Anda di halaman 1dari 6

w w w . m e d i a c i o n e s .

n e t

Des médias aux médiations


Communication, culture et hégémonie

Jesús Martín-Barbero

Introduction
(Traduit de l’espagnol par Georges Durand,
CNRS Éditions, Paris, 2002)

« Tel est le pari et l'objectif de ce livre : déplacer les


questions pour permettre la recherche sur les processus
de constitution de la culture de masse en échappant au
chantage culturaliste qui les change inévitablement en
processus de dégradation culturelle. Pour y parvenir, il
faut les envisager du point de vue des médiations et des
sujets, c'est-à-dire, du point de vue de l'articulation
entre pratiques de communication et mouvements
sociaux. De là son organisation en trois parties – la
situation, les processus, le débat – et l'inversion de
l'ordre de leur présentation : la situation latino-
américaine, notre point de départ, se retrouve exposée
seulement à l'arrivée. Mais j'espère que les indices
laissés sur le parcours gagneront la complicité du lecteur
et lui permettront de la reconnaître tout au long de la
traversée. »
2

Ce qui se livre ici porte les traces d'un long trajet. Venu de
la philosophie, sur les chemins de la langue, je rencontre
l'aventure de la communication. Au sortir de l'heideggé-
rienne demeure de l'être, ma carcasse va se heurter à la
baraque-bidonville des hommes, faite d'argile et de roseaux,
mais équipée de transistors et d'antennes de télévision. De-
puis lors, c'est là que je travaille, dans le champ de la
médiation de masse, de ses dispositifs de production et de
ses rituels de consommation, de ses montages technologi-
ques et de ses mises en scène, de ses codes de création, de
perception et de reconnaissance.

Pendant un temps, mon travail consiste à enquêter sur la


manière dont le discours des moyens de communication de
masse manipule pour nous rendre supportable l'imposture,
sur la manière dont l'idéologie pénètre les messages, impo-
sant ainsi à la communication la logique de la domination.
Je traverse les champs de la sociolinguistique et de la sémio-
tique, je réalise des lectures idéologiques de textes et de
pratiques. J'en témoigne dans un livre que j'intitule, sans
vouloir dissimuler mes emprunts, Comunicación masiva:
discurso y poder [Communication de masse : discours et pou-
voir]. Mais déjà, – il y a dix ans de cela –, nous sommes
quelques-uns à mettre en doute cette image d'un processus
qui ne contient d'autres figures que celle du dominant et de
ses stratagèmes, où tout se joue entre émetteurs-dominants
et récepteurs-dominés sans le moindre indice de séduction
et de résistance, et où la structure du message n'est traversée
d'aucune contradiction et, a fortiori, d'aucune lutte. C'est

Des médias aux médiations. Introduction.


3

précisément au cours de ces années-là qu'un phénomène


nous atteint avec tant de force en réalité – les séismes ne
sont pas rares dans nos latitudes –, qu'il met au jour et nous
rend visible la profonde contradiction entre méthode et
situation : la question globale de la manière dont les gens
produisent le sens de leur vie, dont ils communiquent et
utilisent les médias ne rentre pas dans ce schéma. En d'au-
tres termes, les mouvements politiques et sociaux de ces
années – régimes autoritaires dans la quasi-totalité de
l'Amérique du Sud, luttes de libération aux abois en Améri-
que centrale, émigration massive d'hommes venus de la
politique, de l'art et de la recherche en sciences sociales –
détruisent de vieilles certitudes, ouvrent de nouvelles brè-
ches et nous confrontent à la vérité culturelle de ces pays.
Nous retrouvons devant le métissage, qui n'est pas seule-
ment ce fait biologique d'où nous sommes issus, mais bien
la trame actuelle de modernité et de discontinuités culturel-
les, de formations sociales et de structures de la sensibilité,
de mémoires et d'imaginaires, qui mêle indigénéité et rurali-
té, ruralité et urbanité, folklore et culture populaire, cette
dernière, enfin, et culture de masse.

C'est ainsi que la communication devient, pour nous, une


question de médiations davantage que de moyens de com-
munication, une question de culture et, partant, non
seulement de connaissances, mais de re-connaissance. Cette
reconnaissance exige, d'entrée de jeu, une opération de
déplacement méthodologique pour re-voir le processus
entier de la communication depuis son autre côté, celui de
la réception, celui des résistances qui s'y appliquent, celui de
l'appropriation envisagée du point de vue des usages. Dans
un second temps, précisément pour éviter qu'un tel dépla-
cement ne reste pas pure réaction ou modification théorique
de circonstance, il se fait reconnaissance de l'histoire : réap-
propriation historique du temps de la modernité latino-
américaine et de son déphasage pour ouvrir une brèche

www.mediaciones.net
4

dans la trompeuse logique d'une homogénéisation capita-


liste qui épuiserait la réalité du présent. En Amérique latine,
en effet, la différence culturelle ne désigne pas, comme peut-
être en Europe ou aux Etats-Unis, la dissidence de la contre-
culture ou le musée, mais la vitalité, la densité et la pluralité
des cultures populaires, l'espace d'un conflit aigu et une
dynamique culturelle incontournable. Et l'on découvre, ces
dernières années, que le « populaire » n'emprunte pas seu-
lement la voix des indigènes ou des paysans, mais aussi
celle, massive, des métis et mutants de la culture urbaine et
de masse. Et aussi, que, tout au moins en Amérique latine,
et contrairement aux pronostiqueurs de l'implosion du so-
cial, les masses contiennent, au double sens de retenir et de
renfermer, le peuple. Aujourd'hui, on ne peut donc pas
penser le « populaire » comme séparé du processus histori-
que de constitution de la culture de masse, c'est-à-dire de
l'accession des masses à leur visibilité et leur présence so-
ciale, ainsi que de la massification dans laquelle ce
processus se matérialise. Nous ne pouvons continuer à bâtir
une critique qui délie la massification de la culture du fait
politique producteur de l'émergence historique des masses ;
ainsi que du mouvement contradictoire que produit la non-
extériorité de la culture de masse par rapport à la culture
populaire, celle-ci se constituant en une des modalités
d'existence de celle-là. Mais il faut prendre garde que le
piège réside autant dans la confusion du visage et du mas-
que – la mémoire populaire et l'imaginaire de masse – que
dans la croyance en une mémoire sans imaginaire qui per-
mettrait un ancrage dans le présent et une projection dans le
futur. Nous avons besoin d'un tel degré de lucidité pour ne
pas les confondre, tout comme pour penser les relations qui,
hic et nunc, composent leur métissage.

Tel est le pari et l'objectif de ce livre : déplacer les ques-


tions pour permettre la recherche sur les processus de
constitution de la culture de masse en échappant au chan-

Des médias aux médiations. Introduction.


5

tage culturaliste qui les change inévitablement en processus


de dégradation culturelle. Pour y parvenir, il faut les envisa-
ger du point de vue des médiations et des sujets, c'est-à-dire,
du point de vue de l'articulation entre pratiques de commu-
nication et mouvements sociaux. De là son organisation en
trois parties – la situation, les processus, le débat – et l'inver-
sion de l'ordre de leur présentation : la situation latino-
américaine, notre point de départ, se retrouve exposée seu-
lement à l'arrivée. Mais j'espère que les indices laissés sur le
parcours gagneront la complicité du lecteur et lui permet-
tront de la reconnaître tout au long de la traversée.

Il me semble nécessaire de revenir sur quelques-unes des


traces, évoquées plus haut, qui marquent le long parcours
qui se fait livre ici. Ainsi des difficultés, dans la première
partie, pour articuler un discours qui, pour constituer une
réflexion philosophique et historique, ne soit ni trop exté-
rieur ni trop éloigné de la problématique et de l'expérience
qu'il s'agit d'éclairer. Avec, parfois, le sentiment de double
insatisfaction d'être resté à mi-chemin de l'une comme de
l'autre de ces dimensions. Sans compter cet incontestable
ton de règlement de comptes de certaines des pages de l'ou-
vrage. Ainsi de l'apparente parenté de la deuxième partie
avec une sorte d'archéologie qui chercherait dans le passé,
dans ses différentes strates, la forme authentique d'usages et
de pratiques de communication aujourd'hui disparus ou
défigurés. Alors que ce que nous cherchons, en réalité, est
radicalement différent : non pas ce qui survit à une autre pé-
riode, mais ce qui, dans le présent, fait que certaines matri-
ces culturelles gardent leur effectivité, et qu'un récit ana-
chronique soit en prise avec la vie des gens. Ainsi, enfin, de
l'impression qui pourrait se dégager de la troisième partie,
lorsque, recherchant ce qui relève de la culture populaire
dans la culture de masse, nous paraissons abandonner la
critique de ce qui, dans la culture de masse relève de l'oc-
cultation et de la mise entre parenthèses de l'inégalité

www.mediaciones.net
6

sociale et, partant, du dispositif d'intégration idéologique.


Mais c'est peut-être le prix que nous devons payer pour oser
rompre avec une raison dualiste et pour affirmer l'entrecroi-
sement, dans la culture de masse. de logiques différentes: la
présence, ici, non seulement des exigences du marché, mais
aussi d'une matrice culturelle et d'un sensorium qui incom-
mode les élites alors qu'il constitue un « lieu » d'interpella-
tion et de reconnaissance des classes populaires.

De nombreuses personnes et institutions ont prêté leur


concours à la recherche qui sert de fondation au présent
livre. Ma reconnaissance va tout particulièrement à l'univer-
sité du Valle [Universidad del Valle] à Cali, qui m'attribua
une allocation d'études pour démarrer le projet et réunir la
documentation nécessaire et me donna du temps, plusieurs
années, pour continuer cette recherche. Elle va aussi aux
professeurs et chercheurs en communication de l'université
de Lima [Universidad de Lima] et de l'université autonome
métropolitaine de Xochimilco [Autónoma Metropolitana],
à Mexico, qui accordent crédit à la proposition alors à l'état
d'ébauche et m'invitent plusieurs fois à en discuter et en
évaluer la progression. Mes sincères remerciements vont
aussi à toutes les personnes qui m'ont aidé non seulement
de leurs remarques critiques mais aussi de leur affection :
Patricia Anzola. Luis Ramiro Beltrán, Héctor Schmucler,
Ana María Fadul, Rosa María Alfaro, Néstor García Can-
clini et Luis Peirano. Et enfin à Elvira Maldonado, pour
avoir supporté et accompagné ce travail au fil des jours.

Des médias aux médiations. Introduction.

Anda mungkin juga menyukai