notro
tons vos traits par les yeux de la charité ; ou
désir, et c'estpour nous une bien grande joie.
phitôt nous vous contemplons vous-même et
Cette lettre nous vous l'envoyons par des
,

nous faisons partout l'éloge de votre piété.


prêtres, nos vénérés seigneurs, pour otfrir à
Nous vous demandons à notre tour de vous
votre piété nos salutations empressées, et vous
souvenir de nous d'entretenir dans votre
,
prier de nous écrire et de nous donner des
cœur cette vive affection que vous nous avez nouvelles de votre santé aussi souvent (jue vous
toujours témoignée de prier avec ardeur
;
le {)Ourrez. Vous n'ignorez pas, en effet, très-
pour notre humilité, enfin de nous écrire et de pieux et très-vénéré seigneur, combien nous
nous donner des nouvelles de votre santé. Ce serons heureux d'en recevoir. Rien (jue retire
sera pour nous une grande consolation dans la
aux extrémités du monde, nous ne pouvons
solitude où nous sommes, que de jouir, même
cependant oublier votre sincère et ardente cha-
à une si grande dislance, du secours de vos
rité. Mais quelque part que nous allions, elle
prières.
nous y suivra pour répandre la consolation
dans notre cœur.

LETTRE XXIV.
LETTRE XXVL
Gueuse, 404.

Gueuse, 404,
A nÉSYCHIUS.
A l'êvlole MAGNUS.
,0Us me demandez pardon de n'être pas
venu me trouver, et vous me dites que la ma- Vous ne nous avez pas envoyé de lettres par
ladie vous en a empêché. Je vous loue de votre les prêtresqui sont venus ici. Toutefois, en
452 TRADUCTION FRANÇAISE DE SAINT JEAN CHRYSOSTOME.

souvenir de notre ancienne amitié, plein d'ad- vrons de vos lettres, tant nous en éprouverons
miration pour la douceur de vos mœurs et la de joie.
fermeté de votre âme, profondément touché
de votre amour pour nous, nons nous empres-
sons de vous écrire le premier, pour vous re-= LETTRE XXVIII.
mercier de votre bienveillance à notre égard ;

car, malgré la distance (jui nous sépare, cette Gueuse > environ 404.

bienveillance nous est connue. Nous vous


prions de nous écrire aussi souvent que vous AD PRÊTRE BASILE.

le pourrez et de nous donner des nouvelles de

votre santé. C'est pour nous une grande conso- Nous n'avons pas eu le bonheur de vous
lation de savoir en bonne santé ceux qui nous voir, mais nous avons entendu parler de vos
aiment et qui s'occupent des Eglises avec vigi- vertus, du zèle que vous mettez à renverser les

lance et avec ardeur. Informé de tout cela, erreurs des gentils, à les convertir à la vraie
très-pieux et très-vénéré seigneur, ne craignez religion, et c'est pourquoi nous vous estimons,
pas de nous importuner par vos lettres, quand nous vous vénérons comme si nous vous avions
même on nous entraînerait aux extrémités du vu, comme si nous avions longtemps vécu dans
monde, ce sera pour nous un grand soulage- votre familiarité. Nous nous empressons donc
ment à nos peines que de recevoir de vos nou- de vous écrire, pour vous féliciter des succès
velles. que vous obtenez, pour vous témoigner toute
notre admiration et vous prier de nous écrire,
dès que vous le pourrez. Nous sommes lom de
vous par le corps, mais nous sommes unis
ensemble par les liens de la charité, quand
LETTRE XXVII. nous songeons à votre piété. Bien persuadé de
nos dis|)o>itions écrivez-nous de temps en
,
Gueuse, 404.
temps, faites-nous connaître vos succès, et ap-

A l'évêqle domnus.
portez ainsi quelque soulagement aux maus
que nous endurons dans ce désert.

Nous remercions votre piété , très-vénéré


seigneur, de nous avoir envoyé ce digne prêtre
et de nous avoir écrit. C'est une double |)reuve
de votre charité sincère et de votre ardente LETTRE XXIX.
affection pour nous. Aussi, au fond de cette so-
Gueuse, 403,
litude, avons-nous éprouvé la plus vive conso-
lation. Se sentir aimé |)ar des hommes tels que A CnALCIPIE ET A ASVNCRITIE.
vous, ce n'est pas une faible jonissance. Je
souhaiterais beaucoup de vous voir, et de me Ne VOUS laissez pas abattre par les afllictions
rassasier de votre bienveillante tendresse. Mais qui vous surviennent ;
que les tlots si multi-
cela n'est point possible; nous, cela ne nous est pliés des atTaires ne jettent point le trouble
point permis; pour vous, vous estdiflicilede
il dans vos âmes. Telle est en effet cette voie
venir ici, que réclame votre
à raison des soins étroite et resserrée dont parle l'Evangile; elle
Eglise. Nous sonmies donc forcé de nous con- n'offre que difficultés, sueurs et fatigues. Mais
tenter de cotte joie (|ne vos lettres nous |)ro- tout rela passe et s'écoule avec la vie présente.
curcnt. Une une anVelion sin-
lollreoù respire c'est une voie étroite, mais cepen-
Sa 11'^ doute
cère, contribue puissamment à consoler d'une dant cesl une voie. Supporter ces maux avec
longue séparation. Daignez donc nous écrire résignation et générosité, c'est mériter des
et nons inrormei' de voire santé, aussi souvent palmes innuortellt s, digne récompense des
que vous le pourrez. Votre amitié, nous la re- fatigues passées. Envisagiz d'une part le peu
gardons comme un trésor abondant, comme la de consistance la brièveté
, de l'aflliction
source d'un bonluMir inelfable. Faites (|ue nous d'autre part la perpétuité, la durée iiiiinie des
en jouissions fréquenmienl. Nous ne nous croi- récompenses, et supp^irtez avec courage la tri-
rons plus dans un désert, quand nous rece- bulalion, sans vous laisser troubler par aucun
LETTRES. 4S3

événement fâcheux. Il n'y a vraiment rien de


fàclioux ([ue le péché. Tout le reste, exil, con-
LETTRE XXXI.
fiscationdes biens, prisons, embûches, c'est
une ombre, une fumée, une toile d'araignée, Gueuse, 405 t

moins encore. Par le passé vous vous êtes ha-


bituées à supporter de nombreuses épreuves, A MARCELLIN.
montrez encore aujourd'hui la même patience.
Elle aura pour effet de vous établir dans une
Nous avons tous deux, il est vrai, gardé
grande sécurité, dans un calme parfait, et de
longtemps le silence. Toutefois nous n'avons
point perdu le souvenir de cette vieille et sin-
/ous combler de gloire. Ecrivez-nous par l'en-
cère amitié qui nous unit. Votre amour est
tremise de ceux que leurs affaires amènent
toujours vivant et jdein de force dans notre
jusqu'ici, et informez -nous de l'état de votre
santé.Vous savez tout l'intérêt que nous y pre- cœur, et, quelque part que nous allions, il nous
suit et nous console dans nos maux. Aussi,
nons, et combien nous souhaitons d'en avoir
des nouvelles.
comme nous avons rencontré des voyageurs
qui se rendent dans votre pays, nous en avons
profité pour vous adresser nos salutations. Fus-
sions-nous emmené aux extrémités du monde,
LETTRE XXX. votre souvenir demeurera profondément gravé
dans notre âme. Avec de pareils sentiments, on
Cueuie, 404.
est heureux non-seulement d'écrire à ceux que
l'on aime, mais aussi de recevoir de leurs nou-
A l'évéque heortius.
velles. Accordez-nous donc cette seconde joie,

J'aurais voulu recevoir une lettre me don- vénéré seigneur. Toutes les fois que vous le
pourrez écrivez-nous et informez-nous de
nant des nouvelles de votre santé. Vous savez ,

l'état de votre santé. Vous savez quel intérêt


en effet, très-vénéré seigneur, quelles ont tou-
nous y prenons, et quelle joie c'est pour nous,
jours été mes dispositions à votre égard. Vous
dans le désert où nous sommes, d'apprendre
n'avez sans doute pas trouvé de messagers que
vous pussiez charger de vos lettres. Pour nous,
que vous vous portez bien.
plus heureux en cela, nous pouvons vous écrire,
et vous [)rier de nous écrire à votre tour et de
nous donner de ^os nouvelles. Dans ce pays,
le plus désert qu'il y ait, nous avons sans cesse
LETTRE XXXII.
à redouter les voleurs, et à souffrir mille dou-
Cacuse, 404.
leurs inévitables en pays étranger, dans
,

un désert comme celui-ci. Cependant si vous A EULALIE.


nous écrivez souvent, vous qui nous êtes si
cher, pour nous informer de votre santé, mal- Je reçois de vous moins de lettres que je ne
gré tant d'ennuis, nous nous sentirons con- vous en envoie. Néanmoins je continue à vous
solé.Vous savez en effet quelle est la puissance écrire. Je me satisfais moi-môme en m'adres-

de l'amour; vous savez que ce n'est pas seule- sant à une âme (jui me porte une affection si

ment la vue des amis, mais aussi leurs lettres ardente et si sincère. Mais comme je suis très-

qui sont remplies de consolations. Puisqu'il en désireux de connaître l'état de vos affaires, je

est ainsi,donnez-nous bien souvent ce plaisir, voudrais recevoir de vos lettres, et apprendre
et faites-nous parvenir de vos nouvelles. Rien ce que que
je souhaite de savoir, c'est-à-dire,

de plus agréable pour nous que de savoir <iue votre cœur calme et sans inquiétude. S'il
est

vous vous portez bien. en est amsi, je ne doute pas que vous ne don-
niez tous vos soins à votre âme, et que mépri-
sant les choses temporelles vous ne marchiez
dans la route des cieux, car la noblesse de votre
âme nous est connue elle sait bien s'affran-
:

chir du tumulte des affaires et des pensées


mondaines. Dites- vous donc que vous nous

i
451 TRADUCTION FRANÇAISE DE SAINT JEAN CHRYSOSTOME.

faites plaisir, chaque fois que vous nous écri- j'admire votre bienveillance à mon égard. Nous
vez, et écrivez-nous aussi souvent que vous le vous en remercions, et nous ne vous repro-
pourrez. Donnez-nous cette consolation au mi- chons qu'une chose, c'est de ne nous avoir pas
lieu de ce désert que nous habitons. Oui, en ditque vousvousportiezbien; ce que nous dési-
nous écrivant, en nous informant de votre santé rions tant apprendre. Nous sommes donc vive-
de la santé d'une personne qui nous aime, vous ment inquiet de ne pas savoir où en est votre
nous causerez beaucoup de joie et la vivacité ; maladie et nous éprouverons une grande joie,
;

de cette joie nous empêchera de penser à ce si vous nous mandez promptcment que vous
désert où nous passons notre vie. êtes tout à fait guérie. Informée ainsi de notre
désir, procurez - nous, je vous en prie, cette
joie qui nous consolera dans notre exil et notre
infortune.
LETTRE XXXIII,

Caciue, 404 ou 405,

LETTRE XXXV.
A ADOLIA.
(Gueuse, 405.)

Nous avons une preuve de votre sincère et


\ive affection dans ces nombreuses lettres que A ALPUIL'S.

vous nous adressez, malgré le mauvais état de


Puisse le Seigneur vous récompenser et
votre santé. Nous souhaitons ardemment de
maintenant et après cette vie de cette affection
vous voir rétablie et de jouir ici de votre pré-
si franche si ardente, si pure, si constante
sence, dè<î que cela sera possible. Vous en êtes ,

bien persuadée, pieuse et vertueuse Adolia,


que vous nous portez! Vous nous en avez donné
de nombreux, d'éclatants témoignages, nu\lgré
Comme je vous l'écrivais , nous sommes plein
la distance qui nous sépare, très-noble et très-
d'inquiétude à votre sujet, car par vos lettres
vénérc seigneur. Nous vous en remercions, et
nous conjecturons assez Ui gravité de votre ma-
nous voudrions vous écrire bien souvent. Nous
ladie. Aussi dès que vous vous trouverez mieux,
ne pouvons vous écrireaussi fréquemment que
hâtez - vous de nous en faire part et de nous
nous le souhaiterions; nous vous écrivons du
rassurer. Vous n'ignorez pas combien votre ma-
moins aussi souvent que possible. Vous savez
ladie nous préoccupe. Ne néiJiligez donc pas de
cumbien l'hiver et les brigands rendent les
satisfaire à notre demande. A quoi bon d'ail-
chemins difficiles. C'est pourquoi si nous ,
leurs tant vous exhorter ? Je suis sûr que vous
gardons longtemps le silence, ne l'imputez
nous écrirez toutes les fois (jue vous en trou-
jias à la négligence mais uniquement au
,
verez l'occasion.
manque d'occasions. S'il nous eût été possible
de vous écrire plus souvent, nous n'aurions pas
omis de le faire. C'est un grand bonheur pour
LETTRE XXXIV. nous que de pouvoir vous adresser nos saluta-
tions. Ecrivez-nous donc souvent vous-même,
Cucuso, 404.
et informez-nous de l'état de votre santé. Per-
sonne ne nous a remis ce que vous dites m'a-
A CARTÉKIi:.
voir envoyé celui qui nous rapport;iit, a eu
:

C'est une preuve de votre


atfection, de votre peur des brigands, et n'est pas venu jusqu'ici.
sollicitude, de votre bienveillance pour nous, Au reste si vous m'aimez, ne m'envoyez rien ;
que ce baume que vous nous avez envoyé en ne vous créez point tant de peines et d'embar-
•y joignant l'huile de nard et d'olive
ras. Le plus beau présent que vous puissiez
pour l'a-
doucir et nous en facililer l'usage, car un trajet nous faire, c'est une alïection sincère et ar-
si long ne pouvait manquer de le dessécher. dente.Nous la possédons, et cette pensée suflit

Vous l'avez préparé vous-niènie, sans vous dé- pour nous rendre heureux.
charger de ce soin sur d'autres; vous avez tenu
moins à me le faire rapidement parvenir,
qu'à m'en assurer les avantages et en cela ;
LETTRES. m
nous trouver : nous ne savons donc rien de
ce qu'il devait nous dire de votre part. Nous
LETTRE XWVI.
ne l'avons rencontré nulle part. Instruit (|uc
Cucuse, de 401 à 107. vous êtes, faites-nous savoir d'une autre ma-
nière ce qu'il devait nous apprendre; ajoutez-
A MARON, PRÊTRE ET MOINE. y ce que vous croirez utile que nous sachions,
et donnez-nous des nouvelles de voire santé,
Nous nous sommes unis par les liens de la
qui nous est si chère, qui nous préoccupes!
charité et de la bienveillance, et nous vous con-
vivement et dont nous désirons être informé.
templons, comme si vous étiez en notre pré-
sence. Tels sont en eflét les yeux de la charité ;

leurs regards franchissent toutes les distances,


et le temps ne saurait les alVaiblir. Nous so\ihai- LETTRE XXXVin.
terions de vous écrire plus souvent ;mais cela
nous est difficile, soit à cause des chemins, soit Cucuse, probablement 405.

à cause de la rareté des voyageurs. Nous vous


adressons donc nos salutations, toutes les fois AU MÉDECIN HYMNÉTIUS.
que cela nous et nous vous assu-
est possible ;

rons que sans cesse vous êtes présent à notre Bien que nous vous écrivions rarement,'
mémoire, que nous portons voire souvenir
et vous êtes sans cesse présent à notre mémoire.
dans notre ànie partout où nous nous trouvons. N'avons-nous pas eu ces jours derniers un
Empressez-vous à votre tour de nous informer grand témoignage de votre vive, ardente et sin-
souvent de l'état de votre santé. Séparé de vous cère amitié ? C'est pourquoi nous envoyons
[)ar le corps, nous nous réjouirons de recevoir entre vos bras, comme dans un port excellent,
de temps en temps de vos nouvelles, et au fond notre vénéré soigneur, Tévèque Scleucus. Il
de ce désert nous ressentirons beaucoup de con- est atteint d'une toux fort grave, que la mau-

solation. C'estun véritable bonheur pour nous vaise saison ne fait qu'augmenter encore et
que de vous savoir en bonne santé. Mais sur- rendre plus pénible. Maintenant que vous sa-
tout ne négligez point de prier Dieu pour nous. vez la nature du mal, vénéré seigneur, effor-
cez-vous de calmer ses douleurs, opposez à son
infirmité la puissance de votre art, qui a si
souvent sauvé du naufrage tant d'hommes ex-
LETTRE XXXVII. posés à la violence des mêmes flots.

Gueuse, 401 ou 405.

A L EVEQUE TRANQUILLINUS.
LETTRE XXXIX.
Notre vénéré seigneur , l'évèque Séleucus, Cucose, 404 ou 405.

désireux de nous revoir, a quitté sa ville épis-


copale et s'est rendu jusqu'ici. C'est par amour A chalcidie.
pour vous qu'il nous a laissé pour retourner
chez lui. L'affection qu'il vous porte lui a fait Je sais quelle est depuis longtemps votre af-
mépriser l'hiver, la difficulté des chemins, les fection pour nous. Loin de s'affaiblir, elle ne
infirmités même les plus graves. Louez-le fait (jue s'accroître : la séparation , le tem[)S,

donc de tant d'amour et de tant de zèle vé- , au lieu de la diminuer, la fortifient. Je sais

néré seigneur, et en récompeuFe de tant de aussi quel plaisir vous causent nos lettres.
fatigues témoignez-lui, comme de coutume,
,
Pour vous, soit que vous nous écriviez, soit
la plus viveaficctiou. Nous l'avons envoyé dans que vous gardiez le silence vous persistez ,

vos bras conune dans un port tranquille car


, : dans vos dispositions envers nous. Combien de
n'en avons-nous pas fait l'expérience, dans
nous connaissons votre douceur, votre cha- fois

rité sincère , ardente , et toujours ferme. Si les circonstances les plus variées ? Je vous prie
vous trouvez une occasion, donnez-nous de vos donc de nous conserver toujours les mêmes
nouvelles. Eupsychius n'est pas encore venu sentiments nous avons eu tant de gages ,
:
456 TRADUCTION FRANÇAISE DE SAIN'l JEAN CHRYSOSlOJlE.

tant de témoignages de votre sincère attache- prolongé, que cette multitude d'affaires peut
ment 1 Votre image est comme gravée au fond l'excuser. Mais votre grandeur d'âme et votre

de notre âme; jamais ne pourra l'effa-


l'oubli charité si ardente, si sincère, si pure, si con-
cer, bien que les occasions nous manquent stante, nous est trop bien connue pour que
pour vous écrire souvent. Soyez bien persua- nous nous contentions d'une pareille excuse.
dée de tout ce que je viens de vous dire, et Ne dites pas non plus que vous n'habitez plus
donnez-nous de temps en temps des nouvelles le même pays. Nous ne l'ignorons pas. Une

de votre santé. Sans doute, à défaut de lettres, seule chose peut nous consoler de votre long
nous interrogeons ceux qui viennent de chez silence, c'est qu'il vous plaise de nous en dé-
vous néanmoins nous désirons d'apprendre
;
dommager, en nous écrivant souvent de lon-
souvent par vos letlrea comment vous vous gues lettres dans ce style aussi doux que le
portez. miel. Informez-nous dune manière précise de
votre état de santé. Même au miheu de ce dé-
sert, et assiégé de tant de douleurs, nous ne

cessons cependant de nous inquiéter à votre


LETTRE XL.
sujet, et chaque jour nous demandons comment
Cucuse, 4.04. vous vous portez. Ecrivez-nous donc; c'est de
votre bienveillance que nous voulons appren-
A ASYNCRITIE. dre que vous vous portez bien, et non par une
autre voie. Nous serons au comble de nos vœux,
Je sais que vous êtes plongée dans une grande si nous recevons une lettre (jui nous donne
affliction. Mais je sais aussi que vous recevrez celte heureuse nouvelle.
en retour de grandes récompenses aux souf- ;

frances succédera la joie et le bonheur. La


tristesse procure à l'àme de grands avantages,
et lui mérite de nombreuses palmes. Que ces LETTRE XLII.
réflexions servent à répandre dans votre âme Cucuse, 401.
d'abondantes consolations. Ne voyez pas seule-
A CA>DIDIEN.
ment les douleurs causées par l'adversité
voyez aussi l'utilité qui en résulte; et ne cessez Une grande distance nous sépare et depuis
pas de nous informer de votre santé. C'est bien longtemps.Que de causes de souffrances
pour nous un grand chagrin de vous savoir pour moi Je vis dans un désert affreux, sans
!

malade. Aussi désirons-nous apprendre bientôt cesse assiégé, sans cesse entouré d'embûches,
que la gravité du mal a diminué, pour que sans cesse inquiété par les incursions des bri-
nous soyons délivré de toute inquiétude. gands, et de plus, en proie à la maladie. Rien
de tout cela pourtant n'affaiblit mon amour
pour ^ous; au contraire, il couserve toute son
énergie et toute sa force, et quelque part que
LETTRE XLL nous soyons, nous vous avons jirésent à l'es-
Gueuse, 404.
prit et à la pensée; nous ne vous oublierons
jamais. Oui, la noblesse de votre âme, sa sin-
A VALEISHN. cérité, la fermeté et la constance de votre cha-
rité et de votre bienveillance demeureront
que je vous écris, sans
C'est la troisième fois gravées dans notre cœur. Telle est ici notre
que vous m'ayez écrit vous-même. Mais vous vie; c'est pour nous une très-grande consola-
avez reçu mes lettres avec bonheur, vous avez tion que le souvenir de vos vertus. Ecrivez-
honorablement accueilli celui qui vous les a nous de temps en temps, athnirable et magna-
remises; vous avez fait ce (jui dépendait de nime seigneur, et donnez-nous des nouvelles
vous pour mener à bonne une œuvre où
fin de votre santé. Vous savez combien elle nous
votre imissance était nécessaire. Nous savons intéresse , et combien nous souhaitons d'en
tout cela. Toutefois vous ne nous écrivez pas. être informé. Vous nous procurerez un double
S'il s'agissait d'une ànie moins généreuse que plaisir, celui de recevoir votre lettre, et celui

la v(Mrc, nous croirions, après un silence si (rap[ircndrc que vous vous portez bien.
LETTRES. «7
nait d'entreprendre un long voyage. Si nos
lettres peuvent m'en re-
lui être transmises, je
LETTRE XI IIL
mets sur vous de ce soin; si c'est chose impos-
CUCUM, lOS. sible, allez du moins trouver le noble et vénéré
Marcellien et dites-lui de m'excuser auprès
,

À BASSIANA. d'elle , s'il lui écrit. Qu'elle sache bien que


mon silence ne vient point de la négligence,
Vous avrz trop lonpttmps gardé le silence. mais de son absence jtrolongée; que cette ab-
C\v It! vérKMalile et puiix diacre iliéodote j>oii- sence seule m'a empêché de lui écrire fré-
\ait vous dire quels étaient ceux qui venaient quemment.
ici.Nous n'eu concluons point cependant que
votre affection pour nous se soil affaiblie. Nous
la connaissons tro|) bien; nous savons combien

elle est vive, sincère, inébranlable. xVussi, que LETTRE XLV.


vous nous écriviez ou que vous gardiez le
De -104 k 407.
silence, nos dispositions à votre égard restent
les mêmes, et nous ne pouvons douter de la
AU PRÊTRE SYMMAQUE.
sincérité de votre bienveillance. Toutefois,
écrivez-nous souvent pour nous donner de vos Est-il étonnant d'être accablé de douceurs,
nouvelles et des nouvell'.s de toute votre mai- quand on marche dans la voie étroite? La
son. PulîSeut-elles nous apprendre ce que nous vertu de sa nature amène les fatigues les ,

désirons savoir. Votre société, aous en êtes per- sueurs, les embûches et les périls. Voilà ce
suadée, nous est très-clière. Ainsi donc, très- que l'on rencontre sur le chemin mais vien- ;

pieuse et très-noble dame, accordez-nous celte nent ensuite les couronnes les palmes , les ,

faveur. Vous le pouvez facilement; ce n'est pas biens mystérieux de rélernité. Consolez-vous
trop exiger devons, et, dans le désert où nous -bas les biens et les maux
par cette pensée ; ici
sommes, nous éprouverons une grande conso- s'écoulent avec la vie , ils finissent avec elle.
lation. Ne vous laissez donc ni enfler par les uns, ni
abattre par les autres. Un habile pilote ne se
néglige point, quand la mer est calme il ne , se

LETTRE XLIV. trouble point non plus au fort de la tempête.


Ce sont là vos sentiments, trouvez-y de quoi
Gueuse, 405. vous consoler et vous soutenir dans votre
,

affliction; et donnez-nous de bonnes nouvelles


AU DIACRE TIIÉODOSE. de votre sauté. Car si nous sommes loin l'un
de l'autre et depuis si longtemps, la charité
,

que vous ne nous écririez pas,


Je sais bien nous rassemble. Elle nous suivra partout
si vous pouviez venir vous-même. Mais vous toujours énergique car telle est la nature de
;

mettriez tout de côté pour venir ici , sans la cette affection.


mauvaise saison, la triste situation des affaires,
de jour en jour plus aifreuse qui
et la solitude
règne en ces lieux. Je n'ai pas besoin que vous
nie le disiez. L'amour que vous avez pour moi LETTRE XLVI.
m'en est un sur garant. Quand même vous ne
De 401 à 107.
m'en auriez pas fait souvenir, j'aurais écrit à
tout le monde. Nous n'en avons pas moins A ML'FUN.
admiré votre affection, qui vous a porté à nous
donner ce conseil dans voire dernière lettre. J'aurais voulu vous écrire plus souvent,
C'est le conseil d'une âme vivement inquiète très-pieui et très-vénéré seigneur, parce que
à notre sujet et toute pleine d'une affection je vous aime d'un bien vif amour; vous le sa-
sincère. Aussi n'ai-je oublié personne; j'avais vez bien. Il dépend de nous de vous aimer,

écrit la veille à la pieuse Caitérie,et j'ai appris il ne dépend pas de nous de vous écrire. Oui,

qu'elle n'était plus chez elle ; mais qu'elle ve- nous sommes libre de vous aimer; nous ne
m TUADUCTION FRANÇAISE DE SAINT JEAN CHRYSOSTOME.

sommes pas libre de vous écrire, tant à je sais que ni les embarras, ni les soucis, ni
cause des chemins si difficiles, qu'à cause de l'adversité, ni le temps, ni la distance
ne pour-
la saison où nous sommes. Nous ne cessons de ront pourquoi je désire recevoir
l'affaiblir. C'est

vous aimer, il ne nous est pas toujours permis souvent de vos lettres et apprendre que vous
de vous écrire. Que dis-je ? mais nous vous vous portez bien. Si vous voyez dans ces paroles
écrivons sans cesse, non pas, il est vrai avec , quelque reproche, ne croyez pas que nous
de l'encre et du papier, mais par notre volonté vous accusions de négligence; nous deman-
et notre cœur; c'est le propre du véritable dons seulement que vous nous écriviez souvent
amour. des lettres semblables à la précédente. Faites-
nous ce plaisir, très-noble et très- vénéré sei-
gneur. Rien de plus aisé pour vous; rien ne peut
LETTRE XLVII. nous être plus agréable dans le désert où nous
Gueuse, 405. sommes.

A NAMCEA.

Pourquoi chercher une excuse dans un acte LETTRE XLIX.


que nous aimons à louer et à célébrer? Nous Probablement 405.
vous savons gré de nous avoir écrit mais nous ;

pourrions vous reprocher de l'avoir fait un peu A ALPHIUS.


tard. Si vous croyez avoir fait preuve de har-
diesse en nous écrivant, oubliez ce mérite, et J'aurais voulu vous écrire plus souvent ;

songez à vous disculper du retard que vous y mais le manque de messagers ne m'a point
avez mis. Car plus vous nous direz que vous permis de réaliser ce désir. La solitude de ce
nous aimez, loin de nous, comme près de nous, lieu, la crainte des Isauriens, la rigueur de
plus votre faute vous nous
sera grave. Si l'hiver n'engagent guère à venir souvent dans
aimiez, comme tant d'autres nous aiment, ce pays. Néanmoins soit que nous vous écri-
,

votre silence ne nous eût point surpris. Mais vions, soit que nous gardions le silence, nos
quand vous protestez de la sincérité et de la dispositions envers vous ne changent point;
vivacité de votre affection, quand vous nous oui, nous savons quel est votre zèle pour les
dites que le mauvais état des chemins, que la âme, quel est votre empresse-
intérêts de votre
crainte des brigands ne vous eût pas empoché ment pour tous ceux qui vivent dans la piété
de venir nous voir que la maladie seule s'y
, avec quelle ardeur vous vous acquittez de cette
est opposée vous n'avez plus qu'un moyen de
, noble tâche. Donnez-nous donc souvent, noble
nous satisfaire, c'est de nous écrire un millier et vénéré seigneur, des nouvelles de votre
de lettres pour expier votre faute; faites-Ic santé, et de la santé de toute votre maison.
donc, et nous ne vous demanderons plus rien. Ainsi,même dans ce désert, vous nous ferez
Celte lettre si tardive que nous venons de rece- éprouver une vive joie.
voir, par la vive aflection qu'elle respirait, a
payé la dette du passé. Que les autres n'imi-
tent point la lenteur de celle-ci. Nous serons
convaincu que ce n'est point la paresse,mais LETTRE L.
ime crainte sans fondement , comme vous le
Cucusc, iOi.
dites, qui l'a retardée , si les autres nous arri-
vent promptement et fréquemment. A DIOGKNE.

Nous savions de l'affection que


la sincérité

LETTRE XLVIII. vous nous portez ; nous est encore mieux


elle
connue aujourd'hui que, au sein d'une si vio-
A AKADIL'S. lente tempête, vous vous êtes montré plus eni-
l)ressé, plus affectueux que jamais. Nous vous
Je sais quelle est votre affection pour moi admirons donc, et nous ne cessons de vous bé-
combien elle est sincère, vive et persévéïaule ; nir. Siuis doute vous recevrez une ineffable
LETTRE!^. m
ïécompense de ce Dieu qui rend au centuple rez doublement récompensé, et pour vous être
tout le bien c|Uo l'on l'ail par ses actions ou [)ar montré si généreux à l'égard de ceux cpii
ses paroles. Nous aussi, nous vous recoini en- évangélisent les gentils de ce pays, et pour
sons connue nous pouvons, en vous admirant, leur avoir envoyé un tel homme en vue de les
en vous louant, en vous félicitant sans cesse, consoler; maintenant surtout, qu'ils sont en
en vous aimant, en vous vénérant, en vous face de tant de difficultés et en butte à tint
portant continuellement dans notre pensée, d'attaques. Considérez la grandeur de cette
en nous tenant uni à vous par le lien si fort de action, n'apportez pas de délai à son départ ;

rafl'eelion. Que nous soyons du nombre de qu'il se mette en route imniédialtrncnl. (i'tst

ceux ijui NOUS aiment le plus vivement, vous ainsi, très-vénéré seigneur, c'est par ce noble
n'en doutez pas, très-pieux et très-vénéré sei- empressement, que vous vous ménagerez de
gneur; aussi ne soyez pas mécontent de nous, grandes récompenses auprès du Dieu miséri-
à l'occasion de ces présents que vous nous avez cordieux.
envoyés. Nous en avons exprimé, nous en
avons recueilli tout l'honneur qu'ils conte-
naient, et nous vous les avons renvoyés, non LETTRE LU.
par mépris ni par défiance, mais parce que
Ecrite, à ce que Toa pense, à Cucuie, 404,
nous n'en avons aucun besoin. Nous avons
tenu la même conduite à l'égard de beaucoup
A ADOLIE.
d'autres.Beaucoup d'autres, en eflet, non
moins nobles que vous non moins remplis
, Nous avons appris que vous avez fait une
d'amour ù notre égard, comme vous pouvez fort dangereuse maladie, et que vous avez été
le savoir, nous ont fait parvenir aussi quelques sur le point de mourir, mais nous savons aussi
présents, et aupiès d'eux, il nous a suffi des que vous allez mieux, et que désormais hors
excuses que nous vous présentons en ce mo- de danger, vous êtes en voie de recouvrer
ment. nous nous trouvions dans le besoin,
Si la santé. Votre lettre n'en [)arle pas; c'est
c'est avec la plus grande liberté que nous vous par d'autres que je l'ai su; j'aurais voulu l'ap-
demanderions (jucUiue secours, comme si vos prendre de vous-même. Il suffit d'ailleurs, pour
biens étaient les nôtres. Reprenez donc au- nous consoler, que vous ayez échap|)é à cette
jourd'hui vos présents, gardez-les avec soin, maladie. Toutefois, nous ne sommes pas con-
afin que, dans l'occasion, nous puissions vous tent de votre long silence. Nous voudrions,
les redemander en toute liberté. vous le savez bien, vous voir ici de nos yeux.
Sans la maladie, rien ne s'y opposait; car l'hi-
ver de ce pays ressemble assez à un doux prin-

LETIRE U. temps, et l'Arménie n'est pas inquiétée par les


Isauriens. Cependant nous ne voulons pas vous
Cucu-:e, 405. contraindre, vous forcer à venir ici malgré
vous. Mais ni la crainte des Isauriens, ni la ri-

AU MÊME. gueur de l'hiver, ni la difficulté des chemins,


ne peuvent vous empêcher de nous écrire, et
Apres vous avoir écrit une première lettre, c'est ce que nous vous demandons. Vous nous
j'aivu le vénérable et pieux Aphraate qui , portez une vive, une sincère affection; écrivez-
nous est si étroitement uni. 11 ne voulait point nous donc bien souvent. Si vous nous infor-
nous quitter, il nous menaçait même de ne mez souvent de votre santé, de la joie de votre
vouloir pas recevoir nos lettres si nous ne , àme, ce sera pour nous une grande consola-
consentions à accepter vos présents. Nous tion. Puis(iue vous savez tout le plaisir que
avons mis à cette affaire un sceau qui vous vous nous causerez, n'hésitez donc pas à nous
réjouira, nous n'en doutons point, et que écrire souvent. Vous savez combien nous vous
vous agréerez certainement. Quand il vous chérissons, et quel intérêt vous nous avez tou»
aura fait part de mon dessein, chargez-le lui- jours inspiré.
même de le mettre à exécution. Vous n'igno-
rez pas tout l'avantage que la Phénicie retirera
de sa présence et de votre libéralité. Vous se-
TRADLXTION FRANÇAISE DE SAINT JEAN CHRYSOSTOME.

que ceux qui sont venus nous visiter; vous y


êtes venu par l'intention et par la volonté.
LETTRE LUI.
Bien que loin de vous par le corps, nous vous
Cucase, 401. voyons chaque joar par les yeux de la charité,
et vous êtes partout présent à notre pensée.
AU PRÊTRE KICOLAS. Peut-être pourrons-nous un jour nous voir, si
les circonstances le permettent. Car, danslétt.t

Vous nous avez rendu le courage et nous avez où sont les affaires, malgré notre vif désir de
rempli de joie, en nous mandant que vous vous vous voir et de vous serrer dans nos bras,
occupez beaucoup de la Phénicie, malgré la dis- nous vous croyons nécessaire où vous êtes.
tance qui vous en sépare, et que par vos lettres Nous sommes sûr que vous ne négligerez
vous exhortez à la piété ceux de ce pays. C'est rien pour remplir la Phénicie d'hommes gé-

un zèle vraiment apostolique que vous avez néreux, pour exciter de plus en plus ceux qui
déployé. Aussi ne cessons-nous de vous admi- s'y trouvent, à ne pas abandonner ce qu'ils ont

rer et de vous féliciter, d'y avoir envoyé des entrepris cherchez d'autres auxiliaires autour
;

moines, et de ne les avoir pas rappelés, malgré de vous, et hâtez-vous de les envoyer. Procu-
les difficultés de leur situation, bien mieux, de rez ainsi les plus grands avantages, et à ceux

les avoir obligés à y demeurer. Ainsi, vous qui vivent près de vous, et à ceux qui sont
avez rempli le devoir d'un bon pilote et d'un loin devous imitez en cela les parfums qui
;

bon médecin. Plus les flots se soulèvent, plus répandent leur odeur non -seulement dans le
le pilote montre d'activité; plus la fièvre brûle lieu qu'ils occupent, mais qui embaument au
le malade, plus médecin déploie de science
le loin les airs.
et d'habileté. Vous aussi, noble et pieux sei-
gneur, vous avez agi comme il convenait à
votre vertu.Quand vous avez vu l'état des af-
LETTRE LIV.
faires empirer, le trouble s'élever partout,
vous n'avez pas permis à ceux que vous avez CucuM, 405.

envoyés, d'abandonner leur poste, vous leur


avez enjoint d'y rester, et d'y remplir leur AU PRÊTRE GÉRONCE.
mission. Ne vous lassez point d'en agir de la
sorte, et dès qu'il sera guéri, et que la santé Je vous ai déjà adressé une lettre, vous
lui serarendue, envoyez-y, je vous prie, le vé- croyant en Phénicie. Je vous écris aujourd hui
nérable prêtre Géronce. Nous souhaitons beau- ce que je vous écrivais alors.Il ne vous faut

coup de le voir ici, près de nous cependant, : rien négliger, vous faut tout endurer pour
il

comme les alîaires de ce \)i\\s demandent de ne pas laisser stérile ce champ que vous culti-
la promptitude et une grande vigilance, il ne vez, pour ne pas laisser périr le bien que vous
faut point consacrer trop de temi)S au voyage, avez fait. Voyez les bergers : quand un animal
il faut faire en sorte que l'hiver ne le sur- menace le troupeau, ilsredoublent de zèle et
prenne point et ne retarde pas son arrivée en de vigilance; ils s'arment dune fronde, ils
Phénicie. C'est i»our(iuoi, dès qu'il sera guéri, mettent tout en œuvre pour leloigner. Jacob,
il faut le presser de se mettre en route. Don- chargé de garder un troupeau de brebis, passa
nez-lui pour compagnon de voyage le pnMre quatorze ans à souffrir le chaud et le froid, à
Jean, cet honuue si doux et qui m'est si cher. veiller des nuits entières, et il s'acquittait des
Vous le savez, les all'aires de la Phénicie ont devoirs d'un vil mircenaire : que ne doivent
d'autant plus besoin qu'on s'en occupe, que le donc pas faire et souH'rir ceuxciui sont pré|K)sés
mal s'y est accru davantage. Songez à tout à la garde de ces brebis douées déraison, pour
cela,songez à l'imporlance du salut éti-rnel, empêcher qu'une seule ne se perde? Je vous
songez aux heureux résultats que vous avez en conjure donc plus la tempête a de vio-
:

obtenus par votre zèle et votre vigilance, et lence, plus le mal s'accroit, plus les obstacles
soit par vous-même, soit par d'autres que vous s'amoncellent plus les ennemis sont nom-
,

pourrez trouver, assurez la durée des réformes breux, plus aussi vous devez montrer de vigi-
accomplies, faites en de plus belles encore. lance et exhorter les autres à partager ce soin
Vous ne nous avez pas fait moins de plaisir avec vous et à presser leur départ pour la Phc-
F.ETTRFS. m
nicie. Vous serez inngnifiquenient récompensé d'afVection pour vous. La rigueur de l'hiver, la
pour avoir cnUcpris un tel voyage; à plus longueur du chemin, ne nous permettent |)oint
forte raison, vos œuvies et votre ardeur vous de jouir de votre présence; et c'est pour(|noi
niérilcroiit de glorieuses récompenses. Oui, il nous nous empressons d'aller vous trouver par
vaut niieux pour vous, il vous est plus avanta- nos lettres, vous demandant d'adresser à Dieu
geux de vcius exiler ainsi, que de rester dans de ferventes prières pour obtenir de lui la fin
votre pays. En IMiénicie, vous trouverez ce des maux qui remplissent l'univers. Excitez
que vous avez maintenant, le jeûne, les veilles aussi les autres à prier avec une sainte ardeur,
et les autres exercices de la piété chrétienne. et donnez-nous le plus souvent que vous pour-
Mais dans votre pays, vous ne j)0uvez trouver rez des nouvelles de votre santé. Même loin
les mêmes avantages que dans la Phénicie, de vous, relégué aux extrémités du monde, ce
c'est-à-dire le salut de tant d'ùmes, la récom- sera pour nous une grande joie que d'ap-
pense que méritent de nomh»reux dangers, et prendre que vous vous portez bien. Nous
le zèle ardent de l'Apôlre. A la pensée des cou- avons été très-heureux de savoir (jue le i)rêtrc
ronnes que vous allez conquérir, ne différez Jean, cet homme si doux et qui nous est si

point, ne remettez point; au contraire, dès cher, se soit résolu, dans des circonstances si

que vous serez guéri , hâtez-vous de partir difficiles, à partir pour la Phénicie. Je vous en
sans vous inquiéter de ce qui vous sera néces- conjure, pénétrez-vous bien de la grandeur
saire. J'ai chargé le pieux et vénéré prêtre d'une telle action; et si vous trouvez des hom-
Constantius de ne rien épargner pour vous, de mes généreux, qui veulent bien lui prêter leur

vous fournir, avec plus d'abondance même concours pour de si grandes choses, empres-
que par le passé, tout ce dont vous aurez be- sez-vous de les envoyer, et songez aux magni-
soin pour vos maisons et pour venir en aide à fiques récompenses que vous leur ménagerez.
vos frères. Puisque vous pouvez compter sur
de telles ressources et que vous ferez une
,

chose si agréable à Dieu, bannissez toute hési- LETTRE LVI.


au plus vite, et écrivez-nous de
tation, partez
Gueuse, 405.
la Phénicie ce sera pour nous dans ce désert
:

une grande consolation. Si en eflet nous ap- AUX MOINES ROMULUS ET BVZUS.
prenons que vous êtes parti avec ces disposi-
tions, prêt à faire et à souffrir toutes choses Je voudrais que vous vinssiez ici, je voudrais

pour le salut des âmes, nous en éprouverons vous voir de mes yeux. Cecjue j'ai entendu dire
tant de joie, que nous ne croirons plus habiter de votre piété m'a rempli d'amour pour vous,
un désert. Nous souhaitons vivement de vous et je vous contemple par les yeux de la charité.
voir ici ; mais votre présence en Phénicie est Puisque la distance, la rigueur de la saison, la

plus nécessaire qu'ici, et il serait à craindre crainte des Isauriens vous empêchent de venir,
que l'hiver ne vous empêchât d'y arriver. C'est j'ai hâte de vous entretenir par une lettre et de

pourquoi nous vous pressons, nous vous con- vous taire connaître mes dispositions à votre
jurons de partir sur-le-champ. égard on peut aimer ceux même qui sont
:

éloignés et que l'on n'a jamais vus. Telie est, en


effet, la puissance de la charité : ni la distance
ne peut la détruire, ni le tcm|ts ne peut l'affai-

LETTRE LV. blir, ni l'épreuve n'en peut lriomi)lier; c'est elle


au contraire qui triomphe de tout cela, ens'éle-
Cucus*. 405.
vant à des hauteurs vraiment sublimes. Aussi
nos bonnes dispopitions envers vous ne permet-
âUX PRÊTRES 8IMÉ0N ET MARl.«i , ET AIX MOINES tent pas à notre affection de se refroidir mais ;

DAPAMÉE. nous vous écrivons et nous vous prions de nous


donner des nouvelles de votre santé. Ainsi,
Nous sommes bien loin de vous, nous vivons même dans le désert où nous vi^ons, nous
dans un atfreux désert cependant votre vertu,
: ressentirons une grande joie, en apprenant que
votre sagesse qui éclaire de ses lumières tous vous vous portez bien, vous qui êtes entrés dans
ceux qui vous approchent, nous ont rempli la voie étroite et resserrée.
4G2 TRADUCTION FRANÇAISE DE SAINT JEAN CIIRYSOSTOME.

puissance de cetfelettre que vous m'avez adres-


sée. C'est là eneffet la nature de la véritable atfec-
LETTRE LVII.
tion : elle s'épanche dans une il semble lettre, et

Cucuse, lO-l. que la source même de la lettre est présente sous


les yeux c'est ce que nous avons éprouvé.
;

A ADOLIE. Ni le temps, ni la distance, ni les circonstances


difficiles, rien en un mot, n'a pu nous priver
Bien que vous nous écriviez rarement, nous de ce bonheur. Ainsi donc, seigneur très- vénéré,
ne cesserons cependant pas de vous écrire, informez-nous souvent de votre santé, de celle
cliaque fois que nous rencontrerons des voya- de votre maison, du contentement de votre
geurs qui se rendent dans votre pays. Nous âme. Vous savez quel intérêt nous prenons à
voudrions vous voir ici de nos yeux, nous le tout cela.
désirons vivement. Mais il vous semble impos-
sible de venir, bien (juil n'y ait plus lieu de
redouter les Isauriens et c'est pourquoi nous
;
LETTRE LIX.
ne cessons de nous donner cette consolation de
vous écrire, consolation pour nous toujours si Gueuse, 105.

grande. .. Oui, chaciue fois que nous rencontrons


un messager, nous éprouvons une vive joie de AU DIACRE TUÉODOTE.
vous adresser une lettre. Vous en êtes bien
persuadée, dame très-pieuse et très-vénérée ;
Vous nous avez oublié bien vite, et à ce
empressez-vous donc, vous aussi, de nous chagrin que nous a causé votre dépait, vousen
écrire souvent pour nous informer de votre ajoutez un autre par votre silence prolongé.
santé, et du calme dont vous jouissez. Nous ne Vous ne pouvez prétexter <jue vous étcs parti
vous blâmons point de n'èlrc pas venue ce : dv puis tri'p peu de temps il y a bien assez
:

voyage vous a paru si diflicile à réaliser mais I longtemps en eli'el pour qu'un voyageur ail pu
nous vous reprochons d'avoir si longtemps venir jusqu'ici. Nous ne voulons pas non plus
gardé le silence, car nous désirons vivement ([ue vous alléguiez la crainte des Isauriens :

savoir connnent vous vous portez, vous et toute nous vous aimons trop pour vous sup[)Oser un
votre famille. pareil prétexte. Depuis (jue vous êtes parti, eu
effet, que de gens sont venus dans ce pays!
Quelle est donc la cause de votre silence? C'est
la négligence et la paresse. Nous voulons cepen-
LETTRE LVTII. dant bien vous panlonner, pourvu qu'à l'avenir
vous répariez votre faute en nous écrivant fré-
De 401 à 407.
(lueniment. Vous savez combien vous nous
ferez plaisir en nous disant souvent iiue vous
AU ULC TIIÉODOSE.
vous portez bien.
Vosletlresont douceur du miel; que dis-je?
la
elles sont plus douces
(jue le miel. Le miel,
pour ceux i\m y sont habitués, perd de sa dou- LETTRE L\.
ceur la satiété rcmpèched'èlre aussi agréable.
:

Cucute, 401.
Mais (juand vous nous iloiiiicz de bonnes nou-
velles de votresanlé, vos lettres, loin do produire
A CHALCiniE tT A ASY>CR1TIE.
cet elfet,augmentent au contraire la joie causée
par les précédentes. Vous avez couvert notre Je ne l'ignore pas, ces épreuves qui sont ve-
lettre de vos baisers, dites-vous; pour moi, nues fondre successivement sur ce prêtre si
c'est vous-même, vous, l'auteur de celle lettre, pieux et si vénéré, ont porté le trouble dans
que j'ai embrassé, c'est ù votre cou (juc je me votre âme. Ne vous troublez point cependant.
suis suspendu, c'est votre lête chérie que j'ai Quand on soullVe pour Dieu, jihis on soulfrc,
inondée de mes baisers. Que de joie j'ai é[trouvêe! [ilus aussi on reni[ orte de eouromies. Consoîez-
lime semblait, non pas lire votre lettre, mais vous donc, supportez avec générosité tons cis
vous voir et converser avec vous. Telle a été la revers; rendez grâces à Dieu, et louez-le dans
LETTRES. 4C3

celle circonstance. Ainsi partagerez- vous les


récompenses et lis couronnes qui lui sont
réservées vous savez soulfrir vous-mêmes
si
LETTRE LXII.

avec générosité et avec résignation. Vous le Cucase, 405.


savez, la vie présente est toutyest un chemin :

éphémère, la joie comme la douleur, et c'est AUX PRÊTRES d'antIOCHE, CASTUS , DIOMAME,
par les tribulations (jue nous entrerons un jour VALÉRILS ET CVRIAQIE.
dans le royaume des cieux elle est étroite, elle ;

est resserrée, la voie qui conduit à la vie. Cette Je regrette vivement que mon pieux et vénéré
pensée et la présence du saint |)rélre devront seigneur, le prêtre Constantius m'ait quitté,
vous consoler vous dissiperez ce nuage de mais aussi je me réjouis qu'il soit retourné près
;

tristesse, etvous vous réjouirez de toutes ses de vous; et cette joie est d'autant plus vive
souflVances. Il en retirera une récompense que j'éprouve plus de chagrin de ne l'avoir plus
inelTable et sans aucun mélange d'amertume. auprès de moi. Il abordera, je le sais, à un port
sans orage, au port de votre charité. Les vents
mugiraient-ils autour de vous, les flots se sou-
lèveraient-ils avec violence, que votre courage,
LETTRE LXL votre charité, votre affection toujours invaria-

406.
ble vous feraient demeurer calmes au sein de la
tempête. Quand vous le posséderez, ne le laissez

A i.'ex-consulaire THÉODOTE. manquer de vous en prie. Vous n'igno-


rien, je
rez i)as quelle récompense vous mériterez par

l'n père doit non-seulement ne pas craindre vos bons offices, envers un homme si injuste-
de voir son fils pratiquer la véritable sagesse, ment maltraité. Ce que nous vous demandons,
il doit encore l'en féliciter et ne rien négliger c'est qu'il ne soit pas iniquement tourmenté,

pour (ju'il en atteigne la perfection. Non-seule- traîné sans raison çà et là, cité devant les tri-

ment ne doit point s'aftligcr de le savoir loin


il bunaux pour des actes dignes d'être célébrés et
de sa patrie, de sa maison, de ses yeux, mais le récompensés. Voilà ce que nous demandons
croire d'autant plus près de lui qu'il fait de plus pour lui; maintenant nous vous demandons
rapides progrès dans la vertu. C'est pourquoi pour nous, que vous nous écriviez fréquem-
nous vous remercions, nous vous admirons de ment, et que vous nous informiez de l'état de
nous avoir lait un si beau présent en nous votre santé. Si une longue distance nous sépare,
donnant votre lils, sans parler des autres pré- cependant vous êtes sans cesse présents à notre
sents par lesquels vous avez daigné nous hono- pensée, nous sommes sans cesse au milieu de
rer. Pour nous, tout en acceptant l'honneur vous. La charité produit cet effet chez ceux
qui nous revient de ces dons, nous vous ren- (]ui savent aimer véritablement. Vous n'en

voyons les objets que vous nous adressez. Ce douiez pas, vous qui nous aimez d'une affection
n'est point par mépris vous nous portez trop
;
si sincère.
d'affection. Mais ces objets sont pour nous un
superflu dont nous pouvons aisément nous
passer. Sans doute nous aurions vivement LETTRE LXIII.
désiré garder près de nous cet excellent lecteur,
De 404 à 407.
votre Ois Théodote; mais ici on n'entend parler
que de meurtres, de troubles, de sang répandu A TRANQUILLINUS.
et d'incendies. Les Isauriens mettent tout à feu
nous changeons de lieu tous les
et à sang, et Le temps emporte toutes choses ; tout s'use
Nous avons donc cru nécessaire de le
Joui-s. et vieillit, les corps, les maisons, les prairies,
renvoyer, en recommandant à notre pieux sei- les jardins, que produit la terre. La
tout ce
gneur, le diacre Théodote, de prendre bien soin charité seule ne vieillit pasle temps ne peut
;

de lui, et de l'entourer de toute sa sollicitude. la flétrir, ni la mort l'interrompre. Et c'est


Travaillez de votre côté à procurer cette atten- pourquoi, bien que nous soyons loin de vous
tion à votre fils vous nous louerez de ce conseil
; depuis si longtemps, nous continuons à vous
\gvi8 nous saurez gré de vqus l'avoir donné. aimer d'une si vive alfection. Aujourd'hui
ÂBi TRADUCTION FRANÇAISE DE SAINT JEAN CIIRYSOSTO>fE.

nons vous la témoignons par nos paroles; au contraire, l'homme ferme, énergique, plein
mais elle règne toujours dans notre cœur. devigilance, loin d'être ébranlé par la tempête,
C'est la raison (jui nous porte à vous écrire si n'en est rendu que plus admirable et plus illus-
souvent. Mais nous voudrions aussi que vous tre. L'épreuve n'a-t-elle pas , en effet , le privi-

nous donniez des nouvelles de votre santé : lège de m.ériter de grandes récompenses, de
vous savez combien nous nous y intéressons. Si brillantes couronnes, à celui qui sait la sup-
donc vous le pouvez si vous trouvez un mes-
, porter avec courage ? Vous le savez, nobles et
sager qui puisse nous apporter une lettre vénérés seigneurs, et c'est pour vous, dans le

écrivez-nous, comme c'est votre devoir; le malheur, une source inépuisable de consola-
porteur de cette lettre dira à votre charité si tions. Ne vous laissez donc point troubler par
ardente, si sincère, ce que nous faisons, ce qui les maux qui suniennent, et écrivez- nous

se passe en Arménie et en Thrace. souvent. Nous voudrions vous voir et vous


embrasser. Mais puiscjue nous ne le pouvons,
et que tant d'obstacles s'y opposent, écrivez-
nous de fréquentes lettres et donnez-nous des
LETTRE LXIV.
nouvelles de votre santé. Vous savez que vous

A l'ÉVÈQUE CYRIAQL'E. nous serez agréables et que vous nous comble-


rez de joie.
Sopater, préfet de cette Arménie où nous
sommes confiné, l'administre comme un père,
et nous rend plus de services qu'on ne pour- LETTRE LXVI.
rait en exiger d'un père. Désireux de lui témoi-
gner ma reconnaissance, je crois avoir trouvé AIX PiiÈTRES d'aNTIOCHE, CASTIS, VALÉRIIS,

pour cela le meilleur moyen, votre cœur lui- DIOPHANTE ET CYRIAQL'E.


même, par l'entremise duquel je veux lui ren-
dre grâces. Comment cela? Son lils est chez Vous avc'Z laremeot reçu de mes lettres; et

vous depuis longten)ps déjà il y est allé pour :


j'ai souvent, bien souvent eu la volonté de
des renseignements. Si vous vous empressez vous écrire. Ne comptez donc pas seulement
de le voir, si vous l'entourez de votre affeciion, les lettres que nous vous avons écrites sur le

si vous voulez lui accorder quelque bienfait, papier et avec de l'encre, mais aussi celles que
nous nous serons pleinement acquitté envers nous aurions voulu vous écrire. Si telle est
son père. Faites-le donc, et mettez-le en rela- voire manière de compter, vous aurez reçu
tion avec les magistrats avec vos amis, avec
,
une infinité de lettres. Si nous ne trouvons
ceux qui peuvent rendre le séjour en pays
lui point de messagers, ce n'est pas noire faute,
étiangcr plus agréable même que le séjour de mais celle des circonstances. Ainsi donc, soit
vous lui ferez plaisir, et à moi
la patrie. Ainsi que nous vous écrivions, soit que nous gardions
et à vous-même; vous aiderez, dans la per- le silence, ayez toujours la même opinion de
sonne de son lils un homme de bien un
, ,
notre atl'ection pour vous. Pour nt»us, quelque
honune iniséricordieux et plein de charité part (jue nous soyons, nous portons votre sou-
pour les pauvres. venir i)rolondcment gravé dans notre âme. Et
maintenant nous vous savons beaucoup de gré
bon accueil à cet excellent moine
d*a"\oir fait si
LETTRE LXV. et d'avoir apaisé ceux qui voulaient l'inquiéter

si mal à propos. Ce n'était donc point sans


Ciiruift, probablement 101,
motif, ni pour vous tlatler, que je vous disais :

A MAUCIKN ET MAUCFIJI^. quand même les Ilots se soulèveraient de


toute part contre >ous, vos âmes demeure-
Vous êtes plongés dans un proloml chngrin, raiiMil trautiuilles. Puisque vous préservez les
inc dites-vous; mais vous avez pour vous con- autresdu naufrage, il faut que vous soyez
soler la sagesse et l'élévation do votre àiiu-, vous-mêmes bien loin des tempêtes. Donnez-
riiivarial)le fermeté (le voire alToclion. L'homme nous bien souvent des nouvelles de votre santé.
qui vil dans le luxe et la mollesse, ne peut Vous savez quel est notre désir d'en recevoir.
trouver le calmo même au sein du bonheur; Quand nous apprenons que vous ôtes bien por-
LETTRES. 465

tanls,au milieu de nos tribulations, de tant de lu votre première nous avons reçu la
lettre,

guerres et de troubles, de tant de menaces de seconde, toutes les deux môme jour, et nous
le

mort, nous tressaillons d'alléj^n'esse et nous en avons éprouvé beaucoup de joie. La seconde
sommes inondé de consolation. Le véritable avait quelque chose de plus que la première ;

amour possède, en elTet, la vertu de réjouir ce n'était pas seulement votre |)arole, c'était
et do rendre lieureux ceux dont les corps sont votre écriture. Pour nous quel surcroît de ,

séparés par une grande dislance. bonheur! nous y avons trouvé non-seulement
l'image de votre âme, mais encore celle de
votre main. Faites souvent de même, et don-
nez-nous souvent celte consolation, que vous
LETTRE LXVn.
vous êtes plu à nous donner alors Nous n'osons
Arabisse, en 406, à ce que l'on croit
plus vous presser de venir ici l'Arménie est :

tellement désolée une autre tempête vient de


!

Al DIACRE THÉODOTE.
s'élever dans son sein. Quelque part que l'on

Pour VOUS du moins, très-pieux et très-véncré aille, on y voit des torrents de sang, des mon-

seigneur, vous êtes à l'abri des maux qui acca- ceaux de cadavres, des maisons en ruine des ,

blent l'Arménie nous, sans parler de ces trou- villes saccagées. Pour nous, qui semblons être
;

bles, de ces meurtres journaliers dont nous à l'abri du danger, renfermé que nous sommes

sommes témoin, nous souffrons beaucoup d'être dans ce château, comme dans une horrible
séparé d'un homme si doux et qui nous porte prison, cependant, la crainte où nous vivons
une affection si vive et si sincère. Ce qui met perpétuellement, ces nouvelles qui nous ap-
le comble à notre chagrin, c'est votre silence prennent chaque jour de nouveaux meurtres
prolongé. Depuis votre départ, eneffet, vous ne
cette continuelle attente de l'invasion des Isau-
nous avez que deux fois seulement Ce
écrit riens, enfin la faiblesse de notre corps, faiblesse

n'est point pour vous le reprocher que je le qui ne cesse de nous faire souffrir, nous em-
rappelle; c'est à cause du chagrin que j'é- pêchent d'être tranquille et sans intjuiétudes.
orouve. Tout le monde sait bien que ces che- Cependant, même au milieu de ces calamités,
mins sont fermés aux voyageurs. C'est une c'est pour nous une grande consolation de

excuse pour vous, mais ce ne saurait être pour recevoir des lettres qui nous informent du bon

nous une consolation au contraire , notre


;
état de votre santé.
peine redouble, quand nous nous voyons privé
de l'unique chose qui pouvait nous consoler de
votre départ et de votre absence. C'est un em-
LETTRE LXIX.
barras d'où il nous est impossible de sortir Arabjsse, 406.
pour le moment; chaque jour le danger s'ac-
croît.Cherchez donc à diminuer cette tristesse AU PRÊTRE NIC0L.4S.
que votre long silence a produite dans mon
âme, en ne cessant de vous souvenir de moi, C'est la preuve d'une ardente et sincère af-
en m'écrivant de plus longues lettres, quand fection ,
que
cette préoccupation au sujet de

vous le pourrez, en me donnant beaucoup de notre santé, malgré la distance qui nous sé-
détails sur votre santé, sur la tranquillité et la pare. Dernièrement, au milieu même de l'hi-
sécurité de votre àme. Ainsi vous pourrez ver, nous changions à chaque instant de de-

suppléer au nombre des lettres par leur éten- meure, et nous habitions tour à tour des villes,
due. des vallées sauvages et des forêts; c'élaieut les
Isauriens qui nous chassaient ainsi de pays en
pays. Enfin leurs ravages ont cessé, et voici
LETTRE LXVill. qu'abandonnant le désert , nous nous som-
mes réfugié à Arabisse. Nous trouvons plus
Arabisse, 106.
de sûreté dans de celte ville que
la forteresse

AU MÊME. partout ailleurs nous ne restons pas dans la


:

ville même, mais bien dans le château; c'est


Vous nous avez témoigné toute l'ardeur ,
un logement plus affreux qu'une prison. Non-
amour. Après avoir
toute la vivacité de votre seulement en effet, nous avons pour ainsi dire,
Tome IV. 30
i66 TRADUCTION FRANÇAISE DE SAINT JE.VN CHRYSOSTOME.

chaque jour la mort à nos portes, car les Isau- la mort nous menace , renfermé que nous
riens fiortenl partout le ravage, meltenttout à feu sommes dans une forteresse semblable à une
et à sang, et renversent les édifices; mais en- prison et épuisé de faiblesse : toutefois, mal-
core lepeu d'étendue de cette contrée, et la gré tant de circonstances pénibles, nous som-
multitude de ceux qui se retirent dans Ara- mes consolé par votre ardente affection. Nous
hisse nous font craindre une famine. De plus n'avons, il est vrai, vécu que peu de temps
l'hiver et ces courses perpétuelles nous ont avec vous, mais assez pour apprécier la sincé-
rendu malade, et si la violence de la maladie rité, la vivacité, ladouceur, la fermeté, la soli-
a cédé, nous en avons cependant encore les dité de cette affection que vous nous témoignez

restes. Ce qui nous console au milieu de tant de de loin comme


de près. Aup>i, bien qu'éloigné
maux et d'ennuis, c'est la sincère et >ive af- de vouset en proie à une t'.lle affliction, nous

fection que vous nous portez. Puisque vos let- nous reposons dans le souvenir de votre cha-
tresont tant de charme pour nous, daignez rité, comme dans un port à l'abri des orageb.
donc nous écrire le [ilus souvent que vous le Votre affection, nous la regardons comme uu

pourrez. Nous sommes bien loin de vous, il est précieux trésor. Depuis que l'hiver est pas>é,
vrai; mais la charité nous unit étroitement. et que le printemps a reparu, la violence de la

Nous vous savons beaucoup de gré de vous maladie a cessé mais nous en avons encore
;

Cire occupé des alTaires de !a Phénicie, malgré les restes, qu'augmentent les troubles excités
les troubles au sein desquels vous êtes. S'il par les Isiuriens. Instruits de tout cela, pensez
vous vient des nouvelles de ce pays, n'hésitez souvent à nous, quand vous le pourrez,
et
pas à nous les transmettre. Pert-onne n'ose écrivez-nous pour nous apprendre que vous
Venir ju;-quici, parce que tous les chemins vous portez bien.
qui y conduisent sont fermés. Si donc il est
difficilede nous adresser des lettres, faites-le
du moins aussi souvent quil vous sera pos- LETTRE LXXI.
sible. Dites-nous ce qui se passe en Phénicie,
De 4 '4 à 407.
et donnez-nous des nouvelles de votre santé.
Elle nous préoccupe vivement. A MALCHTS.

Ne vous laissez pas abattre, et n'imputez pas


à vos péchés le décès de votre bienheureuse
LETTRE LXX. un port calme et
fille. Elle vient d'aborder a

Arabiïse, 406. sur, elle vient d'entrer dans cette vie qui n'aura

pas de fin arrachée aux fl(»ts de


;
la vie présente,
la voilà désormais debout sur le roc, et tous
AUX PRÊTRKS MOINES Al'UTHONIUS
TllÉODOlK Kl CHKRÉAS. les biens cprelle a recueillis, sont comme ren-
fermés dans uu trésor à l'aliri de tout danger.
Je voudrais vous voir ici : mais puisque tant Rejouissez-vous donc, tressaillez d'allegre>se,
d'obstacles s'y oi)[)osent, j'ose vous demauiler, soyez heureux d'avoir otlVrt au souverain
,

vous supplier de me prêter le secours de vos Maître du mon<le l'àme de votre fille, comme
prières, toujourssi efficaces. C'est un secours un laboureur, un fruit bien mûr. Tel est le
que temps ne peut allaiblir, que la distance
le remède que vous devez employer, vous et
e peut (mpèchor; partout où se trouve un votre vénérable épouse, sa mère, pour accroî-
iioiume qui. comme vous, soit plein de con- tre la récompense que vous ave/ dej>i méritée.
liance en Dieu, il lui est possible de venir puis- L'excellente éducation que vous lui a\ez don-
samment en aide à ceux (jui vivent loin de lui. née, la résignation avec laquelle vous avez
mort si touchante ,
Ne vous conteniez pas de prier pour nous, supjiorté sa , si belle et

donnez-nous aussi In queunnent des nouvelles vous obtiendront les plus magnifiques récom-
de votre santé. Les flots sont de toute pari sou- penses.
levés contre nous, nous habitons un désert,
nous sommes commis perpétuellement as-^iégé,
sans cet^se exposé aux coups des Isam'iins.

jjîins cessç meuacc de mort oui, chaque jour


:

à
LETTRES. 467

LETTRE LXXII. LETTRE LXXIV.


Cucusc, 404. CucoM, 404.

A ALPniUS. A HÉSYCniUS.

Malgré la distance qui nous sépare, nous Je désirais vous voir ; et la crainte des Isau-
nous réjouissons nous tressaillons d'allé-
, riens ne m'en aurait pas empêché, non plus
^esse , en apprenant vos bolles actions et que la mauvaise santé, s'il m'eût été permis
cette grandeur d'àine que vous montrez en- d'aller où j'aurais voulu. Quant à vous, bien
vers tous ceiix qui ont besoin de vos services. que vous soyez maître de vos actes, je ne vous
Nous voudrions vous voir de nos yeux et vous presse pas de quitter votre demeure pour nous
remercier de vive voix. Mais cela n'est point venir voir. Sans doute la saison le permettrait,
possible à cause deô ls;uiriens qui ferment tous et d'ailleurs ce voyage n'exigerait pas un temps
les chemins. Je sais bien que sans cela vous bien considérable. Mais je n'oserais vous dire
seriez ici et que vous n'auriez rien négligé
, de venir, à cause des Isauriens. Je vous prie
pour vous y rendre. Encore une fois, cela n'est donc de me donner souvent des nouvelles de
point possible et c'est pourquoi nous vous
; votre santé les incursions des brigands ne
;

écrivons pour vous saluer et vous inviter à peuvent en effet y mettre obstacle. Procurez-
nous écrire cba(|ue (ois que vous le pourrez. nous donc cette joie, je vous prie cela ne :

Donnez-nous de bonnes nouvelles de votre vous est pas diflicile, et vous nous ferez le plus
santé et de celle de toute votre famille. Car, grand plaisir. Vous n'ignorez pas en effet
ici même, c'est pour nous une jurande joie de combien nous vous serons reconnaissant de
recevoir de vos lettres. cette bonté et de cette bienveillance à notre
égard.

LETTRE LXXIII.

Gueuse, 404.
LETTRE LXXV.
Gueuse, 404.
A AG4PET.

A ARMATIUS.
Ily a longtemps que nous vous avons quitté,
une longue distance nous sépare mais la cha-
;
Quoi donc? vous nous permettez d'exiger
riténous rap[)roche, nous sommes voisins l'un
de vos subordonnés tout ce dont nous pouvons
de l'autre ou plutôt vous vivez dans notre
,
avoir bt soin et ce que nops désirons par-
;

pensée, et nous suivez {)artout où nous allons.


dessus tout, vous nous le refusez vous ne ;

Cette affection sincère, vive, ardente, que vous nous écrivez pas, quand nous souhaitons si
éprouvez pour nous, reste gravée profondé-
vivement d'avoir de vos nouvelles Ne savez- !

ment dans notre cœur. Nous aussi, nous ne


vous pas que c'est là le désir de tous ceux qui
laissons point s'allaiblir dans notre âme la
aiment véritablement, comme c'est aussi le nô-
bienveillance que nous vous portons : ni le
tre ? Sidonc vous voulez nous faire plaisir, sei-
temps, ni d stance ne peut la diminuer. Je
la
gneur très-vénéré, cessez, je vous en prie, d'en-
vous invile donc à nous écrire aussi souvent
joindre à vos hommes de nous obéir en ce qui
que vous le pourrez pour nous donner des
r garde les besoins du corps nous pouvons ;
nouvelles de votre santé. Vous savez (|uel in-
très-bien nous passer de tout ce qu'ils pour-
icrci nous y prenons, et quelle est notre joie,
rai<Mit nous fournir. Car tout nous arrive en
quand nous recevons de vos lettres.
abondance et comme de source; mais procu-
rez-nous vous-même ce plai-ir que nous ré-
clamons de vous il vous suffit pour cela d'un
;

peu d'enc e et de papier. Donnez-nous, s'il


vous plaît, de vos nouvelles et des nouvelles du
toute votre maison. S'il eût été possible d^
468 TRADUCTION FRANÇAISE DE SAINT JEAN CHRYSOSTOME.

nous rencontrer, je vous aurais pressé de venir


ici et je vous aurais demandé comme une
;
LETTRE LXXMl.
grande faveur, à vous qui nous aimez tant, de
vous montrer à nos regards. Puisque les Isau- A ASYNCRITIE.
riens s'y opposent, consolez-nous du moins en
Déjà, antérieurement, j'ai fait savoir à votre
nous écrivant; et c'est tout ce que nous exige-
révérence que nous vous comptons parmi ceux
rons de votre part.
qui sont venus de cœur jusqu'ici , et mainte-
nant nous vous répétons que vous êtes venue
par l'intention et par la pensée. Car, si la fai-
LETTRE LXXVI •.
blesse de votre corps vous a retenue au loin,
Cucuse, 404, aussi bien que les troubles qui ont envahi
l'Arménie, nous qui connaissons vos désirs et
A CHALCIDIE. votre volonté, nous continuons de porter le

même jugement qu'auparavant sur vos dispo-


Je souhaite fort, à la vérité, que mon sei- sitions. C'est pourquoi, ne négligez point de
gneur le très-révérend prêtre demeure avec
nous écrire fréquemment, de nous marquer
nous. cependant, vous croyez avantageux
Si,
si la maladie vous a quittée, et tout ce qui
qu'il se rende là-bas, j'aime mieux son ab- intéresse votre santé. Nous avons été fort
sence et son éloignement des troubles au mi- affligé d'apprendre que vous étiez souffrante.
lieu desquelsnous vivons que sa présence ici. Faites-nous donc savoir au plus vite si vous
Ne pensez donc pas qu'il y ait obstacle de noire avez passé de la maladie à la santé, afln que
part, si lui-même veut partir. Nous l'avons nous soyons délivré de nos inquiétudes sur ce
(gardé jusqu'à ce jour, parce que la nature
point.
même de l'aflaire ne nous paraissait pas exiger
qu'il y fût, et que d'autre part, nous aurions
,

craint de le voir tomber entre les mains des


LETTRE IJCXVIII.
Isauriens. Mais puisiju'il est tellement indis-
pensable qu'il soit là-bas, nous l'exhortons à Cucufe, 405.

préparer son départ et nous le disposons à en-


treprendre ce voyage. Car, bien que séparés de AU PRÊTRE ROMAIN,
corps, nous n'en serons pas moins étroitement
Ce n'est pas jusque dans l'Arménie seule-
unis par les liens de la charité. Pour ce qui
ment, ou dans la Cappadoce, mais jus(|ue
vous concerne, je vous exhorte à ne point vous
dans les réjiions les plus éloignées, qu'est par-
laisser aller au trouble au milieu des diflicul-
venu le bruit de la chanté et de la bienveil-
tés présentes. Plus les circonstances sont diffi-
lance que vous ne cessez de témoigner à notre
ciles, plus aussi seragrand votre gain, plus
égard, et le retentissement en a été plus écla-
seront grands le prix et la récompense que
tant que nous
celui de la trompette. Aussi,
vous recevrez d'un Dieu plein d'amour pour
nous gloritions de celte dis|)osition de votre
nous, si vous supportez ce qui arrive avec
piété envers nous et nous ne cessons de vous
courage et actions de grâces. Car, c'est ainsi
louer. Mais nous avons besoin que vous nous
que toutes ces choses deviendront plus faciles
teniez au courant de votre santé. Car, bien que
à surmonter et que le fruit acquis par votre
nous vivions dans ce désert où nous sommes
patience sera abondant dans le ciel en même ,

si éloigné de vous, nous ne vous sommes pas


temps que bien supérieur à toutes les souf-
moins uni par les liens de la charité, gardant
frances endurées.
pour votre révérence ces mêmes dispositions
'
Les lottrei qui pricèdcut oot été tradiiile» par M. 1>bbé
E. JOLY.
dont nous avons fait preuve dès le commence-
ment, mais devenues plus vives et plus cha-
leureuses. A cet égard, ni le temps ni la dis-
tance n'ont pu nous rendre oublieux; ils ont
produit leHet tout contraire. Sachant cela,
très-pieux et très-févércnd maître, et songeant
aux plaisirs que nous causeront vos lettres fré;
LETTRES. ico

quenles, écrivez nous des nouvelles de votre


santé. Mais, avant tout, souvenez-vous de LETTRE LXXX.
nous dans vos saintes prières afin (jne, même
Cucaae, 404.
séparé de vous par de si longues distances,
nous ressentions ici l'effet puissant de votre
A FIRMIN.
participation dans nos combats.

Votre manque de santé nous a causé un


grand dommage, puisqu'il nous a privé de
LETTRE LXXIX. votre présence; mais il n'a eu absolument
aucun pouvoir sur notre affection. Car, il vous
Gueuse, 40 1 ou 405.
a suffi d'être venu une fois près de nous pour

A GEMELLUS. nous inspirer aussitôt le plus vif attache-


ment. C'est ce qu'il ne faut attribuer qu'à
Comment se fait-il donc , lorsqu'une si vous-même qui dès le début, vous êtes mon-
,

grande et si illustre cité voit chacun de ses tré si fort affectionné et l'avez été sans mesure,
jours devenus des jours do fêtes car c'est
, — ne nous laissant pas môme le temps de délibé-
ainsi que j'appelle le temps de votre magistra- rer; vous à qui il a suffi de vous présenter
ture, —nous seul soyons plongé dans une pour nous captiver et pour nous attacher à
tristesse plus grande, causée par ce long si- vous par les liens les plus puissants. Nous
lence dans lequel vous vous renfermez? Si vous écrivons donc, et nous voulons vous ap-
quelqu'un de ceux qui appartiennent à la foule prendre ce que vous désirez surtout nous en-
eût agi de la sorte j'en eusse peut-être facile-
,
tendre dire. Quelles sont ces choses que vous
ment trouvé la raison mais ici je la cherche.
; voulez savoir? Notre santé est bonne. Nous
La plupart des hommes ont coutume lors- , avons accompli notre voyage avec sécurité.
qu'ils parviennent à une position plus élevée, Nous vivons ici dans la paix et dans le plus
de concevoir un nouveau sentiment d'orgueil; grand calme. Nous jouissons de la bienveil-
mais pour vous, que la grandeur n'empêche lance de tous et nous goûtons une indicible
,

point de considérer toutes choses avec philo- consolation. Personne ne nous suscite de
sophie, qui connaissez parfaitement la nature troubles; nul ne soulève d'embarras. Pouvez-
fragile et instable des choses humaines, qui vous être étonné que notre séjour dans
n'êtes point déçu par le dehors et les appa- cette ville soit si tranquille, après que notre
rences, qui jugez tout selon la réalité pure, route elle-même s'est achevée si heureuse-
je ne puis trouver la cause de ce silence. Car, ment? Mais à votre tour, instruisez- nous de ce
je saisque vous nous aimez présentement au- qui vous concerne afin qu'après vous avoir
,

tant que par le passé, plus même que par le réjoui par nos récits, nous nous réjouis-
passé. Pourquoi donc, étant ainsi disposé, êtes- sions aussi en recevant des nouvelles de votre
vous demeuré muet pendant un temp»* si long? santé. Car , vous n'ignorez pas quel grand
C'est ce que je ne puis dire, et mes incertitu- bonheur éprouvent ceux qui aiment lorsqu'ils
des s'augmentent précisément en raison de peuvent apprendre quelque chose d'heureux
cela. Donnez-moi par une lettre l'explication concernant ceux qu'ils chérissent.
de cette énigme, si cette exjjjication ne vous
est pas trop difficile ou désagréable. Et, avant
toute lettre de votre part, dites aux porteurs
LETTRE LXXXL
de celle-ci, je veux dire à mon maître, le prê-
tre très-vénérable et très-pieux, et à ceux qui Gueuse, 404,

l'accompagnent, ce dont nous sommes per-


suadé, savoir qu'il n'y a rien dans ce silence AU PREMIER MÉDECIN IIYMNÉTIDS.
qu'on doive imputer à votre négligence. Celte
Nous ne cesserons jamais de vous louer de-
parole suffira pour qu'ils soient assurés du
vant tout le monde comme un homme excel-
bienveillant accueil de votre magnificence.
comme le médecin le plus
lent, habile, et
comme sachant aimer sincèrement. Car, toutes
les fois que l'on vient à parler ici de ma mau-
470 TRADUCTION FR;^ÇAISE DE SAIxNT JEAN CHRYSOSTOME.

Vaise santé vous vous trouvez mêlé nécessai-


,

rement à nos discours, et parce que nous avons LETTRE LXXXlll.


fait l'épreuve de votre science et de votre bien-
CacQie, iOi,
veillance, nous ne pouvons taire vos œuvres
luerveilieuses, nous nous en faisons le héraut, A LÉONTICS.
avec un grand plaisir pour nous-même. Vous
nous avez, en effet, inspiré un tel sentiment d'a- Nous sommes exilé de votre cité, mais non
mi lié que, bien que nous joui-^ions d'une bonne de votre charité. L'une de ces choses était en
santé, nous donnerions encore beaucoup j-our notre pouvoir; il était au pouvoir d'autrui que
vous attirer ici, dans le seul but de vous voir. nous pussions demeurer ou qu'il nous fallût
Mais, puisque cela est impossible, tant par suile partir. Personne ne pourra u'^u? priver du
des difficultés de la route que par la crainte droit d'em;)orter, en quelque lieu que nous
des Isauriens, nous ne voulons pas quant ta allions, le miel de votre charité. Nous nour-
présent insister plus longtemps sur ce point. rissons notre mémoire du souvenir de votre
Nous vous demandons seulement de nous grande âme, réunissant votre zèle affectueux,
écrire souvent. Vous pourrez par vos lettres
,
votre prudence votre bienveillance
, votre ,

fréquentes, nous procurer la joie que nous hospitalité et toutes vos diverses qualités pour
donnerait votre présence, en les imprégnant en former une image qui soit celle de votre
de cette douceur du miel qui est dans vos vertu. Mais, puisque vous nous avez ainsi ga-
mœurs. gné et subjugué, et que, désirant votre pré-
sence, nous ne pouvons l'obtenir en ce mo-
ment, accordez-nous la consolation de vos
LETTRE LXXXII. lettres. Car votre esj)rit ingénieux pourra faire
que ,
par la fréquence de vos lettres , nous
CucuBe, 404,
croirons éprouver la joie de votre présence.
A CYTHÉRIUS.

Votre présence ici, près de nous, a été


LETTRE LXXXIV.
courte et, cependant, l'affection que nous
avons conçue pour vous est grande, forte et Gueuse, 404.
])rofonde. Pour ceux qui savent ce qu'est l'a-
mitié vraie, il n'y a pas besoin de la longueur A FACSTIN.
du temps, et il est possible d'arriver au but
dans un bref délai. C'est ce qui s'est rencontré Nous sommes arrivé à Cucuse en bonne
))our nous puis(|ue nous sommes aussi amis santé, —
car nous commencerons cette lettre
que nous relions depuis fort longtemps.
si par où vous souhaitez de nous la voir com-
C'est pour cela (pie nous vous écrivons ce mencer ,

et nous avons trouvé le pays

qui nous concerne, vous faisant savoir que exempt de tout trouble, plein de loisirs et de
nous avons santé, paix et tranquillité. Nous paix, et personne qui nous soit ennemi ou qui

sommes persuade (pie nous vous seions agréa- \i:ène notre repos. Et il n'y a rien d'étonnant si

ble, en vous écrivant ces choses. En retour, nous notre situation est telle dans cette ville, puisque
attendons de vous des lettres qui nous apportent nous avons traversé la route la plus déserte, la
lamcniejoie. Ne craignez pas de nous écrire moins sûre, la plus suspecte qui conduit en ce
souvent et de nous donner de bonnes nouvelles lieu, sans diflicullé et sans terrour. jouissant

de votre santé. De la sorte, vous nous réjouirez d'une sécurité plus grande vju'au milieu des
beaucoup, nous adressant sur celle terre étran- villes les mieux policées. Pour ces bonnes nou-

gère les nouvelles que nous désirons recooir velles que nous vous envoyons, donnoz-nous,
Bouvent. à titre derécompense, des lettres fréquentes
concernant votre santé; car, au milieu de notre
profonde traïKpiillité nous nous rappelons
,

sans cesse la noblesse de votre esprit, votre


loyauté, votre haine du mal, la franch-se
de vos discoiu"s, cnOu toutes ces vertus qui
LETTflES. 471

forment comme une prairie ém.iillée, et nous sentiment, vous serez un rempart très-fort

gardons ce souvenir, le portant avec nous en pour toutes les Eglises de la terre.
ijuil<|uc euilioit (|uo nous allions, animé [)our
Vous (i'uiie all'cctiun qui dépasse foute Innile.
Aussi, désirons-nous que vous veniez ici et (juo LETTRE LXXXVL
nous puissions vous voir; m.iis, puisque cela
<01.
est impossible, nous tournerons d'un autre
côlé noire voile, en vous demandant la conso-
A MARèS, ÉVÉQUB.
lation de vos Ce sera i)uur notre esprit
iellres.

un grand soulagement, si nous ncevons de Lorsque commença cotte tempête, qui a Jeté
vous de fiéquentes Iellres et de bonnes nou- le trouble dans l'Eglise, votre inté.unité et votre
velles de votre bunté. conslauce ne nous ont point échappé, et main-
tenant que le mal s'est accru, nous savons (jue
votre piété persévère dans les mêmes voies. A
ca-isede cela, séparé par une si grande dis-
LETTRE LXXXV.
tance, nous vous adressons en retour le tribut
401. de salutations ([ui vous est dû; nous vous
louons et nous vous félicitons, parce que, la
A LICIOS, ÉVÈQLB, plupart ayant échoué contre les écueils au
temps où toute justice était violée à l'égard des
Bien que nous soyons séparé par de longues Eglises, vous avez suivi une voie opposée à
distanc» s de votre piété, nous n'avons pas ce-
celle du grand nombre, en vous éloignant des
pendant i^moré l'aversion (|ue vous avez mon-
audacieux et gardant une liberté digne. Consi-
trée poiu" lesœuvres des méchants, ni combien dérant la grandeur de cette conduite courîi-
vous avez gémi sur ceux (|ui sont les auteurs
geuse, (|ui vous écarte des méchants, et sachant
de si grandes énornutés et c|ui ont rempli la
que votre fermeté et votre constance sont lo
terre de tant de scandales. C'est poonpioi nous
prélude du redressement des pervers autant
vous rendons des actions de grâces et nous ne
que le moyen dy parvenir, nous vous exhor-
cessons de vous féliciter et de vous glorifier,
tons à vous montrer fort, ainsi qu'il vous con-
parce que, au milieu de si grandes infamies des
vient, et à foitifier les autres autant qu'il est
méchants, lorscpje tant d'autres se laissaient votre attitude nous vien-
en vous. De la sorte,
entraîner au précipice ou briser contre les
dra en aide dans la lutte; car Dieu lui-même,
écueils, vous n'avez jamais cessé démarcher qui vous a donné une volonté droite lorsque
dans le blâmant le mal qui se
droit sentier,
tout était confusion autour de vous, vous
faisait et vous séparant de ceux qui les com-
accordera également la force qui vient de lui.
meltaient, ainsi qu'il était convenable. Nous
vous exhortons donc à persévérer dans cette
louable ardeur, et même à donner un ac-
croissement à votre zèle; car vous savez com-
LETTRE LXXXVII.
bien est grand le salaire quelles sont les
,

récompenses et ([uelles sont les couronnes


réservées à ceux qui, malgré les agitations, ont A EILOGILS, ÉVÈQIE.
gardé la droiture et se sont efforcés de corriger
les présents. Et, bien qu'en petit nom-
maux Bien que nous soyons parvenu aux extré-
bre, vous avez résolu de demeun r fermes,
si mités les plus reculées de la terre habitable,

vousvaincrez, sans nul dont', le grand nombre nous ne pouvons oublier votre charité; nou3
de ceux qui se glorilient dans leur ilice. 11 m remi)ortons avec nous en quelque endroit que
n'est rien de plus fort (|ue la vertu et la dispo- nous allions. Vous nous avez tellement gagné
silicn où vous èt^s de chercher cela seul (|ui et captivé, très-pieux et très-vénéré maître,

alferoiit les Eglises. Ayant donc deja une dis- que, relégué mainten;«nt àCucuse, dans le lieu
position d'esprit propre à vous attirer le puis- le plus désert de toute la terre, nous ne cessons

sant secours de Dieu, f liles encort.' a|>pelà voire de faire mention de votre excellence, de votre
propre énergie, et, par la fermeté de votre douceur, de vos mœurs aimables, de la fraii-
472 TRADUCTION FRANÇAISE DE SAINT JEAN CHRYSOSTOME.

chise de votre esprit, de votre ardeur, de votre pas une légère récompense qui vous attend si,

vétiémence, de votre zèle plus brûlant que le comme il convient, vous rejetez ceux qui ont
feu, de toutes vos autres vertus, et, repassant déchaîné une si grande tempête et qui ont
tout cela dans notre mémoire, nous publions rempli de tant de scandales la tprre presque
devant tous la fermeté de vos résolutions, la entière, si vous n'avez avec eux rien qui vous
constance que vous avez montice contre les soit commun. Là est la sécurité des Eglises,

ennemis des Eglises, qui ont rempli toute la leur rempart assuré ; là est votre récompense
terre de tant de scandales. Toutefois, il n'est et le prix du combat. Donc, sachant toutes ces
pas besoin ici de nos paroles, puisque vous- choses. Maître très-vénéré et très-pieux, ef-
même vous avez parlé par vos œuvres à tous forcez-vous de consolider les Eglises en atten-
ceux qui habitent l'Orient et à ceux qui vivent dant la récompense la plus riche et souvenez- ,

dans les contrées les plus lointaines, d'une vous contiimellement de nous qui aimons de
voix plus éclatante que le son de la trompette. toutes nos forces votre piété et qui attendons
Aussi, nous vous rendons grâces pour cela, tout de votre bienveillance, parce que nous
nous vous glorifions, nous vous félicitons, et avons appris par vos œuvres elles-mêmes de
nous vous exhortons à demeurer dans ces quelle grande charité vous êtes animé pour
mêmes dispositions de zèle; car la louange nous.
n'est pas égale pour celui qui reste dans le
droit chemin, en des circonstances où les
affaires suivent leur cours ordinaire, et pour LETTRE LXXXIX.
celuique rien ne peut faire dévier, qui se
CacQse, 404.
montre inébranlable, malgré le nombre de ceux
qui entreprennent de bouleverser les Eglises, A TnÉODOSIl s ÉVÊQL'E DE SCYTHOPOLIS.
,

en s'éloignant d'eux avec une fermeté virile et


digne. Et ce n'est pas là un faible moyen, mais Si l'on considère la distance qui nous sépare
un très-puissant moyen de corriger le mal. de vous, nous sommes bien éloigné mais par ;

Que si votre piété persévère dans ces senti- la charité nous sommes tout proche et voisin,
ments, tous nos seigneurs Irès-vénérés et très- et notre âme elle-même est unie à la vôtre.
pieux les évêques de la Palestine s'attacheront Car, il en est ainsi pour ceux qui aiment le :

à vos pas, je ne puis en douter. Et je suis con- lieu n'est point un longue distance
obsUicle, la
vaincu que dans ce retour au bien, de même n'est pas un eni|ièehement, mais la charité
que le corps suit la tète, ainsi vous les atta- parcourt de son vol toute la terre pour vivre
cheiez, vous les enchaînerez par la douceur de avec ceux qui sont aimés. C'est ce dont nous
votre charité, ce qui sera la preuve la plus faisons maintenant l'expérience emportant ,

grande de votre vertu. partout dans notre esprit la i)ensée de votre


personne. Et aussi nous vous exhortons à
,

agir comme vous l'avez faitjusiiu'à ce jour,


LETTRE LXXXVIII. et comme vous le maintenant emo.x,
faites
consolidant augmentant toai à !a
les Eglises et
A JEAN , ÉVÊQUE DE JÉRUSALEM. fois votre gloire repoussant avec une énergie
,

digne de vous ceux qui ont suFcilé tmt de


Nous sommes exilé à Gueuse, mais nous ne troubles dans toute la terre cl qui ont boule- i
sommes pas exilé de votre cbarité. L'inie de versé les Eglises. Quand vous , et tous ceux
ces choses était au pouvoir d'autrui , l'autre eu (jue la contagion n'a pas atteints, vous résis-
notre pouvoir. C'est pourquoi , vivant ici à terez à ceux (|ui ont connnis de tels forfaits
une si grande distance de vous nous vous
, et refuserez d'avoir avec eux rien de conunun,
écrivons pour vous exhorter de garder celte alors nous conuneneerons à voir s'éloigner
même pieté et ce même courage que vous l'orage, alors la paix sera rendue aux Eglises,
avez montrés dès le conunencoment en reje- alors viendra le remède de tous les maux pré-
tant ceux i|ui ont rempli les Eglises de tant sents. Considérez donc la récompense et les
de troubles, et alin (|ue la lin soit digne du couromies (]ui vous sont réservées elToreez- ,

commencement, ou plutôt alui qu'elle soit en- vous de déployer la fermeté qui convient en
core beaucoup pUis glorieuse, (^ar, ce n'est de telles circonslauccs et souvencz-voug sans
LETTRES. 473

cesse que,nous vous aimons. De la sorte vous vez quelle grande consolation nous éprouvons
nous réjouirez grandement. sur celte terre étrangère lorsque nous rece-
vons des lettres qui nous annoncent de bonnes
nouvelles de votre santé. Nous désirons vive-
ment que votre religion conserve sa santé et
LETTRE XC.
sa vigueur ,
puisque votre santé est pour plu-
404. sieurs le bâton de secours, l'appui, le port du
saint, et la première cause de mille bonnes
A MOÏSE, ÉVÊQL'E. actions.

Je sais qu'il n'est pas besoin de vous écrire


pour vous exhorter à faire preuve d'une fer-
LETTRE XCn.
meté diyiie et à fuir ceux qui ont commis
tant d'iniquités contre les Eglises en remplis- De 404 à 407.

sant de troul)les toute la terre vous l'avez


;

montré par vos œuvres. Mais parce que de ,


A MOÏSE , PRÊTRE.
tout temps, et en toute circonstance je me suis
empressé de vous offrir mes salutations, main- L'excès des louanges contenues dans les
tenant aussi je vous exliorlerai à vous armer lettres de votre révérence surpasse de beau-
de la fermeté nécessaire pour repousser ceux coup notre néant. C'est pourquoi, laissant de
qui ont commis de tels excès et pour exhor- côté ces choses, je vous demande de ne point
ter les autres à vous imiter. Car , la récom- cesser de prier pour le bien général des Egli-
pense sera grande si vous savez, comme il ses et pour notre bassesse auprès d'un Dieu
convient, vous détourner de ceux qui ont sou- plein d'amour pour les hommes , afin qu'il

levé une si grande tempête et rempli le monde mette un terme aux maux qui ont envahi la
de milliers de scandales, et ce sera par là que terre. Car la situation présente réclame seu-

l'état des affaires recevra la plus grande amélio-


lement des prières, et surtout les vôtres qui
ration. Souvenez-vous toujours que nous vous ont un grand crédit devant Dieu ne négligez ;

aimons beaucoup. Vous savez quelles ont tou- pas de les renouveler assidûment, et ne crai-

jours été et quelles sont encore nos disposi- gnez pas de nous écrire souvent, lorsque vous
tions à l'égard de votre piété. en aurez la liberté, puisque la route n'est pas
longue jusqu'ici. Nous désirons vivement des
nouvelles de votre santé, parce que cette santé
est la force et la consolation de plusieurs. La
LETTRE XCL durée de votre vie serait nécessaire en tout
Gueuse, 404.
temps , mais elle l'est surtout maintenant
dans une telle tempête et de si épaisses ténè-
AU PRÊTRE ROMAIN. bres, afin que, comme un phare brillant, vous
éclairiez ceux qui sont ballottés par l'orage et
Il était digne de vous, de votre esprit no- par les flots. Réjouissez aussi notre cœur en
ble, élevé et sage, de ne point oublier notre nous envoyant de fréquentes lettres et des
amitié au milieu d'un tel bouleversement, nouvelles de votre santé ce ne sera pas pour
;

niais de rester inébranlable et denous garder nous une médiocre consolation d'être sans
une affection constante. Car c'est là ce que cesse informé de tout ce qui concerne votre
nous avons appris clairement de ceux qui sont révérence.
venus jusqu'ici, ce que nous n'ignorions pas
avant de l'apprendre des autres. Nous connais-
sons la fermeté et la constance de votre esprit, LETTRE XCIII.
de vos résolutions. C'est
la fixité et la solidité
pourquoi, nous rendons de grandes actions de A APIITIIONIIS, THÉODOTE, CHÉRÉAS, PRÊTRES ET
grâces à votre religion et nous encourageons M01>ES, ET A TOUTE LEUR COMMUNAUTÉ.
votre piété vous demandant comme une fa-
,

veur signalée de nous écrire souvent, lorsque La présence de ceux qui sont aimés est pour
vous en aurez la possibilité , puisque vous sa- ceux qui aiment un grand soulagement dans
474 TRADUCTION FRANÇAISE DE SAINT JEAN aiRYSOSTOME.

leurs douleurs. Le bienheureux Paul, qui por- la sorte, même dans ce désert aride où nous
taitsouvent ou plutôt toujours dans sa pensée vivons, nous éprouverons une grande joie.
toutes les contrées habitées par les fidèles, qui
ne voulait se décharger de ce fardeau ni dans
les liens, ni dans les entraves, ni dans le temps
même oii il paraissait devant ses juges, ce qu'il LETTRE XCIV.
témoigne lorfqu'il dit Pai^ce que je vous porte
:
D« 40» à 405.
dans mon cœur, et dans mes liens, et dans la
défense et dans la confirmation de V Évangile, A PENTADIE, DIACONESSE.
(Philip. I, 7), cependant désirait avec ardeur la
pré?ence de corps, pniscju'il parle ainsi : Eloi- Je connaissais déjà votre charité pour nous,
gné de vous pour un temps, non de cœur, mais l'ayant apprise par vos œuvres mais elle ;

de corps, nous désirons avec plus de force de est devenue aujourd'hui plus manifeste par
voir votre face, {l llwss. n, 17.) Nous éprou- tout ce que vous m'avez écrit. Nous vous
vons ces mêmes sentiments, et nous souhaitons louons grandement, non pour cela seul que
ardenunent la présence de ceux que nous avons vous nous avez écrit; mais parce que vous
déjà vus, et celle de ceux que nous n'avons nous avez mandé tout ce qui était arrivé. Vous
pas encore vus. Mais, puisque ce dé-ir ne peut avez prouvé que vous avez confiance en nous,
être satisfait préseulement à cause de la lon- et que vous avez souci de nos affaires. C'est

gueur de la route, de la saison, de la crainte pourquoi nous avons tressailli, nous nous ré-
des voleurs, et aussi parce qu'il ne nous est pas jouissons, et notre esprit est dans l'allégresse
facile de sortir de notre demeure pour entre- nous éprouvons une très-grande consolation,
prendre de longues pérégrinations, nous nous même au milieu de ce désert, à cause de votre
contentons de vous envoyer les salutations qui force, de votre constance, de votre fermeté

vous sont dues, vous sollicitant d'abord et vous inébranlable, de votre prudence, de la liberté
demandant, à titre de gràc»' singulière, devons de votre [)arole, de votre confiance sublime qui
souvenir de prier continuellement pour nous, a couvert de confusion nos adversaires et causé
de vous prosterner devant le Dieu des miséri- au demou une plaie mortellt.\ Vous avez for-
ceux qui combattaient pour la vérité;
cordes, avec ferveur et avec larmes, pour uoti e tifié

comme un guerrier généreux, vous avez élevé


\
humilité. Vous (jui avez fui les flots agiles des
alfaires humaines, qui avez échappé au tour- sur le chanip de bata'Ue un glorieux trophée;
billon des maux présents et à l'obscurité qu'ils vous avez moissonné une victoire éclatante, et
engendrent, qui avez abrité vos âmes dans le vous nous avez rempli d'une joie si grande,
port de la vraie philosophie cumme dans un que nous ne pensions plus habiter un pays
lieu sûr et exempt de mers, qui
l'agitation des étranger, une terre étrangère, un désert; mais
avez fait de la jour par vos veilles
nuit le qu'il nous semblait être là. être avec vous et
sacrées, et un jour plus éclatant que celui au- nous rassasier auprès de vous de la vertu de
quel les autres donnent ce nom, accordez-nous votre ànie.
dans nos combats le secours de vos prières, Héjouissez-vous donc et soyez dans l'allé-

ainsi qu'il est juste. Placé à de grandes dis-^


si gresse d'avoir remporté une telle victoire,
tances nous pourrons ucamuoins en ressentir dompté si facilement la rage de ces bêtes fa-

l'efficacité; ni le lieu, ni le temps ne nous pri- rouches, mis un frein à ces langues impu-
veront de cet appui. (Combattez donc avec nous dentes, et fermé ces bouches furieuses. La
et tendez-nous la main à l'aide de vos prièics. vérité pour laquelle vous avez combattu ,

C'est la manière la plus puissante d'exc rcer la pour laquelle vous avez été immolée, triom-
charité. Eu même tiinps (jue nous [trierez pour plie de la calomnie avec uu petit nombre
nous, ne craignez pas de nous transmettre des de paroles mais le mensonge qui s'enve-
;

nouvelles de votre santé nous y trouverons


; loppe dans Us mille détours du langage,
une gr.inde consolation , nourrissant notre succombe et disparait, nay int pas plus de
esprit du souvenir de votre charité el vous consistance que la toile de l'araignée. Ré-
ayant en quelque sorte devant les yeux, connue jouissez-vous donc et soyez dans rallégressc.
si vous étiez présents. Car l'amour véritable — ear je ne cesserai pas de répéter ces mêmes
peut ainsi retracer les traits des absents. Et de paroles, — prenez courage el ranimez voi
LETTÏIES. m
forces, et vous vous rirez do toutes les embû- agitée et furieuse au milieu de laquelle vous
tljts qui vous sont Icfuincs par i\c tds aihcr- avt'z navigué avec calme, et attendtz dans nn
ftiresi. Car, plus IcUiS ouiis sonl cruuls, plus bref délai le port et les couronnes. Et, puisque
ils se fout à eux-n)(Mîi< s des blessures pro- vous voulez aussi que nous vous parlions de
fondes, tandis qu»' leurs injuslioi-s ne vous nous, sachez que nous sommes vivant, que
<•
tleijçneiit pas. Comme les Ilots se brisent nous sommes en bonne santé que nous,

contre le roeht'r, ainsi se brise contre votre sommes exempt de toute maladie. Si nous
fornitîlé lem- ra;;e impuissante, et cependant étinns malade nous n'aurions pas besoin
,

i's ai'ciunuienl sur ltiu.< tètes des cbàtiments d'autre remède pour nous rendre la santé que
épou^antubles. Ne craignez donc pas leurs votre |iiété et votre < harilé sincère, ardente,
menaces, ni leurs grincements de dents, ni ferme, inébr.mlable ! Mais, parce (jue nous ai-
1 ivresse de leurs colères, ni leurs regards qui mons à a[ipnndre fréquemmi'ut des nouvelles
res|)irent le meurtre depuis (jue la perversité de votre sauté et de votre sécurité pour tout
leur a donné la cruauté des bètes sauvages. ce qui vous concerne, nous vous exhortons,
Celui qui jus |u'à ce jour vous a délivrée de ainsi que vous avez coutume de le faiie, sans
leurs n()ml)reuses embù lus, vous elabiiia en- attendre nos exhortations, à nous écrire trè>-
coit dans une sécurili! plus grande, parce ([ue souveut sur votre santé, sur toute votre mai-
\ous vous serez inontice vaillante, et vous son, sur tout ce qui vous touche. Vous savez
direz aussi Les fiée /tes ries im-chants sont de-
: combien est grand notre souci pour vous et
venues la cause de leurs plaies^ et la puissance pour votre maison bénie.
deltur langue s'est tournée contre eux. (Ps.
qui est arrivé etce qui arrivera
ixiii, 8.) C'est ce
de nouveau, afin que vous receviez une récom-
LETTRE XCV.
pense [)lus grande, que vous remj)0rliez une
couronne plus brillante, et qu'eux-mêmes, A P^ANIUS.
éloignés du repentir, se préparent un cliàti-

ment plus redoutable. Quel genre d'embûches Les événements survenus sont déplorables;
onl-ils omis? quelle sorte de machinations il ne faut |)as pleurer sur ceux qui en ont été
n'ont-ils pas employées lorsqu'ils ont entrepris les victimes et qui ont souffert avec courage,
d'ébranler votre fermeté, votre lidélité à Dieu, mais sur ceux qui en sont les auteurs. De
lorsqu'ils ont atla(|ué voire àme généreuse et mt'me que les animaux sauvages les plus diffi-
forte? Us vous ont conduite sur la place publi- ciles à percer du trait mortel, emportés par

que, vous qui ne connaissiez que l'église et le leur impétuosité et tombant sur la pointe du
secret de votre demeure, de la place publique gliive, en font pénétrer le tranchant jusqu'au
au tribunal, du tribunal à la priïon. Ils ont plus profond de leurs entrailles, de même ceux
aiguisé la langue des faux, témoins, ils ont dont l'audace accomplit de tels forfaits attirent
forgt'des calomnies impudentes, ils ont perpé- sur leur tête les rudes tourments de la gé-
tré des meurtres, ils ont fait couler le sang à henne. S'ils se glorifient de ce qu'ils ont fait,
flots, ils ont fait périr de jeunes hommes par ils sont d'autant plus misérables et dignes de
le fer et par le feu, ils ont couvert de plaies, plus de larmes, parce que de la sorte ils se pré-
d'oulrages et de tortures diverses des citoyens parent des châtiments plus grands. Ce sont
nombreux et considérables par le rang, ils ont ceux-là qu'il faut pleurer sans cesse mais on ;

tout osé pour arriver à vous forcer et à vous doit se réjouir avec ceux qu'ils ont immolés et
contraindre par la terreur de dire le contraire (lu'allendent dans le ciel les couronnes et le
de ce que vous aviez vu. Comme l'aigle qui prix du combat, on donnera ainsi la preuve la
s'élève dans les airs, vous avez rompu leurs plus grande et la plus manifeste du coup mor-
filets, vous élevant vers les hauteurs de la tel porté au démon. Et s'il n'avait pas reçu ce

ne vous laissant point circonvenir,


liberté, coup mortel, il n'aurait pas poussé do si grands
mais dévoilant les sycophantes au sujet de cris par la bouche de ceux ((ui lui obéissent.
cette accusation d'incendie sur laquelle les Envisageant toutes ces choses, mou maître vé-
misérables et les insensés fondaient leur espoir. néré, vous en tirerez une grande consolation.
Rappelez-vous donc tout ce passé, ces flots, Ecrivez-nous souvent touchant votre santé.
cette tempête soulevée contre vous, cette mer Nous aurions le désir de voir et d'embrasser
476 TRADUCTION FRANÇAISE DE SAINT JEAN CHRYSOSTOME.

votre tête chérie mais puisque cela ne nous


, que nous vous écririons tous les jours, tant
est pas permis, nous attendons de vos bons vous semblez ne vivre que par nos lettres. Que
sentiments que vous nous écrirez souvent con- Dieu vous accorde en cette vie et en l'autre le
cernant votre santé, et que sur ce point vous , prix et la récompense d'une si grande charité
vous montrerez bienveillant pour ceux qui pour nous De notre côté nous ne cesserons
! ,

nous aiment. point de vous envoyer nos lettres toutes les


fois que nous en aurons la possibilité et ce ;

sera pour nous un grand bon lieu r de vous


adresser souvent par écrit nos salutations. Car,
LETTRE XCVI. nous gardons sans cesse pour vous ce même
Cucuge, 404,
sentiment de charité que vous avez su nous
inspirer d'abord, et qui est devenu encore plus
vif. Et si nous demeurions encore éloigné de
A AMPRUCLA, DIACONESSE, ET A CELLES QUI VIVENT
AVEC ELLE. vous pendant un temps plus long, ce senti-
ment ne pourrait s'affaiblir; nous vous por-
Les flots se précipitant contre les rochers ne tons partout dans notre pensée, admirant votre
peuvent les ébranler, même légèrement, mais courage et la fermeté de votre esprit. Ecrivez-
ils se brisent par la violence du clioc et dispa- nous fréquemment des nouvelles de votre
raissent. C'est ce qui s'est accompli à votre santé et de toute votre maison afin que nous
,

égard et à l'égard de ceux qui vous tendent des en éprouvions ici une grande consolation.
embûches vainement et sans succès. Car vous
avez acquis auprès de Dieu un grand crédit,
devant les hommes une grande gloire ; sur LETTRE XCVIF.
eux, au contraire, sont venus la condamnation,
Gueuse, lOi.
la honte et l'opprobre. Telle est la nature de la

vertu et du vice; celle-là, lorsqu'elle est com- A nVPATIlS, PRÊTRE.


battue, prospère davantage ; celui-ci, lorsqu'il
entame la lutte, devient plus faible et plus fa- Vous n'ignorez pas, mon seigneur très-

cile à renverser. Puis donc que les événements vénéré, quellesgrandes récompenses nous
survenus vous ont fourni un grand sujet devons vaudront les souffrances endurées pour Dieu,
consoler, réjouissez-vous, soyez dans l'allé- (luelles palmes et quelles couronnes! Que rien
gresse et prenez courage. Vous savez quelles donc ne vous trouble dans tout ce qui peut
récompenses sont proposées à votre vertu pour arriver, puisque les pleurs conviennent seule-
ce combat dans lequel vous êtes engagées et ment à ceux (|ui font le mal, eux qui attirent
quels biens vous attendent si vous supportez sur leurs têtes des châtiments sans nombre.
avec force et actions de grâces tout ce qui peut Pour vous, comme il sied à votre caractère,
vous arriver, je veux dire ces biens que l'œil armez-vous de force et vous détruirez leui^s em-
de l'homme n'a point vus, que sou oreille n'a bûches et leurs machinations plus facilement
pas ouïs, ni son cœiu" ressentis. Les tribulations que la toile de l'araignée. Ecrivez-nous fré-
passeront et disparaîtront avec la vie, la récom- quenunent pour nous donner de bonnes nou-
pense sera innnortelle. Et, avant même (jue velles de votre santé, car nous recevrons une
vous obteniez la récompense, vous goûterez grande consolation, vivant dans celte terre
ici-bas une grande joie, vous nourrissant de étrangère, si nous obtenons quelques ligues
l'espoir d'une bonne conscience et de l'attente de votre révérence.
des couronnes qui vous sont réservées. Tout
cela, vous n'aviez pas besoin de nos lettres
pour vous l'apprendre; mais en vous l'écri- LETTRE XCMII.
vant nous avons donné plus de longueur à
Gueuse, 404.
cette épître, et nous savons que vous désirez fort
de recevoir nos lettres que vous les souhaitez
, A CHALCIDIK.
par-dessus tout, et que vous me reprochez tou-
jours de ne pas vous écrire assez. Nous ne J'ai éprouvé une douleur bien vive en ap-
pourrions rassasier votre désir, alors mcnie prenant que vous êtes dans un si mauvais clat
LETTRES. 177

de santé. Car vous save7, Ircs-noble et très- nous vous écrivons , nous adressons sans cesse
pieuse (ianii', coiiibij'ii nous soinmes préoc- nos salulutionsàvos esprits si noblesetsisuaves,
cupé (le ce sujet. C'est poiuqiioi, afin de nous et gravant vos dans notre âme, nous em-
traits
enlever le tournu-nl de linquiéluile, ayez soin portons partout voire image tel est le propre ;

de nous faire savoir par lapremière personne d'une amitié sincère. Sachant cela, seigneurs
qui viendra ici si la nialadi»; vous a (|wiltée et très chers et très-honorés, adressez-nous, lors-
si vous êtes revenue à une entière santé, puis- que vous le pourrez, des nouvelles de votre
que, dans ce lieu désert, nous ressentons une santé et que
soyez assurés malgré votre ,

joie peu commune lorsque nous recevons des silence,nous porterons le môme jugement sur
nouvelles de votre santé, de votre tranquillité votre charité que si vous nous aviez écrit, ne
d'esprit, de vous qui nous aimez avec tant de tenant compte que de votre intention et de
sincérité. Sachant donc quel bonheur nous votre désir.
causera votre lettre, ne tardez pas, n'apportez
aucun délai, mettez-vous aussitôt à l'œuvre,
et de même
que vous nous avez jeté dans la LETTRE CL
tristesse en nous annonçant votre maladie, de
même vous nous remplirez d'allégresse en nous De l'an 404 à 407.

annonçant votre retour à la santé.


A SÉVÈRE, PRÊTRE.

Bien que nous habitions dans le lieu le plus


LETTRE XCIX. désert, nous avons souvent écrit à votre sua-
vité, et nous ne cessons de demander à ceux
Cocuse, à ce que l'on croit, en 405.
qui viennent ici des nouvelles de votre santé.
A ASYNCRITIE. Pour vous, je pourquoi vous demeurez
ne sais
silongtemps dans le silence, vous qui nous
Je n'ai rien tant à cœur que de vous écrire aimez jusqu'à l'excès et qui pourriez profiter
souvent. Je n'ai point oublié votre bien- du bon vouloir de ceux qui viennent jusqu'à
veillance, ni l'honneur et le respect que nous. Toutefois, nous nous rappelons l'ardeur,
vous m'avez toujours témoignés; en quelque la franchise, la sincérité des dispositions que
endroit que j'aille, j'en emporte partout le vous avez toujours montrées à notre égard et
souvenir, qui se ravive sans cesse. Si je ne nous trouvons dans ce souvenir un grand sou-
vous pas aussi souvent que je le vou-
écris lagement, malgré ce silence obstiné. Quoi qu'il
drais seulement à de rares intervalles, ne
, et en soit, nous voulons aussi jouir des lettres
l'imputez pas à ma négligence, mais à des fréquentes que vous nous enverrez concernant
circonstances impérieuses et à l'état des routes votre santé, et apprendre de votre bouche et
présentement impraticables pour les voya- de votre main ce que nous apprenons seule-
geurs. Sachant donc qu'il en est ainsi, dame ment par d'autres. Donnez-nous donc cette sa-
très-noble et très-distinguée soit que nous , tisfaction, maître très -vénéré, puisque vous
vous écrivions, soit que nous gardions le si- n'ignorez pas quelle grande joie vous nous pro-
lence, soyez toujours persuadée de la persé- curerez. Mais, soit que nous vonsécrivionp,soit
vérance de nos bonnes dispositions à votre que nous ne vous écrivions pas, nous nous rap-
égard. pellerons toujours, en quelque lieu que nous
soyons, la charité dont nous avons fait preuve
en tout temps pour votre piété, car ce souve-
nir est pour nous -même une cause de joie
LETTRE C.
très-grande.
CucuM, k ce que l'on croit, en 404.

A MARCIEN ET UARCRLLIN.

La même cause qui vous a fait garder un


long silence nous a fait observer un silence pa-
reil, de bouche non de pensée. Par la pensée
478 TRADUCTION FRANÇAISE DE SAINT JEAN CHRYSOSTOME.

LETTRE cm. LETTRE CIL


Peut-ctre en 406. Cacuse, 404.

A TnÉOnOTE, LECTEUR. A AMPRICLA, DIACONESSE, ET A CELLES QUI


VIVENT AVEC ELLE.
Que dites-vous? Est-ce que la fureur des
flotsa dépassé votre attente et que, p(>urce mo- Bien que je sois séparé de vous par une
tif, vous êtes dans douleur? Tout au con-
la grande dislance, je n'eu suis pas moins instruit
traire, il faut pour cette raison vous réjouir et de vos actions illustres et plemes de courage,
témoigner votre allégresse, ainsi que faisait le aussi bien que ceux qui sont présents, et je vous

bienheureux Paul lorsqu'il disait: FA non-seu- félicite grandement de celle force, <le cette pa-

lement cela^ mais nous nous glorifions dans tience, de celte fermeté inébranlable, de votre

nos tribulatio)is (Rom, v, 3) ou bien encore:


;
volonté qui a la résistance du diamant, de
Je me réjouis dans mes souffrances. (Coloss. i, voire hardiesse et de de vos paroles.
la liberté

24.) Plus la tempête sera grande et terrible, Ctsi poui quoi, je ne cesse de vous |*roclanier
|)lus aussi le gain sera abondant, plus seront bienheureuse pour le temps présent et l'our
brillantes les couronnes accordées à la patience les biens (pii vous sont réservés dans le siècle
et magnifiques les prix du combat. Pour vous futur, biens inttlahles qui surpassent toute
j'ai confiance en vous, parce que je connais j^ei^ée tt tout langage humains. Mais vous nous
votre fermeté, votre constance, votre solidité. avez contristé parce que, dans cet éloignement
Mais vos persécuteurs me font beaucoup de où nous nous trouvons, vous n'avez pas daigné
peine, je ne puis voir sans pleurer (jue des gens nous écrire. Ct |)endant, je sais que ce n'est point
qui devraient vous consoler se conduisent à l'etlét de la négligence et je connais, soit que
votre égard en ennemis. Une chose pourtant vous écriviez soit que vous gardiez le silence,
m'afflige en ce qui vous concerne, c'est le mau- voire charité ardente et sincère, forte et solide,
vais état de vos yeux dont je vous engage à exemjite de tromperies et de ruse. Je sais quil
prendre plus grand soin, parlez-en aux mé-
le vous aura manqué quelqu'un pour écrire ;

decins et ne négligez rien de votre côté. Car, mais vous pouviez le faire dans la langue de
je l'ai dit, pour les tribulations qui fondent sur votre pays et de votre pi'ojire main. Vous n'i-
vous, il faut vous réjouir et je me réjouis avec gnorez pas combien nous désirons recevoir de
vous, parce que je n'ignore pas quel fruit vous Votre piété des lettres fréquentes, nous sou-
retirerez de la patience. Que rien donc de ce haiterions d'avoir chaque jour des nouv. Iles
(jui arrive ne vous décourage et ne vous trou- du volrt! saute, ci) sei'.ut pour nous une |)re-
ble: péché seul est un mal véritable, et tout
le cieuse consolation dansée désert, au milieu de
le reste, pour celui qui veille et demeure dans ces vicissitudes présentes. Or, puisque vous
la sobriété, est une occasion de gain qui vous SJivez, très-noble et très- religieuse dame, quel

vaudra les biens inellablcs et surabondants du est uoli'c désir, ne négligez pas de nous ac-

ciel.Ayant tous les jours entre les mains une corder celte grâce singulière. De nombreux vi-
tellesource de richesses, réjouissez- vous donc, siteurs sont venus ici, partis de divers lieux;
soyez dans l'allégresse, et ne craignez point de mais je ne vous fais pas un repioche de ce
nous écrire souvent. Nous souhaiterions uue quils ne nous ont pas apporté de lettres de
vous fussiez avec nous; mais la saison d'hiver, votre révérence, puisqu'il est vraisemblable
aussi bien que la saison d'été, vous seraient ()u'i!s incomuis de votre piété. Mainte-
étaient
funestes, et nous craindrions de vous expo.sr nant que vous avez toute facilité pour écrire,
aux intempéries de lair, surtout a cause de nous ilésirons vivement, après ce qui est ar-
vos yeux malades. Employez tous vos soins rivé, recevoir de vos lettres. Ayez donc soin de
pour les guérir et faites-nous savoir, eu nous réparer ce qui a manqué dans le passé et de
écrivant fré(]ueuun('nt, si leur état s'améliore nous faire oublier votre lontr silence en nous
un peu, afin qu'cloigné de vous par une si écrivant souvent , eu nous accablant duûo
grande distance nous éprouvions ici quelque pluie de lellrcs.
joio çn apprenant ces nouvelles.
LETTRES. 479

LETTRE CIV. LETTRE CV.

40G, à ce que l'on croit.

APEMADIE, DIACONESSE. A CDALCIDIE.

Je VOUS félicite desc >uronnes que vous avez Que Dieu vous accorde, et dans ce monde et
trrs^éespour voiis-mè iie et qno, mfiiiitenant dans l'autre, la récompense du respect, de
encore, vous ^ous préi» irez lorsque, dans votre Tlionneur, dela sincère charité (jue vous nous

g-andt'ur d'âme, vous' 'es disposée àtoutsouf- témoignez. Car ce n'est pas seulement aujour-
fnr pour ia vérité. C. si Dieu lui-même (jui d'hui, mais antérieurement et dès l'origine,
vous ecnivrira de. son l>.<uclier tl vous [)rolé- que j'ai reconnu clairement quels ont été f)Our
gera de sa force : Conihaltez jusqu'à la mort nous votre zèleet vos bonnes dispositions. C'est
pou)' la vérité, dit l'I rilure, et le Seif/iicur pourquoi, relégué à une si grande distance et sé-
combattra pourrons, .xclés. iv, 33 ) l.t cela paré par une si longue roule, au milieu de cette
s'est accompli. Vousav zcombalti bon c<un-
le contrée déserte et des nombreuses tribulations
l»at ; \oiis avez rempoi lé Us palmes que le <iel que nous rencontrons ici, par suite des périls
décernp, et je mi- réjouis à cause de cela. Mais quotidiens, desatta(|ues répétées des brigands,
parce que j'ai appris <,ue vous sonj^^ez à pirtir dt: l'absence des médecins rien ne peut nous
,

et à vous <;!oif,M!er des lieux où vous êtes, j'ex- empêcher de nous souvenir sans cesse de votre
liorte votre révérence à n'rniretenir aucune suavité, et cttle charité que, des le principe,
pensée de ce ^-enre et ;i nc|)oint lormerdc telles nous avons éprouvée pour vous et pour votre
résolutions, d'aburd [.arce (jiic vous êtes lesou- maison, nous la conservons aussi vive présen-
tic-n de la ville dans laquelle vous demeuiez, tement, de telle sorte que ni le temps ni l'éloi-
l'appui, le rempart in xpu{rn;ible, le port as- gnement ne pourra l'affaiblir. Tel est le propre
suré pour tous ciMix qi.u la lutte fatigue, et en- de l'alfection sincère. Comptant sur votre pru-
suite pour ne point laisser échapper de vos dence et votre piété, je vous exhorte à supporter
mains la réconq)ense , le granil gain, les ri- avec courage tout ce qui arrive, vous qui,
cbes trésors que vous amassez clia(|ue jour par depuis votre première jeunesse jusqu'à ce jour,
\otre simple présence dans cet endroit. Ceux avez marché au milieu des épreuves de toutes
qui vous voient, ceux qui entendent le récit de sortes et (|ui savez qu'il vous est possible de
vos œuvres n'en retirent pas eux-mêmes un remporter le prix de la patience dans de tels
médiocre avantage, et pour vous, vous savez combats car vous avez comb ittu d jà et vous
;

quelle récompense vous est réservée. Je vous vous êtes accjuis de brillantes couronnes, supé-
exhorte donc, comme je l'ai dit, à demeurer où rieures à l'etlort de la lutte. Si le combat pré-
vous puisque vous avez lait l'expéri. nce
êtes, sent est plus diflicile, la couronne sera plus
de l'utilité de votre S( jour en ce lieu. D'a.itre riche encore. Qu'aucune des choses fâcheuses
part, l'époque de l'année ne [)ermet pas un qui surviennent ne vous trouble plus les flots :

voyage vous connaissez ia faiblesse de votre


: seront soulevés, plus vague sera furieuse,
la
corps et rim()ossibi[ite de vous mt Itre en u)ar- plus aussi votre gain sera grand, plus sera
che |>en(lant Ihiver et durant un si grand froid. riche, magiiifujue et glorieux le prix de vos
On nous assure d'ailleurs que les Isauriens relè- sueurs les souffrances du temps présent ne
;

vent Env isagez toutes ces choses comme


la tète. sont rien en comparaison de la gloire qni sera
une fenuue prudenteetne vous mettez pouit en révélée en tious. (Rom. vm, 18.) Les choses
route; mais écrivez-nous à ce sujet sans re- présentes, les biens et les maux de cette vie
tard et entrelenez-nous de votre santé. Car, ne sont (omnie un chemin, dans lecfnel on ne
recevant pas de lettres de votre révérence, s'arrête pas ou traverse les uns et les autres ;
;

nous avon-^ été .-îfdige el nous avons été préoc- ils n'offrent rien de ferme et de stable, mais
cupé par ia crainte que la maladie n'en fut la ressemblent à tout ce qui est dans la nature
cause; enlevez-nous cette inquiétude eu nous phyeique, qui paraît et disparaît. De même
écrivant au plus vile. que les passants et les vova^^eurs, suit qu'ils
niarchdut à travers des prés fleuris ou dans des
480 TRADUCTION FRANÇAISE DE SAINT JEAN CHRYSOSTOME.

lieux abruptes et rudes, ne reçoivent d'un côté bas comme les feuilles du printemps ,
qui
aucun plaisir, et de l'autre aucune peine, parce naissent et se dessèchent, vous tenant toujours
qu'ils sont des voyageurs et non des habi'.ants, élevées dans ces hautes régions où n'atteignent
traversant avec la même indifférence les en- pas les traits ennemis. Il suffit de vouloir pour

droits bons et pour arriver dans


mauvais qu'il vous soit facile de fouler aux pieds toutes
leur patrie ainsi je vous exhorte à ne point
;
les apparences trompeuses de ce monde. Soye.^
souhaiter avec ardeur les joies de la vie pré- attentive seulement i)0ur voir avec quel zMt>
sente, à ne point vous laisser submerger par vous pouvez marcher dans la voie étroite qui
les tribulations, à ne considérer qu'une seule conduit au bonheur d'en-haut.
chose, je veux dire comment vous parviendrez
dans la commune patrie avec une confiance
inébranlable. Puisque cela seul est durable,
LETTRE CVII.
que ce bien est le seul qui demeure et ne périt
pas, estimons tout le reste comme li fleur des Gueuse, 405.
champs, comme la fumée, ou quelque chose
de moins encore s'il se peut. A CASTAS, VALÈRE, DIOPIIAME ET CYRIAQLE,
PRÈTKES.

Ce qui arrive à l'or éprouvé plusieurs fois


LETTRE CVI. par le feu, se produit également dans les âmes
d'or qui sont soumises au creuset des épreuves.
A Cucuse, 404.
Le feu rend la matière de l'un plus brillante et

A ASVNCRITIE ET A SES COMPAGNES. plus pure, après qu'il s'y est uni pendant un
temps déterminé par les règles de l'art ; la
Je sais quelle est votre charité pour nous, fournaise des tentations rend les hommes dont
quelle bienveillance vous vous êtes empressées l'esprit est semblable à l'or, i)lus brillants et
de nous témoigner en tout temps, et je dési- d'un plus grand prix que l'or lui-même. C'est
rerais moi-même vous écrire souvent si la pour ce motif que, séparé de vous par une si
crainte des Isauiiens n'avait intercepté les longue distance, nous ne cessons de vous pro-
chemins, s'il m'était possible de trouver quel- clamer bienheureux. Car, vous n'ignorez pas,
qu'un pour vous porter mes lettres. Aussi vous savez parfaitement combien est grand le
souvent que nous aurons des messagers nous , bénéfice que nous retirons des tribulations
vous rendrons les salutations (jui vous sont tandis que le bonheur de la vie présente est un
dues, vous invitant, selon notre coutume, à ne vain nom, privé de réalité, le.^ seuls biens
vous laisser troubler ni ébranler en rien par futurs étant fermes, solides, certains, immor-
les épreuves fréquentes et continuelles. En tels. Et ce admirable dans la vertu, c'est
(]ui est

effet, si les marchands et les marins traversent que non-seulement elle nous pré'pare ces ré-
des mers immenses pour de petites cargaisons compenses, mais le combat lui-même est une
et bravent les flots irrités, si les soldats mépri- récompense elle n'attend pas pour apporter
;

sent la vie pour une faible et modi(jue solde, aux vainqueurs le prix de la lutte que le théâtre
et durant toute leur vie, luttent contre la faim, soit enlevé, mais c'est au milieu de l'arène
entreprennent de longues marches, habitent le (lu'elle tresse ses splendides couronnes pour
plus souvent sur la terre étrangère, pour finir les athlètes. De là vient que Paul ne se réjouit
par im trépas prématuré et violent, ne recevant pas seulement des récompenses de la tribula-
pourcette dernière action, ni binuicoup, ni pou, tion, mais se glorifie des tribulations mêmes,
«luelle espérance de pardon pourraient avoir lorsqu'il dit Nous nous glorifions dans cette
:

les tièdes, ceux qui ne mépriseraient point la espérance, mais nous nous glorifions aussi dans
vie lorsque larécompense du Ciel nous est nos tribulations. (Rom. v, 3.) Ensuite, énumé-
la mort nous devons
proposée, lorsciu'après raut la série des biens que produit l'affliction,
attendre une rénumération bien suiiérieure à il ajoute (\y\'cUc produit la patience, cette mère
tous nos maux 1 Réfléchisse/, eur toutes ces chO' de tous les biens, ce port à l'abri des vagues,
ses, regarde/ les atfaires présentes connue une cette source de la vie tranquille, cette force
fumée, comme un songe, et le bonheur d'ici- plus grande que celle de la pierre, plus résis-
LETTRES, 48i

tante que celle du diamant, plus puissante que Peut-être avons-nous dépassé la mesure que
les ariunres, plus sûre que les solides remparts. devait garder celle lettre, mais elle ne sera pas
La patience est cette vertu parfaite qui fait de trop longue pour vous qui nous aimez si fort
ceux qu'elle nourrit des hommes forts et et qui la jugerez, non d'après les règles du
éprouvés, invincibles en toutes choses. Elle ne style épistolaire mais d'après celles de l'ami-
,

les laisse pas succomber et s'abattre, quelles tié, de sorte que vous la trouverez courte, je le

que soient les calamités qui surviennent; mais sais. Cependant, bien qu'elle doive vous paraî-

de même que
le rocher devient plus brillant tre courte je vous en demanderai le salaire,
,

lorsqu'il estdavantage battu par les flots qui non en vous sollicitant de m'aimer, car il
ne l'ébranlent pas, mais qui brisent contre n'est pas besoin qu'on vous le demande, et vous
lui la rage de leurs ondes, sans que ce soit le faites de plein gré sans jamais vous consi-
lui qui les frappe mais uniquement parce
, dérer comme libérés à cet égard, non en vous
qu'il est frappé ; ainsi celui qui est éprouvé priant de m'écrire, car je sais qu'il n'est aucu-
par la patience demeure supérieur à toutes nement nécessaire que quelqu'un vous en fasse
les attaques. Et ce qui est digne de remar- souvenir. Quel est donc ce salaire ? C'est de
que, ilse montre puissant non par le mal qu'il me faire savoir que vous êtes dans la joie,
fait, mais par celui qu'il soufTre, en disper- dans l'allégresse, dans les transports, et que
sant sans effort ceux qui en sont les auteurs. vous ne redoutez rien des maux qui fondent
Je vous écris toutes ces choses, bien que vous sur vous, mais que ces tribulations sont deve-
n'ayez pas besoin de les apprendre de nous, nues la source d'un plus grand bonheur. Si
car je connais votre prudence et je sais que vous nous recevons une lettre qui nous annonce ces
l'avez prouvée par vos œuvres ce que nous ; bonnes nouvelles elle nous consolera des
,

avons enseigné par nos paroles, vous l'avez en- ennuis de la solitude, de la peste, de la fa-
seigné par vos souffrances. Ce n'est donc pas mine de la guerre des Isauriens, de notre
,

parce que vous avez besoin de les apprendre mauvaise santé, de tous les maux présents, elle
de nous que j'ai écrit ces choses, mais parce sera notre remède et notre guérison. Connais-
que vous avez gardé un long silence, ou plutôt sant donc quelle joie vous nous procurerez,
parce que nous l'avions gardé de part et d'au- écrivez-nous et mandez-nous ces choses, afin
tre ,
j'ai voulu (jue cette lettre fût moins que, bien que séparés par une si longue dis-
courte. Or, écrivant aux généreux athlètes de tance, vous nous remplissiez d'une grande
la patience, de quel autre sujet pouvais-je par- félicité.
ler sinon de celui-ci, qui vous a rendus illus-
tres et célèbres ?
Mais là ne s'arrèle pas le fruit du combat, les LETTRE CVIII.
suites en sont fécondes. L épreuve, dit l'Apôtre, Cucuse, 404.
eyigeiidre l'espérance (Rom. v, /*), je dis une
espérance qui se changera en réalité, qui ne A URBICIUS, ÉVÉQUE.
ressemble pas aux espérances humaines, les-
quelles sont la source de nombreuses peines Bien que depuis un assez long temps je n'aie
pour ceux qui les poursuivent et ne peuvent pas eu de relations avec votre piété, mon affec-
jamais produire autant de fruits qu'elles ont tion ne s'est pas amoindrie pour cela. Car,
coûté de peines mais ne donnent que cha-
, telle est la nature de la charité vraie; elle ne
grin, honte, et périls de toute sorte. Cette espé- se flétrit pas avec le tcmjjs, elle ne s'obscurcit
rance dont je parle n'a rien d'humain; c'est pas au milieu des difflcultés, mais elle conserve
celle que Paul caractérise par un seul mot : toujours la même ardeur. C'est pourquoi, mal-
Mais l'espérance n'est point
confondue. (Ibid.) gré les vicissitudes présentes, bien (jue relégué
Non-seulement, elle n'apporte pas la défaite à dans ce désert aux extrémités de la terre habi-
celui qui est engagé dans la lutte non-seule- , table, vivantdans la crainte continuelle des bri-
ment elle ne lui apporte point la honte, mais gands et entouré d'assiégeants d'un genre nou-
elle lui procure une richesse et une gloire qui veau, — eneiret,lavilledeCucuseestenvironnée
l'emportent sur toutes ses peines et toutes ses d'un siège perpétuel, puisque les brigands en
fatigues, tant est généreuse la main qui nous interceptent les routes, — nous ne sommes pas
récompense de nos efforts. moins affectionné à l'égard de votre piété, mais
To^jE IV. 31
482 TRADUCTION FRANÇAISE DE SAINT JEAN CHRYSOSTOME.

nous vous écrivons et nous vous adressons les driez nous consoler dans le désert où nous vi-

salutations qui vous sont dues; vous priant, si vons. Que y avoir, en effet, de plus dé-
peut-il

ce n'est pour vous trop difficile et trop incom- sert que Gueuse, qui joint aux ennuis du désert
mode, de nous écrire vous-même. Nous rece- les attaques des Isauriens par lesquels nous

vrons ainsi une grande joie de vous qui nous ,


sommes assiégé? Que si, néanmoins, cela est
aimez tant, et vos lettres nous feront croire impraticable par suite de la crainte des bri-
que vous êtes ici avec nous. gands et des difficultés du chemin, ne redoutez
point de nous écrire, de nous donner des nou-
velles de votre santé afin que, sur cette terre
,

étrangère , nous soyons consolé par vos let-


LETTRE CIX.
tres.
CacuBe, 404.

A RUFIN, ÉVÊQUE. LETTRE CXI.

Je sais quelle est la fermeté de votre charité. Gueuse, 404.

Bien que je vous aie connu fort peu de temps


àAntioclie, maître très-révéré et très-pieux, A ANATOLIUS, ÉVÊQUE d'aDANA.
votre piété votre prudence
, votre charité
,

Je souhaiterais vivement pouvoir rencontrer


pour nous m'ont été sulfisamment prouvées.
votre révérence après tout ce que j'entends
l)e[)uis ce temps, quoi qu'il soit déjà loin j'ai ,

dn-e de l'ardeur de votre affection pour nous,


conservé pour vous une charité toujours plus
qui ne vous connaissons pas personnellement.
vive, cl votre image est devant mes yeux
Mais puisqu'il ne nous est pas permis de nourrir
comme si vous avais vu hier ou l'un de ces
je
derniers jours. C'est pour cela que nous vous
l'espoir d'une entrevue, je me borne aux re-

écrivons et que nous vous demandons de vous


lation? par lettres, les regardant comme un
souvenir continuellement de nous. Nous som-
grand bienfait pour moi. Bien que Cucuse, où
mes relégué à Cucuse, dans le lieu le plus dé-
nous sununes relégué, soit un lieu désert,
plein de périls, exposé à la crainte continuelle
sert de toute la terre habitable et nous sommes
des brigands, rien ne peut nous troubler on
assiégé chaque jour par les Isauriens. Et toute-
nous ébranler si nous jouissons de votre cha-
fois,au milieu de si grandes calamités, si nous
rité. Eloigné de vous par le corps, nous vous
sommes assuré de votre charité si nous con- ,

sommes at!;Khé avec force par rts|)rit, et


naissons clairement que nous jouissons de
nous croyons liabiter votre contrée paisible et
votre l)i( nveillance nous éprouverons dans
,

Iranquille plutôt que Cucuse, vous emportant


nos tribulations une consolation qui ne sera
avec nous dans notre pensée et demeurant
point médiocre.
avec vous par notre alfection.

LETTRE ex.
LETTRE CXII.
Cucuse, 404.

Cucuse, 404.
A BASSnS, ÉVÊQUE.
A TUKODORK, KVÈQIE.
Pourquoi donc, après nous avoir montré
une si grande ebarité dans le passé et, tout ré- S'il m'était possible daller trouver votre
cennnenl encore, à Constantinople, navez- piété, de vous embrasser, de me nourrir île

vous point daigné nous écrire lorsque vous votre charité en jouissant de votre présence,
avez appris (jue nous nous étions rajjprochéde je l'eusse fait avec empressement et sans re-
votre révérence ? Ne savez-vous pas (|uelles tard; mais puisque cela ne m'est pas permis
sont nos dispositions à l'égard de votre piété et je me contenterai de vous écrire. Bien que
combien nous vous sonunes étroitement uni nous soyons exilé aux extrémités de la terre,
par les hcns de l'amitié? j'avais espéré que nous ne pouvons oublier votre charité sincère,
vous vi(«n,i,'iez on personne et cjuc ^ous >ou- ardente, vruie, exemple de tromperie, telle
LETTRES. 483

que vous l'avez montrée dans le principe et


maintenant encore. Car, aucune des choses
que votre zèle vous a porté à dire ou à faire
LETTRE CXIV.
pour nous, maître très-vénéré et béni de Dieu,' Ciicusc, 401.

n'a pu nous échapper. Et si tout cela est de-


meuré sans effet, vous avez cependant Dieu A ELPIDITS, ÉVKQUE DE LAODICKE.
lui-même pour débiteur, à cause de votre zèle
et de votre ardeur, et vous recevrez la récom- Il est digne de vous, il est digne d'un pilote
pense complète et entière. Pour nous, nous ne vigilant et actif de ne point perdre courage

cessons de rendre grâces à votre sainteté, lorsque la tempête sévit ainsi, mais de de-

d'exalter devant tous votre piété, et de vous meurer constamment attentif et plein de solli-
exhorter à nous garder toujours une charité donnant ses soins là où le besoin se fait
citude,

plus vive, recevant dans ce désert une conso- sentir, se portant sur tous les points en multi-
lation bien grande, parce que nous avons dans pliant les lettres écrites partout, ralliant ceux

notre cœur un grand trésor et de grandes ri- qui sont proches et ceux qui sont éloignés, les
chesses, je veux dire la charité de votre âme excitant, recommandant chacun de ne point
à

vigilante et généreuse. se laisser entraîner par les flots, mais de rester


ferme, de veiller, lors même que des vagues plus
nombreuses et plus redoutables viendraient s'é-
lever, et, quoiqu'il ne soit qu'en un seul en-
LETTRE CXIII. droit, se montrant partout par ses avis et par
ses conseils. Car, éloigné de vous par une si
De 401 à 407.
grande distance, rien ne nous échappe cepen-
A PALLADIUS, ÉVÉQIJB- dant de tout ce que vous faites. C'est pourquoi
nous vous louons et nous exaltons votre piété,
Nous n'avons pas besoin de consolation pour votre esprit vigilant, votre âme inébranlable,
l'état présent de nos affaires; les événements et,dans un âge avancé, votre ardeur juvénile,
qui en ont été la suite suffisent pour nous qui d'ailleurs ne saurait nous surprendre.
consoler. Mai? nous gémissons sur cette tem- Lorsque ce que l'on attend de nous exige la
pête qui atteint les Eglises, sur ce naufrage force du corps, la vieillesse est un obstacle;
qui a couvert de ruines toute la terre, et nous mais lorsqu'une chose demande la sagesse de
vous exhortons tous a obtenir par vos prières l'âme, les cheveux blancs n'ont pas couhime
que ce renversement de toutes choses vienne d'om pêcher les grandes actions, et en efièl ils
à cesser et qu'enfin le calme se rétablisse. Ne n'ont rien empêché, puisqu'il n'est rien que
cessez point de prier, puisque, cachés en des votre piété n'ait conduit à bonne fin. Aussi,
retraites ignorées, vous avez un plus grand ne aucunement que vos veilles,
puis-je douter
loisir pour multiplier les prières d'un cœur vos fatigues ne reçoivent une récompense pro-
contrit. Ce ne sera pas en vain que vous vous portionnée. Et parce que vous avez pris le
prosternerez devant le Dieu de miséricorde. souci de nos affaires et de celles de toute la

Ne cessez donc pas de prier, et autant qu'il terre, à causede votre grande et ardente cha-
vous sera possible, écrivez-nous fréquemment. rité, et que vous désirez apprendre où nous

Séparé de votre grâce par une longue distance, vivons, ce que nous faisons, quels sont ceux
nous ne cessons chaque jour d'avoir un grand avec qui nous vivons, le voulant ainsi, non
souci de tout ce qui vous concerne, interro- pour un motif mais pour en être re-
frivole,

geant avec anxiété ceux qui nous viennent du connaissant à leur égard, nous-même nous ne
lieu où vous êtes, bien qu'ils soient nombreux. cessons de nous faire le héraut de votre cha-
Afin donc que nous soyons complètement ren- rité, de lui accorder des louanges, de la pro-

seigné , lorsque l'occasion se présentera , ac- clamer en présence de tous, de vous rendre
cordez-nous cette faveur de nous envoyer des grâces devant ceux qui viennent ici ou devant
nouvelles de votre santé afin que, même en ce ceux qui vivent avec nous. Pour vous, at-
désert où nous vivons, nous éprouvions une tendez la récompense que le Dieu de bonté
grande consolation. vous accordera et qui surpassera toutes vos
peines, la récompense qu'il donne avec abon-i
484 TRADUCTION FRANÇAISE DE SAINT JEAN CHRYSOSTOME.

dance à celui qui s'est efTorcé d'accomplir le prendrez de nous informer de ces choses. Indi-
bien par ses ou ses paroles. Mais
aclions quez-nous si quelque résultat est obtenu ou
aussi, nous voulons que vous puissiez vous non, afin que nous rendions grâces, dans le
réjouir en apprenant ce qui nous concerne. premier cas, à ceux qui auront songé à leur
Nous sommes à Gueuse, dans le lieu le plus âme, car c'est à eux-mêmes plutôt quà vous
désert, mais nous ne ressentons point les qu'ils sont utilesen agissant ainsi, et que, dans
effets de la solitude, tant nous jouissons du l'autre hypothèse, nous trouvions une nouvelle
calme, de la sécurité, des bons offices de tous. voie abrégée et sûre de vous faire jouir d'une
La maladie nous a quitté grâce à vos prières; paix entière et de vous délivrer de toute an-
nous sommes maintenant en santé nous ; goisse. Nous aurons bien mérité à nos propres
sommes délivré de la crainte des Isauriens; yeux en nous préoccupant ainsi de votre noble
nous sommes en sûreté et nous nous reposons et généreuse âme; mais écrivez-nous fré-
dans un grand loisir. Nous avons près de nous quemment des nouvelles de votre santé et de
les prêtres vénérés Constantius et Evétius; la célébrité que vous acquérez à votre nom.
nous avons l'espoir d'en avoir bientôt d'autres
que leurs chaînes ont retenus jusqu'à présent;
maintenant qu'ils sont délivrés, je ne doute LETTRE CXVL
pas qu'ils ne s'empressent de voler vers nous.
Cucuse, 404.
Ne cessez pas de prier pour nous, qui vous
aimons tant, maître très-vénéré et chéri de
A VALENTIN.
Dieu, et écrivez-nous, aussi souvent que vous
le pourrez, des nouvelles de votre santé, puis- Pourquoi donc, sachant combien nous nous
que vous savez que nous souhaiterions, s'il réjouissons de tout ce qui vous arrive d'heu-
était possible, d'en avoir chaque jour. Dites reux, quel bonheur nous ressentons de la
beaucoup de choses de notre part à notre gloire acquise par vous, ne nous avez-vous pas
maître vénéré et très-pieux, le prêtre Asyu- notifié les grands honneurs auxquels vous avez

critius, et à ses chers enfants, en même temps été appelé, amsi que vous le deviez; nous lais-
qu'cà tout le clergé placé sous les ordres de sant apprendre cette nouvelle par d'autres, et
votre piété. croyant sans doute n'avoir pas besoin d'une
longue justification après avoir été cause que
nous avons été si longtemps privé, autant qu'il
LETTRE CXV. était en vous, d'une joie si grande'? Car votre
dignité réelle, c'est votre amour de la vérité;
Cucuse, 404.
votre commandement le plus élevé, c'est celui

A TIlKOPini.E, rUETRE. que vous exercez sur votre âme par la vertu.
Mais, puisijue vous avez recherché les honneurs
C'est un cd'etdc votre indulgence etde votre monde pour
de ce l'utilité de ce monde lui-

esprit bienveillant, si, n'ayant rien reçu de même, et que vous avez voulu ouvrir à tous
ceux à qui je vous avais reconunandé, vous ceux qui sont dans le besoin un refuge d'au-
estimez néanmoins avoir reçu beaucoup, ju- tant plus assuré que vous seriez plus puissant,

geant tout d'après noire bon vouloir; mais je me réjouis et je suis dans l'allcgresse, sans

nous ne pouvons nous contenter de cela. Nous toutefois cesser do maintenir mon accusation

avons conféré longuenicnl sur ce sujet avec le relative à votre silence. De quelle manière nous

seigneur Théodore, l'oflicicr du ijniloire qui donuerez-vous une satisfaction suffisante? Par
nous a conduit à Cucuse, et nous avons écrit à la fiéquencode vos lettres et en nous adressant

plusieurs autres en les entrolenint de cette souvent des nouvelles de votre santé etde celle
même affaire. Veuillez donc nous faire savoir de toute votre maison. Maintenant que vous
au plus tôt si nos lettres ont produit quelque connaissez le moyen de vous faire pardonner,
•effet ou sont demeurées une écriture vaine et je vous ferai connaître en même temps la pé-
de nulle valeur pour ceux à qui nous les adres- nalitéencourue. Si, après celte lettre reçue,
sons. Nous louerons votre charité sur ce point, vous gardez encore le silence, vous demeurerez
et nous verrons la marque la plus éclatante de convaincu de grave négligence, et nous en
votre couliance en nous dans le soin que vous serons profondément affligé. Or, je sais
LETTRES. 48R

fous regarderez comme une peine rigoureuse dait cent deniers à son débiteur, serviteur
de savoir que nous sommes dans l'alfliction comme lui , fut moins l'auteur de la ruine de
pour ce motif, puisque je n'ignore pas combien celui-ci que du châtiment mortel qu'il s'attira,
vous nous aimez sincèrement et chaleureuse- puisque sa rigueur envers l'autre serviteur
ment. rendit vaine la remise des dix mille talents ;

ainsi celui qui pardonne les fautes du prochain


rendra un compte moins sévère dans l'éter-
nité, et plus il aura pardonné de grandes in-
LETTRE CXVIL jures, plus il obtiendra une grande indulgence.
Et non-seulement cela, mais encore il aura
Oocuse de 101 à 405, à ce que l'on sroit
accordé un bienfait tel qu'un serviteur n'en
peut donner, et il recevra une récompense
A TnÉODORA.
telle que le maître la donne.

J'écrisrarementàvotre grâce parce qu'ilm'est Ne me dites donc pas qu'il a manqué sur ce
difficile de trouver quelqu'un qui vous porte point, et sur cet autre encore. Car plus vous ,

mes lettres; en revanche je pense à vous non ra- me montrerez qu'il s'agit de choses graves, plus
rement mais sans cesse. Car l'une de ces choses vous me fournirez de motifs puissantssurlané-
esten notre pouvoir et non l'autre nous pou- :
cessité de pardonner, puisque vous vous ména-

vons nous souvenir continuellement et nous gerez ainsi pour la vie future une plus grande
ne pouvons disposer d'un courrier. Nous nous matière de miséricorde. Bannissez tout ressen-
servons de celui-ci ijuand nous l'avons sous la timent, même juste; domptez la colère par un
main, tandis que le souvenir ne nous quitte sa<ie raisonnement offrez ce sacrifice à Dieu
; ;

pas. Mes lettres précédentes avaient pour but réjouissez-nous , nous qui vous aimons et ,

de vous envoyer mes salutations je viens sol- ;


montrez qu'il nous a suffi d'une courte lettre
liciter un bienfait par celle-ci. Quel est ce pour obtenir une grâce si grande; cherchez
bienfait? C'est un de ceux que vous gagnerez pour vous-même une cause de joie, ainsi que
plus à accorder qu'un autre ne gagnera en le je l'ai dit, en cherchant la paix et bannissant de

recevant, qui sera plus utile à la personne de votre âme tout trouble, afin que vous puissicîr
qui il part qu'à celle à qui il s'adresse. Il est demander avec une grande confiance au Dieu
venu jusqu'à nous qu'Eusthasius a grave- des miséricordes l'entrée dans son royaume
ment olïensé votre révérence, qu'il a été chassé céleste. La charité envers le prochain efface les
de votre maison et éloigné de vos regards. De péchés, car il est dit Si vous remettez aux
:

quelle nature est cette oflénse et comment a-t-il hommes leurs fautes, mon Père céleste vous
mérité une si grande colère, je ne puis le dire, remettra les vôtres. (Mallh. vi, 14.) Réfléchissez
ne sachant rien autre chose, sinon qu'il vous sur tout ceci et écrivez-nous une lettre qui
faut écouter nos conseils, à nous, qui sommes nous que la nôtre n'a pas été inu-
fasse savoir
désireux de votre salut. La vie présente n'est tile. nous avons fait ce qui nous apparte-
Car,
rien ; elle ressemble à la fleur du printemps, à nait, nous avons accompli ce qui était en notre

l'ombre légère, aux songes décevants; ce qui pouvoir; nous avons exhorté, nous avons prié,
subsiste véritablement ce qui est stable et
, nous avons sollicité à titre de grâce, nous avons
exempt de tout trouble , c'est ce (jui nous at- conseillé ainsi qu'il le fallait. C'est maintenant
tend après la vie d'ici -bas. Vous nous avez sur vous seule que se porte toute notre sollici-
souvent entendu répéter ces vérités; vous les tude. Pour nous la récompense nous est
,

méditez continuellement dans le secret de assurée, soit (pi'il résulte quel(|ue chose de nos
votre demeure. Je ne m'étendrai donc pas lon- exhortations ou qu'il n'en résulte rien, car les
guement mais je vous dirai si c'est
là-dessus, : paroles ont aussi leur récompense. iMais tout
injustement que vous l'avez chassé, cédant à notre effort tend présentement à vous gagner
la calomnie, reconnaissez les droits de la jus- vous-même, de telle sorte que par vos bonnes
tice et corrigez ce qui a été fait; si vous avez actions en ce monde vous puissiez ac(iuérir
agi avec justice, considérez les lois de l'huma- sûrement les biens éternels de la vie future.
nité, et que votre conduite soit encore la même,
car vous en retirerez plus d'avantages que ce
malheureux. De même que celui qui redeman-
486 TRADUCTION FRANÇAISE DE SAINT JEAN CHRYSOSTOME.

antérieur, mais que vous attendiez seulement


pour m'écrire que je vous eusse enhardi à le
LETTRE CXVIII.
faire; envoyez- moi une nuée de lettres qui me

404, dans les commencements de l'exil. parlent de la gloire acquise à votre nom, car je

saiscombien elle vous est précieuse, et ne per-


AUX ÉVÊQUES ET AUX PRÊTRES RETENUS DANS LA mettez pas que la crainte du tyran vous con-
PRISON. traigne au silence, mais, brisant cet obstacle
avec plus de facilité que la toile de l'araignée,
Vous habitez la prison, vous êtes cliargés de montrez-vous avec éclat dans la mêlée, con-
chaînes, vous êtes renfermés avec des hommes fondant vos adversaires par voire liberté et par
sordides et couverts de haillons; mais que votre confiance. C'est maintenant le temps
pouvait-il vous arriver de plus heureux pour d'acquérir une grande gloire et de précieuses
une telle cause? Qu'est-ce qu'une couronne richesses. Lemarchand qui reste dans le port
d'or, dont on ceindrait sa tête, en comparaison n'amasse pas une cargais* n; il faut pour cela
de cette chaîne dont vos mains sont liées pour qu'il traverse de vastes mers, quil brave les
Dieu? Quelles sont les grandes et splendides flots avec audace, qu'il lutte contre la faim et
habitations qui valent la prison remplie de contre les monstres de l'onde, qu'il supporte
ténèbres et d'ordures , séjour d'affliction et beaucoup d'autres ennuis. Considérez tout cela
d'horreur, lorsqu'on la subit pour une telle et voyez que le temps des périls est aussi le
cause? Tressaillez donc tt bondissez de joie, temps d'un grand gain pour vous, d'une gloire
couronnez vos fronts et livrez-vous à vos trans- abondante, d'un salaire inestimable; étendez
ports, parce que les afflictions dans lesquelles les ailes de votre àme secouez la i)0ussière de
,

vous êtes seront la cause d'un grand gain. Elles la tristesse et de l'abattement, parcourez d'un
sont comme la semence qni annonce la récolte pied agile le front de bataille, assignant a cha-
la plus abondante ; elles sont comme le combat cun sa place, excitant, exerçant, fortifiant,
des lutteurs qu'attendent la victoire et les pal- allumant le zèle. Vax même temps, instruisez-
mes; elles sont comme la navigation pénible nous de tout par vos lettres; ne craignez point
qui rapporte un large bénéfice. Considérant d'avoir à nous raconter vos propres actions,
loules ces choses, seigneurs très-vénérés et mais accomplissez l'ordre que nous vous don-
très-i>ieux, soyez l'allégresse et dans la
dans nons et procurez-nous cette joie, afin que. dans
joie, ne négligez point de louer Dieu en toutes cet éloignement où nous vivons, nous éprou-
choses et d'infliger à Satan des plaies mortelles, vions un grand bonheur en apprenant de votre
vous préparant i)our vous-mêmes une riche piété ce que nous dosirons le plus vivement
récompense dans tourments du
le ciel. Coi' les savoir.
siècle présent 7ie sojit pas comparables à la
gloire future qui sera manifestée en vous. (Rom
vni, 18.) Ecrivez-nous souvent. Nous désirons LETTRE CXX.
ardemmentrecevoirdesleltresenvoyéespar des
I^crite à CésaTée do Cappadocc comme il allait en exil, en 4M.
hommes qui sont enchaînés pour Dieu, lettres
qui nous feront connaître tout ce (juc vous
A TIIÉODORA.
cnduiTz même durant notre séjour sur celte
:

terre étrangère, nous en retirerons une grande Je suis disloqué, épuisé, je me suis mi mille
consolation. foisaux portes de la mort et ceux que nous ,

avons chargés de nos lettres sauront vous le


raconter avec exactitude, bien qu'ils ne se
LETTRE CXIX. soient trouvés avec nous (jue peu de temps.

Ecrite en 401. comme il se rendait à Gueuse.


Car nous n'avons pu même nous entretenir
avec eux. accablé comme nous lélions par des

AU PRÊTRE THÉOnilLE. lièvres continuelles, malgré lesquelles il nous


fallait marcher le jour et la nuit, obsédé par
Puisque maintenant je vous ai ouvert la la chaleur, alfaibli par les veilles, privé de tous
voie i)our m'écrire, faites en sorle de inonUvr ceux iliMit j'. lisse pu recevoir des soins, et dans
i\U{i la négligence n'a point causé votre silence la disette de toutes les choses nécessaires. Nous
LETTRES. 487

ayons soufTort et nons souffrons plus que


ceux qui sont condamnés aux mines ou LETTRE CXXI.
renfermés dans les cachots. Nous sommes
Avant d'arriver & Cuciise en 404.
entrés, non sans peine, il est vrai, à Césarée,
comme dans un port et dans un lieu de repos A ARABILS.
après la tempête. Cependant, le port n'a pas eu
la vertu de chasser les maux causés par les Votre lettre nous a fait savoir quel foyer de
flots, tant les jours antérieurs nous ont épuisé. tristessevous portez dans votre âme, à la suite
A du moins, nous avons repris un peu
Césarée, de tout ce qui nous est arrivé, et déjà nous en
haleine, car nous avons bu de l'eau fraîche, étions auparavant informé; car, nous n'avons
nous avons mangé du pain i\in n'était ni moisi point oublié cette abondance de larmes que
ni durci outre mesure, nous avons pu laver vous avez versées dès le commencement, lors(|ue
notre corps, non dans des débris de tonneau, maux. Au reste, votre lettre
l'on ourdissait ces
mais dans un bain quelconque, et nous cou- non moins que vos larmes et vos gémisse-
cher enlln dans un lit. Je pourrais vous en dire ments a mis au jour cette dévorante tristesse
plus long, mais je m'arrête ici, ne voulant pas qui est dans votre cœur. Attendez-en la récom-
jeter votre espritdans le trouble. J'ajoute seu- pense du Dieu des miséricordes, car il y a
lement que vous ne devez cesser d'adresser des aussi pour la tristesse une grande et abon-
reproches à ceux qui nous aiment, parce que, dante miséricorde. Au milieu de la perversité
comptant beaucoup d'amis et des amis revêtus juive plusieurs qui
, ne pouvant arrêter ,

d'une si grande puissance, nous n'avons pu lescrimes se contentaient de pleurer et de


,

obtenir ce qu'obtiennent des hommes chargés gémir, furent récompensés, car tandis que
de crimes, savoir d'habiler une région moins
: la foule des autres périssaient et succom-
éloignée et plus douce, de telle sorte que ni la baient livrés au carnage, eux seuls évitaient les
faiblesse de noire corps, ni la crainte des Isau- effets de la colère divine. Placez, dit l'Ecri-
riens, maîtres de tout le pays, ne nous ont point ture, U7i signe su?' le visage deceux qui gémis-
fait accorder une si faible et si mince faveur. sent et qui pleurent. (Ezéch. ix, 4.) Cependant,
Gloire soit rendue à Dieu, même en de telles cir- ils n'avaient rien empêché mais parce qu'ils ;

constances! car nous ne cessons de le louer en avaient accompli ce qui était en leur pouvoir,
toutes choses. Que son nom soit béni dans tous parce qu'ils gémissaient et pleuraient sur ces dé-
/es siècles! {iob. i, 21.) Mais je suis vraiment sordres, ils ont obtenu leur salut. Pour vous, nos
clonné, pour ce qui vous concerne de n'avoir , maîtres, pleurez sans cesse sur nos malheurs ac-
reçu qu'une seule lettre de vous, bien que tuels, et suppliez le Dieu des miséricordes, de
celle-ci soit la quatrième ou la cinquième que nousdonner le salut dans ce commun naufrage
j'adresse à votre bienveillance et à votre grâce. de toute la terre. Car vous savez, vous n'ignorez
Pourtant, ne vous est pas difficile d'écrire
il pas que les troubles et la discorde sont en tous
plus souvent. Je ne le dis pas pour en faire un lieux, et (ju'il ne suffit pas de prier seule-
motif d'accusation ; car les devoirs de la cha- ment pour Constantinople , mais pour le
riténe s'imposent pas, ils sont rendus par un monde entier, puisque le cours du mal ayant
libre choix. Mais jegémis de ce que vous m'a- commencé là, il s'est porté ensuite dans toutes
vez si vite exclu de votre pensée, ne men- les contrées,comme un fleuve aux ondes cor-
voyant qu'une seule lettre dans un temps rompues pour ravager toutes les Eglises.
,

si long. Si donc je ne demande pas une chose Quant à ce que vous me demandez, je le de-
trop difficile et trop pénible, accordez-la, puis- mande aussi de vous tant que nous serons éloi-
que vous le pouvez, puisque vous en êtes la gné de corps, car nous sommes étroitement uni
maîtresse. Je ne veux pas vous préoccuper par l'àme avec votre noblesse ainsi qu'avec
d'autres affaires, car je n'en tirerais aucun pro- toute votre maison ; ne craignez point de nous
fit et je vous paraîtrais importun et à charge. écrire souvent des nouvelles de votre santé,
puisque vous savez quelle grande joie vous
nous procurerez. J'ai appris, depuis mon dé-
part, que vous m'aviez demandé de demeurer
chez vous il ne nous a pas été permis de sé-
;

journer à Sébaste, mais à Cucuse, le lieu le


488 TRADUCTION FRANÇAISE DL SAINT JEAN CHR\SOSTOME.

plus désert de l'Arménie et le plus dangereux savez puisque vous n'ignorez pas combien
en raison des courses des Isauriens. Néan- nous vous aimons.
moins, nous rendons grâces à votre noblesse
et nous apprécions comme il le mérite, l'hon-
meur que vous nous avez fait lorsciue nous LETTRE CXXIII.
partions pour l'exil, en songeant à nous offrir
Cucuse, 405.
rhosi)italité et en nous appelant sous votre
toit. Mais si vous avez quelques amis à Gueuse,
AUX PRÊTRES ET AUX MOINES DE LA PHÉNICIE
veuillez leur écrire.
CUARGÉS DE l'iNSTRUCTION DES CATÉCHUMÈNES.

Les pilotes, lorsqu'ils voient la mer agitée et


furieuse, lorsque la tempête et l'ouragan sont
LETTRE CXXII. déchaînés, non-seulement n'abandonnent pas
le navire, mais déploient un plus grand zèle,
Cucuse, 404 ou 405.
une plus grande ardeur, veillant eux-mêmes
A MARCIEN. et excitant les autres. Les médecins, lorsqu'ils
sont en présence d'une fièvre qui augmente et

Vous êtes heureux, trois fois heureux, et devient violente n'abandonnent pas le malade,
plus encore, vous qui avez montré une si mais ont recours à tous les moyens, déployant
grande libéralité envers ceux qui sont dans le leur zèle et mettant en œuvre celui des autres
besoin, au milieu de cette horrible tempête et personnes pour vaincre le m d. Pourquoi ai-je
de ce bouleversement de toutes choses. Car, la rapporté ces exemples ? afin que personne
grandeur de votre charité ne nous a point été d'entre vous ne se laisse entraîner par les
cachée, et nous savons que votre maison a été troubles présents à (luilter la Phénicie, et à
comme un port ouvert à tous les orphelins, s'en éloigner, afin que plus les difficultés sont
que vous avez consolé les veuves et soulagé grandes, plus les Ilots sont irrités et plus vive
leur pauvreté, apportant un remède à leur in- vous demeuriez vigi-
est l'agitation, i)lus aussi

digence et ne les abandonnant pas au senti- lants, actifs,animés par le zèle, déployant une
ment de leur détresse, mais leur tenant lieu ardeur toute nouvelle, en sorte que votre édi-
de tout et nourrissant tout un peuple de fro- fice splendide ne soit pas renversé, que tant de

ment, de vin, d'huile, de toutes les choses né- fatigues ne restent point vaines, que les soins
Que Dieu recompense, et
cessaires à la vie. donnés à votre champ ne soient pas perdus.
dans ce monde et dans Tautre, votre grandeur Dieu est assez puissant pour mettre fin à ces
d'àme, votre générosité, votre ardeur, votre agitations et assez riche jiour vous accorder la
zèle, votre amour des pauvres, votre charité récompense. Cette récompense ne pouvait être
sincère, puisque toutes ces vertus abondent aussi brillante lorsque tout s'accomplissait avec
en vous pour vous mériter lu
et fleurissent facilité, qu'elle le sera maintenant, alors que
palme dans le siècle futur. Nous n'avons rien le lunuilte et la confusion sont partout et (jue
ignoré dans ce désert où nous vivons en- le nombre de ceux (jui donnent le scandale est
touré de mille diflicuUés, où la crainte des grand. Considérez donc les travaux que vous
Isauriens nous assiège, où la solihule do la av(v, entrepris, les fatigues (|ue aous avez sup-
contrée etla rigueurde la saison nous accablent. portées, les actions héroïques (jue vous avez
Lorsque nous avons appris toutes ces choses accomplies, et Timpiété ipie, par la grâce de
concernant votre révérence, nous n'avons plus Dieu, vous avez en partie détruite, et les af-

ressenti nos chagrins, mais nous avons éprouvé faires de la îMiénieie entrant dans une voie
une grande joie, notre âme a tressailli, nous meilleure, et la récompense plus grande, et le
nous sommes livré à nos transports , nous salaire plus riche qui vous attendent, et Dieu
avons été dans l'allégresse pour des œuvres si (pu mettra fin bientôt à tant d'iniquités, et qui
excellentes par Icsqiielles vous amassez dans le vous réserve le |)rix de la i)aliencc , et, pour
ciel un trésor inappréciable. Donnez-nous en- toutes ces raisons, demeurez et persistez dans
core une autre joie ; écrivez-nous souvent des votre œuvre.
nouvelles de votre santé, car vous savez que Car, rien no doit vous manquer présente-

uous désirons vivement les recevoir, vous le ment ; j'ai donné l'ordre de vous fournir avec
LETTRES. 489

la même abondance, avec la même libéralité, bera la condamnation et la peine. Qu'il n'en
soit les >ctc;nicnls, soit les chaussures, soit ce soit pas ainsi, je vous en prie, accueillez les
qui est nécessaire à la nourriture des frères. conseils d'un homme (|ui vous aime beaucoup.

Or, nous qui sommes dans une telle allliction


si Dès que vous aurez besoin de quelque chose,
et de graves embarras, habitant ce désert de
si écrivez-moi, ou si vous voulez, députez-moi
Gueuse, nous avons un si grand souci de votre ([uelqu'un et vous ne manquerez de rien.
œuvre, à plus forte raison faut-il que vous-
mêmes, jouissant d'une grande abondance, je
parle de celle des choses nécessaires, vous fas- LETTRE CXXIV.
siez tout ce qui est en votre pouvoir. Je vous
en conjure, que personne ne puisse vous ins- A GCMELLUS.
pirer de crainte. D'ailleurs, les espérances sont
présentement meilleures, comme vous le ver- Ilyades gens qui félicitent Votre Révérence
rez par les lettres que nous envoie le seigneur au sujet de sa magistrature moi j'en félicite
;
,

Constantin, prêtre très-pieux. Demeurez , et la ville; ce dont je suis heureux pour votre

dussent les obstacles être comptés par milliers, magnificence, ce n'est pas l'honneur que lui
vous les surmonterez tous. Car, il n'est rien de vaut cette charge (vous avez su vous élever
plus fort que la patience. Elle ressemble à un au-dessus de ces misères), c'est l'occasion et la
rocher, de même que les troubles et les com- qu'elle vous procure de faire éclater
facilité

plots suscités contre les Eglises, ressemblent aux yeux de tous votre prudence votre dou- ,

aux flots qui se préci[)itont contre le rocher et ceur, et d'en recueillir le fruit ; vous saurez
qui s'évanouissent dans leur propre écume. prouver, j'en suis convaincu, aux hommes trop
Remettez-vous devant les yeux tout ce que les attachés à la terre, trop éblouis du vain pres-
bienh(!ureux apôtres ont souffert de la part de tige de la renommée que ce n'est point le man-

leurs proches et de celle des étrangers, et com- teau, la ceinture, la voix d'un héraut qui font

ment ils ont passé le temps de leurs prédica- le magistrat, mais la vigilance à réparer les
tionsau milieu des épreuves, des dangers, des dommages,, à remédier aux maux, à punir l'ini-
embûches, dans les prisons, dans ks liens, quité, tout en défendant contre la puissance la

dans en butte a la faim, à la nudité, aux


l'exil, cause de la justice opprimée. Je connais votre
fouets. Et cependant, même dans la prison, ils indépendance, la liberté de votre langage, la
ne négligeaient pas la charge (]ui leur était hauteur de votre âme, votre mépris des choses
confiée; mais le bienheureux Paul, habitant la temporelles, votre haine contre le vice, votre
prison, accablé par le fouet et versant son douceur, votre charité : qualités nécessaires
sang, retenu dans les entraves, endurant tant principalement au magistrat. Aussi je sais de ,

de maux, initiait aux mystères du fond de son resteque vous serez un port pour les naufragés,
cachot, baptisait son gardien et ne négligeait un bâton pour les chancelants, une tour pour
aucun devoir de son apostolat. Repassant ces ceux qu'assiège un pouvoir inique, et tout cela

choses dans votre esprit, selon que j'exhorte sans peine. Vous n'avez besoin ni de fatigues,
votre charité, tenez-vous fermes, inébranlables, ni de sueurs, ni d'années pour remettre les
incorruptibles , mettant votre espérance en choses dans l'ordre. De même que le soleil n'a

Dieu en son secours que rien ne peut éga-


et qu'à paraître pour dissiper tous les brouillards:
ler; enfin, ayez soin de nous écrire sur toutes ainsi vous n'avez eu vous, qu'à paraître sur
ces choses. Nous vous avons epvoyé le très- votre siège, j'en suis certain, pour réprimer
pieux prêtre Jean, afin qu'il raffermisse vos du premier jour les tentatives injustes, pour ar-
esprits et que vous ne vous laissiez abattre par racher opprimés avant tout jugement, aux
les

quoi que ce soit. J'ai fait moi-même ce que je mains de leurs persécuteurs. Il a suffi pour
devais, vous exhortant par mes paroles, vous cette œuvre de la réputation de sagesse dont
relevant par mes conseils, fournissant abon- vous jouissez. Aussi, malgré l'isolement où je
damment que rien ne vous
à vos besoins pour suis confiné, malgré les maux qui m'assiègent,
fasse défaut. vous refusez mes conseils,
Que si suis-je pénétré d'une joie profonde considé- ,

si vous vous attachez à ceux qui vous sédui- rant comme un bonheur pour moi le secours
sent et qui vous excitent contre nous, la faute que reçoivent les opprimés.
n'en est pas à moi. Vous savez sur qui retom-
490 TRADUCTION FRANÇAISE DE SAINT JEAN CHRYSOSTOME.

fondit à ce point le tyran qu'il publia un édit

LETTRE CXXV. par toute Grand, dit-il, est le Dieu


la terre :

de Sidrach, de Misach et d Abdénago. (Ib. v,


Cucuse, 404. 95.) Et voyez quelle sévérité : il condamne qui-
conque aura mal parlé d'eux, à perdre sa mai-
A l'évêque cybiaque exilé aussi lui-même *. son, à se voir priver de tous ses biens. Gardez-
vous donc du découragement et du désespoir.
Je vais essayer encore de soulager votre bles- Moi-même, quand on me chassait de la ville,
sure et votre chagrin, et de dissiper les pen- je m'en inquiétais peu, et je me disais à moi-
sées qui vous assombrissent. Quelle est donc la même : Si l'impératrice veut m'exiler, qu'elle
cause de voire douleur, de votre décourage- m'exile: Au Seigneur appartient la terre et ce
ment? Est-ce Taflreuse, la formidable tempête qid la couvre. (Ps. xxiii, 1.) Si elle veut scier
déchaînée sur TEglise ? Je connais ces maux, mon corps, qu'elle le fasse; je saurai suivre
et [)ersonne ne les niera; mais si vous voulez l'exemple d'Isaïe. Si elle veut me précipiter
je vais vous retracer une image de ces événe- dans mer, je n'ai point oublié Jonas. Si elle
la
ments. Nous avons sous les yeux une mer sou- veut me jeterdans une fournaise, j'ai un mo-
levée du fond des abîmes, des nochers qui dèle dans les trois enfants qui ont été condam-
délaissent la rame et le gouvernail pour em- nés à ce sujiplice. Si elle veut me livrer aux
brasser les genoux les uns des autres qui, dé- bêtes, je songe à Daniel, abandonné aux lions
couragés, impuissants contre la tempête, au dans une fosse. Si elle veut mr- lapidi;r. qu'elle
lieu de regarder le ciel, lamer, la terre ferme, me lapide; premier martyr, m'a
Etienne, le
restent gisants sur le pont à gémir, à pleurer. donné l'exemple. veut ma tête, qu'elle
Si elle
En mer, c'est ainsi que les choses se passent ;
la prenne; j'ai pour maître Jean-Baptiste. Si
mais aujourd'hui, sur notre mer, à nous, plus elle veut mes biens, qu'elle les prenne. Nu je
violent est l'orage, plus terribles les vagues. suis sorti du sein de ma nirre. nu aussi je m'en
Eh bien invoquez notre Maître le Christ: il
!
irai. (Job, i, 21.) Jeutenis l'Apôtre tjuimecon-
n'a pas besoin d'industrie pour triompher de seille: Dieît ne fait point acccptioyi de la per-
la tempête; d'un signe, il calme les flots. Que sonne de riiO?nme , oA ailleurs: Si je plaisais
si vous l'avez souvent invoqué sans être exau- encore aux hoinmes, je 7\e serais point soriteur
cé, persistez néanmoins. Telle est la coutume du Christ. (Ps. n, 6 et i, 10.) Et voici David qui
du Dieu de bonté. N'est-il pas vrai qu'il a su m'arme en disant Je parlais de vos témoigna-
:

racheter les trois enfants du supplice de la ges en présence des rois, et je 71 étai< pas con-
fournaise ? Ils étaient captifs jetés dans un
, fondu. (Ps. cxvni, 40.) Ils ont inventé contre
jiays barbare, déchus de l'héritage paternel, moi nombre d'artifices ils disent que j'ai ;

réputés perdus par tout le monde, aucun re- donné la communion à des personnes qui ve-
cours ne leur resiiit. C'est alors que le C-hrisl, naient de manger. Si je l'ai fait, que mon nom
notre vrai Dieu, opéra le miracle et dissipa la soit rayé du livre des évêques, et qu'il ne soit
flamme. Ne pouvant tenir bon devant la vertu pas inscrit sur celui de l'orthodoxie, attendu
de ces justes, le feu s'échappa de la fournaise et que si j'ai commis une semblable prévarica-
consuma les Chaldéens (|ui étaient ahintour. tion, le Christ royaume. Mais
m'exclura de s-on
Et (lès lors cette fournaise était pour eux une si après avoir prétendu cela une ft>is pour tou-
église; ils invoquaient toute la création , les tes, ils persistent dans leur imputation, qu'a-
choses visibles et les invisibles, les anges, les lors ils dégradent aussi saint P.iul. tjui baptisa
puissances, et réunissant tous les êtres eu une toute une maison après un repas : qu'ils dé-
seule apostrojihe, ils s'écriaient: Ouvrages du gradent le Christ lui-même, qui donna à la
Seigneur bénissez tous le
^ Seigneur ! (Dan. mi, suite d'un repas la communion à ses Apôtres.
57.) Voyez-vous comment la résignation de ces Ils (lisent (]ue j'ai eu commerce avec une
justes changea le feu même eu rosée, et con- femme. Mettez à nu mon corps, et vous con-
' L'autlienticito de rette lettre a été contestée, ni.iis «isns rnivons naîtrez la mortification de mes membres.
sufnsanles les objections sont tirée», soit du style et de
: la précité,
Toutes ces imputations sont l'ouvrage de l'en-
Boit de certaine passages qui ont semble peu conformes à l'esprit de
douceur et de niodesiie du saint évé.iue. Un exaine plus aiientif, <
vie. .Mais vous ne pouvez apprendre sans dou-
donne raison à la critique moderne, qui parait unanime, pour ad-
Diotlre raiithenticito. Tout" celle coiiliovorso a d'ailleurs élo résumco
leur, mon frère Cyriaque. (jue ceux qui mont
dans l'cdllion grecquc-laime de Mi^:nc. (Toiii. m, pat;. b7'.»-(»8t>.) exilé, se montrent librement en public, qu'ils
LKTTKES. V.1I

Sont escortés d'une foule de satellites? Uappc- cultiver une terre située en face du paradis,
lez-vous donc le riche et Lazare songez lequel : afin que chaque jour, à toute heure, en voyant
des deux fut aldi-ié, lequel heureux ici-has. le lieu de délices d'où il était sorti, il ne cessât
Quel donunat,'e la pauvreté de Lazare lui causa- d'avoir l'ànie pénétrée de douleur. — Ici-bas,
telle? N'a-t-il pas été transporté, athlète vic- ilnous est interdit de nous visiter l'un l'autre ;

torieux, dans le sein d'Abraham? et quel pro- mais là-haut, personne ne nous empêchera de
fit l'autre a-t-il retiré de l'opulence où il vivait, vivre en société, et nous verrons ceux(iui noue
couché sur la pourpre et le lin? Où sont désor- comme Lazare voit le juste, comme
ont exilés,
mais ses licteurs? ses salellitts? ses chevaux lesmartyrs voient les tyrans. Gardez-vous —
enharnachés d'or? ses parasites? sa table donc de vous décourager, et rappelez-vous les
royale? N'a-t-il pas été conduit au tombeau paroles du Prophète Ne craignez pas Vinjure
:

comme un brijjand chargé de liens, emportant des hommes, et ne vous laissez point vaincre
du monde son âuie toute nue , et n'est-ce pas par leur mépris : comme la laine est mangée
inulilcmcnt (jue sa voix crie Pcre Abraham^
: par le ver^ ainsi ils seront dévorés^ et devien-
envoyez Lazare, afin qu'il trempe le bout de dront pareils à un vêtement hors d'usage. (Isaïe,
son doigt dans l'eau pour rafraîcliir ma langue, Songez à notre Maître, rappelez-vous
Li, 7, 8.)

car je suis tmirmcntil dam cette flamme. (Luc, comment il fut persécuté dès le berceau, com-

XVI, -2A.) PouKjuoi nomuies-tu cet Abroham ment il fut relégué dans un pays barbare, lui,
dont tu n'as pas imité la vie? Abraham accueil- le souverain du monde exemple à notre
:

lait tout le monde dans sa maison, et un seul usage, afin que nous ne perdions point cou-
mendiant n'a pas pu exciter ta sollicitude ? rage dans les tentations. Rappelez-vous la pas-
H ne faut ni pleurer ni gémir de ce qu'un sion du Sauveur, et combien d'outrages il a
honmie aussi opulent ne mérita point une subis pour nous. Les uns l'appelaient samari-
goutte d'eau. En eflet, c'est parce qu'il avait tain , les autres possédé ,
glouton ou faux
,

refusé des miettes au mendiant, ([u'une goutte prophète. Voilà^ disait-on, ce gourmand, ce
d'eau lui fut refusée. 11 avait laissé l'hiver se buveur de vin (Luc, vu, 3-i), et encore : C'est
passer sans semer la miséricorde ; l'été arriva, par le prince des démons^ qu'il chasse les dé-
et il neut jtas de moisson. Et la pro\idence de mons. (Mallh. IX, 3/1.) Qu'était-ce donc, lors-
Dieu se reconnaît encore dons ceci qu'il nnt . qu'ils l'enmienaient pour le précipiter et qu'ils
la punition infligée aux méchants en regard lui crachaient au visage? lorsqu'ils lui met-
du repos donné aux bons, afin qu'ils se vissent taient la chlamyde, et qu'ils le couronnaient
mutuellement et pussent se reconiiaîtce. En d'épines, et (ju'jIs tombaient à ses pieds par
effet, dans ce jour, chaque martyr reconnai- dérision, en rabreuvant de tous les outrages?
irason tyran, et chaque tyran le martyr contre qu'était-ce, lorsqu'ils le souffletaient, lorsqu'ils
lequel il aura sévi. Et ce n'est pasnu)i qui l'a- lui donnaient à boire du vinaigre etdu fiel?
vance; écoutez la parole de la Sagesse : Alors le lors(ju'ils lui frai)paienl la tète avec un roseau,
juste se tiendra debout , dans une complète li- et qu'ils le traînaient çà et là comme des chiens
berté de langacje , vis-à-vis de ses oppresseurs. altérés de sang? (|u'élait-ce quand on le con-
(Sap. v, i.] Le voyageur qui fait route dans le duisait, dé) ouillé de ses vêlements, au sup-
fort des chaleurs, vient-il à trouver une eau plice, (juand tous ses disciples l'avaient aban-
pure pour étancher la soif qui le consume; donné, et que l'un l'avait trahi, un autre
pressé par une faim dévorante, se voit-il in- renié, les autres délaissé pour fuir, quand il

viter à une mets de toute es-


table chargée de restait seul etdésarmé au milieu de cette po-
pèce si alors une personne plus puissante que
: pulace assemblée comme pour une fête? Qu'é-
lui lui mterdil de prendre part au festin et de tait-ce, quand ils le crucifiaient comme un scé-
goûter aux mets le voila en proie à une vive
, lérat entre des malfaiteur-, et qu'il restait sans
douleur, à un affreux supplice il est à table, : sépulture, attaché sur la croix, et qu'ils ne l'en
et il ne peut manger il est assis près d'une ; ôtaient point jusqu'à ce qu'il vînt ([uelqu'un le
source, et il ne peut se désaltérer. Ainsi, au réclamer pour l'ensevelir? Souvenez-vous qu'il
jour du jugement, les impies sont témoins du ne fut pas jugé digne de funérailles, et qu'on
bonheur des justes, et ils ne peuvent prendre fit courir contre lui cette calomnie, que ses
place au royal banquet. disciples l'avaient dérobé, et qu'il n'était point
Lorsque Dieu voulut punir Adam, il lui fit ressuscité. Représentez - vous également les
492 TRADUCTION FRANÇAISE DE SAINT JEAN CHRYSOSTOME.

apôtres, chassés de tous lieux, réduits à se ca-


cher, à ne point se montrer dans les villes;
LETTRE CXXVL
Pierre retiré chez Simon le corroyeur, Paul
chez la marchande de pourpre, parce que les Gueuse, 406.

riches ne leur permettaient point de parler.


Néanmoins dans la suite, tous les obstacles AU PRÊTRE RLFIN.
s'aplanirent pour eux. Ainsi n'allez pas non
plus vous décourager. Moi aussi, j'ai appris J'apfirends que de graves malheurs ont éclaté
une nouvelle au sujet d'Arsace, de ce fou que de nouveau en Phénicie; la fureur des païens
l'impératrice a mis sur le siège il a persécuté : redouble , et parmi les moines un grand nom-
tous ceux de nos frères qui ne voulaient pas bre ont été blessés ou mis à mort. C'est pour-
communier avec lui ; et beaucoup d'entre eux quoi j'insiste de nouveau et plus que jamais
sont morts en prison à cause de moi. — C'est pour que, sans différer davantage, vous voliez
un loup sous les apparences d'une brebis : au combat. J'ai la certitude que, si vous pa-
un évoque par les dehors, au fond un adul- raissez là, vos prières, votre bonté, votre dou-
tère car de même que la femme qui se re-
;
ceur, votre patience, votre force d'âme habi-
marie du vivant de son premier époux, est tuelle, enfin votre seule présence, suffiront à

considérée comme adultère : cet homme est mettre en fuite l'ennemi, à contenir les fu-
adultère, non de chair, mais d'esprit, en tant rieux , à rendre le courage aux nôtres, à opé-
que m'ayant ravi, moi vivant, le trône de rer les plus grands biens. Ainsi point d'hési-
l'Eglise. Je vous mande ceci de Cucuse, oîi tation ni de délai ; redoublez de célérité et que
Beaucoup de tri-
l'impératrice nous a déporté. les faits que je porte à votre connaissance
bulations nous sont survenues pendant le stimulent encore votre ardeur. Si vous voyiez
voyage, mais rien ne nous a ému. A notre une maison en flammes, loin de passer votre
arrivée en Cappadoce, ainsi que dans la Ci- chemin, vous redoubleriez au contraire d'ac-
licie du Taurus, nous avons vu venir à notre tivité afln de prévenir les progrès du feu vous :

rencontre des troupes nombreuses de saints travailleriez tant par vous-même qu'avec le
prêtres, sans parler d'une multitude de soli- secours d'autrui à triompher du fléau. Eh
taires etde vierges, dont les yeux répandaient bien! en présence de l'incendie que nous
d'intarissables sources de larmes. Et en nous — voyons sévir, hàtez-vous de vous rendre sur
voyant prendre le chemin de l'exil, ils gémis- les lieux : de toute façon vous rendrez des ser-
saient et se disaient entre eux Le soleil dérobant: vices, et votre secours sera très-utile pour
ses rayons, eût été un moindre malheur que Jean réparer les dommages. Quand tout est dans le

réduit au silence. — J'étais troublé, centriste, calme, la tranquillité, premier venu


la paix, le

en les voyant tous pleurer sur mon sort car : sullit à la tâche aisée d'instruire dans la foi
pour tous les autres accidents qui me sont sur- quelijues ignorants. Mais (piand le démon fu-
venus, je ne m'en suis pas inquiété. D'ailleurs rieux déclare la guerre avec plus d'audace,
révoque de cette ville nous a parfaitement ac- lui résister avec plus de force, lui ravir ses
cueilli et nous a prodigué les marques d'af- victimes, empêcher ses progros, c'est le propre
fection au point que s'il eût été possible, et si
: d'un homme généreux, d'un cœur uitrépide,
nous n'avions pas eu de limites à respecter, il d'une âme élevée et forte; c'est un exploit
serait allé juscju'à nous céder son siège. Je vous digne de mille couronnes et au-dessus de tout
prie donc, et vous conjure en embrassant vos éloge ; c'est l'œuvre d'un aitôtre. Songez que

genoux, de secouer votre deuil et votre cha- le moment est venu pour vous d'acquérir uue
grin, toutefois sans nous oublier dans vos grande gloire et d'infinies richesses : voici

prières et daignez nous répondre.


;
l'occasion de faire fortune ; ne la laissez pas

échapper, hâtez-vous d'en tirer parti, nous


vous en conjurons et empressez-vous de nous
:

écrire, dos que vous serez sur les lieux.


Pourvu que j'apprenne que vous avez le pied
sur le sol de la Phénicie, mes craintes feront
place à la confiance. Je sais, en effet, ce qui
s'en suivra tel (ju'un héros généreux, accou-
:
LETTRES. 49.1

tunié aux exploits, vous parcourrez les rangs,


relevant ks uns, rassurant et fortifiant les LETTRE CXXVII.
antrt'S, renieltant dan> la voie ceux qui s'éga-
rent, recherchant et n trouvant ceux qui sont Probablement 406.

prnhis, l't vous niellnv. en déroute les forces


conjurées du démon. Car rien ne m'est plus A POLYBE.
connu que votre vigilance, votre circonspec-
Un autre se plaindrait de la rigueur intolé-
tion, votre intelligence, voire sagesse, votre
rable de l'hiver, de celte affreuse solitude, de
douceur, votre courage, votre fermeté , votre
ces souffrances et maladies; pour moi, je ne
patience. Je désire que vous m'écriviez sou-
vent, même durant votre voyage, et j'ai été
me que de notre séparation, plus pénible
plains
à supporter que l'hiver, que la solitude, que la
surpris que le prêtre Théodore soit arrivé ici
maladie. La mauvaise saison augmente ma
sans m'appoi ter une lettre de vous. Afin que
tristesse en me privant de la seule consolation
je n'éprouve plus le même chagrin, écrivez-
qui peut l'adoucir,le commerce de vos lettres.
moi de chaque station, s'il est possible, afin
La neige tombée en abondance ferme toutes
que je puisse vous suivre pas à pas et savoir si
les roules; personne ne peut sortir d'ici, per-
vous approchez du pays où vous vous rendez.
sonne ne peut y venir. Ajoutez à cela la crainte
Je suis en effet dans une grande perplexité, et
j'ai besoin d'être tenu au courant chaiiue jour.
des Isauriens qui écarte et met en fuite tout le
monde. Nul n'est resté chacun a
chez soi,
En consé(juencc, mon très-honoré maître, ac-
quitté sa maison et sauvé où il a pu. Les
s'est
cordez-moi cette inestimable faveur écrivez- :

Ailles ne sont plus que des murailles vides, les


moi lettre sur lettre et avant de partir, et
,

antres et les bois ont remplacé les villes. Sem-


durant votre voyage instruisez-moi exacte-
:

blables aux bêtes fauves, aux lions et aux léo-


ment de tout. Si les choses vont bien, j'en
pards qui trouvent leur plus grande sûreté au
aurai grande joie. Dans le cas où des empê-
chements seraient suscités, je m'appliquerai
désert, nous, malheureux habitants de l'Armé-
de tous mes moyens à
nie, nous émigrons d'un lieu à un autre,
les faire disparaître, et
n'aurai de repos iju'autant que par moi ou par
comme des nomades et des Hamaxobiens ',
sans pouvoir nous arrêter avec confiance nulle
d'autres, s'il se peut, la voie vous soit aplanie.
part, tant le brigandage de ces barbares rem-
Fallùt-il recourir cent fois à Constanlinople,
cela même ne m'arrêtera pas. Ainsi , dé- — plit tout de tumulte et de confusion; ils mas-

ployez tout ce que vous avez de vigilance et


sacrent, ils incendient, ils réduisent les hommes
libres en esclavage. Et quand ils ont dépeuplé
d'activité. Sivous pensez que des frères doi-
vent vous être adjoints, mandez-le moi. Quant
une ville par la terreur de leur nom, ils la
ruinent, ce qui revient à en faire périr les habi-
aux reliques des saints martyrs, soyez eu re-
pos. J'ai envoyé aussitôt le vénéré prêtre Té-
tants. Combien de jeunes hommes obligés de

rentius à mon très-pieux seigneur Olréius,


quitter tout à coup leurs denieures, la nuit,
par une température à tout geler, ont suc-
évèque d'Arabisse qui en a beaucoup de fort
,

authentiques; et sous peu de jours, je vous les


combé, non sous le glaive des Isaures, mais de
adresserai en Phénicie. Que votre Révérence froid au milieu des neiges; si bien qu'en vou-
ne néglige donc rien. En ce qui nous concerne, lant fuir la mort, ils n'ont réussi qu'à trouver

vous voyez quelle est notre ardeur. Faites dili- une mort plus cruelle Voilà où nous en
1

gence, afin que vous puissiez terminer avant sommes. Et si nous vous donnons ces détails,
riiiver les églises qui ce n'est pas pour vous affliger (je n'ignore pas
manquent de toit.
quelle sera votre douleur), mais pour vous
faire connaître la cause de notre long silence
et la raison pour laquelle nous avons mis tant
de retard et de lenteur à vous écrire; c'est que
nous sommes à ce point abandonné de tous,
que nous n'avons pu trouver personne en dis-

* C'est-à-dire Gens vivant sur des chariots ; à peu près commo


ceux qu'où appelle aujourd'hui Bohémiens. Ce nom était d'ailleur*
celui d'une peuplade tarmata dont parle le géographe Ptolémé*. (UI|
», 19.)
494 TRADUCTION FRANÇAISE DE SAINT JEAN CHRYSOSTOME.
position de se rendre auprès de \ous, et
que
nous a\ons été forcé de dépêcher à votre révé-
rence le prêtre qui nous fait ici compagnie: LETTRE CXXIX.
veuillez donc raccueillir ainsi qu'il vous sied,
Cacase, 404.
congédier ensuite promptemenl avec de
et le
bonnes nouvelles de votre santé. Vous n'igno-
A MARCIEN ET A MARCELLIN.
rez pas combien ce sujet nous intéresse.
Quel beau couple vous faites, et combien
aimable à nos yeux! couple formé non-seule-
LETTRE CXXVIII. ment par la loi de nature, mais encore par les
liens du plus étroit attachement. Aussi
,
Arabisse, 406.
sommes-nous vain et fier de votre amitié, et
voudrions-nous pouvoir jouir de près de votre
A MARINIEN.
commerce. Ne le pouvant pas, nous faisons du
Ce qu'on aime en général dans le printemps, moins ce qui nous est possible; nous vous
c'est qu'il décore de fleurs la face de écrivons lettre sur lettre, nous gardons pré-
la terre,
et qu'il change tous Ijs lieux en prairies; moi, cieusement votre souvenir, nous le promenons
c'est qu'il rend bien plus facile mon commerce avec nous en esprit partout où nous sommes;
de lettres avec mes amis. Je voudrais vous voir et la longueur du trajet ne met pas la
moindre
de mes yeux, mais puisiiue c'est impossible, dislance entre vous deux et nous. Voilà les
je mets du moins toute mon ardeur à faire
ce
ailes de l'amitié; elles franchissent
aisément
que je peux; je veux dire à converser avec routes et distances, etsurmontent tous les
vous par correspondance. Et les matelots, les obstacles. Et c'est pourquoi nous-même, au
nautonniers ont moins de plaisir en cette sai- milieu de nos tribulations, de notre isolement,
son à sillonner la surface des mers, que ne des sièges et des incursions continuelles que
m'en donnent ma plume, mon nous fout subir les brigands, rien ne peut di-
encre et mon
papier, quand je puis enfm vous m.inuer riilTéction que vous nous inspirez, et ce
écrire. Durant
l'hiver, (juand le froid mettait partout
des gla- sentiment reste toujoursen fleur dans notreàme.
çons, quand une couche insondable de neige Nous vous supplions donc de nous faire tenir
interceptait les routes, on n'eût trouvé per- plus souvent des nouvelles de votre santé. Vous
sonne au dehors qui consentît à pénétrer dans savez assez par vous-mêmes quelle consolation
notre pays, i)ersonne ici qui voulût se mettre ce sera pour nous dans notre solitude.
en route. De là le silence que nous avons gardé
silongtemps, enfermés entre nos murs comme
dans une prison, et la langue paralysée, i)our
ainsi dire, par le man(iue de messagers. Mais LETTRE CXXX.
puisqu'enfm l'é|)oque des voyages a rouvert les
Gueuse, 405.
chemins, et que notre langue a reconquis sa
liberté, nous dépêchons le prêtre qui A CASTUS, VALÈRE, DIOPHANTE, CYRIAQCE,
partage
ici notre retraite auprès de votre
noblesse, afin PRÊTRES D'ANTIOCnE.
d'avoir des nouvelles do votre santé.
Veuillez
donc l'accueillir ainsi vous sied, mon
qu'il C'est une chose exigeante et impérieuse que
très-révérend maître, et le voir d'un œil d'ami- l'alfection, plus exigeante cjuc le plus pressant
tié; et quand il ro|)artira, des créanciers. En effet, un créancier met plus
daignez nous faire
savoir comment vous vous portez. Car de façons à prendre son débiteur à la gorge pour
vous
n'ignorez pas combien cela nous intéresse. se faire rendre son argent, cjuc vous à resser-
rer autour de nous les liens de votre atlache-
menl, pour nous contraindre à nous acquitter
en répondant à vos lettres, bien que nous ayons
satisfait souventà pareille obligation. Mais voilà
quelle est la nature de cette dette on paie tou- ;

jours et toujours l'on doit. Aussi les nom-


breuses lettres que nous vous avons écrites ne
LETTRES. Am
vous rassasient point. C'est encore un privilège Rélléchissez donc à tout cela, et n'allez pas
(le ranillié; elle ressi mble à la mer où des inculper notre insouciance, ni une indilférence
lleiives iiinonibrahles portent leurs eaux sans |)roduite en nous [)ar le temps à l'égard de
pouvoir la remplir. Vos oreilles ne sont pas votre atleclion. Car la charité nu périt jamais.
moins profoiules; tout ce <|ue nous y jetons ne (I Cor. xui, 8.) Quand il s écoulerait im long
fait (ju'iriiter (la\anla^e l'ardeur de voire alVec- espace de tenips, quand Us difficultés redou-
donc pas crou'e que si nous avons
lion. N'alliez bleraient, quand la distance qui nous sépare
gardé longtemps le silence, c'est que nous
si s'augmenterait encore, rien ne saurait briser
doutions de votre amilié; nous aurions agi notre amitié, rien ne saurait la flétrir; elle ne
tout autrement si nous en avions doulé, et ferait que grandir et doiuier de plus belles
nous vous aurions écrit plus souvent. Car, Heurs.
ainsi que les malades ont besoin du médecin,
de même les indifïérents et les paresseux veu-
lent être cajolés sans relâche ;
par consétjuent, LETTRE CXXXL
si nous avions cru nous apercevoir que votre
406.
amilié clochait, nous n'aurions pas manqué de
payer de notre personne pour lui rendre sa A l'évêque elpidius.
vivacité. Mais plein de confiance en vou> et
,

bien persuadé que nos lettres ou notre silence Ce n'est ni par indiftèrence, ni par maniiue
n'y peuvent rien changer, qu'elle demeure d'égards pour votre charité que nous avons
toujours ferme solide , inébranlable, inva-
, gardé jusqu'ici le silence; les périls qui nous
riable, sans tléchir, sans décliner, sans se flé- environnent sont la cause de ce long retard.
trir, nous Jugions nos lettres inutiles à cet Nous n'habitons point une résidence fixe, mais
égard, et bonnes seulement à vous payer la tantôt Cucuse, tantôt Arabisse, d'autres fois
dette de notre attachement. Aujourd'hui même enfin, nous errons parmi les déserts et les pré-
ce n'est pas la nécessité, mais l'amitié qui nous cipices, tant l'agitation et le désordre régnent
porte à vous écrire je le sais, en vain de toutes
;
tout autour de nous, tant le fer et le feu dévo-
parts s'amasseraient les orages, en vain les rent tout, hommes et maisons. Nous avons vu
vagues soulevées monteraient en foule jus- des cités périr avec leurs habitants; chaque
qu'aux cieux rien ne saurait vous ébranler ni
;
jour assaillis de nouvelles alarmes , nous
vous jeter dans les orages du désespoir; c'est sommes contraints de déloger; c'est un nou-
ce (ju'a fait voir de reste le passé. Si nous vous veau genre d'exil, exil rigoureux, qu'accom-
écrivons, ce n'est donc point qu'à nos yeux pagne journellement l'attinte de la mort. Les
vous ayez besoin de nos exhortations, c'est chàteaux-forts comme celui où nous sommes
pour vous faire savoir que l'affection dont vous maintenant renfermés pareils à des captifs, ne
nous comblez en dépit d'une pareille distance suffisent pas même à nous rassurer, car ils
nous enchante, nous ravit, nous rend bienheu- n'elfrayent pas l'audace des Isauriens. Joignez
reux. Je sais d'autre part que vous trouvez un à cela une nous traînons
cruelle maladie dont
grand bonheur à savoir où nous en sommes; encore les restes à la crise. De
peine remis de
eh bien nous sommes guéris de nos maux
! plus, comme si nous étions relégués dans une
d'estomac, nous nous portons à souhait; ni les île environnée d'une mer impraticable, nous
sièges, ni les incursions des brigands, ni la ne voyons arriver personne de quelque côté
solitude de ces lieux crise où nous
, ni la que ce soit la terreur inspirée par nos troubles
;

sommes, ni rien de pareil ne


nous cause aucun a fermé toutes les avenues. Je vous conjure
trouble aucun abattement nous jouissons
, ; donc de nous pardonner, mon très-honoré et
d'une sécurité, d'un repos d'esprit, d'un calme très-religieux maître, car vous connaissez l'af-
complet; chaiiue jour nous pensons à vous, et fection que nous n'avons pas cessé, dès l'ori-
nous ne manquons pas de conférer à votre sujet gine, de témoigner à votre piété, et de plus,
avec les voyageurs que nous recevons ici. Tels ne vous lassez pas de prier pour nous. Sans
sont les effets d'une amitié sincère; elle fait doute, s'il vous était facile de rencontrer des
qu'on a toujours sur les lèvres ceux qui en personnes disposées à se charger de vos lettres,
sont l'objet. Ainsi faisons-nous, parce que nous vous n'auriez pas besoin de nos admonesta-
vous aimons bien, et vous ne l'ignorez pas. tions pour nous donner fréquemment des nou-
496 TRADUCTION FRANÇAISE DE SAINT JEAN CIIRYSOSTOME.

velles de votre santé; nous en sommes certain. qui pourront se charger de votre initiation. Et
Et nous, de notre côté, quand nous aurons \u si cela s'accomplit , notre joie sera la même

la fin de nos épreuves, quand il nous sera que si nous vous avions ouvert de nos mains
donné d'avancer la tête à travers nos barreaux, l'accès des faveurs célestes, quoiqu'après tout
et de respirer un peu du siège que nous endu- l'elTet ne sera point différent.
rons, nous ne cesserons pas d'écrire exactement
à votre révérence. En le faisant, c'est à nous-
même que nous procurerons le plus grand
plaisir.
LETTRE CXXXIII.

Cacuse, 404.

LETTRE CXXXII. A ADOLIE.

A GÉHIELLUS. Que dites-vous? vous vous plaignez encore


de la persécution, vous vous dites cruellement

Ah! quelle grande chose qu'une âme forte opprimée? Et qu'est-ce qui vous empêche,
et généreuse, qui trouve, non au dehors, mais dites-moi, de vous réfugier dans un port tran-
en elle-même et dans son propre fond, sa joie quille, et d'échapper à la fureur de ces orages?
et sa sécurité, et, ce goût merveilleux, jusque que nous ne di-scontinuon? pas
N'est-ce point ce
dans les situations où le vulgaire n'aperçoit de vous répéter, et ce que vous ne voulez ja-
que risques et périls. En effet, loin de se trou- mais entendre? Et pourtant, par votre obsti-
bler ou d'èlre ému des haines dont on est nation à vous débattre dans cette fange où vous
poursuivi, s'en faire honneur, que dis-je? vous embourbez à chaque instant, vous vous
prendre en pitié ses ennemis, désirer leur attirez, à vous-même, d'innombrables maux,
amendement, leur conversion, où trouver tant en même temps que vous vous causez, par un
de sagesse, une pareille philosophie? C'est contre-coup de vos propres infortunes des ,

pourquoi nous vous louons et nous vous ad- chagrins continuels et multipliés. Croyez-vous
mirons, notre très-révérend et très-magnifique que ma douleur ne soit pas profonde, quand
seigneur. C'est pourquoi, nous-mème, nous j'apprends ce dont vous m'informez, que des
tressaillons d'allégresse, et nous nous parons, parents, ou plutôt des étrangers (je reproduis
comme d'une superbe couronne, de l'amitié vos propres paroles) vous trahissent, vous font
de votre magnificence. Vous nous demandez, subir les plus tragiques persécutions ? Jusques
par votre lettre, de prier pour vous ai)prcncz : à quand demcurerez-vous auprès de celte fumée
donc que nous ne l'avions pas attendue pour qui remjilit de ténèbresles yeux de votre àme?
invoquer Dieu sans cesse en votre faveur, afin Jusques à quand resterez- vous sous le joug de
qu'une âme aussi grande, aussi élevée que la cet affreux esclavage ? Et qu'est-ce qui vous
vôtre, soit initiée promplcment au saint mi- empêche de venir ici, et de délibérer avec nous
nistère, et jugée digne de participer à nos sur ce qui vous intéresse? Vous perdriez i)arlà,
sacrés et redoutables mystères. nous Que s'il dites-vous, jusqu'au sentiment de vos misères.
est donné d'apprendre une aussi heureuse Pour moi, je suis fort étonné, fort surpris je :

nouvelle, nous nous croirons hors d'exil, nous ne vois aucune raison pour que vous restiez si
oublierons notre solitude, nous ne sentirons loni^tomps éloignée de nous, si ce n'est la pa-
plus les assauts de la maladie contre la(|uelle resse et la négligence. La route à parcourir
nous nous débaUons mainlonant. Nous savons n'est pas longue : et ce moment de l'été est

que vous attachez un grand |)rix, notre très- tout à fait propice aux voyag^-s, par la tiédeur
révérend maître, à entrer en |>ossession de ces de température. Mais l'obstacle vient encore
la
biens inedahles, par notre humble ministère; cette fois de ce même attachement aux biens
et vous savez, de votre côté, que c'est aussi temporels, qui a engendré toutes vos infor-
notre vœu le plus cher. Mais, y a des em-
s'il tunes. D'ailleurs, si vous venez, je vous en
pèciiements en ce (jui nous concerne, qu'ils ne saurai bon gré, si vous ne ver.ez pas, je ne
soient pas pour vous une raison de différer. vous reproche rien, je ne vous en veux point :

Vous ne man(iuerez point, à défaut de nous- je vous garde l'affection que j'ai toujours
même d'hommes
, dévoués à notre personne. témoignée à votre grâce; scidemcnt. je gémis
LETTRES. 497

d'apprendro qiic vous ^les cngAg(5e dans mille sera difficile de jouir pleinom<»nt de vos bontés,
embarras, et chargée d'un si lourd fardeau de à cause du petit nombre des voyageurs qui
soucis mondains ; et si les entraves de l'exil ne partent de chez vous pour venir ici; néan-
me retenaient ici,d'importuner votre
au lieu moins, quand bien même il vous serait malaisé
piété, quand même jo. serais encore phis ma- de nous exaucer, daignez au moins faire ce qui
lade (jue je ne suis présentement, j'accourrais sera en vous et nous faire savoir par des mes-
moi-même auprès de vous et je ne cesserais sages multipliés comment vous vous portez.
pas de tout faire, de tenter tous les moyens, C'est à notre tour de vous parler maintenant
jusqu'à ce que je vous eusse sauvée de ces ora- de nous-même : nous jouissons d'un grand
ges, de ce bourbier, de cet amas de maux sans calme d'esprit, d'une tranquillité parfaite,
nombre. Mais, puisque cela m'est impossible, d'une paix profonde, d'une santé passable; une
je voudrais que vous vinssiez ici conférer seule chose trouble notre bonheur c'est Té- :

avec moi de ce sujet. Que si cela môme est loignemcnt de vous tous qui nous aimez. Mais
difficile eh bien je ne cesserai pas en vous
, 1
,
il dépend de votre sagesse d'alléger en nous ce

écrivant, de vous prodiguer les conseils et les chagrin accordez-nous la grâce demandée,
:

exhortations, afin que vous brisiez vos chaînes, afin que la distance ne nous prive point du
que vous coupiez vos liens, que vous rompiez charme et des douceurs de votre ardente et
les entraves qui retiennent votre âme prison- sincère affection.
nière, que vous reconquériez enfin l'aisance et
la liberté de vos mouvements. Par là ce n'est
pas seulement un bonheur terrestre que vous LETTRE CXXXV.
vous procurerez, vous gagnerez encore le ciel
Arabisse, 406.
avec une grande facilité. Sacrifiez donc volon-
tairement ces biens, dont vous serez avant peu AU DIACRE TIIÉODOTE.
forcée de vous dessaisir, au moment de vous
eu aller d'ici-bas; portez-les au trésor qui ne Je n'ignore pas moi-même que vous seriez
craint pas les voleurs et de celte manière vous
; depuis longtemps auprès de nous, alarmes
si les
vous assurerez, pour la vie future, les couron- causées par les Isauriens ne vous fermaient le
nes que rien ne saurait endommager ni flétrir. passage. En etîetjSi les glaces de l'hiver, si une
épaisse couche de neige ne vous ont pas em-
pêché d'accourir ici, à plus forte raison la ve-
nue du printemps et la sérénité qu'il remet
LETTRE CXXXIV. dans vous auraient-ils arraché des lieux
l'air

CocUM, 404.
où vous demeurez. Je connais assez la douceur,
l'aménité de vos sentiments, l'ardeur et la pu-
A DIOGÈNE. reté de votre affection, la parfaite noblesse de
votre caractère; aussi ne suis-jc pas médiocre-
Je voudrais pour beaucoup voir votre grâce, ment affligé, pour ma part, de voir une si
mon très-révérend maître; vous le saviez déjà longue séparation attrister pour moi, par un
avant d'avoir ma lettre, connaissant bien l'af- nuage de tristesse, le charme d'une saison si
fectionque nous inspire votre révérence. Mais douce. Si je vous tiens ce langage, ce n'est pas
cela nous est impossible le trajet est long, : que je veuille vous attirer ici. Fussé-je d'accord
nous ne sommes point libre d'aller où il nous en cela avec vos vœux les plus chers (car la
plaît,enfin les incursions des Isauriens devien- guerre remplit tout ce pays de ses horreurs,
nent plus alarmantes de jour en jour. Je con- vous le saurez par les personnes qui en vien-
jure donc votre générosité de faire ce qui est pour vous faire entendre que nous
nent), c'est
le plus propre à nous consoler, tant de notre aussi, quelsque soient le calme d'esprit et le
isolement actuel que de nos infortunes et des repos dont nous jouissons, nous ne pouvons
tribulations qui nous accablent, en nous écri- nous résigner sans chagrin à être séparé de
vant fréquemment pour nous rassurer au sujet votre révérence; c'est afin que, instruit de cela,
de votre santé et de toute votre maison; dai- vous correspondiez assidûment avec nous,
gnez nous accorder plus souvent cette faveur, non -seulement par l'intermédiaire de nos
autant que vous le pourrez. D'ailleurs, il nous voyageurs, mais encore en recourant à ceu.\
Tome IV. 3-2
498 TRADUCTION FRANÇAISE DE SAINT JEAN CHRYSOSTOME.

des vôtres qui se mettent en route pour ce manquer de courriers, nous vous aurions écrit
pays-ci. Nous vous savons un gré extrême, lettre sur lettre. Du que nous
reste, le silence
mon très- révérend maître, de la sollicitude et avons du garder jusqu'ici n'a point eu notre
des angoisses que nos troubles vous causent. pensée pour complice nous ne cessons de
:

Il est chaque jour augmente les ri-


bien vrai : penser à vous et de vous écrire autant qu'il est
gueurs du siège que nous subissons, et nous en nous. Ainsi donc, figurez-vous que vous
restons pris comme au i)iége dans cetle forte- êtes dans notre société et que vous vivez avec
resse. Déjà au milieu de la nuit_, à Timproviste nous en Arménie. Que si (jnelquiiu entreprend
et contre toute attente, une troupe de trois de vous nuire et de vous faire du mal, élevez-
cents Isdurien? a parcouru la ville et
failli nous vous au-dessus de ces attaques, par la rai?on
faire prisonnier mais la main de Dieu les a
; que c'est le persécuteur qui est à plaindre, et
chassés promptcment, avant même que nous non sa victime; car c'est pour nous une raison
nous doutions de rien, et nous a préservé non- d'admirer, de louer davantage votre courage
seulement de tout danger, mais encore de et votre fermeté, que la hauteur d'àme avec
toute alarme nous n'avons connu qu'au jour
: laquelle, au fort d'une pareille tempête, vous
ce qui s'était passé. Vivez donc en joie et en avez su dominer le tumulte. Continuez donc à
contentement, et ne cessez pas de prier Dieu, sillonner joyeusement la mer paisible dont
afin qu'il assure complètement notre repos et vous parcourez la surface unie. Et ne vous
qu'il nous guérisse, en outre, de la maladie étonnez point que je parle de mer paisible,
dont nous souffrons; car, si nous ne sommes quand vous vous représentez conime étant en
plus en danger, nous gardons néanmoins des butte aux persécutions. Si j'en juge de la sorte,
restes de notre mal qui ne cessent de nous le c'est (jue je ne considère point l'àme de ceux

rappeler. Nous vous mandons cela non {tour qui vous inquiètent, mais bien le calme que
vous affliger, mais pour stimuler votre zèle à vous assure votre vertu. Qu'est-ce donc que
prier pour nous. Je recommande à votre r^îli- j'entends par là? C'est que cette vie sublime,
gion mon maître, le Irès-révérend lecteur dont la grandeur atteint les cieux, peut bien

Théodote, afin que vous soyez son recours eu paraître pémble, à considérer les occupations
toute occasion, autant qu'il vous sera possible, qui la remplissent, mais devient facile et douce
car je sais que beaucoup de choses le tour- si l'on lient compte du courage et du zèle de

mentent. ceux qui s'y hvreut. Et ce qu'il y a de plus


merveilleux dans cette sagesse c'est que,
,

parmi des vagues furieuses, celui qui la pra-


tique avec une sincère ardeur navigue avec un

LETTRE CXXXVI. bon vent et dans un calme parfait; c'est (pi'au


milieu du trouble et du soulèvement général,
ArabiiM, i06. il jouit d'une paix profonde; c'est que, sous la

grêle des traits cpii l'assaillent de toutes paris,


AD LECTEUR TOÉODOTK. il reste invulnérable, insensible aux coups
auxquels il est en bulle. Pénétré de ces vérités,
Ne vous fatiguez pas à chercher des raisons occupé sans cesse à y refléchir, jouissez ici-bas
l)0ur justifier la précipitation avec la(|Utlle d'un inaltérable bonheur, eu attendant les
vous nous avez (juitté : à quoi bon recourir à couronnes que Dieu vous réserve pour prix
la faiblesse de votre vue, à la rigueur du froid, d'aussi nobles fatigues. Et ne manquez point I
pour expli(juer votre départ? Aux yeux de de nous écrire fréquemment, dès qu'il vous
notre amitié, vous u'éles point parti, viuis êtes le sera possible, jiour nous faire savoir où en

avec nousaussi bienqu'au[)aravant; d'ailleurs, est votr(> sanlé, soit de cor[is, soit d âme. Tout

nous ne désespérons pas de jouir de votre vue ce que vous aurez île loisirs, consacrez-le à lire
qui'hjue jour. Soyez donc sans iiKjuiélude. les saintes Ecritures, autant du moins que
L'hiver a pu vous chasser d'Arméuio, mais il votre mal d'yeux vous permettra cetle étude,
ne vous a pas exilé de notre âme, et nous por- afin que, si jamais une occasion nous esl oUerle
tons continuellement votre image dans notre den expliquer le sens à votre belle âme, nous
méniuire. Si les alta<}ues des Isauricns, m inter- puissions le faire sans difficulté; car ce ne sera
ceptant toutes le» voies, ne nous fei&aionl point •pas pour vous une petite avance que de con-
LETTRES. i99

naître les textes, lorsque vous voudrez en parvenir; et vous calculerez ainsi, pour peu
écouter l'interprétation. que vous teniez com[)te non-seulement des
caractères tracés au moyen de l'encre et du
papier, mais encore des intentions de notre
LETTRE CXXXVII. amitié. De cœur, nous vous écrivons sans re-
lâche, nous sommes toujours avec vous, et ni
Probablement 406. la longueur du trajet, ni celle du tem[»s écoulé,
ni les difficultés de la situation, n'ont altéré
AU DIACRE THÉODOTE.
nos sentiments à l'égard de votre révérence :
nous les gardons dans toute leur force, et, fus-
Cessez d'incriminer notre lenteur, si vous
sions-nous relégué dans un endroit plus désert
ne voulez pas que voire accusation retombe
que celui-ci, nous ne cesserons de porter gravéi
d'abord sur vous-même. Vous avez reçu de
dans notre àme le souvenir d'un ami aussi ar-
nous autant de lettres que vous nous en avez
dent, aussi dévoué. Voilà ce que qu'une
écrit, moins une seule; it vous parlez comme c'est
amilié sincère ni temps, ni lieu, ni distance,
si vous nous en aviez accablé Vous comptez,
:
:

ni périls ne sauraient l'ébranler. Vous ne


dites-vous, à tout le moins sur le nombre pour
l'ignorez pas, vous qui savez si bien aimer.
nous exciter à vous écrire. D'abord, on peut
aimer sans écrire; mais, d'autre part, je n'ai
pas plus discontimié de vous écrire que je ne
cesse de vous aimer. En vain la marche du
temps rendrait notre séparation encore plus LETTRE CXXXIX.
lointaine; en vain serions-nous jeté dans un
De 404 à 407.
pays encore plus désert, rien ne saurait vous
chasser de noire âme, ni diminuer l'affection A THÉODORE, CONSULAIRE DE SYRIE.
dont nous sommes animé à voire égard. Ainsi
donc, donnez-nous fréquemment des nouvelles Ce serait, dites-vous, à vos yeux, le meilleur
de votre santé; c'est chose plus facile à vous signe de notre intérêt pour vous, que notre
autres qu'à nous. Que si la saison vous en em- première lettre à votre excellence fût suivie
pêche, ou encore la violence des maux causés d'une seconde. Quant à nous, s'il nous était
par les Isauriens , il nous suffira de vos senti- facile de trouver des intermédiaires, nous ne
ments bien connus à notre égard pour nous cesserions pas d'écrire à un homme aussi ver-
consoler de ce long silence. tueux, aussi sage que vous, à un ami aussi zélé
et qui reçoit nos lettres avec tant de plaisir.
Mais, puisque cela n'est pas possible, nous
prions votre excellence de ne pas mesurer
LETTRE CXXXVIIL
notre attachement au nombre de nos lettres,
mais de persister, que nous écrivions ou non,
dans l'opinion que vous en avez eue jusqu'ici,
A L EVEQUE ELPIDIUS. et de vous dire que, si notre silence a été bien
prolongé, la faute n'en est point à notre négli-
Je sais (jue j'ai rarement écrit à votre révé-
gence, mais à l'isolement où nous vivons.
rence; mais ce n'est pas ma faute : c'est l'état
des choses qui m'en empêche. La saison, l'iso-

lement des lieux où nous sommes enfermé et


pour ainsi dire captif, le petit nombre des LETTRE CXL.
personnes qui viennent ici, la difficulté de
Gueuse, 405.
trouver dans ce petit nombre des messagers
sûrs, et, de plus, une maladie qui nous a fort AU DIACRE TIIÉODOTB.
abattu et cloué au lit durant tout l'hiver, telles
sont les causes de ce silence prolongé, auquel Ce pas pour nous une faible conso-
n'était
notre cœur n'a point eu de part. Figurez-vous lation dans notre solitude que de pouvoir
donc que vous recevez de nous beaucoup plus écrire fréquemment à votre aménité mais les :

de lettres que nous ne pouvons vous en faire ravages des Isauriens nous ont enlevé jusqu'en
boo TRADUCTION FRANÇAISE DE SAINT JEAN CHRYSOSTOME.

ce plaisir. La venue du printemps a multiplié avec l'existence présente, et nous suivent dans
leurs attaques, en même temps que les fleurs : la vie future.
partout ils couvrent les routes rendant tous les
passages impraticables. Déjà des femmes libres
ont été faites prisonnières, des hommes égor- LETTRE CXLII.
gés. — Je donc appel à votre indulgence.
fais
Probablement 406.
Vous tenez beaucoup, je le sais, à recevoir des
nouvelles de notre santé eh bien après les
: 1
A L'ÉVÊQUE ELPmiLS.
épreuves de l'hiver dernier qui ont été rudes,
nous commençons à nous remettre incom- :
Nous avons écrit à votre religion, rarement
modés encore par Tinconstance du climat (car en fait, mais bien souvent en intention nous ,

nous voici retombés en plein hiver), nous ne vous quittons pas un seul jour et rien ne ;

espérons néanmoins secouer les restes de notre saurait nous priver de votre société, ni les
maladie, quand nous jouirons enfin d'un véri- années qui s'écoulent, ni la longueur du trajet
table été. Car il n'y a rien d'aussi nuisible à la ni les dangers qui nous environnent. Voilà ce
santé du corps que le froid, d'aussi profitable que c'est que l'amitié aucune de ces diffi-:

que l'été, qui le soulage en le réchauffant. cultés ne saurait prévaloir sur elle, ni la faire
fléchir : elle résiste, elle s'élève au-dessus de
tout. Ne mesurez donc pas votre attachement,
mon très-honoré et très-pieux maître, au
LETTRE CXLl. nombre de nos lettres : instruit des sentiments
et de l'affection que nous avons toujours
P«ut-être en 400.
montrés pour votre piété, ne concevez de ce
silence prolongé aucune défiance. C'est rare-
A THÉOOOTF, EX-rONSl'LAIRE.
ment, nous aussi, que nous recevons des lettres
de votre main, et nous ne croyons pas pour
Nous vous souhaitons toutes sortes de pros- cela que vous vous soyez refroidi à notre
pérités pour prix des honneurs avec lesquels égard nous savon? parfjiitemenf nous sommes
: .

vous avez accueilli notre fils. 11 nous en a convaincu que vous conservez dans sa fleur
informé lui-même, et n'a eu garde de nous rien votre amitié pour nous, que la continuité de
cacher, désireux en môme temps de manifester nos maux, loin de la décourager, n'a fait au
sa reconnaissance envers son père et de nous ,
contraire que la rendre plus vive, et nous vous
causer, à nous, une vive joie. En effet nous en avons une grande reconnaissance. Je —
nous trouvons honoré par là de deux manières, n'ignore pas que vous désirez apprendre où
d'abord parce (jue nous regardons comme un nous en sommes sachez donc que nous jouis-
:

avantage personnel tout ce i\\n lui arrive sons d'une santé, d'une trancjuillité d'esprit,
d'heureux, en second lieu i)arce que nos lettres d'une paix parfaite, et que nous souunes désor-
ont contribué notablement à augmenter encore mais à l'abri des périls dont nous menaçaient
votre bienveillance. Continuez donc, mon Irès- les ravages des Isanriens. Pour les hivers d'Ar-
révérend et très-noble maître, à entourer de ménie, j'en ai fait l'apprentissage, non sans
soins ce beau rejeton. Comment cela ? en cul- quel(|ues incommodités que de ma la faible.<se
tivant, en dévelop|>ant chez lui l'amour de santé devait faire prévoirmais enfin je suis :

cette sagesse Mibliuie, à lai|uolle tendent main- sorti d'épreuve à mon honneur, grâce à ma
tenant ses ell'oils ; nous
de cette façon, il précaution de rester enfermé lorsque le froid
donnera prom|>tcment les fruits que nous devenait intolérable, et de ne montrer que
espérons. —
Car les âmes bien nées ne gran- rarement ma tète au debors. D'ailleurs, les
dissent point avec la lentetir de ces plantes dont autres saisons de launei' ont été si belles qu'il
on confie le germe au <o\ii de la terre; elles ne m'a été facile de réparer les dégâts que l'hiver
sont pas plus tôt enracinées dans le noble zèle avait faits dans ma sauté.
de la vertu, qu'elles s'élèvent jusqu'au ciel, et
donnent une récolte de fruits capable de tout
éclipser, autant par sa q\ialité que par sa
ricbesse. Ces fruits, en effet, ne périssent point
LETTHliS. 601

lions. Je veux ajouter encore quelque chose à ce


bonheur, je vous conjure, soyez assez bon pour
LETTRE CXLIII.
nous écrire, pour nous informer de votre santé.
Cucuie, 404. Je le ^ais c'est chose difficile, vu la longueur
:

du trajet, et la distance qui sépare cet endroit-


A POLYBE. ci de grande roule; mais quand on aime
la

aussi bien que vous savez aimer, ce qui était


Nous sommes bannis du sol de la ville et de
malaise devient facile. Songez donc au plaisir
son enceinte : mais la ville même, nous ne que nous procurerait la fréquence de pareils
l'avons pas quittée. La ville, c'est vous or :
messages, et ne nous refusez point cette satis-
nous n'avons pas cessé d'être avec vous, parmi faction : car nous sommes vivement affligé
Yous ici même, par conséquent
: nous ne ,
de n'avoir pas reçu de lettre de votre grâce,
sommes point exilés. D'une part, je le sais, bien que celle-ci soit la seconde que nous vous
nous habitons dans vos cœurs et de notre :
écrivons.
côté, en quelque lieu que nous allions, nous
porterons en nous-mème votre souvenirà tous,
nos excellents amis. —
Cette pensée ne nous LETTRE CXLV.
laisse voir ni la solitude de ces lieux, les plus

déserts qui soient au monde, ni le siège quoti- EaTlroQ 405 à 406.

dien que les brijs'ands nous font subir, ni la


AU PRÊTRE NICOLAS.
famine qui en est la conséquence car si notre :

corps est iixé ici, notreàme est toujours auprès


Et moi aussi je voudrais, je désirerais vive-
de vous. — Mais comme, dans de telles dis-
ment voir votre grâce et l'embrasser; vous
positions, on soupire après une réunion qui
n'avez pas besoin de cette lettre pour en être
rassemble aussi ks corps, et qu'on souffre faute
persuadé. Sachant aimer comme vous aimez,
d'être exaucé, comme d'ailleurs cette réunion
vous savez aussi discerner les véritables amis.
n'est pas possible à l'heure qu'il est, comme Mais ne pouvant davantage, je fais, en atten-
enfin le meilleur remède aux maux de l'absence,
dant mieux, ce que je puis, je vous écris, je
c'est le connnerce des lettres, daignez n'en être
vous salue, je vous demande des lettres qui
point avare avec nous, et nous serons délivré
me disent fréquemment où en est votre santé.
de notre chagrin. Car il ne tient qu'à vous,
Octroyez-nous donc cette faveur. Vous n'avez
mon très-respectable maître, de nous procurer
pas besoin sans doute que l'on vous presse :

par vos lettres la douce illusion de votre pré-


n'importe, nous ne cesserons pas de vous re-
sence.
mettre ce point en mémoire. Car ce n'est pas
pour nous une mince consolation, un faible
soulagement dans notre solitude, au milieu
LETTRE CXLIV. des alarmes quotidiennes que font naître les
Gueuse, 404. attaques des bri^iands, des périls qui nous
entourent, des infirmités qui nous accablent,
A DiOGÈNE. que d'être renseigné au sujet de ceux qu
nous aiment, de savoir que vous allez bien, et
Cucuse est un lieu désert, un séjour péril- que tout marche pour vous à souhait, en dépit
leux, constamment assiégé par la crainte des des orages redoublés dont vous pourriez nous
brigands mais bien qu'éloigné de moi vous
: , tracer le tableau. Mais comment cela peut-il
en avez fait un paradis. Lorsque nous enten- se concilier? C'est qu'il appartient à l'homme
dons parler de votre zèle empressé, de votre généreux, doué de vigilance et de sang-froid,
alfection pour nous, si profonde et si vive (la de naviguer heureusement au plus fort des
distance même n'empêche pas que le bruit n'en tempêtes, tandis que l'homme faible, prompt
soit parvenu jusqu'à nous), l'attachement de à se décourager et à s'abattre, éprouve du
votre grâce devient, à nos yeux, comme un trouble et de l'agitation jusqu'au milieu d'un
précieux, un inestimable nous croyons trésor : calme parfait.
vivre dans le plus sûr des séjours, tant cela nous
cause de joie et nous fait goûter de consola-
TRADUCîIOiN FFiA^NÇAiSE DE SAIM JEA.N CHKYS05T0ME,

LETTRE CXLVI. LETTRE CXLVn.


Cacuse, 405. Cucose, 405.

A THÉODOTE, NICOLAS, CH^ERÉAS, PRÊTRES A A>THÉM1CS.


ET MOINES.
D'autres vous féliciteront de votre consulat,
Vous imputez votre absence aux incursions de votre préfecture moi, je fclicite ces di-
:

des Isauriens et moi je nie que vous soyez ab- gnités à cause de vous; vous les honorez bien
sents je dis que vous êtes avec nous, et que
: plus qu'elles ne peuvent vous honorer. Telle
cet empêchement même ne peut faire obstacle est, en effet, la nature de la vertu, qu'elle ne
à notre réunion, tant sont agiles les ailes de puise son lustre qu'en elle-même, et qu'elle
l'amitié; sur-le-champ, sans peine, elle se donne de l'éclat aux magistratures au lieu
transporte en tous lieux, quelle que soit la d'en recevoir d'elles. Je n'ajoute donc rien à
foule des obstacles. Nous sommes privé, il mon amitié pour vous, parce que je ne vois
est vrai, de votre présence corporelle mais : rien de plus en vous. Ce n'est ni le préfet
priez sans relâche, et le Dieu de bonté nous ni le consul que j'aime mais mon cher ,

accordera cette faveur. Moi-même qui vous Anthémius cet honmie d'une
, prudence
porte incessamment dans ma pensée, je n'ai consommée et d'une si haute philosophie.
pas une faible envie de me voir dans voire Ainsi je vous félicite, non pas d'être monté au
société et cela viendra, je n'en doute point,
: fuite des honneurs, Uiais d'avoir plus d'occa-
sivous invoquez avec ferveur Celui qui sait sions de faire briller votre sagesse et votre
imposer silence à la plus terrible tempête, et humanité. Je félicite en même temps ceux m
ramener partout le calme et la sérénité. C'est que l'injustice accable ou menace, car ils trou-
"
à nous de vous contenter maintenant, en vous vcront dans votre équité un [lort excellent pour
renseignant à notre sujet : nous jouissons échapper au naufrage, un encouragement à
d'une paix d'une tranquillité par-
d'cs()rit et naviguer encore avec coiiuance, même après
faites. Notre santé n'est pas ici dans des con- avoir essuyé les tempêtes. Voilà pourquoi je
ditions très-favorables d'abord le manque
: me réjouis de votre élévation. Je sais qu'elle
de médecins, et la disette de remèdes on ne : est pour les opprimés et les malheureux une
trouve rien ta acheter ici, les drogues font dé- fête publique, et moi je célèbre déjà cette
du climat; car l'été ne
faut; puis l'insalubrité fête, coiisidérant tomme un bonheur pour
nous incommode pas moins que l'hiver, étant, moi-même les belles actions que vous allez
à sa manière, tout aussi rigoureux; puis les faire.
soutîrances d'un siég(! perpétuel, les alarmes
causées coup sur coup i)ar les incursions des
Isauriens parmi tant de choses qui consjjirent,
:
LETTRE CXLVIIL
avec d'autres que j'omets, contre notre santé, Gueuse, 405.
nous sonunes |)résentenient hors de danger,
assez bien rétabli , et nous nous portons pas- AUX Évî\>'ES r.vniAorE. ulmétrils, pai.i..\dii9,
sablement. Veuillez donc vous-mêmes nous EILYSIIS.
tenir pareillement au courant, et nous faire
savoir que vous allez bien. Nous considérons Honnnes heureux, trois fois, cent fois heu-
Votre allachemenl, ctmune une coiuolalion reux de vos nobles sueurs des combats, des !

précieuse, un grand soulagement, un trésor épreuves des fatigues des périls que vous
, ,

inestimable et quand nous nous représentons


: avez alTrtin tés pour l'inléiél de toutes les Egli-
votre sincère amitié, vos sentiments iuvaria- ses du monde! gloire sur la terre, gloire dans
blés, >otre inaltérable tendresse (or nous ne les cieux, telle sera votre récompense. Tous
cessons pas de nous les représenter), il nous les hommes raisonnables, vous célèbrent, vous
semble que nous échappons à la tempête de tressent des couronnes tons admirent votre ;

tribulations déchaînée contre nous pour trou- constance, votre courage, voire fermeté, votre
ver uu asile au stiu d'un large port. perscvérauce ; et le Dieu de buiilo qui est asseï
LETTRES. m
riche pour rémunérer au centuple la patience,
vous réc()Mipet)sera connue il convient à Dieu
de n compenser ceux qui ont généreusement
LETTRE CL.

combattu pour la paix universelle. Aussi ne


A L ÉVÉQUE MAXIME.
cesson.^-nous point de vous proclamer bien-
heureux, de nous complaire en votre souvenir, Quand je réfiéchis aux peines aux sueurg ,

de vous porter const.inuuent dans noire [»en- que vous avez endurées si longtemps j'y ,

sée, en dépit de l'intervalle qui nous sé|)are. trouve la plus grande consolation des ini lui-
Le tres-révérend diacre Cyriaque n'a [>u s'em- tés que j'ai souffertes moi-même votre atl'ec- ;

barquer cette fois, purce qu'il est accablé de tion, profonde et


si si vive, votre parfait dé-
travail. Mais, mes seigneurs , le très-religieux
vouement, voire activité vigilante à réparer le
prêtre Jean et le Irès-révérend diacre P.iul, tra- mal commis, me procurent le plus grand sou-
qués de tontes parts, hors d'état de se fixer en lagcnu En
nt. effet, ce n'a pas été jjour moi
auiun endroit, ni de se cacher, ont jugé né- un idlégement que de songer (|u'en dépit
faible
cessaire de se rendre auprès de vos charités, et
de la distance (jui nous sépare, sans nous avoir
de partager votre résidence. Veuillez donc les jamais vu, sans nous avoir parlé, inconnu vous-
accueillir avec ainilié et leur témoigner la
même à nos regards, enfin journellement en
bonté qui sied à votre caractère. bulle aux entre[»rises des factieux, vous a\ez
pu montrer à noire égard la tendresse d'un
père pour ses enfants, ou plutôt une affection
LETTRE CXLIX. plus tendre encore que l'amour paternel. Nous
406 remercions donc votre piété, nous l'admirons,
nous la félicitons, nous la prions de suivre sou
A AUIŒLIUS, ÉVÉQUE DE CARTHAGE. propre exemple, et de déployer jusqu'au b"ut
le zèle qu'elle Quand bien
a montré d'abord.
Ah ! grande chose qu'une âme généreuse,
la même vous ne réussiriez point à améliorer
où [)ullulent les fruits de la religion et de la l'état des choses, ce ne serait pas pour nous,
charité! C'est par là que, malgré la distance comme je vous l'ai déjà dit, une mince conso-
qui nous sépare vous m'avez conquis et ga-
,
lation que d'avoir reçu, de recevoir encore de
gné, comme si vous étiez ici, auprès de nous. votre révérence les marques d'une pareille
En effet, la chaleur de votre affection, la bonne affection.
odeur de votre indépendance et de votre piété
se sont répandues jusqu'à nous, aux confins du
monde habité. Nous vous rendons mille actions
de grâces, nous félicitons votre piété d'avoir LETTRE CLL
bravé tant de fatigues et de sueurs dans l'in-
406.
térêt de toutes les Eglises, et de vous être assuré
là les plus magiiifi(iues couronnes dans le sé- A L EVÉQUE ASELLUS.
jour du Dieu débouté. Nous vous exhortons de
plus à persévérer dans ces glorieux combats ; Je sais que vous n'avez nul besoin de mes
car vous savez quel en est le prix. S'il suffit de lettres pour vous mettre à l'œuvre, pour tra-
protéger un homme en butlf à l'injuslice et à vailler à la guérison des maux qui affligent
l'oppression pourobtenir de Dieu une ineffable les Eglises d'Orient; votre conduite le prouve,
récompense, songez quel sera votre salaire, à c'est spontanément que vous avez déployé tant
vous, si par vos nobles efforts vous arrachez au d'activité. Mais puisque nos maux résistent en-
trouble et au désordre tant d Eglises agitées, si core à tous les remèdes (tant sont insensés les
vous travaillez à les conduire au port après auteurs de ces attentats), nous avons cru né-
tant d'orages. cessaire d'exhorter votre religion à ne pas se dé-
courager, à ne pas faiblir, à persévérer dans le
zèle des premiers jours, et à faire encore tout
ce qui est en votre pouvoir. Car plus sont in-
corrigibles les factieux conjurés contre la paix
des Eglises ,
plus leur châtiment sera sévère,
5Ô.i TUÂDUCTiON FRANÇAISE DE SAINT JEAN CHhVSOSTOME.

plus aussi seront magnifiques votre récom- moigner la même affection, le même dévoue-
pense et vos couronnes^ si vous ne vous laissez ment. Car ce n'est pas nous seulement qu'at-
pas abattre. teindront les événements actuels; la totalité
des Eghses s'en ressentira. Ce n'est pas une
ville ,ni deux ni trois ce sont des peuples
, ,

LETTRE CLU. entiers qui sont ébranlés sur toute la face de


Montrez donc le zèle qu'il est naturel
la terre.
Probable»^itit jCd. de déployer quand on travaille et que l'on
combat pour un si grand nombre d'âmes.
AUX ÉYÊQUES. Vous avez fait bien des efforts, vous avez payé
votre tribut; nous ne l'ignorons pas, et ne ces-
Nous devons des remerciements à chacun de sons de vous en remercier mais, nous vous ;

vous en particulier, à vous tous en général; en conjurons, ne vous arrêtez pas au milieu de
que dis-je ? Non pas nous seulement, mais tous votre ouvrage. Votre patience , votre résigna-
les évoques de l'Orient, et avec eux les clercs
tion, votre constance sont capables d'apaiser
de plus d'une ville , des laïques mêmes diver-
les plus mutins et de guérir les plus malades
sement persécutés, nous vous devons, dis-je,
de la folie qui les possède aujourd'hui. D'ail-
des remerciements , de ce que dans votre cha-
leurs , dussent-ils demeurer incurables , rien
rité toute paternelle, vous avez compati à ces
ne manquera du moins à votre salaire, à votre
maux vous avez résisté noblement, vous avez
,
récompense, à la couronne méritée par vos gé-
lait tout ce qui était en votre pouvoir. Aussi
néreux efforts.
tous vous célèbrent, vous tressent des couron-
nes, ont à la bouche vos bonnes œuvres. Or si
les hommes vous rendent de pareils honneurs,
songez aux dédommagements que vous réserve LETTRE CLIV.
la bonté divine. En conséquence, mes très-ré-
Probablemeot 406.
vérends et très-religieux maîtres, quelque in-
curable que soit l'infirmité de ceux qui agitent AUX MÊMES.
les EgHses, ne cessez pas d'y appliquer tous les
remèdes dont vous disposez.Plus il y aura Nous voudrions vous voir avec les yeux du
d'obstacles et de difficultés, mieux vous serez corps mais cela nous est interdit par l'exil
:

récompensés. Si celui qui donne de l'eau fraî- qui nous tient enchaîné du moins les yeux;

che, doit recueillir le prix d'un si léger bien- de l'amitié nous représentent chaque jour
songez
fait, (luellc récompense attend ceux qui votre image nous ne cessons point de vous
;

auront tant fait et tant souffertpour la paix serrer dans nos bras, de vous applaudir, de
des Eglises, songez quel salaire est réservé à vous admirer, à cause du dévouement et du
d'aussi glorieux travaux I
zèle que vous n'avez pas discontinué de faire
voir depuis l'origine, pour les Eglises d'Orient;
et nous vous conjurons de terminer votre ou-
LETTRE CLin. vrage aussi bien que vous l'avez commencé.
Si les auteurs du désordre et du trouble géné-
Probablement 406.
ral se montrent si remuants, à plus forte rai-
son, vous qui avez pris à tâche de guérir ces
AUX MÈMKS.
maux, devez-vous prodiguer la résignation et
Nous ne cessons pas de nous proclamer la patience qui doivent accompagner une œu-

vos obligés. Quelles qu'aient été les injustices vre pareille. Car si vous voulez augmenter
de nos ennemis, nous avons trouvé en vous un votre salaire et ajouter à votre récompense, il
secours énergique, des trésors d'atlection, d'at- faut tenir tète résolument aux plus grands
tachement véritable, de zèle ardent; et ce n'a obstacles, et opposer aux difficultés le rempart

j)as été pour nous une faible consolation dans do votre zèle et de votre vigilance.
le triste exil où nous sommes retenu et parmi ,

tous les maux qui nous ont accablé. Nous sup-


plions donc vos piétés de continuer à nous té-
LETTRES. hlj

plaisir, nous recourons à un très-révérend et


très-religieux prêtre pour vous faire parvenir
LETTRE CLV. une lettre et les salutations qui vous sont dues.

406.
Sachez que vous vous êtes fait un ami de tout
l'Orient que partout vous avez gagné les
,

A CIIROMATILS, ÉVÊQUE d'AQUILÉE. cœurs, et communiqué à des milliers d'hom-


mes votre juste indignation contre les excès
Votre vive et profonde amitié a retenti jus- commis. Nous vous conjurons de déployer jus-
qu'à nous comme une trompette sonore : sans qu'au bout le même zèle. Vous n'ignorez pas
que en éteignît le bruit éclatant,
la distance combien de couronnes vous dédommageront
elle arésonné jusqu'aux extrémités de la terre. de ces peines passagères, vous savez quel riche
— Aussi bien que ceux qui vous voient, nous con- dépôt de récompenses éternelles vous attend
naissons, malgré le long trajet qui nous sépare au séjour du Dieu de bonté.
l'un de l'autre, la vivacité, l'ardeur de votre
atfection, la sincérité, l'indépendance, la fran-
chise de votre langage, votre fermeté pareille
à celle de l'airain. Aussi désirons-nous vive-
LETTRE CLVn.
ment avoir le plaisir de vous voir. Mais comme Probablement 406.
les chaînes de l'exil nous l'interdisent, nous
avons recours à un très-révérend et très-reli- AUX ÉVÊQUES VENUS d'OCCIDENT.
gieux prêtre pour contenter notre désir dans la
mesure du possible, en vous écrivant, en vous Nous admirions déjà votre dévouement
saluant en vous rendant mille actions de
,
votre zèle pour l'amendement des Eglises ,
grâces pour le zèle que depuis si longtemps votre solide et sincère affection, votre courage,
vous ne cessez de nous témoigner avec tant de votre inébranlable fermeté, votre infatigable
persévérance. Nous vous prions, en outre, de patience. Mais c'est aujourd'hui surtout que
profiter de son départ, et en son absence des nous vous admirons, hommes intrépides, qui

courriers que vous trouverez prêts à se mettre avez entrepris une si longue et si pénible tra-
en route vers ce désert, pour nous faire savoir versée pour les intérêts des Eglises. Nous vou-
comment vous vous portez. Vous savez quel drions vous écrire fréquemment, offrir souvent
plaisir ce sera pour nous, que d'être rassurés à vos piétés les salutations qui leur sont dueg.
par de fréquents messages, sur la santé d'amis Mais comme cela nous est impossible, à cause
si dévoués. de l'isolement de notre séjour, qu'entoure une
ceinture de déserts, nous recourons à un très-
révérend et très-religieux prêtre pour vous
LETTRE CLVI. saluer et vous exhorter à terminer votre œu-
vre d'une manière qui réponde au commence-
SaDs doute 406. ment. Vous savez en effet
, quelle est la
,

récompense promise à la résignation, et quels


AUX ÉVÊQUES. dédommagements bon Dieu réserve à ceux
le
qui bravent les souffrances pour la paix géné-
La voix même des faits ne cesse de procla-
rale et se font les champions d'une pareille
mer en tous lieux avec un bruit plus éclatant
cause.
que celui de la trompette, votre noble zèle, votre
dévouement à la cause de la vérité. Ni les dis-
tances, ni la fuite des jours, ni l'absurde achar-
nement d'uu incurable délire, rien, enfin, n'a LETTRE CLVIIL
pu en étouffer ni en affaiblir le renom. Quant
Probablement 406.
à nous, nous ne cessons pas de vous remercier,
nous ne nous lassons point de vous féliciter, en AUX MÊMES.
songeant aux couronnes que le bon Dieu vous
réserve pour prix de ces glorieux combats. Vous VOUS êtes préparé bien des couronnes,
Nous brûlons du désir de vous voir. Mais puis- et à nous bien des consolations, par votre
que les entraves de l'exil nous interdisent ce noble dévouement, vos fatigues, vos sueurs.
B06 TRADUCTION FRANÇAISE DE SAINT JEAN CHRYSOSTOME.

Aussi, à la distance où nous sommes de vous, et de pleurer sur eux ; mais vous, il faut vous
nous vous célébrons, nous vous rendons grâ- admirer, vous célébrer, vous, dis-je, qui devant
ces, nous vous tressons des couronnes, nous les progrès du mal déployez une activité de
exaltons votre bonheur. Nous voudrions vous plus en plus grande pour y apporter remède.
écrire fréquemment car ce serait pour nous
:

une grande consolation. Mais il nous faudrait


trouver des courriers, et cela ne nous est pas
LETTRE CLX.
facile relégué que nous sommes aux confins
,

du monde et, d'autre part, les voyageurs du


;
Probablement 406.
dehors n'abondent pas ici. Enfin, nous avons
mis la main sur un très-révérend et très-reli- A UN ÉVÊQUE VENU d'0CCIDE?ÎT.
gieux prêtre nous vous rendons par son en-
:

tremise, la salutation qui vous est due, et nous Quand aux sueurs que vous avez
je réfléchis

exhortons vos piétés, en considération de la endurées, dans votre résidence, et depuis


et

grandeur de l'œuvre, quel que soit le temps votre embarquement pour une aussi longue

écoulé et l'activité croissante des agitateurs, traversée, dans le seul intérêt des Eglises, je ne

quelque incurable que soit leur démence, à ne saurais attendre la victoire pour vous tresser

pas vous lasser du moins de faire tout ce qui des couronnes, je ne me lasse point de vous
est en votre pouvoir pour réparer le désordre. célébrer, d'exalter votre bonheur. En effet,

Car plus les difficultés seront grandes plus ,


soit que votre zèle aboutisse à un résultat, mon
sera magnifique la récompense dont le bon très-révérend maître, soit que les premiers au-
Dieu rémunérera vos glorieux combats. tciirs du désordre persistent dans leur entête-
ment, et que leur folie demeure incurable, la

récompense est asmrée à vos bonnes inten-


tions, à vos efTorls dont votre pouvdir seul a
LETTRE CLIX. marqué la limite. Voilà pourquoi nous vous
félicitons, nous vous admirons, nous ne dis-
Probablement 406.
continuons pas de vous rendre grâces. Nous
AUX MÊMES. voudrions aussi vous écrire plus souvent. Mais
nous sommes retenu nous l'in-
la solitude oîi

Ce n'est point une faible consolation pour Aujourd'hui seulement, grâce à un très-
terdit.

nous, au milieu des maux qui affligent ces révérend et très-religieux prêtre, nous vous
contrées, que la grandeur de votre dévoue- écrivons et vous offrons
la salutation qui vous

ment. Sans doute c'était assez déjà de votre estdue. De cœur et d'intention, nous vous
conduite passée de votre vigilance , de
, avons écrit bien souvent avec la plume et
:

votre activité, de votre infatigable sollici- l'encre, c'est la fois, jvirce que jus-
première
tude pour nous procurer un grand soulage- qu'ici nous n'avions trouvé personne qui se
ment mais la dernière de vos bonnes œuvres,
;
rendît aux lieux où vous faites séjour. Daignez
cette longue traversée entreprise pour l'intérêt donc accueillir noire messager ainsi (juil sied
des Eglises, voilà de {|Uoi nous faire oublier à votre caractère, témoignez- lui de l'aniilié, et

toutes nos infortunes. Nous nous unissons tous soutfrez qu'il jouisse tle voire alfection. En
pour vous remercier avec efl'usion de tant de effet, après tant de fatigues endurées en voyage,
fatigues, de sueurs, de nobles combats, et nous ce ne sera pas pour lui un
allêgoment
faible

ne cessons point de vous envier tant de dévoue- que le Quant à ce (jui


bienfait de votre faveur.
ment et de zèle. Aussi avons-nous prié notre concerne le zèle infatigable à montrer pour les
maître ce très-révérend et très-religieux prêtre, intérêts des Eglises, nos avis vous seraient inu-
de se rendre en toute bâte auprès de vous. tiles : votre conduite même l'a prouvé.
Daignez l'accueillir avec la bonté qui sied à
votre caractère, et que la fin de votre ouvrage
soit digne du comniencemenl. Enetfel, s'il pa-
raît impossible jusciu'ici de guérir les insensés
qui occasionnent aux Eglises tant de guerres
et de tempêtes, c'est une raison de les plaindre
L£TTH£S. B07

LETTRE CLXI. LETTRE CLXn.


Probablement 406. Probablement 406.

AUX PRÊTRES DE ROME QUI ÉTAIENT VENUS AVEC A ANYSIUS, KVÊQUE DE THESSALONJQUB.
LES EVÉQUES.
Nous avons mis du temps et de la lenteur à
Vous avez affronté bien des fatigues, bien écrire à votre charité; mais ce long silence
des peines en vous embanjuant pour une aussi n'est pas de notre fait : il provient de l'isole-
longue traversée du moins ce n'est pas pour
: ment des lieux où nous sommes confiné, et
des biens temporels et périssables, mais bien non de la tiédeur à l'égard de votre charité.
pour l'intérêt des Ejfiises aussi serez-vous ma-
: Aujourd'hui, grâce h l'occasion que me fournit
gnifuiuemcnt récompensés de vos épreuves par enfin un très-honoré et très-religieux prêtre, je
la bonté divine. Vos elTorls, votre zèle ne seront puis m'acquitter envers votre révérence des
donc pas pour vous ni pour moi une consola- salutations que je lui dois, en remerciant vive-
tion légère pour vous qui défende z dans ce
: mimt votre [>iélé de ses ell'orts et du courage
glorieux combat la paix de tant d'Eglises, et qu'elle a déployé pour l'intérêt des Eglises.
ajoutez par la tant de couronnes à celles qui Recevez donc mon courrier, mon très-honoré
doivent vous récompenser; pour nous, à qui maître, ainsi qu'il vous sied, montrez-lui la
vous avez prodigué tant de marques d'affec- bonté qui convient à votre caractère, et ne vous
tion, que tant d'hommes considérables ont ho- lassez pas, d'autre part, de consacrer tous vos
noré de leur sollicitude, et qu'en dépit de notre soins à tout ce qui peut contribuer au soula-
éloignement, vous vous êtes unis par les chaî- gement commun des Eglises. Vous savez la
nes indissolubles du plus parfait attachement. grandeur d'une telle œuvre, la foule des Egli-
Nous vous en savons un gré infini, et nous ne ses dont vous êtes les champions dans ce noble
cessons de proclamer quelle bienveillance vous combat, et celle des couronnes réservées dans
nous avez témoignée. D'ailleurs la voix des faits le séjour du Dieu de bonté à ceux qui auront

crie par elle-même assez haut néanmoins nous


: travaillé pour la paix générale.
ne nous lassons pas de répéter la même chose
de notre propre bouche. Si c'est seulement au-
jourd'hui que nous vous écrivons, ce n'est point
à notre paresse qu'il faut s'en prendre, mais à LETTRE CLXIIL
l'isolement des lieux où nous vivons. Puisque
nous venons enfin de mettre A ANYSIUS, NUMÉRIUS, THÉODOSE, EUTROPE, EUS-
la main sur un
TACHE, MARCELLUS, EUSÈBE, MAXIMILIEN, EU-
très-honoré et très-religieux prêtre qui se rend
GÈNE GÉRONTILS, THYRSUS , ET A TOUS LES
,
au pays où vous demeurez, nous vous payons
ÉVÈQUES ORTHODOXES DE MACÉDOINE.
le tribut de salutations qui vous est dû; nous
vous prions encore d'accueillir notre messager
Vos charités se sont montrées, jusqu'ici,
avec la charité qui vous sied, et lorsqu'il par-
pleines de zèle, et nous vous remercions du
tira, de nous faire savoir comment vous vous
courage avec lequel vous avez tenu bon si long-
portez, sujet habituel de notre sollicitude.
temps, malgré les efforts de ceux qui voulaient
Quant à larecommandation de consacrer tout
vous entraîner dans leurs rangs; nous vous
le zèle requis à l'œuvre pour laquelle vous êtes
exhortons maintenant à couronner votre ou-
venus, je ne pense pas que votre piété ait be-
vrage. Car plus vous aurez de peine, plus votre
soin de la recevoir de la bouche d'autrui c'est
récompense sera magnifique, mieux vous serez
:

ce que prouve le zèle dont vous n'avez cessé


dédommagés par la bonté divine. Nous vou-
de vous montrer animés.
drions voir face à face vos révérences. Mais,
puisque l'exil nous interdisent ce
les liens de
bonheur, et que nous n'avons pas le droit de
changer de place, nous vous avons dépêché
notre maître, ce très-honoré et très-religieux
prêtre, et nous recourons à sa complaisance.
HOft TRADUCTION FRANÇAISE DE SAINT JEAN CHRYSÔSTOME.

tant pour vous offrir la salutation qui vous est


due que pour vous informer que nous ne ces-
sons pas de nous dire hautement l'obligé de LETTRE CLXV.
vos religions, et de solliciter votre indulgence
pour le silence prolongé que nous avons gardé AUX ÉVÊQIES VENUS AVEC CEUX d'OCCIDEÎÎT.

avec vous. Si nous sommes resté muet si long-


temps, ce n'est point par insouciance ni par in-
Nous avons déjà pu admirer l'ardeur et le
différence pour vos personnes mais c'est au-
zèle que vous avez déployés pour les intérêts
;

des Eglises. Mais, puisqu'en outre vous avez


jourd'hui seulement (jue nous avons trouvé
quelqu'un en disposition de se rendre aux
entrepris un aussi long voyage, puisque, dé-

lieux où vous habitez^ et de vous porter notre


pouillant toute crainte, vous vous êtes embar-
qués pour une longue traversée avec le cou-
si
lettre nous vous écrivons donc, en vous fai-
:

rage qui sied à votre caractère, cette conduite


sant savoir où nous en sommes. Quand vous
nous cause un grand surcroît d'admiration, et
aurez reçu notre envoyé avec bienveillance
et bonté, daignez nous donner aussi des nou-
nous ne cessons de vous rendre grâces, tant
par lettres qu'autrement. Et cette admiration,
velles de votre santé. Une lettre de vous, à ce
sujet, nous apporterait de grandes consolations
elle est partagée par tout le monde en Orient;
tous célèbrent sans relâche votre inflexible
dans la solitude où nous sommes retenu.
fermeté, votre charité brûlante, votre inébran-
lable constance. La longueur du chemin, les
périls du voyage, on brave, on oublie tout
LETTRE CLXIV.
pour courir contempler le spectacle de vos
A ALEXANDRE, ÉVÊQUE DE CORINTHE. bonnes œuvres. Voilà pourquoi mon maître,
ce très-honoré et très-religieux prêtre, a ré-
Vous connaissez l'affection que nous avons solu, quoi(pie malade, de tout endurer pour
témoignée à votre révérence. Vous savez com- se rendre auprès de vous, et jouir de votre as-
ment, cà la suite de quelques entrevues, nous pect, de votre société. Accucillez-le donc avec
nous sommes lié avec vous d'amitié. Aussi la charité qu'il vous convient de montrer. Que
sonmies-nous bien étonné que, depuis si long- si les calamités redoublent, nous vous exhor-
temps, vous n'ayez pas daigné nous écrire une tons à les combattre sans relâche, et à finir votre
seule fois. Vous alléguerez, je le sais, le manque œuvre aussi bien que vous l'avez commencée.
de courriers, et l'excuse est spécieuse. En ef- Vous savez quel salaire vous réserve la bonté
fet, bien qu'il ne manque pas de voyageurs ve- divine eu , dédonuuagement des peines (lue
nant de votre pays, il faut du temps pour se vous vous serez imposées pour ramener le
transporter de chez vous aux lieux que nous calme dans un si grand nombre dEglises, et
habitons. Mais cela ne suffit pas pour expliquer de vos efforts pour les mettre à l'abri dans uu
que nous n'ayons pas reçu une seule lettre. port inaccessible à la tempête.
Car nous aurions i)u, nous aussi, alléguer ce
prétexte et néanmoins nous n'avons pas gardé
:

le silence; nous avons arraché à son repos un

pieux et vénérable prèlre, et nous vous l'avons LETTRE CLXVl.


dépêché, afin (ju'il vît votre révérence, qu'il
Probablcmeot 406.
lui portât ces salutations de notre part, et (|u'il

s'informât de votre santé, dont nous désirons AUX ÉVKyUES VLNUS AVKC CEI X d'oCCIDENT.
fort avoir des nouvelles. Daignez l'accueillir
avec bienveillance, avec charité, avec la bonté Vos révérences se sont déjà noblement si-
i|ui sied à votre caractère, voyant en lui connue gnalées en manifestant la juste inilignation
un membre de nous-mème, et lors(juil se (|U(Mloivent leur inspirer les malheui-s déchaî-
Hîmettra en route, ne refusez point de nous nés sur tant d'Eglises, en y compatissant, en
de votre santé. Dans l'iso-
faire connaître l'état faisant plus, je veux dire en s'acquittiuit de
lement où nous sonunes retenu vos lettres , leurs devoirs. Mais ce qui surpasse tout, c'est
nous procureront le plus grand soulagement. ce dernier trait de vos charités : avoir quitté
vos demeures, vous être embarqués dans un si
LETTRES. no9

long voyajre, \ivre sur une terre étrangère, récompensera de votre zèle, de vos efforts con-
braver les fatigues d'une si longue route pour stants et continus pour remédier aux désor-
l'intérêt des Eglises, Cela fait que nous ne ces- dres.
sons de vous rendre grâces, de vous admirer,
de vous proclamer bienlieureux, en songeant
aux récompenses que vous réserve la justice LETTRE CLXVIIL
du Dieu de bonté. Et puisque l'exil où nous
sommes retenu ne nous permet pas aujour- 406.

d'iuù de vous visiter, ni de vous écrire d'une


A PROBA, MATRONE ROMAINS.
manière suivie, à cause de la rareté des cour-
riers (sans quoi nous vous écririons lettres sur Bien que séparé de vous par une grande
lettres), nous avons encouragé un très-pieux distance, nous avons pu faire de votre ardent
et très-respectable prêtre, qui, de son propre
et sincère attachement une aussi complète
mouvement allait partir, à se rendre auprès de
expérience que si nous étions là-bas , à même
vous, à voir vos religions, afin que vous le
d'observer vos démarches ,
grâces aux per-
chargiez d'une lettre pour nous, et que lui-
sonnes qui sont venues nous donner ici au
même ait le plaisir de considérer face à face sujet de votre grâce les renseignements les plus
vos charités. Accueillez-le donc ainsi qu'il vous
propres à combler nos désirs. Aussi notre re-
sied de le faire; puis, dès que vous le pourrez,
connaissance est-elle grande et vive à votre égard ;
ne manquez |)as de nous faire savoir si vous aussi tirons-noushonneur et vanité des senti-
vous portez bien. Car nous tenons beaucoup à
ments de votre noblesse nous recommandons;
être éclairé sur ce point, et ce sera pour nous aussi à votre sagesse, nos bien-aimés, le très-
une grande consolation dans la solitude où
religieux prêtre Jean, et le très-révérend diacre
nous sommes retenu.
Paul en les remettant entre vos mains, nous
;

croyons leur ouvrir un port. Daignez donc les


envisager avec les yeux dont il sied de les voir,
LETTRE CLXVIL
ma très- honorée et dame; vous
très-noble
savez quel sera de votre bonté. Et lors-
le prix

qu'il vous sera possible, donnez-nous de plus


ADX MÊMES. fréquentes nouvelles de votre santé, dont nous
tenons beaucoup à connaître l'état, car elle nous
Nous VOUS savons un gré infini de tant de intéresse vivement.
fermeté, de zèle, de sollicitude, ainsi que de
vos fatigues, de vos sueurs, et du long voyage
que vous avez fait pour les intérêts de l'Eglise.
LETTRE CLXIX.
Plus sera terrible la condamnation portée
contre les auteurs de tous ces désordres, plus
votre récompense sera magnifique, à vous qui
déployez tant de zèle et de persévérance pour A JULIENNE ET AUX PERSONNES DE SON ENTOURAGE.
la guérison des maux causés par autrui. Nous
voudrions être auprès de vous, et converser le jugement sera sévère contre les au-
Plus
face à face avec vos piétés mais notre exil
: teurs de pareils désordres plus vous serez ,

nous le défend. Ce n'est que tard et avec peine récompensées magnifiquement, vous qui ave»
(jue nous avons trouvé quelqu'un partant pour travaillé à y mettre fin, et dépensé pour cette
se rendre auprès de vous : par l'entremise de œuvre Nous n'igno-
tant de peines et d'efforts.
ce très-honoré et très-religieux prêtre, nous rons pas bons offices de vos charités, le zèle
les
vous envoyons cette lettre pour vous rendre que vous avez déjdoyé pour parvenir à votre
la salutation qui vous est due, et vous remer- but, ainsi que pour bien accueillir ceux que
cier pour le passé, pour le présent, pour toute nous avons envoyés auprès de vous. Nous
votre conduite enfin dans la lutte que vous sommes donc votre obligé, et nous vous conju-
soutenez contre le mal. Quand bien même rons de persévérer dans la même ardeur, de
vous échoueriez, eh bien! vous aurez fait votre redoubler encore de courage et de fermeté.
devoir. Comptez donc que la bonté divine vous Vous appréciez la grandeur de l'œuvre comme
510 TR.\DUCTION FRANÇAISE DE SAINT JEAN CHRYSOSTOME.

la grandeur de la récompense qui vous est ré-


servée, si vous conjurez, autant qu'il e?t en
vous, de si graves désonires, luie si redoutable LETTRE CLXXI.
tempête, et si vous contribuez pour voire part De 404 à 407.
à la guérison des maux acluels.
A MONTICS.

LETTRE CLXX. Si notre corps est loin de vous, notre affec-


tion comble l'intervalle nous sommes à vos
;

406. côtés, nous vous serrons chaque jour dans nos


bras, en repassant dans notre pensée votre
A ITALIQUE. ardente amitié pour nous, votre hospitalité,
votre bonté, tant de prévenance et dempresse-
En ce qui concerne les affaires du monde, la
ment que vous n'avez cessé de nous témoigner,
ditïérence que la deux
nature a mise entre les
en nous complaisant dans le souvenir de
sexes, se retrouve dans leurs démarches, dans
votre noblesse en célébrant devant tous
,
leur manière d'agir. L'usage prescrit à la
votre pure et sincère affection. Aussi dési-
femme de garder la maison à Tliomme de ,

rons-nous recevoir des lettres de votre no-


s'appliquer aux affaires de l'Etat et du dehors.
blesse et vous prions-nous de nous écrire
Mais dès qu'il s'agit des combats auquels Dieu
fréquemment, de nous tranquilliser au sujet
préside et des épreuves à braver pour l'Eglise
de votre santé car ce sera pour nous une
,
cette difîéience n'existe plus, et la femme peut
grande consolation que d'apprendre que vous
même déployer plus d'énergie que l'homme,
vous portez bien, et nous attachons un grand
dans ces épreuves, dans ces combats. C'est ce
intérêt à le savoir. Daignez donc ne pas nous
que Paul fait entendre dans l'épître qu'il adresse
aux gens de votre pays. (Rom. fin.) 11 fait — priver de cette joie; écrivez -nous toutes les
fois qu'il vous sera possible, en nous donnant
l'éloge de plusieurs femmes comme ayant
ces précieux renseignements.
pris à cœur l'amendement et la conversion de
leurs maris. Mais à quel propos ceci vieut-il ?
C'est afin que vous ne considériez pas l'œuvre
du zèle comme vous étant étrangère, que vous LETTRE CLXXII.
ne vous croyiez pas dispensées de travailler
Gueuse, 404.
l)Our votre part à la guérison de l'Eglite ; c'est

afin que, fidèles à votre devoir, vous contri- A HELLADIIS.


buiez, avec toute l'activité requise, à procurer
tant par vous-mêmes que par le ministère de Nous n'avons eu ensemble que peu d'entre-
ceux qui pourront vous servir, l'apaisement vues; néanmoins j'ai fait de reste l'expérience
des troubles et des orages auxquels sont en proie de votre ardente et profonde atfection ; car il

toutes les Eglises d'Orient. En effet, plus la tem- ne faut qu'un instant aux nobles âmes pour
pête est terrible ,
plus l'ouragan est affreux, conquérir ceux (lui les ap|irochent. C'est ce
]»lus vous serez récompensées magni-
aussi qui vousest arrivé à vous-même, qui, dans un
fiquement, vous (jui vous serez montrées réso- temps si court nous avez inspiré une si vive ten-
lues à tout entreprendre et à tout endurer pour dresse pour votre générosité. Nous vous écri-
ramener le calme et la paix, et remettre dans vons donc et vous faisons savoir, en ce qui
l'état normal tout ce qui est actuellement nous concerne, que nous vivons ici dans une
troublé. paix et une tranquillité profondes objet des ,

soins, des prévenances, de la bienveillance gé-


nérale. Maintenant, pour que nous ayons à
notre tour le d être instruit de ce qui
plaisir
vous concerne, ne manijuez pas de nous écrire
fréquemment, et de nous mettre en repos au
sujet de votre santé ; ce sera pour nous un
grand sujet de consolation qu'un pareil message
venant de votre gi-aérositc.
LETTRES. 841

de voire noblesse. — Maintenant, nous vous


prions de nous écrire, vous aussi, fréquemment,
LETTRE rLXXlH. et de nous mettre en repos sur le compte do
votre santé. Pour nous, ta la suite d'un long
Cucu»e, 404.
vo\age, accompli sans obstacles et sans périls,
A EVETOIUS. nous voici rendus à Gueuse, où la tranquillité
des lieux, l'absence de soucis, les égards, la
Bien que séparé ct^rporellement de votre bienveillance générale charment notre exis-
générosité, nous restons uni à vous |)ar ratta- tence. —Mais réjouissez- nous à votre tour en
chement (iu cœur, laiiî \ous nou^ avez donné nous apprenant que vous vous {)ortez bien ;

de gages de votre amitié, tant vous nous avez écrivez-nous fréquemment, sans relâche, don-
prodii^ué là-bas de soins et d'affection. Aussi, nez-nous de bonnes nouvelles de votre santé,
en fjuel([iie lieu que nous portions nos pas, de toute votre maison. Nous ne saurions goûter
Dous ne cessons de nous proclainur les obligés une plus précieuse consolation.
812 TRADUCTION FRANÇAISE DE SAINT JEAN CHRYSOSTOME.

SOIXANTE-HUIT LETTRES
PUBLIÉES POUR LA PREMIÈRE FOIS EN 1613, D'APRÈS LN MANUSCRIT DU COLLÈGE D'aN^'ERS,

DE LA SOCIÉTÉ DE JÉSUS.

siez-vous échouer, votre zèle et vos bonnes in-


tentions obtiendront leur récompense de la
LETTRE CLXXIV. bonté divine.

Ecrite, à ce que l'on croit, l'an 401, lors du départ pour Cucuse.

AUX ÉVÊQUES, PRÊTRES ET DIACRES, EMPRISONNÉS


LETTRE CLXXV.
A CHALCÉDOINE. Gueuse, probablement 404.

Quel bonheur pour vous et d'être captifs A AGAPET.


et de supporter dans de pareilles dispositions
votre captivité, de déployer au milieu de ces Mon maître, le très -pieux et très -honoré
épreuves un courage d'apôtres Car les apôtres ! prêtre Elpidius, a prodigué constamment ses
comme vous, battus de verges, persécutes, em- efforts et ses sueurs pour arracher au joug de
prisonnés, supportaient ces tril)ulalions avec l'impiété les habitants de la montagne, je veux
une joie profonde: que dis-je ? ils continuaient, dire de TAmanum. Il a réussi, il les a tiré? de
jusque dans les fers, à remplir leur devoir et à l'erreur, il a élevé des églises , organisé des
veiller sur l'univers. Je conjure donc vos monastères ; d'autres que moi pourront en
charités de ne pas se laisser abattre , de redou- instruire votre générosité. Comme je sais
bler, au contraire, de zèle, à proportion que que vous aimez passionnément les hommes
vos souffrances deviendront plus cruelles, de pieux et généreux, persuadé que je vous ferai

songer chaque jour au sort des Eglises de toute plaisir en vous signalant l'auteur de tant de
la terre, aux moyens propres à guérir leurs bonnes œuvres, et cherchant d'ailleurs toutes
maux sans vous sentir découragés ni par votre les occasions de vous saluer, je vous adresse
petit nombre, ni par les persécutions (jui vous cette lettre, où je maci[uitte de la salutation
assiègent de toutes j)arts. Car, puisque ces souf- qui vous est due, et recommande Elpidius à
frances vous assurent un plus grandcrédit au- votre générosité. Voyez-le donc avec les yeux
près de Dieu, vos forces aussi ne peuvent man- dont il vous convient de le voir, mon très-ho-
querde s'accroître. Sachez donc déployer le zèle noré et très-révéreiiil maître, et témoignez-lui

que réclament les circonstances; et tant jtar jtar voire conduite (luece n'est pas en vain qu'il
vous-mêmes, que i)ar ceux dont vous pourrez est venu à vous chargé d'un message de notre
employer le concours, eilorcez-vous de parler part, et que cette lettre a eu le pouvoir de lui
cl d'agir, de manière à calmer la tempête (|ui concilier beaucoup de bienveillance et d'alïec-
règne. Car rien n'est si cai)able (jue vos soins tion. Nous saurons un gré intini à votre géné-

d'amener cet heureux etlet : et d'ailleurs, dus- rosité, si nous voyons qu'à la distance où nous
LETTHES. Si 3

Bouillies, il nous sul(it d'une lettre pour assu- rez honneur à moi même , et par les mômes
rer voire atleclion à ceux qui désirent vivement moyens.
en jouir : car mon protéj^'é est de ce nombre ;

il aime passionnément voire sagesse aussi :

est-ce avec beaucoup d'instances qu'il nous a LETTRE CLXXVIII.


demandé cette lettre.
Gueuse, 403.

A EUTHALIE.

LETTRE CLXXVI. Votre lettre est ( mpreinte d'une affection bien


Gueuse, 401. profonde et bien vive, d'un pur et sincère at-
tachement. Aussi vous rendons-nous mille ac-
A nÉSYCUll'S. tions de grâces, et pour nous avoir écrit, et
pour nous avoir donné une grande manjue de
Nous voudrions bien vous voir en réalité et votre profonde amitié pour nous. Que Dieu
jouir de votre aimable et charmant commerce. récompense en vous de tels sentiments, tant
Mais comme cela nous est dillicile, tant à cause ici-bas que dans la vie future qu'il vous pro-
;

des dil'licullés du voyage, que par suite de nos tège, qu'il veille sur vous, qu'il vous tienne à
occupations et de nos infirmilés, nous cher- jamais en contentement et en sécurité Car !

chons dans les lettres une consolation à laquelle vous savez de reste, ma très-honorée dame, que
du
ni la faiblesse de notre santé, ni les périls ce n'est pas pour nous un faible sujet de joie,
chemin ne puissent susciter d'obstacles. Oc- surtout dans la solitude où nous sommes relé-
troyez-nous donc celte faveur légère, peu oné- gué, que d'apprendre par de fréquents mes-
reuse, et néanmoins bien propre à nous char- sages que vos affaires vont selon vos souhaits.
mer, à soulager le chagrin que nous cause notre Ne manquez donc pas de nous en instruire as-
éloignement. Si cet adoucissement nous est ac- sidûment, ne cessez pas de nous rassurer au
cordé, nous croirons être près de votre révé- sujet de votre santé, si vous voulez qu'au fond
rence, et ne la quitter jamais. Sans doute l'af- de notre désert nous goûtions une consolation
fectionque vous nous inspirez suffit pour cela: précieuse.
mais l'illusion gagne encore à être secondée
par des lettres.

LETTRE CLXXIX.
Gueuse, 405.
LETTRE CLXXVn.
A ADOLIE.
Cucuae, probablement 401.

Venir ici, peut-être est-ce dif Qcile,si votre santé


A ARTLMIDORE.
s'y oppose car il n'y a pas d'autre obstacle: tou-
:

Mon maître Antiochus se flatte de rencontrer tes les alarmes que causaient les brigands sont

chez vous une grande bienveillance, s'il se pré- apaisées. Mais écrire, est-ce donc si pénible ? en-

sente devant votre grâce avec une lettre de core un recours qui vous est fermé. Je dis cela
noire main. Prouvez-lui donc, mon trcs-ho- parce que cette lettre est, si je compte bien, la
noré maître, qu'il ne s'est pas abusé daignez ;
sixième que je vous écris, tandis que j'en ai
l'accueillir avec qui vous sied;
la bienveillance reçu deux seulement de votre générosité. D'ail-
et s'il a quelque prétention juste et raisonna- leurs, que vous écriviez ou que vous gardiez le
ble, monlrez-vous disposé à la soutenir: taites- silence, nous restons de notre côté fidèle à notre
lui voir enfin par voire conduilc,que ce n'est pas rôle. Nous ne saurions perdre le souvenir d'une
en vain qu'il s'est présenté chez vous, un mes- aussi ancienne, aussi profonde amitié ;
nous la

sage de notre parla la main, et que notre lettre gardons toujours en fleur dans notre âme, et,
n'a pas i)eu contribué à lui concilier une juste dès qu'il nous est possible, nous vous écrivons.
bienveillance, un équitable ai>pui. Par là, en Mais à cause de la vive sollicitude que vous
même temps que vous l'obligerez, vous me fe- nous inspirez, nous désirons vivement aussi
TOME IV. 33
514 TRADUCTION FKANÇAISE DE SAINT JEAN CIIRYSOSTO.ME.

recevoir de vous une lettre qui nous rassure


au sujet de votre santé. Ne nous privez donc
point de cette consolation certaine du plaisir
:
LETTI{Il CJ.XXXÏ.
que vous nous ferez, si c'est pour vous une
ProbablcmeDi 406.
peine que d'écrire, prenez cette peine en faveur
de nous qui vous aimons bien faites-nous con-
:
A DES ÉVÊQUES.
naître l'état de votre santé ; nous désirerions
fort en avoir chaque jour des nouvelles. Si les désordres qui se sont emparés des
Eglises d'Orient, ont été violents et multipliés,
le zèle que votre religion a mis à les
réprimer,
LETTRE CLXXX. a été grand et généreux. Que si le succès
vous
a manqué, nous plaignons les malades
incu-
Cucuse, 405.
rables dontl'infirmité a déjoué vos efforts,
mais
AU PRÊTRE nVPATIUS. nous ne cessons point de vous admirer et de
vous proclamer bienheureux, vous qui après
Je ne cesserai pas de féliciter votre révérence un si longtemps et tant de peines
inutiles, loin
de sa résignation, de son courage, de la pa- de vous décourager, loin de vous laisser abat-
tience à toute épreuve, que vous avez montrée, tre, poursuivez votre ouvrage, et montrez la
que vous montrez encore dans les tentations.
même ardeur à prodiguer votre dévouement,
Je vous ait dit aussi , déjà dans ma précédente pour la condamnation de ceux qui ne veulent
lettre, comment une récompense double pas vous entendre, et pour le couronnement,
et
vous est réservée, tant pour la fermeté
triple l'ample rémunération de votre propre zèle.
que vous avez montrée vous-même, que j)Our Aussi n'est-ce pas nous seulement, cesonttous
les encouragements dont vous stimulez les habitants de la terre qui vous célèbrent
le zèle et
d'autrui, toujours plein d'ardeur, en dépit de vous pour avoir conservé toute votre
glorifient,

votre âge avancé, pour les intérêts du peuple activité, en dépit de votre éloignement, en dé-
persécuté. Je voudrais écrire assidûment à pit desdistances et du temps, pour avoir apporté

votre révérence: mais, attendu que l'hiver, les à vous acciuitter de votre devoir autant d'éner-
alarmes causées par les brigands, risolement gie et d'ardeur que si vous étiez voisins des
du lieu que j'habite, rendent cela malaisé, témoins oculaires des attentats com-
faits, et

nous profitons de toutes les occasions qui nous mis. Quesi les premiers auteurs de ces cala-

sont offertes pour saluer votre religion, et vous mités ne veulent pas renoncer encore à ces fa-
prier de nous écrire fréquenmient, de nous tales disjuites, à cetteguerre insensée, il ne
donner de bonnes nouvelles de votre santé :
faut pas que cela vous trouble, ni vous préci-
car nous désirons fort être renseigné là-dessus. pite dans le découragement car plus vous
:
au-
Nous félicitons en même temps vos compa- rez eu de peine, plus votre couronne sera
ma-
gnons d'épreuves, les très-honorés diacres Eu- gnifi(iue, quand Dieu décernera ces inetfables
sèbe et Lamprotatus. Vous savez quelles cou- récompenses que la parole est impuissante à
ronnes vous sont réservées en récompense, célébrer.
quel salaire, quel dédommagement, Danscetlo
espérance, demeurez fermes, inébranlables:
Dieu rémunérera magnifiquement votre LETTRE CLXXXII.
pa-
tience, et mettra promptement un terme
aux
malheurs présents. Ecrivez-nous sans relâche, i<->c>.

en nous rassurant sur votre santé, dont nous


A VÉNKRIIS, ÉVKOIE DE MÉOIOLANCM.
désirons Lien vivement recevoir des nouvelles.

Votre courage, votre indépendance, la li-


berté de langage avec laquelle vous défendez
la vérité étaient déjà choses connues de tous
:

mais les circonstances présentes ont montré


plus à découvert votre amour pour vos frères,
votre charité, votre piété, votre profonde sym-
pathie pour nous, votre solhcitude pour leg
LETTRES. mty

Eglises. C'est dans la tempête qu'on reconnaît (juc je croie nécessairede vous rappeler votre
le mieux le pilote, c'est dans les plus cruelles devoir : ma lettre en
car vous avez prévenu
maladies que se révèle le mieux le talent du faisant de vous-même tout ce qui était en vous :

médecin : de même celui qui veut vivre dans mais puisque les orages, loin de toucher à leur
la piété et qu'un noble couraj,^e anime, se si- fin sont dans toute leur violence
, nous vous ,

gnale surtout dans les situations difficiles. supplions de ne pas vous laisser abattre ni dé-
C'est ce qui est arrivé pour vous-même et : courager, et de continuer à appliquer les re-
autant qu'il a été en vous, tout a été réparé, mèdes dont vous disposez tant que subsistent ,

rien n'a été négligé. Mais puisque les fauteurs les plaies qui affligent le corps de l'Eglise : en
passés et actuels des troubles en sont venus à effet, plus vous aurez de peine à réussir dans
ce point de démence que , loin de rougir de votre entreprise, mieux vous serez récompensé
leurs actions précédentes, ils aspirent, au dans l'avenir.
contraire à y mettre le comble; je vous
,

exhorte tous, tant que vous êtes, à déployer le


zèle le plus énergique à persévérer dans une,

ardente sollicitude, et même à redoubler


LETTRE CLXXXIV.
si

d'activité, quelques embarras qui puissent


A GAUDENCE, ÉVÉQUE DE BRESCIA.
vous être suscités. En effet ceux qui éprou- ,

vent de la peine et des difûcultés à accomplir Rien de ce qui vous intéresse n'est un secret
une grande et belle œuvre ceux-là recevront ,
pour nous nous connaissons aussi bien que
:

une plus ample récompense que ceux qui y si nous étions auprès de vous votre zèle, votre
réussissent aisément et sans effort. Car saint vigilance, votre sollicitude, les peines, les
Paul a dit Chacun recevra sa récompense^ en
:
fatigues que vous avez bravées pour la vérité,
proportion de sa fatigue. (I Cor. ni, 8.) Que et nous vous rendons mille actions de grtices :

l'excès des épreuves ne vous précipite donc jusque dans la complète solitude où nous
point dans le découragement; que cela redou- sommes retenu c'est pour nous un bien
ble au contraire votre ardeur. Car à tout — ,

grand soulagement que l'ardeur et la sincérité


surcroît de tentations est attaché un surcroît de votre affection nous en avons fait ici
:

de couronnes c'est autant d'ajouté aux prix


:
même l^xpérience et nous savons que là-bas
,

qui vous sont réservés en récompense de ces aussi elle persiste dans toute sa force, sans se
nobles combats. laisser affaiblir ni par le temps écoulé, ni par
la distance des lieux. Nous vous en savons
beaucoup de gré, et nous vous prions de mon-
LETTRE CLXXXHI. trer toujours le même zèle. Vous savez de

406.
combien d'Eglises le salut est en jeu mainte-
nant, et quel grand service il vous appartient
A HÉSYCHIUS, ÉVÉQUE DE SALONB. de rendre. Pénétré de cette idée, mon très-
honoré et très-religieux maître, daignez per-
Bien qu'une longue route nous sépare de sévérer dans votre zèle. Car ainsi, par quel-
votre révérence et que nous soyons relégué
, ques fatigues, vous vous assurerez dans les
aux confins de la terre, néanmoins grâce aux cieux des palmes immortelles, prix de ces glo-
ailes de la charité qui nous portent, ailes agi- rieux combats.
les et propres à rendre faciles les voyages de
ce genre, nous sommes auprès de vous, nous
sommes avec vous, nous vous saluons par cette
lettre ainsi que nous
devons, et nous vous
le LETTRE CLXXXV.
exhortons à déployer en faveur des Eglises
ProbableiLent 405,
d'Orient le zèle qu'il vous appartient de mon-
trer. Vous savez quelle récompense attend A LA DIACONESSE PENTADIE.
celui qui tend la main aux Eglises affligées,
qui fait succéder le calme à de pareils orages Vous avez gardé un bien longsilence, mal-
qui termine une guerre aussi violente. Et si — gré grand nombre de voyageurs qui parlent
le
je vous adresse cette exhortation, ce n'est pas de chez vous pour venir ici. Quel peut en être
5!6 TRADUCTION FRANÇAISE DE SAINT JE.m CIIRYSOSTOilE.

le motif? Le trouble des affaires? Loin de moi éloignement, tandis que la même chose vous
un ti 1 propos je sais la grandeur et l'éléva-
: est aisée, nous vous prions de nous adresser
tion de votre âme, capable de surnager au plus souvent des nouvelles de votre santé et de toute
fort tempête, et de jouir du calme au
de la votre maison. De cette manière, jusque dans
milieu dos flols déchaînés. Et cela, votre con- notre exil, nous ne manquerons point des plus
duite même Ta prouvé la renommée a porlé : douces consolations.
aux conflns de la terre le bruit de vos bonnes
œuvres, et tous proclament que du lieu où est
fixé votre séjour, vous savez réveiller, par un
LETTRE CLXXXVII.
cflet de votre religion ceux qui sont le plus
,

éloignés et ranimer leur ardeur. Quel est donc De 404 à 407.

le motif de votre silence ? Quant à moi, je ne


saurais le dire : grâce de re-
et je prie votre A PROCOPE.
courir à la personne qui remettra ma lettre à
Nous n'avons eu là-bas avec vous qu'un petit
votre piété pour nous faire savoir vous vous si

[)ortez bien, si vous vivez contente et en sûreté,


nombre d'entretiens, mon très-révérend maî-

vous et toute votre maison


tre, mais nous avons fait complètement l'expé-
à la distance où :

rience de votre sincère affection, de la candeur


nous sommes, dans le pénible isolement où
de votre âme, de votre proton le et vive ten-
nous vivons, il suffirait d'un tel message pour
nous procurer de grandes consolations.
dresse. Aussi, même relégué aux extrémités de
la terre, même confiné dans le désert le plus
reculé, votre souvenir présent à notre pensée
partout où nous allons, et gravé dans notre
LETTRE CLXXXVI. mémoire, nous porte à vous écrire en dépit de
nous acquitter de la salutation
la distance, et à
Gueuse, 401.
qui vous est due de plus, nous supplions
;

votre grâce, si ce n'est point la charger d'une


A ALVPE.
corvée importune, de montrer, à votre tour,

Vous craignez d'encourir reproche de pré-


le
de l'obligeance à notre égard, et de nous ras-
cipitation en prenant les devants pour nous surer au sujet de votre santé. Nous en sommes
instruit sans doute, sans que vous ne nous
écrire je cite vos propres paroles
: quant à :

écriviez, par les voyageurs que nous interro-


moi, je suis si loin de vous accuser à ce sujet,
que j'impute au contraire votre lenteur à la geons, tant nous importe de savoir ce qui in-
il

téresse votre santé et votre réputation mais


négligence, et que je vous ai loué j)lus que ja- ;

mais lorsque vous m'avez eu devancé. El nous voudrions entendre votre voix lire les ,
j'ap-
puie mon dire sur l'autorité de votre propre mêmes choses écrites de votre main, afin de
jugement. Vous me
que c'est signe d'une
dites
goûter un double plaisir, celui de vous écrire,
et celui de recevoir des lettres de votre généro-
atlection particulière, que de parler même à
sité. Accordez-nous cette faveur, à la fois hon-
qui se tait. Ainsi, puisque vous voilà délivré de
celte crainte d'être indiscret que vous n'auriez nête et charmante, et qui nous comblerait de

pas dû concevoir, et que vous m'avez donné ce joie.

gage d'une amitié qui ne fait que s'accroître,


adressez-nous désormais lettres sur lettres. Car
vous savez (piels sont, (juels ont toujours été LETTRE CLXXXVIII.
nos sentiments à l'égard de votre grâce. Même
CUCUKC, 401.
relégué dans ce pays désert, même confiné aux
extrémités du monde, nous sonunes incapable
A M.VIU IILIN.
d'oublier jamais votre parfaite et sincère atlec-
tion nous ne cessons de nous représenter
; Le où nous sommes relégué. Cucuse, est
lien
chaque jour votre image de repasser dans , un désert qui n'a point son pareilnéanmoins, :

i:( Irc mémoire les vertus de votre âme. Nous quand nous sonneoii? à votre attachement,
voudrions vous écrire plus fré(iuemment ; mais mes amis, nous goûtons la jilus grande des
comme cela nous est difficile, à cause de notre consolations, et notre solitude nous semble un
LETTRES. M7
palais. Car c'est un trésor que l'affection d'amis leur procurer le plaisir qu'ils goûteraient étant
sincères. Aussi, bien qu'absent de corps, som- réunis.
mes-nous, de cœur, uni à vous par les liens
du plus inébranlable attacbement. C'est ce qui
fait que nous vous écrivons en dépit de la dis- LETTRE CXC.
tance, ci que nous nous acquittons de la salu-
tation qui vous est due. Que vous êtes inscrit
au premier rang sur la liste de nos amis, vous A BRISON.
le savez de reste , mon très-révérend maître.
Maintenant soyez assez bon pour nous imiter, Qu'est-ce à dire ? quand nous étions LVba3,
écrivez-nous fréquemment, rassurez-nous sur vous ne vous lassiez pas d'agir et de parler;
votre santé, afin que cet échange de lettres nous toute la ville, que dis-je? tout l'univers est
fasse goûter une loule de consolations et de instruit de ratfection que vous témoignez pour
que nous trouvions du soulagement
plaisirs, et nous, que vous ne pourriez taire ni cacher,
jusque dans notre solitude. que vous affichez partout dans votre conduite
comme dans votre langage et vous n'avez :

pas daigné nous écrire une fois, à nous qui


avons soif de vos lettres, à nous qui brûlons
de lire votre écriture? Ne savez-vous pas quelle
LETTRE CLXXXIX.
consolation nous aurait fait goûter une lettre
Gueuse, 404. provenant d'une âme si généreuse, d'une si

ardente amitié ? Et si je vous tiens ce langage,


A ANTIOCUIS. ce n'est pas pour vous accuser que vous écri- :

viez ou que vous gardiez le silence, je le sais,


Comment pourrions - nous jamais oublier votre affection pour nous ne saurait s'altérer :

votre douce et ardente affection, votre sincère c'est que je soupire après des lettres de votre
et parfait attachement, la franchise et l'éléva- main. Dans votre silence, nous ne cessons d'in-
tion de votre àme, l'intrépidité de votre carac- terroger les voyageurs qui viennent de chez
tère? Fussions-nous relégué aux extrémités de vous, pour savoir si vous êtes heureux et bien
l'univers, votre souvenir nous suivrait par- portant, et nous nous réjouissons fort d'en re-
tout,tonmie celui d'un ami dévoué, uni à notre cevoir les réponses que nous désirons mais :

personne par un attachement inébranlable. nous voudrions que votre voix , que votre
Voilà pourquoi, déporté dans la solitude la
main nous rendît la même chose. Ainsi donc,
mieux nommée qui soit au monde, c'est Cu- si notre prière n'est point indiscrète, ne man-
cuse que je veux dire, et malgré la difficulté de quez pas désormais de nous accorder cette fa-
mettre la main sur un porteur de messages, veur qui aura tant de prix et de charme pour
nous avons mis tout notre empressement à nous, et nous apportera tant de joie.
chercher, à trouver quelqu'un qui vous remît
notre lettre , afin de saluer votre révérence , et
de rendre à votre magnificence la salutation
qui lui est due. Que vous-même, de votre
LETTRE CXCL
côté, vous n'aurez pas besoin de mes avertisse-
Gueuse, 401.
ments pour m'écrire avec suite, et me rassurer
sur votre santé, c'est ce que votre conduite A LA DIACONESSE AMPRICLE.
passée ne me permet guère de mettre en doute.
En ce sera pour nous une grande conso-
effet, J'ai reçu votre lettre qui est la seconde en

lation que de recevoir de ceux qui nous aiment date et non la première connue vous me l'é-
bien, des lettres qui nous informent de votre crivez, très-honorée et très-respectable dame.
santé, qui renouvellent sans cesse notre atta- Je vous répète encore la même chose, n'ap-
chement par de nouveaux messages, qui nous pelez pointindiscrétion l'empressement à
donnent enfin l'illusion de votre présence, mes prendre les devants pour m'écrire, et ne con-
bons amis. — Car il «uffit d'une correspondance sidérez point comme une faute ce qui mérite
assidue, entre amis sincèrement dévoués, pour les plus grands éloges. Nous voyons la uuo
^18 TRADUCTION FRANÇAISE DE SAINT JEAN CHRYSOSTOME.

preuve d'ardente et vive affection, de profond cesserons plus de vous écrire lettre sur lettre;
et pur attachement, de brûlante amitié. Dans car nous n'avons pas une médiocre affection
cette pensée, prodiguez-moi libéralement cette pour votre générosité ayant constamment;

faveur, informez-moi de votre santé, adressez- rencontré chez votre sagesse les plus profonds
moi lettres sur lettres pour m'en donner des et les plus purs sentiments de déférence, de
nouvelles. Car nous sommes rassurés sur le
si respect et d'attachement. — Ce souvenir, tou-
compte de ceux qui nous aiment, si nous vous jours vivant en nous, maintient dans toute sa
savons en santé, en joie, en sécurité, ce sera force l'affectionque vous nous inspirez à ja-
pour nous un grand allégement aux souf- mais quand nous devrions être exilé aux extré-
frances de l'exil, une grande consolation jus- mités de la terre.
qu'au fond du désert où nous sommes con-
finé. •— Songez donc à la fête que vous pouvez
nous donner, et ne nous refusez point un si
vif plaisir autant que vous le pourrez et qu'il
:
LETTRE CXCin.
sera en vous, ne cessez pas de nous rassurer au Cucase, 404.
aujet de votre santé.
A PiEANIUS.

LETTRE CXCII. Vous m'avez rempli de courage et de joie,


lorsque, après m'avoir annoncé de tristes nou-
Cacose, peut-être 405.
velles, vous avez ajouté ce mot qu'il faudrait

A ONÉSICRATIE. avoir sans cesse à la bouche Que Dieu soit


:

glorifié en toutes choses! Ce mot porte au


Nous avons ressenti nous aussi, une vive
, démon un coup terrible dans quelque péril
:

affliction, en apprenant la mort de votre sainte qu'on se trouve, il donne de la sécurité. Il suf-
fille. Néanmoins, connaissant la sagesse de fit de le prononcer pour dissiper les nuages de

votre âme et l'élévation de vos sentiments la tristesse. Ne cessez donc de le redire vous-
nous avons la ferme confiance que vous sau- même , et de le recommander aux
autres. Par
rez tenir tète à un pareil orage. — Ne pas là, la terribletempête qui s'est déchaînée sur
chose impossible mais nous vous
s'affliger est : vous, fera place au calme par la ceux qui sont ,

exhortons à modérer votre douleur en son- en butte à l'orage recueilleront une plus belle
geant combien les choses humaines sont fra- récompense en même temps qu'ils seront ar-
giles, en vous répétant que ces épreuves sont rachés au péril. Voilà ce (]ui valut à Job sa
communes à tous, qu'ainsi le veut une loi gé- couronne voila la parole qui mit le diable en
,

nérale de la nature, un décret de Dieu, notre fuite, qui le força de battre en retraite, honteux

Maître à tous. — Non, ce n'est pas là mourir, et confus, voilà le remède de toutes les agita-
c'est voyager, c'est quitter une vie inférieure tions. Persistez donc à en user comme d'un
pour une meilleure existence. —
Pénétrée de charme contre tous les accidents. Quant à l'en-
ces réflexions ,supportez noblement ce qui droit que j'habite, (ju'on cesse d importuner
vous arrive, et rendez grâce au Dieu de bonté. qui que ce soit à ee sujet Cucuse est un lieu :

Car si le coup a été d'autant plus rude (ju'il en désert néanmoins nous y jouisson? dune
,

suivait de près un autre, la couronne réservée tranquillité profonde, et la vie sédentaire que
à votre patience n'en sera que plus éclatante, nous y menons constamment n'a pas peu con-
votre récompense <iue plus inagnificjue si , tribué à la guérison de la maladie que nous
vous supportez votre mallirur on remerciant avions contractée dans le voyage. Si vous vous
et gloriUant Dieu. —
Et i)our (jue, nous aussi, avisez de nous contraindre à de nouveaux dépla-
nous ne soyons pas trop affligé pour que , cements, vous nous causerez par là mille souf-
nous soyons assuré (jue notre lettre vous a frances, surtout en ce moment, lorsque l'Iiiver

fait (lu bien, n'Iiésite/ pas à nous en informer, est à nos portes. Une personne donc n'aille se

a nous api)rendre que le nuage de votre cha- rendre importun ni incommode à ce propos.
grin est dissipé que la douleur causée par
,
Mais écrivez-nous souvent pour nous parler de
votre hlessure est en grande partie soulagée. votre santé, de la vie que vous menez là-bas,
Une fois que nous eu serons averti, nous ne de votre réputation, de votre bonheur. Ce sera
LETTRES. MO
pour nous, surtout dans risolemfint où s'écou- tion ? Je ne le pense pas. A Dieu ne plaise ,

lent nos journées, une précieuse consolation ([u'unc âme aussi aimanle, aussi dévouée, ait
que de recevoir de pareilles lettres de votre subi un pareil changement? Serait-ce la mala-
révérence. die qui vous a retenu? Mais ce n'était pas une
raison qui vous empêchât d'écrire. Nous ne sa-
vons que penser. Ainsi donc, en même temps
LETTRE CXCIV. que vous romprez ce silence, faites-nous-en
savoir la cause, et adressez-nous au plus tôt
Cacase, 404. une lettre qui nous rassure au sujet de votre
santé. Car le plus grand plaisir que vous puis-
A GÉMELLDS.
siez nous taire, le plus grand allégement que
vous puissiez apporter à notre solitude, c'est
Le lieuque nous habitons, Gueuse, est un
de nous envoyer une lettre pareille. Mais plus
désert, et le plus désert qui soit au monde.
de négligence autrement, si après cette lettre
:

Mais fussions-nous relégué aux confins de la


vous persistez dans votre silence vous n'avez ,
terre, nous ne pourrions oublier votre charité.
plus de pardon à espérer de nous, nous vous
Sur cette terre étrangère, dans cette solitude
accuserons de la plus profonde ingratitude.
où nous vivons, traînant encore avec nous des
Or, je saisque tous les châtiments vous sem-
restes de maladie, assiégé des alarmes que
bleraient plus doux qu'un tel reproche.
nous causent les brigands (les Isauriens ne
cessent d'intercepter les routes et de promener
partout le carnage) , nous vous portons cons-
tamment dans notre pensée, nous ne cessons LETTRE CXCVL
de nous représenter votre courage, votre fran- Gueuse, 404.
chise votre douceur et la générosité de votre
,

caractère, et de nous complaire dans ces idées, A AÉTIUS


dans ces souvenirs. Mais vous,de votre côté,écri-
vez-nous fréquemment, vénérable maître, par- Il nous est impossible d'oublier jamais voire
lez-nous de votre santé, dites-nous quel effet affection si dévouée, si profonde, si vive, si par-
les eaux chaudes ont produit sur vous, et où faite, si sincère nous vous portons constam-
,

en sont vos affaires afin que, en dépit de notre


: ment dans notre pensée, vous êtes gravé dans
éloignemenl, nous soyons aussi bien au fait de notre cœur. Nous voudrions vous voir sans
tout ce qui vous intéresse que ceux même qui cesse; mais puisque, cà l'heure qu'il est, c'est
ne vous ont jamais quitté. Vous savez quel prix chose impossible, nous avons recours aux let-
nous attachons à être informé de votre santé, à tres pour contenter notre désir en saluant
cause de l'alfection et de l'étroit attachement votre piété ainsi que nous le devons et nous ,

qui nous unit à votre magnificence. vous exhortons à nous écrire fréquemment de
votre côté. Nous avons beau vivre dans une so-
litude profonde être assiégé par les alarmes
,

que nous causent les brigands être en proie à ,

LETTRE CXCV.
la maladie si nous recevons de votre généro-
;

De 404 à 107. sité des lettres qui nous rassurent au sujet de


votre santé, ce sera pour nous, surtout dans
A CLAUDIEN. notre isolement actuel une grande consola-
,

tion. Sachant donc quel plaisirvous nous ferez,


Qu'est-ce à dire? cet ami si zélé, si passionné quel contentement nous vous devrons, ne nous
pour nous, cet objet de toute notre tendresse, refusez pas une joie si vive, et tâchez de nous
d'un attachement constant et partagé, n'a pas écrire plus fréquemment, ce sera pour nous
daigné nous écrire une fois depuis si long- un grand sujet d'allégresse.
temps? Vous avez pu garder avec nous un si-
lence aussi prolongé? Quel en est donc le mo-
tif? Est-ce qu'après notre départ vous nous

avez chassé de votre cœur? Est-ce qu'alors


vous êtes devenu plus indiflerejnt à uotre affeo
520 TRADUCTION FIUNCAISE DE SALNT JEAN CHRYSOSTOME.

LETTRE CXCVII. LETTRE CXCVIIL

Cususe, 404. Cucuse, 401.

A STl'DllS, PRÉFET DE LA VILLE. A IIESYCUICS.

Douécomme vous l'êtes, d'une hautesagesse, Qu'est-ce à dire? Vous qui nous aimez si
vous n'avez pas besoin de mes paroles pour tendrement m'en suis bien aperçu une
(je ,

supporter avec résignation le départ de votre vive tendresse ne saurait échapper à la vue de
frère ; je dis départ, parce que je ne veux pas celui qui en est l'objet), vous n'avez pas dai-
dire mort. Cependant, pour acquitter ma dette, gné nous écrire vous avez pu condamner
,

j'exhorte votre excellence, honorable seigneur, cette tendresse au silence? Quel en est le mo-
tif? Je ne saurais le dire c'est à vous qu'il
à se montrer, dans cette circonstance, digne :

d'elle-même; non que vous deviez vous inter- appartient, une fois le silence rompu, de m'en

dire toute affliction vous ne le pourriez pas,


:
faire connaître la cause. Si nous nous sommes

car vous êtes homme , votre âme habite un hâté de prendre les devants pour écrire à votre
corps, et vous venez de perdre le meilleur des générosité c'est afin qu'il ne reste aucun re-
,

frères mais votre douleur doit avoir des bor-


;
cours. Ecrivez-nous donc assidûment, très-ho-
nes. Vous savez, en effet, l'instabilité des choses noré et très-noble maître, et contentez notre
humaines qui passent comme l'eau des fleuves, désir. En effet, une fois captivé par votre

on que ceux-là seuls doivent être réputés


sorte seule réputation, et uni d'amitié à votre gé-
heureux qui ont fini dans une bonne espé- nérosité,nous ne saurions ni nous résigner
rance cette triste vie. Ce n'est pas vers la mort nous-même au silence, ni vous le pardonner;

qu'ils s'acheminent, mais vers la réconq)ense et nous ne cesserons de vous persécuter, si

après le combat, vers la couronne après la lutte, vous ne nous adressez pas lettre sur lettre, afin
vers le Que ces pensées
port après la tempête. de produire sur nous, par la fréquence de vos
soutiennent votre courage Nous, dans notre!
messages, la douce illusion de votre présence.
douleur qui n'est pas légère, nous songeons
aux vertus de cet homme de bien. Leur souve-
nir qui nous console doit être un grand adou-
cissement à votre peine. Si celui qui nous a
LETTRE CXCIX.
quittés eût été un méchant couvert de crimes, Cucuse, 401.
il faudrait pleurer et se lamenter mais ; tel qu'il
était et que toute la ville l'a connu, modeste, AU PRÊTRE DANIEL.
doux, rigide observateur de la justice d'une
,

franchise et d'une loyauté parfaite, d'une âme Béni soit Dieu, qui fait nos consolations plus
grande et forte, plein de dédain pour les choses grandes que nos épreuves, et qui nous donne
d'ici-bas, il faut vous réjouir et vous féliciter assez de patience pour supporter, même avec
vous-même d'être précédé dans une vie meil- une joie profonde les sujets de chagrin qui
,

leure par un frère comme celui-là, qui a placé nous arrivent! Voilà qui double, et c'est le
dans un asile sur et mviolable les biens (pi'il principal, notre récompense nous résigner, :

possédait au sortir de ce monde. Cardoz-vous et nous résigner avec joie. Mais ce «pii nous
donc, seigneur bion-ainié, de vous laisser abat- procure aussi de grandes consolations, c'est
Ne soyez pas inférieur à vous-
tre par votre deuil. d'entendre vanter votre courage, votre indé-
même, et daignez m'a|)j)r('iulre iiut; ma lettre pendance, votre fermeté, votre constance, vo-
vous a fait du bien, afin que moi-même, à la tre résignation, votre patience, voire zèle plus
distance où je suis de vous, je sois fier d'avoir brûlant que la flamme. Aussi, bien que relé-

pu, par une simple lettre, adoucir sensible- gué dans un désert assiégé par les alarmes
,

ment cette douleur. que nous causent les brigands, et désormais


en bulle aux rigueurs de l'hiver, noussonuues
insensible à tout, grâce à votre excellente ré-
putation que dis- je? nous sommes transporté
;
LETTRES. 52i

d'allégresse, heureux et fier de votre rare cou- prouvée par les faits, et toute la ville sait
quel
rage, mais pour (jue la joie cjuc me causent amour ardent passionné vous professez pour
et
CCS nouvelles scitune joie continue, écrivez- moi. Je désire cependant recevoir de votre
moi assithunenl et sans relâche, tant à ce sujet excellence quelques détails sur votre santé. Si
que pour me rassurer sur votre santé. Vous ne être assurédelà mienne est pour vous, comme
sauriez me causer plus de plaisir et de satis- vous un grand dédommagement de
le dites,
faction. notre séparation, vous devez comprendre de
quel prix est une pareille assurance pour un
homme qui sait aimer, vous qui aimez si bien.
LETTRE ce. Aussi n'ai-je rien tant à cœur. Accordez-moi
donc cette grâce ce sera dans: mon triste exil
Ciiciise, 401.
une grande consolation.
A C.VLLISTRATE , KVÈQLE d'ISALRIE.

Je désirerais voir ici même votre piété, afin


LETTRE CCll.
de Jouir de votre commerce et de goûter les
charmes de votre profonde et vive afl'ection : Cufuse, 401.
mais puisque c'est chose impossible, à l'heure
qu'il est, et à cause de la saison, et à cause de A l'ÉVÊQIE CYRIAQIE.
la longueur du voyage, je vous offre dans cette
lettre la salutation qui vous est due, et je re-
Comment supporter cela ? Est-ce tolérable ?

mercie votre [»iété d'avoir pris les devants Aurez-vous l'ombre d'une excuse à founiir?
Privé de vous depuis si longtemps, je vis dans
pour m'ccrire; car c'est le fait d'une vive et
profonde amitié et cet empressement n'est
un abîme de chagrins, de troubles, de tour-
;

pas seulement naturel, ments, de tribulations, de misères, et vous


il est encore tout à fait

séant à votre caractère. Continuez donc à nous n'avez pas daigné m'écrire une fois Moi, je !

octroyer celte grâce, et donnez- nous fréquem- vous ai adressé une, deux lettres et plus elles :

ment des nouvelles de votre santé. El s'il de- sont toujours demeurées sans réponse, et vous

vient possible a votre piété de braver la fatigue pensez n'avoir qu'une petite faute à vous re-
pour nous rendre visite, vous nous ferez le procher (juand vous poussez l'ingratitude si

plus grand plaisir, et vous nous remplirez loin ! Vous me


causez une vive perplexité par
d'une joie bien vive. Dites-vous donc bien que votre silence que je ne m'explique pas, lors(iue
je pense à cette affection si sincère et si vive
nous désirons, nous aussi, voir votre piété, que
d'ailleurs l'entreprise n'est pas
dont vous m'avez constamment donné des
extrêmement
pénible, pour peu preuves. Je ne peux accuser votre paresse, car
que le temps soit propice
je connais votre activité; ni la peur, car je
aux voyages, et ne nous privez point de votre
sais votre
courage; ni la négligence, car je sais
société. En attendant daignez, par la fréquence
de vos lettres, produire en nous Tagréable que vous ne vous endormez point; ni la ma-
illu-
ladie, car d'abord elle ne suffirait pas à vous
sion de votre présence.
arrêter; et j'ai appris d'ailleurs par des gens
qui arrivent de là-bas, que vous jouissez d'une
santé parfaite. Qu'est-ce donc? Je ne puis le
LETTRE CCL dire; je sais seulement que je souff're de votre
silence. Mettez donc tout en œuvre pour me
De 40 1 à 407.
tirer de ce chagrin et de cette perplexité car, :

A HERCULILS. après cette lettre reçue, ne pas vous hâter de


m'écrire, ce serait me causer une douleur et
Ce n'est pas la peine de chercher des excuses une affliction que vous aurez ensuite beau-
à votre silence, et d'alléguer la rareté des coup de peine à soulager.
courriers, très-honorable et très-magnifique
seigneur. Que vous ou que vous vous
écriviez
taisiez, rien ne peut réformerle jugement que
j'ai porté sur votre amitié. Vous l'avez assez
922 TRADUCTION FRANÇAISE DE SAINT JEAN CHRYSOSTOME.

point cela pour vous flatter, comme le savent


bien ceux qui nous entendent dire la même
LETTRE CCIII. chose en ton absence, je le dis sous l'impression
de de l'allégresse, qui m'agitent de
la joie,
Cacase, 401.
leurs transports. Oui,il suffit de votre présence

AU PRÊTRE SALLUSTE. pour corriger beaucoup de ceux qui sont là-


bas, les fortifier, les rendre plus fermes et plus

Je n'ai pas été médiocrement affligé d'ap- dispos. Je connais mon héros, je sais les nobles
prendre que le prêtre Théophile et vous qualités que vous déployez là-bas, votre zèle,

vous vous relâchiez. Je sais en effet que l'un de votre vigilance, votre activité, la persévérance

vous n'a fait que cinq homélies jusqu'au mois de votre âme, votre franchise, la liberté avec
d'octobre, l'autre aucune; et cette nouvelle laquelle vous avez résisté même aux évêques
m'a été plus douloureuse que mon isolement. Ta fallu, tout en gardant la mesure
lors(ju'il

Si je suis mal informe, veuillez donc me dé- convenable. Je vous admirais pour votre con-
tromper. Si la chose est vraie, portez-y re- duite, mais je vous admire encore bien plus

mède. Réveillez mutuellement votre zèle, ou aujourd'hui que, privé de tout auxiliaire, quand
vous me causeriez une grande douleur, quoi- les uns sont en fuite, d'autres persécutés, que
que j'éprouve pour vous une vive affection. d'autres enfin se cachent, vous restez seul à
Mais ce qui est autrement grave, c'est que la votre rang, occupé à aligner le front de bataille,
nonchalance où vous vivez, votre négligence à à empêcher les désertions, que dis-je? à faire
vous acquitter de vos fonctions appellent sur chaque jour par votre adresse de nouvelles re-
vos têtes le jugement de Dieu. Et qui donc crues dans le camp des ennemis. Et ce n'est
pourrait vous excuser, vous, si, tandis que les pas seulement pour ces motifs que je vous
autres sont persécutés, exilés, proscrits, vous admire, c'est encore parce que, du lieu où
abandonnez à lui-même ce peuple battu de la vous êtes fixé, votre sollicitude déborde sur
tempête, sans songer à lui donner l'assistance tout l'univers, sur la Palestine, la Phénicie, la
ni l'instruction que vous lui devez ? Cilicie; sujets parliculii'renient dignes de vous
occuper. En elfet, les Palestins et les Phéni-
ciens, je le sais de bonne source, n'ont pas
reçu l'ambassadeur que leur ont envoyé les
LETTRE CCIV. ennemis, et n'ont pas même daigné lui ré-
Cocuae, 404.
pondre l'évêque d.Egos, au contraire, et celui
;

de Tarse se rangent parmi nos adversaires, je


A PiBANIDS. le sais; et celui de Castabale a fait savoir ici, à
un de nos amis, i[Uq lesgensdeConstantinople
Lorsque vous venez à songer, mon trcs-ho- contraignent ceux du pays d'adhérer à leur
noré maître, ô vous qTii m'êtes plus doux que conspiration; ([ue d'ailleurs ils tiennent bon
le miel, au chagrin d'être séparé de nous, son- jusqu'à présent. Vous avez donc besoin d'une
gez aux affaires dont vous êtes chargé, à cette grande sollicitude, d'une grande vigilance,
ville entière que vous administrez, ou plutôt à pour guérir cette partie-là, en écrivant à mon
cet univers entier que vous gouvernez en la maître, votre cousin, seigneur évêque Théo-
le

gouvernant; et alors livrez-vous à la joie, à dore. Quant à Pharétrius, les choses vont mal
l'allégresse. En effet, ce n'est pas de l'avantage etd'une manière affligeante. D'ailleurs, puis-
seulement, encore du plaisir que vous
c'est que ses prêtres n'ont pas encore, selon vous,
pouvez retirer de vos fonctions. Des hommes conféré avec nos adversaires, qu'ils ne prennent
occupés à amasser des bions périssables (>t per- point parti pour eux, et prétendent encore res-
nicieux, trouvent dans leurs alfaires un plaisir ter fidèles à notre cause, ne leur communi-
enivrant, alors même qu'ils sont séparés
pour quez rien de cela ; concerne Pharé-
en ce (}ui

longtemps de leur maison, de leur femme, de trius, sa conduite est tout à fait impardonnable.
leurs enfants, de tous leursproclies; or, ijui pour- Cependant tout son clergé était dans la peine,
rait exprimer par des paroles les charmes, le dan? l'affliction, dans le deuil, et, de cœur,
prix du trésor que vous recueillez chaque jour tout avec nous. Mais pour ne pas les détacher
par l'effet de votre seule présence ? Je ne dis brusquement, les aigrir, les renseignements
LETTRES. 523

pris auprès des gens de la province, gardez-les grande consolation. Oui, une lettre de votre
pour vous, et traitez cette affaire avec une charité, qui nous apprendrait que vous vous
grande douceur; je connais votre industrie; portez bien et nous instruirait de toutes les
dites à Pharétrius que nous avons appris nous- choses qui vous intéressent, nous ferait éprou-
nrième qu'il était vivement affligé de ce qui ver un grand soulagement jusque sur la terre
s'était passé, qu'il était prêt à tout endurer étrangère où nous vivons.
pour réparer tous les attentats commis. Notre
corps est en parfaite santé, et nous avons se-
coué les restes de notre maladie; d'ailleurs,
quand nous songeons combien cela vous inté- LETTRE CCVI.
resse, ce n'est point pour nous une médiocre
Cucuse, 401.
raison de nous bien porter que la vivacité de
votre affection. Que Dieu vous donne la récom- AD DIACRE THÊODULE.
pense de tant de zèle, de charité, de sollicitude,
de vigilance, et dans cette vie et dans l'éter- Quelle que soit la fureur de la tempête et le
nité! (ju'il vous protège, vous garde, vous con- soulèvement des vagues, quels que soient les
serve, et daigne vous octroyer les biens ineffa- efforts, les démarches, les intrigues de ceux
bles du Ciel ! Et puisse-t-il nous accorder à qui veulent ébranler les Eglises de Gothie, vous
nous la grâce de revoir bientôt votre visage du moins ne cessez pas de payer votre tribut.
chéri, de jouir de votre douceur, de célébrer Quand bien même votre zèle n'aboutirait à
une belle fètel Car vous ne l'ignorez pas, ce
si rien, ce que je ne puis croire, en tous cas la
seraitpour nous une fête et une occasion d'al- bonté de Dieu vous prépare la récompense de
légresse que d'être admis encore à goûter les vos sentiments et de vos intentions. Ne vous
charmes de votre commerce et à en recueillir lassez donc point, mon bien-aimé, de faire
les fruits si précieux. tous vos efforts, de prodiguer vos soins et votre
sollicitude, tant en personne que par le minis-
tère de ceux que vous pourrez employer, pour
LETTRE CCV. qu'il n'arrive là-bas ni troubles, ni désordres.

Gueuse, 405.
Avant toute chose, priez, et ne cessez pas d'in-
voquer, avec la ferveur et le zèle qui vous
A ANATOLE, EX-PRÉFET. conviennent la bonté divine , afin qu'elle
,

mette un terme à vos épreuves présentes, et


C'est tard et brièvement, ou plutôt lentement qu'elle procure à l'Eglise une paix complète
que j'écris à votre générosité. D'ailleurs, la et profonde. Jusque-là, ainsique je vous l'ai
cause de mon silence n'est point la paresse, diten commençant, employez tous les moyens
mais bien une longue maladie car notre atta-
;
pour gagner du temps; et vous, écrivez-moi
chement est inébranlable à votre égard nous :
assidûment tant que vous serez là-bas.
connaissons trop la sincérité de votre affection,
la noblesse, la candeur, la pureté de votre
âme. Et nous n'avons point cessé de proclamer
devant tout le monde les sentiments que votre LETTRE CCVn.
générosité nous a constamment témoignés,
Cucose, 404.
non-seulement en notre présence, mais encore
quand nous étions absent. Nous n'ignorons AUX MOINES GOTIIS DU PAYS DE PROMOTE.
pas, en eff'et, quel zèle, après notre départ, vous
avez déployé en paroles et en actions pour notre Je savais, avant même d'avoir reçu votre
cause. Que Dieu vous accorde la récompense lettre, à quelles tribulations vous êtes en butte,
d'un si beau dévouement, ici-bas et dans la vie à quels complots, à quelles tentations, à quelles
future. Mais, afin d'ajouter à la joie que nous hostilités;et c'est pour cette raison surtout
éprouvons à vous écrire, celle de recevoir des que jevous félicite, en songeant aux cou-
lettres de votre grâce, daignez nous écrire et ronnes, aux prix, aux palmes que ces luttes
nous rassurer sur votre santé dans l'exil oîi
: vous promettent. En effet, si vos ennemis, si
nous sommes relégué, ce sera pour nous une vos persécuteurs appellent sur eux-mêmes un
hU TRADUCTION FRANÇAISE DE SAINT JEAN CHRYSOSTOME.

jugement terrible et accumulent sur leur tête santé. Et hâtez-vous, je vous en prie, denous
le bûcher de la géhenne, vous, leurs victimes, écrire. Car pour nous une grande conso-
c'est

vous serez amplement dédommagés et récom- lation, que d'avoir des nouvelles suivies de
pensés. N'allez donc point vous alarmer, vous votre santé, à vous tous qui nous aimez.
troubler pour cela; au coLitraire, réjouissez-
vous et tressaillez d'allégresse, conformément
aux sentiments de l'Apôtre Maintenant^ je:
LETTRE CCIX.
me réjouis au sein de mes souffrances. (Coloss.
Outre cela., nous nous glo- De 101 107.
1, 24.) Et ailleurs:

rifions encore dans les tribulations., sachant


A SALVION.
que la tribulation produit la patience, et la
patience l'épreuve. (Rom. v, 3 et 4.) Ainsi;, plus
Vous nous aimez je le sais bien, soit que
,
éprouvés désormais, plus riches en trésors cé-
vous nous écriviez ou que vous restiez muet.
lestes, quand bien même vous auriez encore
Comment ignorer la vive affection que vous
davantage à souffrir, vous ne devez éprouver
avez pour nous ? Tout le monde la célèbre, et
que plus de joie. En effet Les souffrances du
:

plusieurs visiteurs me parlent de l'ardente et


temps présent ne comptent pas, au prix de la profonde tendresse que nous vous inspirons.
gloire future qui sera révélée en nous. (Rom.
Mais nous voudrions de plus recevoir de votre
VIII, 18.) Nous n'ignorons pas votre résigna-
générosité des lettres fréquentes qui nous don-
tion, votre courage, votre patience, votre sin-
nassent des nouvelles de votre santé, de votre
cère et ardente affection, l'inflexible et iné-
femme, de toute votre maison car vous savez ;

branlable fermeté de votre àme; nous vous en


combien cela nous intéresse. Je le sais, mon
exprimons toute notre reconnaissance. Nous très-honoré maître, ce que nous vous deman-
restons uni de cœur ù vous pour jamais, et la
dons devient difficile, tant à cause de la saison,
distance des lieux ne nous rend pas plus tiède
qu'à raison du petit nombre des voyageurs qui
à l'égard de votre charité. Je vous remercie viennent dans ce pays; néanmoins, instruit
aussi des peines (jue vous avez prises pour
de notre désir, lorsque vous le pourrez, ne
empêcher tout désordre dans l'église des Goths manquez pas de nous écrire, et de nous donner
et pour gagner du temps. Et, loin que je vous
les renseignements que nous réclamons. Votre
reproche de n'avoir envoyé personne, je vous
santé, votre sécurité, c'est pour nous un tré-
en loue, au contraire, et vous approuve; car sor, un bonheur, un grand contentement.
il vaut bien mieux que vous vous consacriez
Ainsi donc, ne nous privez point d'un si doux
tous à cette tâche. Ne cessez donc pas de faire plaisir,et soyez assez bon pour consoler ceux qui
tout ce qui vous sera possible, tant en personne
vous aiment bien par de* semblables nouvelles
que par le ministère de ceux que vous pourrez qui nous procureront un grand soulagement.
employer, afin d'obtenir du répit. Que vous
réussissiez ou non, vous n'êtes pas moins
assurés d'obtenir la récompense de votre zèle
et de vos bonnes intentions.
LETTIIE CCX.

CuNitP, K^t.

A THEOnORE.
LETTRE CCVllI.
Je m'étonne d'avoir été instruit par d'autre»
ne 401 à 407.
de la Il m'a été
négligence du prêtre Salluste.
déclaré (ju'il prononcé cincj ho-
avait à peine
AU PRÊTRE ACVCILS.
mélies jus(iu'au mois d'octobre, et que le prê-
Ami si zélé pour nous, si attaché à notre tre Théophile et lui, l'un par insouciance, l'au-

personne eh quoi pas même une lettre de


, ! tre par crainte, ne viennent poiril à la rcuirion

votre main. Pourtant nous vous avons écrit une des lidèles. J'ai écrit à Théophile une lettre sé-
et deux fois; mais votre diligence, à vous, se vèro ou je le ropriniamle; en ce tjui concerne
ralentit. Songez donc au plaisir que vous nous Salluste, je niadrosseà votre excellence, parée
causez en nous faisant connaître l'état de votre que je sais qu'il vous inspire uni vive affection,
LETTRES. B25

ce dont je me rejouis. Mais je me plains à


votre excellence de n'avoir pas été averti |)ar
LETTRE CCXIL
vous-même de ces désordres que, pour bien
agir, vous deviez réi)rimer mais vous n'en :
Gueuse, tui.

avez rien fait. Aujourd'hui du moins, et c'est un

grand service que je vous rends comme à moi- AU PRETRE THEOPHILE.


même, je vous exhorte à réveiller, à stimuler
Salluste, à ne pas souffrir qu'il s'endorme, ni J'ai été bien chagrin d'apprendre que le
qu'il reste oisif. En effet, si aujourd'hui, au prêtre Salluste et vous, vous n'allez pas assi-

•milieu de la tempête et des orages actuels, il dûment à la réunion des fidèles : cela m'a
ne montre pas courage qui convient, quand
le causé une vive affliction. Je vous invite donc,
relrouvera-t-il une pareille occasion de nous si j'ai en erreur, à me démontrer
été induit

être utile? Est-ce quand le calme et la paix qu'il y aeu calomnie si c'est la vérité, à vous
;

seront revenus? Je vous y exhorte donc en fai- ;


guérir d'une pareille négligence. En effet, —
si une récompense éminente vous est réservée,
sant vous-même votre devoir excitez ce prêtre
et les autres à secourir de tout leur zèle ce à condition que vous montriez du courage,

peuple en butte à l'orage je sais d'ailleurs, surtout dans les circonstances présentes; at-
;

qu'en ce qui vous concerne, vous n'avez pas tendez-vous à une condamnation exception-
attendu notre lettre, pour faire tout ce qui est nelle, si vous vous ralentissez, si vous faiblis-

en votre pouvoir. sez, si vous ne payez pas votre tribut. Vous


savez comment fut puni celui qui avait enfoui
son talent sans qu'il y eût contre lui aucun
:

LETTRE CCXL autre grief, pour cette faute seule il fut châtié
et subit une peine irrémissible. Ilâtez-vous
Gueuse, 401. donc de me tirer d'inquiétude. De même que
c'est pour moi un grand soulagement, une
AU PRÊTRE TIMOTHÉE.
grande consolation d'apprendre que vous con-
sacrez tout votre zèle à comprimer l'orage
Nous vous avons écrit une première fois, il
parmi le peuple et à prévenir les divisions de :

y a peu de temps ainsi qu'à mon seigneur


,

le très-honoré tribun Marcion ; cependant vous


même, si je viens à apprendre que quelques-
uns se relâchent, j'éprouve de vives alarmes
ne nous avez fait parvenir aucune lettre de
pour les coupables eux-mêmes. Ce beau trou-
lui, et nous n'en avons pas non plus reçu de
peau, c'est la grâce de Dieu qui chaque jour le
votre main. Pourtant fidèle à notre habitude,
maintient dans l'union, comme les événe-
nous ne cessons pas de songer à vous, et nous
vous écrivons, dès qu'il nous est possible.
ments mêmes vous l'ont fait assez voir mais :

ceux qui par mollesse négligent leurs fonc-


Ainsi faisons-nous, encore aujourd'hui, en
vous rendant mille grâces pour le zèle que
tions, appellent sur eux, par cette mollesse, un
vous avez montré, pour les périls que vous
jugement redoutable.
avez bravés et en vous félicitant. Car vous ne
,

vous préparez point de petites couronnes, vous


LETTRE CCXllI.
qui, par des souffrances d'un moment, vous
assurez dans les cieux d'éternelles récompen- Gueuse, 401.

ses, ample dédommagement de vos sueurs :

Les souffrances du temps présent ne comptent AU PRÊTRE PHILIPPE.


pas au prix de la gloire future qui sera révélée
en nous. (Rom. viii, 18.] Je que vous ne nous ayez pas
suis étonné
écrit depuis longtemps si vous continuez à
si ;

faire preuve en notre absence d'une vive affec-


tion pour nous, vous êtes bien avare de votre
écriture. Ne tardez plus à nous écrire, à nous
informer de votre santé votre silence ne nous
:

empêche pas de nous inquiéter de ce qui vous


concerne, et nous avons appris que vous aviez
526 TRADUCTION FRANÇAISE DE SAINT JEAN CHRYSOSTOME.

été chassé de votre école '


pour avoir montré de pareilles lettres de ceux qui nous aiment,
l'indépendance qui sied à votre caractère. Pre- sera toujours pour nous un grand plaisir.
nez cela comme une récompense, un marché
avec le ciel, une immortelle couronne, un
prix magnifique et supportez bravement l'ad-
:

— LETTRE CCXVI.
versité. Dieu saura bien mettre un terme à
ces tentations, ramener promptement le calme Gueuse, 404.

et vous récompenser amplement dans la vie


A MUSOMCS.
future, de votre résignation.

Nous avons déjà écrit à votre générosité,


mon très-honoré et très-religieux maître, et
LETTRE CCXIV. aujourd'hui nous recommençons, sans avoir
reçu une seule lettre de vous. Nous ne cesse-
De 401 à 407.
rons point pour cela de vous écrire fréquem-

AD PRÊTRE SÉBASTIEN. ment, et de nous acquitter de nos obligations.


Nous voudrions même
le faire plus souvent :

de corps , nous sommes séparé de votre


Si mais nous vivons dans une com.plète soli-
ici

révérence, de cœur nous lui restons attaché; tude, les incursions des brigands menacent la
nous promenons votre amitié dans notre mé- ville, l'hiver ferme les routes, et tout cela fait

moire, en quelcjuc endroit que nous soyons, qu'il ne vient pas ici beaucoup de voyageurs :

fussions-nous relégué aux contins de la terre. du moins, quand la chose est possible, et que
Oue votre souvenir nous est également fidèle, nous trouvons des courriers, nous offrons à
c'est ce dont il ne faut pas douter, je pense. votre piété le salut que nous lui devons. Nous
Je connais la sincérité de votre affection ,
connaissons assez de votre attache-
la sincérité

la solidité de votre attachement , la cons- ment, la vivacité de votre affection, la cons-


tance de votre âme. Nous vous prions donc tance, la noblesse, la franchise de votre âme.
de nous écrire fréquemment et de nous ras- Aussi vous promenons-nous constamment dans
surer au sujet de votre santé. Car nous te- notre souvenir, en quelque lieu que nous
nons beaucoup à en avoir des nouvelles et : soyons, et ne pouvons-nous oublier votre grâce.
une lettre qui nous en apporterait serait reçue Mais ce n'est pas tout que d'écrire nous vou- :

comme une consolation dans l'isolement au- drions, pour que notre joie fût complète, rece-
quel nous sommes condamné. voir des lettres, des nouvelles de votre santé :

accordez-nous donc fréquemment celte faveur.


Par là, dans l'éloignemenl oii nous sommes,
LETTRE CCXV. nous goûterons une précieuse consolation en
apprenant que vous, nos amis si tendres et si
Gueuse, 404. dévoués, vous vivez en joie et en sécurité.

AU PRÊTRE PELAGE.

Je connais votre douceur, votre sagesse, votre LETTRE CCXVn.


bonté, votre amitié, l'ardeur de votre afl'cclion,
Cocuse, 404 ou 409i.
la sincérité de votre tendresse à notre égard.
Je salue donc avec un vif empressement votre
A VALENTIN,
révérence et je vous fais savoir, que je vous
,

porte dans ma pensée, en (luchiue lieu que je Je connais la générosité de votre âme, l'ar-
me trouve. Ecoutez donc ma prière pour , dente charité que vous apportez à soulager les
ajouter à la joie que j'(''|)rouve à vous écrire, pauvrt^s, la passion avec laquelle vous vous
celle (jue me causeront des nouvelles de votre consacrez à cette belle œuvre vous donnez :

santé, m'en rendre compte assidùnuMit.


il faut etvous donnez avec joie vous doublez la cou-
:

— Car, dussions -nous être transporté dans ronne (le votre bonté, vous en rehausse/ l'éclat,
une solitude plus triste que celle-ci recevoir ,
en ajoutant au mérite de votre libéralité celui
' On ne sait pas au juste k quoi S. Jean Chry«ostome fait tllutloD des sentiments qui vous l'inspirent. En cous*»'
dans ce passage.
LETTRES. â27

qiience, instruits par le très-révérend prèlre


Domitien, chargé là-bas tlu soin des
(jui est
LETTRE CCXIX.
veuves et des vierges, que la faim menace ses
ouailles, nous nous réfugions dans vos bras Cucusc, 101.
comme dans un port, afln que vous portiez
remède à cette calamité de la lamine. Je vous A SÉVERINE ET A ROMULE.
en vous en conjure mandez ce prêtre,
prie, je ,

et daignez lui venir eu aide autant qu'il vous Si je ne connaissais pas bien votre sincère af-
sera possible. Aucune aumône ne pourrait être que vous avez toujours mon-
fection, et le zèle

récompensée comme celle que vous êtes appelé tré pour nous, je trouverais un motif d'accuser

à faire aujourd'hui tant est furieuse la tem-


:
votre négligence dans ce long silence que vous

pête déchaînée contre ceux qui vous implorent, avez gardé, et cela, quand vous recevez de nous
privés maintenant de leurs ressources ordi- des lettres si fréquentes et si multipliées. Mais

naires. Rétléchissez donc tant au bénéfice je sais que, silencieuses ou diligentes à nous
attaché aux actions de ce genre, qu'au surcroît écrire, les mêmes sentiments vous animent
de gain que vous oU'reut les circonstances, et toujours à notre égard : aussi je n'ai pas le
daignez faire tout ce qui sera en votre pouvoir. courage de vous reprocher votre silence, quel
Il n'y a pas besoin d'en dire davantage, lors- que soit mon désir de recevoir de vous des let-
([u'on s'adresse à une âme aussi charitable, tres fréquentes, de fréquentes nouvelles de
aussi compatissante. Vous savez (pie vous nous votre santé. Car vous ne pouvez alléguer la ra-
devez des honoraires nous vous hbérons de
:
reté des courriers : mon bien-aimé, mon aima-
votre dette en faveur de celte bonne œuvre. ble et cher Salluste, je le sais, aurait pu vous

Daignez nous écrire que vous avez fait droit à en tenir lieu. Néanmoins, non, je ne vous re-
notre demande, en nous donnant de bonnes proche rien, tant je suis sur de votre attache-
nouvelles au sujet de votre santé et de toute ment. Quant à moi, toutes les fois que je le
votre maison que Dieu bénit. pourrai, je ne manquerai pas de vous écrire :

car je connais la sincérité et l'ardeur de votre


affection.

LETTRE CCXVin.
LETTRE CCXX.
Gueuse, 101.

Gueuse, 401.
AU PRÊTRE EUTHYMIUS. •

A P^ANIUS.
Ne vous nullement d'avoir été chas-
affligez
sé de votre école; songez au bénéfice que vous Nous respirons, nous tressaillons d'allégresse,
retirez de cette tribu lat ion, et combien l'éclat nous doutons de notre exil, en apprenant que
de vos couronnes s'en trouve rehaussé ré- ; votre grandeur est rentrée dans cette ville
jouissez-vous donc et tt essaillez d'allégresse à éprouvée si cruellement. Et ce qui nous cause
cause de ces souffrances et de ces attaques. une pareille joie, ce n'est point votre accroisse-
Elles augmentent votre trésor céleste, elles ment de dignité : à vrai dire, votre dignité ré-
ajoutent à votre gloire, elles doublent vos ré- side dans la vertu de votre âme; personne
compenses. — Car c'est une route étroite et auparavant n'a pu vous l'ôter personne, par ;

resserrée qui mène à la vie éternelle. Et vous, la môme raison, n'a pu vdus la rendre aujour-
ne vous refusez point à nous donner souvent d'hui. Si je suis transporté de joie, c'est que
des nouvelles de votre yanté. Vous savez quel votre retour est une grande consolation pour
est l'attachement qui nous unit à vous, et ceux qui étaient persécutés, massacrés, jetés
comment, quelque pari que nous soyons, nous dans les fers en vous ils trouvent un patron
:

vous portons dans ne Ire pensée comment , commun, un port ouvert à tous. En effet, vous
nous avons toujours eu pour vous une ardente savez chercher votre bénéfice, là où il doit être
affection et elle est bien plus ardente aujour-
: cherché. Ecrivez-moi donc tout le bien que
d'hui, que vous êtes embelli par la souffrance. vous faites, dites-moi positivement combien de
cadavres vous avez ressuscites, combien de
528 TRADUCTION FPwVNÇÂlSE DE SAINT JEAN CHRYSOSTOME.,

chutes vous avez réparées, combien de détres- vité dans ces prisons de diverses espèces. Son-
ses vous avez soulagées, à quelles souffrances gez à cela, mon maître, et ne cessez pas de vous
vous êtes venu en aide dans ce long espace de occuper de la Phénicie, de l'Arabie et de toutes
temps, quelles négligences vous avez réveil- les Eglises d'Orient, persuadé que votre récom-

lées, quelles activités vous avez stimulées, enfin pense sera proportionnée aux obstacles qui
faites-nous savoir en détail tous les exploits par auront été opposés à vos efforts. Ne vous refu-
lesquels vous vous êtes signalé dans ce combat. sez pas non plus à nous écrire assidûment, et
Je n'ai pas besoin de vos lettres pour le savoir, le plus souvent que vous le pourrez. Nous ve-
car je connais votre âme, je vous sais coura- nons d'apprendre que ce n'est point à Sébas-
geux athlète^ combattant héroïque je voudrais ,
tée, mais bien à Gueuse, qu'on nous relègue :
néanmoins être instruit de tout cela par votre là, il vous sera encore plus facile de corres-

voix bien-aimée. Consentez donc à notre de- pondre avec nous. Ecrivez-nous combien d'é-
mande vous savez quel
: plaisir vous nous ferez glises ont été élevées chaque année, quels
en l'exauçant. saints personnages se sont transportés en Phé-
nicie, et si l'on remarque des progrès. A Nicée,
j'ai trouvé un moine reclus, à qui j'ai persuadé
de se rendre auprès de votre piété, et de s'en
LETTRE CCXXI. aller en Phénicie. Songez à me faire savoir si
vous l'avez vu. Pour ce qui concerne Salamine
De Nicée, lors du départ de Chrysostome pour l'exil, 404.
en Chypre, que menace de toutes parts l'héré-
AU PRÊTRE CONSTANCE. sie des Marcionites, j'étais entré en conférence
avec qui de droit, et j'avais remédié à tout ;

Le quatrième jour du mois de juillet, avant mais mon exil a tout arrêté. Si vous apprenez
de quitter Nicée, j'adresse cette lettre à votre donc <i',ie mon maître l'évêque Cyriaque soit à
religion, pour la supplier, comme je n'ai pas Constantinople, écrivez-lui à ce sujet, et il sera
cessé de le faire, de continuer, quand bien môme à même de tout terminer. Et, par-dessus tout, I
la tempcle et le déchaînement des vagues re- invitez ceux qui sont en crédit auprès de Dieu
doubleraient de violence, à vous acquitter le à multiplier les prières, à redoubler de zèle,
mieux possible de l'emploi qui vous a été con- afin de conjurer la tempête déchaînée sur l'u-
lié : j'entends par là l'extermination de l'hellé- nivers. Car ce sont vraiment des maux intolé-
nisme, la multiplication des églises, le soin rables que ceux qui ont fondu sur l'Asie, ainsi
des âmes ne vous laissez pas abattre par les
: et que sur d'autres villes encore et d'autres Egli-
difficultés de la situation. Un pilote ne quitte ses; j'omets les détails, pour ne pas vous im-
point le gouvernail parce qu'il voit les flots se portuner. Je n'ajouterai plus qu'une chose il :

soulever avec fureur; un médecin, parce qu'il nous faut de nombreuses prières et des suppli-
voit son malade succomber à la maladie, ne cations assidues.
renonce point pour cela à donner ses soins lui ;

que dis-je? c'est alors surtout que l'un et l'au-


tre mettent en ouivre toutes les ressources de LETTRE CCXXn.
l'art. Faites donc comme eux, mon très-honoré
Gueuse, H04.
et très-religieux maître, déployez maintenant
un zèle infatigable, cl ne vous laissez point A CASTLS, VALÉRirS, DIOPHANTB, CVRLàQUE,
abattre par les événements : car loin d'avoir à PRÊTRES d'aNTIOCBB.
rendre conq)te du mal que nous font les autres,

nous en serons, au contraire, récompensés. Nous nos propres lettres, les


écrire, prévenir
Mais si nous-même nous ne faisions pas notre solliciter,nous domandcrde ne pas nous ren-
devoir, si nous nous relâchions, tant (ré|>reuves fermer dans la mesure des missives ordinaires,
ne nous serviraient de rien pour notre rénui- voilà qui montre l'ardeur et la vivacité de votre
nération. Paul en priï<on, dans les fers, faisait tendresse. Par là, le désert où nous vivons cesse
son devoir; Jouas aussi, juMidant qu'il élût de nous paraître un désert. Par là, nous som-
dans le ventre du monstre marin ; les trois en- mes consolé des périls continuels et de tout
fants aussi, tandis (ju'iis étaient dans la four- genre dont nous sommes assailli. Qu'est-ce
naise : aucun d'eux ne perdit rien de sou acti- que vaut, en effet, l'amitié? Rien absolument.
LETTRES. K29

C'est la racine, la ?oiirce, la mère des biens »


c'estune v^rlii qui n'est point iiénil)le, une
vertu mariée au plaisir, et qui procure un LETTllE CCXXIII.
grand bonheur à ceux qui la poursuivent de
CucuBe, 401.
toute leur unie. Aussi, vous savons-nous beau-
coup de gré, de ce que vous êtes restés si fidèles A DÉSYCUIUS.
à vos sentiments pour nous et nous, de notre ;

côté, en quelque lieu que nous soyons, fus- J'aurais désiré n'avoir pas besoin de prévenir
sions-nous relégué aux confins de la terre, votre grâce pour recevoir une lettre de vous :

dans un pays plus désert que celui-ci, nous car c'eût été la preuve d'une vive alTection.
emporlons partout ^otre image, gravée dans Mais au lieu d'atlendre vos lettres, je les |)ré-
notre pensée tmiircinle dans noire souvenir;
,
viens,montrant par là même l'ardente amitié
ni la longueur de la route, ni le temps écoulé, (juejai pour votre grâce. D'ailleurs, je vous
ni les dangers courus ne nous ont rendu plus Si.isgréde votre silence même; car je sais bien
tièd'î à l'égard de votre grâce nous vous ; qu'il provient chez vous non de négligence,
voyons, comme si nous avion? conversé avec mais d'un excès de réserve. Ne craignez donc
vous hier ou avant-hier, ou phitôt, comme si plus de nous témoigner votre attachement,
nous ne vous quittions pas, et vous êtes présents ni (le nous écriie IttU'es sur lettres, pour nous
aux yeux de nuire amilié. Voilà ce que c'est informer de votre santé. Si vous faites droit à
que lattection : ni l'éloignement ne la bri^c, n(Ure demande, fussions- nous relégué aux
ni le temps ne la flétrit, ni les tribulations n'en extrémités du monde, dans un pays plus dé-
triomphent; elle ne cesse de grandir, elle a sert (juc celui-ci, votre atlection nous conso-
l'essor de la flamme. Vous s;ivt'Z cela mieux lera. Car rien n'est aussi propre à soutenir
que personne puisque , mieux que per-
, l'àme, à la tenir dans un profond contente-
sonne , vous savez aimer ce dont nous vous:
ment qu'une bonne alTection partagée et :

ielicitons forl. Nous sommes, quant à nous, vous le savez mieux (jue personne, puisque,
malheureux et sans pouvoir mais Dieu est :
mieux que personne, vous savez aimer.
assez riche pour vous payer au centuple le
prix de votre attachement, car son opulence
rémunère toujours hors de toute proportion
ceux qui font le bien, soit en action, soit en LETTRE CCXXIV.
paroles. Je voudrais bien vous voir avec les yeux
Cucuse, 401.
du corps, jouir de votre aspect, me rassasier
par là de votre affection; mais cela n'étant pas A MARGIEN ET A MARCELLIN.
possible non faute d'empressement ou de
,

bonne volonté, mais par suite des entraves où Qu'est-ce à dire? Vous qui nous aimez si

me retient mou exil, du moins veuillez medé- fort (car la distance à laquelle nous sommes
donunager en m'écrivant lettres stu* lettres relégué ne nous a pas empêché de nous
pour lu'infnrm» r de voire santé. Si vous faites apercevoir de votre aff ction, tant elle est vive
droit à notre prière, ce sera pour nous un et brûlante), vous pouvez garder le silence?
gi'and soubigement dans l'exil où nous som- Vous ne nous ave z pas écrit une seule fois, vous
mes relègue. Ne nous refusez donc pas un si nous avez donné cette énigme à déchiffrer?
vif plaisir, bien persuades ib la joi<', du eonten- Car je ne me paye point du prétexte que vous
temeni que vous nous causerez. En tenant vos avez allégué dans votre lettre à mon maître, le
lettres, c'est vousmêmes (luu nous croirons pieux urètre Constance. Mais je ne veux point
avoir en notre compagne ; et un tel commerce vous faire de chicanes. Prenons donc qu'il
rendra plus vive en nous l'illusiou de volie en est ainsi et admettons que telle est la
,

présence. cause de votre silence : eh bien! cette cause


n'existe plus et nous avons pris les devants
pour vous écrire pour vous remercier de la
profonde tendresse que vous conservez dans
toute sa vivacité à notre égard, et pour vous
prier de nous écrire, frcciuemment, ([uand

Tome IV. 34
î)30 TRADUCTION FRANÇAISE DE SAINT JEAN CHRYSOSTOME.

cela vous sera possible. Je ne doute point que que vous avez fait voir vous-
tion, c'est ce
vous ne fussiez cnipnssés de venir ici, sans les mêmes, en prenant les devants pour m'écriro
empêchements allégués par votre sagesse; ou avant d'avoir reçu ma lettre. Voilà l'amitié :

plutôt par le cœur, vous êtes ici. Mais puisque elle ne se résigne point à se taire : dût-elle
présentement vous ne pouvez vous transporter être accusée d'indiscrétion , elle remplit sa
ici en réalité, consolez-moi avec des lettres, tâche. Pour nous, nous sommes si éloigné de
rassurez-moi au sujet de votre santé et de vous faire un reproche de ce que vous nous
toute \otre maibon. Si vous faites droit à notre avez prévenu, que nous glorifions, au con-
prière en nous écrivant fréquemment, fus- traire, votre zèle et vous en faisons honneur.
sions-nous retenu dans une solitude plus C'est maintenant, mieux que jamais, que nous
affreuse que celle-ci, vos messages nous pro- connaissons votre affection profonde, et cela,
cureraient encore de grandes consolations. non-seulement parce que vous nous avez
écrit,mais parce que vous nous avez écrit les
premiers. Dieu saura vous guérir de votre

LETTRE CCXXV. maladie, vous rendre une santé parfaite et ,

vous donner toutes facilités pour converser de


Gueuse, 404. près avec nous c'est, du moins, pour nous
:

maintenant même, une grande consolation


AU PRÊTRE CONSTANCE.
que de recevoir une lettre dictée par d'aussi
nobles sentiments mais cela ne nous empêche
:

Je ne puis m'expliquer comment vous,


pas de désirci' encore cet autre conunerce plus
notre ami zélé, vous, prêt à tout taire, à tout
réel puisse-t-il nous être donné d'en jouir
:

endurer pour notre cause (nous le savons,


promptement ce serait pour nous une bien
!
une sincère offection n'échappe pas facilement
iDelle fête.
aux regards), comment, dis-je, vous ne nous
avez pas écrit une seule fois, et cela quand
nous nous sommes rapproché de vous, et
LETTRE CCXXMI.
quand mon honoré et très-illustre frère Liha-
nius est venu nous visiter. Ce ne sont pas là Cucuse, 404.

des reproches, mais des plaintes. Je suis vive-


ment afiectionné à votre religion; et la raison A CARTÉRIE.
en que vous prenez le plus grand soin de
est
Que dites-vous ? Vos indispositions conti-
votre âme, que vous êtes comme un port ouvert
nuelles ne vous ont pas permis de vous joindre
à tous ceux qui souffrent, le recours des pau-
à nous? Vous vous trompez, vous êtes venue,
vres, le soutien des veuves, l'appui de? ori)t)e-
vous êtes parmi nous votre bonne volonté
lins, le père commun
de tout le monde moi :
,

nous suffit, vous n'avez pas besoin d'apologie.


donc, (]ui vous aime pour toutes ces raisons,
C'est assez de votre ardente et généreuse affec-
je désire recevoir des lettres de votre piété.
tion, toujours si vivace, pour nous remplir d(
Accordez-moi cette grâce, exaucez mon vœu.
joie. Mais comme vous nous avez inspiré du
Dans mon isolement, ce ne sera point pour
vives inquiétudes, parce (jue vous dites de vos
moi une consolation légère, que de recevoir
infirmités, si vous vous en guérissez (Dieu le
des lettres dictées par votre âme si chère et
peut, il peut vous remettre en parfaite santé),
écrites de votre main, avec des nouvelles de
votre santé et de toute votre maison.
en relevant de maladie faites-le-nous savoir,
afin que nous soyons, nous, guéris de notre
inquiétude. —
Car ce (pie je n'ai cessé de vous
exprimer dans mes lettres, je vous l'exprime
LETTRE CCXXVI. encore aujourd'hui c'est que, partout où
:

Cncuso, 404.
nous nous trouvons fussions-nous transporté
.

dans un pays encore plus désert, nous ne sau-


A MARCIEN ET A MARCELLIN. rions cesser de nous inquiéter de vous de ,

vos affaires. Les pages que vous nous avez


Voilà rénigme résolue. Que le prétexte al- donnés de votre vive et profonde tendresse
légué ne suflisait point pour votre justilica- sont tels que le temps n'en s'aurait effacer ni
LETTRES. 531

altérer le souvenir. — Eloigné ou voisin de zèle l'empressement de votre générosité


et
votre générosité, n<uis vous gardons toujours pour vraie foi , nous a transporté d'allé-
la

le même atlaclienunt, connaissant la candeur gresse. Voilà pourquoi, sans vous connaître
et la pureté de l'alTection que vous n'avez cessé de vue nous nous sommes hâté d'écrire lo
,

de nous témoigner. premier à votre piété, afin de vous inviter à


nous écrire aussi quand il vous sera possible.
S'il nous arrivait de votre grâce une lettre
qui nous donnât des nouvelles de votre santé
LETTRi: CCXXVllI.
et fit; !ju*e votre maison, ce seKiil pour nous,
Gueuse, probablement 101. bien que vivant à l'étranger, une bien grande
consolation. Car rien ne vaut l'afléction.
AU MÉDKCIN TnÉODORK.

Vous alléguez, vous, l'occupation que vous


donnent vos affaires, et vous cherchez par là à LETTRE CCXXX.
vous justifier de n'être pas venu quant à moi:

Gueuse, lOi.
je pense que vous n'avez pas besoin de telles
excuses. Vous êtes ici et ceux même qui se
:

A l'ÉVÈQLE ELPIDIUS.
sont rendus auprès de nous n'ont aucun avan-
tage sur vous dans notre cœur nous vous :
J'ai une grande obligation à mon bien-aimé
saluons, du fond de l'âme, du même nom maître Libanius, de ce qu'il a quitté sa de-
qu'eux-mêmes, nous vous inscrivons au pre- meure, de ce qu'il est venu ici, et de ce qu'en-
mier rang de nos amis, et nous vous savons suite il est retourné auprès de votre piété
;
gré de ce que, après un si court séjour auprès mais c'est surtout pour ce dernier motif. En
de nous (court, c'est peut-être beaucoup dire? effet, j'attache la plus grande importance à
ce
vous ne nous témoignez pas moins d'affection que vous soyez honoré et cultivé par tout le
que ceux qui ont vécu longtemps dans notre monde non que vous ayez besoin de cela,
:

société. Nous vous savons donc un gré infini, mais parce que c'est une chose utile aux
et nous vous prions de nous écrire fréquem.
Eglises, tant à celles qui souffrent qu'à celles
ment. Nous voudrions vous voir en personne :
qui sont en paix. Sachez-lui donc gré de sa
mais pour ne pas faire de tort à ceux qui ont bonté, mon très-honoré et très-religieux sei-
besoin de vos bras et de vos paroles, pour ne
gneur, et quand vous aurez appris de lui en
pas leur fermer l'accès d'un si bon port, nous
détail et les afliiires d'Antioche et les nôtres
n'osons vous amener ici de vive force. Au
(car il vous en instruira aussi, un court séjour
moins, lorsqu'il vous sera possible, écrivez-
parmi nous lui ayant permis de juger l'état
nous, je vous prie, fréquemment, et rassurez-
des choses), congédiez-le en joie et en conten-
nous sur votre santé. —
Bien qu'éloigné de
tement. Car il est très-attaché à votre piété,
vous, ce sera pour nous une grande consola-
et nous aime tendrement. N'oubliez pas de
il
tion que de recevoir de pareilles lettres de
saluer de notre part notre bien-aimé et très-
voire grâce.
honoré seigneur le prêtre Asyncritius avec ses
enfants bien-aimés, et pareillement tout votre
clergé que vous avez dressé bien vite à imi-
LETTRE CCXXIX. ter votre atfection pour nous. Je n'ignore pas
quel attachement ilnous témoigne, et com-
Gueuse, 104.
bien il se montre prêt à tout faire et à tout
A SÈVÎ^ÎRE. souffrir pour nous en donner des preuves. Tout
cela est un ouvrage de votre religion.
vu votre générosité avec les
ie n'ai jamais
yeux du corps, mais il n'est personne que j'aie
mieux considéré avec ceux de la charité sorte :

de conleiuplalion à laquelle aucune distince


ne saurait mettre obstacle. Mon maître bien-
aimé Libanius, en nous faisant connaître le
532 TRADUCTION FRANÇAISE DE SAINT JEAN CHRYSOSTOME.

notre bien-aimé frère Libanius, de quitter votre


séjour, et d'entreprendre ce voyage Quel atta-
LETTRE CCXXXI. chement! quelle Nous en tressail-
sollicitude!

Cucuse, 404, lons d'allégresse. Car rien ne vaut une bonne


affection. Vous nous demandez de conserver
A ADOLIE. pour vous les sentiments que nous avons té-
moignés dès l'origine à voire grâce. Mais —
Souvent nous avons écrit à votre piété ,
nous, nous ne nous résignons point à rester
mais souvent n'est pas assez à nos yeux; c'est dans celte mesure : chaque jour, nous travail-
chaque jour que nous voudrions le faire. Car lons à ajouter quelque chose à ces sentiments:
vous savez quels sont nos sentiments à l'é- et par là, nous nous faisor.s le plus grand plai-
gard de votre grâce. Puisque c'est chose im- sir à nous-même. En effet, nous ne cessons
j)Ossible, c'est du moins un grand plaisir que
point de repasser perpétuellement en nous-
nous nous faisons à nous-mcme de nous ac- même de votre âme, sa candeur,
la noblesse
quitter, dès que nous le pouvons, du devoir
sa franchise, son dévouement, sa droiture, sa
de vous saluer, afin d'avoir des nouvelles fré- sincérité, et toutes ces idées ne nous revien-
quentes et suivies touchant votre santé de nent pas en mémoire sans nous causer une
corps et d'âme. Ainsi, je vous en prie, sachant joie bien vive. Nous vous prions donc con- ,

quel plaisir vous nous en nous mandant


faites
fiantedans notre alfection, de ne ressentir
ces nouvelles , veuillez vous imposer cette
aucune peine, si nous vous avons renvoyé ce
làclic,de nous tenir bien au courant. Aujour- que voire révérence nous avait fait tenir. De
d hui, par exemple, j'ai vu avec un vrai cha-
cœur, nous avons reçu cet envoi, nous en
grin que vous n'ayez pas profilé du voyage
avons joui mais n'étant pas dans le besoin,
:

que devait faire ici un homme connu, pour nous vous avons exprimé le vœu que la garde
ainsi dire, universellement, et bien aimé de en restât à votre générosité. Que si jamais
nous, mon maître, le trcs-honoré Libanius, nous tombons dans le be.-oin, vous venez avec
pour nous adresser une lettre. Peut-être igno- quelle assurance et quelle liberté nous vous
riez-vous ce départ mais ceci môme nous
:
écrirons pour réclamer un envoi, fidèle en
lait de la peine, qu'on puisse nous venir voir cela même à vos connnandemenls. Car vous
sans que vous en soyez informée. Car de notre dites à la fin de voire Icllre « Montrez que
:

côlé, nous ne cessons pas de nous enquérir votre religion daigne se confier en nous, et
avec sollicitude et importunité de ceux qui user de ce qui est à nous, comme de son bien. »
vont dans votre pays, et de nous servir d'eux Si donc vous voulez que nos dispositions
dès qu'une occasion se présente, pour conten- soient telles, ou plutôt puisipie vous le voulez,
ter notre désir, qui est d'écrire sans relâche à et que nous enjoignons de tenir pour notre ce
votre grâce. qui vous appartient, altendcz ma requête avant
de rien m'envoyer. Eu ellet, le meilleur signe
que ces choses m'appartiennent ce sera ,

LETTRE CCXXXII. qu'elles me soient envoyées à ma volonté , et


non lorsque je n'en ai pas besoin. Montrez
Gueuse, 404,
donc encore la profonde amitié, et la considé-
A CARTÉRIB. ration que vous avez pour nous en mtus lais- ,

sant libre sur ce point; et adressez-nous

Si VOUS saviez bien quel plaisir vous nous promplement une pour nous annoncer
lettre

causez en nous écrivant, en nous écrivant que vous n'êtes point fâchée. Car si vous ne le
toujours, en exprimant dans des lettres le miel faisiez pas, nous nous tieiulnez dans une per-

de volie aflection, vous feriez tout pour ()u'il pétuelle imiuiétude; nous ne cesserions de
vous fût possil)le de nous en adrissor chaque nous demander si nous ne vous avons pas fait
jour. Nous ne croyons plus habiter Cuifise ni de peine tant nous t» nous à votre atleolion,
:

vivre au désert, quand nous goûtons le tharme à contenter votre générosité. Maintenant que
de vos lettres et de votre profonde affection. nous avons suflisamment plaidé notre cause,
Mais vous ne vous êtes pas bornée à m'écrire : faites-nous savoir ipie vous agréez notre jusli-

NOUS avez encore persuadé à mon maître, à fic;;lion. Votre grâce peut savoir, en effet,
LETTRES. 533

qu'avec d'antres personnes qni avaient agi de


inùinc, et qui sont nos amis dévoués, nous
LETTRE CCXXXIV.
n'avons pas t;u besoin d'apologie, et qu'il nous
a suffi de refuser leurs envois : mais vis-à-vis Cuciue, 401.

de votre révérence, nous nous justifions;


nous la supplions de ne point se fâcher, et A BRISON.
nous ne cesserons point nos instances, tant
Après un voyage de soixante-dix jours en-
que vous ne nous aurez pas fait savoir que
viron, ce qui permet à votre excellence de se
vous n'èles point fâchée. Si nous obtenons de
vous une pareille lellre, nous croirons avoir
représenter tous les maux que nous avons eu
bien au deli de ce à souffrir, assiégé en maint endroit d'alarmes
reçu le double, le triple, et
causées par les Isauriens, en butte aux assauts
que vous nous avez envoyé. En effet, rien n'est
plus propre à montrer la considération et les
d'insu|)|)ortables fièvres,nous sommes enfin
parvenu à Gueuse l'endroit le plus désert
,
égards que vous avez pour nous.
qui soit dans le monde enliei'. Si je parle ainsi,
ce n'est point pour vous prier d'importuner
personne afin que l'on me tire d'ici (les épreu-
LETTRE CCXXXIIL ves les plus pénibles sont traversées, celles du
voyage); mais je vous demande en grâce de
Gueuse , 401.
nous écrire assidûment, et de ne point nous
A l'évêque d'amiocoe. priver, vu l'éloignement où nous sonunes au-
jourd'hui, de cette consolation. Vous savez en
Votre piété devrait, au lieu de se laisser effet quel soulagement c'est pour nous, jusque
abuser |)ar les proj)os qu'on lui tient, apporter dan:- nos afflictions et nos dangers personnels,
une {grande vigilance à discerner la vérité d'apprendre comment vous vous portez, vous
parmi la foule dos mensonj,^es. Si vous prenez qui m'aimez, de savoir que vous êtes en joie
pour vérités toutes les rumeurs, il n'y aura et en santé, et (pie vous ne courez aucun ris-
plus de sécurité poiu' [)ersonne. Si au contraire que. Ainsi donc, si vous voulez nous faire
vous U'^iez des voies légales pour arriver à dé- jouir libéralement de ce plaisir, adressez-nous
couvrir la vérité, je vous demanderais à être assidûment de |»areillLS nouvelles. Ce ne sera
juiré, autant du moins que la calomnie ne di- point une simple récréation, mais une conso-
rigera |)as contre moi de nouveaux traits. Car lation bien efficace (juc je vous devrai car :

je crains, oui, je crains maintenant les om- vous n'ignorez pas combien je me réjouis de
bres et les spectres depuis que vous-mêmes
, vos prospérités.
avez jugé de la sorte. Les amis ont renié leur
amitié, les compagnons ont passé au large, et
ceux qui sont loin décochent les traits de' la LETTRE CCXXXV.
cajonmie. J'étais au milieu du port, et vous
m'avez fait essuyer un naufrage mais quoique :
Gueuse, 401.

banni, quoiiiue séparé de l'Eglise, je suis ré-


A PORPHYRE, ÉVÉQUE DE RHOSE.
solu à me tenir prêt à tous les supplices. Je
Yeux user de philoso|)hie et supporter noble-
Je connais l'invariable, l'inébranlable soli-
ment l'adversité. Car je sais, oui je du sais,
dité de votre attachement; je sais qu'aucun
reste, que le désert est moins changeant que
orage ne saurait le mettre en péril votre con-:

la ville, et ijue les betes fauves qui sont dans


duite l'a prouvé. Voilà pounpjoi de notre côté,
la cam|)agne sont moins farouches que les
bien qu'étant en proie à la maladie, bien que
amis. Portez-vous bien.
transporté dans l'endroit le plus désert de
notre monde, à Gueuse, bien qu'assiégé par
les incursionsdes Isauriens, et exposé à des pé-
rilsde tout genre, nous vous écrivons, nous
nous acquittons envers votre piété du salut que
nous lui devons, toujours uni à elle de cœur,
quoique séparé de corps, et c'est pour nous la
534 TRADUCTION FRANÇAISE DE SAINT JEAN CHRYSOSTOME.

plus grande des consolations. Quels que soient pour nous un port nous y respirons pai-
,

en désagréments d'un pareil séjour,


effet les siblement des maux du voyage, et nous profi-
j'y trouve ce grand avantage que je deviens tons de ce calme pour effacer en nous les der-
votre voisin, et que je puis sans relâche, vu la niers vestiges de la maladie et des autres
faible distance qui nous sépare, écrire à votre é[)reuves que nous avons supportées. Si nous
piété et en recevoir des lettres. Admis à pa- disons cela à votre excellence, c'est que nous
reille fête (car à mes yeux c'est une fête et un savons quel prix vous attachez à notre repos :

sujet de vive allégresse), je deviendrai insen- car nous ne pouvons oublier jamais ce que
sible à mon isolement, à la crainte, aux an- vous avez fait là-bas, afin de réprimer ces folles
goisses. agitations, vos efforts pour nous proté^rer et
pour faire votre devoir. Partout où nous por-
tons nos pas, nous ne cessons de publier vos
LETTRE CCXXXVI. bienfaits dans notre reconnaissance, illustre
seigneur, pour votre parfait dévouement. Mais
Cucuse, 404.
faites-nous la grâce d'ajouter à la joie que nous

AL PRÉrET CAUTÉRIL'S.
donne votre affection, celle que nous cause-
raient des lettres de votre main, nous infor-
C'est un endroit prodigieusement désert que mant que vous êtes ^n bonne santé. En effet,
Cucuse d'ailleurs notre solitude nous attriste
:
ce ne serait pas, même dans notre exil, un
moins que nous ne trouvons de charmes dans faible soulagement pour nous, que de recevoir

la tranquillité et dans la paix profonde oîi elle de telles lettres de votre excellence.
nous laisse. Aussi, comme si ce désert était

Troduit depuis la 128« lettre par M. X..


HOMELIE SUR CETTE PAROLE DE L'APOTRE :

PLUT A DIEU QUE VOUS VOULUSSIEZ SUPPORTER MON IMPRUDENCE

ANALYSE.

!• Différence entre l'amour charnel et l'amour spirituel. —


2° Si nous ne voyons pas saint Paul des yeux du corps, ne \'en ai-
oious pas moins ; si nous n'avons pas sa présence, nous avons ses œuvres, nous avons ses écrits dont nous devons chercher à
pénétrer le sens. — 3" Que veulent dire ces paroles Plût à Dieu que vous voulussiez un peu supporter mo/iimpiudetice?
:

Elles s'expliquent d'elles-mêmes si l'on fait attention à la circonstance où elles furent diles. —
4° Précautions multipliées que
prend saint Paul avant de faire son propre éloge. — ."i» Humilité
de saint Paul, s'il a été sauvé, dit-il, c'est pour que personne
ne désespère de son salut. —
6" Avouer ses fautes et oublier ses mérites. —
7o Les saints savent se taire quand il n'y a point

nécessité de parler et rompre le silence quand la nécessité les contraint. Exemple de David. —
8» 9" Exemple de Samuel. —
10» Conclusion. On ignore le lieu et la date de cette homélie.

1. J'aime tous les saints, mais j'aime entre outre, ceux qui aiment un beau corps, qui
tous saint Paul, le vase d'élection, la trompette s'éprennent d'un beau visage, sont eux-
s'ils

céleste, celui qui fiance les âmes au Christ. Je mêmes ne trouvent pas dans
laids et difformes,
vous dis ces i)aroles, je vous fais connaître leur passion un remède à leur propre diffor-
l'amour que j'ai pour lui, afin de vous le faire mité au contraire, leur laideur semble s'ac-
;

partager. Ceux<iui aiment d'un amour charnel croître. Dans l'amour spirituel il en est tout
rougissent de l'avouer, parce (|u'ils se couvrent autrement. Celui (jui aime une âme sainte,
eux-mêmes de honte et nuisent à ceux qui les belle, glorieuse, parfaite, serait-il laid et dif-
entendent; mais ceux qui sont enflammés de forme , devient par le constant amour des
l'amour spirituel ne le doivent point taire un saints, semblable à celui qu'il aime. Car c'est
moment. Car eux-mêmes et ceux qui les enten- un effet de la bonté de Dieu qu'un corps dif-

dent retireront du fruit de ce noble aveu. L'un forme et mutilé ne puisse point être corrigé,
est une honte, l'autre un honneur; l'un est «nais qu'une àme dégradée et hideuse puisso
une maladie de l'àme, l'autre est sa joie, sa devenir belle et glorieuse. Car, de la beauté du
félicité, son plus bel ornement. Le premier corps il ne vous peut revenir aucun avantage,
porte la guerre dans le cœur où il pénètre, mais la beauté de l'àme vous peut procurer la
l'autre y apaise les luttes et y établit une paix jouissance de tous les biens qui sont dus à ceux
profonde. L'une ne procure nul avantage; qui prennent Dieu pour objet de leur amour.
c'est la perte des richesses, la dépense effrénée, C'est de cette beauté que parle David dans ses
le bouleversement de la vie, la ruine des mai- psaumes Ecoute, ma fille, et vois, et incline
:

sons l'autre nous ouvre un trésor de bonnes


; Voreille, et oublie ton peuple et la maison de
œuvres, une source féconde de vertus. En ton père, et le Roi s'éprendra de ta beauté. (Ps.
536 TRADUCTION FRANÇAISE DE SAINT JEAN CHRYSOSTOME.

X, Liv, H , 42.) C'est la beauté de l'âme, qui con- fonde sagesse de Paul, son ineffable charité.
siste dans la \ertu et la piclé. 3. Quel en est donc le sens? Il y avait chez les

2. Puisqu'on relire tant d'avantages de la Corinthiens grand nombre de faux apôtres qui
communion dessaints,unissez-vousà moi pour corromj»aient le peuple, accusaient Paul, mi-
aimer ce saint avec la |)lus exlrèine ardeur. Si nai<'nl sourdement la réputation qu'il s'était

cet amour entre dans nos cœurs el y allume sa acquise auprès de ses disciples, le raillaient, le

brillante flamme, trouverait-il dans les voies de traitaientd'imposteur. C'est à eux qu'il s'adresse
noire jx'nsée des épines et des pierres, la du- en plusieurs passages de sa lettre. Quand il
reté, linsensibili'é, il consumera les épines, dit N<nis ne sommes pas comme plusieurs qui
:

timollira h s pierres, et fera de notre âme une altrrent la parole de Dieu. (II Cor. ii, 17.) Et
terre profonde el fertile, prèle à recevoir la ailleurs J'ai pris garde de ne vous être à
:

semence Paul
diNine. El qu'on ne dise point : charge en quoi que ce soit [Ibid. xi, 9); et quand
n'est point ici, il n'est pas visible à nos yeux; il prouK t de maintenir la loi immuable Im :

or, comment ciimcr ce qu'on ne voit pas?


— vérité de Jésus- Christ est en moi, et on ne me
L'absence n'est point un obstacle à cet amour. ravira point cette gloire dans toute l'Achaïe.
On j)eut aimer un absent, un ami qu'on ne (Ibid. xi,9.)Et (|uand il fait connaître ses motifs,
voit j>as, surluiit chaque jour de-
quand on a il désigne ces inqties, en disant Et pourquoi? :

vant les yeux tant de témoignages de sa verlu, Est- ce parce que je ne vous aime pas? Dieu
si nombreux et si manifestes, les Eglises éta- le sait. Non, je fais cela et le ferais encore afin
blies sur toute la terie, l'imiiiélé détruite, les d'ùter une occasion de se glorifier à ceux qui
mœurs coupables changées en mœurs pures. la chcrclient. -(Ibid. xi, 12.) Plus haut, il prie
Terreur abattue, les autels des faux dieux ren- ses disciples de ne le point mettre dans la né-
versés, *eurs temples fermés, les démons ré- cessité de montrer son pouvoir Je vous prie, :

duits au sihnce. Tous ces cultes mensongers qji'élant pi'éscnt, je ne sois point obligé d'user
cédérejvlàla puissance de Paul, à sa parole ins- envers vous avec confiance de cette autorité et

l'irée par la giâcedu ciel et qui alluma partout de cette hardiesse avic laquelle on m'accuse
le ll.iudteau de la leligion. A|tics ses œuvres, d'agir envers quelques hoiwnes qui s'imaginent
ses lettres sacrées nous jteignenl exactement le que nous nous couduisonssehni lachair. (Ibid. x,
caraclère du celle âme sainte. Connue si nous 2.) Ces hommes dont il parle l'accusaient et le

]i:irlions à Paul, comme s'il était sous nos yeux, raillaient, disant que les lettres de Paul étaient'

au milieu de nous, attachons-nous à ses pa- pleines d'orgueil et d'arrogance mais qu'il ,

roles, dévelopjtons-en le sens |)rofon(l el caché, était lui-même sans valeur, sans mérite, un
cherchons ce qu'il veut dire aujourd'hui cjuand objet de dédain ;(iue lorsqu'on le verrait, on

il s'écrie Plût à Dieu que vous voulussiez un


:
s apercevrait qu'il n'en fallait faire aucun cas.

peu sttj)p<>rt(r mon /m/rrude/tce! Cor ft/i pour C\'A ce (ju'il nous apprend lui-même quand il
vous un autour de jalousie et d'u/ie Jalousie de dit : Je crains de paraître V(ndoirvo?is étonner
Dieu. (11 Cor. xi, 1,2.) Que dites-vous, Paul? par des lettres, parce qu'à la vérité, disent-ils,

Vous qui ordonnez à vos disciples de niareher les littres de Paul sont gaves et fortes, mais
d.uis la sagesse aux regards de> profanes, vous lorsqu'il est présent, il parait bas en sapersoime
qui dites Que vos paroles soient toujours
: et méprisable en ses discours. (11 Cor. x, 9 10.)

assaisonnées du sel de la grâce, a /in que vous El plus loin, il accuse les Corinthiens qui se
sachiez comment vous devez répondre à chaque sont laissé persuader : Ai-je fait une faute,
prrsoniie (( oloss. iv, 0); vous qui reconuuan- dil-il, lorsqutifin de vous élever, je me suis
dez a tous les houunes de se pénétrer de la abaissé nun'-nn' me? [il Cor. xi, 7.) Et ensuite,
sagesse de lEspril Saint, c'est vouscjui denian- répondatjl à l'accusation de ses ennemis, il

dt z (ju'on seppoite un peu votre iui|)rudenee? ditEtant présent, nous nous conduisons de la
:

Il ne Miiis sufhsail [las d'axoir prononcé une même nunvère que nous parlons dans nos
parole in prudente; vous la faites encore eiilen- Iclfres étf!nt absent. [U Cor. x. 11.) Il y avait
dre à vos disciples, vous la laites connaîlre à donc chez les Corinthiens beaucoup de faux
tous ceux qui , dans la suite , hront votre apôtres qu'il appelle ailisaus d'erreurs : Ceux-
le Irt? Ces I
aroles, si «ii Us lit sans lis expli- là, dit-il, sont de faux apôtres, artisans d'<r-
t;'!ei . ^unt danucreUMS pour les auditeurs; rci.rs, qui se transfornunt en envoyés de Jésus-
ti un lc5> dcNcloppc, eiies montrciil la pro- Chriit. Et on ne s'en aoit pus étonner, puisque
SUR CETTE PAROLE : PLUT A DIEU, ETC. 837

Sofnn ml^me se trnnftfnrwe en ange di- bmvère. surer, à prendre de raudncc. Ainsi saint P.iul,

Il Ji'est donc pas élraïuje que ses rtiin strcs coMirue s'il allait s'éhmcer dans un abîme ea
aussi se transforment en min/strcs de justice. fa saut son |)rt pre élofie, recule une fois, deux
(Il Cor. XI, 13 iri.) Comino ils iiivc lilaiciit fcis, trois fus tv |»lus souvent encore, di>;aut :

contre lui mille caloniiiios, et iiiii<iiieiil à ses plût à Dieu qiie vous voulus'^iez sjtpporfer mon
disciples en leur donnant de leur- maître une imprudence ; et ensuite : Que personne ne me
fausse ojtinion, il est forcé de faire son |)ro|)re juge imprudent ou au moins souffrez-mot
,

t'io^'e, car son silence en ce point eût été dan- comme imprudent et Ce que je dis, je ne le ; :

gereux. Au moment de nous entretenir des dis pas selon le Seigneur, mais je fais paraître
hitti's qu'il a soutenues, des révélations <\\\\\ a de l'imprudence dons ce que je prends pour
eut s, des traviuix (ju'il a endurés, pour nous matière à me glorifier; et (dus loin Pid^iiue :

moulrer qu'il le taii malgré lui, et pre^•sé tou- plusieurs se gl rifient selon la chair, je puis
tefois par la nécessité, il taxe cependant ses pa- bien me glorifier conmie eux. Car étant sages
roles d'imprudence et dit Pn\t à Dieu que : comme vous êtes, vous sotiffrez sans peine les
vous voulussiez xui peu supporler vwn ''mpni- imprudeuts; et encore Je veux bien faire une :

dence. Je conunets une imprudence, dil-il, imprudence en me rendant aussi hardi (pic les
d'entreprendre de me loue; moi-incme; mais autres.Il se donne mil e fois les noms il'im-

la faute n'en est pas à moi, die est à ceux qui prudenlct d'insensé, et c'est à peine s'il ose
m'ont réduit à cette nicessité; c'e?t pourquoi i.iisuiie couiUVMicer ses propres louanges. Ils
Je vous prie de suutl'iir ce «jne je fais et de u'en sont J]ébr>-ux? le le sids aussi ; Israélites? je
demander com[)te t|u"à mes ennemis. le suis ('.u<si ; d- la race d'Abraham ? j'en suis
\. Et Noyiz la [)rul.inde saj^esse de Faul après ! aussi ; nnnistres du Christ? je le suis comuie
avoir dit : Plût à Dieu que vous voulussiez un eux. Ibid. xxu, 23.) iMa;s, même en disaiit ces

peu supporter innn imprudence. Supportez-la mots, il est sur ses garies; il ajoute, en ma-
car j'ai pour vous un amour de jalousie et nière de correction Deiraisje passer p >ur
:

d'une jalousie de Dieu, il n'entre pas aussitôt imprtuleut, j'ose dire qw je (> suis plus qu'eux.
dans de ses œuvres méritoires; mais ce
le récit (Ibid.) Et c la ne lui i^uffil poiul; ajtrès avoir
n'ist qu'après avoir dit dauties choses qu'il énuméré s< s mérites, il dit : J'ai été impru-
reprend Je vous le ds encore u.ie fois, que
: dent en me mais
louait de la sorte , c'est vous
prrsnne ne me juge imprudent; ou au moins, qui m g acez cimtraint. (Ibid. xn, il.) C'est
souffrez-moi ctmwie imprwloit. (il Cor. xi, IG.) comme s'il disait : Je n'aurais eu nul souci de
Et encore ne conuuence-t-il pas son récit sans ces calomiiits si vous eussiez été forts, uiéhian-
avoir ajouté Ce que je dis, je ne le dis pas
: lables, inN incibles. été sans cesse
Eussé-j3
selon le Seigwur, mais je fois paraître de attacjué, la malice de mes ennemis ne me pou-
l'imprudence do7is ce rpie je prends pour ma- vait point nuire. Mais quan l j'ai vu mou trou-
tière à me glorifier. (Ibid. 17.) Il n'ose point peau atteint, et mes discipl» s s'enfuir, je n'ai
encore commencer, il diflère, il dit : Puisque plus hésité à me rendre déj»'aisaul et malséant,
plusieurs se glorifient selon la chair je puin Lien ^ à me montrer iiuprudmt [tar nécessite, ea
me glorifier comme eux. Car étant sages com.me vous faisant mon propre éloge dans >otre inté-
vous vous souffrez sajts peine les imprud, nts
êtes, rêt et pour votre salut.
(Ibid. 18, 19.)Après ces mots, il hésite encore, 5. Car telle est lan:anière dessnints: font ils

il dit autre chose et reprend ensuite Je veux : quelque chose de mal ? ils le disent tout haut,
bien faire une imprudence en me rendant aussi le déplorent chaque jour, le foiitsavoir à tous,
hardi que les autres. (Ibid. xxi.) Et ce n'est mais les actions grandes et nobli s, ils les ca-
qu'après s'être ainsi excusé d'abord (|u'il com- chent et les en^eveli^seut dans l'oi bli. C'est
mence ses proprt s louanges. De môme qu'un ainsi que saint Paul, sans y être foiee, aNonait
cheval sur le point de franchir un précipice, fréquenuuent et divulguait ses fautes Jésus- :

s'élance comme pour bondir, m ils voyant la Christ, dit-il, est venu dans le monde pour
profondeur de l'abîme, il s'arrête, il recule; sauver les pécheurs, et je suis le pins gra>.d pé-
ensuite, se sentant pressé par son cavalier, il ch< ur. [l Tuji. I, 15.) Aill« urs il ciit Je rends < :

essaye encore , de nouveau recule , et pour grâces au Christ qui m'a affermi, m'a a^m/té
témoigner qu'on lui fait violence, il se tient au au V mbre des pdèles et m'a établi dun^ >on ,

bord du goufire, il hennit, il cherche à se ras- ndaiiière, moi qui tlais auparavant uit bioiphé-
538 TRADUCTION FRANÇAISE DE SAINT JEAN CHRYSOSTOME.

mateur^ un persécuteur outrageux. Mais f ai marque l'époque dans ces paroles Je connais
obtenu miséricorde^ parce que f agissais dans im homme qui fut ravi, il y a quatorze ans,
Vignoronce et Vincrédulité. (Ibid. 12, 13.) Et au troisième ciel. (II Cor. xii, 2.) Il veut vous
ailleurs Après tous les autres^ le Seigneur s'est
:
apprendre que, même alors, il u'eût point parlé
fait voir à moi-même, être misérable, car je sans une extrême nécessité. S'il eât voulu faire
suis le plus infijme des apôtres et même je ne son propre éloge, il aurait, aussitôt après l'avoir
suis pas digne d'être appelé apôtre ,
parce ([ae eue, fait connaître sa révélation, ou du moins
j'ai persécuté l'Eglise de Dieu. (I Cor. xv, 8, 9.) au bout d'un an, de deux ans, ou trois ans.
Ailleurs encore : J'ai reçu cette grâce, moi qui Mais il garde pendant quatorze ans le silence,
suis le plus petit d'enti-e les saints. (Ephés. m, sans livrer son secret à personne. Il ne le dé-
8.) Voyez-vous comme il se déclare le plus pe- voile enfin qu'aux Corinthiens. Et à quel mo-
tit non-seulement des apôtres, mais même des ment? Quand il vit les faux apôtres s'élever :

fidèles! J'ai reçu, dit-il, cette grâce, moi qui encore déclare-t-il qu'il n'aurait point parlé,
suis le plus petit d'entre les saints. Ce salut s'il n'avait vu la contagion gagner ses disci-

même i\\\"\\ a obtenu, il déclare qu'il n'en est ples. Mais nous ne l'imitons point, au contraire :

point digne après avoir dit


: : le Clirist est venu nos fautes en un jour s'effacent de notre mé-
dans le monde pour sauver les pécheurs et je moire, et si les autres en parlent, nous nous ir-
suis le plus grand pécheur, il nous dit la cause ritons, nous nous indignons, nous crions à
de son salut Si j'ai 7'eçu iniséricorde c'est
: ,
l'outrage, nous les accablons d'injures. Mais
afin que je fusse le premier en qui Jésus fit avons-nous fait le moindre bien, nous en par-
éclater son extrême miséricorde et que j'en de- lons sans cesse, nous rendons grâce à ceux qui
vinsse comme un modèle et un exemple ; afin le prônent et les regardons comme nos amis.
que ceux qni croiront en lui espèrent la vie Cependant le Christ a ordonné le contraire,
éternelle. (Ibid. IG.) Voici le sens de ces paroles : c'est-à-dire d'oublier le bienqu'on a fait et de
ce n'est pas à cause de mon retour au bien que ne se souvenir que de ses fautes. Il nous donne
Dieu m'a fait miséricorde, ne le croyez point. manifestement ce précepte quand il dit à ses
C'est afin de préserver du désespoir tous ceux disciples: Quand vous aurez tout fait, dites :

qui ont m;il vécu, ceux même qui ont été les 710US sommes des serviteurs inutiles. (Luc, xvi,
ennemis de Jésus-Christ, en leur montrant le 10), ainsi que dans la parabole du pharisien,
dernier des hommes, le plus grand adversaire auquel il préfère le publicain. L'un se sou-
du Christ, sauvé par sa bonté. Le Christ dit lui- vient de ses fautes, et il est justifié: l'autre se
même : C'est uninsinnnentquef ai choisi pour souvient de ses bonnes œuvres, et il est con-
porter nwn nom devant les gentils et les rois. damné. Dieu fait aux Juifs le même comman-
{Act. IX, 15.) Mais Paul ne s'enorgueillit |)oint dement quand il dit : Je suis celui qui efface
de ces louanges; il est en [»ai\ devant Dieu, vos péchés et ne dois point m'en souvenir; mais
mais il ne cesse point de déplorer le malheur vous, gardez-cn la mémoire. (Isa. m, 25.)
de ses fautes, il s'appelle le dernier des pé- ".Telle fut la conduite des apôtres, des pro-
cheurs, et déclare qu'il n'a été sauvé qu'afm j)hètes et de tous les justes. David se souvenait
que le plus criminel des hommes ne désespère toujours de ses fautes, et jamais de ses bonnes
point de son salut en voyant la grâce que Dieu œuvres, à moins d'y être contraint. ^1 Uois, v,
lui a faite. 17.) guerre
Lorstjue les étrangers portèrent la

(i.Ainsisansy être contraint, il confesse etdi- en Judée, et la remplirent de dangers, il était


vulgue chaque jour dans ses lettres,
ses taules jeune encore et n'avait point vu les combats;
les aflichant, les dévoilant aux yeux non-seule- il (luitle ses troupeaux, vient à rarmee, et
ment de ceux qui vivaieni alors, mais aux yeux trouve partout la frayeur, l'épouvante, la ter-
de tous les honnnes à venir; i|uant à ses méri- reur. ne fut plus homme alors au milieu
Il :

tes, malgré la nécessité manifeste, il hésite, il de son peuple abattu par la crainte, il n'eut
recule à les exposer. Ce qui le prouve, c'est point peur. La foi l'eleva au - dessus des
qu'il se nomme mille fois imprudent; ce qui choses terrestres, jusqu'au Koi des cieux, et le
le |)rouve encore, c'est le long espace de temps renqiUt d'ardeur. II s'avance vers les soldats,
qu'il tient secrète sa révélation merveilleuse et vers ses frères, et leur annonce qu'il va les
céleste : car il n'y avait pas deux ou trois ans délivrer du péril (lui les menace. Ses frères se
qu'il l'avait eue, mais bien davantage. Il en motiuèrent de ses paroles, car ils ne voyaient
SUR CETTE PAROLE : PUIT A DIEU, ETC. 530

point Dieu qui excitait son courage, ils ne dant longues années, par la volonté de Dieu,
voyaient point celte unie généreuse, céleste, et il gouverna le peuple juif, sans jamais parler

pleine de la divine sagesse ; il les quitte et s'a- de ses grandes actions, quoi(iu'il en eût beau-
dresse à d'autres. On le conduit au roi, (ju'il coup à proclamer s'il l'avait voulu l'éducation :

trouve mourant de crainte. Il ranime d'abord de son enfance, son séjour dans le temi)le, le
ses esprits en lui disant : Que le cœur de mon don de prophétie (ju'il reçut au berceau, ses
seigneur ne soit point abattu ; car ton ser- guerres, les victoires qu'il remporta moins par
viteur ira et combattra contre cet étranger. la force des armes que par la bonté du Sei-

(I Rois, XVII, 3-2.) Mais comme le roi désespérait gneur qui combattit avec lui. Il s'abstint de
et disait : Tu ne pourras marcher contre lui : vanter ces mérites jus(iu'au moment où il
tu n'es qu'un enfant, tandis qu'il connaît la quitta le pouvoir et le transmit aux mains
guerre depuis sa jeunesse [\h. 33). David alors, d'un successeur. Alors il fut obligé de faire
ne sachant comment exécuter son projet, est son propre éloge, et avec quelle discrétion Il !

obligé de faire son propre éloge. Il ne le vou- appela le peuple, fit venir Saùl, et dit Voici :

lait point fairecar nous voyons qu'aupara-


;
que J'ai entendu votre voix et que je vous ai
vant ne parle de ses actes de courage ni à
il donné un roi. J'ai vécu devant vous depuis ma
ses frères, ni aux soldats, ni au roi lui-même, jeunesse jusqu'à ce jour, et j'ai vieilli. Décla-
si ce n'est quand il le voit manquer de con- rez maintenant devant le Seigneur et devant
fiance, s'opposer à ses desseins et l'empêcher son Christ si j'ai reçu le veau ou l'âne de per-
de marcher contre l'ennemi. Que pourrait-il sonne d'efitre vous, si fai opprimé quelqu'un
faire? taire ses louanges? Mais il n'eût point par la violence, si j'ai accepté de quelqu'un des
obtenu la permission de combattre et de déli- présents des chaussures et fermé les yeux sur
,

vrer son peuple du péril qui le menaçait. Il ceux qui me les donnaient ? Portez témoignage
garde le silence aussi longtemps qu'il faut; contre moi et je vous rendrai ces présents.
mais quand la nécessité triomphe, il parle, il (l Rois, xn, 1-3.) Et quelle nécessité de parler
dit au roi Je gardais les troupeaux, moi, ton
: ainsi, dites-vous ! Elle est grande et pressante.

sei^viteur, dans les pâturages de mon père, et Sur le point de mettre Saûl à la tête du peu-
quand survenait un lion ou un ours qui enle- ple, il veut, par son apologie, lui apprendre
vait une brebis de mon troupeau, je le pour- comme il faut régner et prendre soin de ses

suivais, je le frappais, j'arrachais la proie sujets, et c'est i)Ourquoi il appelle ses sujets à
à ses dents, je le saisissais à la gorge et le témoigner de la sagesse de son gouvernement.
tuais. Ton serviteur a frappé le lion et l'ours. Et il ne le lait point tant qu'il conserve le pou-
Cet étranger incircoyicis périra comnie eux. voir, car on i)ourrait dire que la crainte et la
(I Rois, xvii, 34-36.) Vous voyez comme il terreur ont fait porter de faux témoignages.
montre la cause qui lui fait entreprendre sa C'ett du moment que son autorité cesse et
propre louange? Alors seulement le roi [)iit passe en d'autres mains, au moment qu'on
confiance et lui permit d'aller combattre. Il peut en sécurité porter une accusation contre
alla, combattit et vainquit. S'il n'eût point lui, qu'Use fait juger au tribunal de ceux qui

faitson propre éloge, le roi n'aurait [)as eu ont été ses sujets. Et s'il eût été autre, il au-
confiance en ce combat n'y ayant point con- ; rait montré du ressentiment contre les Juifs,

fiance, il ne lui eût pas permis de descendre et n'aurait pas engagé son successeur à être
en lice ; lui refusant cette permission, il eût juste etmodéré, non-seulement pour satisfaire
empêché un succès ; le succès empêché, Dieu son ressentiment, mais pour gagner plus de
n'eût point alors été glorilîé, ni le peuple délivré louanges à la comi)aiaison.
du danger qu'il courait. Ainsi ce fut pour empê- 9. Car c'est une dangereuse maladie des rois,

cher tant d'événements d'arriver contre l'ordre de souhaiter que leurs successeurs soient mé-
souverain que David fut obligé de faire son chants et pervers. Ont-ils été grands princes,
propre éloge. Car les saints savent se taire ils s'imaginent que leurs vertus auront plus

quand il n'y a point nécessité de parler, et d'éclat si leurs successeurs ne leur ressemblent
rompre le silence quand la nécessité les con- pas. Ont -ils été méchants et corrompus, ils

traint. espèrent trouver leur défense dans la perver-


8. Nous voyons non-seulement David, mais en- sité de celui qui règne après eux. Tel n'était

core Samuel se conduire de même sorte. Pen- pas ce saint homme. Il voulait, il souhaitait, il
540 TRADUCTION FRANÇAISE DE SAINT JEAN CHRYSOSTOME.

désirait que son pf'nf)le lui préférât son suc- les secrets de la pensée, ce qui est le signe
cesseur, tant il était bon, tant il él.iit pur de d'une conscience pure. Car jiersonne , si ce
toiil seiitinn^nt dr jalousie et de vanité ! Il ne n'est un fou, un insensé, ne prendra Dieu à
chercliait qu'une clidse, le salut des lionuues. témoin s'il n'a sur lui-même la plus entière
C'est pourquoi, dans son ajiologie, il instruisait assurance. Quand
peuple a confirmé de son
le

le roi qu'il avait choisi. S'il eût uppelé le roi, témoignage la vérité de ses paroles, il nous
et lui eût dit Sois doux, modéré, incorrup-
: fait connaître encore une de ses vertus. Après

tible ; ne commets ni \iolence, ni injustice avoir rapporté tous les prodiges autrefois ac-
garde-toi de la cupidité, ses conseils auraient complis en Egypte par la protection de Dieu,
ble.^sé celui qui h s aurait reçus; garder le si- et les guerres qui suivirent, il mentionne le
lence eût été ualiii' son peujile. Sous ombre de combat livré sous sa conduite, et la victoire
faire son apologie, il évite un double inconvé- remportée contre toute attente il rapporte à ;

nient ; il enseigne au roi ses devoirs et lui fait son peuple que souvent, en punition de ses
accepter sans peine ses conseils. 11 semble ne fautes, il fut livré aux ennemis; ijue lui-même

parier que [>our lui-même, mais il fait voir à invoqua le Seigneur, et délivra les Juifs, et
son successeur de quelle manière il doit pren- mêlant les faits anciens aux faits nouveaux, il
dre soin de ses suji ts. Et voyez comme il dit Le Seigneur envoya Jérobaal et Gêdéon,
:

prouve incontestablement qu'il n'est point cou- et Barac, et Jephté, et Samuel ; il vous délivra
pable d'avoir reçu des présents, il ne dit point : des mains de vos ennemis qui vous entoura- ent
Ai-je reçu vos champs ou voire or? il cite des et vous établit dans une pleine sécurité.
objets de la plus mince valeur Ai-je reçu, : (I Rois, xu, il.)
dit -il, il nous fait paraître en-
des chaussiires? 10. Voyez-vous que les saints ne racontent
suite une autre grande vertu. Beaucoup de leursœuvresméritoires quedans la derniérené-
l)rinces dépouillent leurs sujets, et se montrent ces-ité? Paul se conforme sur eux, s'instruit
aj)rès doux et cléments
, ce n'est point :
par leur exemple , et, sachant qu'il pourra dé-
leur nature qui les y porte, mais leur re- plaire en parlant de lui même, il a soin de
mords ; la conscience de leurs déprédations dire Pliet à Dieu que vous voulussiez un
:

leur ôte leur liberté ii'action. D'autres , au pu supporter mon inij rudrnce! Ce n'est point
contraire, repoust^ent les présents et se mon- beaucoup, c'est un peu seulement, ('ar, malgré
trerit durs et tyianniciues ; ce n'est [Joint non la nécessité, il n'a peint dessein île faire au
plus leur natrrre qui les y porte, c'est une cer- long son propre éloge; il le fait a la hâte, en
taine vanité (pi'ils loiil d'être incoirii|)tibles. quel(|U( s mots, et encoi'e n'est-ce (|ue pour le

]\!aisces deri.x (jiralilé^ se leneonli» ni rar< uk nt s;dut de S( s disciiiKs. Car île même que faire

réunies chez le même |ir'iiiee. Le saint lioinme son propre éloge sans Jléce^silé, est le comble
Samuel, poirr muiiirer (jir'il sa\ait vaincre à la de la démence, de même, quand le besoin de-
fois, et l'amour des rii liesses, et l'esprit de ty- vient pressant, c'est coTumellre une trahison
rannie, ajjres avoir dit Ai-Jc fj/is le le-ni de :
que de garder le silence sur le bien qu'on a
r/uel(ju\in? a\oulti : Ai-je opprioié qwlqutm fait. Cependant, malgré la ci-ntrainte, Paul
par la violence? c'est-a-dire, ai-je tyrannisé hésite, a|)pelle la chose une imprudence, afin
quehju'un? A'oici le sens de ses paroles : l'er- de nous montrer sa pruilence, sa sagesse, son
soime ne pourra dir-e (pie je n'ai point, à la vé- assurance. Après avoir dit Ce que je dis, je :

rité,reçu de prescrits, mai.- ipie, me ."-entant ne le dis pas selon le Seif/ncur, il ajoute : En
incorruptible, j'ai été dur, tyr.innupie, cr irel ce que j'ai pris pour matière à faire mon éloge.
et sanguinaire. C'est |)ouii|uoi il dit : Ai-jc (Il Cor. XI, 7.) Ne croyez pas, dit-il, que je
opprimé par la vialence? Que ré-
({luhjtCuii parle en gériéi'al. Aussi je loue ce siint, je l'ad-'
pondent ses sujets? Ta ne nous as uioppriua's, mire, je l'appelle sage par excellence, pour
iii lyraunif^és, tu nas point reçu de pre:>ents de avoir regarde comme une imprudence, l'éloge
nos ?nains. Et pour (jue vous sachiez que ses qu'il fait delui-même. Mais si, |)resséi>ar la néces-
paroles étaient pour le roi un enseigiumeiit, il sité, il se donnait encore le nom d'imprudent,

ajoute Devant Dieu et devant !>on L'Iirisl.


: quelle excuse auront ceux qui, sans besoin,
(Ibid. 5.) El alin de montrer clairement (piil font d'eux-mêmes uu pompeux éloge, ou for-

ne Ncul point d'un témoignage de complai- cent les autres à le faire? Qu'il ne nous suffise
sance il pieud à Icaioiu Celui qui couuait
,
donc point de louer les paiolos du saint : iuii-
SUR CETTE PAROLE : PLI T A DIEU , ETC. Ml
tons-le, rivalisons avec lui ; oublions nos ac- grâce et la bonté de Nolre-Scipneur Jésus-
tions niôiitoiros pour ne nous souvenir (juc de Christ, qui partafj;e, avec le Père et le Saint-

nos péchés, afin que nous vivions dans la nio- Esprit, la gloire, la puissance et Thonneur,
(leslio, et que, nous ofloiYaul d'aftcindrc ces aujourd'hui et toujours, dans tous les siècles
réconi|)enses qui nous sont proposées, nous des !>iecies. Ainsi soit-il.

emportions le prix de l'éieclion céleste, par la

Traduction de M. WIERE YSKI.


HOMÉLIE

SUR LA FÊÏE DE PAQUES.

AVERTISSEiYIENT & ANALYSE.

Dans celle homéiie, saint Jean Chrysostome célèbre les grands avantages et les heureux effets do la résurrection j il montre la joie
que celle féto doit causer dans le ciel parmi les puissances incorporelles, la joie qui doit éclater sur la toi re parmi les hommes,
parmi les pauvres, comme parmi les riches il exhorte les fidèles k ne pas déshonorer cette fête, à prendre des sentiments et
;

à tenir une conduite qui soient dignes de la solennité sainte qu'ils célèbrent; enGn il adresse la parole aux néophytes, c'est-à-
dire à ceux qui étaient nouvellement baptisés; il leur rappelle les prodiges qu'opèrent les eaux du baptême; il les engage à
montrer beaucoup de vigilance pour honorer et conserver les faveurs qu'ils ont reçues.
Fronlon du Duc a r?;elé celle homélie parmi les ouvrages supposés, parce que, sans doute, plusieurs morceaux en sont pris
d'une autre homélie sur la résurrection et de celle sur ic mot Cœmelerium et sur la croix mais d'autres savants ont pensé
:

différemment, fondés sur ce que saint Jean Chrysoslome se répèle quelquefois lui-même.

1. C'est aujourd'hui qu'il faut nous écrier et le bienfait de la croix, le nom môme de la
tous avec le bienheureux David Qui racon- : mort était redoutable. Le premier homme en-
tera les ojiwres de la puissance du Seigneur et tendit prononcer celte sentence comme l'arrêt
qui fera eiitendre toutes ses louanges ? (Ps. cv, d'un grand sup|)lice Le jour oit vous mange-
:

2.) Nous voici arrivés à une fête désirable et rez du fruit de cet arbrc^ vous mourrez de
salutaire c'est le jour de la Résurrection de
: mort. (Gen. n, 17.) Le bienheureux Job l'ap-
Notre-Seigneur Jésus-Christ, jour qui a vu fi- pelle de ce nom La mort, dit-il, est7tn repos
:

nir la guerre, conclure la paix, sceller notre pour lliomme. ( Job, ni, 23.) Le prophète Da-
réconciliation, jour dans lequel la mort a été vid disait : La mort des méchants est funeste.
détruite et le démon vaincu. C'est aujourd'hui (Ps. xxxni, 22.) Non-seulement la séparation de
que les hommes se sont réunis aux anges, et l'àme et du corps était appelée mort, mais en-
que mortels revêtus d'un corps chantent
les fer. Ecoutez le [)atriarclie Jacob qui dit : Vous
désormais des hymnes avec les puissances in- conduirez avec douleur mes cheveux blancs
corporelles. C'est aujourd'hui que l'empire du dans l'enfer. ( Gen. xlu, 38.) L'enfer, (Ht
démon est aboli, que les liens de la mort sont encore un prophète a ouvert son al/ime.
,

rompus, que le triomphe de l'enfer est anéanti. (Is. v, \\.) Il me délivrera^ dit encore un autre

C'est aujourd'hui qu'on peut répéter ces paro- prophète, de l'enfer le plus profond, (lxxxv,
lesdu prophète: Omort, oii est ton aiguil- 13.) Enlin, vous trouverez plusieurs passages

lon? enfer où est ton triomphel (I Cor. xv, 55.)


^ de l'Ancien Testament, où le départ de cette
Aujourd'hui Jésus - Christ Notre - Seigneur a vie est appelé mort et enfer; mais depuis que
brisé les portes d'airain, et a fait disparaître les Jésus-Christ Notre-Seigneur s'est olïert pour
horreurs de la mort. Que dis-je, les horreurs nous en sacrifice, depuis qu'il s'est ressuscité
de la mort? il a même
changé son nom. La lui-même, ce Dieu plein de bonté a anéanti
mort n'est plus appelée mort, mais repos et ces noms, il a introduit parmi les hommes un
sommeil. Avant la naissance de Jésus-Ciirist genre de vie nouv-e-m et extraordinaire. Lu
544 TRADUCTION FRANÇAISE DE SAINT JEAN CHRYSOSTOME.

départ de ce monde n'e«t plus appelé mni t, mais avait v,?inc'i« ; il a pri? ses propre? armes pour
repos el sommeil. Qnist-ce qui le pr.iuNe? le combaîl e.Ecouez comment: Une Nierge,
écouli z JésL.s-Chiisl lui-mèine t.\u\ dit No.re : le bois , la mort, avaitut clé les moyens et les
ami Lazare dort, mais je rais le recei/ler instruntrnts de notre défaite. La vierge était

'(Jean, xi, -1
1) ; car il éiait aussi facile au Maîtie Eve, qui n avait pas encore connu Adam, lors-

commun de tous les morli^ls de le re-suscitei qu'elh; fut trompée par le démon le bois était ;

qu'à nous de réveiller un homme qui dort. Et l'arbre^, et a mort, la peine imposée au pre-

comme cette expre?sion était étrange et nou- mier homme. Voyez-vous comme une vierge,
velle, les disci[)l('s ne la comprirent pas, jus-
le bois et a mort ont été les moyens et les

qu'à ce que le Fils de Dieu, condescendant à instruments de notre défaite? voyez comme
un langage plus ils sont dt venus ensuite les principes et les
leur faiblesse, Itur eût parlé
clair. Le docteur des nations,. le bienheureux causes de notre victoire. Marie a remplacé
Paul, écrivant aux Thes.<alonicicns, leur dit : Eve; le bois de la croix, le buis de la science

Je ne veiix pas que vous ignoriez ce que vous du bien el du mal la mort de Jésus-Christ, ;

devez savoir touchant ceux qui dorment, afin lamort d'AiIam. Vous voyez que le démon a
que vous ne vous attristiez pas comme fout les été vaincu par les moyens mêmes avec les-

autres hommes qui n'out point d'espérance. quels il av;it triomphé. Le démon avait ren-

(I Thess. IV, 12.) Et encore ailleurs : Ceux qui versé Ad; n> avec le bois de l'arbre, Jésu-Christ

dorment en Jésus-Christ sont-ils pet dus sans res- a terrassé le démon


avec le bois de la croix.
source? Cor. 15, 18) Et encore
(I Nous qui :
Le bois de l'arbre a jeté les hommes dans l'a-
vivons qui sommes réservés pour son avène-
et bune le bois de la croix les en a retirés. Le
,

ment, nous ne préviendrons pas cei/x qui sont bois de l'arbre a dépouillé l'homme de ses pri-

endormis. (I Thess. iv, 15.) Et encore Si nous :


vilèges, et l'a enfermé comme un vaincu el un

croyons que Jésus est nuût et ressuscité, nous captif dans l'obscurité d'une prisou le bois ;

devons cr( ire aussi que l>.eu amènera avec Jéaus de la croix a élevé Jésus-Christ, et l'a montré à
ceux qui seront endormis. h)ute la terre, nu, cloué, et vaiui|ueur. La
2. Vous >oyexque partout la mort n'est plus mort d'Adam s'est étendue sur ceux qui sont
appelée que repos vX sommeil, et que cette venus après lui; la mort de Jésus-Christ a
mort, dout l'aspect était si tL-rriblo avant Jésus- rendu la vi? à ceux qui étaient né.> avant lui.
Christ, estdevenue méprisable depuis sa résur- Qui racontra les œuvres de la puissance du
rection. Vous voyez le triomphe éclatant de Seigneur, et qui fera entendre toutes ses louan-
cette résurrection glorieuse. Par elle, nous ges? Lorsque nous étions tombés, nous avons
avons recueilli une infinité d'avantages; par ete relevés de vaincus nous sommes devenus
.

elle, les ruses du démon


perdu tout leur o .t victorieux, nous avons passé de la mort à l'im-
etlet; |)ar elle, nous méprisons la moit; par moilalité.
elle, nous nous mettons au-dessus de la vie 3. Tels sont les bienfaits signalés de la croix,
présente par elle nous marchons à grands
;
telles sont les preuves frappantes de la résur-
j)as vers le désir des biens futurs ;
par rection. Aujourd hui
anges tressaillent, les

elle,quoique revêtus d'un corps, nous pou- toutes les puissances célestes triomphent, et se
vons jouir des mêmes privilèges que les puis- réjouissent du salut de tout le genre humain.
sances incorporelh s. Aujourd hui nous avons En ellet, si l'on se réjouit dans le ciel t sur la •

remporté une victoire éclatante; aujourd'hui terre pour un seul pécheur (jui fait pénitence,
Nolrc-Seigneur, après avoir érigé un trophée à plus hute raison l'on doit sy réjouir pour le
contre la mort, et avoir détruit la puissance salut du monde entier. Aujourd'hui le Fils de
du domou, nous a ouvert, |)ar sa résui rection, Dieu a délivré la nature humaine de lempire
la voie du salut. Ainsi réjouissons -nous, ties- du démon . et l'a rétablie ilaus son ancienne
saillons et triomphons. Quoique Notre-Sei- dignité. Sans doute, quand je vois que mes
giicur ail triomphé seul , (iuoii|u'il ail érigé prémices oui triom|)héde lamort, je ne crains
seul un trophée, la joie et l'allégresse doi- plus, je ne redoute plus la guerre, je ne consi-
vent nous être communes. dère point ma faiblesse, mais j'envi;-age la

pour notre s>dut (]u'il a opéré tous ces


C'est puissance de celui qui doit me secourir. Eh!
proiliges, et il a triomphé du domon par les s il a triomplié de l'empire de la morl. s'il lui

moyens inèiues avec lesquels le deiuuu nous a ôte toute sa force ,


que ne fera-t-il pas dé-
HOMÉLIE SUR LA FÊTE DE PAQUES. 515

sormais pour des hommes dont il n'a pas dé- est servie au riche et au pauvre la même ta-
1

daigné, par un effet de sa bonté infinie ,de ble est servie au prince dont le front est ceint
prendre la nature, et de lutter dans celte na- du diadème, qui est revêtu de la pourpre, qui
ture contre le démon? Aujourd'hui règne par conunande à toute la terre, et à l'indigent
toute la terre une joie et une allégresse spiri- même qui attend les effets de la pitié publique;
tuelle. Aujourd'hui la troupe des anges et le car, telle est la nature des dons spirituels,
chœur de toutes les puissances célestes tres- qu'ilsne se distribuent pas selon la dignité du
saillent et triomphent pour le salut des hom- rang, mais suivant les dispositions du cœur.
mes. Considérez donc, mes frères, combien doit L'indigent et le prince participent aux divins
être grand le sujet de réjouissance, puisque mystères avec la même confiance et le même
les dominations célestes elks-nièmts parta- avantage. Que dis-je? avec le même avantagel
gent notre fête. Oui, elles se réjouissent de nos le pauvre y apporte souvent plus de confiance.
avantages ; et si la grâce dont nous a favorisés Pour([uoi ? c'est que le prince, obsédé de mille

le Seigneur nous est propre, la joie leur est affaires qui le distraient, investi de soins et
commune avec nous. Voilà pourquoi elles ne d'tmbarras au milieu d'une nïer orageuse
,

rougissent pas de partager notre fête. Que dis- dont les flots viennent sans cesse l'assaillir,
je?des créatures ne rougissent pas de partager est exposé à commettre une infinité de péchés;
notre fête! leur Seigneur lui-même et le nôtre au lieu (jue le pauvre, affranchi de tous ces
ne rougit pas! je dis plus, il désire de célé- liens, occupé seulement de sa nourriture jour-
brer avec nous la fête que nous célébrons. nalière , menant une vie tranquille et paisi-
Qu'est-ce qui le prouve? Ecoutez-le lui-même ble, placé comme
dans un port où il jouit du
qui dit : Tai désiré ardemment de manfjcr avec plus grand calme, approche de la table sainte
vous cette pâqiie. (Luc, xxii, 15.) Mais s'il a dé- pénétré de sentiments religieux. Mais il est
siré de manger avec nous la pâquc, sans doute encore d'autres sources d'humiliation et de
il a désiré de la célébrer avec nous. Lors donc peine pour l'indigent dans les fêtes de c« siè-
que vous voyez non-seulement les anges, et cle. Non-seulement l'abondance et la délica-

toute la troupe des puissances célestes, mais le tesse de la table, mais encore le luxe et la ma-
Seigneur lui-même des anges, partager notre gnificence des habi's, inspirent au riche une
fête, quelle raison auricz-vous de ne point pren- satisfaction qui mortifie le pnuvrc. Lorsque le
dre des sentiments d'allégresse ? pauvre voit un riche ^uiu rlic^ent vêtu, c'est
Ainsi ,
qu'en ce jour l'indigence ne soit pas pour lui une grande douleur il se trouve :

un sujet d'humiliationpuisque c'est une fête ,


malheureux, il maudit mille fois son sort. 0:i
spirituelle que l'opulence ne soit pas un
;
ne connaît pas celte tristesse dans les fêles de
motif d'orgueil, puis(iue les richesses ne sont la religion, parce que les chrétiens sont tous
d'aucune utilité pour la fête présente. Dans les revêtus du même habit spirituel et sacré Vous :

fêtes profanes dans les fêtes du monde, (jue


, tous, s'écrie saint Paul, qui avez été baptisés
l'on célèbre avec tout l'appareil d'un faste su- en Jésus-Christ, vous avez été revêtus de Jésus-
perbe, le pauvre doit être chagrin et mortifié, Christ. (Gai. III, 27.)
le riche doit être content et satisfait. Pour- 4. Ne déshonorons donc pas
cette fête,je vous
quoi? c'est que l'un peut se revêtir d'habits en conjure; mais prenons des sentiments di-
magnifiques, et faire servir des repas somp- gnes des faveurs dont nous comble la grâce do
tueux, tandis que l'indigence du pauvre le met Jésus-Christ. Ne nous livrons pas aux excès du
hors d'état d'étaler tout ce faste. Ici, au con- boire et du manger; mais, considérant la libé-
traire, il n'y a rien de tel ; toute distinction est ralité du Maître commun, qui honore égale-
bannie ; la même table est servie au pauvre et ment les pauvres et les riches, les esclaves et
au riche, à l'esclave et à l'homme libre. Etes- les hommes libres, qui répand ses dons égale-
vous riche vous n'avez aucun avantage sur le
, ment sur tous, lâchons de reconnaître les bien-
pauvre êtes-vous pauvre
; vous n'aurez pas , d'un Dieu qui noustémoignetantd'amour.
faits

moins de privilège que le riche votre indi- : Et nous ne pouvons mieux les reconnaître ([ue
gence ne diminue rien de la joie que fait goû- par une vie qui lui soit agréable, par beaucoup
ter un festin spirituel, où domine la grâce cé- d'attention et de vigilance. Il n'est {tas besoin,
leste, cette grâce qui ne connaît pas la distinc- dans !a solennité que nous célébrons, do ri-
tion des personnes. Que dis-je? la même table chesses et de grands frais, mais d'une volonté
Tome IV. 35
846 TRADUCTION FRANÇAISE DE SAINT JEAN CHRYSOSTO.ME.

droite et d'un cœur pur. On ne relire d'ici au- nir au besoin, à ne pas nuire à la santé et à la
cun avantage corporel, tout est spirituel; la sérénité de Tàme, en passant les bornes. Celui
prédication de la parole sainte, les prières an- qui passe les limites du besoin, ne trouvera
tiques, les bénédictions des prêtres, la partici- plus de satisfaction dans le boire et dans le
pation aux divins mystères, la paix et la con- manger. que ne savent que trop ceux
C'est ce
corde, enfin tous les dons spirituels dignes de qui l'ont éprouvé par eux-mêmes, ceux dont
la libéralité d'un Dieu. Célébrons donc avec l'intempérance leur a attiré une foule d'infir-
joie le jour où le Seigneur est ressuscité. Oui, mités désagréables, de dégoûts et d'ennuis.
il est ressuscité, et avec lui il a ressuscité toute 5. Mais je connais assez votre docilité pout
Ja terre. Il est ressuscité après avoir brisé les croire que vous ne manquerez pas de suivre
liens de la mort; il nous a ressuscites après mes conseils; je ne vous parlerai donc point
avoir rompu les chaînes de nos crimes. Adam davantage sur cet objet, et je vais adresser la
a péché, et mort; Jésus-Christ n'a point
il est parole aux fidèles qui, dans cette nuit écla-
péché, et il est mort chose étrange et ex-
: tante, ont reçu la grâce du divin baptême, à
traordinaire. Eh! pourquoi Jésus-Christ est-il ces nouvelles plantes de l'Eglise, à ces fleurs
mort, puis(fu'il n'a pomt péché ? C'est afin que spirituelles d'un champ mystique, à ces nou-
celui qui a péché et qui est mort pût être dé- veaux soldats de Jésus-Christ. 11 y a trois jours
livré des liens de la mort par celui qui est que le Seigneur est mort sur la croix, mais
mort, quoiqu'il n'ait point péché. C'est ce que aujourd'hui il est ressuscité glorieux.
y a Il
nous voyons souvent arriver dans les débiteurs trois jours que ces néophytes étaient retenus
de sommes d'argent. Un homme doit à un dans les liens du péché, mais ils sont aujour-
autre, et, hors d'état de payer, il est retenu en d'hui ressuscites avec le Sauveur. Jésus-Christ
prison; un autre, ()ui ne doit pas, et qui est en est mort corporellement, et il est ressuscité;
étatde payer, délivre le débiteur en payant. ces néophytes étaient morts spirituellement
La même chose a eu lieu par rapport à Adam par le péché, et ils sont ressuscites en sortant
et à Jésus-Christ. Adam était redevable de la du péché. La terre, dans cette saison, se ra-
mort, et il élai retenu par le démon ; Jésus- nime, elle profhiil des fleurs de toute espèce ;

Christ, qui n'était pas redevable, et qui n'était les eaux du baptême font naître aujourd'hui
pas retenu, est venu dans le monde, et a payé des prés plus brillants que les prés terrestres.
la mort pour celui qui était retenu, afin de le Et ne vous étonnez pas, mes chers frères, si les
délivrer des liens de la mort. eaux enfantent des prés émaillés de fleurs. Ce
Vous voyez les bienfaits de la résurrection, n'est point par sa propre vertu que la terre,
vous voyez la bonté de notre divin Maître dans le principe, a produit différentes espèces
vous voyez l'excès de sa tendresse. Ne soyons de plantes, mais parce qu'elle obéissait aux
donc pas ingrats envers un pareil bienfaiteur, ordres du souverain Etre. Les eaux ont mon-
et ne nous relâchons pas, à présent que nous tré, dans leur sein, des animaux vivants, lors-
sommes parvenus à la fin du jeune mais pre- ; qu'elles eurent entendu ces paroles Que ies :

nons soin de notre àme encore plus qu'aupa- eaux produisent des anhyiaux vivants et ram-
ravant, de peur (juc, le corps étant engraissé, pants. (Gen. I, :20.) Le Créateur a ordonné, et
elle ne s'atlaiblisse; de peur que, nous occu- l'effet a suivi un élément inanimé a engendré
;

pant trop de l'esclave, nous ne négligions la des êtres animés. Les ordres du même Dieu
maîtresse. Eh à quoi bon, Je vousle demande,
! opèrent les prodiges que nous voyons. Il dit
charger votre estomac outre mesure, et passer alors :Que les eaux produisent des aninuiux
les bornes? rintenii)érance détruit le corps et vivants et rampants; aujourd'hui elles nous
dégrade l'âme. Fidoks aux lois de la sobriété, donnent, non des animaux rampants, mais des
ne prenons que les aliments nécessaires, afin dons S|)irituels. Alors elles ont produit des ani-
de pourvoir en même tcm|)s à la santé du maux dépourvus de raison; aujourdhui elles
corps et à la dignité de l'àme, afin de ne pas enfantentdes poissons raisonnableselspiriluels,
perdre à la fois tous les fruits du jeune. Je ne péchés par les apôtres Venez après vwi, dit
:

vous iiderdis pas l'usage des iKuirrituies, ni Jésus-Christ, et je vous ferai pécheurs d'hom-
les plaisirs honnêtes d'une table frugale non, : nws. Maltli. iv, 19.' Nature de pêche absolu-
je ne m'oppose pas à ces plaisirs, mais je vous ment nouvelle. Les pêcheurs tirent de l'eau les
exhorte à supprimer tout excès, à vous en te- poissons, et causent la mort à tout ce qu'ils en
HOMÉLIE SUR LA FÊTE DE PAQUES. 54*7

font sor.Ur. Nous, nous jetons dans l'eau les VOUS pas, dans les combats gymniques, com-
poissons, et tout ce qui en sort trouve la vie. bien les athlètes sont attentifs sur eux-mêmea,
11 y avait anciennement chez les Juifs une pis- «juoicju'ils n'aient à lutter que contre des

cine; mais apprenez quelle était sa vertu, alin houjuies? ne voyez-vous pas quel régime aus-
que vous puissiez comparer l'indigence des tère ils observent en exerrant leur corps? Nous
Juifs avec notre opulence Un muje descen- : devons les imiter, d'autant plus que nous n'a-
dait dans la piscine, dit l'Evangéliste, il en vons pas à combattre contre des hommes, mais
remuait rean; et le premier malade qui y en- contre les e<[)rits de malice répandus dans l'air.
trait après que Veau avait été remuée, obte- Notre tempérance et nos exercices doivent être
nait sa guérison. (Jean, v, 4.) Le Maître des spirituels, puisque les armes dont le Seigneur
anges est descendu dans le tleuve du Jour- nous a revêtus sont spirituelles. Les yeux doi-
dain, et eu sanctifiant la nature des eaux, il a vent avoir leurs bornes et leurs règles, pour
guéri toute la terre. Alors, celui qui descen- qu'ils ne se jettent pas indistinctement sur
dait le second dans la piscine n'était plus guéri, tous les objets; la langue doit avoir une garde,
parce (jue c'était une grâce accordée à des pour qu'elle ne |)révienne pas la réflexion; les
Juifs faibles et encore attachés à la terre. Au- dents et les lèvres ont été mises devant la lan-
jourd'hui, quand un second entrerait dans les gue, pour qu'elle ne franchisse point légère-
eaux spirituelles, quand il y entrerait un troi- ment ces barrières, mais pour qu'elle ne pro-
sième, quand on y ferait descendre dix mille duise des sons que quand nous aurons réglé
personnes, ou même tous les peuples de la ce qu'elle doit dire, et qu'alors, s'expliquant
terre, il est impossible que la faveur tarisse, avec sagesse, elle ne profère que des paroles
que la grâce s'épuise, que les eaux se souillent, qui puissent satisfaire et édifier ceux qui les
que la libéralité divine diminue. écoutent.Il faut éviter absolument les ris
Admirez donc, mes frères, la grandeur du immodérés; notre démarche doit être paisible
bienfait; admirez-la principalement, vous qui et tranquille, nos habits décents et honnêtes.
cette nuit' avez été mis au nombre des ci- Quiconque est inscrit pour la lice de la vertu
toyens de la Jérusalem céleste. Montrez une ne peut être trop régulier et trop modeste dans
vigilance qui réponde à l'excellence des grâces tout son extérieur, parce que la décence du
que vous avez reçues, afin d'en attirer de plus corps est un indice des dispositions de l'àme.
abondantes; car la gratitude pour les bienfaits Si nous contractons de bonne heure ces heu-
du Seigneur.
dcjà accordés sollicite la libéralité reuses habitudes, nous marcherons sans peine
11ne vous est plus permis, mon cher frère, de dans le chemin de la vertu et nous le parcour-
vi\re au hasard; vous devez vous presciire des rons tout entier; les routes s'aplaniront de
luis et des règles, afin d'agir en tout avec exac- plus en plus devant nous, et nous obtiendrons
titude, et de montrer la plus grande attention de grands secours d'en-haut. Ainsi, nous pour-
dans les choses même regardées comme indif- rons traverser sans crainte les flots de la vie
férentes. La vie présente est un combat perpé- présente, et, triomphant de toutes les ruses du
tuel, et il faut que ceux qui sont une fois entrés démon, acquérir les biens éternels, par la
dans cette lice de la vertu gardent en tout une grâce et la bonté de Notre-Seigneur Jésus-
tempérance scrupuleuse. Ln athlète qui dispute Christ, avec qui la gloire, l'honneur et l'em-
le prix, dit saint Paul, doit garder en tout tme pire sont au Père et au Saint-Esprit, mainte-
exacte tempérance. (I Cor. ix, 23.) Ne voyez- nant et toujours, dans' tous les siècles des
siècles. Aiusi soit-il.
' Cette nuit, la nuit du samedi-saiot à Pâques. On sait que cette
nvut ctait un des temps ou l'on baptisait le plus de catécliunièoea.
ÉI.OGE DE DIODORE
ÉVÊQUB UE TARSE

en réponse à des paroles élogieuses que le même Diodore avait prononcées à l'adresse de saint Jean Chrysostome

t'A» 302.

\. Ce sage et généreux maître ', vous l'avez renommée et la rumeur qxCil accusera, dit le
\u naguère, oubliant ses infirmilcs corporelle?, prophète (Isaïe, xi, 3) ; ces réflexions me font
monter à celte chaire, insérer mon éloge dans trouver amères la louange et la bonne renom-
l'exorde de son discours, m'appelcr un autre mée, tant je vois qu'elles s'éloignenlde la sen-
Jcnn-Baplisic , et la voix de l'Eglise, et la tence qui sera portée un jour. Maintenant nous
baguette de Moïse, et me
combler de toutes sommes cachés sous notre réputation comme
sortes de louanges les plus pompeuses. Kt il sous un masque mais en ce jour, c'est la tète
:

me louait et vous applaudissiez, et moi as?is nue, et tout masque arraché, que nous compa-
au loin, je soupirais amèrement. Il me louait, raîtrons devant le tribunal redoutable ;
quel-
mu par sa tendresse pour un fils, vous applau- que bonne réputation dont nous jouissions ici
dissi<^z par cliarilé pour un de vos frères, et elle ne nous servira de rien en ce momenl-lài
moi je soupirais accablé du poids de tant que dis-je? nousserons même plus sévèrement
d'éloges. Les grandes louanges non moins que punis, lorsque ces éloges publics et cette bril-
les grands péchés ont coutume d'exciter le lante renommée n'auront pas contribué à nous
remords dans la conscience. Lorsque l'on ne rendre meilleurs.
se sent aucun mérite et que l'on entend les donc amèrement, plongé dans
2. Je soupirais
autres dire le plus grand bien de soi, alors on ces réflexions. C'est pourquoi je me hâte au-
compare l'opinion actuelle des hommes et le jourd'hui de détruire dans vos esprits l'opinion
jugement de ce dernier jour où tout sera mis trop favorable que ce que vous avez entendu,
à nu et découvert alors on songe que le .luge
: a pu vous donner de moi une couronne trop
;

suprême prononcera sa sentence non d'après grande pour la tète qui la reçoit, ne s'adapte pas
l'opinion du grand nombre mais selon la , bien aux tempes, ne reste pas fixée sur la tête ;

vérité des choses —


Ce n'est pas cC après la
: mais son trop de grandeur la rendant lâche, elle
descend sur les yeux et finit par tomber sur les
* Diodote avait été le
maître de saint Jean Chrysostome. Prêtre à
Antiocbe, il avait courageusement, et non tans péril, lutté contre les
épaules laissant la tète nue et dépouillée de sa
Ariens, alors puiiMnts. parure. C'est ce qui nous est arrivé à nous lors-
TRADUCTION FRANÇAISE DE SAINT JEAN CHRYSOSTOME.

qu'on a déposé sur notre tète cette couronne celui du second. Comme donc leur genre de
de louanges trop grande pour notre mérite. vie, leurs vêtements, leurs demeures et leurs
Mais en dépit de notre indignité, notre père, ministères sont semblables, c'est pour cela que
poussé par sa tendresse, ne s'est pas arrôlé qu'il le Seigneur leur donne le même nom à tous
n'ait eu posé d'une manière telle quelle cette les deux, et il montre par là que la différence

couronne sur notre tête. C'est ainsi que les rois dunom n'empèrhe pas que l'on soit l'homo-
en agissent quelquefois, ils prennent ce diadème nyme de celui de qui l'on imite les vertus.
qui ceint leur tête et le pc-cnt sur la tête de 4. Puisque cet'e règle est incontestable et
leurs petits enfants, puis voyant la dispropor- que telle est très-certainement la manière dont
tion entre ce chef d'enfant et la couronne, et la sainte Ecriture entend l'homonymie, mon-
contents de ce couronnement sans consé- trons comment notre sage père a imité la vie
quence essayé tant bien (jue mal, ils reprennent de Jean-Baptiste, et comment par suite il mé-
ce diadème qui leur appartient et qui pare si ritemieux que personne de porter le nom du
bien leur front. saint précurseur. Jean n'avait ni table, ni lit,

3. Mais puisque notre père ne se résoudrait ni maison sur terre or, notre père n'en a
;

jamais à mettre sur son chef cette couronne jamais eu non plus. Vous m'en êtes témoins,
qu'il a essayée sur le nôtre et qui a paru trop vous tous qui savez de ([uelle manière il a vécu
grande, prenons-la nous-même et déposons-la de la vie des apôtres, n'ayant rien en propre,
sur le chef vénérable de notre père, à qui elle vivant de la charité des fidèles et ne s'occu-
siéra admirablement. De Jean-Baptiste, nous pant que de la jirière et de la prédication de

n'avons nous que le nom, notre père en a le la parole. Celui-là prêchait au delà du fleuve,
cœur; nous avons reçu le nom de Jean, et attirant la foule au désert, celui-ci, un jour,
notre père possède la vertu de Jean-Baptiste. a entraîné toute la cité au delà du fleuve et l'a
Et ce nom de Jean lui appartient à ])lus juste édifiée par ses salutaires enseignements. Celui-
titre qu'à nous, car ce qui fait l'homonyme là fut mis en prison et eut la tête tranchée à
c'est la ressemblance non point du nom cause de sa franchise dans la défense de la loi

mais de la conduite; quand les actions se de Dieu mais celui-ci a été


; plus d'une fois

ressemblent , la différence des noms n'est banni de sa patrie, i>our son courage à con-
pas un obstacle sur cette matière la sainte
: fesser la vraie foi, je dirai même cjuil a donné
Ecriture suit une autre philosophie que les plusieurs fois sa tête pour la même cause
philosophes profanes; pour ceux-ci il faut que sinon de fait au moins par la résolution. Les
la communauté de substance concorde avec la ennemie de la vérité, ne jiouvant supporter la
conmumaulé de nom pour qu'il y ail homony- force de sa parole, lui ont mille fois ten'.u des
mie. La sainte Ecriture en décide autrement. embûches, et s'il n'y a pas succombé, c'estque
Tous ceux cil qui elle remarque une grande le Seigneur l'a toujoui-s délivré. Parlons main-
ressemblance de sagesse et de conduite, elle tenant de cette langue par laquelle il fut tant
leur impose la même appellation quelque ,
de fois mis en péril et toujours sauvé. On
diflérence qu'il y ail d'ailleurs entre les noms. pourrait sans se tromper dire d'elle ce que
Et la preuve de ceci, je n'irai pas la chercher Moïse a dit de la terre promise Moïse a dit ; :

bien loin, ce même Jean fds de Zacharie me la Terre oit coulent le lait et le miel. (Exod. ni,

fournit. Les disciples ayant demandé si Elie 8.)Disons que de sa langue coulent le lait elle
devait revenir, Jésus leur répondit Voulez- : miel. Mais afin que nous puissions nous abreu-
vous le recevoir ? Jean est cet Eh'e qui doit ver de lait et nous rassasier de miel, arrêtons
ic?i?>. (Mallh. H, 14.) Et cependant il s'appelait ici notre discours et prêtons lorcillc à celle
Jean, mais connue il avait la vertu d'Elie, c'en lyre, à cette trompette apostolique. Lorsque je
est assez pour (lue le Seigneur lui donne le songe au charme de sa parole, je dis que c'est

une lyre, lorsipie je veux exi)rimer la force de


nom d'Elie. Il avait l'esprit dElie, c'est pour-
(pioi il est appelé Elie. L'un et l'autre habi- ses pensées, je dis (lue c'est une trompette
Icrent le désert ;
peau
l'un était couvert d'une guerrière, telle que celle qu'avaient les Hé-

de brebis, l'autre d'un vêtement de poil de breux lorsqu'ils firent tomber les murs de Jé-
chameau leur nourriture à tous deux était
,
riciio. De même
(|uen cette circonstance le son
également simple et frugale. L'un a été le des tronqielles frappant les pierres avec plus
précurseur du prcniici' avcacment, l'autre sera doiokuce qu'un feu dcyoraut, consuma et
ÉLOGE DE DIODORE. RM
détruisit les remparts de la cité ; de même la de Fa langue que de la nôtre, cessons donc de
voix de celui-ci non moins puissante contre les parler, après avoir rendu gloire à Dieu qui a
retranchements des hérétiques, détruit tous donné do tels docteurs à son Eglise, à Dieu à
lessophismes où ils s'enferment, et fait tomber qui appai lient la gloire dans les siècles des sic-
toute hauteur qui s'élève contre la science de clés. Ainsi soit-il.

Dieu. Mais vous apprendrez mieux ces choses

TraduU par M. JEANNIS.


FRAGMENT

DE LA 2* HOMÉLIE SDR LE COiniEXCEMENT DES ACTES.

AVERTISSEMENT & ANALYSE.

A la fin du troisième volame des Œuvres complèles de saint Chrysostome, édition des Bénédictins, l'on trouve un texte intitulé :

Sur l'Ascension de Notre-Seigneur Jésus-Christ et sur le commencement des Actes. Ce n'est pas une homélie, ce n'est
qu'un ccnlon où se trouvent juxtaposés plusieurs frapinents d'homélies difiérenleset même de diflérents auteurs. I>ans l'édition
Bénédictine, celte compilation estdistribuée en 16 numéros. Les numéros 8, 9 et 10 contiennent une notable partie d'une
homélie dont nous avons recrellé la perte, c'est la 2" sur le commencement des Actes. Voyez dans ce même volume l'avertis-
sement placé en tête des homélies sur le commencement des Actes 11 est à peu près certain que ce fragment est de saint
Jean Chrysostome, mais il ne l'est pas moins que tous les autres sont mdignes de lui et ne sauraient en aucune façon lui être
attribués. Voilàpourquoi on trouve ici la traduction des numéros 8, 9 et 10 du texte In ascensionem Dommi, et pourquoi
nous n'avons pas jugé à propos de traduire le reste.

\ . Je veux donc aborder le livre des Actes et avec lui ; voilà pour quelle raison l'historien
le suivre pas à pas dès le commencement ; il n'a pas intitulé son livre Actes de Pierre, Actes
faut que vous à cette source di-
je puise avec de Paul, mais Actes des Apôtres, estimant que
vine, il faut que nous allions ensemble à la les œuvres de ces deux apôtres sont à la gloire
découverte des trésors de la sainte Ecriture, de tout le chœur apostolique.
chorciiant l'or de la vérité, avides de nous en- Nous recherchons donc quel est l'auteur du
richir des biens de la piété. Actes des Apôtres, livre des Actes. Sur cette question, l'ignorance
tel est ce titre, et ce titre montre toute l'impor- a produit la diversité des sentiments; les uns
tance du ?ujet, et le début est l'annonce de ont dit (jue c'était Clément le Romain, les
tout l'ouvrage. Dans ce liAre toutefois ne sont autres ont prétendu que c'était Barnabe ,

pas racontés les Actes de tous les apôtres. A d'autres enlin soutiennent que c'est Luc l'Evan-
rcxccption do quelques mots seulement sur le géliste. Dans une telle divergence d'opinions,
première |)arlic tout
com|)!e des au II es iipùl tes, la il ne nous reste qu'à consulter l'auteur lui-
enlière est consacrée à raconter les miracles de même. Demandons-lui donc qui il est, et ce
Pierre ainsi (lue son enseignement, puis dans (juil fait, voyons ce qu'il ditde lui-même :
le reste de l'ouvrage il n'y a de place que pour J'ai fait, dit-il, un pretnier discours de tout
Paul. i\nin|iioi done ce litre iV Actes des Apô- ce que Jésus a fait et enseigné. Ces ter-
tres donné à im liM'c (jui ne fait riiisloire que mes :un premier discours, nous avertissent
de Pierre et de Paul? C'est que, comme Taf- aussitôt de nous enquérir de quel discours il
firme Paul lui-même, lors(|u'un membre est est ici question. Si l'auteur n'avait fait que les
glorifié, tous les autres membres sont gloriliés Actes des Apôtres, évidenmieut il ne dirait pas :
FltAGMEiNT DE LA DEUXIÈME HOMELIE SUR LE COMMENCEMENT DES ACTES. 5S3

T ai fait un premier discours. Il se trouve donc quelle le Seigneur dit à Pierre : Pierre, m'ai-
que le livre des Actes ne vient qu'en seconde mes-tu? vous savez la suite. Saint Jean
etc.,

ligne après un autre ouvrage du même auteur. s'arrête là, il ne mentionne même pas l'Ascen-

Quel est cet autre ouvrage qui a précédé celui sion, voici ses dernières paroles Jésus a fait :

qui nous occupe? l'auteur n'a pas oublié de encore d'autres miracles, et en si grand nombre
nous le dire J'ai fait wi premier discours,
: que si on voulait les raconter tous en détail,
ô Théophile de tout ce que Jésus a fait
,
le monde, je crois, ne contiendrait pas tous les

et enseigné. (Act.i, 1.) Ce texte nous montre livres que l'on écrirait. Ainsi donc saint Mat-

dans l'auteur des Actes un homme qui avait thieu et saint Jean ne parlent en aucune façon
composé un évangile avant de composer les de l'Ascension, saint Marc ne le fait qu'en
Actes. L'Evangile d'abord, les Actes ensuite; abrégé. Saint Luc seul a poussé sa narration
en effet, il ne dit pas : jai fait un premier dis- d'une manière développée jusqu'à l'Ascension.
cours de tout ce que Pierre et Paul ont Voilà pourquoi il dit J'ai fait un premier :

fait et enseigné, mais bien de tout ce que discours de tout ce que Jésus a fait et
Jésus a fait et enseigné. N'est-il pas évident enseigné, jusqu'au jour où, confiant au Saint-
que l'auteur des Actes ne peut être que l'évan- Esprit l'instruction des apôtres qu'il avait choi-
géliste Luc? sis, il s'éleva au Ciel.
Mais appliquons-nous voyons de plus et Quel est ce Théophile? C'était un gouver-
2.
près si c'est bien lui. J'ai fait un premier neur de province qui se convertit étant en
discours de tout ce que Jésus a fait et ensei- charge. De même
que le proconsul de l'île de
gné jusqu'au jour où. confiant au Saint- Chypre avait dans l'exercice de sa charge
,

Esprit l'instruction des apôtres qu'il avait reçu la foi de la bouche de saint Paul, de même
choisis, il s'éleva au ciel, c'est-à-dire j'ai ra- le gouverneur Théophile avait, étant encore

conté les actes du Sauveur et ses enseigne- en fonction, embrassé la foi de Jésus-Christ à
ments jusqu'au jour de son Ascension. Soute- la voix de saint Luc. Et le disciple pria son
nez votre attention. Mon premier ouvrage, maître de composer pour son usage un récit
dit-il, embrasse les œuvres du Seigneur et ses des actes des Apôtres. Vous m'avez enseigné les
enseignements, et il va jusqu'à l'Ascension. Or œuvres du Sauveur, enseignez-moi encore les
il est aisé de constater que ni Matthieu, ni œuvres de ses disciples c'est pourquoi saint :

Marc, si incomplètement, ni Jean,


ce n'est Luc lui dédia son second livre, comme il avait
n'ont conduit le récit évangélique jusqu'à déjà fait du premier, car l'évangile selon saint
l'Ascension. Luc seul l'a fait. Saint Matthieu Luc est adressé à Théophile. Il n'en faut pas

termine ainsi son évangile. Les onze disciples chercher loin la preuve, saint Luc lui-même
s'en allèrent sur la montagne de Galilée, selon la fournit : Plusieurs ont entrepris de compo-
que leur avait commandé Jésus. Il leur appa- ser le récit des événements accomplis au milieu
rut, et ils l'adorèrent, et il leur dit : Allez, en- de nous, comme nous les ont transmis ceux qui
seignez toutes les nations. Et voici que je suis dès le principe ont été témoiîis oculaires et
avec vous tous les jours jusqu'à la consomma- ministres de la parole néanmoins, ilm'asetn-
;

tion des siècles. Il s'arrête là et ne dit rien de blé bon, moi aussi d'écrire pour toi, excellent
,

l'Ascension. Saint Marc dit : Les femmes sorti- Théophile, le récit exact et suivi de ces événe-
rent du tombeau, et 7ie dirent rien à persoîine, ments, en remontant jusqu'à l'origine, afin que
car elles craignaient. Puis après quelques au- tu voies la certitude des enseignements que tu
tres paroles, il s'exprime ainsi, en bref, sur le as reçus. (Luc, i, 1-4.)

sujet de l'Ascension Le Seigneur, après leur


: Très-excellent équivaut à illustrissime, telle
avoir parlé, s'éleva dans le ciel et s'assit à la était alors laformule en usage. En voulez-
droite de Dieu. Pour eux, ils s'en allèrent et vous preuve? Le gouverneur Festus dit à
la

prêchèreîit partout, le Seigneur coopérant avec saint Paul Tu délires, Paul, et celui-ci répond
: :

eux et coîifirmant leur parole par les miracles Je ?ie délire pas, très-excellent festus; c'est
qui la suivaient. A?nen. Telle est la fin de donc à une personne de la même qualité que
l'évangile de saint Marc,donc pas de récit dé- saint Luc s'adresse ici, en disant Très-excel- :

veloppé de l'Ascension dans saint Marc. Samt lent Théophile. Ayant donc rappelé son évan-
Jean raconte l'apparition du Sauveur sur le gile et la dédicace qu'il en avait faite à Théo-
bord du lac de Tibériade, apparition dans la- phile, saint Luc parle de son second ouvrage
554 TRADUCTION FRANÇxVlSE DE SAINT JEAN CHRYSOSTOME.

et le dédie encore à Théophile. Quel est ce signifie cette parole de saint Luc, se manifes-
second ouvrage? .V ai fait mon premier discours tant par beaucoup de signes poidant quarante
sur tout! s les choses que Jésus a faite < et ensei- jours. 11 ne se r.-ndait pas seulement visible

gnées. Et jusqu'où l'as-tu conduit ce premier aux yeux , mais il prouvait sa présence de
àiscours? Jîis(/u' au jour où, confiant aux en- beaucoup d'autres manières. En comptant
seiqnements du Saint-Esprit les apôtres quil très-exactement, nous constatons que le Sau-
avait choisis, il s'éleva au ciel. Il y a une hy- veur se fit voir onze fois aux saints apôtres de-
perbate dans le texte original. Cela revient à puis sa résurrection, après quoi il monta vers
dire : J'ai écrit l'Evangile depuis le commence- son père. Pourquoi onze fois? parce qu'il avait
ment jusqu'au jouroùJésus s'éleva après avoir onze disciples, depuis que Judas, par son in-
prescrit à ses apôtres, soutenez votre attention, fâme trahison, avait perdu sa place et sa di-
je vous prie, ses apôtres, auxquels il se pré- gnité il apparaît donc onze fois aux onze apô-
:

senta vivayit après sa passion. Remarquez tres,non pas chaque fois à tous ensemble,
l'exactitude de l'évangéliste, en écrivant les mais tantôt aux uns. tantôt aux autres; par
Actes des Apôtres, il se souvient qu'il a écrit exemple, il apparaît aux dix en l'absence de
l'Evangile, il ne dit pas auxquels il apparut, Thomas, puis il leur apparaît, Thomas étant
mais se présenta vivant. Détruisez ce tem- — présent. Mais ne nous contentons pas de dire
ple, avait dit le Sauveur, e/ e/ii trois jours je qu'il se montra onze fois parce que le nombre
le relèverai. —
Auxquels il se présenta vivant des apôtres était de onze, constatons la vérité
après sa passion, en beaucoup de preuves, se de ce nombre. Premièrement il apparut à Ma-
faisant voir à eux pendant (quarante jours, et rie, qui venait visiter le sépulcre, ainsi qu'aux
les entretenant du royaume de Dieu. autres femmes. Ce furent en effet les femmes
3, Soutenez votre attention, je vous prie ; cti qui le virent les premières; aussi le prophète
beaucoup de preuves, se faisant voir à eux pen- Isaïe leur adresse-t-il la parole en s'écriant :

dant quarante jours et les entretenant du


, Fenunes qui venez de voir, venez, annoncez-
ro7jaume de Dieu. ]\ ne faisait pns voir tous les
?,ii nous ce que vous ava vu. (Isaïe. xxvii, 11.)
jours pendant cet espace de quarante jours. Suivez bien de peur que nous ne nous trompions
Après sa résurrection, il avait donné à sa chair sur le nombre. Première apparition à Marie et
une vertu très-cf fi cace pour i)roduire la convic- aux autres femmes; deuxième à Pierre troi- ;

tion, afin de n'avoir pas à se montrer constam- sième à Cléopas et à son compagnon, sur le
ment, ce qui aurait pu diminuer, dans l'esprit chemin d'Einmaiis, lesquels le reconnurent à
des apôtres, le prestige de sa grandeur. Il con- la fraction du pain. Par où voyons-nous qu'il

venait qu'imefois ressuscité il se montrât avec s'était montré à Pierre, avant de se manifester

les maniues de la divinité, sans se manifester aux deux disciples dEmmaùs? le voici Cléo- :

trop fréquemment aux regards: c'est pourquoi pas et son compagnon se mirent en roule dès
l'auteur dit En beaucoup de preuves pendant
:
le soir même pour venir annoncer aux disci-

quarante jours. 11 ne se rendait pas toujours ples qu'ils avaient vu le Seigneur or ils trou-
;

visible aux yeux du corps, mais il y avait par- vèrent les apôtres qui disaient que le Seigfieur
fois des signes qui attestaient sa présence. 11 pre- était réellement ressuscite, et qu'd s'était mon-

nait une autre voix, une autre forme, un autre tré à Simon Pierre. (Luc, xxiv, 34.) Le bruit de
extérieur. 11 se présenta |)lus d'une l'ois aux l'apjKU ition à Pierre avait donc précédé la nou-
apôtres sans être reconnu. Ainsi il vint trouver velle (jue les disciples dEnunaiis apportaient
Pierre et ses compagnons, qui |)êcliaient, et il de ce qu'ils avaient vu <^nx-mêmes. Paul mar-
leur dit : Mes petits enfanta, n'avez-vo/isricn à que la même chose loisqu'il dit Je vous
:

manger? (Jean, xxi, ri.) Et ils ne reconnurent ai transmis à vous parmi les premiers ce
ni .SI figure ni sa voix. Puis il leur dit encore : que j'ai appris, savoir que le Christ est mort
Jetez le filet du côté droit de la barque et vous pour 7WS péchés, conformément aux Ecritu-
trouverez. Ils jetèrent le une pè- filet cl firent res, qu'il est ressuscité, qu'il s'est fait voir à
che abondaide. Mois celui yeux ne (jue I(>urs Céphas. puis ensuite aux onze. (I Cor. xv,
voyaient pas, se manifesta |)ar ces marques de 3.-ri.) Dabord à Pierre, puis aux autres apô-
sa puissance, et l'évangéliste Jean dit à Pierre: tres.Reprenons et comptons. Premièrement il
c'est le Sci(/)H'ur, une manpie de puissance est apparu aux fenunes deuxièmement à
,

et non sa vue le lui avait montré. Voilà ce que Pierre, troisièmement à Cléopas, quatrième-
FRAGMENT DE LA DEUXIÈME HOMÉLIE SUR LE COMMENCEMENT DES ACTES. 586

menl aux onze, les portes étant fermées et plupart sont encore vivants; septièmement,
Thomas absent; cinquièmement aux onze, aux eept qui péchaient sur le lac de Tihé-
Thomas étant présent; sixièmement, à cinq riade huitièmement à Jacques, comme le té-
;

cent frères assemblés comme saint Paul nous moigne Paul neuvièmement aux soixante-
; ,

l'apprend : Ensuite ils s'est monti'é une fois à dix dixièmement sur la montagne de Galilée;
;

plus de cinq cents frères assemblés dont la onzièmement sur la montagne des Oliviers.
i

I
HOMÉLIES SUR DAVID c5c SAUL '.

AVERTISSEMKNf.

Les trois homélies suivantes, aussi bien que celles dont Anne est le sujet (voir l'avertissement en tête da ces cinq discours), ont
été prononcées dans En effet, au commencement du premier discours de cette nouvelle série saint Jean Chry-
l'année 387. ,

sostonie rappelle qu'il a parlé récemment de l'homme qui devait mille talents, et montré combien est criminel le ressentiment
des injures. Or, cette homélie sur le débiteur, a été prononcée l'année même où saint Jean consacra tout le carême à prêcher
contre l'abus du serment, c'est-à-dire en 387, comme on l'a dit dans l'avertissement. — Il reprend dans les trois discours sui-
vants, le sujet qu'il avait entamé dans l'homélie sur le débiteur, c'est h savoir l'obligation de pardonner les injures, en s'ap-
puyant celte fois sur l'exemple de David. 11 parait, par le second de ces discours, que la pathétique éloquence du Saint ar-
racha en cette occasion les larmes à ses auditeurs : il parait même qu'il réussit à ramener les habitants d'Anlioche à la pratique
da précepte évaugéltque : Axmet vos ennemis, comme déjà, dans le dernier carême, il les avait corrigét de l'abus du lerment.

PREMIÈRE HOMÉLIE.

Sur l'histoiie di DaTid et de Satil, loi la patience, sur l'obligalioa de méûagei ses eQDemis, et de ut lec point injuriit.

mSme en leui absence.

ANALYSE.

l" Nécessité des instructions suivies. — David, modèle d'humanité.


2» Enumération des services rendus à Saiil par David.
3" Modestie de David après ses succès. —
Jalousie non justifiée de Saiil; sa fureur; il veut tuer David.

4» Saùl tombe entre les mains de David qui lui pardonne, et aux mauvais conseils de ses soldats.
résiste
50 Raison rehgieuse du respect dû aux rois. — Imiter à l'égard de ses ennemis le respect de David pour Saûl.
6° Qu'il faut étudier les vies des saints, méditer sur ce sujet et en conférer ensemble, au lieu de se laisser aller aux convergalioar
frivoles.

Lorsqu'une tumeur enflammée s'est déve-


1 . l'âme. Lorsqu'on veut extirper un mal enraciné
loppée dans un corps et que le temps l'y a dur- et depuis lon^^temps acclimaté dans l'àme, il ne
cie, il faut beaucoup de tem|)s, de peine et suffit pas d'une exhortation d'un, ni de deux
des remèdes bien habilement appliiiiiés pour jours pour opérer une pareille cure, il faut
en débarrasser sans danger le malade. On revenir souvent sur le même sujet ety consa-
peut remarquer la même chose au sujet de crer plusieurs journées : si du moins l'on n'a pas
» Ces homélies, dans l'édiiion bénédictine, placées ainsi que
trois CU VUe dc briller ui dC J)laire, Uiais d'être UtllC
les homélies sur Anne, font suite au commenuire sur la Genèse ;
comme il nous était plus commode de les mettre ici, nous avons
gQ^ auditCUT Ct de lui rOUdrC SCrvicC.
jj En —
, j i

cru pouvoir les transposer sans inconvénient pour notre OEuvre. COnSCqUenCe, COnimC pOUF CC qUl regarde ItS
558 TRADUCTION FR.^NÇAISE DE SAINT JEAN ClIRYSOSTOME.

serments, nous avons employé plusieurs jour- que nous désigne un témoignnge d'en-hant, et
nées de suite à vous entretenir de la même qui a dû à cette vertu une gloire toute spéciale ?
matière, ainsi voulons-nous faire pour la co- J'ai trouvé, dit l'Ecriture, Davd. fifs de Jessé,
lère,touchant laquelle nous vous adresserons homme selon mon cœur. (11 R<jis, 13-14; Act»
des exhortations suivies autant (ju'il sera en 43-22.) Lorsque Dieu donne son avis, il n'y a
notre pouvoir. — En effet, la meilleure ma- plus matière à contradiction. — Car c'est i'ar-
nière d'enseigner, selon nous, c'est de ne pas rêt d'un juge incorruptible qui ne consulte,
cesser de répéter un conseil, quel qu'il soit, pour prononcer, ni la faveur, ni l'animosité,
avant de l'avoir vu suivi et mis eu pratique. et dont la vertu toute seule obtient le suffrage.
Celui qui parle aujourd'hui de l'aumône, de- Mais, si nous l'offrons ici en spectacle, ce n'est
main de la prière, ensuite de la douceur, et pas seulement parce qu'il a été honoré de ce
puis de l'humilité, ne pourra convertir à au- suffrage divin, c'est encore parce qu'il a vécu
cune de ces choses ses auditeurs, tandis qu'il sous l'ancienne loi. En effet, que sous la loi
sautera ainsi d'un sujet à un autre, de celui-ci de grâce, on rencontre un homme pur de co-
à un troisième, et ainsi de suite. Celui qui lère, miséricordieux envers ses ennemis, clé-
veut insj)irer à ses auditeurs les vertus dont il ment à l'égard de ses persécuteurs, cela n'au-
leur parle, doit ne pas se lasser de revenir rait rien d'étonnant après la mort du Christ,
sans aux mêmes exhortations, aux
cesse après un
pardon, après tant de prescrip-
tel

mêmes avis, et ne point se jeter dans une au- tions pleines de sagesse mais qu'au temps de
:

tre iiiatière, (ju'il n'ait vu sa première leçon l'Ancien Testament, alors que la loi accordait
dûment enracinée dans les esprits. Ainsi se œil pour œil, dent pour dent, et autorisait la
conifiortent les maîtres: ils ne font point pas- peine du talion, un homme ail paru qui ait

ser les enfants aux syllahes, avant que ceux-ci outrepassé les bornes de l'obligation, et se soit
ne possèdent parfaitement leurs lettres. L'autre élevé d'avance ju^tju'à la philosophie apostoli-
jour nous vous lisions la parabole des cent que ;
qui pourrait entendre cela sans admira-
deniers et des dix mille talents, et nous vous tion? Et qui, faute de s'attacher à un tel mo-
faisions voir quel mal c'est que le ressenti- dèle, ne se priverait pas de toute excuse, de
ment'. En elfet, celui dont les mille talents n'a- tout titre à l'indulgence ? Mais, afin que nous
vaient point causé la perte, succomba à cause connaissions plus à fond la vertu de David,
de cent deniers; ils firent révoquer la grâce poruhttez-moi de revenir un peu en arrière, cl
(jui lui avait été accordée, le privèrent du de rai^piler les services rendus à Saùl par ce
bienfait reçu, le ramenèrent devant le tribunal, bienheureux. Car le simple fait de ne pas se
après qu'il avait été dispensé de rendre ses venger de la persécution d'un ennemi, n'a
comptes, de là, le jetèrent en prison, et le li- rien d'étonnant mais tenir entre se? mains uu
:

vrèrent enlin au supplice éternel. Mais aujour- homme qu'iii a comblé de bienfaits, et qui,
d'hui nous amènerons le propos sur un autre pour prix de ces bienfaits a tenté une, deux fois
sujet. Il pour bien taire, que otlui
faudrait, et plus, de faire périr celui dont il les a reçus,

qui vous parle de la douceur et de l'humanité devenir maître de sa vie, le laisser échapper, le

vous oflrît des exemples de ces vertus emprun- dérober aux desseins meurtriers des autres, et
tés à sa propre vie et tirés de son fonds, de fa- cela, i|uand il di'it ensuite persister dans ses
çon à vous diriger par sa conduite en même entrepi ises criminelles, n'est-ce pas atteindre
temps qu'il vous instruirait par ses discours. au plus haut degré où puisse s'élever la sa-

Mais comme nous sommes bien éloignés de gesse ?

tant de vertus, nous produirons un des saints 2. Quels services David avait rendus à Said,
devant vous, nous le mettrons sous vos yeux : comment, en quelles circonstances souffrez ,

par là nous vous donnerons un enseignement qu'un court récit vous le rappelle. Les Juifs
sensible et eflicace, en vous exhortant, aussi étaient en butte à une guerre terrible; partout
bien (jue nous-même, à imiter comme un mo- régnaient la peur et l'épouvante; nul n'osait
dèle tout tracé, la vertu de ce juste. lever la tête l'Etat tout entier était réduit à
;

Quel modèle mettrons-nous donc sous vos la dernière extrémité, chacun avait la mort

yeux, dans cet entretien relatif à l'humanité ? devant les yeux, tous s'attendaient chaijue jour
El quel autre pourrions-nous choisir que celui à périr, et vivaient plus misérables que lescri-
' Vo). loQi. IV, pag. 1. minels qu'on mène au dernier supplice, .\lors
HOMÉLIES SUR DAVID ET SAUL. — PREMIÈRE HOMÉLIE. 5;i0

David, quittant ses troupeaux pour le combat, mais, (|n'il jouit de la puissance. Comment
bien que son âge et sa profession l'exemptas- donc Saùl rt'|)Oiulit-il à ce bienfait? Si l'on con-
sent des travaux militaires se chargea lui , , sidère la grandeur des mérites, en ôlant la
seul, du commun fardeau de la guerre, et couronne de son front pour la poser sur celui
remporta des succès au delà de toute espé- de David, il ne se serait j>oint encore accpiillé,
rance. Et (juand bien même le succès lui il n'aurait payé que la moindre p;irlie de sa
aurait fait défaut, il eût mérité encore des dette. En elîet, il devait à David la vie et la
couronnes pour prix de son zèle et de sa ré- royauté et ; c'est la royauté seule (ju'il lui au-
solution. Car s'il avait été soldat et en âge de rait cédée. Mais voyons sa reconn;tissance à
combattre sa conduite n'aurait rien eu d'ad-
, roHivre. Cununent la lémoii:na-t-il? 11 vit dès
mirable; il n'eût fait qu'obéira la loi qui régit lors David avec dédance, et à partir de ce jour
les camps. Mais David ne cédait à aucune con- il le soujjconna. Pourquoi? par quelle raison?
trainte, que dis-je? beaucoup de personnes Car il faut bien dire le motif de celte défiance.
lui suscitaient des obstacles ; ainsi son frore le Aussi bien, quoi que l'on dise, elle ne saurait
blâma, et le roi considérant sa jeunesse , et la le justifier. Quel motif peut nous autorisera

difflculté qu'éprouve cet âge à braver les pé- soupçonner un homme à qui nous devons la

rils, le roi le retenait et lui prescrivait de res- vie et le bienfait de l'existence? Mais voyons la
ter Tu ne pourras marcher, lui disait-il, par'ce
: vraie cause de cette haine vous vous convain- ;

que tu es U7i petit enfant, et que cet homme est crez par là que de David ne
la victoire même
guerrier depuis sa jeunesse. ( I Rois , xvii fut pas ce qui lui attira le plus de haine et
33.) Néanmoins, sans qu'aucune raison l'en- que les choses qui l'exposèrent ensuite aux
courageât, si ce n'est le zèle divin et l'amour soupçonsetaux complots devaient au contraire
de la patrie qui échauffait intérieurement son lui valoir des honneurs. Quel était donc ce
cœur, comme s'il avait devant lui des brebis motif? Il avait pris la tète du barbare et s'en
et non des hommes, comme s'il devait faire la était allé chargé de ses dépouilles. Les femmes
guerre à des chiens, et non à une formidable sortirent, dit le texte, chantant et disant : Saûl
armée, il marcha plein de sécurité, contre les a frappé mille ennemis pour sa part, et David
barbares et il montra tant de sollicitude pour
;
dix mille. El Soûl se mit en colère et il voyait
le roi en cette occurrence ,
que celui-ci qui David avec défiance à partir de ce jour et dans
avant le combat et la victoire était prosterné la suite. (I xvm,
Pourquoi cela?
Rois, 6-9.)

la face contre terre sentit se relever son cou- ditcs-nioi? A supposer que l'on eût tort de
rage. En effet, ce n'est point seulement par ses parler ainsi, ce n'était pas une raison pour en
actes qu'il lui fut utile, c'est encore par ses pa- vouloir à David ; mais connaissant sa bonne
roles d'encouragement, en l'exhortant à re- volonté par ce qui s'était passé, sachant que
prendre confiance, à espérer bien de l'avenir : sansque rien l'y forçât ni l'y contraignît, il s'était

Que le cœur de moi maître 7ie s'affaisse point exposé de gaitté de cœur à un pareil danger, il

sur lui-même, lui dit-il, parce que ton servi- fallait se défendre désormais de tout mauvais
teur marchera et combattra avec cet étranger. soupç-ju contre lui. Mais ces éloges étaient jus-
(Ibid. V, 32.) Est-ce peu de chose, dites-moi, tes ; et s'il faut le dire au risvjue d'étonner,
que d'exposer ainsi sa vie sans nulle nécessité, c'est Saûl que les femmes favorisaient en par-
etde bondir au milieu des ennemis pour ren- lant ainsi, plutôt que David tl le premier au- ;

dre service à des gens auxquels on n'a aucune rait dû se tenir pour content de ce qu'on lui
obligation ? Ne fallait -il pas après cela lui avait fait tuer mille ennemis. Pourquoi donc
décerner le titre de Maître , le proclamer sau- s'indigner, de ce qu'on en avait fait tuer dix
veur de l'Etat, lui qui avait garanti, après la mille à David? Si Saùl avait contribué à la

grâce de Dieu, et la dignité royale , et les fon- guerre, s'il y avait pris une faible part, c'eût été

dements des villes, et la vie de tous ? Quel autre lui faire honneur (jue de dire Saûl a frappé :

service aurait-il pu rendre qui surpassât celui- mille ennemis David en a frappé dix mille.
,

là ? Ce n'est point à la fortune de Saûl, ni à sa Mais s'il était resté tremblant, cfl'rayé, enfermé,
gloire, ni à sa puissance , c'est à sa vie même immobile , s'attendant chaque jour à mourir,
qu'il rendit service ; il le rappela des portes du et si David avait tout fait à lui seul, n'était-il
tombeau ; c'est grâce à lui, autant que la chose pas absurde que celui qui n'avait aucunement
dépendait des hommes, que ce roi vécut désor- partagé ces périls s'indignât de ne pas avoir le
Î60 TRADUCTION FRANÇAISE DE SAINT JEAN CHRYSOSTOME.

plus grand lot dans les éloges ? Si quelqu'un son du roi, bien qu'il fût partout victorieux dans
devait s'indigner , certes c'était David ,
qui la guerre, que jamais il n'éprouvât déchec, bien
seul auteur de la victoire, en partageait la que ses services eussent été payés d'un pareil

gloire avec un autre. retour,il ne levait point séditieusementla tête,

3. Mais quittons ce point; j'arrive à autre ilne convoitait point la royauté, et au lieu de
chose. Supposons que les femmes aient eu tort, se venger de son ennemi, il continuait à lui

et qu'elles aient mérité le reproche et le blâme ;


rendre service et à triompher en son nom sur
en quoi cela atteignait-il David? Ce n'est pas les champs de bataille. Quel mortel féroce et

lui qui avait composé ces chants, qui avait per- sauvage, voyant cela, n'aurait point renoncé à
suadé aux femmes de parler ainsi, qui leur sa haine, n'aurait pas été guéri de sa jalousie ?
avait dicté ces louanges. Si donc il y avait lieu Mais cet homme dur et inhumain résista à tout
de s'indigner, il fallait s'indigner contre elles, cela; plongé dans un complet aveuglement,
et non contre le bienfaiteur de l'Etat tout en- tout entier à sa jalousie, il entreprend de faire
tier, contre un homme qui avait mérité des périr David et à quel moment (car c'est là ce
milliers de couronnes. Mais Saûl fait grâce qu'il y a de plus fort et de plus surprenant)?

aux femmes, c'est à David qu'il s'attaque. Et si au moment où David jouait du luth pour le
encore le bienheureux exalté par ces louanges, soulager dans sa démence. David, dit l'Ecri-
était devenu jaloux de son roi, l'avait ofl'ensé, ture, jouaitdu luth cliaque jour, et la lance
avait foulé aux pieds son pouvoir, peut-être la étaitdans la main de Said, et Saiil leva la
jalousie du roi lui-même aurait-elle quelque lance et dit : Je frapperai David, et il en

excuse mais s'il devint seulement plus doux


; frappa la muraille, et David, deux fois la dé-
et plus modéré, s'il garda fidèlement son rang tourna de son visage. (Ib. v, 11.) Pourrait-on
de sujet, quelle juste raison alléguer en faveur citer un plus grand excès de scélératesse? Oui,
de ce dépit? Lorsque celui qui est comblé peut-être ce qui suivit. Les ennemis venaient
d'honneurs s'élève en face de son supérieur, et d'être repoussés, les habitants revenaient à
ne cesse de faire servir à l'humiliation de eux, tous célébraient la victoire par des sacri-
celui-ci ses propres honneurs , alors cette pas- fices, et le bienfaiteur, le sauveur, auquel
sion trouve occasion de naître mais quand il ; étaient dues toutes ces félicités, Saûl essaie de
persiste à l'honorer ou plutôt quand il le sert le tuer pendant qu'il joue du luth, et lidée
avec un redoublement de zèle, et qu'il lui cède du service rendu ne suffit point à calmer la
en toutes choses, quel prétexte peut encore rage de ce furieux qui à deux reprises le vise

alléguer la jalousie ? afin de le tuer. Et c'est ainsi qu'il le récom-


Quand bien même David n'aurait pas eu pensa des dangers courus. Que dis-je? il
d'autre mérite, Saùl devait encore le chérir recommença et ce ne fut point assez pour lui
d'autant plus que, ayant sous la main une si de ce jour. .Mais le saint, en dépit de tout, per-
belle occasion de s'emparer de la tyrannie, il sistait à le servir, à exposer sa vie pour la

restait fidèle à la modération qu'il lui conve- sienne, à combattre dans toutes ses guerres, à
nait de garder. En etfct, ce n'est point seule- défendre son assassin au péril de ses jours loin :

ment ce que nous avons rappelé, ce sont les d'olfenser, soit par ses paroles, soit par ses ac-
circonstances qui suivirent, encore bien plus tions cette bête féroce, il lui cédait, lui obéis-

honorables pour David, qui ne purent enllor sait en tout; privé de récompense due à sa
la

son cœur. Quelles sont donc ces circonstances? victoire, frustré du salaire mérite par tant de
David, rapporte l'Ecriture, était prudent ai périls, il no lit pas même entendre une plainte,
toutes ses dc?narcftes, et le Seigneur tout-puis- ni aux soldats, ni au roi car ce n'est point
:

sant était avec lui, et tout hrucl et Juda ché- ])0ur une récompense humaine qu'il se signa-
rissaient David, parce qu'il entrait et sortait en lait ainsi, inaisbion en \ue de la rémunération
présence du peuple. Et Melchol, fille de Saiil céleste.Et ce qu'il faut admirer, ce n'est pas
(comme tout Israël) le chérissait. Et il surpas- seulement qu'il ne réclama point sa récom-
sait en sagesse tous les serviteurs de SaOl : et pense, c'est encore qu'il la refusa alors qu'on
son nom était en grand honneur. Et Jona- la luiollVait,par un prodige d'humilité, Saiil,
thas, fils ae Saùl, chérissait grandement Da- en ne pouvant venir à bout de le tuer en
ellet,

vid. (I Rois, xviii, U, 10, 20, 30, 2.) Néanmoins, dépit de toutes ses intrigues et de ses machi-
bien qu'il eût conquis tout le peuple et la mai- nations, recourt pour le perdre à l'artifice d'un
HO.MULIKS SUR DAVID KT SATL. — PREMIÈKF. HOMÉLIE. KOI

mariage un préseut de noces d'une


et iinaj^ine gnons-nous à tout faire et à tout souffiir pour
nouvelle espèce Le roi ne vent pas dautre
: délivrer nos ennemis de leur haine contre
présent que cent prdfiuces enlevés à ses ennemis. nous, et ne nous enquérons point si cette haine
(I Rois, xvHi, 2.").) Voici le sens de ces paroles : est juste ou injuste, mais cherchons seulement
Fais-moi périr cent honuneset ce sera ton pré- le moyen de l'apaiser. En effet le médecin s'oc-
sent de noces. Il de le livrer
parlait ainsi , afui cupe de guérir lemalade, et non de rechercher
aux ennemis sous prétexte d'un mariage. si le mal lui est venu justement ou injustement.
A. Néanmoins Da\id, considérant cette pro- Et vous auFsi , vous êtes les médecins de vos
position avec sa modestie accoutumée, refusa le persécuteurs; inquiétez-vous d'une seule chose,
mariage non à cause du péril ni par crainte
, , des moyens de faire disparaître leur infirmité.
des ennemis mais parce qu'il se jugeait indi-
, Ainsi se comporta ce bienheureux ; il préféra la
gne d'entrer dans la famille de Saûl; et voici pauvreté à la richesse, l'isolement à la patrie,
les paroles qu'il adressa aux serviteurs du roi : les fatigues et les dangers au luxe et à la sé-
Est-il facile à vos yeux que je devienne gendre curité, un perpétuel exil au séjour de sa mai-
du roi? mais je snis un homme obscur et de son, pour guérir Saûl de son animosité et de
basse condition? (I Rois, xvni, 23.) Et cepen- sa haine contre lui. Saûl, néanmoins, n'y ga-
dant ce qu'on lui oiï'rait lui était dû ; c'était le gna rien ; il allait poursuivant, cherchant de
prix, la rémunération de ses peines mais il ; tous côtés cet homme innocent à son égard,
avait tant de conlrilion d^ms le cœur, qu'après autant que lui-même était coupable envers lui,

tant d'exploit?, une si brillante victoire, une que dis-je? cet homme qui avait reconnu sa
parole donnée , il se croit indigne de recevoir persécution par mille bienfaits, et, sans le
la récompense qui lui est due; et cela quand savoir, tombe justement dans les
voici qu'il
il allait s'exposera de nouveaux périls. Mais filets de David. Là était nne care/vze, dit l'Ecri-

lorsqu'il eut vaincu les ennemis et reçu en , ture, et Saûl y entra pour se soidager. Or Da-
mariage la fille du roi, la même chose arriva vid avec SCS compagnons était assis à l'intérieur
encore David jouait du luth, et Saill cher-
: de la caverne. Et les gens de David lid dirent :
chait à le frapper avec sa lance^ et il la lança ; Voici le jour dont le Seigneur a dit : Je te li-
mais David se détourna et la latice frappa la vrerai ton ennemi entre les mains, et tu lui feras
muraille. (I Rois, xix, 9, 10.) Qui donc parmi ce qui sera agréable à tes yeux. Et David se
les plus versés dans la sagesse, ne se sciait leva, etdéroba furtivement un morceau du
il

point alors mis en courroux, et, sinon, pour manteau de Saûl. Et après cela le cœur de
tout autre motif, au moins dans l'intérêt de sa David lui battit, parce qu'il avait dérobé ce
propre sûreté, n'aurait cherché k tuer cet in- morceau de manteau, et David dit à ses gens :
juste agresseur? Ce n'était plus un meurtre; A Dieu ne plaise que je fasse ceci à mon maî-
et même, s'il eût frappé, sa douceur fût encore tre, à l'oint du Seigneur, de porter la main sur

allée au delà des bornes de la loi. En effet la lui, parce qu'il est l'oint du Scigjieur. Vous
loi accordait œil pour œil or, en cgori;cant ; avez vu les filets tendus, le gibier pris au
son ennemi, il ne lui eût rendu qu'un meur- piège, le chasseur averti, et tous l'exhortant à
tre pour trois, pour trois meurtres dénués de plonger l'cpée dans le sein de son ennemi.
toute excuse admissible. Néanmoins il n'en fit Considérez maintenant sa sagesse ; considé-
rien, il préféra prendre la fuite, s'exiler de la rez sa lutte, sa victoire, sa couronne. Car c'était
maison paternelle, devenir un vagabond un , un stade que cette caverne, et une lutte s'y pas-
fugitif, et gagner sa vie à grand'peine que de ,
sait, étonnante, inouïe. David était le lutteur,

se rendre auteur de la mort du roi. En effet ce contre lui la colère tenait le ceste, Saûl était
qu'il voulait, ce n'était point se venger de lui, le prix, le juge était Dieu. Mais plutôt ce n'est
mais le guérir de sa maladie, Ainsi il s'esquive pas seulement contre lui-même, ce n'est pas
loin des yeux de son ennemi afin de calmer , contre sa passion qu'il avait une guerre à sou-
chez celui-ci l'inflammation de sa blessure, et tenir c'était encore contre les soldats présents.
:

d'amortir l'ardeur de sa jalousie. 11 vaut mieux, En efïet, (lucl que fût son désir de rester mo-
dit-il, que je sois malheureux en butte à
et déré et d'épirgner son persécuteur, il devait
l'infortune, que de le laisser se charger devant redouterces hommes et craindre qu'ils ne vins-
Dieu d'un meurtre injuste. Ceci n'est point seu- sent à le massacrer lui-même dans celte ca-
lement à écouter, mais encore à imiter rési- ; verne, comme un traître, infidèle au soin de leur

Tome IV. 36
S62 TRADUCTION FRANTAISE DE SAINT JEAN CHRYSOSTOME.

Failli pour sauver leur commun ennemi. Il grands biens; car rien n'en^pêcbait, Saûl
était naturel, en effet, que chacun d'eux dît en égorgé, que la royauté ne passât aux mains de
lui-même avec colère Nous nous sommes
: David. Néanmoins, quand des raisons si puis-
faits exilés, vagabonds, nous avons quitté notre santes animaient les soldats, le généreux David
maison, notre patrie et tout le reste, nous nous pour triompher de tout, et per-
fut assez fort

sommes associés à toutes tes épreuves; et toi, suader à ses compagnons d'épargner leur en-
quand tu as entre les mains l'auteur de ces nemi.
maux, tu songes à le relâcher, afin (jue nous Mais il est à propos d'écouter les propres pa-
ne respirions jamais de tant de souffrances, et, roles des soldats qui lui donnaient ce conseil car ;

dans ton empressement à sauver ton ennemi, ce qu'il y a de pervers dans cette exhortation,
tu veux trahir tes amis? Et comment justifier montre la fermeté inébranlable de la résolu-
cela? Si tu ne tiens nul compte de ta propre tion de notre ju^te. Ils ne lui dirent [)as : Voilà
conservation, respecte du moins notre vie. Le celui qui t'a fait mille maux, celui qui a eu
passé ne t'irrite point? Tu ne te souviens plus soif de ton sang, celui qui nous a plongés dans
du mal qu'il t'a fait? A cause de l'avenir, tue- d'irrémédiables infortunes; voyant qu'il était
le, afin que nous n'ayons point ta subir des in- insensible à toutes ces raisons, et tenait peu de
fortunes encore plus grandes. S'ils ne disaient compte des fautes commises à sou égard, ils
pas CCS choses en propres termes, du moins ils invoquent l'autorité d'en-haut. Dieu l'a livrée
les pensaient, et bien d'autres encore. disent-ils, afin que par respect pour un arrêt
5. Mais le juste dont je parle ne faisait aucune émané de celte source, il marche au meurtre
de CCS réflexions; il songeait seulement à avec résolution. Est-ce là te venger toi-même?
ceindre son front de la couronne de patience, lui disent-ils. C'est obéir à Dieu, le servir
à faire preuve d'une sngesse nouvelle et singu- c'est mettre à exécution son arrêt. Mais plus ils

lière. Il n'y aurait pas tant lieu de s'étonner parlaient, plus David était porté à la démence.
s'ilavait été seul et livré à lui-même quand il Car il que si Dieu lui avait livré Saûl,
savait
épargnason pcrsécuteur,qu'ilyalieu de l'admi- c'étaitpour lui fournir la matière d'une plus
rer pour avoir tenu cette conduite devant d'au- grande gloire. Vous donc , de votre coté ,

treshommes. En efi'et, la présence des soldats si votre ennemi vient à tomber entre vos

mettait un double obstacle à ce vertueux des- mains, ne voyez pas là une occasion de ven •

sein. Il arrive souvent que, décidés par nous- geance, mais une occasion de salut. S'il faut
mêmes à sacrifier notre courroux et à pardon- épargner nos ennemis, c'est surtout lorsque
ner les fautes d'aulrui, si nous voyons d'autres nous les tenons en notre pouvoir. Mais peut-
personnes nous exciter, nous stimuler, nous être quelqu'un dira Et qu'y a-l-il de grand et
:

annulons notre décision, nous nous rendons à de merveilleux à épargner un homme que l'on
leurs conseils. Iiicii de j)arcil chez le bienheu- tient en son pouvoir? On a vu plus dune fois
reux David; après l'exhortation et le conseil, il des rois, maîtres, après leur élévation, de leurs
persista dans la sentence (ju'il avait rendue. Et anciens persécuteurs, trouver indigne d'eux et
ce qu'il faut admirer, ce n'est pas seulement du rang suprême qu'ils occupaient, de tirer
que les conseils des autres ne purent l'ébran- vengeance de ces cou[)ables, et ainsi l'éten-
ler, c'est encore qu'il ne les craignit pas, que due de leur pouvoir les amenait elle-même à
même il les amena à penser aussi sagement oublier l'injure.
que lui. En effet, si c'est une grande chose que Mais ici David n'était pas
rien de pareil,
de surmonter ses propres passions, c'en est sur le trône, ilencore occupé
n'avait pas
une bien plus grande que de savoir en outre la royauté, quand ayant Saiil entre les mains,
persuader aux autres d'embrasser la même ré- il lui pardonna de la sorte de fvaçon qu'on ne :

solution sans compter (jue ces antres n'étaient


, peut dire que la grandeur de son jiouvoir dé-
point des hommes sages, modérés, mais des sarma son courroux au contraire il savait que
:

Si Idats iKturris dans la guerre, poussés au dé- Saiil ne lui échapperait que pour reconuneu-
sespoir jtar l'excès d(î leurs maux, soupirant cer ses tentatives et le jeter dans de plus grands
a|)iès un peu de repos, sachant enfin (jue la périls : et néanmoins il ne le tua pas. (îardons-
fin de leurs maux résidait toute dans !e meurtre nous de le comparer à ces autres rois géné-
de leur ennemi et non-seulement la fin de
; reux. Il est naturel que ceux-ci pardonnent,
leurs maux, mais encore la conquête des plus qu.ind ils ont uu ^-^'^q assuré de sécurité pour
HOMÉLIES Sim DAVID ET SAUL. — PREMIÈRE HOMÉLIE. 803

Favenir : maisDavii) ,
qui allait déchaîner son au meurtre, il prie que Dieu lui conserve les
ennemi contre lui-même le sauver pour qu'il ,
mains pures. Peut-on rien trouver de plus hu-
lui fit la guerre, David néanmoins ne l'exter- main que cette âme? Appellerons-nous encore
mina pas et cela malgré les nombreux mo-
, , du nom d'homme celui qui montra dans une
tifs qui le poussaient à ce meurtre. En effet enveloppe humaine cette conduite angélique?
l'absence de tout secours auprès de Saul , les Les lois divines ne le permettraient pas. Car,
exhortations des soldats , le souvenir du passé, dites-moi, qui voudrait, de gaieté de cœur,
la crainte de l'avenir, la certitude d'échapper adresser à Dieu une semblable prière ? Que
à tout jugement quand il aurait égorgé son une prière semblable ? Qui se résignerait
dis-je,
ennemi, la pensée qu'après ce meurtre même facilement même à ne pas faire de vœux con-
il serait encore plus miséricordieux que la loi, tre son persécuteur? En effet, la plupart des
bien d'autres pensées encore l'excitaient, le hommes en sont arrivés à ce point de férocité
poussaient à percer Saûl de son glaive. Mais que lorsqu'ils sont faibles et ne peuvent point
rien ne put l'ébranler , et il resta comme faire de mal à celui dont ils ont à se plaindre,
un bronze invariablement attaché à la loi
,
ils appellent Dieu même au secours de leur ven-

de la sagesse. Maintenant pour que vous ne geance et sollicitent de lui la faculté de tirer
,

veniez pas me dire qu'il n'éprouva rien des raison de leur injure. David, au contraire,
sentiments que Ton pourrait supposer, et que ce par une prière directement opposée , le con-
fut en lui non vertu, voyez
insensibilité, et jure de ne pas lui permettre la vengeance, en
à quelle colère il sut résister. Que les flots du disant Le Seigneur me préserve de porter la
:

courroux se soulevèrent dans son cœur, qu'un main sur lui! comme si cet ennemi était son
orage troubla ses pensées, et qu'il refréna cet fils , son enfant légitime.
ouragan par la crainte de Dieu, qu'il étouffa le Mais ce n'est point assez de l'avoir épargné ;
cri de son cœur, c'est ce qui résulte des faits. il va jusqu'à le défendre ; et voyez avec quelle
// se leva, dit l'Ecriture, et déroba furtivement prudence et quelle sagesse. Comme en exami-
lin morceau du manteau de Saûl. Voyez-vous nant la vie de Saûl il n'y trouvait rien de bon,
quel orage de colère. Mais il n'alla pas plus loin, comme il ne pouvait dire : il ne m'a pas fait
il ne consomma pas naufrage car aussi- le : tort, ne m'a causé aucun mal (les soldats qui
il

tôt le pilote, je veux dire la piété, venant à être étaient présents auraient démenti ces paroles,
avertie ramena le calme où régnait la tempête.
, eux qui connaissaient par expérience la mé~
Le cœur lui battit : et comme on fait pour un chancelé de Saûl), il va de tous côtés cherchant
cheval rétif et emporté, il serra la bride à une excuse qui fût spécieuse. Alors ne trouvant
son courroux. nulle ressource dans la vie, dans les actions du
6. Voilà les âmes des saints : avant que de roi, c'est à sa dignité qu'il a recours en disant :

choir , avant que de tomber


elles se redressent, du Seigneur. Que dis-tu? que c'est
// est l'oint
dans le péché, elles relèvent la tête, parce un criminel, un scélérat, chargé de forfaits,
qu'elles sont maîtresses d'elle-mêmes et que qui nous a fait subir les pires traitements?
Ifcur vigilance ne s'endort jamais. Cependant Mais c'est un roi, c'est un souverain, il a été
quelle était la distance du vêtement au corps? investi nous commander. Et le mot
du droit de
Néanmoins David eut la force de ne point aller roi n'est pas celui dont il se sert C'est, dil-il, :

plus avant , et il s'accusa même avec sévérité Voint du Seigneur; invoquant ainsi non sa
du peu qu'il s'était permis. Son cœur battit^ dit dignité terrestre, mais l'élection divine pour le
le texte,parce qu'il avait dérobé le morceau rendre vénérable. Tu méprises, dit-il, ton
du manteau, et il dit à ses compagnons : Dieu compagnon d'esclavage? Respecte ton Maître.
me prései've!.. Qu'est-ce à dire. Dieu me pré- Tu foules au pied l'élu ? Redoute l'Electeur. En
serve? C'est-à-dire, que le Seigneur me soit effet si nous éprouvons crainte et tremblement
propice , et que alors même que je le voudrais devant les magistrats élus par un monarque,
Dieu ne tolère point que je commette cette ac- quand bien même ce sont des hommes vicieux,
tion, ne souffre point que je tombe dans ce des voleurs, des brigands, des prévaricateurs,
péché. En effet sachant qu'un tel effort de sa- que sais-je encore? si, au lieu de les mépriser
gesse dépasse presque la nature humaine, et à cause de leur perversité, nous respectons
nécessite l'assistance d"en-haut, songeant que en eux la dignité de celui qui les a choisis, à
lui-même avait été près de se laisser entiaîuer plus forte raison dcNons-nous tenir la même
564 TRADUCTION FRANÇAISE DE SAINT JEAN CIIRYSOSTOME.

conduite envers les élus de Dieu. Dieu ne l'a langage, apprendra, en s'y habituant, à con-
pas encore dégradé, dit-il, il ne Ta pas réduit sentir à uae réconciliation. Car les paroles, à
au rang des particuliers. Gardons-nous donc elles seules, sont un excellent remède contre
de bouleverser l'ordre, de nous révolter contre l'inflammation qui a son siège dans le cœur.
Dieu, et sachons pratiquer le précepte apostoli- 7. Ce que je viens de dire a pour but de signa-
que Qui résiste à la puissance, résiste à V ordre
: ler David, non-seulement à nos éloges , mais
de Dieu. Or ceux qui résistent attirent sur eux- encore à notre émulation. Que chacun donc
mêmes la condamnation. (Rom. xiii, 2.) Mais grave cette histoire dans son cœur qu'il y re- ;

il ne se borne pas à le nommer l'oint, il l'ap- trace avec la pensée, comme il ferait avec la
pelle encore son seigneur.Or ce n'est pas le fait main, cette double caverne. Saùl dormant
d'une sagesse commune, que de donnera son en- dans l'intérieur, et comme enchaîné dans les
nemi des titres d'honneur et de respect. Et ceci liens du sommeil, à la portée, à la merci de

encore sera plus facile à apprécier si l'on en celui qu'il avait si injustement traité David :

rapproche conduite d'autres personnes.


la — debout auprès du roi endormi à ses côtés les ,

Beaucoup de gens ne se résignent point à dé- soldats qui l'excitent à frapper, ce bienheu-
signer leurs ennemis uniment et simplement reux hvré à ses méditations, occupé à répri-
par leurs noms, il faut qu'ils y ajoutent des mer son courroux et celui des siens, et pre-
termes de violent reproche, le scélérat, Tin- nant la défense de ce grand coupable. Et ne
sensé, le fou, l'idiot, le coijuin, et mille autres nous bornons point à retracer cette image dans
termes pareils dont ils entremêlent leurs pro- notre pensée; dans nos réunions, conferons-
pos quand ils parlent de leurs ennemis. — en longuement les uns avec les autres avec ;

Pour prouver, je n'aurai pas besoin de cher-


le notre femme, avec nos enfants ne cessons ,

cher un exemple bien loin j'en trouve un : point de ramener ce récit. Si tu veux parler
tout près de moi, chez Saùl Uii-mème. L'excès d'un roi, en voilà un si tu veux parler de sol-
;

de son animosité lui défendait d'appeler noire dats, d'affaires de maison, d'alfaires publi-
saint par son nom c'est ainsi que dans une
: ques, les Ecritures t'offriront une ample ma-
fête, comme il le cherchait, il demanda : Oii tière. Rien n'égale l'ulililé de ces récits. Il est
est le fils de Je.^sé? Sil l'appela de la sorte, impossible ,
je dis impossible, qu'une âme ver-
c'est d'un côté, parce que le nom de David lui sée dans CCS hi>toires puisse jamais se laisser
faisait horreur, de l'autre, parce qu'il espérait dominer par la passion. Ainsi donc, si nous ne

nuire à la gloire du jusle en rappelant l'homme voulons pas dépenser le temps en pure perle,
obscur dont il él.iit fils : ignorant que ce (jui consumer inutilement notre vie en bagatelles
fait la gloire et la rcnonmiée, ce n'est point inutiles et sujierllues, étudions l'histoire des
l'éclatde la nai?pancc, mais bien la vertu. Le grands hommes ne cessons point de les redire
,

bienheureux Da\i(l agit autrement. Il ne dési- et d'en conférer. Et si une des personnes réu-
gna point Saiil par le nom de son i)ère, bien niessemel à parler de théâtres, de courses de
que celui-ci fût également un honune obscur chevaux, ou d'atïaires qui ne N'eus inlérossent
et de basse condition il ne l'aiipelle point
: point, faites-lui quitter un tel sujet, et embar-
d'autre part, par son nom \)uv et simple, mais quez-la dans ce jiropos. afm qu'après avoir pu-
bien par celui de son rang, par le titre de nos âmes, goûté un hoiiheur sans alar-
rifié
maître. Tant son âme était pure de toute ani- mes après nous êlre rendus doux et humains
,

mosité. —
Suis donc son exemjile, mon très- pour tous ceux qui nous ont offensés, nous
cher f(cre, etd'ahord apprends à ne pas désigniT quittions cette terre sans y laisser un seul en-
ton nneuii par dos termes injurieux, mais au
( nemi, et que nous obtenions les biens éternels,
contraire par des titres d'honneur, (lar si tu par la grâce et la charité de Nofrc-Seigneur
exerces ta bouche à donner à celui qui t'a f.iit .fésus-Christ,àqui gloire dans les sièdefc. Aintû
tiu mal des litres honorables et (|ui maniuent soil-il.

lu déféience. ton àme. ii force deniench* ce


HOMÉLIES SUR DAVID ET SAUL. — DEUXIÈME HOMÉLIE. CCa

DEUXIÈME HOMÉLIE.

Q!]8 c'est un grand bien, non-seulement de s'attacher à la pratique de la vertu, mais encore de louer la vertu ; que David gagna un plus \mn tro-

phée par sa clémence envers Saul, que par la mort de Goliath ;


qu'en agissant ainsi, il se fit plus de bien à lui-même qu'il n'en fit à SaJ , et

SOI la manière dont il se justifia devant celui-ci.

ANALYSE.

1» Qu'il est utne et bon de louer les hommes vertueux. —


SacrlQce qu'offre David à Dieu, en lui immolant sa colère.
2° Triomphe de David, après cet acte d'humanité.
30 Comment il se justifie auprès de Saiil, et fournit à celui-ci même l'occasion de se justifier.
4" Sage précaution de David^ afin de prouver à Saiil qu'il avait pu le tuer et l'avait épargné.
5» Sa douleur à la mort de Saiil. — Larmes de l'auditoire : d'où saint Jean Chrysostome tire un sujet d'exhortation.

Vous avez applaudi^ l'autre jour, à la pa-


1. nable que l'autre. Oui, H est moins grave, à
tience de David, et moi , d'autre part, je vous l'égard du châtiment, de pécher que de louer
ai félicités en nioi-mème de ce zèle de cette , les pécheurs, et cela se conçoit car un pareil :

prédilection pour David. En effet, ce n'est pas suffrage atteste une âme corrompue et atteinte
seulement l'ardeur à poursuivre, à pratiquer d'un mal incurable. En effet , celui qui tout ,

la vertu , c'est encore l'admiration pour ceux en péchant, condamne la faute, pourra un jour,
qui la pratiquent , et l'empressement à les avec le teqips, revenir à lui ; mais quiconque
louer, qui nous procure une récompense digne approuve le vice, s'est ravi à lui-même le re-
d'ambition de même que ce n'est pas seule-
: mède du donc raison de faire
repentir. Paul a
ment une conduite vicieuse mais encore la , voir qu'il y a plus de gravité dans ce dernier
louange accordée aux hommes vicieux qui cas que dans l'autre. Mais si les gens qui font
nous expose à un redoutable châtiment, plus l'éloge des actions criminelles encourent le
redoutable même s'il laut le dire, au risque
, môme châtiment, ou un châtiment encore plus
d'étonner, que celui dont sont menaces les grave que ceux qui les commettent; ceux qui
gens adonnés au vice. La vérité de ce que j'a- admirent et célèbrent les hommes vertueux
vance est prouvée par le langage de Paul : participent aux couronnes promises à ceux-ci.
Après avoir énuméré toutes les espèces de vices, Et c'est ce dont on peut voir encore la preuve
et avoir condamné tous ceux qui foulent aux dans l'Ecriture. Dieu, en effet, dit à Abraham :

pieds les lois du Seigneur, il poursuit en ces Je bénirai ceux qui te bénissent, et je maudirai
termes au sujet de ces mêmes personnes qui, ceux qui te maudissent. (Gen. xii, 3.) On peut
ayant connu l'arrêt de Dieu à savoir que , voir quelque chose de pareil jusque dans les
ceux qui font ces choses sont dignes de mort, jeux d'Olympie. En effet , ce n'est point seule-
non-seulement les font mais encore approu- , ment à l'athlète ceint de la couronne, ni cà celui
vent ceux qui les font : c'est pourquoi ô , qui endure les fatigues et les sueurs, c'est en-
homme! tues inexcusable. (Rom.i, 32etn, 1.) core au panégyristede ce vainqueur que profite
Voyez-vous que s'il parle ainsi, c'est pour mon- le chant de triomphe. Aussi en louant ce gé- ,

trer que ce dernier crime est moins pardon- néreux David de sa vertu , je vous loue aussi
566 TRADUCTION FRANÇAISE DE SAINT JEAN CHRYSOSTOME.

du zèle que vous témoignez pour lui. C'est lui sant au Seigneur une offrande de douceur et
qui a lutté, qui a vaincu, qui a ceint la cou- de modération, en immolant son courroux dé-
ronne mais vous par les éloges donnés à sa
; , raisonnable , en tuant sa colère en mortifiant ,

victoire, vous avez mérité d'emporter une ses membres terrestres. Lui-même il fut la .

bonne part des fleurs de cette couronne. Afin victime, le prêtre, l'autel. En effet, et la raison
d'ajouter encore à votre plaisir et à votre ri- qui faisait cette offrande de douceur et de mo-
chesse, je vais donc m'acquitter avec vous du dération , et la modération et la douceur , et
reste de l'histoire. L'historien, après avoir rap- le cœur où cette offrande se célébrait , toutes
porté les paroles, par lesquelles David demande ces choses étaient en lui,
la grâce de Saûl, ajoute qiïil ne leur permit 2. Enfin, quand il eut offert ce glorieux sa-
pas de se lever et de tuer Saûl (I Rois, xxiv, 8), consommé sa victoire et que rien ne
crifice , ,

iaif ant voir à la fois et l'ardeur de ces hommes manqua à son troj)hée le sujet de ces luttes ,
,

à commettre le meurtre et le courage de , Saûl , se leva, et sortit de la caverne, ignorant


David. Cependant combien d'ennemis, même tout ce qui s'était passé. Et David sortit après
parmi ceux qui sont réi)utés sages, tout en ré- lui ( l Rois , XXIV, 9 ) , élevant au ciel des re-
pugnant eux-mêmes au meurtre, ne se décide- gards désormais assurés, et plus joyeux alors
raient pas à empêcher d'autres mains de l'ac- qu'après avoir abattu Goliath et avoir coupé ,

complir. Tels ne furent point les sentiments la tête de ce barbare. En effet, cette dernière
de David mais comme s'il avait entre les
:
victoire était plus belle , le butin en était plus
mains un dépôt, et qu'il dût en rendre compte, précieux, les dépouilles plus superbes , le tro-
non-seulement il ne porte pas la main sur son phée plus glorieux. Alors, il lui avait fallu une
ennemi, mais encore il arrête ceux qui vou- fronde^ des pierres , une bataille rangée ; cette
laient le tuer, comme s'il n'était plus lui-même fois la raison lui a suffi , sans armes il a rem-
son ennemi, mais son garde-du-corps, son sa- porté la victoire, sans avoir versé de sang il a
tellite fidèle: de sorte que l'on ne se trompe- érigé le trophée. 11 revenaitdonc rapportantnon
rait pas en disant que David courut alors plus plus la tête d'un barbare, mais un cœur mortifié,
de danger que Saiil. En effet, il n'engageait mais une colère vaincue et ce n'est point dans :

point un mince combat, en faisant tous ses Jérusalem qu'il consacra ces dépouilles, mais
efforts pour le dérober aux mauvais desseins dans le ciel, dans la cité d'en-haut. On ne a oyait
des soldais ne craignait pas tant d'être
: et il plus les fenmies s'avancer à sa rencontre en
tué lui-même que de voir un de ces hommes dansant en le saluant de leurs acclamations
, :

se laisser emi)ortcr par la colère à frapper le mais le peuple des anges lui applaudissait
roi voilà pourquoi il entreprit l'apologie dont
:
là-haut, admirant sa sagesse et sa vertu. Car
j'ai parlé. Les soldats étaient les accusateurs; revenait après avoir
il fait mille blessures à
Saùl endormi l'accusé son ennemi le défen-
, ; son adversaire non à Saûl , qu'il avait sauvé,
,

dait; Dieu et lit juge, et son arrêt confirma l'o- mais à son véritable ennemi, le diable, qu'il
pinion de David. En effet, sans l'assistance de avait percé de mille coups. Car ainsi que nos
Dieu, n'aurait pu triompher de ces furieux
il :
colères nos luttes, nos chocs mutuels réjouis-
,

mais grâce de Dieu résidait sur les lèvres du


la
sent et charment le diable ainsi la paix , la :

l>rophètc et donnait un charme insinuant à


,
conconle , les victoires remportées sur la co-
tes paroles. D'ailleurs, David lui-même no con- lère, l'abattent au contraire et l'humilient, at-
tribua point pour une faible part au succès :
tendu (juil déteste la paix , qu'il est l'ennemi
u'est parce que, de longue date, il avait inspiré de la concorde, et le i)ère de la jalousie. David
ces stnlinients à ses compagnons (ju'au mo- sortait donc de la caverne, une couronne sur
ment de la lutte il les trouva préparés et obéis- la tête, une couronne aussi dans celte main
sants, car il ne s'était pas montré pour ses sol- ({ui valait un monde. En effet , de même que
dats un général, mais un prêtre: et dans ce ceux (jui se sont signalés au jeu du pancrace
jour la caverne était une église. ou du i)ugilat, reçoivent souvent des juges une
A la l'a(,oii d'un évêciue il leur adresse une , couronne dans la main avant d'en recevoir ,

homélie et après cette homélie


: il oITre un , une sur la tête: ainsi Dieu couronnait celte
sacrifice nier\eilleux, inouï, non point en im- main (jui avait eu la force de ra|);iortor ^on
molant un veau, en égorgeant un agneau, épee sans tache de montrer à Dieu unt. lame
,

mais, ce qui était bien plus précieux , eu fai- pure de sang, et de résister à un pareil assaut
HOMÉLIES SUR DAVID ET SAUL. — DEUXIÈME HOMÉLIE. B67

de colère. Ce n'est pas le diadème de Saûl, c'est lui cédait et lui obéissait constamment, celui
lacouronne de justice qui le décorait ce n'é- ; qui n'avait pas voulu poursuivre même une
tait point la pouri'ie royale, c'était une sagesse juste réparation, celui-là, sans stratagèmes,
supérieure aux forces humaines qui le révélait sans armes, sans chevaux, sans armée, voyait
d'un éclat devant lequel aurait pâli la robe la son ennemi tomber entre ses mains : et ce qui
plus magnifique. surpassait tout, il se rendait plus agréable à
11 sortit de la caverne avoc la même gloire Dieu.
que les trois enfants sortirent de la fournaise. 3. En effet, sije proclame heureux notre saint,
Le feu ne les consuma point rinccndie de la : ce n'est point |)Our avoir vu son ennemi gisant
colère ne put l'embraser. Le feu qui venait du à ses pieds, c'est pour l'avoir épargné lorsqu'il
dehors ne bîur fit point de mal mais lui, qui : le tenait en son pouvoir. Car c'est la puissance

portail en lui-même des charbons ardents, et de Dieu qui lui valut cette rencontre : mais il

qui voyait le diable attiser du dehors le feu de ne dut le reste qu'à sa propre sagesse. Comment
vue de son en-
la fournaise, sul résister et à la doit-on supposer que ses soldats se comportè-
nemi, aux exiiorlalions des soldats, et à la
et rent désormais à son égard ? Quelle affection
facilité du meurtre , et au délaissement de ne durent - ils pas éprouver pour lui ? S'ils
celui qu'il avait entre les mains, et au souve- avaient eu mille vies, n'auraient-ils pas été
nir du passé, et aux angoisses de l'avenir; et tout prêts à les sacrifier pour leur chef, ins-
certes, les sarmculs, la [)oix, les étoupes, et truits par l'exemple de sa sollicitude envers
tous les combustibles entassés dans la four- un ennemi, du dévouement qui devait l'animer
naise de Babylone, ne donnaient pas une plus pour les siens? Humain et charitable pour ses
vive flamme : il n'en fut point consumé, il persécuteurs, comment n'aurait-il pas eu les
n'éprouva rien de ce qu'on devait présumer; mêmes dispositions pour ceux qui lui étaient
il sortit pur, et la vue de son ennemi fut ce attachés? C'étaient pour eux la plus forte ga-
qui réleva au plus haut point de sagesse. Le rantie de sécurité. Mais ils ne lui étaient pas
voyant endormi, innnobile, impuissant, il se seulement plus attachés, ils étaient encore plus
dit Où est maintenant cette colère? où est
: ardents à marcher contre les ennemis, sachant
cette scélératesse?où sont tant d'artifices et de que Dieu combattait pour eux ne cessait d'as-
,

trames perfides? Tout a disparu, tout a fui de- sister leur général et de seconder toutes ses
vant un moment de sommeil le roi repose ; entreprises. Ce n'est plus un homme c'est un ,

enchaîné sans que nous ayons eu recours


, ange qu'ils voyaient en David. Et en attendant
pour cela à aucun complot, à aucun manège. la rémunération divine, ici-bas même, celui-ci
Il le voyait endormi et il méditait sur la mort gagna plus à sa propre clémence que celui
qui rious attend tous également. Car, qu'est-ce qu'il avait sauvé, et remporta une plus écla-
que le sommeil, sinon une mort temporaire, tante victoire, que s'il avait immolé Saiil. En
un trépas quotidien? Il n'est point hors de pro- etTet, quel profit comparable à celui de sa mi-

pos de rappeler encore l'histoire de Daniel.


ici séricorde lui aurait valu le meurtre de son
Daniel sortait de la fosse, après avoir triomphé ennemi? Songez donc, vous aussi, si jamais
des bêtes carnassières de même David quittait : votre persécuteur tombe en votre pouvoir, qu'il
la caverne, vainqueur d'autres monstres plus est bien plus grand et bien plus avantageux de

redoutables. Les lions entouraient de tous faire grâce que de tuer. Celui qui a tué se con-

côtés cet autre juste : ainsi le nôtre était en damnera plus d'une fois lui-même, il aura la
butte aux attaques de lions sans égaux en fé- conscience troublée, poursuivi chaque jour, à
rocité, je veux dire des passions d'un côté, le : toute heure, par son péché. Au contraire, celui
ressentiment du passé, de l'autre, la crainte de qui qui a su se maîtriser un instant,
a fait grâce,

l'avenir : David, néanmoins, sut apaiser, bri- est ensuite dans la joie et la béatitude il vit ;

der cer bètes féroces, faisant voir par sa con- dans une heureuse espérance, comptant que
duite qu'il n'y a rien de plus sur que d'épar- Dieu récompensera sa patience. Si jamais il lui
gner ses ennemis, rien de plus dangereux que survient quehiue calamité, avec une entière
de vouloir se venger et se faire justice. Car, confiance, il demandera à Dieu son salaire :

celui qui avait voulu tirer satisfaction était là, c'est ainsi que tous ces biens échurent à David

nu, désarmé, sans secours, à la merci d'autrui et qu'il reçut plus tard de Dieu d'amples et

comme un prisonnier au contraire, celui qui : merveilleuses récompenses , pour prix de sa


S6$ TRADUCTION FRANÇAISE DE SAINT JE.\N CHRYSOSTOME.

sollicitude envers cet ennemi. Mais voyez la que ce n'est p.is ta faute ; d'autres t'ont sédnit
suite. David, dit l'Ecriture, sortit de la caverne et gâté, c'est d'eux que vient tout le tort. Eu
derrière Saûl, et il cria derrière lui^ disant : elTut, il est plus facile à celui qui s'entend te-
Roi, mon seigneur. Et Saûl regarda derrière nir ce langage de détourner ses yeux du vice
lui^ et David tomba la face contre terre et il et de revenir à la vertu parce qu'il aurait,

l'adora. Voilà qui ne fait pas moins d'honneur honte et rougirait de paraître indigne de l'opi-
que d'avoir sauvé son ennemi. Car ce n'est nion qu'on a sr.i son com|)te. Paul emploie
point le fait d'une âme commune que de ne aussi ce moyen dans son épître aux Calâtes.
pas se laisser enfler par les services rendus au Après les longs et nombreux avertissements,
prochain, on plutôt de ne pas faire conmie le les reproches inouïs dont celte lettre est rem-

grand nombre, qui montrent à leurs obligés plie, quand il arrive au bout, voulant les dé-

le dédain qu'on a pour des esclaves, et les re- charger de ces accusations, afin qu'ils eussent
gardent avec hauteur. le temps de respirer après cette énuniération

Bien loin de se comporter ainsi, le bienheu- de griefs et le moyen de se justifier, il s'exprime


reux David, après son bienfait, n'en était que à peu près en ces termes : Tai en vous cette

plus modeste et cela, par la raison qu'il ne fai- confiance que vous n'aurez point d'autres sen-
sait honneur d'aucune de ces bonnes œuvres à timents; mais cehd qui vous trouble en portera
son propre zèle et qu'il rapportait tout à la la peine, quel qu il soit. (Gai. v, 10.) Ainsi fait

grâce divine. Voilà pourquoi ce sauveur adore David en ceite occurrence. En disant Pour- :

celui qu'il a sauvé, le salue ensuite du nom quoi prêtes tu l'oreille aux propos du peuple,
de roi et s'appelle lui-même serviteur afin de disant: Voici que David recherche ta vie? il
vaincre par celle attitude l'altier ressentiment fait entendre qu'il y a d'autres personnes qui

de Saûl, d'apaiser son courroux, de guérir sa excitent Saùl, d'autres personnes qui le cor-
jalousie. Mais écoutons dans quels termes il se rompent dans son empressement à lui fournir
justifie Pourquoi prêtes-tu Voreille aux pro-
: un moyen de justification. Puis, entamant sa
pos du peuple , disant : Voici que David re- propre apologie, il ajoute Et voici que tes :

cherche ta vie? [\ Rois, xxiv, 10.) Cependant le yeux ont vu aujourd lad que le Seigneur fa
narrateur a dit plus haut que tout le peuple livre entre mes mains dans la caverne, et je n'ai
était avec David, qu'il agréait aux yeux des pas voulu te tuer, et je t'ai c>parg?ié, et j'ai dit:
serviteurs du roi, que le fils du maître et toute Je ne porterai pas la main sur mon seigneur
l'armée lui étaient attachés de cœur. Comment parce qu'il est l'oint du Seigtieur. (I Rois,
donc peut-il dire ici qu'il y avait des gens qui xxiv, 1'.) Ces personnes m'accusent par des
le dénonçaient, le calomniaient et qui excitaient ])aroles, veut-il dire; mais moi, je me justifie

Saiil? En que Saùl ne cédait point à l'im-


cllet, par des actes, c'est par ma conduite que je ré-
j)ulsion d'aulrui, mais bien à la méchanceté fute l'accusation. Je n'ai pas besoin de discours;
innée dans son cœur en persécutant le juste, l'issue même des événements suffit à démon-
c'est ce que montre l'écrivain sacré en disant trer plus clairement que tout discours ce que
que les éloges donnés à David firent naître c'est que ces gens, ce que je suis moi-même et

l'envie chez Saùl et (jue cette envie ne faisait qu'enfin tout est mensonge et calomnie dans
que croître et progresser chaque jour. Pour- les accusations dirigées contre moi. Et peur le

quoi donc David rojelte-t-il la faute sur d'au- certifier je n'invoque pas d'autre témoin que
tres personnes, en disant Pourquoi prcles-tu
: toi-même, toi cjuc j'ai obligé.
i oreille aux propos du peuple disant : Voici ^ i.comment, dira-ton Saùl pouvait-il en
Et ,

que David recherche ta vie? C'est pour lui témoigner, puisqu'il était endormi tandis que
donner la faculté de revenir à de meilleurs ces choses se passaient, ipi'il n'avait pas en-
senUments. Souvent les pères agissent de la tendu ce qui s'était dit. »[uil ne s'était pas

sorte avec leurs enfants : viennent-ils à s'aper- aperçu de la présence de David, ne l'avait paj

cevoir que leur fils est perverti, qu'il a conmiis vu s'entretenir avec les soldats? Mais conmient
beaucoup de mauvaises actions, (juand bien prévenir celte objection de telle sorte que la
même ils se seraient assurés que c'est son démonstration devienne évidente? Si David
propre instinct, sa propre volonté qui l'a poussé avait produit en témoignage les persoimes qi.i

au vice,cela n'empêche pas que souvent ils ne étaient alors avec lui, Saûl aurait sus|ecté
rejettent le tort sur d'autres en disant : Je sais leur déclaration , il aurait cru qu'ils pirlaicut
HOMÉLIES SUR DAVID ET SAUL, — DEUXIÈME HOMÉLIE. B69

ainsi pour faire plaisir au juste. D'autre part, lui disant : Connais et vois aujourd'hui qu'il

si David avait appelé le raisonnement et les n'ij a sur ma main ni iniquité ni irrévérence :
probabilités à son seeours, il aurait exeiié en- et toi , tu tends des pièges à ma vie , afi7i de
core bien plus de défiance chez ce juge partial me en ceci particulièrement
la ravir. (Ib.) C'est
et prévenu. Comment, en effet lui qui après , qu'il faut admirer sa magnanimité, qu'il se
tant de services rendus s'acliarnait contre un sert uniquement des événements de ce jour
innocent, aurait-il pu croire que la \ictime pour se défendre. C'est à quoi il fait allusion
tenant en ses mains son persécuteur, l'avait en disant Connais et vois aujourd'hui. Je ne
:

épargné? Car la loi générale est que la plupart dis rien du passé, veut-il faire entendre; la
3eshommes jugent les autres d'après eux- présente journée suffit à ce que je veux établir.
mêmes ainsi l'ivrogne
: d'habitude se per- Cependant il n'aurait pas manqué de grands
suadera difficilement qu'il existe un homme services à énumérer, s'il avait voulu retourner

vivant dans la tempérance; celui qui fréiiuente en arrière : il pouvait rappeler à Saûl le com-
les prostituées prête son incontinence à ceux bat singulier que lui-même avait soutenu con-
même qui vivent chastement; de même en- tre le barbare , et dire : — Quand l'armée bar-
core , celui qui prend le bien d'autrui ne se bare allait inonder, comme un déluge, et
laissera pas facilement convaincre que des dévaster tout le royaume, ({uand vous étiez
hommes ont été jusqu'à faire le sacrifice de plongés dans la stupeur et dans la crainte et
leurs biens. Ainsi Saiil une fois en proie à
, que chaque jour vous vous attendiez à mourir,
son ressentiment, aurait eu peine à croire j'aiparu rien ne m'y forçait, au contraire tu
:

qu'il existait un homme assez maître de cette me retenais, tu m'arrêtais, en me disant Tu :

passion, non-seulement pour ne pas infliger ne pourras marcher parce que tu es un jeune ,

de mauvais traitements, mais encore pour enfant^ tandis que cet homme est guerrier dès
sauver celui qui l'avait maltraité. Aussi David, sa jeunesse ; y di résisté, j'ai bondi au premier
sachant que le juge était gagné, et que les rang, j'ai attendu l'ennemi, je lui ai coupé la
témoins qui pourraient être produits seraient tête; j'ai réprimé l'invasion de ces barbares,
nécessairement en butte au soupçon, David pareille à un torrent j'ai raffermi l'Etat ;

avisa à se munir d'une preuve capable de ébranlé c'est grâce à moi que tu as conservé
;

fermer la bouche aux plus impudents. — la couronne et la vie c'est à moi que tous les ,

Quelle preuve donc? Le morceau du manteau : autres doivent outre la vie la ville les mai- , , ,

il le présenta à Saiil, et lui dit : Voici dans ma sons qu'ils habitent, leurs enfants et leurs
main le morceau du manteau, cfiefai dérobé, femmes. Et après ce triomphe, il aurait eu à
et je ne f ai point donné la mort. (I Rois, xxiv, citer bien d'autres victoires non moindres. Il
i2.) Témoin muet, mais plus éloquent que aurait pu dire qu'une, deux fois et plus, Saùl
ceux qui ont la parole. C'est comme si David avait essayé de le tuer, et avait dirigé la lance
avait dit : Si je n'avais été près de toi; si je contre sa tête, sans lui laisser de rancune;
n'avais été à portée de ta personne, je n'aurais qu'après cela, lui devant la récompense de
pas coupé ce lambeau de ton vêtement. Voyez- son précédent exploit, il lui avait demandé
vous quel bien résulta pour David du trouble , pour présent de noces, non de l'or et de l'ar-
qu'il avait éprouvé d'abord? S'il n'avait pas gent, mais un carnage, une extermination;
ressenti un mouvement de colère, il nous eût et que cela encore il l'avait obtenu. Il aurait ,

été impossible de comprendre sa sagesse car ; pu dire tout cela, et bien d'autres choses en-
la plupart attribué sa modération,
auraient core plus importantes mais il n'en lit rien. :

non à la sagesse,mais à l'insensibilité; et il Car il ne voulait pas reprocher ses bienfaits à


n'aurait pas non plus entamé le manteau or, : Saûl, mais seulement le convaincre, qu'il était
îiiiLlu de l'avoir l'ait, il n'aurait eu aucun gage pour lui un ami dévoué, et non pas un traître
à produire aux yeux de son ennemi. Mais m un ennemi.
grâce à celte colère et à cette précaution, il Voua pouHjuoi il laisse de coté tous ces argu-
donna une preuve irréfragable de sa pré- ments, pour faire figurer seulement dans son
voyance. Quand donc il a produit ce témoi- apologie l'événement de ce jour même. Tant il
gnage vrai, irrécusable, c'est Saùl désormais, était exempt d'orgueil et pur de toute vanité ,

c'est son ennemi lui-même qu'il prend pour tant il est vrai qu'il n'avait en vue qu'une chose :

juge et pour témoin de son dévouement, en la volonté de Dieu. Il dit ensuite Que le — :
570 TRADUCTIO.N FR.\NÇA1SE DE SAINT JE.VN CHRYSOSTOME.

Seigneur soiljiige entre nous deux '} Rois, v, 1 3] : de ceux qui y sonttombésmorts. Que les pluies
non qu'il souhaitât la punition de Saùl, ni qu'il d'en-haut cessent donc de vous arroser il suffit ;

voulût en tirer vengeance, mais afin de 1 ef- que vous ayi z été arrosées, hélas du sang de !

frayer en lui remettant en mémoire le fulur mes amis et à chaque instant, il fait revenir
;

jugement, et non-seulement de l'effrayer, mais leurs noms Saùl et Jonathan, ces hommes ai-
:

encore de justifier sa propre conduite. Les faits mables et beaux, n'avaietit pas été séparés du-
eux-mêmes, veut-il dire, me fournissent toutes rant leurvie, et ils ne le furent pas dans la

les preuves désirables : si pourtant tu conserves mort. Faute d'avoir auprès de lui leurs cada-
un doute, je prends Dieu lui-même à témoin. vres pour les serrer dans ses bras, il les em-
Dieu qui connaît les mystères de la pensée de brasse par leurs noms, afin d'apaiser par ce
chacun, et qui sait sonder la conscience. moyen, autant qu'il était en lui, sa propre dou-
5. En disant cela, il voulait faire entendre qu'il leur, et de tromper l'excès de son infortune.
n'aurait pas osé invoquer l'infaillible Juge, et Beaucoup regardaient comme un irréparable
appeler le jugement sur sa tête, s'il n'était pas malheur la mort du père et du fils dans une
bien assuré de sa parfaite innocence. Et que ce seule journée David trouve en cela même un
;

n'est point ici une conjecture, que David, en sujet de consolation. Car ces mots Ils n'avaient :

faisant mention du grand jugement, voulait et pas été séparés durant leur vie, et ils ne le
se justifier lui-même, et ramener Saiil à la furent pas dans la mort, ne sont pas dits dans
raison, c'est ce que les faits précédents seraient une autre intention. On ne peut dire, veut-il
déjà suffisants à prouver; mais ceux qui suivi- faire entendre, que le fils ait à pleurer son

rent n'en fournissent pas un moins fort témoi- père, le père à gémir sur son fils ; ce qui n'ar-
gnage. En effet, Saùl étant retombé ensuite rive à personne est arrivé pour eux, c'est en
entre ses mains après avoir reconnu le bienfait
, même temps, c'est dans la même journée que
de son salut par de nouvelles entreprises contre la vie leur a été arrachée, il n'y a pas eu de
la vie de son sauveur, David, qui pouvait le survivant. Car il pensait qu'une séparation
massacrer avec toute son armée, le relâcha, aurait rendu la \ie insupportable à celui qui
sans lui avoir infligé aucun des traitements l'aurait conservée. Vous êtes attendris , vous
qu'il méritait. Alors, voyant maladie du que la pleurez, l'émotion trouble vos pensées, vos
roi était incurable, désespérant de jamais fléchir yeux sont devenus prompts aux larmes ? Eh
la haine (|ue lui-même lui inspirait, il se déroba bien que chacun de vous songe maintenant à
!

aux regards de son ennemi, et vécut chez les son ennemi, à l'auteur de ses peines, tandis
barbares, esclave, obscur, honteux, se procu- que la douleur palpite encore dans son sein.
rant par le travail et la |)eine ce qui était néces- Veillez sur lui sa vie durant, prenez le deuil

saire à sa subsistance. Et ce n'est pas là tout ce après sa mort, non par ostentation, mais du
qu'il faut admirer en lui, c'est encore qu'en fond de l'âme et dans la sincérité du cœur; et,

apprenant la mort de Saùl tué dans un com-


, quand il faudrait souflrir quelque chose pour
bat, il ail déchiré sa robe, iiu'il se soit couvert ne p:is affliger celui qui vous a fait tort, Siichez

de cendres, et qu'il ait éclaté en gémissements tout faire et tout endurer, dans l'espérance

comme s'il avait perdu un fils unique et légi- d'être amplement récompensé par le Seigneur.
time, ne cessant de répéter à haute voix et son Voyez Da\id : il obtint la royauté, et sans
nom et celui de son fils, chantant ses louanges, tremper ses mains dans le sang, la droite tou-

poussant des cris plaintifs, restant jusqu'au soir jours pure, il ceignit la couronne, il monta
sans nourriture, et maudissant jusqu'aux lieux sur le trône, avec un titre de gloire plus écla-
teints du sang de Saiil: Montagnes de Gelboc, tant que la pourpre et le liadème, sa clémence
^ue ni rosée, ni pluie ne tombe sur vous,
dit-il, envers un ennemi, les pleurs que lui a\ail
montagnes de mort parce que là sont tombes
,
arrachés la mort de Saiil. Aussi, maintenant
les boucliers des forts. (Il Rois, i, 21.) qu'il n'est plus, célèbre-t-ou encore sa mé-

Comme ces pères en deuil qui [trenuent leur moire. Ainsi donc, si tu veux, toi aussi, jouir
demeure en aversion, qui considèrent avec même ici-bas d'un jeriielncl renom, et posséder
douleur rue par laquelle ils ont conduit la
la là-haut les biens éternels, liomme, imite la

pompe funèbre de leur fils, David maudit les vertu do ce juste, prends >a sagesse pour modèle,
monlagnes mêmes (piele meuitre avait ensan- tais |)reuve en la londuilede lamême patience,

glantées. Je haisjusiju a l'endroit, dit il, à cause aliu qu'ayant supporte les mêmes épreuves
HOMÉLIES SUR DAVID ET SAUL. — TROISIÈME HOMÉLIE. 571

que David, tu soisjugé digne desmêmes biens ;


gloire, puissance, honneur, au Père et au Saint-
lesquels je souhaite à nous tous, tant que nous Esprit, maintenant et toujours, et dans les
sommes, d'obtenir, par la grâce et la charité de siècles des siècles. Ainsi soit-il.
Notre - Seigneur Jésus - Christ , avec lequel

TROISIÈME HOMÉLIE.

Qu'il est périlleux d'aller dans les Mires ;


que c'est une école d'aduhère et que de là proviennent les afflictions et la discorde ;
— quî David,
dans sa conduite à l'égard de Saul , se montra en tout d'une incomparable patience ;
— et que supporter un vol sans se plaindre est autant

qui donner l'aumône.

ANALYSE.

!• Réprimande sévère à l'adresse de ceux des fidèles qui se sont laissé entraîner au théâtre.
2o Contre les spectacles en général : combien ils doivent faire horreur à un chrétien.
3» Retour à l'histoire de David. —
Haine acharnée de Saiil qu'elle ne nuisit qu'à lui-même. : — Que la patience vant l'anmflne.
4» Prolit qu'on peut retirer des injures de ses ennemis. Exemple du pharisien et du publicain. Qu'il suffii de s'accuser d'une
faute pour en obtenir la rémission.
5° Que le démon lui-même ne peut rien contre l'homme, tant que l'homme ne se nuit pas à lui-même : à plus forte raison le?
ennemis. — désarmé par l'humanité de David.
Saiil
6» Que l'aveuglement produit par la haine, peut être dissipé par la mansuétude. Puissance de la parole, quand Dieu lui vient eu
aide. —De la civilité chrétienne.
7° Miracle opéré par la voix de David. Puissance de la douceur. —
Qu'il ne tient qu'à nous de désarmer nos ennemis.
8° Que le persécuteur est plus à plaindre que sa victime : témoin Saiil et David. — Que Dieu répare les iujuslices des hommei.
90 ConHance de Saiil : magnanimité de David. Exhortation au paidon des injures.

Bon nombre de ceux qui nous ont délaissés trement, la contagion de leur mal infecterait
l'autre jour, et qui ont déserté l'Eglise pour tout le troupeau. Voilà pourquoi, nous aussi,
les spectacles d'iniquité, sont présents si je ne nous voudrions connaître ces personnes du :

me trompe , aujourd'hui. — Je voudrais les moins, si nous ne pouvons les distinguer avec
connaître parfaitement, afin de les exclure du les yeux du corps, la parole saura bien les dé-

sacré parvis, non pour qu'ils demeurassent in- couvrir, et, s'ad ressaut à leur conscience, les

définiment dehors, mais pour qu'ils nous re- déterminera sans peine à s'en aller volontaire-
vinssent corrigés que des pères
: c'est ainsi ment, attendu qu'il n'y a de place dans cette
chassent souvent de maison des enfants la enceinte, que pour celui qui y apporte des dis-
coupables, et leur interdisent la table, non positions dignes des pratiques aaxquelles on
pour qu'ils en restent constamment exilés, s'y livre au contraire, celui qui prend part à
:

mais afin qu'amendés par cet avertissement, ils ces saintes réunions, quand sa conduite est dé-
viennent reprendre au foyer paternel la place pravée, présent de corps, en est exclu néan-
qui leur convient. Ainsi font encore les bergers, moins, et les excommuniés qui ne peuvent
ils écartent les brebis galeuses de celles qui pas encore reprendre place à la table sainte
sont saines, de telle sorte qu'une fois guéries sont moins rejetés que lui. En effet, ceux qui
de cette redoutable infirmité, elles puissent ont été bannis selon les lois de Dieu, et qui
rejoindre sans danger leurs compagnes au- ; restent d'hors, conservent toujours bonne es-
572 TRADUCTION FRANÇAISE DE SAINT JEAN CHRYSOSTOME.

péraiice ; car, s'ils veulent réparer les fautes vines paroles, où régnent la crainte de Dieu et
qui les ont fait exiler de l'Eglise, ils pourront la piété profonde, souvent, comme un adroit

y rentrer une fois que leur conscience sera pu- voleur, se glisse en secret la concupiscence ;

rifiée. Mais ceux qui se sont souillés, et qui, comment des hommes assis sur les degrés d'un
après avoir reçu l'injonction de ne point repa- théâtre, où ils ne voient que des spectacles,
raître avant d'avoir lavé la tache que leur ont n'entendent que des propos corrupteurs, res-
imprimée leurs péchés, osent enfreindre cette pirant la mollesse ou l'osbcénité, attaqués ainsi

défense, ceux-là ne font qu'envenimer leur de tous côtés, par les oreilles comme par les
blessure et qu'élargir leur plaie. En effet, ce yeux, pourraient-ils triompher de cette perni-
n'est pas tant le péché qui est grave, que l'ob- cieuse concui)iscence? Et s'ils ne le peuvent
stination dans le péché, et la désobéissance point, comment sauraient-ils échapper à l'im-

aux prêtres qui ont prononcé la défense. — putation d'adultère? Mais ceux qui n'échap-
Mais quel péché si atfreux ont-ils donc com- pent point à l'inculpation d'adultère, comment
mis, objectera quelqu'un, pour qu'on les ex- pourront-ils sans remords, gravir les degrés de
pulse de cette enceinte consacrée? Et quel ces saints portiques, et prendre part à cette
autre péché plus grand demandez-vous, quand auguste réunion?
des hommes, qui sortent tout formés d'une 2. Je vous conseille donc et vous conjure de

école d'adultère, osent ensuite impudemment, commencer par vous laver, au moyen de la con-

comme des chiens égarés par la rage, se jeter fession, du repentir et de toutes les ressources
sur ce sacré festin? Et si vous voulez savoir qui vous restent, du péché que vous avez com-
comment ils sont adultères, au lieu de parler mis en assistant à ce spectacle, avant d'écouter
en mon nom, je vous citerai les paroles de la parole divine. Votre faute n'est point une

Celui même qui doit juger toute notre vie : faute légère des exemples vous le feront voir
;

Quiconque, dit-il, aura regardeiine femme pour clairement. Si un serviteur s'avisait de déposer
la convoiter, a déjà commis Vadxdtèrc dans dans où son maître enferme des vête-
le coffre

son cœur. (Matth. v, 28.) Or, si fréquemment ments précieux et brochés d'or un sordide
la rencontre faite par hasard, sur la place, haillon d'esclave, tout pein de vermine, pren-
d'une femme vêtue avec négligence, et un re- driez-vous en patience une pareille témérité,
gard distrait jeté sur sa personne suffisent pour dites-moi ? Et si, dans un vase d'or accoutumé
séduire ceux qui vont au théâtre, non point
: à renfermer des parfums, un autre s'avisait
par hasard, ni sans retlexion, mais avec un de répandre de la fiente et des ordures, ne
empressement assez vif pour leur faire né- donneriez-vous pas des coups à celui qui aurait
gliger l'Eglise, et sous l'empire d'une curiosité commis cette faute? Mais quoi si nos coffres, !

libertine, qui passent en cet endroit leur jour- nos vases, nos vêtements, nos parfums, nous
née, les yeux attachés sur des femmes perchies inspirent tant de sollicitude, compterons-nous
d'honneur, comment pourraient-ils dire qu'ils pour moins notre âme ? et là, où a été versé
n'ont pas regardé avec convoitise? là, où se le parfum de l'esprit, irons-nous introduire
rencontrent ensemble propos dissolus, chan- des pompes diaboliques, de sataniques propos,
sons licencieuses, voix séduisante, fard autour des chansons qui respirent la luxure? Et com-
des yeux, fard sur les joues, costumes arran- ment Dieu supporterait-il cela, je vous le de-
gés avec coquetterie, attitudes enchanteresses mande? Certes il n'y a pas autant de différence
et mille autres sortilèges, combinés conune entre les parfums et les ordures, entre des vê-
des amorces jiour leurrer les s|)eclateurs ;
puis tements de maître et des vêlements d'esclave,
le laisser-aller du public, le relàciienient gé- qu'il n'en existe entre la grâce spirituelle et

néral, un lieu où tout invite à l'incontinence, ces perverses pratiques. Tu ne trembles pas,
tant les propos des assistants, avant la repré- mon ami, à la pensée de regarder avec les

sentation, (|u'ensuitt' ceux des acteurs; la mé- mêmes yeux et ce lit de l'orchestre, où se
lodie perfide des finies de toute espèce, et des jouent les drames abominables de l'adultère
autres instruments, qui amollit tout ce qu'il y et cette table sacrée où les redoutables mys-
a de ferme dans un cœur, qui livre toute une tères se célèbrent? d'écouter avec les même»
assemblée aux séductions des couitisanes, et inmiondes propos d'une courtisane
oreilles les
la leur olTre désarmée. Si dans ce lieu même, et les révélations d'un prophète ou d'un
où retentissent les psaumes, les prières, les di- apôtre? de recevoir dans le même cœur de
HOMÉLIES SUR DAVID ET SAUL. — TROISIÈME HOMÉLIE. 573

mortels poisons, eU'hostie redoutable et sainte. Par là nous donnerons nos soins à ceux qui
N'est-ce point de là que proviennent les ruines, sont atteints de [lareilles maladies, et nous raf-
les mariages malheureux, les guerres et les fermirons la santé de ceux qui eu sontexem|)ts,
luttesdomestiques? Quand tu t'es abandonné car ces deux class»;s d'hoirmies profitent égale-
au charme de ces spectacles, quand tu es de- ment de la parole les uns pour guérir, les
:

venu plus enclin au désordre, au libertinage, autres pour ne pas tomber malades. Mais
que toute chasteté te fait horreur, si tu reviens comme il faut garder un(- mesure jusque dans
alors chez toi et que tu revoies ta femme, certes le reproche, nous arrêterons ici celte exhorta-
ce ne sera pas sans un certain dégoût, quelle lion, etnous épuiserons ce que nous â laissé a
qu'elle soit d'ailleurs. Enflanuné de la concu- dire notre précédenti; matière, en rev<;nant en-
piscence qu'allument les théâtres, séduit par core à David. En effet, c'est un usage des
les enchantements de ce spectacle étranger, tu peintres, lorsqu ils veulent tracer une image
n'as, plus que dédains, outrages, insultes pour ressemblante, de faire as>eoir devant eux, un,
la pudique et chaste compagne de ta vie en- deux, trois jours, ceux qui désirent se faire
tière non que tu aies rien à lui reprocher,
: peindre, afin que celle contemplation assidue
mais rougissant de confesser la passion de , du modèle leur permette d obtenir une repro-
montrer la blessure que tu rapportes de là-bas, duction d'une fidélité parfaite. De même, puis-
tu arranges d'autres prétextes, tu vas chercher qu il s agit, pour nous aussi, de peindre, non
d'absurdes sujet*; d inimitié; tout ce qui est l'image d une forme corporelle, mais la beauté
chez toi ne que du mépris
t'inspire ; la cri- d'une ame et des charmes tout spirituels, nous
minelle et impure concupiscence qui l'a blessé voulons encore aujourd hui appeler David à
enchaîne seule ta pensée gardant ol)>iiné- ;
s'asseoir devant vous, afin que dirigeant tous
ment dans ton âme ^.i le son de celte voix, et sur lui vos regards, chacun de vous s'applique
cette posture, et ces regards, et ce<? gestes et à reproduire en son âme l'empreinte de la

toutes ces images de luxure, tu ne trouves- ;jîas beauté de ce juste, sa douceur, son humanité,
aucun attrait à lien de ce qui est dans ta mai- sa grandeur d'âme et toutes ses vertus. Eu effet,
son.Que dis-je, ta femme, ta maison? L'église si lesimages qui représentent le corps offrent
môme n'a plus de charme à tes yeux, et tu ne quelque charme à ceux (lui les considèrent, à
saurais plus entendre sans murmure parler de plus forte raison les images de l'âme. De plus,
la chasteté,de la [)udeur. Ce qu'on dit ici ne les premières ne sont point visibles partout, il
sera plus désormais pour toi une instruction, est nécessaire qu'elles restent toujours immo-
mais une accusation et peu à peu entraîne au
; biles au même endroit; tandis que celles-ci,
désespoir, tu finiras par renoncer brusquement rien ne t'empêche de les promener partout où
à cet enseignement si précieux pour tous les fi- il te plaira. En effet si tu as mis en réserve
,

dèles. — Ainsi donc, je vous exhorte tous, tant une telle image au fond de la pensée, en quel-
à fuir ces détestables loisirs du théâtre, qu'à y que lieu que tu te trouves, tu pourras l'avoir
arracher ceux qui s'y sont abandonnés. Ce n'est continuellement sous tes yeux et en tirer le ,

pas un divertissement, c'est une ruine, un plus grand profil. Et de même (jue ceux qui
chcàtiment, un supplice que tout ce qui se passe soutirent des yeux, s'ils liennenl à la main des
en ce lieu. éponges ou des morceaux d'élofles teints en
En effet, que rapporte ce plaisir d'un mo- azur sur lesquels ils ont les yeux constam-
ment, quand il enfante un long chagrin, quand ment fixés, procurent, au moyen de celte cou-
il allume une concupiscence qui, nous aiguil- leur,un soulagement à leur infirmité ainsi :

lonnant jour et nuit, nous rend incommode et vous-mêmes, si vous avez l'image de David
insupportable à tous? Regarde en toi-même, devant les yeux, si vous ne cessez de la consi-
vois ce que tu es en revenant de l'église, ce que dérer avec attention, quand bien même la co-
tu es en sortant du théâtre, fais la comparaison lère vous susciterait mille épreuves, et obscur-
de ces deux journées, et tu n'auras plus besoin cirait leregard de votre intelligence, vous
de nos paroles. Il te suffira de mettre ces deux n'aurez qu'à porter la vue sur ce modèle de
journées dans la balance, pour te montrer vertu, pour rentrer en pleine possession de la
combien il y a d'avantage ici, et là-bas, de santé et de la pure sagesse.
dommage. déjà entretenu de ce sujet votre
J'ai Que l'on ne vienne pas me dire J'ai pour
3. :

charité, et je ne me lasserai jamais d'y revenir. ennemi un scélérat, un pervers, un homme


BW TRADUCTION FRANÇAISE DE SAINT JEAN CHRYSOSTOME.

perdu, incorrigible. Quoi que vous puissiez mouton le plus farouche et le plus fier de tous
dire, il n'est point pire que Saûl qui, sauvé les animar.x féroces, qui désormais traverse la

par David une fois, deux lois et plus, ne cessa place publique sans effrayer personne. Quelle
de conspirer contre sa vie; qui ensuite, com- excuse nous reste-t-il donc, que pouvons-nous
blé de nouveaux bienfaits en retour, resta obs- dire pour nous justifier, nous qui apprivoisons
tinément dans sa perversité. Qu'avez-vous à les bêtes féroces, et qui uous prétendons inca-
dire, en effet? qu'il a dévasté voire terre, em- pables d'adoucir jamais des hommes , de les

piété sur vos champs, pénétré dans l'enceinte rendre jamais bienveillants à notre égard? Ce-
de volre^maison, enlevé vos esclaves, qu'il pendant c'est en dépit de la nature qu'une bête
vous a outragé, frustré, réduit à la misère? féroce s'apprivoise et c'est en dépit d'elle
,

mais il ne vous a pas encore ôté la vie, ce que qu'un homme est farouche. Si donc nous
Saûl cherchait à faire; et quand il aurait en- triomphons de la nature, comment nous jus-
trepris de vous ôter la vie, c'est une fois peut- tifier, quand nous affirmons notre impuissance

être qu'il l'aurait essayé, et non deux, trois à corriger la volonté? Que si vous résistez en-
fois et plus, ainsi que Saûl et quand ce serait
: core, j'ajouterai un dernier argument : c'est

une, deux, trois fois et plus, du moins ce ne que, à supposer même


malade incurable
le

serait pas après avoir reçu de pareils bienfaits, plus la peine sera grande, plus la récompense
ce ne serait pas après être tombé une et deux sera belle pour le médecin qui, au lieu de l'a-
fois dans vos mains, et avoir été épargné et : bandonner, continuera à prodiguer ses soins
quand bien même tout cela serait, je dis que à ce malade désespéré.
David conserverait encore l'avantage. En effet, En conséquence , ne songeons qu'à une
ce n'était point lamême chose d'agir avec une chose non à n'endurer aucun mauvais traite-
:

pareille sagesse au temps de l'ancienne loi, ou ment de la part de nos ennemis, mais à ne pas
de se signaler par de pareilles bontés, aujour- nous faire de mal à nous-mêmes de cette fa- :

d'hui que la grâce nous a été donnée. David çon, quelques épreuves qu'il uous faille subir,
n'avait pas entendu la parabole des dix mille nous ne serons pas bien à plaindre ainsi :

talents et des cent deniers David n'avait pas ; David poursuivi, fugitif, en butte à des entre-
entendu la prière qui dit Remettez aux hom^
: prises qui menaçaient jusqu'à sa vie, loin
mes leurs dettes ainsi que votre Père céleste.
, d'être à plaindre pour cela était aux yeux de
,

(Marc, XI, 25.) David n'avait pas vu le Christ tous plus glorieux, plus auguste, plus aimable
mis en croix, son sang précieux répandu; il que Saûl, et cela non-seulement aux yeux des
n'avait pas entendu tant de préceptes de sa- hommes, mais encore aux yeux de Dieu même.
gesse; il n'avait pas goûté à une telle victime, En elfet, quel tort fit à ce saint la persécution
ni pris sa part du sang du Maître élevé dans ; dirigée alors contre lui par Saûl? Ne le céiè-
des lois imparfaites et qui n'exigeaient rien de bre-t-on pas encore aujourd'hui? u'est-il pas
pareil, il sut atteindre la cime de la sagesse glorieux sur la terre, plus glorieux dans le
suivant Souvent on voit votre colère
la grâce. ciel? Les biens ineffables, le royaume des cieux
cl votre ressentiment s'allumer au souvenir du ne lui sont-ils pas réservés? Que gagna, au
passé : David, qui craignait ])0ur l'avenir, qui contraire, ce malheureux, ce misérable, à tant
savait parfaitement que sa patrie lui deviendrait de complots? N'a-t-il pas été précipité du trône,
inhabitable, que l'existence lui serait intoléra- n'a-t-il pas péri tristement avec son fils, n'est-
ble, s'il sauvait son ennemi , David néanmoins il pas l'objet d'accusations universelles, et ce qui

ne s'écarta pas de ses dcîvoirs envers lui,


mais est plus grave, n'est-il point maintenant livré
il s'en acquitta
pleinement, et ne crai;-'nit pas aux châtiments éternels? Mais voyons enfin
de se ménager un ennemi. Oui pourrait citer quel est le grief qui t'empêche de te récon-
un plus grand exemple de patience? Mais les cilier avec ton ennemi. 11 t'a ravi de l'argent'
faits uKMnes (|ui se passent sons vos yeux vont Kh bien! si lu supportes noblement ce préju-
vous faire voir qu'il vous est possible, si vous dice, tu recevras une récompense égale à celle
le voulez, de ramener à vous un homme ani- que tu aurais méritée en déposant la même
mé de sentiments hostiles à votre égard. Qu'y somme entre les mains des pauvres. Car celui
n-t-il de plus sauvage que le lion? néanmoins qui donne aux pauvres, et celui (jui ne pour-
il y a des hommes qui l'apprivoisent ; l'art fait suit ni de ses entreprises ni de ses imprécations
violence à la nature, et rend plus doux qu'un son spoliateur, agissent également l'un et l'au-
HOMÉLIES SUR DAVID ET SAUL. — TROISIÈME HOMÉLIE. r>7S

tre en vue de Dieu. Le motif du sacrifice étant VI, 22 et au contraire il dit la vérité, et
23';. Si
donc le même, il est clair (jue la couronne est (jue tu supportes avec douceur ses [)aroles et ,

la même pareillement. Mais il en a voulu à tes qu'au lieu de lui rendre injure pour injure
jours, il a essayé de te faire mourir? Eh bien! outrage pour outrage, tu gémisses amèrement,
ton action te sera comptée pour un martyre, que tu condamnes tes fautes, la récompense
si lu mets au rang de tes bienfaiteurs cet assas- que tu recueilleras ne sera pas moindre que la
sin, cet ennemi mortel, et si tu ne cesses de |)récédentc: c'est ce que j'essayerai de vous mon-
prier pour lui, d'appeler sur sa tète la faveur trer i)ar le moyen des Ecritures , afin de vous
divine. faire comprendre qu'aulanl sont inutiles les
Ne considérons donc pas que Dieu empêcha
4. amis flatteurs et complaisants, autant sont
le meurtre de David songez seulement que : utiles les ennemis qui font des reproches, ces
David ceignit une triple et quadruple couronne reproches fussent- ils fondés, pourvu que nous
de martyre, grâce aux homicides projets de voulions user à propos de leurs accusations. En
Saûl. En effet, celui qui, en vue de Dieu, sauve effet, il amis nous flat-
arrive souvent que les
son ennemi, un ennemi qui, une fois, deux fois tent pour nous être agréables; nos ennemis au
et |)lus, a dirigé la lance contre sa tète, celui contraire exposent nos iiéchés au grand jour.
qui ensuite, maître de le tuer, lui a fait grâce, Tandis que l'amour- propre nous empêche de
et cela, sachant bien que cet acte île clémence voir nos fautes, la haine de nos ei.nemis leur
serait le signal de nouvelles tentatives, il est donne souvent la clairvoyance qui nous man-
clair que cet homme sest fait égorger mille que souvent par leurs reproches ils nous met-
:

fois, autant qu'il était en lui : or, égorgé mille tent dans la nécessité de nous corrig-^r, et ainsi
fois à cause de Dieu, il a droit à bien des cou- leur inimitié de^ient pour nous un grand prin-
ronnes de martyre et, selon ces paroles de Paul: cipe d'utilité, non-seulement parce que leurs
Chaque jour je meurs en vue de Dieu. (Rom. vni, avertissements nous font souvenir de nos
26), il subit, lui aussi, en vue de Dieu, le même péchés, mais encore parce qu'ils nous en dé-
sort. Il pouvait faire mourir son assassin mais, : chargent. En effet, si ton ennemi te reproche
à cause de Dieu il ne le voulut pas il aima
, : un péché dont ta conscience te reconnaisse
mieux être chaque jour en danger, que coupable, et qu'entendant cela, au lieu de l'in-
d'échapper à tant de morts en commettant un jurier, tu gémisses amèrement et invoques le
meurtre permis. Mais s'il ne faut pas se venger Seigneur, du même coup, te voilà déchargé
de celui qui s'en prend même à notre vie, s'il complètement de ta faute. Quoi de plus heu- —
ne faut pas le haïr, à bien plus forte raison en reux Quel moyen plus facile de se laver de
1

est-il ainsi quand notre grief est différent et ses péchés ? Et pour que vous ne nous soup-
moindre. çonniez point de vous faire illusion par des
Il semble à beaucoup de personnes que les paroles hasardées, j'invocjuerai sur ce sujette
injures d'un ennemi, que le tort qu'il fait à témoignage des divines Ecritures ,
qui ne vous
notre réputation sont choses plus intolérables laissera plus aucun doute. 11 y avait un phari-
que mille morts. Voyons donc encore à exami- sien et un publicain, l'un plongé dans tous les
ner ce point. On a dit du mal de toi, on t'a vices, l'autre pratiipiant une rigoureuse é(iuité:
nommé adultère débauché ? si c'est la vérité
, car il il ne
avait fait l'abandon de ses biens,
corrige-toi; si ce sont des calonmies, il faut cessait de jeûner, et pur de cupidité;
il était
t'en moquer ; si tu te reconnais à ces paroles l'autre avait |)assé toute sa vie dans les rapines
deviens sage : si tu ne te reconnais pas, réponds et les violences. Tous deux montèrent pour
par le mépris ou plutôt ne te borne pas à te
: prier dans le temple. Puis le pharisien debout,
moquer, à mépriser, il faut te réjouir, et tres- se mit à dire Je vous rends grâces. Seigneur^
:

saillir de joie, selon la parole et le précepte du de ce que je ne suis pas comme les autres honi'
Seigneur Lorsque les hommes, dit-il, vous in-
: mes qui sofit voleurs , ijijustes , ni comme ce
jurient, et disent faussement toute sorte de mal publicain. (Luc, xviii, 11.) Mais le publicain
de vous, réjouissez-vous et sotjez heureux, parce qui se tenait plus loin ne releva pas cette in-
que votre récompense est grande dans les deux jure, ne rendit pas outrage pour outrage, ne
(Matth. V, 11 et 12); et encore: Réjouissez-vous dit pas comme font tant d'autres : C'est tui (jui
et tressaillez de joie., lorsque les hommes rejet- oses parler de ma vie, reprendre mes actions?
teront à tort votre nom comme mauvais. (Luc, Est-ce que je ne vaux pas mieux que toi?
576 TRADUCTION FRANÇAISE DE SAINT JEAN CHRYSOSTOME.

Veux-tu que je dise tes fautes, et que par là je à lui dire des paroles injurieuses la faute en :

te ferme à jamais l'accès de ce sacré portique ? est toujours à nous-mêmes. —


nous voulonsSi

Il ne dit aucune de ces sottes paroles que nous être sages, le démon lui-même ne saurait nous
prodiguons chaque jour dans nos in\cclives pousser à la colère c'est ce qui résulte et de
;

mutuelles; mais ayant gémi amèrement et bien d'autres choses et de Thistoire même qui
frappé sa poitrine, il se contenta de dire Ayez : nous occupe en ce moment, celle de David,
pitié de moi qui suis un pécheur {^^-^^ 13)i t* il sur laquelle il est bon d'appeler encore aujour-
s'en retourna justifié. d'hui vos regards, après avoir remémoré
Voyez-vous quelle promptitude? Il accepte d'abord à votre charité, où nous en sommes
l'injure, et il se lave de l'injure ; il reconnaît reste l'autre jour. Où donc en sommes-i.»3US
ses péchés, et il se décharge de ses péchés : resté ? A l'apologie de David. Nous devons donc
l'accusation portée contre sa faute a pour aujourd'hui rapporter les paroles de Saùl, et
résultat de rcHaccr, et son ennemi, malgré voir ce qu'il répondit à la justification de
lui, devient son bienfaiteur. Combien aurait-il David. Car ce n'est point seulement par les
fallu de mortifications à ce publicain, déjeunes, discours de David, c'est encore par les propos
de sommeils sur la dure, de veilles, de distri- de Saiil, que nous connaîtrons la vertu de
butions aux indigents, pour pouvoir se déchar- David en effet si nous remarquons quelque
:

ger de ses péchés ? Et voici que sans avoir rien douceur et quelque aménité dans son langage
fait de tout cela, au moyen d'une simple nous en ferons honneur à celui qui sut chan-
parole il se purifie de tous ses vices; les in- ger cet hcmme, qui sut former et redresser
sultes, les affronts de celui qui avait cru l'ou- son âme. Voyons donc ce que répond Saùl ?
trager lui procurent une couronne de justice, Après avoir entendu David lui dire: Voici
sans sueurs, sans fatigues, sans dépense de dons ma 77win le morceau de ton manteau^ et
temps. Voyez-vous que lorsqu'une personne se défendre comme on sait: Cest ta voix,

dirige contre nous des imputations véridiques, s'écrie-t-il, 7no7i fils David! (I Rois, xxiv, il.)

dont notre conscience elle-même reconnaît la Quel changement opéré tout à coup! Celui
justesse,si au lieu d'outrager le médisant, qui jadis ne se résignait pas même à l'appeler
nous [)leurons amèrement, et que nous implo- par son simple nom, qui haïssait jusqu'à ce
rions Dieu pour nos péchés, nous pourrons par nom, voici qu'il l'introduit dans sa famille en
là nous décharger de toutes nos fautes C'est '.'
l'apitelant son fils!Quel plus heureux sort que
ainsi du moins que le publicain, par exemple^ celui de David, qui se fit un père de son assas-

fut justifié attendu que loin de répondre par


:
sin, qui changea ce loup en brebis, qui sut

une msulte à l'insulte du pharisien, il avait éteindre, à force de l'arroser, cette fournaise
gémi sur ses propres péchés, il s'en retourna de colère; qui fit succéder le calme à la tem-
mieux justifié que cet homme. pête et guérit toute rinllanunaliondece cœur!
Voyez-vous de quel profit peut être pour
5. Les paroles de David, en pénétrant dans la
nous l'insolence de nos ennemis, si nous sa- pensée de cette bête féroce, avaient opéré tout
vons nous y résigner avec sagesse ? Or, s'ils le changement dont témoigne «ctte réponse.
nous sont utiles en tout cas, soit qu'ils men- Saùl ne dit pas, en effet C'est toi qui parles,
:

tent, soit qu'ils disent la vérité, de quoi nous mon fils David! mais bien : C'est ta voix, f7wn

plaignons-nous, qu'est-ce qui nous afilige ? Si /ils David! car le seul son de cette voix suffisait

tu ne te nuis pas à toi-tnèuie, mon cher audi- désormais à l'attendrir. Et connue un père qui
teur, ni ami, ni ennemi, ni le diable lui-même entend, après une longue absence, retentir la
ne pourront te nuire. Enetfet si l'on nous rend voix de son enfant, n'a pas besoin de le voir
service en nous outrageant, ou nous proscri- pour être en éveil il lui suffit de l'entendre ;
:

vant, en attentant même à notre vie, si par là de même que les paroles de David,
Saùl, après

les uns, ainsi que nous l'avons montré, nous en pénétrant dans son cœur, en eurent chassé
tressent une couronne de martyre, tandis (jue la haine, reconnut alors le saint, et, guéri de

les autres allègent le fardeau de nos péchés et sa passion, sentit une autre passion l'envahir :

la colère avait dis|>aru, la joie, l'afTeolion lui


font de nous des justes, connue il advint pour
le publicain, pourquoi dès lors serions-nous succédèrent. El de même que, dans l'ombre
exaspérés contre eux ? Ainsi donc ne disons de la nuit, il nous arrive de ne pas nous aper-
point : Un tel m'a provoqué, un tel m'a poussé cevoir de la présence d'un anii, taudis que, le
4

HOMÉLIES SLK DAVID ET SAUL. — TROISIÈME HOMÉLIE. 577

jour venu, du plus loin que nous le voyons, que parler , et toutes les puissances contraires

nous l'inousdojii reconnu souvent la même:


prenaient la fuite. La voix des saints dompta
chose arrive aussi pour la haine. Tant que plus d'une fois les éléments et plus d'une fois
nous sommes mal disposés mutuellement, changea leurs |)ropriétés. Jésus fils de Navé
nous entendons avec partialité la voix l'un de iiG\ii(\n'Ai\\ï:cquelesoleiletla hcne s'arrêtent:
l'autre et nous nous 'voyons avec un esprit et ils s'arrêtèrentde même encore Moïse con-
;

prévenu; mais, une fois que nous sommes mer, et la déchaîna de même les trois
tint la ;

guéris de notre colère, cette voix, naguère jeunes gens éteignirent l'ardeur du feu par
odieuse et ennemie, nous paraît douce et déli- des hymnes et par la voix. Voilà pourquoi Saùl
cieuse; ce visage odieux et importun devient ému au seul son de cette voix s'écrie Cest , :

aimable et charmant à nos yeux. ta voix, mon


fils David? Et David que dit-il ? ,

0. Voyez l'orage les nuages amasses ne per-


:
Ton esclave, Roi^ mon seigneur.C'csi une dispute
mettent ^r:\s à la beauté du ciel de se montrer, et un combat, à qui fera le plus d'.ionneur à
et quand bien même nos yeux seraient mille l'autre. Saùl a traité David en parent, David l'ap-

fois plus perçants, nous ne saurions alors pelle son maître. Voici ce qu'il veut dire ne : je
atteindre à la sérénité d'en-haut; mais, quand cherche qu'une chose, ton salut, et puis, à
la chaleur du rayon réussit enfin à déchirer la faire des progrès dans la vertu. Tu m'as appelé

nue etdécouvre le soleil, elle découvre en ton moi je suis content et satisfait, si tu
fils,

même temps la magnificence du ciel. La même me pour ton esclave, à condition toute-
tiens
chose arrive quand nous sommes en colère : fois que tu abjures ta colère, à condition que tu

d'abord, la haine étendue devant notre ouïe et ne conçoives sur mon compte aucun mauvais
notre vue, comme un épais nuage, nous fait soupçon et que tu ne me prennes point pour
,

paraître tout autres et les sons de la voix et les un traître et pour un ennemi. Il accomplissait
traits du visage; mais du moment où, par un ainsi ce précepte de l'Apôtre qui nous enjoint
eObrt de sagesse, nous avons guéri noire haine de nous honorer les uns les autres en nous
et déchiré le nuage de notre mauvaise hu- prévenant et nous surpassant à l'envi et de ;

meur, alors notre regard, notre oreille jugent ne pas faire comme beaucoup de gens ,
de tout avec impartialité. C'est ce qui advint moins bien dressés que des bêtes de somme,
alors à Saùl. En effet, le nuage de la haine une qui ne se résignent pas même à adresser les
fois déchiré, il reconnaît la voix de David et premiers la parole au prochain croyant se ,

s'écrie Cest ta voix, mon fils David! Qu'était-


: faire injure et se ravaler, s'ils offraient à quel-
ce donc que cette voix? C'était celle qui avait qu'un une simple salutation.
abattu Goliath, qui avait arraché l'Etat de ses Quoi de plus ridicule qu'une telle démence ?
périls, qui avait rendu au calme et à la liberté quoi de plus honteux que cet orgueil, et cette
tant d'hommes exposés à l'esclavage et à la présomption? C'est quand tu attends la saluta-
mort; c'était celle (jui avait apaisé la fureur tion du prochain que tu te ravales, mon ami,
de Saùl, celle qui lui avait rendu tant de ser- que tu te fais injure, que tu te déshonores. Car y
vices éclatants. a-t-ilrien de pire que la démence? de plus ri-
En effet c'est bien la voix de David qui
, dicule que l'orgueil et la vanité? Si tu adresses
triompha de Goliath car avant la pierre, la
: le premier la parole. Dieu te louera, ce qui passe
force de la prière avait triomphé de ce bar- avant tout, et les hommes aussi t'approuveront;
bare David n'avait pas simplement lancé sa
: et pour le salut adressé au prochain, c'est toi
pierre, il avait commencé par dire : Tu viens seul qui seras récompensé : mais si tu as at-

contre moi au nom de tes dieux : moi je marche tendu pour lui rendre hommage qu'il eût pris
contre toi au nom du Seigneur Sabaoth, que tu les devants, tu n'as rien fait que d'ordinaire.
as insidté en ce jour Rois, xvii, 45), et c'est
(I C'est celui qui aura pris vis-à-vis de toi l'ini'.

seulement alors qu'il lâcha sa fronde. C'est tiative des hommages , c'est celui-là qui seuu
cette voix qui dirigea la pierre , c'est elle qui sera récompensé, même
de la courtoisie que
jeta l'angoisse au cœur du barbare, c'est elle tu lui auras témoignée. En conséquence, n'at-
qui abattit l'audace de l'ennemi. Et pourquoi tendons pas que les hommages d'autrui pré-
t'étonnerquela voix d'un juste apaise la colère, viennent les nôtres. Empressons-nous au-de-
et extermine l'ennemi, quand elle met en fuite vant du prochain pour l'honorer, donnons-
jusqu'aux démons? Les apôtres ne faisaient lui toujours l'exemple des salutations et ne ,

Tome IV. 37
TRADUCTION FRANÇAISE DE SAINT JEAN CHRYSOSTOME.

croyons pas que ce soit un mince et vulgaire de la démence qui peut le porter à de pareils
mérite, que de se montrer affable et courtois. excès. — En empêchant de tuer leses gardes
La négligence en ce point a brisé bien des roi,Saûl lui avait rendu service quant à l'exis-
amitiés, a engendré bien des haines au con- : tence présente mais en chassant le crime de
;

traire, l'empressement à remplir ce devoir a son ùme par la douceur de ses propres paroles,
mis fin à de longues guerres, et resserré c'est la vie future, ce sont des biens immortels
nombre d'amitiés. Ne néglige donc pas, mon qu'il lui procura, autant qu'il était en lui. —
cher frère, de remplir avec zèle cette obliga- Par conséquent, lorsque vous le louerez de sa
tion bien au contraire s'il est possible, pré-
: , jropre humanité, admirez-le encore davantage
venons tousceux que nous rencontrons, quels à cause de la conversion de Saùl. Car la victoire
qu'ils soient, tant en paroles qu'en hommages qu'on remporte sur ses passions est encore
de tout genre. Que si Ton te rend les devants, bien loin du triomphe qu'on obtient sur la folie
réponds par un surcroît d'hommages. En effet, des autres, en apaisant l'irritation de leur cœur,
c'est le conseil que nous donne Paul en disant: en opérant un pareil calme après une pareille
Croyez les auti^es au-dessus de vous-mêmes. tempête, en remplissant de larmes brûlantes
( Philipp. II, 3.) Ainsi agit David il prévint : des yeux où brillait une ardeur homicide. Voilà
Saiil , et à son hommage il répondit par un ce qui doit exciter toute notre surprise, toute
hommage plus grand : Ton esclave, Roi, mon notre admiration. Si Saûl avait été un homme
seigneur. Et voyez quel bénéfice il retira de vertueux et modéré, ce n'eût pas été un bien
sa conduite. Lorsqu'il l'eut entendu parler grand succès pour David que de lui inspirer sa
ainsi,Saùl ne fut plus maître désormais d'en- propre vertu. Mais, quand il avait devant lui
tendre cette voix sans pleurer il gémit amè- : un homme farouche, plongédans une extrême
rement, montrant par ses larmes, et la guérisou perversité, et animé de la iiassion du meurtre,
de son âme et la sagesse que David lui avait l'amener, dans un si court espace de temps, à
inspirée. se guérir de toute cette férocité, n'est-ce pas
7Quel plus heureux sort que celui de ce pro-
. éclipser tous les maîtres qui se sont jamais fait
phète, qui dans l'espace d'un instant transforma un nom dans l'enseignement de la philosophie?
à ce pomi son ennemi, qui, ayant devant lui Et vous aussi, par conséquent, si votre en-
une âme altérée de sang et de carnage, la jeta nemi tomber en votre pouvoir, ne son-
vient à
aussitôt dans les gémissements et les lamenta- gez pas aux moyens de vous venger de lui, et
tions? Je n'admire pas tant Moïse, pour avoir de le renvoyer tout abreuvé d'insultes; songez
fait jaillir des fontaines d'une roche escarpée, aux moyens de le guérir, de le ramener à la
que je n'admire David pour avoir arraché des vertu ; et ne cessez pas de recourir à tous les
larmes à des yeux secs ainsi que la pierre. expédients, à toutes les paroles, jusqu'à ce que
Moïse vainquit la nature, mais David triompha votre douceur ait trionii)lié de son àprete. En
de la volonté Moïse frappa la i)ierre de sa ba-
; etl'et, rien n'est plus puissant que l'humanité.
guette, David toucha avec sa parole le cœur de — Et c'est en ce sens qu'on a pu dire ; De douces
son ennemi, non pour lui faire mal, mais pour paroles àriscro?it des os. (Prov. xxv, lo.) Et ce-

le purifier et pour l'adoucir ce (ju'il fit en : pendant,quoide plusdur qu'un os? Néanmoins,
effet, rendant ainsi à Saûl un service plus quelle qu'en soit la dureté, la raideur, celui qii
signalé que le précédent. Sans doute on ne — saura le manier sans brusquerie en triomphera
peut trop le louer et l'admirer de n'avoir point sans peine. Ailleurs encore i'ne réponse sou- :

percé Saiil de son glaive, de n'avoir point mise détourne la colère. (Prov. xv, 1.] D'où il
coupé cette lète ennemie mais il faudrait en- ; résulte que l'irritation de ton ennemi ou sa ré-
core bien plus de couronnes pour le récom- conciliation dépend moins de lui-même que
penser d'avoir transformé celte volonté même, de toi. —
En elVet, c'est à nous, et non à ceux
de l'avoir améliorée, et d'avoir communiqué à (jui sont en colère, qu'il appartient d'éteindre
cet homme sa propre vertu. — Ce dernier leur courroux, au lieu de l'attiser. — Et c'est
bienfait est sui)érieur à l'autre. En effet, ce encore ce qu'a fait voir par un simple exemple
n'est jias la même chose de faire don de la vie, l'auteur des maximes citées plus haut. Si, dit-
ou d'inspirer la sagesse ; ce n'est pas la même il, en souftlant sur une étincelle, tu en fais
chose (le dérober (pielqu'un à un courroux jaillir la (lamme, tandis qu'en crachant tu lé-
homicide, de le sauver du fer, ou de le guérir tcius, cl si lu es maili'c de produire ces deux
HOMÉLIES SUR DAVID ET SALL. — TROISIEME HOMÉLIE. 579

effets, ou pour citer le texte même, si ces deux que lui témoigner plus de compassion : plus
choses sortent de ta douche (Eccli. xxvii, H), Saûl s'acharnait dans ses tentatives homicides,
il en est de même de hi haine du prochain ; si plus David versait de larmes sur lui. C'est

tu lui fais sentir le soufile d'un fol orgueil, tu qu'il savait, oui, il savait à merveille, que ce
ravives le feu, tu allumes les charbons ; si au n'est pas la victime, mais le persécuteur qui
contraire, tu as recours à des paroles douces et mérite des larmes et des gémissements à cause
circonspectes, avant que l'incendie se soit dé- du mal qu'il se fait à lui-même.
claré, voilà toute sa colère étiMnlc. Ne va donc Voilà pourquoi il se justifie longuement au-
pas dire : J'ai souffert tel et tel traitement, j'ai près de Saiil, et ne s'arrête point avant de l'a-

re(;u telle ou telle injure ; tout cela dépend de voir amené lui-même à se défendre non sans
toi seul. — Connue l'étincelle que tu es libre pleurer et sans gémir. Saiil, en effet, com
d'éteindre ou d'allumer, ainsi tu peux à ton mença par sangloter, par pousser des excla-
gré, soit apaiser soit aviver cette colère. Lors- mations de douleur, et des gémissements dé-
que tu vois ton ennemi, ou encore, que ton chirants; après quoi, écoutez conmient il parle :

esprit se représente les choses désagréables Tu es plus juste que moi parce m'as ,
gtic tu

qu'il t'a fait entendre ou subir, oublie tout rendu du bien, et que moi^ je ne t'ai rendu que
cela : et si impute au diable
tu t'en souviens, du mal. (I Rois, xxiv, 18.) Voyez-vous com-
cette pensée. Recueille, au contraire, tout ce ment il condamne sa propre perversité, com-
qu'il a pu te dire de bon, tout le bien qu'il a pu ment il exalte la vertu du juste, comment il

Et si
te faire. tu conserves précieusement ce plaide pour lui sansy être nullement contraint.
souvenir, tu auras bientôt désarmé la haine. Imitez cet exemple. Quand votre ennemi est
Veux-tu faire des reproches à ton ennemi, devant vous, au lieu de l'accuser, défendez-le,
avoir avec lui un entretien? Commence par si vous voulez qu'il s'accuse lui-môme. En

bannir la passion, par éteindre ton courroux, c'est nous qui l'accusons il se fâche
effet, si ,
;

et alors seulement demande-lui compte, et siau contraire nous prenons sa défense, il aura
{âche de le confondre : de cette manière, il te égard à notre modération et deviendra dès ,

sera facile d'avoir l'avantage. Car, dans la co- lors son propre accusateur. Et par là, tout à la
lère, il nous est impossible de rien dire, de fois , il est démontré coupable sans qu'aucun
rien faire qui soit raisonnable : mais, dès que doute subsiste, et il est guéri entièrement de sa
nous serons affranchis de cette passion, au- méchanceté. C'est ce qui arriva dans celte occa-
cune parole dure ne sortira plus, ni de notre sion; c'est le coupable qui soutient l'accusation
bouche, ni de celle des autres. En effet, ce — avec énergie , tandis que la victime garde le
n'est point tant la nature des propos qui cause silence. Car Saiil ne se borne pas à dire Tu :

généralement notre irritation, que la préven- m'as fait du bien, il dit Tu m'as rendu du :

tion suggérée par la haine. Souvent il nous bien; en d'autres termes A mes desseins meur- :

arrive d'entendre les mêmes injures proférées triers, âmes tentatives homicides, à tant de
soit par des amis, en forme de badinage, soit persécutions, tu as répondu par de grands
par des boulions, soit par de petits enfants, bienfaits. Et moi, malgré tout cela, je ne suis
sans qu'elles nous causent aucune impression pas devenu meilleur; même après ces bien-
pénible, aucune irritation, ou fassent autre faits, je me suis obstiné dans ma méchanceté ;

chose que nous porter à rire et nous égayer; toi, même alors, tu n'as pas changé, tu es
c'est que nous les avons entendues sans |)arti resté fidèle à ton caractère , tu as persévéré
pris, et sans aucune prévention inspirée par la dans ta générosité envers moi, ton assassin.
colère. Par conséquent, lorsqu'il s'agira de tes Combien de couronnes David ne mériterait-
ennemis, il te sufflra d'éteindre ton courroux, il pas pour chacune de ces paroles? En etfet,

de bannir ta haine, pour qu'aucune de leurs si c'est la bouche de Saiil qui les prononça,
paroles ne puisse te chagriner. c'est la sagesse, c'est l'habileté de David qui
8. Que dis-je, de leurs paroles? Je devrais les lui inspira. Et tu m'as recelé aujourd'hui^
ajouter, ni de leurs actes, comme le prouve continue Saiil, le bien qun tu m'ns fait, lorsque
Tt-xemple de notre bienheureux: Voyant son le Scirnipur m'a livré a'/jrio'd'hui entre tes
ennemi armé pour sa perte, et ne négligeant mains, et que tu ne m'as pas tué. Voici encore
rien pour la consommer, non-seulement il une imnvoH" v.r'tu .;u'il uî^ribrc à Ta'.id [»ar
n'en conçut point d'animosilé, mais il ue (ii ce U'ijioigufigc : le bienfuileur n'a pas gardé le
580 TRADUCTION FRANÇAISE DE SAINT JEAN CHRYSOSTOME.

silence, il n'a pas dédaigné de venir révéler parler ainsi, dis-moi ? C'est simplement sa ma-
son bienfait, non par ostentation, mais pour nière d'agir. En effet un homme .«ans défen.«6,

montrer et prouver par ses actes, qu'il était sans armes, sans appui, n'aurait pas triomphé
au nombre des fidèles dévoués au roi , et non de moi qui suis armé etsi grande
entouré d'une
pas au nombre des traîtres et des malfaiteurs. puissance, s'il eu Dieu à ses côtés;
n'avait pas
En effet, c'est quand il y a un grand profit à et celui qui a Dieu à ses côtés n'a pas d'égal en

espérer, qu'il est permis de parler de ses bien- puissance. Voyez-vous quelle est maintenant
faits. mention et les proclame,
Celui qui en fait la sagesse de Saul, de ce persécuteur? Voyez-

sans avoir de raison pour cela, ne vaut pas vous comment il n'y a pas de méchanceté dont
mieux que celui qui les reproche; mais celui on ne puisse se guérir et se corriger, pour re-
qui agit ainsi pour convaincre un ennemi par- venir au bien?
tial et prévenu, celui-là fait un acte ce bonne 9. Il ne faut donc point désespérer de notre
volonté et de bienfaisance. C'est ce que fit David ; salut. Quand bien même nous serions plongés
non qu'il fût jaloux du suffrage de Saiil, mais au fond des abîmes du vice, il nous est possible
parce qu'il voulait arracher le ressentiment de revenir à nous, de nous amender, et de nous
enraciné dans le cœur de ce roi. Et c'est pour- débarrasser de toutes nos iniquités.
quoi Saûl remercie à la fois et de lui avoir
le Après cela, que dit Saûl : Jure-moi par le

rendu un service, et de le lui avoir révélé. Seigneur, que tu n'extermineras point ma race
Ensuite cherchant un moyen de témoigner après moi et que tu n'effaceras point mon nom
sa reconnaissance et n'en trouvant point qui de la maison de 7non père. Un roi adresse une
lût à la hauteur des services reçus, i! transfère requête à un simple particulier; un homme
sa dette au nom de Dieu môme, en disant Si : dont le front est ceint du diadème, prend en
quelqu'un trouve son ennemi dans la tribula- main un rameau de suppliant, afin de fléchir
tions et qu'il le remette dans lahonnevoie, que un fugitif en faveur de ses propres enfants.
Dieu récompense ce bienfait ; c'est ce que tu as Encore un signe de la vertu de David, que son
fait aujourd'hui. (I Rois, xxiv, 20.) En effet, ennemi ait osé lui faire une pareille demande!
comment Sauf aurait-il pu reconnaître digne- Quant au serment qu'il réclame, ce n'est point

ment les bienfaits de David, quand bien même qu'il se défie des sentiments de David, c'tst
il lui aurait donné la royauté et toutes les villes qu'il se rappelle tous les maux qu'il lui a
de ses Etats? causés. Jure-moi que tu n'extermineras point
Cène sont point seulement des villes, cen'est ma race après moi. Il confie à son ennemi la

pas la royauté, c'est la vie même qu'il devait à tutelle de ses enfants, il lui remet entre les
David, et Saùl n'avait pas une autre vie à lui mains ses propres rejetons; on croirait, à l'en-
donner en échange. Voilà pourquoi il le ren- tendre, (lu'il prend par la main tuteur et pu-
voie à Dieu, et le gratifie des récompenses d'en- l)illcs, avec Dieu pour médiateur. Mais Da>id?

liaut, tout à la fois le remerciant par là et en- Es-tce qu'il n'accueille point cette demande,
seignant à tous les hommes qu'il nous est au moins avec un peu d'ironie? Nullement :

permis d'espérer de Dieu de plus grandes ré- sans hésiter, il y fait droit, et accorde la faveur
munérations, alors qu'en échange de mille ser- demandée : et, après la mort de Saûl, non con-
vices rendus à nos ennemis, nous n'obtenons tent d'épargner sa race, il lit plus (]u'il n'avait

en retour que des traitements contraires. Puis promis. Saûl laissait un fils boiteux, infirme
il ajoute Voici que je comprends que tu ré-
: d'une jambe ; il le fit entrer dans sa maison,
gneras et que la royauté d^ Israël sera dans ta asseoir à sa table, et le combla d'Iionneurs ;et

main. Et maintenant jure-moi par le seigneur loin d en rougir, loin de s'en cacber, loin de
que tu n'externùncrois poijit ma 7'ace api'ès croire la table royale déshonorée par l'inlir-

moi et que tu n'effaceras point mon nom de la


s
mité de cet enfant, il s'en faisait bien plutôt

maison de mon.pèrc.{\h.y,'-l\, "i^l.) Et qu'est-ce honneur En elTel chacun de ses con-


et gloire.

qui te fait deviner cela, dis-moi? Dans ta main vives quittait sa table muni dune grande leçon
sont les armées, dans ta main les trésors, les de sagesse. En voyant le rejeton de Saûl, cet
armes, les villes, les chevaux, les soldats, tout acharné jKnsecuteur de David, en si grand
ce qui compose un appareil royal : David au honneur au|»rès de ce dernier, il n'y en avait

contraire est seul et sans appui, sans patrie, point, lût-il plus inhumain que le plus féroce

sans foyer, sans maison. Qu'est-ce qui te fait des animaux, qui ne se hàtàt, honteux et confus,
HOMÉLIES SUR DAVID ET SAUL. — TROISIÈME HOMÉLIE. «81

de se réconcilier avec tous ses ennemis. C'eût ton recours, les ennemis que tu auras comblés
étédéjàbeaucoupquedepourvoird'unemanière de bienfaits seront alors pour toi de puissants
quelconque à la subsistance de cet enfant, (jue défenseurs ;
par pardonner bien
là lu te feras

de ne le laisser manquer do rien; mais l'avoir des fautes, et tu |)0urras réclamer ta récom-
admis à sa propre table, c'est le comble de la pense, et quand bien même tes péchés seraient
vertu. Vous n'ignorez pas sans doute combien innombrables, tu n'auras qu'à te couvrir de
il est malaisé d'aimer les fils de ses ennemis. cette i)rièie : Pardonnez à vos ennemis, et votre
Quedis-je? de les aimer? Je devrais dire de Père voits pardonneravos fautes {}i\Mh. vi, 14.),
ne point les haïr, de ne point les persécuter. pour obtenir en toute sécurité rémission de
Combien de gens, après la mort de leurs en- toutes tes fautes en même temps que tu vivras
nemis, ont déversé leur ressentiment sur les ici-bas au sein de l'espérance et que tu ren- ,

enfants que ceux-ci avaient laissés Bien loin ! contreras partout la bienveillance autour de
de faire comme eux, le généreux David, après toi. En effet, ceux qui verront comment tu

avoir protégé les jours de son ennemi, tandis aimes tes ennemis et leurs enfants ne vou- ,

qu'il était en vie, reporta, quand il eut cessé draient-ils pas aussitôt devenir tes amis dé-
d'exister, sa sollicitude sur les enfants qu'il voués et tout faire tout souffrir pour toi ?
, ,

avait laissés. Mais lorsque tu jouiras d'une si grande part


Quoi de plus auguste qu'une pareille table dans la faveur divine lorsque de tous côtés, ,

entourée des enfants d'un ennemi, d'un meur- on te souhaitera tous les biens quelle peine ,

trier? quoi de plus spirituel qu'un tel banquet, éprouveras-tu désormais, quelle vie sera plus
où abondaient tant de bénédictions? C'était le fortunée que la tienne? Cela n'est point fait
festind'un ange plutôt que celui d'un homme. seulement pour exciter en ce lieu une admi-
En eiîet accueillir, fêter les enfantsd'un homme ration passagère en sortant d'ici gardons-en
:
,

qui avait tant de fois attenté à ses jours, elqui, le souvenir, mettons-nous en quête i)artout de
là-dessus , avait perdu la vie , c'en est assez tous nos ennemis, réconcilions-les avec nous,
pour lui assurer une place dans le chœur cé- faisons-nous-en des amis sincères. Que s'il faut
leste. Suis cet exemple , mon cher auditeur ,
nous justifier solliciter leur indulgence, ne
,

et durant la vie de tes ennemis, comme après reculons pas quand bien même nous serions
,

leur mort, aie soin de leurs enfants: pcndantleur les offensés. Par là nous rendrons notre ré-
,

vie , afin de regagner par ce moyen rafTection compense plus belle , notre confiance jdus
des pères : après leur mort, afin d'attirer sur grande ;
par là, nous gagnerons certainement
toi une abondance de faveurs divines, d'avoir le royaume descieux, par la grâce et la charité
mille couronnes à poser sur ton front , d'ob- de Notre-Seigneur Jésus-Christ, avec lequel
tenir de tous mille bénédictions; non -seule- gloire, puissance, honneur, au l*ère et au
ment de tes obligés, mais encore des témoins Saint-Esprit, maintenant et toujours, et dans
de ta bienfaisance. Au jour du jugement ce sera les siècles des siècles. Ainsi soit-il.

mt PC OCATRifcME TOLCMX.
ERRATUM.

Page 559, col. 2, ligne 17 et siiiv.

Au lieu de : Lisez :

Mais voyons la vraie cause de cette haine ;


« Mais voyons la vraie cause de cette haîne;

vous vous convaincrez par là que la victoire « vous verrez que David méritait, et ceci n'est
même de David ne fut pas ce qui lui attira le a pas au-dessous de sa victoire, d'être honoré
plus de haine et que les choses qui l'exposè- « pour ce qui le faisait soupçonner et persé-
rent ensuite aux soupçons et aux complots de- « cuter. »
vaient au contraire lui valoir des honneurs.
TABLE DES MATIÈRES
CONTENUES DANS LE QUATRIÈME VOLUME.

HOMÉLIE réunion depuis longtemps ;


que la vie vertueuse vaut

Sur la parabole du Débiteur des dix mille talents. — mieux que les miracles et les prodiges; — sur la dif-

férence qu'il y a entre la bonne vie et les miracles.


Inliumanité de ce débiteur qui, ayant obtenu de son
créancier la remise totale de sa dette, exigea impitoya-
bleraent de son compagnon le payement d'une dette de TROISIÈME HOMÉLIE.
cent deniers. Le ressentiment des injures est pire que
tout pechê. (Matth. xiii, 23 etsuiv.) 1
Qu'il est utile de lire la —
sainte Ecriture ; qu'elle dé-
livre de la servitude et rend invjn' ible à toutes les tri-
bulations attentivement; — qne
celui qui la lit le titre
HOMÉLIE d'apôlre résume on plusieurs
lui de titres gloire; qne

Sur ce texte de saint Matthieu : Mon père, s'il est pos-


les apôtres sont plus grands que — aux les rovs; nou-
veaux baptisés. 31
sible, que ce calice passe loin de moi, toutefois non
ma volonté mais la vôtre. (XXVI, 39.)
Contre les Marcionites et les Manichéens; qu'il ne faut QUATRIÈME HOMÉLIE.
pas s'exposer au danger, mais préférer la bonté de
Dieu à tout le reste. 12 Qu'il n'est pas sans péril de taire ce que l'on entend à
l'église. —
Pourquoi les Actes des apôtres se lisent à la
HOMÉLIE Pentecôte. —
Pourquoi le Christ ne s'esl-il pas montré
à tous les hommes après sa résurrection. — Que les
Sttr la nécessité de régler sa vie selon Dieu. — Sur miracles opérés par les apôtres donnèrent une démons-
le texte : La porte est étroite. — Explication de tration plus claire de sa résurrection que n'aurait fait
l'oraison dominicale. 19 sa vue elle-même. 58

HOMÉLIE
HOMELIES SUR LES CHANGEMENTS DE NOMS.
Sur le paralytique descendu par le toit. — Qu'il est
différent de celui dont parle saint Jean, et de l'égalité PREMIÈRE HOMÉLIE.
du Père etdu Fils. 25
Prononcée après la lecture du texte : Saul respirant la
menace et le meurtre
conformément aux désirs des
,

HOMÉLIES SUR L'INSCRIPTION DES ACTES. auditeurs qui s'attendaient à une instruction, sur le

PREMIÈRE HOMÉLIE.
commencement du ix» chapitre des Actes. La —
vocation de saint Paul était une preuve de la résur-

A ceux qui ont déserté l'assemblée sainte; — qu'il ne rection. 69


faut pas passer légèrement sur les titres des saintes
Ecritures; — sur J'inscriplion de l'autel; — aux nou- DEUXIÈME HOMÉLIE.
veaux baptisés. 37
A ceux qui blâmaient la longueur de nos instructions, et
à ceux qui n'aimaient pas qu'elles fussent courtes; sur
DEUXIÈME HOMÉLIE.
les noms de Saul et de Paul; —
pour le nom d'Adam
Prononcée dans la vieille église où il n'y avait pas ea de donné au premier homme ; — aux liouveaux baptisés. 76
580 TABLE DES MATIERES.

TROISIÈME HOMÉLIE. son mari ; que si son mari s'endort, elle est libre
de se marier à qui elle voudra, mais seulement dans
A ceux qui critiquaient la loneueur de ses exordes;
— le Seigneur. Cependant elle sera plus heureuse si

supporter patieramcDt les réprimandes.


qu'il est utile «le elle demeure comme elle est. (I Cor. vil, 39, 40.)
— Pourquoi le iiuni Hc saint Paul ne fut pas changé Et de l'acte de répudiation. 187
tout ûe suite après sa conversion.
Que ce cbange- —
conséquence
ment ne se fit pas de nécessité, mais en TROISIÈME HOMÉUE.
d'une libre volonté ; —
et sur ce mot : Saul, Saul,

me persécutes-tu? (Act. IX, 14.) 82


pourquoi Sur le choix d'une épouse. 19$

QUATRIÈME HOMÉLIE. HOMÉLIE

Réprimande aux absents; exhortation à ceux qui sont Sur cette parole de l'Apôtre Je ne veux pas que vous
:

présents de s'occuper de leurs frères, sur le commen- ignoriez, mes que nos pères furent tous sous
frères,
cement de répitre aux Corinthiens : Appelé Paul, et In nuée, et qu'ils traversèrent tous la mer. (l Cor.
92 I, 207
sur l'humilité. 1.)

HOMELIE HONËLIE

Sur 101
les afflictions. Sur ce texte : // faut qu'il y ait des hérésies parmi vous.
(Rom. XII, 20.) 216
HOMÉLIE
HOMÉLIES
Sur cette parole de l'Apôtre Nous savons que tout
:

tourne à bien à ceux qui aiment Dieu ; et aussi


patience et l'avantage des tribulations.
109 Sur ce texte : Parce que nous avons un même esprit
sur la
de foi.

HOMÉLIE
PREMIÈRE HOMÉUE.
Contre ceux qui n^étnicnt point venus à la réunion.
— Sur cette parole de l'Apôtre Si ton ennemi a :
Sur ces paroles de l'Apôtre Farce que nous avons un :

faim, donne -lui à manger. (Rom. Xll, 20.) Et — même esprit de foi, selon ce qui est écrit (II Cor.
llo IV, 13) et sur ces mots J'ai aru, c'est pourquoi
sicr la rancune. ; :

fui parlé (Ps. cxvii, 10); et sur l'auraOae. 223

HOMÉLIES SUR PRISCILLE ET AQUILA.


DECXIÈME HOMÉLIE.
première homéue. 127
Contre Manichéens et tous ceux qui calomnient l'An-
les

cien Testament, et le séparent du Nouveau, et sur


dei:.xu;me homélie.
l'aumùue. 230
134
devoir de ne point mal parler des prêtres de
Dieu.
Sur le
TROISIÈME HOMÉLIE.

HOMÉLIE SDR L'AUMONE Dieu a tenu envers les justes de l'ancienne loi la même
conduite qu'envers tous les fidèles de la loi nouvelle.
Improvisée par rorateur pendant la saison rigoureuse,
un 237
De l'aumône.
jour qu'ayant traversé la place publique
pour venir à
avait vu une multitude de pauvres
et
l'église
, il

par terre dans le plus pitoyable HOMÉLIE


d'infirmes étendus
14.5
état.
Contre ceux qui abusent de cette parole de l'Apôtre
:

Par occasion ou par vérité le Christ est annoncé.


HOMÉLIE (Philip. I, 18.) Et sur l'humilité.
245

de la vie future, et sur le néant de la


Sur la félicité
vie présente.
154 HOMÉLIE SUR LES VEUVES.

Sur ce texte Que relie qui :


sci-a choisie fwir être mi.<te
HOMÉLIE moins de soixante ans.
au rang des veuves, n'ait fuis
De réducâliou de.^ enfants et de l'au-
Sur le prophète Elie , sur la veuve et sur Paumônc. 1.59 (1 Tiui. V, t).)
253
mône.

HOMÉLIE
HOMÉLIE
Sur ce texte : Je lui ai résisté en face.
Sur ce sujet Qu'il ne faui jm divulguer les défauts
:

'/"•'' amre du mal a


de ses frères, ni prier /»./»•
HOMÉLIES SUR LE MARIAGE.
ses ennemis,

PREMIÈRE HOMÉLIE.
HOMÉLIE
Sur ces paroles de saint Paul : A cause de
la fornica-
179
tion que chacun ait sa femme. Qufl ne faut i^s désespérer de soi-
Sur ce sujel :

fiu'me prier contre ses enncfnis


ni m se décou- ,

DEUXIÈME HOMÉLIE. rager quand la prière n'est pas


exaucée, et que les
femmes. -'S
maris doivent vivre en paix avec leurs
La femme est liée à la loi, aussi longtemps que vit
TABLE DES MATIÈRES. 587

HOMÉLIES SUR L\ DISGRACE D'EUTROPE. HOMÉLIES AVANT QIîE S\INT JEAN CHRYSOSTOME
PARTIT EN EXIL.
PREUIÈRE EOUÉLIB. 281
PREMIÈRE HOMÉLIE. 818

DEUXIÈME HOMÉLIE. DEUXIÈME HOMÉLIE.

Prononcée après qu'Eulrope pris hors de l'église eut ,


Saint Jean Chrysostome au moment de partir pour l'exil. 318
,

été livré au supplice. —


Des saintes Ecritures, et sur
ce texte Adstitit regina a dextris tuis.
: 2S6 HOMÉLIES DE SAINT JEAN CHRYSOSTOME APRÈS SON
RETOUR DE L'EXIL.
HOMÉLIE
PREMIÈRE HOMÉLIE. 321
Lorsque Saturnin et Aurélien furent envoyés en exil. 301

DEUXIÈME HOMÉLIE. 323


HOMÉLIE

Apris le retour de saint C/irysostome de son voyage HOMÉLIE


d'Ane. 301
Sur le renvoi de la Chananéenne. asf7
HOMELIE
DISCOURS.
Sw la réconciliation et la réception de Sévérien. 311
A qui ne se nuit pas à lui-même, nul ne peut nuire. 337
DISCOURS DE SÉVÉRIEN SUR L.\ PAIX.
DISCOURS.
Apris qu'il eut été accueilli par le bienheureux Jean^
évëque de Constantinople. 313 Contre ceux qui se scandalisent. 3S3

LETTRES.

A Innocent, ivéque de Rome. 393 frères bien-avmés, soumis à Tévèque Jean. 394

A son bien-aimé frère Jean, Innocent, évêque. 394 L'empereur Honorius, à l'empereur d'Orient Arcadius. 395

L'évèque Innocent aux prêtres et aux diacres, à tout le Aux évêques, aux prêtres et aux diacres jetés ea priâou à

clergé et au peuple de l'Eglise de Constantinople, ses cause de leur piété. 397

LETTRES A OLYMPIADE.

Lettre Première — 1. Il ne faut craindre que le dans le souvenir de ses actions Tertuenses, et

péché. — 2. L'adversité nous vaut de grandes dans l'espoir des récompenses éternelles!
récompenses, et c'est pourquoi Dieu permet 5-6. Bel éloge de la sobriété, de la patience,

qu'elle nous afflige. Les trois enfants dans la de la modestie et des autres vertus d'Olym-
fournaise. — 3-4. De tout temps Seigneur a le piade. — Eloge de7. — 8-10. la virginité.
Digression sur Job ses malheurs. Retour au
et
permis qu'il y eût des scandales et des persé-
cutions, afin de mieux manifester sa puissance sujet. — 11-13. console Olympiade qui
Il s'affli-

et sa sagesse. — 5. Conclusion : Olympiade geait de son absence. 404


doit bannir de son âme cette tristesse que lui

causent les désordres actuels. 399 — III. —La tristesse est le plus affreux de tons les
maux.— C'est un mal pins terrible que la mort
.— IL — 1. est dangereux de se laisser abattre par même. — Saint Chrysostome le fait voir dans
Il

chagrin. — Exemple Saint Panl, après plusieurs exemples. — Les souffrances sont plus
le

avoir excommunié
2.
le
:

Corinthien incestueux, le méritoires que les bonnes œuvres. — Eloquentes


réflexions sur les souffrances de Job, de saint
réconcilie ensuite avec l'Eglise, pour l'cmpècher
de tomber dans le désespoir. 3. C'est la — Paul et de Joseph. 414

pensée des peines de l'enfer, ou plutôt du


bonheur céleste qui doit occuper l'àme d'Olym- — IV. — Saint Jean Chrysostome apprend à Olym-
piade. — 4. Que de consolations elle puisera piade que malgré la rigueur de l'hiver, il M
588 TABLE DES MATIERES.

porte bien. — H l'engage k ne rien négliger chants seuls sont à plaindre. 437
pour se guérir. — Avantages des souffrances

causées par la maladie. — Exemples de Job, de IX. I! faut souffrir a.'ec patience. 438

Lazare, de Timolbée. — l'exhorte à bannir


Il X. — Saint Chrysostome reproche à Olympiade
de sou âme la tristesse qui l'accable. 426 de ne pas lui écrire fssez souvent. 438

— Saint Chrysostorae XI. — Calme de saint Chrysostome an milieu de


V. Olympiade de
— l'exhorte à ne point perdre cou-
patience. il
félicite sa
ses souffrances. — Ildemande à Olympia? de
souvent. 439
rage. — Le
lui écrire plus
puissant heureux, même
juste est et

au sein des persécutions. — Le méchant est XII. — Saint Chrysostome est arrivé à Césarée.
faiblemalheureux
et même au temps de ses , Il a recouvré la santé, et se loue des soins em-
succès. — Abel Caïn en sont preuve.
et la 430 pressés qu'on lui prodigue. 439

VL — Magnifique éloge du courage d'Olympiade.


XIII. — Saint Chrysostome raconte à Olympiade

— persécutions. — La
tout ce qu'il a souffert avant d'arriver à Cucuse.
Il

pensée de
avec
s'accroit
tant
les

de mérites doit l'inonder de joie


— Il parle ensuite des sympathies qu'il ren-
contre dans ce pays, et des soins dont il est
et dt) bonheur. 432
sans cesse l'objet. 440

VU. Le méchant ne peut échapper au jugement XIV. — Il lui raconte ce qui lui est arrivé à Cé-
de sa conscience. Exemple de Juda, frère de sarée. 4H
Joseph; exemple de Judas riscariote. La —
vertu mérite un bonheur éternel et dès ici- ;
XV. Il exhorte Olympiade à ne point s'effrayer des
bas elle est récompensée. Voilà ce qui doit — persécutions et lui apprend qu'il n'est pas en-

consoler Olympiade au milieu des persécutions core parfaitement guéri. 445


qu'elle endure. 434
XVI. — Dieu ménage ans hommes pienx des joies
446
VIII. — Saint Chrysostome propose à Olympiade
et des souffrances.

plusieurs motifs de consolation. Partout on — XVII. — Saint Chrysostome félicite Olympiade de


compatit à leurs souffrances. — Qu'elle songe son courage et de sa résignation. 447
aux récompenses de l'autre vie. — Les mé-

LETTRES DIVERSES.

Lettre X\1IT. — A Cartérie. 449 Lettre XXXIX. — A Chalcidie. 155

— XIX. — A Marcien et h Marcellin. 449 — XL. — A Asyncritie 45ti

— XX. — A Agapet. 449


— XLI. — A Valentin. 456
— XXI. — A Alphius. 450
— — A Candidien.
XLII. 456
— XXII. — Aux prêtres d'Antioche Castus, Valérius,
— XLIU. — A Bassiana. 457
Diophante et Cynaque. 4oO

— XXIII. — Au prêtre Romain. 451 — XLIV.— Au diacre Thcodose. 457

— XXIV. — A Hésychius. 451 — XLV. — Au prêtre Symmaque. 457

— XXV. — A l'évêque Elpidius. 451 — —A


XLVI. Ruffin. 457

— XXVI. — A l'évêque Magnus. 451


—XLVir — A Namjca. 45S
— XXVII. — A l'évêque Domnus. 452
— XLVIII. — A Arabius. 458
— XXVIIl. — Au prêtre Basile. 452
— XLIX. — A .Mphius. 458
— XXIX. — A Chalcidie à et Asyncrilic. 452
— L. — A Diogène. 458
— XXX. — A l'évêque Heortius. 453
— — Au même.
LI. 459
— XXXI. — A Marcellin. 453

— — LU. — A Adolie. 459


XXXII. — A Eulalie. 453

— — LUI. — Au prêtre Nicolas. 460


XXXIII. — A Adolie. 454

— XXXIV. — A Cartérie. 454 — LIV. — Au prêtre Gérouce.


460

— XXXV.— A Alphius. 454 _ LV. — Aux prêtres Siraéon et Maris, cl aux


moines d'Apamée. ;6i
XXXVI.— A Maron, prêtre moine. et 455

— XXXVIl. — A l'évêque Tranqiiillinus. 455 _ LVI. — Aux moines Romulus et Bvius. 461

— XXXVIII. — Au médecin Ilymnétius. 465 — LVn. — A Adolie. 4«2


TABLE DES MATIÈRES. S89

Lettre — Au duc Théodose.


LVIII. 462 Lettre XCVIIl. — a Chalcidie. 476
— LIX. — Au diacre Théodote. 4G2 — XCIX. — A Asyncritie. 477
— LX. — A à Asyncritie.
Clialcidie et 4G2 — — A Marcien
C. Marcellin. et h 477
— LXI. — A l'ex-consulairc Tliéodote. 4(J3 — — A Sévère,
Cl. prêtre. 477
— LXil. — Aux prêtres d'Aitioche, Castus^ Dio- — — A Théodole,
Cil. lecteur. 478
pbante^ Yalérius et Cyriaque. 463
— cm. — A Amprucla, diaconesse,
— — A Tranquillinus.
LXIll. 463 vivent avec elle.
et à celles qui
478
— LXIV, — A Cyriaque.
l'évéqiie 464 — CIV. — A Peutadie, diaconesse. 479
— LXV. — A Marcieu Marcellin.et à 464 — CV. — A Chalcidie.
479
— LXVI. — Aux prêtres Caslus, Yalérius,
d'Anlioclie, — CVI. — A Asyncritie et à ses
compagnes. 480
Diopliante et Cyriaque. 464
— CVII. — A Castus, Valère,
— LXVII. — Au diacre ïhéodole. 465 prêtres.
Diophante Cyriaque, et

480
— LXVIII. — Au même. 465 — —A
CVIIL Urbicius,
évêque. 481
— LXIX. — Au prêtre Nicolas. 465 — CIX. — A Rufiu, évêque.
482
— LXX. — Aux prêtres moines Apbthonius, Théo-
— ex. — A Bassus, évêque.
dote, Cbéréas. 466 482

— LXXI. - A Malchus. 466


— CXI. — A Anatolius, évêque d'Adana. 482

— LXXII. — A Alphius.
— CXil. — A Théodore, évêque. 482
467

— LXXIll.— A Agapet. 467


— CXIIL — A Palladius, évêque. 483

— LXXIV. — A Hésychius. 467


— C.XIV. — A Elpidius, évêque de Laodicée. 483

— LXXV. — A Armatius. 467


— CXV. — A Théophile, prêtre. 484

— LXXVI. — A Chalcidie. 468


— CXVI. — A Va'entin. m
— LXXVIl. — A Asyncritie. 468
— CXVII. — A Théodora. 485

— LXXVUl. — Au prêtre Romain. 468


— CXVWL — Aux évêques aux prêtres et retenu»
dans la prison. 486
-- LXXIX. — A Gémellus. 469
— CXIX. — Au prêtre Théophile. 486
»- LXXX. — A Firmin. 469
— CXX. - A Théodora. 486
— LXXXl. — Au premier médecin Hymnétius. 469
— CXXl. — A Arabius. 487
— LXXXa. — A CyltiènM. 470
— CXXn. — A Marcien. 488
— LXXXIU. — A Léontius. 470
— CXXIiL — Aux prêtres aux moines de la Phé-
et
— LXXXIV. — A Fauslin. 470 nicie, chargés de l'instruction des catéchumènes. 488

— LXXXV. — A Lucius, évèque. 471 — CXXIV. - A Gémellus. 489

— LXXXVI. — A Mares, évêque. 471 — CXXV. — A l'évêque Cyriaque, exilé aussi lui-
même. 490
— LXXXVll. — A Eulogius, évêque. 471
— CXXVL — Au prêtre Rufin. 492
— LXXXVill. —A Jean, évêque de Jérusalem, 472
— CXXVIi.— A Polybe. 493
— LXXXIX. — A Tbéodosius, évêque de Scytho-
polis. 472 — CXXVIIL — A Marinien. 494

— — A Moïse, évêque.
XC. 473
— CXXIX. — A Marcien et à Marcellin. 494

— — Au prêtre Romain.
XCI. 473
— CXXX. —A Castus, Vàlère, Diophante, Cyriaque,
prêtres d'Aulioche. 494
— XCil. — A Moïse, prêtre. 473
— CXXXL — A l'évêque Elpidius. 49"i
— XCIll. — A Aphthonios, Thé'^'dole. Chéréas, prê-
— CXXXII. — A Gémellus. 496
tres et moines, et à toute lour communauté. 473

— XCIV. — A Penladie, diaconoise. 474


— CXXXIII. — A Adolie. 496

— XCV. — A Pxanius. 475


— CXXXIV. — A Diogène. «7
— CXXXV. — Au diacre Thcodote. 497
— XCVl. — A Amprucl.i, diacotesse, et à celles qui
vivout avec elle. 476 — CXXVVI. — Au lecteur Théodote. 498

— XCVIl. — A lUpalius, prêtre. 476 — CXXXVII. — An diacre Théodote. 4M


&90 TABLE DES MATIERES.

Uttbe CXXXVIII. — A l'évêque Elpidius. iOO Lettre — Aux évèques venus d'Occident.
CI-VII. 505

— CXXXIX. — A Théodore,, consulaire de Syrie. 499 — CLVIH — Aux mèiûes. 505

— CXL. — Au Théodote.
diacre 499 — CLIX. — Aux mêmes. .506

— CXLI. — A Tbéodote, ex-consulaire. 500 — CLX. — A un évèque venu d'Occident. 506

— CXLII.— A l'évêque Elpidius. 500 — CLXI. — Ans prêtres de Rome qui étaient venus
avec les évèques. 507
— CXLin. — A Polybe. 501
— CLXU. A Anysius, évèque de Thessaloniqne. 507
— CXLIV. — A Diogène. 501
— CLXlll. —A Anysius, Numérius,
Théodose,
— CXLV. — Au prêtre Nicolas. 501 Eutrope, Euslache, Maro*l!u?, Eu<èbe, Maximi-
lien. Eugène, Gérontius, Thyrsus, et à tous les
— CXLVl. — A Théodote, Nicolas, Chéréas, prêtres
orthodoxes de .Macédoine. 507
et moines. 502

— — CLXIV. — A Alexandre, évèque de Corinthe. 508


CXLYII. —A Anlhémius. 502

— — CLXV. — Aux évèques venus avec ceux d'Occi-


CXLVllI. — Aux évèques Cyriaqne, Démétrius, 508
dent.
Palladius, Eulysius. 502

— CXLIX. — 503
— — Aux mêmes.
CLXVI. 508
A Auiélius, évèque de Carthage.

— — A l'évêque Maxime. 503


— CLXVII. — Aux mêmes. 509
CL.
— CLXVIU. — A Proba, matrone romaine. 509
— CLI. — A l'évêque Asellus. 503

— — — CLXIX. — A Julienne aux personnes et de son


CLII. Aux évèques. 604
entourage. 509
— CLIIl.— Aux mêmes. 504 — —A
CLXX. Italique. 510
— CLIV. — Aux mêmes. 504 — CLXXI. — AMontiiis. ''10

•- — A Chromalius,
CLV. évèque d'Aquiléc. 505 — CLXXil. — A Iklladius. 510

— CLVI. — Aux évèques. 505 — CL\Xi;i. — A EvahjuB. ÎH

SOIXANTE-HUIT LETTRES
rUBLIÉES rOUR LA PREMIÈRE FOIS EN 1613, D'APRÈS UN MANUSCRIT DU COLLEGE D'A2»VEKJ»
DE LA SOCIÉTÉ DE JÉSUS.

Lettre CLXXIV. — Aux évèques, prêtres et diacres em- Lettre CLXXXIX. — A Anliochus. 517
prisonnés à Calcédoine. 512
— CXC. — A Brison. 517
— CLXXV. — A Agapct. 512
— CXC!. — A diaconesse AmpracU.
la 517
— CLXXVl. —A Ilosychius. 513
— CXCIL — A Onésicratie. 5(8
— CLXXVII. — A Artémidore. 513

- CLXXVllI. — A Eutalie. 513


— CXCIII. — A Paeanius. 518

— CLXXIX. — A Adolie. 513


— CXCIV. — A Géraellos. 519

— CLXXX. — Au prêtre
— CXCV. — A Claudien. 519
Ilypatius. 6 H
— — CXCVL — A Aétius.
CLXXXL — A des évèques.
519
514

— CLXXXII. — A Vénérius, évèque Médiolanuni. (le 514


— CXCVII. — A Sludius, préfet de la ville. 520

— aXXXlIl. — A Uésychius, évèque de Salone. :.i5


— CXCVlll. — A Hésycliius. 590

— CLXXXIV. — A Gaudence évèque de Brescia., : 515


— CXCIX. — Au prêtre Daniel. 520

— CLXXXV. — A diaconesse Pealadie.


la 515
— ce. —A Callislrate, évèque d'Isaurie. 521

— CLXXXVl. - A Alypc. 516 — CCI. — A Herculius. 521

— aXXXVII.— A Procopc. 516 — CCU. — A révèque Cynaque. 521

— CLXXXVUI. — A Marcelliu. 516 — CCni. — Au prêtre Sjdlusia. 522


TABLE DES M.VTIÈRES. SOI

Lkttrb CCIV. — Paeanius.


A. Ii22 — A Brison.
Lettre CCXXXIV. 533

— CCV. — A Anatole, ex-préfet. 523 — CCXXXV. — A Porphyre, évêque de Rhose. 533

— CCVI. — Au diacre Tliéoduîe. 523 — CCXXXVI. — Au préfet Cartérius.

— CCVII. — Aux moiries golhs du pays de Promote. 523


HOMÉLIE
— CCVIU. — Au prêtre Acacius. b2i
Sur celte parole de l'Apôtre Plût à Dieu que vous
— CCIX. — A Salvion. 524 voulussiez supporter mon imprudence.
:

535
— CCX. — A Tliéodore. 524
HOMELIE
— CCXI. — Au prêtre Tiraothée. 525
Sur de Pâques. 543
— CCXII. — Au Théophile.
prùtre 525
la fête

— CCXni. — Au prêtre Philippe. 525 ÉLOGE DE DIODORE, ÉVÉQUE DE TARSE,


— CCXIV. — Au prêtre Sébastien. 52G En réponse à des paroles élogienses que le même Dio-
dqje avait prononcées à l'adresse de saint Jean Chry-
— CCXV. — Au Pelage.
prêtre 526
sostome. 549
— CCXVI. — A Musonius. 526
FRAGMENT DE LA DEUXIÈME HOMÉLIE
— CCXVII. — A Valentin. 526
Sur le commencement des Actes. 552
— — Au prêtre Euthymius.
CCXVIH. 527

— CCXIX — A Séverine à Romule. et 527 HO.MÉLIES SUR DAVID ET SAUL.

.- CCXX. — APœanius. 527 PREMIÈRE HOMÉLIE.

^ CCXXI. — Au prêtre Constance. 523 Sur l'histoire de David et de Saiil, sur la patience, sur
de ménager ses ennemis, et de ne
l'ohlijîalion les point
^ CCXXII. —A Castus, Valérius, Diophante, Cyria- mépriser, même en leur absence. 25T
que, prêtres d'Antioche. 523

— CCXXIII. — A Hésychius. 529 DEUXIÈME HOMÉLIE.


— CCXXIV. — A Marcien à Marcellin.
et 529 Que c'est un grand bien, non-seulement de s'attacher à la

— CCXXV. — Au Constance.
prêtre 530
pratique de la vertu, mais encore de louer
que David gagna un plus beau trophée par sa clémence
la vertu;

— CCXXVI. — A Marcien à et Marcellin. 530 envers Saiil, que par la mort de Goliath; qu'en agis-
sant ainsi, il se fit plus de bien à lui-même qu'il n'en
— CCXXVU. — A Cartérie. 530 fit à Saiil; et sur la manière dont il se justifia devant
963
— CCXXVIII. — Au médecin Théodore. 531
celui-ci.

— CCXXIX. — A Sévère. 531 TROISIÈME HOMÉLIE.


— CCXXX. — A l'évêque Elpidiua. 531 dans les théâtres; que c'est une
Qu'il est périlleux d'aller

— CCX.KXI. — A AdoUe. 532


éi'.olc que de là proviennent les afflic-
(l'adultère et

tions et la discorde; que David, dans sa conduite à


— CCXXXll. — A Carlérie. 532 l'égard de Saiil, se montra tout d'une inco-nparable
patience; et que snppoiiur un vol sdusse plaindre est
— CCXXXll! . — A l'évêque d'Antioche. 533 aut&nt que donner l'auini^ue. 371

FIN DE LA TABLE D£j JUATIERES.

Alfas, — Jmp. .Sucur-Chanucv, l'clilv l'iacv, >> et


I
4
f N

- \
^
\\
/
r
\ ^^
r''"^-
/• \
.//'-X //
'i
I

V \T
/ tM:

\^
r^.
k^
"d-^. ~f^

\o X
\ // \
r
-%^
r ^ >
i> { y J
, y
/-^
«#/
^
< r/

>

'.s

V
À^
\^Bf*^
/
•W .

/C Z' -X% v
\^'-^lJ^
:^

Anda mungkin juga menyukai