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REVUE BIBLIQUE
IiNTER>"ATIO>"ALE
Typographie Firmin-Didot et C''. — Paris.
XOUVELLE SERIE SEPTIEME ANNEE TOME VII
REYIE BIBLIQUE
I^'TER^ATIONALE
PUBLIEE PAR
PARIS
LIBRAIRIE VICTOR LECOFFRE
J. GABALDA ET G"-
RL'E BONAPARTE, 90
1910
OCT 1 7 1959
LE BIT DES PARABOLES D APRÈS L ÉVANGILE
SELON SAIM MARC
et les plus étranges (1), De plus, il est permis de croire qu'il était
connu de saint Luc et que notre saint Matthieu i;rec en dépend aussi.
C'est donc bien dans Marc que se trouve le nœud de tout le problème.
(1) « Les évaugélistes ont donc trouvé les paraboles obscures, et ils ont pensé que Jésus
avait parlé en paraboles pour n'être pas com|)ris des Juifs : ce serait, d'après Marc, le but
unique, d'après Matthieu et Luc le but principal des paraboles » (Loisv, Les Évangiles
synoptiques, L p- 7i3 s.). La déclaration qui est dans Marc aurait choqué le sens moral (•
de Luc » (p. 743). « Matthieu est plus préoccupé, soit de l'endurcissement des Juifs et de
la prophétie qui l'annonce, soit du privilège des disciples, qui est celui du chrétien, que
de l'obscurité des paraboles et de leur efficacité aveuglante » (p. 748).
(2) On a quelque sujet de s'étonner de la manière dont certains Pères ont été cités en
faveur de l'obscurité voulue des paraboles. Saint Jean Chrysostome 'Migne, LVII, 471 s.;
est discuté ici même dans le texte; il est le seul à ma connaissance qui note un change-
ment d'attitude, mais vis-à-vis des Pharisiens: et on voit combien peu, dans l'ensemble,
il est favorable au système en faveur duquel il est allègue. Opus imperfeclum. in Mt. hom.
31 [Migne, LVI. 796 s.) est, d'après Bardenhewer {Patrologie, p. 319), d'un arien de la
fin du vi« siècle: quelle autorité parmi les Pères? Théophylacte {Migne.
peut-il avoir
CXXIII, 280 s,, 529 s., 800) a surtout été préoccupé, comme tant de Grecs, de maintenir le
libre arbitre. Il admet bien que Jésus a parlé d une manière obscure à ceux qui n'étaient
pas dignes, mais il a dit aussi que les paraboles avaient pour but d'enseigner la foule et
de provoquer ses questions. Dieu éclaire tout le monde, ce sont les hommes qui s'enténe-
brent. Saint Augustin, Qu. 17 in Mt.. n. 14 'Migne. XXXV. 1372 s.). Ce texte est du plus
haut intérêt. L'auteur, bloquant le texte de saint Jean et celui des Synoptiques, aboutit à
la formule de M, Loisy, les paraboles aveuglantes par obscurité quia per obscuritatem :
sermonis excaecoti, dicta Domini non intellexerunt. Mais cet ouvrage n'est pas de
saint Augustin, comme le déclare très nettement Bardenhewer {Patrologie, p. 459,
vnecht).
8 REVUE BIBLIQUE.
parabole (Me. iv, 13 ? Mais ce n'est pas seulement pour cela qu'il
parle en paraboles; c'est pour que le discours soit plus clair, et se
grave mieux dans la mémoire, et mette les objets sous les yeux (3) ».
C'est bien, semble-t-il, de ce côté qu'incline saint Thomas, mais il
l'ait une part nécessaire à l'intention manifeste de Marc de distinguer
(1) E'. yàp jxvj èêo'j).£To aOto-j; ày.oùcrai y.al cw9y;va'., (jV(ft<sa.: îZt\, o\iy\ âv :Tapaoo),aï; XÉ^eiv"
i\j\ Si oLjita TOÛTw xtvEÏ aijTOÛç, T(o CTU(7X!a<7(iéva Xéye'.v (Migne, P. G., t. LVII, col. 472 et 473).
(2) On lit dans la vie de la B. Marguerite-Marie Aiacoque par ses contemporaines (p. 99) :
« Je le vis encore dans un cœur qui résistait à .son amour il avait les mains sur ses
:
<c oreilles sacrées, et les yeux fermés, disant : « Je n'écouterai point ce qu'il me dit ni ne
« regarderai point sa misère, afin que mon Cœur n'en soit pas touché, et qu'il soit insensible
pour lui, comme il l'est pour moi ». Le but de cette vision était naturellement d'inviter
la Bienheureuse à prier pour cette àme. Dans ce cas c'est Jésus et non le peuple qui se fait
sourd et aveugle-, l'image est retournée.
(3) P. G., LVII, col. 467.
LE BUT DES PARABOLES D'APRÈS L'ÉVANGILE SELON SALNT MAKC. 9
iis, qui intendit suam doctrinam non manifestarc multis, sed magis
ret ad alios, qui essent idonei. Que Ton remarque la disjonctive, non
erant idonei, vel digni. Il est sûr que dans certains cas Jésus a refusé
de s'expliquer devant des adversaires obstinés et indignes saint Tho- ;
Nous pensons qu'on ne voit dans Marc aucune trace d'un changement
dans l'attitude de la foule à F égard de Jésus, ni dans les procédés dp
Jésus à l'égard de la foule. On ne peut donc alléguer aucun juge-
ment de réprobation qui aurait été exécuté par Jésus.
Si nous en croyons les auteurs modernes, c'est sur les bords du lac
de Génésareth, au moment de prononcer les paraboles touchant le
règne de Dieu, que Jésus, en présence de l'obstination des Juifs à le
méconnaître, aurait adopté un genre d'enseignement obscur qu'ils ne
pouvaient pas comprendre. Et on spécifie qu'il ne s'agit pas seule-
ment des chefs de la nation, mais de la foule.
Or, il suffit de lire Marc pour se persuader que Jésus n'a pas com-
mencé alors à parler en paraboles; que, jusqu'à la passion, l'empres-
sement de la foule auprès de lui a toujours été le morne, et surtout,
oh surtout I jamais dû être mis en doute, que Jésus a
et cela n'aurait
n'est pas que Marc ait ignoré l'endurcissement des gens de Nazareth;
il le note avec soin, mais comme un cas particulier. Loin de leur pro-
poser la moindre parabole pour les punir, Jésus s'éloigne vi, 5). Cette
(
Jésus, il eut pitié deux, pai'ce (|u"ils étaient coinuie un troupeau sans
pasteiu', et il les enseigna loneuement fvi, 3i;. Marc ne nous dit pas
que ce fut en paraboles, mais on sait que, d'après lui, ce mode était
ordinaire au Sauveur. En tout cas cette foule suit toujours Jésus, et
il a pitié d'elle et s'efforce de la sauver.
Après de sévères reproches aux Pharisiens. Jésus fait appel à la
dit une parabole. Qui croira que cet appel à rintellii:ence fut équi-
voque?
La foule est toujours si entraînée, ([ue de nouveau elle en oublie le
boire et le raanser. Jésus s'écrie « Jai pitié de la foule, voilà déjà
:
trois jours qu'ils s'attachent à moi. et ils n'ont pas de quoi man-
ger » (viii, 2^
Lorsque Jésus parle de cette génération qui cherche un signe, c'est
aux Pharisiens qu'il en a (viii, 12 et quand il nomme génération ,
tiques. L'appel est évidemment sincère, quoique dès lors Jésus fasse
prévoir qu'il ne sera pas entendu, tant les conditions sont sévères.
C'est bien cette fois toute la génération qui est adultère ot pécheresse
viii, cependant Jésus ne cesse pas de l'inviter au salut. Au
38;, et
delà du Jourdain, les foules accourent de nouveau. »t il les mstruit
comme il avait coutume de le faire fx. 1). On sait que l'adhésion cha-
leureuse de la foule se manifesta encore au moment où Jésus entra
à Jérusalem xi, 8 ; les princes des prêtres le craignaient, parce que
tout le peuple était dans l'admiration de sa doctrine xi. 18/; si les
princes des prêtres n'ont pas voulu s'emparer de lui le jour de la
fête, c'est pour ne pas déchaîner une émeute xiv. 2,. Quand enfin
la foule — ou plutôt populace de Jérusalem
la préféra Barab])as —
à Jésus, ce fut sur l'instigation des grands prêtres.
Assurément les dispositions de ces foules n'étaient point celles qu»-
le Maîtreeût souhaitées. Impressionnées par ses miracles, entraînées
par ses bienfaits, curieuses de l'entendre, elles n'ont pas répondu à
son appel par une transformation complète de leur vie et par une
profession de foi généreuse en sa qualité de Messie. Mais elles se sont
toujours montrées les mêmes, et Jésus s'est toujours montré compa-
tissant pour elles. Leur bonne volonté, relative, si l'on veut, est en
contraste avec l'hostilité des Pharisiens et des grands prêtres. Cette
i2 REVLE BIBLIQUE.
paraboles?
On peut que nous la connaissons déjà, puisque tous les faits
dire
sur lesquels nous nous sommes appuyé pour montrer le désir sin-
cère que Jésus avait d'instruire ont été empruntés au second évan-
gile. Nous les avons pris dans leur sens obvie, dans celui de l'au-
teur lui-même. Cependant il est nécessaire d'étudier de plus près ce
qu'il dit des paraboles, soit dans la trame de l'évangile, soit dans
les deux passages célèbres où il semble donner la théorie du but
des paraboles.
Il faut d'abord examiner les faits.
fort lié dont ou pille la maison. Ces paraboles sont adressées aux
scribes: elles rentrent sans difficulté dans le premier genre d'Aris-
tote. Viennent ensuite les trois paraboles proposées à la foule au
bord du lac. Ce sont de petites fables, toutes trois empruntées aux
semailles et aux destinées du grain ch. iv); elles ont tout le carac-
tère des À:v;r, d'Aristote. Comme
premières sont plutôt argumen-
les
-' Et il leur disait : La lampe vient-elle pour être mise sous le boisseau ou
sous le lit? n'est-ce pas pour être mise sur le chandelier? -- Car il n'y a rien de
caché qui ne le soit pour être découvert, et rien n'est demeuré secret si ce n'est
pour être produit au jour. -^ Si quelqu'un a des oreilles pour entendre, qu'il
entende.
-'*
Et il leur disait : Faites attention à ce que vous entendez ; on vous servira selon
votre mesure, et on vous donnera encore plus; '• car celui qui a, on lui donnera;
Jésus, qui a parlé à tous des destinées de la parole dans les âmes,
aborde ici les destinées de la parole elle-même. Elle est cachée
maintenant, puisqu'elle n'est communiquée clairement qu'aux seuls
LE BIT DES PARABOLES D'APRÈS L'EVANGILE SELON SALNT >L\RC. IH
disciples (iv, 11 , mais c'est pour être manifestée plus tard, et, en
attendant, les disciples doivent s'efforcer d'en percevoir le plus pos-
sible. Dans la pensée do Marc, il importait donc souverainement que
les disciples fussent attentifs aux paroles du Maître, pour mériter
de recevoir une lumière plus complète quils auraient à communiquer
à d'autres.
C'est donc bien au.v disciples que le discours s'adresse, et c'est bien
une parabole, surtout au début, une parabole sui^'ie de son explica-
tion et de deux proverbes qui rentraient probablement pour Marc
dans le genre parabolique.
Il n'y avait donc pas pour lui un*' «{uestion de principe à n'em-
foule.
Il faut avoir la patience de parcourir les cas particuliei*s. On peut
cependant les diviser en certaines catégories.
On peut distinguer tout d'abord les paraboles argumentatives et les
pas assez sot pour détruire son propre règne. Il ajoute que si l'on dé-
pouille Satan, c'est qu'il est déjà enchaîné. Le raisonnement est lim-
pide, et avec un peu de bonne volonté on devait conclure que .Jésus
lui-même est ce plus fort qui a lié le fort.
Or la réponse aux Pharisiens au sujet du jeûne est exactement dans
le même cas ii. 19-22 . Les amis de l'époux ne jeûnent pas pendant
sa présence; on ne met pas une pièce nouvelle à un vieil habit; on
16 REVUE BIBLIQUE.
ne met pas du vin nouveau dans de vieilles outres. Tout cela est d'une
clarté évidente mais l'application demeure dans un certain vague.
:
« Ce ne sont pas ceux qui se portent bien qui ont besoin du méde-
cin, mais ceux qui vont mal » (n, 17). A merveille, mais qui est le
médecin?
Et à propos de l'exemple de David au temps d'Abiathar (ii, 25!, les
ennemis de Jésus pensaient sans doute Qui prétend-il être pour agir
:
être claires que si l'on connaît l'objet quelles doivent éclairer. Chacun
conviendra aisément de l'évidence de la petite fable en elle-même.
Tant qu'on ne saura pas à quoi elle s'applique, c'est plutôt une
énigme. C'est le cas de trois paraboles, celle du semeur (iv, 3-8),
celle de la lampe iv, 21 celle de ce qui entre dans l'homme et qui en
i
,
Elles sont donc plus claires mais, comme toutes les paraboles, elles
:
pas dire du règne de Dieu, même après ces deux admirables para-
boles 1
1 '
Aux lestes déjà cités, ajoutons ces paroles de Sénèque Ad Lucil. VI. 7, éd. Hense.
p. 176) : illi qui simplici/er et demoustrundae
causa eloquebunlur. parabolis referti
rei
sunf, quas existimo necessarias, non ej: eadeni causa qua poetix, sed u( imbecillitutis
nostrae adminiculi sint, ut et dlcentem et oudientem in rem praesentem adducant.
Dan.s le Thésaurus graecae linguoe de Didot. on cite Eusthate, p. 861. d'après lequel la
parabole est 7.\ilr^muiz. i/ESYEiaî et <:%zryz\ï- ivîxEv.
REVUE RIBLIQCE 1910. — .\. S.. T. VU. 2
18 REVUE BIBLIQUE.
C'est par de nombreuses paraboles comme celle-là qu'il leur proposait la parole,
Dans cet endroit, les paraboles ont donc pour but de donner au
peuple l'enseignement dont il est capable. Il est dit expressément que
Jésus se conformait à la capacité de ses auditeurs, y.aOw; rjouvavTo
à7.cJ3'.v, ce qui n'indique nullement une mauvaise disposition morale.
C'est ainsi que Jésus disait aux Apôtres « Vous ne pouvez pas encore :
porter (cette doctrine) (Jo. xvi. 12) et saint Paul aux Corinthiens
-) :
« Vous ne pouvez pas encore » (I Cor. m, 2) (1). Tout cela est humain
Marc estimait donc que les paraboles avaient pour but d'instruire.
Mais nous répétons qu'il n'avait sans doute aucune opinion sur leur
nature abstraite. Il ne les a pas définies en rhéteur, comme Aristote
ou Sénèque, comme Cicéron ou Quintilien: il en parle d'une façon
très concrète, comme des paraboles proposées par Jésus. Et ces para-
boles ne sont point des paraboles ordinaires.
Les paraboles de Jt'-sus sont insuffisamment claires par rapport à leur
objet qui est naturellement mystérieux. Un premier caractère les —
distingue, c'est qu'elles ne sont pas destinées à instruire malgré tout.
Quand Aristote s'occupe de la parabole dans sa Tihétorique, il la re-
garde comme un argument. Il s'agit de faire ré\ddence. de réfuter un
adversaire, d'entraîner des esprits encore indécis. Jésus, lui aussi,
réfute et persuade, mais propose la vérité plutôt qu'il ne cherche à
il
l'imposer. Dans la plupart des cas que nous avons parcourus, même à
propos des paraboles argumentatives, il y a. comme au delà du sens
obvie, une échappée sur un autre horizon. On
que Jésus pro- dirait
(1, Excellent commentaire deThéophylacte. quon range parmi les partisans de l'obscurité
lô'.wtr,: y.al à(xa6r,;, to-^tov îvexev |ji[xv/;Tai v.iy.-f.o^ ai.vir:E0K
voulue : ÈTcetSr, yàp oy/o; r,<7av
montre. donne plus qu'on ne peut entendre, mais encore veut -il
Il
eut d'ailleurs assez de peine à leur inculquer. Marc ne dit pas qu'il
fût contenu dans les paraboles qui venaient d'être dites, mais il a à
Tous les textes que nous avons rencontrés jusqu'à présent découlent
dune même conception des paraboles. Nulle réflexion sur leur portée
comme genre littéraire, mais cette idée que Jésus, maître d'une sa-
gesse surnaturelle et insondable, l'a communiquée de la manière la
plus convenable à chacun, sans l'épuiser jamais: toujours disposé à
donner davantage, il se conformait à la capacité de ses auditeurs et
(ly Wrede, Das Messiasgehciyiiniss in 'Jeu Evangelien. Zugleicli ein Beitrag zum Ver-
stiindnis des Markusevangeliuins.
I.E BUT DES PARABOLES D'APRÈS LEVANGILE SELON SALNÏ MARC. 21
Si donc il fallait prendre les textes de Marc dans le sens que l'on
entend, il faudrait leur donner aussi toute l'ampleur qu'ils ont : sup-
poser que Jésus a toujours proposé la parole aux Juifs en parabo-
les obscures, pour amener leur réprobation. C'est bien ce qu'entend
M. Loisy lorsqu'il rend ainsi la pensée de la tradition que repré-
sentent les textes de Marc : « On
persuada que ce genre mysté-
se
rieux d'enseignement avait été choisi tout exprès par le Sauveur lui-
(1) Les Évangiles sijnoptiqxes. I, 740. De mèrne p. 742 : « Les paraboles n'en sont pas
moins essenliellenient obscures », etc.
22 REVUE BIBLIQUE.
Marc qui, dans nos deux textes, ne prend pas le mot « parabole » au
même sens que dans les autres, et de plus une confusion chez les
exégètes qui ne distinguent pas assez l'ordre d'exécution de l'ordre
de prédestination. C'est ce qu'il faut maintenant expliquer.
D'après iv. 3V, « Jésus ne leur parlait pas sans parabole, mais en
particulier il explicjuait tout à ses propres disciples ». D'un côté la
foule des auditeurs de Jésus, de f'autre côté ses disciples. Aux pre-
miers Jésus ne parle qu'en parabole, aux seconds il révèle tout en
(1) C'est, il est vrai, ce que M. Mangenot semble avoir compris dans son article sur le
Paulinisme de Marc [Revue du clergé français, 1909, 15 cet., p. 137).
(2) Loc. laud., I, 740.
LE BUT DES PARABOLES D'APRES L'EVANGILE SELON SAINT MARC. 23
sors de sagesse que Jésus eût pu répandre C'est dans ce sens qu'il
I
peuple entendant les paraboles selon qu'il en était capable, les dis-
ciples recevaient à part tous les enseignements qu'ils pouvaient sou-
haiter (1) ».
Toutefois la conciliation n'est possible dans les idées qu'en sup-
posant une nuance notable dans les mots. On s'étonnera moins que
Marc dans le même contexte « paraboles » dans son sens
ait pris
Mais il n'y a pas contradiction s'il entend simplement que les disciples
un enseignement plus clair que celui que Marc nomme paraboles,
recevaient et qui était, de sa nature, insuffisant. Or nous verrons, par
le texte même, que c'était bien sa pensée.
y11 évidemment quelque inconvénient à varier ainsi la nuance
a
des termes; cela engendre un peu de confusion, mais c'est un moin-
dre mal que de se contredire.
celui-là était pris du même point de vue que les autres, puisque,
d'après ce texte, les paraboles avaient pour but de ne pas éclairer les
Juifs, et, d'après les autres, de les instruire. Mais outre que les textes
n'entendent pas par paraboles lemême objet formel, ils n'envi-
sagent pas leurs objets sous le même angle. M. Loisy a dit très juste-
ment que que nous allons aborder est une vue théologique.
le texte
ployés, mais leur résultat ultime, et, selon l'usage biblique, il a at-
tribué aux desseins de Dieu toute efficacité, sa/ts se mettre en jjeine
de concilier en théologien cette efficacité avec le jeu des causes se-
condes et la responsabilité humaine.
Essayons de comprendre ce texte difficile.
Et d'abord il faut se demander si iv. 10-1-2 est bien à sa place et
à expliquer par On sait que les évangélistes n'ont
les circonstances.
unes des paraboles de ce chapitre ont été placées par Mt. et par Le.
dans d'autres contextes. Il se pourrait donc que cette théorie géné-
rale sur les paraboles ait été exposée par Jésus dans une autre cir-
constance, par exemple avant même que Jésus ait propose à la foule
la parabole du semeur, puisqu'il en avait déjà opposé sept ou huit
aux Pharisiens et aux scribes. Or M. Loisy a bien montré que notre
texte n'est pas placé dans son cadre réel (1'. Il y en a deux rai-
sons.
1) Jésus vient de proposer la parabole du semeur assis dans une
barque, s'adressant à ceux qui sont sur le rivage. Il dira les autres
paraboles dans la même situation. C'est le soir seulement qu'il passera
de l'autre côté du lac iv, 35). Les disciples l'interrogent pendant
qu'ils sont seuls avec lui, et il s'agit d'un groupe assez considérable
de personnes, qui ne pouvaient lui parler à l'oreille. D'ailleurs z-.t
marque bien une autre circonstance.
k-fvn-.z
en effet à cette question que répond Jésus iv, 13 ss.). Marc a profité
de cette demande d'explication pour glisser une théorie générale,
ce qu'il ne pouvait faire sans mettre le pluriel.
L'hyjîothèse d'un déplacement est donc très probable, sinon cer-
taine. Et par conséquent nous sommes autorisé à interpréter le pas-
sage en lui-même, puisqu'il n'a qu'une attache assez artificielle aux
circonstances où il est placé.
*" Et quand il fut en son particulier, ses disciples avec les Douze lui deman-
daient les paraboles. "Et il leur disait : A vous le mystère du règne de Dieu a
été donné, mais à ceux-ci qui sont dehors, tout arrive en paraboles; '- afln
qu'ils regardent bien et ne voient pas,
qu'ils entendent et ne comprennent pas,
de peur qu'ils ne se convertissent et qu'il ne leur soit pardonné.
l'cf. Dan. II. 28 ss.. et Sap. ii. 22 : ici c'est le iirand dessein qui est
la réalisation de son règne.
Cependant le terme de mystère retient quelque chose de son sens
primitif, puisc^ue les disciples sont en quelque manière traités comme
des initiés.
Autant que les modernes ont pu pénétrer ce que les anciens ont
eu à cœur de tenir caché, les mystères représentaient, outre les
<cparaboles ». Moïse parlait avec Dieu face à face... Mais avec Ba-
laam. Dieu ne s'entretenait qu'en mâchais » i2i. Quand on connaît
quelqu'un de vue. on sait quel il est: à défaut de cette connaissance
directe, on demande à cjui ressemble-t-il? La distinction est la même
:
(1) O'JTo; Èvo'jç T/;v •776?.r,v a'.jxoJaîvo: Ta lïçi irîoEiy.vjï toT; àu.*jr;TO'.: y.x; v.r.t t?, ;covr; tx
àitdppr,Ta (Lysias, vi. 30 .
{2] Ninn. rabha. 14, 223^' : ,";*~N"' "Z'J^Z Zl" ... Z'IZZ Z'IE "2" "Z''! ~"~ ~w**2
3} On peut voir la même distinction et même plus raisonnée, dans Clément d'.^^lexan-
drie. Cet esprit très cultivé savait très bien que la parabole, en elle-même, •
est un dis-
cours tiré de ce qui nest pas propre, mais semblable au propre, conduisant celui qui com-
prend a ce qui est véritable et propre, ou. selon dautres, un discours qui présente avec
énergie ce qui est propre au raoyea d'autres termes » Stromates, vi, 15: P. G.. IX, 349).
Les paraboles sont donc pour le Sauveur un moyen dattirer au monde intelligible. D*^au-
28 REVUE BIBLIQUE.
Dans cette première vue du plan divin, il n'est pas question d'exa-
miner les mérites et les démérites. Si cette considération entrait en
ligne, on serait tenté de dire que ceux du dehors sont seulement les
Pharisiens, les seuls qui jusqu'à présent ont mérité un jugement de
châtiment. Mais, si les foules ne sont pas spécialement visées, elles
sont comprises dans les termes très généraux du texte. Et comme il
ne s'agit pas de les punir, il nest point nécessaire qu'elles aient déjà
mérité un châtiment. Il est dit seulement que ce qui est donné aux
dons divins, n'est pas contraire à l'explication donnée par Marc que
Jésus parlait aux foules selon qu'elles pouvaient comprendre, car le
verset 11 ne dit pas du tout que la connaissance en paraboles, pour
inférieure qu'elle soit, ait été inutile. Ce sont là des modalités d'exé-
cution dont on n'a pas à se préoccuper quand on marque seulement
les grandes lignes du plan divin. Or, que Marc se soit bien placé
dans cette perspective, c'est ce que prouve à l'évidence le verset 1-2.
Ce verset est une allusion libre, mais incontestable, à Isaïe (vi, 9,
10). Le prophète est chargé de dire au peuple « Vous entendrez, :
nifeste que pour le dernier mot Marc s'est rapproché du texte hébreu
pour la tournure impersonnelle, « et qu'on ne le guérisse (2) ».
Or 3Iarc a lié très étroitement le texte rédigé d'après Isaïe par
la particule -.va, qui marque ordinairement le but.
On a objecté que dans la langue vulgaire l-tx est souvent syno-
nyme de lattique c-wç, de fac.on que », ou même signifie sim-
<(
plement que » icf. m, 9). mais c'est surtout avec les verbes qui
((
tre part, les mystères des prophètes sont conservés dans des paraboles, les secrets de
Jésus sont confiés aux Apôtres en paraboles. C'est un voile des choses surnaturelles [P. G.,
Vlil, 753; IX, 97 1. Ce sont bien là, comme dans Marc, deux acceptions différentes du mot
parabole, selon qu'il s'agit de la parabole ordinaire ou de l'expression de vérités surnatu-
relles .
(1) 'Av.or, ày.oO(ï£tî zai où (if, <7'jv/;t£, y.al lÎAÉnovTî; p),î'i]/£Tî xai oO (iri 'lôriTî.... \Lr\ îîote
î&wffiv Toïi; ûf03>.[ioT; y.a; Taîç (jju'iv àxo-jffwciv, xai tv; y.apôîa ouvwij'.v y.a"i £7:tfftps'{/w(Tiv, y.ai
idtao|xat xOto-j;.
(2) Vl NSII.
\.E I5LT DES PARABOLES D'AI'RtS I.'EVANGIf.E SELO.N SAINT MARC. -29
tie d'Isaïe, qui dit... ». Les rabbins citaient souvent l'Écriture sans
le dire (1 .
but, comme dans Me. : la disposition divine avait pour but... c'est au
fond la même chose '2), puisque la prophétie typique ne pouvait
être frustrée. En l'inspirant. Dieu se proposait un dessein qui devait
infailhblement se réaliser. C'est ce rapport entre le fait du verset 11
On par notre passage, par saint Jean Jo. xn. 37 par le récit
voit .
reste serait sauvé, qui serait le noyau d'un Israël renouvelé et plus
saint. N'était-ce pas ce qui commençait à se passer sous les yeux des
Apôtres?
Or si aux termes du texte isaïen, il mettait dans un re-
l'on s'en tient
lief singulier ré\'idence et presque l'excès de la lumière. C'est ce qu'a
manifestation du bien. »
la mission d'Isaïe avec celle de Jésus « Bien qu'il eût fait tant de
:
vélé? C'est pourquoi ne pouvaient pas croire, car Isaïe a dit en-
ils
Dieu, avant les siècles, avait destinée pour notre glorification. Cette
sagesse, nul des princes de ce siècle ne l'a connue car, s'ils l'avaient ;
(2) Advers. Iiar.. IV, 29, 1 : Unus et idem Deus his quidernqui non crednnt... infert cae-
citatem, quemadinodum sol in lus qui propter aliquum infirinilatem oculorum nonpos-
svnt contemplari lumen eius.
(3) I Cor. II, 8.
(4) Saint Jérôme sur Isaïe, ad h- l. : Er'/o non esl criulelitas Dei. sed misericordia
vnam perirc gentem, ut omnes salvae fiant.
LE BIT DES PARABOLES D'APRÈS L'ÉVANGILE SELOiN SAINT MARC. 31
fusé l'évidence des signes et d'avoir cherché querelle sur des points de
doctrine. Jésus s'était contenté de répondre avec une clarté décisive,
insinuant davantage à ceux qui voulaient entendre, La foule était cu-
rieuse de la doctrine, et Jésus lui avait donné, toujours en paraboles,
ce qu'elle pouvait comprendre. Les disciples étaient dociles. A eux
aussi, Jésus proposait des paraboles. Ils ne comprenaient guère mieux,
mais ils demandaient des explications. La parabole était bonne en
elle-même, mais il ne fallait pas s'y buter. X'est-ce pas aussi sur la
pierre d'angle de l'édifice que les Juifs se sont brisés?
Nous admettons avec M. Loisy que Jésus n'a jamais parlé que pour
éclairer ses auditeurs, avec une nuance cependant sur la lumière
plutôt négative de ses réponses aux Pharisiens. Et cet exemple prouve
déjà qu'il n'avait pas à éclairer tout le monde de la même façon.
Jésus ne pouvait se faire illusion sur l'instabilité de la foule, ni sur
lacharnement de ses ennemis; ne devait-il pas réserver à ses amis ses
secrets les plus intimes?
Il n'y a plus d'histoire évangéli^ue si l'on n'admet pas que Jésus a
confié à ses disciples le soin de continuer son œuvre. C'est ce qui
résulte déjà de la parabole de la lampe, qui figure les destinées de la
doctrine. M. Loisy poursuit d'une critique implacable toutes les
paroles qui conduisent à linstitution de l'Église par Jésus, mais il
g'iles, etvingt et une fois dans saint Paul? L'emploi de ce terme se-
rait un indice du paulinisme de Marc, paulinisnie assez restreint. Un
autre terme, zzm. « ceux du dehors o, répondant au terme rabbi-
:-.
nique qui désigne les non-Juifs, parait indic|uer une communauté dont
les limites sont bien tracées, celle des premiers chrétiens, plutôt que
Jérusalem.
Fr. M.-J. Lagrange.
sonne n'entrait.
2. Et lahvé dit à Josue : 2. Elle Seigneur dit à Jo- 2. Dixitque Doininus ad
LA CONOIETE DE JERICHO. 37
Voici que je livre dan> ta sué : Voici que je livre Jé- Josue : Ecce dedi in manu
main Jéricho et son roi, de richo dans ta main ainsi que tua Jéricho, et regem ejus,
vaillants guerriers". son roi ^des hommes] puis- omnesque fortes viros.
sants en force.
3. Vous contournerez la 3. Et toi, dispose autour o. Circuite urbem cuncti
ville, tous les hommes de d'elle les combattants, en bellatores semel per diem :
la corne de bélier, quand de la ville tomberont deux- tuba longior atque concisior,
vous entendrez la voix de la mémes et tout le peuple en- et in auribus vestris incre-
trompette, tout le peuple trera,chacun se précipitant puerit. conclamabit omnis
poussera un grand cri et le devant soi dans la ville. populus vociferatione maxi-
mur de la ville s'effondrera ma,et murifundituscorruent
et le peuple montera chacun civilatis.ingredienturquesin-
devant soi. guli per locum contra quem
steterinf.
6. Josué lils de Noun appela 6. Josué fils de Naué vint 6. Vocavitque ergo Josue
les prêtres et leur dit ; Prenez trouver les prêtres filius Nun sacerdotes, et dixit
que sf-pt
larclie d'alliance et ad eos artam fœde-
: Tollite
prêtres prennent sept trom- ris :septem alii sacerdo-
et
pettes de cornes de béliers tes tollant septem jubilœorum
en avant de l'arche de lahvé. bufcina>, et iiicedant ante
arcam Domini.
7. Et il 'dit' au peuple :
". etleurdit Ordonnez au 7. .\d populum quoque ait :
Passez et faites le tour de la peuple de s'avancer autour de Ite. et circuite civitatern, ar-
villeet que les guerriers la ville et de la cerner; que mati, praecedentes arcam Do-
marchent devant l'arche de les guerriers revêtus de leurs mini.
lahvé. armes passent devant le Sei-
gneur,
8. Comme Josué parlait au 8. et que sept prêtres por- 8. Cumque Josue verba
peuple, sept prêtres portant tant sept trompettes sacrées finisset, et septem sacerdotes
sept trompettes de cornes de défilent pareillement devant septem buccinis clangerent
béliers défilèrent devant lah- le Seigneur, donnent leet ante arcam fœderis Domini.
vé, sonnant des trompettes, signal avec vigueur, et que
et l'arche d'alliance de lahvé l'arche de l'alliance du Sei-
venait après eux. gneur suive.
9. Lesguerriers marchaient 9. Que les guerriers mar- 9. Omnisqu*^ prœcederet
en avant des prêtres qui chent en avant, et les prêtres arraatus exercitus, reliquum
sonnaient des trompettes, et ....] qui sont à l'arrière- vulgus arcam sequebatur, ac
l'arrière-garde suivait l'arche: garde, derrière l'arche de buccinis omnia concrepa-
on s'avançait au son des l'alliance du Seigneur, jouant bant.
trompettes. des trompettes.
Josué donna cet ordre
10. 10. Josué donna cet ordre 10. Praeceperat autem Josue
au peuple Ne criez point, et
: au peuple : Ne criez pas et populo, dicens : Non claraa-
ne faites point entendre votre que personne n'entende votre bitis, necaudieturvux vestra,
38 REVUE BIBLIQUE.
voix, et qu'il ne sorte pas VOIX jusqu au jour ou on vous neque ullus sermo ex ore ves-
de votre bouche une parole, ordonnera de crier alors vous ; tro egredietur donec venial :
bélier allaient devant l'arche chaient devant le Seigneur. usus est : praecedebanlque
de lahvé, sonnant des trom- .\près cela venaient les guer- arcam Domini ambulantes
pettes pendant la marche-, riers, et le reste de la foule atque clangentes : et arma tus
les guerriers marchaient de- derrière l'arche de l'alliance populus ibat ante eos. vulgus
vant eux et l'arrière-garde du Seigneur ; les prêtres son- autem reliquum sequebatur
venait derrière l'arche de nèrent des trompettes i^t tout arcam, et buccinis personabat.
lahvé ; on marchait au son le reste de la foule fit le tour
des trompettes. de la ville de près.
14. Le second jour on con- 14. Et de nouveau on rentra 14. Circuieruntque civita-
tourna la ville une fois et on au cainp; ainsi l'on fit pen- tem secundo die serael, et re-
rentra au camp; ainsi l'on fit dant six jours. versi sunt in castra. Sic fe-
pendant six jours. cerunt sex diebus.
Le septième jour, on se
15. Le septième jour on
15. se 15. Die autem seplimOjdilu-
leva comme l'aurore com- leva avec l'aurore et on fil culo consurgentes, circuie-
mençait à poindre et on fit six fois le tour de la ville: runt urbem, sicutdispositurn
le tour de la ville de celte erat, septies.
même manière sept fois-, seu-
lement ce jour-là on fit sept.
fois le tour de la ville.
16. \u septième tour, les ]<;. au septième tour, les 16. Cumque septimo cir-
prêtres sonnèrent des trom- prêtres sonnèrent de la trom- cuitu clangerent buccinis
pettes, et Josué dit au peu- pette et Josué dit aux fils sacerdotes, dixit Josue ad
ple : Criez, car lahvé vous a d'Israël : Criez! car le Sei- omnein Israël : Vociferamini :
livré la ville. gneur vous a livré la ville. tradidit enim vobis Dominus
civitatem :
lement Rahab la prostituée s'y trouve ; vous délivrerez merelrix vivat cum universis,
survivra, elle et tout ce qui seulement Rahab la prosti- qui cum ea in dorno sunt :
sera avec elle dans la maison, tuée, elle et tout ce qui sera abscondit enim nunlios quos
(car elle a caché les messagers dans sa maison. direxiinus.
que nous avions envoyés).
18. .Mais vous, gardez-vous 18. Mais vous, prenez bien 18. Vos autem cavete ne de
bien de l'anathème de peur garde à l'anathème, de peur his. quccpraeceptasunl, quip-
que 'poussés par la convoi- qu'il ne nous vienne à l'idée piam contingatis, et silis
tise' vous ne preniez quelque de prendre de ce qui est prœvaricationis rei, et omnia
chose de ce qui est anathème anathème et que vous ne castra Israël sub peccato sint
et que vous ne placiez ;_ainsij anathème le camp des
fassiez atque turbentur.
,
LA CONQUÊTE DE JÉRICHO. 39
V. 1. — Les mots Snic* 1:2 "lE^r que les LXX ne semblent pas avoir
lu dans leui' texte hébreu, pourraient bien être une glose; saint Jé-
rôme a traduit « timoré filiorum Israël », commentant le texte autant
qu'il le traduisait. Son explication est d'ailleurs excellente. Le passage
du Jourdain par les Bené-Israël avait jeté l'épouvante dans tout le
pays de Canaan, et Jéricho, la première localité qui allait entrer en
contact avec eux, prenait ses mesures de défense en proie à la plus
vive terreur. Les portes de la ville étaient soigneusement fermées;
personne n'osait plus s'aventurer hors des murs et Ton ne permettait
à personne d'entrer, de crainte d'introduire dans la place un ennemi
déguisé. L'auteur a peut-être encore voulu mettre en relief, dès le
début de son récit, la force de la cité cananéenne, afin de faire mieux
ressortir dans la suite l'intervention de lahvé. La glose du Targum de
Jonathan appuierait bien cette hypothèse : <( Jéricho était fermée avec
des portes de fer et barricadée avec des verrous d'airain... »
nous. Par contre sa leçon 7,7.1 -bv 'iLy.iChiy. y.J-r^c, -bv èv aù-:?j, supposerait
40 REVUE BIBLIQUE.
vont suivre en faisaient-elles partie; mais en tout cas, dans l'état ac-
tuel du texte, rien ne permet de le conclure.
On peut dire que le récit de l'apparition ne se terminait sûrement
pas au V. 15, mais il faut reconnaître aus^i que le texte a été tronqué,
car au début du chapitre vi on passe à tout autre chose. Le v. 1 cons-
titue une sorte d'introduction à un nouveau récit qu'il faudrait inti-
tuler Prise de Jéricho. Comme dans toutes les grandes circonstan-
:
ces (Jos. III, 7ss.; VIII, 1 ss., etc. lahvé parait en premier lieu, pour
,
œh|BRARY|1
LA CONQUETE DE JÉRICHO. 41
qu'il est malaisé de se persuader qu'il y soit mis sans dessein et sans
(1) Notons cependant que le v. 4 du TM. ne concorde pas pleinement avec le récit qui va
suivre, sur l'usage à faire des trorn;iettes. Aux vv. 8, 9, 13, 14 on sonne de la trompette à
chaque tour durant la marche; ici il est dit qu'on en sonnera seulement après le sep'àeme
tour. Ce desaccord pourrait être invoqué comme un motif de suppression du v. 4 par les
LXX, mais n'est-ce pas là au contraire une preuve du remaniement subi par le TM.?
42 REVUE BIBLIQUE.
mystère, sept prêtres, sept trompettes, sept jours, sept tours». Cette
observation très judicieuse est faite par dom Galmet. L'auteur du ver-
set amanifestement voulu insister sur le nombre sacré de sept; mais
quand on songe que le verset ne se trouve pas dans les LXX, on est
V. 5; LXX
vv. i-S. —
Les versions sont unanimes à affirmer dans
ce passage que c'est sur un signal de la trompette ou des trompet-
tes que le peuple poussera le grand cri suivi de la chute des murs
de la ville. La remarque est importante pour la critique littéraire
du chapitre. L'hébreu a-t-il voulu marquer une sonnerie spéciale par
remploi du verbe "wS? plusieurs critiques le soutiennent, et il sem-
ble nécessaire de l'admettre dans l'hypothèse d'unité de source ou
de récit.La Yulgate a même fortement accentué dans sa traduction ce
sens spécial de "îi*~, bien que l'assemblage des deux épithètes
longior atque concisior ne soit pas des plus heureux. Peut-être les
passages bibliques qu'on pourrait invoquer pour préciser le véritable
emploi de "j:n et de "i"»:"2 ne seraient-ils pas tous bien favorables à
une différence de signification aussi nettement tranchée que celle
qu'on voudrait leur attribuer dans ce verset. Cf. Num. x, 3 ss. Jud. ;
vil. 19, 2*2; Ex. xix, 13, etc.; mais noter surtout que plus loin, vv. 16 et
20, quand il est question de cette prétendue sonnerie spéciale qui doit
donner le signal du grand cri, on se sert chaque fois du verbe !?pn
et non plus de ~wG. i£' — m
S"p"nx aj"?2w'2 n'a pas de correspon-
dant chez les LXX; ce peut être une glose explicative passée dans le
texte, comme il est possible aussi que le grec ait négligé de traduire
ces mots qui n'ajoutaient rien au sens. Les LXX parlent simplement
de la trompette -y; 'ji.\r.\'(-;\, ce qui semblerait exclure encore de leur
texte hébreu le mot Ssvn; rendu par à\aa.
enfin nS'Ti nyiin est
V. 6-9 .
— Les variantes entre l'hébreu
et le grec vont presque en s'ac-
centuant, et elles nous montrent en tout cas de mieux en mieux qu'il y
a eu un remaniement intentionnel dans le texte. De simples inadver-
LA CONQUÊTE DE JÉRICHO. 43
haut que ce verset ne figurait pas dans le texte grec. Les deux pas-
sages sont nécessairement corrélatifs. Dans tout ce qui précède, les LXX
n'ont pas encore fait mention de l'arche.
V. 7. — La le(;on T"2N", au début du verset, ferait supposer que
les prêtres ont pris la parole à la place de Josué; mais le qerê nous
prévient qu'il faut lire '"2n'"\ lecture en efï'et plus raisonnable dans
lélat actuel du TM. Néanmoins le pluriel ne semble pas avoir été in-
troduit par une simple distraction de scribe ainsi que tendraient à
linsinuer les notes massorétiques. ou en tout cas il est fort ancien,
puisque les traducteurs qui ont fait la version grecque paraissent
l'avoir déjà connu. Dans leur texte, c'est bien Josué qui parle, mais
au lieu de s'adresser au peuple il continue d'entretenir les prêtres
qu'il charge de transmettre ses ordres à la foule, comme faisaient « les
officiers » (''Tcun) lors du départ de Sittim, i, 10 s. m. 2 s. La tra- ;
les mieux armés. Dans cette foule d'émigrants qu'étaient les Benê-
où Josiié poursuit toujours son discours aux prêtres. Une fois ce dé-
but supprimé, il faudrait très peu de chose pour faire concorder les
deux textes grec et hébreu; il suffirait de retrancher l'article dans
-';-:- et de mettre le verbe "'2'j à Timparfait. D'après les règles
(1) Voir plus bas, v. 13', dans le TM. uq membre de phrase identique qui a peut-être
inspiré la leçon du v. 8.
LA CONQUÊTE DE JÉRICHO. 45
(1) Cf. Num. 10, 25 où dans la description de l'ordre de marche au désert, Dan compose
l'arrière-garde. Les rabbins ont voulu que la procession autour des murs de Jérictio se fît
dans le même ordre. !nDN*2n avec l'article ne figure que dans ce passage du livre de Josué;
ailleurs ï]Dnî2, participe pi'el, a le sens de « recueillir » ou de « ramasser ». Jud. 19,15,18;
Jer.9.22. Dans le passage précité du livre des Nombres et dans Is. 52, 12, il signifie ^( venir
après, fermer la marche », ce qui équivaut à « l'arrière-garde ».
46 REVUE BIBLIQUE.
généralement mieux ordonné que le TM. i2) par contre, ici, il a tout ;
l'air d'être incomplet. Après les ordres détaillés donnés par Josué, on
(1) On pourrait obtenir aussi dans le TM, un ordre de beaucoup préférable à celui qui
extste en transportant simplement le v. 10 après le v. 7.
(2) Ce n'est pas d'ailleurs nécessairement une preuve en faveur de son authenticité, car
cette organisation peut être aussi le produit d'un arrangement subséquent.
LA CONQUÊTE DE JÉRICHO. 47
C'/Acç zr.itjhz Tvjç 7.'.2(i)-ou 'f,: zixf)qy:r,: K'jpizj' y,y'. z\ ''.-.^-J.t ïzxi-.'.zTt -y.\z
siXzr'H'. •/.:z', ; /w'.-'cr z'/'i.zz y-y.z r.tZ'.ty/jyjMzt Ty;v t.'z'kv) ï';^yjHv/ 1), y.x'.
A... yrj\ z\ Itpv.z ïaxK-izxi -xi: zx\r.r;zv/ y.xl z kzit.zz i'/j^zz xr.xz' y.xt
x-r'^ihz') T.xLv» £Îç -r^-) r.xpt\xiz\-çr y.xl \i.z-.x -x\>-x v.ztr.zzfjz^nz z\ \).x-/y^.zi
Luc. V, 13 : y,al ol âiiTà îspsïç oî çspovTSç xà; è-ià ^yXiciy^faç -rà? ïspà;
è'vavTt T^ç xtêwTOu Kupi'ou TCposTCopsûovxo, y.at cl '.epsîç la-âXirtaav -aTç aiX-
-ivv;iv, y.al s XcTzoç c^Xoç a-jraç /.ai oî \).iyy^.oi s'.aeTzcpe'JsvTC [j.£Tà xauxa,
y.a'. 5 AC'.^bç ^'/Àoç c-tcrQsv -^c xiSwTCîi ty;ç Sta6r,7.-r)ç Kup(c'j -ircpe'JÔiJ.svî',
y.al jaATTuovTsç t^ù y.epaTivaiç. ^^ y.aî •^rspisy.jy.Awaav ":r,v tcaiv èv ty; r,iJ.épjC
-rfi csuTspa a-a^ syy'jQîv Y.oà y.T.f,'/Szv jrâX'.v s'.ç --^,7 -rrapsy.ccAr/;.
ressant de constater cette entente dans un passage qui n'est pas pré-
cisément en harmonie parfaite avec le reste du récit. On vient de
nous dire en effet que pendant tout le temps de la marche les prêtres
sonnaient de la trompette, vv. 8, 9, 13 etc. et voici que maintenant ;
(1) L'entier développement des murs de Jéricho est évalué à 778 mètres, d'après les
relevés exécutés par les architectes allemands qui ont présidé aux fouilles de tell es-
Soultan. Cf. RB., avril 1909, p. 271.
LA CONQUÊTE DE JÉRICHO. 49
mann . Le P. de Hummelauer
une théorie spéciale IG"" veut dire
a :
pi'imum esse eadem plane ratione atqne priores circiiitiis. agmïne in-
cedente lenie et sacerdotibus liibis brèves edenlibus sonos. Sed car,
interrogabis v. 16 non habetur mentio longiorum sonorum v~w"2}, de
quibus agebal v. 5? Exprimuntur iUi v. 16 voce dixit... cum v. 5
ou bien de E-, etc. Néanmoins il faut avouer que cette page ainsi ba-
riolée rend bien sensilîle à l'œil le désordre et la confusion qui ré-
gnent dans le texte.
Un fait nous parait à peu près certain; c'est qu'il y a eu à l'origine
au moins deux récits de la prise de Jéricho, existant séparément, con-
nus et utilisés par le Rédacteur. Ces deux récits ont été naturellement
fondus, mais la fusion n'est pas si complète qu'une fois ou l'autre on
lie puisse percevoir des traces de la dualité primitive qui est au fond
du récit actuel. L'auteur, tout en disposant de ses documents avec une
certaine liberté, de manière à composer un livre à lui, les traitait
cependant avec respect semble avoir été soucieux de conserver
et il
(v. SO''). —
Dans l'autre document, Josué ordonne au peuple de ne
rien dire, de ne pas faire entendre sa voix jusqu'au jour où il lui
dira de crier (v. 10); à un moment donné il l'avertit de crier (v. iQ^)
et le peuple crie (v. 20*). Il y a manifestement la double annonce
là
de deux signaux différents et l'exécution de ces deux signaux accom-
pagnés chacun d'un grand cri poussé par la foule. Le même auteur
n'eût pas raconté ce fait à deux reprises et de deux manières aussi
divergentes.
On a essayé de poursuivre dans le reste du chapitre la distinction
de ce double document et de reconstituer chacun des deux récits pri-
mitifs. A la suite de Wellhausen, l'ensemble des critiques indépen-
dants semblerait assez porté à admettre que l'un des deux récits (J?)
auquel appartiendraient en tout ou en partie les versets 3, 7", 10, 11,
14-, 15'', 16'', i"-" aurait raconté que pendant sept jours consécutifs on
fit le tour de la ville une fois par jour. Les six premiers jours on
s'avança dans le plus grand silence, mais le septième, sur l'ordre de
Josué, le peuple poussa un grand cri, les murs de la ville tombèrent
et on s'empara de la place. D'après le second récit (E?) dont on re-
52 RENTE BIBLIQUE.
trouve les traces aux versets i, 5, 7^, 8, 9, 12, 13, 15, 16% 20^, on con-
tourna la ville sept fois le même jour; l'arche et les prêtres munis
de sept trompettes faisaient partie du cortège; au seplième tour, sur
un signal donné par les trompettes (1), le peuple fît entendre un cri
ces deux récits, même avec les données de la critique textuelle qui,
dans le cas, complique plus le problème qu'elle n'en facilite la solu-
(1) On a vu, à propos du v. 8. comment on pouvait arriver, avec une certaine vraisem-
blance, à resU-eindre la sonnerie des trompettes après le septième tour.
.
LA CONQUETE DE JERICHO. o3
ce qu'on peut lui assigner avec certitude. Il faut avoir recours aux
suppositions pour dire que l'un des deux récits parlait de faire
sept fois le tour de la ville en un seul jour et l'autre sept fois en
sept jours; une pareille distinction ne ressort nullement du TM., et
encore moins de la version grecque.
La majorité des critiques renonce à identifier l'auteur de chacun
des documents et se contente de faire précéder le passage du sigle
.JE, sans chercher à préciser davantage nous imiterons cette prudence
;
Jérusalem.
(1) RB., 1909, p. 50 ss. Noire but, dans cette série d'études, est d'utiliser les textes cu-
néiformes et les données exlrabibliques d'après les plus récentes découvertes. On verra
que de nombreux faits nouveaux se sont ajoutés à ceux qu'on possédait il y a quelques
années.
(2) RB., 1908, p. 502 ss. ; 1909, p. 368 ss.
(3) Ibid., p. 510 s.; 1909, p. 380 ss.
(4) RB., 1909, p. 378.
(5) Ibid., p. 379.
LES PAYS BIBLIQUES ET L'ASSYRIE. od
qui occupe la côte au sud de JafTa, les Philistins (2). La côte du nord
est entre les mains des « Sidoniens », du nom de leur ville princi-
pale (3). L'auteur qui nous donne ces renseignements sait bien que les
Hittites (i) sont fixés au nord de TAntiliban jusqu'à l'entrée de Ha-
math.
La décadence de l'Eg-ypte (5) au xiii^ siècle avant notre ère était
parallèle à celle de la Babylonie. La dynastie kassite était trop vieille
pour tenir tête à l'effort des Assyriens, qui éprouvaient le besoin
de dépenser leur jeunesse belliqueuse. Des traités et des mariages
avaient tenté de cimenter l'union entre Babylone et Asour, à l'é-
poque d'Asour-ouballit (vers 11.18-1370) (6). Les successeurs de ce
roi, Enlil-nirari (vers 1370-1315), Arik-dên-ili (vers 134-5-1320), et
Adad-nirari I'"'" (vers 1320-1290), avaient eu à lutter contre les bandes
indisciplinées qui harcelaient leurs frontières, que ce fussent ces Ah-
lamû ou ces Sutù dont nous avons fait connaissance dans les lettres
d'El-Amarna 7), ou cesKas.su, ces Luliiir/u( et ces Qutû qui arrivaient
de l'est (8). Le fils d'Adad-nirari I", Salmanasar V' (vers 1290-1260)
refoule, lui aussi, ces perpétuels envahisseurs. Au fils de Salmana-
sar P'', Toukoulti-Xinib I" (vers 1260-12+0), il appartenait d'établir
la suprématie de l'Assyrie sur les contrées du Tigre et de l'Euphrate.
Sa tablette commémorative, publiée en 190i par M. King (9), dépeint
l'activité guerrière du roi. Dans lapremière année de son règne, il
conquiert les pays de l'est et du nord, qu'il groupe sous les noms de
Qutû et de Subaru (10). Il est A-ainqueur desquarante rois des pays de
Naïri, c'est-à-dire des contrées limitrophes du lac de Van. Il engage
alors la lutte contre Babylone et fait prisonnier son roi Kastilias (11).
(1) Jud., 3, I.
(2) Ibid., 8, 3.
(3) Ibid., 3, 3.
(4} Et non les Hévéens (cf. Lagrat^ge, Juges, 3, 3).
(8) Ces peuplades sont énuniérées dans l'inscription d'Adad-nirariI. C'est ce prince qui
(11) Lire ainsi le nom connu jusqu'à ces derniers temps sous la forme fliôeai";/ ou Biti-
'66 REVUE BIBLIQUE.
82-7-4, 38 (col. IV, 1. 7 ss.) (2), Toukoulti-Ninib V ne reste que sept ans
sur le trùne de Babylone. Une revente des grands de la Babylonie le
renverse. Le fils de Kastilias, Adad-souma-nasir (3) , renoue la lignée des
rois kassites, cependant que Toukoulti-Ninib I" est bloqué par son pro-
pre fils, Asour-nasir-apla I", dans sa ville de Kar-Toukoulti-Ninib, et
finalement passé au fil de l'épée. Les démêlés entre Asour et Babel se
prolongent durant le règne des successeurs de Toukoulti-Ninib I". Un
écho de ces luttes nous parvenu dans un passage, malheureuse-
est
liasu. On a, en toutes syllabes, Ka-as-ti-li-io-sxi dans le contrat auquel fait allusion Thu-
reau-Dangin, dans OLZ., 1908, col. 93.
(1) Sur la tablette K. 2673, Sennachérib fait reproduire l'empreinte du sceau de Saga-
rakti-Sourias et raconte les vicissiludes par où a passé ce trophée. Cf. King, Records of
the reign of Tukulti-Ninib I, p. 106 ss.
grand coup. Il traverse le pays des Araméens (1), qui est occupé par
les Ahlamû que nous avons vus à l'œuvre à l'époque d'El-Amarna (2).
Alors il marche droit sur Gargamis, forteresse des Hittites sur l'Eu-
phrate, et s'empare de la ville. Poursuivant sa course vers la Médi-
terranée, il subjugue les pays de Musru (3) entre le Taurus et l'anti-
Taurus. Il peut s'écrier alors « En tout, quarante-deux pays, avec :
(1) Cylinlre, v, 46 : aiia libbi Aklamê {mâtu) Armaia naknU [ilu) Asur béliia allik
« Je me rendis chez les Aklamù du pays d'Aram, ennemis de mon maître Asour ». Il faut
comparer le du monolithe de Kurh, où Asour-nasir-apla raconte comment il a
passage
emmené du pays d'Aram (Bcdge et King, The annals
captifs quinze cents guerriers /t/iZaHiW
of the kings of Assyria, I, p. 240}. Il s'agit de l'Aram du norJ ou Aram des deux lleuves :
(5j Obélisque brisé, iv, 39; il manque un seul signe dans la lacune.
(6) Cylindre, vi, 62 ss. et Obélisque brisé, iv, 4 s.
(7) Cf. RB., 1908, p. 508.
(8) Ibid., p. 502 ss.
pour avoir laissé reprendre par les Araméens les villes de Pitru et de
Mutkinu, qu'avait conquises Téglath-phalasar P' (5). Cet épisode
illustre la situation de l'Assyrie durant cette période. Téglath-phala-
sar P' a poussé trop loin ses conquêtes et ses successeurs ne peuvent en
porter le fardeau. Les peuples de la périphérie, surtout ceux delà
Syrie, dont la soumission n'a jamais été complète, sont toujours prêts
à reprendre vers le nord leurs territoires perdus. Cependant l'Assyrie
se relève avec Adad-nirari II (vers 900-890), le grand-père d'Asour-
nasir-apla II. Il défait successivement les rois de Babylone Samas-
(1) Cf. notre commentaire de I Sam., 14, 47 et II Sam., 8, 3 ss.
est le père d"Asour-nasir-apla. dont le nom est Fun des plus glo-
rieux parmi ceux qu'a laissés Ihistoire d'Asour (2).
Ninib IL Le contenu en a été déjà communiqué par le P. Scheil à l'académie des Inscrip-
tions et Belles- Lettres.
^3) Nous le retrouverons au temps de Salmanasar II.
(c Dans grande mer je lavai mes armes, je fis des sacrifices aux
la
dieux. » Sahnanasar H fera exactement la même cérémonie lorsqu'il
atteindra la mer Méditerranée ou la source du Tigre (5).
L'énumération d'Asour-nasir-apla commence par les villes du sud
pour remonter vers le nord « Le tribut des rois qui sont sur la côte
:
(7j BuDGE et Ki.\G traduisent d de l'ivoire et un daupiiia » ; mais aa-hi-ri est au génitif
LES PAYS BIBLIQUES ET L'ASSYRIE. 61
et ils embrassèrent mes pieds lu » Les pays compris dans cette énii-
mération srmt désignés d'après les habitants de la ville principale.
Pour Arwad (|ui est une île et. par suite. n"a pas de campagne envi-
ronnante, on spécifie qu'il s'agit de la ville ». On voit qu'il devait
exister nne ville d'Amourrou un peu au sud d'Arvvad on va du sud
au nord). Dans la lettre du pharaon d'Egypte à Azirou qui a réussi
à prendre la suprématie en Amourrou, le destinataire est appelé
<•prince amêlii de la ville ahi d'Amourrou A-mu-ur-ra ^ ••.
temps de Salomon. avait nourri chez elle Jéroboam qui devait faire
pièce au fils de Salomon. Roboam, et séparer de Juda les tribus du
nord. Les Araméens de Damas profitaient de ces dissensions en Canaan
pour se fortifier de plus en plus et consacrer leur indépendance.
Lorsque le phara<m d'Egypte Sesonq "rr'w* fait sa campagne contre
le pays de Jada. il ne monte pas au delà de Megiddo et se contente
d'accepter la vassalité de Roboam (i . Le petit-fils de Roboam. Asa.
serré de près par le roi d'Israël. Ra'sa. ne trouve rien de mieux à
faire que d'appeler à son secours le roi de Damas 5 Celui-ci est Ren- .
d'où •<.
des dents de nahiru ». Le nahiru est l'animal uioQàlrueus que Té^lalh-phalasai I"
tue dans la Médilerranée.
1; Annales, IH, 85 ss.
(2) Edition Knudtzon, n- 162. 1. 1 : Cf. RB., 1908, p. 502.
que l'armée proclame pour roi un chef militaire, Omrî. qui trans-
porte résolument la capitale du royaume à Samarie et y fonde une
ville nouvelle. Il luttera ainsi contre les envahissements de Damas et
inquiétera Juda, l'éternel ennemi. Son règne est esquissé très rapide-
ment dans le livre des Rois 1), mais il fut un général très heureux
et un monarque célèbre. Il donna son nom à la lignée des rois de
de Kalhou.
tions dans sa ville
Salmanasar II 860-825 n'aura pas les hésitations de son père. Dès
sa première année de règne, il passe l'Euphrate, va jusqu'à la Médi-
{2) Dans 1!I R. pi. 5, n° 6: cf. Dniizscu. Lesestiicke (4" éd.), p. .Si s. et KB., I,
p. 140, n. 1.
(3) Dans III R. pi. 10, 1. 17 el 26 (cf. KB., II, p. 30 ss. et A.-17".-, p. 265.
(4 Cf. Lacra.vge, L'inscription de Mésa, dans HB., 1901. p. 524 ss.
LES PAYS BIBLIQUES ET L'ASSYRIE. 63
(3) Nous suivons le récit du monolitiie, II, 78 ss. III R, pi. 8 . Cf. KB., L p. 170 ss.
(3) L'équivalence de idri et 1"?^ est un fait acquis : cf. KAT^., p. 446, u. 1. Pour le
(4) L. 90 ss.
occupe Test de la Cilicie et fut plus tard englobé dans celle-ci. C'est
devant *~"'s. Nous avons reconnu la ville de .":"•; dans Irqat des lettres
d'El-Amarna, et, grâce aux indications des Grecs sur As/.r,, Apy.a, nous
avons pu la localiser à Tell-' Arqd entre l'Éleuthéros et Tripoli de
Syrie 3). On n'hésitera pas à identifier Irqanat et Irqat. La vraie pro-
nonciation était, sans doute, Irqant qui a donné naissance, à la fois,
à Irqat et à Irqanat. La ville dArwad Ar-ma-da-a-a est sous la do-
mination de yia-ti-nu-ha- -U Le . nom du roi a pour second élément le
dieu phénicien par excellence, "-'i. qui entre aussi dans la composi-
tion du nom du roi de Sian, A-du-nu-ba-'-li. On remarquera que
l'élément Matinu = ";r*2, d'après les noms propres hébreux ^r^.
v:ç , nom d'un roi de Tyr, suivant Josèphe (i . Les deux villes qui sui-
5> Cf. KB., II, p. 28. Pour Sumur et Arr/à, RB.. 1908, p. 507 et 509.
(6) D où impossibilité de lire Samsanut pour Usanat, comme propose AVinciiler Keilin-
schriftliches Te.ctbuch zum Alten Testament, 3' éd.. p. 20\
REVLE BIBLIOLE 1910. — >. S., T. VU 5
C6 REYLE BIBLIQUE.
On remarquera que le nom du roi des Ammonites est Basa qui cor-
respond exactement à Nii'vn, nom du second successeur de ,lérol)oam
snr le trône d'Israël. Ce de Buhub, de même que le roi
Basa est tils
sublime que m'a accordée le seigneur Asour; avec les armes fortes
(1} I Reg., 16, 31 Nous lisons Ithobaal pour "^y^nx, d'après Eiewga).oi:, lOoéaXoj, nom
d'un ancien roi de Tyr, selon Ménandre d'Éphèse, cité par Josèphe {Cont. Apion., I, 123 et
Ânl., VIII, 324). Lorsque Josèplie cite Ménandre, il se contente d'appeler EiôwêaXo; « roi des
Tyriens », mais, dans Ant., VIII, 317 ; L\, 138, il ajoute « et des Sidoniens », pour faire com-
cider avec la donnée biblique nv-y ~{^^. le meilleur texte est celui du Cont. Apion.,
I, 123 : E'.OwêaXo; ô t^ç 'AffiàpTr,; îepîj;, qui rappelle si bien le niT^C" ^"1-. <I"6 le « roi
des Sidoniens », Tabnit, se décerne comme titre, ainsi qu'à son père Esmounazar, dans son
inscription funéraire.
LES PAYS BIBLIQUES ET LASSYRIE. 07
que m"a octroyées Nergal, qui marche devant moi, je combattis contre
eux. Depuis la ville de Qarqar jusqu'à la ville de Gil-za-u je les défis.
Je renversai par les armes li.OOO guerriers de leur armée; comme
le dieu Adad, je fis pleuvoir un déluge sur eux; j'accumulai leurs
cadavres; je jonchai la surface de la plaine de leurs troupes nom-
breuses. Par les armes, je fis couler leur sang dans les creux (1) de
l'endroit. La plaine fut trop petite pour la chute de leurs cadavres,
le pour les enterrer; avec leurs corps je comblai
vaste sol ne suffît pas
rOronte comme pour un gué. Dans ce combat, je leur pris leurs
chars, leurs cavaliers, leurs chevaux, leurs harnais (2). »
Cette victoire de Qarqar devait rester célèbre dans les fastes de
l'histoire d'Assyrie. D'après le monolithe, Salmanasar avait tué 14.000
guerriers. Dans l'obélisque il y en a 20.500; dans une statue prove-
nant d'Asour, 20.800; sur l'inscription des taureaux de Nimroud,
le nombre en est porté à 25.000. Cette progression de la première
donnée numérique est tout à fait dans le goût de l'exagération
orientale. Elle indique avec quelle circonspection il faut accepter les
chiffres ronds dans l'évaluation des pertes de l'ennemi ou des forces
du vainqueur. Les portes de Balawat gardaient le souvenir de la ba-
taille. La légende portait simplement « Je conquis la ville de Qarqar, :
lence de h et de •?. De là li^ivilx '^ lumière du Très-Haut », qu'il faut comparer avec
~!^''21X « lumière de Mélek » (cf. ass. U-ru-mil-hi dans le prisme de Sennacliérib, ii, 90) de
lahoumélek
l'inscription phénicienne de {CIS., I, 1). Rapprocher les noms bibliques à pre-
mier élément "nx. On remarquera que l'inscription de Balawat cherche à donner la pro-
(4) Inscription des taureaux, 1. 74, d'après la numérotation de Delitzsch dans BA., VI, 1,
p. 146.
68 REVUE BIBLIQUE.
(1) C'est l'auleur de la tablette cultuelle de Sippar (cf. notre Choix de texles...,
p. 3S2).
(2) Ces événements sonl racontés dans l'histoire synchronique, III, 22 ss. {KB., I, p. 200 s.).
La confirmation en est fournie par l'inscription des taureaux de Salmanasar, I. 78 ss. (De-
i.iTzscH. BA., VI, 1, p.
14" ss.), par celle de l'obélisque, 1. 73 ss. (KB., I, p. 134 s.), et
par celle du trône, 1. 14 ss. (BA., VI, 1, p. 152 s.).
(5) L. 87 SS.
LES PAYS BIBLIQUES ET L'ASSYRIE. 69
faut identifier le roi de Damas, Adad-idri. Nous avons dit déjà que la
nous savons, par II Reg.. viii. 7 ss., comment ce Hazaël est devenu
roi de Damas. Pendant que le roi de Damas qui. dans la Bible, porte
le même nom que le fils de Hazaël. """""jz, est malade à mort, un
(!) Cf. Wi.NCKLER, Keilinschriftliches Textbuch zum A. T., 3' éd., p. 23.
nombre, je les détruisis, les dévastai, les brûlai par le feu. Je pillai
leur butin sans nombre. Jusqu'aux montagnes de Ba-'-li-ra-'-si, qui
sont au-dessus de la mer, je me rendis. J'y érigeai ma statue royale.
Alors je reçus le tribut des Tyriens {Su)'-)'a-a-a), des Sidoniens (Si-
du-na-a-a) et de Jéhu \Ia-ù-a) descendant d'Oniri {Hu-um-7'i-i). »
'de la trêve que leur laisse l'Assyrie, pour s'unir et se fortifier mu-
tuellement, les royaumes de Damas et de Hamath, d'Israël et de Juda
(2) Cf. sup. la tactique des Tviiens et des Sidoniens vis-a-vis de l'Assyrie.
(3) II Reg.. 10, 32 ss.
(4) Obélisque, 1. 102 ssl
(.4 suirrp.)
Fr. P. Dhorme.
MÉLANGES
-piTW 6aA;j.c5 « Toîi -/.jp-lcj y; !j(i)--/;p(a », -/.a', y.tliixi -ap" 'E6paisiç èzi t^ç
« awTYjpîa? » Ta s-' tcj awi^pi; y;;j.wv (jTor/sTa. è oè 'E6pafoç èv tw 'Ajx6a-
•/.S'jfj. Ts Acv^l^-îvov « 'Eçï^XOs? £'.^ (7WTr,piav Xacu jcj -riîi a-wo-ai. tcù; '/piŒTOjç
72J )' £ç;a7-/.îv £v TO) 'EcpaïxîpTOjTCv éyv.y-o'/ Tpi-sV « 'lajaÔav r^scjè à;x[j,ay-
vr,7Cj£ £6y,£7'.â-/* » 'c-£p •/;p;rf,vsu7£v iuto);' « 'E;v;a6c? £•.; 7WT-/;p'!av Aa;îj 7cu
TO) I-(^3-oj TO) */p',7T0) 72'j ». àX// îva [xy; 'Ir,7:jv i:7.;J73:ç oià Tr,v :[j,a)vu[7.{av
-Xavr.ôïjç, è—r^yavev « 'Ir,{7C!u y^piG-o'J u-oS Aaoîs. » 5 yàp "^^y Naj^ 'Ir,ocuç cjy,
•fjV Tcu Aa6'3, àXX' STepa? çuX^ç J7:Y;p-/£v' èy.£tvoç [^.sTa to TsXeuTYjca'. tov
Mwdéa, sCiToç (j.£Tà tô -a'jaaiôa'. tov vÔij-ov* èy.£ivoç wç SvjiAaYWYÔç, cuto>; w>;
i'jX7'.X£'Jç. Tl'v5Ç Oè £V£y.£V « |3(6Xsç Y£V£7£0)Ç » JCJTr,V y.aXîT « 'Ir,70U Xp'.ffTOÎJ »
y.. T. X.
Non ostante il gran nome messo avanti dal Kollar e non ostante che
(1) Gregory Texlkrilik des \euen Testamentes I (1900) 152 Evv. 108; von Soden Die
!• tr;] T^ç W, unde xoiç eêpaiot; Kollar. — 3. o-wTïjp] om. A — xw] om. AW. — 4. Ttapa l^'-
— C. c^T)),6£v V. — 7. -roiî zêooLiv.Q'.z ^^ ('~- — taffaôàv. tjoo'js. A, laffaôâv r^a. V, làffaâav rjaous.
^^- — 8. £8[jL£'nà-/ -4, Èôfxao-iàx ^^i à9|Ji.£(ïtà7_ V. — epfirivîuexai F]V. — 9. azouffa; iy)(ïouv -4. —
0{iovu|xiav W (?). — 10. 7r).avr|9£i; ^4, 7rXavr,6Y) l'. — 10. vaut W. — -4 |xwu(T£a — 13.
I"2. ^"^V'. paat-
),£u; hucusque AV.
MELANGES. 77
vr/.bv, oc'/'ha ty) 'E6pa((i)v ç-wv?; cJTO) Vd^^z-xi... èxsîvc? \).fia -zo TcAsuf^cra',
Mwjo-Éa, oijTCç iJ.t-'x -h Ttaj^aTGai -bv v6;j.2v* ky.evK^ wg c-/j[JLaY(i)Y2ç, cOto; iùç
(ia(7',Acjç. Aaa' tva ;xy;' lr,7C~jy h:/.z\)zy.z oià Ty;v ;;j.a)vu;j.iav ^Àav/;6ïiç, £7:r,YaY£V
1. '/JP't U'-Cîi Aauio. èy.îïvcç ce cjy. '^v toy Aauio, kaa' âtipaç çuA^ç. Tivcç oè
£vr/.£v i3(^Acv aj-:Y;v 7373730); y.xÀs^ I. Xp. ; Senso e parole, corne si vede,
ne ha preso il compilatore, solo ha disposto le proposizioni, corne me-
gliogliparve,ritoccando,per connetterle, appena qualche parti cella.
Rimane il passo intermedio, che nel Crisostomo non c' è, e deve
venire altronde, da qualcuno degli esegeti non isdegnosi di consultare
rabbini. corne —a testimonianza di s. Girolamo contra Riif. I, 13,
P. L. XXIII, 426 — Origene, Clémente, Eusebio ed altri parecchi :
Hebraeorum ista sententia est. » Ora, che fra tanti, ad Eusebio di Ce-
sarea piuttostochè ad altri debbasi pensare, n' è ragione
testimonianza délia catena II di Karo=:Lietzmann su Matteo, la
1° la
quale almeno in due manoscritti parigini del sec. xi (3) e nei citati
codici romani A V attribuisce rettamente al Crisostomo la fine àX/.' î'va
p.-/; —
ibç ^aî'.Àcj;, e ad Eusebio di Cesarea (4) il passo Tb 'Ir^aso; ~m —
bf^aoy Tw '/ç>iz~m gz'j.
(1) Cfr CuR. BvuR, 0. S. B., S. Jean Chrysostome et ses œuvres dans l'histoire litté-
raire = Recueil de travaux publiés par les membres des conférences d'hist. et de
philol. ecc. fascic. 18 (Louvain ; 1907} 28 sqq.
(2) Ib. p. 87, not. 1.
(3) Corne risulta da H. Lietzman.n Catenen (1897) 81. Invece nel cit. C'atal. di Karo =
Lietzmana 563-564 il saggio è pur troppo accorciato.
(4) Qui perô ia A î. i r, sebliene sia cospicuo 1' inizio d' un nuovo estralto, manca il
nome; il che non è strano, parendo il detlo raanoscritto copia d' altro danneggiato nei mar-
gini, non finito ap'posta, giacchè in A « noinina (tnarg.) post fol. 20 desiderantur »
78 REVUE BIBLIQUE.
XXII, 332-3; éd. Dindorf III 282 : jwtï-pisv Ossu v.q -y;v 'EXXàca oiùv-çi -z
:z~J r^7;j [xz-y.\r^oHv/ ï^)z\i.y. z'r^\j.y.bn\' lîcjà jj-sv ^xp zap E5pai2t^ stor^pîa,
•j'.bç se NajY; -apà toT; aÙTClç IcoTCjà :vc;j.â«£Ta'.' Io)7CJ£ ;£ £7tiv laoj jw:-^-
p(a, toOt' eaTi OîOli cwT^ipiov. er/.ÔTWç £1 tïO'j 9c2j jwri^p'.cv àv -rcîç EXa-/;v',7.cîç
àv-iYpâoctç wvsfjLaîTâi, cùB à'XXo t', y; tov I'/;7vUv y.x-rà rf^v EcpaCwv 5wvr;v
Ne osta che tre manoscritti délia catena (degli altri non si sa)
diano troppo ad Eusebio, attribuendog-li anche 1' inizio Tb vc^iz'jz —
Ki^;i-xi, giacchè le omissioni délie sigle nelle copie sono oltreniodo
facili e frequenti, donde poi la fusione degli estratti \dcini; e tanto
basta a spiegarel'inesattezza, senza dire che nondesterebbe meravi-
glia il trovare presso due scrittori indipeudenti un periodino cosi
semplice ed ovvio.
D' Eusebio quindi, anzichè d' Origene, parrebbe il fr. 'Ep;j.Y;vcJ£Tai
(Karo-L.), e prima ancora vi veggo erasa più volte la sigla d' Origene (8"^ ecc.) ed eraso
a f. 17" il nome d'Eusebio.
(1) P. G. XXIIl, 100 C. Il passo viene dalla miglior fonte per il torao I (Psalm. l-5o) del
commento d' Eusebio al Salterio, cioè dalla catena dei codici Vat. 1789, Monac. 3.59, Barocc.
235 in Karo-Lif,tzm\nv o. c. 30.
MÉLANGES. 79
Cf. Field a. 1.
Rom a.
G. Mercat[.
(1) leaaya Ps. 17,36, [Aiia-/ Ps. 88,39.52; ma jie<Tiw e aiifia/ a Ps. 27,8.
(2) i(70-ja Deni. ev. l. c. — Nelle Esaple, Ps. 27,8 icto-jwO e Ps. 88,27 laTovaQi, (love pero
sta scritto nell' Ebraico riiîTIïT^ e ^r^Vw'^. Quanto ail' t per y-, si nota ad es. in tr.aouc
(3) Cfr Fii:ld o. c. prolegom. p. lxxiv. Tardi esempi di poeli spagniioli ricorda il Nestlé
in Zeitschrift fur altlest. Wissenschufl XXVI (1906) 285.
II
p. lA-IB — V, 8-2Ô _ _ _
p. gr-OH — rv, 21 V XXVII. 3 Instit. Fr. du Caire.
B. 1 fol. non pas. Matth., v. 46-vi, 19 Paris. B. N. Copte 129\ fol. 16G.
;i ) Catalogus, p. 149.
Fragmenta Basrnurico-Coplica Veteris et Novi Toslamenti quae
(2) in Miiseo Borgiano.
Velitris asservantur. Havniœ, 1811.
REVUE BIBLIQUE 1910. \. S., T. YII. — G
82 REVUE BIBLIQUE.
'
„, ...
Philip., I,
.
i-ii. 2
.,
i
— — —
I ;.
(1) Édité par K. Wessely : Sitiungsberiehte der Kais. .\kad. der Wissenschaften in Wien.
Baud 158, 1 Abhandiung (1908).
(2) Édile par Leipoldt : .Egyptische Urkunden aus dem Koenigl. Mus. zu Berlin. Kopti-
che Urkunden. I Band n" 168.
3) Édité par Crum et Kenyon : Journ. of th. Slitd., I, il5 (provient du Fayoïim).
MÉLANGES. 83
[u H Te II xejAvovo)
[evxi une vBeKH^
[IJTAK Ae GK iiei.vi II
[TeKUeTJllAHT u
Matth. V, 46 • • • • e^yo)^ [neATe (2)] TeKOA:\:e iiii
^i) Le relieur ayant retourné ce feuillet, le recto réel est devenu le verso apparent.
'2) Sic Masp.; lisez :
uueATpe ^
84 REVUE BIBLIQUE.
M, T u ne.ve.xATA ii^ye!
:xi[nT2H miieeui]
KOC [ll^ytVVUHOVl] ... .....
rap 3:e 2_u nevovATej
^exi ii^iyAvctoTu]
6AAV. un[eMiii oviij • . . 1
(1) Ce litre, dan-; la marge inf-irieure, est probabletneat de seconde maiii ; d- même le
titre qui se trouve dans la marge du haut, au verso.
86 REVUE BIBLIQUE.
tl TE/.wva'. £-:'. cJTwr ::; '.:j --.v . Cette même leçon est donnée par le
bohaïi'ique.
— i7. UH iiiJieeiJiKoc etc. suppose le grec: :>/ ;• i^v.-/.:-.
VI. 1. Dans l'état actuel du manuscrit il ne reste que quelques
lettres de chaque ligne. Je restitue d'après M. Maspero {Recueil de
travaux, xi, p. 116i (1 . iiuAUTeTii bgkh iiha'.- = :>/. iyy.-. \j.'.-Hz-)\
Cl) Il y a cependant deui lectures de M. Maspero que je ne peut accepter; rillustre mai-
Ire aura été influencé par le texte bohaïrique.
Il donne eriTeilTAlA eune.veiG. enTeUTAlA représente le grec owssàv
0[j.à)v, mais le suflfiie correspondant dans eun6.\6IC est féminin: on ne peut donc lire
Amen » (1).
— 15 et 16. M. Maspero a pu lire et reconstituer le verset 15 et
le début du v. 16, maintenant illisibles; voici son texte : [e^cuni ag]
cunes.
xiv, 8. Le bohaïrique et le fayoumique ont la même leçon. « Mais
mère l'instruisit, elle dit
elle, sa : » façon courte et naturelle quoi-
que peu ordinaire de rendre le passif en copte.
(1) CeUè formule pourrait être un écho d'un usage liturgique juif. Cf. la prière 'Alénou
(Lagkange, Le Messianisme chez les juifs, p. 154).
.
MELANGES. 89
— exeiG IIHC =
9. Ith-q-rx: Xj-t^-i xjty;.
Io)âvv;j t'i ~^^ sj/. X7.r, rj v £ "/ 2v xjty; v t~'. ~viy.w.'.' izz'yri 7.'j~r^'t
'/.tJz-.'t x-j-.zjz àva/, A'.f)?; va-.. Aq:^i unie iiijaik = {i.xzi-i -.z'jt
confusion des deux lettres est facile, ^yAiiTGqi donne un sens très et
plausible. Il correspond à l'infinitif £/.6£{v du textus receptus, infini-
tif qu'on pourrait appeler « de destination, ou de direction » et que
mais on peut croire qu'il avait sous les yeux d'anciennes versions
d'un caractère plus populaire, dont il s'in^^pirait parfois pour sa
traduction là où la fidélité à son texte le lui permettait. On s'expli-
que ainsi des rencontres de détail assez fréquentes, à côté de diver-
gences considérables, entre la bohaïrique et la fayoumique. Je crois
en effet que l'on a le droit de considérer cette dernière comme repré-
sentant mieux les versions coptes primitives qui n'étaient pas faites
pour l'usage ecclésiastique officiel. La sahidique et la bohaïrique au
contraire, ont eu successivement l'honneur d'être le texte officiel des
92 REVLE BIBLIQUE.
III
4 Janvier.
1838 ne lui connaît aucun nom spécial (3\ Est-ce à dire que de Saulcy
ait été induiten erreur, ou qu'il ait amené ses bédouins à prononcer un
nom dont il avait besoin pourétayer une théorie topogiaphique d'ail-
leurs contestable? Nulle raison sérieuse ne permet d'en arriver là. Que,
par sa forme, la péninsule justifie cette appellation, on l'accorde : « elle
\ ^
ywi«iBliii«a I
ïf^WBra^ï^r
bout, et c'est bien la presqu'ile même que les gens du pays désignent
ainsi l) ». Le renseignement de M. de Saulcy se trouve de la sorte
confirmé, de même quil le sera en 18T0 par Palmer. Mais jusqu'à quel
point les notes de ces voyageurs sont-elles indépendantes les unes
des autres, c'est ce qu'il resterait à fixer. De nos jours encore, il est des
Arabes qui ignorent le nom de Lisàn et d'autres qui le connaissent. L'im-
portant serait de déterminer si ces derniers n'ont pas subi en cela Tin-
fluence des Européens. Un des Ghawàrneh nous a nommé Rds el-Lisân
le cap nord de la péninsule, tandis qu'en 1905, on avait présenté à M.
N. Schmidt la presqu'île sous le nom de Ghôr el-Mezrà'a et la baie méri-
dionale sous celui de Lisàn el-Bahr, ou « langue de mer » (2), A mer-
veille. Cette onomastique nous ramène tout droit au temps de Josué.
On disait en effet à cette époque que la limite sud de Juda partait de
l'extrémité de la mer salée, de Xql langue tournée vers le sud (3). Cette
langue est assurément le bassin méridional de la mer Morte opposé à la
lagime septentrionale qui servait de point de départ à la frontière nord
de la même tribu. Toute l'argiimeniation d'un de Saulcy ne saurait em-
pêcher que le texte biblique ne parle ici d'une langue de mer, d'une
baie et non dun promontoire. ^lais on aura beau faire, si heureuse que
soit la constatation de Schmidt et si peu fondée qu'on suppose la ver-
du nord au sud, puis d'est en ouest fut un jeu pour les robustes
bateliers qui poussaient nosbarques avec émulation. Nous vîmes le
fond du golfe occupé par un fourré d'arbres où se cachait la source
saumâtre d' Ain Mehallah, ce que Palmer a nommé la dépression d'Aril.
Quant à la péninsule proprement dite, elle fut difficilement abordable
du côté de la mer parce que sa base, glissant sous les eaux suivant une
pente peu accentuée, arrêtait les embarcations k une distance assez
notable du bord pi. V, 1). On réussit enfin à trouver une falaise que
certaines cavités naturelles rendaient accessible et l'on parvint à se
hisser, par son moyen, sur les premières côtes. Après quelques pas péni-
bles dans le sable brillant, nous escaladâmes les trois étages du plateau
marneux jusqu'à la plate-forme merveilleusement unie qui couronne
X josué±5.2 : n2;: r>:t~ vc'^rr":^. Cf. yum. 34, 3 et ni;., 1909, p. 220.
94 REVUE BIBLIQUE.
vapeur qui ne tarda pas à doubler le cap nord, celui que depuis Lynch
on appelle Costigan, du nom de ce savant anglais qui trouva dans la
mer Morte un nouveau Styx. Notre flotte avait été réduite d'une unité.
On avait laissé au port de Haditheh la barque neuve et deux hommes
de l'équipage chargés de ravitailler l'expédition. Ils devaient aller à
Kérak se nantir de diverses denrées nécessaires la farine menaçait —
de faire défaut et nous —
rejoindre le lendemain dans la partie sud de
(1) Cf. L.4RTET, Ejcploration géol. de la mer Morte, pp. 175 ss., sur les dépôts de l'époque
quaternaire: Blanckenhorn. Entstehung und Geschi'chle des Todlen Meeres, ZDPV., \L\.
p.43; De Lappare.nt, L'origine et l'histoire de la mer Morte, fiB., 1896, p. 573 ViNCE.->ir,
;
teau et son vieux canot en laisse suivaient la ligne des falaises qui bor-
dent la Lisân à l'occident. Murailles unies descendant à pic dans la mer,
éperons aigus de marne durcie, plissements à l'infini des gypses ravi-
nés telles sont les formes qu'aiment à revêtir ces falaises, aux endroits
:
où elles ont résisté à la vague qui vient les saper à toute heure (fig. 17).
En bien des points, des cavernes se sont creusées au ras de l'eau et des
pyramides d'argile ont croulé par la base. Ce lent travail de destruc-
tion de la Lisân élargit de plus en plus le détroit qui la sépare de la
plage de Masada. On s'imagine facilement quejadis la trouée, qui me-
sure aujourd'hui quatre kilomètres à l'endroit le plus resserré, et neuf
au point le plus large, était de beaucoup plus étroiteet que même, à une
époque reculée, elle n'existait pas du tout. La similitude frappante qui
existe entre les terrains qui composent la rive occidentale opposée à la
Lisàn et ceux de cette péninsule incline en effet à croire qu'ils ont fait
(1) R. P. Nau, s. J., Voyage nouveau..., p. 381. Robinson a donc tort de dire que la pre-
mière notice d'un gué près de l'extrémité sud de la mer Morte est de Seetzen {Bibl. Hesear-
ches, I, p. 521).
96 REVUE BIBLIQUE.
trois heures et demie démarche et que, par endroits, l'eau du gué était
de Tyr porte ce texte « Ils passèrent le lai qui a nom la mer Morte et montèrent par les
:
25 minutes avant de doubler le cap méridional de la Lisàn. Il n'y a pas à douter qu'il soit
identique au R. el-Mkéta delà carte de Musil. Sur le rôle de ce gm- dans l'histoire de la
tribu des 'Amer, cf. Dissaro, RB., 1905, p. 420.
KEVUE BIBI.IQLE 1910. — N. S., T. VII. 7
98 REVUE BIBLIQUE.
On a beau consulter soit les auteurs classiques, soit les cartes byzan-
tines ou médiévales, les uns
sont absolument muets là-
et les autres
dessus. Rien dans la carte de Mâdabâ, rien dans les croquis destinés
à agrémenter les anciens itinéraires, et, qui plus est, rien dans les
ouvrages à visée scientifique d'Adrichomius (1584} et de Re-
land (1708). Jusqu'à ce dernier la mer iMorte est représentée par une
nappe d'eau unique, ordinairement terminée en pointe, avec la
légende lingiia maris. Le premier qui, à ma connaissance, s'est
:
élevé contre cette inexactitude est le Père Nau, déjà nommé plusieurs
fois au cours de cette relation
dont la curiosité louable sut puiser
et
à bonne source. Ayant eu l'occasion de voir à Damas l'bigoumène de
Saint-Sabas, Daniel, il le questionna sur les bords mystérieux du sud
de la mer Morte où nul étranger n'osait s'aventurer. On sait que le
monastère de Saint-Sabas est comme la vedette avancée de la civilisa-
tion au sein du désert occidental du lac Asphaltite; son chef était donc
à même de fournir les renseignements demandés, d'autant plus qu'il
avait exploré la contrée en compagnie de quelques Arabes aux envi-
rons de l'an 1670. Au cours de cette inter\Tiew, qui serait à rapporter
en entier, on causa d'abord des pommiers de Sodome, puis on passa
à la configuration générale du lac. « Cet abbé, écrit le P. Nau, à qui
début du XIX siècle, apparaître sur les tracés géographiques des ex-
plorateurs un embryon depéninsule qui, après maints travaux, devait
atteindre sa forme définitive de « langue tirée et relevée du bout ».
immobile sur une eau morte, on était saisi d'une étrange sensation
d'isolement. L'n air vaporeux planant sur létenduede la mer donnait à la
clarté de la lune une apparence laiteuse qui noyait les contours desmon-
tagnes et reculait les longues collines de sel dans un lointain indé-
.5 janvier.
les roseaux, les tamaris et les lauriers-roses qui fleurissent ces bords
et arriver avec eux à Zoar ! Mais le peu de profondeur de la mer et
l'absence de notre chaloupe neuve qui avait été précisément construite
en vue d'un débarquement au Ghôres-Sâfieh nous retint sur le bateau â
(1) Oaomust., p. 139 Nemerim, cuius meminit tsaias in visione contra Moab et Jere-
:
une petite distance des côtes. La Zoar biblique. Ségor pour les Grecs,
Zoora pour les Byzantins, la seule ville de la Pentapole qui échappa à
la catastrophe racontée au chapitre xix de la Genèse, était située à
l'extrémité sud-est de la mer Morte. C'est là qu'on la voyait encore au
premier siècle de notre ère, c'est là que les Croisés et les Arabes du
il; Josèphe la donne comme limite à la mer Morte, laquelle \>.iyo: Zoâpwv tt,; 'Açaoia?
ixTî'vsTa-. Bel. Jud.. IV. 8. 4^. Pour la localisation de Ségor chez les .\rabes, cf. Giv Le
Strange, Palestine under the Mosleias, p. 292.
2, Glillaime de Tyr, XXII, oO. Quand le roi de Jérusalem voulut, en 1183. taire lever à
Saladin le siège qu il avait mis devant Kérak. il « chevaucha jusqu'au leu qui est desus la
cité qui ot non Ségor anciennement, mes ele est ore apelée Paumiers »,
iOi REVUE BIBEIOLE.
qui avait l'Arabie pour objectif. Ayant tourné le lac au sud, dit-il,
((
Fi^. l'i.
(1) FoLLCHERui: CnAUTRES. Hislorio Hierosolymilann. cap. v (Rec. des Jiisl. des Croi-
sades: Occid.. III. 380).
(2) Guy Le Stkange, op. laud., p. 289. La datte al-Inkilà est celle que Theodosius nomme
Fig. -20. — « Les environs du lieu ou fut Zoar sont particulièrement désolés •.
qui sèment le Ghôr en maint endroit, ils furent considérés par les
{V Onomasticon, p. il. Xotitio dignitatuin éd. Seeck), p. 75. L'importance de Zoora res-
sort aussi de divers autres textes administratifs tels que le Synecdemus d'Hiérodes, les listes
de Georges de Chypre, les catalogues épiscopau\ et le rescrit byzantin de Bersabée. Cf. RB.,
1909, pp. 99 ss.
'2) Cyrille de Scythopolis, Sabae Vita (Cotelier, III, p. 249,.
104 KEVLE BIBLIQUE.
leur fantaisie
piliers aux larges fûts,
Depuis bien longtemps déjà l'on est à la recherche des villes mau-
(I) M. Dalman [Palustinujahrbuch, 1908. p. 80) a adopte la fonne Sv.dum. Cbez les au-
teurs arabes, c'est Sadoum qui est usité.
\2j Rec.d'arch. orient., I, pp. 163 s.
dans mer jusqu'au sommet de ses tours, ce qui fait penser qu'on
la
n'y jouit pas dune parfaite quiétude. On montre, à près d'une verste
de la côte, un bas-fond qui était habité autrefois et communiquait avec
la terre par une chaussée dont on retrouve encore des traces. On
prétend qu'un soulèvement volcanique a submergé cet isthme qui se
prolongeait au loin dans la mer (Ij. »
Or il est certain que le fond et les bords de la mer Morte sont bitu-
mineux, en particulier dans la moitié sud de son lit. De l'examen des
abords du Djebel Ousdoum, les géologues ont conclu à l'existence de
gites assez considérables de bitume à l'est et à louest de cette mon-
tagne. Dans l'ouàdy Mouhawôt qui débouche au nord de cette mon-
tagne, on est frappé de la présence de cette substance à travers les
couches de calcaire dolomitique dont elle pénètre les moindres fis-
sures. On voit aussi au delta de ce torrent des conglomérats de cail-
loux et de silex cimentés avec du bitume.
Les récits des indigènes confirment, d'ailleurs, les conclusions de
la géologie. Us ont raconté à Robinson qu'à la suite du tremblement
(1) Voyage à la mer Caspienne et à la mer Xoire dans le Tour du Monde, 1860,
p. 306. Cf. Elisée Reclus, Nouvelle g éogitaphie universelle, VI, l'Asie Russe, p. 201.
.MtLANGKS. 107
sa surface extérieure arrondie lui donne l'aspect d'une colline. Elle est
{3)Hist.. V, 6.
siècle, dans son Traité des simples (3). Il distingue d'abord, avec Et-
Temimy, le bitume que rejette le lac puant (i) les jours d'hiver, celui
qui est brillant et dont l'odeur de naphte est très prononcée. « Ce
bitume, dit-il, s'échappe du fond du lac à travers les fissures des rochers
qui en garnissent le fond, de la même manière que l'ambre sort de la
mer. » y a l'espèce appelée Abotanon qui se trouve sur le sol,
Puis il
(1) Gen. 14, 10. La vallée de Siddini étaitcouverte de puits de Itilume, dans lesquels les
rois de Sodome et de Gomorrhe tombent, en fuyant devant le roi d'Elam.
(2) Diodore de Sicile. \IX, 100. Cf. Dro^sen. Histoire de l'Hellénisme. II, p. 359.
qafr{y^).
(4) Al-buhairah al-tnunlinah, appellation fréquemment usitée chez les auteurs arabes
pour désigner la mer Morte.
MELANGES. 109
Voyoyede Jacques SaigeiDouâi, 1851), p. 1 26. Dp même leP. Roger, en 1632. ditqueceuide
le
la Terre Saincte broyant le bitume et y meslant un peu d'huile en font une glu. dont ils se
servent pour frotter les branches d'arbres et seps de vignes au printemps afin d'empêcher
qu'un petit vermisseau qui naist au pied des seps, ne monte, et ne mange les bourgeons
'La Terre Saincte. Paris, 1646. p. 188;.
>} ZDPV.. XIX, 1896, EntstehuiKj inid Geschicfile îles Todten Meeres, pp. 48-50.
3) Uéogr., .\V1, 2, 42.
110 REVUE BIBLIQUE.
rale avec ses vertus simples et solides; celle de Lot se déroule dans un
miUeu malsain il y a partout la hâte, le trouble, la fièvre de la pas-
:
race Moab
;
et Ammon sont le fruit de l'inceste.
(1) Diodore de Sicile. Pline. .Josi'phe usenldecettc dénomination dans les chapitres si sou-
vent cités qui concernent la mer Morte.
(2) Le Persan Nàzir-i-Kliusrau appelle déjà en 1047 1a mer Morte. Bulioiroh Loùl (lac de
Lot). Les auteurs arabes emploient souvent aussi les termes de lac deSégor, de mer puante,
de mer submergeante-, cf. Gi \ Li: Strangi;. op. laud., pp. fi4 ss.
Gen.\3. 5 .ss.
(3)
(6) Gen. 10. 10. I,a limite des Cananéens englobait les villes du kikkar.
1
MELANGES. 1 1
tait finalement fixé à Sodome. Mais il dut quitter cette ville devant
l'imminence des fléaux qui la menaçaient. A peine en était-il sorti que
Dion, dit la Genèse, fit pleuvoir du ciel sur Sodome et sur Gomorrhe
du soufre et du feu Abraham, du sommet des montagnes, put voir
;
que Jésus-Christ donne à la Synagogue età l'Église (4). Dans une vieille
chronique qui se place entre 234 et 427 de notre ère, intitulée Origo
mundi, Ammon et Moab sont devenus des ancêtres du Christ. Voici de
quelle manière « D'Ammon est issue la fille de Pharaon, roi d'Egypte,
:
(Ij Gen. 14. Cf. P. Diioumic, Ilammourabi Amraphd: RB., 1908. pp. '211-225.
(4) Voir ces différentes interprétations dans Calmet, Gen.,p.i39. Pour l'opinion d'Origène
cf. Hom. V in Gen. {PG.. 12, 190), Contra Celsunu IV [PG., 11. 1101).
(5) Chronicfi minora (éd. Fricii) I, pp. 142 s.
(G) II Pelri 2, 7 ss. I démentis 11. On lit dans cette dernière : S:x cpOo-îvtav xaî vjni-
êeiav Aà)T è<yw6r) èy. i^o56[xwv xx)..
H2 REVUE BIBLIQUE.
Aw-) aurait eu un
désastre qui frappa la Pentapole. Ce juste (oixatoç
sanctuaire aux environs de Ségor que je n'en serais pas étonné le
moins du monde, et j'admettrais même volontiers que la grotte où l'on
pensait que Moab et Ammon avaient été conçus, fut pour les indigènes
un objet de vénération. Enfin, d'après une légende née vraisembla-
blement sur les lieux, la cadette des filles de Lot était l'éponyme de
Ségor. Elle s'appelait Zoughar (la petite) et fut enterrée, après sa mort,
près d'une source qui fut appelée dorénavant Aïn Zoughar, tandis que
son aînée Roubbah (la grande) fut ensevelie près de la source qui porte
le nom d'Ain Roubbah (11.
Ousdoum.
Fr. F. -M. Abel.
(1) Tradition empruntée par les Arabes à des sources juives. Cf. Ci.-Gxnneai. A'.-IO., 1,
—«>C>0<0<3»—
CHRONIQUE
trer les résultats de leurs labeurs. Nous sommes heureux de les re-
mercier publiquement de cette libéralité et de cette courtoisie.
On a achevé de déblayer les larges tranchées ouvertes l'année der-
nière (1 et l'on a entamé déjà profondément deux nouvelles sections
) :
(1) Cf. RB., 1909, p. 435 ss. Un ami très obligeant a eu la bonté de me signaler le dé-
plorable imbroglio de ma noie sur la superficie de Samarie c, 1909,
436, n. 3), où
[l. p.
le raisonnement sur l'étendue de archaïque s'enchevêtre dans une évalua-
la ville Israélite
lion erronée d'après le chiffre de stades fourni par Josèphe. « Vingt stades » de pourtour,
c'est en effet une superficie théorique de 80 hectares et non de 10 comme pourrait le donner
à entendre la note en question. Plutôt que de reprendre pour l'éclaircir ce raisonnement
par à peu prés, mieux vaut attendre la publication prochaine des documents précis. J'ai
tenu cependant à mettre en garde sans délai contre cette malencontreuse note. H. Vin- —
cent.]
REVtE BIELIyL'E 1910. — T. VII. S
H4 REVUE BIBLIQUE.
mais comme ces plans sont à une très petite échelle, sans coupes, et quelques-uns même peu
exacts, ceux que nous donnons ici ne feront pas double emploi.
(•2) RB.. 1893, p. 613 ss.
CHRONIQUE. 11'
<- - -
CHRONIQUE. 119
cher n'est pas d'aplomb, mais s'évase par l'iiitérieur. de sorte que
le fond de la cuve atteint 0"',82 de large alors que sur les bords
420 REVUE BIBLIQUE.
elle avait seulement O'",o'r. Dans le plan cet écart est marqué en poin-
tillé.
dans la carrière, pré-
Les sarcophages à ciel ouvert, creusés çà et là
voici un. par exemple
sentent une grande analogie avec ce dernier. En
ifig. à quelques mètres en avant de la
5), situé
tombe III. Il est en
grande partie brisé, comme du reste tous les autres. Sa longueur
était de 1™,80 et sa profon-
deur de 0™,63 il avait dans
;
de particulier qu'à l'intérieur ils sont plus larges et plus hauts qu"à
rouverture. Devant les cinq du haut règne une hauquette, large en
moyenne, dans le fond de la chamhre, de 0'^,5i, et sur les côtés, de
0°,70. L'ouverture du four faisant face à la porte est précédée d'un
petit rebord haut de quatre centimètres, tandis que devant le four
il y a une petite rainure
voisin, à gauclie, (cf. fig. G, coupe sur AB .
;1) Le sol est couvert de lerre rapportée; on ne peut donc aflirnier qu'il a y ait pas d'au-
tres sépultures dans le bas.
122 REVUE BIBLIQUE.
De la tombe IV,
située à une trentaine de mètres au nord-est
des précédentes, nous reproduirons seulement la façade, originale à
quoique en plus petit, celui «le la tombe II. A l'étage supérieur, dnns
On donne le nom de
Dei?' ed-Derb à un joli tom-
beau situé à trois quarts
d'heure à l'ouest-ouest-
nord de Hâris, tout près du
village de Keraw a Ibn Has-
san. Il est intéressant à cause
Fig. 9. — Tombe V.
de la façade, qui rappelle
en divers détails quelques-unes des grandes tombes des environs de
Jérusalem. Il a été sommairement étudié par le Survey (l! à une
époque où il paraît avoir été mieux conservé qu'aujourd'hui; nous
avons cru devoir compléter cette étude et faire mieux connaître une
ornementation curieuse, en train de disparaître.
Le monument pi. II et fig, 10 comprend une cour, uu atrium et
trois chambres sépulcrales. La cour, convertie depuis longtemps en
parc à bestiaux, devait former une enceinte à peu près carrée de seize
à dix-sept mètres de côté. On ne voit plus jusqu'où elle s'étendait sur le
Fig. 10. — Beir ed-Derh : plan du tombeau et de l'atrium avec amorce de la cour.
quième est masquée en partie par les décombres. La largeur des re-
fends varie entre 0'",10 et 0"',08. Ces faux blocs sont
encadrés d'un
CHRONIQUE. 12o
(1) Décrit par M. de Vogiié sous le nom A'El-Mexxaneh (Le Temple de Jcruaalem, p. 47).
126 REVUE BIBLIQUE.
de haut. On la fermait,
vers le milieu de la baie,
i- ig. 1-2. — Deif ed-Dcrb. Chapiteau et eiilalilcineiil. d'abord par une dalle qui
venait s'appuyer contre
une feuillure large de par une pierre roulante placée en
0"',12, puis
avant de la dalle. On voit dans le bas une rainure large de 0"',3-5
identique à celle que nous avons signalée dans les tombes II et III du
kli. el-Fakhàkhir. Afin d'introduire la meule dans cette rainure on
avait creusé, à droite de l'entrée, une ouverture large actuellement de
1"',06 (fig. 10, a) dont la paroi de gauche est détériorée ou inachevée.
La première chambre mesure 4'", 40 de large sur 4", 50 de prol'on-
deur et 3 mètres de hauteur. Le plafond est plat et très irrégulier (1).
Dans le fond de la salle s'ouvrent trois fours précédés d'une banquette
(1) La coupe de ce lombeau dans les Menioirs. U, 314, ie|jréseiite par eneui une voùle.
12-
CHRONIQUE.
large de 0™,51 et haute de 0",36 qui court aussi sur lesdeux côtés
latéraux. Au-dessus du four central, sous le plafond, on a sondé la
paroi pour voir s'il tombe cachée.
n'y aurait pas quelque
La seconde chambre à droite est envahie par les décombres et
inachevée. On l'a peut-être abandonnée à cause du mauvais état du
rocher vers Tangie nord-ouest. La chambre de gauche est au con-
traire en bon état et parfaitement aménagée; le plan (fig. 10) en rend
.
c^nlirTutrCJ
Jérusalem.
Fr. M. Raph. Savig.nac.
Kubitschek.
raccordant les deux pièces. Avec une obligeance aimable dont je suis
heureux de le remercier, il me signalait naguère ce raccord et la lec-
ture qui en résultait moyennant la restitution correcte de quelques
coquilles dans les copies (1) : 'A'/aB^ TJ-/y; ... x-rpior "Avcjvcj è; îciwv
o'.*/,o[o]ôtj.r,7c -b y.vr;;j.Tov. "EvGa 7.Ttî M. 1o'j[ai];ç s ajTSij ["J'-Tofi;] sv zp:-
TÉpw ;j.vr,[;.a[-:i] y.È 1'.z\jlù\z'. -zXz \uz\t/\o\zlz X'j-.z'j [t |r,v à[ç]c'j7'!av tcj f;j.]v/;-
monument à ses frais. Ci-gît M. loulios son fils, dans la salle anté-
rieure, et il concède à ses frères la jouissance de la chambre posté-
rieure seule.
Le plan de cet ouvrage est simple. Les différentes religions païennes sont expé-
diées en six chapitres (p. 39-247); six autres chapitres sont consacrés à la religion
des Hébreux et au christianisme (p. 248-625). Chaque chapitre est suivi d'une biblio-
graphie utile, mais qui ne saurait remplacer une véritable indication des sources (1).
Quant à l'esprit du livre, il est tout entier dans la devise : Veniet felicior aetax
(Lucain, VII. 869). Il viendra un temps plus heureux, — où les religions, ayant
accompli leur œuvre, laisseront la place à la relig'on du devoir social (2). L'homme
sera alors guidé par les seules lumières de la raison les religions auront servi à le
blessés une attaque si passionnée contre ce que nous aimons, et on serait tenté de
répondre à un pamphlet par une recension irritée. Je tâcherai d'éviter cet écueil,
main téméraire a ce qu'on reconnaît être « l'élan le plus puissant qui ait transformé les âmes »,
• la plus haute manifestation de la conscience humaine cherchant le bonheur dans la justice •
ip. 3il,!. M. Reinach affirme qu'il a pesé la responsabilité morale de son acte (p. x). Nous vou-
lons l'en croire. Il est pourtant étonnant qu'il ait une confiance assez aveugle dans la sûreté
de sa méthode pour livrer des sentiments sacrés en pâture à un i)ublic trop souvent incapable
de contrôler ses dires.
REVUE BIBUQLE 1910. — N. S., T. VH. 9
130 REVUE BIBLIQUE.
mais je ne m'interdirai pas d'appeler les choses par leur nom. Sans méconnaître les
qualités de VOrpheus, je dois signaler ce que je regarde comme des hypothèses
hasardeuses et un réquisitoire trop virulent pour être équitable.
n'avait rien à nous dire de personnel. Je lui sais très bon gré d'avoir écrit que
tt rien n'autorise à admettre que le bouddhisme ait fait école en Palestine » (p. 85).
et d'avoir confessé que « les trois quarts et demi du Rig-Véda sont du galimatias »
(p. 78).
Il est déjà beaucoup plus grave de n'avoir pas laissé soupçonner les difficiles pro-
faudrait attribuer une influence décisive, et dès lors on devrait se demander si ces
groupes mieux doués ne sont pas arrivés, par exemple, au culte des astres sans passer
par tels stages inférieurs.
Toutefois que les lacunes ne fassent pas partie de la méthode, et ne
il se peut
découlent inconsciemment d'un déterminisme régulateur; et enfin c'est la
pas
méthode en elle-même, daus ses traits positifs, qui nous intéresse le plus.
Il y a deux manières de traiter l'histoire des religions, ou plutôt la science des
histoire et science, c'est dans ce sens que l'histoire récite les faits, tandis que la
science en établit la connexion et en scrute l'évolution et les origines. Avec la
méthode historique on expose ce qu'on sait d'après les documents et les moniunents
relatifs à tel usage, à telle croyance, à tel rite. Et, si l'on ne s'occupait que d'histoire
des religions, on devrait assurément s'en tenir à la méthode historique. Mais qu'il
est difficile de ne pas raisonner sur les faits quand les documents sont muets, il
!
reste la ressource de comparer les faits entre eux. Aussitôt qu'il s'agit de science
des religions, cette méthode devient légitime. L'admiration que nous avons pour
les Grecs ne nous empêchera pas de comparer leurs pratiques à celles des Austra-
Les hypothèses sont toujours permises. Elles sont même souvent utiles. Pour
prouver qu'elles sont fausses, on reprendra l'examen des points litigieux, on recueil-
lera de nouvelles informations, la vérité suivra sa marche. M. S. Reinach est un
fervent de la méthode comparative, nous ne songeons pas à le lui reprocher. Mais
RECENSIONS. 131
il faut tout d'abord constater que. lui faisant une large part dans Orpheus, il sort de
giens, que M. Reinach estime peu, se font un point d'honneur déraisonner avec pré-
cision. De leur part, ce seront sans doute des subtilités. Écoutons donc un spécialiste,
aussi étranger que M. Reinach à notre foi « Le progrès d'une science, dit M. van :
Gennep. dépend de la précision de plus en plus grande des termes qu'elle em-
ploie » (2\ Et encore : a Tout ethnographe sait qu'avec un peu de chance il trou-
vera des parallèles demi-civilisés modernes à n'importe quelle coutume ou croyances
antiques. Ce qui importe, c'est que le parallèle soit emprunté à une forme de civili-
sation moderne réellement comparable à la civilisation ancienne dont le fait à éluci-
der est l'un des éléments » 3 .
Ce sont là des règles élémentaires de logique. Je suis désole de jouer le rôle d'un
magister qui rappelle aux principes un savant des plus qualifies, mais entin il faut
que la définition convienne au défini, et que les objets qu'on compare soient pris dans
leur contexte vital, en évitant la piperie des mots équivoques. Je crains bien que
l'application de ces deux règles ne porte quelque atteinte aux conclusions de VOr-
pheus.
Tout d'abord la définition de la religion. >L Reinach semble croire qu'une bonne
définition doit s'appliquer a toute l'extension qu'a prise un terme, même par abus.
Parce qu'on parle, abusivement. — la figure se nomme catachrèse en termes de rhé-
torique, — de la religion de l'honneur, cette religion doit être contenue dans la défi-
que c'est une gageure, car, avec ime candeur triomphante. M. Reinach note aus-
sitôt que sa définition élimine du concept fondamental de la religion — tout ce
qu'on entend généralement comme l'objet propre du sentiment religieux.
C'est dire que la définition est détestable. Sans doute les logiciens admettent
qu'un mot n'a que le sens qu'on lui prête, mais définir un terme reçu à rebours de
l'opinion générale, c'est un jeu puéril ou un attrape-nigaud. Si « scrupule » est pris
dans un bon sens, la définition convient assez à l'impression que produit dans l'esprit
la lecture du Code Pénal 4\ La religion se confondrait avec la crainte du gendarme.
Mais les scrupules, et des scrupules qui font obstacle au libre exercice de nos fa-
cultés, ne peuvent provenir que de l'ignorance. Nous voilà éclairés dès le début sur
la nature de la religion et sur l'obligation que nous avons de nous en affranchir. Et
pour que nul n'en ignore, ces scrupules sont aussitôt qualifiés de taôou..i.
Il est fâcheux que M. Reinach ne définisse pas le tabou, qui est l'une des deux
clefs de son livre. On
cependant qu'il entend par là une interdiction non
voit assez
motivée et un héritage transmis à l'homme par l'animal » (p. 8 Ce
instinctive, « ,
qu'il y a de juste dans cette vue, c'est que l'interdiction de faire telle chose, surtout
de toucher à tel objet, n'est pas niolivée par une raison plausible, tirée des consé-
quences naturelles de l'acte; mais le tabou n'e.xclut pas un exercice de la raison, à
tabou n'est plus une institution primaire, une sorte d'impératif catégorique de la
nature humaine évoluant de l'animalité, mais un réseau de précautions qui suppo-
sent déjà la Le tabou indique à quels objets s'applique la
croyance à des e.>-prits.
essentiels des religions » ^p. 10). Et l'on s'étonne d'autant plus de cette affirmation
que plus loin l'auteur assigne deux autres facteurs moins primitifs », mais qui «
'i n'ont pas agi d'une façon moins générale totémisme et la magie. » p. 20), le
Et voici derechef" une définition tellement vague qu'elle est une source perpétuelle
de confusions. « Définir le totémisme est très difficile. On peut dire, quitte à préci-
ser ensuite, que c'est une sorte de culte rendu aux animaux et aux végétaux, consi-
dérés comme alliés et apparentés à l'homme » (p. 20). Cette définition est tellement
élastique qu'elle assimile presque le totémisme au culte des animaux et des végé-
taux; on y joint seulement une alliance qui ne fait jamais défaut en pareil cas, et
une parenté très vague. On se demande où M. Reinach a précisé ensuite cette no-
tion.^ Il ne l'a pas fait, et pour cause. S'il précisait, il lui serait impossible de prou-
ver que les cultes grecs sont d'origine totémique. Il ne pouvait raisonnablement
étendre le rayon d'influence du totémisme, dont il est très entiché, sans créer une
définition nouvelle.
Mais c'est précisément contre cette confusion qu'ont protesté les ethnographes.
M. van Gennep n'est pas le seul à se plaindre « du sans gène » avec lequel on a
transposé les faits et les théories ethnographiques dans certains ouvrages dont il re-
connaît d'ailleurs l'utilité générale. « Et précisément, alfirme-t-il, si le totémisme
se trouve en mauvaise posture, c'est aux savants trop « historiens » encore, comme
MM. levons, Renel. S. Reinach. Loret. Araélineau. qu'on le doit, car ce sont eux qui,
ayant découvert un beau jour Totémisme de Frazer et l'ethnographie, en ont agi
le
ment même; et sans qu'ils s'en pussent douter, ces savants ont pris pour bases des
erreurs reconnues déjà pour telles par les ethnographes eu.x-mêmes (1) ».
Mais les ethnogra|)hes ont des scrupules qui n'arrêtent pas M. Reinach. Voici
toute l'origiue des religions par le totémisme. L'homme primitif croit que tous les
êtres sont animés comme lui-même : c'est Vanimisme; il a hérité de l'animal le tabou
du respect du sang dans son clan ; il adopte animaux et végétaux par une hypertro-
phie de Finstiuct social. — Je vois bien comment animaux et végétaux sont associés
au clan, mais pourquoi conclure au
et des végétaux to-
si vite culte des animaux
tems? Le divin ne paraît toujours pas. et, s'il est exclu de la définition de la religion,
on le trouve pourtant partout dans l'histoire des religions.
A vrai dire, le divin a peu de relief dans le totémisme, et c'est une des raisons
pour lesquelles il est si difficile de lui donner une place prépondérante dans l'origine
(1) Totémisme et méthode comparative, dans Revue de l'histoire^ des religions, t. LVIII, p. 41.
RECENSIONS. 133
des religions. Comme nous devons insister sur le totémisme, si cher à M. Reinaeh.
voici, d'après M. Vrin Genuep, quels en sont les principes :
a 1" Le totémisaie est caractérisé par la croyance en un lien de parente, qui lierait
un groupe humain d'apparentés (clan~ d'une part et de l'autre une espèce animale
ou végétale, ou une classe d'objets: 2 cette croyance s'exprime dans la vie reli-
gieuse par des rites positifs 'cérémonies d'agrégation au aroupe totémique anthropo-
animal, anthropo-végétal, etc.; et des rites négatifs (interdictions 'J]; 3° et au
point de vue social, par une réglementation matrimoniale déterminée ;exogamie li-
mitée; ;
4" le groupe totémique porte le nom de son totem [2) >j .
Oa aura remarqué que le savant ethnographe ne fait pas figurer expressément ici
dieu, pour fortifier en eux la vie divine, mais, d'après leurs idées à eux. pour dé-
gager les esprits de ces animaux et leur permettre ainsi de se multiplier. Le.s Arun-
tas sont répartis en groupes qui travaillent les uns pour les autres, par leurs abs-
tentions et leurs rites, à multiplier une espèce dans l'intérêt des autres clans. Les
hommes-graine, les hommes chien-sauvage rendent le même service. Ce sont, a dit
M. Frazer, approuvé par M. van Gennep, des « coopératives magiques 3) «.
Tout cela est plus utilitaire que vraiment religieux. On ferait bien, en pareille
matière, de ne pas parler de communion, encore moins de sacrement. A tout le
moins faut-il exclure le mot de sacrifice. C'est ce qu'ont très sagement noté MM. Hu-
bert et Mauss. Là où il n'y a pas oblation, attribution à des êtres sacrés, il n'y a
pas de sacrifice (4). Les mêmes auteurs font remarquer que ce rite de Vintichiuma,
isolé jusqu'à présent, n'est peut-être pas essentiel au totémisme. Ils ont réussi à dé-
couvrir un véritable sacrifice totémique. mais oflert à d'autres dieux. Dès lors on
sort du thème strict du totémisme,
on doit supposer vraisemblablement que le
et
^i; Ce sont les tabous que M. van Gennep met à leur place, comme dérivés d'une idée reli-
gieuse, non comme instinctifs et primordiaux.
(2) Loc. taud., p. oo ss.
(3) Van Gennep. Mythes et légendes d'Australie, p. 120 et ss.
(4) Introduction à l'analyse d" qv.elqxi.es phénomènes religieux {Revue de Vhistoire des reli-
gio)is, t. LVIII (1908 , p. 163 ss. .
guère moins désobligeant, tout en demeurant amical, quand ils citent 1' « explica-
tion totémistique des mythes grecs, dont M. Reinach a le secret (I ».
Puisque l'épithète d'ingénieuses déplaît à M. Reinach. je dirai seulement que ses
combinaisons supposent beaucoup d'érudition, il est ici sur son terrain, mais — —
que le raisonnement n'y est pas à la même hauteur (2).
Quand la précision fait défaut dans les idées, elle ne saurait se trouver dans les
termes. En atténuant certaines couleurs, en renforçant les autres, ou obtient une
teinte grise qui s'applique à toutes les religions. Donnons quelques exemples.
Avant de concéder que la Bible enseigne, dès ses premières lignes, la création ex
nihilo on discuterait sans doute sur la valeur des termes, mais on ne trouve aucun
inconvénient à dire que la voix du Thot d'Hermopolis « avait fait sortir le monde
du néant ». Et naturellement on se souvient du Verbe Créateur, de la « parole fé-
conde du Dieu de la Bible » (p. 48).
« Les dieux babyloniens forment des groupes de trois dits triades, comme la
Trinité chrétienne qui n'est pas une invention des chrétiens » (p. 50). Le second
point est, en effet, établi par nos apologistes; mais quel rapport y a-t-il entre les
triades babyloniennes, —
d'ailleurs pas si nombreuses, et la Trinité chrétienne? —
Cela se dit peut-être encore dans des pamphlets de bas étage, mais les savants qui
se respectent ont renoncé depuis longtemps à comparer les triades à la Trinité mé-
taphysique du dieu Un.
L'auteur ajoute : « Chaque dieu a pour épouse une déesse, qui préside à la terre
comme il préside au ciel » [p. 50). Je crois reconnaître le texte cunéiforme dont on
a tiré cette conclusion, mais c'est par une pure subtilité contraire aux grandes
lignes de la religion babylonienne.
La question du shabbatum babylonien qui divis* encore les spécialistes est tranchée
avec beaucoup d'assurance (p. 55). Aliatu est la déesse, non « le dieu des enfers » ;
On nous dit (p. 57 : « Ce transfert des puissances célestes dans le ciel eut deux
conséquences ». On ne voit pas très bien les puissances célestes, les planètes et le
(1) Loc.
laud... p. "3, n. 1.
(2) On
a du, faute d'espace, supprimer une partie de cette trop longue recension; elle sera
tirée à part intégralement telle qu'elle avait été composée pour la Revue biblique.
RECENSIONS. 135
raélites ne sont donc pas les seuls à adorer un dieu unique! Quelques lignes plus
loin : « Une compagne ou épouse de ce Remosch est mentionnée dans le même
texte » (!!!).
P. 98. — Nous sommes chez
les Perses « Qunnd le terme approche, le prêtre fait
:
de ce rite chrétien ». —
Non, car le haôma est un gage de vie et de résurrection.
Cette cérémonie ressemblerait donc plutôt au saint viatique. M. Homais répondrait
que viatique ou extrême-onction, cela lui est égal, puisqu'il n'en use pas. Mais
M. Reinach n'en est assurément pas là dans un livre scientifique.
On voit si l'extrè ne-onction des chrétiens peut être sortie de ce rite si différent,
pratiqué actuellement par les Parsis, mais dont l'ancienneté est inconnue. Ailleurs
M. Reinach n'hésite pas à attribuer à l'extrème-onction une autre origine : « Les
nialades et lesmourants étaient frottés d'huile sainte, dans le dessein d'éloigner les
mauvais esprits » p. 368).
Les analogies entre le mithraïsme et le christianisme « peuvent se résumer ainsi :
Milhra est le médiateur entre Dieu et l'homme; il assure le salut des hommes par
un sacrifice; son culte comporte le baptême, la communion, des jeiines; ses fidèles
s'appellent frères; dans le clergé mithriaque, il y a des hommes et des femmes
voués au célibat; sa morale est impérative et identique à celle du christianisme »
,'p. 102 . A cela on peut répondre
Passe pour les jeûnes et la fraternité, traits com-
:
par un texte de Tertulliea qui a été mal couipris (4j; toute morale est plus ou moins
impérative, et si celle de Milhra était identique à celle du christianisme, pourquoi
l'empereur Julien, fervent mithriaque, a-t-il recommandé aux païens d'imiier la mo-
rale des chrétiens?
Nous devions cependant aboutir au rite totémique du sacrifice du dieu : c La
conclusion qui s'impose (!), c'est que le christianisme et le mithraïsme ont pour
source commune, endu moins, une ou plusieurs de ces vieilles religions asia-
partie
tiques dont nous ne connaissons que les formes relativement modernes et qui avaient
pour caractères essentiels le sacrifice du dieu et la CMiinuinion » (p. 103,. On serait
bien aise d'avoir l'avis de M. Cumont sur l'immolation de Mithra. Mais quoi?
Mithra immole un taureau. Il faut donc qu'il ait commencé par être taureau lui-
même. Ainsi l'exige la loi du dédoublement et la fatalité du totémisme...
P. 114. « Une chapelle du palais de Gnossos contenait une croix équilatérale
en marbre, preuve du caractère religieux de ce symbole plus de quinze siècles avant
Jésus-Christ ». —
Admettons ce caractère religieux [ô)\ que veut-on dire? Les deux
(1) Darmsteter ne parle pas des oreilles {Le Zend Avesta, II, 14",. Dans le Manuel de Chante-
pie de la Saussai/e, ou Ut dans la bauctie ou dans • l'oreille » (p. 471}.
(-2) De Is. OsirI, 46.
(3) On ne counail jusqu'u présent qu'une lionne inilliriaque.
(4) De praescr., 40; voir d'Alés, Revue pratique d'Apologétique (fév. 1907); lire memini Mithrae
(5) RB., 19U7, p. o03.
136 REVUE BIBLIQUE.
très bien les scolastiques? Non. sans doute. Alors qu'importe si les chrétiens, véné-
rant la croix où est mort le Christ, lui ont donné des formes déjà usitées, réductions
du soleil, ou stylisation d'un grand oiseau? Les objets peuvent se ressembler, le
svmbole n'est pas le même. Les personnes peu réfléchies concluront du te.xte de
YOrpheus que les chrétiens pratiquent un rite crétois.
P. 151, à propos des Italiens et des R^omains. « La victime était ainsi divinisée,
assimilée au dieu par le rite préliminaire: c'était donc en réalité le dieu que l'on
sacrifiait », etc. Les exemples de sacrifices du dieu ne sont pas rares et les recherches
de M. Reinach en ont augmenté nombre. Ce qui est controversé, c'est l'origine
le
du rite. L'explication que fournit ici l'auteur est probablement meilleure que celle
qu'il tire ordinairement des totems, car on ne peut nommer un sacrifice l'immolation
d'un dieu qui n'est offerte à personne. On comprend mieux qu'on ait essayé de don-
ner à la victime le caractère le plus sacré, même le caractère divin, en l'offrant au
dieu.
P. 163. Que les peintures des cavernes préhistoriques aient une origine magique,
cela est possible.Mais on n'oserait donner comme très probable que les animaux
représentés aient été les totems des différents clans.
P. 232. « L'Inca régnant incarnait l'astre du jour; c'était le pape du royaume so-
laire ». — Simple impertinence sans conséquence.
P. 249. Dans quel sens nouveau est-il parlé du « judéo-christianisme de saint
Paul », l'adversaire, comme on sait, de ceux que tout le monde nomme des judéo-
chrétiens? De même, p. 364, saint Etienne est un judéo-chrétien.
P. 252. « Les traducteurs grecs ont fait des contresens sur les passages difficiles
du texte hébreu et saint Jérôme en a fait bien plus encore dans la Vulgate, dont le
beau style ne rachète pas l'infidélité, mais qui fut déclarée « authentique » par le
concile de Trente ». —
M. Reinach sait-il bien dans quel sens la Vulgate a été dé-
clarée authentique?
Et les exégètes les plus indépendants sont aujourd'hui d'accord pour reconnaître la
fidélité de la Vulgate. Les traducteurs grecs n'avaient pas partout le même texte, il
dans les parties de la Vulgate traduites par saint .Térôme que dans les traductions
grecques. C'est un lieu commun de l'exégèse.
P. 256. La seule découverte des sources dans le Pentateuque suffit à écarter la
théorie de l'inspiration « divine » du texte biblique. —
Cette affirmation prouve seu-
lement que l'auteur se fait de l'inspiration une idée très étroite qui ne nous est heu-
reusement pas imposée par l'Église. C'est dans le même sens que nous lisions déjà
que si le code mosaïque avait été dicté par Dieu à Moïse, « Dieu a urait plagié Ham-
murabi » (p. 49}. Dieu aurait simplement inspiré à Moïse de codifier des lois dont
quelques-unes dataient en substance du temps d'Hammurabi.
P. 261. Il est très vrai que le nom sacré du Dieu des Israélites est devenu tabou;
il était interdit de le prononcer (1). Mais ce tabou est de basse époque et ne peut
donc être expliqué comme le tabou des peuples dits primitifs. Le plus étrange est
qu'il pèse encore sur M. Reinach qui emploie volontiers « l'Éternel », comme les
(1) C'est par erreur que M. Reinach lit • dans la législation religieuse des Hébreux , donc
dans la Bible, l'interdiction sous peine de mort, de prononcer le nom sacré de l'Éternel (p. o).
11 a du s'attacher, à propos de Lev. 24, ll-iu. à la tradition rabbinique qui fondait à tort sur
ce i)assase la défense de prononcer le nom divin.
RECENSIONS. 37
P. i>67. " L'idée même de ralliance d'Israël avec Jahveh » est donnée eomme
une trace de totémisme. C'est raide. —
P. 300. « Le livre d'Esther vers 1.5<V est un conte édifiant... l'esprit général en
est matérialiste et grossier ». — Sans commentaire.
P. 241. « La ^civilisation occidentale est la fille de la Renaissance du wi'^ siècle,
qui retrouva et remit en honneur la sagesse des Grecs ». Puis, p. 2-5.5 : « On peut
dire que toutes les grandes idées de la civilisation moderne y sont en germe » ;
—
dans rhellénisaie.^ Non. dans la Bible! et notez bien (}ue par Bible on entend ici
J'ai tenu à honneur de discuter jusqu'ici de mon mieux les positions d'un savant
comme M. Reinach. et je pense que le dédain à son égard témoignerait de plus d'im-
pertinence que de compétence, mais je m'arrête, parce que, quaud il s'agit de l'Eglise
catholique, visiblement il n'est plus de sang-froid. Il lui reproche le mensonge, la
que les gens instruits savent toutes les nuances que comporte l'emploi delà pseudo-
épigraphie, d'ailleurs assez rare dans l'Écriture. Et Tintolérance de l'Eglise la
due à l'Église contre laquelle ils étaient révoltés, : '< Ce crime genevois doit être
jugé comme ceux de la Terreur; ce fut un fruit de l'éducation intolérante donnée
par l'Eglise romaine à l'Europe » (p. 466). Et voilà pourquoi tant de prêtres ont
subi le martyre pendant la Révolution!
Mais il est une imputation plus odieuse encore : c'est la cupidité dont M. Reinach
fait le mobile secret de toute la conduite de l'Église, même de ses jugements doc-
trinaux. Si M. Reinach a flétri d'une main souvent brutale l'idéal qui soutient tant
d'âmes dans la lutte pour le bien, c'est qu'iln'admet pas volontiers chez les autres
l'ascendant de cet idéal. Il soupçonne aisément des motifs bas et vulgaires. Vous
admirez l'Église qui a su tenir le juste milieu entre le mysticisme et le rationalisme :
H ce bon sens de l'Église ne fut, en somme, que l'entente de ses intérêts temporels »
(^p. 426 s.). Cela est écrit au lendemain du jour où l'Église de France tout entière
a sacrifié tous ses biens à un principe.
Ainsi l'attachement au dogme, ou si l'on veut à l'idée, l'enthousiasme de tant
d'ascètes et de docteurs, ou si l'on veut de rêveurs, vivant pauvrement et u'aspi-
rant qu'à la vérité, ou si l'on veut à la chimère, tout cela n'était que le souci du
petit commerce! Mais pourquoi nous fâcher? Ce fut encore la cause de la mort de
Socrate. Les prêtres vivaient des sacrifices, les paysans de l'Attique de la vente de
leurs bestiaux aux temples. On craignit que l'incrédulité de Socrate n'arrêtât cette
138 REVUE BIBLIQUE.
industrie. « Socrate fut une victime des prêtres « d affaires m et de ceux qu'on appelle
aujourd'hui les arjrariens » (p. 134) (l).
Il est plaisant de représenter renseignement de Socrate coma^e si dangereux
pour l'idolâtrie. Les marchands de poulets durent se rassurer quand le philosophe
mourant offrit un coq à Esculape. L'étrange opinion de M. Reinach ne s'explique
que par l'obsession des « prêtres d'affaires ».
Qu'il soit permis de ie dire franchement : M. Reinach n'a pas compris l'ÉgUse ni
des hommes chez lesquels la culture trop purement intellectuelle et l'esprit critique
ont étouffé la capacité du sentiment religieux; la religion leur apparaît comme un
produit si étrange et si superflu, qu'ils prennent ce qui leur manque pour une
situation originelle et normale, et ils croient devoir se représenter la genèse de la
Le type de ces esprits dans le monde moderne, c'est Voltaire. Son tort, même
aux yeux de M. Reinach. a été de chercher dans son propre esprit, si fertile en
ressources, l'explication des faits religieux : la fourberie des prêtres y avait sa bonne
part. Évidemment iM. Reinach n'en est pas là. De nos jours, un travail considérable,
et poursuivi d'après des méthodes chaque jour plus rigoureuses, a prouvé à quel
point le sentiment religieux était universel et profond. On ne saurait plus lui assi-
gner des causes Cependant M. Reinach méconnaît gravement l'intensité
artificielles.
réligion de l'avenir.
J'ai ajouté rationalisme de M. Reinach n'est pas un pur rationalisme. Il est
que le
des libres penseurs (3); et Socrate n'a-t-il pas compris la nécessité du sentiment
religieux qui reprend une place prépondérante dans la philosophie de Platon? Ce
n'est pas même seulement le rationalisme impétueux d'un Xéuophane, animé de
tout l'eutrain de la raison grecque naissante.
Je crains qu'il n'y entre de la rancune.
Il est très facile de s'apercevoir que, d'après M. Reinach. l'Église catholique est
un fléau pour le monde, et c'est pour cela qu'il la hait. Cette disposition n'exclut pas
(l) Je n'ai pas à justiûer ici les accusateurs de Socrate. On peut dire, à leur décharge, qu'ils
ont vu dans les innovations de Socrate la cause des mallieuis d'Aihènes et d'ailleurs le parti
démocratique gardait l'aucune a celui qui avait été l'ami d'Alcibiade et de Ciitias. Plus loin,
VOrpheiis déplore, a propos de la cause sacrée de Dreyfus, de lamentables faiblesses dans le
monde lettre « le Trissotin de la lin du siècle abdiquait sou droit de juger pour des truffes »
:
(p. 57 s.).
la probité scientifique: Jésus disait que les persécuteurs de ses disciples s'imagine-
raient en cela rendre hommage à Dieu (1}. Mais elle suppose de la passion, et la
passion aveuijle.
Nous l'avons déjà constaté : M. Reinach a quelques mots louangeurs pour le chris-
tianisme, mais il est clair qu"il lui préfère la religion des Juifs. D'après lui, le rôle
personnel de Jésus est indiscernable: le dogme chrétieu n'est qu'une superfetation
irrationnelle de l'idée de l'uQité divine (2;; la morale de l'Evangile, a la]uelle les
adversaires de l'Église eux-mêmes rendent hommage, n'est que la morale juive
débarrassée de scolastique (3). — Il y a plus : c'est surtout après le triomphe du
christianisme qu'on a vu les calamités et les ravages produits dans le monde par
l'esckisivisme religieux (p. 256 .
L'intolérance dont se plaint M. Reinach n'est-elle pas celle dont les Juifs ont eu
à souflfrir. y compris M. Alfred Dreyfus dont les procès tiennent dans VOrpheus une
place si disproportionnée?
Et en effft, dans l'histoire de l'Église, M. Reinach n'a guère vu que l'intolérance,
qu'il n'a même pas cherché sérieusement à compreudre. Cela du moins est le de-
voir de l'historien. A cette intolérance, il oppose cùDstammeot la largeur d'idées du
paganisme, de sorte que le lecteur doit se demander, en présence de cette énigme,
quel mauvais démon s'est emparé de l'Église romaine pour la pousser dans les voies
que la sagesse antique avait évitées.
Il fallait dire, du moins, que si les religions païennes ont été généralement ac-
cueillantes les unes pour les autres, c'est qu'aucune d'elles n'était bien sûre de son
affaire. Les dieux des cités étaient intolérants aussitôt que leur domaine était incon-
testé. si les procès pour impiété ont été rares dans les cités antiques, c'est qu'au-
Et
cun citoyen ne prenait sur soi de leur refuser le culte. On pouvait eu parler libre-
ment, parce qu'on se rendait compte des absurdités du mythe, et on éprouvait quand
même une certaine crainte révérentielle des divinités des autres. Lorsque les cités
eurent fusionné dans l'Empire romain, les dieux aussi fusionnèrent: il n'y avait
aucune raison de refuser ses horamsges à Isis, quand il était constant qu'elle était
laDéméter des Égyptiens, sans parler de la possibilité toujours ouverte de nouvelles
révélations. Ceux qui croient à la multiplicité des dieux n'en sont pas à compter
pour quelques-uns de plus. Mais quand le paganisme s'est cru menacé tout entier
par le christianisme, il s'est défendu par la plus atroce intolérance. Quant à l'Église,
si elle s'est montrée sévère, quelquefois dure, dans la répression de l'hérésie, ce
n'est pas pour éviter la diminution de ses revenus, comme l'afûrme si gentiment
M. Reinach yi-j de l'Eglise du moyen âge, c'est parce qu'elle se croyait seule en pos-
session de la vérité, et de la vérité nécessaire au salut éternel de ses enfants.
Au lieu de ce fait très clair. M. Reinach n'a vu que la plus ignoble des intolé-
rances, celle qui suppose l'avarice et l'hypocrisie, qui conduit au meurtre juridique
pour avoir l'argent. Quand oa a achevé la lecture de ces pages, si on les a lues en
lecteur mal averti, on ferme le livre en s'écriant avec Lucrèce : Tanlum religio
potuit suadere malorum! [l, 101). La religion, la religion catholique, s'entend, et
l'Eglise, voilà la grande criminelle!
Nous po ;rrions discuter bien des faits, combattre des appréciations mal déduites ;
Le grand titre d'honneur des Juifs est d'avoir « maintenu l'idée de l'unité divine et refusé
[-2}
Charité, c'est encore pour décocher un trait à la tiare, et les saints ne sont ordinai-
rement que des images grotesques, saint François, un sournois, puisqu'il était en
la bienheureuse Marguerite- Marie, une « folle », sainte
révolte cachée contre l'Église,
Thérèse, une démente (1), au-dessous par conséquent des « imbéciles » de Bénarès.
Et c'est ainsi que toutes les religions sont naturelles, et, quoi qu'il en soit du
passé, également néfastes aujourd'hui, l'Église comme les autres, l'Église surtout.
verrait aussi rendre les mœurs plus douces, les lois plus humaines, diriger l'hu-
manité vers l'idéal de perfection que Jésus lui a montré, la perfection même du Père.
Au lieu de cela, nous ne trouvons comme conclusion de VOrpheus qu'une Eglise
catholique rétrogradée au niveau de l'animisme des sauvages (2). Décidément le
point ascendant des religions était bien le judaïsme. Tout cela peut être dit de
très bonne foi, mais cette antipathie doit avoir une cause comme cette tendresse.
M. Reinach fera sagement de se défier des survivances d'un passé déjà lointain
qui sommeillent en lui.
Pourtant je ne veux pas quitter VOrpheus sans en dire du bien. Cet hommage ne
sera pas la rançon de tant de critiques et une manière perfide de les accréditer. C'est
très sincèrement que je rends justice à l'accent humanitaire du livre; j'exècre
comme l'auteur les meurtres jiu'idiques des sorcières, et tant d'autres crimes, d'au-
tant plus odieux qu'ils étaient commis au nom d'une religiou de paix, mais je réserve
une partie de ma compassion pour les pauvres filles dont on a brisé le bonheur
innocent en les chassant de leurs cloîtres. Je note d'ailleurs que si l'Eglise a jugé à
propos de réduire certains hérétiques par la force, elle na jamais admis qu'on im-
posât la foi aux infidèles, comme l'ont fait régulièrement les Asmonéeus, qui ne
donnaient aux vaincus que le choix entre la circoncision et la mort.
L'intention de l'auteur était de parler du dogme catholique avec exactitude. La
polémique contre ce dogme est descendue si bas qu'il faut le louer d'avoir su ce que
c'est que l'immaculée Conception et aussi l'Infaillibilité du Pape, quoiqu'il ait conclu
à tort qu'Honorius l'avait ruinée d'avance. Il a moins bien compris l'objet formel du
culte du Sacré-Cœur.
11 y a dans le livre beaucoup de bonnes choses. Les pages sur l'islamisme sont
excellentes, et devront être citées aux demi-savants qui opposent encore les lumières
de ilslam aux ténèbres du moyen âge. Les religions de l'Inde sont jugées comme
il convient, sans que l'auteur ait été assez frappé de l'incapacité des bouddhistes et
des hindouistes à préserver leur religion d'une décadence dégradante.
Ce n'est pas seulement sur les religions que s'exerce la sévérité de l'auteur. Voltaire
lui-même est quelquefois repris, et la bibliographie est parfois conçue dans un esprit
très large. Quant à l'érudition, elle est. comme on sait, extraordinairemeut étendue.
Le chapitre sur la Gaule est peut-être, à ce point de vue, le plus neuf et le meilleur
du livre.
Citons aussi quelques formules bien frappées « Le sauvage libre de Rousseau
:
n'est pas un vrai sauvage; c'est un philosophe qui s'est mis tout nu » p. 31). De la
Grèce : « Après avoir prêté une pensée à tous les corps, elle prêta un corps à toutes
engendrée par vengeance, elle respire du moins le mépris des seules institutions qui
aient travaillé elficacement jusqu'ici à rendre l'humanité meilleure. Après la lecture
du livre, la haine et le mépris germeront dans les âmes. Est-ce dans un pareil ensei-
gnement qu'il faut chercher le salut de l'humanité pensante et les consolations du
règne de la raison, ou simplement un peu de cette paix dont la France a tant besoin î'
Jérusalem.
Fr. M. J. Lagh.^nge.
BULLETIN
Depuis qu'on a constaté en Allemagne l'intérêt d'éclairer les textes bibliques par
des parallèles empruntés aux littératures orientales et d'éclairer les textes eux-
mêmes par l'archéologie, les manuels se multiplient. Celui que M. le prof. H. Gress-
mann vient de publier sous titre Vieux textes et images d'Orient pour l'Ancien
le
Testament [2) a sur la plupart des autres un double avantage le dernier en date, :
il peut mettre à profil les informations acquises par les plus récentes recherches; à
la fois littéraire et archéologique, il réunit l'utilité des manuels séparés. Sa méthode
très judicieuse consiste à disposition des travailleurs une
placer simplement à la
à sa guise. Le volume de Textes vise exactement le même but que réalisait naguère
le Choix de textes du P. Dhorme; toutefois, aux documents assyro-babyloniens on
a joint des textes égyptiens et quelques textes nord-sémitiques (3). Les noms de
-M.Ungnad —
pour les textes cunéiformes et nord-sémitiques — et de M. H.
Ranke —
pour la littérature égyptienne — garantissent le soin apporté à la
collation des textes présentés. Le volume d'Lnages est l'œuvre spéciale de M. Gress-
manu qui a réuni là dedans 274 documents, en bonnes reproductions pour la
plupart, et accompagnés d'une brève description qui les rend plus facilement intel-
ligibles. Il les a choisis avec tact et classés fort méthodiquement. Quelques-uns ont
figuré mainte fois analogues; la plupart néanmoins sont
déjà en des collections
empruntés aux fécondes explorations contemporaines. On peut n'être guère enthou-
(3; Quelques-uns de ceux que le P. Lagrange a groupés à la On de ses Études sur les religions
sémitiques, ou de plus récemment trouvés comme les papyrus d'Eléplianiine et la sièle de
Zakir, tous documents connus de nos lecteurs.
BULLETIN. 143
siaste de ces compilations, dont le principal écueil est d'isoler chaque document du
contexte archéologique d'où dépend souvent sa vraie valeur, ou d'admettre d'emblée
dans une série bien déOnie —
lieux de culte, (njblcmes divins, ou quoi que ce soit
d'analogue — des pièces sujettes à controverse au poitt de vue du sens à leur
attribuer (i;, quand ce n>i-t pas la pièce elie-iiifme qui e^t d'autl.tniicité problé-
matique (2). 11 n'est que juste d'ajcuter que le répertoire de M. Gressœann. par la
richesse et l'élégance de sa documentaiior, la réserve et la précision dfs notes
descriptives, est actuellement le meilleur ouvrage du genre et sera un très utile
instrument de travail.
par des raisons, non par des uns de non-recevoir plus ou moins spirituelles.
11 est fâcheux que l'auteur n'ait pas dessiné lui-même son plan. Peut-être appa-
naires, comprenant trois chapitres, qui sont une véritable introduction aux Evan-
giles Raison de ce livre et état de la question, Origiue et formation du Canon
:
,1,1 Pourquoi, par exemple, avoir bloqué dans la rubrique initiale « pierres à cupules • les
cupules creusées sur un linteau de porte à kli. Marmlia. sur un rocher à Megiddo. sur la caverne
sacrée de Gézer. dans une niche à Pétra et sur le sol du Haram à Jérusalem'.' Tout cela n'a
qu'une médiocre analogie et se répartit sur une immense série de siècles depuis l'ère néoli-
thique Gézer; jusqu'aux derniers siècles avant notre ère (Pétra et Jérusalem sinon même ,
jus((u'aux temps chrétiens, comme on peut le croire pour ces cupules du Haram creusées après
les dernières coupures dans le roc à l'angle nord-ouest de l'esplanade.
2; Telle la galette de plâtre démesurée lig. :209 — —
au centi-e de laquelle s'étale l'empreinte
de ce laaieus sceau d'Elisaïu'a qui passait naguère pour une représentation de lahvé (cf. RB.,
1909, pp. 1-21 ss.\ Du moins M. G. a eu la prudence de ne pas souiller mot de ce lahvé de
contrebande. Il eût bien l'ait de mettre le sceau lui-même en quarantaine.
,3; La Arqueologia greco-latina ilustrando el evangelio, V'olumen I. ia-8° de x-610 pp.
Toledo, 19J9.
l'u Les paroles du Pape Xihil timendum esse divinis lib7-is vera progressione ariis criticae
: :
quin commodum ex hac subinde eis lumea mti posse, sont imprimées en petites capitales.
U4 REVUE BIBLIQUE.
plutôt quecombinés pour former un tout organique. Du moins les questions ne sont
pas abordées à la légère, puisque le seul recensement de Quirinius absorbe à lui seul
près de soixante pages. C'est beaucoup, mais on regrette encore davantage que
Tauteur en ait consacré neuf à prouver que Jésus n"a pas prêché en latin, et qu'il
Matthieu. De plus, M. Valbuena, tranchant une question fort délicate, opine que
notre Marc n'admet pas. et avec raison, de Proto Marc) a pris ce qui lui a con-
i^il
M. Edwin A. .\bbott prépare un livre qui sera intitulé « r.,e Fils de l'homme » et
sera destiné au monde savant. Il le fait précéder d'un ouvrage adressé au grand
public : » le Message du Fils de l'Homme » (2), qui contient les conclusions du volume
attendu et les justifie d'une façon plus sommaire. Autant qu'on peut saisir dès main-
tenant la pensée de M. Abbott, entend réagir contre ceux qui entendent Fils de
il
l'homme comme un titre messianique emprunté à Daniel, Encore moins est-il dis-
posé à reconnaître rinfiuencedu livre d'Hénoch. Les exemples de l'Évangile oîi Jésus
prend ce titre sont bien plutôt en harmonie avec l'usage de l'A. T., de sorte qu'en
somme Fils de lliomme signifie « l'homme tel qu'il doit être par rapport à Dieu, et
la divinité de l'homme inséparable de l'humanité de Dieu » (p. xixj. Ou conviendra
que ce n'est pas très clair. Ailleurs on nous dit que le Christ a réuni dans sa per-
sonne l'humanité de Dieu et la divinité de l'homme. Même énigme. Aussi ne sait-on
que penser lorsqu'on lit que Jésus, Fils de l'homme, est aussi Fils de Dieu. Et quand
M. Abbott ajoute qu'en pratique nous devons aimer l'homme avant d'aimer Dieu,
entend-il que l'humanité de .Tésus doit nous conduire à l'amour du Père, ce qui
serait fort bien, ou quelque autre chose? Mais apparemment il serait superflu de
ramener à nos formules dogmatiques des concepts aussi flottants.
(I) Termes empruntés àHB., 1896, p. 26 ei :27. approuvés par M. Valbuena, p. l~-2.
,2) The Message of the Son of Mun, l>v Eilwin A. .\blioU, in S" de xxii-ltW pp. Londres, Black,
1909.
BULLETIN. 143
un sens tout opposé à celui de M. Tillmann ;i). Ici même 2 on a fait des réserves
sur le caractère trop unilatéral de la tiiese de M. Tillmann, mais nous ne pouvons
admettre le procédé de M. de Skibniewski qui ramené tout à deux camps, catho-
liques et protestants, pour confondre plus sûrement son adversaire. La thèse prin-
cipale du petit opuscule est celle-ci Seosus hieralis proprius graecae designalionis :
Domini ô j'o; toj dv6pcj-oj » est, se esse verum et genuinum homioem nec natura
'
Et d'une autre façon encore le R. P. Mariano Sardi, O. P.. reconnaît au titre a Fils
de l'homme » une signiScation très vague %. tantôt dans le sens de Messie, tantôt
pour dire « je ». tantôt pour marquer la nature humaine, et, plutôt que de choisir,
il préfère supposer que Jésus a laissé au mot toute son ampleur pom' lui donner
un sens différent selon les circonstances.
Nous signalions naguère i4, une étude très soignée de M. Max Meinertz catho-
lique) sur Jésus et l'apostolat des païens. M. Spitta protestant; vient de traiter le
même sujet '5 . et, rendant hommage à la façon dont M. Meinertz en a traité la
'( littérature '.-, il s'est dispensé de reproduire un travail si bien fait pour aborder la
fois moins conservateur comme critique et plus affirmatif que le catholique sur la
position prise par Jésus durant sa vie mortelle relativement à l'apostolat des Gen-
tils. L'amour du Cœur de Jésus pour les âmes des pauvres païens est le ressort
secret du zèle des missionnaires. Il peut être consolant pour eux de savoir qu'une
critique très indépendante constate comme indiscutable ce dont ils n'ont jamais
d'jute.
1 De Nw" '^1 Filio Hominis, dissertationem isagf^gicam scripsit Steplianus Léo de Skibniewski
Sacerdos. S. Theologiae et Ss. Catioaum doetor, in-lG de "6 pp., avec l'imprimatur de l'Ordinaire
devienne. Imprimerie des Méchilaristes.
(2) RB.. 1!!09, p. &46 s.
(3; Estrait de la Rivista Slorico-crilica delîe scienze teologiche, Fascicolo I. — Anno V (1909).
4; RB., 1909, p. aïO.
Jésus und die Heidenmissiûn, von Friedrich Spitta, in-8' de
(.5) viii liC pp. Alfred Tôpelmann,
Giessen, 1909.
ilEVlE BlBLIi^UE 1910. — >'. S.. T. VU. 10
146 REVIE BIBLIQUE.
M. l'abbé Ferré a eu l'heureuse idée de faire lire TÉvangile le plus possible tel qu'il
est, en mêlant cependant quelques commentaires (1;. Avant vécu en Terre sainte,
}•
Faire revivre sous les yeux des ûdèles l'adorable figure de Jésus, nourrir les
âmes de la doctrine féconde du Divin Maître, n'est-ce point le besoin le plus urgent
de notre temps.' C'est la tâche entreprise par M. l'abbé Dard et en partie déjà réa-
lisée par deux charmants volumes : I, Jésus; lectures évangéliques pour l'Avent et le
Pour que l'Evangile soit lu avec goût et profit, il est nécessaire qu'il soit présenté
avec intérêt et rendu lucide par des explications bien informées. En homme familier
avec les études scripturaires, et aussi en homme averti, par un ministère actif, des
exigences des âmes, M. Dard fait une trame judicieuse des récits évangéliques, les
traduit avec une élégante précision et les commente avec sobriété, surtout avec une
doctrine solide et sûre. Une connaissance directe des sites évangéliques lui fournit
un heureux coloris dans l'esquisse qu'il trace de chaque scène. Personnellement au
courant des problèmes soulevés par la critique, il sacrifie à l'utilité pratique du
grand public auquel il s'adresse tout vain apparat d'érudition; mais parce que d'im-
prudentes publications ont vulgarisé des objections et des doutes néfastes, il les
relève discrètement aussi souvent qu'il y a lieu. Les fidèles sauront gré à M. Dard
d'avoir exclusivement consacré à leur être agréables et utiles les trésors de son zèle
servi par une science puisée aux bonnes sources.
M. Camerh'nck dès la quatrième édition. Mais il n'était pas moins urgent de la com-
pléter, et c'est ce que le même professeur au séminaire de Bruges vient de réaliser
avec un entier succès (3). L'ouvrage demeure proportionné à l'utilité des étudiants
en théologie auquel il faut un commentaire de la Vulgate clair et substantiel. INIais
il donne en même temps satisfaction à ceux qui désirent pénétrer plus avant dans
les questions, en fournissant les indications nécessaires. Certaines notes, toutes en
notations de passages, peuvent servir de matière à un travail de plusieurs heures.
Quelques traits marqueront les positions prises par l'auteur.
L'auteur de l'épître de saint Jacques est Jacques, dit le frère du Seigneur. Est-ce
le même que l'apôtre. Jacques, fils d'Alphée? Cela est plus probable sans être
certain. En XIV) ne tranche pas la question
tout cas le concile de Trente (Session
en disant « per Jacobum autem apostolum ac Domini fratrem », car le concile a
supposé l'identité sans la définir, selon l'usage de l'église latine (p. 15, note 2). Les
frères de Jésus ne sont pas ses frères utérins, cela est certain, non seulement d'après
la théologie, mais aussi d'après la critique. Mais on ne peut donner une explication
certainedu degré de parenté. L'épître a été écrite plus probablement vers l'an 47.
Loin que Jacques ait lu l'épître aux Romains, c'est plutôt Paul qui semble avoir lu
la lettre de Jacques (4).
BULLETIN. 147
doute, malgré les résistances du P. Cornely. Jude a donc cru le livre d'Hénoch
authentique? cela peut-il se concilier avec l'inspiration? Les réponses de M. Camer-
lynck sur ce point rappellent certaines plaidoiries où l'avocat emploie divers argu-
ments, espérant que chaque paquet parviendra à son adresse. Il exige d'abord
qu'on lui prouve qu'Hénoch. le septième depuis Adam, n'a pas fait cette prophétie.
La démonstration serait plus qu'ardue, mais le défi n'est sans doute pas très sérieux.
Aussi, après une seconde argutie, le professeur de Bruges se souvient qu'il est
docteur de Louvain et donne la bonne réponse Jude a suivi l'opinion de son temps. :
n'est pas sur cela que porte son affirmation. Et cela est appuyé de l'autorité de
M. Van Noort « Flinc minime neccessarium fuit, hagiographos divinitus edoceri de
:
rébus profanis, physicis, historicis, literariis. quas aliqua ratione tangebant; potue-
runt de iis aeque imperfecte, imo false sentire ac ceteri ejusdera aetatis homines,
dummodo a formait judicio erroneo de iis in Scriptura proferendo praeserva-
rentur »
Le Comma Joanneum est d'origine espagnole; cette thèse est solidement probable:
il est moins sûr qu'il émane de Priscillien. M. Camerlynck réfute l'argument pour
l'authenticité tiré du concile de Trente (Session IV), et, sans se prononcer sur le
sens propre du décret du Saint-Office du 13 janvier 1897, il conclut contre l'au-
thenticité Joannine, tout en s'en remettant à l'autorité de l'Église pour un jugement
définitif.
L'auteur nie que le presbytre Jean de Papias soit un autre que l'apôtre Jean, et
il attribue à l'apôtre non seulement le quatrième évangile et la 1=^ Joannis, mais
encore la II'' et la III» Joannis.
M. Belser tient beaucoup à ce que saint Jacques n'ait fait aucune allusion à saint
Paul dans le célèbre passage 2, 14 ss. Ici encore il cède à son penchant pour les opi-
nions résolument tranchées. La majorité des exégètes catholiques est d'accord avec les
protestants pour reconnaître que ce n'est pas par hasard que saint Jacques traite le
(1) Die Epistel des heiligen Jakobus, ùbersetzt unu erlilârt vun Dr. J. Evang. Belser; iu-S" de vi-
213 pp. Freiburgr-im-Brisgau, Herder, 1909.
148 REVUE BIBLIQUE.
faut reconnaître d'ailleurs que l'étude approfondie que M. Belser a faite de l'épître
lui donne le droit d'avoir ses opinions personnelles. II s'est appliqué avec beaucoup
de soin à retracer la suite des idées et à préciser la pensée par une analyse attentive
des mots. Il remarque très justement que saint Jacques blâme surtout la négligence
des premiers chrétiens à traduire leur foi par des œuvres. Ses exhortations sont donc
encore très utiles de notre temps. Après avoir étudié soigneusement l'ouvrage de
M. Belser, les ecclésiastiques allemands pourront tirer de son exégèse très solide
d'excellents renseignements pour la chaire chrétienne.
Le long et patient labeur qui a permis à M. Schwartz (2) de nous donner une
édition critique de l'Histoire ecclésiastique d'Eusèbe, vient d'aboutir, du même coup,
à la production d'un ouvrage bien précieux pour l'utilisation de cette histoire. Le
criblage de chacun des mots qui composent l'œuvre capitale d'Eusèbe a conduit le
savant éditeur à une classiQcation rigoureuse des manuscrits et à une exposition des
particularités orthographiques, qui peut avoir des services à rendre à la critique
textuelle de la Bible et à l'épigraphie. Le système chronologique de l'évêque de
Césarée est de même soumis à une étude approfondie. En véritable disciple de
maîtres alexandrins, Eusèbe est avant tout préoccupé de chronologie; c'est elle
qui fait la charpente de son œuvre. Elle lui sert à convaincre telle doctrine d'hérésie
par le laps de temps qui existe entre sa formation et l'enseignement apostolique.
Par contre, les listes épiscopales, grâce à leurs séries ininterrompues, marquent où
se trouve la véritable tradition apostolique. On ne saurait mettre en doute ce qu'une
pareille armature a de systématique mais elle demeure, dans l'ensemble, conforme
;
(d) The idea of the résurrection in the Ante-nicene period, dans les Historical and linguistic
Sfudies in l.ilerature relaled to the New Testament de l'Université de Chicago; in-8°, de 90 pp.
Chicaso, 1909.
[-1) Eusebius Kirchengeschichte bearbeitet... von E. Schwautz. Die lateinische Uebersetzung des
Rufinus... von Tu. -AIommsen. 3 Teil Einleitungen, Uebersichten und Register, in-8° ccLXXii-21(j pp.
Leipzig, Hinrichs, 1909. (Fait partie des Ecrivains chréUens des trois premiers siècles de l'Aca-
démie de Berlin.)
\
BLLLETIN. 140
détail à prendre un parti trop radical vis-à-vis des sucressions épiscopales. A Rome,
par exemple, il n'y aurait pas eu d'épiscopat monarchique avant Soter; quant à la
liste des évéques judéo-chrétiens de Jérusalem, elle aurait tout simplement été
confectionnée sur modèle de celle des évéques d'Aelia, de Marcus à Narcisse. Il
le
faut encore signaler dans cet ouvrage l'argument analytique [die Oekonomic) de
l'histoire d'Eusèbe, où les titres des chapitres sont accompagnés de notes très utiles.
sonnes, de lieux, de peuples avec le passage entier qui renferme chacun de ces
noms, et un index des mots grecs, latins, hébreux, araméens et des particularités
de syntaxe. La traduction de RuQn, éditée par les soins de Th. Mommsen, a aussi
sa part dans cette parfaite table des matières.
Le dialogue de saint Justin avec Tryphon ( t;, par M. Georges Archambault, marque
un moment dans l'exécution des Textes et documents % publiés par MM. Hemmer
et Lejay. L'édition du texte est très soignée, et munie d'une introduction très solide
sur les manuscrits, les attestations du dialogue, son intégrité, sa composition. Les
notes sont nourries, quoique très concises. C'est un vrai service rendu que d'avoir
facilité la lecture d'un ouvrage aussi important, le seul qui nous fasse connaître les
opinions messianiques des Juifs au second siècle, et de plus l'opinion d'un philo-
sophe chrétien sur l'exégèse de l'Ancien Testament. M. Archambault dit plus géné-
ralement : « la signification que l'Église chrétienne orthodoxe attribua à l'Ancien
Testament » (p. xcvi). Mais peut-être dans cette formule n'a-t-il pas assez tenu
point les mêmes circonstances. L'allusion à un mariage pour maintenir l'union des
deux grands empires grecs, celui des Ptolémées et celui des Séleucides, nous fait
descendre seulement jusqu'en 248 av. J.-C, quand Bérénice, la fille de Polémée
Philadelphe, épousa Antiochus II Theos, ou plutôt jusqu'au moment uù il fut cons-
taté que ce moyen avait été inutile, et où le fer, Ptolémée III, menaça de briser
l'argile, le royaume des Séleucides aux abois. A cette première partie, composée de
245 à 22-5 av. J.-C, en araméen, un autre auteur aurait ajouté l'Apocalypse qui
termine le livre. Pour donner plus d'unité au tout, il eut l'idée ingénieuse d'écrire
son premier chapitre en araméen (viij; mais comme il voulait écrire en hébreu, il
continua en hébreu et prit la précaution de traduire en hébreu le premier chapitre
(4) Tome
I, contenant la première partie du dialogue. [-lx\iv.
de tout le livre. Ce serait l'explication de l'emploi des deux langues. Vaut-elle mieux
que les précédentes?
Incidemment, M. Torrey se révèle encore plus radical à l'égard d'Ézéchiel que
jusqu'ici la critique avait respecté. Il fait de l'ouvrage qui porte ce nom un pseudé-
pii^raplie écrit en .ludée dans la dernière partie de la période grecque (pas avant
200 av. J.-C.)!
Ces considérations générales sont suivies de notes philologiques sur quelques
passages du texte araméen. M. Torrey s'y montre plus modéré. Il est très remar-
quable qu'il rejette nettement l'interprétation de Mane, Thécel, Phares, proposée
par M. Clermont-Ganneau et devenue courante mine, sicle et demi-mine. Et la :
raison, tout à fait décisive, est qu'on doit supposer que l'auteur savait ce qu'il disait.
Puisqu'il a lui-même expliqué l'énigme, c'est à sa solution qu'il faut s'arrêter.
On trouvera dans plus d'un autre cas beaucoup de profit à lire les gloses de
M. Torrey, quand bien même on ne se rallierait pas à ses vues sur l'origine du livre
de Daniel.
Signalons d'abord dans l'ouvrage de M. A. Hart (1) sur V Ecclésiastique une étude
très poussée du Prologue si intéressant et parfois si éuigmatique du traducteur. On
sait que, malgré le soin mis par ce dernier à nous donner la date de son travail^
cette date demeure discutée. Le traducteur de l'Ecclésiastique nous dit être arrivé
en Egypte Iv yàp '<^ oyôûw /.ai Tpta/.oGTw ï-v. iizi toù E'JcpYÉTou paafXsw;; littéralement,
dans la trente-huitième année sous le roi Évergéte. D'aucuns ont pensé que cette
trente-huitième année était l'âge du traducteur et que l'Évergète en question était
Ptolémée III (247-222), qui fut le premier à porter cette épithète. D'autres, s'ap-
de Jésus. Il faudrait donc calculer la date donnée, d'après une ère. Or, chez les
Égyptiens, l'ère courante était celle qui partait de l'avènement de chaque roi pour
se terminer à sa mort. Ptolémée Philadelphe, regardé comme le promoteur de la
version des LXX, mourut la trente-huitième année de son règne (247). Mais,
comme on était encore dans la trente-huitième année de cette ère particulière quand
Evergéte I monta sur le trône, le petit-fils de Ben Sirach pouvait dire qu'il avait
abordé en Egypte, la trente-huitième année, sous le roi Évergéte, c'est-à-dire en
247. A cette époque, la traduction grecque de la Loi, des Prophètes et d'autres
livres sacrés étant terminée dans l'ensemble, on s'était mis à la traduction des
livres sapientiaux, et tandis que les anciennes parties de la Bible avaient été inter-
prétées avec quelque imperfection (oi [xi/.pàv s/st ota-^opav...). le petit-fils du Siracide
aurait trouvé une traduction fidèle d'ouvrage traitant d'une Sagesse relevée (sSp v
où ,aiy.pà; -atôefa; âœd;j.otov). Aussi se serait-il senti engagé par là à traduire l'œuvre
(1) Ecclesiasticui. The Greek text of Codex 218, edited loith a lexlual commenlary and prole-
goinena by i. H. A. Hart, M. A. In-8°, xvii-376 pp. Cambridge, University Press., l'jOO.
BULLETIN. loi
de son graad-père, laquelle rentrait dans cette dernière catégorie, celle des sapien-
tiaux.
On taxera sans doute ces conclusions de beaucoup trop subtiles : elles étaient à
signaler comme un effort tenté pour dissiper rohscurité de cette partie du Prologue.
L'objet principal de la publication de M. Hart est de mettre entre les mains des
exégètes le texte du Codex 248, provenant de la Vaticane et contenant une recen-
sion grecque de l'Ecclésiastique très importante. Signalée par Fritzsche, mise en
relief par Taylor, cette importance consiste en ce qu'elle présente plus d'une afûnité
avec le texte hébreu, dans les passades ou les autres témoins grecs sont divergents.
On s'était aperçu, à une époque déjà antérieure à Clément d'Alexandrie (car cet
auteur a connu les leçons particulières à ce codex 248j, que la traduction grecque
de la Sagesse de Sirach commençait à être altérée par les copistes et s'éloignait en
maint endroit de la première rédaction .1 . Quelqu'un prit donc à tâche de faire
disparaître ces défauts en corrigeant d'après l'hébreu le texte grec qu'il avait en
main. Le codex 248 représente le résultat de cet ancien travail. Aussi, pendant que,
uràce aux vénérables onciaux, xBC. on arrive à serrer de près l'état premier de la
traduction élaborée par le petit-Bis de Ben-Sirach, le codex 248 sert à la reconstitu-
tion de l'original hébreu.
Le texte éd'té par M. Hirt est suivi d'une collation de la version syro-hexaplaire
avec le Vaticanus commentaire textuel qui permet de constater les rap-
B) et d'un
ports du codex 248 avec les fragments hébreux découverts en 1896-1897 et avec la
Peschitto. qui a été faite sur un original hébreu. Ce travail rendra un grand service,
plus grand, en vérité, que la dissertation des Prolego/nena sur une soi-disant
recension pharisienne de la Sagesse de Ben Sirach. où Ton met en œuvre des argu-
ments peu convaincants.
On nous a demandé s'il faut prendre au sérieux les deux dissertations que M. H.
Schneider a trouvé moyen d'insérer dans la collection des Leipziger semitistische Stu-
dien, qni n'avait contenu jusqu'ici que des travaux de science et de bon goût 2 <
? L'auteur
a la prétention d'expliquer l'évolution de la religion de labou dans les tribus d'Israël et
de Juda, puis, passant en Babylonie, il va nous montrer le développement de l'épopée
de Gilgamès. Il s'excuse, dans l'introduction, de ne pas avoir appuyé ses raisonnements
d'un grand appareil d'érudition. Et, en effet, les notes sont sinsulièrement clairse-
mées, si clairsemées qu'on se demande pourquoi dans l'ouvrage. Il y a.
elles figurent
en tout, deux notes pour la dissertation sur Israël Encore la seconde dit-
p. 1-41).
elle simplement que le mot Habiri signifie « peut-être aussi ceux qui passent j. Xous
ne nous plaindrions pas de ce manque d'érudition si les conclusions de l'auteur
étaient le fruit d'études spéciales et approfondies dans le domaine de l'exégèse et de
la philologie orientale. Mais M. Schneider, docteur en tiiédecine et en philosophie,
traite aussi bien de la psychologie des anciens Égyptiens (3), que des naturphiloso-
phische LeUrjedanken de Goethe '4) ou des rapports entre la philosophie de Gassendi
et celle de Descartes (5). Ce n'est pas lui qu'on accusera de faire de laSpezialisieruiui
(1) cf. TOL'ZARD, L'Original hébreu de r Eccléêiastique ; Rapports du texte avec les versions.
RB., 1898, pp. 33 ss.
[i) Zwei Aufsâtze zur Religionsgeschichte Vorderasietu von Dr. Med. et Phil. Herjiaxx Schxei-
DEFw Die Entwicklung der lahureligion und der Mosesagen in Israël und Juda, Die Entwicklung
des Gilgameschepos. In-S» de 84 pp.. dans Leipziger Semitistische Studien, V. 1 (Leipzig. Hinrichs,
1909;.
(3) Kultur und Denken der allen Aegypter [chez Hinrichs).
(4) Gœthes naturphilosophische Leit'jedanken (ibid.).
(3) Die Stellung Gassendis zu Descartes (chez Dûrr. Leipzig .
152 KEVLE BIBLIQUE.
ment forme d'un taureau (cf. le taureau de Jacob). Un deuxième fétiche, Joseph-el,
la
s'installe près de Sichem, Un troisième, appelé Israël (chez les Égyptiens Isir-el), est
honoré non loin de Silo « Nous ne savons pas au jmte quelle était la forme du fé-
:
tiche Israël; peut-être était-ce une pierre; il peut être envisagé avec certitude comme
le prototvpe (Urbild] de l'arche d'aliiauce ». Voilà pourquoi les prêtres de Silo seront
fils de larche, c'est-à-dire o lîls d'Aaron ». Le mauvais jeu de mots entre hà'ârôn
« l'arche » et 'Aharôn, le frère de Moïse, peut satisfaire les hébraisants de la taille
de M. Schneider. Ce n'est pas tout ! Le quatrième fétiche entre en scène : tout le
monde devine qu'il s'appellera lahu. Ce sera le fétiche de .Tuda. car la tribu de
Juda s'appelle lahuda ou lahudi, le premier élément étant lahu et le second ne s'ex-
pliquant pas. Ce fétiche a la forme d'un serpent serpent d'airain). Et vous ne —
vous attendiez pas à cette conclusion — c'est pour cela que, dans la vision d'Isaïe,
(p. 21). Un peu plus bas « De même que les prêtres du dieu Israël ne s'appellent
:
pas fils d'Israël, mais, d'après la forme de leur fétiche, fils de l'arche, fils d'Aaron,
ainsi les prêtres de J«/i(/ ne s'appellent pas fils dt lahu, mais fils du serpent, Lévites».
Probablement encore un jeu de mots sur Lévi et Léviathan! Enfin, Saiil adressera
ses hommages à un dieu qui n'est ni le fétiche Israël de Silo, ni le fétiche lahu de
Juda c'est le dieu de Gilgal dans la tribu de Benjamin. Et ainsi de suite! Si David
:
transporte l'arche à Jérusalem (chose peu vraisemblable selon notre auteur), ce serait
tout au plus pour faire du fétiche de Silo l'humble serviteur du fétiche lahu, etc..
etc.. Nos lecteurs nous dispenseront d'msister. La dissertation de M. Schneider, tra-
duite en français, aurait un grand succès d'hilarité et. encore une fois, on ne saurait
trop déplorer que les professeurs Fischer et Zimmern, directeurs des Leipziger se-
tnitii^tische S Indien, aient accueilli ces élucubrations dans leur collection. Quant à la
thèse sur l'épopée de Gilgaraès, elle est un résumé, par un outsider, des travaux de
Jensen sur la matière, avec quelques vues personnelles de l'auteur. Le fameux sceau
de Sargon l'ancien où jusqu'ici on avait cru voir Gilgamès abreuvant un taureau, re-
présenterait le roi, sous les traits du taureau, en train de boire les eaux de la vie que
lui sert non pas le héros Gilgauiès, mais bien le dieu Gis. Ce dieu Gis est identifié,
sans façon, avec Mn-gis-zida. le dieu de (lù-de-a. M. Schneider n'hésite pas à décom-
poser l'épopée de Gilgamès en ses diverses rédactions, comme on ferait pour les
poèmes homériques. Voici sa conclusion : « Le plus récent remanieur (Bearbeiter)
de l'épopée de Gilgamès est, comme le plus ancien, un savant de haut rang, un bril-
lant représentant de la science de son temps; seulement il est plus savant, mais
moins poète et philosophe, que son vieux compagnon t. Il est possible que l'épo-
pée soit un conglomérat de rapsodies et que, par exemple, l'épisode du déluge ait été
intercalé dans la légende primitive. Mais n'y a-t-il pas quelque prétention de la part
de M. Schueider, qui n'a rien d'un assyriologue, à analyser les procédés Stila?'ten)
des auteurs respectifs? Ce docteur en médecine fera mieux de retourner à Goethe et à
Gassendi, sil ne veut pas que ses travaux d'érudition dans le domaine biblique ou
assyriologique deviennent justiciables d'un Molière.
Parallèlement à The Centnnj Bihle, qui comprend les divers livres de la Bible édi-
te's en petits commentaires de poche, la librairie Jack de Londres et d'Edimbourg
publie des manuels minuscules destinés à faire connaître au grand public les conclu-
sions de la science dans les domaines connexes de l'exégèse. L'un de ces manuels
traite de la dû à la plume de M. A. S. Peake (1). On ne s'at-
religion d'Israël et est
tend pas à trouver une énorme dépense d'érudition ni beaucoup d'informations neuves
dans une brochure à six pence. Toujours est-il que ceux qui ne sont pas au courant
de l'exégèse et de l'orientalisme ont ainsi sous la main les conclusions les plus objec-
tives des travaux modernes, dans un style agréable à lire et sous une forme très
accessible. A chaque page de M. Peake on reconnaît le spécialiste autorisé, qui n'a-
vance que les résultats les plus probables de la critique et de la science, en les dépouil-
lant de tout fatras d'érudition. « Cet ouvrage n'est pas une théologie de l'Ancien
Testament, mais une histoire de la religion d'Israël. » Aussi l'auteur suit-il pas à pas les
différentes étapes de la religion de lahvé. Il reconnaît que cette religion n'est pas née
tout d'un coup avec Moïse, mais a dû plonger ses racines dans un passé lointain. Il
cherche à mettre en lumière comment elle a subi le contre-coup des événements his-
toriques les plus importants, tels que l'installation en Canaan, la réforme deutérono-
mienne ou la captivité de Babylone. Ou encore comment les prophètes ou les voyants
ont imposé leur empreinte aux idées religieuses. « C'étaient des prêcheurs qui appor-
taient à la nation le message de Dieu. Leur but était de régénérer les conditions
sociales et de les harmoniser avec la volonté de Dieu, ce qui impliquait une attitude
vis-à-vis de la politique intérieure ou extérieure ). lin chapitre est consacré à la nais-
sance du judaïsme, un autre montre comment ce judaïsme fait contrepoids à l'esprit
des anciens prophètes. Enfin la litiérature des livres sapientiaux est également passée
en revue. Une brève esquisse bibliographique contient surtout les ouvrages de langue
anglaise. C'est aux lecteurs de langue anglaise que s'adresse spécialement la col-
lection.
Un élégant petit volume de la collection Religions, Ancient and modem, est con-
sacré par M. St. A. Cook à une monographie sur la religion de l'ancienne Palestine
au second millénaire avant notre ère (2). Un chapitre préliminaire indique le but
poursuivi par l'auteur et les compte mettre en œuvre pour le réaliser. A
moyens qu'il
l'aide des sources extra-bibliques il s'attachera à montrer quel degré de culture reli-
gieuse avaient atteint les habitants de Canaan avant l'invasion Israélite. Un simple
regard sur la table bibliographique indique assez que l'auteur est au courant des
dernières rcL-herches, tant en ce qui concerne les résultats des fouilles qu'en ce qui
concerne les sources égyptiennes ou assyro-babyloniennes. Le sanctuaire de Gézer
est pris comme type des anciens lieux de culte. M. Cook montre la persistance de ces
lieux de culte à travers l'histoire, même lorsque le titulaire primitif a été remplacé
par une autre figure religieuse, parfois par un saint du christianisme. Très rapide-
ment défilent sous nos yeux les objets sacrés (arbres, pierres, symboles), les rites
sacrés (sépulture, sacrifice), et les animaux sacrés. Quand il s'agit d'expliquer la
sainteté et l'impureté, l'auteur se laisse séduire par la théorie de W. R. Siuith qui
identifie les deux concepts. Ce n'est pas ici le lieu de réfuter cette opinion (1). De
même la théorie de ranimisme, esquissée à la p. 60, ne tient pas assez compte des
faits ;2). Les dieux cananéens sont soigneusement passés en revue, surtout d'après les
noms propres des lettres d"El-Amarna. Nous ne pouvons nous résigner à retrouver
le nom de Jahvé dans iami de Alaiami, l'auteur d'une lettre de Ta'annak. La syl-
labe mi dans les lettres d'El-Amarna n'a pas la valeur wi, qui est réservée au signe pi.
Le travail de M. St. A. Cook qui est tout à fait up to date est destiné à rendre
service au grand public, en lui fournissant les résultats les plus marquants des fouilles
en Palestine et des divers travaux sur l'ancienne religion de Canaan. L'auteur est le
Peuples voisins. — On sait que l'écriture cunéiforme n'a pas servi seulement
à des peuples sémitiques comme les Babyloniens, les Assyriens, ou les Cananéens
du temps d'El-Araarna. Les Élamites utilisent cette écriture dans leurs plus an-
ciennes inscriptions et on la retrouve dans le néo-susien de l'inscription de Behis-
toun aussi bien que dans le persan de la même époque. Les populations de l'Asie
Mineure, Hittites du centre, habitants du Mitanni et de l'Arzawa ;oj, riverains du
lac de Van, emploient le même système et cherchent à l'adapter à leurs propres
langues. C'est dans la correspondance d'El-Amarna que figurent la longue missive
de Tousratta en langage du Mitanni et les deux lettres en langage du pays d'Arzawa.
Les textes hittites en cunéiformes ont été mis au jour par les fouilles de AVinckler
à Boghazkeuï 6 . Les textes qu'on peut appeler vanniques sont connus depuis
longtemps par travaux de Guyard et de Sayce. Toute une école, à la tête de
les
laquelle figure Heinrich Winckler, cherche à rattacher ces diverses langues d'Asie
Mineure, en y ajoutant l'élamiie, au rameau des langues du Caucase. Dans les
Mitteiiangen dev rorderastatischen Gesellschaft (1907. 5), M. Th. Ivluge aborde
résolument la question, en ouvrant une série d'études sur la philologie comparée
des langues caucasiques (7 . Sans sourciller, il compte parmi les langues mortes
de la branche caucasique : l'ibérien, le ligurien, le sicilien-elymaïte, l'étrusque,
l'inscription de Lemnos, le mycénien, l'ensemble des anciennes langues de l'Asie
Mineure (y compris le hittite, le langage du Mitanni et de l'Arzawa) (8), enfin
caution et l'auteur le sent lui-même. Cette première étude pourrait bien porter
préjudice à la thèse pancaucasique : qui trop embrasse mal étreint!
son interprétation. Son étude phonétique, très serrée, a réussi à déterminer des
valeurs spéciales pour certains signes cunéiformes auxquels on attribuait jusqu'ici
leur valeur assyrienne ou babylonienne dans le texte du Mitanni. En particulier, la
présence de la voyelle o, distincte de u, semble indubitable. Il a le bon goût de ne
pas insister sur des rapprochements de mots entre le raitannite et le caucasique,
car il y a près de trois mille ans entre les deux. Il reconnaît, d'ailleurs,
sait qu'il
représenter le plus ancien état de la langue et qu'on n'aura pas mis en regard les
formes élamites correspondantes, n'est-il pas prématuré de ranger toutes les lan-
gues non sémitiques ou non aryennes de l'Élam ou de l'Asie Mineure sous la même
rubrique « langues caucasiques » ? On remarquera que Meyer. à propos des travaux
préparatoires de Hiising sur l'éianiite dans Orientalistische Litteratur-Zettung, leur
décerne le titre de 7)ieist phantastische Hypothesen (l).
Ce n'est pas seulement à l'époque des lettres d'El-Amarna que les gens du Mitanni
apparaissent dans l'histoire. Durant toute la dynastie kassite on trouve, dans les
contrats de INippour, des noms qui appartiennent certainement à la langue de ce
pavs (2). Maintenant voici des noms mitannites dès la première dynastie baby-
lonienne. L'excellente étude d'Ungnad sur les contrats de cette période, provenant
de Dilbat (3), met ce fait eu relief. Oq remarquera [ilu) Te-es-sû-up-'a-ri, dans
lequel le nom du dieu mitannite et hittite, Tesup, est écrit à peu près comme dans
la lettre de Tousralta, où nous avous (ilu) Te-es-sù-pa, (ilu) Te-e-es-sû-pa et
ih() Te-e-es-sû-up. Non siulement pour l'histoire du Mitanni. mais aussi pour celle
d'Élam, les textes de Dilbat apportent une nouvelle lumière. Le vizir d'Elam,
Kukka-\ilu) ISaser, connu sous le nom de Rukka-nasur par une brique de Suse (4),
est coniemporaiu (.VAmmi-zaduga, l'avant-dernier roi de la première dynastie
[P. D.]
tres de 1909. plusieurs études importarites pour l'histoire des religions sémitiques.
En avril M. Eiisèbe V^assel étudie l'inscription de la prétresse Hanniba'al, prétresse
de Coreva (nom de lieu), femme de Bod-Melqart. flls de Qart-yaton, tils de Qart-
raasal. L'auteur s'applique à déterminer le caractère du dieu Qart, et établit comme
assez vraisemblable que ce Qart est abrégé de El-qart ou de Ba'al Qart, le dieu ou
le seigneur de la ville. Rien n'empêche de l'identifier avec le Génie de Carthage.
Dans le même cahier, M. Clermout-Gaaneau explique l'inscription trouvée à
Délos en août 1907.
Oj OciiiTOv Oî npoiaysiv
Damôu, tils de Démétrius, originaire d'Ascalon, ayant été sauvé des pirates, (a fait cet
L'iuscription est rattachée au premier siècle avant notre ère ; elle est gravée sur
un autel cylindrique.
Xotre Ascalouite a probablement échappé aux pirates grâce à un vent favorable,
et c'est pourquoi il nomme en première ligne le Zeus du bon vent. Il est aussi très
naturel qu'il invoque .\pbroJite Uranie, la déesse d'Ascalon Hérodote, I, 108), et
Astarté de Palestine, la déesse de sou pays, c'est-à-dire probablement de la région
côiière connue plus spécialement sous le nom de Philistie. JI. Clermont-Ganneau
serait tenté de distribuer la triple défense d'immoler de la chèvre, du porc et de la
vache entre les trois divinités, de telle sorte que le culte de Zeus Ourios exclurait la
chèvre, celui d'Astarté le porc, et celui d"Aphrodite la vdche. Mais comme n'y a il
qu'un autel, il n'y avait probablement qu'un seul culte rendu eu commun aux trois
divinités.
Aphrodite est distingdée d'Astarté, mais il ny a plus à cette date qu'une Astarté
pour tout le pays. Damôn était peut-être d'origine sémitique.
Au bulletin de juin, M. Gauckler (1) fait l'exégèse d'une statuette, haute de
0™47, eu bronze doré, trouvée aux fouilles du Janicule (2). Eu voici la descriptiou :
« L'idole est engaiuée comme une momie. Un dragou à crête dentelée en fait
sept fois le tour, remontant en spirale de gauche à droite, la queue serrée contre
les talons en arrière, la tête appliquée contre le crâne, et dardant en avant au-
dessus du Iront de la déesse. Eatre les circonvoluti »ns du monstre, sept œufs de
poule avaient été déposés sur le corps, rangés en une ligue unique qui monte des
pieds jusqu'au cou. Eu pourrissant ils ont éclaté « (p. 427).
D'dprès l'explication de M. Gauckler, la game elle-même représente un œuf dont
la déesse est en train de sortir grâce à la pression du serpent qui lait peu à peu
éclater la coque : « Ovorum progenies dii Syri », dit Arnobe (I, 36), d'où le nom de
Nativité donné à l'article. Les sept œufs seraient le symbole de sept degrés d'ini-
tiation correspondant aux sept espaces planétaires. Quelques savants eut cru recon-
naître dans l'idoledu Janicule un Kronos mithriaque. M. Gauckler appuie fortement
son hypothèse sur l'autorité de Macrobe, et on ne peut que lui donner raison. Le
résultat des recherches entreprises au mê.ne lieu aux frais de M. Heuri Darier, de
Genève, a été exposé d'une façon très précise dans ime élégaute brochure par
M.\l. Georges Nicole et Gaston Darier. L'étrauge iJole y figure sur une planche en
couleurs.
côté paléographique et, au terme d'une enquête très diligente, elle est attribuée
« environ à l'époque de l'Exii », juste la date proposée dans RB., 1909. p. 267 s.
—
M. Cook l'a coliationnée avec tous les documents de l'épigraphie nord-sémitique :
Il faut, à coup sûr, se tenir en défiance contre tout rapprochement trop prompt
et tout artificiel entre un monument et des documents. Le simple bon sens suggère
aussi de ne jamais risquer sur la meilleure adaptation archéologique la confiance
absolue qu'on accorde aux équations mathématiques. Mais il demeure des cas où le
ce principe très' banal demeure encore si négligé : on ne trace pas les lettres d'un
document royal à graver sur basalte comme peut les graver directement au stylet
un scribe de village écrivant sur un éclat de pierre : et. même entre deux documents
officiels, l'écriture poncive d'un calligraphe de petite cour provinciale, rendue un peu
plus anguleuse et un peu plus sèche encore par le ciseau d'un graveur luttant contre
une pierre exceptionnellement résistante, n'offrira pas le même tour de main que
celle du texte écrit dans une brillante capitale par un copiste royal fort exercé et
graphiques, c'est bien entendu: mais pour en apprécier les phases correctement,
tenez compte autant que possible du miUeu où l'on écrit, de la matière sur laquelle
on écrit, du procédé enfin par lequel on écrit. Aux jours de Mésa, le scribe et le
graveur moabites ont mis toute leur virtuosité et toute leur conscience à fixer sur le
basalte des lettres rigides, tracées avec l'attention scrupuleuse de bons copistes
reproduisant un modèle donné. Au siècle suivant, le scribe d'Ezéchias écrivait d'une
main beaucoup plus indépendante et plus déliée les lettres que le graveur interpré-
terait sans peine au ciseau écriture encore lapidaire sans doute, comme celle de
:
Mésa, et non moins officielle, mais profondément influencée déjà par la pratique
familière du calame. Dans le cas de Gézer on a un produit de l'écriture courante et
cursive orchaïsée accidentellement parce que la tablette est une pierre et le calame
un poinçon. Combien il serait à souhaiter que tout paléographe soigneux eût tenté
l'expérience personnelle de ces diverses conditions d"écriturel Et naturellement,
dans la pénurie actuelle des documents datés avec la précision désirable et assez
analogues par leur nature matérielle pour être scientifiquement comparés, la paléo-
graphie ne saurait à elle seule fournir une date solide. N'en a-ton pas une nouvelle
et décisive preuve en ce fait que des paléographes aussi qualifiés que MM. les pro-
fesseurs Cook, Gray et Lidzbarski ont pu. de ce seul chef, faire osciller la date de la
tablette entre le vr et le ix", peut-être le x'' siècle? Il y a donc quelque surprise à
voir M. Cook se désintéresser apparemment tout à fait des arguments linguistiques
en particulier qui étaient, dans ce cas spécial, à tout le moins aussi positifs que les
données paléographiques. Au surplus, la Ren/e n'avait nullement fait abstraction de
ces données 'cf. 1909. p. 266 . tout en s'abstenant de produire des détails estimés
inutiles à moins de fac-similés multipliés et précis: et la considération simultanée
des indices archéologiques et linguistiques joints à ceux de la paléographie n'était
donc pas une méthode inexacte puisqu'elle aboutissait précisément au point ou la
la même manière qu'il a été interprété dans RB. et il nous est flatteur de constater
que M. Marti apporte au déchitlrement proposé ici l'appui considérable de son
entière — quoique implicite — adhésion. La lecture, en effet, de la première à la der-
nière lettre, est celle de la Revue ; dans l'interprétation seulement des termes ^r.x et
160 REVUE BIBLIQUE.
"Cpl il cherche à introduire uue nuance : ici le sens de « semailles tardives » an lieu
de « végétation printaiiièrri », là celui de « transport des récoltes dans les maisons »
samraent fondées; plutôt néanmoins que de scruter ici ces vétilles sans portée, men-
tionnons plutôt que M. le prof. Marti reconnaît, lui aussi, en cet intéressant petit
texte, l'emploi des pluriels en vi. argument très solide d'une inûuence araméenne
saisissable également dans quelques livres bibliques et qui suggère une date plus ou
moins postérieure à 600 av. J.-C.
Zeitschrift des BPYereins. XXXII, 1909, n" .3. M. R. Horning, Répertoire des —
mosaïques de Mcsopotamie, Syrie, Palestine et Sinaï, très consciencieux travail.
dont on saura gré iuGniment à !M. H., à cause des excellentes références bibliogra-
phiques fournies pour chaque monument: à signnler surtout les deux appendices :
et le miel »; il s'agirait simplement du suc de fruits tels que les olives, les figues,
les dattes. Quelques bonnes observations aux exégéles mythologistes trop prompts à
voir des faules tendancieuses en tout passage biblique où il est fait mention d'un
rayon de miel, par ex. Le. 24, 42.
Quelques traits de la vie antique d'après les papyrus grecs, par le R. P. Lagrange,
des Frères Prêcheurs. — Si Novembre : Les mesures de capacité chez les Hébreux
d'après des vases en pierre trouvés dans les fouilles de Saint-Pierre, par le R. P.
Prêcheurs. —H
Janvier : Voyage en Arabie, Teiraa, par le R. P. Savignac, des
Frères Prêcheurs. —
J9 Janvier : Au bord du lac de ïibériade. par dora Zéphyrin
Biever, missionnaire du Patriarcat latin.
Le Gérant : J. Gabalda.
(1) ad Paulinum, 8.
Epist. LUI,
(2) Comment, in Isaiam, lib. XVIII, proœmium.
REVUE BIBLIQUE 1910. — N, S., T. VU. 11
162 REVUE BIBLIQUE.
ange que sont dites les paroles de ces lettres où le Maître distribue
Qui sont donc ces anges qui répondent ainsi pour les Églises?
Pour commencer par où l'on a fini et suivre à rebours l'évolution
de l'exégèse, disons d'abord que ce ne sont pas des messagers
députés par le Seigneur ou délégués par les Églises et chargés de
porter à chacune d'entre elles la lettre écrite à son sujet. Cette exph-
cation, d'invention toute moderne (2), ne cadre pas bien avec le sym-
bolisme des étoiles qui représentent les anges dans la vision inaugu-
rale servant de préface aux lettres (i, 16, 20) et qui ne semblent point
(2) Cf. BoussET, Die Offenbarung lo/iaanis. p. 200 et Swete, The Apocalypsis of
S' Jokn,^. 21.
L'ANGE ET LE CHANDELIER DE LÉGLISE D'ÉPHÈSE. 163
(1) Ce caractère des nous parait être hors de doute. 11 est reconnu par les exé^ètes
lettres
contemporains généralement. —
P. Calmes, L'Apocalypse trad. et connu., p. 122 « La :
linale de chaque lettre est adressée non plus à l'ange de telle ou telle ÉgVue, mais aux Églises
ce qui prouve qu'en réalité les lettres comme tout le reste du livre ont une destination gé-
nérale et doivent être lues dans les différentes Églises d'Asie... Il y a dans les lettres des
choses qui ne sont intelligibles que pour celui qui a lu le livre jusqu'au bout. Ce qui prouve
encore une fois que la forme épistolaire adoptée au début de l'ouvrage est une pure fiction. »
Ramsay, The letters to the seven Churchs of Asia, p. 196-197, observe finement que de
même que les différents aspects sous lesquels apparaît l'auteur des lettres au début de celles-ci
forment exactement en se complétant l'un par l'autre l'équivalent de la description générale du
Christ dans la vision initiale, de même les sept différentes Églisesauxquelles s'adressent les let-
tres représentent l'Église complète et universelle. On peut ajouter à l'appui de cette observation
le caractère symbolique du nombre sept, ordinairement
employé pour désigner la totalité
et le caractère général, universel de certaines allégations qui adressentl'Apocalypse à toutes les
églises d'Asie sans distinction, voire même à l'Église en général (2,23; 22, 16; 2, 7, II, 17,29;
3, 6, 13, 22). Aussi, ajoute Ramsay « There are not true letters, but literary compositions
:
« or rather parts of one larger composition. Although for convenience we hâve called
« thera the Seven Letters, they were not to be sent separately to the seven Churches. The
« apocalypse book wich was never intended to be taken except as a whole, and the seven
is a
« Letters are a mère part of this book, and never had any existence except in the book.
« The seven churches stand to the author... for the entire Province (of Asia), and the Pro-
« vince stand to him for the entire Church of Christ though when he is writing toSmyrna
;
« or Thyatira, he sees and thinks of Srayrna or Thyatira alone. » Ramsay, op. cit., p. 198.
(3) En grec {iyvilo;, ànôizoloi) comme en araméen [\^^- l-^^^-^-*', ange et apôtre sont
étymologiquement synonymes et viennent toujours d'une racine qui veut dire envoyer.
164 REVUE BIBLIQUE.
derne (1) et qui croit retrouver dans Fange des Églises le Ti2ï niSr
rêter. L'ange destinataire des lettres aux Églises ne doit pas être
le simple porte-voix de la communauté dans la prière ou dans la
lecture publique, et, comme disent les Allemands, le « Vorbeter »
celle qui consiste à voir dans les anges des Églises les chefs spirituels
ou les évêques de ces mêmes Églises (3). N'est-il pas naturel en effet
que les titulaires de ces Églises soient aussi les titulaires des lettres
qui leur sont adressées? et à qui, mieux qu'à eux, convient-il de de-
mander compte de l'état des Églises et de la conduite des fidèles? El
quoi' d'étonnant à ce qu ils soient désignés sous les symboles des
anges et des étoiles? Le prophète Malachie (ii, 7) ne dit-il point du
prêtre chargé d'instruire le peuple dans la science de Dieu qu'il est
« l'ange de lahvé des armées » et Daniel (xii, 3) ne dit-il pas de ceux
(3) On peut lire dans le Dictionnaire biblique, à l'article Évêque, sous la signature de
M. ViGOUROUx, celte courte déclaration qui, tout en nous laissant voir le sentiment personnel de
l'auteur, reflète très exactement l'état de l'opinion dans la question qui nous occupe « Les :
àyyEXoi (des églises de l'Apocalypse), malgré les manières diverses dont ou a essayé d'expli-
quer ce titre, ne peuvent guère être que les évêques placés à leur tête, selon l'interpréta-
évêques. Est-il besoin de dire qu'ils n'y parviennent pas? Les plus
sages l'avouent (1), mais d'autres sont plus confiants. Ils croient savoir
le nom au moins de trois ou quatre évêques, que les allusions du
texte voileraient à peine, Polycarpe (ii, 9), Zosime (m, 1), Antipas
(i, Timothée (ii, 4). Et il n'est pas jusqu'à la femme de l'un
13),
d'entre eux dont une critique avertie ne prétonde pouvoir restituer le
nom avec la physionomie. Nous voulons parler ici des fantaisies de
Th. Zahn et de Joh. Weiss, qui, tenant pour assurée (2j la lecture
« Y'jvar/.x cou » (il, 20), se croient ensuite tenus d'identifier la prophé-
tesse Jézabel avec la femme de l'évêque de Thyatire.
L'on aurait mauvaise grâce à jeter le discrédit sur l'opinion actuel-
lement en examen, à cause des outrances ou des fantaisies de quelques-
uns de ses défenseurs. Nous les citons seulement au contraire pour
dire qu'elles ne méritent d'entrer en ligne de compte ni pour ni
contre ce système d'interprétation.
Ce qui compte vraiment et ce qui donne tout son poids à la thèse
des anges évêques, c'est l'argument des vraisemblances et des ana-
logies soulignées un peu plus haut, c'est aussi l'autorité d'une tra-
que ses incessantes recrues et ses exagérations mêmes tendent
dition
à montrer toujours bien vivante et bien sûre d'elle-même.
Quelle est donc en définitive la portée de ces arguments? L'argu-
ment des vraisemblances nous fait trouver assez normal qu'un évêque
soit appelé à répondre de la conduite de ses ouailles et à leur délivrer
les messages qu'il plait à Dieu de leur adresser. L'argument des ana-
logies ajoute à cela qu'un évêque, investi d'une telle mission, peut
à bon droit être qualifié d' « ange de Dieu » et d' « étoile du ciel »,
puisque l'Écriture décerne ces mêmes titres aux simples prêtres et
plus généralement encore à tous ceux qui par leurs exemples ou par
leurs paroles tiennent en quelque sorte école de vertu et de religion
• Mal., 11, 7; Daniel, xii, 3). xMais, avec cela, la question reste tout en-
tière si ce qui est en effet dans l'ordre naturel des choses
de savoir
et dans l'analogie de quelques passages bibliques est aussi dans l'in-
(1) FiLLioN, La Sainte Bible, VIII, p. 800 ss. Alcasak, VestUjalio in Apocalypsi, p. 161».
(2) « Zweifellosecht », dit Zahn, qui olitient ea cela l'adhésion de J. Weiss. La vérité
est que la leçon chère à Zahn et à Weiss a quelques témoins dans l'antiquité, mais la
J.
lecture « ywaïy.v. >> mieux attestée, puisqu'elle a en sa faveur les meil-
est incontestablement
leurs et les plus nombreux manuscrits onciaux, C, N, P, presque tous les minuscules et presque
toutes les anciennes versions (Vulgate latine, copte, éthiopienne et arménienne). On ne
peut citer en faveur de la lecture « Yuvaïxâ som » qu'un oncial, du x^ siècle, quelques minus-
cules de moindre autorité, la version syrienne et des citations de saint Cyprien et de Pri-
masius. L'addition du sou en cet endroit s'explique facilement par la méprise d'un copiste
qui aura été machinalement entraîné à ajouter un nouveau cto-j à tous ceux qui précèdent
et qui se trouvent être si nombreux dans ce passage. Cf. Bousset, op. cit., p. 218-220.
166 REVUE BIBLIQUE.
i'Aic-o) v.y-'x -x ïpyx Jixwv. 'VixTv $è aî^^m tcTç aoittoÏç tcîç èv 0ya-
-eipc: » (^11, 19, 23, 2i . A coup sûr. ce n'est donc pas l'évêque en
personne, l'évêque considéré dans son individualité concrète que le
Seigneur interpelle ainsi dans ses lettres. Mais ne pourrait-ce pas être
l'évêque en tant qu'il représente les fidèles qu'il dirige et les divers
groupes de sa communauté? Telle est en effet l'opinion de saint Au-
gustin, de Bossuet, de l'abbé Crampon [i]. Ainsi mitigée, l'opinion
des anges évêques n'a guère d'autre avantage que de conserver aux
sept lettres leur étiquette traditionnelle, jinisque l'on convient que ce
qui parait dit aux évêques s'adresse en réalité aux Églises et aux fidèles
de ces Églises (2). Encore est-il que l'identification des anges et des
évêques dans la titulature des lettres ne rencontre pas le moindre
appui dans les analogies du langage apocalyptique. On a beau inter-
même (2, '*0: 3, 2. 4). atteignent donc généralement l'Église dont il est la tète, et d'ailleurs
c'est aux Eglises que s'adresse l'Esprit (2, 7 ss.) ». Crampon. Ivc. cit.
LANGE ET LE CHANDELIER DE LEGLISE D'ÉPHÈSE. 167
vient sans cesse, ne soit pris en son sens propre et naturel. A vouloir
le prendre autrement, on risque de tomber dans une exégèse arl^i-
(1) Calmes, op. cit., p. 119. Dans son étude sur la Hiérarchie primitive M^"^ Batiffoi. ne
,
faitaucun état des textes de l'Apocalypse, et dans L'Église naissante, p. 145, en note-
« sur le point obscur de savoir si l'ange de chacune des sept Églises est son évêque », il
donne seulement des références qui sont plutôt favorables à l'opinion des anges pro-
tecteurs des Églises. A ceux qui. même après cela, pourraient être tentés de taxer de
singulière et de téméraire l'opinion qui consiste à substituer les anges aux évêques, nous
donnerons seulement à méditer la petite enquête faite à ce sujet, par le P. Ludovic ab Ai-
cASAR, un Jésuite du xvii^s., dont un protestant, M. Bousset, dit qu' « avec lui commence
l'exégèse scientifique de l'Apocalypse » (op. cit., p. 9 Le P. Alcasar vient d'exposer l'opi-
.
nion des anges évêques, et il ajoute :« Alii hos septem angelos de spiritibîts cœlestibus
Telle est aussi notre opinion. Elle s'est d'abord offerte à notre
esprit comme une sorte de corollaire de rinvraisemblance ou de
l'inadmissibilité de toutes les autres. Elle s'est ensuite trouvée vérifiée
texte qu'il faut chercher l'explication des termes ou des passages qui
font difficulté. Nous voulons savoir ce que le prophète de l'Apoca-
lypse entend par 1' ange des Églises >n Feuilletons d'abord les pages
<(
Dieu commande aux anges des vents (vii, 1-3). Est-il étonnant
qu'ayant à parler aux Églises, il s'adresse pareillement à leurs anges?
— Passons maintenant à l'examen du texte et du contexte. Jusqu'à
sept fois, l'auteur réédite le texte qui fait mention de l'ange des
Églises, sans jamais rien ajouter qui puisse donner l'idée ou le
soupçon d'une acception particulière, exceptionnelle à donner à ce
mot. Il y a plus dans la préface des lettres, les anges des Églises
:
1618, p. 155. Le témoignage du P. Alcasar est ici d'autant plus remarquable, qu'ainsi quon
a pu s'en apercevoir, il ne partage pas lui-même l'opinion qui! juge si hautement autorisée.
Il faut dire qu'elle se trouve chez les auteurs qu'il cite, plutôt affirmée ou seulement supposée
que directement raisonnée et démontrée. C'est cette démonstration qui paraît encore man-
quer, que nous essayons de faire ici, heureux de pouvoir abriter notre modeste essai sous
l'autorité d'aussi grands noms.
L'ANGE ET LE CHANDELIER DE L'ÉGLISE D'ÉPHÉSE. 169
d'associer l'idée des esprits célestes et celle des étoiles (2) et de préposer
(les anges aux sociétés comme aux individus (3). Il se forme ainsi
(les armées évoque surtout l'idée des années célestes, celles des astres dont les inouve-
inents si régulièrement ordonnés suggéraient l'idée de troupes conduites par un chef habile
et puissant, celles des esprits dont le séjour était placé dans les régions supérieures. » Cf.
Dt. 4, 19; 17, 3; II R. 21, 3, 5; Jér. 8, 2 19, 13; Soph. 1, 5. Le livre d'Hénoch traduit
;
par F. Martin, 1906, 18, 13-16 « Là, je vis sept étoiles... qui brûlaient
: L'ange me
dit ; C'est la prison des étoiles et des puissances du ciel. Les étoiles qui roulent sur le
feu sont celles qui ont transgressé le commandement du Seigneur, dès leur lever... Et il
s'est irrite contre elles et il les a enchaînées. » Note du traducteur, p. 52 : « Les étoiles sont
])ersonniriées comme dans l'animisme babylonien, qui attribuait un chacun des
esprit à
astres et finissait par le confondre avec lui ; cf. Apocalypse, 9, i, Hénoch, 19. 3-6, 10
2. » Cf. ;
86, 1-3 et 6, 2-3; 88, 1 et 10, 4; Apocal. 1, 20-, 3, 1 ; 4, 5; 8, 10; 9, i, 2, 11; 12, 4, 9.
(3) Dan. 10, 13, 20, 21 ; 12, 1 Mt. 18, 10; .\ct. 12,
; 15 ; Hénoch, op. cit., ch. 89 et 90 :
On raconte dans ces deux chapitres l'histoire des anges pasteurs d'Israël. Les anges ne sont
pas seulement préposés au gouvernement d'Israël. « Ils dirigent, ils guident tous les êtres
du monde, tous les corps et les éléments de la nature soleil, lune, étoiles, phénomènes :
16,5.
(4) 2,4, 8; 3. 1, 3,16, 19.
170 REVUE BIBLIQUE.
Mais ils sont aussi clairs, les textes relatifs aux anges protecteurs. Or.
la clarté des uns ne supprime pas celle des autres et il faut toujours se
tenir en garde contre les incompatibilités hâtives qu'on peut être tenté
d'établir entre deux termes qui paraissent acquis. D'autre part, nous
ne pouvons pas dire avec quelques anciens commentateurs de l'Apo-
caly^îse que les anges préposés aux Églises, auxquels s'adressent les
lettres, ont pu manquer aux devoirs de leur charge et commettre des
fautes plus ou moins graves dont ils ont à rendre compte devant Dieu.
Car ce qui pouvait paraître admissible en un temps où l'opinion de
la faillibilité des anges était une opinion encore courante (1), est
devenu entièrement insoutenable depuis qu'a prévalu en théologie la
doctrine de l'immutabilité des anges dans le bien, à partir de l'é-
preuve initiale qui les a à jamais fixés dans l'amitié de Dieu. Nous
ne dirons même pas simplement, comme pourraient être tentés de le
faire certains commentateurs modernes, que, tout en réservant la
question de droit, on peut admettre qu'en fait et suivant la teneur des
textes, les anges protecteurs des Églises sont supposés doués d'une
liberté dont ils peuvent user pour le mal comme pour le bien. Car,
de deux choses l'une, ou l'on veut voir dans cette supposition une des
positions fermes de l'auteur, un enseignement formel du livre, en op-
position flagrante avec l'inerrance, et alors nous n'y pouvons souscrire,
car nous professons un égal respect pour tous les points fixes de la
doctrine catholique, pour ceux qui ont trait à la théologie de l'inspira-
tion comme pour ceux qui appartiennent à la théologie des anges ou ;
bien l'on veut voir dans cette supposition de l'auteur, soit une pure
hypothèse dans laquelle il se place, soit une simple donnée de l'angé-
lologie courante qu'il utilise sans entendre l'adopter ni la garantir, et
alors les textes protestent, car il est évident qu'ils dépassent la portée
d'un argument adhominem^ il esté^ddent que l'idée de la responsa-
bilitédes personnages mis en scène dans les lettres est une idée de
premier plan, une idée que l'auteur entend bien faire sienne et dési-
gner même spécialement à l'attention de ses lecteurs. Sommes-nous
donc obligés de prononcer le jugement d'incompatibilité devant le-
quel nous hésitions et pour faire droit aux exigences de la théologie
de faire violence aux témoignages de l'exégèse, en sacrifiant au sens
obvie des lettres le sens obvie de l'adresse et de la préface qui les
introduisent? Non, cette obligation n'est encore qu'apparente et il y a
un moyen de tout concilier, sans rien changer à la signification obvie
(1) « La faillibilité des anges a été une opinion courante pendant les quatre premiers
(1) Van Hoonacker. Les Douze petits proph.,p. 13. J. Tolzard, Le livre d'Amos, 61-6.>.
;2) Oséel-3-, 15.49, 14-50,1: 54. 1-55; Jér. 2, 2 ss. ; 3, 12-14: Ez. 16.22 et en particu-
lier V. 22-49.
pas agir de même avec les anges des Églises et pourquoi ne leur
dirait-il pas tout ce qu'il a à dire à ces Églises ?
Mais, avancera-t-on, en est ainsi, si ce qui est dit aux anges dans
s'il
les sept lettres s'adresse en réalité aux Églises, les Anges ne figurent
là que pour la forme et ils ne sont en somme qu'un prétexte. Prétexte,
si l'on veut, mais qui cadre bien avec le symbolisme et le mysticisme
(i, 20) les Églises, là anges désignés par les lampes placées
(iv, 5) les
devant le trône de Dieu. Car si, du point de vue de l'auteur, les
Églises peuvent emprunter le nom des anges, ainsi que nous venons
de le voir et de l'expliquer, en vertu du même processus, les anges
peuvent facilement emprunter les symboles des Églises. Au surplus,
le simple parallélisme des membres dont nous avons déjà parlé,
n' indique-t-il pas assez qu'il y a entre les lampes et les étoiles la
LANGE ET LE CHANDELIER DE L'ÉGLISE D'ÉPHESE. 173
II
(3) P. Calmes, ojs.cii.. p. 121 «Les menaces par lesquelles se termine le v. ô sont assez
:
énigmatiques. Que signifient mois « je viens à toi »? .S7... Mais si... Les derniers mots
les
« je changerai ton chandelier de place » créent une difficulté (encore) plus grande. Les
chandeliers leprijsentent les Églises, ce qui fait penser... Sicette interprétation est valable- "
Le savant commentaire de .M. Boisset ne trahit pas un moindre embarras. La plupart des
interprètes, écrit-il, rapportent la menace, non pas directement au jugement final, mais
à un jugement préalable, par lequel Éphèse doit être effacée du nombre des Églises. Spitta
et Holtzmann allèguent encore pour l'expliquer Alt. 5, 14-16; Pliil. 2, 15 (l'Eglise doit cesser
d'être une lumière pour les païens d'alentour;. Cependant la simple référence au jugement
final n'est pas exclue « Doch ist die einfacfae Beziehung auf das endgiiltige Gericht nicht
:
Le point de vue d'un auteur dans un livre, nul n'est mieux à même
de le définir que lui-même, quand il a eu la bonne pensée de le
prophétie, et qui gardent les choses qui y sont écrites, car le temps
est proche! » ([, 3).
On voit déjà bien se dessiner, dès ces premiers versets, le caractère
général de l'Apocalypse prophétique par son origine, parénétique
:
par son but, elle est par son contenu nettement eschatologique.
L'introduction revêt la forme d'une adresse épistolaire où l'on retrouve
tous les éléments ordinaires des suscriptions des lettres de saint Paul,
le nom de l'écrivaia, celui des correspondants, la formule chrétienne
de salut : « Grâce et paix de la part de Dieu et de Jésus-Christ »,
(1) Cette étude prélimiaaire pourra paraître un peu longue. Elle ne saurait pourtant être
traitée dehors-d'ueuvre, destinée qu'elle est à nous fournir, je ne dirai pas les prémisses né-
cessaires à la démonstration de notre thèse, mais conducteur dont parle le
ce précieux fil
P. Alcasar dans son chapitre intitulé De egregio fructuexfilo apte deducto a principio
libriusque ad fiiiem, qui doit nous empêcher de nous égarer dans le dédale des explica-
tions contradictoires, et nous aidera découvrir le point lumineux que nous cherchons.
LA.V;E et le chandelier de LÉtiLISE D"ÉPHÈSE. 175
justice pour
la préparation des grandes assises finales. Tel est en
effet le qu'on leur voit jouer dans toute la suite du livre. Le
rôle
Christ est conçu du même point de vue eschatologique. comme
le premier agent de la révélation qui s'achève et du royaume qui
Cf. Apoc, XVII. 11. XIX, 16 et, dans l'unité de la même perspective
;
Et comme si tout cela n'était pas encore assez clair, comme .si le
titre et l'adresse ne suffisaient pas à nous renseigner sur l'esprit du
(1) Tarrjum de Jonathan. — Le Targum de Jérusalem dit à peu près la même chose.
L'on sait que la rédaction des Targums n'est pas antérieure au lu' siècle, mais l'on sait
aussi que leur contenu remonte souvent à beaucoup plus haut.
^2; Apoc. 20, « Heureux celui qui a part à la première résurrection
: Lasecondemort n'a !
(1) C'est du rapprochement de ces deux passages (Mt. 24, 30; Apoc. 1, 7) que semble
provenir la croyance que le Christ apparaîtra avec sa croix au dernier jour.
(3) On a émis des doutes sur l'authenticité des v. 7, 8 sous prétexte qu'ils rompent la
suite des idées (1, 6, 9). M. Bousset répond avec raison : « Esist kein Grund abzusehen,
,
va les surprendre tels qu'ils sont, sans qu'ils aient pour ainsi dire le
temps de se retourner (1) » (xxii, 1 1 Et par trois fois (xxii, T, 12, 20'
.
l'on proclame qu'il \-ient, qu'il va venir incessamment, Celui qui doit
procéder à ce jugement définitif, à cette liquidation morale de l'hu-
manité, Celui qui doit présider à la consommation des choses comme
il a présidé à leur commencement : « Voici que je viens bientôt et
ma rétribution est avec moi pour rendre à chacun selon son œuvre.
Je suis l'Alpha et l'Oméga, le premier et le dernier, le commencement
et la fin. »
weihalb nicht der .^pokalypter sich hier unterbrochen habea konnte, uni in einern kurzen
Molto den l:ihalt seiner Scbrift za charakterisierea und auf den hohen Ernst und die Be-
deutung de.'? Geweissaglen hinzuweisen », p. 191. Au demeurant, on pr-ut trouver que la solu-
tion de continuité est plus apparente que réelle.
(DP. Calmer, op. cit., p. 235.
compte avant de clore son livre « Amen Viens, Seigneur Jésus (1). »
: !
Et c'est ce que nous devons dire si nous avons bien compris la belle
et haute signification de l'Apocalypse. Rien ne répond mieux en effet
(1) Celte supplication n'est que la traduction grecque de la fonnule araïuéenne : « Mâranâ
tha ÎL (iv>o Notre-Seigneur, viens : » qui semble avoir été d'un usage commun dans la liturgie
chrétienne des premiers temps (I Cor. 16., 22. Didaclié, 10, 6). Nous suivons ici la lecture
proposée par Bickell et adoptée par la plupart des critiques actuels.
(2) Jacquier, Histoire des livres du N. T., III, p. 350.
LES PAYS BIBLIOT ES ET L'ASSYRIE
[Suite)
sous son autorité l'immense empire que lui avait léjgué Salmanasar IL
Son inscription en caractères archaïques relate trois campagnes dans
les pays du Xaïri, près du lac de Van. La quatrième campagne est
(1} Chaque année élait désignée, en Assyrie, par le nom d'un dignitaire qui était l'éponyme
de l'année. Cette période était le limmu du dignitaire. La première année d'un règne avait
pour éponyme le nouveau roi.
stèle de Samsi-Adad IV (celui qui nous occupe]. L'inscription dans I R, 29-31. Cf. Scheil.
Inscription assyrienne de Samû-Rammàn IV, Paris. 1889. En outre. Abel. In-
schrift Samsi-Ra7nmdn^s, dans KB., I, p. 174 ss.
(4) Dans le teste cité à la note précédente. De même dans l'histoire synchronique ^KB.,
I, p. 200 ss.]. La liste des éponymes avec notices distingue une campagne au pavs de Kaldou
(1) Inscription archaïsanle, II, 7 ss Pour les identifications, Scheil. op. laud., p. 48 ss.,
(2) L'histoire d'Alhalie dans le royaume de Juda avait montré, peu de temps avant l'épo-
que qui nous occupe, la haute influence que pouvait exercer une femme dans les aflfaires
des cours orientales. Un rôle analogue a été joué par Sammouramat (= Sémiramis) sous le
règne de Samsi-Adad lY. Nous verrons plus loin les femmes exerçant le pouvoir en Arabie.
(3) Ces statues sont au British Muséum, The Ximroud central saloon, n"" 69 et 70.
L'inscription dans I R. 35, n" 2: cf. A'B., I, p. 192 s, et notre ouvrage sur La religion
ossyro-bahiilonienne, pp. 27 et 111.
(4) DEUTZscn, dans Milteilungen der deulschcn Orienl-Geselhcliaff, n" 42 (décembre
1909), p. 38, note.
(5) Excellente dissertation sur ce sujet dans Bochart, Phaleg et Canaan (éd. de Leyde,
1707), col. 232. Bérose est invoqué dans Josèphe [Contr. Apion., I, 20) contre ceux qui at-
tribuent la fondation de Babylone à a l'Assyrienne Sémiramis ».
'6) Cf. surtout Diodore de Sicile (liv. II).
LES PAVS BIBLinUES ET LASSVRIE ISl
ézer 2), avait résolument ouvert les hostilités contre les rois d'Israël.
(1) Hésychius interprète r:;j.îoaa'.; par r.i'.io-i'jx ôpe-.o:. L'élément râmat est ainsi con-
sidéré comme appartenant à la racine ^IT « être élevé ».
(3) Il Reg., 8. 28 s.
f4] Ibid.
[h] II P.eg.. 9.
6) II Reg., 10, 32 s.
zaël, roi d'Aram, unit et rassembla contre moi dix +- x rois li). »
Par bonheur, six de ces rois sont mentionnés et nous pouvons
ainsi nous rendre compte du morcellement des principautés dans le
nord.de la Syrie. C'est toujours la situation que nous avons recon-
nue à l'époque des lettres d'El-Amarna (5); des roitelets en guerre
les uns contre les autres et reconnaissant la suprématie d'une grande
puissance. Seulement, au Keu d'avoir l'Egypte pour suzeraine, ils se
(2) Nous lui laissons la vocalisation Zakir, postulée par M. Pognon, en vertu du nom de
Zakir qui se trouve dans les inscriptions cunéiformes. Mais le mot Zakir ou Zakiru est
assyrien. Nous préférerions une forme Zakar, qui serait hypocorislique de noms à second
élément divin, tels que rilii", irilTZ". Que Zakir ail été un usurpateur, c'est ce qui sem-
ble résulter des tenues mêmes de son inscription (cf. Savignac, RB., 1908, p. 597).
que ces trois pays (le second représentant un nom de ville se retrou- i
1) /.7i., 190'J, p. 64 S.
(2) laqi'desi cité par Pognon {op. laud., p. 163', Belâdhorl (162. 1) par Noldeke (Z.I.,
XXI, p. 377).
(3j PoGNox, op. laud., p. 163.
nés 1), doit être la capitale du territoire de ladi, elle est très pro-
Chrisf.
Cependant l'Assyrie, après la crise traversée sous Samsi-Adad IV, a
repris ses visées ambitieuses. Le fils de Samsi-x\dad IV, Adad-
nirari III, > que, dès son enfance, le dieu A.sour, roi des Igigis, a choisi
et aux mains duquel il a confié une royauté sans rivale (1) », va tra-
vailler à rendre à son empire Textension atteinte aux temps de Sal-
manasar IL II a hérité de sa mère Sémiramis les hautes ambitions et
la bravoure légendaire. Grâce à la liste des éponymes, accompagnée
de courtes notices (8), nous connaissons les campagnes entreprises
(1) Comparer les textes dits de Hadad. Panammou et Bar-Rekoiib : Lagrange, ÉRS.
(2= éd.), p. 499.
(2) C'est là qu'ont été découvertes les inscriptions des rois de iaw'ai ou du ladi.
[3] Cf. Delitzsch, Wo lag das Parodies, p. 279, pour l'identification de "JTîn et de
Hatarikka.
[i] DussALi», Heiite archéologique. 1908, I, p. 229.
(ô) Les mots ':*'2w*'7"2 sont écrits en un seul dans toute l'inscription. On ne les sépare
pas par le petit trait vertical qui sert à distinguer les mots, dans cette inscription. Sur ce
Baal des cieus, cf. Lagrange, ÉRS. 2« éd.\ p. 92 ss.
(7) Cf. notre ouvrage sur La religion assijro-habylonienne, pp. 150 et 159.
(8) KR., l,p. 208-209.
LES PAYS BIBLIQUES ET LASSVRIE. 183
Dans Damas sa ville royale, dans son palais, je reçus 2. 300 talents
d'argent, 20 talents d'or, 3.000 talents de bronze, 5.000 talents de fer,
des vêtements bariolés, des tunicpies de lin, un lit d'ivoire, un trône
d'ivoire massif, son trésor, sa richesse sans nombre. <> Cette expédi-
tion à Damas marquant du règne. Adad-nirari III la ra-
était le fait
'3j D'aucuns identifient ce Mari' avec Ben-Hadad II lui-même. Ce serait le titre ^•^^2
Syrie septentrionale, ils ont fini par imposer leur nom à la région
comprise entre Gargamis, l'une de leurs capitales, et le royaume de
Hamath.
Cette désignation de pays de Hattou finira par s'étendre même au
pays d'Amourrou. Pour le moment, celui-ci représente encore la côte
naan, c'est le pays d'Omrî qui est nommé au sud de la Pliénicie. Nous
avons vu déjà comment le royaume d'Israël avait fini par porter le
nom de « maison d'Omri » ou simplement, comme ici, « pays d'Oinri » (4).
Lors donc que Jéhu, au temps de Salmanasar II, était désigné comme
« l'enfant d'Omrî » (5), cette épithète pouvait le représenter simple-
(5) Ibid.
(6) II Rerj., 14. 7.
faire rentrer sous le joug. Mais son échec dans sa lutte contre Israël a
permis aux Édomites de reprendre leur liberté. Désormais Juda est
serré comme dans un étau entre Israël et Édom. A l'ouest le pays des
Philistins qui, lui aussi, apparaît pour la première fois dans les textes
assyriens [Pa-la-as-lu =
n*ù?S3), n'a pas perdu son ancien renom.
C'était en assiégeant une de leurs villes que le général Omri avait été
proclamé roi d'Israël, après le coup d'état de Zimrî (2). Ézéchias aura
encore à lutter contre eux (3;.
Le royaume de Hamath n'est pas mentionné dans la liste d'Adad-
nirari III. Le monarque se serait-il arrêté dans sa marche vers l'Oronte,
après la soumission de Hazaz et d'Arpad? Ce n'est guère probable.
Zakir avait pu résister à la coalition commandée par l'Araméen Ben-
Iladad II, mais il avait certainement reconnu la suprématie de l'Assy-
rie. Dans éponymes avec notices (i), on voit que, vers
la liste des
l'an 800, une campagne est dirigée contre le pays de Lu-ii-si-a. Ce
pays ne serait-il pas le Lu'us de Zakir, l'ancien Lii-hu-ti d'Asour-
nasir-apla (5) ?
(6)Les textes coQcernaat ces I-tu-'-a sont groupés dans Streck, Keilinschriftliche Bei-
trûge zur Géographie Vorderasiens (MDVG., 1906, p. 228 s.).
(7) D'après les dernières découvertes d'Asour, il serait plus exact de l'appeler Salmanasar IV.
Nous conservons l'appellatioa ordinaire, afin de ne pas introduire de confusion dans notre
exposé, puisque nous avons laissé le nom de Salmanasar II au prédécesseur de Samsi-
Adad IV.
(8) Canon des éponymes avec notices (KB., I, p. 210-211).
188 REVUE BIBLIQUE.
près du fleuve Habour se révolte à son tour (759-758). Les années 758-
756 sont consacrées à réparer les maux causés par ces insurrections et
par une seconde peste qui s'était déclarée en 759. Aussitôt cette œuvre
d'apaisement achevée, Asour-dân II franchit de nouveau l'Euphrate et
mène une nouvelle expédition contre Hazrak [Ha-ta-ri-ka] en 755.
L'année suivanteil marche contre le pays d'Arpad.
(1) Lire partout Mad-a-a au lieu de [mûlu] A-A, dans le canon des éponyines.
(2) Cf. notre ouvrage sur La religion assyro-babylonienne, p. 233.
(3) Ces faits sont connus par le canon des éponymes avec notices.
(4) II Rerj., 14, 24 ss.
(5) Nous ponctuons ainsi le ^yr, de l'inscription dite de Hadad, à cause du nom Karl
de la bilingue égypto-carienne signalée dans Kretschmer, Einleitung in die Geschichle
der griechischen Sprnche, pp. 379 et 398. On pourrait rapprocher aussi le nom de Kopu).a;,
porté par un satrape Pai)hlagonien dans Xénophon, Anab., V, 5 ss.
(B) Pour le nom de Qarl, cf. la note précédente. Le nom de Panammou se retrouve en
Carie sous la forme llavafjL-jr];. Que ce soit un nom carien, semble prouvé par la pré-
le fait
sence du premier élément dans IlavâoXriiii;, Ilaviadui-, et du second dans XïipafAijT); (Kret-
scHMERj op. laud., p. 357).
LES PAVS BIBLIQUES ET L'ASSYHIE. 189
(2) Connu par l'inscription dite de Panammou [ibid., p. 496 ss. . Le nom est écrit "'in^
avoue qu'il eut à combattre durant tout son règne contre ces Ara-
méens « qui étaient installés sur les rives du Tigre, de l'Euphrate,
du fleuve Sourappou, jusqu'au fleuve Uknû (la kerha actuelle) aux
bords de la mer inférieure (le golfe Persique) (2) ». Au premier rang
figurent les I-tu-a^ désignés tantôt comme pays tantôt comme tribu.
nammou II, avait été mis à mort par un usurpateur. C'est grâce à
l'intervention de Téglàth-phalasar roi d'Assyrie (iVû'X "Sa iDSsnS^n)
que, suivant l'inscription dite de Panammou (6), la révolte est répri-
mée. Pourquoi ne pas voir dans notre Azriiahou l'usurpateur en
question? C'est précisément après sa campagne contre Azriiahou que
Téglath-phalasar III recevra le tribut du roi de Sam'al (capitale du
Iadi\ et ce roi de Sam'al ne sera autre que Panammou II.
l Annales (éd. Rosi). 1. 126 ss. Cf. KB., II, p. 26 ss.; Winckler, KelliaschriflUches
Texibuch (3° éd.), p. 29 s.
(9) Sur ce dj. el-Agra\ cf. Guv Le Strx'Sge, Palestine under the moslems, p. SI.
(10) Tornkins a identifié le premier El-li-ta-ar-bi et al-Aihûrib (cf.Wi.xcKr.ER, AUorien-
talische forscliunijeu, I, p. 21).
192 REVUE BIBLIQUE.
pays d'Un-qi, dont nous avons vu plus haut la localisation (p'2" sur
rOronte en amont d'Antioche). Les autres en plein Amourrou, à
Si-iuir-ra (5), à Ar-qa-a (6), à Us-nv-u et à Si-aji-nu [1) « qui sont au
bord de la mer ». Enfin un certain nombre à Til-kar-me (c'est-à-dire
leTil-garimme de Sargon, où se réfugiera le roi de Melid (8)j et à
Tn--im-me, résidence de la tribu araméenne des Tii--mu-na (9).
Après avoir ainsi réduit en province toute la Syrie du nord, Té-
glath-phalasar III donne la liste des princes qui lui apportent le tri-
roi d'Asour, vint dans le pays et Menahem donna à Poul mille talents
d'argent afin que son assistance(litt. ses bras) fût avec lui pour affer-
Sidon qui apportaient le tribut. Sidon n'est pas mentionnée par Té-
glath-phalasar III ;
les deux villes sont Tyr iSur-ra-a-a) et Byblos
iGu-ub-la-a-a). Les Byblites figuraient parmi les tributaires d'Asour-
nasir-apla et de Salmanasar II (6). Leur roi porte le nom de Si-bi-it-
ti-hi-'-li (Sy2-n2ï/*). tandis que le roi de Tyr est Hi-ru-um-mu Ce .
(1) Is., 7, 8.
9) Cette n\y~nmp « vlUe neuve » [= Carthage) est signalée, en Chypre, sous la forme
Qjrti-hadasli dans les inscriptions dAsaraddon et d'Asourbanipal.
REVUE BIBLIQUE 1910. N. — S., T. VII. 13
194 REVUE BIBLIQUE.
la ville de Sidon ne figure pas à côté de Tyr, tandis que Byblos est
restée indépendante de ses voisines. En remontant vers le nord, nous
rencontrons parmi les tributaires U-ri-ik-ki de Cilicie {Qu-ua-a) (1)
et Pi-si-ri-is de Gargamis ^DjerâbW). Leurs noms ne sont pas sémi-
tiques, tandis que le roi de Hamatli [Ha-am-ma-ta-a-a) qui figure
immédiatement après porte un nom sémitique E-ni-ili (Sn*:1" « œil de
dieu »), de même que son prédécesseur Zakir. Comme sur la stèle de
ce dernier, nous trouvons groupés maintenant les trois territoires de
Sam "al [Sa-am-'a-la]^ de Gourgoum [Gih'-git-ma-a-a] et de Melid
[Me-lid-da-a-a). Nous avons vu plus haut comment Sam 'al correspon-
dait au territoire de SendjirK et Gourgoum à celui de Djwdjûmeh au
sud d'Antioche. Le roi de Sam'al est Panammou II [Pa-na-am-mu-in
et nous savons déjà que son nom n'est pas sémitique. Le roi de Gour-
goum est Tar-hu-la-ra dont le nom a. depuis longtemps, été reconnu
comme nom hittite (2). Ce n'est pas non plus un Sémite que Su-
lu-ma-al de Mélid, tandis que le roi de la \ille de Kas-ka (en pays
hittite) semble être un Sémite, Da-di-i-lu (Sx''""). Au nord de la Cili-
tine. La campagne contre Azriiahou avait fait trembler tous les peu-
ples de la côte depuis la Cilicie jusqu'au delà de la Phénicie. Les
royaumes de Damas et d'Israël s'étaient soumis et l'Arabie elle-même
envoyait ses présents (5). L'inscription solennelle sur la tablette d'ar-
'X' L'élément Tarhu, Tarhun (= Tas/.u-, Tapxov-, Tpoxo-, x. t. a.) estle nom du dieu
national des Hittites, Tarkun. On le trouve dans Tar-kum-dim-me, nom du roi hittite
sur le fameux sceau bilingue hittite-babylonien. Cf. Kretschmer. Einleitung in die Ge-
schichte der griechischea Sprache, p. 362 ss.
(5) Les derniers présents énuraérés sont des chameaux et des chamelles. Ce sont les pré-
LES PAYS BIBLIQUES ET L'ASSYRIE. 19o
Bi-it-Hu-um-ri-a ,
dévaste le pays et emmène un grand nombre des
habitants en captivité. Furieux contre Peqah, dont l'ambition a causé
leur perte, les Samaritains conspirent contre lui et l'assassinent :
Rason marchant avec Peqah contre .luda. Les années 733 et 732 se-
ront consacrées à humilier l'Araméen. On dévaste non moins de seize
districts appartenant à Ra^^on (.5^. Une nouvelle reine des Arabes [A-
sents des Arabes qui venaient en dernier lieu i>arrni les peuples tributaires. Les chameaux
figuraient dans la cavalerie du roi des Arabes à Qarqar RR., 191o, p. 64 .
•3, 11 s'agit d'Ahel-beth-ma'acâ mentionnée parmi les villes prises par Téglath-phalasar,
Cette reine de Saba doit s'ajouter à Zabibi et à Samsi. les contemporaines de Téglath-
phalasar m. C'est ce qui a donné à penser que le matriarcat avait pu exister comme forme
(le gouvernemeut, chez les tribus de l'Arabie à cette époque. Un nom de reine chez les
sur le trône. A son tour, Suma-iikhi est frappé par un certain Ukhi-
zêr [Xv/Ç,ipz'j du canon de Ptolémée). Cet Ukin-zêr avait été roi de
iA suivre.)
Jérusalem, ce 12 février 1910.
Fr, P. Dhorme.
(11 Dans la Babylonie du sud. Cf. Streck. dans Klio. VI. p. 214.
(2) Cette cérémonie est une conséquence des idées qu'on avait sur l'origine divine du
pouvoir. Cf. notre ouvrage sur La -religion assyro-babj/lonienne, p. 158 ss.
passage sur le Serviteur (au moins xlii, 1-7) doit être transposé, et
rapproché des autres passages sur le même sujet. Un autre résultat
très important, accepté par Féminent professeur de Louvain, est
l'adjonction des chapitres l\-lxii à xl-lv, comme continuation im-
médiate du même cycle de poèmes [Revue biblique^ octobre 1909,
p. 498, 506-5071.
Cependant Van Hoonacker propose un plan un peu différent pour la
structure de ces poèmes. Il reconnaît bien deux grandes parties,
(1) Cet article est une réponse à celui de M. Van Hoonacker dans la Revue biblique,
cet. 1909, p. 497-528. La discussion se meut tout à fait en dehors de la question de savoir si
la seconde partie du livre d'Isaïe est du même auteur que la première. Voyez sur ce point la
note de M. Van Hoonacker, l. c, p. 506.
LES PRÉDICTIONS NOUVELLES. 201
EXEGESE.
dont on n'a pas ouï parler avant ce jour. Sans rien jiréjuger de la
date de ces prédictions, mais uniquement pour exprimer le contraste,
appelons les premières « prédictions anciennes ". les secondes, « pré-
dictions nouvelles ». Au sentiment de Van Hoonacker, les « prédic-
tions anciennes » sont celles que lahvé fit par l'organe des prophètes
d'autrefois; elles ont pour objet les choses anciennes, accomplies déjà
depuis un certain temps; les « prédictions nouvelles » sont celles que
notre prophète fait entendre à partir du chapitre xl: elles se rappor-
tent au salut à procurer par Cyrus. « Ces u choses nouvelles », que
lahvé n'a pas voulu prédire longtemps à l'avance, ne peuvent être
que la mission et Tœuvre de Cyrus... » (p. bli). « Ici, remarque-t-il.
nous nous trouvons en conflit assez aigu avec Condamin, qui allègue
précisément le passage en question comme preuve qu'au chapitre xlviii
nous avons att'aire à un poème de transition » [p. 509 En efièt, 1. —
il me semble que les prédictions anciennes se rapportent à iœuvro
l'origine...? » — Ce
ne sont pas les dieux des païens; c'est lahvél
(v. 26-29). La seule traduction possible de rxia est « dès l'origine »,
« Cela », c'est évidemment ce qui vient d'être dit dans les strophes
Lowth Koppe, Gesenius, Hitzig, Ewald, Knobel, Schegg, Seinecke, Diestel, Franz De-
et
litzsch, Segond,Knahenbauer, von Orelli, Andréa, Duhm, Ryssel, Cheyne, Ed. Kônig, Skin-
ner, O. C. Whitehouse (1908), Budde (1909), les dictionnaires de Gesenius-BubI, Gesenius-
Brown, etc.
LES PRÉDICTIONS NOUVELLES. ^0:5
parles idoles, mais par lahvé « dont la parole est juste et sûre la pré-
diction » (v. 19). par lahvé « qui tient la parole de ses serviteurs )>, est-il
dit un peu plus haut, justement à propos de CyrusfxLiv, 26, cf. 28).
.le ne trouve aucun exégète qui donne ici à z~":*2 le simple sens de « d'a-
Messie » (2..
(1) An Introduction to the Literature of the Old Testament, S" éd. l'.»09. p. 204.
(2) Études bibliques, 1. 1, 1869, p. 103, 104.
204 REVUE BIBLIQUE.
avec l'opinion du D. Kay, que les « choses nouvelles » sont celles qui
vont être révélées dans la section suivante de la prophétie (ch. xlix-
Liii), celles qui se rapportent à la venue du Messie... » (2).
Kautzsch (7', etc., estiment que les « prédictions anciennes » ont pour
objet au moins les premières conquêtes de Cyrus. « En quelques en-
droits, dit Skinner, il paraît clair que par « les premières choses » le
Ce sont surtout les textes interprétés plus haut, xli, 26 et xlv, -21,
qui ont obligé ces derniers auteurs de comprendre parmi les « pré-
dictions anciennes » au moins une partie des conquêtes de Cyrus, les
premières victoires, tandis que la prise de Bahylone et le décret qui
met fin à l'exil appartiendraient aux « prédictions nouvelles ». Mais
cette distinction formelle de deux parts dans la carrière du conqué-
(1) The Hohj Bible icith an explanalory and critical Commentarij, vol. V, 1875,
p. 251.
(3) Driver, Isaiah : his life and times, T éd., 1893. p. 140.
(4) Julius Ley, Historische Erhlarunrj des Zireiten Tcils des Jaaia, 1893, p. 57 et
de Cyrus et la prochaine délivrance d'Israël) notre prophète voit une des preuves les plus
fortes de l'unité et de la toute-puissance du Dieu d'Israël »; et parmi les passages qui jus-
tifient cette assertion, xlviii, 3 suiv. est cité.
I shew thee fin the act of speaking) plutôt que [hâve shewed thee.
(1) En note M. Van Hoonacker Qui donc en effet, en dehors de lahvé lui-
ajoute -. «
c'est ce que le prophète ne cesse de déclarer. Remarquons, de plus, que le discours, adressé
aux Israélites, comporte plus facilement cette expression qu'un défi porté directement aux
païens. Reuss met entre guillemets la fin du du v. 14, et remarque en note : « Ces trois
lignes résument la prédiction, que Jéhova seul a faite, et non les faux dieux. » Dillraann
interprèle de même « '"î^^* ces choses] est expliqué dans une phrase spéciale, à savoir :
5. —
Après avoir cité xli, 22. 23, le savant professeur ajoute :
-
« Parmi ces choses à venir, opposées aux choses anciennes et que les
faux dieux sont incapables d'annoncer, se trouve la mission de Cy-
rus (25). » C'est catégorique: mais l'affirmation risque de paraître
gratuite.
Puis vient un argument tiré de xliii, 9 :
Qui parmi eux annonce ces clioses [le retour des exilés]
et en appelle aux prédictions anciennes?
XLVIII, 6-8 le prophète répète, avec tant d'insistance, que lahvé les
proclame à parti?' de maintenant, pas avant, il n'est pas admissible
que le premier passage sur le Serviteur soit à sa place primitive
dans la première partie, au début du chapitre xlii; il doit rejoindre
les trois autres passages dans la seconde partie qui commence au
chapitre xlix. (Voir Le Livre d'haie, p. 295, 310, et surtout RB.^
avrill908, p. 170-172.)
II. — POÉSIE.
M. Van Hoonacker [RB., 1909, p. 515, note 2) a cru trouver dans Le Livre d'Isaïe,
(1)
p. un exemple de monostique ; mais Is., xiii, 2 présente en réalité deux vers, chacun
100,
de deux membres, comme l'indiquent la majuscule, « Faites-leur », et la minuscule, « pour
qu'ils entrent ». (Voir la préface du livre.)
LES PREDICTIONS NOUVELLES. 200
/y.z vel interdum -.z'.z-.iyy.z constitui, quia stichus seu membrum se-
cundum legem complemento eget; nam protasis
parallelismi semper
et apodosis totum quid constituunt '2 \ » On peut citer dans le même
sens Koester 1831 Hupfeld 18621, Ley (1875), Zenner 1896^, Bau-
,
(1) Article Poetnj (hebreir) dans Uastiags Diclionanj of tlie Bible, vol. IV. p. 8''; cf.
ment des strophes fait le poème. C'est toujours le sens qui pi'éside à
ces divers groupements.
Considérons maintenant la division en strophes élaborée par le
docte professeur de Louvain, pour le poème d'Is., lu, 13 lui, 12, —
sur les soufl'rances et ]a mort du Serviteur de lahvé. Voici le pas- :
sage à transposer, xlii, 1-7 (voir ci-dessus p. 208) est placé immé-
diatement avant lu, 13; et, pour obtenir avec cela une série rég-ulière
de strophes, lu, 13-15 devient strophe alternante; puis lui, 1-5
'-
Mais il a pris sur Lui nos souffrances,
et de nos doideiirs il s'est chargé;
Et il paraissait à nos yeux châtié,
frappé de Dieu et humilié.
(1) Contre toutes les versions anciennes, LXX, Syr.. Vulg., Sym. (le passage est para-
phrasé et rendu méconnaissable dans le Targoum), M. Van Hoonacker rattache "iSnn à 10'';
et. au lieu d'admettre pour le mot suivant la correction très simple de D*ittJn en D''w*''.
suggérée par la Vulgate. Si posueritpro peccato animam suai», il préfère corriger D'''t-."'ri en
C^tJNr et, de plus, supprimer le mol 't.'X, sans l'appui d'aucun témoignage ancien; cela
pour aboutir à une construction forcée (Ti*N3 sous-entendu devant DNi, qui exprime,
avec des termes un peu curieux, cette réflexion, bien prosaïque à la fin d'une si belle
strophe : [comme] si elle eut été coupable, son âme.
Il affligea,
Un changement détruit l'argument très fort, tiré de ce texte, pour montrer que
pareil
le Serviteur n'est pas un martyr du passé, comme Duhm le prétend, ni le peuple d'Israël
qui aurait déjà souftert, mais un personnage dont la mort est placée dans l'avenir : S'il
offre sa vie en sacrifice pour le péclié. Aussi Duhm. dans une note de plus de quatre-
vingts lignes, s'est livré à des conjectures héroïques pour se débarrasser de ce sens. Un
des plus judicieux commentateurs. Skinner, reconnaît que « la difficulté principale est le
caractère hypothétique de la phrase, dont on n'a donné aucune explication satisfaisante » ;
mais il se garde bien de transformer le texte à cause de cela. D'ailleurs le texte hébreu de
légèrement corrigé d'après la Vulgale, ou laissé tel quel, avec Dill.nann et beaucoup
lO*",
Je lui donnerai, pour sa part, des multitudes... parce qu'il s'est livré à la mort.
LES PREDICTIONS NOUVELLES. 211
Il est clair que l'on ne peut pas, avec M. Van Hoonacker. détacher
le verset 6, pour le joindre à la strophe suivante.
La division proposée dans Le Livre d'haie, pour ce poème, a quel-
que chance d'être objective et solidement fondée, vu sa coïncidence
avec celle de plusieurs auteurs consultés seulement après, dans la •
LU, 13-15 I
LUI. 1-3 I
V-6 I
7-9 |
10-12.
La seule ditiérence avec ma division est le stiqae 10' (quatre mots")
rattaché dans celle-ci à la strophe 7-9.
2. Les répétitions de mots. Aux idées et aux mots qui se répon- —
dent d'une strophe à l'autre D. H. Miiller donne le nom de Respon- <'
sion )). Il appelle inclusion l'espèce de cadre formé dans une strophe
par des répétitions symétriques au commencement et à la fin. On
peut distinguer deux sortes de répétitions de mots elles sont, en :
1 Dans la Revue Theolo(/iscfie Studien itnd Kriti/cen, p. -ÎO-IU; pas en 1833, comme
porte le Dictionnaire de la Bible de Vigoureux, t. III, col. 1912; encore moins en 1813.
date donnée par W. R. Harper daus son commentaire d'Amos, p. clïiv (deux fois).
(2) Actes du C" Congrès international des Orientalistes tenu en 1883 à Leyde. II par-
tie, sect. 1, p. 484.
(3) General Introduction ta the stiubj of Holij Scripture, 18U9, p. .38.J.398.
(4) Introduction à l'Ancien Testarnenl, 1906,. I, p. 44.5. 446.
212 REVUE BIBLIQUE.
ques "iNn et nxT2, (lu, 14 et lui, 2). Le mot bouche se lit au premier
et au dernier vers de lavant-dernière strophe (un, 7 et 9). La distri-
bution proposée par Van Hoonacker, déjà convaincue de faire vio-
lence au sens, fait disparaître du même coup cette symétrie.
Ailleurs encore les strophes sont coupées en dépit du sens et des
répétitions symétriques.
Il est de toute évidence que, par le sens, par la symétrie du nom-
bre des vers et par la répétition d'un certain nombre de mots carac-
téristiques, Li, 17-'20 [Sion a bu la coupe de la colère de lahve) et li,
21-23 {Babijlone à son tour la boira) sont mis en contraste comme
strophe et antistrophe. Dans la division de Van Hoonacker (p. 523),
LI, 21-23 est devenu strophe alternante!
Autre exemple xlix, 8-10, et 11-13 font partie de la
:
même stro-
11); ils viennent (12); lahvé a pitié d'eux et les guide (10 et 13). Le
verset 14 commence un nouveau développement « Sion disait : :
toujours sous mes yeux! » M. Van Hoonacker a changé tout cela xlix, :
8-10 forme une strophe alternante; 11-15, une strophe; 16-19, une
anti strophe !
1. — Psaume xxv : vers 5< — : : te:, n'ki'izx -"n, i2i1n, -'•p; mêmes
mots répétés dans les vers ^ —n ("'ri '^p répond à ~''i'p)-
S
V. 2 l2'21n'"^ .... an:"2 n^ jin.
r i2\\ ... iS nnz'c ^\\.
M 3^"lï*2~. dans le O'' vers à partir du début.
"I.
lï, dans le 9= vers à partir de la fin.
i V. 1 N 1SK DV2
( V. 22 n M*"'^ ^x n'^1
^ V. 2 2 "pN-^ .... "-^'zn nS
^ V. 21 u,' n'"^^2n nS ... yiisS
()
V. 3 ; rP2N
'{
V. 20 T n:''3NP Le verbe b^N n'est pas ailleurs dans ce chapitre.
Et au milieu :
^
V. 10 1 nSin2 ... "j*iii' n2
(y. 13 'z -[Vj: ri2 -Sin2
^ V. 11 z r^2--^2 ... TwV2 ... -£r:
? V. 12 -•
-£nw~2 ... ip*2m2 ... î2Z'ci'jr\-z
miers, les mots ^mce^, ta fidélité, serviteur, lahvé, promettre 'par ser-
ment à David ; ceiie dernière expression est exactement au 3' vers à
partir du début et au y avant la fin.
7. —
Dans le poème sur Moab, Is. xv-xvi, le terme les hauts lieux
se présente au commencement de la première strophe et à la fin de la
dernière, et pas ailleurs.
8. —
Dans le poème sur Babylone,
Is. xiii, 2 xiv. 23, remarquez —
les mots Ssn, îmI, de la 2' strophe et au commencement
r""i à la fin
(sauf un trait après lu, 12, p. 525) ,1). L'auteur ne s'est pas aperçu,
semble-t-il, des divers inconvénients de ce système. Ainsi, le second
poème étant soudé au premier, par xlii, 8-9 comme strophe alter-
nante on ne comprend plus comment le prophète présente lahvé
i2i.
1, Si l'on en juge par les strophes qui sont développées p. 519-526, et par la persistance
à intercaler des strophes alternantes entre les divers poèmes.
2; M. Van Hoonacker y tient beaucoup '^p. 508-509, 512, 514, 518;. Le lecteur jugera si
XLII, 8-9 doivent être détachés de 1-7, et vont mieux après xli. 20, où ils sont séparés du
passage sur les idoles par le long développement des versets 8-20 puisque M. Van Hoo-
nacker admet la transposition de xli, 21-29 avant 8-20. p. 514;.
(3; Sur la malheureuse transposition de xlvi, 1-2, pour faire une strophe alternante à la
fin de xLMi. voir la dernière note à la fin de cet article, et se rappeler que l'on a recours à
XLix, 8-26, LI, 1-3, L, 10, li, 4-10. xlviu, 21, li, 12-15, 17-23, lu, 1-12. xlii. 1-7, lu. IS-
IS, LUI; etc., L. 1-3 est transporté avant xlii. 18, etc.
[h) lï me semble qu'en pareille matière, où l'on procède uniquement par conjecture, sans
l'appui des versions anciennes. « toute transposition doit être justifiée par des raisons soli-
du sens à l'endroit d'où le pas-
des. Elle parait l'être lorsqu'elle rétablit à la fois la suite
sage est enlevé et à l'endroit ou du même coup, elle donne de part et
il est mis, et que,
d'autre des strophes symétriques par le nombre de vers et les répétitions de mots » Liv. '
d'Isaie, préface, p. xii Le premier effet des transpositions de .M. Van Hoonacker est de
.
détruire la symétrie, nous l'avons vu plus haut. Quant à savoir si elles rétablissent la
216 REVUE BIBLIQUE.
suitedu sens, que l'on en juge : xlm, 1-2 est transporté au loin, à la (iu du ch. xlvii (bien
que dans tout ce poème du ch. xlyii, Babylone. soit apostrophée à la 2» personne, tandis que
dans xLvi. 1-2 il est parlé des Babyloniens à la 3' pers.,. Ces deux vers ne vont-ils pas beau-
coup mieux dans la strophe de xlvi, 3-7, où ils mettent les dieux de Babylone, portés par leu rs
clients, en contraste avec le Dieu d'Israël qui porte son peuple. De plus, M. Van Hoona-
cker n'a sans doute pas remarqué les mots typiques qui font l'inclusion de la strophe :
DOy, N*wJ, "ûS'Z, dans les versets 1 et 2, comme les versets 3 et 4; DCÎ?, rnot rare,
ne se trouve pas ailleurs dans Isaïe. Sur les inonostiques, appelés à combler le vide, voir
plus haut p. 208. On pourrait multiplier les exemples.
(1) M. H. Poincaré fait jouer un rôle assez important à la « sensibilité esthétique » en
mathématiques; à combien plus forte raison a-t-on le droit d'exiger qu'elle intervienne
quand il s'agit de poésie! (Voir Science et Méthode, 1909, p. 57-59.)
Planciik vu.
•2. Djf.del OiSDoiM. Le profil déchiqueté ilu promontoire de sel. l'Iiot. du P. Savignac.
MÉLANGES
très environ delà terre ferme. Enfin, on descendit dans Teau et l'on
aborda. Cette difficulté n'était pas de nature à nous surprendre, car
nous savions que, jusqu'en 189i, il y avait eu tout le long du djéhel,
à l'orient, une plage spacieuse, fréquentée par les caravanes et les
explorateurs. Le Imnc de terre sur lequel nous venions de prendre
pied en était un simple vestige depuis quinze ans. le flot avait
:
Phot.du p. Jausaen.
Fig. -2-2. DjÉBEL OfSDOiM. L'entrée de la grotte de sel.
(1) De Sal'lcy, Voyiuje autour de la mer Morte, I, pp. 2i8-:î55. Kersten, Umwande-
ruiig des ToUen Meeres : ZDPV., 1879, p. 234. Gray Hill. T/ie DeadSea, QS., 1900,
p. 273. De Ll'ynes, Voyar/e d'exploration...., pp. 245 s. Robinson, Bihiical Researche.^, IT,
on dut s'arrêter devant une crevasse béante dont les parois, devenues
très lisses sous l'action de la pluie, brillaient d'un vif éclat. On re-
nonça alors à gravir les dépôts meubles qui recouvrent la masse sali-
fere et l'on regagna la plaie pour pénétrer dans la grotte de sel. Une
ouverture irrégulière, large et haute de cinq mètres environ tig -2-2 v .
,
(1) Cette grotte était immanquablement l'objet d'une visite quand on pouvait encore cir-
culer tout le long de la plage. Voir les références précédentes.
2) FoccHER DE Chartres, /7(".s7. Jheros.. II. 5 Cette salure vient ex eo qiiod montifi sahu-
:
ginem concipiens lacus) glatit, quem nnda marginalis indesinenier lambit, et ex de-
cursione imbrium de monte ipso in lacum fluentium .. Cf. Lartet. Exploration...,
p. 287.
(3) Il faut ajouter avec de Lapparenl les émanations gazeuses qui accompagnent les mani-
222 REVUE BIBLIQUE.
6 janvier.
Phot. SaTignac'
Fig. 23. — DjÉiii I
I, 51. il M. « Nous côtoyons les grandes plaques salines ».
plaques salines qui se pressent les unes contre les autres le long du
rivage (fig. 23), brillantes comme la glace, pour me servir de la com-
paraison déjà bien ancienne de Foucher de Chartres (2). Bientôt, le
festations volcaniques. Cf. la bibliographie sur la salure de la mer Morte dans Vincent, Ca-
naan, p. 368, note 1. De plus, W. Ackroyd, On a principal cause of the saltness ofthe
Dead Sea, QS., 1904, p. 64.
(1) LoRTET, La Syrie..., p. 438. Densité constante de leau à quelques brasses de pro-
fondeur, 1,2225.
(2) Ilist. Jheros., U, 5 Ju.rta quem lacum crstat similitev salsvs mons unus ingens et
:
cxcelsus : et idem sal quasi lapis nativus,no7i lamen lotus, sed localiter glaciei simil-
liimis.
.MÉL.A:sGES. 223
Djebel Ousdoum prend une autre apparence; les argiles ont coulé
sur le sel qui réapparaît d'ici et de là sous la forme d'aiiiuilles plus ou
moins effilées. Parmi
pyramides et des pavillons de
la multitude des
marne rangés sur les flancs de la colline, se dressent encore
salifère
quelques-uns de ces piliers de sel qui ont eu l'honneur d'être pris
pour la femme de Lot (1). L'un d'eux, en particulier, situé assez près
de la mer, offre, du large, une forme sculpturale singulière. C'est
bien, en effet, dans ces quartiers-là que l'on doit placer la stèle de sel
dont il mention au chapitre
est fait xix de la Genèse (2), Située envi-
ron à six milles de Ségor, elle fut visible jusqu'à la première pé-
riode byzantine. A cette époque, d'après un renseignement que Fau-
teur de la soi-disant Peregrinatio Silviae t enait de l'évêque même
de Ségor, l'eau de la mer la recouvrait (3). Cette première phase est
l'objet de toute une série d'attestations de provenances très diverses.
Monument encore debout d'une âme incrédule, d'après l'auteur de la
Sagesse (i), elle reçut des rabbins le nom d"Edith ou de « témoin » (5).
Ceux-ci recommandaient de rendre grâces à Dieu toutes les fois
qu'on la voyait, ce que tout bon Israélite devait également faire
lorsqu'il apercevait le lieu du passage de la mer Rouge ou du
passage du Jourdain, le chemin du ravin de l'Arûon, les pierres de
la descente de Bethorou et le mur de .léricho effondré (6). Josèphe,
pour qui la Sodomitide n'avait plus aucun secret, fît une visite à la
femme de A la longue, toutefois, cette permanence frappa
Lot (7).
les Comment une statue de sel exposée aux injures du
imaginations.
temps pouvait-elle ainsi subsister sans dommage? Pour trancher la
difficulté, on lui attribua une vie réelle et si réelle que la femme de
(ij Cf. De LiYNES, Voyage d'explor., pp. 243 s. et Lïnch, Narrutice..., pp. 307 ss.,
avec la fantastique gravure qui prétend les illustrer.
(2) Ge>u'5e, 19, 26: rhO; Z'^'^z' (ttV)).-/; aXoç.
(3) Geyer, Kin. Hieros., p. 54 : episcopus loci ipsius, id est de Segor, dixit
)iobis quo-
niam iam aliquot anni essent, a quo non parerel columna
de Segor forsitan illa. Xam
sexto miliario ipse locus [est], uhl stetit columna illa, quod mine toluin cooperit aqua.
Cette colonne est le tilulus uxoris Loth. Cf. Jérôme, in ps. 15 (Anecd. MaredsoL, III,
3, p. 12) In talem titulum versa est et uxor Loth...
:
(4) Sap., 10, 7. Luc, 17, 32 n'implique pas nécessairement l'existence de la statue de sel
au i'"- siècle.
lisme, on lui enlevait des parcelles, voire des membres, les animaux
venaient la lécher, mais toutes ces brèches se réparaient d'elles-
mêmes (1). Suivant l'archidiacre Théodose (530), sa diminution et sa
croissance répondaient aux phases de la lune (2). Cette stabilité et
en dépit de continuelles déperditions, amenèrent saint
cette vitalité,
Irénée à regarder la femme de Lot comme une image frappante de
l'Église (3).
Les musulmans se sont plus préoccupés de rechercher le motif du
châtiment de la femme de Lot que sa localistion précise. Le Coran pré-
tend que cette femme, nommée Wâ'ila (ïl^lj), avait trompé son mari,
pourtant juste et vertueux (V). Son infidélité consistait, suivant Djelâl
subrelicta est in confinio lerrx, patiens qux sunt humana; et dum sxpc auferuntur ab
ea membra Integra, persévérât statua salis, quod est Jirmamentxim fidei...). Cf. 33,9
(éd. Stieren, I); puis le Ps. Tertulliiîx, Sodoma(P. L.. II, 1161), bien plus réaliste dans
sa desçiiplion poétique.
L'anonyme de Plaisance (570) se récrie cependant : « Nam quod fallent hommes de uxore
Loth, eo quod minuatur ab animalibus linijendo, non est verum, sed statin ipso statu,
in quo fuit (Geyer, Itin. Hieros., pp. 16'J s.). Cette protestation n'empêchera pas les voya-
geurs du moyen âge de répéter presque dans les mêmes termes que S. Irénée le prodige des
membres amputés qui repoussent avec obstination: cf. RauwolfT en 1573, Q.S., juil. 1909 et
BB., 1909, p. 653.
(2) Ibid.,p. 146 : Quomodo crescit luna, crescit et ipsa, et quoinodo minuiturluna, di-
minuit et ipsa.
(3) Irénée, loc.laud. et 33. 9 ; ecclesia...sxpe debilitata,et statim augens membra, et
intégra fiens : quemadmodum typus eius, qux fuit illius Lot, salis fîgmentum. A la
et
rigueur, on pourrait se demander si cette particularité légendaire n'aurait pas une origine
juive, attendu qu'elle se retrouve dans Benjamin de Tudèle (vers 1170) les moutons, dit-il, :
MÉLANGES. -225
geait des étrang-ers Prêtez-moi un peu de sol. nous avons des hôtes
:
auteurs syriens n'ont donné à la statue de sel ({uune durée de 250 ans.
Fille du roi de Sodome, l'épouse de Lot aurait traité d'injustice les ri-
Le grief ([ue les (Jiienfaux ont surtout fait aux rens de la Penta-
pole est leur mépris de l'hospitalité. Aussi a-t-on rapproché (h:- c>^[
1) D'après Gru^nbalm, op. (oud.. p. 134. On trouve là les autres rariantes de ce récit
•>} Zohfir, I, 108 Irad. Pauly, il, p. 43j.
6i Melfim., 6, ;ill s. Calmet, Comm... sur la Gen., p. 443. Rapprocher le dernier vers
de celui de Prudence sur la femme de Lot Hamart., 749^ : Liquitur illa qutdem saisis
sudoribus uda.
Toute la pléiade des poètes chrétiens qui ont mis la Genèse en rers araient l'intentioa
d'opposer aux fables païennes les récits merveilleux de la Bible. Cf. G.\MbEa, Le livre de
la Genèse dans In poésie latine au V'- siècle, pp. 49, 160 ss.
{") Pausa.xlvs. 'Att'.7.î, XXL 3 : zl li f- Tï5o?M"iooj -^tiv-o, ZiZrY.yj^rr^i ôoî£:; ôsi-- -tai
•AaTr,ç-/i if-jvaî-/.a.
Iris Abraluv (Gesta Franconim..., c. 45, Bec. des historiens des Croisades. Occid.. III.
p. 522).
(4) Jew. (?/?., XVII, p. 128, 138.
(.5) Bl'rchardi Descriplio T. S. (éd. Laurent), p. 59. Le pilerinnf/e de Jachles di: VÉno.NE.
ROL., IIL p. 213.
(6) Le saint voyage de Jérusalem (Paris, 1858", pp. 111 s. Peut-être l'endroit indiqué
par le baron serait-il Beit-Na.sib, à l'est de Beit-Djibrin. Le renseignement de Thietmar
(1217) — la statue de la femme de Lot à un mille du lieu du baptême du Christ nest —
pas à prendre en considération. Il voulait amener avant tout cette citation de Théodule
sur la perlide épouse changée
/;i salis effigiem: lambuitt animalia caulem (éd. Laurent, p. .33;.
MÉLANGES. 227
verte par Teau de la mer, mais qui, jadis, se dressait sur le littoral,
attirant les troupeaux friands de sel. Fabri lui donne le nom de
Melaseda et avoue que sa métamorphose est un rude problème pour
les philosophes et les théologiens. A ce propos, il se met en devoir
de réciter les fables des rabbins et celles des poètes anciens comme
les légendes de Niobé, de Pygmalion et de Persée changeant en pierre
Atlas qui lui avait refusé l'hospitalité (1).
Au xvii" siècle, les Arabes offrirent au supérieur de Saint-Sabas,
Daniel, de lui montrer la femme de Lot mais l'éloigné ment du lieu
;
oriental que les Arabes eurent l'intention de lui faire voir -21. Enfin,
Lynch, nouveau Colomb, redécouvrit, en 18i8, le véritable habitat
de la femme de Lot, au sud-ouest de la mer Morte, mettant ainsi
un terme à tous ses déplacements (3). Telle est l'histoire d'un pilier
de sel du DjéJjel Ousdoum.
Vers 9 heures, nous doublâmes le Roudjm Mezoggel, monceau de
pierres que de Saulcy et Rey ont pris pour un débris de Sodome.
Je crois qu'il faut renoncer à retrouver cette ville et se contenter
de la localiser près de la montagne qui en garde nom, très heu-
le
'\) Evacjutorium, II. pp. 172 ss. Melaseda vient probablement de -sr k sel » et de
• —'-**'
« dame ».
(2) Nau, Voyage nouveau, pp. 382 s. Robinson {Biblic. Res., II, p. lio. note) soup-
çonne bien à tort l'exactitude du récit de Daniel que confirment, au contraire, pleinement
les traditions des .\rabes de Moab et lonomaslique actuelle des lieux. Il n'y a qu'une
chose à regretter, c'est que le P. ^'au n'ait pas jugé à propos d'interviewer plus longuement
un témoin aussi précis que Daniel.
et aussi éclairé
Lynch, Narrative..., pp. 307 ss. Ce voyageur ne prétend pourtant pas que la colonne
(3)
de sel dessinée par lui avec tant d'invraisemblance soit identique à celle de Josèplie. Pour
s'édifier davantage sur la femme de Lot, on pourra consulter la dissertation de Qaares-
priétés du sel sodoniien, qui tire son nom des collines appelées So-
dome et situées près du lac. Ce sel, ajoute l'illustre médecin, est
employé par les indigènes aux mêmes usages ({ue d'autres sels mais ;
ila une telle vertu qu'il dessèche les ^-iandes et fait digérer mieux
que tout autre parce qu'il est plus cuit l . En tout cas. le sel du
_,j&i^?S«i-
rUot. S:\v .mac.
â).£iç) -oSo(Jir|VO'j; «ttô tcSv Ttîoio/ôvTtov -rjv >.Î!i.vr,v ôpwv, â y.a/.îÏTa'. iôSoixa. D"a|>ri'S Rki.vnd.
Palnslina. p. 243.
(2) Pour 6.012 parties de chlorure de sodium, les substances dissoutes
dans leau de la
mer Morte en contiennent 16,319 de chlorure de magnésium, 0,963 de chlorure de potas-
sium. 1,0153 de chlorure de calcium. 0,504 de bromure de magnésium. 0.078 de sulfate de
chaux. Cf. LoRTET, La Syrie..., p. 438 et L\uti-t, Exploration.... p. 288.
•>-29
.mi:[.an(;es.
riioi. de M. Lyon.
Fig. -2-;. — C.ir.MEL. Une ancienne |>iscine toujours bien pourvue d'eau ».
(ouâdy Melh) qui passe au pied do Tell .Melli (la colline du sel. on
Edomites en cet endroit plutôt
n'hésite plus à localiser les défaites des
que dans le Ghôr et cette localisation est très satisfaisante.
Vers l'extrémité nord du Djebel Ousdoum fig. Si^^ aboutissent
Vouddij Mouhaudt, renommé par ses gites de bitume, et Vouàdy
Zoueira. Ce dernier ravin offre une passe commode pour descendre
des plateaux du Négeb dans les profondeurs du Ghor. Il est fréquenté
aujourd'hui par les caravanes qui vont de Kérak à Hébron et à Gaza
ou qui viennent exploiter le sel des bords de la mer Morte. Les prin-
cipaux chemins qui aboutissent à Zoueira sont ceux de Carmel par ïell
>\) II Sam.. 8, 13; I Citron.. 18. 12: II lieg., 14, 7; II CIiron..25, il. Pour la critique
(2) Entre autres, Robinson, op. laud., p. 109; Vax de Velde, Reise durch Syrien...
(1851-52), p. 136.
•230 REVUE BIBLIQUE.
(à G kilomètres au sud
de Carmel) . Zoueir
--^ Safié, el-Kha-
.. Ujj),
far (3).
Il est impossible do
ne pas reconnaître dans
Zoueir, la Zoueira mo-
derne. L'importance
stratégique du passage
de Zoueira et sa façon
de coupe-gorge néces-
sitèrent rinstallation
(1> On est très heureux au printemps d'en trouver un peu dans quelque creux de rocher.
La citerne de Zoueira el-Fùqa est peu considérable-, elle ne se trouve pas d'ailleurs sur le
chemin de Carmel. mais sur celui de Tell Mell.i.
(2) C'est Glillmme de Tïu lui-même (XX, 28. an. 1172) qui fait ressortir ces avantages
Hune ergo locum {Carmelum) sibi prudenter delecjit, propter aquarum commoditatem :
erat enim ibi velua et ingentis )nagniiudinis piscina. qua ad usum universi exercitiis
aquarum minislrabat copias. Sed et viciims erat ei regioni quic est trans Jordanem
locus pnidictus Ha ut sol a vallis illustris in quajacet mare Mortuum, média utram-
que disterminet regionem. Vacilius ergo et crebrius erat uostris de factishostinm audire
nova, et eorum statum cagnoscere.
(3) Description de l'empire des Mamelouks par Kbalil ben Dhàher, d'après Cl.-Ga\-
AEAL, RAO., I, p. 394. Je serais porté à lire comme nom de la dernière localité ^L-sr-M
(Djafar) au lieu de ^^' (Khafar;.
MÉLANGES. 231
l-liol.. de M. L.JOC
(l) L'identification de Ségor avec Zoueira est insoutenable entre el "i"y il n'y a
;
^ a •,
aucun rapport. En 1903, nous avons relevé le long de la merveilleuse descente de Zoueira,
les noms de ou. Djerafij, de Souk Tleimeh, d'où. Halroura, A'ou. Djarra. A Zoueira el
Tahta, les restes d'une piscine sont encore à signaler. Mais leau ne se trouve que dans les
creux d'un rocher, à peu de distance à l'ouest du fortin.
232 REVUE BIBLIQUE.
riiot. ce M. Byrn.
Fie. -28.
(1) Le 29 avril 1874, Kiiii^^rnN remarqua à 20 minutes au nord d'Oumm Baggeq une ligne
sombre dans la mer, à 80 pas environ du rivage. Il se demande si ce ne serait pas là l'an-
cien rivage bordé de blocs de {ZDPV.. 1879 p. 2-35). Je croirais plutôt que la
rochers.
Unie de Kersten est à assimiler à
diinkle notre ligne sombre du 28 décembre au soir et à
ladark Une de Maslerman {BB., 1909, pp. 224 s.), d'autant que c'est par un temps couvert
et pluvieux et sur une mer d'un gris de plomb que la ligne s'est montrée à Kersten, comme
à Masterman. Quant à nous, un orage était imminent quand nous l'avons aperçue. De ces
MELANGES. 233
X. B. — Comme la Revue Biblique contient déjà (1894, pp. 263-276) une description
de Masada et un itinéraire de ce point au iiaqh Ghoucir. nous arrêtons ici la publica-
tion de notre voyage. Le reste de notre croisière, de Masada à l'extrémité nord-
ouest de la nier Morte, uni aux précédents articles, fera l'objet d'un opuscule séparé
et muni d'une carte.
II
trois faits, il est donc permis d'induire une relation entre les perturbations atmosphériques
et l'origine de la ligne sombre.
(1) C. MiJLLER, Fragmenta historicorum (jrxcorum (édit. Didot), III, p. 206 ss.
Quum ille (Sennachérib) faraa accepisset lones in Cilicum terram belli niovendi
causa pervenisse, eo contendebat, aciera contra aciem instruebat, ac raultis de suo
nionumentum iniaginem suam eo
exercitu cœsis hostes bello vincebat, atque victorise
in loco erectam relinquebat chaldalcisque litterissuam ad
fortitudinem ac virtntem
futurorum temporum memoriam incidi jubebat. Et Tarsum urbem, inquit, ille ad si-
militudinem Babelonis condidit, nomenque urbi imponebat Tharsin.
Texte d'Abydène :
mediam Tarsum Cydnus fluvius transiret, quomodo Arazanis per mediam Babe-
lonem.
s'agisse d'un combat sur terre selon Abydène, il s'agit d'un combat
;
OTt TÔv 'A(7ffup''o)v r,p7î y.y''. ô-i t.xtç^ ï-zz-^t.-.i'j'^t.-z -f^ X:;ix -/.y), -f^ X'."^-j--b}
\i-^iùV CJTO)Ç...
C. Muller, Fragmenta hisloricoriiin gracorum (édil. Didot, II, p. 504 et IV, p. 28'2;
cf. aussi l'édition de la Chronique par les Mékitaristes de Venise (1818), vol. I. p. 43 et p. 53.
(2) Ant.. X, 1, 4.
MELANGES. 235
IV. •''
I-na li-mu Sùl-mii-bêl (amêlii) IV. '•'
Durant léponymie de Soul-
sa-ki'a (alu) Ri-mu-si '- Ki-ru-a (atnêlu) raoubél, gouverneur de la ville de Pvimousi,
liazâuu sa (alu) Il-lu-up-ri ^'-^
amélu) ardu '-Kiroua, préfet de la ville d'Illoupri.
da-gil pa-ni-ia sa iz-zi-bu-sù ilâni-su''' La '3 serviteur à mes ordres, ses dieux l'ayant
hu-la-te (alu' Hi-lak-ki ' us-bal-kit-ma abandonné, "-^^ souleva les guerriers de la
*•''
iq-.su-ra ta-ha-zi nisé a-si-bu-ut (alu) ville de Cilicie et ils se rangèrent en ba-
'•'
In-gi-ra-a u (alu ) Tar-zi i da-a->u is- taille.
''''
Les gens qui habitaient les villes
2j Le texte de tout le cylindre est publié dans le tome XXVI des Cuneifonn texts du
British Muséum; la partie que nous transcrivons, pi. 15. 1. 61 ss. de la col. IV. Une savante
introduction de M. King a attire l'attention sur les ressemblances entre le récit et celui de
la chronique d'Eusèbe. Le même auteur donne le passage du cylindre en transcription et en
traduction anglaise.
236 REVUE BIBLIQEE.
sak-su a-ku-us 8' ii-tir-ma 'alm Il-lu-up-ru avec le butin de ses villes, ainsi que les
a-na es-sii-te as-bat^'*'* nisê mâtâte ki-sit-ti gens de la ville de Cilicie qui s'étaient
qâtâ-ia i-na 3ib-bi û-se-sib ^^ (isu) kakku tournés de son côté, avec les ânes, les
(ilu) Asur béli-ia ki-rib-su l'i-sar-me bceuTs et le petit bétail. '^'"Quanta Kiroua,
^"
3^ (abnu,^ na-rû-a-a §a (abnu; parùtu i'i->.e- je récorchai. Je revins et je pris de nou-
pis-ma "" raa-har-su ul-zi-iz. veau la ville d'Illoupri, ^'^jV fis babiter
les gens des pays que mes mains avaient
conquis. ^'*'' J'y installai le trophée de mon
seigneur Asour, ^" je fis faire ma stèle en
marbre ^' et je la fis dresser devant lui.
y.':
s'.ç rr.v Ki"/.'.v.(av -/.a- rr,v Zjciav "j-tciz/.T. (-2). C'est là que montent les
gens de Tarse et d'ingirà. qui représentent les Grecs signalés par Po-
lyhistor et Abydène. L'emplacement de Tarse est connu. Or, chez les
'
Grecs, la ville jumelle de Tarse est X-c/iôlkt, qui, selon une tradition
d'Aristobule reproduite par Arrien '^) et Strabon avait été fondée ( 'i- ,
en même temps que Tarse par Sardanapale. Cette ville d'Anchiale doit
se situer sur le bord de la mer cilicienne, à l'occident du Cydnus. >ul
doute que la ville d'Ingirà de Sennachérib no soit cette 'ÀY/iiAr,, trans-
III
femme se décide à rester dans la tente de son mari. Elle vit avec ses
enfants, surveille leur éducation, administre leurs biens et travaille
pour eux. Sa situation est pourtant anormale, car une bédouine doit
être mariée; ainsi le réclame l'usage, affirmant que la femme, pour
être heureuse, doit mourir sur le ftrM helàl, c'est-à-dire sur la
couche d'un époux. Comment la difficulté sera-t-elle résolue par la
veuve? Profitant de sa liberté, elle reçoit dans sa propre tente un ami,
sdhib, lequel ami, dans la circonstance, est connu sous le nom spé-
cial de gôz musarrib. Cet époux, yûz (1), n'est pas un amant quel-
conque; légalement, au point de vue arabe, il occupe le rang de mari
légitime. Dans quelles conditions, nous allons l'exposer. Le soir venu,
il se rend à la tente de cette femme, passe la nuit avec elle, et le
matin, il retourne à ses occupations, surveiller ses propres intérêts.
En aucune manière il n'a à s'occuper des biens de la personne qui le
reçoit. Seule, cette dernière est responsable de l'administration de ses
biens et de la direction de quoique
la maison. Il est vrai, elle s'est liée,
librement, avec un homme qui est réellement son mari, mais un mari
musarrib (â"). Elle peut, à un moment donné, refuser de le recevoir
(1) La forme liUéraire est ^j ; mais les Arabes avec lesquels nous sonirues en rapport
intervertissent les lettres et diseal 70: au lieu de z6<j [zatry en transcription liltéraiie).
* / ^
('J) Le mot ntnsarrib, v .
i-»->--, ma été expliqué par un bédouin comme désignant une
personne qui jouit d'une grande liberté pour ce qui regarde le mariage. Le bédouin est
philologue à sa manière. lîien qu'il n'ait point pâli sur les formes simples et dérivées de la
'Mammaire araiie, avec son esprit délié il saisit le sens des mots et leurs nuances. La con-
frontation de cette explication avec les renseignements fournis par les auteurs arabes nous
aidera peut-être à mieux déterminer le sens du mot. Le verbe ^_^ veut dire : aller li-
est solidement étalilie par les ouvrages anciens. Dans le Hamàsah, p. 3i7. on trouve le
vers suivant :
« Je vois toutes les tribus serrer fortement les entraves de leur étalon,
mais pour nous, nous lui enlevons ses entraves pour qu'il puisse paitre en liberté. »
SOUS sa tente. Et sa décision n'a pas besoin d'être appuyée sur un motif
bien grave : qu'il ne lui plaise pas, la raison est suffisante. Elle lui
quelle aura eus de lui, et lui seul pourra lui rendre la liberté entière
en prononçant la formule de la répudiation. Alors seulement, la
femme sera libre de disposer à son gré de ses faveurs et d'admet-
tre sous sa tente un nouvel ami.
Cette pratique est courante cbez les Fuqarà et un de mes interlo-
cuteurs, Qoftàn, serait trop heureux d'être accepté comme gaz musar-
rib^ par une femme de sa tribu; mais jusqu'ici, aucune veuve n'a
consenti à le barbe est trop grise )>, dit-il
recevoir : « Maintenant, ma
d'un ton mélancolique. Il n'a pas aussi bien réussi que Mas'ad, frère
de Sahab. Ce jeune bédouin apprit que Hedeirah fille de Miswad
avait perdu son mari tué dans la dernière razzia contre les .Sammâr.
Il s'empressa de lui demander sa main. Hedeirah lui dit : « J'ai un fils
sarb veut dire chemin; halli sarbuhu, laisse-le suivre son chemin de manière à ce qu'il
aille là où il voudra-, à la deuxième forme. * '
a le sens d'envoyer au pâturage les cha-
meaux les uns après les autres. Nous ne sommes pas loin de l'interprétation donnée par le
bédouin. Dans le musarrib on reconnaîtra quelqu'un qui n'est pas enchaîné, mais qui agit
avec liberté. De plus, on comparera l'expression arabe :
i< Va-t'en ; je ne m'occupe pas de toi. « Cette sorte de dicton est employé d'une manière
générale chaque t'ois qu'on refuse de s'occuper des affaires de quelqu'un, c'est pour cela qu'il
est donné d'après Meïdàni. Magma' ul-Am[àl. Beyrout, 131'>
à la foime masculine. Mais
de l'hégire, I, formule aurait été primitivement au féminin et était prononcée
p. >2(j, la
par rhoiiiine qui répudiait son épouse au temps de la GdhiUyah. Par ces mots :
qu'elle avait eus de Sahen ont eu atteint leur majorité, elle a été con-
trainte par leurs mauvais procédés de sortir de sa propre demeure
et de se réfugier sous la tente de Talàl. 1
Nous trouvons chez les Adwàn un exemple très caractéristique de
cette coutume des Nomades.
La renommée de 'Aly eben ed-Diàij, des Adwàn, est restée vivante
dans le Belqà. « C'était un vrai roi, me disait un Arabe; il gou-
verna sa tribu avec sagesse et dompta les Beni-Saher par le glaive. »
Le cheikh Aly est mort depuis douze ans à peine, laissant ces trois
enfants à sa jeune épouse âgée de trente ans environ. Nourah avait
bénéficié de la renommée du cheikh, son mari. Elle était deve-
nue célèbre dans le Belqà. Les Arabes avaient admiré sa beauté et
apprécié sa générosité: ils étaient fiers de ses vertus. Aussi, à peine
son mari fut-il décédé, qu'elle vit arriver à sa tente un grand nom-
bre de prétendants, parmi les cheikhs des 'Ad\vàn, des Beni-Saher
et des autres tribus voisines: tous s'empressaient de lui demander sa
main. Elle refusa leurs ofi'ies. Un
certain Sa ad al-'Abbàs, très in-
fluentparmi les Adwàn. persista dans sa demande, et au bout de
deux ans, surmonta par ses instances les premières répugnances de
Nourah. Vaincue, cette dernière lui dit : « Je consens à te prendre,
MELANGES. 241
1° Le (jôz musarrib peut être ou nètre pas marié avec une autre^
femme. |
2° Il contracte un véritable mariage avec la personne qui Taccepte.
3° Il demeure dans sa maison ou sa tente à lui.
4° Il visite sa femme et se conduit avec elle comme avec une épouse
légitime. S'il n'est pas marié avec une autre personne, il vient la voir
chaque soir; s'il est marié, il partage ses nuits entre elle et ses autres
femmes.
5° Chaque fois qu'il vient, il ne se présente pas ordinairement les
Tous les biens, terres cultivables ou troupeaux, ainsi que les premiers
enfants, passeront entre les mains des parents du mari de la femme,
mais non entre celles du gaz musarrib. Naturellement, quand les en-
fants de cette femme ont atteint leur majorité, ils sont les maîtres du
bien de leur père.
8" Il a droit sur les enfants que lui donnera la personne qui le
reçoit.
Les conditions et les droits de la femme qui accepte un {jôz mu-
sarrib sont les suivants :
1" La femme doit être veuve; elle doit aussi avoir des enfants de
son mari décédé.
2° Elle reste sous la tente de son mari défunt, avec ses enfants.
Elle n'ira pas habiter dans la demeure du yôz musarrib. à moins
qu'elle ne soit chassée hors de chez elle par ses premiers enfants.
3° C'est librement qu'elle accepte un homme comme yôz musarrib;
mais cette acceptation constitue un vrai mariage, officiellement re-
connu; elle devient réellement l'épouse du musarrib.
4" Cependant, elle se réserve expressément l'administration de ses
biens pour les laisser ensuite entre les mains de ses enfants à l'exclu- |
sion du musarrib.
5" Elle a le droit de refuser la visite du mari, de lui interdire l'accès
de sa tente et le musarrib ne peut la contraindre.
6" Comme elle est enchaînée par les liens d'un vrai mariage, elle
MÉLANGES. 243
dans une habitation autre que la sienne, voire même dans un lieu
éloigné. Je cite un exemple dans la même tribu des Adwâu,
Le cheikh SuHân, au moment où je recevais l'hospitalité sous sa
tente, il y a quatre ans, avait avec lui une femme au campement des
Arabes, et en entretenait une autre dans la ville de Sait, à une journée
de distance. Obligé de fuir loin des siens après l'assassinat de ses
frères, il chercha un refuge à la localité voisine où il reçut l'hospitalité
chez un riche musulman, Mustapha Dawd. Celui-ci, désireux de gagner
les bonnes grâces d'un cheikh puissant, lui donna sa fdle en mariage,
mais il lui imposa certaines conditions.
Suhàn devait s'engager à laisser son épouse dans la maison de son
père, « car elle était trop délicate et trop civilisée pour vivre avec
les bédouines, sous la tente » ; mais il était obligé de venir la visiter
de temps en tem])s. De plus, il était stipulé que, s'il la répudiait, il
esclaves; on leur proposait des jeunes (llles de six ans et au-dessus et des femmes de
trente ans, huit ou dix en tout. Mais la vente a élé interdite et on a fait observer à o ces
messieurs » que ce commerce est défendu par la loi religieuse. »
(31 Sur la valeur et l'emploi de ces trois termes, voir les observations de Noldeke dans
ZD3IG., XL, 154, et nos propres remarques dans Coutumes des Arabes, p. 49; Paris, 1908.
MELANGES. 24o
nature, mais le mari supporte les frais et use toujours (lu droit absolu
que lui confère chez les Nomades son titre de père.
Eu fondant sur ces simples observations, qu'il serait facile de
se
multiplier et de développer, on ne saurait identifier simplement le
cas du musarrib à Tun ou l'autre types de mariage attribués à l'an-
cienne civilisation arabe, soit le mariage heena ou mdiqah. soit le
mariage de domination. Tel qu'il se pratique aujourd'hui, il possède
des propriétés qui paraissent caractéristiques chacun
et essentielles à
Or, dans le récit des Juges, nous voyons le héros juif poursuivre lui-
même son but avec ténacité. En personne, il s'adresse directement à
la femme qu'il désire 10 1: c'est avec elle cju'il traite; c'est son con-
(5) I Reg., 1. 2, i.
8,i Lhébreu nit7N. répond étymoiogiquement à larabe -:o!, désignant un être fémi-
Jud., 14, 2. Devant l'opposition dessiens, il passe outre, comptant bieo réussii;. Son espoir
n"était-il pas basé sur le genre spécial de mariai;e qu'il poursuivait ?
(3) Le fait que c'est le père qui l'a donnée à un autre, n'exclut pas le consentement de
la femme assez libre de sa destinée, d'après 14, 7.
(4) Jud., 8, 31.
MELANGES. 249
Jérusalem.
Fr. A. Jaussex.
IV
LA VERSION MOZARABE DE L'ÉPITRE
AUX LAODICÉENS
M. le baron Carra de Vaux a publié en 1890 dans la Revue Bi-
blique (3) une traduction arabe de Tépître apocryphe de saint Paul
aux Laodicéens. Le manuscrit de Paris (Bibliothèque Nationale, fonds
arabe, n. 80:, apporté de Constantino|ile dans le deuxième quart du
xvnf siècle (4), contient, entre une Vie de saint Paul et l'Apocalypse,
(1) Sur la signilicalion et l'importance de rimposition dn nom aux enfants chez les
Araites cf. Kinship and marriage, T édit., p. 124, et A. Lods, La croyance à la vie fu-
ture. Il, p. 9 ss.
(2) La dénomination de •^ji'l^S de Jud., 8, 31, n'empêche pas un vrai mariage; cf.
(3^ RB., 1896, p. 221 sq. M. I. Guidi avait déjà signalé ce texte d'après le catalogue de
Paris dans sa dissertation La traduzione degli Evangelii in arabo e in eliopico, R. Ac-
cademia dei Lincei, Memorie, 1888, p. 29. Cf. les compléments apportés à la description
du catalogue de la Bibliolhètiue Nationale par M. Eduard Bratke d'après une lettre de
H. Zotenberg, Zeilschrift fdr Wissenschaftiiche Théologie, 1894, p. 137 sq. La publica-
tion de M. Carra de Vaux est mentionnée par A. Harnack, Geschichte der Altchristlichen
LUteralur, Chronologie, p. 701 et dans les Kleine Te.rte filr theologisclœ Vorlesungen
und Uebungen, de Lielzmann, Apocryp/ia, IV, p. 2 (le ms. de Paris est donné par erreur
comme du xir siècle). On s'étonne de ne trouver aucune mention du manuscrit ni de la
publication dans H. Goussen, Die christlicli-arabische Literatur der Mozaraber. Leip-
zig. 1909, l'auteur citant à plusieurs reprises le mémoire de M. Guidi.
illatus )'. Or on sait que l'abbé Sevin rapporta d'un voyage au Levant qu'il fit en 1729-1730
un grand nombre de volumes. Pendant les annéas suivantes, ses correspondants de Tur-
quie expédièrent à Paris plusieurs lots de manuscrits. Cf. l'Avertissement de H. Zotenberg
au Catalogue des mss. arabes de la Bihliothrque Xalionale par M. de Slane, Paris,
1883-1895, p. II.
(3j M. de Slane dans le Catalogue des inss. de la Bib. nat., p. 19, avait compris celte
MÉLANGES. 251
^" ^
^Lnîj
(1) . i.<L .b
lui est venu ne comprendrait-on pas qu'il avait extrait cette épitre
:
plirase dans le même sens : « Ce ms. renfermait les épitres traduites du latin en arabe par
Jj p, nom qui, probaldement, est une transcription de Hieronymus (saint Jérôme). «
aux Laodicéens suit celle aux Colossiens. cf. Histoire de la. Vulgaie, Nancy, 1893,
p. 341 sq. D'autre part, dans le ms. 4971 de la Bibliothèque de Madrid qui contient la
traduction mozarabe de plusieurs épitres de saint Paul, l'épitre aux Laodicéens est comprise
entre les lettres aux Thessaloniciens et celles à Timothée, cf. sur ce ms. de l'an 1542 Ro-
bles, Calalocjo de los mannscritos arabes e.rtstentes en la Biblioteca nacional de Ma-
drid, 1889, n° CCXX.WIII, p. 108 sq.
Le copiste de Borgiano 67 se montre sur ce point mieux renseigné que S. £. As-
3)
sémani qui qualifie de coufique toute écriture arabe qui n'est pas le neschki, cf. Catalogtis
Codicum Bibliolhecae f^alicanae urabicorum, ... edenl.e Angelo Maio, Romae, 1831i
p. ex. à propos du manuscrit n'^ 5, p. 5; et H. Goussen, loc. cit., p. 14.
2b2 REVUE BIBLIQUE.
(t) Cf. Catalo(jxis Codicum orient, qui in Miiseo Britannica asxervanlur, Londres,
1838, p. 13 sq., n" XIII.
(8)... Jv^ JJ' ^, 4,W .,L'o.».J' (à lire *J«>»J,) J^ y- J'i. Cf. CatoL ...3/us.
(4) C'est encore de saint Jérôme et de la Vulgate qu'il est question dans re.\plicit du
manuscrit de la cathédrale de Léon, publié par F. X. Simonet, Historia de los Moza-
rabes de Espagiia. p. 753. Malheureusement, l'auteur a cru bon de faire au texte quelques
corrections sans indiquer la leçon du manuscrit où il y avait sans doute :
.^'s. J.L'' ^<c. ,.cw;^vJ' JjJ' w^i" J^cJ (et non pas i^<ow^j') i^so^^l"
MELANGES. 253
Eugène Tisserant.
(I) Nous avoas remplacé, ci-dessus, par leurs équivalents grecs les signes numériques
coptes que nous ne pouvions reproduire typograpbiquement.
CHRONIQUE
(ju'il y a d'incomplet clans notre relevé. Une fois épuisées les res-
sources parlementaires du P. Jaussen et la dernière lettre de Tins-
criptiou copiée, nous avions eu mains les éléments essentiels de toute
la mosaïque. Plutôt que de prolonger une séance qui tournait à
l'aigre, il a semblé préférable d'abandonner la place, dans l'espoir
que des circonstances meilleures permettent quelque jour à de plus
heureux que nous l'achèvement de ce travail.
La mosaïque. —
La chambre mesure i'".()5 de large sur une pro-
fondeur encore inconnue,
le déblaiement n'ayant
pas été poussé assez loin
au sud. Par ce côté elle
se rattachait peut-être à
unis par des entrelacs dans un cadie fajitaisiste. Les médaillons re-
produisent les figures essentielles de la géométrie : circonférence et
carré; les entrelacs unissent les deux formes fondamentales rectiligne
et curviligne de cet élément décoratif. C'est dans la fusion adroite
de ces deux éléments, dans l'heureux agencement des médaillons et
du treillis, dans le choix judicieux des motifs ornementaux à semer
dans les interstices duou à loger dans les médaillons, que le
treillis
mosaïste a fait preuve de goût et de talent, qu'il s'est montré en
vérité artiste et pas vulgaire ou capricieux traceur d'arabesques plus
ou moins sèchement géométriques.
Le centre manifeste de sa composition, ce qu'il a eu à cœur, ou ce
256 REVUE BIBLIQUE.
de poissons (1) qui évoluent en pleine eau dans les petits médaillons
rectangulaires en bordure du pavement, des fruits, des plantes, des
arbustes dans les médaillons ronds et les plus larges espaces du
treillis, enfin des bouquets stylisés et de petites combinaisons géomé-
triques dans les moindres cases des entrelacs. Tout le réseau a ses
attaches sur une bordure qu'un filet blanc constitué par deux rangées
continues de cubes isole du cadre proprement dit. Ce cadre ne trahit
pas moins que tout le reste la recherche un peu affectée. Il est
fait de deux tresses parallèles entre lesquelles on a posé des fleurs
nieux, très gai sur le pâle fond blanc qui en accentue le relief; tout
cela aussi exécuté avec un soin matériel admirable et de tous poinls
en rapport avec l'élégance capricieuse et souple du dessin.
L'inscription. —
La lecture matérielle est sans aucune obscurité;
c'est à peine si à l'avant-dernière ligne du quatrième médaillon quel-
ques cubes disparus ont endommagé la haste dune lettre qui n'en
demeure pas moins certaine. Les abréviations sont toutes usuelles ou
transparentes. La gaucherie de quelques lettres en particulier le —
M du médaillon I, 1. 3, écrit comme un 00, le développement des —
apices, les A et les 00 fleuris, çà ou là une ligature voilà autant :
'
I. Yrràp ziii-r,z'.j.: -/.'A hr.ù/r^ ;j, -isojç -^k'jt.'.zj t:j zù.{z'/z'\'\z-yS\ {'/Sk)
T'iv ;iaç;cp(sv)':(j)v. — II. W~z'':r^z\'t Av:ojv:r Y-xi.z'[j. toj ïz'^'w/ -z~j~.z 'jr.ïz
y[y.z-.''.zj \iz{v/-\w)zz) z.
ces choses-ci; —
IV. par les soins de .Julien Pistikos (1) [ceci] a été
cisme. Du reste les Syriens ont souvent transcrit ces deux lettres
grecques par les mêmes lettres syriaques / et o, indistinctement;
ils donnaient donc la prononciation é à Yéfa grec. Quant à la dif-
jerence entre omicron oméga, de bonne heure ils ne s'en sont plus
et
qu'un qualificatif. —
'Evcr/.TiÔJvc; est un exemple de plus à ajouter à
(2) Peut-être songera-t-on à la racine syriaque ->^s^ « bavarder », ayant abouti à un nom*
propre par quelque longue dérivation.
(3) Cr. Codex Bezae : EitooGo).v[).x.
(4) Cf. J. MoscH, Pré spirituel, ch. 79; PG., LXXXVIls, col. 2936.
(5) Cf. NoELDEKE, Ueber den christl.-paluslin. Dialect; ZDMG., XXII, p. 451, 455.
A
CHRONIQUE. 2d9
tion. Une exigence banale d'espace à remplir a fait répéter deux fois
la mention du prêtre Georges et le manque de place au contraire,
(1) Ce que l'installation de Beltîr me rappellerait le, plus est le petit luonument à'Oumm
tr-Rous avec les ruines contiguës de Malekatlia ; cf. RB., 1898, pp. Cil ss. ; 1899. pp. 452 ss.
et Macauster, QS., 1899, pp. 200 ss.
(2 J. BocRGoiN, Les éléments de l'ail arabe; avant-propos, p. 5 (1«79 .
CHRONIQUE. 261
être montée sur une tige métallique et qui a pu faire office de peigne ;
(1) Où le personnage est quelquefois assez nettement masculin et semble exécuter une
danse orgiastique (cf. Menam, Catalogue... de la collect. De Clercq, t. I, pi. mi, 108;
Mil, 116 s.; XIV, 123, 125; xv, 131 ; xxiu, 231, etc., pour n'en pas emprunter à de plus
récentes publications), à en juger par le mouvement varié des bras. Au lieu d'une danse
on a ici l'impression d'une pose douloureuse (Figurine et main n'ont pas été dessinées).
I
à
CHRONIQUE. 263
VJi^i^
n:
- 'i V
çrand ra^^r
^,'d
ustensile enmarbre blanc très fin. à patine jaune soyeuse (1). Quel nom
donner à ce bibelot? La forme du creux et les arêtes vives excluent
ridée de support pas un coifretnon plus, car on attendrait la rainure
;
^ ,mm,,m^h
(4; Cf. par ex. fî^., 19i»2. p. 433 ss.. pour ne fournir qu'une analogie proinptement ac-
cessible.
CHRONIQUE. 26o
gnation spécifique s'il s'agit d'une centurie. Mais que faire de la se-
conde ligne ? Entre le signe très empâté du début qui doit représenter —
assez sûrement un M —
et le groupe CVI de la fin, il y aurait place
-Y. B. — En signalant dans le numéro dernier [supra, p. 127 s.) l'élégante correc
tion de M. Kubitschek dans l'inscription romaine de Sébaste, j'aurais dû savoir qu'elle
avait été proposée déjà par le P. L. Jalabert à la séance du 15 septembre de la So-
cictè des Antiquaires. On lira avec fruit son étude du texte dans le Bulletin de la
Société, 1909, pp. -296-300.
II. Vincent, 0. P.
(1) La forme lunaire du C a la seconde ligne exclut peut-être l'hypothèse un peu osée
d'une lecture rétrograde complétant le nom propre de la 1. 1
'
Plut(M que comme abréviation de Cenlinnvir.
RECENSIONS
d'yeux, déclare M. Stanton, pour voir ce que découvre M. Loisy. Et en etïet ses rai-
sonnements qu'on peut contester, mais qui ont une base objective, reposent de ces
inductions dans le vide où Ton poursuit éperdument les intentions de chacun des
évangélistes.
M. Stanton estime que le problème avance vers la solution, et on ne peut plus nier
en effet la solidité de certaines positions critiques, qui n'ont d'ailleurs rien de con-
traire aux affirmations coordonnées de la tradition. La catéchèse orale ne peut expli-
quer les ressemblances entre les trois synoptiques, mais son rôle n'a pas été sans
importance. C'est elle qui a fixé les grandes lignes du recueil des discours de Jésus,
écrit en araméen, parce que les nouveaux chrétiens parlant araméen, c'est-à-dire les
convertis du judaïsme habitant la Palestine, avaient moins besoin qu'on leur racon-
tât la vie de Jésus, qu'ils n'ignoraient pas, que d'être encouragés et dirigés par ses
paroles et ses leçons. C'est elle qui. s'adressant aux Gentils, a du esquisser dans les
grandes lignes l'histoire du Maître, non point pour satisfaire la curiosité, mais pour
prouver qu'il était vraiment Messie et Fils de Dieu. Naturellement, cette catéchèse ne
pouvait aboutir à l'unité si elle n'était qu'un conglomérat de prédications différentes ;
il faut donc supposer deux foyers, saint Matthieu à Jérusalem, saint Pierre à Rome, et
cond évangile de l'autorité de Pierre. Puisque notre premier évangile ressemble trop
au second pour que les points de contact puissent s'expliquer sans une dépendance
de l'un à l'égard de l'autre —
dépendance dont saint Augustin a reconnu la convenance
théologique, —
on doit conclure que c'est le premier qui, dans son état ajctuel de
texte grec, dépend du second, puisque tant de raisons montrent que Marc a beaucoup
mieux conservé le cachet d'un document primitif. Et cela n'est pas contraire à la
tradition qui attribue à saint Matthieu le premier évangile, puisqu'elle le lui attribue
en une langue sémitique, et qu'elle n'a jamais dit dans quelle mesure le traducteur
avait dû se conformer à l'original.
RECENSIONS. 267
Mais je viens de dépasser la pensée de M. Stanton qui n'est pas aussi préoccupé
que nous le sommes de sauvegarder l'intégrité des évangiles, parce que je voulais
tout d'abord exprimer mon admiration pour une œuvre parfaitement conduite et où
il beaucoup à prendre. Sur saint Marc, par exemple, M. Stanton a des pages excel-
V a
Le mérite de l'ouvrage ne consiste pas seulement dans l'exposé très séduisant des
vraisemblances sur la composition des évangiles synoptiques ; des tableaux et des notes
additionnelles précisent les faits et forment en réalité la base des raisonnements.
Je dois signaler cependant plusieurs argumentations qui ne me paraissent pas con-
vaincantes. Je choisis un exemple à propos de chacun des évangélistes. M. Stanton
admet que notre second évangile est bien tel en substance que l'a composé IMarc,
disciple de Pierre, avant l'an 70. Mais, s'il rejette l'hypothèse d'un Marc fait de pièces
et de morceaux, il admet d'abord la possibilité de quelques retouches, et même l'in-
sertion de plusieurs morceaux assez considérables. Le premier point ne peut faire de
difficulté pour personne, puisque la critique textuelle est impuissante à nous rendre
le texte de Marc tel quil est sorti de sa plume. Encore est-il que les exemples choisis
par M. Stanton me paraissent plutôt mal choisis. Marc n'aurait pas dit -o t\>xyyéX'.o'i
d'une façon absolue, ni parlé de l'onction des malades (vi, 13), ni renvoyé au lende-
main l'expulsion des vendeurs du temple, etc. Je crains bien que dans tous ces cas,
M. Stanton n'ait cédé trop vite à une impression subjective. Quel critique admettra
que i-t AÇ'.âOap iy/iioiwi Cil, 26; a été ajouté par un copiste mal informé? N'est-il pas
beaucoup plus vraisemblable que Luc et Matthieu ont omis cette mention qui gêne
encore les exégètes?
Mais il est encore plus grave de supposer que Luc, en suivant Marc, aurait omis
quelques épisodes parce qu'il ne les lisait pas dans le Marc primitif qu'il avait sous
les yeux. Sans doute, avec ce Proto-Marc imaginaire, on ne peut plus objecter quoi
que ce soit dépendance de Luc à l'égard de Marc. Mais M. Stanton refuse
contre la
(^dispute avec les pharisiens) : viir, 1-10 (la deuxième multiplication des pains) et
VIII, 14 et 16-21 (annexe de la deuxième multiplication La raison pour attribuer
i.
ces passages à un réviseur de Marc, c'est, outre leur absence dans Luc, une certaine
difficulté dans le contexte; il y aurait donc deux motifs au lieu d'un seul de suspecter
l'authenticité de ces passages. Mais quelques inégalités de style sont-elles une difû-
1; Yon Soden, regardant 1, ii-4, 3» comme plus pétrinien que 4, 33-5, 43: cf. le système de
J. NVeiss.
268 REVUE BIllLIQL'E.
culte pour un auteur comme Marc ? Et quant au silence de Luc, on peut dire que,
précisément dans ces cas, il n'est pas une raison de penser qu'il ne lisait pas ces
épisodes, parce qu'on croit deviner sans trop de peine les raisons qu'il avait de les
omettre. Ayant déjà une multiplication des pains, une tempête apaisée, peu soucieux
des questions de purification légale (cf. R.B., 1896, p. 22), Luc avait plus de raisons
de passer ces épisodes que celui de l'aveugle de Bethsaida (viii, 22-26), dont
M. Stanton admet l'authenticité dans Marc. Contre vu, 1-23, M. Stanton objecte que
les Pharisiens ne devaient passe trouver à Bethsaida mais aussi n'est-ce pas à l'orient ;
du lac que Marc les fait intervenir. Quand on voit ensuite M. Stanton enlever à Marc
le figuier desséché, qui aurait été inséré par un éditeur en deux endroits (xi, 11''-14
et 19-25), on se dit qu'il a vraiment oublié son critérium. L'épisode du figuier, coupé
en deux comme il l'est dans Marc, avec un jour d'intervalle entre la malédiction et
la constatation de son effet, avec l'intervention spéciale de Pierre, et la naïveté de la
réflexion, omise par Matthieu, « que ce n'était pas le temps des figues ». cet épisode
sans artifice offre tous les caractères d'un texte de Marc, résumé par Matthieu selon
le procède ordinaire. M. Stanton, pourquoi ne pas le dire? a cédé ici à un préjugé
auquel il ne reconnaît pas droit de cité en critique. La traversée du lac par Jésus
marchant sur les eaux et le figuier desséché sont deux miracles « qui ne sont pas
comme les autres », qui ne lui plaisent pas beaucoup, et c'est pour cela qu'il les exclut
et il est encore plus sage de ne pas essayer, comme M. Harnack, d'en reconstituer
le texte précis. Mais il tient beaucoup
peu prèsà ceun que ce contenu soit — à —
contenu maximum. Or que ce ne peut être qu'un contenu minimum.
il est assez clair
'Si nous tentions de retrouver Marc d'après Luc et Matthieu, nous aboutirions à un
Marc trop court. >'en est-il pas de même du recueil des discours? Ne peut-on sup
poser que certains passages où Matthieu est seul en faisaient partie ?
De plus M. Stanton estime que Luc nous est plus utile que Matthieu pour retrouver
la suite des discours. Et cependant il reconnaît que Matthieu en a mieux conservé le
texte. Pourquoi donc Luc qui se comporte plus librement à l'égard des mots, aurait-
il été plus respectueux de l'ordre, lui qui déclare vouloir s'appliquer à raconter avec
ordre (prologue), selon ses propres informations? — C'est, dit M. Stanton, qu'il a
fait comme deux sections des discours, montrant ainsi sou parti pi-is de ne pas s'é-
carter de leur ordre. — Mais je conclurais tout aussi bien le contraire. Si Luc n'a
troublé que le moins possible l'ordre de Marc, de façon à se contenter de deux grandes
insertions dans lesquelles il répartit les discours, c'est donc Marc dont il a voulu
surtout ménager l'ordre. Sur ce point on préfère l'opinion de M. Harnack (T, eu
ajoutant une raison qui n'a d'ailleurs pas touché le critique de Berlin, c'est que le
recueil des discours se rapprochera ainsi davantage du premier évangile que la tra-
me paraît moins heureux lorsqu'il entreprend de prouver que Luc a eu pour source
le recueil des discours augmenté de presque tout ce qu'il a en propre, par exemple
les paraboles. C'est un point qu'on ne peut regarder comme élucidé.
Si j'ai tenu à faire certaines réserves sur cet excellent ouvrage, c'est afin de pou-
1, aprûchc..., p. \-2~t.
RECENSIONS. 269
II. —
La première édition des Uorae synoplicae date de 1899. I/ouvr.ige n"a pas
vieilli la bonne raison qu'il contenait très peu. presque point de théories, mais
pour
un grand nombre de faits, soigneusement groupés, qui serviront toujours de ba.^e à
la solution des problèmes. La seconde édition contient une quarantaine de pages de
plus, mais toujours dans la ligne des faits. On peut signaler un nouvel appendice de
III' partie. Loin d'ajouter de nouvelles théories, l'auteur paraît plus préoccupé d'at-
ténuer ce que certaines conclusions avaient de trop absolu. Il ne dit plus les Logia,
mais la source Q (Quelle .,
et ne regarde plus comme aussi particulier à Marc l'emploi
du présent historique (à cause de la traduction grecque de I Regnorum], ni aussi par-
Luc l'emploi des verbes composés (à cause de Marc). Certaines considéra-
ticulier à
tions trop subtiles sur le rapport des caractéristiques de Luc et de Matthieu avec la
source Q n'ont pas été reproduites, et l'auteur ne veut pas dire si c'est Luc ou
Matthieu qui la suit de plus près. Pourtant il dit très nettement — comme M. Stanton
— que Marc n'a pas utilisé cette source, et il maintient pour Luc et Matthieu l'em-
ploi de Marc et du document Q d .
tique. et voici que M. Hawkins nous annonce un volume de Stiidie^ In the Synoptic
Prohieiii. Venant du R.ev. D'' Sanday, il sera certes le bienvenu.
.Jérusalem.
Fr. M.-J. Lagrange.
Christ, vie, lumière et résurrection. Dès on sera autorisé à croire avec Renan
lors
que l'allégoriste a eu soin d'attirer l'attention sur les symboles qu'il propose. Point,
car cet allégoriste n'est pas un allégoriste à froid. « On dirait que la construction
allégorique a jailli spontanément par une puissante inspiration (2 ». Et on nous
parle d' « intuitions rapides, vives et profondes », d" éclosion de pensées, de scènes,
de visions symboliques » (3). Alors, dira-t-on, d'oii viennent ces détails précis, ces
circonstances de temps et de lieux ajoutées aux récits des synoptiques? Sont-ce des
souvenirs personnels, comme le prétend la tradition, ou l'auteur essayait-il d'en ira-
(1) De sorte que je ne sais du tout expliquer la ligne 16 de la page 217. à moins qu'il ne laille
lire First au lieu de Second.
(i) Loisv, op. laiid., p. 659.
3. Eod. loc.
270 REVUE BIBLIQUE.
poser? Le dilemme est assez seiTé, mais il était prévu. Ce n'est ni l'un ni l'autre.
Cette éelosion mystique de tableaux réclame « un travail secondaire de réflexion
qui s'y introduit et y complète l'équilibre nécessaire à toute œuvre de l'esprit pour
s'imposer à l'attention du public (1) ».
Mais enfin, puisque l'auteur était un peu plus de sang-froid en rédigeant et en
introduisant ces détails, y croyait-il ou n'y croyait-il pas? — Ces façons brutales de
poser les questions s'adressent mal, dira d'avance M. Loisy : « 11 est permis d'aller
plus loin encore et de se représenter leur auteur comme à demi, sinon tout à fait,
inconscient de la distance qui sépare les faits imaginés par lui des faits racontés par
ses devanciers... L'impossibilité d'interpréter les récits johanniques comme des allé-
gories pures vient justement de ce que l'auteur lui-même ne les a pas construits
allégoriqueraent par un procédé rationel et mécanique, mais les a perçus d'abord et
décrits comme des faits symboliques ('2) ».
On le voit,M. Loisy compose la figure de son auteur de telle sorte qu'il est inutile
de lui appliquer ou d'exiger de lui les procédés ordinaires. Tous les raisonnements
sont impuissants à saisir ce Protée. Le plus simple serait peut-être de lui demander
s'il a réellement existé. M. Loisy reconnaît « la singularité de l'œuvre, unique
exemple d'un genre inconnu dans les littératures classiques (3) » — il pourrait dire,
dans toutes les littératures. A tout le moins a-t-on le droit d'exiger qu'il fournisse des
preuves très solides de cette psychologie et de cette littérature d'exception.
Ce sont ces preuves que M. Lepin a résolu d'examiner de très près. La méthode
consiste à rechercher, à la suite de M. Loisy, soit dans les récits, soit dans les dis-
cours, des traces de symbolisme et d'allégorie. Si les allégories proposées ne rendent
pas compte des textes, on reconnaîtra que le quatrième évangile n'a pas le caractère
qu'on lui suppose, mais plutôt que « l'intention principale de l'auteur est, non pas
symbolique ou proprement dogmatique, mais bien apologétique » (I, 033).
Spécialement, pour ce qui regarde les faits, M. Lepin se place tout d'abord sur
le terrain des miracles reliés à des sentences symboliques. Si le symbolisme est facile
à déterminer, c'est bien lî, puisque les faits sont censés la représentation des pensées
qui les accompagnent. On commence par les récits de la multiplication des pains et
de la marche sur les eaux, oiî Jean se rencontre avec les synoptiques. Le champ
d'observation est parfaitement choisi {4) ; Jean a quelques traits qui lui sont particu-
liers. S'il est le symboliste déterminé qu'on dit, il aura ajouté ces traits pour com-
pléter le symbolisme. M. Lepin les passe en revue-, rien ne lui paraît significatif
dans ce sens Ce premier examen nous donne déjà une vue de la manière de l'au-
(-3).
teur et permet à iM. Lepin de serrer son dilemme (6) ou Jean a introduit ces dé- :
tails pour donner plus de relief à son récit par une apparence d'information, ou il a
terrogation de Jésus à Philippe, lil léger qui relie les laits au discours qui les suit {loc. laud.,
p. Mo).
RECENSIONS. 271
thesda. Viennent ensuite les autres épisodes, cette fois dans Tordre des faits, depuis
les témoignages du Baptiste jusqu'à la résurrection.
Nul doute pour le recenseur que. dans l'ensemble, la réfutation de M. Lepin ne
soit parfaitement solide. Il a réussi, selon moi. à dissiper le mirage. Le mirage, dans
ce cas, c'étaient les grands traits qui dessinaient dans une gloire le Christ de la foi,
sorte de projection surnaturelle du Christ synoptique, sans lien propre avec l'histoire.
On avait soin de nous dire que, lui aussi, le Christ johannique, avait sa vérité propre,
et une certaine onction mystique ne faisait pas défaut. Le mirage du désert disparaît
ordinairement quand on s'approche. Le lecteur de l'introduction de M. Loisy était
soumis à une rude épreuve quand il lui fallait suivre les explications infiniment sub-
tiles de la pensée de Jean. Toute cette allégorie est si visiblement subjective ! Toute-
fois y avait bien peu de lecteurs qui vérifiassent si vraiment le Christ des synopti-
il
ques est si diDFérent du Christ johannique. M. Lepin aime à voir les choses de près.
Il a prouvé clairement qu'on avait très souvent exagéré les différences. On se plaît
de l'homme dans sa gloire éternelle, et des conditions de son immortalité (2; ». Cela
s'appelle proprement faire son chemin par tous les vents, et cette Pérée » le pays
d'au delà » a une jolie saveur de xx^ siècle.
Il fallait avoir la patience de tout peser, de tout vérifier, de dissiper au besoin
même des allégories fort édifiantes. M. Lepin a eu le courage de le faire, et il l'a
bien fait. Trois points paraissent parfaitement établis. En présence des textes, il est
impossible de maintenir cette image flottante du visionnaire qui cependant se préoc-
cupe de « la construction régulière de son allégorie (3; » et même prend souci de la
« couleur locale (4^ ».
son de reconnaître dans les faits qu'il raconte des « signes » destinés à prouver la
divinité de Jésus, et M. Loisy ne peut refuser d'admettre cette intention apologé-
tique. Des signes inventés ne font rien ressortir du tout; l'apologie tournerait vite
à la mystification.
Enfin les traits du Christ johannique sont déjà ceux du Christ des synoptiques,
dont M. Loisy a singulièrement méconnu la grandeur.
On voit que si la thèse a tout d'abord une apparence négative, elle n'en aboutit
pas moins à des résultats positifs du tout premier ordre.
Cependant il demeure qu'un ouvrage qui est avant tout une réfutation ne peut
faire directemeut la lumière sur tous les points, et M. Lepin voudra bien me permettre
de soumettre quelques difficultés.
lui
«nols. " L'auteur ne précise pas là où un romancier aurait le plus sûrement précisé
(p. 160). Quel romancier? Qu'en savons-nous, qu'en savons-nous.? dirait M Loisy. -
Les synoptiques ont appliqué au Baptiste un oracle prophétique. Jean le met dans
la bouche du Baptiste lui-même. Assurément ou pourrait voir là un procédé de com-
position très légitime.M. Lepin nous apprend autre chose « Au contraire, la rela- :
tion de l'oracle au Baptiste ne secomprend bien de la part des trois premiers évan-
giles, que par une tradition inspirée de l'exemple même du Précurseur » (p. 26.)i.
— Vraiment?
De sorte que, si M. Lepin nous prouve bien que M. Loisy n'est pas aussi bien in-
formé qu'il paraît le croire des intentions de Jean, on est tenté de conclure qu'en
effet il n'est pas si facile de les pénétrer, — et cela à en juger par les raisons de con-
senter sur un même plan des faits qui, en réalité, se sont trouvés séparés par des
événements considérables et un long temps » (p. 593). Cela est qualifié « un tel dé
faut de perspective au point de vue du temps ». Il n'est point de ces conservateurs
trop stricts qui admettent que Jésus a chassé deux fois les vendeurs du Temple (3).
Donc il est assez à l'aise, d'après ses propres principes. INIais en fait il paraît si dominé
par l'idée que Jean est proprement un historien, qu'il lui donne toujours raison
en cas de conflit chronologique avec les synoptiques. Il refuse d'admettre que la
confession messianique d'André dès le premier jour ait été éclairée par la conviction
future de l'apôtre il place tout au début le nom de Pierre donné à Simon et aussi
;
l'expulsion des vendeurs du Temple. Il est permis de penser que dans ces cas il n'est
'plus, Ton peut parfaitement penser qu'en relatant les entretiens du Christ, l'eerivaiu
lenr a plus d'uae fois fait subir une sorte de transposition ou d'interprétation, en
I
Cette formule me donne pour ma part une entière satisfaction. Je ne demande rien
de plus.
Lorsque M. Lepin ajoute M^is nous sommes ici dans le simple domaine du pro-
: <i
théologique ou mystique »... (I, 314). Dans le tome II, la concession paraît défini-
tive, en y joignant 2. 16-21 « Dans certains cas, il semble que l'évangéliste a en-
:
;richi un discours authentique d'un corn nentaire personnel; c'est le cas du dise )urs
.Cela s'explique par un procédé un peu semblable l'auteur ne prenJ pas la p-iue :
d'observer qu'il ajoute cela de son fond il doane tout d'un seul trait, comme si ses;
I
I
note 1). X'est-ce pas assez clair? Voilà deux cas où l'on distinsue par le seul effort
de la critique interne. Donc. Jean, sans avertir, ajoute sa pensée à celle de celui
qu'il fait parler. Qui peut nous garantir que le même phénomène ne s'est pas pro-
duit dans d'autres cas où il n'est pas si aisé de distinguer.^ En tout cas nous saisis-
sons sur le vif le fait d'une addition.
Que la seconde addition par exemple soit dans le tlième de la doctrine du Sau-
j
veur, on ne le nie pas, et il en serait de même, à plus forte raison, s'il était impos-
j sible de discerner la part de Jean. Nous aurons donc bien vraiment et proprement
i des discours du Seigneur ;2 , mais nous serons moins préoccupés de mettre chaque
1 terme en harmonie aussi parfaite que possible avec les circonstances et avec les
'
termes des synoptiques.
Ce que M. Lepin paraît redouter surtout dans les remaniements dont il constate
l'existence, ce sont les additions. Et il a bien raison s'il s'agit d'additions à la pen>ée
'
I, .\rticle cité p. ."jlS. Puisque M. Lepin a constaté mon adliésion aux. expressions de
RB.. 1903,
.M" Batitïoi, il pu aussi citer le jugement du R. P. de Graadmaison sur l'ouvrage du P. Cal-
aurait
mes, <le tous les ouvrages en français « celui qui concilie le mieux les données certaines de la
'
théologie avec les justes exigences de la critique » [RB., 1904, p. 439;.
I
(2) cr. la décision de la Commission biblique.
j
KEVLE BIBLIQLE 1910. N. S., T. VII. — 18
274 REVUE BIBLIQUE.
Mais il faudrait reconnaître que certaines omissions altèrent plus gravement une
pensée que certaines additions.
Les principes de M. Lepin sont excellents : « l'on sait que l'inspiration divine ne
modifie généralement pas, chez l'écrivain sacré, les conditions ordinaires de sa mé-
moire ni de ses autres facultés de connaissance » II, 401). Or quelle est la mémoire
qui ne pèche que par oubli? n'est-il pas d'expérience journalière, hélas! que la mé-
moire, d'accord si l'on veut avec l'imagination, ajoute et transforme presque autant
qu'elle omet? Ce qu'il faut maintenir ici, c'est donc une fidélité substantielle. Si la
transformation ne l'atteint pas, peu importe que ce soit par addition ou par diminu-
tion qu'elle opère.
Or nous venons de dire que, d'après M. Lepin, les divergences entre les évangé-
uniquement de leurs omissions il n'y a qu'à les compléter pour les
lisles résultent ;
mais doivent se compléter et se préciser les uns les autres » (I, 495). Ne dirait-on
pas d'un jeu dont il suffit de rapprocher les morceaux pour que toutes les lignes s'a-
justent?
Le plus étonnant est que M. Lepin se contente de ces données pour admettre une
certaine identité entre la confession de saint Pierre à Césarée de Philippe et l'épilogue
du discours sur le pain de vie (60-71) « Lon conçoit fort bien que la suite de la
:
réponse : « Et nous croyons et nous savons que tu es le saint de Dieu » , avec la ré-
la transposition est donc aucompte de Jean et pour des raisons logiques. Vous croi-
riez M. Lepinsur la voie d'un concordismeplus large. Il n'en est rien » De la même :
scène, beaucoup plus accidentée que ne le font supposer nos comptes rendus, la tra-
dition des premiers évangélistes et le quatrième évangéliste lui-même auront fait
valoir, selon leur point de vue, quelques traits, à la fois variés et ressemblants »
(p. 41).
C'est donc toujours l'harmonisation par l'addition des traits. Combien de
fois
Pierre a-t-il renié Jésus? demandait Cajetan. Sept fois! L'addition est juste; il a été
femmes et quatre fois par des hommes (1
interpellé trois fois par des .
Mais voici qui n'est guère moins grave au point de vue exégétique et même dog-
matique. M. Lepin, craignant qu'on n'abuse de la sublimité de saint Jean et de son
mysticisme pour attaquer son historicité » est tenté d'atténuer plus que de raison
i ,
ce sublime mysticisme.
L'opinion de beaucoup la plus commune, disons la plus conforme au texte, explique
la parole du Baptiste ot-. nowTo; aoj f.v (1, 30) comme la Vulgate : qnia prior me emt,
dans le sens de la préexistence de Jésus. M. Lepin préfère « parce qu'il était mon :
supérieur » (p. 283); mais le P. Knabenbauer remarquait déjà que dans ce cas il eut
fallu dire « est » et non « était ». On est surpris d'entendre dire que, en com-
garantir
paraison de saint Paul, «l'infériorité de son symbolisme (de Jean paraît bien en i
table que Jean na pas pour autant perdu de vue l'eschatologie définitive. Mais,
(1) J'ai déjà cité cet exemple topique. RB., 1896; p. 512.
RECELNSIONS. 275
en même temps que de M. Loisy. C'est le cas pour le sens de Jo. 14, 18-23. Quand
M. Loisy entend le v. 20 de la présence de Jésus parmi les siens « sans exclure la
manifestation linale de il s'exprime comme le R. P. Rnaben-
la parousie » ip. 754 ,
connaissance de Jésus qui sera naturellement beaucoup plus parfaite dans la vie
bienheureuse. A cela M. Lepin répond tout net « Il faut simplement renverser la :
proposition - (II, 2S7, n. ôi. Et le cas est tout à fait le même pourchapitre 17.
le
Knabenbauer aus:?i bien que Loisy avaient expliqué les vv. 2223 de l'union
et
on parle de saint Jean, il faut tenir compte de l'impression qui se dégage de son livre.
de cet élément spirituel dont parlait déjà Clément d'Alexandrie, qui le distinaue,
quoi qu'on fasse, des trois évangiles synoptiques. M. Lepin pourra prouver correc-
tement que l'attitude du Christ johannique, dans la prière qui suit l'épisode de»
Hellènes (12. 27 ss. . ne contredit point celle qu'il tient dans la scène synoptique
de Gethsémani ,
qu'au contraire s'harmoniserait exactement avec elle »
elle I.
p. 464); le lecteur qui lira et méditera les deux scènes n'éprouvera pas les mêmes
Eh bien, qu'on laisse de côté si l'on veut la transformation sur laquelle on pour-
rait discuter, mais, de grâce, qu'on laisse l'auréole! Elle
brille certes autour du
front du Christ synoptique, mais d'un éclat incomparable dans l'évangile de saint
Jean (3 .
ne nous reste plus qu'à signaler quelques points de critique qui ne touchent pas
Il
au cenire même de la question johannine. Les principes sont toujours assez larges.
A propos de la péricope de la femme adultère. M. Lepin distingue très bien la cano-
nicité, tranchée pour tous les catholiques par le concile de Trente, et l'authenticité
johannique, question qui « se pose donc tout entière sur le terrain delà critique et de
l'exégèse » (il, 66, note 4 . Il conclut cependant que « tout semble donc) garantir que
(1) On peut s'étonner que M. Lepin abandonne si facilement le point capital qui démontre le
caractère historique de saint Jean, c'est-à-dire la mort de Jésus le li nisan. Il préfère interpréter
ses textes si clairs dans le sens des synoptitiues. Et cependant les synoptiques s'accordent avec
saint Jean pour ne pas faire du jour de la passion un jour férié.
« Il n'a point la préoccupation de glorilier plus que ses prédécesseurs l'Iinmanité
-2)
du Verbe
incarne • (II, 366).
Faut-il rappeler le texte si connu de saint
(3) Augustin que l'Église lit au jour octaval de saint
Jean : Nam
ceteri tresTlvangelislae, tanquam cum homine Domino
terra ambitlantes. de in
divinitate eiiis pauco. dixerunt. Istuni av.tem quasi pigv.erit in terra ambulare. etc.
276 REVUE BIBLIQUE.
codex syriaque sinaiticus: M. Lepin prouve très bien que c'est un texte fort libre-
ment arrangé (I, 487, note 2).
Je crains que cette trop longue recension ne paraisse incliner décidément dans
le sens des réserves. Ce n'est pas cependant le fait. Il faut répéter que l'ensemble
est très solide. La mais outre que le dessein de réfuter
réfutation est excellente ,
directe. J'ai signalé en détail des points qui ne sauraient préjudicier au mérite
de l'ensemble. L'auteur a d'ailleurs une qualité à laquelle je veux rendre hommage.
Il n'est pas de ceux qui font commencer l'hérésie juste au delà du point précis où ils
s'arrêtent. Très souvent nous l'avons vu prouver la liberté de ses opinions critiques
par le crédit qu'il accorde à des opinions qu'il ne partage pas. Cette sincérité et ces
égards ne méritent pas moins d'estime et de gratitude que le consciencieux et docte
travail que tous les biblistes voudront lire, et qu'ils liront avec profit.
'
Jérusalem.
Fr. JNL-J. Lagra>"GE.
Das lateinische neue Testament in Afrika zur Zeit Cyprians nach Bibel-
handschriften und Vâterzeugnissen, von Hans Freiherr von Soden. In-8», x-663.
Leipzig, Hinrlchs, 1909 (1).
C'est du travail dont son père, M. Hermann von Soden, l'avait chargé en vue de sa
grande édition critique du Nouveau Testament grec (2), que le présent ouvrage de
M. Hans von Soden est issu. Pour ne pas en laisser perdre les résultats qui dépas-
saient de beaucoup les besoins de l'édition entreprise, l'auteur les a consignés dans
cette publication spéciale.
La recherche historique de l'origine, encore enveloppée de tant d'obscurités, de la
Bible latine et de son évolution ne fait pas l'objet de ce livre-, il aurait fallu pour
cela posséder un texte critique de cette Bible. Or les manuscrits édités jusqu'ici ne
sont pas un texte. Reprendre le travail à pied d'oeuvre s'impose tant pour le texte
employé par saint Cyprien et ses contemporains d'Afrique que pour celui de saint
Jérôme (3). C'est une partie de cette tâche que M. von Soden a voulu assumer, en
se restreignant à l'étude de N. T. de saint Cyprien pour aboutir à une édition solide
de ce texte.
Le labeur préliminaire était de rétablir la véritable teneur des citations contenues
en grande quantité dans les ouvrages de l'évêquede Carthage. Frappé de l'arbitraire
qui a régi l'édition des œuvres de saint Cyprien d'Hartel {Corpus script, eccles. Latin.,
(I) Forme le S» volume île la 3" série des Texte und Untersxicli. publiés par Harnack el
Schmidt.
("2) Voir RB., 1904, pp. 504 ss.; 1907, pp. 28-2 ss.
(3) H. Yon Soden, tout en louant beaucoup le IS". T. hiéronymien publié sous la direction de
\Vordsworlli, trouve que l'appareil critique de cette édition, bien que très complet, n'est pas
apte à fournir l'image do l'histoire du teste de la Vulgate telle qu'on la souhaiterait d'après l'ou-
vrage de Berger. Il lui reproche de la confusion et du désordre.
Quant à la revision complète du texte de ia Vulgate souhaitée par lautcur, on sait qu'elle a
été confiée par ie Saint-Siège aux Bénédictins. Cf. RB., -1908, pp. 1(>2
RKCENSIO.NS. 277
III), M. Monceaux (1) avait attiré sur le point des citations bibliques l'attention des
futurs éditeurs de ce Père. Le cboix des leçons fait souvent sans discernement appe-
lait en effet un minutieux contrôle et de nombreuses corrections. Après ce travail ardu
mené avec vigueur par AI. von Soden. il devient évident que les citations de l'écrivain
carthaginois ont été tirées d'une version unique. En effet, des SS6 versets du N. T.
insérés dans ses œuvres, y en a 382 qui se trouvent répétés deux ou plusieurs fois,
il
tions qu'il traduit directement du grec ou qu'il tire de quelque version latine in-
Il en est de même pour les rapports unissant la Bible de Cyprien et les représen-
tants reconnus du texte africain, les manuscrits k, e, h, qui donnent lieu à des obser
vations très précises. On retrouve dans k [codex Bobbiensis, v^ ou vF s.), bien qu'il ne
renferme que des fragments de Matthieu et de Marc, 114 des citations bibliques de
saint Cyprien. Rangés en deux colonnes parallèles, les textes de ce Père et de /.-, d'un
côté, et celui de la Vulgate, de l'autre, apparaissent nettement comme deux types
très distincts de la Bible latine. 11 appert, en outre, de par la philologie, que les
citations de Cyprien et le codex A- supposent un texte grec identique et sans va-
riante.
Moins étroit, rapprochement entre Cyprien et le ms. e
quoique indéniable, est le
{codex Palatinus contenant les quatre évangiles, \*^ s.]. Parmi les divergences qui sépa-
rent le >'. T. de l'évèque de Carthage et ce manuscrit, il en est que l'on doit mettre sur
le compte de la répugnance d'un esprit cultivé pour des incorrections dues à un ser-
Qu'on juge encore de sa scrupuleuse fidélité par ces traductions : atwv, swcnhim ;
::Xr,a'.ov cou, proximum tibi; woivr;, parturitio où e, Itala et Vulgate ont mis dolor.
A lire cesexemples, accompagnés d'une foule d'autres dans le livre qui nous occupe,
on trouve tout naturel que le N. T. africain soit mis à contribution dans une édition
critique du N. T. grec.
Cettt^ application à rendre l'original et le paruilèle établi entre les variantes de la
traduction employée par Cyprien et celles du codex e, chez qui Tinfluence des textes
européens est manifeste, donnent à coup sur à Cyprien la priorité sur c et le placent
entre k et c, mais plus près, de celui-là que de celui-ci. De même, l'empreinte euro-
péenne reçue par c ressort évidemment de la comparaison que M. von Suden fait
entre et e à la lumière de la Vulgate et de l'Itala. L'explication des écarts de ces
/;
deux manuscrits par des variantes d'une plus ancienne version africaine ne tient
pas debout.
L'auteur procède ensuite à l'étude comparative du texte biblique de l'évêque de
Carthage et du palimpseste de Fleur;/ Çh) qui renferme des fragments des Actes des
Apôtres, des épitres catholiques et de l'Apocalypse. Pour ce dernier livre, on pos-
sède de plus le texte complet commenté par Primasius, évé
jue d'Hadrumète au
vi^ siècle. A peu de choses près, Primasius et nous ont conservé la version que /(
Cyprien a utilisée. La haute antiquité et l'origine africaine de Ii ont été déjà démon-
trées par Berger .et Buchanan qui mettent toutefois une différence d'âge entre la
traduction des épîtres catholiques et celle des Actes et de l'Apocalypse. M. voû
Soden ne voit aucun appui sérieux à cette diflférence.
Après ces diverses discussions, deux appendices sont consacrés à rechercher les
traces du texte biblique de Cyprien dans la littérature africaine contemporaine et
subséquente (les sentences de 87 évêques réunis au concile de Carthage en 2-56, les
œuvres pseudo-cyprianiques. Primasius, etc.), puis à établir l'orthographe du N.T.
africain. Les particularités orthographiques signalées par l'auteur sont utiles à par-
courir. La transcription de en /A a été la plus anciennement en vigueur: peu à peu
la transcription par t a pénétré et a prévalu. Ce fait déborde le domaine biblique.
Dans le De situ Terrai Sancl,t> de l'archidiacre ïhéodose (!'. à qui l'on soupçonne une
origine africaine, je remarque la même tendance que chez Primasius à supprimer
dans la transcription l'aspiration du 6, v. g. Tabita, Tecla, Terebintus. La transcrip-
tion primitive de •-; dans le >,'. T. d'Afrique semble avoir été /", v. g : Epafroditus,
Josafat. De même, chez Théodose, où cependant ph contrebalance /'comme dans le
(1) Geyer, Itinera HierosoL, pp. i;5T-loO. GiLDEMtiSTEr.. T/teodoshts. De situ Terrœ sanclœ,
Bonn, 1882.
RECENSIONS. 279
bonne leçon parmi les diverses variantes. Il n'est pas à croire toutefois que ces façons
d'écrire soient spécifiquement africaines, sinon, il y aurait lieu d"étre surpris de les
retrouver dans un ouvrage d'origine gauloise tel que l'Itinéraire d'Ethérie (I) où se
lisent Eufratcs, Fanuhel, Israhel et où se rencontrent même certaines formes fré-
quentes dans l'usage africain : de evangclio cata Johannem, in cata Matheo, Eleona,
bapiidioi-e, à comparer avec cata Matthasum^ cata Marcum, etc., du N. T. africain,
avec in EJeonem de /.et de Tertullien, avec baptidiator de k.
Dans son travail sur le Cantique des Cantiques, paru dans les Biblische Stitdien
(1908), le R. P. Hontheim, S. J., déclarait que l'auteur du livre inspiré avait eu en
vue l'allégorie de l'union de lahvé avec son peuple 2). Le R. P. Joùon nous dit, dans
son avant-propos : « La conclusion de mon étude est que le Cantique, au seris lit-
téral (3), chante Tamour mutuel de Jéhovah et d'Israël et retrace à grands traits
l'histoire religieuse de la nation élue, depuis la première alliance, lors de la sortie
d'Egypte, jusqu'à l'ère messianique. Sur cette donnée fondamentale, j'estime que
l'ancienne tradition juive est correcte.
» C'est à échafauder cette conclusion quest
cupe une douzaine de pages (111-123), tandis que 110 pages sont consacrées à l'intro
1) Geyer, op. !.. pp. 37101. C. Mkister. De ilinerario .Elherhv... {Rlu-inisrlics: .Miiseu7n, I.XIV,
pp. 368 ss.).
(-2) RB., 1909, p. i-3.
Une bibliographie très détaillée montre que l'auteur est au courant des divers sys-
tèmes adoptés par les comuientateurs et des vicissitudes par où a passé l'interpréta-
tion du Cantique. C'e>t donc à bon escient qu'il a repris à son compte l'ancienne
tradition juive sur la nature de l'allégorie contenue dans le poème l'amour de laliveU :
pique) ». Le Cantique est, d'un bout à l'autre, une poésie allégorique et tout l'art du
commentaire sera de poursuivre cette allégorie dans les détails.
Le P. Joiion a déployé une solide érudition et une remarquable ingéniosité dans
l'accomplissement de sa tâche. Si sa thèse était vraiment solide elle devrait s'im-
poser à tout esprit non préveuu, car rarement une théorie a été étayée duu tel
appareil de preuves systématiques. Et pourtant, le R. P. Condamin fait des
réserves très justes non seulement sur le mode d'allégorie adopté par sou confrère,
mais sur le système d'interprétation allégorique en général « Cependant le système :
de l'allégorie, quel quil soit, n'échappera pas à cette objection : l'interprctalion n'est
pas suffisamment fondée sur le texte (1). » C'est le P. Condamin qui souligne et c'est,
an effet, l'obiection capitale qui ruinera la thèse du P. Joùon. Celui-ci a pu écrire au
sujet de Budde : « Budde a été, comme tant d'autres, victime du mirage oriental. Il
a établi toutson système sur quelques similitudes de détail, comme un esprit ingé-
nieux pourra toujours en trouver; mais on risque gros à faire reposer tout un système
sur des pointes d'aiguilles. » En changeant « mirage oriental » en « mirage rabbini-
que », ou pourra formuler la même critique a l'adresse du P. Joiion. Une sainte Thérèse
voyait dans le Canticjue le collojue entre l'âme et Jésus, tandis que Bossuet y recon-
naissait le
chant d'hyménée de l'Église et de son divin fondateur. Les offices liturgi-
ques en choisissent les passages les plus beaux pour les fêtes de la Mère de Dieu.
Toute la poésie est ainsi sauvegardée et les stropht-s les plus réalistes sont appliquées
aux sentiraeuts les plus sublimes et les plus surnaturels. L'exégèse juive, telle que
l'adopte, eu la poussant a ses dernières conséquences, le travail du P. Juiion, enlève
toute vie à ce langage si vil)rant pour n'y plus reconnaître qu'une allégorie froide et
artificielle. Quoi de plus per>onnel que le début du cantique :
'
C'est à bon droit qu'on t'aime!
Sans appui dans les versions, le P. Joùon met les suflixes de la première personne
au pluriel :
pourquoi les jeunes filles t'aiment » « dans l'explication naturaliste, cette déclaration
:
les choses ne se passent pas de cette façon dans les harems ». Il ne s'agit pas de dé-
claration d'amour collective; l'épouse constate que l'époux est digne de l'amour des
jeunes filles. Voici maintenant le sens de la strophe selon le P. Joiion( les mots sont pro-
noncés par les jeunes filles du chœur qui représentent les nations) Que Jéhovah nous : (
baise, ûousaussi, desbaisers desabouche (c'est-à-dire nous admette, nous aussi, à son
alliance), cartesamours (pour Jéhovah), ô Israël, sont meilleurs que le vin. Tes parfums,
ô Israël, sont doux à respirer; ton nom est une huile répandue; c'est pourquoi, nous,
nous les nations, t'aimons. Entraiue-nous à ta suite, ô Israël : nous courrons. Le
roi (= Jéhovah) nous introduit, comme toi, dans ses appartements, c'est-à-dire
nous admet nous aussi à son alliance. Tu seras, ô Israël, l'objet de nos chants joyeux
et de notre allégresse; nous célébrons tes amours (pour Jéhovah) bien plutôt que le
vin c'est avec délices que l'on t'aime. » Il y a dans cette paraphrase un de ces tours
:
de force auxquels peut se complaire l'esprit des rabbins, mais qui heurtent de front
notre conception de l'allégorie.
« Une allégorie, quand bien même elle aurait pour objet les choses divines, si elle
est perçue par son auteur, but qu'il poursuit, cette allégorie doit être in-
si elle est le
telligible, ou bien l'auteur inspiré a complètement manqué sou but » (l). Le P. Joiion
répondra peut-être que cette allégorie qui nous paraît obscure — oh! combien! —
ne l'était pas pour les Juifs auxquels s'adressait l'auteur inspiré « Le cantique étant :
une œuvre juive s'adressant à des Juifs, le meilleur moyen pour le comprendre n'est-il
pas de se faire une pensée juive, de chercher à sentir et à goûter ce que l'allégorie de
Jéhovah et d'Israël, si familière aux prophètes, pouvait dire à des âmes éprises d'un
grand amour pour leur Dieu et pour leur nation? » (p. 13). Se faire une peuséejuive!...
Tout le monde concède qu'il faut chercher le plus possible à comprendre la psycho-
logie d'un écrivain et le milieu auquel il destine son œuvre. Mais il y a pensée juive
et pensée juive. L'une, c'est la pensée rabbinique et talmudiste. C'est celle qui a dé-
naturé la Bible, en la passant au crible des idées les plus étroites et les plus ridicules,
pour y voir tout ce qu'on voulait y voir, sauf ce qui s'y trouvait réellement. L'autre,
c'est la pensée des historiens sacrés, des prophètes et des hagiographes, dont les in-
tentions et les idées sont toujours claires, dès qu'on retrouve le texte primitif, et qui
ne se servent de la parabole, de l'allégorie, parfois du proverbe ou de l'énigme, que
pour donner plus de relief et de pénétration à leur enseignement. Ceux-ci parlent
pour être compris non seulement de leurs contemporains, mais aussi de ceux qui
viendront après eux. Que si, par exemple, le symbolisme de l'amour conjugal inter-
vient dans tel ou tel prophète, pour exprimer l'amour de lahvé pour son peuple, le
sens du symbole est clair comme le jour. A lire le chapitre ii d'Osée ou le chapitre m
de Jérémie, on ne peut se mép^-endre sur ce que veut dire chaque prophète :
Mais prendre cette métaphore, la poursuivre durant huit chapitres, voir de l'his-
toire dans des expressions d'une poésie toute simple et toute naturelle, sans qu'un
indice clair permette de saisir l'allégorie partout latente, c'est ce qui paraîtra difflci-
lement admissible, et plus les explications fournies paraîtront ingénieuses, plus nous
nous défierons du système proposé. La strophe si gracieuse de l'épouse Je suis noire, :
mais belle, etc., dont Calmet disait « Cet entretien est fort naïf et fort naturel;
:
lorsque des jeunes personnes sont ensemble, leurs discours ne roulent guère que sur
leur ajustement, leur parure, leur visage, leur teint », cette strophe devient l'image
du séjour en Egypte < L'Épouse (= Israël) a contracté le teint bruni des habitants
:
une des filles de la race humaine laquelle est imaginée, tout naturellement, comme
un personnage féminin les frères sont les hommes des autres nations. » Quant au
:
sachet de myrrhe entre les seins de l'épouse, il « pourrait désigner l'arche où Jéhovah
résidait et avec laquelle il était en quelque sorte identifié ». Les versets 6 et 7 du
chapitre ii paraphrasés par V. Hugo :
tout cela, c'est de la froide allégorie : « Nous croyons donc que les gazelles et les
biches sont allégoriques comme les filles de Jérusalem, et désignent les armées des
anges, on conçoit que Jéhovah adjure les nations par les anges, en particulier par
les anges des nations, mais non par des gazelles. » Voilà ce qui s'appelle « se faire
une pensée juive ». L'auteur sent bien que son interprétation allégorique, poussée à
ce point, détruit la poésie du Cantique. Lorsque, dans l'appel du bien-aimé (ii, 8-14),
il veut reconnaître la voix de lahvé appelant les Israélites hors de l'Egypte pour les
ramener en Palestine, il s'aperçoit que « ce tableau, le plus poétique peut-être du
Cantique, est en même temps fort peu allégorique dans le détail ». Comme nous au-
rions aimé à entendre user plus fréquemment de ce critérium! Laissons aux rabbins
leurs subtilités dépourvues d'esthétique et gardons à la poésie de l'Ancien Testament
toute sa force et tout son parfum.
Sans doute, il peut se trouver des cas où un auteur condensera toute une philoso-
phie dans une strophe qui devient alors comme un aide-mémoire. C'est ainsi que
saint Jean de la Croix réussit à résumer sa mystique si élevée en de petits poèmes
rie continue, tout concourt à voiler la pensée sous une forme trompeuse. Sulfit-il que
çà et là telle expression paraisse une allusion ou que telle métaphore ait été employée
ailleurs pour exprimer une situation particulière ? Le char de Pharaon » évoque <
Il s'agit du séjour de l'arche chez les Phih'stins! Vient ensuite le retour de l'ar-
Nous nous dispenserons d'insister plus longtemps sur les combinaisons, très subtiles
sans doute, maisquinoussemblentabsolument étrangères au sens littéral du poème, que
le P. Joiion accumule pour soutenir sa thèse. A dire le vrai, cette interprétation n'a
pas rencontre beaucoup d'adhérents. On relèvera cette confession de Mayer Lambert
dans la Revue des études juives (l) : « Nous devons dire tout de suite que les argu-
ments invoqués par M. Joiion en faveur de la thèse allégorique ne nous ont pas en-
tièrement convaincu, si flatteuse que soit cette thèse pour l'e.xégèse juive. » Ce
qui a, semble-t-il, décidé le R. P. à se pronoucer nettement pour l'allégorie, c'est
l'acceptation du livre comme canonique par les Juifs. Il lui semble impossible d'ad-
mettre que le Cautique aurait été ainsi accueilli parmi les livres saints si l'on ne s'é-
tait accordé à y reconnaître une allégorie. « Nous connaissons assez, en effet, la
mentalité des Juifs pendant la période de la formation du canon pour pouvoir af-
lirraer qu'ils n'ont admis comme canoniques que des livres considérés comme saints »
(p. 4i. Cela prouve que le Cantique a été rédigé pour être interprété symbolique-
ment, et nous ne le contestons pas. Autre chose est de savoir si l'allégorie qu'y a
découverte l'exégèse rabbinique était contenue dans le texte et voulue par l'auteur.
A côté de l'allégorie, qui est constituée par une série de métaphores et dont tous
les détails doivent avoir leur signification particulière, il existe un genre tout diffé-
rent : c'est la parabole qui se rattache au mâsdl de l'Ancien Testament (2). Point
n'est besoin que chaque détail de la parabole ait sa valeur de symbole. L'enseigne-
ment est global , c'est la parabole tout entière qui porte coup et les descriptions ou
les enjolivements ne font que développer
thème général. Le rédacteur, quel qu'il
le
soit, qui a réuni les divers chants du Cantique des Cantiques, a pu très bien repré-
senter, dans une parabole implicite, l'amour de Jahvé pour Israël et d'Israël pour
Jahvé (3). Cet amour est dépeint sous les couleurs les plus vives et les plus réalistes.
Ce sont autant de paroles embrasées qui, toutes, s'attachent au même objet et le ren-
dent concret. Le chrétien n'aura rien à changer, pour transporter cette description
dans l'ordre de la grâce et reconnaître dans le Cantique les sublimes entretiens de
l'âme avec son Sauveur. Nous sommes loin de l'allégorie des rabbins qui cherchent
dans le détail le un
plus pittoresque ou dans le cri le plus spontané une allusion à
événement de la vie d'Israël ou une métaphore impénétrable. Ce point de vue a
échappé au P. Joiion et peut-être était-ce là qu'il aurait trouvé la solution la plus
satisfaisante du problème.
cessité de trouver un sens allégorique à cha(|ue trait. On prouvera aisément que les Pères sont
allés droit au sens surnaturel, mais non pas qu'ils se sont prononcés sur le genre littéraire
précis du Cantique.
284 REVUE BIBLIQUE.
C'est aussi celle qui rend le mieux compte des divergences dans la tradition sur le
sens surnaturel lui-même, Israël, l'Église, Marie. Ceux qui ne voient là que des sens
spirituels et qui, ensuite, concluent à un sens littéral naturaliste exclusif ont oublié un
des caractères de la parabole. Le P. Lagrange a fait remarquer que la clarté en est
« pour ainsi dire disponible. Tout dépend du rapprochement qui doit s'opérer »
[BB., 1909, p. 210'. Il en est ainsi du Cantique. Comme livre, c'est une description de
l'amour; nous enseigne que ce livre est sacré et que, par conséquent, Ta-
la tradition
philologique des plus intéressants, car la localité de D^TtT (I Scun., xx.viii, 4), Simama
dans les lettres (1], est actuellement Sùlam. L'écriture niQ'lTJ pour
d'El-Amarna
rTi^DIViU atteste changement de Sùnam en Sùlam était déjà effectué quand fut
que le
Gr. in-4S de la p. 46 à l-JS, Ciz. 41-107. pi. \ III-XMH. avec plusieurs plaus topo-
iiraphiques. —
Divis. III Greek and Latin Inscriptions; sect. B. II et III;
:
pp. 43-118, iuscr. n-' 909-1072. par M. \V. K. Prextice. Leyde : Brill ; 1909.
dans les deux premiers fascicules de cette pul)lication. sont à louer dans les nouveaux.
Ils comprennent la fin de l'exploration du Dj. 'Alà et Fétude des centres les plus im-
portants du Dj. Rîhà. c'est à-dire en gros la zone incluse entre la rive occidentale de
rOronte et le désert syrien et traversée par la grand'route de Hamà à Alep. Et ce n'est
pas seulement nne distinction géographique un peu floue entre le 'Alâ oriental et le
Rîhâ vers l'ouest qui motive la division archéologique de MM. Butler et Prentice,
mais aussi la nature du sol dans les deux régions, parce qu'elle
profondément diffé- a
rencié un art contemporain, développé sous les mêmes influences, pour répondre aux
mêmes besoins. Tandis que les chaînes montagneuses qui encaissent l'Oronte, essen-
tiellement calcaires, fournissaient aux architectes et aux sculpteurs du Dj. Rîhà une
pierre fine, résistante, douce au ciseau, les collines du Alà aux confins du désert sont
de formation basaltique. Dans cette roche puissante constructeurs et ornemanistes
trouvaient sans doute une ressource pour certains travaux, mais ils expérimentaient
surtout une difficulté extrême d'adaptation artistique dont aucun calcul et aucune
virtuosité ne pouvaient complètement triompher. Au lieu du facile débit d'un banc
calcaire en blocs réguUers, en dalles longues et minces, en élégants supports qui se
prêtent aux sculptures les plus fouillées et aux profils des corps de moulures les plus
compliqués, le basalte ne se soumet iiuère qu'au dressane violent sous le marteau et
paraît réfractaire à la fine morsure du cisedu. C'est merveille de constater pourtant
l'heureux parti qu'en tirèrent les architectes et les artistes du Alà; si leurs édifices
n'ont point la grâce, l'harmonie de proportions, la somptuosité de décor des monu-
ments du Rîhà, ils ne leur cèdent en rien pour la science de construction, pour l'ex-
cellente ordonnance et peut-être ne leur étaient-ils pas inférieurs en beauté, quand des
stucs polychromes, dont les traces sont ici ou là saisissables, éclairaient des parois
nues et sombres, ou complétaient délicatement des modénatures et des ornements
désormais rigides et froids. Et que de jolies pièces de sculpture encore, ciselées dans
le plus dur basalte et sans aucun complément décoratif artificiel, témoin ces portes
explique assez la ruine beaucoup plus radicale facile à observer dans les photographies
Ce caractère une fois établi, ce qui frappe d'abord dans la riche synthèse qu'on a
verains bvzantins ne contient plus aux limites de l'empire. C'est par là que l'ouvrage de
M. Butler, réservé en apparence aux délices des gens d'architecture, intéresse tous
ceux que préoccupe la relation étroite entre l'art et les institutions ou les idées.
Tous les ordres d'architecture sont représentés par des monuments typiques et en
général d'une bonne conservation. Signalons, pour l'architecture militaire, le rempart
d'el-Anderiu (fig. 42 s.) et son camp fortifié pi. vin), le zâj-sov de StabI 'Antar (pi. ix),
— tous en appareil cubique lisse, avec murs à double parement et contreforts intérieurs
étroits et très saillants, — ou le fortin d'el-Habbàt avec sa chapelle centrale ifig. 119)
comme camp d'el-Anderhi, installation qui rappelle par exemple la for-
d'ailleurs le
teresse d'Abdeh au Xégeb et d'Oummer-Resàs en Moabitide, localité où se retrouve
aussi une tour analogue à celles qui ponctuent le 'Alâ cf. fig. 65, 82, 93, 120, 122),
moins fréquentes dans le Rîhâ voir pourtant fig. 160 une tour à trois étages avec
diverses particularités de structure. Pour l'architecture domestique les fig. 70, 73.
surtout les groupes importants de Kerràtin (fig. 85 ss.j, de Ma 'rata (fig. 99 ss.,\ de
Serdjillà ^fig. 139 ss. et Dallôzà ;fig. lôiss. ne laissent rien à désirer touchant l'ordon-
nance variée du plan et la décoration, quitte à heurter singulièrement parfois nos mo-
dernes concepts de symétrie -, cf. par exemple fig. 86 et s.) l'emploi de deux chapiteaux
tout différents sur deux colonnes contiguës dans un portique. L'architecture civile est
illustrée par des bains — Anderîn (fig. 61 , Serdjillà fig. 134 ss. . — un pont à dalles
plates posées sur des piles fig. 129 s. , un réservoir d'une structure originale fig. 63;, un
G café» ou n'importe quel établissement analogue contigu au bain de Serdjillà ^fig. 137 s.",
le caravansérail .fig. 103 ss. et pi. xin s. i, des colonnes couimémoratives ou bornes
RECENSIONS. 287
(flg. 64, 127 et 130). Des monuments funéraires tels que les belles tombes à pyramides
(Gg. 102-105, 108, lôO offrent de notables analogies avec des tombeaux de Jérusalem.
Mais c'est larcliitecture religieuse principalement dont Tliistoire s'éclaire avec fruit par
cette méthodique et savante enquête. Tous les types d'église se trouvent là, depuis le
minuscule oratoire rustique (fig. 111,, simple rectangle sans abside, jusqu'à la basilique
monumentale de Kerràtîn en passant par les types les plus variés, nef unique
(1),
(flg. 49 et 121) avec abside saillante ou dissimulée, plan carré avec coupole centrale et
abside saillante (fig. 50j, plan circulaire avec abside saillante fig. lis;, plan octogo-
nal avec abside en saillie flanquée de diaconlcon et prothèse (fig. 75), plan à trois nefs
avec abside ronde apparente entre les murs extérieurs du diaconicon et de la prothèse
(fig. 44, 94), même type avec abside dissimulée par l'extérieur (fig. 54, 57, 60, 98,
151, 165), à trois nefs avec abside polygonale saillante (fig. -îl , avec abside quadran-
gulaire et chapelle adjacente à la nef septentrionale (fig. 80), avec une sorte de tran-
sept (fig. 132), d'autres nuances encore (2 Ce serait une tâche intéressante de mettre
.
en parallèle avec ces églises syriennes des églises de Palestine, et d'examiner dans
quelle mesure l'évolution artistique esquissée déjà pour la Syrie pourrait caractériser
aussi l'art religieux palestinien. Ce sont même des villes entières comme el-'Aoudjeh,
llouheibeh, 'Abdeh, Sbaitâ surtout, à travers le Négeb, qu'il faudra quelque jour
confronter avec les cités désormaissi exactement relevées et décrites en Syrie. Alors
la documentation sera complète aux mains des historiens de l'art. Dans cette utile et
laborieuse tâche, nul, depuis M. de Vogiié, n'aura mieux mérité que M. Butler, et ses
beaux volumes, d'utilisation si attrayante et si commode (3,, partageront sans doute
la fortune si méritée de La Syrie centrale &t M. de Vogué.
Comme dans les séries épigraphiques antérieures le principal intérêt des 16o textes
que publie M. Prentice de préciser par un très grand nombre de dates l'évolu-
est
ques, le plus souvent naïves invocations. Sans doute ou n'y entendra jamais l'aima-
ble ou spirituel bavardage des inscriptions helléniques et le compte sera vite fait des
textes contenant une information de quelque valeur pour l'histoire de la contrée. Il
y a pourtant plus d'un grain de mil à recueillir pour des chroniques locales; à l'oc-
casion même la pointe de verve ne fera pas défaut, à preuve l'inscription d'un bain à
Anderin (n- 918). ou le généreux Thomas fait suivre la mention de sa munificence de
cette petite morale : v- Comment s'appelle le bain? — Santé. — C'est en y entrant
(I; La plus grande des églises syriennes actuellement signalées, Oû^X^- voy. pi. x. Dans la des-
cription p. "3 s. il semble que cette église datée de o04-5de notre ère. soit sous le vocable du
lirotomartyr saint Etienne. L'inscription n" 988 dans la partie épigraphique donne la date 510-11
et laisse planer quelque doute sur le vocable.
•2 A
signaler surtout l'énigmatique partition terminée en hémicycle dans la nef centrale de
quelques églises lig. Tl et "" Schola cantoruinl
.
(3) Quelques inexactitudes dans les renvois aux textes épigraphiques, occasionnées sans doute
par un classement remanié, ont été corrigées par M. Prentice (Divis. III, p. 72, n. i) et je ne
vois à y ajouter que le n" !»8i» pour î>88. p. "3, n. 1. Des variations onomastiques telles que Dal-
l'izâ et Dellôzâ (p. 133 ss.). ou des formes comme proiiieiors (p. lOii), nctv.l state (p. -13"i,'. monl-
dings (p. 147) sont des raretés extrêmes i|u'on se reproche même d'avoir vues tant elles sont
insignifiantes. Pour la lecture des graphiques, je ne sais s'il y a place à un autre desideratum
qu'un indice de proportions dans les plans fig. 134 et 165. Quant à difterer de M. Builer dans
l'interprétation d'un monument, le cas où l'on s'y aventurerait le plus volontiers peut-être est
cette église d'el-Anderin tn" 6, fig. .>i ss., p. 58 ss.) avec édicule adjacent au nord, interprété
comme une • tombe '. Malgré certaines analogies avec d'autres chapelles funéraires, rien ici
n'implique un tombeau: on croirait plutiM à un baptistère par exemple et ainsi le concevait
d'ailleurs M. Prentice .cl. Divis. III, p. 'j3, n"!ilo;.
288 REVUE BIBLIQUE.
que le Christ nous a ouvert le bain du salut ». Tt Tbovo[j.a tou XojTpou; 'Vyia. Aià TauTr^;
stasXGwv ôXptaibç tjvIw^ev rjijit'v to Xoutpbv faasw;. Heureux temps où l'hygiène et l'apo-
tions pour écarter les mauvais esprits et de longs centons bibliques pour exprimer
sa confiance en Dieu; on édicté des pénalités contre les violateurs d'une concession
funéraire, ou on fixe les limites d'un territoire jouissant du droit d'asile (1). L'ono-
mastique a déjà par elle seule son intérêt, avec le mélange qui s'y rencontre de noms
syriens et grecs; enfin la langue courante alors se reflète avec fidélité dans ces hum-
bles documents, matériaux utiles pour l'histoire positive de la Syrie byzantine.
II. — Une heureuse nouvelle pour les topographes, historiens et exégètes bibli-
ques est la Carte de Transiordane éditée par la Société allemande
la publication de
pour l'exploration de la Palestine. Et à l'appui de cette annonce, voici déjà deux
feuilles prêtes pour l'étude deux feuilles splendides, joie des yeux avant même qu'on
:
mais s'il en est qui ne soient point familiers encore avec les publications géographi-
ques de cette marque, je leur dois une information plus précise.
Tout le monde s'est lamenté sur l'insuffisance quand ce n'était pas sur le manque
radical des cartes de la Palestine orientale. Le Siirvey anglais exécuté il y a une
trentaine d'années en deçà du Jourdain n'avait pu être développé au delà du fleuve
que sur une superficie restreinte dans la région septentrionale du Belqâ. L'insécurité
très grande encore du pays, le mauvais vouloir quelquefois des autorités locales n'en-
travaient pas médiocrement l'exploration et si quelques reconnaissances hardies par
;
les hauts plateaux avaient fourni dès longtemps divers itinéraires un peu fermes et dé-
terminé vaguement la configuration générale du pays, à peu près tout restait à faii*e
dans les escarpements qui font face au Jourdain et sur l'étendue entière du Ghôr, peu
accessible l'hiver à cause des marécages, l'été à cause de la chaleur torride, malsain
le plus souvent et hanté toujours par des Arabes peu sociables. Pour qu'un topographe
osât affronter l'entreprise d'un levé systématique, il ne devait pas se sentir seule-
ment mesure de ce chaos
tout à fait sûr de son métier et conscient d'un courage à la
de ravins et de fondrières; une certaine accointance avec les mœurs et
il lui fallait
les usages du pays, surtout une connaissance familière de la langue. M. le D"" Schu-
macher réunissait excellemment les qualités requises et le Deutscher Palàstina Verein
(1) N" 106-2, à el-Bàrah. Ce texte, malheureusement en mauvais état, serait d'un très grand in-
térêt si la lecture de M. Prentice pouvait être garantie II interprète : "O]poi x/j; à[csuHoiz tt)?]
yric, Ka7ip[oêa](p)ri[v)(îiv. On a graud'peinu à suivre
(àY)îaç M[apta;] cette restitution sur le fac-
similé; mais une discussion de celte lecture et d'un certain nombre d'autres allongerait outre
mesure ce compte rendu. —
P. 104, lire Voussoirs au lieu de Voissoirs.
RECENSIONS. 289
est en même temps le meilleur dessinateur cartographe. Les premières sections pro-
visoires de sa carte avaient été dressées à l'échelle de 1 : 1.52.000" suffisante pour le
plateau central peu accidenté et relativement peu compliqué à traduire, mais qui en-
traînait de sérieuses difficultés quand il fallait rendre avec une satisfaisante ckirté le
relief des rampes tourmentées qui descendent vers le Ghôr et enregistrer une topo-
nymie assez touffue. Pour l'exécution définitive il a adopté une échelle presque triple,
1 6.3. 360^ Ce chiffre, dont la raison d'être n'apparaît pas d'abord, a sa parfaite jus-
:
tification en ce qu'il correspond, aussi exactement que possible dans la réduction des
mesures de systèmes différents, à l'échelle de la carte anglaise de Cisjordane :
son réseau de triangulation. La nouvelle carte se présente donc comme une exten-
sion de la carte anglaise; mais il faut ajouter extension perfectionnée.
Ellecomprendra 12 feuilles de -56 X
58 centimètres pour couvrir la zone incluse
entre l'Hermon et la campagne de Damas au N.. le Jourdain à l'O.. le Zerqà au S.,
le Dj. Drùz et le Ledjà à l'E. Les deux feuilles déjà parues sont celles de la région
méridionale moitié inférieure du Dj. 'Adjlnûn entre le Zerqà au S., l'on. lâbis au
:
>'., le Jourdain à l'O. et la steppe de Hamâd à l'E. Les terrains sont interprétés au
lavis en teinte bistre délicatement ombré pour marquer des escarpements plus sail-
lants. Ce procédé ne fournit pas la précision du relief exprimé en courbes de niveau,
ce qui eût exigé un nivellement plus complet et à peu près sans fruit il donne ce- ;
pendant une exacte notion du sol dès qu'on a pris la peine de se familiariser avec
cette très habile interprétation conventionnelle et .rien de plus aisé que d'acquérir
cette familiarité de lecture par l'examen comparé des cotes d'altitude assez multi-
pliées. Suivant leur nature, ravins, vallées et torrents sont exprimés en brun ou bleu.
Voies de communication, cultures, forêts, ruines, centres habités, sont représentés
en noir par les signes usuels. Une teinte rouge nuancée distingue les localités per-
manentes des sites occupés quelques mois seulement dans l'année. Une teinte verte
fournit les délimitations administratives. Toutes les écritures sont en noir et telle est
la netteté de ces écritures, si heureuse l'harmonie des corps adoptés, si soigneux l'a-
gencement des indications qu'il n'y a nulle part obscurité, ni surcharge, malgré la
richesse d'une documentation toponymique à utiliser en toute sécurité, car on sait
depuis longtemps la compétence toute spéciale de M. Schumacher en cette difficile
matière. Il est bien rare que son oreille très exercée ait été prise en défaut dans la
perception de ces articulations onomastiques arabes souvent peu nettes dans la pho-
nétique courante, toujours faciles a nuancer quand on les entend de bouches diffé-
rentes et plus encore dès qu'on cherche à contrôler, par la gramiuaire ou l'étymologie,
des vocables populaires maintes fois peu scientifiques. Le système des transcriptions
est celui des publications du Palàstina Ve/'ein, rationnel et pratique, appliqué d'ailleurs
avec de légères nuances {dj. au lieu de dsch: q pour /; et de rares autres) dans la
REVUE BIBLIQUE 1910. — >'. S.. T. VII. 19
290 REVUE BIBLIQUE.
lievve. On compte faire paraître deux feuilles par an. Quand la carte ainsi conçue et
commencée sera livrée tout entière, on aura sous la main le meilleur instrument de
travail pour une étude pratique et précise de la Palestine orientale. Dès maintenant
les biblistes seront heureux d'utiliser les sections prêtes et tous sauront en apprécier
grandement le caractère scientifique et la parfaite élégance.
Jérusalem.
H. VlXCEXT. O. P.
I. Der islamische Orient. Band II : Die arabische Frage mit eincm Ynsuchc
der Archdologie Yeinens. von iMartin Hartmàxx; in-8" de x-08.5 pp. Leipzig.
Hanpt, 1909.
II. Der Islam : Geschichte-Glaube-Recht. Ein Handbuch. von M. Hart-
MANX: petit in-8'^ de v-188 pp. Leipzig, Ilaupt. 1909.
m. Inschriften aus Syrien, Mesopotamien und Kleinasien gesammelt
im Jahre 1899 von Max Freiherrn. von Oppkxheim. — I, Arabische
Inschriften bearbeitet von Ma.r van Berchem, mit 26 Abbildungen und 7 Licht-
drucktafeln; gr. in-8° de 158 pp. Leipzig, Hinrichs, 1909.
tes de l'auteur, ses relations personnelles, les publications récentes ou les documents
officiels. L'auteur est parfaitement à même de conduire à bonne fin ce travail délicat.
lentes données, des indications lucides et, la plupart du temps, une saine apprécia-
tion des faits et des hommes. A rédiger cette partie de son livre, l'auteur nous
avertit qu'il a mis un « amour particulier » ; nous ajouterions : et parfois une passion
excessive. Assurément il permettra à ses lecteurs de ne point partager toute sa
manière de voir siu* la politique de certaines nations européennes, en Orient. Trop
souvent ses appréciations de ce qui n'est pas allemand sont dures et ne répondent
pas aux faits de l'histoire. On fera aussi des réserves sur ses jugements touchant les
missionnaires et l'élément ecclésiastique indigène, p. 77, 81. 90, .5.52 s., etc. (I).
(1) Sur l'Orient actuel, on lira avec intérêt les beaux articles
récemment puljliés par M. L. Ber-
Quand il s'agit d'un idéal qui n'est pas le sien. ;M. Hartmann ferait sagement de ne
pas abuser de la tendance à la « 2;énéralisation et à la « mise en bloc dans le
même sac », tendance contre laquelle il est en garde ;i propos de l'antiquité. Mais
nous n'insistons pas sur cette partie de l'ouvra^ie ni sur celle qui est consacrée à
<(l'Arabie moyenne ». Hàtons-nous de passer brièvement en revue l'exposition des
faits et des institutions qui regardent l'ancienne Arabie : les biblistes autant que les
simples chercbeurs y trouveront à glaner.
La « question arabe » existe, affirme l'auteur, et elle naît de l'unité d'un peuple et
non de l'unité de la foi. L'Islam en tant que religion a réuni sous sa bannière des
nationalités fort différentes de mœurs et d'institutions: parmi elles la nationalité
arabe doit occuper une place marquée. Mais ce terme de « nationalité arabe » est-il
habitants de la steppe, ceux qui demeurent sous la « maison de poil », qui trans-
portent leurs domiciles à travers le pays suivant les saisons et la nécessité de nourrir
les hommes et les troupeaux. Par conséquent, les Arabes habitaient anciennement
comme de nos jours les régions du nord, du nord-ouest et de l'est du pays que
nous appelons l'Arabie; l'auteur désigne ces régions sous le nom d'Arabie du nord.
Trois groupes principaux de peuples auraient habité ce territoire relativement
étendu. Un groupe de caractère araméen est représenté surtout par la colonie de
Teimâ. Un second groupe est de caractère yéménite : les inscriptions minéennes trou-
vées à el-'Ela prouvent que l'influence de l'Arabie du Sud a pénétré dans l'Arabie
du nord y a marqué fortement son empreinte. Les .Minéens à el-'£la ont proba-
et
blement cédé la place aux Lihyànites qui ont laissé à llereibeh des traces de leur
civilisation Cl D'autres peuples, tels que les Ghassanides et les Lakhmides. sont
.
Arabes plus ou moins nomades. L'Arabie du Sud au contraire était habitée par une
population sédentaire qui avait nom Minéens, Sabéens, Himyarites. M. Hartmann
:
là où il n'y a pas de documents, il n'y a pas d'histoire. L'exposition des faits sera en
quelque sorte le commentaire des inscriptions.
Tout d'abord, on rencontre des renseignements sur les difTérents états mentionnés
dans les documeats en première* ligne le royaume des Minéens avec Ma 'in pour
:
capitale. Les rois connus avec leurs généalogies sont nommés et combien inté- —
ressants ces noms composés avec le nom divin Ya(_a''il, Ili yafa', Waqahil, etc.! :
(Ij Voir à ce sujet l'article sur les Anliquitt-s religieuses de l'Arabie du Nord, dans RB.,
1909, p. 370 ss.
(2) .\ ces deux villes devra se joindre désormais al-lleger, maintenant mieux connue après la
Mission archéologique en Arabie parles PP. Jalsse.n et SAVicxiC, Paris, Leroux.
292 REVUE BIBLIQUE.
— La liste n'est pourtant pas complète, de sorte que l'historien se trouve dans l'im-
possibilité de marquer le commencement et la fia de ce royaume. L'auteur placerait
volontiers sa durée entre 700 et 250 avant Jésus-Clirist. On est déjà loin des quinze
siècles avant notre ère que certains savants lui accordaient généreusement. La dé-
couverte récente de l'inscription gréco-minéeniie de Délos (1) confirme les calculs
plus modérés déjà suggérés par M. David Heinrich Millier et le plus grand nombre
des orientalistes.
A côté de la puissance minéenne, se développait le royaume de Saba. Il semble
que les premiers titulaires portaient le nom de Makrab ou Mukarrib dont la signi-
fication n'est pas défiuitivement déterminée; ils prirent ensuite le nom de rois de
Saba et gardèrent le pouvoir jusqu'à l'arrivée des Hamdanides — vers le commence-
ment de notre ère? —
qui se firent appeler « Rois de Saba et seigneurs de Raidan ».
On compte plus de quarante personnages décorés de ces deux titres. Puis, vers 280
après Jésus-Christ, on trouve un certain Sarair Yuhar'is qui s'appelle « Roi de Saba,
seigneur de Raidan, de Hadramôt et de Yamanât », mais sa puissance ne put ré-
sister à l'invasion abyssine. En 378, le royaume paraît reconstitué et dure jusqu'en
525. Les inscriptions mentionnent aussi les rois de Qataban, de Hadramôt, de Ka-
minahû, de Haram et de sept ou huit autres petites localités. Voilà certes un bien
grand nombre de minuscules États, de principautés différentes qui sont loin de don-
ner à l'Arabie du Sud l'aspect de la cohésion et de l'unité. Connaître ces noms est
sans doute intéressant, mais on aimerait à pénétrer dans la constitution de ces grou-
pements humains et à saisir leur vie intime. C'est à la connaissance de cette orga-
nisation sociale que s'applique maintenant Hartmann. Comme les matériaux sont en
nombre (2) restreint, il reconnaît ne pouvoir donner une solution définitive aux mul-
tiples problèmes soulevés par une pareille étude, tout en essayant d'établir déjà
certaines conclusions assez assurées.
La première raison de cohésion dans la société, c'est l'unité d'origine, la partici-
pation au même sang. La communauté de langue, l'unité d'intérêts, les mêmes
conceptions des choses pourront engendrer un accord plus ou moins ferme; la vraie
société est bâtie sur le sang. Notons en passant cette conception de l'auteur qui se
vérifie surtout chez les Sémites.
(1) V. Comptes rendus de l'Académie des Inscriptions et Belles-Lettres, 1908, p. 310-560 et RB.,
1909, p. 486.
De nouveaux documents ne larderont peut-être pas à être livrés à la curiosité légitime
(2)
des savants, si nous en croyons M. Otto Weber. Cet orientaliste distingue vient de donner à
la collection der alte Orient le deuxième cahier de l'année 1909, intitulé Eduard Glasers :
Forschungsreisen in Sàdarabien. Après avoir r;ippelé d'une manière fort intéressante les voya-
ges du liaidi explorateur, il mentionne l'inventaire dressé par M. le professeur Homniel des
inscriptions laissées par le défunt. Puissent ces trésors être bientôt mis à la portée des orien-
talistes.
RECENSIONS. 293
among the ancient arohinas hos been fûund hy Gloser and Winchler. Hartmann n'ac-
cepte nullement cette conclusion ainsi géQ'^ralisée qui lui paraît « antiscientiQque et
moustriieuse ». Pour lui, Straboa raconte une anecdote (i; étrange qu'il place dans
l'ArabieHeureuse; mais se servir de l'bistoire des quinze frères qui. tour à tour.
pour admettre la polyandrie dans TArabie. c'est ne tenir aucun
visitent leur sœur,
compte de la haute culture à laquelle étaient arrivés les habitants du Yémen au
temps de Strabon, et attribuer à l'Arabie du Sud des usages spéciaux qu'on ne re-
trouve pas chez les peuples sémites voisins. Il est vrai que les hiérodules semblent
n'avoir pas été inconnus, car une inscription, restituée par (2^, mentionne Hommel
une quinzaine de femnies consacrées à la divinité. Mais, en dehors de textes for-
mels, on ne peut reconnaître à cette institution l'ampleur qu'elle avait dans d'autres
pays, en Syrie par exemple. Et d'autre part, nous voyous que les fautes contre les
mœurs étaient soumises à des châtiments sévères: on en peut juger par les quatre
inscriptions ayant trait à la pureté, citées et traduites par l'auteur (3).
Le développement de la famille étend la parenté qui se maintient dans tous les
groupes sortis de la même souche: c'est le ahel arabe tel qu'il se trouve main-
tenant chez les nomades et les demi-nomades 4 . Il ne paraît pas que le sabéen
possède un terme spécifique pour signifier ce premier groupement, la parenté, (h'e
Sippe. Cette idée d'appartenance à un groupe est rendue par "z. i;2. " fils de >-.
ou par ï. ri"r, Tix. '^nx". ceux ". de... », " ceux appartenant à... ». L'auteur donne
une liste très détaillée de la paae 22.5 à la page 336; de ces Sippen, mentionnées
dans les inscriptions, y compris celles que nous a conservées la tradition arabe.
D'après le développement de la famille doit aboutir à un
procédé normal, le
groupement plus considérable, à une tribu, quelle que soit, du reste, la théorie
qu'on adopte sur l'origine vraie de la tribu (5). Pour rendre ce concept, le Sabéen
emploie le terme z'JZ' qui signifie peuple en tant que race et peuple ou troupe en
tant que soumis à un chef. Par conséquent, les noms qui sont précédés du mot z"'<L'
désignent les tribus: mais ces noms sont parfois des appellations de ville ou de ter-
ritoire. La plupart du temps, il sera impossible de déterminer lequel, du peuple ou
du pays, aura le premier porté ce nom et par suite comment il faudra l'inter-
préter. Par exemple, il est fort probable que 21"^" désigne toujours le peuple
Himyarite. tandis que le mot r,*'2"*î'ri s'applique à un territoire. L'auteur donne de
très amples renseignements sur les grandes tribus d'Himyar, de Ma in. d'Yatil, etc.
A propos de Ma 'in. il fait remarquer que la thèse qui le fait disparaître à l'arrivée
des Sabéens n'est nullement prouvée.
A la tête de ces Z'JX.' se trouve généralement un roi. un melek. D'après l'auteur,
la royauté a eu pour origine soit une oligarchie qui aurait mis à sa tète un de
ses membres pour maintenir l'ordre, soit l'état de brigandage qui ne pouvait être
ramené à la paix que par un chef puissant.
La première manifestation d'une société organisée, cest sa vie religieuse : c'est
aussi celle qui a pour nous le plus vif intérêt. Malheureusement, l'auteur, encombre
probablement par la richesse des matériaux, renvoie à une publication spéciale
t
l Mais c'est une anecdote qui n'a pas plus de valeur que le récit de certains explorateurs
lancés à la recherche d'un merveilleux qu'ils croient avoir trouvé, mais qui n'existe que dans
leur imagination.
^-2) Sûd-ar. Chrest., p. 117.
^3; Déjà signalées parleP.Lagrange dans RB.. 1901. p. 039 s. et dans ÉRS.-, p. 144s..-2oG, etc.
(4j Coutumes des Arabes, p. 11 ss.
{o} Ibid.. p. 107 ss.
294 REVUE BIBLIQUE.
les renseignements fournis par les inscriptions. A n'en pas douter, ce travail aidera
à comprendre le panthéon sud-arabique. Le dieu Altar a reçu un culte universel,
ainsi que déesse Sams; le premier est assimilé à l'étoile du matin et la seconde
la
au soleil. La lune aurait été honorée d'un culte plus resti-eint. Du reste, chaque
localité avait sa divinité Wadd, liawbas, 'Amm, JNakrah, Almaqah, Haul. Anbaï.
:
Ces divinités avaient des temples et les temples étaient desservis par des prêtres vrai-
semblablement constitués en hiérarchie. Pour les détails à donner sur ce sujet, l'au-
teur renvoie à sa publication future, et il passe aussitôt à des considérations sur la
vie économique.
L'Arabie du Sud ne ressemble en rien au territoire occupé au nord par les
nomades. Au lieu des steppes qui fournissent à grand'peine la nourriture des cha-
meaux, on renconti-e des champs fertiles et bien arrosés. La réglementation des
eaux est l'objet de soins minutieux souvent rappelés dans les inscriptions. Celles-ci
mentionnent avec un certain plaisir les puits creusés, les citernes cimentées, les ca-
naux restaurés. Les terres : champs de labour, palmeraies, vignes, sont mises sous
la protection spéciale des dieux qui veillent à leur fertilité. A côté de l'agriculture,
il est question de l'élevage du bétail avec une mention particulière pour le bœuf
et le chameau. Les inscriptions privées se terminent souvent par cette formule pour :
jets. Plusieurs termes auraient été en usage pour désigner l'état de sujétion; par
exemple a~N signiGerait « une famille soumise au servage ». Cette catégorie aurait
été assez nombreuse puisqu'une inscription mentionne un Kebh^ ou chef préposé à
sa direction. On trouve r)2»X « servante », "2" « esclave ». On note que 'Abdse
rencontre devant un nom de roi Sxim~25/* « serviteur de Watar'il roi de Haram ».
:
Mais il ne paraît pas jusqu'ici que 'Ahd se trouve devant un autre nom que celui
d'un roi ou d'un dieu.
La condition de ces sujets nous est imparfaitement manifestée par les documents
sud-arabiques beaucoup moins nombreux et moius explicites que les documents
assyriens sur l'organisation de la société. Les serfs sous la domination des nobles
étaient attachés à la terre et n'avaient guère la liberté de se soustraire à ce joug,
même en établissant ailleurs leurs demeures, ce qui n'était pas laissé à leur libre
choix. 11 ne semble pas non plus, si on veut s'en rapporter à Pline (H. N., XII, 30},
que les habitants attachés à la terre eussent la liberté de se livrer à n'importe quelle
culture. Trois mille familles seulement avaient le droit de s'occuper de l'encens. La
meilleure myrrhe passait par l'Arable, mais n'y aurait pas été cultivée. Elle était un
article de commerce important avec l'encens et d'autres parfums. Ces marchandises
auraient eu une double origine. En partie, elles auraient été importées des pays
débarquées sur un des ports de la côte, à Kané ou à
voisins, des Indes surtout, et
Mûza' par exemple, d'où dirigées par voie de terre vers le bassin de
elles étaient
la Méditerranée. En partie aussi, et quelquefois les mêmes que les précédentes,
mais d'une qualité peut-être inférieure, elles étaient cueillies et préparées dans le
pays même et transportées ensuite vers l'occident. M. Hartmann rappelle à ce sujet
les divers renseignements fournis par les anciens auteurs, car les nouveaux documents
ne nous ont procuré jusqu'ici qu'une très faible lumière sur ces questions. On doit
guide des troupes romaines dans rexpédition de Gallus. Mais les >'al)atéens, frappés
par celtemême puissance romaine, disparaissent comme royaume en 106. L'Arabie
du Sud doit se défendre contre ses déchirements intérieurs et l'iavasion des puissan-
assez d'habileté pour faire converger vers son but tous ces puissants facteurs.
pureté, la prière, le jeune. xMals les plus importants peut-être sont les chapitres IX
et X qui traitent du droit public et privé. On y trouve un excellent résumé, en
phrases très claires, des points réglés par la jurisprudence: il faudrait tout citer :
le droit des personnes libres, le droit des esclaves, le droit du mariage, le droit de
l'héritage. On sent que M. Hartmann possède la doctrine du Qoran et celle des
légistes. Le chapitre XI est consacré à l'association. On peut bien affirmer qu'un
seul lien existe entre tant de peuples divers : la religion. C'est le sentiment reli-
gieux qui les porte à soutTrir l'oppression la plus dure et la misère noire 1) ; ainsi
l'ordonnent Allah et son prophète! Le chapitre suivant, sur l'extension de l'Islam, est
fort suggestif. D'après les calculs de M. Hartmann, il faudrait compter 223.98-5.780
musulmans. Dans sa conclusion comme dans sa préface, l'auteur fait peu de fond
sur la foi musulmane pour la rénovation des peuples de l'Islam et l'élan à donner à
la nouvelle Arabie. On est encore loin de la solution du problème de l'adaptation :
tesse, nous les acceptons; mais si. par là. on veut signifier la façon d'agir de l'Eu-
rope, surtout pour la liberté de conscience et l'émancipation de la femme, nous n'en
voulons pas. » Heureusement que tous ne comprennent pas ainsi la liberté.
III. — Les inscriptions arabes de MM. Oppenbeim et van Berchem apportent une
contribution remarquable à la connaissance de « l'Arabie moyenne ». On trouvera
dans ces nombreux documents des renseignements de première main sur des sul-
tans, des émirs et autres potentats qui ont administré des peuples arabes. Signa-
lons en passant le décret du sultan Qayt-bay, en 874 de l'hégire, sur la réduction
de l'impôt et l'interdiction faite aux employés, sous peine de déposition, de recevoir
une grotiflcation quelconque. Une inscription de llama rapporte qu'en 904 de l'hé-
gire, le sultan Oânsùh el-Gùry réduisit considérablement les impôts du village de
Kazu. Fort intéressante l'inscription de Iloms du sultan Baibars, en 666 de Thé-
gire le Sultan y est décoré du titre de « régulateur du serment de fidélité des deux
;
ment de documents précédemment parus. Il les rassemble parce que " il est donc
permis à l'heure actuelle de reprendre avec sérénité et sécurité le travail interrompu
par une tempête passagère » [Lettres..., mi). Et il le fait avec d'autant plus de satis-
faction qu'il n'a rien eu à changer à un enseignement pastoral qui coïncidait « avec
les sages directions que FÉglise a tracées depuis à ses enfants >-. On connaît assez les
svmpathies de Mf Mignot pour le progrès des études, et son souci, d'une inspiration
si haute, de la dignité intellectuelle de TEiglise. Il n'est pas fâché de faire constater
aussi qu'il n'a pas été moins vigikmt à combattre Terreur moderniste dans ce qui
fut sa Somme auti-théologique, l'i-^çinsse d'une 2)hilosop]ne de la religion, d'après la
psychologie de l'histoire, par feu Auguste Sabatier. Les deux volumes seront d'autant
mieux vus du grand public qu'ils lui épargnent les discussions arides et les précisions
techniques; ils seront cependant utiles même aux spécialistes par la hauteur des
vues et le sentiment très ferme des relations à établir entre la tradition et la critique.
On sera particulièrement heureux de retrouver dans L'Eglise et la critique l'oraison
funèbre de M?^ Le Camus, portrait saisissant de vie et d'exactitude de cet infatigable
ouvrier dans le champ des études bibliques,
Le titre est d'autant plus étrange que, dans les prolégomènes, l'auteur s'explique
ainsi (p. 7) : « Par vérité uhsolue. nous entendons la vérité d'une proposition consi-
dérée en elle-même, telle qu'elle se présente objerticement: par vérité relative au
contraire, la vérité de la proposition dan.'i le sens-entendu par l'auteur. » Ion s'en
Si
tenait là, qui ne conclurait que la vérité de l'Écriture Sainte est relative? Car enfin
personne ne soutiendra qu'il faut isoler de son contexte l'affirmation de l'impie non :
est Deus. Aussi bien mon intention n'est-elle pas de discuter le livre tout entier. Je
tiens d"abord à remercier l'auteur d'avoir dit si nettement que les auteurs dont ils
tirer, comme on mon épingle du jeu, car je suis l'un des auteurs réfutés. La liste
dit,
entrer à mon tour dans une polémique en l'ègle, je crois devoir faire remarquer que
bien des malentendus auraient été dissipés si M-'' Egger n'avait malheureusement in-
terprété très mal deux passages de ma Méthmle hisforiqnc. Il m'en coûte beaucoup
de dire le mot, mais enliu la vérité a ses droits, et peut-être aussi les personnes ; ce
sont deux contresens d'une grave conséquence. Qu'on en juge. Je suis pris à partie
un peu partout, — moins cependant que le P. de Humraelauer. à l'inverse de ce qui
se passe d'ordinaire — , mais surtout à propos de l'évolution du dogme et du concept
de l'inspiratioQ. Or, dans le premier cas. M?' Egger me fait dire, p. 84 : « Pendant
que les autres Sémites confondaient la divinité avec la nature, le dieu d'Israël n'était
pas tout à fait confondu avec un mot d'allemand, ou c'est le
elle. « Ou je ne sais plus
sens de cette phrase « Wâhrend namlich die iibrigen Semiten die Gottheit mit der
:
Natur konfundierten, \vurde der Gott Israels mit derselben nicht ganz vermengt ).
Naturellement Mt'"' Egger est très scandalisé de cette phrase. Il y revient plus d'une
fois (p. 85 et p. 220', toujours avec la même indignation, et naturellement il en tire cette
conclusion que j'admets une différence essentidle entre le dieu des patriarches et le
dieu transcendant et véritable, conclusion qu'il présente ensuite comme la simple
analyse évidente de ma pensée (p. 219). Je n'incrimine nullement la bonne foi de
>XPr Egger. Il a prétendu mettre entre parenthèses mon texte français « n'était du
tout confondu avec la nature » (p. 84). « N'était du tout », donc « pas totalement »,
donc « était en plus grande partie ». Mais il ne fallait pas omettre le petit mot pas.
Voici mon texte : « Ce dieu n'était pas du tout confondu avec la nature » (2), ce qui si-
gnifie « en aucune façon». Erreur ne fait pas compte; passons au second contresens.
C'est à propos de l'inspiration. J'ai écrit (3) que Dieu « n'imprimait rien de tout
fait dans l'esprit, pas même les pensées ». M^"" Egger semble avoir lu tout à fait .<
rien», car Gott ihm ganz und gar nichts in den Geist eindriickte. nicht
il traduit : «
einmal einen Gedanken » (p. 242 1. Les deux pensées diffèrent littéralement du tout
au tout. Faut-il expliquer ici que « rien de tout fait « entendait seulement exclure
•me conception mécanique de l'inspiration, comme si Dieu insérait dans l'esprit des
pensées toutes faites?
Il m'est arrivé souvent, au cours d'une carrière déjà longue, quand je demandais
à un de mes jeunes confrères de recenser un livre pour la Revue biblique, de lui
dire : « Si vous louez, lisez sérieusement: mais s'il s'agit d'une critique importante,
lisez trois fois (4) ». Combien de fois ne faut-il pas lire avant d'articuler des reproches
qui touchent à l'accusation d'hérésie?
Sans pouvoir alléguer un contresens aussi évident, j'estime que M?'' Egger n'a pas
compris non plus ma pensée à propos de l'évolution du dogme et du sens que pouvait
avoir pour un juif le mot de « Fils de Dieu » appliqué au Messie. Il me fait dire :
'< Le sens du dogme, tel qu'il existe en germe dans l'Ancien Testament, est un autre
que celui qui est fixé par l'Église au terme de son évolution o). » Cette phrase est
als wie er am Absclilusse seiner Entwickiung von der Kirche festgesetzt ist.
300 REVUE BIBLIQUE.
Je plaide non coupable. Voici le texte qui parait visé et contre lequel M^'"
Egger po-
lémise longuement à deux reprises Les prophètes lui annoncent (au Juif) un Mes-
: «
sie qui sera fils de Dieu. A supposer (Ui qu'on l'entendit alors d'une filiation adoptivo,
ce sens n'était nullement limitatif. I! serait au moins cela, et peut-être ce titre de Fils
de Dieu cachait-il autre chose (2). » A lire ces lignes sans préjugé, on reconnaîtra, je
pense, ce que j'ai voulu dire : les Juifs ne pouvaient comprendre toute la portée du
titre de Fils de Dieu, parce que l'enseignement de l'Écriture n'était pas alors suffi-
samment non point parce
clair, qu'elle enseignait clairement une filiation adoptive. ce
qui serait un dogme autre que celui que nous professons.
Jai dit que je me contenterai de quelques mots de défense personnelle sur des
points où ma pensée a été manifestement travestie parce que l'opposant ne sait pas
assez bien le français. Je me permets cependant d'appeler l'attention de M?'' Egger
sur un point. Il exprime quelque part une règle admirable : « On ne doit aussi
jamais lui demander (à l'historien consciencieux) plus que ce qu'il peut et veut fournir
d'après le matériel des sources qu'il a sous la main (3 . > Si l'auteur ne l'avait pas
perdue de vue, et s"il ne confondait pas ordinairement inspiration et révélation, il
dire quand on ne sait rien v. En vérité, le beau mérite, s'écrie Ms"" Egger! —
Hélas! [L.'
Le Rev. Henry Barclay Swete, si honorablement connu pour son édition des Sep-
tante, sou introduction à cette Bible grecque, ses commentaires derApocalyp.se et de
saint Marc, s'est fait l'éditeur d'une série d'Essais sur l-'s questions bibliques actuelles,
par des membres de l'Université de Ce sont bien en effet toutes
Cambridge (6).
les principales, et les plus brûlantes questions, qui sont traitées rapidement dans
ces seize essais. En voici la liste Méthode historique dans l'A. T.. par M. Bevan;
:
l'influence (le la mythologie babijlonienne sur l'A T.. par M. Johns; la situation pré-
sente des recherches sur l'A. T., par M. Stanley Cook; l'histoire de l'église juive de
Nalmchodonosor à Alexandre le Grand, par M. Kennett; l'interprétation des psaumes,
par M. Barnes; ce qu'on peut tirer des écnts rabbiniques pour Vexégèse, par
M. Abrahams; l'idée eschatologique dans l'évangile, par M. Burkitt; l'usage qu'a
fait N.-S.de l'A T. par M. Me jSeile la théologie du quatrième évangile, par M. Inge
.
,
;
;
(6) Essays on some biblical questions of the Day, by members of tlie University of Cambridge,
edited by Henry Barclay Swete, in-8» de xi-556 p. Macmillan, Loudon^ 1909.
BULLETLN, 301
Dans son ensemble, le volume ne représente pas seulement l'attitude des hommes
de Cambridge, il reflète les tendances de la critique anglicane actuelle, toujours res-
pectueuse des traditions, beaucoup plus ouverte aux nouveautés que la critique
catholique, mais sagement en garde contre les précisions outrancières qui surgissent
chaque jour en Allemagne. L'impression générale est cependant peu rassurante. On
a l'impression d'être dans le salon du bord où des hommes du meilleur monde, et
très bien informés, s'entretiennent de la route à suivre. Ils n'ont aucune confiance
dans les guides improvisés qui ont si souvent sombré sur des écueils où leur imagina-
tion plaçait des phares, et ils croiraient manquer à leur devoir en demeurant au port
par crainte du danger. Et cependant le vaisseau risque d'aller à la dérive... C'est
que, comme le sent si bien M. Burkitt, il ne s'agit pas seulement de critique textuelle
ou historique et d'archéologie, ni du problème synoptique ou johannique, il s'agit
de l'Évangile, c'est-à-dire de la croyance en Jésus-Christ et de l'espérance du royaume
de Dieu qu'il a prêché.Et M. Burkitt montre, dans des pages d'une inspiration très
élevée, que la morale même de l'Evangile n'est pas l'Évangile, sans cette espérance,
mais il ne nous dit pas comment elle sera satisfaite. Il est vrai que les dernières
pages, de l'éditeur, sur la valeur religieuse de la Bible, laissent le lecteur plus récon-
forté.
Ce recueil d'essai, en fixant l'état des questions, nous éclaire du même coup sur
l'état des esprits. C'en est assez pour lui donner une valeur tout à fait hors ligne,
comme élément d'information.
(1) ïome VI, 11" pp. Tome VII, \-o6-2 pp. Paris, Picard, 1910.
302 REVUE BIBLIQUE.
*'*
fhéolor/iqucs sur les écrits de M. l'abbé de et de ses élèves, les jeunes pères Ca-
tort — y avait dans ces Lettres des considérations nouvelles, hardies, hasardées et
il
présentant parfois le caractère de paradoxes sur la loi ancienne et la loi nouvelle, sur
leur nature, leur efficacité, leur difTérence » (p. 279). Ne serait-ce pas, pour ceux
qui ont les grandes bibliothèques à leur portée, le sujet d'un article intéressant?
Le grand nom de BulTon rappelle la première escarmouche moderne entre les
théologiens et les savants naturalistes au sujet de la création du monde. La ma-
nière dont il avait expliqué la formation de la terre dans son Histoire naturelle
en voyant des époques dans les jours de la création. IMais il ne semble pas être
entré dans le détail de l'exégèse et il se contentait plutôt d'intervalles entre les
(Feret, VI, p. 209). C'est dans les Époques de la nature qu'il essayait cette con-
ciliation : « Au reste, je ne me suis permis cette interprétation des premiers versets
de la Genèse que dans la vue d'espérer un grand bien; ce serait de concilier à jamais
la science de la nature avec celle de la théologie » (Feret, VI, p. 211). BufTon ne
savait donc pas que sa tentative n'était pas la première, et il se doutait encore moins
qu'après lui tout serait à recommencer =— plus d'une fois — ,
jusqu'au jour où la
Commission biblique, tout en déclarant permise la théorie des jours époques, aurait
placé la Bible et la science sur leur vrai terrain par la décision du 30 juin 1909.
Aujourd'hui, personne ne chicanerait plus Bufl'on sur l'ordre du temps et les cir-
constances des faits.
J'avais fermé les Discours aux prêtres inc7\'dules de l'Église romaine (1), par
M. L. Mertens, avec la résolution de ne point parler dans la Revue de ce répugnant
ouvrage qui s'intitule en sous-titre Le renversement de la démonstration chrétienne.
:
Mais peut-on laisser passer, sans protester par un mot, les imputations de l'auteur,
quand il accuse si violemment des exégètes catholiques de compromettre le catholi-
cisme et de ruiner l'apologétique chrétienne? Oui, ce personnage, d'ailleurs inconnu,
(1) Grand in-S» de 799 pp. Paris. Giard et Briére, 1900. L'ouvrage est inachevé. Plus de 350 pa^es
sont consacrées au Pentateuque.
BULLETIN. 303
et qui jette à la face des prêtres catholiques l'accusation infamaute d'hypocrisie, après
avoir consacré des centaines de lourdes pages à détruire, comme il le pense, les preuves
de rexi>tence de Dieu et les preuves de l'authenticité stricte du Pentateuque, pris sou-
dain d'un zèle étrange, se retourne contre ceux qui estiment que la foi catholique
n'a rien à craindre de l'usage de la critique. Jamais conservateur intransigeant, non
pas même les plus hostiles à tout progrès, n'a montré une pareille susceptibilité en
matière de doctrine. La pensée de l'auteur est d'ailleurs très claire : il redoute le
bon effet produit sur tant d'esprits par une tentative loyale, et, osons le dire, bien
informée, de profiter de toutes les recherches modernes pour l'honneur des bonnes
études dans du catholicisme intégral. Il est tout à fait galant, pour ne pas dire
le sein
bouffon, qu'un athée se montre si chatouilleux sur le chapitre des convenances di-
vines. L'idée qu'il a de Dieu est d'ailleurs très rudimentaire. puisque d'après lui :
« L'action de Dieu comporte pour ainsi dire nécessairement une violence faite aux
lois de la nature » i^p. 774 C'est parce que M. .Mertens regarde l'Ecriture sainte et
.
les lois données par Dieu comme des actes violents qu'il ne peut absolument rien
comprendre aux explications fournies dans la Revue biblique et ailleurs sur la con-
descendance de Dieu dans ses rapports avec l'humanité: son action perfectionne les
qualités naturelles sans les violenter, même par l'inspiration et par la grâce. Au
lieu de s'acharner à détruire chez les autres la foi qu'il a perdue, M. Mertens devrait
s'appliquer à mieux comprendre ce qu'on lui a enseigné au séminaire.
Nouveau Testament. —
M. Gaspar René Gregory est arrivé au ternie de son
monumental ouvrage sur la critique textuelle du Nouveau Testament il). Ce dernier
volume comprend une petite introduction sur les différentes classes de textes, résumé
de l'exposé très vivant qui a paru dans le volume sur les manuscrits grecs icn 19 08 :
cf. RB.. 1909, p. 303 ss. , et quelques conseils sur le choix des variantes afin de se
rapprocher le plus possible du te.xte primitif. Le gros du volume est consacré à des
appendices considérables, et à des indices très utiles. Le tout est rédigé avec la dili-
d' exégèse, marque l'intention de l'auteur d'étendre à d'autres que ses élèves le bénéfice
de son enseignement.il s'est exprimé lui-même sur le but qu'il poursuivait en situant
son œuvre « à égale distance du manuel qui groupe des conclusions sans fournir de
prémisses et du commentaire technique ouvert à quelques initiés » ip. xxii). Par-
faitement au courant des travaux récents, il sait tout ce qu'exigerait un Commentaire
plus complet. L'on a n'a le juger que sur ce qu'il a entendu faire, et l'on peut dire qu'il
l'a bien fait. La pensée de saint Paul est moins analysée en détail que reconstruite
dans une large synthèse (3i, à la lumière des idées et des faits de ce temps. Le pre-
{V) Texlkritikdes Xeuen Testaments. Dritter Baad, in-S", delà page yy.) à la page 1485. Hiuriclis.
Leipzig, l'JOO.
(2) Èpiti-es de saint Paul, I. in-8° de xxiii-5<jG pp. Paris. Beaucliesne. lî>lo.
(3) Bien souvent on regrette une discussion délaillée qui seule pourrait faire la lumière. A
.304 REVUE BIBLIQUE.
mier volume comprend une introduction sur le cadre général des Épîtres, et l'étude
de 1 et II Tliess.. Gai.. I et II Cor. La seconde aux Corinthiens na certes pas joui
d'un traitement de faveur. L'auteur était-il pressé d'achever son œuvre? Le commen-
taire y est réduit à sa plus simple expression. M. Toussaint est de ceux qui savent
douter. Il ne se prononce pas entre la Galaiiedu Nord et celle du Sud (1), il pense que
saint Jacques, frère du Seigneur, portait le nom d'apôtre sans être des Douze, etc., etc.
L'explication se tient d'ailleurs dans les lignes de la théologie catholique ,2), avec un
sentiment très vif du progrès que peut réaliser l'exégèse (3).
fraction de l'église anglicane qui aime à se dire catholique. Son livre est presque con-
forme à la doctrine de l'Eglise catholique romaine sur l'Esprit-Saint. Cela est d'au-
tant plus remarquable qu'il s'est efforcé avant tout, comme il le déclare, d'étudier en
elles-mêmes les conceptions des premiers maîtres du christianisme. C'est ainsi qu'il
montre combien peu était fondée l'imagination arienne d'un Esprit-Saint créature, et
qu'il établit solidement sa divinité. Mais l'Espritn'est pas seulement - Dieu en action,
c'est Dieu en relation avec Dieu » (p. 113); si le N. T. ne prononce pas le mot d'hy-
• par conséquent, l'antithèse vivante de la lettre et de tous les esclavages » (p. 459. D'autant que
M. T. voit là « un des aperçus les plus profonds de la christologie paulinienne » (p. 4.»7, note -2'.
Profond assurément, mais difficile et dont le sens est très controversé.
(1) Peut-t'tre l'auteur aurait-il moins hésité à préférer la Galatie du Nord (ce que porte d'ail-
leurs la carte géographique annexée), s'il avait lu l'excellent travail de M. Steinmann, Der
Leserkrcis des Galaterbriefe».
(2) M. T. admet sans bien le prouver que les écrits de Paul relèvent plutôt du genre dialecti-
<>
que que du genre épistolaire proprement dit » [p. ix). Ou eût aimé à voir du moins citer ici
l'opinion de M. Deissmann.
(3) Avec un jugement fort sévère du passé « Trop souvent, en effet, on lisait les textes à la
:
hâte, sans préparation philologique suffisante, et avec des préoccupations étrangères, risquant
ainsi de lornier un texte imaginaire à la place du text' réel > (p. vni .
(4; The Hobj Spiril in t/ie Xcio Testament, a Study of primitive Christian teaching. by Henry
Barclay Swete, DD. In-S» de vni-4l7 pp. Londres, Jlacmillan, 1909.
BULLETIN. 305
Les relations de l'Esprit-Saint avec riuimanité de Jésus sont la partie la plus in-
téressante, mais aussi la plus délicate du livre. L'humanité de Jésus lui vient tout
entière de la Vierge- Mère; on ne peut donc dire que l'Esprit-Saint soit son père, si
ce n'est dans ce sens que la conception virginale était un acte divin, émanant de Dieu
opérant par son Esprit (p. 29), L'action propre de l'Esprit sur cette humanité très
pure a été de la sanctifier comme l'image incomparable de Dieu. Intervenant à ce
moment où l'humanité de Jésus s'est formée dans le sein de Marie, l'Esprit-Saint est
descendu aussi pour oindre le Christ au moment du baptême. M. Swete sup|)Ose
évidemment en Jésus un progrès de grâces qui ne serait pas approuvé par les théolo-
giens catholiques. On n'admettrait pas que Jésus comprît seulement alors en pléni-
tude qui il était et quelle était sa mission. Toutefois il semble bien que, d'après les
textes évangéliques, Jésus reçut alors de l'Esprit une impulsion et pourquoi pas —
des dons? —
en vue d'accomplir sa mission comme Christ. De même à propos de
la tentation, on ne voudrait pas dire que ce fut « une discipline personnelle néces-
iM.Lefèbvre reprend dans les.4 »nft/es cZ« Service des Antiquités (X, 1909, pp. 1 ss.j
la publication d'un texte copte que M. Clédat avait édité sans commentaire, en 1908.
dans le même une inscription peinte en noir sur le fond d'une ancienne
recueil. C'est
chapelle de montagne d'Assiout. iNous l'insérons à titre de document intéressant
la
dum Lucam du prologue monarchien (2) et de la notice d'Eusèbe (HE., III, 4, 61 sur
l'origine de Lucet ses relations avec Paul et les Apôtres. Le texte copte en ditpluslong
qu'Eusèbe, mais il résume les renseignements de Vargumentum avec lequel 11 offre
cependant des divergences. Des manuscrits du prologue monarchien, dix donnent
73 ans à la vie de saint Luc, dix autres, 74 et un seul. 84, d'accord en ceci avec
notre copte. M. Lefèbvre se demande si Eusèbe, Yanjumentum et le texte copte ne
proviendraient pas d'une source commune inconnue. On nous permettra d'ajouter à
ces quelques observations cette notice d'un manuscrit des Actes qui se trouve à
Athènes (a 202, von Soden, Die Schriften des N. T., I, pp. 327, 365) et dont la
transcription est due au patriarche Méthode (842-846 ?) : sattv o ayio; Aou/aç... laipoç
T/jV TEy^vrjv, tj.a9ri-ri; a;:oaTo).rov y^voixâvoç -/.at ujTîpov IlauX'o rotpaxoX/jOrjaaç etwv oyoorj-
xovTa Tscaapwv £-/.oi[j./]9r( £•< Hy-jêaiç.., Outo; npoi>7:ap/^ovTwv rfir] euayysXiiov xou (aev xaia
MaiOaiov £v tt) lojoata avaypacpsvToç, tou oe xaia ^lapxov sv t/) IraXia, outoç... £V zoiçr.toi.
Tr,v Ayaiav TO Tiav touto a'jvsypa'LaTO îuayyîXtov... Kxi or) 'J-îTcT^iizol eypa^I-cV o auTOç Aouxaç
repaie iç anoa-oXtov.
Ancien Testament. —
Le P. Evariste Mader, professeur d'exégèse au séminaire
de Tivoli, à Rome, a consacré deux fascicules des Biblische Stiidien (XIV, 5 et 6) à
eus... discipulus aposlolorum postea Paulum seculus... LXXIII annorum obiit in Bilhynia...
Qui, CAimjam descripta essent evangelia per Matlhaeum quidem in .Judxa, perMarcum auteni in
Italia,... in A chaise par tiOus hoc scripsit evangelium... Cui Lucœ non immerito etiam scriben-
dorum apostoUcorum actunmpotestas in minislerio datur,élc.
BULLETIN. 307
une monographie sur les sacrifices humains chez les Hébreux et les peuples voi-
sins 1). Il avait d'abord l'intention de se borner aux textes de l'Ancien Testament
qui font allusion à ces sortes de sacrifices chez les Hébreux et de chercher à en don-
ner l'interprétation au point de vue du culte légal de lahvé. S'apercevant que ces
rites sanguinaires pouvaient être d'importation étrangère,il en vint, d'étape en
étape, à rechercher les originesdu culte de Moloch à l'influence duquel on attribue
parfois la présence des sacrifices humains chez les anciens Israélites. Et ainsi, à
côté de Die Menschenopfer der (dten Hehraer s'est ajouté, dans le titre, vnd der
henachharten Ynlker.
En douze propositions plus ou moins concises le P. iMader a pris la peine de résu-
mer lui-même les principaux résultats de son enquête (2 Sa grande découverte est .
que les origines du culte sanguinaire de Moloch doivent être cherchées... en Égvpte!
Après avoir en deux longs paragraphes discuté les textes hiéroglyphiques ou les
affirmations des classiques qui se réfèrent, de près ou de loin, à l'existence de sa-
crifices humains chez les Egyptiens, cinq pages et demie vont prouver que c'est de
ces mêmes Égyptiens que dérive le culte hébraïque de Moloch. Les preuves sont
rangées en sept groupes. Premièrement, étant donné que les Egyptiens ont de tout
temps sacrifié des hommes, ils ont pu influencer les Hébreux, quelle que soit la date
de l'Exode, qu'on la place en 12.50, en 1320, en 1437 ou en 1.500. Deuxièmement,
nous ne connaissons pas de sacrifices humains chez les Hébreux avant leur contact
avec les Egyptiens. C'est l'argument Pont hoc, ergo propter hoc. Troisièmement,
dans Ezech., 23, 19-21. 27 et 20. 7, le prophète reproche aux Israélites de s'être
souillés par les idoles des Egyptiens. Cette idolâtrie, d'après Mader, n'est autre ^ plus
ou moins j> que le culte de Moloch. C'est précisément ce qu'il faudrait
démontrer!
Ezéchiel, dans le chapitre 23, reproche à Israël son idolâtrie en Egypte dans les
mêmes termes que son idolâtrie en Chaldée. Les véhémentes images du poêle (Sama-
rie et Juda se prostituant aux Assyriens, aux Chaldéens, aux Égyptiens) n'impliquent
aucune allusion au culte de Moloch, pas plus lorsqu'il s'agit des Égyptiens que lors-
qu'il s'agit des peuples de la Mésopotamie. Quatrième preuve, le passage du Lev.
18, 3, où il est dit Vous n'agirez pas suivant la pratique du pays d'Egypte où
: •
'( Ne vous souillez pas par toutes ces choses, car par toutes ces choses se sout souil-
lées les nations que je cais chasser de devant vous! »
Voilà qui désigne bien plus clairement les Cananéens et leurs congénères que les
Égyptiens!
La cinquième preuve est plutôt la réfutation d'une objection il n'y a en :
^1) Die Menschenopfer der ulten Hebrâer und der benachbarten Viilker, in-8 de xix -\- l.s8 pp.
Freiburg im Breisgau, Uerder, UtO'J.
;2) Ces propositions sont traduites en franrais par le P, Lemonnyer [Revue des sciences pliilo^
sophiqv.es et théologiques, 1910, p. ICI s.,.
308 REVUE BIBLIQUE.
crifices humains à d'autres qu'à Moloch. Pour ce qui est de la première partie de
cette réponse, « il est incontestable que le nom de mélek est à l'origine un nom
commun; il est devenu, plus
mais encore que baal, le nom d'un dieu particulier,
quoique la physionomie de ce dieu soit difûcile à saisir, sans doute parce qu'elle ne
fut pas partout la même (1) ». Il ne faut pas oublier qu'il existe, chez les Ammo-
nites, un dieu national. 22*^*2, qui n'est autre que ce dieu « Roi » auquel on offre
des victimes humaines et qui a sa personnalité très accusée. Qu'on ait offert de ces
victimes à d'autres qu'à Moloch, cela prouve simplement que ces rites sanguinaires
ne sont pas indissolublement liés au culte de ce dieu. En tout cas. cela n'a rien à
voir avec la question de l'origine égyptienne du culte de Moloch chez les Hébreux.
Quant à citer, comme fait l'auteur, des noms
que nrj""2 « Set est roi », tels
"iSd "!CN « Osiris est roi », pour insinuer que le nom de -p'2 lui-même aurait
quelque rapport avec l'Egypte, c'est montrer qu'on n'a pas compris comment un
nom de divinité étrangère vient s'accoupler, dans n'importe quelle langue, aux élé-
ments ordinaires de l'onomastique cf. le nom d'Isidore. :
La sixième preuve est tirée d'Am.. 5, 2-5 s. L'auteur y revient avec prédilection
(pp. 169-172). Il n'hésite pas à remplacer le
mot ^["2 du v. 26 par "jin et à l'inter-
préter, avec Hartung, par « Ra d'On (Héliopolis) ». Il s'agit du dieu s.tleil des Égyp-
tiens! ce qui réduit notre auteur à donner à 2212 le sens d'astre en général. Voici
l'argumentation « Que l'expression 2313
: =
« Étoile » ne convienne pas pour « So-
"rec àdtpov être traduit simplement par « Astre ». et c'est en ce sens que nous-
mêmes nous appelons le soleil « astre du jour »; comparer encore Num., 24. 17.
où d'après le paralléHsrae 22"i2 s'emploie au Oguré pour « Prince » et « Roi », signi-
fication qui convient parfaitement à notre endroit! » Ce qui revient à dire que, pour
les besoins de la cause, on enlèvera à 2212 son sens ordinaire d'« étoile » pour lui
donner un sens qui lui permette de convenir au soleil, alors que tout le monde sait
que, dans la Bible, « les étoiles » (a''22"13) sont le terme employé pour désigner
précisément les astres autres que le soleil et la lune (2). Et pour ce qui est de l'inter-
prétation elle-même du texte, il n'est plus possible d'hésiter. Les astres dont il s'agit,
à savoir m2D et r''2, sont à ponctuer nîl2D et "(V^, qu'il faut identifier aux dieux
astraux Sakkut et Kaiwànu des Babyloniens (3). Tout est babylonien dans les vv.
sanglant de Moloch. Les réserves faites par M. Hehn, dans Onentalistlsche Littera-
tur-Zeitung, 1909, col. 535 ss., sont parfaitement justifiées. Pour le reste, on ne
contestera pas que l'auteur a déployé une grande érudition à faire l'histoire des sa-
crifices humains chez les peuples apparentés aux Israélites. Un chapitre est consa-
cré aux Babyloniens et aux Assyriens. A propos d'un texte bihngue. le P. Mader
conserve à la partie idéographique l'appellation surannée d'accadien. L'accadien
pour prouver la présence de sacriBces humains chez les peuples du Tiiire et de l'Eu-
phrate ne sont guère concluants (1. Les chapitres sur les Arabes, les Moabites, les
Ammonites, les Cananéens, les Phéniciens et les Carthaginois sont plus solidement
nourris de faits et de bonnes remarques et les discussions contre ceux qui ont voulu
assimiler lalivé Moloch sont bien conduites. Tout un chapitre est consacré à la
;i
n'est pas douteuse. Le passage d'Eze'h., 20. 2.5. 26 est interprété par le P. Mader,
comme si Dieu avait donné aux Lsraélites la loi de lui olTrir leurs premiers-nés (Ex-.,
22, 28). Les Israélites auraient mal compris. Cette opinion est réfutée par le
P. Condamin 2'. qui voit dans le passage en question lahvé tolérant ces sortes de
sacrilices, ou plutôt abandonnant les Israélites à leur aveuglement. Le même e.\é-
gète ajoute « Dans les pages 141-146, l'auteur le P. Mader) s'en prend à la cri-
:
fication raffinée », ses attaques portent seulement contre les partisans extrêmes du
système de "Wellhausen. Oh! ne perpétuoiis pas les malentendus en des questions si
graves. » On ne peut que s'associer à ces sages réflexions et regretter que des ca-
tholiques s'acharnent à mettre en opposition l'érudition et la critique, comme si
ques concernant les relations diplomatiques entre les deux peuples, alors qu'Israël a
acquis assez de cohésion et de force pour se poser en royaume indépendant ou rival
de l'empire du ]Nil. Après un chapitre consacré aux sources, M. Alt divise son étude
en trois parties l^e.-^onq et Salomon, les Assyriens et les Éthiopiens, iN'échao et Xa-
:
l'addition de la finale d aux noms de lieux et l'analyse de ces noms. Très intéressantes,
à ce dernier point de vue, les localités transcrites. Pa-'ameq la vallée de), Pa- =
haqlw (= le champ de Pa-nagebw (= le JSégeb. etc.. Il est regrettable que
, ,
M. Alt ne nous donne pas toutes les identifications possibles de cette liste. Ce travail
eût complété celui que nous a fourni M. W. M. Millier pour la liste de Thout-
mosis III {MDYG., 1907, V >"ous avons montré ailleurs l'utilité de ces énuméra-
.
Gamt {T^.y, Riobwti {'n^Z',. Ta'nqâ {-\l"'P). Sonemâ (2:^1^1, etc.. Pour la question
de Musri. l'auteur tient le juste milieu. Il reconnaît que ce nom désigne l'Egypte,
excepté dans quelques cas. par exemple I Reg.. 10. 28 s. et peut-être II Reg.. 7, 6)
•
où il s'agit du pays de Mu^ri que nous connaissons près de la Cilicie (2}. Ou s'étonne
que M. Alt donne encore le nom
de Kallima-Sin au roi de Babylonie contemporain
d'Aménopliis III. Cette lecture doit être déflnitivement abandonnée, car le véritable
nom est Kadasman-Horbe (3\ Le chapitre sur les Assyriens et les Éthiopiens utilise
donné de la maintenir. Jérémie s'élève contre ceux qui cherchent leur a'ppui dans la
vallée du. Lorsque Nabuchodonosor met le siège devant Jérusalem 586 nulle
>'il. .
intervention ne se fait pressentir d'au delà du torrent d'Egypte. Tous ces faits sont
fragments que l'auteur appelle J-, E-, D-. Le premier courant représente l'Exode du
pays de Gosen, la législation donnée sur l'Horeb et dans le pays deMoab; le second,
l'Exode de Ramsès et la législation au Sinaï. Il faut suivre pas à pas la théorie de
l'auteur pour voir où il veut en venir. Après avoir cru prouver que le pays de Gosen
n'est pas le pays de Ramsès, il se pose la question : « Y aurait-il eu deux exodes,
l'un de Ramsès, et l'autre de Gosen? »
Chicago à JNew-York, il n'a le choix qu'entre deux routes. Que si un voyageur fait
deux voyages sur l'une de ces lignes, par exemple celle de Pennsylvania, devons-nous
admettre nécessairement qu'il n'y a pas réellement deux voyages, mais un seul ? »
Voilà qui est charmant! Ajoutons que, lorsqu'il y aura un train de Port-Sa'id à Jaffa,
il n'y aura plus pour le touriste qu'une seule route pour son exode d'Egypte eu Pales-
tine.Mais pourquoi M. Toffteen s'est-il servi des différences entre les deux itinéraires
pour conclure à un double exode? Si l'on objecte que chaque législation est donnée
sur une montagne « Parmi les anciens, la montagne était souvent regardée comme
:
Dans une langue que nos lecteurs connaissent déjà (3., M. Wilhelm Caspari
donne le récit dramatique de la crise subie par le royaume Israélite à l'époque de
David (4). 11 est évident que l'auteur vise à l'effet et c'est pour cela qu'il a choisi
comme point principal de son étude la révolte d'Absalom {Absalomschen Aufstond].
Sa publication est le centre d'un triptyque \ô') dont l'un des côtés est formé par ses
études sur le narrateur biblique Abiathar (II Sam., 15-20) et l'autre par « l'arche
d'alliance sous David u paru dans les études théologiques dédiées à Zahn. Cette pein-
ture est vraiment vivante, à ce qu'en pense l'auteur, elle est figurenreich, ce qui veut
dire peut-être qu'il y a beaucoup de personnages engagés dans l'action. Afin de don-
ner à son œuvre la couleur du roman historique à la Stendhal ou à la AYalter Scott,
M. Caspari place en tête de chaque chapitre une pensée en exergue. Celle du premier
chapitre est empruntée à Hérodote, celle du second à la sixième sourate du Coran,
celle du troisième au code de Hammourabi, celle du cinquième au premier acte de
I et II Sam., I Reg.'^, de Job, des Psaumes et des Proverbes, des grands prophètes et
servent les traits des idéogrammes primitifs. La langue est le sumérien archaïque
dont les formes survivront dans la littérature juridique de ISinive et de Babylone.
Lorsque M. Allotte aura publié toute sa collection de ces documents, il en donnera
(1) LescLuch zum UiiterficlU im Allen Testament, von Dr. G. Rothstein. Halle a.d. S., 1!)0"J. Pe-
tit jn-8de 114 pp.
(2) RB., 1909. p. 3-2-2 s.
(3) Documents présarijoniques, par le colonel Allotte de l.v Flve, fascicule I, deuxième partie
30 planches ^de XXVI à LV,. Paris, Leroux, 1909.
BULLETIN. 313
Moins reculés dans la chronologie que les « documents présargoniques '>, les textes
leurs, que des inscriptions votives. L'ne excellente dissertation de M. Barton sur les
valeurs numériques attribuables aux chiffres archaïques permet de reconnaître les plus
anciens multiples du kir (3.600t. On a la série 36.000, 72.000. 108.000 etc.. Le mé-
rite de M. Barton a été de reconnaître que plusieurs signes pouvaient s'employer
inditléremment pour le nombre 210.000. Ce nombre 216.000. qui n'est autre que le
cube de 60, si on le multiplie lui-même par 60, nous donne le chiffre 12. 960. 000 qui
servait de base à la numération babylonienne et n'est autre — comme Hilprecht l'a
Tous les assyriologues savent que, depuis plus de quinze ans, M. Harper consacre
son activité scientifique à la publication des lettres assyriennes et babyloniennes de
la bibliothèque d'Asourbanipal aujourd'hui au British Muséum. Le neuvième volume
vient de paraître, édité avec le même luxe que les précédents i-l Le grand souci de
.
M. Harper est de rendre exactement les originaux, même si ceux-ci contiennent des
erreurs de graphie ou de style. Cette littérature epistolaire, échangée entre les parti-
culiers et les rois de rsiaive, fourmille de renseignements sur la façon dont les sujets
(-2) p. 10 ss.
(3) HiLPUECUT, Mathematical, metrological and chronological tablets. etc., p. ^) ss.
(4) Assyrian and babylonian letters belonging to the Kouyunjik collections of the Byitisk Mu-
séum, by Hubert Francis Harper, Pli. D., part IX. Tlie university of Chicago Press, Luzac an»l
0», London, 19J9.
314 REVUE BIBLIQUE.
Tammouz insistent surtout sur sa descente aux enfers. La résurrection du dieu est
probablement un thème ajouté postérieurement, comme l'avait fait observer le P. La-
grange. Quant aux fêtes de Tammouz, caractérisées par les lamentations des femmes
et dont l'écho s'est perpétué par les solennités d'Adonis à Byblos, elles sont déjà
connues des plus anciens textes. Un nom de mois, à l'époque des dynasties d'Akkad
et d'Our, est le « mois de la fête de Tammouz ».
Nous interprétons les deux derniers vers différemment de M. Zimmern qui avoue
lui-même que sa traduction est hypothétique. L'expression ajta kibsi ahî uzunsa tur-
rat ne peut signifier autre chose que « sou oreille est tournée vers le pas d'un autre >
Le sage insiste sur l'infidélité de la courtisane qui, même dans les bras de l'amant,
songe à un autre. Cette idée a été goûtée des anciens et, dans les tombes de Beit-
Djeb)in, l'inscription grecque relevée par MM. Peters et Thiersch (4) est un commen-
taire de notre texte. On y voit une femme abandonnant un instant son amant :
•/.xTazcijAa'. uleO' bfpou al aÉ-ja oiXoùaa, pour prêter l'oreille au bruit que fait un autre
(2) Der babylonisrhe Tamù.z von Heixuu.h Zimmebn, n» XX du XXVII'"'^ tome des dissertations
publiées par Société royale des sciences eu Saxe. ^-4" de 40 pp.; Leipzig. Teubner, 1909.
la
(3) Interprétation de beaucoup la meilleure du texte assyrien d'après la note 1 de la p. 3<i9.
(4) PETF.iis et Thiersch. Painled tombs in tlie Necropolis of Marissa, p. 59. Cf. aussi ^RoNEitTCt
WûNSCH. Das Lied von Marisa, dans Rlieiiiisclies Muséum fur Philologie, 1909, p. 433 ss.
BULLETIN. 3i:;
Les hymnes en l'honneur de Taramouz ont été étudiés de nouveau par M. St. Lang-
don dans ses Sumerian and babi/loniau psahns i Cet ouvraae est un véritable Cor- .
pus des hymnes bilingues ou simplement sumériens dont les textes étaient épars
dans diverses publi<";ition«.Les Sumerisch-l.'obi/lonische
IJ(//niien de Reisner et le quin-
zième volume des 'unelfonn texts du British Museion fournissent la majeure partie
des documents utilisés. L'auteur a groupé tous ces textes en séries liturgiques; il
transcrit et traduit chacune de ces séries. On peut dire que c'est un travail de pion-
nier, car, pour ce qui concerne en particulier les textes sumériens unilingues. peu
d'entre eux avaient été étudiés précédemment. L'introduction explique les divers
services de la liturgie babylonienne et montre bien comment on groupait les chants
sacrés d'après l'instrument de musique qui servait à les accompagner. Ce fait pour-
rait éclairer certains titres des psaumes hébraïques. Les neuf premiers morceaux
Ce sont encore des lamentations que groupe la seconde série le taureau vers son <
sanctuaire ». La ville de Nippour y est le centre du culte. Les deux séries suivantes
comprennent des supplications à une déesse qui, dans le premier groupe, est « la
déesse de l'enfantement / et. dans le second groupe. « celle dont la cité est détruite ».
On voit que la majorité des morceaux liturgiques est dominée par les motifs de la
plainte et des larmes. Toute la religion assyro-babyloniennea été imprégnée du sen-
timent de la douleur et c'est aux heures difficiles de l'individu ou de la cité que Ja
prière jaillissait des lèvres. On retirera cette impression de la lecture de l'ouvrage
de M. Langdon. On regrettera seulement qu'un certain nombre d'inconséquences se
soient glissées dans l'exécution typographique. Même la transcription usitée par l'au-
teur n"est pas partout d'accord avec elle-même. On dirait que les morceaux ont été
étudiés pour être édités à part les uns des autres et que le groupement en a été un
peu factice. >'ous aurions aimé que l'auteur travaillât, sans se presser, à la refonte de
tout l'ouvrage et lui enlevât ainsi le caractère un peu hâtif qui apparaît dans bien
des pages.
Non seulement les études historiques et religieuses, mais aussi les études juridiques
ont de quoi glaner dans l'immense littérature cunéiforme. C'est ce qu'a très bien com-
pris M. E. Cuq. Après une série d'intéressantes vues d'ensemble sur les pierres-li-
mites (koudourrousi de l'époque de la dynastie kassite à Babylone, il a abordé, dans
la Nouvelle Revue historique du Droit français et étranger 1909i, une étude détaillée
^
cherche dans la pratique courante du droit babylonien les applications de ces lois. Le
nombre énorme de documents que les fouilles ont ramenés au jour et dont une grande
partie a été traduite surtout en Allemagne, a permis à M. Cuq de reconnaître les
traits essentiels de cette praxit^ du vieux droit de Babylone. La note qu'il consacre à
indiquer sa bibliographie montre qu'il puise aux bonnes sources et qu'il a le plus
scrupuleux souci de l'exactitude et de l'ampleur des informations. Les principaux
sujets traités sont : l'héritage, l'adoption, le mariage, les servitudes et les titres de
propriété. Suit une magistrale étude sur les tribunaux, leur composition et leur fonc-
tionnement. « Ea règle générale la justice était rendue par des prêtres, quelquefois
par des prétresses... y avait aussi des juges civils. » Les prêtres jugent à la porte
Il
des temples. Dans certains cas, on invoque la loi de tel ou tel roi. Ainsi tel jugement
est rendu « conformément à la loi de Suumoulaïl », tel autre conformément à celle
de Rîm-Sin ou de Hammourabi. Il serait trop long d'indiquer même sommairement le
nombre de faits nouveaux que M. Cuq amasse dans ses notes si compétentes. Si l'his-
toire du droit en retire tant de profit, l'exégèse de la Bible pourrait bien, elle aussi,
V trouver ample matière à des aperçus nouveaux sur les lois contenues dans le Pen-
taleuque.
La belle collection publiée par la librairie Beauchesne sous le titre Études sur
l'histoire des religions s'est enrichie d'un volume sur l'Islam, dû à la plume du baron
Carra de Vaux(l). Les nombreux travaux déjà publiés par l'auteur sur la littérature
et les idéesmusulmanes le mettaient à même de donner, mieux que tout autre, «une
description de la religion musulmane orthodoxe, assez complète, sans minutie tou-
tefois, rédigée dans un esprit philosophique, accompagnée de quelques comparaisons
avec les autres religions et d'aperçus sur l'évolution de l'islam ». Ce dessein exprimé
dans l'avant-propos est pleinement réalisé. M. Carra de Vaux ne s'est pas borné, en
eflfet, à grouper sous des rubriques générales les enseignements religieux ou moraux
épars à travers les sourates du Coran. Ce travail matériel a été fait depuis longtemps.
Mais des comparaisons avec les autres religions, en particulier les religions juive et
(1) La doctr ine de l'Islam, {Kw le haron Ckv.wk de Vaux, in-Kide \s — 319 pp. Paris, Beauchesne,
1909.
BULLETIN. 317
fontaines ne sont plus charmantes. L'islam les multiplie, les orne de colonnettes,
de rinceaux et de paroles sculptées; leurs fenêtres par ou quelquefois est distribuée
l'eau, sont grillées et dorées; les toits plombés se courbent avec grâce et se prolon-
gent en auvents. » Minarets, cyprès, fontaines, ajoutons les coupoles, et nous avons
ces paysages tout musulmans qui charment l'oeil du voyageur sur les rives de la
Corne dOr aussi bien que dans le haram de Jérusalem. M. Carra de Vaux a été bien
inspiré en relevaut ainsi par des descriptions pittoresques l'exposé théologique de sou
livre; on lui sera reconnaissant de n'avoir pas dépouillé sa prose « de celte élégance
On peut écrire un livre sur La doctrine de l'Islam, il serait plus difficile d'en com-
poser un sur La doctrine du Bouddha, et M. de la Vallée Poussin intitule modeste-
ment Opinions sur l'histoire de la Dof/matiqiie le volume qu'il consacre au Boud-
les jugements que je crois pouvoir porter sur le Bouddhisme, tant le préhistorique
que l'historique. » Il ne faut pas croire que l'étude des théories religieuses du Boud-
dhisme soit sans intérêt pour l'exégèse biblique. On sait comment, dans certains
milieux soi-disant scientifiques, on a voulu « découvrir des phrases bouddhiques dans
saint Marc ou dans saint Jean ». M. de la Vallée Poussin a fait lui-même justice de
ces intolérables prétentions dans sa belle étude sur Le Bouddhisme et les Èvanrjiles
canoniques, parue dans cette Revue 2). 11 est étrange que M. Sylvain Lévi ait osé
écrire : « La morale bouddhique, propa>:ée ou insinuée par un apostolat anonyme,
pénètre jusqu'à l'Egypte et jusqu'aux régions méprisées où va surgir un enfant-dieu,
destiné à la conquête du monde 3 . « Phrase tendancieuse jusqu'à la naïveté et dont
on peut dire, avec M. de la "\'aliee Poussin : « Il y a de certaines non-impossibilités
qui ne séduisent que des esprits chimériques. » Un autre aspect des conceptions
bouddhiques plus intéressant au point de vue général, c'est que presque toutes les <
idées, presque toutes les aspirations dont la pensée et le cœur de l'homme sont sus-
ceptibles, leur ont été. on peut dire, familières -.
mais il n'est pas une seule de leurs
conceptions qu'ils n'aientpoussée jusqu'à l'absurde . Enfin, l'histoire du bouddhisme
offre des analogies avec l'histoire des églises chrétiennes, et des problèmes semblables
se posent des deux côtés. «Il y a là une très belle question d'histoire religieuse, bien
plus instructive que la controverse un peu niaise et anodine des emprunts des Évan-
giles canoniques ou apocryphes, ou que la comparaison forcéede lacharité chrétienne
et de la ma'itri ou bienveillance bouddhique. Apres avoir étudié, en les criti-
quant, les sources qui nous permettent de démêler l'enseignement bouddhique, l'au-
le Grand et
teur insiste sur les doctrines de Çaki/amuni. telles qu'on les connaît par
le du Bouddhisme. La métempsycose, la doc-
Petit Véhicule, écritures canoniques
trine de la rétribution, le nirvana et le chemin qui conduit à ce nirvana par la
suppression du désir, autant de points que M. de la Vallée Poussin développe avec la
plus parfaite clarté. Suivent alors les diverses métaphysiques du Bouddhisme, avec
leurs systèmes plus ou moins cohérents. On } voit comment des idées d'apparence
contradictoire se concilient dans des synthèses supérieures, n >"e renonçons pas au
(1) Bouddhisme, Opinions sur l'hisloire delà Dogmatique, leçons faites ii l'Institut catholique
de Paris en 1908, par L. de la Vallée Poissix, professeur à l'Lniversité de Gaud. In-16 de vu —
i-2f> pp. Paris, Beaucliesne, 1901».
Parallèlement à la collection des Études sur l'histoire des Religions que publie la
librairie Beauchesne, une autre collection intitulée Bibliothèque d'histoire des reli-
ijions paraît chez Lethielleux et se présente comme « bibliothèque de \-uIgarisation »
C'est une preuve de lintérèt qui, en France, s'attache aux questions religieuses étu-
diées dans leur développement historique. Le dernier volume paru est consacré par
M. Louis, professeur au grand séminaire de Meaux, à létude des Doctrines reli-
gieuses des philofiophes grecs (1). Dans la lettre préface. M. Cl. Piat déclare que l'ou-
vrage « se recommande, et par des qualités de premier ordre, à toutes les personnes
qu'intéresse la question religieuse. Et celles-là sont nombreuses, beaucoup plus nom-
breuses qu'on ne le croit généralement. La religion est le centre de la bataille d'i-
dées qui se poursuit avec tant d'ardeur dans notre civilisation ». Cette bataille d'i- <
dées » est toute l'histoire des doctrines religieuses en conflit avec le rationalisme
hellénique. Dès avant Socrate. la raison critique les traditions religieuses. Les ori-
gines du monde et de l'homme, cette énigme que pose ironiquement la philoso-
joli petit livre, présenté avec beaucoup de bonne grâce par M. le D"" P. Thomsen 3).
(3) Paldsti7ia und seine Kultur in fùnf Jalirtav.seaden : -2<)0« vol. de la bihliothèqne de vulga-
risation scientifique .li(s natvr v.nd Geisteswell. 108 pp. in-iO et3oiU.; Leipzig; Teubner; 11*09.
BULLETIN. 31!)
matériel archéologique en nature; du moins il n'a négligé aucun elTort pour s'assi-
miler une documentation immense. >i'ul ne s'étonnera que sa critique, judicieuse dans
l'ensemble, ait au dépourvu par des assertions plus enthousiastes que
été prise
sérieusement contrôlées Le public lui saura gré au contraire du soin qu'il a mis
.1 .
Études en Galilée (3} est un titre modeste sous lequel M. le D'" E. AN G. Mas- .
mentation fondée sur des textes rabbiniques impuissants contre les données archéo-
logiques fixant l'autel sur la Sakhrah. —
M. A. W. Crawley-Boevey, Opinions récentes
sur le site du Calcaire, se sent une conscience hésitante entre les groupes rivaux
d'hommes « éminents >> qui ont patronné des Calvaires excentriques à Jérusalem. Si
ce digne fonctionnaire connaît vraiment quelqu'un qui croie au Calvaire traditionnel
par exercice de foi, il a raison de le poursuivre de son humour; mais il se montre peu
au fait de son sujet en estimant si bien démontré que le Calvaire d'Hélène était dans
le second rempart ». Et comment n'a-t-il pas eu connaissance d'un savant anglais non
des Oliviers '\). iW. M. T. n'a pas su réagir contre i'évtiéinérisme exagéré qui fait du beau
brille-parfums de Ta'annalv (cf. Canaan, pi. IV et V) une vulgaire cliaufifereUe (p. T't), quitte à ac-
cueillir d'emblée toute la sacristie des divinités nabatéennes à Pétra.
(2) Ini Banne von drei Kôniginnen: alte und neue Bihler ans Palâstina.Aegypten und Tûrkei.
I, Palâstina. Petit in-8° de i7i pp. avec 1-2-2 excellentes figures et 3 plans. Benziger et C'=, dans
les deux Mondes; 1910.
(3) Studies in Galilée, ln-8' de xv-i:i4 pp., avec 31 illustr. Chicago; Iniversity Press; lOOî»,
320 REVUE BIBLIQUE.
moins éminent que tous ceux dont l'autorité l'impressionne, M. IMacalister, dont la
ferme et spirituelle critique a été si néfaste au Calvaire de Gordon à qui vont ses
sympathies? — M. le prof. R. A. St. Macalister, Extraits des co^irptes rendus de la
« Jerus. Lit emnj Society »; noter la communication sur une tombe à fresques des
environs de Sidon. —
M. E. J. Pilcher, Vécritnre à la main de la Tablette de Gézer,
explique par l'écriture directe au poinçon les formes originales du texte, attribué
« approximativement » au vi*^ s. (cf. RB., avr. 1909, p. 264 ss.); la lecture n'est d'ail-
leurs pas discutée à nouveau. Chemin faisant, M. P. abandonne avec à-propos son
ancienne hypothèse que le texte du tunnel de Siloé daterait d'Hérode. Rév. J. E. —
Hanauer et Rév. H. S. Cronin, Inscriptions grecques de Damas : fragment de dédi-
cace encastré dans l'enceinte du temple et épitaphe trouvée dans un faubourg :
(p. 62). M. le prof. preuve qu'il connaît son métier assez à fond
\YatziQger a fait la
pour n'avoir pas besoin de consulter Josuc et les Rois quand il classe des séries
archéologiques très amples et bien caractérisées. Quant aux difflcultés que M. le prof.
Cook trouveentrel'hiatus indiqué par les explorateurset l'histoire biblique, voire même
l'ensemble des trouvailles, y aura lieu de les discuter après la publication définitive
il
de MM. Sellin et Watzinger. MM. R. Nassar et E. Bisht, Tableau des moyennes men-
suelles des observations inétéorologiques à Tibériade en J007-S. Rév. J. Jamal, L" —
quantité de pluie à Jaffa, moyennes comparées sommairement pour six ans.
Puisque le nom propre laxspôw; est bien aUesté par ailleurs, pourquoi ne pas le lire dans
(1)
le texte 1, où la copie l'offre assez clairement? On lirait alors 'Est tûv ntçÀ Ilay.spow.Ta^ :
IspoTafAiôiv, ërou; (?)... le texte était manifestement plus long. Cf. Wadd.. n" 1879.
(2) In-8". iv-l38pp.. 1 esquisse de carte, 2 plans et 11 excellentes photograpliies. Berlin: Mittler
undSotm; 190!).
(3) Voir dans RD., 1909. pp. i'S-'4lil et pi., les inscr. de Djéracli auxquelles est faite une brève
allusion, p. -2i.
Le Gérant : J. Gabalda.
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UNE FEUILLE ARABOLATINE
DE L'ÉPITRE AUX GALATES
lettre m est remplacée par deux petits traits superposés, presque deux
points, non seulement à la fin mais encore à l'intérieur des mots n, ;
pour les contractions. Il semble qu'on doive voir dans egles (i, 2) un
exemple d'abréviation par suspension; en tout cas cette forme mérite
d'être signalée aux paléographes.
C'est le texte surtout qui doit retenir un moment notre attention.
On ne peut nier qu'il ne soit très intéressant, non assurément par sa
pureté, mais plutôt par ses bizarreries, et je ne me flatte pas de
résoudre tous les problèmes qu'il pose. Nous sommes habitués à voir
dans Toletanus (ï) et le Cavensis (C) les deux représentants les
le
texte avec les principaux manuscrits utilisés par Corssen dans son
édition de la lettre aux Galates (1). Ceux qui nous intéressent sont
les manuscrits de la première classe, c'est-à-dire V Amiatiniis (A), le
II
(1) Qu'il nie soit permis en publiant cette note d'adresser de très vifs remercieineuts au
P. Donatien de Bruyne, qui m'a gracieusement associé à l'étude de ce précieux fragment,
à iMs"^ Mercati et à M. I. Guidi qui m'ont aidé de leurs conseils, avec l'exquise bienveil-
lance que tous apprécient en eux.
(2) A propos de bilingues, on pourra noter les gloses arabes du Codex Toletaaxis (Ma-
drid . Université, n. 31} signalées par Philippe Berger dans son Histoire de la Vulgate.
r<aucy, 1893, p. 391, une, au moins, de ces notes contient la traduction d'un passage
324 REVUE BIBLIQUE.
de Lagarde (2) ont rapporté ces témoignages qui reposent tous sur
biblique, celle qui est écrite dans la marge au fol. 232^ de ce ms. fameux =
IV Esdras, v,
59-Yi. 6. M. Bruno Violet a publié ces quelques lignes dans sa récente publication, Die
Esra-Apokalijpse, erster Teil, die UeberUeferung, Leipzig, l'JlO. p. 443. M. Violet pour-
rait être plus affirmatif. p. xxxix, lorsqu'il soupçonne cette traduction d'avoir été faite sur
le latin, c'est chose infiniment probable. L'auteur était-il un chrétien mozarabe ou un mu-
sulman? 11 faudrait étudier toutes les notes marginales du ms. pour décider, mais la pre-
mière hypothèse n'est pas dépourvue de vraisemblances.
(1 De Evanrjeliix in arabicum e Simplici Syriuca t?-(inslatis commentatio, 1865, cité
d'aprèsDe Lagarde.
Die vier Evangelien arainsc/i ans der Wiener Ilandscluift herausgegeben von
2)
part. III, ch. II, que je cite d'après M. Simonet (5), modifie un peu le
renseignement consigné par l'évêque Rodrigue d'après elle Jean ; ,
(1) D. Roderici Ximenez... rerum in Hispania gestaruin libri IX, lib. IV, cap. ii.
(2) Hisloria de los Mozarabes de Espana... por D. Francisco Juvier Simonet, Ma-
drid, 1897-1903, p. 320, note 4.
(3) In islo medio, c'est-à-dire entre la première invasion arabe et celle des Almohades
qui eut lieu vers 1150. Le sens de celte expression, fixé par le contexte, montre combien
est peu fondée la chronologie des écrivains postérieurs qui regardent Jean de Séville comme
contemporain de Frédoaire et d'Urbain, cf. Simonet. op. laud., p. 321, note 1. D'ailleurs,
l'évêque Clément nommé aussitôt après Jean était encore sur le siège de Séville lorsque les
armées almohades envahirent l'Espagne, il est clair que Rodrigue n'avait aucunement l'in-
de Xérès, peut-on croire que les vaincus aient consenti à lire leur
Bible dans la langue abhorrée des vainqueurs? Persuadés par ce rai-
sonnement, ces deux excellents critiques ont sérieusement examiné
les textes et découvert, d'une part, que les listes épiscopales de Séville
ne mentionnaient à cette époque aucun pontife du nom de Jean, et,
d'autre part, que le texte de Rodrigue parlait d'explications de la
Bible, non de traductions. Ils en ont conclu que la version biblique
de Jean de Séville devait être reléguée dans le domaine de la fable;
posiciones de ellas, segun conviene a la Santa Escriptura, é asi las dcjo despues de su
niuerte para los que viniesen despues del.
(1) lo. Marianap-Hispani s. i. Historiae de rébus Bispaniae libriXX. lib. VII, cap. m,
membre du clergé de Tolède, cf. Simonel, op. laud., p. 231. Mommsen l'a réédité sous le
nom de Continuatio Isidoriana hispana.
(3; Chronica 7ninora saec. IV, V. VI, VII, t. II dans Monumenta Germaniae historica,
Iran n'ait traduit aucun des Livres Saints. Il faut bien avouer que
ces auteurs ne sont pas infaillibles, et dans la question même qui
nous occupe, ils se montrent peu au fait de la chronologie. Ayant
trouvé, chez le bon Rodrigue Ximenez, Jean de Séville cité après
Urbain et Frédoaire, ils ont fait de ces personnages de véritables con-
temporains; en cela, ils se trompaient, car l'anonyme de Tolède a
poursuivi sa chronique jusqu'en l'année 754 de notre ère et n a pas
rencontré le nom de Çayed almalran. Il faut admettre, comme l'a
fait, après Florez et plusieurs autres, M. Xavier Simonet (3), que Jean
Xerez soll eine durch religion und sitte von den Ubrigens nicht allzuzahlreichen ero-
bern getrennte bevollierung ihre cultus-oder gar muttersprache schoji so veit verges-
sen habe, dass sie passim die bibel nur in einer arabischen iibersetzung verstehen
lionnte : abgesehen davon das^ ein bischof des achten jahrhunderts schirerlich die
unlebendigen protestantischen aaschauungen iiber die bibel gehabt haben uird, welche
Mariann ihm unterschiebt. Bien qu'en ait pensé De Lagarde, on n'a pas attendu la
Réforme pour traduire la Sainte Écriture en un langage intelligible aux fidèles.
(1) Ein spaaisch-arabisckes Evangelienfragment, Zeitschrift der deutschen morgen-
1909, p. 17 sq.
Op. laud., p. 324 et note ô de la même page.
[3]-
Madrid, 1753, t. XI, p. 274 Eeu proh dolor! linguam siiam nesciunt Christiani, et lin-
:
guam propriam non advertunt latini, Ha ut ex omni Christi collegio vix inveniatur
unus in milleno hominum numéro, qui saliUatorias fratri possit rationabiliter diri-
gere literas.
328 REVUE BIBLIQUE.
ployés par Rodrigue Ximenez si, par les mots qui etiain sacras scrip-
;
qu'on n'aurait pas encore jugé bon d'y traduire. Et d'ailleurs, il est
rare que la tradition se trompe tout à fait : si elle a placé tarit de pré-
faces et d'arguments bibliques sous le nom deque saint Jérôme, c'est
le grand docteur était comiu pour avoir beaucoup écrit en ce genre;
ainsi pour Jean, serions-nous tenté de conclure. Nicolas Antonio
avait vu dans la Bibliothèque de l'Escurial un livre dont il écrit :
tice ainsi conçue (2) (ces évangiles) « ont été traduits par Isaac, fils de
:
(1) M. Simoaet, op. laud., p. 323, estime difficile c(*ie le livre ait été vu par Nicolas Anto-
nio et qu'il ne soit signalé ni par Casiri, ni auparavant par Alonso de Castille.
(2) 1. Guidi, Le traduzione degli Evangelii in arabo e in etiopico, Alti délia R. Acca-
Madrid d'une part, et d'autre part d'après celui de Munich 238, qui
contient, comme il a été dit plus haut, la notice sur Isaac de Cordoue :
o yhi JlïJ .
.^ JU3
XiL.,^ia>jj xj^^ Uj .vJl,^ (1
^ ju. .ju-V ^u ^. j
^^sr^l J.3 .^J3 U ii! ^1
(1) ^,Lj!
démodé (1).
(1) M. Guidi m'a fait remarquer le caractère très libre des plus anciennes versions bibli-
ques; c'est un fait constant qu'on a toujours cherché, dans les églises, à augmenter la litté-
ralité des traductions employées; la liberté de notre traduction plaide en faveur de son
antiquité.
330 REVLE BIBLIQUE.
(2) B. Morilz, Arabie Polaeography, Le Caire, 1905, pi. 46-î9 fcorans) et IT.'j-lSS. Le Co-
ran de la pi. 46 ressemble passablement à la feuille de Sigùenza. mais il n'est pas daté, et
les écritures coraniques sont toujours asisez différentes de celles des autres mss. de même
époque.
(3) Verzeichniss der arabischen Handschriften der kûniglichen Bibliothek zu Berlin
von W. Ahhiardt. t. X.
UNE FEUH.l.E ARABO-LATINE DE L'ÉPITRE AUX GALATES. 331
L ARGUMENT.
Les Galates sont les Grecs; ils avaient d'abord reçu la parole de vé-
rité de l'Apôtre; mais, après son départ de chez eux, les prophètes
mensongers s'agitèrent autour d'eux afin de les détourner à s'impo-
ser la Loi et la circoncision. L'Apôtre les lit revenir à la religion de
vérité et leur écrivit cette lettre de la ville d'Éphèse.
ma mère et qui m'a appelé par sa grâce afin que par moi fût révélé
son fils...
tèrent afin de les détourner... Les verbes passifs du latin sont tra-
duits par des formules actives. Les présents revocat, scribit sont ren-
dus par des parfaits.
1. 1. iLj' ^=
per hominem, la préposition .^^ répond plutôt à
ex ou ab. Jésus et le Père sont avec le mot apôtre dans le même rap-
port que les hoinmes, tandis que dans le latin ils sont en parallèle
avec un homme. — Dieit le Père à l'encontre du texte latin, mais avec
toutes les autres autorités.
2. add. toutes.
3. a conservé pâtre omis par lat. seul. La leçon complète pâtre =
nostro et domino., comme FR, l'inversion finale ?i05/ro et domiîio ayant
seule persisté dans lat.
suscito reputo
gratia providens
d r^
evangelium prenuntio
siibverto gens
Ir:.-
iustitia concludo Lt
*^ Kj^3 L^r=*
Ces ressemblances ne laissent guère de doute, ou bien le vocabu-
laire de Leyde est issu du même milieu que notre feuillet, ou plutôt
son auteur avait devant les veux la traduction du Nouveau Testament
dans le latin. La parole que saint Paul emprunte à la Genèse est ame-
née au moyen de .,'; malgré le discours indirect le traducteur a
gardé le pronom de la deuxième personne, en toi; il est même plus
personnel que lat. ayant pris le verbe actif : en toi je bénirai toutes
les nations.
1-2. ex fide est singulièrement rendu par ^-^ .^- de dessus la foi,
la Loi ne repose pas sur la foi. m illis est traduit par le singulier
féminin qui se rapporte grammaticalement à Loi.
13. 'mnx:^ -j^-' i^ est peut-être à corriger en .ïj^J' i:*), en suppri-
mant le suffixe, ou bien il faut faire un verbe dei^, les Juifs ont
maudit le Christ; si on litX;*.', l'arabe supporte maledictum d'accord
avec la généralité des mss. et G contre lat. et T. D'autre part, pependit
avec CTF*. ligno est traduit par croix.
15. ô assemblée de mes frères, cf. supra.
16. seminibus ejus avec lat. qui est isolé.
17. Traduction fantaisiste : nous ne la détruirons pas sans que la
promesse...
Le traducteur ne serre pas lat. d'assez près pour qu'on puisse
18.
dire s'il a lu repromisslonem ou seulement promissionem comme lat.
et T; il a employé le même mot qu au v. 17 pour proinissioîiem. Dail-
leurs la seconde fois CÂ' F^ ont comme T. et lat. la leçon promissio-
nem, il semble donc probable que l'auteur de la version arabe a vu
partout le moi p>'07Jïissio.
deux, on comprend mieux dès lors la réflexion '.pourtant Dieu est un.
21. La justice serait de l'acceptation de la Loi.
Gomme on l'a vu, le texte arabe du feuillet de Sigiienza n'est pas
(fol. 1) Argumentum
Galate sunt greci. hii uerJjum ueritatis
primum ab apostolo acceperunt sed post
discessiim eius temtati sunt a falsis apostolis
5 ut in lege et circumcisione uerterentur :
(1) On ne voit aucune liace du mol ad, mais il y a devant galaias un trou de ver, qui
a pu le faire disparaître.
_s.=
•
M • , . - ( t
5
Il J !• .1 .Ht ;vt t «ii L .,' " <t
»*-
^^^^->-' ...U'
„ . .. t t ;t ju ^ \.\\
•
(
^ ^
... .
^^ Iw^ ^
»—^ -
—' ' . ..
^"^ ^ ^L- " ^ \^ \.^ ^-^
— -^ • w ^ ^ ^ ... -y
(1) Ms. : Lo* corrigé dans la marge par .,Lo^!. — r) A lire J.^'.J.
342 REVUE BIBLIQUE.
Nous l'avons déjà observé, les lettres font absolument corps avec
le restede Fouvrage. Elles doivent donc entrer dans la perspective
générale du livre, elles doivent être dominées par le même point
de vue eschatologique Il sufiit d'ailleurs d'en prendre un aperçu,
.
qui doivent arriver ensuite » (i, 19), et c'est bien à ces trois aspects
des choses que semblent répondre les lettres, suivant qu'on les envisage
dans la suscription, le corps ou la conclusion. Mais, à y regarder
de près, l'on aperçoit clairement que les choses qui ont été vues sont
ordonnées aux choses qui sont et celles-ci aux choses qui doivent venir,
comme le symbole à la réalité et conmie la cause à l'effet. Elles sont
organisées, hiérarchisées de telle sorte que tout l'intérêt se porte vers
l'avenir et vers la iîn et que le point de vue est évidemment celui de
l'eschatologie. Aussi bien ne suffit-il pas de voir le Christ, qui parle
dans les lettres, apparaître avec tous les insignes du Souverain Juge,
se définir en fonction du Jugement et de la Résurrection et crier
aux Églises sur tous les tons :« A celui qui vaincra, je donnerai à
3) « Les anciens auteurs qui ont inventé la théorie des récapitulations ont au fond très
bien compris la marche du livre » (B. Allô, Bévue bibl., ocf. 1909, p. 536).
346 REVUE BIBLIQUE.
(1) Ramsav. op. cit., p. 200-207. L'auteur, (]ui a remarqué cette diversité d'arrangement,
fait à cette occasion une très juste rétlesion qui trouve son entière vériflcation dans l'ana-
lyse que nous faisons des lettres : Altuost every Ulle variation and tnrnin thèse letters.
is carefidhj studied : and probably it is through deliberate intention, that Ihey are divided
by this variation in two classes: but \\\r.\{ is the reason for tbe division and the principb^
involved in it, is hard to say... The variation apparently conweys no différence in force or
nieanlnii, but purely literary and lormal. » 11 avait dit précédemmenl • It inust reniain :
doubtful whetber there is any spécial intention in this, beyond a certain tendency in the
vvriter towards employing variety as a literary device. »
L'ANGE ET LE CHANDELIER DE LÉGLISE D'ÉPHÈSE. .Ti?
qui a le glaive aigu à deux tranchants. » Il est assez notoire que cette
« lame acérée qui sort de la bouche de Dieu » (i, 16) n'est en langage
biblique qu'une figure de la toute- puissance invincible de la parole
divine. Les deux tranchants du glaive sont, comme son extrême acuité,
une expression imagée et superlative de la souveraine efficacité de la
parole de Dieu. Cette efficacité est d'ailleurs à double effet, aussi ter-
rible aux méchants que bienfaisante aux bons. La parole de Dieu a une
efficacité meurtrière pour ceux qu'il veut perdre. A preuve, ce texte de
la Sag-esse qui semble bien avoir inspiré le texte parallèle de l'Apoca-
lypse : « Votre parole toute-puissante s'élance du haut du ciel... comme
un guerrier (ttsae'j.isty;;) impitoyable au milieu d'une terre vouée à
l'extermination, portant comme un glaive aigu votre irrévocable dé-
cret de mort » (Sagesse, xviii, 15, 16). Relisez à présentée texte de saint
Jean et dites-moi s'il ne parait pas calqué sur celui de la Sage^e :
entière (Gen. i ; Sag-. ix, 1, « c T.zir,axq -x r.xw-xk^ ''^^vo) aou »). De là sans
créer pour le service de l'homme c'est dansée sens qu'on peut parler
:
dans ceUe JeUre comme dans toutes les autres de la rétribution finale. Il s'agit, pour les cou-
L'ANGE ET LE CHANDELIER DE LEGLISE D'ÉPHÉSE. 349
de tidèles, les faibles qui se laissent séduire par cette femme impudique
et qui succombent à l'attrait des plaisirs charnels, les forts qui ré-
sistent et continuent à porter vaillamment le joug' de la chasteté et
de la mortification chrétienne.
Le raccord de la sanction dictée dans la lettre à l'Église de Thvatire
avec le titre de la lettre, se fait aisément par l'idée même de puis-
pour les chrétiens fidèles, de la vie bienheureuse figurée par la luanne. les pierres précieuses,
le nom nouveau. On dit, de cette manne, que ce sera une manne cachée et.de ce nom écrit
sur les pierres blanches, que ce sera « un nom inconnu de (ous », excepté de celui qui le
portera, pour marquer le caractère mystérieux, tout à
surnaturel et surhumain de cette
fait
manne et de ce nom,
c'est-à-dire de cette vie nouvelle figurée par ce nom nouveau, et de
cette vie bienheureuse, figurée par son délicieux aliment, de cet aliment qu'il faut "oûter.
de cette vie dont il faut jouir pour en soupçonner tout le prix.
(1) RB., avril 1908, p. '227 ss.
330 REVUE BIBLIQUE.
26 Or, et c'est là que nous voulions en venir, cette idée et cette réa-
.
les reins et les cœurs » ii. *23), celui dont tous les pas qu'il fait avec
ses pieds de feu marquent assez qu'il vient pour passer le monde par
le feu, c'est-à-dire, selon la symbolique biblique, pour le juger avec
la dernière rigueur Daniel, vu, 9: IT Pétri, m. 12: I Cor., m. 13àl5\
L'analyse et l'interprétation que nous donnons de cette lettre sont
singulièrement confirmées par les analogies étroites qu'on lui découvre,
dans les idées et presque dans les expressions, avec la description qui
est plus loin (xix, 19 ss. faite du Christ dans le suprême exercice de
sa puissance judiciaire. Je cite' : « Ton nom est le Verbe de Dieu »,
ses veux sont comme une flamme ardente ». Voilà le pendant du titre
(cf. Il, ISetxix, Il à 13 . Ce Verbe de Dieu, ce juste Juge exercera sur
les nations la puissance même de Dieu il les gouvernera avec un
: v.
(1) De part et d'autre les séducteurs sont jetés vivants et pour ainsi dire couchés sur
un lit de souffrances, de suprême souffrance, tandis que leurs disciples sont voués à la
mort
(2) De part et d'autre, on trouve un faux propliéle dont le crime est de séduire fîrÀavdcw) et
dont la punition est d'être jeté sur un lit de souffrance (e!; x),îvt)v), ici sur un
pâ).),w), là
étang de feu (el; Tr,v ).5[i.vr,v), et de voir ses disciples frappés de mort (àTtoxTîjvw'.
io) 11 y a peut-être aussi quelque rapprochement à établir entre ce passage de notre lettre
et le passage de l'Évangile où l'on trouve la même association d'idées que nous avons ici
entre la femme adultère et les séductions de la chair d'une part et de l'autre la sanction qui
consiste à être jeté dans la géhenne où le feu ne s'éteint pas (Mt. 5. 27-30; Me. 9, 42-46\
[\) BocssET, op. cit.
[h) L'idée de ce livre, qui est comme l'état civil et le registre des habitants de la cité cé-
leste, « est tirée du registre de l'état civil Je la nouvelle Jérusalem, à l'époque de la restaura-
tion. Elle se rencontre déjà dans Malachie, 3. 16 et dans Daniel, 12. 1 avec un sens eschatolo-
gique ». Calmes, op. 20, 12. 15; 23. 8 21. 27.
cit., p. 131. Cf. .\poc. ;
(6) 17, li. Les élus sont, par définition, ceux qui accompagnent le Christ.
332 REVUE BIBLIQUE.
je les glorifierai devant mon Père et devant mes anges (m, i-ô).
Cette gloire du ciel sera la juste récompense de ceux qui, sur terre,
n'auront pas « souillé leurs vêtements
» (ii, i), qui, avec une constante
également pour les dédommager des injures des Juifs, qui doivent
enfia reconnaître qu'ils en ont menti et que ce ne sont pas eux les
vrais Juifs, les loués, les bénis, les élus, les saints de Dieu en un
mot, mais bien ces pauvres et faibles chrétiens pour lesquels ils n'a-
vaient pas assez de mépris et de violences (9).
Au demeurant, n'est-ce pas ce qu'on doit attendre de Celui qui est
« le Saint et le véritable » 7). qu'il confonde finalement la soi-disant
sainteté des Juifs, et qu'il proclame et consacre la vraie sainteté de
ses fidèles, qu'il réponde à la fidélité de la foi par la solidité des ré-
dire aussi que ce programme n'est pas de tout point réalisé et que la
perspective de l'adresse ne se reflète pas avec toutes ses nuances dans
de la lettre ?
la suite et la fin
Les sanctions édictées dans la dernière lettre se synthétisent dans
l'idée de Vunion céleste avec Jésus. Cette union s'exprime sous la
double forme concrète d'un disciple admis à s'asseoir à côté dumaitre
dans son banquet et sur son trône (20-21). Cette enviable participa-
tion à la table et au trône du Christ est offerte en perspective à des
chrétiens qui ont particulièrement besoin d'être stimulés à l'amour et
à la recherche des biens spirituels (15-16), à des chrétiens dont les
jouissances et les honneurs procurés par les richesses terrestres sem-
blent avoir fait des satisfaits et des orgueilleux iXl], à des chrétiens
enfin que leur tiédeur et leur indigence vis-à-vis des biens spirituels,
qui sont les vrais biens, fait comparer à des aliments insipides (16)
ce que nous croyons pouvoir appeler les lois organiques des lettres
aux sept Églises, disons que les diverses sanctions auxquelles le Sei-
gneur fait appel à la fin de chaque lettre se donnent toujours la main
suivant les lois du parallélisme synonymique, cher au génie sémi-
tique, qu'elles se rattachent assez étroitement à la situation spéciale
où sont supposés les chrétiens de chaque Église, et qu'elles se réfè-
rent toujours à la définition du Christ qui figure en tête de l'écrit, de
1) D'après les deux exposés si concordants que nous venons de faire àts, principes et des
procédés de l'auteur des sept lettres, c'est toujours au point de rue eschatologique que se
trouvent conçues et que doivent être expliquées la conclusion aussi bien que l'introduction
de chaque lettre.
(2) FiLuo?i. la Sainte Bible commenice. VllI, 8U8. — Bolsset. op. (//.. p. 205 (cf. supra),
donner toute son adhésion, mais sans rien proposer
relate l'interprétation en faveur sans lui
non plus pour la remplacer. Sa perspicacité cependant et sa connaissance profonde de r.\po-
calvpse. l'inclinent, même à rencontre du sentiment commun, à supposer au texte une por-
tée directement et proprement eschatologique. C'est justement cette portée que nous nous
efforçons ici d'établir et de définir exactement.
;3) CuAMio.x, op. cit., p. 4il. SwETE, op. cit.. i>.
28.
356 REVUE BIBLIQUE.
des évêques d'Éphèse semble n'être éteinte que depuis le xi*" siècle et
la ville elle-même fut entièrement détruite en 1308 par les Turcs. Le
pauvre village d'Ayassalouk qui domine aujourd'hui les ruines de
l'antique cité est un éloquent témoignage du châtiment qui a enseveli
dans une même ruine l'Église et la ville d'Éphèse » (p. 28).
C'est là un flagrant délit de cette exégèse historique ^i de l'Apoca- >
(1) André: Nicolas de Lyre; Alcasvr, op. cit.. p. 175:« ad pacis ecclesiaslicse perfur-
là même où c'est Jean ou un ange qui parle pour lui (i, 2: xxii. 18-
(2) Calmes, «Je changerai ton chandelier de place. » Jacquier, op. cit.. p. 382 « Qu'il
p. 122. :
se repente, sinon il changera son chandelier de jilace. » Folard, Sainf Jean : « je changerai
Ion chandelier de place. » Par contre, notre Bihle française de Crampon traduit très exacte-
ment. On verra mieux un peu plus bas la portée de ces observations.
3) Nous croyons devoir citer seulement pour mémoire l'opinion d'un assez grand nombre
d'exégètes du moj-en âge.Haymon, Rupert. Richard de Saint-Victor, Denys le Chartreux qui
voyaient dans le chandelier d'or la dignité ou la fonction épiscopale et dans notre texte une
menace faite par le Christ à l'évêque d'Éphèse de lui ôter sa dignité : Cette interprétation
est subordonnée que nous avons rejetée. Au surplus, elle a
à la thèse des anges-évèques
le grave inconvénient de violenter le texte en donnant au mot chandelier un sens tout dif-
férent de celui qu'il a dans tout le contexte. C'est ce que remarque à bon droit le P. Alcasar :
<c Coactum est aliter accipere in prxsenti nonien candehibri quam in primo capite. Con-
tra hoc, illiid validum est argumentum, quod in his septem epistolis, semper ad vi-
sionem primi capitis habeatur resperlus. Prœsertim cum in liac epistola erpressa
inentio fiat septem candelabrorum primi capitis » {op. land., p. 174). Ces observations si
justes trouveront pleine satisfaction dans l'explication que nous donnerons. A l'ancienne opi-
3b8 REVUE BIBLIQUE.
Aussi bien n'est-ce pas du dehors, mais du dedans, qu'il faut aborder
le problème, en interrogeant curieusement le texte et le contexte,
en se mettant au point de vue de l'auteur, en lui arrachant le secret
de ses procédés littéraires et en n'accueillant les données historiques
ou littéraires venues du dehors qu'autant qu'elles se laissent har-
monieusement et exactement intégrer dans l'organisation interne de
ses idées ou de ses moyens d'expression, au lieu d'émerger comme
im bloc erratique à la surface de sa pensée.
« Je viens à toi. » Cette venue du Christ, c'est apparemment celle
dont il est question d'un bout à l'autre du livre, c'est-à-dire sa seconde
venue, celle qui sera suisse du jugement. Il en parle au présent,
nion que nous venons de criliquer, se rattache visiblement l'opinion nouvelle de M. Fouard,
qui. si elle échappe ou parait échapper à la seconde diûiculté, n'échappe pas à la première :
« Je t'enlèverai l'Église qui test confiée et je lui donnerai un autre pasteur )-. Folaru,
Saint Jean, p. 116.
(1) Ramsav, op. cit., p. 243-245.
(2) Op. cit., p. 245-246.
L'ANGE ET LE CHANDELIER DE L'ÉGLISE D'ÉPHÈSE. 3'i9
qui figure dans ce texte et fait relief, ne doit pas être escamoté dans
la traduction, sans quoi on s'expose à ne pas rendre la nuance de
l'original.Il ne faut donc pas lire, comme on est trop porté à le
faire, « jechangerai ton chandelier de place », mais bien a j'ôterai
ton chandelier de sa place ». Quelle est donc la place de ce chan-
delierpour que ce soit une telle punition de l'ôter de sa place? Per-
sonne ne peut mieux le savoir que l'auteur. Or, quelle place assigne-
t-il aux chandeliers d'or, à celui de l'Église d'Éphèse comme aux
autres? met avec
Il les les étoiles qui symbolisent les anges dans l'en-
tourage immédiat du Christ (i, 13; ii. 1). Il les met dans le Para-
dis devant le trône de Dieu (iv, 5). Il ne leur connaît pas d'autre
place que celle qu'ils occupent devant Dieu et devant le Christ, que
(1) Nous avons compulsé un grand nombre de commentaires anciens et modernes, et dans
aucun nous n'avons trouvé l'idée ni même le soupçon de cette interprétation. Celui qui nous
a paru s'en rapprocher davantage, en demeure encore bien loin. Nous voulons parler du
p.seitdo-Ambroise qui glose ainsi la parole du Seigneur qu'il croit adressée à l'évèque d'É-
phèse: « .Vovebo caitdelabrum tuum de locosuo. » Per locion ridetur mihi mercesijuœ illi
pro pastorali cura debebalur, désigna ri, ut sit sensiis : Xlsi pœnitentiam egeris...mer'
cedem,qux Ubi pro pastorali cura debebatur, subtraham » (Migne. XVII, col. 778. Cf.
B«'de, id.). Il y a là, sans doute, l'idée bien authentique de la rétribution finale que l'on
ne retrouve pas ailleurs. Mais c'est sous un tout autre aspect qu'on nous la présente et
c'est par une tout autre voie qu'on y arrive, puisque
au lieu d'y parvenir en s'altachant
exactement, comme nous venons de au sens naturel des textes, on la rencontre pour
faire,
ainsi dire par hasard en s'écartant visiblement de ce sens, et en introduisant dans un passage
360 REVUE BIBLIQL'E.
une vive lumière se projeter sur notre texte. Car enfin « jôterai ton
chandelier de sa place », qu'est-ce à dire, sinon « j'ôterai le chande-
lier qui te symbolise de la place qu'il occupe normalement auprès
de moi dans le Paradis de mon Dieu, je f enlèverai cette place qui
t'est destinée, que je te réservais auprès de moi dans le Paradis, à
côté des anges et des saints symbolisés par les autres chandeliers >>.
des lettres. L'analyse nous l'a déjà montré, la facture de ces lettres
tient tout entière dans ce qu'on peut appeler la règle de la distri-
bution des parties et la règle de leurs relations réciproques. Or la
lettre à l'Église d'Éphèse distribue si bien ses parties suivant la forme
Aoulue qu il de croire qu'elle les organise et les coor-
y a tout lieu
donne (le même et qu'elle ne s'écarte pas plus en ceci qu'en cela
du schéma normal des lettres. Suivant ce schéma, il y a parallélisme
entre les sanctions annoncées par le Seigneur et subordination de
ces sanctions au contenu et au titre de la lettre.
Or toutes ces relations organiques, qu'on est si bien fondé à sup-
poser dans cette lettre non moins que dans les autres, au lieu qu'on
où il est question Je l'Égli.-e et de son chandelier, l'idée tout à fait hétérogène de la charge
épiscopale et de la récompense qui lui est due. — U se trouve aussi que \e j)seudo-Ambroise
met l'accent, comme nous, sur le possessif de loco suo (^ xuo pour lui. mais en le référant
toujours à une idée adventice étrangère au texte, à l'idée de l'évèque et de sa récompense,
au lieu de le référer à l'idée même du chandelier d'or, .symbole de l'Église, dont il est ques-
tion dans le texte et qui commande tout ce texte. N'avions-nous pas raison de juger plus
apparente que réelle, l'on voudrait pouvoir dire encore mieux avec les scolastiques, plus
matérielle que formelle, la relation et la ressemblance des deux interprétations"?
LANGE ET LE CHANDELIER DE L'EGLISE DEPHÉSE. 361
dans le Paradis de Dieu » (ii. 7; xxii, 2, li, 19' (1 ici parle .chan- >'
delier d'or qui a aussi s^yv/ftc^" dans le Paradis » \ii. ô I. 13; II. 1 IV, 5'i.
: :
les anges et les saints. De part et d'autre, nous avons une vision de
œuvres des Nicolaïtes, œuvres que moi aussi je hais... Mais j'ai contre
toi que tu t"es relâché de ton premier amour. Souviens-toi donc
d'où tu es tombé et reviens à tes premières œuvres. » Aux yeux du
C.hrist, les vertus de combat ne sauraient dispenser des œuvres de
charité (1). Aussi bien, à celte EgHse qui participe àsa haine » du mal <(
« Soyez en communion les uns avec les autres, si vous voulez être en
communion avec moi. Soyez unis à vos frères sur la terre, si vous
voulez leur être unis dans le ciel. » il .Tohan. i, 1). « Sans cela, j'ôterai
votre chandelier de sa place », je vous exclurai de la glorieuse société
que forment autour de moi les luenheureux habitants des cieux,
symbolisés par les étoiles et les chandeliers d'or et « je ne vous don-
nerai pas à mang-er de Varhre de vie qui est dans le Paradis de mon
Dieu et dans la cité des élus » n. 7; xxii. 2, 19). Et comment en
pourrait-il être autrement, comment ceux qui violent le grand pré-
cepte de l'amour fraternel pourraient-ils avoir part à la société du
(1) Tout cela est aux antipodes du tableau imaginaire que trace de l'Église et de l'Évêque
d'Éphèseun historien d'ordinaire mieux inspiré, M. Foiard, op. cit., p. 125 ss. « Mais c'est
:
l";phèse surtout, qui déchirait le ca»ur de l'A])ôtre. A la différence des autres pasteurs dont
le nom reste inconnu, nous savons qui gouvernait alors cette métropole de l'Asie. C'était
Timothée! Timothée, l'ami de saint Paul. On se rappelle quelles craintes avait données au
grand Apôtre le caractère de ce disciple... Il redoutait que la douceur, qui était le fond de
son naturel, ne dégénérât en méiUKiementx coupables, parfois même ne lui enlevât la
vigueur de main... nécessaire à l'cpiscopat. « Bieu ne notis a pas donné l'esprit de
crainte, mais le courage w, lui écrivait-il (II Tim. 1, 7; 4, 2). Qu'advint-il de ces tendres
instances, lapolre disparu? A quel point Timolhée suivit-il son humeur débonnaire? Le
témoignage de l'Apucahjpse ne permet pas de douter qu'il n'ait glissé, et trop loin et
trop bas. Il y eut là « un relichement de la première ferveur, une chute » Apoc. 2, 4), d'au-
tant plus dangereuse, que. la persécution se rallumant, il importait que tous, les chefs de
l'Église en tête, se tinssent debout, prêts au combat, à la mort. En de telles rencontres,
Jean valait l'apôtre des Gentils, car il avait été et il se retrouvait au péril, « Fils du Ton-
nerre ». Timothée... le sentit, quand, de Patmos, l'éclair jaillit, secouant sa torpeur. Le ré-
veil fut tel qu'on devait l'attendre... l'évêque protesta avec une telle vigueur... »
En vérité, ce serait à se demander si l'auteur de ce récit a lu avec attention la lettre à
l'Église d'Éphése. si l'on ne savait quelle iniluence peut avoir un préjugé sur la lecture des
textes.
L'ANGE ET LE CHANDELIER DE LÉGLISE D'ÉPHÈSE. 363
comme doivent le savoir les tlisciples de Jean, que « celui qui hait
son frère est dans les ténèbres » ^I Joh. ii, 11) et que « celui qui
n'aime pas demeure dans la mort et ne saurait avoir la vie éternelle »
(I Joh. III, 14, 15). S'ils veulent demeurer dans le Christ et prendre
place à ses cotés dans la gloire et la vie de son Paradis, ils doivent
marcher comme il a marché lui-même I Joli, ii, » 6) et comme ils
le voient marcher parmi les siens l'ii, 1), dans la lumière et dans la
vie, c'est-à-dire dans l'amour. Car « celui qui aime son frère de-
meure dans la lumière » (I Joh. ii, 10) et nous « savons que nous
sommes passés de la mort à la vie, quand nous aimons nos frères »
(I Joh. m, li).
(1; Apoc. 15. 6. Dans le lirre d'Hénoch, « les sept anges » sont appelés les sept « hommes
blancs )-. 87-89; 90. 21-22.
L'ANGE ET LE CHANDELIER DE L'ÉGLISE DÉPHÈSE. 363
et de ses anges que « leur jilace ne se trouva ^in^daiis le ciel» (xii, 8).
Or nous voyons, par le rapprochement de plusieurs autres passages
de l'Apocalypse, que c'est là une expression exactement synonyme
de la précédente. On dit en effet des montagnes et des îles englou-
ties dans l'abime par un tremblement de terre, qu' « elles ont été
ôtées de leur place » (vi, iï) et on dit ensuite dans le même sens
qu'elles ont fui et qu'elles ne se trouvent plus (xxi, 20), comme on
306 REVUE BIBLIQUE.
dit de la terre et du ciel que Dieu fait disparaître devant lui qu' ils ((
Augustin Fabre.
(1) Apoc. 21. 2, -i : < Et je tIs descendre du ciel la ville sainte... Et j'entendis une voix
forte qui disait : Voici le tabernacle de Dieu avec les hommes... le pseudo-Ht- » D'autre part,
>'0(:h, dans une section de son livre, ciiap. 23. 24. 25. qui ofl're de bien curieux rapports
avec la première des sept lettres de saint Jean, parle du c trône du Seigneur, sur lequel
siégera le Saint et le grand Seigneur de gloire, le Roi éternel, lorsqu'il descendra visiter la
terre... lorsqu'il donnera aux justes l'arbre de vie plante dans le lieu saint, prés de la de-
Salmanasar (2). Ce roi, qui ne régna que cinq ans (727-733 avant
Jésus-Christ), devait être le dernier de la fameuse dynastie de Ni-
nib-apil-êkur quatrième ancêtre de Téglath-phalasar P') qui,
(le
(1) Plus exactement Salmanasar V. cf. RB., 1910, p. 187. n. 7. Qu'il fût le fils de son
prédécesseur, c'est ce que prouve le traité entre Asaraddon et Baal de Tyr : cf. Winckler,
Allorientalische Forschungen. II, p. 14 ss.
(2) Certains manuscrits de Josèphe Ant. JucL, IX, 277, éd. Niese = IX, 14, 1) ont
laXjiavaffapri; et laXajAavaaapr,; qui, à part le ; final, au lieu du ô doux, représentent assez
bienle nom assyrien. Le texte adopté par Niese possède Ia/,[j.avaa<rapr,; dans Ant. Jud., XI,
19 (= XI, 2, 1) et 85 (= XI, 4, 3). La citation de Ménandre dans Josèphe, Ant. Jud., IX,
284 (= IX, 14, 2) porte lE/.asxa/a;.
(3) Cf. ScKNVBEL, Die Généalogie der Assyrerkônige von 1400-722 v. Clir., dans OLZ.,
1909, col. 527 ss.
(4) Le mois d'Éloul UUilu en assyrien.
se dit
(5) Table synthétique de cesnoms dans Dklitzscu. Die babglonische Chronili, p. 36.
(6) Sur ce poids, sûrement de Salmanasar IV, cf. 'WEissB.iCH, dans ZDMC, 1907, p. 401,
n° 61.
LfciS PAYS BIBLIQUES ET L'ASSYRIE. 369
n'est autre que Salmanasar. Ce roi avait, dans une première cam-
pagne, pacifié toute la Phénicie. Il s'agit, sans aucun doute, du sé-
jour de Salmanasar en Phénicie durant le règne de Téglath-phala-
sar III (ii. Il semble vraisemblable d'admettre que l'insurrection de
ment cunéiforme qui nous donne une brève notice sur le règne de
Salmanasar IV, ne fait pas d'allusion à ces faits. Mais nous savons,
par le récit biblique de II Reg., xvii, 3, que Salmanasar fit une ex-
pédition en Palestine et reçut les hommages du roi d'Israël, Osée.
Cette expédition (qu'il faut soigneusement distinguer de celle où
sombra Samarie") était la suite naturelle d'une campagne en Phéni-
cie. Après avoir soumis Tyr révoltée et perçu le tribut des villes de
minaison serait tout à fait anormale. Comme on peut lire tout aussi
bien Sabarain, il y a toute vraisemblance pour que cette ville re-
présente la C"*^ï:d biblique 5), identique à -'";-:^ d'Eiec/i., xlvii,
16. D'après le récit de II Reg., xvii-xviii, le siège de Samarie a duré
trois ans et a une première campagne de Salmanasar.
succédé à
Celui-ci n'ayant régné que cinq ans, tout son règne se serait passé
à guerroyer contre les Israélites. Et pourtant, il portait sur la tête
la couronne de Babylone et de Ninive, dont l'empire immense était
sans cesse inquiété par les populations insoumises des frontières.
N'y aurait-il pas moyen de concilier les données bibliques avec
l'affirmation des textes de Sargon et avec les exigences de l'his-
toire?
Le récit de II Reg.. xvii, 3 ss. est ainsi conçu : « Contre lui (Osée)
monta Salmanasar, roi d'Assyrie, et Osée devint son vassal et lui
rendit le tribut. un com-
Puis le roi d'Assyrie découvrit chez Osée
plot, à savoir qu'il avait envoyé des messagers au roi d'Egypte, Sô,
et cpi'il ne payait plus le tribut annuel au roi d'Assyrie. Alors le
roi d'Assyrie l'enferma et l'enchaina en prison. Puis le roi d'Assyrie
parcourut tout le pays et vint contre Samarie qu'il assiégea durant
trois ans. L'an neuf d'Osée, le roi d'Assyrie prit Samarie, etc.. •>
Dans II Reg., xviii, 9 ss., on lit k L'an quatre du roi Ézéchias, à sa-
:
voir l'an sept d'Osée, fils d'Èlà, roi d'Israël, Sabnanasar, roi d'As-
;i) Les diverses hypothèses, dans Vit;OLKoi.x, La Bible et les découvertes modernes
,5" éd.), IV, p. 143 dans Maspero, Histoire ancienne..., III. p. 212 ss.
ss. ;
pas les Syriens (comme porte le texte actuel), mais i)ien les Édomites
("N au lieu de mx) ont fait rentrer la ville édomite d'Élath sous
leur joug. Par confusion du i avec le ~, les mots mN* "S^z « roi d'É-
dom " sont devenus "ix ~^*2 « roi d'Aram ». Comme le roi d'Aram,
très connu à cette époque, était ^''ï'?, le dernier copiste ne s'est pas
retenu de placer ^'ïl devant les mots D"i»x "jS^z. C'estexactement ce
qui s'est passé pour l'introduction de "'Dxi'zSw* devant '^iwx ""^'2 de
II Reg., XVIII, 9.
(1) Dans le texte K. 1349. Sargon déclare que SaJmanasar fut puni pour
son impiété
(WiNCRLER, Altorientalische Forschungen, I, p. 404 s.).
(2) WiNCKLER, Die KeilsclihfUejle Sargons, p. xiii, n. 1.
(6) Nous citons ces inscriptions daprès l'édition de Winckleu, Die Keilschriftlej'te
Sargons. Cf. aussi L\on, Keilschriftlexte Sargon''s dans AssyriologiscJie Bihliothek
(vol. V).
mère les pays où on les déporte. C'est d'abord rrn qui correspond
au Halahha, Halahlii, Halahi, connu par les textes cunéiformes <o\.
Cette région étant située non loin de Ilarran ^6 les Israélites s'y ,
(2) Inscript, de la salle XIV, 1. 15; inscript, du pavé des portes, iv, 31 s.
3) Ce qui reste du te\;te des Annales l. 16 s. dit nettement que Sargon installe de
nouveaux habitants à Samarie.
^i] RB., 1910, pp. 192 et 197.
5) Forme Ha-lah-ha dans les textes cités par Wiuckler Altorientalisc/ie Forschungen
1, 292), Ha-lah-hi dans les lettres de l'époque des Sargonides Hakpek, Assyr. and babiil.
letters, n" 421, recto, 7: n" 480, recto, 7i, lla-la-hi dans le fragment publié par Scbeil,
OLZ., 1904, col. 217.
6 WiNCKLER, loc. laud. On remarquera que Harran est en rapport avec Gôzan dans II Ren
19, 12.
7i Sur ce fleuve et ses différents noms, cf. notre conférence sur Lex origines babylo-
niennes Conférences de Saint-Etienne, 1909-1910 p. 13 ss. .
s; Geograph., V, 18, 3. 4.
y Aux textes signales dans Delitzsc». \Vo lag das Paradies, p. 184 s., ajouter la
mention fréquente d'une ville de Gu-za-na dans les lettres de l'époque des Sargonides cf.
ToFFTEEN, Researchex in ass. and hab. geograplty, I, p. 45 .
,11; Les Septante ont lu « dans les montagnes », "-n* au lieu de •'l"'!.
374 REVUE BIBLIQUE.
maille à partir avec ces Mèdes (1). En lïï, il avait emmené captifs
60.500 personnes des pays conquis Une nouvelle campagne, en
(i).
une idole de leur dieu qu'on appelle ri:2 niic (6). La vocalisation
massorétique a considéré ce mot comme signifiant « les tentes des
tilles » et peut-être y a-t-elle vu une allusion aux prostitutions sacrées
(5) Sur les noms de Babylone et la localisation exacte, cf. Les origines babijloniennes
Conférences de Saint-Ktienne. 1909-1910 p. 44 ss, ,
V, 26, un dieu astral nz'D est mentionné en Israël et que ce dieu cor-
respond au babylonien Sak-kut, nom de l'une des planètes (1), on n'hé-
sitera pas à ponctuer n^rc pour le premier élément du nom divin.
Cette planète Sakkut devait, à cette époque, être vouée au dieu des
Bal)yloniens, Mardouk. Plus tard, elle fut la planète du dieu Nin-il).
La compagne de Mardouk était Sarpanit que les étymologies popu-
laires analysaient en Zér-bdnît « qui crée la semence (2) ». C'est la se-
conde partie du nom, bnnît, qui se dissimule sous r*i:2 qu'on devrait
ponctuer n*:2 d'après 6a'.v3i0£i et 'iwhv. des Septante. L'élément zêr
a été —
comme nous le verrons —
transporté au v. 31 lire 1" nz:) et
c'est ici qu'il faut le restituer. Nous lirons donc n"':3l7. Ainsi nous
culte de Nergal, le dieu des enfers, celui même dont les Kouthéens
font une image à Samarie (II Reg., xvii, 30). Le nom de D'iii^ « Kou-
théens » de\'int plus tard un terme de mépris pour désigner les Sama-
ritains.
Les autres colons vinrent de la Syrie du Nord, en particulier de la
ville de Hamath (aujourd'hui Harna) qui était soumise aux Assyriens
à l'époque de Téglath-phalasar III i^3i, de ~rj dont l'identification est
inconnue, finalement de n''"'^?c, qui est la même que ^'^1D mise en
relation avec Hamath dans Ezech., xlvii, 16. Cette dernière, dont la
désinence est araméenne, n'est autre, sans doute, que la Sabara'in
mentionnée dans la « Chronique Babylonienne » à l'époque de Sal-
manasar IV (4). On comprend comment Sargon transporta au loin les
habitants d'un pays que venait de réduire son prédécesseur. Ce furent
les premiers colons de Samarie et on ne doit pas confondre leur ville
avec les Sippar babyloniennes qui auraient été mentionnées après Ba-
bylone et Koutha. Les dieux de Sépharwaïm sont i""2''"}< et "S^:;*. Le
culte rendu à ces dieux enfants passés par le feu explique la pré-
sence de l'élément Milk == Molocht dans ces deux noms (5;. L'élé-
ment TîN a fait penser à un dieu babylonien Adar qu'on n'a jamais
trouvé dans les textes. En fait, si Ton suppose que l'auteur a utilisé
une source babylonienne, on comprend qu'il ait rendu par ~"x (d'où
mx) le nom du dieu syrien par excellence, Adad (1). Quant à "j", c'est
simplement le masculin de n:" qui apparaît comme déesse phéni-
cienne dans une inscription de Chypre (2) et comme divinité cana-
néenne dans le nom de ville n:y n'in (3). Les gens de Hamath fabri-
quent une idole du nom de N)21w\s qu'on n'a pas réussi à identifier.
Or, la déesse Asèrâ, commune aux Sémites de l'ouest, est rendue par
NiTx dans la stèle de Teima (V). Le changement du ^2 en i nous per-
mettrait d'obtenir la même forme dans notre texte. On s'est heurté
également au nom du dieu de Awwn qui apparaît sous la forme ,
"niJ ou inz:. Les Septante ont -:y;v FA'kxIzo, dans lequel le v initial est
tombé, à la suite de -:r,v- Cette orthographe permet de lire l'nz:
comme nom complet de la divinité en question. Mais la finale T», trans-
portée au V. 30, permet d'obtenir le nom si intéressant de niz^l". Si,
par ailleurs, on retourne niz en ]i~, on obtient le nom du dieu élamite
Htiban (^var. Humban) qui s'accouple parfaitement à pmn dont la dé-
sinence taq est tout à fait élamite. Les gens de twj seraient donc des
Élamites, ce qui n'est pas pour nous étonner, puisque Sargon eut
souvent maille à partir avecle roi d Élam, lloumbanigas.
(1) Le ri de tth ne se rend pas en babylonien ni en assyrien. Jensen a déjà proposé Adad»
malik (cf. Zimmern, KAT.^, p. 408, n. 1).
(2) CIS., I, 95; cf. Lag RANGE, KRS., p. 482.
(3) Rapprocher de '^Nn''2 et ;i'^2w' T\*1.
Sur ces installations araméennes dans le pays de Kaldu (Chaldée cf. Streck, dans
(4) ,
Klio, VI, 2, p. 214 ss. La ville de Bit-Iakin s'idenlifie avec Ayiv.; d'Arrien (Indica, 42), à
l'embouchure du Tigre dans l'une des lagunes qui prolongeaient jadis le golfe Persique à
l'intérieur de la et qu'on appelait le nâru marratu « Fleuve salé ». Cf. l'article
Chaldée
Afjinis d'ANDREvs. dans l'encyclopédie de P\l'lv-"Wisso\v\. Nous verrons plus loin les chocs
terribles qui mirent aux prises Sargon et les nomades du golfe Persique.
5j Cf. I{B.. 1910, p. 192. Les Tu-^-mu-na-a-a sont mentionnés avant Mérodach-baladan II
(écrit Pi-si-ri , est roi du pays des Hittites [Eat-ti . L'infortuné est
jeté dans les fers, avec toute sa famille. Ses trésors sont pillés, et la
(1) Sur ces populations et leurs princes respectifs, cf. Strkck. ZA.. \\\ 1899 ]>. 103 ss.-. ,
sur les éTénements, Maspeko, Histoire ancienne..., III, p. 237 ss. Nous n'insistons pas
puisqu'il ne s'agit pas de pays bibliques.
(2^ Les yioT/o: -/.ai T.ôapr.vo-. d'Hérodote III, 94 : Vil, 78 . Sur ces peuples et leur relation
ayec "^r et 'mU**!, Delitzsch, Wo lag dus Parudies. p. 250 s.
5 Son nom Da-ai-uk-ka ^sinon sa personne pourrait Lien être le inèine que celui de De-
jocès, le grand-père de Cyaxare, au dire d'Hérodote. Nous sommes sur les confias de la M^-
die. Cf. Streck, ZA., XIV ,1899,, p. 147 ss.
380 REVUE BIBLIQUE.
comme boulevard contre les Mèdes. C'est dans ces régions qu'on dé-
porta un certain nombre des d'abord dans la région
Israélites installés
aramôenne de Harran 1 Sur la fin de la septième
1.année (715 av.
J.-C. Sargon eut de nouveau à
,
apaiser des troubles sur la frontière
occidentale. Les Ciliciens qui, depuis Téglath-phalasar III (2),
payaient le tribut, sont inquiétés par Midas de Mus/ai (3). Les villes,
(7) Rapprocher l'arabe J-O-^, forme parallèle à J-jI^. Halévy [Rev. des études
juives, 1884, p. 12, analyse par Ibdd IJed « serviteurs de Dad ».
(9) Delitzsch, Wo lag das Paradies, p. 304. Cf. Sprencer, Die alte Cxeographie Ara-
iiens, p. 205.
(10) MoRDTMANN el MiJLLER, Sab/iisclie Denkmaler, p. 108.
(11) RB., 1910, p. 196.
LES PAYS BIBLIQUES ET L'ASSYRIE. 381
Me-iid-du (3). C'était un Hittite si nous en jugeons par son nom Tar-lni-
na-zi l'i). Sargon lui-même l'avait installé sur le trône, en remplace-
à la lisière des pays syriens pour faire venir les pierres et les métaux
précieux des montagnes qui bordent la côte amorrhéenne, principa-
lement du Ba-'-il-sa-pu-iia "£j:~"">2 comme au temps de Téglatb- ,
siné par son fils, au nom hittite lui aussi, Mut-tal-lu 10 Sargon profita .
7i Annales, 1. 196 ss. Cf. RB.. 1910, p. 191. VAm-7na-na [ibid.] est \c\ Am-mu-un \. 202 .
meiits assyriens, un
de cette expédition 1). Les textes se
triple récit
complètent et s'éclairent l'un par l'autre.
Nous suivrons celui des Fastes qui parait le plus détaille « Azour
{A-zu-?'î) roi de la ville d'Asdoud {As-du-di) avait imaginé de ne
plus apporter le tribut et dépêché aux rois de ses environs des choses
haineuses contre FAssyrie, A cause du mal qu'il avait commis, je lui
retirai le pouvoir sur les gens de son pays et je mis à leur tête sou
frère propre, Ahimète [A-hi-mi-ti). Mais les gens du Hattou [Ha-
at-té)^ qui avaient de mauvais desseins, prirent sa domination en
haine et se donnèrent comme chef un certain la-ma-ni (var. la-at-
na), qui n'était pas destiné au trône, mais qui, comme eux, ne
connaissait pas la crainte du pouvoir. Dans la rage de mon cœur, je
ne pris pas le temps de rassembler le gros de mes troupes ni de pré-
parer mon campement je partis pour Asdoud [As-du-di avec mes
: j
(1) Annales, 1. 215 ss.; Inscript. des Fastes, I. 90 ss. ; Inscript. S. 2022 etc., 1. 1 ss.
(4; Le second élément mili (= riS, ass. mutu) se retrouve comme premier élément du
])onheur, le passage relatif à notre épisode est assez bien conservé (1).
L'intention de lamani est de former une ligue colossale, sur les der-
rières de laquelle se trouvera le Pharaon. L'autonomie de chaque
petit royaume sera la récompense de l'effort collectif. Sargon sourit
de cette prétention de se tourner « du côté de Phara<)n, roi d'Egypte,
un prince incapable de les sauver ». C'est ce cjuavait compris à mer-
veille le prophète Isaïe, et il n'a pas assez de tous ses anathèmes
contre ceux qui « descendent chercher du secours dans la terre
d'Egypte ». Il sait (chap. xx) que l'Assyrien est le plus fort et il met
en garde ses compatriotes contre l'illusion qui va perdre Asdoud.
D'après le texte biblique, de beaucoup le plus vraisemblable, ce n'est
pas Sargon lui-même marcha contre les rebelles, mais Tartan,
(]ui
lamani qui, les fers aux mains et aux pieds, fut emmené en Assyrie.
Toutes les anciennes satrapies des Philistins étaient maintenant la
proie du vainqueur. Du haut Euphrate à la frontière d'Egypte, et jus-
qu'en Arabie, les nations sont sujettes ou vassales du grand roi. Sa
puissance estcomme « les eaux du Fleuve larges et puissantes » (4) :
(1 Dans S. 2022 etc.. Cf. Winckler. Die Keihdtrift texte Sargons, I. p. 18e3 ss.
2 BB., 1910. p. 198.
3 >'ous avons vu que Sib'u était tnrtâau du Phar.aon.
4 Is.. 8, 7 ss. trad. Condamin .
384 REVUE BIBLIQUE.
Arime (1) de la mer orientale (golfe Persique) sont bien des Ara-
méens (2). Ils se partagent en tribus qu'on appelle « maisons » (bîtdti),
dont le nom Iakhm se retrouve chez les Hébreux sous la forme ]'^z'.
Les lagunes qui prolongeaient au nord le golfe Persique étaient l'ha-
bitat de cette tribu, si bien que les cheikhs pouvaient s'intituler pom-
peusement du pays de la Mer
« roi » (4). La capitale était Blt-Iakin
dont nous avons parlé plus haut. Une forteresse, du nom de Dih-Ia-
kin, permettait au monarque de se retrancher contre les attaques des
Babyloniens et des Assyriens (5). Nous avons vu comment à la mort —
de Salmauasar IV —
Le roi iMérodach-baladan II avait réussi, grâce à
l'appui de l'Élamite Humbanigai, à sortir « du pays de la Mer » et à
venir s'installer sur le trône de Babylone. Qu'il n'appartint pas à la
lignée des rois babyloniens, c'est ce que dit formellement le passage
des Annales de Sargon où Mérodach-baladan II est appelé « fils de la-
kin, roi du pays de Kaldou, qui est situé dans les retraites de la mer
orientale » (6). Outre son allié, le roi d'Élam, il avait avec lui ces
tribus d'Araméens qui peuplaient le pays de Kaldou. Nous y retrouAons
Nahor (Gen., 22. Il Il est probable que les tribus araméennes avaient adopté le nom
.
(4; Sur ce « pays de la Mer ». cf. Les origines babyloniennes (Conférences de Saint-
Etienne, 1909-1910;. p. 26. n. 3.
(5) Pour BU-Ialiin et Dùr-Iakin, cf. Delitzsch, Wo larj dos Paradies, p. 202.
les Sutû, fils des nomades qui avaient inquiété les débuts de l'Assyrie,
s'étaientrendus redoutables aux Gananéeus à l'époque d'El-Amarna,
et dont une partie venait d'être déportée (en 713} dans la Syrie
du nord il). Avec eux figurent les Puqudii (lips de la Bible), la plus
célèbre des tribus araniéennes, sise à la frontière élamito-babylo-
nionno (2), le long- du tleuve Uknù (le Choas])e des classiques, la
AVrAa actuelle). En
Wù'a qui donnèrent probablement leur
outre, les
nom au pays de Rua sur la frontière de la Médie occidentale (3), et les
Il indai'u on Flindiru (\a,\\^ le nom dosijuels nous verrions \olonticrs l'an-
vainqueur et dévaste la contrée, les huit cheikhs (7j des Garnbulu l'ont
leur soumission. Ils portent des noms bien araméons, comme IJa-za-
ilii (8) ('"^Sfn), IJa-a)n-da-7it( (]T2r\) e\ Za-f)i-du ("27, i-27). l-ne nou-
velle province est fondée, à laquelle sont annexées les diverses tribus
araniéennes. Le nom de Dâr-abihar est changé en celui de Dâr-NabiJt
« forteresse de Nébo ». Six territoires et quatre villes fortes, apparte-
nant à la tril)u des Garnbulu, sont incorporés au pays assyrien. Les
ilù'a, les li'indaru, les ïalbuiu, les Puqudu, ces auxiliaires de Méro-
dach-baladan II, se fortifient le long de la Kerha. Sargon les bloque,
par le moyen d'une digue et de deux forteresses. Leurs cheikhs se ren-
dent et sont placés sous la juridiction du gouverneur du Gambuli.
Puis le vain([ueur envahit les territoires baignés par la Kerha, met à
feu et à sang toutes les villes occupées par les bandes araméennes. Il
remonte jusqu'à la frontière élamite, force les garnisons qui s'y éche-
(5) Peut-êtro pour CamOnru (= "lisi), cuinnie on a Oa/julàle pour l'iin^. Cl'. MB.,
ItilO. \>. 190.
(f>j Lire ainsi au lieu de afljar (le signe al a la valeur idéograpliique abi). Le fondateur
lie la ville est encore un Ararnéen, Ahihar nn''2N). '-'* lerture AOiljfir pour Atliar est de
llommel (cf. Streck, Keilinschr. /ieilrinje. \>. 18. n. 5).
(7) Leur titre est nasik[ùte] qui correspond au "^02 de l'hébreu.
(8) Cf. l'ancien roi de Damas, SnT". IJa-(i"-ilu i/?//., 1910. p. 70 ss.).
(2) Borsippa, ville soeur de Babylone, occupait l'emplacement de Birs Nimrùd. Elle avait
pour dieu Nabou, le fils de Mardouk, dieu de Babylone.
(3) RB.. 1910, p. 199.
qui régnait toujours sur le pays de Musku (1). Mille de ses preux
sont razziés et déportés jusqu'à la frontière d'Élam, où se trouvait
installé Sargon. On ravage tout le pays et on en détruit les forte-
resses. Le roi de Musku comprend qu'il ne peut lutter contre son
adversaire et il envoie ses messagers pour offrir le tribut. Le nom
de Sargon se répand à travers l'Asie Mineure et dépasse les côtes de
la Syrie. L'ile de Chypre elle-même, l'ancienne Alasia des lettres
d'El-Amarna i2 . éprouve le besoin de se concilier les faveurs du po-
tentat. A l'époque qui nous occupe, elle porte le nom de Tatnana ou
laiiina, qui pourrait bien représenter le plus ancien vocable pour
rionie (laicnu) 3). Ainsi les Grecs auraient eu une instaUation à
Chypre. Sept l'île envoient leur tribut. Sargon spécifie qu'on
rois de
ne mettait pas moins de sept jours pour aller de la cote jusqu'à
Chypre. Dans l'une de ses inscriptions i . il déclare qu'il a pris.
apprirent ce que j'avais fait dans les pays du Kaldou du Hattou. ils
et
l'entendirent au loin, au milieu de la mer : leur cœur se déchira,
l'etiroi les atteignit; ils apportèrent en ma présence, dans Babylone.
de l'or, de l'argent, des meubles en bois à'usù et d' urkarinu. trésors
de leur pays, et ils baisèrent mes pieds. Alors je fis faire une stèle
sur laquelle j'écrivis les hauts faits des grands dieux, mes seigneurs,
j'y fis dessiner ma royale image pour ma vie et je Térigeai en leur
présence. J'y fis écrire [le nom des peuples] que, de l'Orient à l'Occi-
dent, grâce à la protection des dieux Asour, Nabou et Mardouk, mes
dieux protecteurs, j'avais soumis au joug de ma domination (1). »
Chaldée du sud et rendit aux localités du « pays de la Mer les dieux >
musée de Berlin, I, p. 65 ss. Les ligures qui y sont sculptées sont reproduites dans le Beihefl
de ce premier fascicule.
(1) Stèle du Musée de Berlin, dans Vorderaa. Schrifldrnlnniiler. I. p. 70, 1. 28 ss.
(WmcKLER, Die h'eiUchrif(texte Sarijons, 1, p. 180 ss.). Restitutions d'après les textes
parallèles et les expressions stéréotypées.
(2) Cf. su p.
(3) Streck, ZA., XV (1900J, p. 381.
LES PAYS BIBLIQl ES ET L'ASSYRIE. 389
,1) Sur les conàtruclior.s de Sargon dans cette ville, cf. rélu<lc dtHaillée de MASPtr.o,
Histoire ancienne..., Ili, p. 260 ss.
(2) Comparer le texte du canon des éponynies, C* iDelitzsch, Die babylonische Cliro-
nik, p. 39; "^ i>"ckler, Textluch, p. 78) avec le texte K. 4730 de V»incki.ek, AUorienla-
lische Forschunrjen, I. p. 411 ss.
'3) Traduction du P. Condamin. Il va sans dire que rancienne complainte sur la mort de
{A suivre.)
Fr. P. DuoRME.
.^ér^^^
« C'est pour toi que je suis venu ici, et tu veux me faire mourir de
bénie d)! » Cette fois la monture s'enleva rapidement dans les airs
Rasàideh, sans compter les Abou Neseir, ont laissé les marques indu-
bitables de leur dévotion. J'y ai vu tous les différents objets que la
piété bédouine dépose auprès des wélys célèbres, en témoignage
de respect et comme preuve des visites faites. Ces dons sont fort mo-
destes, et ici l'intention du donateur doit seule être prise en consi-
dération. On y aperçoit, dans un amoncellement sans ordre des cou- :
teaux, des bracelets de verre, des fers à cheval, un mors, des cornes
de gazelle, plusieurs chapelets musulmans, un grand nombre de
perles, beaucoup de morceaux de chitrons. des tas de petites pierres
(1) D'après une aulre (radilion, ccst Abou Neseir lui-même qui aurait conduit la pierre
jusque l'endroit où elle git aujourd hui. On peut voir dans ces deux récils la compétition
des deux clans à la primauté ou à la priorité.
(2) J'ai entendu également prononcer Dabhû, et Dabkal. La racine dabhaL en arabe, si-
gnifie « réunir les troupeaux )^. f.a pierre Dabkân est mentionnée dans le Surieij of west.
Palest., III, p. 388.
(3) Wély ou wéliyeh, la confusion est complète dans 1 esprit des Bédouins. Une tradition
très forte le considérerait plutôt comme wély. puisque à un quart d'heure de marche vers
l'ouest elle a conservé le sûg sur lequel l'amie du wchj, sdhibafi. faisait son pain. Un
jour le wély se fâcha contre son amie et, dans sa colère, la maudit. Aussitôt son sàg qui
était de fer se changea en une dalle de pierre creuse.
MELANGES. 303
Thuile brûlée dans des lampes d'argile. Ces indices dénotent la fré-
quence des visites pieuses au liafjar dahkân. Le bédouin, en effet,
éprouve en maintes circonstances la nécessité de recourir à la pro-
tection de ce wély. Dans le cas d'une indisposition ou d'une ma-
ladie, ou simplement loisque les hasards d'une marche errante à
travers les collines l'amènent en ces parag-es, l'habitant du désert
un pour les hommes et l'autre pour les femmes. Les nomades dépo-
sent dans ces caveaux les défunts de la famille du cheikh, « les morts
illustres ». Le cadavre est enveloppé dans le kafan blanc avant d'être
descendu dans cette chambre sépulcrale. On ne le recouvre pas de
terre, mais on l'abandonne à la décomposition lente dans ce caveau
dont l'unique porte, à l'est, est fermée avec soin (2). Au bout de
quatre à cinq ans. le caveau peut être de nouveau ouvert, si l'on
qui est destiné aux femmes, non sans avoir auparavant lavé le
cadavre avec de l'eau chaude et du savon sur les dalles de pierre
disposées en avant du wély. » Tout auprès se trouvent d'autres
tombes. On me montre, un peu à droite, celle de Sâlem Soleimân
qui a été tué l'année dernière dans un champ de blé près de Màdabâ.
Ses parents, campés auMuttala', n'ont pas craint de faire deux jours
de marche pour aller chercher le cadavre et le rapporter sur un
(1) La vénération pour Hagar Dabkân est attestée par les petits rtigum, ou tas de
pierres élevés à quelques centaines de mètres à l'ouest, par les bergers et les bédouins de
passage.
(2) On aperçoit sur la photographie les pierres amoncelées devant celte porte, à côté
d'un personnage assis.
MÉLANGES. 395
autour du tombeau. Les enfants qu'on doit circoncire, montés sur des
juments ou portés par leurs parents, forment le centre de cette
marche solennelle qui se déroule lentement au son du tambourin,
parmi les acclamations joyeuses de la foule; les femmes, s'avançant
en groupes isolés, font entendre leurs cris stridents que répètent les
échos des vallées voisines. Lorsque cette procession a fait trois fois
le tour du tombeau du cheikh Gannàm, les enfants sont amenés der-
la construction; elle est étendue sur une pierre plate ou sur le sol, la
tête dirigée vers La Mecque. Le propriétaire lui coupe le cou et dit en
s'adressant au wély : « Aie pour légitime ton sacrifice; Allah est
Jérusalem, s'arrêta auprès du tombeau, déposa son faix sur une pierre
pour adresser une prière au wély. Elle prit ensuite entre ses mains un
morceau d'étofl'e neuve et la fit glisser lentement sur le cénotaphe.
« Que signifie cette action? » lui demandai-je. Elle me répondit :
« Avec cette étoffe, je veux confectionner un habit pour mon fils mais ;
Le cheikh Gannàm garde avec un soin jaloux les objets qui lui sont
confiés : pour l'eau, jarres. Malheur au témé-
tentes, piquets, outres
raire qui oserait étendre la main pour s'emparer de ce dépôt! Par la
vertu du wély irrité contre lui, il serait aussitôt frappé de cécité. Les
animaux eux-mêmes ne violent pas impunément ce sanctuaire! Ln
Arabe nommé Meidàn me rapporta qu'un chacal pénétra dans le mazâr
et saisit avec les dents TétoÔe qui recouvre le cénotaphe ;
il fut aussi-
tôt frappé de mort. « Le fait est certain, ajouta Meidàn; c'est moi-
même qui ai trouvé l'animal étendu tout raide auprès du tombeau et
qui l'ai enlevé par respect pour le wély. «
Surla photographie, on remarque quelques pierres dressées auprès
du tombeau; parmi elles, se trouve, en face de la porte, un chapiteau
apporté du kh. Guhdum. Ces pierres paraissent former une enceinte
autour du mazâr. Une enceinte analogue est visible près de la pierre
Dabkàn, devant l'endroit de la roche plus spécialement honoré. Serait-
ce une sorte de limite sacrée destinée à déterminer la partie du ter-
rain qui est directement sous la protection du wély? Cette interpré-
tation parait assez probable, bien que dans l'esprit des nomades il
ne semble pas nécessaire que le sol. pour être sacré, soit immédiate-
ment que tu nous montres est le résultat d'une erreur. Les Arabes l'ont
élevé aune époque où le véritable tombeau de Ze'eitar était en ruines,
alors qu'ils avaient perdu le souvenir de l'endroit précis de sa sépul-
ture. Mais le saint apparut une nuit à un bédouin et lui dit : Le lieu
de mon repos, le voici ; et il lui indiqua la place où se dresse le tom-
beau actuel, qui, d'après cette révélation, a été restauré avec soin; le
premier a été laissé comme témoignage de la bonne volonté des Ara-
bes, » Cette bistoire montre le prix attaché par ces bédouins à la con-
naissance de l'emplacement exact du tombeau elle manifeste aussi ;
II
une racine 222: qui se retrouve dans l'arabe J^.^ (Gesenius). Avec
1,1première hypothèse, l'on traduit, Cen est /ai/, exclamation passa-
blement inutile en pareil contexte et bizarre dans son laconisme tout
à fait exceptionnel. Avec la seconde, on rattache le mot en litige
au vers, précédent, et, en supposant un développement analogue des
significations dans les deux verbes 221* et CD^Z (>?'-:• couler, fondre, se
fondre de peur), on parvient enfin à un sens satisfaisant /e[s gens :
(2) CeUe solution de M. R. aurait vraiment pour elle quelques charmes, si l'on devait,
400 REVUE BIBLIQUE.
Dans son Commentaire sur Les pciits prophètes (p. 438), van Hoo-
nacker estime que l'énigmatique 2À*n voiJe moins la personnalité
d'une reine ninivite que celle de la grande déesse Istar, et il rappelle
fort à propos que Zib était un nom qui se donnait à son étoile, la pla-
nète Vénus du soir (cf. Jensen, Die Kosmologie der Babylonier, p. 101,
118, 133). Identifiant le nom de l'astre avec celui de la divinité (cf.
Amos, V, 26], Nahum pouvait donc dire : Zib (la déesse) est mise à de-
couvert (? dépouillée de ses ornements) et produite au grand jour
(hors de son sanctuaire). Le texte d'Amos auquel on nous renvoie
n'est pas absolument en ordre, mais du moins la série d'équations
qu'on nous propose (planète := divinité représentation de la divi- ^
nité) s'y entend d'elle-même Kiwan, de soi nom de planète, désigne
:
le poste du palais (Sept. a étr drcoavrrt) et est emmené par les vain-
:
queurs. Le mot hébraïque original pouvait être dès lors iSfa (I Sam.
xiii, 23; XIV, 1, 4, G, 15), 2i'72 (Is. xxix, 3), nzsra (I Sam. xiv, 12), ou
^'ï: Sam. xin, 3; II Sam. viu,
(I 0, \\\ 1 Chron. \i, 16; xviii, 13).
avec van Hoonacker enlendre des princes de JNinivc le inol D'^T'IN d*' <"'t^ verset. On
pourrait concevoir une certaine correspondance entre les princes, la princesse (? les prin-
(1) TirôoTaci; dans ce sens, I Sam. xiii, 23; xiv, 4 (2Ï/2, dans les deux endroits). Miles,
dans notre texte, peut s'entendre au sens collectif, les troupes (Rapprocher 2y itiiles de
l'assyr. M^y sa bu. soldat .
.MEL.\NGES. 401
(1) Cf. J\sTKow, Die Ueligion Babyloniens und Assyriens, I, 136 — Dhorme. Religion
ass. 'babylonienne 102.
(2 R\wL.. V, 10.
REVIE BIBLIQUE 1910. — N. S., T. VII. 26
402 REVUE BIBLIQUE.
ndqu, se lamenter, hurler (d'où tanùqâtu) (*2). Ily aurait lieu d'avouer
cependant que le verbe in:, pourchasser, si fréquent en hébreu, pré-
senterait ici le est. du reste, affirmé
sens le plus satisfaisant. Ce sens
par le grec aî nettement encore par l'ara-
$:jXai xj-r^z t-yovtc. et plus
méen, "j^^TNl pn-^ s.-rn'zxv Vraiment jusqu'à plus ample informé,
l'hébreu in;, soupirer, pourrait bien retourner dans les limbes. Eu
même temps que Bêlit, "par derrière elle (Targ.), les vainqueurs en-
traînent toute sa suite, ses servantes, prêtresses ou hiérodules du
temple de Ninive : celles qui avaient honoré au temps de sa gloire
Istar
participeront maintenant à sa détresse. Peuvent-elles faire autre chose
que pleurer et gémir? Avec le latin (minabantur gementes ut colum-
bae, murmurantes...) et l'araméen [y.^.^ Spi "i*2n:*2\ rétablir ici le
participe ni;n, soupirant (3). Toute cette théorie de femmes qu'acca-
blent ensemble la souffrance, les humiliations, l'anxiété, se lamentent
doucement comme des colombes l'image est non seulement biblique,
:
terme dans TM. s'explique tout naturellement par la croyance à une dittograpbie dans la
scriplio continua fnli" miHj'Z).
(4,1 Cf. BiLLr.RBECK-JEREMiAà. Beitr. :. Assyr., III, 103.
MÉL\NGES. 403
Ansers.
Léon Grv
On avait surtout la surprise d'une évocation, cette fois à peu près inié-
arale, de cité cananéo-israélite fameuse. Grâce à l'énergique effort de
deux mois et demi, avec une moyenne de 2.30 ouvriers, l'histoire de
Jéricho, brillamment esquissée par les campagnes antérieures, acqué-
rait désormais un relief saisissant.
Le dernier compte rendu provisoire (1 a été écrit en collaboration
1
ligne à peu près exacte à travers l'inviolable jardin ont été fournies
par la percée d'un canal d'irrigation etpar des sondages à l'orient
du bassin moderne (fia. 1, \i et xii): mais en avançant vers le sud
(1) Vorluu/ige Xac/irichlen iiher die Ausgrnbung in Jéricho im Friilijahr 1909. In-8
de 36 pp. avec 15 fig. el 2 plans. N" 41 fies Mittcil. cler Deiil. Orient-Ces.-, décembre 1909.
L'em|)iiinf d'un plan scliématiquo (i^. 1| el la publication de quelques photographies ont
été autorisés très obligeanimenl par M. le prof. Sellin, à qui j'en exprime mes meilleuns
remerciements. Cf. sur premiers travaux liB., 1909, pp. 270 ss.
les
aux relevés archéologiques dans le chantier allemand à Babylone, était secondé en outre par
M. l'ingénieur 0. Schultze.
Fig. i. - Reproduction autorisée par M. le professeur sellin. A et B, croquis personnels.
406 REVUE BIBLIQUE.
{•/) Cf. RB., 1909, p. 273 s.. d'après MDOG.. n" 39, p. 22 ss.
I'°,.j0 au maximutn, pouvait être considérée coinine autre ( hose qu'un parapet couvrant la
base du second rempart.
(1) M. ISôldeke signale des blocs d'argile qui ont jusqu'à 0"',54 de long sur une épaisseur
de 0" ,09-0", 10. M. Langenegger avait relevé l'an dernier dans une section de mur très ar-
chaïquedes carreaux encore beaucoup plusconsidérables de 0"',7O;<0"',40 avec des épaisseurs
(le U"',10-0"',iy {MDOC, 39. p. 26j. Ce vieux mur (lig. 1. aw') était demeuré lui-même énig-
niatique. Les travaux de cette année ont établi que c'est un débris de rempart primitif épais
de .5'°;60 et orienté un peu autrement que le rempart du xv'^ s. (MDOG.. 41, p. 12).
408 REVUE BIBLIQUE.
Pas une porte sur tout le circuit déblayé; il est donc vraisemblable,
ainsi que linipliquent les commodités de la défense et les indices
fournis par la toposTaphie et par les ruines, que l'entrée unique dans
la place forte était vers l'angle sud-est.
Deux tranchées transversales, à la pointe sud du tertre %. 1, xiii-
Pliot Sarignac.
Fig. 3. — L'angle N.-O. du lemiiart intérieur, vu de rE. : cf. Dg. 1.
avec césure nette entre ces deux derniers; il faut ajouter maintenant
étage indigène et peut-être en reculer l'origine aux temps néolithi-
ques. Une des plus importantes constatations de la nouvelle campa-
gne est rimportance considérable des vestiges de culture antérieure
aux Cananéens à la base de la colline. Un forage vers le centre du
plateau, entre la coUine de la source et celle du nord-ouest (fig. 1, g),
ville (2], par exemple, reportent vers 1500 avant notre ère la
de Troie
période florissante de la civilisation cananéenne à Jéricho, on accor-
dera volontiers sans doute à M. le prof. Sellin que le tertre a dû
être habité dès le début du m% sinon dès le iv" millénaire.
A cet élément nouveau et considérable dans l'histoire du Tell es-
Soulfân s'ajoutent d'autres informations précieuses, en particulier sur
le développement du Tell, sur l'aire assez différente des villes qui
s'y succédèrent, sur la physionomie que dut offrir chacune de ces
(1) Voir MDOG., 41, \>. 10 et lig. 4. qui met sous les yeux deux de ces pierres, en par-
ticulier celle à cupules. Un bloc moins régulier et plus épais, couclié en travers au premier
plan dans la photographie, montre une série de minuscules cavités parfaitement naturelles.
Souhaitons qu'elles ne donnent le change à aucun collectionneur trop empressé d'autels pri-
quelque milliaire romain
milifs, qui la mettra cote à côte avec l'autel néolithique découvert sur
ou sur un linteau de porlo byzantin tel cet encombrant linteau de Marmila, vénéré ré-
:
graphique et M. W., renvoyant cette année (MDO(J., 41, p. 25) à son étude antérieure,
classe bien cette même céramique à la période de « la ville VI de Troie », soit l.'iOO-lOOO
av. J.-C. Les séries gézérites fourniront aussi des comparaisons utiles, aboutissant à un'"
chronologie identique.
410 REVUE BIBLIQUE.
voisine, quoi qu'il en puisse être pour le quart d'heure des influences
artistiques prépondérantes en chaque milieu. Le nouveau palais de
Sendjirli a du être érigé dans la première moitié du vu" siècle av.
.l.-C, mais sur le plan syrien traditionnel, à peine modifié encore, du
Hillani ainsi que les Assyriens, depuis Sargon, désignaient ces palais
occidentaux dont la disposition et le caractère les avaient assez frap-
CHRONIQUE. 411
pés pour qu'ils les imitent chez eux. C'est donc le plan cl un palais
usuel en Syrie aux viii-ix' siècles que M. Watzinger rapproche si juste-
ment du palais de Jéricho. Palais est à coup sûr une expression bien
ambitieuse appliquée aux lamentables vestiges qu'on vient de voir;
elle s'offre pourtant avec spontanéité pour discerner ce groupe archi-
tectural important 18™ — X
25 en chiffres ronds des constructions —
sans apparence qui Fenvironnent. Or c'est précisément à cette même
date générale du ix" siècle que des indices archéolog-iques attentive-
l-ig. 4. — Le quartier Israélite de la source, vu «le l'O. : cf. lig. i et pi. I. au centre.
(1) / Rois, 16, 34. On sait que la barbare pratique des sacrifices humains dans les fondalions
412 REVUE BIBLIQUE.
survécut 1res lard en Canaan (cf. Ccntaan..., p. 199, s.; RB.. 1908, p. 119). M. le prof.
H. Thiersch continue, il est vrai, à tenir rigueur à l'authenticité des exemples qui en ont été
produits (cf. Die neuer. Ausf/r. in Pal.: Arcli. Anzeiger, 1909, III. coi. 359 s., à propos de
Gazer); mais les cas choisis pour motiver son opposition ne sont pas les plus clairs. Il cite
en particulier ceux indiqués dans RB., 1908. p. 581 — d'après divers QS. — , insistant pour y
voir des attestations de cannibalisme cananéen et de dépècement rituel (
[j.a(7-/a),'.<T[jLÔ;), iden-
tique, par exemple, à ce que pratiquent certaines tribus sauvages. On ne saisi! pas l'analogie.
S'il y a eu repas sacré anthropophagique, pourquoi les convives prétendus sont-ils couchés
dans la même tombe que le débris de leur victime'? Quant au fragment de crâne adhérent à
un bol en terre cuite (cf. Canaan..., p. 273). il ne prouve probablement pas plus le canni-
balisme cananéen que les « crânes paléolithiques façonnés en coupes » dans les cavernes
françaises ne })rouvent le cannibalisme des populations quaternaires (voir la monographie de
MM. H. Hreuil et H. Oberinaier sur ce sujet dans L'AnlIiropolorjie, W, 1909, p. 523 ss.).
(1) M. Pilcher vient de rappeler que la même légende IHl se lit sur une monnaie « phéni-
cienne » de Gaza qu'il a commentée naguère [The Jewish 7-oj/al pottertj Stamps; Proceed.
Soc. Bibl. Arch., XX.XIl, 1910, p. 94; cf. ibid., XXX. 1908. p. i5 s. et pi. \, \ : A coin of
Gaza and the Vision of Etekiel. On se souvient que, sur cette monnaie, du milieu du
siècle environ. M. Ginsburg (Q^., 1881, p. 19) proposait de reconnaître le nom et l'effigie
IV'^
du roi Jéhu. M. k. Neubauer [Rev. des et. jiiiv., II. 1881, p. 290) n'avait pas eu de peine à
montrer que la pièce est de style grec, tout en maintenant l'hypothèse de quelque nom
mythologique pour un prince phénicien. Ce « prince phénicien est quelque Zeus fle/o/j//ore ;
mais il vaut probablement mieux ne pas mêler la légende phénicienne et 1 efligie hellénisante
de la monnaie de Gaza aux estampilles araméennes de Jéricho. Il est bien douteux aussi que
les estampilles 1"'' ne soient qu'une variété religieuse à peu près contemporaine des estam-
pilles militaires ['?] "î'^72'^, datées toulos du iv*' siècle environ, pendant les troubles de l'épo-
que perse (Pilcher, PSBA.. 1910. p. 148 s.). M. Lidzbarski [Eplicm. flir sem. Epifjr., III,
1909, p. 45) déclare que sur les estampilles de Jéricho le nom divin est « invraisemblable ».
L'unique preuve alléguée est qu'il faudrait lôi"^. Il serait enclin à Ihypothèse d'une « si-
la réitérer {Comptes rendus Acad. IBL.. 1909. p. 998) en étudiant un timbre céramique
de Carthage imprimé « sur une anse d'amphore dans un carré de 0'",025 de côté » et qui
portait la représentation SNiuboIique de la déesse Tanit accostée des initiales du « dieu Daal,
son parèdre » {op. l., p. lOOu). L'empreinte du nom divin sur des vases d'une destination
spéciale dans la Judée du iv-iir' s. avant notre ère n'aurait donc rien d'insolite.
CHRONIQUE. 413
(1; Kpliem., 111, rJûS) . |). ii. On propose de voir en nï'2 une abréviaCion ilu nom île
'3' Un seul exemplaire est publié (p. 27, fig. 13). Un leurre du petit fac-similé pliotogra-
phique fait qu'on a la tentalion de reconnaître des caractères nabatéens. M. le prof. Selbn
a eu l'obligeance de m'écrire c|ue telle avait été aussi sa |)remiére impression; il ajoutait des
obseï valions qui contraignent d abandonner cette voie.
414 REVUE BIBLIQUE.
sépultures sous le sol des maisons semblent bien mettre les Cana-
néens de Jéricho à l'unisson moral de ce que nous connaissons d'au-
(1) Cf. RB.: 1908, p. 121: pièce encore inédite; site de trouvaille indéterminé.
CHRONIQUE. 41-5
Thot. S.ivijiiiac.
II. 1 ss. I. On a toute la scène sous les yeux : l'émoi qui se produit
peu à peu lorsque, parmi les causeries du soir, on se communique
des rétlexions sur l'arrivée de ces étrangers, les allées et venues
chez le roi et chez Rahab. la cachette improvisée sur la terrasse, la
'\) Cf. Savicnac, RB., janvier 1910, pp. 36 ss. : La conquête de Jéricho.
4i6 REVUE BIBLIQUE.
être été moins fondamentale, de nouvelles huttes s'élèvent sur les pans
de murs anciens; un peu d'activité renaît, comme un crépuscule de
civilisation cananéenne prolongé en pleine période de civilisation is-
raélite partout ailleurs. Quand la division est consommée entre le
la ruine de la jeune cité hérodienne, que ses traces sur le sol sont
presque plus effacées que celles de Jéricho cananéenne (1).
Est-il un document épigraphique capable de donner ainsi la sensa-
Fig. G.
a"!*2~; p "'N2";""'] A Nedabel fils de Gadmarôm.
(1) C'est encore un fruit de la dernière campagne de M. Sellin d'avoir retrouvé quel-
ques vestiges intéressants de la ville hérodienne, le palais probablement, sur le tertre arti-
ficiel en bordure de la route carrossable presque à son débouché dans la plaine. Ce mon-
ticule, assez dédaigné depuis le sondage infructueux de M. \S arren et malgré la protestation
motivée de M. Bliss en 1894, réserve apparemment d'utiles surprises le jour où il sera «lé-
thodiquement fouillé; l'examen provisoire qu'en a fait la mission allemande autorise du moins
cette espérance (cf. MDOC, 41, i>p.
30 ss.).
[2) Intaille hébr. de Jérusalem dans de Vogué, Mél. d'arcli. or., p. 138, n' 40 et cachet
syrien publié par Cl.-G.a.>neal, Rec, III, 193 s.
(3 65, 11; cf. Lacraxge, Étud. relig. sém.-, p. 509; Zimuer.v, Die Keilinschr.
Is.,
recteur de l'établisse-
ment (3De récentes
.
trouvailles au même
lieu et surtout la com-
plaisance très sympa-
thique de M. Hornstein
m'ont fourni l'occasion
de fi.ïer sur un bout de
plan (ï) la position de ce
fragment fig. 7, abc).
i
été tracé sur le point noté alors comme son axe exact l'angle S.-E. :
(1) Les références bibliques seront facilement trouvées dans n'importe quel dictionnaire.
(2) Cf. L-VGR-^NGE, RB., 1902. p. 517 s.
(3) Cf. RB., 190L>. p. 109 s.
(3) Phasael dans la désignation hérodienne. 11 va de soi qu'il peut y avoir là une erreur
de quelques degrés: mais sur une distance n'excédant pas 50 mètres l'observation pouvait
être assez exacte sans l'emploi d'aucun instrument de précision.
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I
CHRONIQUE. 410
il Une absence momentanée m'a empêché d'examiner la stratification et la nature des dé-
combres tandis que cette trancliée était ouverte.
(2/ Voy. Gaickler. Mxisivum opu'i dans le Diction, des antiq. gr. et rom., III. 2089 s.
(3) Aux exemples qu'on trouvera dans les figures publiées par M. Gauckler op. I.\ on peut
ajouter r. (j. le pavement de caldariinn du. Musée Alaoui {fatal, des Mas. d'Alg.), sup-
plém., IKOT, p. 27 et pi. xvm. 2. Les croisettes y reviennent avec fréquence dans les pan-
neaux qui séparent les médaillons à sujets mythologiques. Cf. ibid., n- 289, pi. \n: n" 292.
pi. XVI. 2 ; n' 299, pi. xvm, 2.
420 KEVUE BIBLIQUE.
jaune et vert sur fond blanc. Le noir excepté, toutes ces couleurs com-
portent deux nuances bien tranchées et de cette gamme de tous le
mosaïste a tiré des effets d'un naturel charmant.
On a constaté au même niveau des traces de violent incendie. Deux
fûts de colonnes en granit gris diam. envir. 0'",50 —
et une base —
plus petite en calcaire, de ce profil attique assez spécial à la sculpture
romaine en Palestine aux premiers siècles, sont les plus remarquables
pièces d'architecture. En présence de ces débris et prenant en con-
sidération les indices ténus de la fouille, on a l'impression d'un monu-
ment pré-chrétien. On pourrait songer à quelque édifice romain
d'Aelia s'il ne s'agissait que des mosaïques et des fragments sculptés.
La section du grand mur en appareil à refends se trouve dans la
situation la plus indiquée pour entrer dans les lignes des remparts de
l'époque hérodienne : il y aura lieu quelque jour d'en essayer la dé-
monstration. De ce point de vue comment ne pas se rappeler la situa-
tion du palais d'Hérode précisément dans la région couverte en
partie aujourd'hui par les édifices de la mission anglaise? Il n'est
pas imprudent d'évoquer ce souvenir '-2', ainsi que l'a compris tout
de suite M. Hornstein. On ne sera que plus reconnaissant au distingué
directeur du soin qu'il a pris de sauver ces lambeaux artistiques inté-
ressants.
IL Vincent, 0. P.
(1) Monum. Plot : XIV : Peinliir. mur. et inosaïq. de Délos, par M. Biilard, fig. 63 ss.,
pi. X ss.
(2) Cette mosaïque « hérodienne » aurait méine ici un répondant assez exact en certaine
mosaïque découverte naguère dans les ruines de Qasr Djàlowl. tour Pséphina.
RECENSIONS
La missione areheologica i cul risultati sono esposti nel magnilico volume sopra
annuDziato. ha esplorato specialmente la regione di Hier o Madâin Sâlih. il grande
centre nabateo nell' Hegiaz, ma dà altresi notizie. ne poche ne senza iraportanza,
sopra altri luoghi da essa visitati. Ricorderô le riproduzioni di monumenti di Mà-
dabà, un più esatto studio dei monumenti megalitici di Mà'îa e nominatamente del
menhir di Mrèiiàt. ^
^.^^s^JuJ' >sr^^
'
^^^ quale anche gli Autori riconoscono una
délie « mas-:eboth » caratteristiche del culto cananeo; sono illustrati pure siaiili mo-
numenti di Mrèi^àt stesso. délia regione fra Ma>lùbiyva al sud e il monte .Nebo al
nord, le rovine di Umm
Suwayniyva ecc. completando quanto era stato detto nella
Provincia Arabia di Brùnnow e Domaszewski. Parecchie sono le notizie su Ma an
(Mu'àni: il testo di Ibn Ishàq su Farwa b. Mmr leggesi nella Sira di Ibn Ili-âm a
p. 9.58. È il solo luogo nel quale se ne parli, perché per errore, nell' indice délia
Sira, questo Farwa e confuse col Farwa b. 'Amr, ansàrî. ehe combatte a Badr. Del
resto le notizie degli autori arabi suUa conversione di Farwa e il suo supplizio,
derivano tutte dal passo citato di Ibn Ishàq; da esso le prende Ibn Athîr, II, 226.
mancandone Tabarî, e le riferisce ail' anno 10 Apr. 631 =
Marz. 632 e. v. anco — ;
negare che. se le notizie che dà Ibn Ishàq sono esatte, quadrerebbero assai bene
al principio délia ceme suppongono gli Autori. piuttosto che
spedizione di Mu'ta.
air aune 10. La Hirbet al-hammâm sarebbe \Wx'j.x^'jw dell' editto impériale di Ber-
sabea; di Tabùk è data anco una piccola planta, e quanto gli autori arabi riferiscono
su queste località sarà certo rischiarato da tali notizie.
A questa che narra l'itinerario délia spedizione. segue la parte principale dell'
opéra, che in altrettanti capitoli. traita dell' epigrafia, dell' arte e délia etnografla.
>'el capitolo dedicato a quest' ultima p. 442) si narrano dapprima le lotte fra i Bani
Çahr e gli Arabi del Belqà. occasionate, come di consueto, dalla vendetta del san-
gue, che a ragione è stata detta l'unica legge dei Beduini; se non vi si facesse men-
zione dei colpi di fucile, parrebbe leggere qualche racconto di lotte fra tribu arabe
422 REVUE BIBLIQUE.
antiche. Copiose notizie sono date siigli abitanti di Ma'àa, sulla costituzione délia
famislia, nella quale Tautorità del padre è sconûnata. sugli usi agricoli e religiosi
ecc. >'elle parole arabe citate occorre appena qualche differenza, forse dialettale,
come ' Jjf' per ^' Jo^. y^S che sembra usato, come originariamente in persiano, per
jo^J' <^iiS 4^, ed occorre anche nelle 1001 Xotte. La « ijinn » Qarina pare
che abbia indole più spéciale che non altrove.
i monumenti sacri, no-
La parte archeologica riguarda, oltre il quadrante solare.
minatamente il Diwàn, ma iu parte assai maggiore i numéros! monumenti sepol-
craU. Perocchè è cosa verameute notevole che délia città stessa di Hiiir e di sue
rovine non rimanga la più piccola traccia. Sembrerebbe che essa fosse, innanzi
tulto, un centro commerciale e di culto, piuttosto che una vera città. Il nome stesso
di Higr (da ^sr=^, significato non estraneo alla rad. aramea) puô ben tradursi
« luogo sacro •>, una specie di ^',:;>., per gente che veniva da altri luoghi;
è nota, e parecchi dei sepolti in Hii;r erano Teimaniti, l'Hûr dell' iscr. CIS II
212 è ammesso nel sepolcro del fratello, se venga a morire quando sta in Hiur;
notevole è altresl la quantità di strateghi, eparchi. un chiliarca ecc. come aache
la menzione cosi fréquente del N*2^r; dei Salamii e Xabatei. Che la leggenda di
^àV\h abbia prima origine dall' essere stato invaso e saccheggiato dai Thamùd
la
questo luogo sacro di Higr? Del resto egli è certo che fin nei più antichi geografi
arabi, Hiûr non figura se non come una piccola borgata insignifîcante.
Gh Autori illustrano a lungo, dalpunto di vista archeologico. i monumenti di Hii-r,
ragionando délie varie specie di sepolcri colle fasce sovrastanti ail" architrave, mer-
late ovvero a gradini. Il fatto che questi monumenti hanno una data certa, permette
di tracciare con maggior sicurezza la storia dell' arte nabatea, e correggere in talune
parti le conclusioni del Domaszewski. Di una dramma di argento riportata da Ma-
dâin Sâlih si vale il Dussaud in un importante articolo pubblicato nel F/orilei/iam
De Vor/ùé.
Il seconde capitolo, e il più lungo. tratta délie iscrizioni. Per poco che si conosca
la storia dell' epigraûa nabatea, si sa quanto essa debba ail' esplorazioni del De
Vogué dapprima, e poi di Doughty, Huber e specialmente dell' Eutiug. A mio avviso,
i risultati epigraflci ottenuti dai PP. Jaussen e Savignac non sono in nulla inferiori,
per novità e importanza, a quelli ottenuti dai loro predeeessori, e segnano un grande
progresse negli studi nabatei. E questo dico non solo in riguardo di testi nuovi ed
inediti, ma anche per le correzioni di testi già noti, i quali ora soltanto prendono,
in gran parte, una forma definitiva, spesso non poco diversa da quella che avevano
nelle precedenti publicazioni, ed era, per dir cosi, consecrata nel Corpus. Nell' iscr.
CIS II 211 1. 2 (p. 159) è accertata la lettura i;T che dà buon senso; in luogo di
Waswal.i del Corpus, il nVi**" è ben letto AVesul.i: forse Wa-ùh, come aggettivo di
forma qalùl che è anco fem. o W'e?ô]i = Wi-àli ._ w^ (che pero in arabo è nome di
ribile. Il ^nia nell' iscr. GIS II 108 (p. 169) è ormai siciiro; non cos'i il suo signi-
ficato, noaostante quanto si afferma nel Floril. De Vogiu' p. 298, per qiiesta parola
e per "Cip (cfr., p. es., GIS II 209, 19 e Dalmaa,R'fra u. s. FehJmJigt. 52). L'iscr.
GIS II 20-3 (p. 1G2) è corretta in alcuni nomi e resa, quasi per iatero, compléta
nelle lacune che ha nel Corpus; la letlura Tadali o Tarali, alla 1. 9, pare assai plausi-
bile. Nella trascrizione del nome nT^av* è preferibile la forma 'Umayrat, trattandosi
di una donna, mentre nell' iscr. II 200, la trascrizione Amirat è iiiustissima, almeno
secondo l'arabo, trattandosi di un uomo. Anco l'iscr. II 210 (p. 14.5) ha avuto buone
correzioni; il pn"* délia lin. 6' sivede chiaramente sulla tavola dell' Euting: esso è
di puro aramaico occidentale e probabilraente nel senso di « non parente, non délia
t'araip;lia » corne il suo opposto 2''1p ha il senso di « parente, parente stretto ».
Nella Misnah, Sanhedr. III, 5 pn"ir: sta nel senso di « cessare di essere parente »
dono a vedere nel ni'' l'erede legittimo e nel pTSN' l'erede testamentario ma è ;
possibile l'inverso, analogamente al niusaico di Edessa edito dall' Euting nel Floril.
De Vor/ùé (p. 231), dove Balai dice che il sepolcro appartienne ..ly^vo . ^ , ^\r. ^\.
II n* corrisponderebbe al tTil testé menzionato; cosi al n" II 208 (p. 188y dove
si vuole escludere dal sepolcro. io credo, gli eredi testamentari, ed ammettere solo
i legittimi ricordati alla 1. 2; corne al n" II 21.5 (p. 195) dagli p~i*N sono distinti
quelli che producano un documento autentico che li ammetta alla sepoltura, sebben e
non eredi legittimi. Ntildeke ha notato il siriaco zâdhqâ = parente, e forse si po-
trebbe confrontare il n::~y del n° II 224, 8 (1).
?seir iscr. II 219 p. 148), corretta e decifrata in più punti incerti nel Corpus
Euting), alla linea 3 è confermata la lezione ^ 3"!"" ma, quanto al siriaco, è da dire
che \.L.^ per p^,.^ occorre nel lessico di Elia Xisiheno, perô il ms. vien corretto ^_^5.
(cf. Brockelmann s. v.). Del resto in questa iscrizione, corne altrove, lo « scrivere una
NZ.~;"'2 » mi pare che si debba intendere di un" obbligazione relativa (2) al sepolcro.
non che essa fosse scritta maierudmenlo sopm diesso: al n'^ II 204 (p. 188} un
simile atto di Donazione è iieJle mnnl deila moglie di Taymallâh; al n" II 223
p. 187) il NIEZ- IImIX 'Z'PZ^ non dovrebbe intendersi dello scrivere la locazioue
sid sepolcro. ma relativamente ad esso, cioè un contralto autentico-, il largo uso dei
quali risulta dalle stesse iscrizioni. Nel n" II 207, 6 (p. 1.5-5) aiT^z risponda allô
Atto autentico o ^ipr che era m'Ue moni délia persona iuteressata. Al n^' Il 206, 6
(p. 1791 dove la traduzione di Nr)ldeke mi par sempre preferibile, il senso corre
piano « chiunque scriva un atto di vendita, di pignoramento ecc. relativo al sepol-
cro, e che lo vincoli » : e del pari nel n° II 210 (p. 145). Chiaro poi è questo proce-
dimento e risulta anche dalla traduzione del Corpus nel n"^^' II 209 (p. 199) « a nes-
suno è lecito scrivere un contralto di donazione o altro a favore di chicchessia,
;i Nota Nohlelic Euting, p. '•^') che, in arabo. in luogo délia radii'e ïJ-^o sarebbe piii pro-
salvo il caso che uno dei nominati scriva un n^p:. ma solo per raramissione nel
sepolcro, non per vendita o altro y. E su tal proposito mi permette esprimere il
dubbio che (p. 192, ecc.) nel ^S^ni. la radice « iJ' sia nel senso reciproco di ob-
bligarsi con contralto; la forma riflessivo-passiva corrisponderebbe bene.
Xeir importante iscr. n° II 200 p. ino) restano sempre forti lacune, ma la let-
tura di "jzr^Z. alla fine délia terza linea. dà, a mio avviso, un' idea di cio che eon-
teneva la parte non più decifrabile, vale a dire che se qualcuno délia discendenza di
Mun'at mancava agli obblighi col vendere o pignorare una parte del monumento,
questa sua parte ricadeva alla discendenza di Hàgir e cosi viceversa, e la multa di
500 dramme andava probabilmente a favore délie stesse persone che succedevano.
Era una disposizione che doveva necessariamente condurre ail' adempimento degli
obblighi imposti.
La lettura piana e chiara del grafûto 52 (p. 211, CIS II 275} contrasta con quella
errata del Corpus e dovuta all'imperfetto disegno di Huber; n-p y2 risponde
il
Quanto al N"' iniziale, lo credo équivalente al consuelo >lt N^n, N*^*: ); questo ni,
pel tono dalla voce, si poteva facilmente distinguere dal x"^ négative, mentre la forma
piena >!' era specialmente adatta per la lingua poetica dell' arabo anteislamico, a
bei testi. non sorprendono e iili Autori stessi ne lianuo rilevati; vale il luedesimo
in altri campi, corne p. es. Tepigralia araba, uella quale non maucano errori
onde la tradiiziooe letterale sarebbe < eccettuato il caso 1"""' se •") Hani' scriva.. »
Neir identico modo è usato dopo -y'z. nel n° CiS II 209, 6 (p. 200,. II nome '.'-"in;
del graffito 116 .p. 231 è usitato presso gli antichi Arabi. cf. Wiistenfeld Reg. 2,
sJCiL-, 5«Ji., ï^-- ecc. cf. rs.'ildeke Gesch. d. Qor. 2-5-5). Per questa ragione sarebbe
più esatto mettere, in simili casi. un 6 invece diun û e trascrivere, p. es., 'Abdadnôn,
'Abbôd .)l-s . Absinôn _,'-U.- n '
1 17, p. 231 . Cosi anche ^"IN 'n'^ 1 75, p. 243 sarebbe
da trascrivere Akkôr, rispondendo ad ,'; '. ";".n. e crederei piuttosto nel senso di
« fossor » ïfS'' che iu quello di arator /: tanti esseudo i sepolcri scavati nelle
rupi è naturale trovare uu t'ossor, coQie nelle catacombe romane. Anche il tamudeno
e saf. {e palmir.^ "ï"', .^'_>:r, sarebbe propriamente Rudô.
già nota di 01a. alla 1. 4 il calco deuli Autori confernia la lettura "i contro -Millier e
Hommel. ^la lo stato di queste iscrizioni poco di sicuro permette di trarne. Alla
1. 3" della meuzionata iscrizione, gli Autori ricurdano l'arabo ,
JU in un senso mi-
litare (p. 257) ; taie senso miiitare converrebbe forse al x"i.*rs deir iscr. nabatea
CIS II 201 (p. 189 ma questo significato di , J'i manca nei grandi dizionari antichi
(manca anche nel Lisûn <
e par che pro\ enga da ."^ài;ànî, da fonte quindi non sempre
sicura. Anche per i graffiti lihvàniti e tamudeni le copie degli Autori servono di
confronto con quelle che si avevano. Fin nel 1'^ graffito tamudeno la lettura e diversa
da quella di Littmann {Entziff.) e la prima parola è letta .,
•
e messa in relazione
fem. dh'ït Anco la relazione Ira « raqô> nabateo e ï"^ sembra difficile. -
Chiudono il capitolo suU' epigraûa alcuni frammenti greci e delle iscrizioni arabe
e turche piu o men recenti e iu générale poco importante II n° 3 è propriamente
turco. iu arabo sono, come di solito. i soli titoli. Di qualche rilevanza è Tiscrizione
della Qal'a di Ahddr n" 4 p. 294 ma la fotografia del calco non basta in alcuni
punti per studiarne la lettura. L'emir Turbày Taràbàv; della 1. 3 è forse il mede-
simo émir menziouato nella storia di Egitto di Ibn lyàs {BadaV az-zuhùr III, 244,
Bùlàq 1312j col nome di'.::^*^3 .,j ^'jfJs; ma ivi vien detto séh dei beduiui di
Gebel Nâbulus; alla fine della stessa linea invece di ji'jJ' leggerei jblx." cf.
4-26 REVUE BIBLIQUE.
Qutb ad-Dîii Chron. dcr Stadt Mekka, III 284 . Il ^'«--^ del n" 5 è piuttoslo
appellalivo ^ commissario : alcuni versi turchi che si leggono sulla Oal'a di Mo'az-
zam soao copiati e tradotti. raa gli Autori ci avvertono clie copia e traduzione non
son dovute ad essi, ed infatti, specialmente la seconda lascia alquanto a desiderare.
La missione cosi bene compila e cosi dottamente descritta dai PP. Jaussen et Sa-
vignac, è un' altra, e sono molto nuraerose, délie grandi benemerenzedell' Ecole Bi-
blique, che tanto ha giovato e giova allô studio serio e scientiûco délia Bibbia. La
riconoscenza dei dotti è loro dovuta, ed altresl al Duca di Loubat e alla Société des
Fouilles Archéologiques che resero possibile il viaggio stesso e la pubblicazione di
questo splendido volume, ricco di bellissime tavole ed illustrazioni.
Roina.
I. GUIDI.
Revue, et il n'y aurait pas lieu de s'y appesantir davantage, si, à propos des vue>
défendues ici touchant le mode de composition des livres de Samuel, certaines per-
sonnes ne s'avisaient de confondre méthode et esprit, méthode critique et esprit
rationaliste. La méthode ne constitue qu'une discipline de travail: elle est d'elle-
même étrangère et indifférente à l'esprit croyant ou non de celui qui l'emploie.
Après un court avant-propos et les listes de la bibliographie ou des abréviations,
l'ouvrage renferme l'introduction d'usage •
massorétique actuel » p. 2). C'eût étt^ l'occasion, puisque ce n'est pas fait plus bas,
d'exposer et de discuter les questions relatives au texte plus court de B sur les dé-
])uts de David (I Sam., xvii, xviiij, où, selon l'opinion un peu plus vraisemblable
qu'accepte le P. Dhorme, B ne représente qu'un abrègement intentionnel de l'bé-
breii. sacrifiant ainsi, semble-t-il, sa fidélité babituelle à des considérations harnio-
nistiques.
Pour la composition des livres de Sauuiel, l'auteur se déclare partisan de la théo-
rie de Budde. En voici les grands traits. Comme on ne peut faire fond sur quelques
opinions même anciennes qui attribuent ces livres à Samuel, Gad et Nathan, force
est bien de chercher dans les indications de la critique interne les éclaircissements
qu'elle peut fournir à ce sujet. On est dès l'abord frappé par le relief et la vivacité
d'un grand nombre, de la majorité même des chapitres des livres de Samuel. « Les
détails topiques y abondent et les traits de mœurs sont saisis sur le vif » p. H). Au
contraire de tant d'autres passages de la Bible, ceux-ci présentent l'enchaînement
naturel des faits. Yahwè dirige tous les événements, mais de loin, par le jeu des
agents naturels dont l'historien d'aujourd'hui cherche à découvrir et à retracer les
influences réciproques. Le« pragmatisme ». comme on dit outre-Rhin, n'y apparaît
que peu ou point. Preuves que ces récits, mémoires ou annales, remontent à une
date très ancienne, « et ont dû être écrits peu de temps après les événements »
(p. S}.Sur cette constatation, on est d'accord.
On moins lorsqu'il s'agit de se représenter la mise en œuvre de ces anciens
l'est
documents. Car on ne peut guère s'arrêter longtemps à l'idée qu'ils auraient été
purement et simplement incorporés par un rédacteur dans l'histoire de Saiil et de
David. Avant d'être fixés à tout jamais dans l'ouvrage inspiré qui nous est parvenu,
ils ont eu leur histoire et, si l'on peut dire, leur destinée littéraire. C'est qu'en effet,
l'existence de doublets, c'est-à-dire de récits qui, sans être identiques dans leur
teneur actuelle, semblent bien se rattacher à un même fait originaire relaté diffé-
double récit du rejet de Saiil par Samuel, une double explication du proverbe « Saiil
est-il aussi parmi les prophètes? », une double présentation de David à Saiil » (p. ô .
Les divergences qui séparent ces divers récits sautent aux yeux, et tout le monde
connaît les explications tantôt vraisemblables, tantôt extrêmement fragiles, et, au
demeurant, toujours subtiles que nombre d'exégètes ont coutume d'en donner. A
cette exégèse. de conciliation, qui, peut-être ne l'oublie-t-on que trop, ne peut se
prévaloir que d'une valeur toute relative, il est loisible de préférer l'hypothèse très
plausible de la diversité des sources auxquelles l'auteur sacré a emprunté eu les
combinant ou en les complétant pour n'en rien perdre, les récits des faits anciens
qu'il voulait raconter. Cette hypothèse, et le P. Dhorme en souligne loyalement le
P. Lagrange a déjà fait pour Je livre des Juges et ce que le P. Dhorme vient de faire
pour les livres de Samuel. L'un et l'autre se rattachent, avec certains autres criti-
Jet E. sources qui sont respectivement apparentées aux documents de même nom
dans le Pentateuque, et qui représentent, non pas deux auteurs seulement, mais
deux écoles historiques de tendances plus ou moins différentes, parlant chacune une
langue chargée d'expressions caractéristiques, et ayant conservé soit le souvenir de
faits particuliers, soit des traditions issues d'un même fait mais diversiflées, à la
longue, par leur existence et leur transmission dans des miUeux différents.
En se mettant à l'école de Budde. le P. Dhorme a eu garde d'accepter servile-
ment tous ses dires. Il n'apporte pas simplement, en compilateur docile, une opinion
toute faite: mais son propre point de vue, le système de son prédéces-
il refait, à
morceau à l'une ou l'autre de ces sources... Budde n'a pas sufQsamment insisté sur
ce fait que E emploie plus fréquemment le nom de 2\"!^N tandis que J recourt au
nom de "*"'. Extrêmement instructive à cet égard nous a paru l'étude de I Sam.
v-vi et II Sa/ii. Yi, dans lesquels l'alternance de l'arche de ïahv>- et de l'arche de
Dieu, alternance qu'il faut préciser par une ou deux corrections d'après G, nous a
permis de distinguer chaque fois des récits parallèles et formant chacun un tout
ces groupes de récits auraient été fusionnés pour constituer nos livres de Samuel.
Cette compilation se serait faite relativement tard; sa date « n'est, pas plus que pour
le livre des Juges, antérieure à la promulgation solennelle du Deutéronome en ii21 »
(p. 8).
Le paragraphe de l'introduction consacré à l'histoire groupe les principaux faits
renfermés dans les livres de Samuel pour les mettre en valeur. Ce tableau histo-
rique est sobre et solide. Il me semble pourtant que. touchant la question de l'ori-
gine de la royauté chez les Hébreux, le P. Dhorme s'est trop tenu au développe-
ment unilatéral qui est celui de la Bible, où fort souvent, comme l'on sait, nous
n'avons plus qu'une synthèse et une simplification de l'histoire, où nous ne devons et
jamais perdre de vue, si nous tentons des reconstitutions historiques, que les docu-
ments transmis sont toujours fragmentaires et souvent incomplets. Il paraît très
vraisemblable, en effet, que la tentative de Saùl en vue de fonder une royauté héré-
ditaire avait été précédée de tentatives analogues: Gédéon, Abhimélekh, Jephté,
et, sans doute, d'autres encore, avaient, déjà avant lui. essayé de rétablir à leur
profit quelqu'une de ces principautés cananéennes dont la constitution est clairement
dépeinte dans les tablettes d'El-Amarna, et auxquelles s'étaient heurtés les Hébreux
au moment de leur immigration dans la terre promise. Ce n'est qu'après des tâton-
nements plus ou moins nombreux, plus ou moins heureux aussi, qu'une institution
comme la royauté parvint à s'établir définitivement. Et encore le mérite en revient-
il bien plus à David qu'à Saùl. — .Te ne pense pas non plus que l'on puisse parler, sans
de sérieuses restrictions, de la prépondérance du sacerdoce qui aurait, au dire du
P. Dhorme, précédé l'institution de la royauté (p. 11 Eli, le prêtre décrépit de .
Shilô. dont l'autorité effacée n'était quun très pâle reflet du rayonnement tout reli-
gieux de l'arche, ne nous est nulle part présenté comme ayant exercé le moindre
pouvoir politique; il est à peine considéré du peuple, et. quand il s'agit de tenter
un dernier effort contre les Philistins, ce n'est pas lui qui prend l'initiative d'envoyer
l'arche sur le champ de bataille. Quant à Samuel, je doute qu'on soit autorisé à
voir en lui un représentant du sacerdoce. Au sanctuaire de Shilô, il n'était qu'un
RECENSiO.NS. 429
employé subalterne, et plutôt même destine à effacer, par la faveur des manifesta-
tions de Yahwe qui s'adressaient à lui de préférence aux prêtres, le sacerdoce alors
passablement décrie. Sans doute, le nous parle d'un autel élevé par lui à
texte
Ràmà, mais, alors, c'était là une pratique non réservée aux prêtres, et Josué,
Gedéon ou Manoah en avaient fait autant sans avoir été revêtus du caractère sacer-
dotal. — Enfin, il est inexact, me semble-t-il, tout au moins dans l'expression, de dire
qu'avec l'institution de la royauté, « le sacrifice devenait le fait du roi « (p. ii\ En
fait, à cette époque ancienne, le sacrifice n'apparaît pas comme la fonction sacer-
dotale par excellence ; le chef de famille sacrifie et, de même, le chef de clan. Le
roi a simplement perpétue plus longtemps en lui l'exercice d'un droit que le sacer-
doce après de longues années, par se réserver exclusivement: sa dignité et le
finit,
caractère sacré dont elle le revêtait lui maintenaient, à titre de privilège, ce qui
originairement avait été le droit de tous. — Pour la chronologie de cette lointaine pé-
riode, le P. Dhorme donne les dates les plus vraiseml)lables. celles qui tablent sur
l'année 932 ou les années voisines, comme marquaut l'année de la sécession d'Israël
et de Juda.
La traduction des livres de Samuel se laisse lire avec intérêt. Sans rien sacrifier
de la simplicité propre à la narration hébraïque, l'auteur a su la rendre en bon
français. C'est dire qu'il s'est abstenu de commencer la majeure partie de ses phrases
par cet inévitable « et » auquel beaucoup trouvent, sans savoir pourquoi, un cachet
vraiment biblique et qu'ils jugent indispensable à la couleur locale. On oublie ou
Ton ignore tout simplement que la conjonction hébraïque wàiv revêt des acceptions
variées, et. dans l'esprit du Sémite, lie aussi bien ses phrases que le font, pour notre
langue, nos conjonctions plus nombreuses. Voici, par contre, quelques expressions
qui m'ont paru moins heureuses ou moins exactes. Les « vieillards » de Jabe<
(p. 91) laissent planer quelque amphibologie sur le mot pT qui marque plutôt un
rang dans une tribu ou une cité que l'âge avancé de ceux qui le portent: c anciens »
vaudrait peut-être mieux. —
Le peuple ne « délivra » pas seulement Jonathan
ip. 125,\ mais il » par une victime de substitution, comme l'indique
le « racheta
plutôt le verbe ~T2. —
Le mot « paye » (p. 150 n'est peut-être qu'une conjecture
de Symmaque pour traduire ~z'". A la page 1.57. il manque, par homœote- —
leuton sans doute — ce qui ne surprendra point le P. Dhorme qui fait souvent inter-
venir cette cause d'erreur dans ses discussions textuelles, et à bon droit la fin —
.du verset 52. — Le mot donne au mot "•; (p. 267; une nuance qu'il n'a
« réfugié »
endroit que je planterai » (p. 327} est pour le moins obscur. — Puisque nous en
sommes à ce chapitre des termes, signalons des expressions comme « ajoute ».
tation employé pour les corrections dans ce dernier ouvrage; elles y sont précédées
t30 REVUE BIBLIQUE.
de si'^les qui iudiquent, selon les cas. si elles sont sûres, probables, possibles, in-
quelques notations brèves auraient tout de suite renseigné le lecteur sur la valeur
d'une correction: bien mieux en s'astreignant à ce dosage minutieux, Fauteur
,
aurait sûrement renoncé à introduire dans le texte avec autant d'assurance certaines
corrections qui ne sont tout au plus que d'ingénieuses conjectures Voici quelques
exemples de corrections au sujet desquelles des réserves s'imposeraient. I Sam., iv,
3, ";\"l''N"ûp:. en parlant de l'arche, revêt un sens d'un matérialisme religieux au-
quel ne serait peut-être pas facile de trouver des pendants-, du reste le grec n'ap-
il
ajoutés après coup », c'est oublier quïl suffit que le passage ait été rédigé après la
construction du temple par Salomon pour que ces mots aient été couramment em-
ployés. — Ib., VII. 11, "îliriTli^ pour "|D~n''Z qui est inconnu ne s'impose pas,
même d'après G. — Supprimer '':nn dans ib., xvii, 4, 23, est un peu trop radical.
— Même observation pour la suppression de la finale de ib., xviii, 8. — L'addi-
tion de ib., 19, "Tî-nx xTril .""^nS d'après G (Lag.) est assez jolie, mais bien un
peu étrange. — Comme la lecture Naioîth n'élucide pas la question de l'énigma-
tique nii;, elle ne mérite pas d'être préférée à la lecture traditionnelle. — L'inver-
sion dans ~V' "'" D'J x*m, ib., xxiii, 6, paraît gauche. — "n1 •"'^ qui est pour
NinS qui est pour *iS, ib., xxv, 6, est tiré de loin. Pourquoi vouloir ramener —
i~ia, ib.,xxvii. 8, à un nom plus connu? —
Dans ib., xxx. 20, ne serait-il pas
préférable de garder n',","! ~:p2n "îI^S en l'entendant du troupeau de petit bétail,
au lieu du I'iieS de la Vulgate qui, apparemment, abrège? Lire aussi 1p2n~nKl. —
II Sam.. III, 5, porte TT; rrx ~S:" qui est obscur. La correction de Smith, niilNN
est à juste titre rejetée, comme n'ayant « pas d'appui dans les versions >. Le
P. Dhorme propose nu.'NTT';". qui. je le crains, n'est pas mieux soutenu par les
versions, et que son caractère de pure possibilité n'aurait pas dû laisser passer des
notes au texte —
""wK" de ib., vi, 7, est dans le même cas.
Ces quelques corrections sont, à mon avis, de simples conjectures trop peu ap-
puyées. Et si je les cite, ce n'est pas pour laisser entendre que toutes en sont là,
car plusieurs autres sont indubitablement justifiées; mais rien ni personne ne nous
obligent à restituer un texte sans avoir en main les éléments nécessaires à cette
opération délicate.
Les documents sont marqués dans le corps de la traduction par leurs sigles ac-
coutumés pour faciliter les recherches, les sigles auraient pu être répétés en haut
;
de chaque page.
Le commentaire très compact qui forme la partie principale de l'ouvrage, se pré-
sente comme un travail très sérieux. Les nombreux renseignements qui s'y trouvent
accumulés, peuvent se répartir en deux catégories, l'une ayant trait aux questions
d'ordre philologique relatives à l'établissement du texte et à sa traduction, l'autre
regardant l'explication ou exégèse proprement dite.
Pour ce qui concerne la philologie, le présent ouvrage soutient la comparaison
avec les ouvrages qui, chez nous et à l'étranger, l'ont précédé. C'est sans contredit
un ouvrage de première valeur. De l'œuvre de ses devanciers, le P. Dhorme n'a
rien laissé perâre de ce qui fût à retenir, et, aux résultats acquis, il en a ajouté
d'autres qui sont le fruit de son effort personnel. Outre de nombreuses améliora-
tions de critique textuelle et de critique documentaire, je signalerai particulière-
ment ses observations sur les noms propres et ses rapprochements de mots ou d'ex-
pressions avec l'assyrien, rapprochements qui permettent de mieux saisir le sens et
RECENSIONS. 431
la portée d"im texte. L'observation attentive de tous ces inflniment petits ne peut
pas ne pas être aride; mais il faut reconnaître le mérite qu'a eu le P. Dhornie à
cune valeur pour aider à élucider la question étudiée. Il y a là tout un travail d'é-
limination qu'un auteur français doit laisser dans les substructions cachées de son
œuvre. J'ajouterai —
et je crois l'avoir déjà dit en termes équivalents — que le
Sans doute, soit dans sou Avant-propos, soit dans son Introduction, il a eu à cœur
de souliiiner tout ce qu'il entrait de conjectural et d'incertain dans les travaux cri-
tiques. Mais j'aurais voulu qu'il dispersât un peu de cette réserve initiale à travers
tout son ouvrage. Même après un travail aussi approfondi que le sien, je ne pense
pas qu'il ne puisse rester, dans les cinquante-cinq chapitres des livres de Samuel,
qu'un si petit nombre de points obscurs. Budde lui-même est souvent moins tran-
chant.
C'est aussi l'intérêt du lecteur français qui me fait regretter que la portion exégé-
tique du commentaire n'ait pas reçu plus habituellement un développement propor-
tionné à celui de la partie philologique. A coup sûr, rien d'important n'est omis,
plus catégorique: mais, pour celle des débuts de David, pour la coutume du par-
tage des dépouilles dont l'origine remonterait à David d'après nos livres, à Moïse
d'après les Nombres, il le paraît beaucoup moins. En outre, il faut parfois savoir
chercher dans des perspectives qui peuvent paraître fort lointaines un fond sur
lequel se disposera harmonieusement la multiplicité des détails infimes. Cet art
des lointains qui, seul, fait les livres suggestifs et éducateurs, permet au lecteur,
dans un commentaire, de comprendre déjà à moitié le texte rien qu'à avoir entrevu
le milieu historique et religieux où se déroulent les événements racontés. Oserai-je
ajouter que je n'ai pas autant de noùt que le P. Dhorme — ni même que le P. La-
grange — pour les nombreuses citations de Calraet dont il a émaillé son commen-
taire. Ce n'est pas qu'il n'y ait dans Calmet des observations sensées. Mais il n'est
pas douteux que le P. Dhorme aurait pu les formuler aussi bien que lui, avec beau-
coup moins de cette naïveté vieillotte qui ne laisse pas de résonner étrangement
après d'arides discussions philologiques. Et puis, par exemple, pourquoi avoir été
déranger Dom Calmet pour nous parler de la sieste que font les Orientaux, et en-
core avec une citation latine? (p. 302'.
Telles sont les observations d'ensemble que m'a suggérées la lecture de cet ex-
cellent ouvrage. Comme « l'auteur est le premier à constater combien il est resté eu
432 REVUE BIBLIQUE.
le meilleur éloge qu'on puisse faire de pareils livres que de signaler ce qui leur man-
que pour approcher du parfait. Et ce commentaire des livres de Samuel témoigne
d'une science et d'un talent d'exposition assez remarquables pour que notre meilleur
souhait, en finissant, soit de voir le P. Dhorme publier un commentaire du livre des
Rois où sa connaissance peu commune des choses assyriennes le mettra à même de
réaliser l'idéal qu'il a le courage de viser.
Toulouse.
Louis Desnoyers.
1909. s. 337-392.
Cet itinéraire fut publié pour la première fois, il n'y a pas vingt-cinq ans. Son pre-
mier éditeur, Fr. Gamurrini. lui avait donné le titre de Sanctae SUviae Aquitanae
peregrinatio ad loca sancta et il de la fin du quatrième siècle.
le datait
Jovien abandonne aux Perses la ville de >"isibe, qui ne cessa plus d'appartenir à ces
derniers que pour passer, au milieu du vu'' siècle, sous le joug musulman. Quand
Éthérie parvint à ces confins de l'empire. Xisibe n'appartenait plus aux Romains \67,
23. page et ligne de l'édition Geyer D'autre part, il est certain qu'au cours de ses
.
voyages à travers l'Orient, elle n'est pas arrivée au mont Sinai à une époque posté-
rieure à celle de Justinien; elle n'y a pas vu le monastère enclos par de hauts murs
et l'église soutenue par douze colonnes que cet empereur y fit élever sur la demande
des solitaires. —
Bien plus, elle se trouve à Carrhes le neuf des calendes de mai (65,
25): au retour de ces régions frontières, elle demeure une semaine à Antioche pour
s'y reposer et s'y munir des choses nécessaires à d'autres excursions or. au printemps :
de 540, le roi des Perses, Chosroès. s'empara de cette ville après un siège meurtrier, la
détruisit de fond en comble, et emmena les habitants en captivité (Procope, Be bello
Persico, II, 8. 9.. Ainsi, le séjour à Antioche doit être placé au plus tard en l'année
539.
Selon M. Meister. l'itinéraire devrait recevoir une date la plus voisine possible de
ce dernier terme, de 534 à 0^9. Nous exposerons et discuterons successivement les
arguments principaux qui favorisent sa thèse, les difficultés qu'il a soulevées contre
la date communément reçue jusqu'ici, et enfin les considérations positives qui nous
décident à nous en tenir encore à celle-ci.
RECENSIONS. 433
Éthérie signale qu'à Jérusalem, le jeûue du carême se prolonge durant huit se-
maines. M. Meister croit que cette situation ne peut être que postérieure à l'année 533.
pour laquelle le patriarche Pierre promulgue encore un carême de sept semaines (1).
Cette conclusion est eu dépendance d'un système historique dont voici les principaux
traits.
L'idée d'imiter le Christ jeûnant durant quarante jours serait étrangère aux der-
nières années du hf
aux premières du iV?. A son éclosion, c'est-à-dire
siècle et
au cours du iv<' serait imposée que sous la formule d'un jeûue
siècle, elle ne se
de six ou sept semaines. Le temps de huit semaines aurait été une habitude dis-
tinctive des origénistes et monophysites, dont
le succès aurait été parallèle aux pro-
grès de l'influence hérétique.La mort de saint Sabas (.5 décembre 532) marqua un
recul de l'orthodoxie à Jérusalem. La violence qui contraignit le patriarche Pierre à
rayer des diptyques le nom d'Ephrem. évêque d'Antioche, qui avait condamné Origène,
l'aurait décidé à promulguer le carême de huit semaines. Dans l'ensenible de l'Église
grecque, cette habitude n'aurait été adoptée que sur la fin du viii'^ et au ix" siècle.
Cette théorie n'est exacte ni dans sa perspective, ni dans sa conclusion.
Si les choses se sont passées ainsi, il est inévitable qu'Éthérie. demeurant plusieurs
années aux Lieux Saints, ait assisté au changement. Or, de cette réforme qui aurait
été brutale, il n'y a point de trace dans son récit. Au contraire, elle indique elle-même
les raisons de la manière hiérosolymitaine dans des habitudes qui remontent aux ori-
gines du christianisme, la célébration du dimanche et du samedi comme de jours de
fête. Insistant dans le détail sur la liberté laissée à chacun de régler ses exercices de
pénitence, elle use plusieurs fois du mot consuetudo : Jejunium enim consuetudo hic
talis est in quadrarjei irais (80, 20)... Talis est enim hic consuetudo ,'81. 8). — Et
M. Meister aurait dû nous expliquer comment les hérétiques qui inspiraient aux évê-
ques. par les procédés violents, de promulguer le carême de huit semaines, laissaient
aux fidèles le choix de manger tous les jours, ou tous les deux jours, ou les samedis,
dimanches et jeudis, ou le dimanche et samedi seulement.
La Tca^acaxo3Tir) s'affirme dès le début du iv<= siècle comme une institution établie, ca-
ractérisée surtout par des jeûnes prolongés (2). Le nom et la chose disent suffisamment
Le 1'. mars 1910, p. 63-72) veut prouver que le Concile usant du mot
Salaville (Échos d'Orient,
ne parle pasdu Carême, mais de IWscension. le quarantième jour après Pâques. Le
rEa<7a{;a7.offTr|
rapprochement avec le canon kx« du concile d'Antioche in //îcoe/iii's est sans doute très intéres-
sant. Mais tout l'effort de la thèse est inspiré par une difficulté qui n'est pas réelle. Le R. P. sem-
ble croire que le carême n'est qu'un exercice limité d'abord aux six jours de la semaine pascale,
gonllé petit à petit jusqu'aux quarante jours. En 3i3, l'institution n'est i)as arrivée à ces limites;
donc le Concile u'apu y l'aire allusion.— En réalité, il y eut à un moment donné c|uelque chose
de nouveau qui s'introduisit brusquement et fut juxtaposé à la pratique ancienne: c'est le désir
d'imiter le jeûne du Christ, c'est le principe de l'institution. Or, on peut très bien dire que ce prin-
cipe, sidiversement appliqué qu'il soit, est généralement accepté au début du iv^ siècle. Le texte
de Pallade que nous venons de citer a sa valeur. En 34-1, de Rome même, saint Athanase écrit à
un de ses sulïragants Scripsiautem singuUs fore ut tu quadragesimam indiceres fratribus, eis-
:
que jejunium suaderes, ne dutn universus orbis jejimat, nos Aegyptii risui essenius quia non
jejunemus (Lettres festales, P. G., t. XXVI, col. 1413). TcUffapay.offriQ emplojé dans le sens voulu
par le P. Salaville serait un cas unique dans la langue grecque. Et dans les textes latins où qua-
dragesima le signifierait, cela n'est que grâce aux mots qui l'entourent diem Pentecostes qua- :
qu'on voulut imiter l'exemple de Moïse et d'Élie rapportés dans l'Ancieu Testament,
celuidu Christ rapporté dans le >'ouveau. Mais à mesure que l'idée s'en répandait,
lesmanières de la réaliser se faisaient plus diverses.
Le jeûne lui-même n'était pas compris de la même façon par tout le monde les uns :
entendaient ne manger qu'une fois par jour les autres ne considéraient avoir satisfait
:
que s'ils s'étaient complètement abstenus de nourriture. Et quand les chefs des églises
ordonnaient un jeûne de longue durée, ils devaient l'organiser différemment selon
de l'une ou l'autre manière. On peut exiger quarante jours déjeune
qu'ils s'inspiraient
selon la première-, il était impossible de pousser plus loin que cinq ou six jours de
suite la pratique de la seconde. En fait, les évêques paraissent bien n'avoir jamais
ordonné le jeûne absolu, mais ils out dû tenir compte des aspirations de ceux qui en-
tendaient le pratiquer et réserver dans leur intérêt des jours de relâche.
Ces jours de relâche, quels pouvaient -ils être? Le dimanche, d'un côté le dimanche ;
et le samedi, ailleurs; et ceci encore créait des différences. Ces jours s'imposaient —
en raison des limites des forces humaines, et aussi parce qu'il eût été indécent de pour-
suivre la pénitence dans des jours consacrés à fêter le Seigneur. Jusque dans cette
réserve, il y avait des nuances. Les ascètes d'Egypte et d'Orient qui se reposaient le
fois. Saint Épiphane trouve qu'il est absurde de jeûner le dimanche, et puisqu'il en
parle à propos des ordonnances ecclésiastiques, il paraît bien qu'il écarte de ce jour le
jeûne moins strict {Exposit. fulei, XXII, Migne, P. G., t. XIJI. col. 828). Saint Atha-
le
nase, s'il faut en croire M. Achelis, exige la continuité du carême le samedi et le di-
manche (V. à l'exception du dimanche des Rameaux.
Enfin, il y avait encore pour diversifier les pratiques des églises, le fait que le ca-
rême n'était pas la première institution établie en vue de préparer les fidèles au jour
de Pâques; auparavant, l'exercice communément reçu était le jeûne commencé le
lundi dela Grande Semaine et poursuivi jusqu'au samedi soir; celui-ci est de tradition
apostolique (EPIPH.,Hae/e^., LXXV, 7, Migne. P. (i., t.XLII col. 511); le Carême est
une habitude ecclésiastique qui ne le remplace pas mais lui est surajouté. Tf,v Ik
T£33aûay.oaTr,v xfjV -co twv ï~~k f,aEpôJv tou iylo'j WxT/a. toaa'jiioç s'jXâiTstv îrtoOsv tj airr)
'Lz)c/,r3ta Iv vrjaTaîa'.ç ô'.zTîAou^a (El'IPH., Exposit. Fidci. XXII, loc. cil. t. Saint Jean
Chrvsostome et les Constitutions apostoliques affirment aussi nettement la séparation
et la succession des deux périodes (cf. Duchesae, Oriijine du Culte, 3"^ édit., p. 243).
Dans les ordonnances de saint Athanase, la distinction persiste, mais elle n'est plus
que théorique. Le jeûne de la Semaine Sainte est absorbé dans celui du Carême, c'est-
à-dire que les quarante jours ne sont atteints que par l'addition des temps de l'une et
l'autre période. Enju quadmgesimale jcjunium incipiemus die XllI Phamenoth : ^ancta
vero Paschatis hebdomada ordietur die XVIIl Phavmut/ii. Finiemus demum jejunia Sab
bato, die XXIII. Denique magna Domiuica erit die JXI Vejusdem ?nensis Pharmuthi (2)
(année 391).
Autant que les principes de l'organisation, il est possible de reconnaître que les si-
ceux qui voudraient pratiquer le jeûne absolu; le temps de la Semaine Sainte est
(I) Hauck. voI.V, p. 775, renvoie aux. lettres festales d'AUianase, trad. allem. (Larsow, 94). Je
K. E.
n'ai à madisposition que la traduction de Mai, Migne, P. G., loc. cit., et n'y reconnais pas cette réfé-
rence ; est \T3.i que cette dernière traduction ayant passé du syriaque au latin par l'intermé-
il
confondu dans celui du Carême ; les ordonnances indiquent six semaines de péni-
tence.
Saint Épiphane, s'il est logique avec ses principes — distinction réelle des deux ins-
titutions, relâche du jeûne le dimanche — doit avoir ordonné en une période totale fait
de huit semaines. C'est sans doute ce que veut dire M. Achelis quand il afflrme que
Jean Ciirysostorae, doit avoir eu huit semaines. Le Nain de Tillemont arrive par son
propre calcul à exiger même plus
que huit semaines; puis, pour se ranger au texte de
Sozomène, que nous citerons plus il rogne désespérément son addition (1)-, ce n'est
loin,
vraiment pas nécessaire! Peut-être y avait-on abouti par la même façon que saint
Épiphane, ou bien par une autre voie Antioche se trouve au cœur d'un pays peuplé
:
de moines, qui précisément sont intervenus durant cette crise de 387, d'ascètes qui
par vocation s'adonnent aux pratiques les plus rigoureuses. Chez eux, le samedi est
célébré à l'égal du dimanche (2); pour obtenir les quarante jours de jeûne absolu, il
faut compter huit semaines, même abstraction faite de la semaine pascale. Cette
organisation avait l'avantage de donner satisfaction et à ceux qui voulaient imiter à
la lettre le jeune du Sauveur, et aux autres, plus faibles, qui devaient s'en tenir à la
(1) Histoire des empereurs, t. V, note -2»" sur l'empereur Théodose I". La 18-= homélie ad popu-
lum antiochenum commence par ces mots : tioXXoù; siSov -/aipovTaç, xal Tipb; àXXrjXo^J? XÉyovxaî'
ÈvixYjiaLLïv, ÈxpaT;^G-o:[A£v, £Ôanavr|6r) T?iç v/]ijT£ta!; xo ri;j.i(7U. Migne, P. G., t. XLIX, col. l79e.Nous
sommes donc au milieu du carême. Sur la hn du discours, il leur reproch'î leur inconséquence
en ces termes : ri xeyaXr) xî); txôXsw; ev xw oîffu.wxr,p{w, xà \i.i\-t\ fi[j.wv Iv è^opia, àôyiXo; «epl ;?)
xo'jxwv '{'"'/?o?) ''-al (TÙ xopEUci?, cItxî (xoi. xat Ttaiî^ïi; y.al -(i\SL^; o\i-ikç ç£po[X£vxr,v àXoya-£av, ç-/]<j(v.
'O XY); àva'.ffy.ûvxou yv^jA/iÇ, w xr;; pava-jaoy -/.ai ôiEçOocpiAÉvo;" 7t($ffoi yîyôva'nv, sîixi [xot, [Ay^vs; -,
èviayxoî; o'jtîw e'i'/ioff'.v r,[jiî'pa; éy_£t; xwv potXavEÛov à7to-/.X£iff6£Î;. Sans aucun doute, si l'o-
7î6(70t
rateur avait pu dire quinze jours, II n'eût pas manqué de dire quinze jours. Non, il n'y apas en-
core vingt jours, dit-il, que vos bains sont fermés Or, cet ordre de fermer les bains n'a pu arriver
I
à .\ntioclieque bien tard, au cours du Carême. Tillemont croit que ce fu^ au plus toi, le lundi de
la troisième semaine.
(-2) Butler, iiist. Laus., II, 198, a recueilli les références des textes qui rapportent cet usage et sont
relatifs;! l'Égyjjte. Pour les autres pays, il renvoie à celles qui sont réunies dans Funii Die Apo- :
stolischenhonstilutione7i, 93, et à l'article Sabbalh dans Dict. Christ. Antiq. Pour la Syrie, Cons-
t i t. Apost.,\UÏ, 3-2: IpyaîléffOwffav ol ùovloi, néwiB 'q\xéç'Xi, <jà6êaxov &È -/al -/.ypiaxYjv (jyoXaî^Éiwaav
ev x-^ £-/-/.X-riaîa ôià xïiv ôiôaaxaXîav x-/j; EÙffeêeiaç- xbfJièvyàp aàêêaxov ûi:o[j.vi û-c,(xioup(i'a;X6yov
E/Eiv, xi)'/ oï -/yp'.ax-/iv àvaaxdccrsoj;.
L'Histoire Laus iaque nous rapporte qu'un ascète, Elpidius, vivant dans une grotte des alentours
deJéricho,nese relâchait de ses exercices quelesamedietle dimanche (Butler, 142, 18] :xà; -/uptaxà;
lAîxaXàjj.Sav£ (/.dvov --cal xô aâoêaxov, xà; vûxta; Éffxw; xal 4'*W.wv. Elle nous dit aussi qu'à Jéru-
salem, durant le carême, le moine Adolius ne mangeait que tous les cinq jours èv x-?, x£iTcrapaxoax-/i :
f^aQu otà ixî'vxî. Sans aucune hésitation, il faut rapproclier de ce texte celui d'Éthérie Jejunio- :
parmi les pays où l'on jeûne en général six semaines, tandis que la Phénicie est parmi
ceux où l'on jeûnerait sept semaines. Il ne faut pas exclure l'hypothèse d'un change-
ment de pratique dans une même église; là où il y a diversité, il y a variabilité; et
en faveur de cette suggestion, il y aurait ce fait que Cassien, dans la Conlatio XXI,
26-28. exprime une conception nouvelle et originale de ce temps de pénitence. Il y est
remarqué que par ni l'un ni l'autre des deux systèmes les plus en faveur, ceux des
six et sept semaines, on n'arrive au chiffre de quarante jours de jeûne qu'exigerait le
mot Quadragesima: la solution qu'il propose à celte difficulté est celle-ci au plus long :
appartiennent ceux qui ne jeûnent pas le samedi, au plus court ceux qui ne se repo-
sent que le dimanche; de part et d'autre, on s'entend pour pratiquer trente-six jours
de pénitence, c'est-à-dire pour se mortifier durant le dixième de l'année. Le carême,
dîme du temps qui est offerte à Dieu.
c'est la
par un nouveau changement que l'on a prolongé le carême en cette ville de six à
sept semaines. Il est croyable que ces dernières limites furent fixées en 532 par le
patriarche Pierre, dans la mesure où il faut faire crédit à uff méchant florilège du
viii^ siècle, constitué pour la défense des sept semaines, et où son ordonnance est
citée à côté d'un témoignage du saint martyr Ignace et d'un texte tronqué de saint
Basile [loc. cit., col. 71 et 74, note f). Que la pratique des huit semaines ait été au
\r siècle un trait distinctif des hérétiques, je n'en connais pas la preuve. Au contraire,
vie, semble* être resté à l'écart des querelles, dit nettement que les Apôtres ont ins-
titué les sept semaines, et les Pères la huitième o'Jtw yàp àawpiaav ijrrà iÇôoadtoa; (oî :
Svioi (î-o0xo).oi). XX'kk ol ~a.-ioiç tw "/.p<^''w o-jvstoov -poaTîOEÎ'va'. a-j-at; v.tÀ aXXr^v [xîav
£65ou.dôa, à'txa ijièv ôià to -poY'jiivctî^saGat. yoù o?ov -poo[J.xXîu£!30a'. to'jç [j.£X)>ovTa? ïÎcteXôeÎ'v
£?ç Tov xdîûov Twv vr^arsiûv, oÉaa 8è xal-tiiwvTSç Ta; vrjCTtît'açTwàpiOiUWT^ àYÎaîTcijapaxoaTr);.
f|V ivTjîTTSjaîv ô /.ûptoç f.piwv (Migne, P. G. A. LXXXVIII, col. 1788c). La diversité des
systèmes se maintint jusqu'au viii'^ siècle, et à cette époque seulement, il y eut des
esprits chagrins pour s'en scandaliser et lui trouver une saveur d'hérésie. Saint Jean
Damascène a vu la querelle s'éveiller: après s'être efforcé de l'apaiser par d'excellents
conseils distribués autour de lui, il fut pratiquement obligé de prendre parti pour les
a; os -ou Èv.auToy oi/.iZt;, où TE33acâxov:a ; il n'est pas non plus facile, d'après lui, de
concilier les opinions des anciens auteurs, notre Père Basile et Grégoire le théologien;
les uns parlent de six semaines; d'autres iraient jusqu'à exiger huit et neuf semaines.
Le meilleur moyen de satisfaire à toutes les prescriptions traditionnelles, est le système
de la sainte église de la Résurrection (JérusalenV qui au cours de huit semaines au
moins conduit graduellement les fidèles de la simple abstinence au jeûne le plus
absolu De sacris jejiiniis, Migne. P. G., t. XCV. c. 61 et suiv.;.
L'indication d'Éthérie sur la durée du Carême à Jérusalem n'est pas un indice qui
puisse nous fixer sur la date de son voyage. Si l'on veut bien ne pas arrêter quelles
étaient les conditions du iv siècle à l'aide des textes du v^^, et celles du vr avec un
écrit érislique du virr , la Perer/rinatio trouvera aussi aisément sa place dans les pre-
mières années des limites qui nous sont fixées que dans les dernières.
Éthérie poussa son pèlerinage jusqu'à Édcsse pour y vénérer le corps de saint
Thomas. L'évêque de la ville se montra très obligeant vis-à-vis d'elle et s'offrit à la
guider lui même. M. Meister, d'accord en cela avec Rubens Duval [Histoire d'Édesse,
REGENSION'S. 437
Il me paraît, tout au contraire, que notre récit ne peut être postérieur à ces tra-
vaux, surtout qu'il ne peut l'être immédiatement, comme ce serait nécessaire d'après
les limites déjà indiquées. Cette opposition absolue m'oblige à des citations un peu
longues qu'on voudra bien excuser.
Sur l'inondation et les travaux subséquents, Procope nous renseigne très bien dans
son livre De Aedificiis (éd. Dindorf., III, p. 228). J'emprunte la traduction du passage
à Rubens Duval (op. «Y., p. 9). « Édesse est traversée par un fleuve peu important,
nommé Sxtpio; (sauteur), qui porte au milieu de la ville ses eaux rassemblées de
divers endroits. Sortant de la ville, il continue sa marche, après avoir pourvu aux
besoins de celle-ci. A son entrée et à sa sortie, un passage a été ménagé dans la mu-
raille par les anciens habitants. Un jour ce fleuve, gonflé par des pluies tombées eu
abondance, monta à une grande hauteur et menaça de détruire la ville. Pxenversant
le premier rempart et ensuite le mur d'enceinte, il inonda la ville presque tout entière
et Il jeta à terre d'un seul coup les plus beaux édifices
causa des pertes irrémédiables.
et fit L'empereur Justinien, non seulement s'empressa de
périr le tiers des habitants.
reconstruire les monuments endommagés, parmi lesquels étaient l'église des chré-
tiens et le bâtiment appelé Antiphore ('AvTbocoç), mais il travailla avec une grande
sollicitude à ce que ce malheur ne se renouvelât plus. U sut par un art habile impri-
mer au un autre cours devant le rempart. A droite du fleuve, le pays était
fleuve
plat et de niveau; mais à gauche une montagne à pic ne permettait pas au courant
de dévier ni de prendre une direction autre que celle qu'il suivait; de toute nécessité,
il devait passer par la ville. A droite en eff'et, il ne rencontrait aucun obstacle qui
Il n'est pas facile à la lecture de se représenter ces travaux dans tous leurs détails,
mais on ne peut nier l'ampleur des mesures prises, qui règlent encore aujourd'hui le
cours du fleuve (R. Duval, o^. cit., p. 8). Or, il parut à Éthérie qu'Édesse n'était
alimentée en eaux que par des sources qui jaillissent à l'intérieur de la ville et créent
un étang entouré époques de légendes et de vénération. Sans doute arrivâ-
à toutes les
t-elle en cette ville, peu importe que ce soit au printemps, à un moment de séche-
resse où les vingt-cinq cours d'eau dont parle la chronique d'Édesse (Biblioth. Orient.
d'Assémani, I, 392) n'étaient plus indiqués que par de longues traînées de cailloux.
Il que le témoignage de la pèlerine « est démenti de la façon
n'y a pas lieu de s'écrier
la plus catégoriquepar tout ce que nous savons des terribles inondations du Daican
(le SxtpTdç) », au contraire ces données d'origines diverses se complètent le plus
naturellement du monde et décrivent le régime capricieux de ces torrents.
438 REVUE BIBLIQUE.
fer les habitants.Dieu intervint en faveur des Édessiens par des prodiges successifs :
jamais le canal ne reçut une goutte d'eau (... ut nec ipsi haberent vel unadie quod
biberent, qui obsedebant civitatem. sicut lamen et usque in hodie apparet), et au
centre de la ville, jaillirent miraculeusement les sources que la pèlerine admirait
(p. 62, 63).
Aucun des objets visuels dont témoigne cette description n'est irréel ;
ni les fon-
taines intérieures avec leurs gros poissons, ni les lits desséchés de ruisseaux, ni
même ce canal inutile dont l'évêque fait remonter l'origine à l'époque lointaine où
les sources sacrées auraient jailli : qu'il ait été entrepris par des bienfaiteurs ou des
ennemis de la ville, l'une ou l'autre h\'pothèse est admissible; la ville a subi assez de
sièges pour avoir vu ce genre d'attaque, et d'autre part des travaux de cette sorte
sont en projet après chaque inondation et la chronique d'Edesse enregistre des
catastrophes semblables en 201, 403. 413 comme en 525 : quelquefois ils sont entre-
pris et souvent ils échouent.
Mais qu'un évêque qui avait pu suivre avec autant d'étonnement que de joie l'en-
treprise de Justinien , recoure à l'explication qu'entendit Éthérie, cela paraît inad-
missible. Parlant ainsi, il ne pouvait indiquer le canal décrit par Procope, dont pas
un mot d'ailleurs ne fait soupçonner l'échec; et expliquant le régime des eaux, il
est inconcevable qu'il ait pu n'en rien dire à une dame qui ne manquait ni de vue ni
d'inteUigence.
L'évêque d'Edesse à qui parlait Éthérie était en possession de ce siège
avant 525.
Des nombreuses objections que M. Meister a soulevées contre la date communé-
ment attribuée à la Peregrinatio, toutes n'ont pas la même importance. Nous relè-
verons les principales et les éclaircirons le plus brièvement possible.
Il ne comprendrait pas qu'à cette époque, Éthérie puisse représenter comme elle
cœlo pêne contiguum nequaquam adiri potcst • (Dialog. 1. \vn, Migne, P. L., t. XX, cet» 194) et
veut qu'il soit conlirnié par celui de saint Nil mais non, les deux témoignages se contredisent
:
l'un l'autre, si Postumien ne se contredit pas lui-même. Peut-être n'a-t-il vu que le Serbal qui
est en effet beaucoup moins accessible que le Sinaï Entre les deux, c'est celui de saint Nil I
qu'il faut suivre, puisqu'il nous informe directement et a demeuré lui-même au Sinaï.
M. Meister n'utilise pas le texte d'Ammonius « Ammonii monachi relatio de sanctis patribus bar-
:
RECENSIONS. 439
Possin) : JTOtouat 51 (les moines) -càç oh.r^'j-ii où ;:)vrja(ov àXXnîXwv àXX' îxavwç à-o6cV
otiaTaaÉva; êlV.oat 7:ou xat ttXsro aXXoç àXXou arao(o'j; à-iyovxsç... Tatç oè Kupiazal'i; Et:
i/.î(X7)o(av [aÎxv cpoiTwai cuvaYOfJLEVot xat àXXrjXot; ôt' ÉCooaâooi; auvsaôjXEVot Tuvépyov-at, ïva
;j.f, ::aXtv ô navtîXTiç y^wptai/.bç tSj ypôvw ôia/.6'^T) r/i; ôtxovofa; rbv (rJVOEay.ov... xoivwvouat
Tî oùv Twv Gefwv [xucTTTipfwv -/al laTiôjutv àXXir]'Xou; yjiv/x'^ix twv xaOrjxo'vTwv Xo-{loi't — il
deorsum prope radicem montium ipsorum, id est seu circa illim qui medianus est,
seu circa illorum, qui per giro sunt, modica terrola est ; ftatim sancti monachi pro
dilif/entia sua arbusculns ponunt et pomariola insfituunt vel orationcs et juxta sibi
monasteria ». A l'occasion de son arrivée plusieurs des moines ont gravi les pentes
abruptes pour participer avec elle aux saints mystères. Le prêtre qui dessert l'église
a quitté aussi son monastère et la reçoit, « scnex integer et monachvs a prima
vitn ». Faut-il s'étonner de ce détail? A supposer que le voyage ait eu lieu en 390,
donnons à ce vieux moine soixante-quinze ans d'âge et soixante ans de vie religieuse :
Et encore une fois, n'y a-t-il pas conformité absolue entre ce qu'ont vu et décrit saint
Nil et Éthérie?
Mais, à son tour, M. Meister ne se serait-il pas abusé sur le sens du mot /no/iasfe/'«<m?
Pourtant dans l'index de Geyer (édit. cit., p. 366), on explique déjà ce mot de la sorte :
ce ne serait pas une des moindres dilficultés, s'il fallait adopter la datation nouvelle,
que ce fait que jamais Ethérie au cours de ses voyages dans toutes les directions, ne
se soit trouvée devant un monastère au sens plus récent du mot, dans la manière
que saint Basile a réglée et promue dans tout l'Orient.
L'objection ne gagne pas en valeur si l'on rappelle les attaques des bédouins
contre les moines du Sinaï. L'histoire en enregistre quelques-unes à la fin du
iv« et au début du mais cet obstacle à un voyage ou à un séjour dans le
v° siècle,
désert est de toutes les époques et de tous les déserts, du vr siècle aussi bien que
du iv, de la Transjordane comme du Sinaï, et il n'a jamais empêché les moines
de s'y installer. Quand les solitaires demandaient à Justinien qu'il leur bâtisse un
monastère fortifié, c'était bien une protection qu'ils sollicitaient. L'exemple de saint
Nil est des plus significatifs ; il devait savoir, autant qu'Ethérie, que vers 373, sous
l'empereur Valens, y avait eu par les Arabes un massacre général des pieux habi-
il
tants de la montagne sainte (cf. Tillemont, dissert. cit.). Le danger ne datait pas
d'alors; les incursions de plus en plus audacieuses des Sarrasins jusque sur le terri-
toire de l'empire avaient rendu nécessaire, au iii° siècle déjà, le déplacement vers le
jeune tils; il en a pâti; d'autres ont recommencé. Et moines s'y trouvant, les pèle-
les
rins les visitaient. D'ailleurs Éthérie se fit accompagner par des soldats (49, 25).
sous la main. me
permette cependant de lui signaler le parti que Couret en a tiré yLa Pales-
Qu'il
tine sous les empereurs grecs, Grenoble, i86'J, p. 47) pour décrire les origines du monachisme au
mont Sinaï, surtout l'excellente analyse qu'en a faite Le Nain de Tillemont « Les saints anaco- :
rètes, Paul, Isaie, Sabbas et les autres tuez par les barbares dans les solitudes de Sinaï et de
Raïtte. » Mém.2your servir à l'hist. ecclés.. VII, 573-o80.
440 REVUE BIBLIQUE.
Jérusalem au iv° siècle, non seulement sur la foi de la Peregrinatio Aetheriae, mais
aussi d'un discours de saint Jérôme, prononcé en cette ville dans une des premières
années du v siècle (Origines du Culte, 3" édit., p. 2.59, n" 3).
d'une ville qui se renouvelait, au culte des Lieux saints qui était la préoccupation
universelle, à l'édification des moines qui étaient pauvres, humbles et austères. Juvé-
ual obtient en 451 le titre de patriarche, et on dirait que c'est le point d'arrêt d'un
progrès continu. Presque en même temps, les menées de l'impératrice Eudocie susci-
tent des forces anarchiques que plus personne ne réprimera jusqu'à la chute du
christianisme en ces régions. C'est elle qui crée le schisme entre l'autorité épiscopale
et la puissance que représentaient des milliers de moines elle mit le bâton entre :
les mains de ces derniers et ils ne le déposèrent plus jamais. Aucune des querelles
byzantines ne fut épargnée à ce pays eutychiens, orthodoxes, acéphales, origé-
:
nistes se succédèrent, et peu importait la logique des arguments, mais bien le nombre
de partisans armés que pouvaient recruter un ïhéodose, un Sévère, un Sabas, un
Nonnus. Si les monastères sont surmontés d'une tour et se bâtissent comme des
citadelles, c'est bien contre les Sarrasins dont les incursions deviennent de plus eu
plus audacieuses; mais la résistance des murailles ne sera pas non plus inutile contre
refuge de ceux qui n'adoptent pas leur opinion. Un jour, saint Sabas réunit dix mille
RECENSIONS. 441
giles ». Une autre fois les Origénistes sont vainqueurs des Orthodoxes, après un
combat sanglant livré dans les rues de Jérusalem, et mènent derrière eux une pour-
suite vigoureuse dans la vallée du Cédron (1).
Sans doute l'itinéraire de Theodosius 'an. 520-530) (2) ne rend pas un écho de
tout ce tumulte: mais autant celui-ci est impersonnel, autant celui qui nous occupe
est pénétré des impressions de celle qui l'écrit. Et il est à remarquer qu'à l'époque
du premier l'autorité de Sabas a produit une accalmie relative, que ce saint mourut
en lan 532 et que sa disparition fut le signal d'une recrudescence d'hérésies et de
désordres (3). Est-il possible que la nonne Ethérie ait passé plusieurs années dans ce
milieu troublé, elle qui n'a rien vu que des motifs de louer Dieu de lavoir con-
duite en ces lieux.^ Le fait est que ni dans les pages qui nous sont parvenues, ni dans
ce que nous pouvons deviner du reste par la lettre du moine espagnol Valérius, il n'y
a, à propos de cette situation lamentable,
la moindre plainte de sou âme pieuse.
Jourdain pour aller par la ville de Livias jusqu'au haut du mont Nebô ^p. 50 et suiv.).
Comme tous ses autres pèlerinages, elle n'a entrepris celui-ci que sur l'ordre de
Dieu; cette fois, il paraît qu'on s'est organisé en véritable caravane; elle s'est fait
accompagner par un prêtre, des diacres et des moines de Jérusalem. On passe par
Jéricho aucun détail ne nous est donné; sans doute avait-elle déjà visité cette ville
:
et livré ses impressions dans la partie de l'Itinéraire qui ne nous est pas parvenue
cf. lettre de Valérius n° 2: Férotin, Rev. des Quest. hist., F"- cet. 1903, p. 385-386).
Dès que !e fleuve est atteint, les souvenirs s'éveillent et sont enregistrés sur près de
quatre pages. Tous sont relatifs à Moïse et au passage du Jourdain par les -Israélites.
— Theodosius (520 à 530), qui n'est allé qu'à Livias, nous ouvre en quelques lignes
bien d'autres aperçus à côté des souvenirs de Moïse, il y a ceux d'Elie
: il a vu la :
petite montagne d'où le prophète fut enlevé: et aussi le tombeau d'Elisée honoré
d'une petite église. Surtout y vénère l'emplacement oij Jésus-Christ fut baptisé ;
il
1, La Palestine sous les empereurs Grecs, par .ilph. Couret. -2= partie, p. 117-202.
,2j Éd. Geyer, Itinera lerosolymitana.
(-3, Couret; op. cit.: P- 1^8 et suiv.
442 REVUE BIBLIQUE.
en a rencontré une multitude (p. 165), plus un très grand monastère de Saint-Jean-
Baptiste avec deux hospices peut décrire une
fête de la Théophanie qui s'\- célèbre
; il
chaque année en grande pompe. Parmi les souvenirs multipliés, je signale simple-
ment qu'il reconnaît dans les environs la vallée de Corra (I Rois, xvii. 2-6) où le
prophète Élie fut nourri par un corbeau, tandis qu'Éthérie la trouvait au nord de
Thisbé (actuellement Mar-Elyas), c'est-à-dire bien plus en amont de la vallée du
Jourdain (p. 59, 1. 8).
ral; les écrivains les plus habiles ne reflètent jamais exactement et intégralement
leur milieu, et les auteurs d'itinéraires ne sont pas à classer parmi ceux-là. Cepen-
dant, elles ont peut-être soutenu la thèse de Gamurrini autant que ses arguments
eux-mêmes, et si M. Meister a cru devoir multiplier les siens, n'est-ce pas qu'il ait
voulu se défendre contre ces impressions d'une simple lecture?
M. Meister ne fait pas à un argument de Gamurrini l'honneur qu'il mérite. Quand
la pèlerine est arrivée à Carrhes, aux limites de la Mésopotamie, elle s'informe au-
près de l'évêque de la situation de Ur, la patrie d'Abraham, et l'évêque de lui ré-
pondre (67, 19) : « Locus ille, filia, qitem requiris, décima mansione est liinc intus
in Persida. Nam
hinc usque ad iSisibin inansiones sunt quinque et Inde usque adHur
quae fuit Chaldaeonim. aliae mansiones sunt quinque; sed modo ibi accessus
civitas
Romanorum non est totum enim illud Persac tenent.
:
Nous avons déjà dit que Msibe fut abandonnée par les Romains en 363, et par ses
expressions, l'évêque indique qu'il a conservé de ce recul de l'empire un souvenir
très présent (1). Gamurrini jugeait qu'il fallait tenir compte de cette manière de
parler et ne pas reculer outre mesure la date du pèlerinage. Ce n'est pas l'avis de
M. Meister qui comprendrait encore le regret de l'évêque à deux cents ans de dis-
tance : modo ne signifierait pas « depuis peu », mais « actuellement ».
Ibidem modo jussii Constantini imperatoris basilica facta est (Geyer. 23. 1).
Mais même à accueillir la seconde interprétation, et à considérer les textes qui
sont apportés à son appui, — tous deux tirés de la Peregrinatio elle-même, l'un
(64, 31) : Necesse me fuit accedere usque ad Charris, quia modo sic dicitur. JSam in
scripturis sanctis dicta est Charra...; — l'autre (48, 3) : Heroum autem civitas
quae fuit illo tempore, id est iibi occurrit Joseph patri suo Jacob venienti sicut scrip-
tum est in libro Genesis, nunc est corne, sed grandis quod 7ios dicimus viens, —
ilne s'ensuit pas que l'argument soit dirimé.
Par l'emploi de ces adverbes, on veut suggérer une comparaison entre des situations
ou des appellations actuelles et d'autres, antérieures. Dans les textes qui soutiennent
l'objection de M. Meister, la pèlerine se réfère à des souvenirs bibliques, des histoires
lointaines sans doute, mais qui lui sont chères et familières; et encore prend-elle le
soin, pour éclairer le lecteur, de renvoyer aux livres sacrés-, la perte de Nisibe est,
relativement à nos personnages, d'ordre bien inférieur, et ni l'évêque dans la conver-
sation ni la pèlerine dans son récit n'explique cette allusion. Et pourtant ce modo,
fût-il un nunc, appelle une explication; ainsi en est-il deux pages plus haut (62, 22) :
1. Que ces expressions soient relatives à >'isibe. il n'y a pas de doute. M. Meister voudrait
qu'il s'agisse de Ur; mais Ur, ou le pays arec lequel Ur est identifié par l'évêque, n'a jamais
appartenu à l'empire. Nisibe, à l'époque où elle appartenait à l'empire, en était l'extrême Irou-
.tière.
RECENSIONS. 443
ipsa civitas [Edessa) aliam aquam penitns non hahef nunc nisi eam quae de palatio
exit : suit immédiatement le récit nous apprenons
de l'évêque, cité plus haut, où
qu'autrefois il n'en était pas ainsi, et comment les choses ont changé. Si pour INi-
sibe il ne nous en est pas donné, on peut conclure qu'elle est supposée dans l'es-
prit de tous, et que modo, qui après tout n'est pas un nunc. s'oppose à un temps
peu éloigné ( l >.
Je me trouve confirmé dans cette idée par une considération qui n'est pas sans
importance. La pèlerine accorde un intérêt particulier aux circonscriptions adminis-
tratives qu'elle traverse et s'apphque à en parler avec précision.
Le récit de son voyage se termine par l'itinéraire de Tarse à Co^stantinople. Elle
le donne en quelques mots « Et Inde, alla die, subieiis montem Taunim et faciens
:
iter jam notum pcr sin^idas provincifs quas eundo trnnsiverum, kl est Cappadociam,
Galatiam el Bithininm, perveni Chalcedona » (70, 16). De là. par une courte traversée
elle arrive à Constantinople. Quelle que soit l'époque du récit, l'énumération est
complète et exacte. Ce sont bien ces trois provinces qui se trouvent successivement
sur la route qui rejoint les deux points extrêmes de son voyage. Leur territoire fut
partagé sous Dioclétien ou au cours du iv^ siècle en un grand nombre de subdivi-
sions. Même chemin d'Éthérie ne traverse que celles des
après ces remaniements, le
nouvelles provinces qui ont conservé ces trois noms, les autres, c'est-à-dire le Ponius,
le Pontiis Polemianus, les deux Arménies, la Lycaonie (ancienne Cappadoce). la
Quand elle parle de la Thébaïde, il ne s'agit pas seulement d'une région sainte,
chère aux pèlerins, mais d'une province bien délimitée dont la situation précise lui
56, .3; 59, 13). Plusieurs fois au cours d'une longue route cette pieuse femme, dont
ni l'imagination n'était très éveillée, ni le vocabulaire très riche, ne se préoccupe pas
de nous donner d'autres renseignements.
Il semble qu'on puisse tirer parti de ces indications et j'essaierai de le faire pour
le diocèse d'Orient qu'elle a parcouru à peu près dans tous les sens (3).
Voici la liste des provinces qu'on pourrait dresser avec son secours pour cette
,1) M. Clermont-Ganneau a déjà remarqué Recueil d'nrcfi. or.. III, p. 1-29, qu'Antoain use de ce
mot modo pour désigner particulièrement les églises bâties par Eudocie ou Juslinien, tandis
qu'ilne l'emploie pas pour les édifices plus anciens.
Marquardt. Organisation de l'empire rotnain, 1S9-2, II, p. .301,287, 275.
(-2) Cf. Kiepert, Formy —
orbis antiqui, VIII. Asia minor imperatoris Traiani. L'énumération des villes de chaque pro-
vince, donnée par Marquardt, permet de reconnaître quelles furent les limites des subdivisions
postérieures à Trajan.
(3) .l'exclus l'Egypte qui dans la seconde moitié du iv^ siècle est constituée en diocèse distinct,
cr. Laterculus Poleniii SUvii ^liste de l'état des provinces de l'empire, datée de 385 à 399, édil.
Sedck. p. 25!»;. —
Pour le contrôle de l'argument que je développe, je signalerai le livre récent
de MM. Briinnow et Domaszewski, Die provincin Arabia, Strassburg, 1909, où se trouvent réunis
tous les textes qui nous intéressent, p. 2W et suiv. Ueberblick iiber die Geschichte der Provinz
:
Arabia.
444 REVUE BIBLIQUE.
partie de l'empire : Hisatcria (p. 69), Cilicia (p. 69), Mesopotamia (p. 60), Augusto-
fratensis (p. 61), Coele-Syria (p; 60), Fenice (p. 59), Palaestina (p. 50), Arabia
(p. 50, 56).
Arabia item Arabia augusta Libanensis paîestina fenicen syriae cohele augusta
eufratensis cilicia isaiiria mesopotamia Osroena. On a déjà émis et accepté l'hypothèse
que les second et troisième mots sont le résultat d'une interpolation ('2) Augusta ;
Libanensis désigne une province constituée par Dioclétien et qui disparut peu après
lui (3).
Si l'on veut présenter l'état des provinces dans la seconde moitié du iv'^ siècle, il
faut ajouter la Palaestina Salutaris que l'on considère avoir été formée vers 358 (4),
et la Sophanene dont il est fait mention dans le laterculus de Polemius Silvius (5);
Éthérie n'est pas allée en Sophanene, elle n'avait pas à l'indiquer; de même pour
la Palaestina salutaris, puisque son voyage de Péluse à Jérusalem s'est poursuivi par
les villes de la côte qui ont toujours appartenu à la Palestine proprement dite. Elle
a commis une seule erreur, plaçant Édesse en Mésopotamie, alors que cette ville était
la capitale de rOsroène.
Au début du v<^ siècle, le système du morcellement des provinces a beaucoup pro-
gressé y a, à côté d'une Cilicia prima, une Cilicia secunda; d'une Sy7'ia prima,
: il
findu iv^ siècle plutôt qu'après, de la croire plus proche de l'année 385, date pro-
bable du laterculus de Polemius Silvius, plutôt que de la limite extrême de ce siècle.
S'il en est ainsi, on s'explique qu'Éthérie introduise dans son récit les évêques
trône épiscopal de cette ville, et de lui on pouvait dire qu'il avait « confessé » sa
foi : sous l'empereur Valens, alors qu'il était simple prêtre et son évêque exilé, il
p. X, 30, édit. Lagarde, p. .33; mais à bien entendre certaines afiirmations de Libanius,
elle doit avoir été constituée vers 358. Cf. Brïmnow et Domaszewsky, loc. cit., p. 277.
(S) Édit. cit., p. 2o9
'6) Notitia dignitatum, éd. Seeck, p. 5 et suiv.
RECENSIONS. 445
n'avait pas permis que les fldèles entrassent dans la communion des persécuteurs, et
lui-même à son tour fut relégué à une autre extrémité de l'empire. La fortune ne
fut pas moins juste vis-à-vis d'un second prêtre d'Edesse. Protogène, qui avait été
le compagnon d'exil d'Eulogius; quand la paix religieuse fut rétablie, il fut désigné
pour occuper le siège de Harran (1 }. Nous reconnaissons en eux deux des trois con-
fesseurs qu'Ethérie eut la joie de rencontrer.
Encore à Edesse, en 394. sous l'évêque Cyrus. eut lieu la translation des reliques
de saint Thomas dans une église qui lui avait été dédiée (2). Pour les deux raisons
que je viens de développer, j'incline à croire que le voyage d'Éthérie est antérieur à
cette cérémonie (3; . Mais le vaste sanctuaire qui recevra plus tard la châsse du saint
est déjà construitou restauré [valde pulchra et nova dispositione. Éthérie, 61, 29) et
s'ouvre aux pèlerins qui de plus en plus nombreux viennent honorer le corps de l'apô-
tre 4). L'ancien martyrium est tout proche et j'entends ainsi la phrase d'Éthérie per-
rfximus ad ecclesiam et ad inartyr'tum sancti Thoinae. Il n'y avait pas lieu sans doute
de faire, comme le voulait Gamurrini. de cette expression un argument, mais il faut
avouer que dans les circonstances où nous la plaçons, elle devient très intelligible.
Il en est de même de toute la Perer^rinatio. Après une étude détaillée de la thèse
de M. Meister, nous ne comprenons bien cet itinéraire que si nous persistons à le
Jérusaleai.
Joseph Decomxck.
Scripta Minoa, the icritten documents of minoan Crète with spécial référence to
the archives of Knossos, by Arthur J. Eva>'s. Vol. I The hieroglyphic and pri-
:
mitive linear classes ivith an account of the discovery of the pre-phoenician scripts,
their place in minoan story and their mediterranean relations, icith plates, tables
and figures in the text. Gr. in-4'' de x-302 pp. Oxford, Clarendon Press. 1909.
M. Arthur Evans a découvert la Crète ancienne parce qu'il l'a devinée, et cela
est vrai même de l'écriture Cretoise préhistorique. Les fouilles de Knossos n'étaient
pas encore commencées que déjà l'illustre savant avait reconnu sur les sceaux qu'il
recueillaitun peu partout un système de pictographie conventionnelle, c'est-à-dire
une écriture, qu'il attribuait au pays de Minos. La découverte des archives du palais
de Knossos n'a été qu'une juste récompense de sa perspicacité. Aussi lui est-il donné
aujourd'hui de reprendre avec ampleur et de traiter eu maître le sujet qu'il avait
esquissé dès 189-5 dans ses Primitive pictographs and Prae-Phoenician Script in
Crète and the Péloponnèse.
Jusqu'à présent, l'écriture Cretoise a gardé son secret, mais elle ne le révélera
sans doute qu'aux efforts persévérants de l'intelligence, et, sans entreprendre un
;i; Théodore!, Hist. eccl., IV, 13 : nspî toô èv 'EÔÉT5 vEvofiivo'J ôttoyaoû -/.ai nepi E-iXo^iou -/.a-
nccùTOfévo-j; ÈoîTr.vwv TrpECTouîépMv. Migne, P. G., t. LXXXU, col. llè>4 EJXoviov oà... xat IIpu-
Toyévvj; è&îcr.vûv Tzps'îov-ïptov.
col. 1157 : EJXÔY'.ov 6à... xat IIpo)TOv£vr,'j =1; 'Avtivù -zry 0r,oa£'i)v cçsjîîji'I/îv.
col. 1159 : èîtî'.of, 6è zr,-/ èvE^xo-jcav xaréXaêov 6 |Jiàv 6îTo; Eù/ÔY'-o;, 3àp(70'j -ov u.îyâ).o-j [xe-a-
CTavTo; îl; tov ï):jtzo\ ^îov, tî;; 'ju' Iy.v.-iO'j /.joîpvuu.Évr,: 'ExxXr.Tia; ï7:'.(j-îv6r, "ov; o'.a/.a;' 6 ôî
à?'.âva(7To; IIpwTOvÉvri; ystooYîtv Tzooctz-xyjir, Ta; Kàpaç.
[il Chron. Edess.. éd. Assemani, ad ann. Graec. "05.
'3 \ rencontre de Baumstark, Abendlàndische Palâstinapilger des ersten Jahrtausends u»d
ihre Berichte, Kôln. 1906, p. (3.
Rien n'indique qu'il s'agisse de l'église principale de la ville, qui en possède plusieurs
(4)
dès le iv« siècle (cf. Baumstark, Oriens Christianus, 1904 Vorjustianische Kirchliche Bauten in :
Edessa. p. 169 et suiv.). Dès lors, il est inutile de parler de la cathédrale qu aurait rebâtie Jus-
tinien.
446 REVLE BIBLIQUE.
Les lecteurs de la Revue connaissent déjà les deux catégories principales de l'écri-
ture minoenne (RB., 1907, p. 193 ss.}. la pictographie conventionnelle que M. Evans
regarde comme une véritable écriture dans le genre des hiéroglyphes, et l'écriture
bases eurent été solidement établies, quand des signes conventionnels clairs et reçus
de tous se furent imposés à l'usage, ils furent à leur tour réduits en lignes, dont les
contours étaient assez précis pour être facilement reconnus.
Entre ces deux systèmes, pictographie grossière et caractères linéaires sans signi-
fication précise, d'un côté, pictographie artistique et conventionnelle transformée en
lignes, de l'autre, la démarcation dans les cas concrets,
n'est pas toujours précise
mais la distinction paraît assurée, et elle permet de classer à leur vraie place ces
caractères linéaires anciens, soit en Egypte, soit en Crète, où M. Flinders Pétrie
voyait une écriture datant de cinq à six mille ans avant l'ère chrétienne, et qu'on
pourrait même dire plus ancienne puisqu'elle se retrouve sur les parois des grottes
magdaléniennes... si c'était une écriture!
Ces premières tentatives étant contemporaines eu Crète de la IV*^ à la VL' dynastie
égyptiennes {d'environ 2840 à 2.500 d'après la chronologie d'Ed. Meyer), M. Evans
place les premiers signes pictographiques conventionnels, ou hiéroglyphes, vers le
début du ilinoen moyen, contemporain de la XP dynastie égyptienne. C'est vers le
dans l'influence qu'elle aurait exercée, soit en Grèce (en Béotie et dans le Pélopon-
nèse), soit en Asie Mineure, soit en Cliypre, soit en Egypte, en Italie ou en Espagne,
soit surtout en Palestine et en Phénicie.
Ce dernier point intéresse particulièrement la Bévue, puisqu'il s'agit de savoir si
l'alphabet phénicien, source de tous les autres, ne doit pas son origine à l'écriture
Cretoise.
M. Evans n'hésite pas à l'affirmer.
Syrie jusque vers 1100 (1); c'est donc que l'alphabet phénicien, beaucoup plus sim-
ple, n'était pas inventé. Or c'est précisément vers ce temps (1220 ?) que les Philis-
tins, venus de Crète (2;, se sont installés dans le pays qui a pris leur nom.
Il faut, dès à présent, faire des réserves sur cette date de 1100 qui semble beau-
coup trop basse. L'alphabet apparaît sous la forme grecque, dérivée de l'alphabet
phénicien, dès le ix"^ siècle avant Jésus-Christ. L'inscription phénicienne d'Hiram
est probablement du x^ siècle, et bientôt après apparaissent celles de Mésa et de
Hadad. De plus M. Evans n'admet pas que l'alphabet de l'Arabie du sud soit issu du
phénicien, tel que nous le possédons. Il faut donc supposer un prototype. Pour
que le prototype ait pu donner naissance à ces formes diverses, il faut supposer un
temps assez long: ce n'est pas à ses débuts, c'est plutôt longtemps après son appari-
tion que l'alphabet s'est altéré rapidement.
Mais cette difficulté chronologique n'a qu'une portée restreinte, et elle ne pou-
vait empêcher M. Evans de comparer l'alphabet phénicien aux écritures Cretoises,
l'origine une main ouverte, encore reconnaissable dans l'écriture, et c'est bien une
main ouverte que représentait un caractère crétois semblable au kaph.
Au premier abord on est ébloui, et il est bien difficile de refuser une adhésion
enthousiaste à ce qui parait être une admirable découverte. Sans avoir la prétention
(1) Ce point est admis sans autre preuve sur l'autorité de Mai yiùller {Mitleihingen der vor-
derasiatischen Gesellschaft, III 1898 p. 40. Il ne me paraît pas suffisamment établi.
.
i-2) M. Evans donne à celte tlièse sa pleine adhésion il trouve un rapprochement assez piquant
;
entre les offrandes que les Philistins offrirent à lahvé et les offrandes votives de Pétsofà. où
l'on a rencontré, outre des animaux malfaisants comme le hérisson (?., la lieletle. des têtes, des
bras, des jambes, et des corps coupés en deux, probablement pour mieux montrer la partie
malade (cf. .1. L. Myrks, Brilish Sc/iool annual, IX, p. 356 ss.). Cela est bien du même peuple
qui a offert en ex-voto les rats et les tumeurs (I Sam. vi, 5). On s'est beaucoup étonné aussi
que les Philistins soient sortis de l'Egypte (Gen. x, W. M. Evans {p. 93) admet des colonies Cre-
toises en Egypte, et peut-être les Philistins représentent-ils en partie le mouvement de ces élé-
ments vers l'est.
(3) est regardé comme différencié du ".
n
(4) Le nun est rapporté non à un poisson, mais à un serpent; nalias est le nom de cette
lettre dans l'alphabet éthiopien.
448 REVUE BIBLIQUE.
un cou de chameau (1), lamed un aiguillon, mem (qui n'a aucun répondant en Crète)
de l'eau qui court. M. Lidzbarski (2) a proposé de prononcer zaith, d'après le grec
zêta, le signe zaïn qui représentait une branche d'olivier (la forme la plus ancienne
est dans l'inscription de Hiram, CIS., I, -5).
Après cela, il faudrait faire la part des lettres différenciées. M. Evans reconnaît le
dantes, M. Evans aurait prouvé d'un même coup les deux thèses, mais ce n'est pas
le cas. Seul le rech ibérique se rattache à son objet naturel, une tête, mais sous la
forme du qof. N'est-il pas une rencontre de hasard ? Par ail-
probable que c'est là
date de leur installation en Palestine qui ne peut guère être reportée avant l'an 1220,
(1) Il semble bien que le n° 76 est une tête de chameau, surtout tel qu'il est dessiné vp. 17-2
d'après l'original, .avec sa petite oreille très caractéristique.
;2) Ephemeris.... II. p. 12o-139. Die yamen der Alphabetbuchstaben.
RECENSIONS. 449
ancêtres. Dès lors, puisque M. Evans admet que les Philistins sont venus de Crète, on ne
voit pas bien pourquoi le disque n'aurait pas appartenu à une de leurs colonies éta-
blies dans ce pays, à moins que la matière première oblige à supposer qu'il a été
apporté tout fait dans l'île. Quoi qu'il en soit, si quelque chose peut nous donner une
idée de cette graphie minoenne provinciale qu'on pourrait nommer anatolienne (2),
et par déduction philistine, c'est bien le disque de Phaestos. Or aucun de ses qua-
rante-cinq signes ne se rapproche de l'alphabet phénicien.
Si donc il fallait relever dans les origines de cet alphabet une influence Cretoise,
j'aimerais mieux la chercher dans ces colonies, d'ancienne souche Cretoise, dont
parle .M. Evans, établies en Egypte dès le temps d'Aménophis III, et qui, s'étant
glissées peu à peu vers l'est, sont, si l'on veut, des proto-Phihstins.
Cette question passionnante des origines de l'alphabet nous a retenus trop long-
temps. Et cependant c'est seulement après ces préliminaires qu'est abordé l'objet
propre du premier volume, l'étude des figures et des signes linéaires anciens, puis
surtout de la picto^raphie conventionnelle, sous la forme de sceaux et de prismes
d'argile. Chaque caractère est analysé séparément '3 formant le total de cent
,
prouve soit par le nombre relativement très restreint des signes, soit parce qu'ils
forment des combinaisons qui ne s'expliquent pas par l'association des idées. Quand
cette association existe, on doit conclure à l'idéographie et dans certains groupe-
ments M. Evans reconnaît des titres d'officiers du palais.
Peut-être cette belle écriture nous éclaire-t-elle encore indirectement sur les in-
fluences qui peuvent s'exercer dans cet ordre de choses. Il n'est pas douteux qu'elle
ait été originale, le fruit propre du génie minoen. Les objets ont été vus en eux-
mêmes et dessines d'après nature. Cependant M. Evans reconnaît sans hésiter ce que
la Crète doit à l'Egypte. C'est une sorte d'émulation qui a poussé les artistes Cretois
à oréer des types qui puissent rivaliser avec ceux des Egyptiens. Il y a plus, il y a eu
emprunt formel. Onze signes sont des hiéroglyphes égyptiens, et de ceux qui inté-
1, Le rapprocliement avec l'art lyciea îles cuuslruclious est t'iut à lait heureux. Le sii;ne u' 7
me parait plutôt un bonnet Peruien qu'une mamelle ETans,. il est souvent joint au signe 45 que
M. Pernier interprète comme de l'eau, et qui pourrait bien être un bâton de commandement
L'alliance des deux signes serait très naturelle.
2 Miss Bell croit avoir trouvé de la poterie « Late MLnoan • en Lvcaonie The thousand and one
iJxurches. p. 10,.
•3; Page l»l, le signe 28 que M. Evans croit être une harpe, et qu'il avait rapproché du signe où
il voyait une quenouille dista/T, est bien plutôt, comme le P. Vincent l'avait dit dans son tableau
\plicalif du plan de Knossos (n" îm» un instrument de métal autour «luquel les maçons enroulent
.
.eurs cordeaux; cf. I^al. Expl. Fund, Quarterbj Stat., 1803, p. -201.
UEVLE BIBLIQLE 1910. — ?î. S., T. VU. 29
4o0 REVUE BIBLIQUE.
The thousand and one Churches, par Sir W. M. Ramsay et Miss Gertrude
Lowthian Bell, ln-8" de xvi-580 pp. et 386 fig. Hodder et Stoughton-, Londres,
1909.
« Les mille et une églises », en turc, c'est comme on dirait < quarante églises »,
pour faire entendre qu'il y en a beaucoup; en pratique ici une trentaine. Il en a été
question déjà quand on a signalé (RB.. 1904, p. 126-9) le manifeste de M. Strzygowski
sur l'Asie Mineure, berceau de l'art chrétien. 31. S. disposait d'une documentation
lacuneuse ; M"'^ Bell produit un relevé total, fondé sur plusieurs voyages et précisé
par quelques fouilles. Ce ne sera pas un des moindres mérites de son entreprise d'avoir
décidé M. Ramsay à lui prêter son concours. Les 40 pages d'introduction descriptive
et le chapitre final (p. 505 ss.), consacré surtout à l'épigraphie. sont l'œuvre del'émi-
nent maître et n'ont rien laissé échapper de ce qui pouvait éclairer l'archéologie
compliquée et l'histoire à faire de cette cité Lycaonienne au nom oublié, Barata
peut-être, dans la toponymie romano-byzantine, quoi qu'il en ait pu être du nom
primordial hittite et anatolien.
Le livre est mieux (lue ne le définit son titre pittoresque. Ceux qui ont lu les mo-
nographies de la savante exploratrice en de récentes années de la linur archrologique
s'attendent bien à trouver une abondante et soigneuse documentation de faits nou-
veaux pour l'histoire de l'art chrétien ; ils pourraient cependant imaginer que l'ouvrage
se restreint à la localité d'ordre bien secondaire dite Bin Bir KUlssé. En réalité c'est
l'évolution artistique de la Lycaonie qui est esquissée en celte étude ; et à propos de
ce centre perdu dans le massif volcanique du Kara Bagh. isolé vers l'extrémité sud-
est du haut plateau et presque aux confins du Taurus, on passe en revue toute la
province. De l'enquête extrêmement diligente et de la mise en œuvre tout à fait ju-
dicieuse résulte un tableau de la vie en cette province peu privilégiée par la nature
et assez loin du rivage méditerranéen pour ne bénéficier plus guère de sa féconde
influence. Miss Bell n'est pas simplement en elîet une hardie voyageuse, que ne sem-
blent inquiéter ni les difficultés naturelles ni les inconvénients plus désagréables d'un
milieu passablement barbare: elle est même mieux encore qu'une savante trop éprise
de science technique et exposée à voir ce qui aurait dû être plutôt que ce qui fut. Elle
cultive l'archéologie avec méthode et précision, surtout avec goût, avec une vue
pénétrante et un sens délié qui lui font saisir vivement et exprimer avec tact la
portée d'un détail d'architecture ou d'ornement, le caractère d'un édifice, la physio-
nomie d'un site et l'intime relation entre la nature, le peuple et ses monuments. Et
combien de bonne grâce dans l'exposé de ses vues personnelles Car elle entend !
RECENSIONS. 451
bien, malgré son évidente religion pour quelques théories artistiques chères ;i
M. Strzygowski. —
à qui le livre est dédié, —
ne pas suivre à l'aveuglette le sillon
ouvert.
Elle eût pu croire sa tâche remplie par le relevé et la description scientifique (Ij
de monuments pré'cieux malgré leur pauvre apparence et condamnés désormais à une
ruine accélérée (2) par une reprise de la vie en ce milieu si longtemps désert. Aucun
plan possible encore à établir n'a été négligé. De très nombreuses photographies,
presque toutes excellentes et expressives, ont sauvé pour l'étude ce qui offrait encore
quelque valeur. Des profils et des diagrammes enregistrent les détails de modénature
et d'ornementation que la photographie neùt pas suffisamment rendus (3),
Avec ces matériaux Miss Bell a construit une synthèse attrayante pour le lecteur
le moins spécialisé, utile du reste à ceux mêmes qui le sont. L'intérêt du groupe de
monuments présentés consiste en plusieurs faits : nombre et variété de ces monu-
ments, nouveauté de beaucoup de détails, et, plus que tout, continuité d'évolution
sans bouleversements depuis le déclin du iv^^' siècle jusqu'à la fin du xi". L'invasion
arabe n'est parvenue là qu'assez tard et n'y a nullement interrompu la vie et le dé-
veloppement chrétien, quoiqu'elle ait contribué sans doute à rendre pires des con-
ditions naturellement défavorables. L'architecture Lycaonienne est une architecture
de pierre; le bois ne faisant pourtant point si radicalement défaut que dans le
Haurdn, par exemple, on a pu l'utiliser souvent pour les toitures, cloisons, portes,
ancres de liaison dans les noyaux de maçonnerie en blocage (4) entre deux parements
appareillés. Rien, ou à peu près, ne subsiste des constructions antérieures au chris-
tianisme; tout au plus a-t-on relevé les vestiges de quelques mausolées d'époque ro-
maine (5); le reste a dû passer dans les édifices chrétiens. Avec la religion nouvelle
s'introduisit dans la contrée un art nouveau, en ce sens que le principe même de
(1) 11 est dommage que dans cette description n'aient pas trouvé place, le cas échéant, les
références précises à l'ouvrage de Strzygowski.
(-2) Les cas ne sont pas"rares déjà ou quelque édiûce qui faisait belle figure au siècle dernier
mentaire et nul de ceux qui ont l'expérience des difficultés imposées à la photographie par les
hasards de l'exploration ne s'étonnera de tels accidents. Les techniciens sévères regretteront
qu'à côté des plans. Miss Bell n'ait pas présenté excepté fig. 19-2) des coupes, souvent très utiles
l)our l'intelligence rapide et exacte de particularités architectoniques imparfaitement traduites
par des photographies. La moindre coupe, fût-elle schématique, eût prévenu la difficulté à
laquelle on se heurte en voulant, je suppose, saisir avec exactitude le rapport de certaine
« chambre voûtée, probablement une citerne ». et d'une église (fig. -2:i't ou même accorder ce ,
plan avec la photographie ;fig. 2.j5). On est surpris aussi que les plans munis d'une indication
d'orientement soient l'exception et que les cotes de proportion ne soient pas indiquées eu des
profils dépourvus d'échelle il y a même ici et là un plan (Qg. 18", 233, 239*=) dans le même cas. Par
:
(;ontre on ne saurait trop louer M"'= Bell d'a\oir toujours dessiné une échelle métrique propor-
tionnelle à l'èclielle en pieds anglais et fait usage du système métrique dans sa description.
('; Exemples cités, p. 403. Nous avons constaté la môme particularité en des édifices byzan-
tins du Négeb (RB., 1904, p. 41C; et l'on sait qu'elle est fréquente depuis des temps fort reculés
en Orient et en Occident; cf. Koiil, Kasr Firaun in Petra (1908), p. 10. C'est un de ces nombreux
détails utilitaires d'une invention trop spontanée pour qu'ils impliquent imitation ou emprunt
d'une civilisation à l'autre. La brique n'a été employée, en Ljcaonie, qu'en de rares exemples et
presque exclusivement pour la décoration (p. 303 et 440 ss.).
1.3) P. 239 ss. La forteresse du Ras Dagh p. 280 ss., fig. 239b, 241-3, 243 ss.) que M. Saladin in-
clinerait, paraît-il, à dater d'une épo(|ue pré-chrétienne par défaut d'analogies dans l'Afrique
byzantine (p. 500), semble fort comparable à celle d''Abdeh comme procédé de construction, ou
à d'autres du Négeb byzantin, "^Aoudjeh par exemple. La double enceinte en moellons épannelés
p. 49.'> et fig- 308), comparée à un monument que M. Ilamsay estime « pré-hellénique », aurait
d'excellents répondants en quelques fortins de Transjordane, byzantins sinon arabes.
452 REVUE BIBLIQUE.
leurs vieilles habitudes et aux ressources matérielles que le pays mettait à leur dis-
position. Quatre types sont représentés et font l'objet de très solides monographies :
la basilique, l'église à nef simple, à plan cruciforme et octogonal,* — il eût été appa-
lemment plus juste d'employer le terme « polygonal » moins défini et mieux adapté
aux exemples de Bin Bir Kilissé. ]M"« B. se montre admirablement au courant de
l'état présent de la discussion sur chacun des problèmes représentés toujours par
Torigine, la relation et le développement des types en cause (H, et après avoir passé
en revue les opinions autorisées elle prend d'ordinaire un
nuancé et parti finement
près radicalement disparu ; les bribes de stucs peints, les vestiges de pavements en
mosaïques et les lambeaux de sculpture que le livre nous fait connaître, trouveraient
sans grande recherche leur exact équivalent dans des monuments byzantins de Pa-
lestine. Il en irait de même pour les édifices et tel détail de construction, d'élévation
ou de plan, présenté comme anatolien parce qu'on ne lui a pas découvert d'analogies
dans les meilleurs recueils en circulation, se retrouve cependant ailleurs, en des mi-
lieux sans doute indépendants de l'Asie Mineure et probablement aussi à une date
antérieure à celle de leur exécution en Lycaonie /2).
(t) Parfois cependant un recours direct aux sources littéraires et à la documentation archéo-
logique l'eût préservée de méprises causées par quelque « autorité » mal choisie. Exemples du
premier genre l'argumentation qu'on prétend tirer de la Peregrinatio .Elherise (p. 307} pour
prouver l'originalité du type basilical constantinien au Saint-Sépulcre, ou de Marc diacre (p. 429)
à propos du Marncion de Gaza en traitant du plan octogonal. Exemple caractéristique du second
'^enre 1*. 316 on déclare que le livre de M. Heisenherg (cf. RB., 1900, p. 329 s.\ « la plus récente
:
autorité sur le sujet, a prononcé que l'église de Constantin était une basilique •. P. 4-27 le même
auteur est allégué comme ayant /))'0»0M»ced thc opinion de l'inlUieiice artistique exercée par
Constantinople sur tout l'empire à partir de .lustinien. Ces très vieilles découvertes n'ont pas grand
inconvénient sans doute; mais p. 429 on revient à la même autorité pour affirmer que l'Anastasis
doit être réduite à de « très modestes dimensions «. et. p. 430, n. 1, que le Saint-Sépulcre de Mo-
deste n'avait « plus aucune ressemblance avec quoi que ce soit de l'édifice constantinien.
Ailleurs encore reparaissent, sous formes d'axiomes, d'autres hypothèses hasardeuses puisées à
la même source. Nul n'admire plus sincèrement que moi le mérite de M. H. en matière philolo-
gique, encore que la philologie pure ait pu le guider mal pour l'interprétation de quelques
termes un peu spéciaux dans la description d'Eusèbe. Toutefois son archéologie a manqué de
méthode positive et l'a conduit à des résultats faux qui induisent Miss Bell en erreur. Le « der-
nier cri » n'est pas nécessairement une « autorité », ou du moins pas la meilleure. Une observa-
tion analogue peut être présentée à M. Ramsay. 1'. 20 il admet d'emblée la « vraie date » assignée
à la Pcregrinatio par M. Meister {Rheiniches Muséum, 1909) à peu prés 53."; au lieu du ci-devant
:
érémitique au w" siècle, monastères dans le cours du V, églises sur les plus hauts sommets au
vi« et plus tard (p. 22); on prend ensuite cela comme base pour tracer une évolution identique
sur le Kara Dagh. Je n'apprécie les faits Lycaoniens qu'à travers Sir W. M. Ramsay et Miss Bell et
on n'attend pas que je discute ici la thèse de Meister sur la date de la Percgrinatio, quoique je
l'estime difficilement conciliable avec les faits archéologiques au Sinaï. Des centres comme Feirân
et le Djebel Mousa (cf. Lagrange. RB.,iH96, p. 630 ss.; 1897, p. 118 ss.), très bien dépeints dans la
Pcregrinatio, eussent dii entrer en compte au moins autant que les combinaisons de textes —
parfois précaires et pas toutes neuves —
sur lesquelles M. Meister a opéré. Miss B. a esquissé de
son côté (p. 4j8 ss.) quelques vues plus justes en général sur le développement monastique.
(2) Miss Bell, fermement attachée par exemple à l'opinion de M. Str/ygovvski sur l'origine
orien-
RECENSIONS. 433
Quand Miss B. ne peut plus dire résolument type ou motif « anatolien », comme
elle le fait par exemple pour le plan en forme de T (1), elle se réfugie dans la for-
mule plus vague dérivé d'un prototype asiatique. On a parfois quelque peine à
:
adopter cette dérivation asiatique, faute d'exemples décisifs, c'est-à-dire assez ar-
chaïques pour être eux-mêmes indemnes d'influences hellénistiques tels les porches :
latéraux dans les basiliques ^p. 324), les absides en trèfle (p. 347i, le plan rond (2)
ou les colonnes engagées sans rôle organique dans l'édifice (3). Oa est probablement
sur un terrain plus solide en rattachant le plan octogonal aux traditions orientales,
taie du plan cruciforme, en tlé|)it des exemples typiques fournis par Rome impériale (cf. Mili.f.t,
Rev. arch.. l'JOo. r, n'ignore pas non plus qu'il a une attestation romano-syrienne du milieu
du H'- siècle le prétoire de Mousmieh (de Vogïé, Syrie centrale, I, 45 s., lig. Il et pi. 7). Mais elle
:
suppose que le type de Mousmieh « ne l'ut pas reproduit en Syrie durant la période chrétienne •
(p. 399}. Et il est vrai qu'en élévation au moins on ne lui voit pas de répondant syrien bien exact;
mais en plan ils ne sont pas rares, ainsi que le montrait naguère M. Bctleiï, The Tychaion al
is-San<iinên and Ihe vlan of early churches in Syria; Rei:. arch.. 1900. II, p. 413 ss. Nous avons
un très vague ai)er(u de ce que pouvait être l'église en croix grecque sur le puits de la Samari-
taine à Naplouse d'après le schéma d'Arculphe (Geyer, Itinera, p. -211, que Miss B. connaît
—
p. 34o - par un répertoire archéologitiue) et d'après l'état actuel des ruines; nous ignorons
au contraire ce qu'était au juste 1' « église en croix • signalée par Theodosius dans la première
moitié du vi" siècle sur l'emplacement du Temple à Jérusalem (éd. Tomi-eii-Moiisiei;, Itinera,
p. 6o, i\ la recension publiée par Geyer omet ce détail;: pourquoi cependant ne pourrait-ce pas
:
être un exemple de ce plan cross-in-sqiiare dont on cherche les plus anciens exemples en Ar-
ménie (p. 399)? L'attestation de Theodosius prouve du moins que dans l'état actuel de l'explora-
tion nous devons être prudents en affirmant l'existence ou l'absence de tel type en telle province.
(1) P. 399; cf. 3'*i ss. In type très net de ce plan cruciforme « anatolien », avec abside en
tréûe.
est cette chapelle n" 9 (p.' "9 s.. Cg. 30, 41-5; cf. SrazvGOwsKi, Kleinasien, p. -26 s.}, ou il semble
bien qu'on ait raison de ne pas chercher un baptistère (p. 348), mais (jui n'est pas nécessairement
un « mausolée » ainsi que l'intitule M' « S. Il n'est pas facile d'en déterminer la date approxima-
tive et l'hypothèse du v" siècle » proposée par M. Kamsay ;p. o3o) sur quelques déductions ono-
•<
mastiques et épigraphiques est certainement la plus haute époque possible de par l'aspect archéo-
logique. Or en face de ce monument soi-disant anatolien je placerais volontiers l'église de la
Parthénikô à M;idabà (cf. RB., 1892, p. G39 —
document de misère qui ne me permet pas d'insister
en ce moment,, qui parait bien dater du v siècle aussi, peut-être même de la lin du iv«. Ce plan
avait-il été importé d'Anatolie à Màdabà '/
-2) P. 429. (»n ajoute que l'usage de ce plan dans l'architecture greciiue est « conGné à un petit
groupe de divinités... profondément intluencées par les cultes asiatiques étrangers »; preuves
alléguées le Philippéion d'Olympie et la tholos d'Kpidaure ;p. 430). Ce second exemple n'est
:
peut-être pas très probant, car on sait la discussion sur sa nature (Defuasse et Lecii^t, BuU.corr.
hell.. 1890, p. 631 ss., et la controverse avec Chipiez, dans la fi'i-. arch.. 189<J, I, 3"! ss.). Mais la
tholos de Phylacos, à Delphes, bien antérieure aux exemples Iburnis ;v« siècle d'après M. Poulsek,
Recherch. sur la top. de Delphes; Bullet. Acad. Dancm.. 1908, p. 376), ne prouve-t-elle pas à elle
seule que le plan rond n'était pas monopolisé au profit des dieux, et à une époque où les in-
lluences orientales étaient encore peu accentuées dans l'art grec classique? A l'inverse peut-être
de M"" B. on estimera le plan rond assez étranger à l'antique Orient, où le triangle et le carré pa-
raissent avoir été les figures génératrices de prédilection parmi les architectes. Même eu Perse,
où la figure ronde prend le plus il'lmportance surtout dans l'architecture funéraire de basse époque,
le carré garde ses privilèges spéculatifs (cf. G.iyet, L'art persan, p. lio s.}. C'est bien plutôt l'Occi-
dent, la Grèce archaifjue d'abord, mais Rome surtout, qui ont saisi l'heureux parti à tirer de cette
figure voy. Maktha, Manuel d'archéol. étrnsq. et rom.. p. 129 s.). Et peut-être aux raisons d'ordre
pratique d'où le plan rond était issu à l'origine, sajouta-t-il tardivement des considérations phi-
losophi(|ues analogues à la doctrine du carré magique oriental. Tout le monde a en mémoire le
curieux passage de S. Jérôme (In. Ez.. 40: Mir.M.. PL., XXV, .599) Rotundum... quae figura inter
:
omnia (j-/r,[xaTa a philosophis quoqite hujus saeculi pulchrior approbatur, etc. Il semble bien
que M. Rivoira [Le origini délia architett. lombarda, II, 27, 32 ss.) ait exagéré en faisant du prin-
cipe même de la rotonde une invention des architectes romains; il demeure vrai qu'ils en ont
fait le plus fréquent et le meilleur emploi.
(3) P.449. A propos de l'église de Tchangli Klissè (décrite p. 404 ss.. Gg. 331) dont on compare
un de structure avec celle du palais de Firouz-Abâd. P. -450, n. 3, M"" B. se range d'ailleurs
détail
très judicieusement à l'avis de M. W. Andrae qui lui a suggéré de voir plutôt en ces deux cas une
réminiscence déformée de l'architecture classique. Elle est plus heureuse en rattachant les pi-
lastres appareillés qui découpent en saillie le parement d'un mur au procédé très archaïque mé-
—
sopotamien.Auxexemples qu'ellecite presque les mêmes choisisnaguère par.M. Jéquier en quête
de parallèles • contemporains du tombeau royal de Négadah (dans de Morgan. Recherches... orig.
>.
beaucoup de vues très justes, prête le flanc à d'assez sérieuses critiques. La voûte
est d'origine orientale, c'est aujourd'hui bien entendu. S'il s'agit de la fausse voûte,
dite à encorbellement, le principe en est si simple qu'elle a été inventée à peu près
partout dès les origines de la construction surtout funéraire. S'il est question de la
vraie voûte appareillée, ce n'est pas seulement la VF dynastie égyptienne qui l'employait
déjà (p. 435), mais au moins la IV*? (voir par exemple de Morgan, Fouilles à Dah-
i:houi\ I, p. 14, fig. 14) et d'une année à l'autre les fouilles pratiquées en Orient
nous en montrent l'emploi aux périodes les plus archaïques. Nous voilà loin par con-
séquent des jours où la découverte d'une voûte en berceau faisait diagnostiquer une
origine romaine quand on ne disait pas « étrusque » (3), par où d'ailleurs on reve-
nait, inconsciemmentalors, aux sources orientales.
Pour que problème de dérivation progresse, il faut nécessairement aujourd'hui
le
se livrer à une étude minutieuse des tracés, des procédés de montage et d'appareil-
lage, car il ne peut plus suffire de présenter un arc brisé pour conclure à une ogive
occidentale (4) par exemple. A ce point de vue quelques graphiques eussent com-
(1) Et dont les plans paraissent avoir été publiés clés 1008 dans les Midanges d'arch. et d'hist. de
l'École franc, de Rome, t. XXIX. Voir maintenant le tirage à part de MM. Nicole et Darieu, Le
sanctuaire des dieux orientaux au Janicule, 1909, p. 31 ss., pi. xii-xiv et la restauration de
M. l'architecte Mazet, pi. xv; Gauckler, ComjH. rend. Acad. IBL., 1909, p. tU7 ss. et plan; P.vsyui.
Noti:,ic dtfjli Scai-i, 1909, p. 393 et plan.Un autre tvpe saisissant du plan ()Ctogonal oriental mais —
que M"= ne pouvait encore connaître
B. —
est ce temple de Khuraiyib,Si\x sud de Bosra, que
M. Butler vient de publier {Princeton Univ. Arch. Exj/ed., Il, A, -2 Ane. Architecture,
: South.
Haurdn, p. 105 s., lig. 83) et qu'il suppose antérieur aux inlluences romaines. Par sa conception
même ce plan se ramène assez bien aux formes fondamentales de l'arcliitecture d'Orient; on se
souvient en eflet que M. l'architecte Mauss prouvait admirablement naguère comment ce ])lan pro-
cède du carré {Note sur la méthode employée pour tracer le plan de la mosquée d'Omar; extr. de
la RcK. archéoL. 1888\
(•2) Aux exemples syriens qu'on a rappelés pouvait s'ajouter ce curieux type de Moudjeleia (di.
VoGiiÉ, Syr. centr., pi. (53 s. et p. loi). Mais le parallèle à peu prés identique àla cellaoclogonale
du Janicule au iv« s. de notre ère est cette église ôe Mir'dyeh publiée aussi par Butler, op. ?.,1I
B, -i, p. 09 s., fig. 75. Les savants qui onttraitédu téménos oriental du Janicule dans son ensemble
ne paraissent pas avoir mis en relief sa curieuse analogie avec le téménos constantinien du
Saint-Sépulcre. Déjà cependant M. Gauckler a insisté à diverses reprises sur le rapprocliement
entre la chapelle octogonale « voûtée en coupole » —
détail incertain et les —
premiers baptis-
«
tères chrétiens » {Compt. rend. Acad. IBL., 1909. p. 42(i; cf. 118); et en parlant de « baptistères ».
il esl évident que M. Gauckler avait en vue des monuments plus ou moins imités du baptistère
octogonal duLatran —
iv^s.— etgénéralementen relation avec une basilique(cr. Corroyei!, L'archi-
tecture romane, p.;J3etl(iGss.. fig. 92 ss.; Gwxvlt, Étude sur les ruines romainesdcTigzirt, p. 88
ss. — exemple choisi à dessein, parce qu'il ne peut qu'être agréable à MissB.; la basilique et le
baptistère ont été érigés « vers le milieu du v^ siècle sur l'emplacement même d'un sanctuaire
de Saturne... Baal-Hammon latinisé » (Gav.vclt, l. L). donc cet octogone encore a des accointances
avec l'Orient. Il est vrai que, par contre, on trouverait diflicilement en Orient un prototype aussi
I>arfait de l'église à la fois cruciforme et polygonale, n» 8 (fig. 5"i! que la Domus augustana du Pa-
latin (cf. BivoniA, Le origine..., II, 002, fig. 599) et Jliss B. n'est pas très claire à ce sujet (p. 432;.
(3) Cf. l'observation de Perrot et Chipiez, Hist., I, p. 530; Martiia, L'art étrusque, p. 151 s.
(4) PERRiiret Cnu'iEz, op. ?., p. 113, ont déjà noté l'emploi de l'ogive en Egypte. L'arc de cloître
a été réalisé spontanément partout oii un architecte a eu l'idée de croiser deux berceaux.
RECENSIONS. 455
piété avec fruit les bonnes descriptions fouruies sur les voûtes des églises à Bin Bir
Kilissé (1). Au sujet de la coupole, M"-^ B. semble s'être laissé beaucoup entraîner
par l'enthousiaste rappel de M. Strzygowski vers l'Orient, la Perse en particulier.
Toutes les fois qu'elle veut signaler des précurseurs aux audacieuses coupoles by-
zantines et au dôme romain déjà si hardi et d'un effet, on est à peu près
si puissant
sûr de la voir aboutir à la Pei"se, pour ne pas dire à une série presque invariable de
monuments : les fameux palais deFirouz-Abàdet de Sarvistân.llnest pastrèsfacile.
à la vérité, de savoir quelle période exacte vise par là Miss Bell dans lévolutien de
l'art persan; un seul point est clair : elle estime produire des exemples « continuant
les traditions de l'antique école chaldéenne » r2]. Rien n'est plus facile à exagérer,
par conséquent à déformer, qu'une idée juste. Quand d'illustres maîtres ont indiqué
l'Orient comme la patrie féconde en principes et en inspirations d'art, ils avaient
conscience d'ouvrir une voie heureuse, mais ne songeaient certainement pas à révé-
ler une manière de cachette ignorée d'où l'on tirerait du premier au dernier tous
les éléments de l'art chrétien. Comme la vie et les institutions, les formes évo-
luent. Si tributaire que soit le culte chrétien des monuments antiques, pourquoi son
développement n'aurait -il pas inspiré çà et là quelque création dès les premiers temps
byzantins ainsi qu'il en inspira de splendides à la fin de l'époque romane en Occident ?
Il n'y a donc pas lieu de ruser avec les monuments et les dates pour découvrir en des
édifices orientaux exactement ce que réalisèrent, dans d'autres temps et pour ré-
pondre à d'autres besoins, les architectes de Pvome impériale ou de Byzance chré-
tienne.
Et c'est sans doute encore l'exagération d'une idée correcte qu'on pourrait voir
dans l'insistance que le beau livre met à présenter les nombreux vestiges chrétiens
sur le Kara Dagh comme une preuve que la montagne elle-même était estimée sainte
et que les églises, monastères, oratoires, mausolées continuaient la tradition des
vieux cultes issus du sol (3\ Mais, au lieu de continuer a marquer des points faibles
1^ Il eût aussi été prudent de se défier de certaines comparaisons. P. .'ÎIO par exemple, on cite
(^^omme type de voûtes mésopotamiennes, les voûtes en berceau du • palais parthe de Hatra ».
D'après le principe émis naguère par M. VaTclùtecle yiAuss {La piscine de Bet/iesda, append. A :
La crypte bijzantine... et le systi-me de routes..., p. "3 ss.; ces voûtes, continues, parallèles à l'axe
de la galerie à couvrir, relèveraient d'un procédé romain. Le principe soulèverait peut-être quel-
[ue objection: mais ce qui n'en soulèvera aucune. c"est que ce prétendu palais partlie (traité
encore comme tel en 1890 par Perrot et Chipiez, Hist., V La Perse, p. o.So est un produit syncré-
:
tiste où dominent les influences hellénistiques voir G-kizt. L'art persan, p. 7" ss. et !».>: jACorr.-
REL, Les ruines de Hatra :Re>\ arch.. 189". II. p. .347, 349. etc., et surtout maintenant la grande pu-
blication de la mission allemande dont la première partie a déjà paru, fournissant une excellente
documentation photographique- Die Pa'inea von ffa/?Yi, description générale par M. Andrae. 1908).
•2. P. 311. citant à l'appui Pekuot et Cbipiez, Hist., II. :!*). Citation et opinion semblent dériver
en droite ligne de ?;iv^z\Qi>\iSK\,Kleinasien. p. .39. Quoi qu'il en soit, iî est singulier que ni M. S.
ni M"« B., en se référant à l'opinion vaguement exprimée par M. Perrot en 1884. à propos de La
Chaldée. et sans distinction facile entre arts parthe et sassanide. n'aient apparemment eu l'idée
de consulter la même source dans le volumespécial consacré à l'art persan ;Perumt-Chipiez, Hist..
v, 18!-K) où une longue monographie consacrée pp. .'><il-o88) précisément à ces édifices conclut eii
les attribuant aux derniers Arsacides » ou aux < premiers Sassanides > p. 587 Nous voici re- .
jiortés dans la première moitié du ni'= s. de notre rre, c'est-à-dire 500 ans plus tard que lépoque
des derniers .Achéménides qui fut si en faveur jadis cf. Gayet, L'art persan, p, <)4 ss., et surtout
.). DE MiiROAN, Miss, scient, en Perse : IV. Rech. archéoL, II, 1897, p. .304, .330 ss. pour l'attribution
définitive de ces palais aux Sassanides,. Les découvertes de ces récentes années à l'extrémité
orientale du limes syrien, en particulier la série de châteaux explorés par M. Mrsit. Arabia Pe-
traea.l, passirn,\e chi\ieB.\xà.'al-Okhaider SUT \e Urnes mésopotamien publié par M. Massigsox.
Corupt. rend. Acad. IBL.. 19ijî>. p. -20-2 ss., fournissent de nouvelles et précieuses analogies. Or
on sait que • l'art à la période des Sassanides n'était pas un art spécial et indigène, né du génie
du peuple perse de Morgan, op.l., p. 3i)9 s.;, mais un art tout imprégné des formes hellénis-
-i
tiques. Ni Sarvistàn. ni Firouz-Abàd ne valent doue plus pour prouver l'origine perse du dôme:
c'était cependant les « meilleurs exemples connus • [p. 440).
3; Cf. par exemple p. -loG, 349. C'est surtout M. Piamsay —
dont la tendance à s'exagérer la ré-
456 REVUE BIBLIQUE.
dansla splendide monographie de Bin Bir Kilissé, il faudrait avoir l'espace de signa-
ler tout cequ'elle verse à l'étude d'informations excellentes, précises, pleines d'in-
percussion de la mystique païenne sur le cliristianisme a déjà été notée /JB.. 1!K)5, p. -lis qui—
accentue ces prétendues survivances des vieux rites et des naïl's concepts dus à l'inspiration de
la « grande Mère » —
Terre (pp. (». 19 ss., i2"ss.). Dételles pages, écrites avec brio, sur les méfaits
deraccaparementdomanial, sur le péril de lacongrégation,sur la néfaste ignorance du clergé, etc.,
manquent de base solide. Il est vrai le grec abominable » (,p. 533, n" iJOi de la plupart des
«
tex^tes colligés avec un admirable soin témoigne de fort peu de lettres; un sera néanmoins pru-
dent à généraliser pour toute la Lycaonie, à insister aussi sur le cas de l'évoque phrygien qui ne
sait pas écrire son nom (p. 20;. Quant à la redoutable main-morte (p. 30) et à la piquante imagina-
tion d'une ville exclusivement composée « de moines et de fonctionnaires ecclésiastiques » (p.3l ;
cf.470. riiypotliése de M"'' B. sur un « ordre militaire > lycaonien...), sur quoi peut-on les fonder?
Les quelques douzaines d'édifices de physionomie religieuse/ On ne voit pas l'exacte étendue
de la ville en question et le plan, p. 1, n'a pas d'échelle; on a pourtant l'impression qu'elle est
assez considérable et si les monuments religieux ont mieux résisté, c'est qu'en effet ils étaient
|)lus solidement bâtis que le reste. Dans une surface assez restreinte la ville de Màdabà —
où il
n'y avaitpasqueduclergé —
présente déjà 13 ou 14 églises. Je suppose qu'une catastrophe détruise
soudainement les quartiers juifs et musulmans de .lérusalem où grouille une population très
dense. Il ne faudra pas dix siècles pour en anéantir les masures, laissant à nu les vestiges en
pierre de taille d'une bonne douzaine d'églises et de chapelles médiévales ou byzantines qui
sont aujourd'hui des magasins ou des écuries. Entin, puisqu'on croyait devoir documenter par à
peu prés ip. 340) ces saints successeurs des dieux, il n'eût pas été indifférent de rappeler aussi
combien de lois déjà on a mis en garde contre ces trop faciles mirages, tant par des ouvrages
spéciaux ,v. g. Les légendes hagioor.: VI, Ri-miniscences et survivances /jrtieHnes, pp. 168-240, du
HoUandisie Delehayei que par des monographies de revues scientifiques (v. g. M. Hamilton,
The pagan élément in the names of Saints: ASiXiS Annual Brit. School nt Athcns, XIII, 1907,
pp. 348 ss.).
^1 Mentionnons du moins les bassins à ablutions (p. 72i, l'abside à gradins et siège presbytèral
(p. 118 et fig. 81), les cancels sculptés enfermant l'autel (p. 15.j , les grandes jarres en relation mal
déterminée avec des églises (p. l'a et surtout 112 —où ces vases à provisions paraissentêtre dans
le sanctuaire: j'avoue avec candeur ne savoir pas en découvrir la situation sur le plan (Gg. <>3) ou
l'on affirme l'avoir indiquée, l'eut-on songer à un rapprociiement avec les jarres alignées sous le
sanctuaire oriental du .lanicule? simple magasin pour les provisions d'huile et autres à l'usage de
l'église? i'exo-nartliex p. 234 et fig. 198). le dessous d'autel (p. 207 et lig. 224
.
—
dont M"« B. sem-
ble n'avoir pas bien saisi la vraie forme;.
,2) N'ai-je pas dit encore l'irréprochable et élégante correction du livre? Si nous n'écrivons pas
arc en cloilre p. 440), ou encirnie (p. 495 et 500). il se peut qu'on ait trouvé ces formes ailleurs
(ju'en français.— P. 303, n. l,a-t-on voulu écrire c/im-chin...ou church o/... ÎP.398, n. 4, Jahrschaft
est pour Jahreshefte. f.aillarot ;p. 230 Diarkekr ip. 99),Saritcli (carte, p. 294) ne sont-ils pas pour
,
COMMISSIO DE RE BIBLK'A
DE AUCTORIBUS
ET DE TEMPORE COMPOSITIONIS PSALMORUM
I. —Utnmi appellationes J'snlmi Doviil, Hijmni David, Liber pmlinorum D'iviil.
Pmlterium Davidicum, in antiquis collectionibus et in Conciliis ipsis usurpata' ad
designandum Veteris Testaraenti librum cl psalmorum, sicut etiam plurium Patnim
et Doctorum sententia. qui tenuenint omnes prorsus Psalterii psalraos uni David
esse adscribendos, tantam vim liabeant, ut Psalterii totius unicus auctor David haberi
debeat?
Resp. — Neijative.
II. — Utrum ex concordantia textus hebraici cum givTCO textu alexandrino aliisque
vetustis versionibus argui jure possit. titulos psalmorum bebraico textui praeOxos
anliquiores esse versione sic dicta LXX virorum :ac proinde si non directe ab aucto-
ribus ipsis psalmorum, a vetusta saltem judaica traditione dérivasse?
Resp. — A/'/irnifitirc
III. — Utrum prccdicti psalmorum tituli, judaica^ traditionis testes, quando nulla
ratio gravis est contra eorum genuinitatem. prudenter possint in dubiuni revocari.'
Resp. — Négative.
IV. — Utrum, si cousiderentur Sacra^ ScripturcC haud infrequentia testimonia
circa naturalem Davidis peritiam Spiritus Sancti cbarismate illustratam in compo-
nendis carminibus religiosis, institutiones ab ipso condita^ de cantu psalmorum litur-
gico, attributiones psalmorum ipsi facta? tum in Veteri Testamento, tum in Novo.
tum in ipsis inscriptionibus. quœ psalmis ab antique praîGxae sunt; insuper consensus
Judœorum, Patrum et Doctorum Ecclesiae, prudenter denegari possit pr8ecipuum
Psalterii carminum Davidem esse auctorem, vel contra affirmari pauca dumtaxat
eidem regio Psalti carmina esse tribuenda ?
Resp. — yi^i/titivc ad iitramqiie jiartem.
y. — Utrum in specie denegari possit davidica origo eorum psalmorum, qui in
Veteri vel >'ovo Testamento diserte sub Davidis nomine citantur, inter quos prse
ceteris recensendi veniunt psalmus ii Quare fremuevimt fjentef<; ps. xv Conserva
me. Domine; ps. xvii Dili(jam te. Domine, fortitudo mea ;
ps. xxxi Beati quorum
rcmissœ siott iniqnitates: ps. LXVlli Salvum me fnc. Dev.s; ps. cix Bixit Dominus
Domino mco?
Resp. —
Sfijaiire.
438 REVUE BIBLIQUE.
VI. — Utrum sententia eorum admitti possit qui tenent inter psalterii psalmos
nonnuUos esse sive Davidis sive alioruQi auctorum, qui propter rationes liturgicas et
musicales, oscitantiam amanuensium aliasve iucompertas causas in plures fuerint
divisi vel in unum coDJuncti; itemque alios esse psalmos. nti Miserere me i, Deus, qui
ut melius aptarentur circumstautiis historicis vel solemnitatibus populi judaici, levi-
ter fuerint retractati vel modificati, subtractione aut additioue unius alteriusve ver-
siculi, salva tamen totius textus sa cri inspiratione?
Resp. — Af/irmatiie ad ramquc partent.
ut
VII. — Utrum sententia eorum inter recentiores scriptorum, qui indiciis dumtaxat
internis innixi vel minus recta sacri textus interpretatione demonstrare conati sunt
non paucos esse psalmos post tempora Esdra> et Nehemia\ quinimo œvo ]Macha-
baeorum. composites, probabiliter sustineri possit?
Resp. — Négative.
VIII. — Utrum ex multiplici sacrorum Librorum Isovï Testamenti testimonio et
iinanimi Patrum consensu. fatentibus etiam judaic.T gentis scriptoribus. plures agno-
scendi sintpsalmi prophetici et messianici. qui futuri Liberatoris adventum, regnum.
sacerdotium. passionem, mortem et resurrectionem vaticinati sunt: ac proinde reji-
3. 0-7;, soit 35 lignes ordinairement incomplètes. M. Hunt — qui, cette fois, est seul
éditeur du volume — attribue ce texte à la fln du m siècle. Ce serait donc le plus
ancien ms. connu de cette partie de la Bible. Le nom divin, au lieu d'être traduit
-/.jptoç, est représenté par deux iod ayant la forme Z c'est-à-dire la forme qu'avait
cette lettre au ii'^ s, av. J.-C), barrés par un trait transversal qui coupe à la fois les
deux un équivalent assez exact de la forme rabbinique Vi. qu'on ren-
lettres. C'est
contre au X' siècle. On peut donc se demander, ajoute AI. Hunt. si l'opinion d'Ori-
gène que le nom sacré est écrit en caractères hébreux dans les meilleurs exemplaires
ne doit pas s'appliquer aux Septante aussi bien qu'à Aquila. Et en effet le texte
d'Origène est tout à fait général, et il parle des caractères hébreux anciens, ce qui
est bien le fait du papyrus (2). Peut-être aurait-on perçu plus tôt le sens d'Origène.
sans le préjugé qui veut que les mss. anciens ont été copiés très exactement. Il faut
bien plutôt reconnaître qu'à une certaine époque le mot Kjv.o; a remplacé dans les
exemplaires grecs le nom divin simplement transcrit ou abrégé. Le papyrus fournit
(1) Londres. Egypt Exploration Fund. 1910. Numéros 1007 à 107-2, avec six i'l;>n(hes et les in
dices accoutumes.
(2 Kat b/ ToT: ày-piêecTÉpo'.; oï Tôiv àvTiYpàrwv 'E6pa:ot: /apay.TT'.prri /.£:-».'. to ôvoixa 'Eêpalxoï;
Ciï oO Toï; vùv. à/).àTo;; àp/aioTiTo;: Migne, XII, llOi).
*^'^
BULLETIN.
une nouvelle preuve que nos plus anciens ouciaux ont été retouchés pour se rappro-
cher du texte massorétique. Au v. 2, 24, il n'a aùxou ni après r.a-zipx (connrae Mt. 19.
-5: Me. 10, 7, d'après D: Eph. 5. 31), ni après ;j.ïîxÉpa (comme Mt. 19,5: Me. 10,7:
Eph. 5, 31), et au v. 3, 0, il omet /.at devant tôj àvooi'. L'appui que le papyrus reçoit
dans le premier cas du N. T. (et de Philon) prouve que c'est lui qui reproduit le mieux
les LXX primitifs. Dans les deux cas, le papyrus rejoint certains cursifs; c'est une
nouvelle preuve de la nécessité qu'il y a de tenir compte des mss. récents pour une
édition critique. Noter, avec M. Hunt, la forme i-fiyoaav (au lieu de Bayov, 3, 6), d'a-
près la forme en — axv pour — v signalée par M. Mayser dans le grec hellénistique
(Grcnnmatik der grlechischen Papyri, 322 DittexÊergeb, Si/lhge, 3, 234).
s.; cf.
gacité des hellénistes et des mythologues. Dans l'ordre des idées du monde païen au
début des origines chrétiennes, il faut signaler la proclamation de l'avènement de
Néron. Claude, dont l'apothéose romaine avait excité la verve de Sénèque, est qua-
lifié sans difficulté de sù^avf,: ôîé;. Néron, espéré et attendu, est le bon génie de la terre
entière et le principe de tous les biens; il faut donc porter des couronnes et faire des
sacrifices à tous les dieux (n» 1021, p. 148 ss.). —
Un certain Héphestion déclare
(q" 106.5, p. 219 s , iir s, ap. J.-C.) que si les dieux ne l'épargnent pas, il ne les
-âv[T]ojv /.où tôjv yprjCTwv iXjzîowv twv iv àvôoti-o'.Tt vsvofjLiaijLÉvtuv (2) (n'^ 1070, p. 227). Les
espérances d'une autre vie sont ici rattachées au culte de Sérapis. ce qui avait déjà
été reconnu; mais awTr.pîx « le salut « s'entend toujours de la vie présente. — Est-il
besoin de dire que ce ne sont là que de très insuffisants échantillons des nouvelles
richesses fournies par Oxyrhynchus et mises en œuvre par M. Hunt avec sa maîtrise
accoutumée ?
Aussi les papyrus sont-ils de plus en plus à la mode. Il est à prévoir que sous peu
nous serons inondés de chrestomathies plus ou moins réussies. Il importe donc que
le terrain soit occupé par un ouvrage bien fait. C'est le cas du choix que nous offre
M. G. MiUigan (3). Les papyrus dits littéraires étaient naturellement exclus. Cin-
textes sont publiés avec l'indication des corrections, conjectures, etc., traduits en an-
glais et annotés. Une courte introduction esquisse le sujet. Il y aurait beaucoup à
gagner pour la connaissance du grec hellénistique et par conséquent pour l'étude du
X. T. si ce petit livre devenait classique.
mettent d'avancer que ce texte inédit pour la partie gothique — est un frag- —
ment, copié au début du v siècle, d'un codex latinogothicus contenant l'édition
critique des prêtres Sunja et Frithila, les correspondants de saint Jérôme. On soup-
çonnait déjà que le Codex Brixianvs était le texte latin isolé, le Codex Argenteus le
texte gothique isolé de cette édition. L'étonnante découverte confirme ces induc-
tions. La partie gothique contient le verset indiquant la distance d'Emmaûs à Jéru-
salem : une lacune ne permet de connaître le chill're que par conjecture. M. Helm
n'hésite pas à restaurer 60, qui est le chififre du Codex Brixianus et de la recension
antiochienne que suivait la version gothique.
Voici déjà le second volume de VEncycIopaedia of Religion and Ethics, éditée par
M. J. Hastings avec l'assistance de M. J. A. Selbie (2).
Il va de Arthur li Buni/an. Cette fois les choses relatives à l'art et à l'architec-
Nous devions indiquer nous nous garderions d'en imputer toute la respon-
ces faits :
sabilité à l'éditeur, car nous croyons savoir qu'il a adressé un appel très large aux sa-
vants catholiques.
Revenant aux religions autres que la Religion — et c'est toujours pour nous le prin-
cipal intérêt de cette encyclopédie — . nous constatons le même soin de demandera
des spécialistes les notions les plus précises. Par exemple l'article .Ascei«c/s/H est dû à
la collaboration d'une douzaine de savants. Pour que l'unité des vues ne soit pas trop
M. L. H. Jordan a écrit un livre sur létude de la religion dans les universités ita-
liennes X . S'il s'en était tenu aux termes précis de ce titre, c'eût été bientôt dit. puisque
les facultés théologiques ont été supprimées en 1873, et que des deux chaires qui avaient
subsisté, l'une à Rome, l'autre ù Naples, il ne reste qu'une chaire d'histoire du chris-
tianisme, occupée à Rome par M. le professeur Baldassare Labanca. Mais ^l. Jordan
a tenu à chercher les causes de l'état actuel, à pronostiquer sur l'avenir. Des dix cha-
pitres qui composent son livre, les chapp. iv-mii ne sont que la traduction d'un
opuscule du professeur Labanca. Lif/icoUa ontiche e nuove degli studi religiosi in
Ilada, paru en 1890. On peut se demander si cette réédition était opportune, tant
les choses ont changé en Italie ! Aussi M. Jordan reprend la plume aux chapitres sui-
vants pour esquisser l'histoire du modernisme italien '2\ Les ancêtres, sans parler
de Marsile de Padoue. seraient Rosmini et Gioberti. Gioberti, soit. Il faudrait certes
le citer s'il s'agissait d"esquisser un existe-t-il un
modernisme italien. Mais
modernisme d'origine italienne? On peut en douter. Que certains modernistes
italiens aient aimé à citer Rosmini et Gioberti pour s'autoriser de leurs noms,
comme les Anglais et les Français ont cité Newman, et qu'ils aient relevé dans ces
auteurs quelques tendances qu'ils pouvaient exploiter, parfois en les dénaturant, il se
peut. Mais M. Jordan lui-même voit bien plus juste en assignant au modernisme une
cause beaucoup plus générale. Cette cause est, croyons-nous, l'inquiétude sou-
levée dans certains esprits par une étude trop hâtive et sans formation suflisaute des
religions comparées et de l'exégèse radicale destructrice. La tendance, qui domine de
plus en plus le protestantisme, à renoncer à toute foi dogmatique, a pénétré dans les mi-
lieux catholiques et parmi le clergé italien par la voie des livres et des revues de l'étran-
ger. M. Jordan tient à soulianer l'hostilité des modernistes pour le protestantisme.
Nés dans l'Église, honores quelquefois du sacerdoce, les modernistes ne pouvaient
d'abord songer sans horreur à changer de religion, et il répugnait à leur concept d'évo-
lution de se souder à une forme religieuse ancienne et périmée ;3 >. Mais M. Jordan lui-
même avoue que leurs aspirations vont encore plus loin que l'ancien protestantisme :
1 The study of religion in the italian uni i-eraities. by Louis Henry Jordan, iu collaboration
^ith Baldassare Labanca, in-12 de sxviii-3ii pp. Oxford, Froide. 1909.
2] Le chapitre ix est reproduit cquivalemment dans une brochure séparée •.3/ode>/a,s>/i inllaly.
ils origin, ils incentive, ils leaders and ils aimg. S" de 48 pp.. même éditeur. Le même auteur a
publié depuis Comparative religion, a «urvey of its récent literature (190G-1909,\ 8° de 7-2 pp.
:
tenus dans ce qu'il appelle le modernisme, et. voulant citer quatre leaders, il n'aurait
pas mis dans la même vignette, même en insistant sur les divergences, M. Murri,
M. Minocchi. M. Fogazzaro et le P. Semeria.
Cela soit dit pour contenter l'auteur qui a paru tenir à ce que la Becue mention-
nât son livre. Nous sommes, à Jérusalem, trop peu au courant de ce qui se passe en
Italie pour insister. On peut voir dans la Civiltà cnttolica avec quelle audacieuse au-
source des énergies spirituelles sur lesquelles ils comptent pour l'amélioration du sen-
timent religieux dans leur patrie. Et il serait sans doute mieux avisé de tendre la main
à ceux-là. que d'affecter de les confondre avec les autres.
(depuis Mt, 25, 6) et les deux épltres dites de Clément, a paru, par les soins de
M. F. G. Kenyon.
L'émiuent paléographe donne dans une courte introduction l'histoire du ms., sans
entrer dans l'examen de son caractère et de ses premières origines. Il fournit des
renseignements fort utiles sur les différentes mains et les correcteurs qu'on peut
distinguer. On espère que l'Ancien Testament suivra bientôt. Évidemment il n'y a
saint Marc, sur une colonne, mettant en face dans d'autres colonnes les passages
parallèles de saint Matthieu et de saint Luc, ou diverses autres références. Dans une
seconde partie, saint Matthieu passe le premier, avec tous les passages qui nont
pas encore été imprimés, accompagné des passages parallèles de saint Luc. Dans
la troisième partie, c'est saint Luc qui paraît, accompagné des passages parallèles
de saint Matthieu, (.e qui ne se trouve que dans un évangéliste est imprimé en ita-
(11 The Codex Alexandrinus Ro>al MS. 1 D v-viii in reduced photographie Facsimile, New
Testament aiul Clemenline Epistles. Londres. British Muséum, I!H»o.
2) La proportion avec le nis. est de 3 5 pour la longueur des lignes, de
: o pour la super--2 :
ficie.
(3) The synoptic Gospels, arranged ini pavallel columns, by j. M. Thouson, Impérial 8" de xwiii-
184 pp. Oxford, Clarendon Press, 1910.
BULLETkN. 463
liques. Des tables, n'indiquant que les péricopes. sont placées dans le même ordre.
Travail très diligent et qui sera utile au public studieux.
M. le Prof. D. II. Miiller avait pressenti depuis longtemps que sa théorie sur la
passages en hébreu d'après Delitzsch, et des morceaux choisis des prophètes, des
livres sapientiaux et même de la poésie babylonienne et du Coran.
à l'évangélisation des Juifs dans les derniers temps. Et le fait est qu'il en reste
assez à convertir ! Le te.xte de Me. 9, 1 est expliqué comme il l'a été dans cette
Revue (1906, au discours eschatologique Me. 13 coïncide
p. .563i, et le sens assigné 1
aussi avec l'interprétationdonnée au même endroit (p. 382 ss.). Quant au texte de
Me. 13, 32 de die nutem iUo et hora nemo scit, neqne angell, nenue Filins, nisi
:
Pater, M. Van Crombrugghe hasarde une solution nouvelle la casn. sensus est : :
iiemo cognoscit diem judicii ex signi<; Pater i. e. I)ens Imnc diem et liljere déter-
minât et cognoscit. Ce serait à merveille si ce sens pouvait s'appuyer sur le con-
texte. A ce propos, l'auteur paraît ranger le P. Lagrauge parmi ceux qui concèdent
^impliciter que le Christ a ignoré le jour du jugement. En réalité le texte cité en
preuve est très nettement conditionnel Matthieu 24. 36) affirme claire-
: « Si saint
ment... " On tenait à marquera M. Gore, dans cette recension, que les catholiques
n'entendaient pas reculer devant les conclusions d'une exégèse nécessaire. En réalité,
dans le passage parallèle de Me. et de Mt., il semble bien que le Fils ne désigne pas
la nature humaine du Christ, mais plutôt le Fils de Dieu lui-même. Dès lors il ne
(1) Biblische Siudien, V. DieBergpredigt in Liclite der Strophentlieorie, von Dav. Heinr. Mlelij:!-..
In-8° de 04 pp. Vienne, Uoelder, 1908.
(-2) In-S» de :218 pp. Gand, Huysliauwer. 190'J.
(3) C'est ce que prouvait déjà un ouArage antérieur : De soteriologlae chrislianae primis fon-
li'jv.s, 190o.
464 REVUE BIBLIQUE.
peut plus être question d'ignorance en aucun sens, et il faut dire seulement qu'il
Jésus, d'après les critiques radicaux, n'est plus qu'un prophète, et un prophète,
cela s'entend, n'est qu'un sage né en Orient. Pourquoi les Juifs ne le reconnaî-
traient-ils paspour l'un des leurs? Déjà M. ^'athaniel Schmidt considérait comme
un heureux signe des temps qu' « Israël, dispersé parmi les nations, commence à ap-
précier le plus grand des prophètes qu'il ait donnés à la race humaine » (cf. R5.,
1907, p. 29G ss.;. Et en effet, le christianisme purement unitaire et le judaïsme li-
béral ne devraient guère être qu'une seule religion. Pourtant, jusqu'à présent, le
judaïsme n'a pas modifié son attitude envers le Nouveau Testament et surtout envers
l'Évangile. Il affecte de les ignorer, et préfère ne s'en occuper pas 2;. Il se défie, et
sans doute avec raison, de l'attrait que pourraient exercer les paroles, les actes, la
personne de Jésus. Qui commence finir par l'adorer. Ce n'est
à l'aimer pourrait bien
point l'avis de M. Judaïsme aurait intérêt à con-
C. G. Montefiore. Il estime que le
naître Jésus, et que les paroles de TÉvangile ne seraient pas inutiles aux Juifs de
notre temps. —
A quoi bon? disent les fervents du Juda'isme rabbinique. Qu'on
fasse des extraits des maximes de Jésus. On reconnaîtra bien vite qu'une partie de
sa doctrine est tirée de l'Ancien Testament, qu'une autre part se trouve équivalem-
ment dans le Talmud. que le reste est impraticable. — Non, dit M. Montefiore, ni
ces extraits ne vous permettent de connaître l'esprit de Jésus, ni vous n'avez assez
mesuré ce qu'il a de grand, de stimulant, d'héroïque. C'est le rabbinisme, masse touf-
fue, qui devrait être réduit en un abrégé, et encore cet abrégé, règle de la morale
niovenne, aurait besoin d'être relevé par un enseignement plus sublime, inspiré par
l'idéal et prêchant le sacrifice.
Et. pour la première fois peut-être, un savant juif a essayé de commenter les
raire — celle qui cherche à ruiner la valeur du témoignage des évangélistes — lui
était nécessaire. Car enfin, le Jésus qu'on peut proposer à l'admiration des Juifs
et ne couclut pour nature humaine »)ue d'une raison donnée par saint Chrysostome. C'est ce
la
•lue n'a pas assez distingué M. Chii|uot, dans sa thèse : La vision bvaUfiqve dans l'âme de Jcsus-
Clirist. Les atûrmations de cette thèse auraient sans doute été moins sommaires et mieux ap-
puyées si le jeune auteur avait étudié des livres comme celui de M. Van Crombrugghe.
2) Les écrivains juifs, dit M. Muntefiore dans un style lapidaire, ont surtout cherché à dépré-
cier, soit en assignant des parallèles ailleurs, soit en signalant les défauts Jeivish writers hâve :
either looked for paralfels or for defecls {op. inox lan.d., p. xvn\
['i) The synoptic gospels edited with a Introduction and a Comnientary by C. G. Montefiore ,
together wltli a séries of additional notes by i. Abrahams. In three volumes. Les deux premiers
vol. 8° de cvin-ill8 pages. London. Macmillan, l;t09. Le premier volume contient l'introduction
et S. Marc; le deuxième volume S. Matthieu et S. Luc. Une seule pagination.
BULLETIN. 465
comme le dernier des prophètes n'est pas celui des évangélibtes, qui s'est cru Messie
et Fils de Dieu au sens propre. Celui-là serait toujours le blasphémateur, justement
condamné par les chefs de la nation. M. Monteliore
donc assez étroitement s'attache
aux conclusions de M. Loisy, en les atténuant toutefois, et il faut lui savoir gré —
en le comparant au savant français —
d'avoir admis que le récit de la sépulture de
Jésus est historique en substance. On comprendra d'autant mieux que nous n'insis-
tions pas sur les détails, que M. Montefiore. avec beaucoup de modestie, proteste
plus d'une fois qu'il n'a pas la prétention de rien dire de nouveau dans l'ordre scien-
tifique, et qu'il écrit surtout pour ses coreligionnaires. Pour eux le nouveau com-
mentaire n'est évidemment pas à YIndex. Il ne peut être fâcheux que les Juifs s'in-
téressent à l'Évangile. Ceux qui sont aussi sincères que M. xMontefiore paraît l'être
voudront sans doute lire quelques autres ouvrages sur la question.
Quant aux chrétiens, ils liront peut-être encore avec plus d'intérêt les notes addi-
tionnelles de M. 1. Abrohams qui formeront un troisième volume, et qui fourniront
les renseignements rabbiniques jugés opportuns.
geant pour ceux qui voudraient traiter le même thème, de plus en plus utile à ceux
qui le consultent assidûment. D'ailleurs M. Schiirer savait se corriger, sans même at-
tendre le démenti des faits nouveaux, lorsque des études nouvelles suggéraient d'au-
tres conclusions. Le volume III quivient de paraître termine laquatrième édition (1;:
iln'y manque plus qu'une nouvelle table. Au lieu de -562 pages, ce volume en
compte 719. Les additions les plus considérables ont trait, comme il fallait s'y atten-
dre, à la riche moisson des papyrus, soit araméens d'Kléphantine 2), soit grecs d'o-
rigine juive. Ailleurs encore, des inscriptions récemment exhumées font mieux ap-
précier l'étendue et l'importance de la diaspora. La question d'Ahikar est exposée
avec détails i3 . On est surpris que M. Schiirer ait dû emprunter à diverses notes de
M. rsau ce qu'il sait des inscriptions encore inédites de Berlin (4;. Qu'attend-on
donc pour faire cesser ce mystère? Le livre des Jubilés est maintenant reconnu an-
térieur au règne d'Hérode. Les vues sur le livre d'Hénoch sont quelque peu modi-
fiées, mais sans aucun examen des interpolations chrétiennes qu'on a signalées dans
(l) Das Judentum in der Zerstreuung und die Jûdische LiteiTtur. Leipzig. Hinrlclis. 1909.
pur point de vue du droit romain. On pourra relever quelques confusions qu'un exé-
gète de profession n'eut pas commises (1), mais le respect des textes que l'on con-
tracte au contact des jurisconsultes a mis en garde M. Regnault contre les outrances
les plus signalées de M. Loisy (2). Et c'est un plaisir de voir qu'en somme les récits
de la Passion, envisagés du dehors, se concilient fort bien avec les principes du droit
administratif romain. La première partie de la thèse expose la situation de la Judée,
surtout comme province gouvernée par un procurateur (3). La deuxième partie, qui
ressortit plus directement à nos études, agite surtout la question de la juridiction
compétente dans le procès de Jésus. On dit assez généralement mais pas aussi —
souvent qu'il semble à Fauteur —
que les Juifs ont condamné Jésus à mort, qu'ils
en avaient le droit, et qu'ils n'ont demandé à Pilate qu'une conûrmation ou un
exequaiur. M. Regnault au contraire prouve très bien que le procès a été repris par
Pilate, que ce fut même un
nouveau procès, un procès politique substitué par les
Juifs au procès religieux il se garde bien d'en conclure que le Sanhédrin
(4). Mais
n'a point déclaré Jésus digne de mort. Si nous jugeons l'ensemble de l'argumentation
excellent, nous aurions cependant à faire certaines réserves. En voici une. A la
page 76, on lit « Ainsi non seulement le Sanhédrin peut poursuivre un délit prévu
:
par la loi juive, mais encore ayant donné un ordre purement arbitraire, il lui est
possible, s'il est enfreint, de faire arrêter les coupables par des gens à son service et
d'infliger une peinelui-même exécuter. » Cela est très bien vu, mais on lit
qu'il fait
ensuite (p. 94) comme il nous semble, les seules autorités juives
: « 3Iais alors, si.
ont procédé à l'arrestation de Jésus, il est certain qu'il y eut là usurpation de fonc-
tions et illégalité au premier chef. » C'est bien là une contradiction. Il est vrai que
dans le premier cas la peine prononcée est relativement légère et que la seconde
arrestation doit aboutir à une sentence capitale. Mais existait-il alors un mandat
d'amener sous une inculpation précise? Les Sanhédrites font arrêter Jésus, espérant
le conduire à la mort. Pilate n'aura rien à leur reprocher s'ils ont soin d'amener
l'accusé à son tribunal avant d'exécuter aucune peine.
La question du droit de grâce est particulièrement délicate. M. Regnault discute
les modaUtés du droit. Au ton tranchant de certains exégètes on opposera la sage
ses jours de fête, qu'en dépit de la conquête, le vainqueur n'était pas étranger aux
du passé. A la page 20. note 3, la dilférence entre Gen. 12, 1 et Act. 7, 4, n'est pas bien indiquée :
elle porte en réalité sur le lieu de l'appel divin. A la p. jO, note 1. le cas de saint Mattiiieu, situé
en Galilée, ne conclut pas pour la province romaine. La note de la p. 87 est à coté de la (|uestion.
Les témoignages du Nouveau Testament sont tous d'accord que Jésus a été crucifié un vendredi.
La question est de savoir si ce vendredi était le 14 ou le Vi nisau. L'agneau pascal devait être
mangé le 14, non le ib. selon notre manière de compter les jours qui est aussi celle de fauteur.
H) Voir la note de la p. 88, assez modérée pour un auteur protestant.
(3; A la page 30 il est question d'une décision des sénateurs en réalité la décision ne fut prise,
;
et par Auguste, que plus tard. Aussi bien la citation de Josèphe est incomplète. A la p. 57 l'auteur
admet une traduction impossible de Josèphe Pilate venant à Jérusalem « en vue d'abroger les
:
ois des Juifs -. Il est obligé de prouver que cela est invraisemblable, et d'enfoncer une porte ou-
verte pendant quatre pages.
(4) M=' Le Camus, La Vie de X.S. Jésus-Christ, t. III, p. 3-23 • Il s'agissait de montrer un délit
:
choses du vaincu » p. 134}. M. Regnault n'est pas des nôtres, il nous permettra ce-
pendant de le féliciter du tact avec lequel il a traité son sujet.
Jamais sans doute les origines du christianisme n'ont été l'objet d'études aussi
nombreuses que de nos jours. On dirait que la lutte engagée contre la vie actuelle de
l'Église dans les cercles scientifiques s'est relâchée pour se porter autour de son
berceau. C'est là aussi que toute une pléiade de savants catholiques se sont rendus
pour soutenir l'effort de la partie adverse. Le public éclairé désireux de se mêler à la
controverse ou d'en suivre les péripéties jusqu'au détail y sera puissamment aidé par
les textes et documents pour l'étude historique du christianisme publiés sous la di-
rection de ^I.M. Hemmer et Lejay. Cette collection s'est enrichie récemment de plu-
sieurs volumes : Philo h, Commentairt' (ilh'gorique des saintes /o/* traduit par E. Bré-
hier, déjà préparé à cette besogne par son ouvrage sur les idées philosophiques et
religieuses de Philon d'Alexandrie; la V et la 11^ Ckmentis^aT Hemmer; les lettres
de saint Ignace d' Antioche et île saint Polycarpe publiées et traduites par A. Le-
long-, Justin. Dialogue avec Trijphon, II, par G. Archambault 1 . Outre les tra-
ductions qui mettent à la portée de tous des textes parfois très difficiles, il faut si-
tique de Berlin vient d'être édité par les soins de 0. Stahlin 2 . Il comprend les
livres VIII (fragmentaire, des Stromatts. les Edicerpta ex Theodoto, les Edogx
VII et
prophetieœ, le Quis dives sahetur, les débris des Hypotyposes recueillis de côté et
d'autre, des fragments dont le IIcp'i -ou nâa/a. L'ouvrage se présente dans les mêmes
excellentes conditions que les précédents; il est accompagné de trois pages de ma-
nuscrits en phototypie.
chantage »? Toutefois l'étude que M^'^ Macaire fait du système d'Origène montre
combien l'Egypte actuelle tient à cœur de réparer les torts que l'Egypte d'autrefois
eut à l'endroit du plus illustre de ses enfants.
Ancien Testament. — S'il est un homme qui a bien mérité de la Massore. c'est
sans contredit _M. C. D. Ginsburg. ^'ul n'était mieux autorisé que lui à donner enfin
une édition modèle du texte hébreu de l'Ancien Testament avec toutes les notes et
variantes qui présentent quelque intérêt. C'est sous les auspices de la Brifish and f'o-
rcif/n Bible Society qu'il entreprend cette publication. Le livre d'Isaïe vient de pa-
raître (l). les Petits Prophètes sont sous presse, le reste de la Bible ne tardera pas.
Ce qui frappe à première vue, dans cette nouvelle édition, c'est l'élégance et la clarté
du texte. Les caractères typographiques ont été choisis avec toute la diligence pos-
sible. Pouréviter les surcharges, on a laissé sans voyelles les mots qui présentent un
qerë et un kethib:en note sont ponctués séparément le kethib et le qerê. Les manus-
crits utilisés sont au nombre de 73 leurs variantes sont citées sous le chiffre hé-
;
braïque correspondant au numéro de la liste par laquelle s'ouvre le volume. Les édi-
tions imprimées, depuis celle du Pentateuque à Bologne en 1482 jusqu'à celle de la
seconde édition Bomberg (Venise 1-j24-1ô2ôi, sont aussi mises à profit. Cette der-
nière (qui.comme on le sait, imprime la recension de Jacob-Ben-Chayim) sert de
base à l'édition actuelle. On ne se dispense pas d'indiquer çà et là les variantes, sup-
posées par les targumsou les versions. Parfois même M. Ginsburg suggère une cor-
rection probable. Les traducteurs et les exégètes ne pourront se passer de cette édi-
tion qui dépasse les précédentes par le grand nombre des matériaux et par la
La critique du texte des Septante n'a pas moins d'utilité que celle du texte masso-
rétique. Elle est, d'ailleurs, beaucouiD plus compliquée, et c'est ce qui explique le
grand nombre des travaux qu'elle fait naître. Dans ce domaine, comme en d'autres,
de Lagarde fut un initiateur ses Septitagintastudien et son édition de la recension dite
:
de Lucien restent d'une inappréciable valeur. La Société royale des sciences de Got-
tingen donne un bel exemple aux sociétés savantes de l'Europe, en entreprenant une
série de publications qui, sous le titre de Mitteihmgen des Scptuaginla-Untcrnchmens,
seront destinées à rechercher, autant que faire se peut, le texte original de la version
grecque. Le premier fascicule, par M. E. Hautsch, s'occupe du texte de Lucien (2).
Avec beaucoup de patience l'auteur s'attache à rechercher le rapport qui existe, pour
rOctateuque, entre les manuscrits considérés comme représentant le texte de Lucien
et les citations des Pères d'Antioche (Diodore, Théodore de Mopsueste, Théodoret,
saint Jean Chrysostome). Les manuscrits utilisés spécialement par de Lagarde pour
rOctateuque (3) sont le manuscrit 1 9 (noté b dans l'édition Brooke-M'= Lean) et le ma-
nuscrit 108. Il faut ajouter comme témoin de la recension de Lucien le manuscrit w
de l'éditionBrooke-M" Lean. Pour la Genèse, la confrontation de ces manuscrits avec
les citations des Pères dAntioche prouve que le texte de Lucien suivi par les Pères
n'est pas celui des manuscrits 19, 108, w. Ce résultat négatif est celui auquel conduit
aussi l'étude des autres livres du Pentateuque et de Josué. Pour le livre des Juges, il
semble que, même dans l'école d'Antioche, la recension d'Hésychius, représentée pro-
bablement par le Vaticanus, a influencé celle de Lucien. Dans le livre de Ruth, les
divergences entre les citations de Théodoret et le texte des manuscrits 19 et 108 sont
au nombre de cinq, tandis que l'accord se réduit à un seul passage. Il semble donc
que la recension de Lucien devra se trouver dans d'autres manuscrits. Déjà M. Hautsch
indique un groupe (à savoir les manuscrits 54, 59 et 75) comme ayant le plus de
chances de représenter cette recension pour l'Octateuque.
(1) haias,diligenler révisas juxta Massorah atr/tte editiones principes cum variis lectionibus
e mss. atque antiquis versionibus coUectis a C. D. Ginsbuisg, LI/. D. Londres, 1!>0!>.
(2) Der Lukiantext des Oktateuch von Ernst Hautsch, in-8 de 28 pp. Berlin, Weidmann, 1916.
(3) Les numéros désignent les manuscrits suivant la notation de Holmes et Parsons. Une autre
notation est adoptée dans l'édition Brooke->P Lean,
BULLETIN. 460
L'étude de M. Procksch sur Ihisloire de la version des Septante (1) est plus volu-
mineuse et, partant, plus détaillée que celle de M. Hautsch. L'auteur s'attache au
texte des Prophètes, en excluant Daniel qui représente la reeension de Théodotion. Le
but de ses recherches est de retrouver, parmi les minuscules, les différentes familles
auxquelles appartiennent les manuscrits et d'en tirer des conclusions concernant
l'histoire de la version grecque avant Origène. Les minuscules sont répartis en trois
iîroupes : le groupe hexaplaire, le groupe pré-hexaplaire, le groupe de la reeension
de Lucien. Toutes les variantes sont soigneusement mises en regard, puis un chapitre
est destiné à montrer les rapports de ces manuscrits entre eux et leur relation avec
les grands onciaux. Le plus ancien texte des Septante, pour les Prophètes, est repré-
senté par les leçons commîmes aux codices Vaticanus, Sinaïticus, Alexaodrinus, ^lar-
chalianus, ainsi qu'à deux groupes de minuscules que M. Procksch désigne par les
chiffres romains I et H. Mais cette reeension dont la base est un texte pré-hexaplaire
se partage à son tour en deux types bien définis, dont l'un est représeuté par le Va-
ticanus, le Sinaïticus et le groupe I des minuscules, tandis que le second se retrouve
dans l'Alexandrinus,le Marchalianus et le groupe II des minuscules. Naturellement,
cialement pour le livre d'Ézéchiel. En outre, une nouvelle reeension du texte, due à
la main de Lucien, exerce son action sur cette classe de manuscrits. A la suite de ces
études de détail, M. Procksch esquisse une histoire du texte et détermine par quels
procédés on pourra reconstituer ce texte dans son état primitif. « L'histoire des Sep-
tante est ainsi un mouvement d'un maximum à un minimum de distance de leur texte
au texte massorétique. » On sait comment les Juifs ont contribué à ce mouvement
par leurs protestations contre les traductions trop larges ou inexactes. Le travail de
la critique est de rechercher les deux types primitifs de la version elle-même, puis
de par lesquelles chacun de ces types a dû passer sous les influences
fixer les étapes
Deux nouveaux fascicules des Bibllsche Zcitfra'jen (11 et 12. sont consacrés à des
questions relatives à l'Ancien Testament. Celui de M. Hehn traite du sabbat chez les
Hébreux (2). L'auteur avoue qu'il ne fait que mettre à la portée du grand public les
conclusions exposées par lui dans son travail Slebenzahl uiid*Sabhat bel den Babylo-
n'wrii und im A. T., paru en 1907 dans les Leipzi;/er semiti.<tischc Stiidicn (II, 5)
Nous avons donné une critique détaillée de cette brochure. On nous permettra d'y
renvoyer le lecteur ^3). M. Hehn n'a rien changé de ses positions. Il continue de rat-
tacher le nombre « sept », sibittu en assyrien, à la racine 'seba « être rassasié )>, mal-
gré l'invraisemblance de cette dérivation 4;. Il s'élève avec raison contre la théorie
r Studien ;i(r GescliiclUe der Heptnaginta, Die Propliclen von D-^ G. Procksch, Prol'esor der
rhéologie in Greifswald. In-8 de 134 pp. Septième fascicule des Beitrâge zur Wissenchafl vom
Allen Testament de KiUel. Leipzig. Hinrichs, 1910.
(-2) Der israelitische Sabbath von Dr. .Jou.ls.nes Heun, ord. Pf'jf. a. d. Inivers. Wiirzburg. In-8'^
de ;«> pp. Munster, Aschendorff, 1<>09.
{7>) RB.. 1908, p. 462 ss.
qui voudrait rattacher aux sept planètes (les cinq planètes connues des anciens, plus
du caractère sacré attribué au nombre sept, car ce carac-
le soleil et la lune; l'origine
tère sacré apparaît dès la plus haute antiquité tandis que
groupement des sept le
astres en un tout est d'époque récente. Les phases de le mois la lune qui divisent
lunaire en périodes de sept suffisent à rendre compte de la grande importance que
les anciens ont donnée à ce chiffre. A propos du sabbat biblique qui, selon M. Hehn.
considère lahvé comme le maître absolu du temps, nous lisons « Le sabbat selon la :
conception de TAncien Testament n'est pas quelque chose d'arbitraire, mais l'ordre
divin ne fait que renforcer la loi de la nature. Gratta supponit naturam. »
destiné à éclaircir les généalogies de Gen. v et xi. La théorie de l'auteur est que
le rédacteur final de la Genèse « ne garantit pas » les âges attribués aux patriarches
dans les généalogies de Gen. xi et que. dans la liste des Séthites (Gen. v), il s'agit
d'une citatio explicita. Le code sacerdotal a bien la prétention de donner une chro-
nologie et la donne, mais le rédacteur final cite cette chronologie sans la garantir.
Selon M. Euringer, cette explication ne dépasse pas les limites fixées par la commis-
sion biblique dans sou décret du 13 février 1905. On voit avec quel esprit de conci-
liation il a mené son enquête.
Langues. — Les grammaires bibliques modernes nous font oublier les anciennes.
Ce qui serait en tout cas fort injuste, ce serait de ne pas conserver la mémoire des
hébraïsants illustres qui ont frayé la voie. Dom Paul Denis, bénédictin de Solesmes,
a eu l'heureuse idée de publier quelques lettres inédites 3 qui nous font connaître
leurs hésitations, leurs convictions et parfois même leurs querelles au sujet de la
ponctuation massorétique. Le chanoine Masclef n'en voulait pas, et dom Pierre Gua-
rin, bénédictin de Saint-Maur, entendait avec raison la conserver. On voit encore
apparaître dans cette galerie les noms justement célèbres de dom Bouquet et de dom
;i) Die Chronologie d'c bihlischen Urgesc/n'c/ile (Gen. 5 und 11) von Dr. Seuastun Ei uiNCEii.
I.yzealprofessor ia Dillingen a. d. Donau. In-8 de 35 pp. Munster, AscliendorfT, 1901).
-2 Lcitfaôen zuiii L'7iterricht im Alten Testament fur reiferc Schûler und Schûlerinnen hohc-
rer Lehranstalten, von Dr. G. Rothstein. ln-8 de vi —
83 pp. Ilalle a. d. S., 4909 .
(3i Dom Pierre Guarinet lecJiaaoine Masclef. deux grammaires hél)raïques au commencement
du XVIII» siècle, in-S" de 8t pp. (Extra ae la • Revue Mal)illon ",. mai-août lOOS).
BULLETIN, 471
de ses sources (1). Un simple coup d'œil sur le Stellenierzeichnis de la fia montre
avec quelle richesse d'informations cette étude a été conduite. M. Kropat ne se
borne pas aux deux livres des Chroniques, mais il
y joint Esdras et Néhémie dont la
langue est la même. Le traité se divise en trois parties la phrase toute simple,
:
la phrase simple avec des éléments adventices, la phrase composée. La méthode est
purement empirique : placer les textes l'un en face de l'autre et en faire ressortir
la différence. Ainsi l'œil est frappé des modifications de la langue, sans même
(jue le raisonnement doive intervenir. Ces particularités sont groupées dans les
pp. 72-75. Les unes sont toujours constatables. les autres seulement dans la plu-
part des cas. D'aucunes sont dues à l'iuflueuce araméenue. Pour nous ea tenir
aux principales, on remarquera le double emploi d'un même mot avec le sens
du latin quivis, l'usage de l'infinitif avec la préposition S au lieu d'un imparfait ou
d'un participe, la construction du collectif avec le pluriel au lieu du singuUer, les
sens nouveaux donnés aux particules SzN, T]N. DN "13. Depuis longtemps on avait
observé que le nom précède le nombre, alors qu'il le suivait dans la syntaxe an-
cienne. Le chroniqueur affecte aussi de remplacer le suffixe féminin par le suffixe
masculin pour la deuxième et la troisième personnes du pluriel. Comme aramaïsmes
caractéristiques, l'usage de 'i devant l'accusatif personnel, la désignation de la di-
rection par S" et du but par S, l'emploi de nïp^Z au lieu de Vd- Toutes ces parti-
cularités doivent être soigneusement notées quand il s'agit de dater tel passage in-
terpolé ou telle glose probable, dans les livres historiques antérieurs aux Chroni-
ques. L'ouvrage de M. Ivropat servira ainsi non seulement à la grammaire, mais
encore à la critique des écrits bibliques.
La méthode suivie par M. Bôhl dans son travail sur la langue des lettres d'El-
Die Syntax des Autors der Chronik verglichen mit der seiner QueUen von Arno Kropat.
!l)
in-8°de 94 pp. Giessen, T^pelaiann. lOOît. XVI Beiheft zur Zeitschrifl filr die alttcstamenUiche
Wissenschaft.
472 REVUE BIBLIQUE.
Aniama (l) est la même que celle de M. Rropat : accumulation de faits groupés
sous des rubriques grammaticales. Ou ne peut désirer plus de précision, mais on
serait heureux d'avoir une synthèse plus originale. Il semble qu'on pourrait mainte-
nant faire une véritable grammaire d"£l-Àmarna. Les hébraïsants seraient les pre-
miers à en profiter dans l'étude du développement de la langue sacrée. Ou sait que
le babylonien des lettres d'El-Amarna est tout pénétré de tournures et de formes
mot babylonien qui risquerait d'être mal compris. Ce sont les plus précieux docii-"
ments pour la connaissance de l'ancien idiome qu'ont adopté les Hébreux. Grâce à
la récente publication de ivnudtzon 2), ils peuvent être désormais utilisés avec
toutes les garanties désirables. C'est à cette publication que se rapportent les réfé-
Bibliothek de Schrader. Ceux-là mêmes qui n'ont à leur disposition que ce dernier
ouvrage pourront ainsi profiter de l'étude de M. Bohl.
Au point de vue de la phonétique, l'une des plus intéressantes constatations est
celle de l'usage du h [^^ assvrien pour rendre non seulement ^ mais encore l'aspi-
ration N. C'est ainsi que le mot 2\\' « ennemi » est transcrit ka-ia-bi, et "N'2 est
rendu par mahdu. Ce même h rendra quelquefois le simple ri. Par exemple « la
montagne », in, a pour équivalent Arovi. Le > (?>)& le même équivalent dans
hinaia {yj), bahla (S"r,}, :uruh (yll"), etc.. On voit que les scribes ne trouvaient
Dir Sprache der Amarûa-Briefc mit besonderer Berûcksifhtitjuitg dcr Kanaanismcn von
(Il
Dr. Phil. Fkasz m. Tu. Bohl. In-8'> de iv -f 96 pp. Leipzig, Hinriclis, l'JO'J. Cahier V, 2 des Leipziger
semilistische Studien.
(2) Cf. RB., 1908, p. 300.
BULLETIN. 473
(D'iOt?/. Le pluriel en ùtu (ni) s'emploie parfois pour des masculins, par exemple
dans abûti (niSN). A propos de ces pluriels, M. Biihl insiste avec raison sur l'usage
du pluriel ilàni « dieux » avec le sens de « Dieu » par excellence (1). C'est un équi-
valent de l'hébreu n\"î''X. Dans la lettre î)G, envoyée par Rib-Addi de Byblos, on a
ilânu (mSx) employé avec un verbe au singulier (irai. De même dans la lettre
Assyrien
Sing.
474 REVUE BIBLIQUE.
qui, dans le domaine de l'assyriologie, sont venues jeter tant de clarté sur l'iiistoire
graphique avec l'inscription de Siloé. il se persuade que ce petit texte est difficile-
ment plus tardif que le ix'= s. av. J.-C. (p. 38 C'est un passe-temps de rustre, .
gieux est déclaré un irmi.' : cela entraîne « une inconséquence rédactionnelle passée >
des résultats — à donner au sigle douteux la valeur 7ioun et il lit "jni'' comme duel
ou pluriel. Cette lecture est absolument exclue » (p. 39). Aménité pleine de délica-
tesse et concision tout à fait digne d'envie... [H. V.]
pour prouver sa thèse de stèles votives, il cite pêle-mêle des textes bibliques, les
stèles de Sarabît el-Khâdim (cf. RB., 1907, p. 140), les stèles funéraires pharao-
niques, les menhirs d'Europe et d'Asie, la stèle de Mésa, les piliers de Dousara à
Pétra, les stèles royales assyriennes, ne fige-t-il point dans une formule trop étroite
le sens de monuments empruntés à des civilisations très disparates et échelonnés
sur 15 à 20 siècles d'intervalle? En lisant cet exposé d'une aussi admirable tenue
archéologique, on est frappé de le voir se ddcumenter ;i peu près pour toutes les
religions sémitiques aient été si bien rais en lumière par les Zimmern. les Smend,
les Baethgen, les de Baudissin pour ne citer que des maîtres allemands? Mais à cette
PEFund Quart. Stat., avr. 1910. — M. le proL Macalister, Av/ Khaldij, près de
Beyrouth, vestiges surtout funéraires. — M. le D^ Schumacher, Le ijr and passage
d'escalier sur toute la largeur. Le passage est actuellement bloqué. L^ne fouille
apparemment facile y serait bien souhaitable et fournirait peut-être quelque indice
plus précis pour attribuer cette installation hydraulique aux mêmes âges lointains
que celles de Gézer. de Gabaon, d" 'Amman et de Jérusalem. — M. A. Forder,
l'n passage à travers la mer Morte et un menhir moabite : vieilles nouvelles (cf.
Abel. RB., 1910, p. 95 ss. et MusiL, Arab. Petr., I, 27, fig. 1,. M. le prof. —
yid.(tdl\%\.QX, Extraits des comptes rendus de la « Jerus. Liter. Society» 'suite) : explo-
ration du Bir Ayoub en mai 18-50, description du théâtre de Beisân, mention d'un
souterrain mal défini à Sànour, inscription à Medjdel cf. RB., 1893. p. 211 .
—
Rév. G. Hauser. Mizpeh et Mizpah. —
M. A. Mansur. Le puits de Jacob, localisé
dans un quartier de IVaplouse moderne. —
M. Tenz, Position de l'autel d^s holo -
caustes..., très correctement, sur la Roche. —
M. Jennings-Bramley, Les bédouins...
du Sinaï : la route de Suez à Cadés. —
M. A. Datzi. Observations météorologiques à
Jf/'usalem en 1909.
La Revue des études juives a trouvé dans le R. P. Paul Berto, S. J.. un collabo-
rateur zélé pour tout ce qui concerne Jérusalem. L'an dernier il résumait la topo-
graphie RB., 1909, p. 328): cette année il détaille le Temple
;'cL 4i. On nous
annonce que l'examen du sujet ne peut « avoir d'objectivité vraie 5) qu'en tant
que basé sur une interprétation exacte de documents sérieux » p. 14 . Et ces docu-
ments ne sont pas légion : « Josèphe et la Mischna... les deux seuls ». Xulle res-
source archéologique : tout au plus quelques sections de l'enceinte du Haram,
mais ce que Tun estim'e hérodien est déclaré salomonien par l'autre: on n'en
parlera plus ,6). Les textes au contraire n'ont pas dit « tout leur secret »: le R. P.
1. Est-il historiquement très exact de dire les Gaz = Hébreux au sens large » c. ;i51. ?
<< cf. —
Dhurme. RB., 1909. p. 6" ss. —
Peut-on prouver que les « Amorréens apparaissent en Syrie tout
un millénaire avant les Cananéens > c. 33o ? Des ortbog:raplies telles que Abdikiba 3.SI =
Abdihiliai. Kyan (400 =
Khyan). bazani ,390 =
liazani) gênent la lecture: cf. les noms propres
-ilcher et Wilkinson ;3x9 et 402 pour Pilclier et Wilkinson. A la citation « Qu. St. 96 ss. »
'•. 391il faut ajouter l'année « 1909 >. Au lieu d« Is. 40 lire « Ezech. 43 » ;î56. n. 14 , etc.
'2 'Ain Sindjar, appelée tout aussi couramment bir S., est un bon exemple de l'évolution ou
'les mutations phonétiques populaires. M. Guérin avait entendu bir es-Sendjem, le Survey. h. es-
<injib: au village de Djenin, tout proche, on dit Sendjal ou Sindjil et M. Schumacher semble
avoir pu constater que la vraie forme locale est Sindjar.
3 Samarie. I, 339 s. Il avait même eu l'impression très juste d'un antique passage secret
jiour descendre de la ville à la fontaine.
4. Le Temple de Jérusalem: RÉ.J., LIX, 1910, pp. 14-33: 161-187, à suivre.
inclut qu'elle est postérieure aux travaux hérodiens. Tout le monde avait compris jusqu'ici,
|X)ur des motifs archéologiques très positifs, qu'elle en était un de> plus intéressants vestiges...
476 REVUE BIBLIQUE.
donné que des temples plus ou moins imaginaires » (p. 180). « Entre l'historien
[Josèphe] et la Miclma >1. Mischna]... l'accord parfait est irréalisable » (p. 167);
cependant, grâce à de brillantes combinaisons mathématiques, à un choix — dont
il n'importe évidemment que les principes nous échappent — entre les détails
fournis par chaque document, on aboutit à « reproduire d'une façon satisfaisante le
plan architectural du temple d'Hérode » (p. 179). Hélas! dans l'édition de la Revue
arrivée à Jérusalem les planches sur lesquelles roule toute Fargumentation des
deux articles déjà publiés ne figurent nulle part et cette lacune ne contribue pas
peu à diminuer l'agrément de cette étude si distinguée. Mais attendons la fin...
Cette difficulté de lecture n'existe pas et tout est imprévu, il faudrait presque
dire tout est gaîté, dans ce un des derniers-nés de M. le chanoine
joli petit livre,
Mommert (1), qu'on a bien voulu reprocher à la Revue de n'avoir pas encore
signalé. C'est ma faute... et la très grande faute de l'éditeur: car ce livre a, dit-on,
une valeur définitive dans la question (2). y a quelque temps un préhistorien
Il
austère s'alarmait que la préhistoire fût envahie par le roman. On aurait tort de
s'effrayer pour l'archéologie; c'est tant pis si les grammairiens et les lexicographes
éprouvent quelque stupeur devant des passes avec du grec ou de l'hébreu (3), ou
si les gens d'archéologie commune s'affectent de voir paraître le vaudeville après
la prestidigitation. Dans le lointain avenir la phase archéologique actuelle s'appellera
probablement 1' « ère des bains » : expression très propre, on en a mis partout.
Hier un ijropuigeum d' « affranchies » et un autre d' « esclaves mâles » (cf. RB.,
1903. p. 572) dans un baptistère chrétien et une nef basilicale; aujourd'hui des
bains royaux dans
grande piscine de Siloé la passe encore! et dans le — —
dépotoir de la fontaine Oumm
ed-Daràdj. On ne doit d'ailleurs pas dire « fontaine »,
mais installation thermale (p. 96). Et que cet antre incommode, obscur, pour n'en —
pas médire davantage, —
soit bien le propre bain de Salomon. ni plus ni moins,
c'est d'abord prouvé par le fait que Josèphe l'appelle de ce nom [C.Q.F.D.]: ensuite
par cet autre que les anciens aimaient ces bains dans des cavernes, témoin les eaux
de Baies '?] et encore par cet autre qu'aujourd'hui même les fellahines de Siloé
:
barbotent volontiers là dedans. Entre ces deux bains illustres que faire du malen-
contreux tunnel qui les relie par-dessous la colline? Voilà, découvre M. le chanoine
[i; Siloal(, Brunnen, Kanal.zu Jérusalem, par M. le D' en lliéol. C. Mommert. rlievalior
Teiclt.
- auj. commandeur —
de l'ordre du S. -Sépulcre, pasteur éuiérile de Sclnveiiniz, à Jérusalem.
Gr. 8" de 06 p.. pi. et 9 fi^'. dans le texte: Leipzig: Haberland, 1908
1 une bibliothèque en :
raccourci. Ce ne sont pas seulement les Doubdan, les Pipinus, les Troilo et consorts, que l'in-
lassable érudition de M. Mommert évoque du fond de leur cendre séculaire; mais de nomlireux
modernes sont copieusement mis à contribution. Ine seule citation du R. P. Meistermann
couvre les \)\). 23-33: une de BIlss. les pp. 4.j-o4. Ai-je noté les plus longues? Des ortbograpiies
telles que Johve p. 28), xo).ujj.êr,5pa pp. t s. l'ocoickc i-2 Abdillali 'i ss.i ne font pas tort a
. ,
\i) Bleibende Werl (G. Holscuer, ZDPF., 1910, p. 55). .\cceptons-en l'augure.
(3) "Etîi avec l'accus. ne signifie pas sur, mais vers (p. 7): Siloah est une traduction de
Gihon ip. 3 xo).-j(xêri6oa ne veut iias dire « piscine » et dérive de v.q):j\>.ozvi p. 8; ^^'ji rî213?D
: ;
ne veut pas dire " à l'occident de la ville »; ce sens est « scientifiquement exclus » [I];
comprenez: « à l'occident, à la ville », ou encore (à votre choix) • de i'occident • mê'àrabah ;
p. 33 est-ce assez limpide? Quant au mot n^;2" introduit dans cette même citation de
If Par. 32. 30. ce doit ëU-e quelque autre correction tacite de M. Mommert, peut-être influencée
Morumert, « un badinage qui révèle bien sa sagesse » de Salomon], car c'est lui
qui s'est donné le jeu de trouer ainsi la montagne. « En effet, grâce à ce tunnel
dans le roc il pouvait, eu sauvegard^ant la bienséance extérieure (1). se baigner en
son particulier etséparé des dames du barem, dans son bassin privé. Mais il pouvait
aussi, à tout moment, quand la fantaisie lui en prenait et que ces dames se bai-
gnaient dans la piscine de Siloé, sans que personne s'aperçoive de son passage,
surgir tout à coup au milieu d'elles — ce qui causait probablement un plaisir tout
particulier au sage roi épris de belles femmes — sans avoir besoin de léser en
public (2) les convenances » (p. 36).
Marc, source de Matthieu et de Luc, a exploité comme eux le recueil des discours
O', et il conclut à la négative, du moins en ce qui concerne Me. 4. 21-25 (4).
Encore une Revue biblique ne peut que se réjouir de voir entrer en scène
fois, la
un bulletin qui servira si bien, sinon toujours de la même façon que nous, du moins
d'après des méthodes qui nous sont chères ^5 , « la cause des sciences religieuses,
et celle de l'Eglise du Christ ».
licencié en Ecriture sainte, le 14 juin 1907, avec mention très spéciale, a passé les
examens de doctorat en Écriture sainte, au Vatican, les 10 et 11 mai 1910. et a été
reçu avec mention spéciale.
Le 10 mai, il a passé, avant midi, pendant trois heures environ, un examen pu-
blic : r sur la langue syriaque, pour laquelle il a présenté l'Apocalypse de Baruch
et le quatrième Évangile; 2' sur l'exégèse du texte hébreu des douze petits prophè-
tes; 3 sur l'exégèse du texte grec de l'Epître aux Romains; 4 sur les écoles exégé-
tiques d'Alexandrie et d'Antioche :
5' sur des questions de critique textuelle.
Dans l'après-midi, le R. P. Frey a donné une leçon publique sur un sujet pour
lequel il lui a été accordé une heure de préparation. Le sujet traité a été l'explication
des bouleversements cosmiques qui accompagnent le jour de lahvé dans les pro-
phètes, eu égard à l'interprétation des écrivains du N. T.
Le 11 mai a eu lieu la soutenance publique de la thèse : La théologie Juive au
4; • Dans cette péricope, cette étude est facilitée par ce fait que nous y rencontrons plu-
sieurs exemples de doublets, c'est-à-dire de sentences rapportées deux fois par Matthieu et
par Luc, une première fois d'après Marc, une seconde fois ATaisemblablement d'après le
recueil des Discours ', On sait que cette position a été beaucoup reprochée par un censeur
à la Synopse de MM. Camerlynck et Coppieters.
•i) La Revue biblique inscrivait dans son progrramme en \89-2 p. Il' « La Revue sera traitée :
I. Examen d'exégèse.
1. Le R. P. Roœlandts, S. J. :
— 2. M. l'abbé Pruvot, du séminaire français; —
o.leR. P. Rowan, 0. P., de l'École biblique Saint-Etienne de Jérusalem; 4. M. l'abbé —
Fonteny, du séminaire français. —
5. M. l'abbé Simon, du séminaire français. —
Tous cinq avec mention.
G. M. l'abbé Liénard, de la procure Saint-Sulpice 7. ex œqno, MM. les abbés ;
—
Pena, du collège espagnol et Rivière, du séminaire français; ^9. le R. P. Richard —
O. P., de l'École biblique Saint-Etienne de Jérusalem;— 10. M. l'abbé Thomas, de
la procure Saint-Sulpice — M. l'abbé Zoccali; —
: 11. M. l'abbé Loth, de 12.
l'Ecole biblique Saint-Étienne de Jérusalem; — 13. LeR. P. Bertrand, Augustin de
l'Assomption; — 14. ex œquo. MM. abbés Priero Royet, delesprocure Saint- et la
Sulpice; — 16. ex œquo. MM. les abbés Beaulieu, du séminaire canadien et Jasmin,
du séminaire canadien ;
— 18. M. l'abbé Tricot, de la procure Saint-Sulpice.
Le Gérant : J. Gabalda.
R. P. Firminus Lambert.
R. P. Paul Dhobme.
R. P. Antonin Jalssen.
R. P. A. Jaussen.
R. P. Bertrand Carbière.
Langue arabe. — Mercredi et samedi, à 3 h. 1/4 s.
R. P. A. Jaussen.
R. P. P. Dhorme.
R. P. M. Abel.
R. P. R. Carriebe.
Voyages :
n'aura pas lieu si douze inscriptions ne sont pas définitivement arrêtées le l"^"" dé-
cembre 1910.
Pour plus amples renseignements, s'adresser au directeur de l'École biblique, à
Jérusalem.
DE lUREIURAXDO
GONCEPTIS VERBIS AB IIS DANDO
QUI DOGTORES L\ SACRA SCRIPTURA
SUNT RENUXÏIAXDI
Plus pp. X
]MOTXT FROFRIO
lUibatae custodiendae Religionis Xostrae doctrinae animum inten-
(lentes, plura superioribus annis providenda ac sancienda curavimus
quorum virtute, Decessoris Nostri fel. rec. exempla secuti. tum de-
bitum responsis Sacri Consilii de Re Biblica obsequium firmavimus,
tum proprium huiusraodi colendis studiis, aetate hac nostra quam
quac maxime eravibus, Institutum condidimus. Qiioniam vero non
id tantummodo Cordi Nobis est alumnos, ad magisterium conten-
dentes, praesidiis disciplinae consentaneis ita instruere ut scientiam
de Re Biblica perfecte calleant et progressionem finitimarum doe-
trinarum in Sacros libros defendendos apte dérivent, sed etiam ut,
magisterium assequuti, haustam disciplinam lideliter tradant. scien-
tiamque in discipulorum mentibus sine ulla de\'ii sensus suspicione
insérant, idcirco formulam praeterea iuris iurandi praescribendam
putavimus, quam candidati ad lauream, antequam Docloris titulo
in Sacra Scriptura donentur, recitare atque emittere teneantur.
Itaque, tum doctrinae Sacrae, tum Magistrorum aliimnorumque, tum
denique Ecclesiae ipsius securiori bono prospecturi, motu proprio
atque ex certa scientia et matura délibérations deque Apostolicae
Nostrae potestatis plenitudine, praesenlium vi, perpetuumque in
modum, decernimus, volumus, praecipimus. ut, qui in Sacra Scrip-
tura Doctores sint renuntiandi, iuramenti formulam in hune, qui
sequitur. modum emittant :
—
Ego N. X. omni qua par est reverentia me subiicio et sincero
animo adhaereo omnibus decisionibus, declarationibiis et praescrip-
tionibus Apostolicae Sedis seu Rotyianorum Pontificum de Sacris
REVUE BIBLIQUE 1910. — >". S., T. VII. 31
482 MOTU PROPRIO
Plus PP. X.
LES ODES DE SALOMON
(1) Rendel Harris, the Odes and Psalins of Solouinn, Cambridge, 1909.
(2) Ad. Harnack et J. Flemming, Ein Jiidisch-christliches Psatmbuch aus dem eri-
tenJahrhunderf. Leipzig '1910'. Texte und Untersuchungen, XXXV. 4.
{3] La traduction et l'annotation philologique seront de M. Labourt. L'introduction et le
48 REVUE BIBLIQUE.
P. Batiffol, J. Labodrt.
II
[Ma/ique)
V. l.Tr. Schmidt dans Texte und Untersuchungcu^ VIT, 37, 38. Cette ode n'existe pas
v. 3. Dans la version syriaque les pronoms de diverses personnes sont souvent con-
fondus, ainsi que les personnes et le nombre des formes verbales. Il n'y a pas de rai-
son pour que la version copte ait été mieux préservée. Son état actuel n'est pas satis-
LES ODES DE SALOMON. 485
III
IV
'
Nul ne transférera ton lieu saint, union Dieu ;
- nul ne le transfé-
ont tressé pour moi une couronne de vérité. Quel peut bien être le sujet de ce verbe?
et pourquoi ensuite il a fait germer en moi tes rameaux au lieu de se^ rameaux? Ce
:
tressé pour moi comme une vraie couronne (litt. une couronne de vérité et il a fait:
III
V. 6. Au lieu de ov-^ son repos, on pourrait peut-être lire ouuu son étendard.
V, 8. mêlé, c.-à-d. uni intimement.
V. 11. R. H. change p:- vie en )— vivant. La leçon du ms. est aussi satisfaisante.
IV
du tout oisif et tu ne seras pas sans fruits. Oui une heure de ta foi •*
:
est plus précieuse que tous les jours et [toutes] les heures. " Qui revê-
tira ta grâce et se montrera ingrat? s Car ton sceau est connu et tes
créatures lui sont connues; tes armées le possèdent, et les archanges
élus l'ont revêtu. ^Tu nous as donné ta communion. Non pas que tu
eusses besoin de nous; c'est nous qui avions besoin de toi. lo Asperge-
nous de ta rosée, et ouvre tes sources opulentes qui nous font couler
le lait et le miel, l'car il n'y a pas en
de repentance, en sorte que toi
tu te repentes de ce que tu as promis. La fin t'était révélée, et tout ^~
Cette ode est citée en partie dans la Pistis Sophia (p. 10-117). La version copte
offre quelques divergences notables.
V. 1. car je t'aime; copte : car tu es mon Dieu; cette leçon ne paraît pas origi-
nale, elle n'offre pas de parallélisme satisfaisant avec le v. 2.
V. 2. Très-Haut; copte : ô Seigneur.
V. 3. ta grâce; copte : ton jugement ou ton droit.
Par elle; copte par toi. — :
—
Vivre, ici comme dans beaucoup de passages analogues, inclut le sens d'être sauve.
V. 4. Copte : que mes persécuteurs tombent sur moi.
V. 7. tumeur. La métaphore est trop audacieuse. Il faut sans doute traduire :
bêtise, dans le sens du mot no^^zLi. qui dérive de la même racine que jju^oi. (R. H.
hick darkness. F. : Sturapfsinn). Le copte traduit : sans force.
LES ODES DE SALOMON. 487
vienne une tumeur (?), et que ce qu'ils ont machiné se tourne contre
leurs têtes. ^ Us ont médité une pensée et elle s'est évanouie pour
eux; ils ont conc-u méchamment des projets, qui se sont trouvés an-
dans le Seigneur est mon espoir: je ne crains pas; et
nihilés, -'car
parce que le Seigneur est mon sauveur je ne crains pas; et il est
^'^'
VI
le Seigneur, ''
comme ill'était en effet dès le commencement, et le sera]
jusqu'à la fin ; rien ne s'opposera à lui, et rien ne se dressera contre
lui.
ce que soient connues les choses qui nous ont été données par sa
grâce. Il nous a donné la louange pour son nom, '^nos esprits louent
son Esprit saint.
'
Car un ruisseau est sorti, et il est devenu un torrent grand et
large, ^11 a inondé et brisé l'univers, et l'a emporté vers le Temple,
V. 8. Au milieu du v. le copte porte : « et ils sont vaincus, bien qu'ils soient puis-
sants » ; la fin est ainsi rédigée : « et ce qu'ils ont méchamment (/.axw:) préparé est
retombé sur eux ».
V. 9. parce que le Seigneur est mon sauveur; copte : parce que tu es mon Dieu,
mon sauveur. — Le second : « je ne crains pas » manque dans le copte. Il n'appar-
tient probablement pas au texte primitif.
VI
mystères de son salut soient plus généralement connus; il place sur nos lèvres une
hymne à son nom.
V. 7. Depuis ce verset jusqu'à la fin, la Pistis Sophia (pp. 131-135) offre des cita
^ et les obstacles [dressés] par les hommes iront pas pu l'arrêter, et pas
même les artifices de ceux qui endiguent Feau lo car il est venu sur ;
toute la surface de la terre et a tout rempli, et ils ont bu, tous les as-
soiffés qui sont sur la terre; '^ et la soif a été détruite et éteinte, car
confiée son eau ils ont calmé les lèvres desséchées, et redressé la
;
volonté paralysée; les âmes qui étaient prêtes à quitter [la vie],
^''
ils les ont arrachées à la mort; ^' les membres tombés, ils les ont forti-
fiés et redressés; ils ont donné la force à leur démarche, et la lu-
mière à leurs yeux, ^^ car tout homme les a connus dans le Seigneur et
ils vivent par les eaux vivantes pour l'éternité. Alléluia !
VII
R. H., mais bien tout, c.-à-d. l'Univers, le genre humain tout entier, et non pas
seulement le judaïsme comme le pense F.
V. 10. Targum copte : biberunt versantes in arena arida. Texte : biberunl qui habi-
tabant in arena arida.
V. 12. son eau; copte : l'eau du Seigneur. Le copte a conservé le grec : ota/ovoi.
V. 13. Copte : Ceux qui étaient débilités ont reçu la joie du cœur. Targum copte :
être à leur démarche). R. H. conjecture que le grec avait ;:apouafa. Le copte a con-
servé le mot Tîaporiai'a. Il se pourrait que le véritable texte fût -apsaei «ùtwv ou
:iapaXûaEt aùrôiv : ils ont donné la force à leur faiblesse (ou paralysie) et la lumière à
leurs yeux.
V. 17. Copte: ils se sont tous reconnus dans le Seigoeur (obscur). — Tout homme les
a connus. Le pronom supplée ici les ministres de l'eau, c.-à-d. les prédicateurs. Chan-
gement de sujet dans la seconde partie du v. Pour l'éternité doit s'appliquer à vi- :
vantes, et non au verbe. Us vivent répond au coptej: ils sont sauvés. R. H. restitue
le texte grec : èawOrjaav ou saw^ovco otà Toij uSaio; ttj; Ç'orjç. Ajoutons atiDvîou OU :
eîç aÎGiva.
VII
V. 1 . La fin de ce verset n'est pas claire. Ses fruits se rapporte à : joie. Peut-être
y a-t-il une interpolation, ou mieux encore nous n'aurions ici que le second terme
d'un parallélisme dont le premier membre serait perdu.
LES ODES DE SALOMON. 489
-Ma joie c'est le Seig-oeur et mon élan est vers lui : c'est ma belle route
vers le Seigneur, •
pour moi une aide.
car il est
m'a accordé que je le prie et je reçoive de son sacrifice, '^ parce cfuil
est incorruptible.
Plérôme des mondes et leur Père lui a accordé d'apparaître
'^Le
à ceux qui sont à lui pour qu'ils connaissent celui qui les a faits,
'•'
fut faite par lui; et il s'est complu dans le Fils, et à cause de son salut
il exercera la toute-puissance.'^' Et le Très-Haut sera connu dans ses
V. 3. LiU. : il est pour moi une aide vers le Seigaeur. Cette assimilation d'une rmite
à une aide est peu satisfaisante, d'autant que i-;o| est féminin et pî^^oc masculin. Il suf-
V. 4. C.-à-d. : sa bouté a fait paraître plus petite sa grandeur. Le texte est obscur:
je pense qu'il faut lire oinyi m-.^ au lieu de
. o)iov>.m->. F. propose d'elTacer le -
final de -i-v>-)/; la traduction de R. H. « la grandeur de sa bonté m"a humilié », est
insoutenable.
V. 7. Mot à mot : mon avoir pitié. Conjecture plausible de F. :
-^^'-^[i : celui qui a
eu pitié de moi.
V. 8. que je comprenne: litt. : que je l'apprenne.
V. 10. créatures. F. : serviteurs.
V. 12. sacrifice. ?sestle propose de traduire : essence, en supposant que ^rjz'.u. est
une faute de lecture pour ojsîa.
V. 17. j'ai marché, sous-entendu : sur cette route de la science. R. H. : et elle
V. 18. Le sujet de Joo, >..^\ 9 n'est pas bien apparent. Peut-être y avait-il dans le grec :
saints, pour porter l'heureux message à ceux qui ont des cantiques
[en l'honneur] de la venue du Seigneur, '" afin qu'ils aillent à sa ren-
contre et lui chantent dans la joie et sur la cithare aux nombreuses
cordes. -^ Que les voyants sortent au-devant de lui, et qu'ils ap-
paraissent devant lui, - et qu'ils louent le Seigneur en son amour,
parce qu'il est proche et qu'il voit! 23 Et la haine sera ôtée de la terre
et elle sera submergée avec l'envie -^ car l'ignorance a disparu, car ;
Mil
1 Ouvrez, ouvrez vos cœurs à la joie du Seigneur, ^ et qu'afflue votre
amour du cœur à vos lèvres ^ pour produire des fruits pour le Seigneur :
secret, ô vous qui êtes gardés par lui! ^- Gardez ma foi, vous qui êtes
gardés par elle !
^^ Connaissez ma science, vous qui me connaissez dans
la vérité!*'* Aimez-moi d'amour, vous qui aimez!
V. 3. une vie sainte; R. H. : ;des fruits) vivants (des fruits) saints; traduction
difficilement défendable, mais le reste : « and to talk with watchfulness in his light »
est certainement erroné. La sauvagerie, c.-à-d. faridité spirituelle.
V. 10. Au lieu : de vos cœurs ^Q.3L<ia.\, le ms. porte ^<a.i*cia.\ votre habit. La
correction deR. H. s'impose.
V. 14. On pourrait lire au lieu de .^-.^0-.;. vous qui aimez, v^ieu^» vous qui êtes
aimés : le parallélisme serait meilleur; mais la correction n'est pas indispensable.
LtS ODES DE SALOMO.N. 491
'•'Car je ne détourne pas mon visage de ceux qui sont à moi, parce '*J
d'eux, '"car ils sont mon œuvre à moi, et la force de mes pensées.
-'^
Qui donc se dressera contre mon œuvre ou leur sera désobéissant?
•' C'est moi qui ai voulu et créé la conscience et le cœur; ils sont à moi.
A ma droite j'ai placé les élus, n'est pas devant eux... - et si ma justice
et ne seront pas privés de mon nom, parce qu'il est avec eux.
ils
été racheté, -^ et vous serez trouvés incorruptibles dans tous les siècles
IX
éternelle que la vérité : heureux ceux qui la posent sur leurs têtes;
V. 20. « mon œuvre » est ici un collectif. Plus simplement peut-être, il suffirait
d'ajouter au ms. le signe du pluriel et de traduire : « mes créatures >- ou même :
IX
V. 3. On peut traduire : votre perfection est incorruptible ; perfection a ici le sens
de consommation, fin dernière. La restitution du texte proposée par R. H. est : Iv
àsSap^ia -b -i'/.z; jjjlojv : je préférerais : àoOapata.
492 REVLE BIBLIQUE.
couronne, '^ mais la justice l'a prise et vous l'a donnée.^* Posez la cou-
ronne dans son testament, la vérité du Seigneur; '- tous ceux qui
vainquent seront écrits sur son livre, car leur livre est la victoire qui '-^
est à vous; elle vous voit devant elle, et elle veut que vous soyez
sauvés. Alléluia !
X
Le Seigneur a dirigé ma bouche par sa parole et ouvert mon
^
ceux qui veulent venir vers pour captiver d'une heureuse capti-
lui et
les peuples qui étaient dispersés, et j'ai été sans souillure dans mon '
de lumières ont été placées sur leur cœur;^ ils ont marché dans ma
vie, et ont été sauvés; ils sont avec moi pour l'éternité.
XI
et il a porté des fruits pour le Seigneur. ' Car le Très-Haut m'a coupé
par son Esprit saint; pour lui, et il m'a
il a découvert mes reins
rempli de son amour, ^et sa coupure est devenue pour moi le salut;
j'ai couru sur la route dans sa pais, sur la route de la vérité ^ du
principe jusqu'à la fin. J'ai reçu sa science, ' etje me suis tenu ferme
X
V. 2. paix = salut.
XI
sur le roc de la vérité où il m'avait placé; une eau parlante s'est ''
che par son don; j'abandonnai la folie qui est répandue sur la
terre ;
je la dépouillai et la rejetai loin de moi, "^ Le Seigneur me
renouvela par son vêtement et me posséda par sa lumière, et d'en
liant me donna un repos incorruptible; *' je devins comme une
terre qui germe et qui fleurit et qui porte des fruits. Le Seigneur, '"-
eurent été plantés dans la terre. ''El tout l'univers devint comme une
relique de toi. et un souvenir t'ternel de tes œuvres fidèles. ^'^Il est
grand, l'emplacement de ton paradis, et il n'y a rien d'inutile, -^mais
tout est plein de fruits. Gloire à toi, ù Dieu, délices du Paradis pour
toujours. Alléluia 1
XII
' 11 m'a rempli des paroles de vérité, pour que je puisse l'exprimer;
V. 4. La coupure de la phrase n'est pas celle du ms. Elle est plus naturelle.
V. G. R. H. rappelle le texte de saint Ignace ad Rom. 7) : jowp ^wv xa; XaÀoûv. Ici
comme en plusieurs autres pas^nges ^^. p. répond au gr. àç;6v/oj: libéralement, co-
pieusement.
V. 10. le vêtement de Dieu = sa lumière {Ps. civ,2).
V. 11. Litt. dans ses fruits.
V. 18. Les arbres amers du mal sont opposés aux arbres suaves du Paradis.
V. ou partie, pour indiquer que toutes choses seront résumées en Dieu.
19. relique
XII
V. 1. l'exprimer; litt. : la parler ,1a vérité .
494 REVUE BIBLIQUE.
xin
'Voici que notre miroir est le Seigneur ouvrez les yeux et regardez- :
Est-il téméraire de conjecturer que o \.û.)/ est une observation marginale qui se rap-
portait primitivement à l'état du ms.?
V. 10. courut = se répandit rapidement.
XIII
V. 1. Au lieu de : regardez-les. on attendrait : regardez-vous.
V. 2. glorifiez: ou « publiez des hymnes » là la louange de) son Esprit.
É.
LES ODES DE SALOMOiN. 49o
Alléluia !
XIV
'Comme les yeux du fils vers son père, ainsi mes yeux, ô Seigneur,
sont sans cesse [dirigés] vers toi ; -car auprès de toi sont mes délices et
mon bonheur. ^N'éloigne pas de moi ta miséricorde, ô Seigneur, ne
retire pas de moi ta bonté. *Tends-moi, ô Seigneur, en tout temps ta
main droite, et sois mon guide jusqu'à la fin, suivant ta volonté, ''Puissé-
je me plaire devant toi à cause de ta gloire, et à cause de ton nom
^être sauvé du méchant. Que ta douceur, o Seigneur, demeure près
de moi, ainsi que les fruits de ton amour. "Enseigne-moi les cantiques
de ta vérité, et que par toi je porte des fruits. ^Ouvre-moi la cithare
de ton Esprit Saint, pour que je puisse te louer dans tous les modes,
" et selon l'abondance de ta miséricorde accorde-moi et hâte-toi ;
d'exaucer nos prières, car tu peux tout ce qui nous est utile. Alléluia!
XV
'Comme le de ceux qui recherchent son jour,
soleil est la joie
ainsi ma joie c est leil est mon soleil; ses rayons m'ont
Seigneur, car
ressuscité, et sa lumière a dissipé toutes ténèbres devant mon visage.
Grâce à lui j'ai acquis des yeux et j'ai vu son jour saint, ^ j'ai eu des
•^
XIV
XV
V. t. jour = le lever du jour.
V. 3. Grâce à lui, ou : ea lui.
le schéol a été anéanti par ma parole, "' une vie immortelle est mon-
tée dans la terre du Seigneur; *' elle a été révélée à ses croyants, et
elle a été départie sans réserve à tous ceux qui se coniient en lui.
Alléluia !
XVI
en lui. " J'ouvrirai ma houche, et son esprit racontera par moi " la
gloire du Seigneur et sa beauté, l'œuvre de ses mains et le travail
(lèses doigts,^ pour la multiplication de sa miséricorde et l'affermis-
sement de son verbe. Car le Verbe du Seigneur scrute ce qui est in-
-^
ses œuvres, et loreille entend sa pensée. *' C'est lui qui a dilaté la terre
et fait réï.ider l'eau dans la mer il a étendu les cieux et fixé les ;
^'-
sor des ténèbres, c'est la nuit; '^ il a fait le soleil pour le jour, en sorte
qu'il fût lumineux, la nuit amène ensuite l'ombre sur la face de la
terre; '^ l'alternance de l'un et de l'autre prêche labeautéde Dieu ''Ml
n'y arien en dehors du Seigneur; car il était avant que rien ne fût,
V. 10. est montée. La vie éternelle est comparée à l'arbre de vie planté dans le
XVI
1. )ir^ est peu compréhensible. F. propose de traduire : la traction du vaisseau. Il
observe que le halage n'est pas l'œuvre propre du pilote et entend xjÇ£pvr|Tr,ç dans le
sens impossible de simple matelot. Toutes ces difOcultés sont aplanies si au lieu de
);;^' on lit ijvi. màt. Le parallélisme est alors excellent.
qui est invisible et ce qui est révélé, esf» sa pensée. F. : Le Verbe du Seigneur scruie
les deux ordres de choses, ce qui est invisible et ce qui est révélé. — Plus simplement
lire : ji,^^ ())-.too ;o etc.. Le second ))-.i!oo n'a pas été copié par distraction. Le
membre de phrase ainsi complété introduit bien les vv. suivants.
V. 17. Au lieu de ^-^N ^ao.^ remplissent, complètent, R. H. lit avec raison ^ « w ^a y» .
LES ODES DE SALOMOX. 497
~"et les mondes ont existé par sa parole et parle dessein de son cœur.
Gloire et honneur à son nom. Alléluia 1
Wll
•
J'ai couronné par mon Dieu il est ma couronne vivante)
été
-et j'ai été justifiépar mon Seigneur; or mon salut est incorruptible.
•'J'ai été délivré de la vanité, et je ne suis pas un condamné. Mes liens ''
ont été tranchés par ses mains; j'ai pris un visage et l'apparence d'un
personnage nouveau; j'y suis entré [dans ce personnage] et j'ai été
sauvé.
^La pensée de la vérité ma conduit, et je suis allé derrière elle et
je n'ai pas erré. ''
Tous ceux f[ui m'ont vu ont été étonnés, et je leur
suis apparu comme un étranger; et celui qui '
me connaissait et
le Seigneur m'a éduqué en toute sa perfection : m'a honoré, dans
il
V. 9. le fer; litt. : mon fer. F. observe avec raison que cette expression n'a pas de
sens, et il propose de lire simplement le fer. Or la possession n'est pas exprimée par
un simple suffixe, mais bien pas wC^-» qu'on ne peut supprimer si aisément. Je conjec-
ture une lacune entre v; (^t ^^iX-; peut-être « à mes yeux » ou ;
« devant mon visage »,
le substantif ayant été omis, et le possessif subsistant seul.
litt. : et celui qui lie. Aucun sens, moins qu'on n'admette une lacune. Par exemple
à :
et celui qui liait « a été lié », par similitude avec des expressions comme o mors :
i^ils se sont rassemblés vers moi et ils sont sauvés, parce qu'ils sont
pour moi des membres et je suis leur tète. Gloire à toi, ô notre tête,
Seigneur Christ. Alléluia!
XVIII
de mon corps, et il s'est levé pour le Seigneur par sa volonté. Car son
royaume est véritable. '0 Seigneur, à cause des indigents ne me retire
pas ta parole; à cause de leurs œuvres ne me refuse pas ta per-
'
fection, " Que la lumière ne soit pas vaincue par les ténèbres, et que la
vérité ne fuie pas devant le mensonge ^ Victorieusement, sa droite ac- !
XVIII
V. 1. par mon nom : incompréhensible. R. H. siigi;ère une correction : par son nom,
qui n'est guère plus satisfaisante. Le sens exigerait : par mon esprit: peut-être le
traducteur a-t-il lu par mégarde dans son texte o/ôuxtù; ;j.oj au lieu de çpovr,-
(j.ax6ç [jLou.
V. 2. F. : vor seiner Kraft. Mais il n'est pas probable que la « force du seigneur »
fasse défaillir les membres; le sens est plutôt : qu'ils ne défaillent pas en perdant la
victoire; notre salut est dans ta main droite » en note ou: « que pour la victoire
; : ta
main droite place notre salut ". F. : « Pour la victoire, ta main droite opérera notre
salut )).
V. 8. tu garderas = protégeras.
V. 14. R. H. : « and ignorance appearediike a blind man » (ou avec un faible chan-
gement : «and I appearediike a blind man Avithout kno^ledge ». F. : « Und wie ein
Blinder erschien die Unw issenheit ». Le sens d'aveugle pour \>a^ est bien douteux.
LES ODES DE SALOMON. 490
lés dans leurs pensées, parce qu'ils étaient dans la pensée du Très-
Haut '^ ils tournèrent en dérision ceux qui marchaient dans l'erreur
;
;
^9 pour eux, ils dirent la vérité grâce à l'inspiration que leur inspi-
rait le Très-Haut. Gloire et grande beauté à son nom. Alléluia!
XIX
'Une coupe de lait m'a été apportée, et je l'ai bue dans la douceur
de la suavité du Seigneur. ^ Le Fils est cette coupe, et celui qui a été
trait, c'est le Père,-^ et celui qui l'a trait, c'est l'Esprit Saint, parce
que ses mamelles étaient pleines et il voulait que son lait fût ré-
pandu largement.^ L'Esprit Saint a ouvert son sein; il a mêlé le lait
des deux mamelles du Père et a donné le mélange au monde, à son
insu, ^ et ceux qui [le] reçoivent dans sa plénitude sont ceux qui sont
à droite. ^'
L'Esprit étendit ses ailes sur le sein de la Vierge, et elle
Il vaut mieux traduire : cécité, ou plutôt ce qui rend aveugle, un fétu de paille.
La suite du verset est traduite par R. H. : like the foam of the ^ea, par F : Mie der
iible Geruch des Sumpfes. Mais ilq-;^. = pourriture et non écume; d'autre part P<^
ne veut pas dire marais : il faudrait lire icoo..
XIX
est et facta est in multa miseratione mater virgo » {Inst. div., IV, cli. 12). R. H. tra-
duit: « (L'Esprit) ouvrit le sein, » etc.. F. constate l'impossibilité de cette traduction et
écrit : « Erumarmte (?}denLeib », etc.. La difficulté provient du mot Na^. Le Thé-
saurus de Payne-Smithne donne pasàce verbe desens qui convienneau contexte. Aussi
F. se référant au passage de Lactance, a-t-il cherché dans le Targum le piel ^'£^
= umarmen. Le lexique de Brun contient cependant le verbe .a^ avec la signiflca-
tion alas produxit. Suivant sa méthode, ce lexique ne donne pas de références. Mais
il n'y a pas lieu de douter que l'auteur ait rencontre le mot avec le sens qu'il lui
donne. Deux points restent obscurs : 1° n^l^ est construit avec l'accusatif, au lieu
que le régime soit introduit par ^^. — 2" Quel rapport y a-t-il entre notre sens et
r « infîrmatus est » de Lactance? Peut-être le grec permet-il de résoudre cette difflculté.
Supposons i-ir.-f] ou kz:i-.-z~o qui gouvernent tous deux l'accusatif, avec le sens de
voler au-dessus de: on conçoit : t) que le traducteur syriaque ait servilement traduit
le verbe, puis son régime sans prendre soin de l'introduire par une préposition. —
2) L'auteur de la version latine que lisait Lactance a pris l'aoriste à'i-i-i-oikT.: pour
une forme quelconque de t-J.-^m. De pareilles bévues ne sont pas rares chez les vieux
500 RE\UE BIBLIQUE.
(raducteurs latins. — Elle devini Mère-Vierge; on peut ausii traduire: et elle de-
vint mère, la Vierge.
[A suivre.)
J. Labourt.
LES PAYS BIBLIOLES ET L'ASSYRIE
[Sui/e)
'\) Les principale» inscriptions sont le cylindre de Bellino et le cylindre de Taylor, aux-
quels il faut ajouter celui du Brilish Muséum [a' 103000), nousellement publié cf. K/l.,
1910, p. 235). Pour le catalogue des inscriptions, cf. Bezold. Inschriften SanhsrlO's, dans
KB., 80, u. 1; M^SPERO, Histoire ancienne..., III, p. 273, n. 1; Kixc. Cnneiform
Il, p.
te.rfs,XXVI, p. 8 ss.
(2) Dans II Reg., xvui-xix: Is., xxxvi-xxxvii; Il C/ir., xxxii; Eccli., XLvni, 20.
(.3) Dans Polyhistor et Abydène, qui dépendent de Bérose; dans Hérodote ^11, 141.
(4) La transcription adoptée jusqu'ici, Sin-aljc-er-ba, est défectueuse. Le signe transcrit
er doit se transcrire ri, comme je lavais montré dans OLZ., 1907, col. 230. M. L'ngnad.
dans ZDMG., 1908, p. 721 ss., applique cette valeur ri au signe qui figure dans le nom du
monarque. Il faut donc lire Sin-ahê-rl-ba. c'est-à-dire Sin-ahê-rîb « 6 Sin, augmente les
frères » Le verbe « augmenter » est rObu et non eréhu, comme on le supposait.
1
o02 REVUE BIBLIQUE.
(1) Probablemeat correspondant à la ville actuelle d'El-Olieimir (cf. Les origines baby-
loniennes, dans les Conférences de Saint-Élienne, 1909-1910, p. 31^.
(2) Cylindre de Taylor, I, 19 ss.
(4) Delitzsch [Wo lag das Paradies, p. 305 a déjà identifié ces Ur-bi avec des Arabes.
Les variantes du nom sont parallèles à celles des Aramu. Ils figurent, sous leur nom de
Ur-bi. parmi les défenseurs de Jérusalem, en TOI (cf. inf.).
refuser le tribut qu'ils avaient payé sous les rois précédents et cher-
cher à sauvegarder leur indépendance ou luttant contre l'envahis-
sement de l'empire assyrien. Ils virent, comuic les Araméens, un li-
bérateur dans ce Mérodach-ljaladan II. dont toute l'activité se dépensa
à rendre l'autonomie à la Chaldée. Pour ce faire, il n'avait pas hésité
à ouvrir aux Arabes aux Araméens l'accès des plus anciennes villes
et
zz-j. ne
Ilrégna que trois ans 703-700 avant Jésus-Christ), car, à la
suite d'une défection, il fut emmené captif à Ninive.
Tranquille du côté de Babylone, Sennachéril) ne voulut pas rentrer
à Xinive avant d'avoir enlevé aux peuplades araniéennes qui infes-
taient la Mésopotamie l'envie de se soustraire à l'autorité assyrienne.
Il ne compte pas moins de dix-sept tribus qu'il appelle « les Ara-
(1) Ville sœur de Kis cf. Zeiinpfi.vd, BaOïjlonien in seinen uichtigsten RuinenstOtten
:
1909-1910;, p. 29 ss.
(3) Dans le cylindre de Bellino, I. 13 : cf. BEzot.D, KB., II. p. 114 s. et \Vi\cklek, KAT.^,
p. 79, n. ?..
;4) Parmi ces noms, relevons les Puqudu et les Gambulu [RB., 1910, p. 1S9 s. et p. 385)^
les IJamrânu et les.Ya6«/« {RB., 1910, p. 190).
b04 REVUE BIBLIQUE.
taille de Qarqar (720 av. J.-G.j, Sargon avait fait de Hamath une
colonie assyrienne (3), et Damas ne comptait plus depuis les terribles
représailles que kii avait fait subir Téglath-phalasar III, eu 732(4).
Israël avait perdu sa nationalité depuis la fameuse expédition et le
siège de 721. Mais Juda existait encore. L'exemple d'Israël et les aver-
tissements des prophètes auraient dû lui faire sentir qu'on ne s'ap-
puyait pas avec bonheur sur " ce roseau brisé » qu'était l'Égypto.
Celle-ci était gouvernée alors par le roi Sabataka [^igi-/mc de Mané-
thon), fils de Sabakou (ïacx/.eov de Manéthon). le fondateur de la
dynastie éthiopienne (vingt-cinquième dynastie de Manéthon). De
même que précédemment, l'Egypte entretenait des émissaires en Pa-
lestine, car elle ne renonçait pas à son antique suprématie sur les
pays de Canaan et d'Amourrou. La mort de Sargon et les démêlés que
Sennachérib avait eus avec Mérodach-baladan II et les populations de
l'est avaient tourné les espoirs du côté du Nil. De la Philistie, toute
(1) Nous identifions IJararali de Sennacliérib avec IJarutu qui, dans les annales
d'Asournasir-apla (UI, 12 i), ligure, à côté de IJirimu, comme forteresse babylonienne.
(2) La ville d'Arrapha a donné son nom à la région que Plolémée (Geograph., Yl, 1, 2)
désigne par 'Apparca/tTi;.
(3J JiB., 1910, p. 378.
(4) RB., 1910, p. 195.
(5)i?Zf., 1910, p. 198.
(6) RB., 1910, p. 387.
,
devant du monarque d'Assyrie, avait été une cruelle épreuve pour les
rois tyriens. Le successeur de Matten, que Ménandre d'Éphèse con-
naît sous le nom
'E>.:j/.2T:r 3 et que Sennachérib appellera
de .
aujourd'hui ' Aq>r entre (Jézer et lamnia. Son roi. Pa-di-i, aurait
voulu demeurer fidèle à l'Assyrie. Mais peuple s'insur- les princes et le
gèrent contre lui, poussés par le roi de Juda, Ézéchias, que Senna-
chérib appelle Ha-za-qi-ia-u, Ha-za-qi~a-u, Ha-za-qi-ia-a-u Celui-ci .
(3) Dans Josepbe, Aut. Jud., IX. 14. 2 éd. Niese. I.\. 283 s.).
i làid. Les faits ont été bloiiués à l'époque de Salmanasar par Josèplie. Le récit a été
parfailemenl reconstitué dans ses éléments primitifs par Landau et Wincklt-r cf. Winckler.
Allorientalisehe Forschungen, II, p. 65 ss.).
5) On peut faire venir lâzdr de Azur. Dans le langage vulgaire on a. en arabe, iasir
pour asir « prisonnier ».
ffi] Ces données et celles qui suivent sont déduites du récit que font les annales de
Sennachérib de la troisième campagne. Dans le cylindre de Taylor, les événements en Phé-
nicie sont racontés dans la col. II. 3i ss.: pour la révolte d'.\scalon et de Jaffa, ibid.,
58 ss. et 65 ss.; pour celle d'.\kkaroii et de Juda, ibid., 69 ss. Les variantes des autres
prismes ou cylindres sont données par Bezold dans ses Inschriften Sanherib's KB., II,
p. 80 ss.;.
306 REVUE BIBLIQUE.
que les Sidoniens distinguaient entre une Sidon maritime (ai "jiï), qui
était « la grande Sidon », et une Sidon continentale (3). Puis c'est le
tour d'une ville entre Sidon et Sarepta, Blt-zitti, dont le nom, tout à
fait cananéen, doit s'interpréter pamn-n^z « maison de l'olivier » (4).
p. 170), sans le justifier suffisamment. Selon nous, il y a un jeu de mots sur màtu qui veut
dire « pays », mais qui représente l'infinitif de nlD « mourir ». D'où màti-su c-mid «- il
rencontra sa mort. »
(3) Clermont-Ganneal, cf. RB., 1903, p. 413. Rapprocher les deux Asdoud, Asdoud con-
tinentale et Asdoud de la mer {RB., 1910, p. 382).
(i) C'est le même nom que celui qui a abouti à |îyi6i:ai9a (d'où p/;f)î(j5a:, etc..) pour l'un
des coteaux au nord de Jérusalem cf. Laguange et Vincent, Bézélha dans le Florilegium
:
cil rénumération va du sud au nord, Samsimiiruna clrit la série des villes phéniciennes.
.
mains de son fils Rukibtu qui s'était montré fidèle vassal de l'Assy-
rie (7). Sennachérib retrouve le fils de Ru-kib-ti qui porte un nom
assyrien, Sarni-hi-da-ri « Le Roi certes est éternel »; il le replace
sur le trône et lui impose un tribut. On pille ensuite les villes com-
pHces de Sédécias, à savoir Beth-Dagan [Bît-da-gan-na], Jatfa [la-
ap-pu-u,Ia-pii-ii]^ Benê-Baraq [Ba-na-a-a-bar-qd]^ Azour [A-zu-rii] {^)
En môme temps qu'Ascalon, les habitants d'Akkaron s'étaient ré-
voltés. Nous avons dit plus haut comment Ézéchias s'était fait leur
(4; Sur les Arabes qui se sont unis aux Kaldu et aux Aramu .\rarnéen> dans la lutte
[h] Lire ir-sil-û bat-la-a-ti « ils prirent congé » dans le cyl de Taylor, llf, 33.
LES PAYS BIBLIQUES ET L'ASSYRIE. bll
Telle est la lin du récit assyrien. Ézéchias. assiégé mais non forcé
dans sa capitale, consent à payer un tribut, dont la partie la plus
onéreuse consiste en trente talents d'or et huit cents talents d'argent.
Qu'on veuille bien maintenant mettre en regard le récit de II Reg.,
xviii, 13-16 « L'an quatorze du roi Ézéchias, le roi d'Asour, Senna-
:
chérib, monta contre toutes les villes fortes de Juda et il les prit.
Alors Ézéchias, roi de Juda, envoya dire au roi d'Asour, à Lachis :
lone et la Bible (Dictionnaire d'A. d'AtÈs), col. 356. L'hypothèse d'une double campagne
est due à Winckler. Les plus récents travaux sur la question sont hostiles, sans raisons
cogentes, à celte hypothèse : Cf. Bremu, Ezechias und Senaclierib; N.\gel, I)er Ziig des
Sanherib gegen Jérusalem.
(3) WiNCKLKR, Keilinschriftliches Textbuch, p. 47.
(1) Le « Chaldéen >« Su-zu-bu est le même que Ma-^èzib-Mardul; tandis que le >< Baby-
lonien » Su-zu-bu est lemême que Xergal-usézib, Cf. inf.
(2) Cylindre de Taylor, III, 42 ss.
(6) Sur ces villes et ces montagnes au nord de Diarbekir, Strece, Z.I.. XIII. p. 98 ss.
(2) Ibid.
(3) RB., 1910, p. 233 s.
(1) Le récit de ces préparatifs dans III R., 12, Slab 2, \. 13 ss. Cf. Smith, History of Seri"
)mcherib, p. 89 ss.
p. 108.
(5) Sur celte marche à travers l'ancien lit du golfe Persique, cf. de Morgan, Mémoires
de la Délégation en Perse, I, p. 20 ss.
(6) Cylindre de Taylor, IV, 26 ss.
fortes, mais, au début de Tan 692, est obligé de revenir sur ses pas à
cause des pluies et des neiges. Un ancien usurpateur, que les textes
assyriens appellent encore Sii-zii-bu [i), mais en spécifiant qu'il s'agit
pour (sauver) leur vie, ils s'enfuirent... dans A-du-um-ma-tii qui est
;
(1) D'âpres les récits parallèles des documents assyriens et de la chronique babylonienne,
on Toit que le Chaldéen Suzubu correspond à Musézib-Marduk qui est M£crr,f7i[iopoaxoy du
canon de Ptolémée. Le Babylonien Suzubu est yergal-usézib, c'est-à-dire PriysgriXou du
canon de Ptolémée. Nous avions vu Suzubu le Chaldéen à l'œuvre dans les événements de
Tan 700.
(2) Sur le Tigre, non loin de Bagdad Delitzscu. Wo lay das Parodies, p. 207.
:
(3) Chronique babylonienne, III, 13 ss.; Cylindi'e de Taylor. V, 48 ss. Sur la bataille de
Haloulê et la bibliographie qui s'y rapporte, Maspeiîo, Histoire ancienne..., III, p. 307 ss.
"
(4) OLZ., 1904, col. 69 s.
(5) Prismes A et C, II, 55 ss.
téristique des sables du Nefoud est leur couleur rouge. « La chose qui frappe d'abord dans
LES PAYS BIBLIQUES ET L'ASSYRIE. 517
le roi ^y:rj.y7.z'.iz: est « roi des Arabes et des Assyriens ». Il est très
vraisemblable que le grand monarque enrôla des Arabes dans son
armée 2i. Au lieu de retourner directement en Assyrie, il longe (3)
la lisière du désert, contourne le sud de la ' Arabah et vient manifes-
ter quelque part sur remonte jusqu'à
la frontière d'Egypte. Puis il
le Nefoud, c'est, répétons-le, sa couleur. Il n'est pas blanc comme les dunes de sable que
nous avons vues hier, ni jaune comme le sable de quelques parties du désert d'Egypte; il
est d'un rouge éclatant, presque cramoisi le matin sous l'humidité de la rosée » (Axna
Blo't. Pèlerinage an yedjed, dans Le tour du monde, 1882, I, p. 28».
(1) RB., 1910, p. 196, n. 5.
(2) Hérodote spéclfle qu'il s'agit de l'armée des Arabes.
'3) C'est ainsi que nous concilierons le récit d'Hérodote avec le fragment assyrien et*les
récits bibliques.
(7) Son nom égsptien est Tarhuq; dans Manéthon, Tapaxo;. Sur la date de son aTène-
ment, Maspero, Hisl.oire ancienne.... III, p. 361.
18} Par une erreur de chronologie, le père de l'histoire place les événements au temps du
prêtre de Vulcain, Séthon.
(9j Cf. notre commentaire de I Sam., vi. 4.
518 REVUE BIBLIQUE.
chérib et à laquelle fait allusion le récit biblique (II Reg., xix, 35),
Les privations de l'armée durant son passage en Arabie, les eaux
malsaines dont elle avait dû se contenter, autant de causes qui
facilitaient la contagion.
A de cette catastrophe Sennachérib ne s'attarda pas en Pa-
la suite
de Ninive et y rentra au début de l'an 689.
lestine. Il reprit la route
La Ghaldée s'agitait de nouveau et l'usurpateur MuUzib-Marduk avait
relevé la tète, depuis la bataille indécise de Haloulê. Ce fut l'occasion
d'une seconde campagne à Babylone dont nous possédons le récit sur
l'inscription des rochers de Bavian il). La ville fut investie, le roi
fait prisonnier, les trésors saccagés. On alla même jusqu'à briser les
statues des dieux vaincus. « La ville et les maisons, de son fondement
à son sommet, je dévastai, je détruisis, je consumai par le feu. Le
mur et le rempart, les temples des dieux, les tours à étages en maçon-
nerie et enterre, tant qu'il y en avait, je les démolis et je les jetai
dans le canal Arahtou, En cette ville je creusai des canaux; leur terre
je la fis disparaître sous les eaux, j'anéantis le gros œuvre de ses fon-
dations, je les traitai pire qu'après un déluge. Afin que, dans l'avenir,
on ne trouve plus le sol de cette ville et des temples des dieux, je le
détruisis parTeau et je le rendis semblable à un marécage. >> Cette
destruction systématique de la ville sainte avait laissé une impres-
sion profonde chez les Babyloniens. La chronique babylonienne écrit
sans commentaire Le premier du mois de Kesleu, la Ville est
: «
mait au milieu d'eux comme un bloc compact et dur, que nulle force
humaine ne paraissait être capable d'entamer (3). » La chronique
babylonienne mentionne simplement que, la huitième année du
(1) Pour ce récit, cf. maintenant King, Records ofthe reirjn of Tukulti-Ninibl, p. ll-i ss,
les dieux qui en avaient été enlevés précédemment. I.a même année,
siné par son propre tils li. La Bible a conservé le souvenir de cette
mort : " Il arriva que tandis qu'il était prosterné dans le temple de
son dieu Nisrok, Adrammélek et Saréser le frappèrent du glaive,
puis ils s'enfuirent au pays d'Ararat.
Son fils Asaraddon régna à sa
place (2). » Comme
renseignements sont donnés après la mention
ces
du séjour de Sennachérib à Ninive (3 on a cru que l'assassinat avait ,
été perpétré dans cette ville. Mais un passage des Annales d'Asour-
banipal indique nettement que le meurtre eut lieu à Babylone. Il
s'agit de la conquête de Babylone en l'an 6i8. Voici comment s'ex-
prime le petit-fils de Sennachérib (i) « Le reste des gens, eux vi- :
babylonienne on dit que Sennachérib est assassiné par son fils dans ;
Bérose (1) un seul fils dont le nom est Ardimmzane. Or, l'éponyme
de l'année 68*2-681 est un certain Nabù-sar-usw\ Tout porte à croire
que le nom nsTNiri du texte biblique est un succédané de "lïN'Ityiz:.
L'élément 12: est tombé, par haplograpliie, après 1J3 qui, dans le
texte primitif (cf. \'^ii dans Is., xxxvii, 38), suivait "jSa-nx (2). Le texte
complet était iïNnt'i2:i 1:2 "Samx. Le nom de -Sdttn doit se lire
jSaTIN (cf. Ardumuzane de Bérose). M. Johns a fait remarquer que,
depuis l'an 694, le prince héritier était Arad-Bêlit (3). En assyrien
on interchange les appellations de Bêlit « Souveraine » et de Malkat
« Reine », si bien que le nom du fils de Sennachérib a pu être lu
[A suivre) [k).
P. Dhorme.
(1) Cité dans la Chronique d'Eusèbe (texte armén.). Le passage dans Muller, Fragm.
hist. graec, II, p. 504.
(2) Conjecture très heureuse de Rost, citée dans KAT.'\ p, 84, n. 3.
(3) Johns, Assyrian deeds..., I, p. xiv.
(4) Le prochain article sera accompagné d'un schéma géographique qui permettra de
suivre plus facilement les campagnes des rois d'Assyrie.
MÉLANGES
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que les Minéens n'ont pas employé le même genre de sépulture, des
chambres ou des foprs creusés dans le flanc de la montagne (3).
Parmi ces tombes vides dont nous apercevons aujourd'hui les ouver-
tures béantes au nord-est de l'oasis d'el-'Ela, plusieurs pouvaient
bien appartenir aux Minéens. Une inscription gravée entre deux
sortes de sphinx au-dessus d'une de ces sépultures est en minéen et
été gravée sur une dalle fermant l'entrée du four ou sur une pierre
encastrée dans la maçonnerie, si l'ouverture de ce trou était bouchée
un lieu qui n'était pas son pays d'origine, on mentionnait cette par-
ticularité dans Imscription gravée sur sa tombe.
rieure à l'Islam.
L. +. — 2P*N I
rrzz~: ce kabîr'Aytam n'est pas mentionné ailleure. La
formule ordinaire des dates renferme, à côté du nom du kabir. le
nom du roi de Ma in. Ici on a cru de mentionner sim-
qu'il suffisait
plement 'Aytam qui était peut-être le gouverneur de cette région.
L. 5. — "7^"~ Araqan parait être un nom de lieu on pourrait songer
; :
n'a pas été apportée de bien loin à la place qu'elle occupe aujour-
d'hui. Selon toute vraisemblance, elle provient des ruines de He-
reibeh comme la plupart des autres matériaux employés cà la cons-
truction du village actuel d"el-'Ela. Il n'est donc pas téméraire,
croyons-nous, d'alfirmer que c'est à Hereibeh, ou du moins dans les
environs immédiats d'el-'Ela, qu'il convient de rechercher l'empla-
cement de Dedan. De même que nous avons retrouvé au Heuer la
tombe de Raqûs « morte au Heger », de même, semble-t-il, c'est à
Dedan que dut être enseveli 'Aws'el « mort à Dedan ». Du reste l'ins-
cription qu'on vient de lire ne constitue pas le seul argument épi-
graphique à faire valoir en faveur de l'identitication proposée.
Parmi les inscriptions rapportées d'el-'Ela par Euting et interpré-
tées par Miiller, il en est une qui fait mention d'un « temple de Wadd
à Dedan ». Ce texte étant très mutilé, on pouvait hésiter pour savoir
si ledit temple de Wadd était bien là où on avait découvert ce frag-
I
]" -j'rz I
-NyP'Z ]z 1
"-N^z:.
'1) Gen. 10, 6 s. et I Chron. 1. 8 s. « Les fils deCham furent : Cus, Misraim,Put et Ca-
naan. Les filsdeCus, SebiL Havilah, Sabtah, Ra'emah et Sabtecà; et les fils de Ra'emah,
Sebà et Dedan... »
S26 REVUE BIBLIQUE.
descendants de Sem (1) c'est un fils de loqsan, l'un des six enfants que
;
ses descendants, ses frères et ses voisins et ils ne sont plus. » Quel-
ques versets plus loin le prophète ajoute « Écoutez le décret de :
Jahvé qu'il a décrété contre Édom et les desseins qu'il a médités contre
les habitants de Teiman... Au bruit de leur chute la terre" est ébranlée
et leurs clameurs sont entendues au bord de la mer Rouge. »
On peut rapprocher ce passage de Jérémie de la prophétie d'Ézé-
chiel contre les Édomites (3) : « Ainsi parle Jahvé : J'étendrai ma
main contre Édom et j'en détruirai les hommes et les bêtes; je ferai
une ruine depuis Teiman jusqu'à Dedan; ils périront parle glaive. »
Ces dernières menaces, quoique moins poétiques et moins détaillées
que les précédentes, ne sont guère pour cela moins explicites, et les
deux prophètes, on le voit, s'accordent pour représenter les malheurs
d'Édom comme devant être communs à Teiman et à Dedan.
Maintenant, c'est en relation avec Teimà qu'Isaie parle de Dedan :
des gens de Dedan. Portez de l'eau au-devant de celui qui a soif, ha-
bitants de Teimâ; accourez (5) avec du pain à la rencontre du fugi-
(1) Gén. 25, 2 s. «Et (Qeturah) lui enfanta Ziniran, loqsan, Medan, Midian, Isbaq et
:
(4J Nous suivons la leçon des versions, 2"""2 « au soir », de préférence à celle du TM.
yi'JI « en Arabie ».
tif. Car ils fuient devant les. glaives... Ainsi m'a parlé Adonaï :
(1) Les LXX n'ont pas les deux mots par lesquels débute le v. 13 dans T.M., 2"l"2X*w«.
Ils rattachent ce verset à l'oracle précédent dirigé contre Édom, d'après le grec, contre
Dùmah, d'après l'hébreu. La leçon du TXI. i"î:2TT N*ù?î2 parait préférable à celle des LXX ;
tive (l),se heurte néanmoins à une difficulté sérieuse; c'est que l'i-
voire et Tébène, donnés comme un produit des iles auxquelles le
texte fait allusion, n'ont jamais été apportés à Tyr de Rhodes ni des
îles de l'Archipel. On tirait ces marchandises de l'Inde ou de FÉthio-
pie et il est impossible de croire qu'elles prissent le chemin de la mer
Egée pour arriver en Phénicie. Les caravanes d'Arabie étaient plus à
même que les vaisseaux rhodiens d'apporter sur les marchés de Tyr
de l'ébène ou de l'ivoire, qui abondaient sans doute dans les ports de
la mer Rouge. Mais si on conserve le texte tel quel, il faudra supposer
alors, semble-t-il, que Tordre géographique dans lequel on énumère
ces peuples commerçants n'est pas très rigoureux. Il ne servira pas à
grand'chose de remplacer din* au v. 16 par mx afin d'avoir un peuple
voisin de Dedan, car celui-ci restera toujours dans le voisinage de
Be't-Togarmah et des iles.
(3 Nous traduisons le TM. tel quel, mais la lecture n''1''2:: ne paraît pas soutenable.
MÉLANGES. o29
pouvaient très bien n'être pas tous concentrés dans un môme lieu
mais rayonner sur une assez vaste étendue autour de ce qu'on pour-
rait appeler leur capitale. Il semble même qu'il y ait eu plusieurs
capitales ou mieux plusieurs localités du nom de Dedan. Pour nous,
le Dedan de Jérémie xlix, 8 et d'Ézécliiel xxv, 13, étroitement lié
au pays d'Édom, doit appartenir à cette région et non point à l'Arabie
proprement dite. Ce serait une simple ville édomite comme Teiman
et Bosrà, mais moins importante que ces dernières. Que l'on rappro-
che, par exemple, le v. 8 de Jér. xlix, où on exhorte Dedan à se
retirer dans des cavernes, du verset 10, dans lequel on nous parle des
retraites cachées d'Ésaii, ou du verset 16 qui fait habiter Édom dans
les creux des rochers (1) et sur les sommets des collines, et l'on verra
qu'il s'agit partout de la même contrée montagneuse dont les anfrac-
tuosités de rochers constituaient aux jours de danger un asile sur
pour les habitants.
Ce Dedan édomite serait à chercher vers une des extrémités du pays,
à l'opposé de Teiman, ainsi que cela parait ressortir du texte d'Ézé-
cliiel rapporté plus haut (Ézéch. xxv, 13). Le site de l'antique Tei-
man échappé jusqu'ici à toutes les investigations (2i, mais on est ce-
a
pendant assez généralement d'accord pour placer cette localité dans
la partie nord du territoire d'Ésaii 3). Elle était identique selon toute
vraisemblance à la Themam de l'Onomasticon située dans la Gébalène,
à quinze milles de Pétra (i^. Dedan devrait donc se trouver alors,
semble-t-il, dans le sud d'Édom, du côté
Cependant l'Onomas- d'Aïla.
ticon croyait pouvoir le placer à quatre milles au nord des mines
de Faeno, aujourd'hui Khirbet Fénàn au N.-O. de Sôbak, et par con-
séquent à une distance assez considérable au nord de Teiman. Il
faut avouer que cette identification d'Eusèbe et de saint Jérôme ne
parait guère s'accorder avec les données bibliques, mais jusqu'ici on
n'a encore rien trouvé de mieux.
(1) L'expression y^DH ''"lini caractérise bien les abords de Pétra. l'antique Séla'. et il
nest guère douteux que l'auteur ne fasse allusion à ces sites pittoresques, véritables repai-
res de brigands. Néanmoins le parallélisme porte à voir ici dans "'icn un nom commun
plutôt qu'un nom propre.
(2) Le P. Lagrange a proposé autrefois d'identifier Teiman avec Chôbak, RB., t897. p. 217.
(3) Lorsque Jérémie dit (49. 20. 21' qu'on entendra jusqu'à la mer Rouge les cris des
gens de Teiman, ceci ne fait nullement supposer que Teiman était du côté de la mer. Ce se-
rait plutôt le contraire. Le prophète, pour marquer la grande désolation et le carnage qu
régnera ce jour-là dans Teiman, dit qu'on entendra les cris jusqu'à la mer Rouge ou jusqu'à
l'autre extrémité du pays. Ce texte peut être rais en parallèle avec celui d'Ézéchiel. 25, 13.
annonçant qu'Édom ne sera plus qu'un désert de Teiman à Dedan.
(4) S. Jérôme donne seulement le chiffre de 5 milles, Oaomastica sacra, éd. Lagarde,
156. 1, 3.
port, c'est Sebà son frère. nentre pas dans le cadre de cette note de
11
(2) Glvsei;, Sliizze der Geschichte und Géographie Arabicns, II, p. 300.
MEL\AGES. 53 1
frère de Madian en
est très quelques jours de
l)ien placé, effet, à
Jérusalem, juillet.
A. Jaussex et R. Savigxac.
fl) Op. lavdalo. p. 397. — Hartman.n, Die arub. Frarje. p. 381, suogère déjà l'identifica-
tion Dadan = el-'Ela.
i2 Quelle est cette ruine de Daïdan dont parle à plusieurs reprises le Dictionnaire bi-
hlique de Vigouroux (I, col. 861 ; 11, col. 1204 et qu'il localise d'une manière si imprécise
« dans le Hedjaz septentrional, à l'est de Teimà et au sud-est d'Aïla »? On a oublié de
taire figurer ce nom dans la carte qui accompagne l'article Arabie. 11 en eût valu cepen-
dant la peine.
II
ristique est par endroits la désolation de cette vallée qu'elle lui a valu
le nom à'Wrabah, c'est-à-dire de steppe. Une série de données scrip-
turaires très précises nous invitent à considérer comme parties inté-
grantes de T'Arabah le bassin inférieur du Jourdain, le lac de So-
dome et la dépression comprise entre le sud de ce lac et le nord de
la mer Rouge, dépression à laquelle, de nos jours, les indigènes ré-
servent le nom d"Arabah -2).
(1) p^y — Jos., 13, 19. Il s'agit de villes de Ruben situées sur la chaîne orientale du
bassin asphaltite; 27 localise Beth-Harani, Beth-Nimra, Soukkolh dans la vallée. /i^rf., 18,
28; 7, 1, 8, 12 indiquent des ramiticalions spéciales de la grande vallée.
(2) nzlV — Jos., 11, 16; 12, 1 ; 8, 14 désignent vaguement le Ghôr. II Sam., 4, 7 : les
meurtriers d'Isba'al venant de Galaad traversent l'Arabah pour se rendre à Hébron, c'est-
à-dire le pays plat depuis les abords du Jabboq jusqu'à la mer Morte. II Rcg.. 25, 4 ap-
pellechemin de l'Arabahile chemin de Jérusalem à Jéricho. Ezech., 47, 8 : le torrent
mystique qui sort du temple se dirige vers U'Arabah pour se jeter dans le lac salé. Deitt.,
Fi-;. 1- — Les dunes iiccidentales du Zur encaissant le lit du Jourdain.
Phot. JaiiSiun.
que celle de 1' Arabah, embrassait quand même les plaines du bas
Jourdain, le pourtour de la mer Morte et le pays envahi par elle. De-
puis Soukkoth jusqu'à Sodome et Sésor on se trouvait dans le Kikkar
du Jourdain ou le Kikkar sans autre détermination (1 ).
L'usage de désigner la vaste coupure jordanienne sous le nom de
Biqe'ah est le fait d'une basse époque (2). A la « grande Biqe'ah »
du Talmud correspond la « grande plaine » des Juifs hellénisants.
Nommé en passant par le premier livre des Macchabées (3, ce \}.i';x
-EOiiv est dans Josèphe l'objet d'une description qui fournit une in-
troduction excelîente à l'étude détaillée du Ghôr. Il dit de Jéricho
qu'elle est « dominée par une très longue montagne dénudée et stérile
qui s'étend, vers le nord, jusqu'au territoire de Scythopolis et au
sud jusqu'à la région de Sodome et aux extrémités du lac Asphaltite.
D'un profil tourmenté, cette montagne est sans habitant parce qu'im-
jîroductive >'. Vis-à-\"is de cette chaîne, l'historien en place une autre
dune direction parallèle débutant, au nord, à Julias et courant, au
midi, jusqu'à Somora qui confine à Pétra d'Arabie. A cette chaîne, <<
à r\\rabah actuelle située au sud de la mer Morte ^''^" On trouve aussi les expressions
in''""' T^'Z^'J Jos., 5, 10: II Berj., 25. o et 2Ni'2 T'Z^'J Dent., 34. 1. 8: Xuvi., 22. I
ces villes, dressant sa tente jusqu'à Sodome. 19, 28 : des environs d'Hébron, Abraham voit
la fumée s'élever du Kikkar lors de la catastrophe de la Pentapole. Dent.. 34. 3 : du
Pisga, Moïse aperçoit le Kikkar qu'une glose explique par « la vallée de Jéricho « n"p2
iriT'. n Sam., 18, 23 appelle chemin du Kikkar le chemin qui descend de Galaad au Ghôr.
I Reg.. 7, 46 : Salomoa fait fondre les ustensiles du Temple au Kikkar du Jourdain, entre
Soukkoth et Sarthan.
pour synonyme d'Arahie Pétrée, ce qui ne une grosse dif- souffre pas
ficulté. Lorsqu'il vise à la précision, le royaume Josèphe distingue dans
nahatéen la Moahitide de l'Arahie il paraît bien indiquer ici Somora ;
comme une horne entre ces deux provinces que le Qerahy sépare
d'une façon si marquée. Ptolémée, de son côté, concevait la limite
septentrionale de l'Arabie Pétrée comme une ligne passant à la pointe
sud de la mer Morte et d'équerre avec l'axe de celle-ci (3). D'ailleurs,
(1) Bel. Jud., IV, 8, 2 (éd. Niese) : Il (iétti oï twv oûo àpéwv X'»>p«
'^^
l'-h"^ tteôîov xa),£ï-
tai, iiZQ -/(ôpLnç rivvaêp.îv ôtr.xov (léxpi T»;; 'A(7ça).TÎT'.5o;. 'EuTt oï aôtoC [).f,y.o: [lev lîTaottov
yiXtwv StaxoctMV, c-jpo; S' sixost xai ÉxaTÔv, xa- (Xc'ffov Otcô toO 'lopoâvoy Tsu.vETa'. /î(iva; tî lyti
'.r^-i iz 'A<7oa>,TÎTiv xai ttIv Tioeptiwv sOff-.v ivavtia;. L'édition Didol a adopté le chiflre niani-
festetnent troj) faible de rpiiv-ov-a xai o'.axoGÎ'jùv présenté par un ins. greciL) et deux traduc-
tions latines.
(2) Bel. Jud., IV, 8, 2 : ... Jtaça-îïvov oè î:; (jLEoiriaépiav Ëw; Sojxoptov {al. lG(i6ppwv, .Vo-
bara, Sobaros) vÎTrep ôpîÇsi tr.v rié-pav if,; 'Apaêîa;. 'Ev toOtw ô' zaïX xai to li5r,poCv xa-
),oûiiîvov opo; [jLr,xyv6[jL£vov ur/pt tt;; MwaéÎTiSo;- La leeon latine Sohtira ferait penser à
l'ouàdy Sabra situé à une heure et demie au sud de Pétra. Mais ceci nous emmène à plus
de 90 kilomètres au sud de la mer Morte et il s'agit de la description d'un hassin qui se
termine à l'extrémité méridionale de cette mer.
(3) Ptolkmée, 5, 16 : "H netpaia 'Apaoîa TiEp'.opîÇîTai... àTtô 8è âpxîtov t?, te llaXaiaTivr) r^
'lo'joaîa xai tw lypîa; xatà xà; o'.wpiTjiéva; aÙTÔiv Ypaixfxàî. On se rendra compte
u.=p£i if^;
du tracé de ces frontières par la carte 35 de l'atlas de Ptolémée dressé par Mueller (Paris,
Didot, 1901). Rapprochée de ce texte, la phrase de Josèphe citée ci-dessus admettrait fort
bien la leçon lojxôpwv ri 7tEptopt!;Ei -r.v IlEtpav de 2 mss., rejetée par Niese. BJ., III, 3, 3 — :
peut être pris dans un sens général sappliquant à une contrée plutôt qu'a une ville.
MELANINES. o3:i
r"'P''ï.''I "'"''Zri. Sr.HWAB, Le Talmud de Jérus., VI, 20, 21. Cf. Neibvler. La géographie
du Talmud, pp. 36, 37.
336 REMIE BIBLIQUE.
Ij Livre d'Hénoch traduit par Fr. Martin, c. 67. Quel est donc le prince qui fré-
quentait les bains chauds de Baarou et de Callirhoé sinon le vieil Hérode ?
(2 Op. L, c. 65.
le sud de la nier .Morte et Pétra. faisant partir la limite sud de Canaan de l'extrémité du
lac salé et l'amenant au sud de la montée d' 'Aqrabim, puis aux palmiers rabougris de la
montagne de Fer N^T-Î "1"".2 "l'y. Ce résultat qui est obtenu par la substitution méca-
nique de 'i^ï (palmiers qui poussent dans les roches^ au massorétique le désert de
'J''î*
Sin ne saurait être d'aucun poids en géographie. Pas plus que ''-'•j,*
n'est l'équivalent de
]''À*, la montagne de Fer n'est susceptible d'être identifiée avec le désert de Sin. Fondée sur
un simple jeu de mot, la traduction du Targum n'a aucune prétention ici à proposer une
identification géographique. Au v 11, le désert des palmiers maigres de la montagne de Fer
revient en compagnie de l'Arnon dans un contexte inextricable. L'utilité de ce passage pour
la géographie de Palestine escomptée par Derexbourg [Revue des études juives. VIII.
pp. 275 s.; se réduit donc à bien peu de chose : la mention des palmiers du mont de Fer
empruntée à la Mischna.
4 Le musée des Pères Blancs à Sainte-.4.nne de Jérusalem possède un fragment de
minerai de cuivre provenant des environs de l'ouâdy Ghoueir.
MÉLANGES. o3 7
Ta'.. A'jtri ôï Tiep'.c'/ETa'. ôpsciv i-/.a-£p<ij9îv. irapaTîivoviff'.v £•/. tî to-j Ai6àvoy 7.ai l~'. àvuôîv èni
~r,-j ïpr,\s.o^i <ï>apâv. E'.alv oè zn\ toO AùXwvo; ttô),îi; £îtÎ(tt5u.oi (T'.o£pià;J "/.ai v; irpà; a'JTfj ),:ixvrj.
IxuOoTio).'.:. lEpt/_à) y.7.\ r, vcxpà OâXacraa %'! xe "Spi aOià; yjâçii:, tov [léio^ (6) 'lopSâvr,; sî'pîTai.
3;'.à)v ix£v iizô twv y.aîà Ilavîâoa TrriYwv, si; oï xriv vsxpàv ôâXaffsav àsavtïôjJ-âvo;.
538 REVUE BIBLIQUE.
« Le Ghôr, a-t-il écrit, est le pays des gens de Lot et du lac puant.
Tout le reste de la Palestine est plus élevé que cette partie qui en
Ghôr commence au lac de Tibériade et allant par
reçoit les eaux. Le
Beisân, il Zoughar et de Rihâ jusqu'au sud de la
s'étend au delà de
mer Morte. Le mot Ghôr signifie une crevasse entre les montagnes,
fendant profondément la terre. Sur toute son étendue, il y a des
palmiers, des prairies, des sources et des cours d'eau. Jamais la neige
qui tombe n'y demeure. Jusqu'à Beisân, le Ghôr appartient à la
province du Jourdain, mais au-dessous, il fait partie de la Palestine.
La même vallée profonde se prolonge encore plus au sud et finit par
atteindre Aïlah (i). » Il est évident que la région jordanienne et le
lac Asphaltite sont intimement liéspour les Arabes comme pour les
Juifs et les Grecs. Idrisi disait xii' siècle « Le Ghôr com- encore au :
prend pays des gens de Lot et la mer puante, en son mie toute la
le
contrée de Zoughar à Beisân et à Tibériade (5). »
Les Croisés appliquaient l'expression Valiis illusiris ;i la vallée du
(1) Stephani Thésaurus : AùXwvj; : ex sunt \ ailes seu Convalles; referunl enim et
ipsœ sua figura aJ),ov (luyau, canal, etc.) utpote qux siut arctiores ceteris campis et
oblongiores, non niinium tamen arctx, sed mediocri latitudiue patentes.
(2) Ononiast., p. 15 Anlon non Grxcum, ut quidam putont, sed Hebrxuni vocabu-
:
lum est.
(3) Biblioth., II, 48 : rivetat 5è Ttept xoùç tôitou; toutou; (les abords de la inei' Morte) èv
dunes abruptes assez profondes pour dissimuler les arbres des deux
rives. La vallée ne profite pas du tout de ses eaux.
On pourra cependant faire valoir la douce température hivernale
de cette région, les fourrés du Jourdain à la faune et à la flore exoti-
ques, où la feuille ne prend des teintes d'automne qu'en jan^der pour
se renouveler immédiatement après, les eaux douces autrement ap-
préciables que l'onde épaisse du lac Asphaitite. Tout cela a bien des
charmes, assurément, mais la mer Morte rend difficile. Pour faire
oublier les grès colorés, les roches sauvages, et toute la fantasma-
gorie coutumière aux pièces d'eau où vient se jouer la lumière de
l'Orient, un paysage devrait réunir une multitude de conditions dont
la vallée du Jourdain est dépourvue. Quant au fleuve, tout fameux
qu'il est, il n'a rien d'agréable, c'est un torrent boueux courant à
travers le fond d'une mer qui s'est retirée. Un voyageur qui a su voir
et qui (chose plus difficile; a su dire ce qu'il avait vu, Chateaubriand,
a laissé du Jourdain une pochade Tout à coup les
très réussie : -
(1) Guii.LACMt DE TvR, 9, 15: 13. 18; 20, 28. Dans la Vulgate, convallis illustris rem-
place le chêne de More près Sicheni. A l'imitation des Targums, Jérôme a traduit VOH par
vallée. On avait dû lui persuader fjue l'hébreu "Î'^N était identique au grec aO.ojv et l'ori-
gine même de ce dernier rnot.
(3; BtRCHARDi DE MoNTE Sios Descrlplio Terne Saaclx éd. Laurent . 7. 33.
540 REVUE BIBLIQUE.
Phot. Byrne.
Sa découverte est publiée dans une élégante plaquette imprimée à Paris chez Féron-Vrau :
BcUianie au delà du Jourdain. Tous les noms de cette région nous ont été redits par
un jeune bédouin de la tribu des Beni-Sakher qui faisait paitre ses chameaux dans le Zor.
Le Zôr est la partie médian? du Ghôr, la dépression qui sert de lit au Jourdain et contient
les fourrés des deux rives. .\ux embouchures des ouàdys tributaires du Jourdain le Zor est
plus étendu qu'ailleurs.
MÉLANGES. 543
son entrée dans la plaine, les restes d'un mouUn et d'un aqueduc
bien construits; plus haut, se voient les ruines d'une arche qui fran-
du Djeriah. Les fourrés du ruisseau recèlent quelques
chissait le ravin
fragments sculptés. En retrait dans la gorge de l'ouàdy Sa Ib s'élève
le Tell Bileibîl qui pourrait recouvrir lui aussi quelques anciennes
constructions. Un
moderne représente aujourd'hui l'in-
seul édilice
dustrie humaine parmi ces débris de la culture d'antan, c'est un gre-
nier à céréales situé au nord du torrent et dont le propriétaire est un
habitant de Sait. Cette bicoque porte le nom de Qa^r Ps-Soultan. Quand
elle s'appelait Xinira ou Beth-Nimra 3), notre localité offrait assez de
ressources pour retenir les fils de Cad à l'est du .lourdain. La richesse
relative de ses pâturages jointe à la fertilité d'autres régions moa-
hites fut un des arguments mis en avant par les Cadites pour obtenir
fl; 2Ki^ nzij'Z D'''i2*C"n ^ZH) Xutn.. 33, 49. Mise en relation avec Beth-Iesimolh
cf. RB., 1909, p. 230). Antiq. Jud., !V, 8, 1 : otto-j vjv î:ô"/,'.; ïn-v> 'AoiXr,, 50'.vi7.63-..T0v
5' ÈcTt TÔ -/wp'.ov. V, 1, 1 : pour franchir le Jourdain Josué part àTtô r?;; '\6;>.ti; £7:1 tôv 'I&p-
oâvr,v ilrfi'. cr-aot'oy; £;r;xovTa. Bel. Jud., II, 13, 2 : iNéron remet au roi Agiippa 'AêO.a (xàv
dem Irans mare Morluum, sexto ab eo distans miliario, ubi quoadam ciim Madiani-
tis fornicatus est Israël Thomsex, Loca sancta, p. 13; PL., XXV, 987}.
^2; On ne trouvera nulle part une documentation plus abondante sur Livias que dans
ScHLERER, GJV., II S pp. 213-216. Pour les ruines de Tell er-Rameh voir ZDPV., II, p. 2,
pi. 1. Sur le changement de nom de cette localité, cf. Ant. Jud., XVIII, 2, 1 B/iOaoaîxj^à :
tharamt/ia). Onom., Betliaram civitas tribu Gad iuxta Jordanem, qux a Sijris
p. 49 :
(1; Dans les énuinérations géoiiraphiques, celle bourgade esl accompagnée de Belh-Haram.
*">-
.\um., 32. 36 :
r,*2~nN" ~"^"2; ïl'^ZTNn, B xai Tr^v >'aix|;àa xal T7;v Baieapiv. Ps.-
Jonalhan : '^r^Z". T\'"2.1 ':"1~ P''! P^T Jome, 13, 27 : r^^y2Z P-ZI Cn n*2 u'Z"^'!.
B Paivôavaêpâ.
(2) ïalmud de Jérusalem, Schebi^ith, l.\, 2 : nnCI niZ CI" n''2 VT^I r*2 ~^^.
Iciencore Belb-Nirarin est en compagnie de Belh Raintha. L'édition du Talmud de Pelrokow
porte ^11^; n^S et aiir! r'^ qui sont évidemment fautifs.
(1) Bel. Jud., IV, 7, 4 : eï; Tivac Y.(â\ir,v.... Br,8-.vvagpiv 7:po(7aYOpeuo[jiÉvriv. C'est aux gués
de Mendasa et du Ghôranieh (celui-ci un peu au-dessous du pont de bois actuel que les
fuyards durent se presser. Le fait se passant au mois de mars [681, on comprend que les
pluies aient eaux du Jourdain de manière à le rendre infranchissable. Après
pu grossir les
cet exploit, Placidus s'empara des places voisines de Bethennabris. Abila, Julias et Besi-
moth. Nous sommes ainsi toujours dans la région des 'orabôUi Moab : il n'y a donc pas
à chercher Bethennabris dans les environs de Gadara. Entre la nouvelle de l'approche de
Vespasien et larrivée de Placidus devant Bethennabris, les séditieux ont eu tout le temps
d'atteindre ce dernier bourg en suivant la vallée du Jourdain.
(2) RB., 1909, p. 230.
(3) Onomast., p. 44 : Br,6vaapâv, Ilspàv toû 'lopôâvo-j, r,v wxooô[j.r,c£v çu).-/; Fào. Kai ïaz'.
vûv VMiir, pr,0va!x6pt; w; «ttô (Tr,[jLc'!wv e' Aiêiâooç iv [iopsiotç. P. 48 : BeOvL|xpâ. Ilc'pav toù 'lop-
ôdcvou, u6Xi; 3u).f,; Fio. T.l-^aio-j AtêtàSoç. La première notice est à propos de \u)n., 32,
36; la seconde à propos de Jos., 13, 27.
(4) MoscH, Pré spirit., 9.3: PG., LXXXVIL 2952 (Xtffîw.o;) iÀÔwv 7;Xr,'7Îov xûiJir,; ètt'.Xeyo- :
fois pour gagner -Araq el-Émir et 'Amman vers l'est. Comme il nous
tarde de pénétrer dans des régions à nous inconnues, c'est vers le
nord que nous entraînons notre guide pris chez les 'Adouân du pays.
Au delà du torrent, nous longeons quelques instants le pied de la
montagne qui se trouve d'abord percée de quelques grottes nommées
^Ai'âq en-Nimrm. Un souvenir à l'abbé Sisinnios et nous courons à
travers le lit desséché de Youâdy Metaharr. C'est là q j'au temps de
piâb, cheikh des 'Adouàn, on faisait la fantasia à l'occasion de la
circoncision des enfants. Le massif de Galaad finit ici à la plaine par
une série de collines basses, sèches, sans caractère, désignées sous
le nom de Teloiîl el-Bid. Après avoir coupé la chaussée d'une ancienne
MELANGES. 547
(1) Entre le Zerqà-Mà'in et Zàrah, on nous a signalé une crevasse où des suintements
entretiennent des palmiers sauvages appelée Bassat ymi'u'ah. Le P. Féderlin {^Béthanie,
p. 8) mentionne près du Ghôranleh, Bassat el-Kefrein, sol marécageux où des sources
sulfureuses et salées baignent des touffes de roseaux et de vigoureux tamaris. Notre guide
donna de même le nom de Bassat el-Irâqah à un groupe d'arbres verts situés près du
Jourdain, vis-à-vis de la sortie de l'ouûdy Heseiniât: cf. SociN, Liste arabischer Orisap-
(1) En hébreu Qni. A. propos du re/em sous lequel le prophète Éiie se coucha déses-
laveugle se hâta de retirer son keffieh (voile qui sert de coiffure aux
Bédouins) et de le Pourquoi te décoiffer
fourrer dans son ciron. — <<
qui font l'armature du dolmen sont comblés ici par des matériaux
plus petits appareillés ensemble, et en ceci nos dolmens participent
des nawâmis. Us tiennent aussi du tombeau par leur façade faite
dune dalle épannelée, creusée d'une ouverture régulière qui dans
l'un de ces monuments me-
sure 0'",51 de hauteur sur
O^jiô de large. Nous avons
maintenant à signaler un
roc évidé en chambrette fu-
néraire munie d'une porte,
mais qui serait à ciel ouvert
siTon n'avait placé au-des-
sus une grosse table de pier-
re. Cette façon d'obtenir
d'une seule pièce les quatre
montants verticaux du dol-
men coupait court aux interstices inévitables dans les autres mégalithes.
De la comparaison de tous les éléments dont se compose la nécro-
pole de Tawàhîn es-Soukkar il ressort un ordre logique, une pro-
5o2 REVUE BIBLIQL'E.
(1) GeUe nécropole à laquelle il donne le nom d'Ala-Saphai. a été visitée très rapide-
ment par DE LuYAEs qui a publié quelques croquis de dolmens dans son Voijarje d'explo-
ration à la mer Morte, p. 135. A en juger par ses dessins, il semble que l'explorateur et
ses compagnons soient tombés sur une partie de la nécropole où les dolmens sont moins
bien conservés que dans la région explorée par nous. Sur les dolmens palestiniens et leur
signification on devra consulter Vincent, Canaan, pp. 417 ss.
(2) LuDOLPHE DE SuDHEiM (1348). De itinere Terre Sancte [Archives de l'Orient latin, II,
p. 366), décrit avec soin la fabrication du sucre à son époque Czucarus exlraliitur e.r
:
canna mellis, que spatio alteriiis anni iuxta aquam plantatur et est quoddam genus
arundinis quod annuatim secafur et m mou molituk, et succus quidam de mola eutra-
hitur et hic colatur donec punis fiât.
MÉLANGES. 553
(4) Les plantations de Tripoli de Syrie sont déjà signalées au x' siècle par Istakhri. Or
la ville était habitée par des Persans que le calife Moàwiah y avait transplantés à la fin
du VII*' (Glv le Stuvnge, op. laitd., pp. 348 ss.). Nommée par les Arabes qasah es-
siècle
souliliar, la canne à sucre était appelée rannamella par les Occidentaux, mot auquel ils
donnaient une orthographe très variable. Pour la région de Tyr nous avons le témoignage
de Guillaume de T^n, Hisl., 13, 3 [liegio illa nulrit) et cananiellas, unde preliosissinia
:
que habet rivos, fontes et ortos magnos, sicut paradisus, et campos canamelle, unde
faciunt zucliarum.
(6) Jacques de Vérone (1335), ROL.. 1895, p. 212 Ultra istum fluvium {Jordanem),
:
sunt pulcre ville et cassalia et orti et jardini, et nascuntur ibi canamelle ad faciendum
554 REVUE BIBLIQUE.
Phnt, Schumpp.
cucarum et sunt ibi loca amena, longe tamen a fluvio. Le même pèlerin (p. 21) signale
aussi les plantations de cannes à sucre dans la plaine de Jéricho.
MÉLANGES. 555
(4) Moore : D-ix rniyc^ a" l'eu de n*2~S*n n2"*22, d'après Lagraxce, Le livre des
Juges, p. 139.
556 REVUE BIBLIQUE.
Sochoth. Est aulem usque fiodie civitas trans Jordanem-hoc vocabulo in parle Scytho-
poleos. A l'époque île saint .lérùme Scvthopolis el Jéricho se partagent la vallée du Jourdain.
Le Zerqà parait faire la limite entre les deux régions.
(5) Notre guide nous a donné de lui-même cette appellation qui conlirrne 1 indication Tell
Echsds relevée dans la carte de Schumacher.
(G'i Gen., 32, 33: Jud.. 8, 8.
m
QUESTIONS DE CRITIQUE LITTÉHMRE
ET D'EXÉGÈSE TOUCHANT LES CHAPITRES XL SS. D'ISAÏK
Dans la Revue biblique doctobro 1909 jai publié une étude sur 1'^-
I
§
position strophique, mais aussi pour l'ordre où j'ai cru que les textes
devaient être rétablis d'après l'exigence du sens. A en croire le
savant auteur de la traduction critique du Livre d'Isaie, je me serais
permis à cet égard des libertés que rien ne justifie. La question de
l'enchainement des textes au point de vue du sens étant fondamen-
tale, c'est par celle-là qu'il faut commencer. J'en parlerai donc sous
1" Le point de départ de mon étude m'a été fourni par l'idée qu'a
eue Condamin lui-même de transposer le passage xlïf. 1 ss., de
le P.
XL-LV +
Lx-Lxii d'haie. Cette transposition du passage xlh, 1 ss., re-
latif au Serviteur individuel de Jahvé, de la première partie dans
la seconde, répond à la distinction nettement caractérisée qui les
sépare au point de vue de leur objet li. La question est de savoir <
(4j Je profite de cette occasion pour corriger une erreur qui s'est glissée par méprise dans
la rédaction de mon article RB., 1909, p. 518. Lisez, à la ligne 18 s. : le v. 11, par son
objet et sa tournure, rappelle les chapitres lxv s., où il ferait bonne figure p. ex. après
Lxv, 12, ou après lxvi, 16 ou 17.
(5) v. RB., 1909, p. 517 s., 522.
MELANGES. îin9
3" Pour montrer l'extrême liljcité avec laquelle jai traitr le texte,
pour son peuple (vv. 3-4) ; les Israélites idolâtres, qui adressent leurs
hommages à des dieux d'or et d'argent, sont des insensés, leurs
idoles ne peuvent rien pour eux (5-7); puissent-ils comprendre cela,
(3) Ces motifs sont 1°) la présence des mots qO" et xi:?: [porter et 'd^fz sauver) tant
aux vv. qu'aux vv. 3-4. Cette considération ne tend en aucun cas à justifier la trans-
1-2
position des vv. 1-2 à la suite du v. 7. D'autre part elle est loin d'établir d'une manière
décisive que les vv. 1-2 et 3-4 appartiennent au même contexte, pour qui a égard à la dis-
parité des idées exprimées de part et d'autre (voir plus loin;, et à la circonstance que
Jahvé, accumulant, au v. 4, les verbes qui signifient l'action de porter, se charger ("^3,0,
a^M, D'OV), répète avec emphase précisément le v. S^d qui ne se présente pas au v. 2.
On allègue 2°) que les vv. 1-2 « mettent les dieux de Babylone portés par leurs clients en
contraste avec le Dieu d'Israël qui porte son peuple » (vv. 3-4). Encore une fois il ne s'en-
suivrait rien pour la transposition de 1-2 après Je remarque ensuite qu'il y a contraste,
7.
peut-être, entre Jahvé qui dans son amour porte et soutient son peuple (3-4) elles Israé-
lites rebellesqui chargent leurs dieux d'or et d'argent sur leurs épaules pour les honorer
(v. 7); mais le contraste prétendu, noté aussi par d'autres commentaires, entre les dieux
de Babylone et le Dieu d'Israël, n'existe pas a) il n'est pas question des « clients » de Bel
:
et de Nébo qui porteraient ces dieux Bel et Nébo sont chargés sur les « bêtes de somme »
;
pour partir en exil, b Ce qui est mis en relief par l'image de Jahvé portant son peuple,
c'est uniquement son amour et sa longanimité, nullement sa gloire, ni la gloire de son
peuple; ce qui est mis en relief par l'image des dieux de Babylone emportés en exil, c'est
uniquement leur honte; les ordres d'idées auxquels se rapportent respectivement les deux
images .sont parfaitement disparates, c) Enfin il est clair que c'est le blâme à l'adresse des
Israélites idolâtres qui est l'objet du discours vv. 3 ss. or le rapprochement entre Jahvé
;
portant son peuple et Bel et Nébo emportés en exil, n'aurait eu avec ce blâme qu'un rap-
port tout au plus très indirect et très vague.
560 REVUE BIBLIQUE.
(1) BB., 1909, p. 517. J'ai suggéré à ce propos pour le mot NiTlZ. dans xi.vi, 2, une lec-
ture s'écartant de celle des Massorètes. D'après la lecture traditiounelle le sens serait :
« ... ils (Bel et Nébo) ne peuvent sauver ce fardeau... » ; or le texte poursuit : « ... et
eux-mêmes s'en vont en exil ». Bel et Nébo s'en allaient en exil précisément en tant qu'ils
s'identifiaient avec leurs statues (— le fardeau). On ne comprend donc guère la gradation
exprimée dans les deux membres. N'y aurait-il pas lieu de lire K-i:,"î2 (= X''"C'D) au lieu
de NÙTD? Le sens serait : « ils n'ont pu sauver les porteurs (lilt. le cliargenr), et eux-
mêmes s'en vont en exil » : ils n'ont pas pu sauver ceux qui maintenant en sont réduits à
les charger sur des bêtes de somme (v. 1), etc.
XLVI 1-2, décrivant la chute de Bel de Nébo, ne saurait être maintenu à sa place ac-
et
tuelle... XLVI, 1-2 doit appartenir, croyons-nous, au discours du chapitre xlvii sur la défaite
de Babylone, et en formait sans doute la conclusion ».
mon peuple, c'est toi! » Ce qui n'est pas admissible. C'est le sujet
apostrophé qui reçoit la mission de dire à Sion, au nom de Jahvé,
dont la parole est mise en sa bouche : mon peuple, c'est toi!
b) Le sujet apostrophé li, 16 est le Serviteur de Jahvé. Cela se recon-
naît aussitôt à la nature même de la mission qui lui est attribuée et
qui est la même dont le Serviteur apparaît chargé dans tous les au-
tres endroits où il est mis en scène, savoir celle d'accomplir, comme
ministre de .lahvé, la double œuvre du salut d'Israël et de la rénova-
tion religieuse du monde.
Cl Le V. LI, 16 est donc un fragment d'un passage exposant la mis-
sion dont Jahvé, au discours direct, investit son Serviteur. Ce pas-
sage peut-il être retrouvé dans notre recueil à'Is. xl, ss.? Le P. Con-
damin constate la relation étroite qui rattache li, 16 à xlix, 2. En
cela il a raison. Seulement les deux passages sont reliés entre eux, non
pas comme formant l'inclusion du « 6" poème ». mais comme faisant
(1) Au V. 12" le sujet auquel le discours s'adresse est désigné au pluriel dans le TM. : ego
consolabor vos. Mais LXX a le singulier :... 6 jtapxy.aXwv ers. qui est selon toute probabilité à
rétablir conforwément au contexte suivant. Dans 12'' le sujet interpellé est conçu au fém.
singul. c'est SiO/i, tant d'après .Mass. que d'après LX.X. Au t. 13 le discours tourne brus-
:
le premier verbe au v. 13 le "i final du fém. pourrait avoir été omis par haplographie, le
nom suivant (ûTî'^) commençant par ^ : et une fois cette faute commise il était naturel que
la lecture s'en ressentîtdans la suite du texte. 3" Dans les chap. xlix ss. c'est généralement
Sion ou Jérusalem, pas Israël ou Jacob ou le Peuple^ qui est apostrophée au singulier-
Dans le contexte même de notre passage Sion venait précisément d'être nommée v. il;
comp. v. 3) et c'est Sion ou Jérusalem qui continue d'être le sujet adressé (vv. 17 ss. ui. ;
1 ss...). Il semble donc que le féminin employé v. 12'' doive être rétabli aussi aux vv. 13-14.
C'est là d'ailleurs un point sans importance pour la question qui nous occupe en ce moment.
REVUE BIBLIOUE 1910. — X. S., T. Vil. 36
REVLE BIBLIOLE.
partie dun même contexte, li, 16 est à lire, du moins selon toute pro-
babilité, à la suite de xlix, 3. C'est le Serviteur qui parle :
-;. — Par le rapport dans lequel li, !(> se trouve avec xlix, 2. Les
termes sont en partie répétés de l'un à l'autre verset. Et de plus le
voisinage immédiat de li, 16 aide à mieux rendre raison de la modi-
fication que le texte a subie xlix, 2.
Mais ici le P. Condamin nous arrèle. Il me fait un grief, appuyé du
même point d'exclamation que le précédent, d'avoir aussi, par une
correction téméraire, violé au commencement du « 6" poème » l'inclu-
(1 Le que ce passage ait pu s'égarer si loin de sou contexte primitif, ne sera pas plus
fait
(liliicile que le cas p. ex. de \u, 6-7 à reporter après \l, 19 et bien d'autres cas
à expliquer
analogues. Voir RB., 1909. p. 507. Il est très possible que la ressemblance matérielle de
LI. 16 avec u, 13'. ait été pour beaucoup dans le désordre que l'on couslale en cet endroit.
LI. 16 peut avoir été écrit à coté de li. 13 d'abord comrue glose, par manière de rappro-
chement ou de référence. Puis, entré ici dans le texte, il aura été supprimé après xlix. 3 pour
éviter le double emploi. Le P. Condamin n'ignore pas que le texte a été sujet à des manipu-
lations de ce genre; comp. p. ex. la note sur li. 11 [Le livre d'Isaie, p. 308| etc.
2) Notons en passant que les interversions opérées par le P. Condamin dans les vv. xlix
1-4 Le livre d'Isaie. p. 296) sont arbitraires. Il n'est pas conforme au contexte de suppo-
ser que la plainte du Serviteur au v. 4 est directement motivée par ce qui est dit au v. i
(mis en réserve, je me croyais mis de côté, abandonné]. Car 1" les mots il a fait de ma :
bouche un glaive tranchant, il a fait de moi une flèche aiguë, signifient au contraire la cons-
cience qu'a le Serviteur de sa glorieuse destinée; 2° aussi ces mots sont-ils le développement
immédiat du v. l*" « Jahvé m'appela dés ma naissance... »; 3" le Serviteur ajoute
:
de 1"* en \~: n'a rien que de très plausible. .Pajoute que la corruption
du texte aura été favorisée par li, 16 où il était question de Jahvé pro-
tégeant son Ser\'iteur à l'ombre de sa main: si l'on admet que les deux
passages appartenaient au même contexte, on s'expliquera aisément
que « Tombre de la main » se soit étendue de li, 16 à xlix, 2. Lisons
donc hardiment en cet endroit :
ont été excessives. Pour être complet il aurait dû rappeler qu'en plus
dune occasion je me suis attaché à défendre contre lui, soit l'authen-
ticitéde tel passage qu'il rejetait sans raison ji. soit le maintien d'un
passage à l'endroit qu'il occupe \1), soit l'intégrité de tel autre pas-
sage qu'il augmentait gratuitement d'un stique 3), soit aussi simple-
ment une « localisation » différente de tel texte, reconnu par lui-même
comme égaré hors de son contexte primitif, mais qu'il rapportait à
un endroit auquel on ne pouvait le rattacher qu'en faisant violence
au sens [\). C'est qu'il m'a semblé c[u'en cette matière, où l'on pro-
fl) Par ex. xui, que Condamin commence par traduire « ... on les a tous enchaînés
22'' :
dans des trous... rejette ensuite comme une glose de forme prosaïque. Le sens
». et qu'il
ne peut être entendu qu'au futur {Livre d'Isaie, p. 316 ; comp. RB., 1909, p. 522).
564 REVUE BIBLIQUE.
(2) RB-, 1910, pp. 208, 215, 216. On voit que le P. Condamin y tient.
(3) J'ai considéré Is. xlvi, fi" et 7", comme des vers complets monostiques précisément
parce qu'en fait ils ne font parallèle ni entre eux ni avec les stiques environnants (HB., 1909,
p. 517). Le P. Condamin me fait remarquer que j'ai eu tort de trouver dans Le Livre
d'Isaïe, p. 100, un exemple d'un vers monostique c'est une faute d'impression qui ma
:
MÉLANGES. ni)n
2' Le chapitre lui à'Isaïe est formé tout entier de distiques réguliers,
induit en erreur. Soit. Mais le typographe n'était pas trop mal inspiré. Car dans la phrase
ainsi partagée :
les trois premiers membres sont parallèles et devraient donc former un Iristique, de ma-
nière à laisser le quatrième comme un vers monostique. Au reste voyez encore p. ex.
Ici il n'y a pas de faute d'impression? Il arrive aussi que la forme des distiques ne res-
pecte guère le parallélisme des membres; p. ex. :
(1) Duhm p. ex. dans Is. xm, 3 compte comme un stique le mot "'UJTp'rZ^. 0" trouve
aussi chez Condamin des distiques à membres parallèles comme le suivant :
ses limites précises, n'est pour moi, comme sans doute pour tout le
monde, qu'une simple hypothèse. J'ai argumenté du chapitre lui,
parce que dans tous les cas le chapitre lui se compose exclusivement
d'un morceau marqué d'un caractère spécial en regard des strophes
qui précèdent. Le chapitre lui est un hymne où le prophète élève la
voix à la première personne pour exalter en son nom propre et au
nom du peuple les souffrances et la mort expiatoires du Serviteur.
b) Je n'ai pas cherché dans les deux tristiques du P. Condamin de
raison décisive ;\e n'ai parlé que d'un (* inconvénient » et d'une « forte
présomption » qui en résultaient dès l'abord contre la construction
adoptée par lui. Il y a vraiment bien d'autres difficultés que celle-là
auxquelles la traduction du P. Condamin se heurte. Le problème
porte tout d'abord sur le point de savoir si '''?nrî au v. 10 doit être
rattaché à ce qui précède ou à ce qui suit. Et il valait la peine de
noter que dans le second cas on obtient des distiques conformes au
rythme qui règne dans tout le morceau; tandis que dans le premier
on aboutit à des tristiques qui, en ce seul endroit troublé, s'écarte-
raient du rythme général (1).
3" Dans la division des strophes que j'ai proposée pour Is. xlii,
1-7 -\- lu, 13-15 -h LUI, j'ai, dit-on, violé la loi du sens, « la plus
essentielle de la strophique » {RB., 1910, p. 210).
(1) Il est vrai que les Massorètes et les anciennes versions s'accordent à soutenir l'hy-
pothèse qui relie "iSrin aux mots qui précèdent, sans être d'accord toutefois à attribuer à
"iinn la même fonction dans la phrase. Mais les Massorètes et les anciennes versions n'ont
connu que notre texte déjà corrompu; que signifie dès lors le soutien dont on se prévaut?
Sans doute la Vulgate traduit .si posuerit... Mais il est,
: critiquement, tout à fait invrai-
semblable que saint Jérôme ait lu "'il""' au lieu de DlÙTl sa version représente une adap- ;
tation du texte à l'idée qu'il croyait y découvrir, de même que les LXX ont éprouvé le be-
soin d'en faire une adaptation en un sens différent : èàv Swte (a''iL*n) ^^ep' à\ia^i!.a.i, ?,
<!iruyri 0[ià)v..., d'où l'on ne conclura pas qu'ils aient lu au lieu de ICEù- De même
^•CEJ
en présence du grec -rri; 7:).Y)Y?iç, ou n'a pas le droit de conclure de la Vulgate in infirmi-:
tate, que saint Jérôme ait lu avec la préposition i-TîZ. L'interprétation du chap. lui dans
le sens des souffrances expiatoires du Messie n'a aucun besoin de la phrase conditionnelle :
s'il oD're sa vie en sacrifice... Je ne sais si Skinner a raison de dire que la dilficullé prin-
cipale de l'hypothèse suivie par Condamin réside dans la forme conditionnelle de cette
phrase; il a en tout cas raison d'ajouter qu'aucune explication satisfaisante n'en a été don-
née. L'examen du contexte, autant que des éléments de notre texte certainement corrompu
MÉLANGES. o6T
Prenons comme exemple le poème xlii, 1-T -+- lu, 13-15 -4- lui
RB., 1909, p. 525 s.). La première partie, xlii, 1-7 lu, 13-15, est un +
discours de Jahvé en trois strophes, auquel répond comme seconde
partie du poème, l'hymne du prophète, au chapitre lui, ég^alement en
trois strophes. Or. dans cet hyume le nom de Jahvé se lit en tout quatre
fois : LUI, 1, 6, 10'. 10''; et il se fait que trois fois 1. 0, 10'') il arrive
comme « Responsion » entête des trois strophes consécutives, tandis que
la quatrième fois (10") il forme inclusion, à la lin de lantistrophe, avec
6 {RB., 1909. p. 526). Est-ce par hasard? De plus, le commencement de
m'a conduit à la restitution, ({ue je n'ai proposée que comme une conjecture ax l^n" :
"U*EZ StaJxn liit- : il affligea, comme si elle eut été coupable, son àme [RB. 1909, p. 527 s.).
Je me demande aujouriibui s'il ne vaudrait pas mieux lire i"*"."! [;^^ ^T]''^X\T\ le parf. aug-
savoir comme les malfaiteurs et les impies parmi lesquels il reçut la sépulture (v. 9] ou,
peut-être mieux, comme ceux pour qui il était frappé (vv. 5, 6, 8).
lies mentionnée d'ailleurs aussi par Condamin (v. Mùller, Die Propheten in ihrer
idées,
urspr. Form, 1896, I, pp. 195, 196, 203 etc.; Strophenhau und Responsion. 1898, p. 23 etc.;
Komposition und Strophenhau, 1907, pp. 8 ss., 97...). Muller appelle Concatenatio » le «^
procédé par lequel deux strophes sont reliées entre elles moyennant la reprise au commen-
cement de l'une du trait linal de la précédente. C'est la Responsion. d'après Millier, qui
remplit le généralement observée. D'après lui, .Michée
rôle le i)lus important et est le plus
et Jérémie, p. ex., n'ont pas Concatenatio « proprement dites (Prophelen,
Vinclusion et la «
p. 203 s.): de même « dans Deutéro-Isaïe, dit-il, il se présente relativement peu de cas de
( oncatenatio et d'inclusion » (p. 205). Rappelons encore que le parallélisme et la symétrie
dans « la Responsion » et l'inclusion sont loin d'être toujours d'une rigueur absolue. U est
inutile de le prouver par des exemples.
368 REVUE BIBLIQUE.
LTi, iô^) : et pour l'analogie des idées entre II (xlii, 7) et III (lu, 15").
— Les autres strophes reproduites dans mon article donnent lieu à
des remarques analogues i2\
5* La reconstruction strophique proposée dans mon article détruit
la symétrie et le parallélisme harmonieux des poèmes reconnus par le
(1) Noter des cas de « Responsiou » entre la « strophe inlerinédiaire » (III) et une strophe
(I) précédente, ou une antistrophe (II) suivante, ap. Condarain, Le livre d'Isaïe, p. 250 s..
251 s.
(2) Voici quelques autres exemples de l'observation de ces lois dans les strophes en ques-
tion. Les strophes que j'avais en commun avec le P. Condamin ne sont pas prises en consi-
dération. Je cite d'après la pagination de la MB.. 1909 :
Responsion :
dil\
522 strophe II : 51, 6'" — 51, 8" (comme un vêtement...).
523 strophe I : 51. 12 — 51, 15 (...^ZIN, — ''-iN";).
— strophe II : 51, 17'' — 51, 20** (la coupe de la colère... : ivres de la colère...'.
524 strophe 11 : 52, 7'" — .52, lO*" (le salut, ton Dieu; — le salut de notre Dieu .
Etc.
MÉLANGES. .169
exposé dans le Livre d'haie, p. 236. Ce qui frappe ici tout d'abord l'œil
du lecteur, c'est que les huit premières strophes du poème et les huit
dernières comprennent de part et d'autre exactement 52 vers. Cela
du hasard? Avec la meilleure volonté, je ne puis
pourrait-il être l'effet
y voir, au mieux, qu'un effet du hasard. Notons que le poème, d'après
Je rappelle encore une fois à ce propos que le caractère propre de l'hymne du chap. lui
(1)
est mieux respecté dans l'arrangement qui y reconnaît une série complète de trois strophes;
V. plus haut i" et BB., 1909, p. 526. not. 1. —
On ne perdra pas de vue d'autre part que
chez le P. Condamin aussi il arrive souvent que la strophe alternante termine un poème (cf.
RB.. 1909, p. 51 i) à la p. 200 du Livre d'Isaie on trouvera par contre un poème qui s'ouvre
:
dans la première on lit C'est moi Jahvé : c'est ynon nom; dans l'au-
:
tre qu'il se confie au nom de Jahvé. Il n'y a entre ces deux phrases
:
LI, 9-11) que, bien qu'en des contextes disparates, « aucune strophe
sauf la seconde et l'aN ant-dernière ne présente le mot force ~") ».
(1) Pourles formules qui sont censées établir chez le P. Condamin la correspondance en-
tre la première stroplie et la vingtième, voir dans ma restitution du poème la première
strophe [liB., 1909, p. 519} et comp. les observations exposées plus haut suh A, 4".
372 REVUE BIBLIQUE.
strophes consécutives (1). Pour prouver que le rôle qu'il fait remplir
à ces formules est le vrai, de préférence à celui qu'elles remplissent
dans ma reconstruction, le P. Condamin devrait avant tout pouvoir
en appeler aux cas que nous venons d'examiner. Or le lecteur a pu
constater que, même comme ensemble, les coïncidences que nous lui
avons mises sous les yeux sont dépourvues de toute valeur.
[A suivre.)
(1) Pour les formules qui sont censées établir la corrrespondance entre la 7= strophe et la
14% voir nies deux strophes consécutires II etill. BB., 1. c.,p. 520 et comp. les observations
rappelées plus haut sub A. 2" et B, 4°; — pour les formules censées établir la correspon-
dance entre la 4- strophe et la 17*. voir mes strophes consécutives 1, II. 111, RB. 1. c, p. 525,
et comp. les observations rappelées plus haut siib A, 1" et B, 4°.
.
CHROMQUE
L EGLISE DK L KLEOXA
Parmi les lieux saints chers à la piété chrétienne durant les siècles
qui suivirent le triomphe de FÉglise, il n'en fut guère de plus célèbre
que cette basilique du mont des Oliviers érigée « en mémoire de
l'Ascension du Sauveur » et < sur la grotte même où la tradition véri-
dique atteste quil initia ses disciples aux ineffables mystères » 1 .
(1) Quelques bomies indications sur ces travaux, sont fournies par M. A. MoMjni\, Car-
mel sanctuaire du Pater-Xoster à Jérusalem, 2' éd., 1885, p. 81 ss.
et
(2) On se souvient que les RR. PP. Blancs, de M-' Lavigerie, gardiens de la basilique
nationale de Sainte-Anne à Jérusalem, sont aussi les gardiens du Credo, devenu propriété
française en 1872, grâce à la libéralité de M""= la princesse de La Tour d'Auvergne.
(3) J'ai conscience de mainte indiscrétion personnelle en ce sens, durant les nombreuses
après-midi passées déjà dans les fouilles. Le T. R. P. Féderlin et le R. V. Cré voudront
bien trouver ici l'expression de mes plus sincères remercîmenls.
CHROMOUE.
(1) Haut. 0'"A2ô; argile rouge pâle. Les lobes et les prunelles des yeux sont uniquement
peints dun trait de couleur ocre très foncée, presque noirâtre, autant que la détériora-
tion par ILumidiléle laisse discerner encore. Facture générale uu peu gauche.
CHRONIQUE. 577
now le joli petit manche de miroir dont on a le croquis sous les yeux
prétendait l'avoir recueilli dans une tombe de Taycbeh. Informations
prises, on n'a découvert aucune tombe et pratiqué aucune fouille de-
puis longtemps à Tayebeh, tandis que notre homme opérait avec une
bande très active, quelques semaines avant la vente à Jérusalem, sur
les tombeaux de Phasaélis dans le Ghôr. Il y a chance que la pièce
L —
Tous les travaux de M. William Sanday convergent vers une Vie du Cilirist.
Son dernier volume la Vie du Christ d'apnjs les recherches récentes (1\ n'indiquait
:
pas assez clairement sa propre pensée. Voici donc un nouveau travail d'approche,
C/iristoloyies ancienni's et modernes.
Héritier de l'esprit des savants les plus distingués de l'église anglicane, M. Sandav
lait une large part à la tradition et ne veut pas consentir à s'en détacher. Aussi prend-
il pour point de départ la Christologie ancienne, non pour exposer toute son histoire,
mais pour en discerner les grandes lignes. C'est moins une enquête historique (ju'uue
enquête morale, l'examen de conscience d'un moderne en présence des formules
dogmatiques. L'exposé n'en est pas moins tracé avec beaucoup de précision et de
vigueur. AL Sanday reconnaît beaucoup plus nettement qu'on ne le fait d'ordinaire
dans cette école le rôle joué par l'Église romaine dans la chute de l'Arianisme. Il n'a
pas été inutile à s. Athanase lui-même de séjourner eu Occident: les formules qui
ont prévalu sont plus occidentiles qu'orientales. Quant aux controverses plus préci-
sément christologiques du v siècle, personne n'a jamais douté que la décision soit
ficielle et comme une lacune dans la doctrine. Avec tout le respect dû à des formules
qui seules pouvaient résoudre les difficultés soulevées dans ces temps déjà lointains,
le savant anglican ne serait pas fâché, sinon de les rejeter, du moins de les expli-
quer d'une façon qui s'accordât mieux avec la psychologie telle que les modernes la
comprennent.
,1) The L'fe of Christ in Récent Research, 0\{ot6, l!K>7: cf. RB., pp. 1908, -289-293.
(2) Ilsemble biea que M. Saaday attribue celle conception à s. Léon, p. 9-j.
580 REVUE BIBLIQUE.
verselle : c'est celle qui se maintient en Angleterre comme le point capital d'im chris-
tianisme plein (fiiU Christianity); l'autre est plus résolue à n'accepter que le résultat
d'une étude purement scientifique, elle place chacun en face des textes et se soucie
peu de ce qu'on a pensé avant elle : c'est la christologie d'un christianisme réduit
{reduced christianity), celle qu'a créée le libéralisme des Universités allemandes.
Et l'Église romaine, dira-t-on? — M. Sanday n'en parle pas. 11 n'a jamais un mot
amer pour notre Eglise, il a même une phrase sur le relèvement des études parmi
nous, mais enfin il estime sans doute que les exégètes et les théologiens catholiques
romains conservent les formules dans des boîtes, contents de s'assurer de temps en
pas une ligne verticale entre les deux natures, mais une ligne horizontale entre le
champ de l'action et les profondeurs où résidait le divin. Ce divin n'entrait en exer-
cice, comme chez nous, que par l'intermédiaire de la conscience, il ne s'exprimait
donc que pour autant qu'il pouvait être exprimé dans les formes de l'humanité.
Il fallait s'attendre à mie solution de ce genre. Elle correspond à la tendance assez
RECENSIONS. 5«I
de l'esprit du Fils à celui du Père était l'essence de cet être '2 Il n'était point alors .
huriKinum laborat eloquium. Dictiim est tamen, très personne, non ut illud diceretur,
sed ne tnceretur {oKMais encore aurait-il pu trouver dans les théologiens catholiques
dont il néglige évidemment la lecture, des explications telles quelles, qui, parfois,
rappellent ses propres métaphores. Ces grands hommes ne regardaient pas seule-
nifut la personnalité ou la subsistence comme une perfection réelle de la nature
individuelle, ils y voyaient aussi comme un sceau nu un terme qui empêche urdinai-
,1) The Life of Christ in Récent Research, p. 141 He was yel essentially more than man. :
(2i unclouded openness of ihe mind oftheSon ta the mind of the Father that iras the
It is the
essence of Ihis being (/. mo.r l. .
3) De Trin., V, 9, 10.
582 REVUE BIBLIQUE.
rement une nature concrète d'être communiquée à une autre, et c'est parce que le
Christ n'avait pas de personnalité humaine qu'il a pu, en quelque sorte, se prolonger
à l'infini dans la divinité. A Texplication du subliminal combien je préférerais
quelques simples lignes de M. Sanday. Après avoir affirmé très énergiquement —
saint Léon Va fait aussi — la vie humaine du Christ, il ajoute : Mais d'un autre
«
utraque forma cuM altebius commumone quod proprium est. Les mots cum
alterius communione sont certainement voulus. Les théologiens enseignent que toutes
les actions ad extra sont communes aux trois personnes divines celui qui agit en ;
n'attribue pas à Jésus-Christ la conservation du monde, etc. Par conséquent les ac-
tions purement divines ne sont pas attribuées à la personne du Logos, et encore
moius au Logos incarné. Si au contraire c'est Jésus qui agit, même si c'est en vertu
de sa nature divine, comme par exemple lorsqu'il remet les péchés, on ne peut pas
dire qu'il se sert seulement de sa nature divine, car il profère la sentence comme
homme, '•(///( alterius commvniune. On peut donc très légitimement reconnaître que
toutes les actions de Jésus dans l'Evangile sont vraiment humaines, quoiqu'elles ne
soient pas purement humaines, et il semble que cette distinction nous débarrasse
du scrupule très légitime de M. Sanday, car on ne trouve vraiment rien dans le
Nouveau Testament qui montre le Verbe Incarné n'agissant que par sa vertu divine.
Bien plutôt, du moins selon la théologie thomiste, toute action du Christ est stricte-
ment une par son rapport à son sujet qui est un, quoique cette action contienne deux
opérations qui se réfèrent chacune à l'une des deux natures du Christ. Lorsque saint
Léon nous dit que le Verbe brille par les miracles, coruscat miraculis, il n'oublie
certainement pas que ces miracles sortaient aussi des lèvres et de la volonté humaine
de Jésus. Une seule personne en deux natures, une seule action en deux opérations.
L'union in operando n'est pas plus aisée à concevoir que l'union in esscndo. Nous
tal, etc.
RECENSIONS. 583
ne faut pas du moins lui attribuer des cunclusions qu'elle ne contient pas. Nous
disons donc volontiers avec M. ^^ estcott (1, : « Il est contraire à l'Écriture de re-
garder le Seigneur durant sa vie historique, comme agissant tantôt avec sa nature
humaine seule et tantôt avec sa nature divine seule. » Mais cette constatation im-
posée par l'exégèse, et à laquelle M. Thompson est revenu à propos de s. Marc (2^,
n'est point contraire au dogme traditionnel. Il faut plutôt admirer que l'exégèse
donne pleinement raison aux déductions des théologiens scolastiques.
Nous aurions aimé à être plus entièrement d'accord avec M. Sanday. Ce serait le
cas si nous nous en tenions à cette phrase au sujet de l'ancienne formule dogmatique :
" Aujourd'hui encore, je ne sache pas que nous ayons une meilleure formule à mettre
à sa place » (3 .
— Nous connaissons
II. fort peu en France — et il en est peut-être de même en
Angleterre — exégètes les et les théologiens du luthéranisme, ou, comme ils pré-
fèrent se nommer, de l'église évangélique. Et cela s'explique assez naturellement.
Les critiques radicaux prétendent n'être que des critiques, ne chercher que la vérité,
sans préjugé d'aucune sorte. Nous nous imaginons volontiers que, ne s'occupant que
des réalités historiques, ils nous fourniront d'utiles renseignements. Moins ils feroi t
de théologie, plus nous aurons chance de pouvoir nous entendre avec eux. Des théo-
logiens luthériens nous soupçonnons aisément qu'ils ont les préjugés de leur église,
et que ces préjugés ne contribuent pas à donner à leur œuvre une allure purement
scientifique.De sorte que nous les lisons peu et que nous estimons probablement
trop peu leur valeur et leur influence. Et puis, ils nous le rendent si bien! Ils affec-
tent tant de dédain à l'égard de la théologie catholique, quand ils lui font déjà l'hon-
neur de s'apercevoir de son existence! Un Schùrer ne laissait passer inaperçue au-
cune inscription publiée dans la Revue biblujue. En peut-on dire autant des théologiens
protestants conservateurs?
Pourtant il y aurait un très grave inconvénient à ne pas tenir compte de cette
opinion, qui ne paraît pas du tout s'aflfaiblir en Allemagne. Ceux qui n'avaient à la
bouche que Harnack, ou Wiede, ou Brandt. avaient leurs raisons. C'était une manière
de dire que tout l'effort scientilique du temps va aux négations radicales. M. Sanday
lui-même n'a-t-il pas exagéré la domination de l'école libérale chez les Allemands ?
Quoi qu'il en soit, voici un livre considérable, qui représente certainement l'opinion
d'un grand nombre de protestants instruits c'est la Théolofjie du iV. T. de M. Feine, :
déjà honorablement connu pour ses travaux antérieurs, entre autres son Jésus-
Christ et Paul ;4). L'ouvrage très massif ô qu'il donne aujourd'hui au public est
négation du surnaturel, ne reconnaît comme historiques que les faits qui rentrent
1) cité, p. Ml. en oiaettant cette incise : « quoi(|ue ce point soit appu\é par une forie autorité
patristique •.
(3) P. 10.-;.
dans l'analogie du cours des choses, surtout de nos jours, n'accorde que peu d'im-
portance aux grandes personnalités, qu'elle déclare noyées dans l'ambiance des ac-
tions et des réactions de leur temps. M. Feine ne consent pas à admirer dans ce
programme une véritable liberté d'esprit ; il affirme que le sentiment et l'expérience
des choses divines et chrétiennes sont au contraire une condition nécessaire pour les
entendre clairement. Et il faut approuver sans réserve cette courageuse déclaration.
D'autre part, la méthode comparative prétend expliquer le christianisme comme le
naire très friands de ces analyses plus techniques. Peut-être l'ouvrage de M. Feine
est-il destiné surtout aux pasteurs. Ceux-ci ne sont pas fâchés de savoir où en sont
les questions qu'on traitait de leur temps à l'Université. !VI. Feine les reprend toutes,
sous l'angle des discussions récentes, les expose clairement, et leur donne, nous
l'avons déjà dit, une solution solidement conservatrice, naturellement au point de vue
spécial de son église, mais dans des termes qu'assez fréquemment nous pouvons ac-
cepter.
L'esprit traditionnel paraît déjà dans l'examen des sources. C'est ainsi que M. Feine
ne s'oppose pas absolument à ce que l'Apocalypse aussi bien que le quatrième évan-
gile soient l'œuvre de Jean l'Apôtre. En tout cas l'évangile est l'œuvre d'un témoin
oculaire. Non que ce témoin se préoccupe beaucoup des faits dans leur réalité histo-
rique ; son but était avant tout de montrer Dieu dans le Christ, mais en cela il s'ap-
puyait sur l'autorité de Jésus lui-même.
Nous touchons ici au cœur de la méthode de M. Feine. Son conservatisme n'est
point te) qu'il méconnaisse l'évolution des doctrines. Saint Paul développe les idées
de lacommunauté primitive, et influe à son tour sur saint Jean. Mais du moins l'évo-
lution a un point de départ réel, et ce point de départ est bien Jésus.
Que Jésus se soit dit le Messie, si M. Wrede l'a nié, M. Loisy l'a admis. C'est
une sorte de minimum en théologie biblique, même radicale.
Aussi M. Feine admet-il encore que Jésus, presque dès le début, s'est dit le Fils de
l'homme, expression messianique empruntéeà Daniel, combinée avec la conception du
serviteur souffrant d'Isaïe. Le règne de Dieu que Jésus prêchait appartenait à l'avenir,
mais il était déjà commencé, se résumant pour ainsi dire dans l'action du Sauveur ;
Enfin M. Feine se prononce, aussi nettement qu'on peut l'attendre des habitudes
de la théologie évangélique moderne, pour la divinité de Jésus, fondée sur une dé-
claration de Jésus lui-même. Il n'était pas seulement le héraut de Dieu, complétant
et surpassant le message des Prophètes, il ne nous a pas seulement appris à connaître
le Père, et comment on sauve son âme en pratiquant une morale très pure, il n'est
pas seulement le modèle de la miséricorde, c'est vraiment en sa Personne qu'on trouve
Dieu.
On a reconnu la formule ritschlienne, mais deux manières de trouver Dieu
il y a
de la Trinité. C'est un beau livre, un très beau livre. Venant après M^?"" Batiffol '3'>
M. Lebreton ne pouvait prétendre inaugurer la méthode historique parmi nous mais il -,
a fait une si large part à la méthode comparative qu'il prend rang parmi les initiateurs.
Notez la division de son livre. Le recenseur n'est que trop porté à négliger cette ana-
lyse; mais ici la table des matières est un programme. Voici un premier livre sur le
milieu hellénique, un second sur la préparation juive, comprenant, avec l'Ancien
Testament, le judaisme palestinien et le judaïsme alexandrin. C'est après cela seule-
ment que se poursuit l'étude de la révélation chrétienne, dans les évangiles synopti-
ques, dans l'Eglise naissante, dans saint Paul, dans l'epître aux Hébreux, dans l'A-
pocalypse, dans l'évangile de saint Jean. Et, pour le dire en passant, le livre est su-
périeurement composé. Nulle part l'auteur n'a cédé à la tentation de sortir du sujet:
ce qui est relatif au Dieu unique est traité sobrement, surtout au point de vue de la
l'Esprit-Saint. Pour que l'exposition demeure claire, les points les plus délicats sont
traités en appendices.
Donc M. Lebreton entend faire œuvre d'historien : ^ Le dessein qu'il s'est pro-
posé a commandé sa méthode ; ce qu'il a cherché dans les livres inspirés des deux
Testaments, ce n'est point la règle de notre foi. c'est l'expression de la foi de leurs
auteurs » p. i . « On a pris soin de signaler les différences d'aspect, les nuances indi-
viduelles qui distinguent l'enseignement des différents auteurs sacrés, de saint Paul,
par exemple, ou de saint Jean; elles peuvent légitimement être négligées par un théo-
logien, soucieux avant tout d'atteindre, dans la révélation, la vérité divine; elles ont
(1 p. 47 : In ihrem Wesen unterscbeiden sicli r.ott und Jésus von der gesamten Menscheit.
-2; I'. 189: Jésus, der «esenliafte Solin Gottes... Luc Personne in der Golt selbst tins entgcgen-
triu.
(3; Qu'on regrette de ne voir cité (|u'une fois et toul à fait en passant.
586 REVUE BIBLIQUE.
aux yeux de riiistorien une grande importance, parce qu'elles lui font saisir dans leur
diversité les échos multiples que cette révélation a éveillés dans les âmes humaines,
la foi et la vie qu'elle y a provoquées » (p. ii).
Il faut espérer que ces principes sont désormais acquis à la critique catholique.
M. Lehreton ne s'est pas contenté de les énoncer, il les a appliqués, du moins quant
à l'objet précis de son étude. Il n'avait pas en effet à décrire le progrès du dogme
dans l'Ancien Testament. Ce n'était qu'une préparation : au moment où elle est ache-
vée, les textes forment un faisceau ; si les derniers venus sont plus souvent cités, c'est
que la lumière a grandi. Enfin Jésus paraît. Ce n'est pas dans sa conscience que M. Le-
hreton cherchera le progrès de la lumière. Il a noté le ton ironique des critiques les
plus récents envers ceux qui avaient prétendu discerner dans son âme ce progrès :
quand il s'était senti Fils de Dieu et quand il s'était reconnu Messie ! Mais il n'était
pas dans les desseins de Dieu que son Fils répandît, durant sa carrière mortelle, la
pleine lumière qu'il possédait, quoique, en réalité, toute la lumière accordée aux Apô-
tres ait découlé en quelque façon de la manifestation de sa Personne. On sait, en par-
ticulier, combien d'obscurités recouvraient encore la personnalité du Saint-Esprit,
avant saint Paul, et même avant saint Jean. C'est, à ce qu'il me semble, sur ce point
que M. Lebreton a écrit les pages les plus pénétrantes, dignes de l'historien qu'il
entend être du théologien qu'il est je parle de cette théologie qui unit la mystique
et :
l'Esprit ne se manifestent à nous que dans la sanctification des chrétiens, mais elles
apparaissent là assez distinctes ; le Christ est esprit -, les chrétiens ne peuvent lui être
unis ni être transformés en lui que dans l'Esprit et par l'Esprit. Tous les privilèges
du Christ, sa gloire, sa puissance, sa vie, sa sainteté, et avant tout sa filiation divine,
principe de tous les autres, lui appartiennent selon sa nature divine, ou, pour parler
comme saint Paul, selon l'esprit, en tant qu'il est esprit; si les chrétiens doivent
participer à tous ces privilèges, être glorifiés, fortifiés, vivifiés, sanctifiés, et surtout
adoptés par Dieu, ils ne peuvent l'être qu'en participant à l'Esprit » (p. 340 s.).
L'auteur sait très bien que cette voie mystique qui conduit à la connaissance de
l'Esprit-Saint par la vie dans le Christ n'a pas la clarté rationnelle de l'enseigne-
ment spéculatif. Aussi le reconnaît-il ingénument : « par suite du point de vue choisi
par l'Apôtre, l'action de l'Esprit apparaît beaucoup plus nettement que sa personne...
la personnalité du Saint-Esprit reste dans l'ombre (1); elle ne nous est point apparue
dans une incarnation, et les mystères de sa procession et de sa vie éternelle ne sont
encore qu'indirectement éclairés, par les reflets de son action ici-bas : sa mission par
le Père nous fait assez entendre sa dépendance vis-à-vis de lui, mais sans déterminer
avec précision les relations intimes qui les unissent. Entre le Fils et l'Esprit on saisit
une relation extrêmement étroite, et, par delà l'action sanctificatrice où on l'aperçoit
directement, on pressent des mystères d'une intimité infinie, mais ce sont encore des
secrets divins : saint Jean les révélera bientôt; les paroles du Christ, qu'il rapportera,
aideront aussi à mieux entendre les paroles mêmes de saint Paul v (p. 34J). Si je ne
(1) Aussi n'est-ce pa M. Lei)reton qui adoptera l'interprétation du 11. P. U. Holzmeister: cf. RB.,
1909, p. 312 s.
RECENSIONS. o87
mp trompe, ces pages sont parmi les plus belles et les plus utiles qui aient été dites
siii- cette question (1).
On voit que de s. Paul à s. Jean, il y a progrès. M. Lebreton parle raênie d'une
révélation dont s. Jean a été lurgane. C'est en effet une vieille tbèse de tliéologie
que la révélation s'est continuée jusqu'au dernier des apôtres. On omet généralement
d'en conclure que la révélation accordée à Jean se retrouve aussi dans les discours
du quatrième évangile; et cependant que serait l'enseignement de cet évangile, si l'on
faisait abstraction des discours de Jésus?
On attendait sur ce point délicat l'opinion de M. Lebreton-, il l'a exprimée sans
ambages.
« Parvenu à ce point (2). le dogme chrétien n'avait-il pas atteint son achèvement,
autant du moins qu'il en était ici-bas susceptible.' On pouvait le croire, et en ellet
nulle révélation ne devait porter plus haut le Christ Jésus. Et cependant Dieu réser-
vait encore de nouvelles lumières, qui allaient transformer (3 toute la foi » 'p. 37ô .
T^es lumières cependant proviennent toujours du foyer, qui est la vie de Jésus. Et
-M. Lebreton n'entend pas expliquer la doctrine de s. Jean d'une « combinaison de la
p. 376).
Et c'est bien ce mélange qui constitue l'énigme de l'évangile selon s. Jean. Voici
des formules ingénieuses et nouvelles. Les récits de s. Jean « présentent une inter-
prétation plus profonde de faits jadis imparfaitement saisis; tout ce passé date sans
doute de soixante ans au moins; mais le temps, loin d'effacer ces souvenirs lointtiins.,
I(^s a pex à peu révélés. JS'est-ce pas ainsi que les événements (Iccisifs de la vie se gra-
vent dans Came qui s'en nourrit? » 'p. 3791. J'ai plaisir à souligner cette fine psy-
chologie; elle ne laissera pas d'inquiéter celui qui ne cherche que l'histoire. M. Le-
breton le sent bien, et se garde d'insister sur les modalités précises dans les discours
de Jésus.
>'ous citons encore, puisque nous ne saurions mieux dire : <' Il est. pensons-nous,
superflu et peut-être impossible de distinguer, dans l'analyse théologique du livre,
les discours de Jésus et les réflexions de l'évangéliste. Assurément les deux sources
sont distinctes, mais elles ont tellement mêlé leurs eaux, qu'il faudrait un œil bien
exercé pour les discerner; la révélation vient authentiquementde Jésus, mais ce n'est
qu'à travers l'âme de saint Jean qu'on la peut aujourd'hui percevoir : c'est l'apôtre
qui, en vue du but qu'il s'était fixé, a choisi les paroles de son maître, c'est lui qui les
développe, les interprète et qui, dès le seuil de son évangile, nous donne, dans son
prologue, la clef du mystère (4; » (p. 379 1.
Il est si pénible et si malaisé de critiquer une si belle œuvre, que je suis allé d'ins-
tinct à l'endroit où M. Lebreton me paraît avoir pratiqué le plus sûrement la mé-
thode historique. Si l'on revenait en arrière jusqu'aux synoptiques, il y aurait lieu à
faire quelques réserves, non pour mettre en doute la justesse des vues, mais pour
exprimer le regret que la discussion n'ait pas été plus approfondie. L'auteur sait
(1 Quelque muclernisaut ne se hasanleia-t-il pas à traduire que saint Paul a été éclaire par son
expérience religieuse?
(2) Avanll'apparition du IV° évangile.
(3 II est bien évident par tout le contexte qu'il ne s'agit pasd'uue transiormation substantielle.
(', On aura remarqué que sur cette question M. Lebreton se rapproche plus de M-' Batilïol que
de M. l.epin.
rj88 REATJE BIBLIQUE.
très bien que, d'après de nombreux critiques, s. Jean n'est pas le premier qui ait
introduit dans son évangile quelque chose de sa foi. Entre s. Marc et s. Matthieu,
par exemple, il relève des différences assez sensibles, et, dans la situation actuelle
des études, tout roule sur la fidélité du portrait que s. Marc a laissé de Jésus. Cepen-
dant il n'a pas cru devoir entrer dans ce détail. Il est vrai qu'aucun de nous ne
saurait tout faire, et que, sur ce terrain, M. Lebreton ne pouvait recourir à aucun
travail catholique, sauf quelques articles de .M. Mangenot. Il a donc tablé sur la fidélité
des synoptiques et les a traités comme un bloc, en justifiant d'ailleurs par quelques
remarques décisives la légitimité de ce procédé. Peut-être lui sera-t-il donné plus
tard de pénétrer plus complètement dans les modalités que suggèrent s. Matthieu (1),
s. Marc et s. Luc. On voit que dès y est attentif par le soin de discuter
à présent il
les textes sous leur forme la plus ancienne, d'après saint Marc. Peut-être faut-il noter
aussi que dans le livre premier {le milieu hellénique) la chronologie n'est point assez
fixée. On y dit très souvent : « la période que nous étudions » ,2), mais on croirait
au début qu'il s'agit de l'époque antérieure au Christ ou contemporaine de la prédi-
cation évangélique (.3' , et l'on s'aperçoit ensuite qu'elle s'étend jusqu'au in« siècle.
Et dans tout ce développement je ne sais trouver aucune mention du fait si énergique-
ment mis en relief par Gaston Boissier, de la transformation qui fit passer le monde
des intellectuels du scepticisme à la foi religieuse la plus crédule. Sans doute ce
mouvement n'intéresse pas directement le dogme de la Trinité, mais aussi le premier
chapitre est-il assez général, et pouvait-on en faire abstraction en parlant de la philo-
sophie religieuse de ce temps?
Ajoutons que tout vague disparaît aussitôtque l'auteur aborde la question du
logos. Il Éludes: mais cette fois le tableau est tracé d'une
l'avait déjà traitée dans les
main plus sûre. Ceux qui ne peuvent s'informer auprès des Allemands ne liront
nulle part une analyse aussi soignée des concepts du Logos dans Heraclite, chez les
Sto'iciens, dans Plutarque et dans Marc-Aurèle. Les moins satisfaits ne seront pas
ceux qui l'avaient cherché dans Platon et ne l'y avaient pas trouvé, parce qu'il n'y
est pas. C'est encore la méthode historique qui permet à M. Lebreton d'expliquer
comment des exégètes peu diligents attribuaient au Maître de l'Académie les doc-
trines que ses disciples avaient prises un peu partout.
Avec
le Logos, nous abordons à la méthode comparative. La notion de Fils de
Dieu est le point central du christianisme, c'est par l'idée du Logos qu'on peut le rat-
tacher au monde grec. Le développement de la doctrine est un point, mais les ori-
gines en sont un autre, et beaucoup plus grave. On veut savoir si Dieu s'est fait con-
naître par son Fils, ou si l'humanité, après tant de siècles d'une gestation embarrassée,
a donné naissance au plus admirable des systèmes religieux. Ou, si la question est
posée plus modestement, si le succès de Jésus-Christ dans le monde gréco-romain ne
fut pas du au goût que ce monde professait pour les apothéoses, et à la haute idée qu'il
se faisait du Logos auquel s. Jean a assimilé le Sauveur. Il y a longtemps déjà que
(1^ Êcril Matliieu, pp. -230, ùi», mais Matthieu, p. -239. Cela n'a pas grande importance. En re-
\anclie on eût aimé à voir discutée la confession de s. Pierre dans Mt. 16. i3-l7. 11 ne sullit pas
de dire que le mot Christ des autres synoptiques est élevé au niveau supcrieur du terme Fils
de Dieu, puisque Jésus reproche à Pierre aussitôt après de n'avoir pas compris le rôle du Messie.
On lira avec plus de profit la dissertation spéciale de M^' BatifTol dans son Église naissante.
.liiicline à penser que le seul moyen critique de défendre l'auUiénticité du texte de s. Matthieu.
i|ue je tiens pour certaine, est de supposer que Mt., suivant Me. pour l'ordre, a bloqué deux
déclarations de s. Pierre dont la seconde devait être historiquement postérieure à la transfigu-
ration.
(2) Pages 2: 7; 35; 36.
(3) c Au ]'' siècle » (p. 2; ; cf. p. 7.
RECENSIONS. o89
ces questions sont discutées, la seconde surtout, mais personne n'avait encore étaMi
aussi nettement les termes, en mettant en présence, non point des textes épars, mais
des constructions religieuses que l'on peut visiter séparément. A Jérusalem nous
sommes si persuadés que c'est la bonne mélliode que nous en sommes encore aux
travaux d'approche U : M. Lebreton a su mettre en parallèle tous les éléments quil
fallaitcomparer ce sont les doctrines pnilosophico-religieuses des païens, l'Ancien
:
ne nous croirait pas si nous posions sérieusement la question de savoir s'il existe une
révélation. Si nous sommes catholiques, c'est que nous sommes fixés sur ce point. On
ne peut exiger que notre sentiment religieux soit une tnlile ruse, mais on a le droit
d'exiger que nous abordions en toute sincérité et en toute liberté d'esprit le thème des
lufluences qui ont pu concourir à la forme qu'a prise la révélation.
M. Lebreton ne manque pas à ce devoir. Par exemple, à propos des termes ho-
norifiques décernés par les païens à leurs dieux ou à leurs rois divinisés : « Ces
rapprochements seraient à discuter, mais nous ne voyons aucun motif de les récuser
tous à priori; de même
que saint .Tean a emprunté au vocabulaire hellénique le
terme àoyoç pour donner une nouvelle valeur, de même saint Paul a pu choisir
lui
de préférence des termes familiers à ses lecteurs comme a^y'? ^'-^^ O" ^'-^^'- '^^' .
-io-.y\o [2). » Même largeur de vues lorsqu'il s'agit de l'emploi par les auteurs du
Nouveau Testament de textes empruntés à l'Ancien : a Ces citations, et les autres
semblables qu'on y peut ajouter, ne sont pour la plupart que des allusions, et non
par des interprétations définitives: ce serait donc en forcer la portée que de vou-
loir déterminer par elles la signification des textes prophétiques (3; » ip. 276}.
Cependant les conclusions générales sont dans l'ensemble très fortifiantes, parce
que l'auteur établit sur des preuves solides l'originalité divine du christianisme et
de son do^rae principal.
Relativement à l'Ancien Testament , cette originalité est nécessairement relative.
Ici la filiation est réelle sans nuire au progrès essentiel. M. Lebreton range avec
fermeté le dogme de la Trinité parmi ceux « que les Juifs n'ont pas connus, bien
que, à leur insu, ils aient été préparés par Dieu à la révélation que le Christ en devait
faire » }p. 89 . Sur cette préparation, je pense comme me permet
l'auteur, ce qui ne
pas de le louer, et il en est de même pour ce qui regarde le judaïsme palestinien.
Malheureusement, il est plus vite fait d'exprimer sur des chapitres entiers une ad-
miration très sincère que de discuter une vue qu'on ne partage pas; aussi j'appré-
hende de glisser sur l'éloge pour m'arrêter à une difficulté particulière, si je demande
à M. Lebreton quelques explications sur sa théorie du Logos philonien, théorie qu'il
a évidemment traitée avec beaucoup de soin, et '"// uinorr. Mon objection, j'ai
hâte de le dire, ne porte pas sur le point capital. Le terme de Logos n'aurait vrai-
semblablement pas été employé par saint Jean, s'il n'avait été courant dans la spé-
culation alexandrine. D'autre part, saint Jean n'a point transporté dans son évangile
(1) Éludes sur les religions sémititiues, Canaan el l'exploration récente. Choix de textes assyro-
babyloniens, Coutumes des Arabes, Le Messianisme, sont dans notre pensée des prolégomènes à
l'étude de la Bible.
(2) P. -282, note. Cependant la conclusion de fait est plutôt négative.
(3) Cette vue rendra bien service aux candidats que l'on interroge sur les preuves de la divi-
nité de Jésus d'après l'epitre aiiv Hébreux. C'est spécialement à ce propos <|ue M. Lebreton dit
encore ' Ce qu'il faut voir dans ces citations, ce n'est pas tel ou tel dclail de texte que l'auteur
:
de Icpitre a transcrit sans lui attacher de valeur, c'est la signification générale de ces passages
telle qu'elle ajiparait d'elle-même, telle surtout qu'elle est interprétée par l'auteur » 'p. 350 s.V
,
une notion toute faite. Le même terme a. dans Philon et dans saint Jean, des sens
bien différents. Je serais même porté à accentuer davantage le caractère d'une
opposition dans la pensée de saint Jean , et je conjecture que , s'il a employé ce
terme, ce n'est pas tant parce qu'il était « familier aux lecteurs de l'évangile »
(p. 516). que parce que l'évangéliste a voulu couper court à des spéculations dange-
reuses en l'employant hardiment dans un sens nouveau et transcendant. C'est dès
ces temps très reculés que je placerais le conflit entre une certaine gnose et le der-
nier des Apôtres, ce conflit dont M. Lebreton a si bien dit qu'il ne mit pas aux
prises deux théoloi^ies issues l'une et l'autre du christianisme, mais la révélation
prétassent à une assimilation avec le Christ historique, et ce sont ces traits que
M. Lebreton a peut-être trop réduits.
Et d'abord, le Logos de Philon a-t-il la personnalité? Vieille controverse qui pa-
raissait apaisée, car on s'était mis d'accord pour ne point trop accentuer le sens du
mot personne. M. Bréhier (1) a très bien dit « c'était... un concept courant à une :
époque d'interprétation allégorique des mythes que celle de ces êtres mi-abstraits
mi-concrets, qui. comme le Zeus des Stoïciens dans l'Hymne de (2) Cléanthe,
gardaient dans la notion physique ou morale qu'ils représentaient symboliquement,
un peu de leur individualité mythique ». M. Lebreton, qui cite ce texte, a parfai-
tement raison de ne pas retrouver dans Philon la trace de ces attributs mytholo-
giques (3), mais je crois que dans Philon ils sont remplacés par des assimilations qui
augmenteraient plutôt le caractère personnel du Logos. Je dirai donc avec M. Le-
breton « que les dieux du panthéon hellénique gardaient, même dans l'école
:
stoïcienne, des vestiges bien apparents du caractère personnel que les légendes
séculaires leur avaient imprimé >
(p. 204i, mais, au lieu d'ajouter : « tandis que,
chez Philon, les puissances et le logos restaient encore engagés dans le monde des
abstractions où ils étaient nés » (p. 204 s.), je dirais : tandis que. chez Philon, le ca-
ractère personnel ou mi-concret résulte pour le logos (4) de son assimilation avec
l'entité scripturaire de l'Ange du Seigneur.
JMa phrase est longue, mais il m'était difficile d'indiquer plus clairement ma posi-
tion par rapport à celle de M. Lebreton. Pour l'éiablir. je n'ai point à citer d'autres
textes que ceux qu'il connaît si bien, et dans lesquels le Logos est identique avec
l'-Vngedu Seigneur, auxquels il faut ajouter ceux où le Logos est qualifié de dieu, ou
de second dieu. Ici encore, M. Lebreton a sans doute raison de ne pas prendre les
choses trop à la lettre. Philon n'adorait qu'un seul Dieu, et quand il parle d'un
autre, c'est, comme il le dit. par catachrèse. Toutefois, la portée de cette remarque
est bien atténuée puisque Philon ajoute aussitôt, ce que M. Lebreton a omis de nous
dire, qu'aucun nom ne convient proprement à Dieu (5).
(3) Br.ÉuiKi;, op. laud., p. 110 Lorsque, par exemple, chez Philon, le loi,'<>s comme flls aine de
:
Dieu est dislinsué du monde, le jeune lils de Dieu, ces expressions nous mettent sur le cliemiu
du mytlie. Il faut le chercher, semhle-t-il, dans la distinction des deux Horos, lils du dieu su-
l>rcmê Osiris dont l'aine symbolise le monde intelligible, et le plus jeune le monde sensible >•.
or, dansPlularque. De Is. el Osir., ;>'<, le logos est Uermcs. non Huros selon la doctrine commune,
et Horos l'aillé, né estropié et dans les ténèbres, n'est qu'une première es(|uisse imparfaite :
i) .le laisse de côte les puissances, mais le même raisonnement leur est ap|>licable.
(o) De soinniis, 1. 23U (.M. 1, Ooi') -/.a/.tt ôè Ôsôv xov upeiêitaTOv a'Jxoûvjvi Xclyciv, oO Ô£ia'.ôai(AOv<i)v
:
RECENSIONS. b9l
Sa pensée paraît être que le Logos pourra servir de Dieu aux imparfaits; il rem-
placera pour eux les entités mythologiques. C'est du moins ainsi que j'interprète
l'intention secrète de Phiion. toujours assuré que la doctrine naturelle ou encyclo-
pédique ne contient rien qu'on ne trouve à un état supérieur et plus vrai dans la
n'admettait pas la personnalité du Logos. Ea pareil cas, son opinion comme philo-
sophe importait moins que son opinion comme exégète, et c'est bien le Lo^os per-
sonnel, entrevu dans l'Ecriture, qui devait attirer les regards des premiers chrétiens.
Phiion avait incontestablement ses idées comme philosophe, et, sans cela, il n'eût
certes pas tiré des Ecritures toutes les belles choses qu'il y voit: mais une fois les
explications allégoriques établies, le détail de sa pensée se modiQe certainement
d'après le texte biblique, qu'il prend fort au sérieux. Et comme il prend très au
sérieux ses allégories elles-mêmes, il y va de bon cœur, dût sa pensée aboutir à un
mélange d'idées disparates que l'exégèse la plus indulgente ne saurait concilier.
Et ce qui devait suggestionner encore beaucoup plus dos premiers philosophes
chrétiens que cette personnalité un peu fuyante du Logos, c'était son caractère de
Fils aîné de Dieu. Déjà enlisant les études préliminaires si distinguées de M. Lebre-
ton, j'avais été frappé du quasi-silence gardé sur ce point. Aujourd'hui encore,
soucieux comme il faire le départ de ce que Phiion doit à la Bible et à la
est de
philosophie, il n'a pas une ligne sur l'origine de cette idée. Et cependant qu'on
imagine d'un chrétien, déjà tenté d'assimiler le Christ au Logos comme
l'état d'esprit
lange de l'Ancien Testament, lisant encore dans Phiion que le Logos est Fils de
Dieu (I)! La question se poserait déjà à propos de l'Évangile selon saint Jean, car si
le Christ est le Logos dans le prologue, il y est en même temps le Fils unique, et
dans tout le reste de l'évangile il n'est plus que le Fils. Mais, à propos de l'Épîire
TZ&liâfXîvo;, £'. ToO ô/To; ôvotia, «rapà); ivvw oti xôpiov tiiv o-joév [Exod., 6,
î'sTt ~'.
ô o' âv tl-r '-i
,
T'.;, y.a-axpMfJ-ïvo; âpst. La pensée de Phiion est donc que peu imitorte le terme pourvu qu'on
exprime la chose. Le Logos n'est pas le seul et unique Dieu, mais il est improprement Dieu. Puis-
que les Septante ont assimilé les dieux des gentils aux démons, pourquoi Phiion n'auraitil pas
assimilé les dieux des philosophes aux anges? Et c'est bien ce qu'il a lait.
(1; Le texte le plus curieux est bien De a;jricuU., ol 'M. I, 338; 6 itoifir,-; xa; ^a^'./îv; 6eo; :
i^c'. xa-à o:-/.r,v xal vôaov, TTpoTrr.TiiiE/o; tov ôp66v aC'TO'j Xôyo^i xai Trpwrovovov yiôv, ô; rr,v
£7it[i£)îiav Tf); ispâ; Ta-JTT,; àYsÀr,: olâ Tt; (j.ïyâ),ou [iaa'.XÉw; û;rap-/o; ôiaôÉ;cTa',. Ka; yàp £Ïpr,rai
-ou- 'looj £YM i'.\i:. àTzoaiû'/ui âyyz/ov lio-j il- Tipôsw-ôv nvj toO ?v).à;a'. <?£ èv t^ 6o<7)
Exod.. 23. -20;. C'est cet envoyé de Dieu, ce pasteur délégué, fils premier-né. que les premiers
chrétiens ont du rapprocher du Christ, non le Logos purement philosophique, principe d'unité
et de détermination, etc. 11 ne s'agit point d'ailleurs dans le texte de Philou des origines du
monde, mais de son gouvernement.
592 REVUE BIBLIQUE.
messianique. « La théologie chrétienne dépasse ces deux conceptions, et les unit dans
une synthèse supérieure, mais où le messianisme juif occupe plus de place que la
cosmologie alexandrine »
(p. 497). Alors ne serait-ce pas tout de même que la cos-
mologie alexandrine a fourni quelque chose de la synthèse?
Au surplus, quand il s"agit de rapprochements et d'uiUuences, une alliance de
mots hardie, une expression imagée, parfois même un heureux contre-sens, ont
souvent plus d'action que l'analyse des concepts. Personne ne suppose que c'est la
philosophie de Philon toute crue qui a été transportée dans le christianisme, et
puisqu'elle se présentait sous sa forme propre, ou dans les grandes lignes du ju-
daïsme alexandrin, comme « une tentation » aux disciples de Jésus-Christ, c'est cette
« tentation » qu'on eut aimé à voir esquissée avec les grandeurs en apparence incom-
parables qu'elle s'oflrait à déposer sur le front de Jésus de Nazareth, couronné Lo-
gos, Fils premier-né, chef des anges, exemplaire du monde, par qui il a été créé,
grand prêtre, suppliant, qui pouvait facilement devenir un intercesseur, intermé-
diaire, qui pouvait facilement devenir un médiateur. Il ne sert de rien d'objecter que
chez les Alexandrins le Verbe n'avait aucune relation avec le Messie. La tentation
— ce qui paraissait un trait de génie ^ était précisément d'opérer ce raccord. Et
pourtant tout ce sublime philosophique cachait un piège, puisque le Logos n'était en
somme qu'un dieu du second rang, et que, par conséquent, il n'était pas Dieu lui-
même. Et l'on ne serait que plus frappé de voir ces séductions dangereuses pénétrées
par le regard d'aigle de saint Jean. Oui, Jésus est le Logos, mais Logos qui était en
Dieu, Logos qui était Dieu (1).
Mais peut-être que M. Lebreton nous réserve ce tableau pour un des volumes à
venir (2), car la tentation fut si forte qu'un Origène n'y résista pas toujours. Et pour
revenir à Philon, je me demande si M. Lebreton qui a si admirablement tracé ses
attaches avec la philosophie grecque s'est préoccupé au même degré de mesurer
rinduence de la Bible sur ses concepts (3\ Car il ne faut pas oublier que cet allégo-
riste déterminé est doublé d'un rabbin accompli, insistant sur les étymologies,
rapprochant les textes éloignés, voyant des intentions dans les particularités les plus
fortuites, avec la même subtilité, la même fantaisie, le même caprice qu'un disciple
d'Aqiba.
J'ai fini (4), et j'éprouve quelque confusion d'avoir formulé si vivement mes desi-
(1) L'auleur de l'Épître auxHél)repx, qui d'ailleurs ne donne jins au Fils le nom de Logos, a pris
équivalemmcnl les mêmes [irécautions.
("2) Je trouve dans une note do l'auteur la distinction dont je viens de parler : « Ces objections
(celles de M. Lebreton lui-même, contre les rappri>cliemenls\ ne sont décisives que si l'on con-
sidère le philonisme da-ns son intégrité el comme un système. Si, au contraire, on envisage iso-
lément les conceptions cl les tendances qui ont pris corps dans le philonisme, on reconnaîtra
sans peine que plusieurs de ces éléments, par exemple l'excmplarisme ou l'allégorisme. étaient
diflus alors dans tout le judaïsme liellénistiqne, et ont agi aussi sur la théologie paulinienne »
(p..-iOij). C'est précisément le second point de vue qu'on eût souhaite voir développer; la première
dans l'Écriture, l'hilon interprète volontiers tôttoç par )ôyo; » (p. 191). C'est bien |>lutôt parce
que lieu »
» (mpD)
était pour les rabbins un nom de Dieu.
(1) Il faudrait cependant signaler les notes de la lin, si pleines de sens et de renseignements,
l'aimerais à voir discuter par un théologien celle qui est relative à la science du Christ. Le fait
de tradition est admirabicnient exposé, si>it en ce qui regarde l'autorité des Pères, soit en ce qui
regarde la condamnation des agnoèles. On pourra du moins retenir, comme ayant reconnu une
«
ignorance réelle dans l'humanité du Christ, saint Irénée, saint Eustalhe d'Anlioche, saint Alha-
nase {au moins dans la lettre à Sérapion), saint Grégoire de Nysse, saint Cyrille d'Alexandrie.
Théodoret, saint Anibroise (dans le De Incarn. sacram.), saint Fulgence » (p. 436). M. Lebreton
RECENSIONS. ".93
derat'i, à propos d'un ouvrage où la sérénité du ton est au niveau de la hauteur des
vues. M. Lebreton cite volontiers d'illustres théologiens anglicans, Lightfûot. San-
day. Swete, Westcott, dont il n'est cependant pas le disciple. Serait-ce qu'il a goûté
chez ces parfaits gentlemen cette dignité de ton, ces matières courtoises, ce calme
en présence de l'erreur, qui est la meilleure manière de gagner les esprits.' Je le
croirais, s'il n'était plus simple de penser qu'il a puisé au contact du ^Maître la gra-
vité, le sérieux et la douceur.
IV. — Voici, dit _M. Harnack. dans le domaine des origines du christianisme, la
découverte la plus intéressante qui ait été mise au jour depuis la publication de la
Didaché; le fragment de l'évangile de Pierre et l'apocalypse de Pierre eux-mêmes le
cèdent en importance. Il s'agit des Odrs df Safomo/i. publiées en svriaque par
M. Rendel Harris. Le manuscrit, trouvé « dans le voisinage du Tigre », ne daterait
que de trois ou quatre cents ans. 11 contient à la psaumes de Salomon, sauf le
lin les
peuse que la connaissance intuitive du Clirist n'était toujours en acte que relativeraent à sa di-
vinité elle serait liatiiluelle pour le reste, et le Kils de Dieu n'aurait pas voulu, pour nous ressem-
:
bler davantage, dissiper toute ignorance de son esprit. Malgré l'autorité de Scot. j'ai quelque
peine à coocevoir une connaissance intuitive habituelle: j'aimerais mieux admettre que la vue
de Dieu ne comporte pas nécessairement la pénétration d'un fait futur dépendant de sa seule
volonté. Xa demeurant, il me parait difficile que le terme de Fils dans saint Marc puisse s'entendre
seulement de la nature humaine. M. Lebreton juge déconcertant que A. Réville ait invoqué ce
texte pour prouver l'ignorance du Christ, sauf à le récuser comme donnant au titre de Fils une
valeur métaphysique p. 44S'. N'est-ce pas un peu le même procédé d'entendre Fils au mot ab-
solu, comme exprimant un rapport uni(|ue. sauf à rejeter l'ignorance sur la nature humaine/
De Sorte que je ne vois qu'une solution, celle de saint .\ugustin et de saint Thomas, dans les
termes fixés par Maldonat.
(I Koptisch-gnosticlic Srhriften, Ersier Bd. Die Pistis Sophia, etc., parC.Schmidt. Leipzig. 1905.
(•2 P. 118: wir lemen aus den oden. dass die Conceptionen von... Prâdestination und neuer
Temple. Si ces deux odes sont juives, il est vraisemblable que le reste du fond inter-
polé l'était aussi. Un psalmiste qui ne parle ni de Jésus, ni de sa Croix, ni de sa
Passion, ni de sa parole, ni du péché, ni de la pénitence, ni du baptême, ni du
pardon, n'était point un chrétien.
Maison peut répondre qu'il parle de tout cela dans certains passages qu'on juge, il
est vrai, interpolés, et que, quand il s'agit d'un recueil publié par un chrétien, celui
qui lui attribue une autre origine doit faire la preuve.
Est-il vrai d'ailleurs qu'il ne soit pas question du baptême, quand on célèbre avec
emphase l'eau vivifiante? Le psalmiste se dit prêtre, et cela doit être pris au sens
figuré, de même les sacrifices, le miel doivent être pris au sens figuré... pourquoi pas
aussi bien l'eau? Quel est donc le grand changement survenu dans la Palestine quia
répandu partout la connaissance de Dieu, qui a rendu l'auteur la grâce, qui l'assi- l\
(ieburt liis zu Formulierungen liin, die als Eigentuiii des « Jolinnnes », l)/\\. aucli des Apostels
l'aulus geiten und dalier als Erzeugnisse des Geistcs Cliristi ersclieinem. niclit « cliiistlicli soii-
dern bereits vorchristlicli sind.
RECENSIONS. oOo
ton sanctuaire avant de faire les endroits: ' (lendroit) le plus ancien ne doit pas être changé
avec ceux qui sont plus jeunes que lui ».
Et aussitôt après :
u '
Tu
donné ton cœur, o Seigneur, à tes fidèles, tu ne seras jamais oisif et tu ne seras
as
pas sans fruit; "car une heure de foi en toi vaut mieux que tous les jours et heures ».
11 faut renoncer à trouver le rapport de ces lignes aux précédentes, à moins que le
verset 6 nous indique que le Temple doit être pris au sens spirituel. Le psalmiste
avait dit : « t'n jour dans tes parvis vaut mieux que mille » (Ps. 84. 11). L'ode
remplace les parvis par la foi. Ou il faut reconnaître qu'un passage juif a été pris
comme thème à une opposition marquée, ou il doit être entendu de la grande église
à laquelle il ne faut point préférer des conventicules.
En supposant le passage juif, il détonne absolument sur tout le recueil. Est-il
vraisemblable qu'un juif indifférent aux destinées d'Israël, à la Loi, au.\ sacrifices,
ait soutenu une polémique si voilée en faveur du Temple de Jérusalem contre ceux de
Léontopolis ou de Samarie?
Dans l'ode G. le sens juif est encore plus douteux. H s'agit d'un ruisseau, devenu
un torrent considérable, qui déborde et arrache tout et porte ces débris au Temple,
et on ne peut l'arrêter ni l'endiguer jusqu'à ce qu'il ait envahi toute la terre et rassa-
sié la soif de tous. D'après M. Harnack le but est donc de conduire les hommes au
Temple.
Mais en réalité le Temple se trouve sur le passage du torrent dont le but est de
calmer la soif des hommes dans le monde entier. Si bien que la version copte a lu
non pas « au Temple u, mais « contre le Temple » J).
Si le Temple n'est pas renversé au passage, du moins il est dépassé. Et l'auteur
continue :
« '-Heureux sont les ministres o'-iy-ovon de cette boisson, auxquels est confiée leau du Sei-
gneur!
« 1" ...Ils ont donné de laforce à leur faiblesse, et de la lumière à leurs yeux. '" Car cha-
cun les a reconnus dans le Seigneur, et ils ont été sauvés par leau vive, qui (conserve)
éternellement ».
S'il n'est point ici question du baptême chrétien, il faut donc que l'auteur parle
du baptême juif des prosélytes. C'est toujours la même objection : toute la collection
respire le sentiment d'une grande transformation du monde par la foi et par la grâce,
(I) Pisfis Sojjhio. 1. !.. p. 80: « und wandle sich gegen den Tempel ». H est vrai que la gnose
gnostique expliquait : und liihrte er iiber den Tempel. Ce qui n'est pas /um Tempel.
•o96 REVUE BIBLIQUE.
en même temps qu'un ardent prosélytisme. A quel moment du judaïsme pourrait ré-
pondre cette situation ?
Ce n'est pas que tout soit clair dans ces odes {l). Le syriaque est une traduction du
grec qui n'était peut-être pas la langue originale. Mais il est bien permis de juger.
dès maintenant, que M. Harnack s'est trop hâté de bâtir une théorie sur un fonde-
ment très léger (2).
*
Jérusalem, G août 1910.
Fr. M.-J. Lagrange.
II. Kasr Firaun in Petra, par M. H. Kohl. Gr. in-4o de 43 pp., avec 12 pi. et
39 flg. ;
13'' vol. des publications scientifiques de la Deut. Orient-Gesellschaft.
Leipzig, Hinrichs-, 1910.
III. Publications of the Princeton Arch. Exped. to Syria. — Divis. II : A7ic.
Architecture; sect. B : ?\07'th. Syria; part IV : Djebel Bârtshâ. par M. H. G.
BuTLEB. Gr. ia-4'^; de la p. 149 à la p. 210, fig. 168 à 217, pi. XIX, 1 carte et
2 plans topographiques. — Sect. correspond, de la Divis. III : Gr. and lat.
Inscr., par M. W. K. Premice; de la p. 119 à 133; inscr. n"* 1073 à 1102.
Leyde, Brill; 1910.
scruter les faits et sedéûer desrubriques. D'aucuns eussent dit civilisations égéennes,
ou créto-mycénienncfi . et ces termes, d'autres à l'avenant, eussent été inexacts par
quelque côté. Avec mémorables de Schliemannà Mycènes surtout na-
les trouvailles
quit, dans le dernier quart du siècle passé, un problème difficile, résolu d'abord en
apparence par l'adoption du nom civihsation mi/cénienne, et bientôt remis en cause
par la rapide extension des découvertes dans tout le bassin égéen. Les révélations
Cretoises, depuis tantôt dix ans, un aspect nouveau et reculent
donnent à la question
tingué savant.
Quelles que soient dès maintenant l'abondance et la variété des informations, le
mystère de ces civilisations ne saurait être pleinement éclairci jusqu'au jour où une
divination géniale donnera la clef de leurs écritures et de leur langue. On n'estcepen-
(l)La défense catholique pourrait bien rétorquer largunient et faire état de textes comme ce-
lui-ci « lu as voulu que ton rocher fût le fondement pour tout, et lu as bâti sur lui ton royaume •
:
(22, 11).
(2) M. Harnack reconnaît comme ciirétiennes les odes 19 et 27, et la plus graade partie de
41 et 42.
RECENSIONS. oTi
dant plus réduit à leur sujet aux humbles indices qui guident les préhistoriens à la
découverte des civilisations primordiales. Les personnages couchés dans les célèbres
tombes de Mycènes, les princes qui fortitièrent les acropolesde Tiryntheet de Troie,
la cour qui évolua dans le confort et la splendeur du palais de Cnossos ont laissé as-
sez de traces de leur énergie industrieuse et de leur génie pour qu'une archéologie
méthodique puisse lixer les premiers linéaments de leur histoire.
La difficulté consistait à s'assimiler d'abord la documentation de faits au point de
n'en ignorer rien d'essentiel. 11 fallait dominer ensuite cette poussière d'histoire de
manière à opérer d'une main sûre et d'un jugement net le triage des données carac-
téristiques, classer ces éléments de valeur à l'aide d'observations techniques patientes,
les dater par des synchronismes souvent laborieux, essayer enfln d'en dégager le
sens. En l'espèce on avait à étudier de la sorte la Crète, les Cyclades, Troie, Mycènes-
Tirynthe. Chypre, pour aboutir à un aperçu motivé touchant les populations
égéennes ainsi que leurs cultes et mythes. L'énoncé de cette tâche est précisément le
sommaire des six chapitres du livre: c'est eu marquer l'intérêt. Pour en faire appré-
cier le mérite sans analyser cette limpide synthèse, on notera qu'elle réunit les qua-
lités d'érudition, de jugement et de goût qui ont fait le légitime succès des travaux
antérieurs de l'éminent orientaliste, spécialement de ses monographies préliminaires
sur l'archéologie créto-mycénienne. A suivre cet attrayant exposé, le lecteur le moins
spécialiste aura une idée claire du caractère, du développement et des relations des
civilisations préhelléniques depuis le lointain état néolithique jusqu'à la période où
les tribus helléniques,en possession désormais de tous le^ métaux, ont succédé par-
tout aux peuples égéens. Ce sera un des principaux mérites de M. D. d'avoir proposé
un synchronisme entre les civilisations du bassin égéen aux âges du cuivre et du
bronze. Pour la Crète, il parait incliner vers la chronologie courte, qui fixerait vers
2000 à peu près les débuts de la culture (1); dans les Cyclades et les grands centres
« mycéniens » les périodes artistiques sont synchronisées avec les divisions reçues de
minoenne, tandis que pour Chypre est mise en avant la date plus haute
la civilisation
de 2500 environ pour les débuts de l'âge du cuivre et 1100 comme fin de l'âge du
bronze proprement dit p. t36j. C'est d'ailleurs Chypre qui a été l'objet des plus gran-
des précisions (2) les biblistes l'apprécieront d'autant plus que cette culture chypriote
;
a des attaches plus immédiates avec celle de Palestine (3). D'autre part, tandis que
l'archéologie crétoise et la mycénienne ont fait déjà le thème de bonnes synthèses,
celle de Chypre, viciée presque à ses débuts par la fantaisie et les indélicatesses de
M. L. di Cesnola, était utilisée avec défiance par tous ceux qui n'en possèdent pas la
des monuments plus immortels, on ne doit pas perdre de vue qu'ils sont l'épanouis-
sement heureux de ces civilisations antérieures dont le génie hellénique a recueilli
(1) p. 4j. Il avait précédemment établi (p. 33 s.) « que les grandes divisions instituées par
M. Evans sous les noms tout conventiDnnels de Minoen ancien, moyen et récent, peuvent être
définies respectivement comme âge du cuivre, premier âge du l)ronze et second âge du bronze •.
(-2) M. D. étudie le sujet depuis longtemps; cf. RB., 190", p. ti3-2.
(3) Une très fine hypothèse de M. D. explique par une influence architecturale égcenne et spé-
cifiquement chypriote un des noms bibliques du chapiteau kaphlor. « Les Hébreux auraient dit
:
un kaphtor, comme nous disons une grecque, une arabesque » (p. \'J-2].
o98 REVUE BIBLIQUE.
en des cas où elles semblent bien réelles (2). Il est vrai qu'une certaine rigidité des
formules est fatalement inhérente à toute synthèse. Aussi n'est-ce pas une critique
adressée au beau livre que de signaler la possibilité de nuances en certaines inter-
prétations. C'est surtout dans l'exégèse du « matériel cultuel », des pratiques reli-
motiver une intelligence difTérente. Nulle part du reste l'ouvrage ne décèle plus de
judicieuse réserve et plus de tact. Malgré la discrétion des formes, c'est bel et bien
une condamnation autorisée qui est passée sur les prétendues survivances totémistes
dans les cultes préhelléniques du monde égéen (p. 253 s.); un tel verdict est aujour-
d'hui encore très méritoire, puisque, malgré toute sa raison d'être, il expose M. D.
aux sévérités d'un Index vigilant et énergique. Les spécialistes pourront prendre à
tâche de trouver le livre eji défaut sur tel ou tel point de menu détail (3) : à eux-
(i) On a pu voir dans Lackaxgf, La Crète.... ch. m Les origines, p. 113 ss.,
: quel point le pro- ;i
blème est délicat. Cet exposé me paraît encore plus précis et plus nuancé que celui du nouveau
livre, surtout en ce qui concerne la langue en particulier. A propos de l'alphabet^ M. I). se
réfère seulement à son étude antérieure sur laquelle on peut consulter RB., 1907, j). W".
(2) P. 126 par exemple, on trouve tout à lait « problématiques.... les rapports entre la céra-
mique élamile et la cérami(iue mycénienne » signalés naguère par M. J.de Morgan {Observations
sur les orig. des arts céramiques dans le bassin méditerranéen ; Rev. école antlirop., XVII, 190",
1>. 401 ss.). .l'avoue avoir été fortement impressionné par l'argumentation si documentée de
M. de Morgan. Katurellement influence n'exclut pas originalité et génie projire; je ne saisis donc
pas bien l'objection de M. D. « Celte hypothèse supprime le long développement qu'ont révélé
:
les fouilles de Crète et [ '?] qui nous font assister aux transformations locales d'où est sortie la
poterie mycénienne » (p. 127;. On ne peut d'ailleurs qu'assentir aux principes de M. D. quand il
fait justice (v. g. p. 49 et 233) des conclusions hâtives tirées de rapprochements graphiques su
perficiels. ,
(3) Sans me hausser à la prétention d'une critique compétente en pareil domaine, voici seule-
ment quelques remarques de lecture. En traitant de l'architecture M. D. insiste naturellement à
son tour sur Gnossos pour la Crète et sur Phylakopi jiour les Cyclades, mais la documentation est
à peu près nulle pour Troie. Mvcènes et Tirynthe et le lecteur devra recourir à d'autres recueils
s'il veut suivre ip. ll;i ss."^ la • comparaison des architectures niinoenne et mycénienne ». Dans
la bibliographie de ce sujet (p. 115, n. 4), aux articles cités de M. Mackenzie doivent être ajoutées
les deux suites paruesdans le même recueil, BSA., xlli,etXIV. —
P. 118 est acceptée l'hypothèse
de Noack dérivant le plan « des belles demeures Cretoises » d'une» maison à plan ovale décou-
verte... à Chamaizi » mais pourquoi paraître ignorer que M. Mackenzie a soutenu
;
victorieuse- —
ment je crois —
juste le contraire deM. Noack à propos de Chamaizi (BSA., XIV, 1907-8, p. 41iss.)?
De même, au sujet des vases multiples accolés sur un pied unique et désignés sous le nom de
kcrnoi, puisqu'on cite (p. 89, n. 2) l'étude ancienne de M. Bosanquet [B8A., III), pourquoi pas
celle beaucoup plus récente de M. Xantiioi dides, Cretan Kernoi; BSA., XII, 1905-6, p. 9-23? d'au-
tant que l'interprétation de ces vases proposée par M. D. était déjà presque exactement celle de
jl. X. —
P. 131, à propos des vases palestiniens du type chypriote • que les explorateurs esti-
<
ment des imitations locales et non des importations directes, M. D. écrit « Ce point mériterait :
d'être contrôlé. » 11 y a longtemps qu'on s'est préoccupé de ce contrôle et l'opinion émise repose
sur une différence d'argile, une dilférence de tons dans la décoration peinte, une différence de
galbe des vases autant de nuances que les descriptions générales ou les diagrammes ne peu-
:
vent pas toujours rendre. Par où d'ailleurs il ne s'agit pas d'exclure toute importation. Quant à
la figurine de Ta'annak déclarée « identique » aux maquettes chypriotes (p. 228;. les détails de
technique pour lesquels je la crois seulement « analogue » et que j'ai eu tort de ne pas énuraérer
dans Canaan..., p. l(i"i, sont 1° les formes très anguleuses du modelage à l'aide d'un grossier
:
RECENSIONS. 590
(\\l par erreur que les vases de la classe « imitant le cuir » ne se rencontrent... etc. trouve-t-on ;
cette étiquette céramique quel(|ue part à^ws Excavations...? —
P. 21i>. n. I.M. D. ne veut pas que
l'autel figuré dans Lagr., La Crète, fig. 0-2 =
RB.. 1907, p. 501, ait été trouvé dans le « trésor de la
déesseaus serpents '. Il y revient avec insistance, p. -233, n.i. et cite • Evans. B.S.A.. \TI. p. 28 •
pour prouver qu'il a été Iro'uvé • dans la région est du palais ». Il n'y a pas la moindre allusion à
cet autel dans la citation produite. Sans chercher ailleurs, ni discuter la thèse de M.D., je me
hâte de confesser que. s'il y a erreur, c'est moi qui suis coupable : l'autel en question était inédit,
si je ne me trompe, en 1907: l'ayant dessiné dans une vilrine du musée de Candie qui portait
l'étiquette • sanctuaire de la déesse auK serpents minoen moyen III • et ne trouvant aucun in-
:
dice plus déterminé de provenance, j'ai écrit celui-ci. qui aura trompé ensuite mon maître uti-
lisant ce croquis. M. D. tient beaucoup à écarter l'hypotliose des Temple repositones à Cuossos.
et celle d'un caractère quelque peu sacré pour « tout le quartier sud-ouest du palais • :p. 233 s.) :
il élimine ce qu'on a pris pour des symboles religieux et dans le signe de la double hache pro-
digué sur les deux fameux piliers il ne voit que des = marques de tailleurs de pierre » ^233: cf. 12
et 213); voir, dans un sens tout autre, non la théorie trop absolue de M. Evaxis sur ces prétendus
piliers sacrés, mais la théorie très nuancée de Lagrange. RB.. 1907, p. lt>9ss. Pourquoi d'ailleurs
aucune allusion à l'autel monumental découvert précisément dans ce quartier sud-ouest du pa-
lais?— P. 234 on demande « en quoi la statuette dite ' déesse aux serpents » est... plus déesse
que les figurines similaires qualifiées d'acolytes et en note « l.e P. Lagrange, La
• : Crète anc
p. 73 et suiv... n'a pas répondu a cette objection '. Il me semble que si [op.c, p. 74= RB.. 1907,
p. 492 en faisant observer des analogies avec les figurines de la chapelle du palais et surtout en
.
on l'estimera aussi heureux atout le moins que celui des navires figurés sur le disque avec les
représentations gravées sur des vases de Syra(p. 275 s. d'où M. D. conclut (p. 294, que le^ texte
peut provenir des iles voisines ».
1 II ne peut qu'être agréable à la Revue de constater que, dans le plan du palais de Cuossos
600 REVUE BIBLIQUE.
recherche personnelle, les sources de cette documentation eussent été utilement si-
gnalées et les indications de cette nature sont malheureusement trop rares. L'exécu-
tion matérielle du livre est tout à fait soignée et d'un goût bien français (1).
principe de cette décoration non dans une combinaison telle quelle des thèmes de
l'architecture antique, mais dans l'imitation de la décoration peinte si caractéristique
des artistes de Pompéi, principalement à partir de ce qu'on appelle le « second
style » pompéien, vers la fin de la République. Et voici par où l'intéressante décou-
verte du savant architecte devient féconde : les fameuses façades des hypogées naba-
téens dont on a tant discuté l'origine et le caractère relèvent de la même inspiration.
Non seulement dans les compositions soi-disant « baroques Khazneh, ed-Deir,
», le
etc., mais jusqu'en ces façades d'abord étranges, le Tourkmanîyeh par exemple, où
des rangées de pilastres nains apparaissent au-dessus d'un prenùer entablement,
M. K. fait voir la tentative d'un sculpteur de projeter sur une paroi de roc la perspec-
tive architecturale peinte par le décorateur pompéien. Photographies et dessins ne
laissent guère de doute sur l'exactitude de cette interprétation dont on pressent aus-
sitôt la portée pour l'histoire de l'art nabatéen. Les maîtres avaient donc vu juste dès
position décorative avec Pompéi, de Vogué en insistant sur divers procédés techniques,
l'ébauche d'un chapiteau grec par exemple dans ce qu'on nomme le chapiteau nabatéen.
Il faut louer cordialement M. l'architecte Kohi des précisions considérables qu'il
apporte à cette heureuse théorie et de la démonstration si élégante qu'il en fournit.
III. — Avec M. Butler c'est d'architecture encore que l'on s'occupe, mais si judi-
cieusement mise au service d'art chrétien en général et d'histoire syrienne en parti-
culier, que l'austérité des éléments spéciaux demeure à peine perceptible. Telle est
toujours l'excellence des graphiques et la limpidité de l'analyse descriptive que tout
publié en frontispice par M. D., son artiste dessinateur a interprété certains détails ditticiles
dans les grapliiques de l'architecte anglais d'une manière qui confirme pleinement et fort à
propos l'interprétation adoptée dans le plan de la Revue (1907, face p. -2U0). M. D. insiste aussi
(p. 10, n. 1) sur l'utilité d'adopter la numérotation préconisée par le P. Lagrange, pour les
repères sur ce plan.
^1) Noté quelques lapsus typographiques P. -21, I. G, e b., N.-W. jjotir N.-O.
: P. 30, n. 1 —
1. 8, Potterie pour Pottery. —
P. 63,1. 8, dasn;jOMr dans. —
P. 89, manque un rappel à la n. 2. —
P. 158, n. 2, RB. 1905 pour RB. 1909.— P. 187, 1. 2 e. b., quoiqu'il en poiu- quoi qu'il en... —
P. 197,1. .je.b., (2) pour (.3). —P. 2-28, n. 3, Qart. S/««.pour Quart. Stat.— P. 230, n. 3,1. 5, Quelque
soit pour quel que soit. —
P. 252, u. l, flg. 16 pour tig. 7 6. —
P. 297, 1. \ ss., une phrase que je saisis
mal :« L'invention... de l'alphabet était impossible; il fallait, dans une écriture syllabique,
dégager peu à peu les sons simples, puis négliger les premiers (?] et ne conserver que les der-
niers • [?1.
RECENSIONS. 601
lecteur, sans se découvrir une compétence d'homme du bâtiment, acquiert une notion
exacte des monuments et du milieu étudiés. Le dj. Bàrisà. distant de cinquante
kilomètres environà l'orient d'Autioche, avait livré naguéreà M. de Vogué une série
plus grande peut-être de vestiges d'art pré-chrétien, moindre pour les ei:lises du
iv« s., plus grande au contraire pour les derniers édiQces religieux au moment ou la
vague musulmane déferle presque de toute part. L'architecture civile offre des types
remarquables il., tandis que l'architecture funéraire fait presque totalement dé-
faut 2). Dans la on notera la fréquence des absides
variété des plans d'églises
quadrangulaires, ou dissimulées dans un prépondérance des entrées mur droit, la
latérales et quelques exemples de narthex à colonnade. La multiplicité des baptistères
en relation plus ou moins immédiate avec les églises ne peut manquer non plus de
fixer l'attention; il faut signaler en particulier celui de l'église Saint-Paul-Saiitt-
Moise, du vi^ s., à Dàr Qîtâ (p. 182 ss., fig. 190i, avec sa piscine exiguë dans le sol
de l'absidiole. Il résulte des observations de M. B. que l'immersion totale y était
impossible et que le ministre devait répandre l'eau sur la tète du catéchumène. La
décoration sculpturale affecte une réelle originalité avec tendance à la surcharge
et un certain dédain de nos principes de symétrie.
Les inscriptions, éditées par M. Prentice avec la concision et le soin habituels, da-
tent les monuments et spécifient, le cas échéant, leurs transformations. Pour le reste,
on n'y lit à l'ordinaire que des invocations religieuses, au Dieu unique, à la Trinité,
à quelque saint. Les noms des fondateurs ou des donateurs avec leurs titres font
rarement défaut, parfois s'ajoute celui de l'architecte. On remarquera u'^ 107.3 la
formule "O^xHyi:. xa\ sol xà ô-.-Xî. n" 1099 Texpression il '=^i) rsÔToiu pour indi- "i
.1 .\ussi bien pour les installati-'iu privées que pour les édiOces puMics : magasins, bazars,
bains, etc.
[i) L'unique tombe digne d'intérêt se voit à Bàbuii/} : porche dorique devant un caveau à trois
arcosolia dans le roc (p. 194 s., lîg. 200 .
ques et dans une description soignée (1). La découverte de cinq chapiteaux historiés,
(p. 61: cf. p. -x et 128). Les argumenta leurs trop empressés ne vont pas manquer
d'exploiter cette phrase et telle autre analogue. Dans leur zèle imprudent ils ne
verront aucune des difficultés nouvelles que font surgir les données archéologiques
acquises ;
peut-être même oublieront-ils de noter la déclaration si nette et si loyale
du savant religieux, vers la fin de sa préface : « une étude plus complète... ne pourra
se faire, en ce qui touche le sanctuaire, qu'en détruisant tout ce qui le recouvre
actuellement» (p. x). Il demeure «impossible actuellement de
une idée exacte se faire
de la disposition ancienne des lieux » ^p. xi On arrive à pied d'œuvre à Nazareth .
et l'œuvre est en bonnes mains si ces mains demeurent libres d'achever la tâche. Sur
n'est pas « à Nazareth que se trouvera la solution définitive » (p. xi) même du seul
problème archéologique. Elle requiert que ceux qui en ont les moyens réalisent sur
l'édilice de Lorette un examen technique aussi attentif et désintéressé que lui-même
l'a pratiqué à Nazareth et que les résultats en soient soumis à contrôle par une pu-
blication aussi documentée et aussi sincère que l'est JSdzareth et ses deux églises.
Les récentes fouilles ont en effet remis à jour, outre les ruines déjà indiquées, celles
d'une seconde église médiévale et peut-être byzantine du vi'= siècle [?] sur l'empla-
cement présumé de la maison de saint Joseph. Ajoutons enfin une intéressante docu-
mentation sur Séphoris, son antique église et sa mosa'ique à inscription hébra'ique,
pour avoir au moins énuméré tout ce que contient le magnifique volume.
H. Vincent, O. P.
Les gens du inulier regretteront que le plan d'ensemble (Ug. i, p. 35) et les ct>upes prises
(1)
sur ce plan n'aient pas d'échelle, et qu'en général les cotes de itroportions soient un peu rares
([uand il s'agit de fragments arcliitecturaux. L'analyse des chiffres incidemment fournis et la
comparaison avec le plan réduit ^fîg. l,p. 33) et la section très détaillée (fig. 3G, p. 81) pcrmeUent
d'attribuer à ce plan important une échelle approximative deO'",01<i pour 10 m.
(-2) On en aura déjà quelque idée par les similis à échelle un peu petite qui accompagnent
l'analyse très pénétrante de ces monuments par le U. P. Viaud d'abord, ensuite par M. de Lasteyrie
<|ui s'est aidé d'observations de M. E. Mâle. Les scènes sculptées sur ces chapiteaux sont em-
pruntées à l'Évangile et à la légende de divers apôtres. Au sentiment de M. Mâle, le style de ces
sculptures se rattacherait peut-être mieux à quelque école allemande qu'a l'une on à l'autre de
nos écoles romanes françaises ;p. 171).
BULLETIN
Questions générales. —
En souhaitant boa succès à la sixième édition du grand
manuel allemand d'histoire biblique (1), nous ne nous doutions pas que déjà la sep-
tième édition était en préparation. Et cependant il faut reconnaître qu'elle est fort en
progrès. Au lieu de 1026 pages, le premier volume, consacré à l'A. T., en compte
1134. Si le nombre des illustrations a diminué, c'est qu'on a éliminé des clichés pit-
toresques sans grande valeur (2) ; mais on a introduit de bons documents archéolo-
giques. Le second volume (\. T.; a 920 pages au lieu de 788. On a reproché à l'au-
teur d'avoir trop insisté sur la Jérusalem moderne. Ce n'est pas nous qui nous asso-
cierons à ce grief.
Les auteurs ont compris tout ce que lëtude de la Bible pouvait gagner à la connais-
sance de l'Orient, histoire, géographie, archéologie. C'est, pour l'A. T., comme si
le Manuel biblique. Il est vrai que dans les deux cas, en Allemagne comme en
France, y a juxtaposition de l'Orient et de
il la Bible, sans qu'on tire les conclusions
qui devraient découler pour l'intelligence de la Bible d'une étude plus attentive de
l'Orient. Mais beaucoup de pénétrer peu à peu dans ce vieux monde qui ne
c'est déjà
livre pas ses secrets en un seul jour. La bibliographie du manuel allemand a été dé-
veloppée. Nous ne pouvons que le répéter l'ouvrage des deux professeurs de Mayence
:
M. Joyce a remarqué que parmi ceux qui se sont préoccupés récemment de psy-
chologie religieuse, l'attention s'est portée plutôt sur la conversion que sur l'inspira-
tion. C'est le dernier sujet qu'il a choisi, et qu'il étudie dans ses ditïérentes manifes-
tations bibliques, depuis les anciens Hébreux jusqu'à saint Paul '3j. 11 serait très
malaisé de discuter ce livre de très près, d'autant que la terminologie ne ressemble
guère à la nôtre. Ici inspiration et révélation paraissent synonymes. M. Joyce croit à
la Révélation, mais il paraît assez soucieux, de restreindre l'autorité des prophètes et
même des Livres saints. A l'inverse des anciens protestants, il met l'autorité de
(1) Handbucli zur biblischen Geschichte... mit 215 Bildern und 5 Karten, 2 Bande, gr. iu-8" (xliv,
iO.54 pp.) Herder, 1010. Le prix de -23 marks pour ces deux énormes volumes ne paraîtra pas trop
élevé. L'Ancien Testament par M. Sei.ust. le Nouveau par M. Schafer, tous deux professeurs au sé-
minaire épiscopal de Mayence.
(2,1 Desideratum exprimé par la RB. (1009, p. 144 s.). On demande encore le sacriûce de la vue
de l'église S. -Marc, à Venise, à propos du second évangile. La plirase critiquée ])ar la RB.
p. tl.'i du t. I du manuel a été retouchée, p. 109, dans un sens moins absolu.
(3 Ttie inspiration of prophecy, an essay in tlie psycliologyof révélation, by M. C.Joyce, D. 1).-
\n-H'' de 195 pp. Oxlord, Frowde, ItUO.
604 REVUE BIBLIQUE.
C'est à l'Église à discerner dans sa doctrine ce qui a une valeur éternelle et ce qui te-
lique du quatrième évangile, estime que son Logos n'a guère de commun que le nom
avec celui de Philon, etc.. ; d'autre part les épîtres pastorales, tout en contenant beau-
coup de choses pauliniennes, ne seraient pas sorties de la main de saint Paul, etc.
cains. Il aurait ensuite été corrigé d'après des mss. itahens avant de recevoir enûn
la forme hiéronymienne. Je ne sais si M. Heer estime à sa valeur la revision de
saint Jérôme. Sans doute ménagé les habitudes, et il n'a mis aucun amour-propre
il a
à faire une traduction qui portât la marque de sa propre latinité, mais il n'a pas hé-
sité à trancher dans le vif quand cela en valait la peine. Les cas d'africanisme re-
levés par M. Heer ne sont point insignifiants au point de vue de la pure critique
textuelle, parce que, en pareil cas, plus une expression est anodine, plus elle est si-
gnificative; cependant ils ne touchent point aux grandes divergences des textes
orientaux et occidentaux.
M. Heer, qui n'est point seulement un maître dans les études bibliques latines,
mais qui sait étendre son horizon, s'est demandé gatianum
quel appui le codex
pourrait apporter à la solution du grand problème des leçons syro-latines. Aussi a-t-il
colligé un certain nombre de cas où le codex, insuffisamment corrigé, témoigne
(1) A critical introduction to the New Teslamcttt, by Arthur S. Peake, M. A., D. D., professer of
biblical exegesis in Uie university of Manchester, très petit in-S" de xii-2i2 pi). Londres,
Duckworth.lOOO.
(-2) Evangelium Galianum. Quattuor evangelia latine translata ex codice monasterii S. Gatiani
turonensis (Paris, Uibl. nat., n. acqu. nr. do87) primuni edidit variis aliorum codicum lectionibus
inlustravit, de vera indole disseruit Josepli Michael Heer. Cuni tabula autotypica. ln-8° de lxiv-
187 pp. Fribourg (Bade), Herder, 1910.
.
BULLETIN. 605
d'un état du texte où les verbes étaient joints par la copule au lieu d'être groupés
comme participe et verbe à un temps défini. Le premier mode est celui des versions
africaines et syriaques, le second celui des textes grecs et de la Vulgate hiérony-
mienne. Mais la question n'est qu'amorcée. Le volume se termine par un index vêr-
horum quitus codex gat a Yulgata Sixtino-Clementiaa discrepat 1). Je n'v trouve
ni conparabula (Me. 4. 30) ni discipuU (Me. 3, 21).
Cbemin faisant, M. Heer exprime des vues un peu différentes de celle de dom
Chapmau. Il estime aussi que les leçons du Codex d'Epternach n'ont pas été re-
produites avec assez de soin dans Tt-dition de la Vulgate de ^Vordsworth-AVhite. Très
diligent et très consciencieux, _M. Heer note à la fin les points qui lui avaient échappé
quand 11 travaillait d'après des épreuves photographiques et quTl a reconnus dans sa
re vision sur l'original
fort à propos quuu pur romaniste, comme Dessau, ait donné son avis sur
11 est
MM. Deissmanu. Ramsay, Mommsen. il semble à M. Dessau que c'est bien en Chv.
pre. au moment où il a rencontré le proconsul Sergius Paulus. que saint Paul a
pris le
nom romain de Paulus. L'auteur n'ignore pas que s'il était fréquent qu'un affranchi
prît le prœnomen et surtout le QentUkhim de son patron, il eut paru du plus
mauvais goût qu'un nouveau citoyen romain s'emparât du cognomen d'une grande
famille. Mais précisément en Chypre le fait s'est passé. Un personnage du pavs a
porté le nom Ummidius Ouadratus, l'un des derniers prédécesseurs de
entier de C.
Sergius Paulus. donc possible
Il est —
et c'est ce que su£:gèrent les Actes que —
Saul, soit qu'il ait pris déjà ou non un genfUicluni romain, ait changé en Chvpre son
nom de Saul, devenu son cognomen. en un autre cognomen avec ou sans l'agrément
du proconsul.
M. von Soden est arrivé au terme de ses travaux préparatoires à la nouvelle édi-
tion du N. T. (3). Le volume qui vient de paraître, ou plutôt la du volume des
fin
prolégomènes, de la page 1649 page 2203,
à la est la continuation de la seconde
partie, regardant les différentes formes du texte (4 . Ici, il s'agit des Actes, des épi-
très catholiques, des épitres paulines. y compris l'épître aux Hébreux, enfin de l'A-
pocalypse.
Partout, sauf dans l'Apocalypse (5}, M. von Soden reconnaît l'existence des trois
entendu dire que Tatien avait retouclié l'apôtre : toj a-oa-oÀou tivoç iiEzoL-^poizxi :ia)vx;
w; Î7:iôioo8ojii.£vov ajTwv Tr,v -r;; 'jçaasw; auvTaÇ-.v. Comme le texte de S. Paul n'a subi
aucune retouche intentionnelle, la phrase d'Eusèbe ne doit-elle pas s'appliquer aux
Actes? Ce n'est dans la pensée de M. von Soden qu'une hypothèse. Il est sûr en
tout cas que s. Jérôme a cru avoir de bonnes raisons de suspecter ces additions,
puisque lui, qui d'habitude changeait le moins possible les textes latins qu'il revisait,
n'en a admis aucune.
Il est d'un bon augure que M. von Soden témoigne désormais plus d'estime pour le
Codex B et la recension H qu'il représente si bien. Ce n'est plus I qui est pour les
ne serait pas la fixation du texte courant en Egypte au iii« siècle. L'action du re-
censeur se serait donc bornée à très peu de choses, entre la version sahidique, assez
libre d'allures, et la version bohaïrique qui s'attache de près à la recension H.
Son premier labeur achevé, M. von Soden le défend contre les critiques, surtout
contre celles de MM. Nestlé et Lake. Toutes n'ont pas été aussi courtoises, et il est
étrange qu'on juge d'avance sévèrement une œuvre colossale, avant qu'elle soh
si
achevée. Les fautes d'impression sont très fâcheuses, mais l'auteur les reconnaît de
bonne grâce, et l'on peut espérer que l'édition du texte en sera moins saupoudrée.
Il expose donc de nouveau comment il a distingué tout d'abord le texte commun et
celui des grands onciaux >\BCA. C'était partir d'un point déjà acquis. Tout le reste
paraissait chaos. L'unité s'est faite sur des leçons étrangères à ces deux textes. On
eut pu croire à des textes locaux ayant conservé des leçons antérieures à toute ré-
vision (Lake), mais ils sont unis dans certaines leçons secondaires qui attestent une
L'examen des Actes a prouvé de nouveau rinfluencedu latin sur D, un des meilleurs
témoins de I, ou plutôt de Tatien sur tous deux. Le lectionnaire dit palestinien, à sup-
poser qu'il soit originaire d'Antioche, est un témoin de la recension 1, et prouve
qu'elle était répandue en Syrie.
Quant à dire avec M. Lake que K est formé d'après H et I, cela ne se peut, car il a
des lectures anciennes où les aurait-il prises ?
-,
On sait que x et B étaient regardés par AVestcott et Hort comme nevtra] et M. Gre-
gory comme M. Lake et sans doute beaucoup d'autres le tiennent encore. M. von
Soden maintient pour les deux illustres mss. —
dépendant d'ailleurs d'un seul type
— le caractère d'une recension, à cause de quelques leçons secondaires, ce qui n'est
peut-être pas une raison décisive.
Les recensions déterminées, il faut s'en servir pour trouver le texte non révisé, I-
H-K. Ce texte sera normalement le plus ancien qu'on puisse atteindre, celui qui était
courant au iir siècle, qui a été utilisé par s. Jérôme et même par Tatien. Il est cepen-
dant possible qu'il ait déjà perdu quelques leçons primitives quon aurait chance de
rencontrer ailleurs. La difficulté est toujours d'expliquer les leçons dites occiden-
tales, s'est servi d'un texte I-H-R au lieu de trouver à Rome
de prouver que Tatien
un autre du premier, déjà pourvu des leçons dites occidentales. En attri-
texte, rival
buant résolument ces leçons à l'influence de Tatien, M. von Soden rentre à larges
voiles, du moins pratiquement, dans la manière de Westcott et Hort, peut-être même
plus indulgents que lui à ces leçons latines ou syro-latines. Aussi sent-il très bien
qu'il est difficile d'admettre que Tatien ait eu tant d'influence en Occident, d'autant
que Tertullien en Afrique, comme Origène en Orient, marqueraient déjà la réaction
contre le tatianisme...
Quoi qu'il en soit de ce point qui est toujours le foyer de toutes les difficultés tex-
BULLETIN. 607
tuelles, il faut reconnaître qu'en cherchant à isoler des recensions, à les purger de
leurs leçons particulières, de tout ce qui sent le parallélisnie et même la réminis-
cence, en n'excluant pas d'ailleurs comme élément décisit la valeur intrinsèque des
leçons, M. von Soden a suivi la bonne méthode. Il ne sera pas hors de propos de faire
remarquer qu'il est extrêmement conservateur. Par ce terme on n'entend pas ici l'at-
tachement routinier au texte d'Érasme, si justement mis de côté par la critique, on
entend une conception des origines textuelles qui donne au texte sacré un maximum
de garanties. Tandis que d'après M. Blass. M. Lake et même M. Gregory, c'est à
peine s'il y a une limite entre le rédacteur-auteur et les premiers scribes, ces derniers
pendant cinquante ou cent ans se croyant autorisés à retoucher le texte fort libre-
ment, M von Soden estime que l'œuvre des auteurs a été plus respectée. Si leurs
ouvrages n'étaient pas encore canoniques au plein sens du mot. ils émanaient du moins
de personnalités littéraires, ils étaient publics, personne n'avait le droit d'v rien
changer. Où le savant critique touche au paradoxe, c'est lorsqu'il prétend qu'on ne
corrigeait pas les écrits du N. T., précisément parce qu'on ne les tenait pas pour sa-
crés, comme le comme des œuvres personnelles. C'est parce que
bien de tous, mais
Marcion ne regardait plus l'évaniiile comme une œuvre individuelle qu'il l'aurait
traité si librement. Mais Marcion fut un hérétique on lui reprocha aussitôt ses alté-
;
rations. L'assurance avec laquelle la grande église accusa les hérétiques du 11*= siècle
d'avoir falsifié les Écritures prouve assez qu'elle avait conscience de les avoir ména-
gées. Ici nous rejoignons M. von Soden. On voit que sa théorie serait beaucoup plus
homogène s'il ne tenait à dire que pendant un certain temps les écrits du N. T. n'ont
pas été regardés comme sacrés quant au mot canonique, il suppose évidemment une
;
certaine réflexion.
Désormais, il ne nous reste plus à attendre que le texte lui-même que l'on nous fait
M. Caspar René Gregory est d'avis que les exégètes ne prennent pas assez contact
avec la vie (1). De l'école à l'université, ils ne se sont occupés que des livres. Ne se-
rait-ce pas par suite de cette excessive préoccupation du livre composé selon certaines
règles que M. Wellhausen a regardé le quatrième évangile comme fort interpolé?
En examinant les objections du célèbre maître. M. Gregory opine qu'elles ne sont
pas justiflées et que l'habitude de traiter avec les ouvrages en mosaïques de l'An-
cien Testament l'a empêché de reconnaître le parfait naturel de l'évangile de sain':
Jean. Car c'est bien à ,Tean, fils de Zébédée, que M. Gregory attribue la composition
intégrale du quatrième évangile. On est heureux de souscrire à ce jugement ou plu-
tôt de constater que l'excellent critique qu'est M. Gregory souscrit à la tradition.
La sixième édition du commentaire des Actes des Apôtres par M. van Steenkiste
est devenue l'œuvre de .M. A.. Camerlynck, tant elle a été complétée et vraiment
améliorée (2). Les prolégomènes, assez étendus, contiennent une description fort
utile de la situation politique et religieuse du monde romain en Palestine 3\ L'au- '
teur estime que le livre des Actes a été écrit par saint Luc en 63-G4 (4 une seule ,
(1) Wellhauson und Joliannes, 8" de iv-iiS p|). Leipzig. Hinrichs, li)IO.
(-2) Commentarius in Actus Apo>itolorum. editio sexla denuo emendata et notabiliter aucta,
opéra de 4.jfi pp. Bruges, Beyaert, liilO.
A. CAMEiii.YM;K, in-S"
(;{) Il n'est pas exact, croyons-nous, de dire <[ue le procurateur romain laissait le ?anliédrin
juger lui-même, avec cette restriction que la peine de mort devait être approuvée jiar le procu-
rateur. Même d'après les évangélistes qui n'ont certes pas diminue la responsabilité des Juifs, on
vciitbien que Pilate a pris en main la cause et a prononcé en son nom propre un jugement de
Condamnation.
(4) Celte date ne s'appuie-t-elle pas trop exclusivement sur un argument négatif, sur ce qu'on
608 REVUE BIBLIQUE.
fois, et non en deux éditions. C'est dire qu'il rejette l'iiypothèse de Blass, donnant
d'ailleurs le plus souvent la préférence à la reeension orientale, qu'il vaudrait mieux-
dès lors qualifier de neutre ou de relativement primitive. Plaçant la mort du Sauveur
le 3 avril de l'an 33, il s'attache, pour la suite de la chronologie, à Zahn plutôt qu'à
Harnack, le martyre de saint Pierre étant fixé à l'an 64, celui de saint Paul à l'an 67.
11 tient, avec M. Ramsay, pour la Galatie du sud. Le commentaire est sobre, très
judicieux, avec de nombreuses allusions au texte grec.
Il faut féliciter ^I. Mangenot d'avoir édité en un volume distinct plusieurs articles
qui avaient paru dans la Revue pratique d'apologétique au cours des années 1908
et 1909, sur I'( Rcsio-redion de Jésus (1 Le plan apparaît ainsi plus clairement,
.
en Jésus, Messie et Fils de Dieu, ils reproduisent bien le même fond de la vie et de
l'enseignement du Sauveur, transmis par la tradition orale et peut-être déjà consigné
dans des écrits qui ont servi de sources aux évangélistes; mais ce fond identique
s'était propagé avec des variantes multiples, s'était développé dans des sens diffé-
rents et avait formé des catéchèses apostoliques prêchées en des communautés diffé-
rentes... >îous ne parlerons donc, nous le répétons, que des essais de concilier les
récits évangéliques de la résurrection dans les grandes lignes » ip. 263-265). On sait
que la principale difficulté de la critique moderne ne consiste plus à coordonner
les apparitions dans un même récit, mais à expliquer comment saint Matthieu et
saint Marc n"ont fait allusion qu'aux apparitions en Galilée, semblant ainsi ignorer
les apparitions judéennes. M. Mangenot pense que cette exclusion n'est pas histo-
rique et objective, mais purement littéraire. Il ajoute « Si, comme le pensent les :
critiques, saint Matthieu, dans son récit parallèle, dépend de saint Marc pour l'or-
donnance des on s'explique tout naturellement son omission des apparitions
faits,
Matthieu par rapport à saint Marc n'a donc rien de choquant pour un exégète aussi
conservateur que M. Mangenot. Il opine qu' « on peut soutenir encore l'authenticité
de la finale contestée » 2) de saint Marc Me. 16, 9-20), mais il ne refuse pas de i
ne trouve pas clans les .\ctes. sans tenir assez compte des arguments positifs tirés du troisième
évangile .'
^^) La Ptisurrectiùii de Jésus, sui\ie de deux Appendices sur la Crucifixion et l'.Vscension. in-l(i
de 404 pp. Paris, Beaucliesne. 1910.
(2) A la p. i33. on dit que le Ms. arménien de 98!) attribue la finale à « Aristion le presbytre ».
C'est Arislon qu'il faut lire, quoique, en effet, le personnage visé soit bien .\ristion. plutôt que
Ariston de Pella.
nULLETlX. 609
il soutient que l'Ascension sensible de N.-S. Jésus-Christ, telle qu'elle est racontée
par les Actes, n'est point du tout un simple symbole. Ce fut un événement histo-
rique, très réel, non sans une certaine valeur d'action symbolique. " Pour signilier
que désormais sa présence sensible leur d i
serait soustraite, qu'il demeurerait tou-
jours auprès de son Père pour être invisibleuient désormais avec eux, il a pris un
moyen, à la fois approprié à leur mode de connaissance sensible et aux qualités de
son corps ressuscité... Le sens du dogme est que Jésus a quitté la terre pour aller
au séjour de Dieu, son Père, pour y habiter déflnitivement dans la gloire » (p. 399 ss.).
tains exégètes radicaux. Le système est assez connu. On retrace dans les grandes
lignes le messianisme juif. Jésus, dont il faudrait surtout connaître la pensée, est
passé sous silence, parce que la critique des évangiles n'est pas assez assurée (3) !
n'était-il pas Juif, lui aussi N'a-t-il pas reconnu qu'il prêchait le même évangile que
.^
tent l'activité. D'ailleurs, pour être juste, il faut reconnaître que M. Granbery a com-
pris le système le plus courant de la critique radicale et qu'il l'a exposé clairement.
Gaston Boissier termine sa «Religion romaine d'Auguste aux Antonins » par cette
réflexion assez favorable à l'action religieuse du paganisme « On peut dire qu'au :
1' " siècle le monde entier s'était levé sous l'impulsion de l'esprit religieux et de la
déjà mis de lui-même sur le chemin du Christianisme ». Le P. AUo, dans son récent
ouvrage, VÈvangile en face du syncrétisme païen (4), ne semble pas partager l'opti-
misme de cette vue. Pour lui, le monde polythéiste du r"" siècle est « un paralytique
qui gémit et se retourne sur son lit de douleur », absolument incapable de se lever
et qui serait toujours demeuré en cet état « si quelqu'un de bien réel, un médecin
dont le malade avait pu reconnaître, non postuler, l'existence n'était venu lui dire :
{p. 37). Au fond, cependant, la divergence des vues entre ces deux auteurs n'est pas
que Jésus prend le titre de Kils de l'homme et proclame la parousie. Cela d'après le second
évangile (p. ûG)'. Et quand on lit dans Me. 6, 3 « N'est-ce pas le Dis de Marie? » l'auteur pro-
:
nonce qu'il n'est pas invraisemblable que l'exemplaire original ajoutait comme Le. 4, 22, « le
fils de .loseph » Et où a-t-il vu que cTtsïoa est le latin spira ip. 5i, note)?
(p. 6-j .
(4) ln-12, xxi-201 pp. Bloud, Paris, 1910. Appartient à la collection de philosophie et de critique
religieuse.
REVUE BIBLIQUE 1910. — N. S., T. VII. 39
610 REVUE BIBLIQUE.
aussi considérable qu'on pourrait le croire. Bien plus, le livre du P. Al!o est le déve-
laisser croire que, s'il ne les avait pas interrompues, elles seraient parvenues toutes
seules où il est lui-même arrivé ». L'effort du P, Allô s'est porté surtout à mettre en
un vigoureux relief l'opposition existant entre le christianisme primitif et le syncré-
tisme dont les écrivains ecclésiastiques ont toujours parlé avec horreur, ce qui n'em-
pêche pas une certaine école qui veut bien se laisser prendre aux apparences, d'assi-
gner aux deux systèmes une commune origine. Avec des raisons pleines de bon sens,
exposées dans un style original, et établies sur une sérieuse connaissance des sources
païennes et du Nouveau Testament, l'auteur repousse avec succès cette prétention.
Son livre s'adresse <c à tous les lettrés qui ont une moyenne culture classique, y com-
pris les libres penseurs, pourvu qu'ils ne soient pas engagés dans l'armée d'une croi-
Le recueil de sentences dont Rufln donna une traduction sous le titre d'Anneau dv
pape Xyste est trop connu des esprits versés dans la littérature ancienne pour qu'on
ait à ledécrire avec insistance. On le possède en grec, en latin et en syriaque quel- ;
ques pensées en ont été conservées dans la version arménienne des œuvres d'Évagre
de Pont. M. Conybeare vient de le mettre à la portée du grand public anglais dans
un élégant petit volume L'armée du salut y trouverait le texte de plus d'une
(1).
Le iv^ siècle est la période qui offre le plus de difflcultés aux historiens du canon
de l'Ancien Testament. Mesurer l'intensité de l'influence juive à cette époque, établir
les rapports d'une église à l'autre en cette matière, déterminer la pierre de touche de
la canonicité, sont autant de points délicats sur lesquels il n'est jamais inutile de re-
des 22 livres reconnus à la fois par les chrétiens et les Juifs. Voilà tout.
Cela étant admis, il reste à savoir si la position d'Athanase et de Cyrille vis-à-vis
du canon de l'Ancien Testament était celle de toute l'église orientale contemporaine
et si rinfluence juive s'exerçait avec la même intensité dans tout le monde grec. On
(Il The ring of pope Xystns logellter wiUi titc prologue of Rufinus, in-Ui, 13" pp. Williams ami
Norgate, Londres, )!»10. Cette traduction est faite sur le texte grec du Vatican "i-2.
BULLETIN. 011
du canon de l'école d'Antioche. C'est donc en passant en revue les travaux d'édition
et d'exégèse des Lucien, des Chrysostome, des Théodore! et de beaucoup d'autres
encore, en étudiant la manière dont leurs citations bibliques sont présentées, que
l'auteur a pu établir le canon d'Antioche. A part Théodore de Mopsueste, dont l'ex-
clusivisme outrancier est le fait de son humeur personnelle, les représentants de
l'école d'Antioche se sont libérés des lisières de la synagogue avant les églises de
Jérusalem et d'Alexandrie et ont contribué pour une bonne part à l'amplilic-ation du
livres canoniques, pour être adaptés à l'hérésie, avaient été nécessairement falsifiés
et tronqués. Héritiers de la répugaance des gnostiques et des premiers disciples de
Manès pour le Dieu de l'Ancien Testament, pour la création de la matière par un
être bon, pour la résurrection des corps, les néo-manichéens possédaient
un canon
restreint dont on ne peut cependant fixer les limites avec certitude. Il v a la même
difficulté à détermiuer les modifications que ces hérétiques ont apportées aux légen-
des de Jésus et des apôtres forgées par des imaginations encratites et dualistes
du 11'^ siècle et dont la vogue était grande parmi eux. En tout cas, M. Dufourcq
n'a pas donné dans la théorie de Cari Schmidt jadis combattue ici RB., 1904, p. 305 ,
suivant laquelle les Actes apocryphes des Apôtres attribués à Leucius seraient le
produit, non pas de la gnose, mais bien de la grande Église. L'auteur, cependant,
eût gagné à consulter la docte dissertation de Schmidt sur Leucius Charinus.
Pour opposer une digue à l'envahissement de toute cette littérature de mauvais aloi,
les cathoUques eurent recours à divers procédés sur lesquels M. D. s'est longuement
étendu. Outre des autodafés où furent anéantis nombre de cot/Zce.s manichéens, il faut
signaler des livres autorisés et des livres prohibés et à ce propos notre auteur consacre
1 XIV Band, 4 Helt. Der nlttestamentliche lùutO/t der antiocheiischen S:/i«/e, 8\ \i-93 pp.
^
Fribourg-en-B. Herder. l'J!)9.
(i) Etudes sii.r les Gfsta Marlyrinn romai/ts. Tome P'. Le néo-manichéisme et la légende chré-
tienne, î^^ xii-MW pp. Paris, Leroux, lîUO.
612 REVUE BIBLIQUE.
la conclusion qui nous a valu cette solide discussion des textes canoniques et apo-
cryphes des V® et vi^ siècles.
Il faudrait être bien difficile pour désirer quelque chose de plus élégant et de plus
pratique que le Manuel épigraphique du professeur O. Marucchi. Sa clarté d'expo-
sition, sa belle ordonnance, ses nombreuses illustrations sont faites pour donner aux
jeunes gens le goût des inscriptions. Restreinte aux antiques inscriptions chrétiennes
et principalement à celles de Rome, VEpigrafia crisliana (1) du célèbre archéologue
traite successivement des généralités épigraphiques (symboles, textes métriques, etc.),
Pénitence durant les six premiers sièeles de l'Église ("2) vient d'être l'objet prouvent qu'il
dénué ni de valeur scientifique, ni de commodité pour le travail. C^est en effet
n'est
un bon répertoire qui permet de se mettre rapidement au courant des différentes
parties des questions traitées. Au côté sacramentel l'auteur a ajouté les circonstances
liturgiques qui y touchent de plus près, canon, épiclèse. Ce manuel n'est pas, cepen-
dant, de nature à faire oublier les bons ouvrages que nous possédons en français soit
sur l'Eucharistie, soit sur la Pénitence. Il a dû souvent être mis au point par les tra-
ducteurs, Decker, Ricard, Bonaccorsi.
Judaïca. — M. W. Brandt a réuni dans une monographie tout ce qui regarde les
ablutions religieuses des Juifs, y compris celles des sectes juives et aussi le baptême de
saint Jean-Baptiste (3). Chacun des sujets avait été traité, mais non l'ensemble, surtout
sous l'angle spécial où se place l'auteur. Après quelques mots sur les usages anté-
rieurs à l'exil, il analyse les prescriptions rituelles de la Loi, puis du rabbinisme,
pour en venir au baptême des prosélytes, dont l'origine lui paraît contemporaine du
baptême chrétien, sinon plus ancienne. Après avoir suivi cette évolution normale
au sein du judaïsme orthodoxe, M. Brandt aborde les baptêmes ayant une signifi-
cation particulière, ceux des Esséniens, de l'ermite Bannous, le maître de Josèphe.
de saint Jean-Baptiste, puis ceux de lasibyllejuive (liv. IV, l6o ss.), des ébionites. des
Elchéséens, et d'autres sectes secondaires. L'ouvrage se termine par une vingtaine
italienne parBoNAccuRsi, in-8", xi, '250 pp. Florence, I.iljreria Kditrice Fiurentina. l'JO'J.
(3) Die jûdischen BaiUmnen. nder das relisiose AVasclien und liaden im Judentum mit Ein-
scliluss des Judenchristentutns \i>n \villielm Bbasdi, iu-S» de iv-lW pp. « Beiliefte zur Zeitschrilt
lui- die altleslamenliclie ^vissenscllal't ', XVHI, C.iessen, Tiipelmann, loio.
BULLETIN. 613
de notes sur quelques points spéciaux qui n'avaient pu être élucidés dans la discus-
sion générale.
On sait assez que M. Brandt appartient à un groupe de critiques qu'on peut nom-
mer radicaux. Pour ce qui regarde l'Ancien Testament, il table purement et simple-
ment sur les résultats de la critique graûenne; quand il s'agit du i\. T., il n'accorde
qu'assez peu de crédit au témoignage des évangélistes.
La thèse vers laquelle tout converge, du moins lorsqu'il est question des sectes
juives, c'est qu'il a existéun baptême pour la rémission des péc liés, qui a été celui
de Jean, de la sibylle juive et des ébionites, que c'est là que la grande église a em-
prunté baptême chrétien; de plus, que les premiers chrétiens étaient les ébionites.
le
n'admettant que le sacrement de l'eau, et contre lesquels saint Jean polémise en insis-
tant sur le sacrement du sang. En laissant de côté ce dernier point de vue qui vient
un peu ex machina., la thèse de M. Brandt vaudrait uu peu mieux que celle qui
supposerait un emprunt du baptême aux rites païens. Mais il y a le moyen terme
traditionnel, que le baptême de Jean a préparé et en quelque manière inauguré le
baptême chrétien par le baptême du Christ. Le baptême chrétien eHace les péchés;
celui de Jean est donné en vue de la rémission des péchés.
Je suis bien persuadé avec M. Brandt que le baptême de la sibylle n'est pas le bap-
tême des prosélytes 1). Si ce n'est pas le baptême chrétien, c'est à tout le moins le
baptême de Jean. Mais il faut, en pareille matière, raisonner avec précision. Quand
on voit Josèphe rejeter le baptême qui remet les péchés, on peut juger que ce n'est
pas sans raison que la Sibylle distingue si nettement le baptême, la prière qui l'ac-
compagne pour demander à Dieu la rémission des péchés, et le pardon accordé par
Dieu. Il est possible que nous ayons là un commentaire et des plus intéressants—
— du baptême de Jean. Le baptême chrétien est un baptême dans l'Esprit qui sanc-
tifie par lui-même —
pourvu que le néophyte n'y mette pas obstacle. Quelle était
sur ce point la conviction des ébionites, c'est ce qui n'est pas assez clair pour auto-
riser M. Brandt à en faire les représentants autorisés du vrai christianisme, du
christianisme pré-paulinien. On
étonné que dans un ouvrage de cette
est aussi très
envergure, qui aborde le sujet par tant d'aspects, il ne soit rien dit des usages
religieux de l'eau chez les peuples de même race, Assyriens. Sabéens, etc. Et si
M. Brandt voulait se borner aux Juifs, comment n'a-t-il pas dit un mot du loyion
relatif à la pureté nécessaire pour pénétrer dans le Temple (2) ?
Comme palestiniens d'adoption nous ferions quelques réserves sur des points que
M. Brandt tient pour assurés. En dépit des apparences, les citernes ne laissent pas de
fournir toute l'eau suffisante pour faire de fréquentes ablutions, il faut cependant
soupçonner avec l'auteur que les rabbins, écrivant en l'air, ont exagéré leurs exigen-
ces en ce qui concerne l'eau « non puisée ». L'auteur imagine que les Orientaux ne se
baignent pas volontiers, que le bain du Jourdain en hiver pouvait être une vraie pé-
nitence, que ses eaux jaunes ne suggèrent pas l'idée de la propreté, etc. Mais le B.hône,
avec les boues glaciaires qui lui teinte grise, n'en est-il pas moins une eau
donnent sa
relativement très pure? Combien plus Jourdain qui, depuis sa sortie du lac de Ti-
le
bériade, coule dans le désert, loin des villes et de leurs immondices Même Ihiver, en !
janvier et eu février, rien de plus délicieux qu'un bain dans cette eau modérément
fraîche, et, quant aux goûts des Orientaux, il sulût de les avoir vus, aux moindres
bassins naturels formés par les sources, se dépouiller de leurs manteaux et faire sauter
leurs chemises pour barboter joyeusement.
Voici un petit livre fort utile, même après les ouvrages de Laible, de Sam. Krauss,
de Herford. M. Hermann L. Strack a groupé les témoignages a?iciens des Juifs sur
Jésus, les hérétiques et les chrétiens (1), soit d'après les auteurs chrétiens, grecs et latins,
soit d'après les textes juifs eux-mêmes, M<c/(«ff, Tosefta, les deux Talmuds et quelques
7nidrachim. Les textes juifs seuls sont traduits, mais tous sont annotés. L'auteur s'est
dispensé de les commenter longuement, mais ses notes sur les textes juifs sont très
nourries de renseignements. Ben Stada. assimilé à Jésus par l'opinion juive, qui a
même glosé les textes dans ce sens, ne serait pas originairement un surnom de Jésus
lui-même. Ben Panthera ne serait pas un sobriquet. Il est certain en effet que Pan-
thère était un nom propre usité; mais il est impossible d'admettre que les Juifs
aient eu quelque raison positive de l'attribuer à saint Joseph (2). Quoiqu'il en
soit du sens donné au mot, l'intention était blessante dès le début (3). M. Strack,
lorsqu'il renvoie (p. 21, note 1) au texte d'Eusèbe, oublie ce texte lui-même pour ne
songer qu'à l'explication émoUiente qu'il en a donnée d'après M. Zahn.
Les minim sont des hérétiques juifs avant et après le Christ, et des judéo-chrétiens.
Tandis qu'un paragraphe est consacré aux minim qui ne sont certainement pas chré-
tiens, il n'y en a point sur ceux qui sont chrétiens: à la place on trouve des contro-
verses sur l'unité de Dieu et sur le dimanche. Les textes juifs sont reproduits d'après
les premières éditions de Venise, mais de nombreux manuscrits ont été consultés et
fournissent des variantes. A la vérité cela ne nous permet pas de remonter aux éditions
antérieures à la censuYe que les chrétiens ont imposée ou que les Juifs ont exercée
eux-mêmes.
Le traité Sanhédrin de la Michna est un de ceux que les exégètes chrétiens consultent
le plus volontiers pour y chercher les règles de procédure usitées par les Juifs dans
les procès criminels. On a même dressé la liste des dérogations à ses propres usages
qu'aurait commises le Sanhédrin de Jérusalem en condamnant Jésus! Personne
n'ignore que ce droit était surtout théorique, conçu comme un idéal qu'on devrait
appliquer quand les circonstances le permettraient.
Néanmoins l'intérêt du traité demeure considérable. M. Strack l'a édité (4), en
s'aidant des meilleurs manuscrits, de façon à aboutir à un texte éclectique, traduit et
commenté ou plutôt glosé.
Aux onze chapitres du traité Sanhrdrin, il a joint les trois chapitres du traité Mak-
koih, ou des coups, c'est-à-dire des châtiments à infliger aux coupables. Un petit
lexique des mots qui ne sont point courants en hébreu facilite la lecture.
Cette publication, comme la précédente, émane de VInsiitutum ./wlaiciim de Berlin.
Voici un petit livre (5) qui sera très utile non seulement à ceux qui étudieront le
Talmud, ce mar^ magnum, mais encore à ceux qui cherchent à pénétrer les tournures
(1) Jésus (lieHàretiker und die Chris ten,iiaiC\i denaltesten jiidisclien Angaben, Texte Uebersetzung
und Eiiauterungeu von Prof. D. Dr. Hermann L. Strack, in-S" de 40-88* pp. Leipzig, Hinriclis, 1910.
(2) Strack, p. :2I*, note : • il est vraisemblable que Ji>seph, le jtère nourricier de Jésus, portait
ce surnom t.
(3) Le texte d'Origène résumant Celse n'est que trop clair. L'intention ('-tait non seulement d'at-
taquer la naissance légitime de Jésus, mais encore de mettre en doute sa nationalité, en le disant
fils d'un soldat (donc) romain.
(4) Sanliedrin-Makkoth Die misnatraktate ïiber Strafrecht und Gerichtsverfahren, nacli Hand-
scliriften und alten Drucken tierausgegeben iibersetzt und erlâutcrt von Prol. D. Dr. Hermann L.
Strack, in-S^de 56*-G0 pp. Leipzig, Hinrichs, lîHO.
(5) Lehrbuch der aramuischea Sprache des babylonisclien Tai/HMf/.s, Grammatik Ctirestomalliie
und Worterbucli von D"^ Max L. Marcolis, professor am Dropsie Collège, Philadelphia, Pa. in-lii
de xvi-99-184* pp. Miinchen, Beck, 1910.
BULLETIN. 61a
sémitiques voilées daus le grec du ]\. T. Sous un très mince volume, en supposant il
sianisme des paraboles. Après quoi M. Gry fixe la composition du livre ou du moins
de ses principaux documents au début du v
siècle av. J.-C. Le messianisme des pa-
raboles est ensuite comparé à la théologie juive contemporaine.
Dans le couraut de son ouvrage. M. Gry insiste avec beaucoup de force sur le ca-
ractère juif des paraboles. C'est après l'examen des passages où il paraissait le plus
naturel de reconnaître à tout le moins des interpolations chrétiennes (p. 137 s. qu'il
demande « qui garantit que Jésus et la première génération chrétienne n'ont pas
:
cru pouvoir adopter, parce qu'ils l'estimaient déjà révélée de Dieu, donc indiscu-
table, telle ou telle conception de l'Apocalyptique antérieure, n'ont pas cru pouvoir se
servir de formules, user de représentations, qui avaient leur exactitude, et qui
étaient habituelles dans le monde plus ou moins restreint des lecteurs d'Apoca-
lypses .3 » (p. 139).
Il semble bien qu'aujourd'hui, en écrivant son introduction, M. Gry serait plus
disposé à admettre des interpolations chrétiennes, et spécialement le titre de fils de
l'homme, sous la forme icalda 'egualu 'emmahcj'ur, qui reproduit servilement la
locution évangélique, à partir du chapitre 62. lui inspirerait à présent moins de con-
fiance. Mais il maintient qu'Hénoch n'a pas été oint Messie, mais seulement pré-
destiné (2).
Personne d'ailleurs ne sait mieux que l'auteur combien il est difficile de tirer des
conclusions fermes d'un ouvrage éthiopien, traduit du grec, le grec étant lui-même
(r Les paraboles d'Hénoch et leur messianisme, par Léon Gry, docteur en théologie et en
Écriture sainte, professeur à la Faculté de the<>l>'cie (l'An;;ers. in-H" de \v(-i89 pp. Paris, Picard.
1910.
[l Cl. Le Messianisme..., p. 8" ss.
616 REVUE BIBLIQUE.
On ne voit pas très bien à quel titre l'Apocalypse d'Escb'as (1) (IV Esdras) flgure
parmi les ouvrages édités par la Commission des Pères de l'Église de Berlin, mais
on ne peut que se féliciter d'un parti qui nous procurera une édition bien supérieure à
ce que nous possédions. L'édition de Bensly pour le latin ne laissait pas grand'chose
à désirer, mais le Messias Jmhicorum d'Hilgenfeld ne contenait qu'une traduction
arabe au lieu de deux qui sont maintenant connues.
M. Violet, chargé de cette difficile publication, n'en donne aujourd'hui que la pre-
mière partie. Il a placé sur six colonnes la traduction latine, la traduction alle-
mande du syriaque, de l'éthiopien, de la version arabe éditée par Ewald. de la ver-
sion arabe éditée par Gildemeister, et la traduction latine de la version arménienne
(traduction de Petermann dans Messias Judaeorum). De plus les fragments sahidi-
ques découverts par M. Leipoldt figurent à leur place, en traduction allemande
(13, 29-46), avec l'indication des mots grecs conservés en copte. Toutes ces ver-
sions, sauf peut-être l'arménienne, qui serait issue du syriaque, ne sont que des tra-
ductions du grec, traduit lui-même de l'hébreu. Dans un second volume, M. Violet
donnera, sans doute en traduction allemande, une restauration approximative du
texte primitif.Les notes du volume déjà publié ne sont relatives qu'au texte de
chaque version ne permettent pas de deviner quelle leçon adoptera l'éditeur. Il
et
indique cependant ses préférences pour le latin, selon l'opinion commune.
Les prolégomènes contiennent des détails sur chacune de ces versions.
Depuis Bensly, notre collaborateur D. Donatien de Bruyne a découvert à
Bruxelles un nouveau manuscrit latin complet, dont il est fait état, et des fragments
qui ne seront utilisés que dans le second volume. La tradition
en latine se divise
deux recensions, que M. Violet a parfois transcrites intégralement. L'éditeur actuel
ne partage pas l'opinion de Gunkel, que les deux versions arabes pourraient bien
représenter deux traductions grecques. La seconde version Gildemeister) est trop
infidèle pour qu'on attache de l'importance à ses écarts, et elle a la même grande
lacune que l'autre. Parmi les ouvrages qui ont pu s'inspirer de l'apocalypse d'Es-
dras, M. Violet range l'apocalypse syriaque de Baruch. C'est bien l'ordre qui avait
paru le meilleur au P. Lagrange, qui s'est prononcé très nettement dans ce sens
contre Schùrer(2), etc. Cependant, comme la question est très disputée, M. Violet ne
fera la preuve de son opinion que dans le second volume.
Enfin, il faut une innovation considérable. Toute l'ancienne partition
signaler
est mise de côté. Il n'y aura plus désormais de chapitres, mais sept visions divisées
en paragraphes, subdivisés en versets. L'ancienne partition est indiquée, de façon
que les recherches ne seront point gênées.
L'Apocalypse d'Esdras est d'ailleurs réduite à ce qu'elle était primitivement. Les
anciens chapitres 1-2. et 15-16, dénommés aujourdTiui V Esdras et VI Esdras, sont
complètement laissés de côté.
Parallèlement aux Documents pour servir à l'étude de la Bible, publiés sous la di-
rection de .M. François Martin, la maison Letouzey entreprend des Documents pour
servir à Vétudc des origines chrétiennes, sous la direction de MM. J. Bousquet et
(1) Die Esra-ApoUalypse (IV Esra) Ersler Teil tlie Ueberlieferuug... von Lie. Dr. Bruno Vioi.f.t.
Pfarrer an der Taborkirclie in Berlin, in-8" de i.xi\ i4r. pp. Leipzig, Hinrichs, 1910.
(3) Le Messianisme..., p. 10!i.
BL'LLETIX. 617
E. Amann. Il semble qu'il s'agit surtout ou du moins tout d'abord des Apocryphes,
de sorte que la nouvelle collection ne coïncide pas avec les Textes et documents pour
l'étude historique du christianisme, de MM. Hemmer et Lejay. Le premier volume,
édité par M. Amann, comprend le texte grec du Protnnngile de Jacques (1), d'a-
près le texte grec deTischendorf, l'évangile latin du Pseudo-Matthieu et \edeNativi-
tate Maris:, sans revision d'après les mss.. mais avec l'indication des variantes prin-
cipales. Tous ces textes sont traduits en français et commentés dans des notes assez
développées. Une introduction donne successivement l'analyse des textes, l'examen
des doctrines et l'histoire du livre. C'est naturellement le Protévangile qui tient
partout la place principale.
M. Amann estime qu'il date des environs de l'an 1.50 ou 180. Il ne dépend pas des
passages chrétiens de l'Ascension d'Isaïe, comme l'a pensé M. Tisserant, c'est plutôt
le contraire qui serait vrai. Le pseudo-Matthieu n'aurait pas été rédigé directement
d'après le Protévangile, mais serait plutôt une revision catholique, à la fin du \v siè-
cle, du Liber de infantia Salva loris et de Maria velobstetrice, combiné avec le Liber
de infantia Salvatoris et les Evangelia nomine Thomse quitus Manichnei utuntur, tous
trois proscrits par le décret de Gélase. Le Liber de nativitate Marix daterait du
temps de Charlemagne.
M. Amann a examiné avec un esprit critique très sûr et exprimé avec beaucoup de
tact les conclusions qui se sont dégagées peu à peu de l'étude du célèbre apocryphe.
Il a réduit à sa juste valeur son importance comme document historique; elle est
nulle si l'on excepte peut-être les noms des parents de Marie et la naissance de Jésus
dans une grotte, que l'auteur a pu connaître par tradition. Je ne vois pas que
M. x\mann ait exprimé son opinion sur le lieu d'origine de l'apocryphe. Je serais
étonné qu'il soit né en Egypte, surtout à cause de la retraite de Joachim au désert. Le
désert en Egypte n'est point le lieu où l'on mène paître les troupeaux. Il n'en est pas
de même dans montagne de Judée. M. Amann a cru devoir solliciter son texte en
la
écrivant « Le désert, ce n'est point une région aride, c'est la plaine herbeuse, où
:
l'on mène au loin paître les troupeaux » (p. 184 Ces plaines herbeuses n'existent.
celui-ci rendra les plus grands services en faisant connaître au public français l'état
des questions et en présentant des solutions très diligemment étudiées.
Ancien Testament. — Chaque année voit éclore un certain nombre d'études sur
le Pentateuque, les unes destinées à synthétiser les résultats de la critique, les autres à
modifier ou même à contredire ces résultats. A la dernière catégorie appartiennent les
« essais » que vient de publier M. Harold M. Wiener (1). C'est la réunion en volume
d'une série d'articles parus dans la Bibliothcca Sacra et qui. paraît-il, ont eu un
certain retentissement. M. "Wiener s'étonne que M. Driver n'y fasse point allusion
dans ses additions et corrections à la septième édition de son Book of Genesis. La
méthode de l'auteur consiste —
on nous passera l'expression à « pousser des —
colles » aux critiques et à montrer que leurs théories ne rendent pas compte de tous
les faits. Un chapitre s'attaque au due de l'hypothèse documentaire, c'est-à-dire à
la distinction des noms divins, distinction qui a servi de
point de départ à Astruc
pour échafauder son système. Selon M. Wiener, il faut souvent corriger le texte
massorétique par les Septante pour aboutir à un texte dans lequel disparait cette
distinction. 11 donne (pp. 24 et 25) les critériums qui l'ont guidé dans cet usage des
Septante et en particulier de la recension he\a plaire. Selon lui (critérium 4), c là
où Lucien seul a « Dieu
pour l'hébreu « Seigneur », ou « Seigneur » pour l'hébreu
»
« Dieu », son texte représente une vai-iante hébraïque originale, quoique non pas
nécessairement le texte original des Septante ». Les critiques répondront que l'hé-
breu, suivi par Lucien //; rasu, a simplement harmonisé et qu'il faut adopter la leçon
divergente, car on change pour harmoniser et non certes pour obtenir une leçon
différente. La distinction des documents s'appuie sur des divergences concomitantes.,
c'est-à-dire que l'usage de tel nom divin doit coïncider avec d'autres particularités
du style et du point de vue. Au lieu de créer une harmonie factice, les Septante
contribuent, plus souvent que ne le pense M. AViener, à rendre visibles les différences
entre les narrations parallèles. C'est ainsi pour sortir du Pentateuque —
que nous —
pouvions écrire (2). au sujet de l'emploi des mots Élohim et lahvé dans les livres de
Samuel « Extrêmement instructive à cet égard nous a paru l'étude de / Sam.
:
monde I
voit deux narrations dans l'histoire de Moise et il se sert (comme tout le
monde) de la divergence entre les noms du beau-père de .Moïse pour séparer les deux
sources, l'une disant « Jéthro » et l'autre « le prêtre de Madian ». Dans Ex. m, 1,
;i) Essays in pentateuchal crilicism. by Haruld M. Wif.xf.i; M. . A. LI.. B. of Lincoln's inn, Bar-
rister at-law. London, Stock. litlO. m-S» de xiv-239 pp.
[i) Les livres de Samuel p. 7 ,
BULLETIN. 1. 19
la recension de Luciea omet « Jéthro », car elle u"i-nore pas que jusqu'ici (£a. u.
18 le prêtre de Madian s'est appelé Re'ouël. Précisément on prend les Septante en
flagrant délit d'harmonisation à propos de ce nom du beau-père de Moïse, dans
./«'/. I. 16, où G (B) a mis loôop au lieu de Iojôa6 et IwaS (qui supposent ~~ de
yum. X, 29 et Juif, iv . 11 . autre nom du hotlifri pour ne pas dire « beau-père »]
plus modérée. Les deux critiques ont leurs droits acquis et leurs méthodes, il faut
les faire marcher de pair au lieu de les opposer et ne pas oublier qu'elles ne sont
que les auxiliaires de la critique historique dont elles fournissent les matériaux.
qu'on voudrait le croire. Un premier récit comprend les onze chapitres du début de
l'Exode. Dans ce récit sont intercalées des narrations sur les miracles en Egypte et
à ces le chapitre xii. Ce chapitre xii ignorait la relation
narrations se rattache
que Pàque avait avec l'exode. Après l'exil on introduit ditférents chapitres dans
la
la narration du Sinaï, entre autres le contenu des tables delà loi. Plus tard on ajoute
de différente manière rattachées par les liistoriens de l'époque royale, aux tra di-
tions populaires recueillies par eux Le radicalisme de M. Eerdnaans lui fait oublier
».
que l'épisode du Sinai ne se comprend pas si l'on fait abstraction d'une révélati on
législative II admet, d'ailleurs, que la littérature pré-exilienne a connu différentes
traditions concernant la législation de l'époque mosaïque. Pourquoi l'une de ces tra-
ditions n'aurait-elle pas combiné la législation avec la révélation sinaïtique? L'hypo-
thèse des sources cherche à rattacher entre elles les différentes narrations qui se juxta-
posent dans l'Exode. "Vf. Eerdmans prend plaisir à les morceler et il se laisse faci-
lement tromper par la distinction arbitraire qui sépare l'un de l'autre les cinq livres
du Pentateuque. Il eût dû, puisqu'il ne donne pas un commentaire, traiter le Lévi-
Nombres en même temps que l'Exode. Peut-être se serait-il vu forcé
tique et les
de mettre un terme au grand nombre de couches dont il admet la superposition
dans ces livres. Il semble invraisemblable que le rédacteur final ait pris plaisir à intro-
duire dans la narration qu'il transmet des morceaux choisis à droite et à gauche dans
une foule d'autres narrations. Son souci a été bien plutôt de sauvegarder, aussi
complètement que possible, les différents récits qu'il avait sous la main en les enga-
geant dans la trame de sa narration et de les ramener ainsi à une apparente unité.
pero écrivait en 1899 Les Orientaux ne se firent jamais faute d'affirmer que tel
: «
ou tel ouvrage pour lequel ils professaient une estime particulière avait été rencon-
tré dans le temple d'un dieu les prêtres égyptiens s'imaginaient, nous le savons,
:
devoir à une révélation de ce genre les chapitres les plus efficaces de leur Livre des
Morts et les traités les plus importants de leur littérature scientifique ,1). C'est à
insister sur ce rapprochement entre le texte de // Rei}.. 22 s. et la coutume
égyptienne que M. >'aville a consacré tout un mémoire qui fut lu à l'Académie des
Inscriptions et Belles-Lettres et suscita plus dune discussion. Ce travail vient de pa-
raître dans le t. XXXVIII iS*^ partie) des Mémoires de l'Académie (2). L'auteur est
d'avis que l'influence de l'Egypte sur la Palestine, influence attestée par les fouilles
s'agit d'interpréter les récits bibliques. L'archéologie égyptienne pourrait bien révo-
lutionner les conclusions de la critique. « Nous avons à cet égard un précédent fort
instructif : la question homérique, qui a changé de face depuis Schliemann, et qui, à
la suite des fouilles toutes récentes, va peut-être subir encore de grandes transfor-
mations. » Pour le moment. M. Xaville entreprend d'expliquer l'histoire de la décou-
verte de la Loi sous Josias. Un chapitre du « Livre des Morts » des Égyptiens porte
la rubrique suivante : «Ce chapitre fut trouvé àKhmoun (Hermopolis; sur une brique
d'albâtre, sous les pieds de la Majesté de ce dieu vénérable (Thoth de l'écriture du
dieu lui-même, au temps de la Majesté du roi de la Haute et de la Basse Egypte,
Mycérinus. Le fils royal Hordudef le trouva quand il voyageait pour inspecter les
temples de l'Egypte (3). » Une autre rubrique, plus intéressante encore, est la sui-
vante Ce chapitre fut trouvé dans les fondations d'Ami Hounnou par le chef des
: «
constructeurs d'un mur, du temps du roi Ousaphaïs; c'étaient des figures mysté-
rieuses que personne n'avait vues ou considérées. » M. Naville cite. encore des textes
de Dendérab. qui datent de l'époque ptolémaïque et qui mentionnent la trouvaille,
dans un mur du temple, dune peau de chèvre sur laquelle était écrite, en carac- •
prétation égyptienne d'un texte hi/jlique. Après avoir résolu de la sorte le problème
que soulève la découverte du Deutéronome sous Josias, M. Xaville réfute les bypo-
thèses des critiques et défend* sa propre théorie contre les attaques qui lui ont été
adressées. La principale objection est le fait que, dans le long récit de la construction
et de la dédicace du temple par Salomon, il n'est pas fait la moindre allusion à un
dépôt quelconque d'une copie de la loi dans les fondations ou dans les murailles.
Comment supposer, en outre, que le monarque ait codifié des lois antérieures (c'est
l'opinion de M. .\aville sur l'origine première du Deutéronome! de façon à ce que les
lois fussent enfouies à jamais et que Josias put s'écrier en toute vérité : <( JNos pères
n'ont point obéi aux paroles de ce livre et n'ont point mis en pratique tout ce qui v
est prescrit » ? Poussant plus loin encore son interprétation égyptienne du texte bi-
blique, l'auteur insiste sur le fait que, dans le récit des Chroniques, on déclare qu'il
s'agit « du livre de la loi de lah\é ixir la main de Moise. » Tout le monde sait que
l'expression r;*w*2 Vl à la suite de la Torah de lahvé signifie « par l'intermédiaire
de Moïse ». M. .Xaville reprenant une interprétation assez discréditée voudrait, dans
Je passage en question, lui faire signifier Httéralenient « par la main de Moïse »,
c'est-à-dire « comme l'aurait écrit Moïse « ou « comme l'on écrivait de son temps ».
D'où une longue dissertation pour savoir comment on écrivait et du temps de Moïse
la conclusion « ]Nous croyons que Moïse a écrit en babylonien cunéiforme ceux des
:
livres qui lui sont attribués et dont il peut être l'auteur. » Dans son exposé, M. >'a-
ville confond, quoiqu'il proteste là-contre, la langue parlée et la langue écrite. Ainsi,
à propos des lettres d'El-Amarna, il ne voit dans les gloses cananéennes qui y sont
intercalées qu' une langue populaire parlée qui différait eu quelque mesure de la
«
précédente: mais n'est-ce pas le cas dans tous les pays du monde? » Tous les assv-
riologues répondront que, loin d'être une déformation du babylonien, ces gloses
sont des mots cananéens du meilleur type, dont la vocalisation et la structure cor-
respondent à l'ancien hébreu. Même la syntaxe du babylonien de ces lettres est con-
taminée par la syntaxe cananéenne. M. Bôhl qui a consacré un très beau travail aux
lettres d'El-Amarna d'après l'édition de Knudtzon (1), pouvait écrire {2) : « L'assy-
rien de nos lettres n'est souvent qu'une mince enveloppe, qui dissimule la* langue
maternelle des correspondants. Que si nous enlevons celte enveloppe, nous rencon-
trons le langage de ceux qui habitaient la terre Promise avant les Israélites, le lan-
gage que parla Israël quand il fut introduit dans la terre de la promesse. » M. >'a-
ville a tort également de rejeter l'argument tiré des noms propres du Pentateuque
pour prouver l'existence d'une langue cananéenne même avant Moïse. On n'explique
pas toute une onomastique en disant « Les noms cananéens sont de l'hébreu pur
:
parce qu'ils ont été transcrits en hébreu. Un nom propre passant dans une langue
étrangère, surtout dans le langage populaire, reçoit une forme qui le rend aussi sem-
blable que possible à la langue nouvelle dans laquelle il sera cité. » Comme s'il tenait
une gageure, l'auteur ne craint pas d'écrire à propos du cantique de Débora :
mourabi, des tablettes de Tell el-Araarna, des correspondances entre les Amorrhéens
et IcsHéthéens, à nous enseigner ce qui dans le Pentateuque, par exemple, est une
traduction d'un vieux document cunéiforme, ou ce *qui est une addition due à la
plume dun rédacteur écrivant en hébreu. » L'autorité de M. Sayce, l'un des plus
aventureux parmi les assyriologues, ne fait que rendre la thèse plus suspecte.
M. IXaviile reconnaît d'ailleurs lui-même que sa conclusion est « peut-être un peu
téméraire ». Pour en revenir à la découverte du Deutéronome, il déclare que le
livre trouvé était rédigé en cunéiformes. Le grand prêtre, Helcias, ne sait pas le ba-
bylonien, et voilà pourquoi c'est le secrétaire, Saphan. qui le lit devant le roi! Ce qu'il
y a de plus curieux, c'est que Helcias, qui ne sait pas lire, dit lui-même au secrétaire:
« J'ai trouvé le livre dans la maison de lahvé! » Jf Rey., 22, 8}. D'autre
de la loi
part, Josias réunit tout le peuple pour lui donner connaissance de la loi. « Or, puis-
qu'il voulait en faire une lecture publique, avant de procéder à la grande réforme
qui devait résulter de la trouvaille, force était bien de mettre le livre dans le lan-
gage du temps, que tout le monde pouvait comprendre; ce langage, c'est celui du
prophète d'alors, de Jérémie. Ainsi donc, pendant que le prêtre Helcias et l'assy-
riologue Saphan se rendent auprès de Houlda la prophétesse, un traducteur des
plus habiles a eu le temps de prendre le livre (il faudrait dire la collection de tablet-
tes) cunéiforme et de le mettre en style de Jérémie. M. ^Naville ne se doute pas de la
difficulté qu'il y avait, même pour un Israélite, à traduire ainsi un certain nombre de
chapitres rédigés en babylonien. Il oublie que, dès le temps d'Ézéchias, la langue des
lettrés d'Israël, celle qu'ils emploient pour se faire entendre des Assyriens sans être
compris du vulgaire, c'est l'araméen [Il Reij.. 18, 26 . L'assyriologue Saphan ne
se serait attardé jusque sous Josias que pour les besoins de la cause, et rien dans le
récit biblique n'autorise à admettre qu'on eût eu besoin d'un traducteur pour lire le
Deutéronome. Si Saphan le lit, c'est simplement parce qu'il est ^.zb. c'est-à-dire
égyptiens pourraient bien être interprétés comme le fait M. Maspero, d'une simple
fiction sacerdotale.
[P. D]
(1) Ezrn slitdies, by Chaules C. ïup.uey, Professor olseniilic languases in Vale university. Cliicago,
Tlie University ot Chicago press, 10.
BULLtriN. 623
raère les services qu'il a rendus à la science deTAncien Testament par ses études
sur ce Premier Esdras '>. Son triomphe est d'avoir établi définitivement
« il le —
croit ainsi —
que ce livre n'est pas un apocryphe, mais l'ancienne version grecque
d'un ouvrage comprenant les Chroniques, Esdras et Néhémie. C'est la thèse de
M. Howorth, à qui le volume est dédié. Les critiques l'ont considérée à peu près
unanimement comme un paradoxe. Avec une précision qui semblera d'une hardiesse
trop ingénue, M. ïorrey dresse l'arbre généalogique du « Premier Esdras « et des
deux livres canoniques « Esdras et Néhémie ». Comme tcrminns; a qim il prend l'an
2ô0 avant Jésus-Christ, comme tmiiiiuix ad qucm le début du second siècle d<: noirr
t'-rc pour l'Esdras et le Néhémie canoniques, la première moitié du second siècle '/"/,//
notre èrr pour le « Premier Esdras ». L'histoire des trois jeunes gardes du corps
(III Esdr., iii-ivj avait été intercalée dans l'histoire du chroniqueur, puis retranchée
par ce que M. ïorrey appelle l'édition A. c'est-à-dire Esdras-Néhémie. Elle resta
dans ce que M. Torrey appelle l'édition B, c'est-à-dire celle dont nous possédons la
traduction grecque dans l'apocryphe « Premier Esdras ». Il est plaisant de voir se
dérouler les vicissitudes de l'original hébreu-araméen. Les causes accidentelles ou
volontaires sont mises en jeu pour que d'un noyau commun on aboutisse aux deux
recensions actuelles. L'histoire des gardes du corps, écrite en araméen, est inter-
calée dans le texte du chroniqueur, puis retranchée par l'édition A (sous l'influence
des rabbins juifs) et conservée dans lëdition B. Ceux qui liront le ciiapitre dans
lequel l'auteur cherche à prouver que l'histoire des trois gardes a été écrite en ara-
méen constateront que les arguments se réduisent à très peu de chose. Telle parti-
cularité minime s'explique tout aussi bien si le texte n'est que le récit en grec
d'une haijijadah quelconque. Puisque M. Torrey considère le récit comme inter-
polé, pourquoi ne pas conclure que le « Premier Esdras » est une compilation.^ Ainsi
ont généralement conclu les exégètes qui ont mis en parallèle l'apocryphe et les livres
canoniques. La thèse de M. Torrey eût été viable s'il avait considéré l'épisode des
gardes du corps, qui est la seule partie spéciale au « Premier Esdras », comme for-
mant un tout avec le reste de la narration. Les autres éléments se retrouvant dans
les Chroniques, dans Esdras et dans Néhémie, il est facile de voir que l'unité du
« Premier Esdras » est factice. Les preuves apportées pour insinuer que l'Esdras ca-
nonique a dû retrancher l'histoire des gardes du corps ne sont rien moins que con-
vaincantes.M. Torrey prétend que cette histoire ne s'accorde pas avec le contexte.
Rien n'était plus aisé, puisqu'il y a eu interpolation (et M. Torrey signale les addi-
tions faites par l'interpolateur), de faire celte adaptation. A tout prendre, les argu-
ments de M. Torrey sont plus spécieux que solides. Ses notes critiques sur le texte
du « Premier Esdras » sont bien plus appréciables. Quant au chapitre sur l'exil et la
restauration, on y reconnaît l'esprit paradoxal de M. Torrey. 11 débute par celte dé-
claration de principe : " L'exil babylonien des Hébreux de Judée, qui fut en réalité
une petite affaire, et relativement insignifiante, a été, en partie par erreur et en partie
sous l'intluence d'une théorie, appelé à jouer un rôle très important dans l'histoire
de l'Ancien Testament. » L'école conservatrice, qui s'attache à l'historicité du récit
biblique, aussi bien que la haute critique, qui fait de la restauration post-exilienne le
point de départ d'une grande activité littéraire, sont successivement prises à parti.
624 REVUE BIBLIQUE.
mun aux trois oracles est d'être proférés contre Édom. Chaque portion est traitée à
part avec beaucoup de pénétration. Les conclusions littéraires sont cependant sujettes
à caution. Nous renvoyons pour le détail à l'étude de notre collaborateur Van Hoo-
nacker, dans Les douze petits pro])hétes. On s'étonne de ne pas voir figurer cet ou-
vrage dans la bibliographie, par ailleurs assez copieuse, de M. Peckham.
Dans Tlie international critical commentan/, les livres des Chroniques viennent
d'être commentés par M. Curtis, aidé de M. Madsen (2). On connaît le plan de la
collection. Un premier texte, en caractères ordinaires, fournit l'exégèse du passage
biblique, puis un second texte, en caractères plus petits, fournit les notes d'ordre
purement technique. Il y aurait des réserves à faire sur cette disposition qui oblige
le plus souvent à faire la navette entre les deux séries de remarques, le verset étant
parfois commenté dans le gros texte et non dans le petit, ou vice versa. Le tra-
vail de MM. Curtis et Madsen est un modèle de concision. D'aucuns trouveront cette
concision exagérée, car le plus souvent les auteurs s'abstiennent de toute discussion.
Ils citent les diverses opinions, en se contentant d'une référence bibliographique,
sans indiquer en détail le pour et le contre. De la sorte, le lecteur sera le plus
souvent contraint de rechercher, dans les ouvrages cités, la discussion sur le sujet.
Au lieu d'être un commentaire proprement dit, le livre de MxM. Curtis et Madsen de-
vient plutôt un aide-mémoire qui facilite l'accès des commentaires plus complets et
des traités spéciaux sur les divers points d'érudition historique ou philologique. L'in-
troduction est phis détaillée. Le paragraphe consacré aux particularités de la diction,
dans les Chroniques, Esdras et >~éhémie, contient une Uste de 116 termes employés
spécialement par le chroniqueur, ainsi que d'un certain nombre des tournures gram-
maticales usitées de préférence dans ces ouvrages. On complétera ce catalogue par les
études plus approfondies de M. Kropatsurle même sujet (3). Les conclusions relatives
à la composition des Chroniques et au caractère tendancieux de l'histoire qu'elles con-
tiennent, sont celles communément admises par
les critiques. « Par ces écrits le passé
(1} An introduction ta Ihe study of Obadiah, by George A. Pkckiiam, in-8" de 2' pp. Chicago,
1910.
(-2) A critical and e.vegetical commentary on The Bocks of Chronicles, by Edwaud Lewis Cit.tis,
and Aluert ALONZd Madsen. In-8" de xxii-o3'» pp. Edinbiirj;h, Clark, 1010.
1,3) Cf. RB., VMO, p. ni.
BULLETIN. C2S
Les auteurs y déterniinent avec précision la part plus ou moins grande de probabilité
qui revient aux diverses théories concernant la nature de ces sources. Pas plus que
dans le commentaire, ils ne cherchent à formuler un système nouveau.
des vautours », aujourd'hui au Louvre, est une sorte de borne-limite entre les terri-
toires de Lagas et d'Ourama (dans le pays sumérien de la Basse-Chaldée), dont le
relief et le texte sont dus à E-an-na-lùin, petit-Gls du plus ancien monarque de Lagas
dont nous possédions les monuments, Ur-JSinà (2). M. Heuzey avait déjà consacré
plusieurs ouvrages à l'étude archéologique de la M. Thureau-Dangin avait
stèle.
donné la traduction du texte dans l'édition française et allemande de sou Corpus, Lex
i)}f:criptions de Sumer et d'Akkad. L'acquisition parle Bfitish Muséum d'un morcean
delà stèle, dérobé aux fouilles françaises de Tello, a permis à M. Heuzey de faire une
restitution complète du monument. On éprouve un certain malaise à lire les pourpar-
lers engagés entre le musée du Louvre et celui de Londres, les échanges proposés par
M. Heuzey sans résultat. Le fragment restera à Londres, où il ne signifie rien, tandis
que le Louvre se contentera d'un moulage pour le raccord de ce fragment avec le
reste de la stèle. Grâce à ce moulage, M. Heuzey a pu donner une héliogravure de
la stèle restaurée. Son étude archéologique sur l'art des Sumériens et des Sémites est
conduite avec le soin auquel il nous a accoutumés de longue date. Ses conclusions
sont marquées au coin d'une réserve vraiment scientifique « Il faut en prendre son :
parti la question des races dans l'ancienne Chaldée reste surtout une question de
:
tie historique relate les combats et le traité entre le souverain de Laga.^ et celui
M. l'abbé Fr. Martin, qui avaitdéjà consacré quelques études aux lettres ass) liennes,
(Il Restitulidti tnalériclle de la sli'lodea Vaulours : Uestitution arcJirohiijique par Lion Hii/kv.
membre de rinsliUit, diiecteiir hunoraire des musées nationau\; Restitution épiyrap/iique pSiV
y. Tm -DAN(;iN,eiinservateiir adjoint des musées nationaux (antiquités orientales;, (jrand in-l"
iiF.Ai
être ce « nouveau travail » eût-il pu tenir dans une recension détaillée et M. Martin
eût fait une œuvre plus originale, enétudiantnoa seulement les lettres du tome XXII,
mais encore celles qui sont éparses dans les divers tomes des Cuneiform te.Lls... et qui
appartiennent aussi à l'époque néo-babylonienne. Les assyriologues liront avec inté-
rêt les trois pages de l'introduction consacrées à la langue et ils utiliseront le lexique
dressé avec le plus grand soin par l'auteur. L'étude des formules épistolaires, surtout
des invocations du début, est un secours précieux pour la connaissance du sentiment
religieux : « A regarder de près ces invocations, on en dégage des indications intéres-
santes sur les goiUs. les préférences et les conceptions populaires en matière reli-
gieuse. Les termes de politesse usités entre correspondants sont ramenés à leur
))
signification exacte par M. Martin. Ainsi « Frà-t; est l'équivalent de collègue ou d'ami»,
le mot Maître ou Seigneur dans la formule « mon maître » est souvent un simple
équivalent de Monsieur, tandis que « Père est le titre réservé aux supérieurs par l'âge
ou le rang ». Quant au contenu, l'intérêt des lettres dilïère beaucoup d'un numéro à
l'autre. Le n» 1 contient un ordre du roi- ^probablement Asourbanipal; pour qu'on
lui envoie des tablettes religieuses et magiques. Ces tablettes se trouvent chez des
prêtres de Borsippa. Les [amdii) U7nmânu çiue xM^Màrlin appelle les « artistes » sont
une catégorie de prêtres, « les Sages », qui exerçaient des fonctions dans la liturgie
sacrée. A part cette lettre royale, la plupart des missives sont « des lettres de fonc-
tionnaires, relatives surtout à l'administration du temple du dieu Samas, à Sippar,
et de ses biens La psychologie qui se dégage de leurs préoccupations et de leurs
j>.
formules n'est pas à l'honneur du sacerdoce. « Le grand prêtre de Sippar fait assez
piètre ligure dans la correspondance qu'il a fait collectionner avec tant de soin ». Ce
n'est pas ici le lieu de critiquer l'interprétation philologique des textes. Xous nous
contenterons de renvoyer au travail de Landersdorfer dans Orientali^tische Litcrn-
turzeitung, 1910, n° 6, col. 2G0 ss. M. Martin a le souci de l'exactitude et de la pré-
cision. Sesnotes sont concises et ne portent que sur les points qui olTrent des aperçus
nouveaux. Il suppose chez son lecteur la connaissance des travaux déjà parus sur la
matière et n'encombre pas son exposé d'une bibliographie trop souvent inutile.
textes antérieurs à la première dynastie babylonienne (vers 2200 av. J.-C). C'est à
la seconde catégorie qu'appartiennent les hymnes publiés par M. Radau. Ces hymnes,
rédigés en sumérien sans traduction sémitique, sont d'une interprétation très diffi-
M. Radau a apporté
cile. à ce travail un soin et une érudition qui lui font le plus
grand honneur.
Il faut lire la traduction de l'hymne jubilaire qu'on chantjit à Nippour, vers 2400
av. J.-C, à l'occasion de la fête du nouvel an où avait lieu le mariage entre Istar et
ïammouz :
^T^ -— -.
Je veu.v sanctifier le sanctuairede la Sainte, je veux lui chanter les cantiques de louange;
JJe crème, de dattes, de lait, de pâtisserie et de sept poissons.
Je veux emplir la table, « Héraut du pays ».
Je répandrai pour elle le vin noir,
Je répandrai pour elle le vin blanc,
Le vin noir et la bière ! etc..
Les autres hymnes aux divers dieux de Nippour, surtout à Enlii, ne sont pas moins
intéressants. M. Radau fait venir l'eau à la bouche dis assyriologues, quand il an-
nonce, pour paraître prochainement, trois volumes de textes (série A de la Babylo-
nian expédition de l'université de Pennsylvania) contenant les hymnes et prières à
Enlil, à >'inib, à Tammouz. La primeur de ces textes nous est déjà fournie par le
même auteur, dans sa brochure Ninib the déterminer of fates (2). Il y traite une série
de tablettes qui faisaient partie de la grande épopée consacrée aux exploits du dieu
-Ninib, le dieu sumérien par excellence. Chaque portion de l'épopée est mise sous le
patronage d'une pierre précieuse qui sert au dieu pour la fixation du destin. Le plan
du morceau est simple. Ninib s'approche de la pierre, dont on donne le nom. Il l'in-
terpelle, donne les raisons pour lesquelles elle doit représenter tel destin, puis fixe le
destin. Malheureusement on ne peut identifier toutes les pierres qui sont simplement
rendues idéographiquement. Mais il y aurait lieu de mettre en parallèle cette façon
de déterminer les destins avec les ourim et les toummim des Hébreux. Un certain
nombre des passages étudiés par M. Radau avaient été recopiés pour la bibliothèque
d'Asourbanipal à Ninive. Ces copies, étudiées et en partie éditées par M. Hrozny (1)
eu 1903, ont facilité l'iiilerprétation des textes de Nippour. On ne sait qu'admirer le
...el la famille...
...et...
On voit que le passage fait allusion aux préparatifs du déluge. Il est parallèle au
Imlogue entre Èa et Xisouthros [-1) et aux 11. l'ii ss. du grand récit du déluge, conservé
dans la bibliothèque de ISinive (-5). Comme l'a reconnu M. Hilprecht, il existait au
moins quatre versions babyloniennes du déluge. Un fragment de l'une d'entre elles (6},
publié jadis par le P. Scheil, est daté de l'époque d'Ammi-Zadouga (vers 1900 av.
J.-C). jM. Hilprecht qui revendique, d'après des considérations épigraphiques, une
plus haute antiquité pour le fragment de Xippour, est d'avis que cette recension a
pu être connue d'Abraham et être apportée par lui en Canaan. Il va plus loin encore,
et déclare que le récit de P, dans la Genèse, puise à la source la plus ancienne. Il se
fonde sur ce fait que le mot "ji^ caractéristique de P, se trouve dans le fragment de
iNippour. La ligne en question estainsi conçue -....ku-itm mini, d'où
M. Hilprecht tire :
gniûe pas « genre, espèce », mais équivaut à l'assyrien minii « nombre ». Si le mot
ji^ n'apparaissait que dans le récit du déluge, on pourrait admettre l'explication
proposée. Dans le récit de la création {Gen., \), le mot semble bien ne pouvoir s'inter-
préter autrement que par « genre, espèce »; de même dans ï)eut., xrv, 13, 15. En
(1)Sumerixclt-ljdbylonisclie Mytlicn von dem Gotic Xtnrag (Ninib) dans MDVG., litO,'}, îi.
(i)The earl l'est ccrsiûn of the babylonian déluge slonj and the temple library of Xippur, by
H. V. HiLFRF.cHT. Iu-8" de X -f- tj.j pp. -\-i pi. Fasc. 1, vol. v de la série D, dans The babylonian
expédition de l'unlversilé de Pemisylvania. Hliiladeli)liie, 1!»10.
^3) >ous ii'adinelt'ins pas l'interiirclatioii decette ligne. Cf. iulra.
[ij Dans nolie CItoix de le.ites..., p. l:>o s.
(.o, Ibid.,\K\0:is.
fi, ibid., 11. 1-20 ss.
BULLETIN. 620
commande à son protégé de côtnpter-les animaux qi» entrent dans l'arche. Les syMa-
bes liu-um « vers toi » appartiendraient à un verbe « qui viendront vers toi ou plu- :
Noé babylonien comptera les animaux, de même que, dans Gen.. vi, 19, lahvé or-
donne au Noé biblique de ne prendre que deux animaux de chaque espèce. Pour in-
téressant qu'il soit, le fragment du déluge n'est pas la partie qui aura le plus d'attrait
pour les assyriologues dans la publication de M. Hiiprecht. L'autre tablette akka-
dienne (sémitique), qu'il étudie dans le mtme ouvrage et qui date de l'époque de
Sargon d'Agadé (vers 3000 av.J.-C.;, fournit de précieux renseignements sur les vicis-
[P. D.]
procédé par lequel les Egyptiens ont rendu les mots étrangers. A ce point de vue l'étude
de M. Max Burchardt (->) sur les mots cananéens dans la langue hiéroglyphique
sera appréciée des égyptologues. Les orientalistes et les biblistes seront très heu-
reux d'avoir sous la main un lexique
complet que possible, dans l'état ac- aussi
tuel de la science, des termes de l'ancien idiome cananéen (y compris les noms
propres) qui nous ont été conservés dans les documents égyptiens. C'est la mise au
point de l'ouvrage de Bondi qui, paru il y a plus de vingt ans, avait besoin d'être
( I ; Remarquer <(ue,dans le récit du déluge, on trouve ùi-ni et bi-nu comme impératifs debanû
« construire » cf. notre Choix de textes..., p. 10-2, 1.-24 .
M. Bonaccorsi croit « avoir fait une bonne chose en traduisant en italien la >
est aisé de s'apercevoir, en effet, qu'elle est plutôt une causerie à propos de la
domaine de la langue alexandrine. Il faut reconnaître, en vérité, que cet ouvrage est
capable d'initier les étudiants à certauies particularités du grec néo-testamentaire et
d'éveiller leur attention sur des cas qui dérouteraient un esprit habitué à la seule
langue classique. Mais pourquoi tant de sanscrit dans une grammaire visant à. être
succincte? Pourquoi remonter à des principes de langues comparées que les manuels
perfectionnés de grec classique n'abordent même pas? Fruits d'un défaut de mé-
thode, ces digressions sont d'autant plus regrettables qu'elles se font aux dépens
d'une comparaison dont l'auteur a certainement compris l'importance, comme il le
déclare, mais dont il n'a pas assez tiré parti : nous voulons dire la comparaison qui
a pour termes le grec néo testamentaire, la langue des papyrus et le grec moderne.
LTne série plus développée de rapprochements entre ces divers états du parler
hellénique aurait avantageusement remplacé tel aperçu sur l'anglo-saxon, le gothique
et le zend. Robertson sait très bien aussi que le grec de la 7.ovn\ a des racines quel-
quefois assez profondes pour atteindre les couches des anciens dialectes. Homère est
souvent mis à contribution. C'est bien, mais Hérodote n'est pas à négliger pour
autant. Une constatation intéressante, par exemple, est la coïncidence d'Hérodote
et du Nouveau Testament pour l'omission de l'augment syllabique dans des verbes
qui primitivement commençaient par un F (à>9sto, wv£0|j.ai). Aussi devons-nous louer
l'édition italienne de s'être enrichie de quelques notes destinées à combler les lacunes
de l'original. Nous eussions préféré, cependant, que M. Bonaccorsi fût sorti plus
souvent de son rôle de traducteur pour remplir carrément celui d'auteur.
(I) Robertson e Bosaccorsi, Brève grammatica del Nuovo Testamento greco. Florence. Libreria
éditrice Fioreiitiua, liHO.
BULLETIN. 631
Galilée moyenne, par W. Christie dans ZDPV., XXIV, 1901, p. 69 ss., et aussi le
« Praktiscbes Handbucb der neu-arabischen Sprache » de A. Wabrmund qui, pour
n'être pas spécialement consacré au dialecte palestinien, ne reste pas moins le manuel
classique de ces études (2). M. Bauer donne son travail comme étant le résultat de
ses propres observations. Il traitede deux dialectes de celui de Jérusalem: celui —
de la classe moyenne de la population — et de celui des paysans ou fellahs qui
habitent aux environs de la Vaille Sainte; il fait en passant quelques remarques sur
le langage des Bédouins. Le plan d'une pareille étude est tracé d'avance : on donne
les lois qui régissent la phonétique, la morphologie et la sjntaxe. Et hàtons-nous de
dire que le cadre a été rempli par l'auteur avec beaucoup de précision. Les remar-
ques sur la valeur des consonnes sont justes, et exprimées d'une façon très nette-, on
trouvera peut-être qu'il y a une tendance à exagérer la prononciation ts du simple
kaf. Les observations sur la prononciation forte et atténuée des voyelles dénotent
aussi une grande sagacité; on se gardera cependant d'accepter à l'aveugle toutes les
transcriptions: par exemple, on croira difficilement que les Bédouins disent ti'ib au
lieu du courant et normal té'éb, p. 208. Le verbe et le nom sont traités avec
ampleur. On trouvera d'excellentes remarques sur la syntaxe. Cela aurait suffi pour
donner un aperçu sur le dialecte de Jérusalem. Mais l'auteur ajoute à la grammaire
proprement dite deux autres parties. Dans l'une (p. 127 à 1.59). il a réuni une série
de bous exercices en mettant sur une page l'arabe transcrit et en face la traduction
allemande. L'autre partie, la troisième du livre (p. 161 à 25.5), contient une chres-
tomathie disposée avec goijt, renfermant des morceaux variés en prose et en vers.
M. Bauer n'a pas eu, je crois, l'intention de noter, jusque dans les moindres dé-
tails, les infinies extrêmement mobile, et l'on ne
fluctuations d'une prononciation
saurait l'en blâmer, étant donné le Car pour exprimer
but pratique qu'il poursuit.
les raille nuances du langage parlé, il aurait fallu multiplier les caractères, un peu
factices d'ailleurs, au moyen desquels les sons devraient être rendus. M. Barthé-
lémy le faisait remarquer dans le Journal asiatique (1906, p. 197 ss.}, dans sa re-
cension de l'ouvrage du D"" Lohr. Mais ces multiples détails, nécessaires à une
œuvre complète, ne sauraient trouver place dans une grammaire, ou alors il faudrait
se résigner à noter les différentes prononciations non pas d'une région entière mais
d'une localité seulement. Et ce travail paraîtrait fort difficile à Jérusalem, où l'on
entend toutes les prononciations. Pour les villages environnants, peut-être ne serait-il
pas inutile de constater que chaque localité possède son accent propre ou son jargon.
Pour acquérir une première idée sur ces différences, il suffira de comparer la pro-
nonciation des gens de Ain Kàrim avec celle des habitants de Mâlha ou de Tayebeh.
L'oreille d'un fraitdj}/ aura quelque peine à percevoir toutes ces nuances, mais un
Arabe ne s"y trompera pas. Il y a quelques mois seulement, je me trouvais dansl'in-
(I) Das palastinische Arabisrh : Die Dialekle des Stiidlers und des Kellaclien, von L. Baiei-., i-vi,
l.-2."iG pp. Ilimichs. I.cipziif, lOIO.
Simplement a tilre de eonslatation qu'on veuille bien comparer les renseignements donnés
(-2)
par M. Bauer sur la voyelle a, en quatre petits paragraphes et les explications l'ournies, par A.
Wahrmund, p. 20 el l\ de son « Praktisches Handbuch », Giessen, 1898. Cette même comparai-
son pourra s'étendre à toute la phonétique, sans tourner du reste au désavantage de M. Bauer.
'
térieiir de TArabie avec deux dnmesli'|iies. Un de ces serviteurs, malgré son dégui-
sement, fut reconnu à son seul liingage pour être originaire de Ramallah par un
habitant du village d'el-Bireh qui satisfaisait en ce moment aux obligations du ser-
vice militaire dans le Hedjaz. Or
deux villages eu question, situés au nord de
les
Jérusalem, sont à une dislance d'une demi-heure à peine l'un de l'autre. Si l'on
voulait tenir compte de toutes ces nuances, il ne serait guère possible de composer
une grammaire sur le dialecte du ciladin et du pai/mn mais ou peut se contenter :
(1) Rom
Oder Jérusalem? Eine Revision der Frage nach der HerhuafI des Lichtmeszfesles;
dans Théologie und Glaube, I, 1909, p. 89 ss. Celle monographie est prise au hasard
la rçviie
enire vingt aulres insérées en diverses revues, surlout Oriens chrislianus et Romische Quar-
talschrift. en ces dernières années.
;2) Die Wandgemiilde in der Kirche des Krruzesklosters bei Jérusalem: ein orientierender
Ueberhlick : dans Monalsheflen fur Kunstuissenschaft. I, 771 ss., bien illustré.
(.?' FAne arabische P'th'istinabeschreihung spiileslens ilis /'.'. Jahrhunderts. Tiré à part de
VOrieiis chrislianus agonisant 1900: 63 pp. gr. 8"; inlrod.. texte aralie et Irad. latine. Il existe
de ce texte une recension parallèle en grec, sans qu'on ait pu préciser encore leur généalogie.
Ce problème ne rèsisteia certainement pas à la sagacité de M. B. quand le Ms. grec lui sera
venu sous les yeux. Le même Ms. arabe contient la description du Sinaï publiée naguère par
M. GuiDi, RD., 1906, p. 4:^ ss.
(4; P. 34. 11. 3 el 9. Au lieu de '
yl^^'^^S ^Jvj L;^ y^ , traduit :
à7r6ppo-.a litae xo) u^ér.Opa
^
.
Judaeorum. Ce petit couvent existe encore sur celle même rue hdret el-Yehoud : jv Trj 'loyoaïx^
BULLETIN. 633
sur la « Dormition de Marie dans l'art », seront lues avec autant de charme que de
profit.
tient dans ses mains les rênes des armées chères à Mars. » L'explication de M. Fouler
est comme une combinaison des deux précédentes. Dans toutes les trois, ïXaOi « sois
lit donc l'XaOi, ce qu'il nomme locatif de tXrj. En adoptant celte conjecture (comme
dans Homère /.ripôOt, « au fond du cœur »), je traduirais plus littéralement : en pe-
(T'jvof/.ia ainsi que dit le Ttpoffy.-jv/jTâpiov olficiel de Joannidès, éd. de 187", p. -iiO. On ne volt
pas bien où est localisé • Saint-Mirhel qui est dans le couvent de bL». ,U , i.fk,J' ».
D""Coin. Un couvent de Saint-Michel voisine aujourd'hui avec Saint-Sauveur dans la rue Dcir
el-Frandj.
H) Das Heiliglum Maria-Heiinfiang auf dem Berge Sion. Fcsischrift zur Kirchineihe ain
m april 1910. ln-8'^ de xcvni pp. avec Ki excellentes phototypies représentant le monument
neuf et un choix de documents artistiques. Prague, 1910.
("2) Huit phot. -21 X
30 assemblées en reproduction pliutotypique dans un album.
!;3; Greek inscr. f'rom the Negeb; dans Americ. Joura. of Arcli., XIV, loio, p. GO ss
(4) Inaugurée dans Complet rendus Ac. IBL., lilOi. p. 298 ss. et RB.. lOO:;, p.
-iriG.
63i REVLE BIBLIQUE.
yeux, quel est ce prodige? quel monde est ici figuré ? Quel mortel a trouvé cette belle chose,
inconnue depuis l'origine des temps? C'est Antipatros qui a tiguré cela: il a montré le ciel rangé
en ordre, lui qui tient dans ses mains les rênes des armées chères à Mars.
Le poète pose deux questions quel est le sujet représenté, et quel est l'artiste. Il
:
qu'on fasse honneur au stratège du pays d'avoir fait dresser une représentation du
zodiaque qui avait peut-être un but d'utilité.
Il est difficile de fixer exactement la date suggérée par l'écriture. A. coup sûr rien
n'oblige à remonter plus haut que le iv siècle. Le rapprochement avec Xonnus, sug-
géré par M. Elderkin, indiquerait plutôt le v^. [\j.] —
L'étude du regretté P. Schwalm O. P. sur la Vie privée du peuple Juif à l'époque
de Je'sus-Christ comprend quatre livres oîi l'on traite successivement du type so-
(1)
aborderait mal des études comme celles de la constitution Israélite sous les Juges et
les Rois, de la législation agraire dans le Pentateuque, de la prédication sociale et
politique des Prophètes, demeurait étranger aux résultats sérieux de la critique
s'il
textuelle, littéraire, historique « (p. \iv De son côté, l'exégète trouverait beaucoup
.
Zeitschrift des DPVercins, XXXIL 1909, n" 4.— M. le D"" l\. Hartmann, Histoire
de la mosquée el-Aqs<l, veut prouver (|ue la mos(|uée a succédé à l'église de la Pré-
sentation de Justinien et perd beaucoup d'érudition à cette ingrate tâche (2». —
-M. le D' H. Spoer, La fête de Xéby Mousa : survivance populaire d'une vieille tête
se rattache à la mosquée. —
M. le prof. G. Dalman, Quc/quex insrriptions de Djé-
rach .trois textes dont le n° 2 est le gratiîte publié par M. Littmann {Princet. Un.
Arch. Eccp. to Syria, A, I, m, p. 20, en 1907) sous la forme "HXto; aoiÇx. M. D. a
vérifié la lecture ^tôra;. Les deux autres textes sont ceux du P. Abel (RB., juill.
me l'ait remarquer que les plus grandes inscriptions publiées ici viennent de paraî-
tre dans la RH.. 1909, p. 448 ss. Je ne vois aucun motif de retirer ma lecture de
ces textes puisqu'ils avaient été vus et copiés plus tôt par moi » ce qui est très —
exact les copies de ftL D. sont datées du 15 avril, et les relevés du P. Abel du
:
18 avril. Le premier texte comprend les deux fragments nouveaux de la grande dé-
dicace. Les transcriptions typographiques de M. D. coïncident de tous points avec
le fac-similé du P. A. Dans la lecture de la ligne 3 fragm. 4., M. D. propose
de substituer à "bl'.ooç xaî vsojTspa: la leçon "'l7;'.ôo; /.at [-]t wT£pâojv (3). Le troisième
texte de M. D. est l'autel funéraire de Claudianos. Un simple coup d'oeil aux simi-
ligravures d'après les estampages du P. A. lui eût épargné de mettre sur le marché
une lecture sur laquelle AL le prof. K. Budde. ^L le prof. R. Briinnow et M. le
prof. D. lui-même ont dû revenir dans des n**^ suivants delà Zeitschrift pour abou-
tir enfin de tous points à la lecture du P. Abel (4). M. le D"" en médecine A. —
Sand[er, Bibliographie niédicalepour la Syrie, la Palestine et Chypre.
H) Grand in-8'' de .NS5 pj). avec de nombreuses illustrations. Paris. Bonne Presse.
,•2) M. H. parait dévelupper seulement l'idée émise par M. le prof. Dalman, Palâslinajatirbucfi,
II, 1906. p. 21, n. 2. Il ne faudrait pas mêler en quelques phrases vagues les substrnctions hé-
rodienneset byzantines à la coustruclion tardive de la mosquée remaniée par les Croisés qui.
eux, en liront une église. Quelques faciles observations eussent dû épargner à M. H. de parler
de constructeurs byzantins travaillant pour des maîtres arabes, et d'autres choses à l'avenant.
(3 Expression qu'il parait entendre comme é(|uivalente à êTJpwv. M. le prof. BrfinnovN observe
MaXDPy., 1910, p. -27) qiie « de tels barbarismes sont cependant inconcevables dans une
dédicace officielle '. A tout le moins ne les doit-on pas introduire gratuitement.
y'i) Une très heureuse nuance de traduction a été donnée par M. le prof. Budde qui a rendu
à vaTav iiEd^ràiAîvov son sens précis « descendre dans la terre tombeau ». —
636 REVLE B[BLTQL'E.
si elle n'est pas toujours critique autant que pourraient le faire entendre les décla-
rations initiales. —
M. le D'" F. JNI. Exner, Sur le climat de Palestine : la plus par-
faitemonographie technique d'après les observations tout à fait scientifiques dans les
stations météorologiques du comité allemand, depuis 1894 tables et cartes très :
commodes.
Il ait un faible pour les gros mots et quon soit prompt aux bruyantes
semble qu'on
colères dans un certain genre de littérature italienne. Tel ce grand « quotidien poli-
tique catholique » de Xaples, La Libéria, consacrant un jour le 3 juillet 19(0 son — —
article de tête à fulminer contre // modernismo nei Luoghi Santi di Palestina avec
un luxe d'injures dépourvues de toute sérénité. Vous y apprenez le spirito cli diabolica
superbia e di fanciullesca lcgr/erez:a. le spirito infernale des impertinenli et des
spirUi superhi, la legc/erezza piii che da raf/azzide cette gente nata ieri, e renuta oggi
in Terra Santa, qui, sotto prêt esta di nuori e piii perfetfi studi biblici a mis en
doute quasi tutti i santuari. A qui en a-t-on? Quels sont les « sanctuaires de notre
Pvédemption » ébranlés par un capriccio qui « compromet l'autorité ecclésiastique »
(p. 33), <' a fait jouer tous ses ressorts [je rappelle que la brochure est en français...]
pour révoquer en doute » ce mystère p. 32). Donc, " il ne s'est pas contenté de
fausser le sens des textes et d'en forger de nouveaux, nuis il est arrive même à
(1) Xi Èphése, ni Panaghia Capouli, mais .Jérusalem. Étude critique cl historique sur te lieu
de la mort de la sainte VierQe. par Jean RUrta, mission, apost. et chan. du Saint-Sépulcre. 70 pp.
in-S". Jérusalem. l'.UO. —
-V< Sion, ni Gettisémani. Adieu! Jérusalem, E. P. G-ibriélovicii. o3 pp.
inventer des Pères, des Conciles, des traditions et des histoires u (p. 32;. Cet outrage
gratuit au bon sen>. qui reparaît dix fois le long de la brochure, est justiciable de la
satire de M. Gabriélovich. Mais combien la réponse elle même est loiu du calme, du
désintéressement, du labeur patieut et ingrat qu'exigent de telles recherches pour
être des i-twles critiques et historiques sur un souvenir chrétien Le P. Lagrange et le 1
P. Vincent s'étant abstenus jusqu'ici d'écrire quoi que ce soit sur le caractère archéo
logique et la date des ruines de Panaghia-Capouli seraient reconnaissants à M. G.
de ne point leur prêter (p. 39 des déterminations chruuoloiiques discordantes pour
en déduire blanc ou noir. — [H. V.]
Dans ce même n" de la REJ.. p. 106 s., une intéressante note de ^I. S. Klein,
R. Jusuè à Einmaiis, prouve par des citations de sources juives l'existence à 'Amwàs
d'une école rabbinique contemporaine de celle de Yàhneh. Cette donnée vient confir-
mer avec une heureuse opportunité l'hypothèse d'une colonie juive à ^icopolis-
'Ainicàs vers le ir-iii' siècle de notre ère, émise en 1908 par la Ktrue ip. 393 s.i à
propos d'une amulette judéo-araméenne découverte en cette localité.
On demande souvent s'il est admissible qu'une tradition fausse puisse naître et
s'accréditer au point de constituer un centre nouveau de vénération publique dans
des milieux éclairés. Des exemples précis ont été fournis déjà ici même en des cercles
musulmans RB.. 1904, p. -425 ss. >
et surtout à Jérusalem, en plein milieu chrétien
et en dépit de la plus radicale opposition archéologique {RB., 1907, p. 113 ss.,
siècle ;
— 4'^ un poids de bronze à peu près de même période avec l'inscription
àp-poT, -çioL. M. Wace, témoin de la ferveur des pèlerins au jour même de la fête du
« sanctuaire ». conclut sa description par ces mots mélancoliques : « religions enthu-
siasm aided by ignorance can accomplish much p. 25 .
Il n'est pas dans le cadre de la Reçue d'analyser un Manuel d'art byzantin. L'ar-
chéologie chrétienne de Palestine a cependant trop d'attaches avec cet art pour que
nous ne soyons pas heureux de signaler l'apparition d'un manuel éminemment com-
pétent sur ce difficile sujet. Il a pour auteur M. Ch. Diehl, qui joint à une connais-
sance exceptionnelle des monuments et des textes un soùt artistique très fin et un
,1' A modem gieel; festival al Koroni in Measeniu; dans AniHils of Arcltacot. and Anlhrojj. of
Liverpool, 111, l'Jlo, p. a ss., illustre.
638 REWE BIBLIQUE.
beaucoup mieux encore qu'un manuel fatalement quelque peu austère, morcelé, aride :
c'est une histoire de l'art byzantin et de son évolution totale jusqu'à la renaissance
pourra être confiant qu'on lui a présenté tous les éléments du problème et suggéré la
d'aucun de ces sanctuaires, avant Constantin. — M. St. A. Cook, Notes sur le site de
Beth Séniés et ses environs, retrace l'histoire de cette localité où le comité anglais
vient de faire commencer une campagne de fouilles. — F. W. Read, Les affinités
perses et cyyptiennes des estainpillts royales juives : traces de syncrétisme artistique
égypto-persan pour appuyer l'hypothèse de M. Pilcher que les estampilles datent de
l'époque perse eu Palestine. — Note de M. Lidzbarski sur le Calendrier de Gézer pour
maintenir sa lecture et son interprétation antérieures.
Le Gérant : J. Gabald.\.
ANNÉE 1910
N" 1. — Janvier.
Pag«.
'
N» 2. — Avril.
;R. P. Lagrange. —
M. Lepin, La valeur historique du quatrième
Émnrjile R. P. Lagrange). —
H. F. von Soden. Das lateinische
neue Testament in Afrika ;ur zeit Cyprians (R. P. AbeU. R. P. —
Joûon, Le Cantique des Cantiques ^R. P. Dhorme M. W. R. i. —
Prentice, Publications of t/ie Princeton Unirersitij Arch. Evped. ta
Syria. —Divis, II Ancient Architecture.
: Divis. III Greck and — :
Latin loscriptions. —
D' G. Schumacher, Kart des Ûstjordunta/u/es
640 TABLE DES MATIÈRES.
Pages.
(R. P. H. Vincent). — M. Harlmaan, Der Islamisrite Orient. — Ber
hhim : Geschic/ite-Glaube-Becht. Ein llandhuch. — Oppenlieim. In-
schiften ans Si/rien. Mesopotamien inid Kleiitasicn f/e^mniinplt in Jahre
iS<J9 von Max Freiherrn (R. P. A. Jaussen) 266
Vil. BULLETIN. — Questions générales. — Nouveau Testament. —Ancien
Testament. — Pays voisins. — Palestine 298
W 3. — Juillet.
I. UNE FEUILLE ARABO LATINE DE L'ÉPITRE AUX GALATES.
— R. De Bruyne et M. Eug. Tisserant
P. 321
II. L'ANGE ET LE CHANDELIER DE L'ÉGLISE D'ÉPHÈSE {suite). -
M. A Fabre .
344
III. LES PAYS BIBLIQUES ET L'ASSYRIE {suite). — R. P. Dhorme.. 36S
IV. MELANGES. — 1 Coutumes des Arabes, R. P. A. Jaussen. — 2" Un
'
N" 4. — Octobre.
DE JUREJURANDO CONCEPTIS VERRIS AB IIS DANDO QUI
DOCTORES IN SACR V SCRIPTURA SUNT RENUNTIANDI 482
I. OU EN EST LA QUESTION DU RECENSEMENT DE QUIRIMUS?
— R. P. Lagrange 179
IL LES PA^ S BIBLIQUES ET L'ASSYRIE. R. P. Dhorme ."iOS
du Jourdain, R. P. AbeL —
3" Questions de critique littéraire et
SOUSCRIPTION
EN FAVEUR DE
Quatrième liste.
Fr.
RE\rUE Biblique,
1910.
V. 19