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REVUE BIBLIQUE
Typographie Firmin-Didot et C''. — Paris.
VIXGT-NEUYIÈ.ME ANNÉE TOME XXIX
REVUE BIBLIQUE
PUBLIEE PAR
PARIS
LIBRAIRIE VICTOR LECOFFRE
J. GABALDA, ÉDITEUR
RUE BONAPARTE, 90
1920
OCT 1 7 1959
L'AME JUIVE AU TEMPS DES PERSES
{suite) (1)
III
(1) Cf. Revue Biblique, 1916, p. 299-341; 1917, p. 54-137, 451-488j 1918, p. 336-402;
1919, p. 5-88.
6 REVUE BIBLIQUE.
;i; Is., XL, 1-11. — (2; Ei., xxim, 1-20. — (3) ls„ xl. 3, (j. — (4, Is., xl, 3.
L'AME JLIVE AU TEMPS DES PERSES. 1
(1) Is., XL, 9'. La formule nbl ^^''^.^ ^l^ï rilU^G ^i}"^'^'^/ 'T!'--i""l'"!
^'-^
oSyT^I'i mi^'^D TjSip n'est pas sans présenter quelque difficulté. C'est à raison de l'em-
mission d'annoncer la bonne nouvelle aux cités de Juda (cf. Q"-). Mais il ne semble pas
que cette distinction entre dépendantes soit indiquée et motivée
la capitale et les villes
par le contexte et, monter sur une hauteur apparaît, quand
d'autre part, linvitation à
elle s'adresse à Jérusalem, comme une prosopopée un peu bizarre. On préfère généralement
voir dans Jérusalem et Sion des compléments du participe « Monte sur une montagne :
élevée, messagère favorable pour Sion, élève la voix avec force, messagère favorable pour
Jérusalem. » Le sens est alors très clair. Quant au féminin, il doit probablement équivaloir
à un collectif (D''1"û''!2D)- Le féminin a assez souvent ce sens collectif; mais, Is., xii, 27,
(2) Is., XL, 12 sv. — (3) Is., XL, 1. — (4)Is., xl, 3-5. —(5) Is., XL, 6-8.
(6) Is., XL, 2'. — (7) Jer., XVI, 18, — (8) Is., xl, 2''.
8 REVUE BIBLIQUE.
livre d'Isaïe plus encore que des oracles d'Ézéchiel c'est celle du :
petit cercle où elles furent reçues avec docilité, les visions du fils de
Buzi réussirent à bannir des âmes le noir pessimisme, leur influence
ne fut pas de longue durée. A l'heure que visent les oracles qui nous
occupent, il avait de nouveau et très profondément envahi les esprits.
Les circoQstances, on a de bonnes raisons de le croire, étaient
devenues, lorsque l'empire babylonien touchait à son terme, plus
défavorables aux captifs pillés et dépouillés sans que personne inter-
:
dominés par la terreur que leur inspirent des hommes qui vont
mourir, des fils d'hommes qui passeront comme l'herbe; ils tremblent
devant la fureur des tyrans (8). Ils se regardent comme un faible reste
(6) Is., XLU, 22. — (7) Is., XLI, 10. 13, 14; XLUI, 1; XLIV, 2>', 8; etc. Cf. Jer., XLM, 27,
(1) Is., XU, 14; XLVI, 3. — (2) Is., XLi, 14. — (3) Is., XLI, 17. — (4) Is., XL, 29. — (5) Is.,
XLïx, 14. — (6) Is., XL, 27. — (7) [S., L, 2.
(8) Is.. XL. 12. — (9) Is., XL, 21, 22. — (10) Is., XL, 26. — (11) Is., xl, 28: XLII, 5; xuv,
24; xuv, 12, 18; XLVlii, 13; Li, 13, 15, 16.
10 REVUE BIBLIQUE.
ne manque pas de force pour sauver (5); mais, d'autre part, s'il con-
damne, personne ne peut délivrer de ses coups; s'il veut agir, per-
sonne ne l'en empêche efficacement (6). Son autorité de créateur est
telle que personne ne peut discuter avec lui..., avec « celui qui l'a
(1) Ps. LXXIV, 13, 14; LXXXIX, 10, 11; ctc. — (2) Is., LI, 9. — (3) I:^, XL, 26. — (4) Is.,
XL, 28, 29. — (5) Is., L, 2. — (6) Is., XLiii, 13.— (7) Is., xlv, 9-11. — (8) Is., lv, 10, 11.
(9) Is. XL, 6, 1.5, 17. — (10) Is., XL, 22. — (11) Is., XL, 23, 24. — (12) Is., Liv, 16. —
(13) Is., XLVii, 1-5.
LAME JUIVE AU TEMPS DES PERSES. 11
l'argile (3). De fait, il parle à Gyrus, le prend par la main droite, ter-
rassant devant lui les nations, déliant la ceinture des rois, ouvrant
les portes afin qu'elles ne lui soient pas fermées; il marche devant
lui, aplanissant les sentiers montueux, rompant les barres d'airain,
brisant les verrous de fer, livrant les richesses cachées et les trésors
secrets (4). S'il prend un si vif intérêt à la carrière de Cyrus, c'est
souvent chez les maîtres d'ici-bas. Ils sont animés, dirigés, réglés par
la sagesse. Car Dieu est sage. Peisonne n'est capable de diriger son
esprit, d'être son conseiller, de lui apprendre quelque chose; il n'a
besoin de tenir conseil avec personne, pour en recevoir de linstruc-
tion; personne ne lui a enseigné le sentier de la justice, appris la
sagesse, montré le chemin de l'intelligence (8). De beaucoup il dépasse
les hommes ; ni ses pensées ni ses voies ne sont les leurs autant les ;
(2) Is., XLI, 25. Il n'y a pas à être surpris de ce que le prophète place le point de départ
de Cyrus, tantôt à l'Orient (Is., xli, 2) et tantôt au Septentrion (xli, 25). Il n'est pas ques-
tion ici de précision géographique et il que Cyrus était roi des
n'y a pas à se souvenir
Mèdes qui étaient au Nord par rapport à Babylone, et des Perses de l'Elam qui étaient
à l'Est. D'aucuns ont vu dans ces expressions deux désignations poétiques le Nord serait :
la région du mystère, l'Est la région de la pleine lumière (Skinnerj. Il serait peut-être plus
juste de se rappeler que, d'une part et d'une manière générale, l'empire de Cyrus était,
par rapport à Juda, dans les régions orientales: que, d'autre part, les chemins qui en
venaient aboutissaient au Nord de la Palestine; c'est dans le même sens qu'à plusieurs
reprises, les invasions assyro-liabyloniennes sont représentées comme venant du Nord
(cf. Jer., 1, 13-15).
(3) Is., XLI, 25. — (4) Is., XLv, 1-3. — (5) Is., xlviii, 14. — (6) Is., xliv, 28. — (7) Is., xlv, 1.
cieux sont élevés au-dessus de la terre, autant ses pensées et ses voies
dominent celles des mortels d'ici-bas (1). Aussi agit-il toujours pour
des raisons très précises; par exemple, il précipite Babylone du
si,
son orgueil. Irrité contre son peuple, il avait profané son héritage,
il l'avait livré aux mains desChaldéens; mais, outre que Babylone a fait
trop lourdement peser son joug sur les captifs, elle n'a pas compris
son rôle. Elle s'est enorgueillie, elle s'est crue et déclarée souveraine
à jamais; elle s'est estimée invulnérable; fière de sa force à la fois
et de sa sagesse, elle disait : « Moi et rien que moi!... » C'est pour tous
ces motifs qu'elle doit être châtiée, humiliée, que, veuve et privée
d'enfants, elle est vouée à la ruine (2). Ainsi Dieu accomplira sur elle
sa volonté et lèvera son bras contre les Chaldéens (3). Mais n'insis-
tons pas nous aurons occasion plus opportune de revenir sur les
:
interprètes des décrets qu'il prononce sur l'avenir. Car il a tout pou-
voir de prédire avec une absolue certitude. La preuve en est à la
portée de tous; elle est dans la carrière même de Cyrus. Depuis long-
temps, Yahweh a prédit « les premières choses », c'est-à-dire la
fortune magnifique, les brillants débuts, puis les succès de plus en
plus éclatants du héros; elles sont sorties de sa bouche, il les a pro-
clamées avant qu'elles n'arrivassent, et soudain il les a accomplies (10).
XLiv, 25. — (9) Is., XLiv, 25. — (10) Is., XLviii, 3, 5, 6'.
L'AME JUIVE AU TEMPS DES PERSES. 13
(1) Il n'y a pas unanimité sur l'interprétation des textes concernant les « premières
choses » et les « dernières choses ». Au regard de beaucoup d'exégètes, les « premières
choses », annoncées elles-mêmes dans Is., xl sv., concerneraient les premières étapes de
la carrière de Cyrus, et seraient considérées comme déjà réalisées au moment que le
prophète a en vue quand il annonce les « dernières choses » ou « choses nouvelles » ;
celles-ci seraient l'ensemble des faits qui se rattachent plus précisément à la chute de
Babylone et à la délivrance des exilés. —
Pour le P. Condamin, les « premières choses »
résumeraient toute la carrière de Cyrus, et les prophéties concernant les choses nouvelles
se rapporteraient très spécialement à l'œuvre du Serviteur de Yahweh. — En revanche,
d'après M. van Hoonacker, les prédictions anciennes sont celles que Yahweh fit par les
prophètes d'autrefois; les prophéties nouvelles, qui commenceraient dès Is., xl, seraient
celles que le voyant fait le salut à procurer par Cyrus. Le problème est
entendre touchant
complexe. Si l'on première opinion, qui ne va pas sans difficultés, il faudrait
admettait la
entendre par « dernières choses « les phases diverses de cette œuvre qui, commençant avec
(1) Is., XL, 18. — (2) Is., XLi, 21, 23''. — (3) Is., XLi, 1, 2. — (4) Is., \u, 22. — (5) Is.,
appelle ensemble les réchappes des Gentils (3), les invitant au silence
pour qu'ils entendent plus clairement le débat. Là, c'est au peuple
choisi qu'il s'adresse pour lui faire prononcer la sentence ( 4). Ailleurs
un même appel unit Israël et les nations (5). C'est sans doute avec
cette arrière-pensée que le débat qui s'institue entre Yahweh et les
sur lesquels Yalnveh veut s'appuyer: aussi bien n'est-ce pas de for-
tifier la foi d'Israël qu'il s'agit avant tout? Or c'est toujours la question
des prédictions qui revient Quand, en particulier, il s'agit des
(6).
prédictions anciennes, qui, mieux qu'Israël, peut être invoqué comme
témoin de leur existence et de leur accomplissement 7) ? N'en a-t-il 1
sion est toujours la même : les idoles n'ont rien fait de pareil; cest
Yahweh et Vah^veh seul. Seul il a annoncé, seul il a sauvé, seul il a
prédit, et non un dieu étranger parmi eux Yah^ eh parle et
(8). Seul
accomplit, décide et exécute, dès le commencement annonce la fin
et longtemps à l'avance ce qui n'est pas encore. Lui seul peut dire :
est, lui Yahweh, le premier, et il est avec les derniers (12 ; il est le
premier, il est aussi le dernier ,13); avant lui aucun dieu n'a été formé
et il n'y en aura pas après lui (U) c'est lui qui est Yahweh, lui qui
;
en dehors de lui (16j; pas d'autre rocher que lui (17); il est Yahweh
et il n'y en a pas d'autre (18) ; il est le Dieu juste et il n'y a pas d'autre
(I) Is., XLiv, 7. — (2) Is., XLi, 1. — (3) Is., XLV, 20. — (4) Is., xlvi, 8; XLvni, 1, 2. —
(5) Is., XLiii, 8, 9"='. — (6) Is., XLV, 21'''' . — (7) Is., xuu, 9»
10% , 12\ — (8) Is., xliii,
12"; cf. XLV, 21'- .— (9) Is., xlvi, 10, 11. — (lOj Is., xlmii, I4-16\
(II) Is., xLvm, 16''. — (12) Is., iLi, 4. — (13) Is., xlvui, 12''. — (14) Is., xuu, 10''.
— (15) Is., XLiii, 11% 12'', 13". — (16) Is., XLUi, 11''. — (17J Is., xliv, 8'*. — (18) Is.,
XLV, 18b.
16 REVUE BIBLIQUE.
Dieu que lui (1); nul n'est semblable à lui (2). Et le prophète aime à
lui donner ce vieux titre de « Yahweh des armées » qui résume cette
toute-puissance absolument unique (3 Nulle part ailleurs, le mono- .
sont néant; abominable celui qui les choisit (4); ils ne sont que
vanité, vain souffle (5). Et, pour donner plus de relief à sa pensée,
le voyant identifie le faux dieu avec sa statue. Identification qui n'est
statue (8i. Est-il surprenant qu'un tel dieu se tienne à sa place sans
(1) Is., XLiv, 8; XLV, ait», 22''; \LVi, 9'\ — (2) Is., XLVi, 10'.
(3) Is., XLvii, 4; xi.vm, 2; Li, 15; Liv, 5, dans la locution lOw' nixiï .Tin''; xliv, 6;
XLV, 13, sous la simple forçae niN2Jf m.lV Dans Is., i-xxxix, la locution est d'un emploi
beaucoup plus fréquent; on ne l'y retrouve pas moins de quarante fois. Au contraire elle
paraît absente dis., lvi-lxvi.
(4) Is., XLi, 24. — (5) Is., XLi, 29. — (6) Is., XL, 19; xli, G, 7. — (7) Is., XL, 20.
(8)Is., XLIV, 12-17", 19. Il ne manque pas de (Dubm, Marti, etc.) pour traiter
critiques
Is., XLIV, 9-20 comme additionnel; ils s'appuient surtout sur ce que cette péricope rompt
le lien des idées qui rattache les vers. 21 sv. aux vers. 1-8. Il n'y a pas à s'attarder à celle
hypothèse, dont les fondements ne sont peut-être pas très solides; en effet, cette péricope
ne que développer des pensées émises dans des éléments d'Is., xl-lv qui tiennent
fait
étroitement à leurs contextes. On notera que, pour retrouver de pareils aperçus sur l'idole
et sa falirication, il faut lire la deuxième partie du livre grec de la Sagesse (Sap., xiii, 10-
XIV, 21; XV, 7-17). Toutefois le thème de la vanité des idoles est repris et longuement
développé dans la Lettre de Jéréinie (Bar., vi); et ces développements tendent, comme
ceux qui nous occupent en Is., xl-lv, à prémunir les captifs contre le danger, toujours
réel et sans cesse croissant, de la séduction exercée par les dieux de Chaldée. Même sur
la terre natale, les Judéens avaient subi le prestige des divinités de Ninive et de Babylone;
combien plus, sur la terre d'exil, risquaienl-ils d'être entraînés par les cultes pompeux en
l'honneur des dieux locaux! L'histoire de Bel et du Dragon (Dan., xui, G5-xiv, 42) tend,
elle aussi, au même but.
L'AME JUIVE AI' TEMPS DES PERSES. 17
bouger et, même lorsqu'on crie vers lui, ne réponde pas, ne sauve
personne de sa détresse (1)? On a beau se prosterner devant lui,
l'adorer, le prier en disant « Délivre-moi, car tu es mon dieu »,
:
c'est peine perdue (2). L'occasion est bonne de dire l'illusion de ceux
qui, ne rentrant pas en eux-mêmes, se repaissent de cendres sans
avoir l'intelligence et le bon sens de se dire « Je me prosternerais
:
devant un tronc d'arbre pareil à celui qui me sert pour les usag-es
les plus vulgaires!.. Ce que je tiens dans ma main n'est-il pas men-
songe (3)?... « Ils ne savent rien, n'entendent rien, leurs yeux sont
couverts pour ne pas voir et leurs cœurs pour ne pas comprendre (i).
Cette leçon que le prophète donne aux exilés est de nature à les
prémunir contre la séduction des cultes chaldéens, capable de relever
leur confiance ou au moins de réduire la crainte instinctive que leur
inspirent ces dieux qui sont censés avoir mené Babylone et Ninive à
de si liantes destinées. Le voyant n'hésite pas d'ailleurs à désigner par
leur nom ces divinités elles-mêmes et à dire leur impuissance. Demain
Bel s'écroulera, Nebo chancellera; demain, pour les soustraire au
vainqueur, on mettra sur des animaux, sur des bêtes de somme qui
seront accablés par leur poids, ces idoles que la veille on portait
triomphalement dans les processions; incapables de mettre en sûreté
ces fardeaux, les dieux mêmes qu'ils représentent s'en iront en exil.
(1) Is., XLVI, 7. — (2) Is., XLiv, 17. — (3) Is., xuv, 19, 20. — (4) Is., XLiv, 18. — (5) Is,,
XLiv, 9; cf. XLV, 16. — (6) Is., xlii, 17.
(7) Is., xL^i, 1, 2. On remarquera ici la liberté avec laquelle Is., xl-lv parle de la chute
de Babylone et fait le procès de ses dieux. Le contraste est frappant avec Ézéchiel qui,
dans ses oracles de restauration (Ez., xxxiii-xLvni) trouve le moyen de traiter longue-
ment du salut d'Israël sans faire allusion à la ruine de la puissance qui le tient captif
après avoir interrompu son existence nationale, qui, dans les oracles contre les nations
païennes (Ez., x\v-x\xn), ne dit rien de la Chaldée. Jérémie parle de la ruine future de
Babylone au moins à quatre reprises (Jer., xxv, 11-14: xxv, 26; xxvii, 7; xxix, lOj.
Mais, d'une part, c'est sans en reportant à bonne distance cette œuvre
insister et
divine de châtiment; d'autre part, en l'un de ces passages, il éprouve le besoin de voiler
le nom de Babylone sous la cryptograpliie Sésac. Sans doute, la série des oracles de Jéré-
mie contre les nations s'achève par deux prophéties (Jer., l, 1-li, 58; li, 59-64), dont l'une
très longue, contre la méliopole des Chaldéens. Le second oracle présuppose le premier ;
mais il déclare qu'après avoir porté en Chaldée le livre dans lequel sont écrits tous les
malheurs qui doivent arriver à Babylone, après l'avoir lu aux exilés, le messager devra
y
atlachiT une pierre et le lancer au milieu de l'Euphrate (Jer., u, 60-63). Sans doute ce
REVUE BIBLIQUE 1920. T. XXIX. — 2
18 REVUE BJBLIQUE.
geste sera symbolique de l'effondreineal de Babylone (Jer., li, 64); mais on peut peut-être
penser qu'il aura aussi pour objet de soustraire le document à une curiosité dangereuse.
On peut d'ailleurs se demander si tous les éléments du grand oracle sont authentiques;
les nombreuses citations de prophéties provenant d'autres sections du livre de Jéréraie
(cf. L, 40 et \Li\, 18; LI, 7 et XXV, 15, sv.; LI, 15-19 et X, 12-16) et parfois dirigées contre
d'autres destinataires (cf. l, 41-43 et vi, 22-24, dirigé contre Jérusalem; l, 44-46 et xlix,
19-21, dirigé contre Edom), les additions que révèle comparaison du texte massorétique
la
avec les Septante (i.i, 44''-48 manque dans le grec) paraissent témoigner de retouches opérées
dans le texte. En tout cas, ily a loin du silence d Ezéchiel, de la réserve de Jérémie, à la
libertéavec laquelle Is., xl-lv annonce la ruine de la grande capitale: on sent que le
temps de la vengeance divine est tout proche.
(1; Is., XLiii, 16, 17. — (2) Is., XLUi, 18, H). — (3) Is., xli, S. — (-i) Is., li, 2. — (5) Is.,
XLi, 8, 0. — (G) Is., xli, 9.
L'AME JUIVE al: TEMPS DES PERSES. 19
a formé, façonné Israël (9) dès les entrailles maternelles (10). De même
il établit un contraste entre les dieux de Babylonc qu'il faut
porter 11\ charger (12) sur des bêtes de somme 13) et lui qui porte
Israël dès le sein de sa mère, qui dès la naissance s'en charge sur
ses propres épaules (li).
Toutefois ces souvenirs d'un plus lointain passé ne détournent pas
le voyant de la sortie d'Egypte; c'est alors, il le sait, c'est ensuite
au désert que les fils de Jacob devinrent un peuple. L'intervention
divine prit la forme d'un salut; Moïse fut chargé de tirer Israël
de la maison de servitude (15 mais c'est Yahweh qui fut son véri- ,
(1) Is., XLiu, 20; XLV, 4. — (2) Is., XLV, 4 I'''l''n2, « mon élu )>). — (3) Is., xuii, 7;
XLIV, 2; XLV, 11; LI, 13 (nÙJjT). — (4) Is., LIV, 5. — (5) Is., LI, 15, 16. — (6) Is., XLIII, 1,
7, 15 (N12). — (7) li'V — (8) Gen., u, 7, 8, 19. — (9) Is., xliu, 1, 7; xuv, 21, 24; cf.
Ps. cxxxix, 13, 15. — flO) Is., XLiv, 2, 24. — (11) Nt7J. — (12) DD>- — (13) Is., XLvi, 1.
Num., XXXV, 9-34 i^m)- — (20) Is., xu, 14; xliu, 1, 14; xliv, 6, 23, 24; XLVil, 4; xux
7, 26. — (21) Is., Liv, 5.
20 REVUE BIBLIQUE.
qui a des droits sur chacune d'elles, devient, par le fait de son
choix et en un sens très particulier, le Dieu d'Israël (1); il
(1) Is., XLI, 10, 13, 17; XLV, 3, 15; XLVIII, 2; LV, 5. — (2) Is., XLIU, 15; XUV, 6. —
(3) Is., xLix, 26 {2pV) "l^2N). — (4) Is., \i, 3.
(5) Is., XLI, 14, 20: XLin, 14, 15; XLV, 11; xlvu, 4; XLvm, 17; XLix, 7; UV, 5; LV, 5.
Cette lonnule S^liy^ \yTTp revient onze fois sous sa forme propre dans Is., i-xxxix (on a
S'pyi tt7i"p, XXIX, 23; iuriip, \, 17), onze fois dans Is., xl-lv (iui"ip, xlix, 7; DDÏJlp,
xLin, 15; Ui"Tp, au sens absolu, xl, 25); on ne le rencontre que deux fois (lx, 9, 14)
dans Is., lvi-lxvi. En dehors du livre d'Isaïe, on trouve cette expression : II Reg.,
XIX, 22 = Is., xxxvu,23; Jer., l, 29; Li, 5; Ps., Lxxi, 22; Lxxvni, 41 ; Lxxxix, 19 (locu-
tions voisines : Hab. m, 3; Job, vi, 10 et Os., xu, 1 ; Prov.,ix, 10; xxx, 3.
(6) Is., xu, 8 (''2ns, « mon ami »). — (7) Is., liv, 6.
(8) Is., xui, 19 (''3N'!'Q) : Au lieu de : « Qui est aveugle, sinon mon serviteur, ou aveugle,
sinon mon messager que Qui est aveugle, sinon mes serviteurs;
j'envoie? », le grec porte : «
et sourds, sinon ceux qui les dominent? « On a ainsi pour 19^» le pluriel au lieu du sin-
gulier; quant à 19"? du grec, la finale correspond, non à celle de 19^i de l'hébreu, mais à
celle de ig"»», avec lecture de aSïJD (d^ 'iW'/Z, dominer) au lieu de Q^î^G. La leçon du
tous les autres peuples qui ne sont que des esclaves de rang inférieur.
Alors même que jusqu'ici il ne l'aurait pas directement exercée, il a
sur les autres peuples une réelle autorité; de ce privilège Yahweh
se souviendra en découvrant les perspectives d'avenir à son élu. Enfin,
(1) Ceux surtout que nous avons signalés plus haut et d'après lesquels Yahweh a été
avec formant, le créant dés le sein de sa mère
Israël, le (Is., xLin, 1, 7, 15; xuv, 2, 21, 24-,
(2) Is., xi.m, 1, 7 (1>2k7:: N"ip, d'où, xi.viii, 12, le participe Puai lN"1pa « mon appelé »).
Israël ne sera oublié de son Dieu (5). Yahvveh est prêt d'intervenir....
IV. — Mais sans doute une dernière difficulté reste à résoudre. Elle
transparait, semble-t-il, dans un contraste dont on ne peut manquer
d'être frappé en parcourant la section du livre d'Isaïe qui nous
occupe. Dune en
on y peut relever les paroles les plus
part, efiet,
(1) Is., XLi, 10, 13, 14; cf. XLiv, 2. — (2) Is., xli, 14; lu, 3, 9. — (3; Is., Li, 12 : m, 9. —
(4)ls., XLM, 4. — (5) Is., XLIV, 21.
(6) Is., XL, 1. — (7) Is., XL, 8-10.
(8) Is., XLU, 16, 18, 19. II est probable que dans les vers. 19'i, oa doit lire « et sourd
comme le serviteur (Grec: ol ôoO/.ot, comme 19'' j de Yahweh », la symétrie avec 19^3
semble exiger cette lecture. Une distraction de copiste aura malencontreusement substitué
'*." ^ '^.^
(9) Is., XLii, 20. — (10) Is., XLni. 8. — (11) Is., xlti. 21-25. — M2j Is., XLVi. 8.
L'AME JLIVE AU TEMPS DES PERSES.
'
23
procédés k l'égard de ceux qui restent fidèles 1 !. Mais il est une dia-
tribe qui dépasse toutes les autres en vigueur; le contraste dont
nous avons parlé y devient si fort que plus d'un exégète a pensé à des
retouches textuelles (2). Tout d'abord ceux auxquels s'adresse le voyant
apparaissent insincères. Ils sont de la maison de Jacob, il est vrai;
sincérité ni droiture (3). Ce peuple est dur, son cou est une barre
de fer, son front est d'airain (i^ ; l'épreuve est sans prise sur lui 5).
dès longtemps expiée, ils avaient reçu le double pour leurs péchés.
Mais le surplus de leurs souffrances ne demeurait pas inutile. C'était
par eux, — le petit reste cher aux voyants — , c'était par leurs mérites
qu'Israël devait être sauvé. noyau du groupe des rachetés
Ils étaient le
et c'était en union avec eux que la masse, en se purifiant, partici-
perait au salut. En attendant, de cette masse une part notable était
encore aveugle et, même après la longue expérience de l'exil, ne
comprenait rien aux œuvres de Dieu; bien plus, elle persévérait dans
l'endurcissement séculaire qui déjà lui avait mérité les châtiments
terribles dont elle soutirait encore. C'est à cette masse que s'adrcs-
(l)IS., L, 11.
(2) Il s'agit de xlviu, i-li. Skinaer regarderait volontiers cette section comme insérée
par un écrivain postérieur au Deutéro-Isaïe. Duhm et Cheyne songent à un rédacteur qui
auraitaccompagné d'un commentaire suivi le texte primitif du Deuléro-Isaie-, ce com-
mentaire aurait été une véritable correction du texte en un sens très pessimiste. D'après
Dulim, les éléments primitifs seraient : xlviu, l»», 3, 5% 6, 7*, 8", il*»''. Cf. A. Condamin,
Le livre disaie, ad loc.
(3) Is., XLvm, 1, 2. — (4) Is., xLAiii, 4. — (5) Is., xlvui, 10. — (6) Is., xlviu, 5^; cf. y*».
ments (2).
V. — En présence de ces conditions si diverses, on conçoit que
diverses apparaissent les fins secondaires que Yahweh poursuit en son
œuvre, variés les motifs qui le font agir. Il n'en est pas moins vrai
que tout est dominé par une finalité générale à laquelle il faut
aussi prêter attention.
Au regard de notre prophète, tout comme aux yeux d'Osée (3) et
de Jérémie (4), la vue de la misère et du désastre d'Israël raniment
en Yahweh toute la vivacité et toutes les délicatesses de son amour.
Pour un instant il a abandonné Jérusalem; mais avec une grande
miséricorde il va la rassembler. Pour un moment, dans le temps de
sa colère, il a détourné d'elle son visage; mais ensuite il l'a regardée
avec une pitié qui ne finira jamais (5) ; et Yahweh insiste sur le carac-
tère éternel de cette bienveillance. Ailleurs la métaphore de l'amour
maternel ne lui suffit pas pour exprimer l'ardeur de sa tendresse; alors
même que les mères viendraient à oublier leurs enfants, à perdre
toute compassion pour le fils qu'elles ont porté dans leur sein, lui
ne pourrait oublier Jérusalem (6). De telles dispositions suffisent à
expliquer l'attitude de Yahweh vis-à-vis de ces âmes droites qui, par
leur résignation au malheur, ont mérité le salut de la patrie. Mais,
en faveur d'un milieu dans lequel Jérémie et Ézéchiel ont à un si
haut degré développé le sens de la justice individuelle, il importe
de préciser la part que les rebelles auront au salut national. Le pro-
phète n'y manque pas. Il le déclare avec netteté. Ce n'est pas Israël
— la masse coupable — qui a mérité la délivrance. Pendant l'exil,
Israël n'a pas appelé Yahweh par ses prières, ne s'est pas mis en
peine de lui (7). 11 ne lui a pas non plus offert les brebis de ses holo-
caustes, il ne l'a pas honoré par des sacrifices; il ne l'a pas rassasié
de la graisse des victimes, il ne lui a pas à prix d'argent acheté du
roseau odoriférant; Yahweh ne lui a pas été à charge pour des
(3) Os., XI, 8-11. — (4) Jer., xxxi, 3, 19, 20. — (5) Is., uv, 7-10. — (6j Is., xi.ix, 14-16. —
(7) Is., xi.in, 22.
L'AME JLIVE AU TEMPS DES PERSES. 25
n'a point, par ses hommages et ses prières, mérité le salut par ses ;
fautes, elle s'en est rendue indigne. Ces fautes d'ailleurs ont, dans
la balance de la justice divine, rejoint celles des ancêlres; Car le pre-
mier père lui-même, Jacob, a péché; les interprètes d'Israël ont été
infidèles, et c'est pour cette raison que Yahweh a dégradé les princes
du sanctuaire, livré Jacob à l'anathème et Israël aux outrages (2) ;
c'est à cause de leurs iniquités qu'ils ont été vendus, que leur mère
été vendu pour rien; il le rachètera sans payer rançon (7). Les points
de contact sont des plus frappants entre ces déclarations et les oracles
que Yahweh prononce par la bouche du prophète Ézéchiel.
Mais ces données, encore particulières et inspirées par les circons-
(i; On a souvent remarqué le contraste qui existe entre Is., xliii, 23, 24" etis., i, 10-17,
dans lequel Yahweh semble
répudier les sacrifices. Les deux textes visent évidemment des
circonstances très différentes. De part et d'autre, le voyant se place en présence de situa-
tions concrètes. Dans Is., i, 10-17, il se met en face des sacrifices tels que les Judéens du
temps d'Achaz et d'Ezéchias les offraient à Yahweh, se bornant à une routine de culte
extérieur sans aucune influence sur leur vie morale blâme énergiquement de tels sacri-
; il
fices. Dans Is., xlih, 23, 24% le prophète veut marquer que, durant l'exil, Israël n'a rien
fait en vue du salut, n'a pris aucune des attitudes relij;ieuseâ capables de toucher Yahweh.
Les sacrifices interviennent ainsi à côté des prières. Le prophète se borne à constater un
fait, sans égard a la situation spéciale de l'exil qui rendait les sacrifices impossibles.
(2) Is., xLin, 27, 28 (texte à rapprocher sans doute d'Os., xii, 4, 5, 13); xlvu, 6, 7. —
(3) Is., L, l^. — (4) Is.. XLni, 26. — (5) Is., XLin, 25. — (6) Is., XLvni, 9, 11.
(7) Is., i.u, 3-6. Ce texte, qui isole lu, 1, 2 de lu, 7 sv. qui paraît en être la continua-
tion, est souvent considéré comme une insertion en prose, ajoutée après coup.
26 REVUE BIBLIQUE.
(1) Is., XLi, 20. — (2) Is., XLiii, 10-13. — (3) Is., xui, 8. — (4) Is., xuii, 7. — (5) Is., xlyi,
9-11. — (6) Is., XLiv, 23. — (7) Is., XLV, 3. — (8) Is., xu, 25. — (9) Is., xlv, 6. — (10) Is.,
XL, 5. — (11) Is., LU, 10. — (12) Is., xux, 26. — (13) Is., xuu, 20. — (14) Is., xun, 21. —
(15) Ts., LV, 13.
L'AME JUIVE AU TEMPS DES PERSES. 27
de son peuple, ceux qui sont enflammés et disputent contre lui; ils
vont périr, être réduits à néant sans qu'on puisse les retrouver (10).
Yahweh fera d'Israël un traineau aigu, neuf, à deux tranchants,
afin qu'il foule les montagnes et les broie, qu'il rende les collines
semblables à de la balle, qu'il puisse vaincre ses ennemis, que le
vent les emporte et que l'ouragan les disperse, et qu'enfin le peuple
libéré tressaille de joie en Yahweh, se glorifie dans le Saint
d'Israël (11). La nation élue est assez précieuse, assez honorable au
<9
(3) Is., XLi, 17. On remarquera, dans le contexte de ce passage comme dans le précédent
(xLu, 14-16), un certain nombre de traits se rapportant à des transformations extraordi-
naires produites dans la nature. On peut se demander quelle est la portée exacte de ces
descriptions qui font songer aux développements apocalyptiques. Il se peut que, dans une
œuvre telle qu'Is., xl-lv, ces traits, empruntés aux conceptions populaires que les auteurs
d'apocalypses ont utilisées et développées d'une façon parfois extravagante, ne soient pas
autre chose encore que des développements poétiques destinés à donner plus de relief à
l'idée delà puissance divine. On en trouve encore de pareils : Is., xlid, 19^, 20; l, 2'', 3;
LV, 12''; etc.
(4) Is., Li, 2. — (5) Is., xi.m, 16, 17. — (6) Is., xliu, 18, 19s — (7) Is., xlhi, ig*-, 20. —
(8) Is., xi.ix, 7\ — i'O) Is,, XLHi, 2. — '10) Is., XM, 11, 12. — (li; Is.. X1.I. 15, 16.
28 REVUE BIBLIQUE.
tissaient jadis leurs chants joyeux (3'). Le salut n'est pas loin, il ne
tardera pas, la justice est proche (i) le prophète se plaît aie répéter. ;
Déjà l'on peut crier vers les cieux en haut pour qu'ils répandent leur
rosée et que les nuées fassent pleuvoir la justice; on peut faire des
vœux pour que la terre s'ouvre et produise le salut; déjà Yahweh
crée ces biens (5). Bientôt celui qui est courbé sera délié, il ne mourra
pas dans la fosse et son pain ne lui manquera pas (6). Si, en effet,
Gyrus s'est levé, si déjà il a accompli une part si brillante de sa car-
rière, son œuvre principale
sur le point d'aboutir. C'est pourest
qu'il rebâtisse la sainte cité et qu'il renvoie les captifs sans recevoir
ni rançon ni présents '10).
retiens pas; ramène mes fils des pays lointains et mes filles des
extrémités de la terre, tous ceux qui portent mon nom, que j'ai créés
pour ma gloire, que j'ai formés, que j'ai faits (11) ». Arrachera-t-on
au puissant sa proie et les justes qu'on a faits captifs pourraient-ils
être sauvés? Oui, même la capture du puissant lui sera enlevée et la
proie du violent lui échappera. Yahweh combattra les adversaires
d'Israël, il sauvera ses fils, il fera manger à ses oppresseurs leur
(I) Is-, ïLm, 4. — (2) Is., XLHi, 3. — (3) Is., XLin, 14. — (4) Is., iLvi, 13; u, 5". —
(5) Is., XLV, 8. — (6) Is., Li, 14. — [7) Is., XLV, 4. — (8) Is., xuv, 28. — (9) Is., xliv, 26.
— (10) Is., XLT, 13.
(II) Is., XLin, 5-7.
. .
propre chair, il les fera s'enivrer de leur propre sang comme d'un
vin nouveau Aussi le prophète convie-t-il déjà les captifs à sortir
(1).
de Bahylone, à fuir loin des Ghaldéens avec des cris de joie et d'action
de grâces, à publier jusqu'à l'extrémité de la terre que YahAveh a
racheté son serviteur Jacob, qu'ils n'ont pas eu soif ceux qu'il a
conduits dans le désert, qu'il a renouvelé pour eux les merveilles
de jadis en faisant couler l'eau du rocher (2). Ailleurs il entrevoit
le retour à la façon d'une procession, d'un cortège religieux, analogues
à ceux que l'auteur sacerdotal décrit pour la traversée du Sinaï.
Que peuple ne touche rien d'impur; que les prêtres qui portent
le
n'a pas vendu ses enfants à des créanciers vis-à-vis desquels il ait
à jamais perdu ses droits (11). C'est à cause de leurs iniquités qu'ils
ont été vendus et que leur mère a été rejetée (12). La distinction est
frappante et nouvelle entre les enfants et la mère; les fautes des
(3) Is., m, 11, 12. On remarquera facilement ici une préoccupation analogue à celles
(4) Is., LV, 12'. — (5) Is., XLin, 19\ 20; XLii, 11; LV, 12\ 13. — (G) Is., xlix, 9-12. —
(7) Is., XLIX, 13'. — (8) Is., XLIX, 13^ LV, 12''. — (9) Is., xlix, 13''.
bonne nouvelle, qui publie la paix, qui dit à Sion : « Ton Dieu
règne Quel contraste entre ce messager qui accourt de Chaldée
(12) ».
pour annoncer à Jérusalem la paix et le salut et celui qui, en 587,
alla de Jérusalem dire aux exilés que la Ville était prise (1)! Aussi
des clameurs d'allé-
les sentinelles élèvent-elles la voix, poussent-elles
gresse : de leurs yeux le retour de Yahweh en Sion
elles voient :
celle qui était stérile et n'enfantait pas éclate en transports, car les
fils de la délaissée seront plus nombreux que ceux qu'elle avait eus
au temps de son mariage (3 C'est qu'en effet les exilés ont entendu .
leurs bras les fils de Jérusalem, les peuples qui rapportent ses filles
sur leurs épaules; des rois deviennent ses nourriciers, des princesses
ses nourrices; ils se prosternent devant elle, la face contre terre,
ils lèchent la poussière de ses pieds; elle peut ainsi comprendre
que ceux qui espèrent en Yahweh ne sont pas confondus (5). De ses
fils, ainsi revenus ou ramenés, Jérusalem se revêtira comme d'une
que, surprise, elle s'écrie : « Qui m'a enfanté ceux-ci? J'étais privée
d'enfants, stérile, bannie et répudiée : ceux-ci qui les a élevés? J'étais
restée seule : ceux-ci où étaient-ils (^9)? » Pour la nouvelle capitale,
des jours sans précédent vont luire : une splendeur éblouissante
éclate au dehors; murs, créneaux et portes sont de pierres pré-
cieuses (10). Mais surtout, à l'intérieur, c'est la paix et la prospérité;
loin d'elle l'oppression et la frayeur. Elle n'a plus rien à redouter;
qui se ligue contre elle à l'encontre de la volonté divine tombera;
toute arme forgée contre elle par un forgeron qui est lui-même la
créature de Yahweh, tout comme le dévastateur, sera sans effet;
toute langue qui s'élèvera pour contester avec elle, elle la condam-
nera (11). Si telles sont les richesses du salut, qu'Israël se hâte d'en
profiter : n'est-il pas pleinement gratuit (12)?...
Vil. — Les circonstances en vue desquelles elles ont été formulées
(1) Ez., xxxiii, 21. — (2) Is., LU, 8, 9. — (3) Is., liv, 1. — (4) Is., li, 11. — (5) Is., xlix,
22, 23. — (6) Is., XLix, 17, 18. — (7) Is., XLix, VJ, 20; cf. liv, 2. — (8) Is., liv, 3. —
(9) Is., XLix, 21. — (10) Is., LIV, 11, 12. — (11) Is., LIV, 14-17. — (12) Is.^ LV, 1, 2.
32 REVUE BIBLIQUE.
(1) Is., \LMU, 17-19. — (2) Is., LV, 6, 7. — (3) Is., XLiv, 22. — (4) Is., u, 7, 8. — (5) Is.
sont exprimés ici avec une plus grande précision. Quand Yahweh
comblera son peuple de bénédictions (8), il y aura parmi les nations
des hommes qui, subjugués par ces marques de puissance et de misé-
ricorde, proclameront qu'ils veulent appartenir à Yahweh, tatoueront
sur leurs mains le mot « à Yahweh m; en même temps ils se récla-
Ij Is., \L^ , 17. — ^2) Is., Li, 6. — (3) Jer., xx\i, 31-34 ; \\\ii, 40 ; xxxm, 19-22. — (4 Ez.
ixiv, 25: xxxMi, 26. — (5) Is., uv, 'J, 10.
Ci Is., XLI, 20. — !7) Ez., ÏXXM, 21-23; etc. — (8; Is., xuv, 3.
RETUE B!BUQUE 1920. — T. 3XIX. -i
34 REVUE BIBUQLE.
XLix, 7; cf. XLix, 22, 23. — (6) Is., Li, 4. 5. -7 (7j is., LV, 5.
CeUe locution {D'J T\^'yi1 TilT]H) revient deux fois (ïs., xui, 6; xlix, 8j dans la par-
(8)
tie du nous occupe; c'est, en ces deux cas, après une section de la grande
livre d'Isaïe qui
prophétie du Serviteur de Yahweh. mais dans des discours qui paraissent bien s'adresser
au peuple d'Israël lui-même. Le sens de l'expression ne laisse pas de présenter quehjue
difficulté. On peut rapprocher cette locution de plusieurs autres qui lui ressemblent, par
exemple de cette parole adressée à Abraham : <( Sois une bénédiction » (Gen., \n, 2''). Ici
Abraham nous apparaît comme incorporant en quelque sorte la bénédiction divine, de telle
sorte que toutes les nations y puissent participer (cf. Gen., xii, 3'). De même Israël appa-
par imitation (cf. Is., xui, 6'>, le parallélisme «Jeté donnerai en alliance de peuple et
:
en lumière des nations »). Cette alliance, qui doit prendre place dans l'avenir, est celle
dont parle Jérémie (Jer., xxxi, 31-33), alliance toute nouvelle et toute difléreute de l'an-
L'AME JUIVE ALI TEMPS DES PERSES. 3u
lumière (1). Des idées analogues se font jour dans une évocation,
fugitive à la vérité, du personnage qui, après Yahweh, tient la première
place dans les perspectives messianiques de la plupart des prophètes :
tes jours seront accomplis et que tu seras couché avec t«s pères,
j'élèverai la postérité après toi, celui qui sortira de tes entrailles, et
j'affermirai... pour toujours le trône de son royaume... S'il fait le mal.
je le châtierai avec une verge d'shommes et des coups de fils d'hommes.
Mais ma grâce ne se retirera pas de lui... Ta maison et ton règne
seront pour toujours assurés devant toi; ton trône sera affermi pour
toujours (3). » Ces promesses ont une portée éternelle, un sens inamis-
sihle. Les événements qui se sont succédé ont pu paraître en arrêter
le cours. C'était l'une de ces heures où Yahweh châtiait; mais,
même alors, il châtiait avec une verge d'hommes. Aussi, dès que la
œuvre, il revient à sa promesse et le pacte éternel
justice a fait son
qu'il conclut avec lepeuple est complété par le pacte éternel avec
la maison de David. De même qu'en Ezéchiel ['*), si grand que soit
l'empire de Yahweh sur le nouveau royaume, il l'exerce par un
intermédiaire de race davidique; de même qu'en Ezéchiel (5i, cet
intermédiaire mérite d'être appelé lui-même du nom de David et,
comme autres prophètes, notre voyant promet au futur héritier
les
cienne qui a élé rorapne. C'es^t par cette alliance même qu'Israël, aujourd'hui dispersé à
tel point qu'on ne peut vraiment plus l'appeler une nation, redeviendra un peuple, sera
reconstitué; cette alliance sera une alliance dont le terme même sera le rétablissement du
peuple; d'où l'emploi de cette locution un peu emphatique D" n'i12^ TIjPX en place de
la locution plus simple, mais beaucoup moins expressive, T\^']2 n"S Tt^nx. — Ceux qui
rapportent nos deux textes au Serviteur de Yahweh
ajoutent à l'idée générale que nous
venons d'exprimer celte donnée importante, quoique secondaire, que le Serviteur sera le
principal intermédiaire et instrument de l'alliance qui entraînera la résurrection d'Israël.
(1) Is., XLii, 6":i. —
(2) Is., Lv, 3'. (3) — U
Sam., vu, 4-17, surtout vers. Il'', 12, 16;
cf. xxui, 5. — (4) Ez., XXXIV. 11, 15 et 23, 24. — (5) Ez., xxxiv, 23. 24; xxxvii, 24 25.
(0)ls., Lv, 3''. — (7),Is., i.v. 4.
30 REVUE BIBLIQUE.
aussi pour étendre des cieux et fonder une terre (1) allusion vrai- :
les reçoit, plutôt qu'il ne va chez elles; si, trop à l'étroit dans Jéru-
salem, les rapatriés se répandent à droite et à gauche, prenant
possession des pays déserts (3), ce trait ne parait pas mis en
rapport avec l'idée d'une propagande religieuse. Cette propagande
est réservée à un personnage dont, par ailleurs, le rôle est d'une
importance et d'une grandeur sans égales : le Serviteur de Yahweh.
Ce n'est pas la première que nous rencontrons cette expression.
fois
(4) Is., xLii, 19 (où ces épithètes sont explicitement appliquées à Israël Serviteur [de
Yahweh]. — (5) Is., \l, 2; xli, 8; xun, 10; xliv, 1,2; etc.
(6) Les textes auxquels nous faisons allusion sont les suivants ; Is., xlii, 1-4; xux, 1-6
L'AME JUIVE Al TEMPS DES PERSES. 37
spéciale considération; par leur contenu, par le lien qui les unit,
peut-être même par leur constitution poétique, ils tranchent sur ceux
qui les entourent, ils s'en laissent facilement détacher, bien que
parfois puisse y avoir des phrases destinées à servir de suture (1 ;.
il
L, 4-9 et, le plus important de lous, lii, 13 -lui, 12. On remarquera dans Is., xlis, :j, le membre
de phrase « Tu es rnoa serviteur, Israël ». Bien qu'attesté par les versions, le mot « Israël >
doit être traité comme une Le contexte le prouve, surtout les vers. 5 et G,
glose fàclieuse.
dans lesquels précisément le Serviteur reçoit pour mission de (ramener » Jacob à Yahweh,
de lui « réunir Israël, de rétablir les tribus de Jacob, de ramener les dispersés d'Israël.
«
CeUe glose, qui témoigne d'une exégèse d'après laquelle, dans ce texte comme dans les
Halévy, etc. D'autres en limitent l'interprétation à une partie seulement du peuple des
justes, l'ordre des prophètes), dont les épreuves auraient une valeur expiatoire pour la
nation tout entière : Reuss, Monnier, etc. D'autres (Dillmann, A. B. Davidson, Driver,
G. Adam Smith, Kirkpatrick, Skinner, Kautzsch, etc.), tout en admettant le sens collectif,
professent volontiers que cette espérance, fondée sur la nation, n'a été pleinement réalisée
qu'en Jésus-Christ, que lui seul a compris l'œuvre du Serviteur, a eu conscience d'être le
se sont attachés, avec Duhm. au sens individuel. D'aucuns se sont contentés d'identilier
ce Serviteur avec un personnage typique, générique un personnage idéal, un docteur de
:
L'Fbed lahvé et la composition littéraire des chapitres XL ss. d'Isate, dans Revue
Biblique, 1909, p. 497-528.
38 REVUE BIBLIQUE.
fait l'objet de notre étude (1); d'autre part, ajoutent des critiques, de
Tabsence totale d'une influence quelconque de cette magnifique
vision sur les idées des temps postérieurs concernant le Messie. Il est
incontestable que ces pages sont uniques, que leur influence a été
restreinte (2) ; l'élévation même des pensées qui s'y font jour expli-
querait peut-être leur isolement. Des critiques cherchent à expliquer
le contraste que ces fragments forment avec l'ensemble du Deutéro-
Isaïe en les attribuant à un auteur distinct. Nous pouvons aussi
justement penser à une vision tout à fait à part, touf à fait isolée,
dont le voyant aurait été favorisé au cours de sa carrière prophétique.
Entendues du Messie, ces pages en éclairent des aspects tout
nouveaux. Elles nous parlent d'abord de ses rapports avec Yahweh.
Il est le serviteur que Yahweh soutiendra (3), l'élu « en qui mon âme
se complaît (V) ». Il a été appelé dès le sein maternel; formé dès lors
pour sa mission, il a reçu un nom dès les entrailles de sa mère (5).
Il a été protégé, abrité sous l'ombre de la main divine, caché comme
la flèche dans le carquois (6). I>'autpe part, tout comme sur le roi
messianique, Yahweh a mis son esprit sur lui (7). Il l'appelle, en effet,
(2) Qin peut toutefois relever des traces d'une telle influence dans Is., lxi, 1-3; Zach., \ii,
ID (cf., pour ce dernier texte, van Hoonacker, Les douze petits prophètes, ad loc).
i3) Is., XLix, 3»..— (4r) rs., ïtii, 1. —(5) Is., XEix, 1% ^. —
(6) Is., xlk, 2''^ —
(7) Is.
XLII, V; cf. IS., XI, 2. — (8j Is., XLIX, 3''. —(9) Is., xu, i".
1;a\IE JLIVE au temps des perses. 39
Israt'l1). Mais c'est trop peu de chose; il est encore établi pour être
(1) Is., \ux, 5'^, 6". — 2) Is., \Li\, 6''. — 3i Is.. vi.ix, 5'".
1,4;- Is., I.. 4, 5. — (5; Is., XLii, 3'', 4. — <3) Is., xu\, 2'-'''-^ — (7) Is., x;.ii. :!. 3'. —
(8) Ara., IX, 1*1 Is., IX, 3, 4; xi, 14 ; etc.
(9, Is., I., 6. — (lOj Is., L, 7-9.
40 REVUE BIBLIQUE.
(1) Is., ui, 13. — (2; Is., Lni, 1. — (.3) Is., lu, l'i»,-''. — (4) îs., un, 2. — (5i Is., un, 3.
(7) Is., Lin, 8. Ce verset est difficile. Dans le premier membre de phrase "C^w'Z^CI 1J.;"C
np;, la particule O nous parait, malgré que ce ne soit pas son sens ordinaire, pouvoir
être rendue par un sens causatif : il a été enlevé (mis à mort) par suite de l'oppression et
du jugement, comme si, par exemple, sa mort était la suite d'une sentence prononcée
mort qui a été le point de départ de sa gloire, soit par un miracle analogue à l'enlèvement
d'Hénocli et d'Élie (np ; est le terme consacré au sujet d'Hénoch). Cette dernière hypo-
thèse (enlèvement) nous paraît fort peu probable. — Le deuxième membre de phrase
nniil?'' "iD ilifriXl a été isolé par S. Jérôme de ce qui précède et de ce qui suit, puis
traduit par Generationem ejus quis enarrabit; cette traduction est d'ailleurs devenue le
au premier de ces sens, traduit le membre de phrase en l'isolant de ce qui vient ensuite : « et
de son séjour (l'endroit où il a été placé après son enlèvement) qui donc s'enquierf? « Cette
restriction et celte interprétation du sens nous parait sujette aux du mot « séjour «
mêmes critiques que l'interprétation du premier membre de phrase dans le sens d'enlève-
ment; en revanche on pourrait laisser indéterminé le sens du mot séjour, et la phrase
reviendrait à dire qu'après sa disparition personne ne se préoccupe de lui. Quelques inter-
prètes, reliant 8».^ à 8'', traduisent : « Et, parmi (riN est-il susceptible de ce sens?) ses con-
temporains (ou : et quant à ses contemporains), qui considère qu'il a été retranché de la
justice sans réserve. — Mais c'est alors qu'en quatrième lieu se pose
le problème de la raison d'être de tant de détresse. La réponse est
sublime. En toute vérité, c'était nos maladies qu'il portait, nos dou-
leurs dont il s'était chargé (6 ; il était transpercé à cause de nos
péchés, brisé à cause de nos iniquités; le châtiment qui nous donne
la paix était sur lui, ses meurtrissures étaient le gage de notre
guérison (7). Nous étions comme
des brebis, chacun suivant sa pro-
pre voie; et Yahweh
retomber sur lui l'iniquité de nous
faisait
Mais Dieu le relèvera. Quand son âme aura offert le sacrifice expiatoire,
il goûtera les joies du triomphe. Revenu à la vie, délivré du tombeau,
'1) Is., LUI, 9'. L'idée de sépulcre ne cadre guère avec celle d'enlèvement, à moins qu'on
ne distingue entre l'enlèvement de l'âme et
le sépulcre du corps, interprétation qui ne
répond guère ni aux conceptions psychologiques des Israélites, ni aux cas d'Hénoch et
d'Élie. Pour 9^ï le texte actuel porte : « et son monument est avec le riche » ; mais le
parallélisme favorise peu ce sens. Diverses corrections ont été proposées (piury, oppres-
lespécheurs (1). C'est alors, après que beaucoup auront été dans la
stupeur en le voyant si misérable, qu'il fera tressaillir des nations
nombreuses: devant lui les rois fermeront la Louche, saisis de res-
pect et stupéfaits par les événements inouïs dont ils auront été les
témoins (2).
Jamais la prophétie de l'Ancien Testament ne s'est élevée plus haut.
(.4 suivre.)
J. TOUZ.ARD.
NOTES SUR LES PSAUMES
PSAUME M
suivant (v. 3 6), comme Pannier l'a bien vu, et non au verset précé-
dent; l'un et l'autre d'ailleurs contiennent à la fois et l'énoncé de la
prière et l'exposé de son motif. Nous ne pouvons sur ce point faire
violence à la réalité par un amour de la symétrie que l'auteur possé-
;i) H. Losètre (Le livre f/es Psaumes, Paris 18;»7^ adoptait déjà cette distribution, sauf
à laisser six vers dans la dernière strophe.
44 REVUE BIBLIQUE.
1 Av. maUre de chœur. Sur les inslrumenh à cordes. A l'octave. Psaume de David.
2 lalivé, ne me
punis pas avec colère
et De me châtie pas avec fureur.
3 Aie pitié de moi [ ]. car je suis sans force.
guéris-moi L ], car mes os sont 'épuisés"
i et mon àme'est effrayée à l'extrême.
II
verbe, comme c'est la règle (Giv 152 /*), tombe sur les deux compléments iadiiects,
ce qui indique le sens : « Que ce ne soit point avec colère que tu me punisses, ni
avec fureur que tu me châties I » La correction divine ne sait-elle pas revêtir une
forme paternelle? (Job, xxxrii, 14-30; Prov. m. il s.). Cette interprétation sera
d'ailleurs conûrmée si Ton se reporte aux origines mêmes de la formule. Elle se
retrouve d'abord identique, sauf la substitution de =iïp à ^n, dans Ps. xxxvtii. 2.
Mais dans les deux psaumes elle dérive de Jér. x, 24 s. (cf. Ps. lxxix, 5-7). C'est là
que pensée apparaît plus naturelle et mieux adaptée au contexte, plus intelligible
la
aussi et s'expliquant d'elle-même Châtie-nous, lahvé, mais avec équité et non avec
:
ta colère, pour ne pas nous réduire à presque rien! Déverse ta fureur sur les nations
qui ne te connaissent pas et sur les peuples qui n'invoquent pas ton nom! Car ils ont
dévoré Jacob et ils l'achèvent, et ils ont dévasté ses pâturages. » Partie de là, l'idée
s'est condensée dans une formule stéréotypée: elle est devenue une prière tradition-
nelle que l'on aimait à adresser à lahvé en faveur de son peuple ou même d'un de
ses fidèles. Ainsi souvent trouve-ton Jérémie aux origines des diverses formes de
la piété juive.
Tandis que, dans l'épreuve, d'autres psalmistes confessent leur péché (Ps. xxxir,
1-2, 5: xxxYiii, 4-6, 19; XXXIX. 9), celui-ci ne va pas jusqu'à se déclarer coupable;
forme parce que le ton principal du groupe réside sur le mot suivant (Delitzsch .
ibnz: est attesté par tous les témoins; mais on ne comprend guère que deux vers
consécutifs le répètent. Comme le verbe est beaucoup mieux à sa place au v. 4 a, il
aura été suggéré ici à un copiste par le contexte subséquent, la ressemblance gra-
phique aidant. L'auteur avait sans doute écrit l-iz Halévv ,
que l'on retrouve avec
le même sujet dans Ps. xxxii, xxxi. 11).
3 (cf.
•Le psalmiste ne se contente pas de demander à lahvé d'en user avec lui sans
colère, il le prie d'avoir pitié de lui et de le guérir les mêmes verbes sont accouplés
dans Ps. xli, 5: cL Jér. xvir, 14 1
et pour l'apitoyer, il représente l'état de faiblesse
et d'épuisement où la maladie l'a réduit et aussi iv. 4 a) la fraveur qu'il a de
mourir : car il est impossible de ne pas joindre le vers suivant, comme l'indique la
copulative.
4. Sur 7.x écrit défectivement, cf. GK 32 <j. — ^r-2 TJ est ainsi employé seul,
comme exclamation ou interjection, dans Is. vi. Il; Hab. n, 6; Ps. vi, 4; xc. 13
cf. GK 147 c}. On peut supposer : « Jusques à quand seras-tu irrité », comme dans
Ps. Lxxix. 5. Mais l'analogie est plutôt avec Ps. xc, 13, à cause de ce qui suit : voir
au v, 5.
expressions allaient volaûtiers enserable, et c'est iine raison de plus de ne pas sépa-
rer le V. 4 6 du V. 5 (/. L'opposition des deux termes indique pour "TTI TJ le sens :
« Combien de temps encore resteras-tu éloigné (ou détourné) de moi? »Le motif
présenté à lahvé pour l'inciter à sauver son fidèle est sa seule miséricorde
{d. Ps. cix, -26).
6. L'emploi de 'jix est ici le même qu'au Ps. v, 10. — Au lieu de r]137, attesté
par M'ASTPHier. Hebr. recordatio lui (Casin. a. par correction de L : non est in
morte qui memoria sit tuil), G, suivi par CL (Veron. Mozar. etc. Hier. Rom.-Gall.)
Y. a lu T]137, qui semble préférable. — L'accect de mi*) est sur le début du mot,
en raison du monosyllabe qui suit, lequel a reçu un dagvech euphonique (cf. GR 20 cK
Il s'agit de la louange adressée à lahvé dans l'exercice de son culte, comme semble
l'indiquer le S qui précède le complément : l'expression est d'ailleurs particulière
aux écrits postexiliens et fréquente surtout dans les psaumes.
Le psalmiste ne se place pas, comme on pourrait croire, au point de vue de l'inté-
rêt personnel de lahvé, comme si celui-ci perdait quelque chose quand se tait la voix
d'un de ses serviteurs tcf. Ps. xxx, 10;. A l'époque où nous sommes, les psalmistes
considèrent le service du temple comme une faveur qui leur est faite, un privilège
qui leur est accordé (Ps. v. 8 . Aussi le v. 6 se rattache-t-il étroitement au v. précé-
dent et développe-t-il l'appel adressé à la miséricorde divine, comme l'indique le "ij
initial que lahvé n'ôte pas à son serviteur, en lui retirant la vie, la plus grande
:
de ses joies, celle de le louer dans son temple. Ce que la mort a de plus douloureux
pour lui, semble-t-il, c'est l'impuissance où elle doit le réduire de chanter les
louanges de lahvé. L'expression de pareils sentiments n'est point rare dans la piété
juive (cf. Is. xxx.vrii, 18 s.-, Ps. lxxxviii, 11 ss.; cxv, 17 s.). Le verset d'ailleurs ne
nie pas la survivance de l'àme, mais ainsi que beaucoup d'autres textes, il la conçoit
comme une vie très diminuée et sans rapports avec lahvé. en un mot, comme la perte,
sans compensation, de l'activité et des joies, même spirituelles, de la vie présente.
7. r;n:N serait un aramaïsme d'après Giesebrecht \ZATfr, I, 227;: l'emploi du
mot ne paraît pas antérieur à Jérémie. — ~nil*N, hapax a Vhiph. « faire nager »
(cf. Hier. Hebr. nature faciam) est atténué dans la plupart des versions : G Xov^w
LV lavabo A nXjvw. de même que riD*2N « faire fondre, liquéfier » cf. 'A rT;;ta) daaas
G [îpéÇw LV rigabo 6 aTj'ico. Ces figures nous paraissent outrées. Mais en français,,
fier (cf. Ps. VII. 12), mais il est surprenant que les larmes ne soient pas mentionnées
dès le second vers du distique : pour ce motif, Wellhausen substitue "1222. Le texte
Le v. 7 a est tiré mot pour mot de Jér. xlv, 3 (cf. Ps. lxix, 4). Ce n'est pas un
motif suffisant non plus de le considérer comme une glose, car le psaume fourmille
d'emprunts. —
Sous prétexte que le premier vers est trop court, Duhm et Briggs
supposent que 13 sera tombé au début du verset. Mais un k car » ne serait en aucune
façon à sa place en cet endroit : le v. 7 ne donne pas la raison de ce qui précède.
Quant à la mesure, il est probable qu'un mot lui manque, en effet. Il se pourrait
cependant, à la rigueur, que ir^niNZ portât deux accents, l'un sur la première, l'autre
sur la dernière syllabe une syllabe atone alternerait régulièrement avec une syllabe
:
accentuée, le comptant que six, tout comme ie précédent (v. 6 b]:, il est
vers n'en
vrai que celui-ci contient un plus grand nombre de mots, ce qui n'est sans doute
pas indifîv^rent.
NOTES SUR LES PSAUMES. 47
veuille les décrire, mais seulement en donner quelque idée en dépeignant la douleur
qu'elles lui causent. Il s'achemine ainsi vers l'expression du chagrin qui lui vient
encore d'ailleurs ; car ses gémissements et ses larmes n'ont pas pour cause unique
les outrages de ses ennemis.
Le premier vers du v. 8 se retrouve presque identique dans Ps. xxxi. v. 10.
!S.
et "w'w'vne se lit, hors d'ici, que dans ce dernier psaume, vv. 10 et 11. Les versions
hésitent sur le sens de ce verbe G hxoi/Pr^ LV turbatus est A r;ù/[j.w6r, 3: iç/.ÉT-
:
Bickell a sans doute raison, au point de vue du sens et du mètre à la fois, de sup-
poser n'2^22. Une mutilation pareille, résultat peut-être d'une abréviation, s'est
ici dernière strophe, laquelle est d'ailleurs conforme aux précédentes pour la
la
mesure et sans doute le nombre des vers. Or si cette strophe est conservée, la men-
tion des ennemis au v. 8 b est nécessaire, car seule elle explique les termes des
vv. 9 a, 11.
En quoi coasiste l'hostilité des ennemis du psalmiste durant sa maladie, et com-
ment en résulte-t-il pour lui un chagrin qui le ronge et le fait vieillir? S'agit-il seule-
ment de leur insolence, de la joie maligne qu'ils éprouvent et manifestent du malheur
d'autrui? Triomphent-ils en concluant, des épreuves de l'homme pieux, à sa culpa-
48 KEVLE BIBLIQUE
donne au nom qualifié est hors de propos, car il ne s'agit pas ici de tous les malfai-
teurs; et enfin le mot manque à la citation qui est faite de ce vers par Matth. vu, 23,
dans un contexte qui ne l'excluait pas. —^ mni au contraire doit être maintenu dans
le vers suivant .contre Briggs) : il n'est pas en surcharge pour le mètre, car ilDi Sip
(même expression dans Is. i.xv. 19 peut ne compter que pour un accent, et il four-
nit le sujet de la proposition, qu'il ne serait pas naturel de sous-entendre.
La brusquerie de cette apostrophe n'est tolérable que si la mention des ennemis
est maintenue au verset précédent et sa teneur suppose d'une part que ces ennemis
ont nui au psalmiste par des actes d'injustice (y\" "l'^VE, et d'autre part que le malade
est assuré de sa guérison,comme il l'afûrme et va l'expliquer encore.
10. La certitude qu'a le psalmiste d'être exaucé se trouve alfa-raée à trois reprises
(vv. 9 b, 10 a, 10 6). ce qui est peut-être beaucoup. Surtout, la strophe en l'état
compte un vers de trop. Mais quel vers sacrifier? Il est à noter que le v. K) 6
actuel
ne répètepas simplement la pensée du v. 9 6.- de plus les verbes ne sont pas
au même temps et le croisement des termes est observé avec soin d'un vers à
l'autre. Au contraire, le v. lO a reproduit tout-iuiiment le vers qui précède et laisse
les termes dans le même ordre un mot seulement est changé. Le
: v. 10 a doit être
une variante de 9 /-, comme Duhm et Panoier l'ont supposé.
Mais sa suppression n'est pas sans créer quelque difficulté pour l'organisation
de la strophe. A quel groupe de vers en effet rattacher le v. 10 6? De toute façon,
on ne saurait le séparer complètement du v. Le aaio qui introduit celui-ci (voir
11.
ci-dessous), surtout la suite des idées et la conformité des temps (taudis que les
aux ennemis avec le premier. Si 10 a est abandonné, peu d'interprètes sans doute
oseront ne pas unir dans un même parallélisme les vv. 9 6 et 10 6 et consentiront
à trouver dans la dernière strophe, aussi bien que dans la première, un distique
et un tristique. comme pourtant le persuadent la syntaxe et la logique. Tout au
moins devra-t-on ne pas arrêter le discours aux ennemis avec le v. 10, mais le
laisser courir jusqu'à la fin du psaume (bien que celle-ci parle d'eux à la troisième
personne) ou au contraire le limiter à l'apostrophe du v. 9rt. Dans l'un et l'autre
cas, cette apostrophe sera considérée comme une figure de langage sans consé-
quence et sans lendemain, imposée un instant au psalmiste par la violence de ses
sentiments il oublie d'autant plus aisément ensuite de s'adresser à ses ennemis
:
être retranché, car il n'est pas vraisemblable que ce verbe soit répété deux fois
dans le verset. La confusion des ennemis est exprimée dans le second vers; le
premier constate seulement leur surprise et leur elTroi. Cette glose a pu s'introduire
par ressouvenir de Ps. lxxxiii, 18.
T1N)2 (M'ASe Hier. Hebr. TPV) n'est pus traduit dans G B' n^ "R) L (tous les
témoins, excepté Casin.; le texte manque dans Sangerm.). Mais en revanche, açôopa
{!<ecundo) a été ajouté après le dernier verbe par G et fidèlement traduit par LCV.
NOTES SUR LES PSAUMES. 49
en témoignent encore les textes qui n'ont pas été cooformés après coup à l'hébren.
Mais jf6ôpa secundo n'est qu'un déplacement de -lx>2 et il ne saurait être question
de retrancher celui-ci qui, à cet endroit, est bien ^ans le style de l'auteur cf. v. 4;,
ni d'i le transporter dans le second vers auquel rien ne manque pour la mesure
(contre Zenner et Duhm).
On peut se demander si 1211"' est auxiliaire ou forme une proposition indépen-
dante. Les versions ont adopté la seconde manière de voir G (B) é-i7tpaï)ctr,7av R) :
lil
Elle est làdans son milieu natif, si bien que nous sommes obligés
d'y recourir pour en avoir le sens exact ou du moins la pleine intel-
ligence. La pensée du v. G n'est pas hors de propos dans le psaume,
mais pas aussi nécessaire et ne s'y emboîte pas dans
elle n'y parait
le contexte comme
au chapitre xxxviii d'Isaïe ou au Ps. lxxxviii.
On en peut dire presque tout aulant du v. 8, comparé au Ps. xxxi,
dont il semble résumer les vv. 10 à 12, et du v. 11. rapproché de
Ps. XXXV, 4, 26; lxxxviii, 17-18.
IV
lui qui se sent frappé à mort par le chagrin que l'hostilité de ses
adversaires lui cause (v. 8). Il est vrai qu'au début le poète a parlé
de maladie (vv. 3-4) et que les psaumes analogues (xxii, xxx, xxxviu,
XLi, cii) s'accordent à représenter leur patient oomme malade à la
LUI, 3s3. ; Os. v, 13; Lam. i,, 13)? Seule aussi la personnification de
la communauté explique le mélange, dans la description, de la
réalité et de la figure, de la persécution et de la maladie. Le v. 8
devient intelligible : le glaive ne menace pas tous les membres de
la collectivité, mais celle-ci craint de succomber à l'oppression.
L'étroite parenté du v. 2 avec .1er. x, 2i confirme l'interprétation,
puisque chez le prophète, c'est la nation qui parle. Le v. 6 apparaît
dans une lumière nouvelle : avec la ruine d'Israël, est-ce que la
louange de lahvé ne disparaîtrait pas du monde? Enfin le passage
-sans transition de la plainte presque désespérée à la certitude de la
délivrance caractérise la conscience nationale d'Israël il sait qu'il :
sans cloute que les derniers versets ont étr ajoutés après coup, quand
la délivrance fut un fait accompli, ou bien que le psaume tout entier
a été composé après la ïm de Tépreuvc. Mais dans le premier cas,
l'unité du poème est sacrifiée et dans le second, sa vérité. En
danger pressant de mort, un individu n'a pu avoir cette certitude
du salut; sauvé, il n'a pu dépeindre avec cet accent de vérité,
ces cris de douleur et presque de désespoir, un danger éloigné et
désormais conjuré. Dans ce cas, pourrait-on ajouter, le psalmiste
eût parlé au passé, comme tel autre, et l'action de grâces ne serait
pas absente de sa composition.
Ces arguments sont-ils aussi concluants quils le paraissent?
Avant tout, c'est le texte du poème qu'il faut interroger. Il est
indéniable que le v. 3 est prononcé par un malade lequel, dans les
versets suivants, se déclare en danger de mort (vv. 5-6 et gémit
sur son lit de douleur (v. 7j. Au v. 8, il est vrai, la persécution des
ennemis est mentionnée. Mais est-il exact qu'aux vv. 9-11 il ne soit
tenu compte, dans la perspective de la délivrance, que des seuls
ennemis, et qu'il ne soit question, en aucune façon, d'une maladie
à guérir? Est-il vrai cjue cette maladie résulte de la persécution
subie? Où a-t-on vu que si le patient se sent frappé à mort, c'est le
chagrin à lui causé par l'hostilité de ses ennemis qui le tue? O.'i
a-t-on pris surtout que la guérison lui soit apportée par la défaite
des ennemis?
Qu'il y ait un raf)port étroit, une connexion presque nécessaire,
et même une relation de cause à effet entre les deux épreuves du
psalmiste, il semble qu'on doive le conclure des derniers versets.
Mais rien ne permet d'affirmer que la maladie résulte de la persé-
cution. au contraire la persécution qui apparaît comme une
C'est
Parce que lahvé a entendu la voix de ses larmes (v. 9 b). Pourquoi
seront-ils effrayés et confondus à son sujet (v. 11)? Parce que
NOTES SLR LES PSALMES. o3
triomphe du psalmiste (xxxviii, 16-18; xli, 11). C'est donc que les
deux épreuves ne se trouvent pas réunies par accident, mais qu'elles
sont associées par la nature des choses. Leur corrélation cessera de
paraître une énigme si nous parvenons à discerner le genre de
persécution auquel le malade est en butte.
Les commentateurs attribuent volontiers aux ennemis d'un psal-
miste éprouvé dans sa santé le rôle des amis de Job ils triomphe- :
raient du juste en déclarant c[ue s'il est frappé de Dieu, c'est qu'il
lement atteint celui qu'ils n'aiment pas. Et qu'on ne dise point que
cette attitude est le fait de quelques rares méchants. Ces ennemis
sont nombreux, et ils se multiplient encore au jour du malheur
(xxxviii, 20). Parfois, mais c'est sans doute un cas exceptionnel, il
semble que tout un peuple rejette le pauvre malade (xxii, 7:; cf vv. 8,
13j Via), n est moins rare que ses amis eux-mêmes Tabaindoiiuient
(kxxviii, 12) quand ils ne vont pas, après avoir mangue son pain,
jusqu'à lever le pied contre lui (xli, 10). Et il arrive aussi, hélas!
que Taffligé aspire à la guérison afin de pouvoir se venger de ses
ennemis et leur rendre tout le mal qu'il en a reçu xli, 11). Cette
race passionnée et violente ignore la mansuétude.
maintenant l'on se reporte an milieu antique, moins indivi-
Si
dualiste que le nôtre, où chacun dépendait davantage de tous, au
point de vue moral comme au point de vue matériel, où l'existence
privée était moins libre et moins à l'abri des reg^ards, où la perte
de la considération publique entraînait plus d'humiliations et
d'inconvénients de tout ordre, si enfin l'on, tient compte de l'état de
sensibilité d'un liomme alîaibli à qui son imagination aïoircit encore
la réalité, peut-être arrivera-t-on à comprendre tout ce que signifient
les plaintes douloureuses dont nos psaumes retentissent.
Maïs peut-on croire que tout se passe en sentiments et en paroles?
Ce serait méconnaître i^es ennemis des psalmistes. La maladie, dès
qu'elle se prolonge, met sa victime en état d'infériorité dans une :
trop courte (vv. 6-8, lâ-13; cf. v. 2). Mais il semble qu'on puisse
discerner des tentatives de cet ordre aux vv. 13 et 21 du psaume
xxxviii. Au psaume xxii, les ennemis n'attendent même pas la fm
du malheureux pour se partager ses dernières dépouilles (v. 19).
C'est à la lumière de ces textes qu'il faut lire le psaume vi. Comme
on voit, il traite un lieu commun. Il résimie, trop brièvement pour
qui n'est pas initié, ce qui se passe volontiers lorscju'un juste est
longtemps immobilisé par la maladie. Ses ennemis triomphent,
l'injurient, lui causent toute sorte de vexations, et s'ils le peuvent,
d'injustices. Qu'il revienne à la santé, les voilà effrayés par la
perspective d'expier et de rendre gorge, si du moins il s'agit, comme
NOTES SUR LES PSALMES. 5:;
dans le cas présent, d'un homme qui de tout temps a su déjoue i'
c'est que le contexte ne laisse planer aucun doute sur l'objet réel
de la description (cf. Is. i, 2 ss. ; xvii, 9 ss. ; xxxui, -lï; Os. v, 13;
Lam. I, 13). Hors de là, nous restons toujours au moins dans
l'incertitude sur le caractère individuel ou collectif du personnage
décrit par le prophète. Comme les traits du psaume, considérés
isolément, sont tous strictement individuels et qu'en outre leurs
rapports mutuels s'expliquent aisément, on vient de le voir, sans
aucun recours à l'interprétation collective, il semble que la cause
soit entendue. Tout au plus reste-t-il à répondre aux arguments qu'on
prétend tirer des vv. 6 et 9.
guéri, ilne peut plus écrire les six premiers versets. Et lui faire
composer son poème en deux temps est une invention misérable
pour le besoin de la cause. Pourquoi cependant nécrirait-il pas au
cours de sa maladie, mais à ces heures obscures encore et douces
néanmoins, où le patient sent le mai s'apaiser et la vie reprendre?
Il peut être sur de sa g-uéris( n avant qu'elle soit un fait accompli
Il peut dès lors annoncer à ses ennemis que leur règne est fini. Et
'•
lalivp, L ] si j'ai fait cela,
s'il y a une injustice sur mes mains.
"'
Si j'ai fait du mal à qui vivait en paix avec moi
et dépouillé celui qui m'attaque sans motif,
équivaut à
3. ''U.'î; ma personne ». h"-- H^^i -<''' signification d' « arracher » — '^
(cf. Gen. xwii, 40), prendrait ici dans M, dont TS Hier. HcOr. gardent la leçon,
le sens de » ravir » « ravisseur, sans qu'il y ait de libérateur ». Mais G. suivi par L
:
même Casin.) VCP, a lu ':\x devant ce participe, et le sens de « délivrer •>, plus
récent et teinté d'aramaïsme (voirlvAUTszcH, Die Arama-smen, etc., et cf. Ps. cxxxvi,
24; Lam. v, 8) convient mieux au parallélisme (Bickell, Cheyne, Duhm, Briggs\ lis»
introduit ime proposition circonstancielle GK !.52 1).
4. Le premier vers compte un mot de trop, sans doute encore \-iSx. — Sur l'em-
ploi de DN cf. GR 1.59 m. —
P""? (sur l'emploi du féminin cf. GK 122 q) est -< cela »,
c'est-à-dire « ce dont je suis accusé -'et qui, d'après le parallélisme, rentre dans le
58 REVLE BIBLIQUE.
genre Si!?. Même usage du pronom et même formule dans Gen. m, 14; xx, -5, G;
XLV, 19. —
Pom- l'expression "i£22 cf. Job, xvi. 17; Is. Lii, 6; Jon. m, S et
aussi I Sam. xxiv, 12; xxvi, 18.
5. Ss3 est construit comme
ici avec deux accusatifs dans I Sam. xxiv, 1 ;S
Prov. xxxr, 12, etc. — Le sens de "''zSur n'est pas douteux celui qui était en :
paix avec moi » : le terme équivaut à *''Z"'w' r'^N dans Jér. xxxvni. 22; Ps. xli,10.
I>e sens de k rendre » qui est celui de GCLV si reddidi retribuentibus mihi mala,
ou de « faire ». qui est celui de P. convient au pi. mais non au fjal et d'ailleurs la
pensée ainsi obtenue par G est chrétienne, mais non juive : était-ce donc un crime,
sous la Loi ancienne, de rendre du mal pour du mal . et les psalmistes se font-ils
faute d'en souhaitera leurs ennemis et parfois même 'Ps. xli, 11 de vouloir leur
en rendre? ^sous avons ici le participe soit du qoh soit du j^'j'el- Le qal signifie
régulièrement <( être sain et sauf », mais il a pu prendre un autre sens, comme
dénominatif de ciSr GB; BDB; cf. Job, xxii, 21 . Biithgen et Duhm préfèrent le
participe po. : sur celte forme en général et son sens cf. GK ôô bc ; la chute de la
préformative n'a rien de surprenant cf. GKô2 .^v .
Seul parmi les versions anciennes T
C'^I'C '"Z"'! a exactemeLt traduit. MTP ont eu raison de maintenir le singulier
contre GCLV.
"ï'inNl a été diversement interprété. TP, qui traduisent par « opprimer », ont
dû lire "ïîT'Nl qui est préféré par Houbigant, Dyserinck. Gràtz, Cheyne et Duhm.
GCL (même Hier. Uom. et Casin.J BV dêcidam ab ont lu la même racine verbale que
la Massore. mais soit au 7iiph., soit au qal pris au sens intransitif comme dans
Os. V, 6: seulement, dans l'un et l'autre cas la préposition yz devait précéder le
complément : i"niïr2 ""TiXl ou yn»^*- Hier. Hebr. et dimisi hostes meos vacuos
paraît bien avoir la leçon de M, sauf à atténuer le sens du verbe en celui de « lais-
ser aller >k Le sens ordinaire du pi. est en effet « déhvrer » (cf. Ps. vi, 5 etc.),
comme 'A seul parmi les versions a traduit v.x: l;vjaâ[jLT;v, et comme traduisent :
encore Ewaid et Briggs : « tout au contraire j'ai sauvé celui qui m'opprimait sans
motif ». Mais une telle parenthèse est exclue par le parallélisme. Z il ivr^pra^x
adopte le sens de « dépouiller >^, qui serait un aramaïsme cf. en syriaque pa. : « pil-
ler » et en hébreu -y"'- « dépouilles » II Sam. ii. 21; Jug. xiv, 19). Ce sens,
accepté par de Wette, Delitzsch, Batiigen est tout à fait adapté au contexte et il ne
paraît pas trop faible. Rien n'indique que le psalmiste ait exercé une autorité telle
qu'il ait pu êti'e un oppresseur, comme veut Duhm. Il est au contraire de ceux qu'on
opprime. Mais il peut être accusé de vol : le v. 4 indique une accusation portant sur
un fait déterminé et les vv. 2-5 s'expliquent très bien dans l'hypothèse d'une accu-
sation d'injustice, eu particulier les termes T" et "".
''''ly, qu'il faut maintenir au singidier avec M contre toutes les versions, doit être
rendu par un présent et non par un passé comme on fait trop souvent. Ainsi. i£T"'
(V. 2 . '"2"'w* et """""ny (v. 5) désignent la même personne, celle qui poursuit le psal-
miste en l'accusant à tort d'avoir commis une injustice à son égard au temps ou
ils vivaient en paix l'un avec l'autre. — Sur itt"' « sans motif » cL Ps. xav, 3.
G. La vocalisation de ^"îii semble vouloir laisser le choix entre le qal et le pi.
suite de Houbigant, Dillraann et Gunkel pour la Genèse, Halévy pour les Psaumes
NOTES SUR LES PSAUMES. o9
estiment qu'on devrait au lieu de "123 lire ~nr « foie », cet organe étant considéré
se réduit le parallèle du premier vers, les deux propositions qui suivent formant
ensemble un distique satisfaisant. Duhm suppose :
i^mN peut s'autoriser de Gen. xwi, 23, ou l'on trouve aussi pzT à Vliiph.: ou
obtient :
cf. XXXV, 5}, et sans déranger les trois premiers mots du v.. lire ensuite :
c'est Dieu qui aiguise son glaive et prépare des instruments de mort contre le ou les
méchants. Il est dès lors tout naturel de traduire 21C" N"* 2N s'il (le méchant"; ne '
se convertit pas ». Et c'est ainsi en effet que l'ont entendu les anciennes versions,
GCLV nisi conuei-si fueritis en introduisant la deuxième personne du pluriel, 'A et T
en maintenant la troisième du singulier (P diffère en ce qu'elle fait de Dieu le sujet
de toutes les propositions sans exception : Deus... non irascitur singulls diebus'sed
ronuertitw), et cette interprétation est encore celle de de Wette, Delitzsch et
même Briggs bien que ce dernier voie dans les vv. 7-12 une série de gloses}. Mais
si le verset est replacé dans sou contexte primitif, le sujet de toutes les propositions
des versets 13-17 ne peut être que V « ennemi » (des vv. 2-6; se préparant à tirer
vengeance de l'injustice qu'il prétend avoir subie. Toute idée de conversion étant
60 REVUK BIBLIQUE.
hors de propos, :nu** ne joue plus que le rôle d'auxiliaire (GK 120^) et nS -X
devient une formule d'aftirmation (cf. GK 149 e) : « En vérité, il aiguise de
nouveau son glaive, etc. » Cette interprétation est celle de Ewald et Bathgen «qui
pourtant ne déplacent pas les vv. 7-12;, Cheyne et Duhm.
Mais « de nouveau » est certainement contre le sens général du psaume vu A :
aucun ccmbat n'a été encore livré ni même préparé par l'ennemi contre le psalmiste.
nous assistons aux premières dispositions. Comme le vers paraît bien compter un mot
de trop, il n'est guère douteux que 2Tù*i soit un perturbateur à la fois de la pensée et
de la mesure, et qu'il doive être expulsé. Mais s'il trouble le contexte, dira-t-ou,
comment a-t-il pu s'introduire? C'est que si ^'u'"! est hors de propos dans le psaume
primitif, il est très utile au contraire dans le psaume massorétique, où il contribue à
adoucir ce que l'attitude prêtée à Dieu par erreur a vraiment d'un peu dur. La
préoccupation d'où est né 21^1 s'e^t d'ailleurs manifestée au verset précédent par la
lecture 277 Sx et la glose ci2N ""'N dans les exemplaires hébreux dont la version
gracds (ximjJat-ibvs ita legitur : sagittas ardentihus operati'.s est. Latina autcm
pleraque ardentes habent. De fait on lit dans Carnut. ardentes operatus est, Moz.
Migne) ardentes et fecif ddns Casin. sarjittas suas ardentes operate (sic) sunt; mais
;
dans Hier. GaU. Rom. Moz. :Sabatier), Corb, arde7itibus effecil, Veron. ardentibus
opcratus est, Hier. Ccm. Hil. arsuris operatiis est. G est conforme à G -o?? /.a-.ojjLivotç.
15. bnn' signifie « être en travail d'enfantement » : cf. l'unique dérivé ^in
« douleurs de l'enfantement ». Le sens de « concevoir » est imaginé pour le besoin
supposé du présent texte, les interprètes ne prenant pas garde que la première pro-
position est générique, tandis que les deux suivantes entrent dans le détail des faits
comme il est indiqué par l'emploi des temps. Pour ce motif, la copulative devant
rrn doit être retranchée conformément à GLV. — px est le « mal causé à autrui
injustement » et h'C'J, son parallèle, est pris au sens ancien de « peine, malheur ».
.NOTES SUR LES PSAUMES. 01
Le troisième terme ip'w signifle <- mensonge, tromperie » mais aussi « chose
décevante » (Ps. xxxiii, 17; Prov. wxi, 30} et par conséquent ici sans doute
« déception ». Le mot paraît être en rapport avec les vv. 14 a, 16 6 et 17 : l'ennemi
enfantera la malheur qu'il a conçu pour autrui lui
déception en ce sens que le
arrivera à lui-même. Une pensée analogue est exprimée dans Job, xv, 35 on y :
retrouve le parallélisme de '^T2'J. pN et -'^"'"Z. que '^'p'd supplée ici. A vrai dire
les métaphores employées sont familières aux auteurs bibliques (cf. Is. lik, 4 :
xxx[ii, 11 et voir aussi Os. viii, 7; x, 13; Prov. xxii, 8; Job. iv, 8 et nous
reconnaissons des sentences de tournure et d'origine proverbiale.
16. On peut maintenir le iraw consécutif devant le second verbe, mais le n-mr
simple s'impose devant '?Ei (Duhm) qui ne continue pas précisément les propositions
précédentes. — rnu* ne désigne pas une fosse quelconque mais celle qui constitue
un piège, comme dans Ps. i\, 16: xxxv. 7, où le parallélisme ne laisse aucun
doute. —
TJZ"' est une proposition relative 155 h GK .
Le verset développe le proverbe contenu dans Prov. xxvi, 27 a cf. aussi Jér. ;
wtir, 20 et Q.)h. x. 8.
17. Les sentences continuent en forme de proverbes et rappellent, la première,
l'image de la pierre roulée (Prov. xxvi. 27 by, la seconde, celle de la pierre lancée
en l'air (Eccli. xxvii, 25). Mais le premier vers ressemble surtout à Abd. v. 15
(cf. aussi I R. II, 32 s.;. Il est clair d'ailleurs, d'après le verset précédent, qu'on doit
traduire non par l'optatif, mais par le futur.
18. "inp^ïi est « selon sa justice », c'est-cà-dire : au sujet de sa justice, dans la
mesure (très complète, ou elle s'est exercée. — "T''?", mot désigne Dieu,
quand le
est toujours employé sans article, qu'il soit seul ou précédé de ha, 'in^N ou ~"~'i.
Il est ici en apposition à lahvé, car il y a peu de vraisemblance qu'il qualifie 2U*
(cf. Ps. IX, 3; xcii, 2 . Sans doute d'ailleurs -"n"' est-il à considérer comme une
addition postérieure (cf. Ps. i\, 3), car on le trouve déjà dans le vers précédent et
il est inutile pour le mètre.
Wellhausen et Briggs tiennent ce dernier verset pour une addition. Ou ne saurait
nier que l'idée de la louange à rendre à lahvé ne soit éuoncée ici en termes conven-
tionnels : on dirait d'une finale liturgi((ue. En outre, pour la première et unique fois
cxv, 17 S.; CXL, 14), en est-il beaucoup auxquels on pourrait retrancher leurs
derniers versets sans les mutiler?
REVUE BIBLIQUE.
111
entouré de l'assemblée des nafibus et assis sur les hauteurs des cieux,
juger les peuples v. 8 reconnaître mon innocence (v. 9) et d'une
,
Le tristique final 1
10 é-12 se distingue des distiques précédents
à la fois par parle fond. A chaque vers ctî-'n est substitué
la forme et
à ""-"': contrairement aux vv. 7-10 a^ il n'est plus parlé de Dieu qu'à
la troisième personne; enfin le participe est employé à l'exclusion
du mode personnel du verbe. Aux invocations suppliantes d'un
persécuté succèdent les affirmations sentencieuses et absolues d'un
sage. Tandis que le premier avait besoin d'espérer en un avenir
meilleur, le second déclare que le présent donne déjà une certaine
satisfaction au Heu d'en appeler à un jugement extérieur et solennel
:
ceux qui ont le cœur droit, il est dès maintenant un protecteur qui
les sauve iv. 11;, tandis que sa juste vengeance s'exerce quotidienne-
ment contre ceux qui le méritent v. 12 . »
lo;; Or c'tsf MH scrutateur des cœurs et des reins que le dieu juste : |
1^ Dieu est un, juste juge et un dieu qui s'indigne chaque jour.
\
Ci REVUE BIBLIQUE.
II
7. Sur l'acceot de -'Z'p voir G 72 s. n*12> (pour le pluriel cf. Job, xxi,K —
30; XL, 11; doit s'entendre des Fureurs de lahvé contre les ennemis du psalaiisle
fgénitif de l'objet) construit en effet avec nî2ip ou nù':."!, ce mot sentend toujours
:
auprès de moi ». La suite en effet ne nous montre point lahvé venant se placer
à la droite du juste pour le défendre, mais siégeant très hiut au-dessus des nations.
Aussi à la leçon de M, suivie par TP Hier. Hehr. ad me. celle de G ô Oeo; ;j.ou CfN
et des versions dérivées LV (G omet
que G. sauf N*, ajoute ces mois et aussi /.ûpis
suscitans Beus meus et V, a certainement lu "î-in m-i ou raêiiie 'î-^x mn*i (cf. vv. 2,
4i, ce qui avec mi> fournit un élément de trois accents. Tout s'explique si le texte
portait à l'origine :
8. Le premier vers est trop court : mri\ qui est en surcharge au début du v. 1).
doit être rapporté ici. Le icaw devant r~" est hors de propos: c'est peut-être un
débris du nom divin qui ouvrait le verset. — n2*r ne donne aucun sens satis'"aisant :
lahvé n'a pas à retourner au ciel, dont il ne paraît pas être descendu, et en tout cas
il n'y rentrerait qu'après le prononcé du jugement. Avec Rachi, Dôierlein, Bickell,
Duhm, Zenner. lire ri2w . impératif de zu.^* qui peut être suivi de la préposition S
(cf. Ps. IX. 5,. — nV'2 désigne les hauteurs des cieux : cf. Ps. lxvii, 19; xciii,
4, etc.
9. Le nom de lahvé est de trop pour le mètre, et la proposition détonne avec le
contexte en parlant de Dieu à la troisième personne : lire
":''-
(cf. I Sim. xxiv, IG,
I,c psalmiste est évidemment un opprimé qui réclame justice, comme il ressort
du V. 10 a. Le sens des termes « ma justice, mon innocence » ne doit pas être trop
restreint sans doute veulent-ils marquer d'abord que le bon droit, en l'occurrence,
:
est du côté du psalmiste et qu'il ne mérite pas la persécution à laquelle il est en butte,
mais celui-ci entend bien aussi être rangé dans la catégorie des justes (v. 10 a).
10 a. Le premier verbe est à l'intransitif (cf. Ps. xir, 2 ; Lxx.vn, 9) et doit être
1„ "l^ji. Les Massorètes auront indiqué le sens transitif: « que la malice détruise le
méchant», en vue d'harmoniser la pensée avec celle desvv. 15-17 cf. Ps. xxxiv, : 22.
De son côté, Halévy lit 1523 « fais cesser », qui n'est pas invraisemblable.
D'après Duhm, le psalmiste n'aurait pas en vue le jugement eschatologique ; les
peuples ne comparaissent pas pour être jugés, ils sont seulement convoqués en qua-
lité de témoins, comme dans Am. m, 9 (cf. Mich. vi, 1 ss.) ; Ips adjurations du
psalmiste n'expriment pas une prière véritable, mais un vœu qu'il sait irréalisable,
comme dans Amos encore. Peut-être dans ce cas vaudrait-il mieux se référer à
Job, XXIII, 3 ss.; XXXI, 3.5 ss., qui expriment un vœu de ce genre et précisément
ne mentionnent pas les nations. iMais l'hypothèse de Duhm ne concorde pas avec le
texte. Si les peuples sont là en qualité seulement de figurants ou d'assistants, pour-
quoi lahvé est-il qualifié de «juge des nations »? L'auteur attend un jugement uni-
versel(v. 8), un jugement décrété déjà (v. 7) et annoncé, un jugement qui n'aura
pas pour but seulement de prononcer une sentence, mais d'instaurer un ordre nou-
veau dans le monde, puisque désormais les méchants ne pourront plus exercer leur
malice et que l'appui effectif de lahvé sera enfin assuré au juste (v. 10 o). Or,
n'est-ce point jugement eschatologique? De fait, on ne voit pas pourquoi le
là le
psalmiste, qui croit évidemment au règne futur de la justice sur la terre, ne ferait
point appel à lahvé en vue d'en hâter l'avènement à son propre bénéfice.
10 b. Le waw devant y\i est peu sur il manque dans G0PL, mais est maintenu :
par MT, un ms. grec sans doute 'A), Casin. Sangerm. Le sens est plutôt celui
d'un « mais » que d'un « car ». — nllS (Is. xliv, 48; Ps. cxxv, 4; Prov. xv, 11;
XVII, 3; XXI, 2 ; XXIV, 12) est rare et tardif. Le cœur est considéré comme le siège
des pensées et des sentiments ;
les reins, comme celui des affections et des émotions.
— Sur pi~i*, qualificatif singulier de Din'^N. voir GR 124 y et 132 //.
Bathgen veut que \"î'^N. nom indéterminé, soit l'attribut et :n2. le sujet de la
proposition. Mais \-iSx devenu nom propre s'emploie fort bien sans l'article
(Gen. I, 1, etc.; Ps. xliiss.) et un nom
propre peut être suivi d'un adjectif qui n'a
pas l'article : cf. pnï mn") dansPs. cxxix, 4. Il est d'ailleurs évident que l'auteur
des sentences (cf. v. Il s.) considère \'-iSn comme un nom propre et l'emploie au
lieu de ~X\> (si tant est que la substitution ne soit pas le fait d'un éditeur : voir au
V. 12), et la question est ainsi tranchée.
La formule qui remplit le premier hémistiche, sauf inversion des deux complé-
ments et emploi du pluriel dans le premier, est empruntée à Jér. xi, 20 (cf. xvii, 10-
11. Le texte de M « Mon bouclier est sur Dieu » pourrait vouloir dire peut-être
« Mon bouclier est porté par Dieu ». mais signifie plutôt « Mon bouclier protè'^e
Dieu »; car les verbes et même les noms (cf. 1 Sam. xxv, IG; Ez. xiii, 5) expri-
REVUE BIBLIQUE 1920. — T. XXIX. 5
C6 REVUE BIBLIQUE.
la personne protégée. Dans l'un et l'autre cas, la pensée est inacceptable. Communé-
ment on fait signifier au texte : « Mon bouclier est en Dieu », et on cite en exemple
iyu;i DinSN"")!; (Ps. lxii, 8; cf lxxxix, 15), qui s'explique sans doute par le fait
ser que le premier nom n'est pas de l'auteur; celui-ci aurait écrit mni. Mais SnI
est il primitif? Voir ci-dessous.
Pour le texte du second héraitische, la leçon de M est confirmée en substance par
T'A Hier. Hehr. et Casin. et fortis interminans in omnibus diebua. Celle de G xaî
dition est laissée de côté par P qui traduit cependant 7ion irascitur. Hier. Corn. :
qui, du texte, donne seulement numquid irascitur per singulos dies, note que l'hé-
breu comminaltir in omni die est meilleur. (V^ariantes sans importance pour le sens :
Hier. Rom. Moz. V omettent et devant fortis; Veron. Moz. dans Sabatier, Aug.
Cassiod. Hier. Rom. longanimis, mais Corb. Sangerm. Carnut. Moz, dans Migoe,
Hil. de Trinitate et V patiens, et Hil. in ps. 2 et 59 magnanimus).
G a lu nyi Sn D'isx T]1XT SxV Les additions doivent être imputables à son texte
hébreu. Elles sont dues, comme celle du v. 13, à un lecteur qui a trouvé la pensée
trop dure. Il aura relevé en marge une formule biblique traditionnelle, pour affirmer
la patience et la miséricorde divines : cette glose a passé ensuite dans le texte, tan-
dis que l'introduction de la négation devant nVT, née du même sentiment, était
facilitée peut-être par une dittographie de Sn' occasionnée par l'insertion nouvelle.
D'autre part, comme Sxl dans M est assez singulier et de plus inutile, sinon
encombrant, tant pour la pensée que pour le mètre, on peut se demander si ce mot
n'est pas dû, lui aussi, à une glose marginale, si l'intention de son auteur n'aurait
pas été d'écrire bxi (de préférence à nS pour exprimer une conviction, avec l'im-
parfait il est vrai : cf. GR 109 e) et si M n'aurait pas interprété SnI par fidélité au
sens primitif du verset; mais l'hypothèse serait bien compliquée et il répugne en
tout cas absolument de supposer l'interpolation consciente et voulue dune négation
dans un texte.
NOTES SUR LES PSAUMES. 67
Le texte de M est seul conforme à la pensée des vv. 10 6-12. Cette série de sen-
tences a évidemment pour objet d'affirmer que Dieu ne manque pas à ses devoirs de
justicier. Le sage, auteur de ces vers, veut répondre aux préoccupations du psal-
miste qui a écrit les vv. 7-10 a. Pour celui-ci, la justice ne règne pas sur la terre et il
est besoin d'une intervention solennelle de lahvé pour l'y établir, savoir, pour
arrêter le libre exercice de la malice des méchants et assurer à l'innocent le sort
que mérite sa justice (v. 10 a). A cela, le sage fait observer que nous sommes mal
placés pour taxer d'insuffisance la providence ordinaire de Dieu dans le monde, vu
qu'il est seul à pénétrer les consciences (v. 10 b; cf. v. Il 6) : ni il ne cesse de sauver
ceux qui sont vraiment justes (v. 11), ni il n'oublie de faire sentir sa colère (Dyf a
cette force) à ceux qui la méritent. L'emploi du participe dans toutes ces proposi-
tions marque l'actualité et la constance de ces interventions divines, et le dernier
mot. très significatif, affirme expressément leur caractère quotidien (v. 12). Il fau-
drait n'avoir jamais lu de sentences des sages pour ne pas saisir les intentions de
celles-ci et la nature de leurs rapports avec le petit psaume qui précède.
dans les versets précédents que l'appel d'un individu. En tout cas il
n'accepte ni l'idée d'un peuple juif juste tout entier par opposition aux
nations coupables, ni même l'existence en Israël de deux classes exté-
rieurement distinctes et bien tranchées, entre lesquelles le choix de
Dieu est censé fait d'avance. Pour lui, en dépit des catégories offi-
cielles et des classements humains, le regard divin discerne, par delà
les apparences, les dispositions intimes qui seules comptent. Son
individualisme est incontestable.
L'idée qu'on s'est faite du jugement eschatologique et de ses moda-
lités a varié suivant les temps et les milieux, ce qui rend difficile la
désignation de la date du psaume vu b. Une certaine parenté avec les
seront à la fois châtiés et mis hors d'état de nuire, et les justes joui-
ront des faveurs effectives de lahvé. Une pareille conception n'est pas
antérieure au milieu du v" siècle avant Jésus-Christ (cf. RB., 1918,
p. 7'i.). L'emploi du verbe laa (v. 10 a) qu'on trouve seulement dans
des textes peu anciens (Ps. xn, 2; lvii, 3; lxxvii, 9; cxxxviii, 8) favo-
rise cette manière de voir.
Les sentences, qui utilisent Jérémie et omettent le nom de lahvé,
sont contemporaines de la floraison de la sagesse (iv* et iii^ siècles),
mais à en juger par leur style n'appartiennent pas à son âge d'or. Le
participe substitué au mode personnel semble indiquer aussi une
époque tardive.
NOTES SUR LES PSAUMES. 69
PSAUME VIII
8 Tout grand,
le bétail, petit et
et jusqu'aux bêtes des champs,
9 Les oiseaux du ciel et les poissons de la mer,
(tout) ce qui passe parles sentiers des 'eaux'.
II
2 a. "ijijix 7^V\'^ ne se lit hors d'ici que dans Néli. x, 30, et iJijiN seul, que
dans Ps. cxxxv, 5 ; cxLvii, .5; Néh. vni, 10. —
Sur na adverbe voir GK 148 ab.
— iiix exprime l'idée de grandeur et se dit non seulement de l'homme {Jér. xiv, 4),
mais des arbres (Éz. xvii, 23), des eaux (Ex. xv, 10), des vaisseaux de haut bord
(Is. XXXIII, 21). On l'applique surtout aux nobles (Jug. v, 13, etc.), aux rois
70 REVUE BIBLIQUE.
(Ps. cxxxvi. 18) et à lalivé (Ps. lxxvi, 5; xciii. 4). — yiNH ne sert jamais à dési-
gner l'univers tout entier, y compris les cieux.
Le verset peut vouloir dire que la beauté des œuvres terrestres de lahvé révèle
la grandeur de sa personne ("iDU?), comme il est expliqué de ces mêmes œuvres
au Ps. cxLviii, 7-10, et de ses œuvres célestes aux Ps. xix, 2-5 et gxlviii, 1-6;
mais il faut prendre garde que pour les psalmistes la gloire de lahvé se manifeste,
autant que dans ses œuvres matérielles, dans sou gouvernement moral du monde,
c'est-à-dire dans l'exercice de sa justice, surtout en faveur de ses fidèles : il est très
instructif à cet égard de lire les Ps. xcvi (surtout vv. 2-3, 8-10, 13); xcvii (sur-
tout vv. 2, 6, 10-12); xcviii, 1-3; xcix, 1-4; CXLV; cXLViii, 13-14, OÙ les attri-
permet d'envisager l'hypothèse d'une origine différente pour celle-ci. Son contenu la
distingue également. Un personnage individuel se fait entendre dans le psaume, et il
parle en son propre nom sans aucun retour vers une collectivité. Dans l'antienne, au
contraire, c'est la communauté qui s'adresse à lahvé, et la formule est en rapport
avec l'emploi du psaume dans le temple, emploi que le titre (v. 1) suffit à certifier.
La teneur du psaume lui-même n'indique pas qu'il ait été composé pour cet usage.
Le thème du psaume est-il convenablement annoncé et ensuite résumé par l'an-
tienne? Si celle-ci veut dire seulement que la gloire de lahvé éclate dans son œuvre
morale ou matérielle sur la terre, elle correspond à la pensée du second distique,
qui célèbre les victoires de dans une certaine mesure
lahvé sur ses ennemis, et
aussi au contenu des deux dernières strophes, car la bonté de lahvé envers l'homme
est à sa louange aussi bien que l'exercice de sa justice. Si l'antienne fait allusion au
fait que la terre retentit des louanges de lahvé, elle introduit assez naturellement le
premier distique et n'est même pas sans quelque relation avec le reste du poème qui
respire une admiration sans borne pour l'œuvre céleste de lahvé et une reconnais-
sance profonde, admirative aussi, pour *sa bonté envers l'homme. L'accord reste
cependant d'ordre assez général et si l'antienne était entendue de façon trop étroite,
elle ne s'ajusterait qu'à moitié au poème. Le thème de celui-ci rappelle les termes
du V. 16 du psaume cxv : « Les cieux sont des cieux pour lahvé, mais il a donné
la terre aux fils de l'homme. »
Si d'autre part on considère l'antienne comme une addition d'un liturgiste à l'œu-
vre d'un poète, il se trouve que constamment à lahvé sans l'avoir
celui-ci s'adresse
nommé jamais (vv. 2 6ss.). Est-ce bien d'ailleurs une fin de poème que l'énuméra-
tion contenue dans les vv. 8-9? Il faudrait donc supposer, dans cette hypothèse, que
le début du psaume nous manque et que l'antienne finale à son tour masque plus ou
moins bien une autre mutilation. Un cas analogue se présente au Ps. xix, 2-7, qui a
gardé pour l'usage du temple le début seulement d'un poème sur la grandeur de
lahvé dans la nature. 11 est donc après tout possible, mais non pas certain, que nous
ayons ici un fragment ou extrait de poème adapté à l'usage liturgique par l'addi-
tion d'une antienne.
NOTES SUR LES PSAUMES. 71
2 b etZ n. Les deux premiers mots (le relatif suivi de l'impératif qal de inj) ne
fournissent aucun sens satisfaisant. La correction qui s'offre d'abord es^ nnr:
qui a été lu ou plutôt supposé par 2 o; Ira^aç T Pq^^i dedisti Hier. Hebr. qui posuisti.
Comme Sy nn "rnj est « revêtir de gloire », on obtient : « parce que tu as étendu ta
gloire sur les cieux » ou : « toi qui as etc. ». Un simple changement de lecture : nJn,
suggéré par G 8xi I7t7)p9/) CLV quoniam eleuata est, a été proposé par Paulus (Clavis
ûber den Psalmen, Jena, 1791 et 1815) : voir ci-dessous. Il est inutile de passer en re-
vue toutes les hypothèses des critiques, dont aucune n'a pu s'imposer. — lin ex-
prime aussi bien l'éclat et la belle apparence de l'olivier (Os., xiv, 17) ou du cheval
de guerre (Zach. x, 3) que la majesté royale (Zach. vi, 13) ou la gloire de lahvé (Hab.
III, 3; Ps. cxLviii, 13). — La locution « enfants et nourrissons » est usuelle dans la
Bible (I Sam. xv, 3; xxii, 19; Jér. xliv, 7; Lam. ii, 11) : le premier nom désigne
tout ce qui n'est pas adulte; le second, les tout petits, jusqu'à trois ans (II Mac h.
vil, 27). Sur les deux génitifs coordonnés, régis par un seul nom à l'état construit,
voir GK 128 a.
dent que aiDU;n Sy n est pas complément du verbe mais de -iTin « la splendeur :
déplacé seulement, et qui indiquait le sens qui vient d'être expliqué : {^via) ~ll^^
Di^U^n Sy. Les copistes ont souvent introduit le relatif dans les textes poétiques.
La glose était exacte notée en marge d'abord, elle aura été insérée ensuite au
:
début du vers où elle n'a rien à faire. D'ailleurs elle surcharge la mesure.
3 6c. vj exprimerait l'idée de « louange » d'après G aîvov SPCLV Hier. Hebr.
laudem, mais celle de « force » d'après 'À y.pâro: Sexta tr/ûv T Casin nirlutem. Le
premier sens n'est en usage que si le mot est construit avec ]njou xin à Vhiph.
raîtie » et par conséquent aussi < détruire » (Deut. xxxii, 2H; Os. i, 4) comme
Tout compris G tou xaTaÀuaai CLV ut destruas. — Dpjna désigne l'ennemi irréconci-
liable disposé à reprendre toujours à toute occasion les hostilités re-bellis, dont le
mot français n'a pas gardé toute la force. Plusieurs veulent substituer DQpna
« le révolté », mais sans nécessité.
La demeure de lahvé au-dessus des cieux est conçue, ici et au psaume cl, v. 1,
comme une forteresse. Il semble d'abord surprenant que lahvé se soit construit
« une forteresse pour détruire lennemi », toute fortification étant plutôt un moyen
de défense que d'attaque. Mais il s'agit peut-être plus de décourager l'ennemi et
ainsi de le comme tel, que de le détruire, et si déjà il est réduit
faire disparaître
Ô-7.
L'expression « ennemis de lahvé » a pu contenir quelque allusion mythologique
(cf. Is. Li, 9; Ps. Lxxxix, 11; Job, m, 8; vu, 12; IX, 13; XXVI, 12-13); mais il
ne faut pas perdre de vue que l'ennemi national d'Israël est l'ennemi de son Dieu
(I Sam. XXX, 26; cf. Jug. v, 31), qu'il est caractérisé ailleurs (Ps. xliv. 17; cf. Éz.
XXV, 12, 15) dans les mêmes termes qu'au v. 3 c, et qu'il est même appelé « agres-
seur de lahvé » quand il s'attaque à son sanctuaire (Ps. lxxiv, 4, 23). Dans nombre
de psaumes aussi le « méchant » vulgaire est qualifié d' « ennemi de lahvé »
(Ps. XXXVII, 20; LXVIII, 2, 22; XCII, 10; XCVII, 3).
Le chant populaire auquel fait allusion le v. 2 s. représentait peut-être lahvé
comme le vengeur suprême de la morale et il est même possible que le distique
du V. 3 bc contienne une citation ou une adaptation de ce chant.
4. l3 introduit une protase dont l'apodose est au verset suivant (cf. GK 159 66).
— "Vyzv: (cf. Ps. cxLiv, 5) attesté par MPTV Ambros. Cassiod. Hier. Hebr. a été
lu CiCw' par GCL (même Casin.). — D'autre part, n'iL^'J'O MP Casin. facturam, lu
liyya par TGC (Ciasca) LV opéra, manque dans C (Budge). — C'est ici le seul texte
où les « doigts » du créateur soient substitués à ses mains. — IWH, qui surcharge
la mesure, est une glose prosaïque.
Mais il yun mot de trop aussi dans le premier vers, "laur est dû également
a
à une glose terme se présente sous deux formes, ce qui marque quelque incerti-
: le
tude; les cieux ont été nommés déjà; ils ne sont réclamés ni par le parallélisme
des astres (les cieux correspondent plutôt au firmament Ps. xix, 2), ni par :
l'expression « œuvre de tes doigts », qui convient à la lune et aux étoiles, corps
censés peu volumineux, mais non à l'immensité de la voûte céleste.
Du firmament donc, base sohde de la forteresse d'où lahvé nargue ses ennemis
(cf. Ps. Il, 4), le poète passe aux corps célestes; de la gloire qui entoure lahvé
au-dessus des cieux, à ce qu'il nous donné d'en apercevoir au-dessous. Smend et
est
œuvre dans le silence de la nuit, mais aussi parce que le ciel, en Orient surtout,
est plus beau la nuit que le jour en un seijs même il n'est visible que la nuit,
:
(GK 159 (/r/). — w-'lix, collectif, désigne toute l'espèce en- impliquant l'idée de
faiblesse et de mortalité, tandis que DIX p doit faire allusion à l'origine du corps
humain (Gen. ii, 7). — On peut sans doute traduire les imparfaits de ce verset
par le présent (GK 107 u), mais ils font allusion surtout au passé devant le :
dans Job, x, 12; Ps. lxv, 10; lxxx, 15; cvi, 4. et implique une série de démarches
de la part de lahvé.
La première partie surtout du verset est reprise au psaume cxliv, 3 en ternies
un peu différents. Mais Job, vu, 17-18 présente plus d'intérêt. Il est difficile que
ce texte ne soit pas en rapport avec le psaume, puisque le v. 17 commence par les
termes mêmes de notre verset, en paraphrase l'idée, et que le v. 18 reprend le
par 'AI0T et Casin. De même, le ivcw devant -^22 est omis par GCL ^même Casin.)
VP, mais attesté par M'AT. —
irn au pi. sur les deux accusatifs qu'il régit, voir
GR 117 ce} prend le sens causatif « faire que quelque chose manque à quelqu'un ».
:
suivent CLVPT. — 112: se dit des rois Ps. xxi, 6) et de lahvé (Ps. xxix, 1;
CXLV, 5), ^iri de même des rois (Ps. xxi, 6; xlv, 4) et de Dieu (xxix, 4; xc, 16;
xcvi, 6; civ, 1) ou de ses œuvres (cxi, 3).
les actes s'accomplir, Dieu penser à l'homme, lui conférer une nature élevée, puis
(v. 7 a) la royauté sur les êtres inférieurs : à la fin (v. 7 b;, il passe au parfait pour
constater le fait accompli. Sans doute il n'exclut pas, au v. 5. que Dieu continue
à souvenir de l'homme et à le visiter dans le présent, mais il songe avant tout à sa
Ps. XVIII, 39 SS.; XLV. 6; XLVII, 4; cf. Jos. X, 24, et Ps. cx, I.
Tandis que le verset précédent concernait la nature de l'homme, celui-ci envisage
ses relations avec les créatures. Les « œuvres de lahvé » doivent être restreintes à
ses œuvres terrestres, de même que Sd, qui d'ailleurs est déterminé et par conséquent
limité par l'énumération qui suit.
Ce verset et le suivant s'inspirent de Gen. i, 26-28 (cf. ii, 19-20). Ils sont utilisés
à leur tour par Hebr., ii, 6-9 (cf. II Cor. xv, 27).
8. Au lieu de nji', 17 mss. écrivent njNi*; le mot est un équivalent de "jNi' et
également collectif. — mî2n2, qui désigne ordinairement tous les quadrupèdes, est
réservé ici aux animaux sauvages. — Sur iiùr, forme archaïque pour mir, voir
GK 93 //.
9. TlE2f est encore un collectif. — iny, sous cette forme, ne paraît pas qualifier
lai, mais désigner, outre les poissons proprement dits, tout ce qui se meut dans
les eaux. Sur l'emploi du masculin pour désigner le neutre, voir Kônig, ili, 323 f/.
GCLVP traduisent comme si elles lisaient Qiiny. — Au lieu de Dir3V Hier. Hebr.
aqtiannn lit avec raison D^C ou plutôt D"i)2n qui est mieux en parallélisme avec
n\"i et d'oïl l'on conçoit aisément que la leçon de M soit sortie.
Les oiseaux et les poissons sont réunis ici comme dans Gen. i, 20 ss. Toute
l'énumération d'ailleurs (vv. 8 et 9) dérive de Gen. i, 26-28.
III
Post-scriptum. Dans l'article précédent, année 1918, p. 304, ligne 3 d'en bas, au
lieu de « doublement », lire « dédoublement ».
MÉLANGES
(1) P. 300 et pi. xxii. Cette documentation, distraitement étudiée ou mal comprise, est
passée en divers ouvrages, monographies ou guides, qui divaguent sur la forme de cette
chapelle,ou sur le caractère « indigène » de Tédifice auquel ils découvrent un chœur flanqué
des annexes byzantines diaconicon et prothèse.
76 REVUE BIBLIQUE.
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4
MELANGES. 77
De même que les sections adventices ^es parois, on n'a pas hésité à
éliminer également de ce tracé le tombeau parasite qui en occupe le
milieu. Avec ses deux petits gradins, son sommet arrondi et deux
fragments d'antique colonnette de marbre en guise de stèles aux
extrémités, ce tombeau reproduit un type vulgarisé à l'infmi dans les
cimetières musulmans autour de la ville. Son délabrement minable
atteste assez que la célébrité éphémère du personnage honoré jadis
d'une sépulture en ce lieu n'impressionnait plus d'aucune façon et
depuis beau temps ses coreligionnaires. En dehors des lettrés qui ont
une certaine familiarité avec la vieille chronique de Moudjir ed-Din,
on peut douter qu'il y ait encore à Jérusalem, parmi la population
musulmane contemporaine, beaucoup de gens avertis qu'en ce lien
fut enseveli, vers le milieu du xtv^ siècle, le très vertueux kurde
cheikh Derbàs el-Hakkàry. Il n'y aura par conséquent pas la moindre
irrévérence et encore moins d'injustice à laisser cet intrus enfoui dans
son oubli séculaire.
Le plan carré de l'édifice s'élève extérieurement à 6'", 60 de hauteur,
couronné par un. entablement en forte saillie (1). A l'intérieur le plan
carré est limité à 4"', 10 au-dessus du sol ancien par une seconde
corniche qui court sur le sommet des arcades. Au-dessus de cette
corniche de puissantes trompes à double ressaut, jetées dans les quatre
angles, ramènent le carré à un octogone de 2'^,15 de côté, dont la
corniche supérieure ei!it aisément fourni déjà la base d'une coupole
ronde. Un ingénieux artifice de structure a facilité le tracé circulaire
de la coupole.Au lieu d'adapter strictement sa corniche aux pans de
l'octogone, l'architecte l'avait tracée de telle sorte qu'un long bloc
placé en porte-à-faux sur chaque angle en creux de l'octogone, dimi-
nuait sensiblement la longueur des faces, doublant en quelque sorte
les côtés du polygone. La répétition de ce procédé dans une seconde
corniche coupée seulement par la base des fenêtres aboutissait à une
forme aussi rapprochée que possible du cercle parfait. Sur ce tambour
polygonal il devenait fort simple de camper une coupole ronde, dont
tion de quatre petites fenêtres, à peu près sur les axes de Fédifice,
peu d'envergure extérieuï-e. A l'intérieur au contraire
cette coupole a
elle ne manque pas de cachet et, malgré la disparition actuelle de
toute ornementation complémentaire, l'ensemble du monument
demeure remarquable par Télégance du parti, Iheureuse harmonie
des proportions et la fermeté des lignes.
Toute la décoration se résume à peu près aujourd'hui dans les
sobres modénatures déjà signalées. Corniches et entablement repro-
duisent à satiété et avec des proportions variables (1) les deux types
de moulures groupés dans l'archivolte de la baie septentrionale
(pi. I, I, 4 et 6). On n'aura, je crois, rien omis de ce qui subsiste si
des annexes qui nous restent à décrire. Dès qu'on a traversé la baie,
on observe que les retombées de cette arcade, moulurée à l'extérieur,
n'ont plus de supports. Au lieu d'une construction pleine en appareil
continu, les piédroits offrent une cavité normalement appareillée,
presque exactement quadrangulaire de0™,28 sur 0™, 26/27 décote, où
se logeaient, de toute évidence, des colonnettes indépendantes qui ont
(1) Qui ont créé par endroits de légères inexactitudes de raccord, par exemple aux pié-
(1) Constituant, sur le tailloir de ces chapiteaux, une sorte de second abaque, suivant
un procédé très familier dans l'architecture romane (cf. Enlart, Manuel d'arch. fran-
çaise; I, Architecture religieuse, p. 369;.
80 REVUE BIBLIQUE.
plein faisant corps avec les autres parois, celui de l'ouest n'est
qu'imparfaitement bouché par une maçonnerie laissant
mauvaise
clairement distinguer la feuillure d'une porte à encadrement mou-
luré. Il est aisé de revenir, à travers une masure contiguë, devant
cette porte, dont l'ouverture extérieure est totalement masquée par
un crépissage moderne, mais que confirme à l'évidence une archivolte
aux moulures à peine empâtées par le crépi. L'élévation géométrale
(pi. I, 3) traduit cet état de choses en faisant abstraction des murailles
modernes qui offusquent la suite de la paroi et en soulignant eu poin-
tillé l'existence indubitable et l'encadrement possible de cette porte.
Il va de soi que les deux colonnettes suggérées en cet endroit
demeurent hypothétiques et qu'elles ont été arrachées, tout comme
celles de la galerie intérieure; mais la présence certaine de celles-ci
dans les montants des arcades rend assez vraisemblable la restaura-
tion conjecturale de celles-là. Les unes et les autres ont été indiquées
avec fermeté dans le tracé du plan ;
on voit néanmoins la nuance qui
s'impose à leur sujet. Il n'était pas jusqu'aux pauvres fragments de
colonnette en marbre signalés sur le tombeau du santon musulman
qui ne demeurent un indice complémentaire utile à enregistrer avec
leur diamètre de 0'",16 très adapté aux proportions requises. Une
recherche laborieuse dans tous les gourbis voisins n'avait fourni que
des lambeaux d'ornementation sculpturale, trop mesquins ou trop
difficiles à déterminer pour être rapportés à notre monument.
^4^=.-
'>'
0-^.
7.
F
MÉLANGES. 81
drapé est assis sur un siège fruste qui parait avoir un assez haut dos-
sier. Malgré la disparition de la tête, on n'hésite pas à reconnaître le
qui représente sur une de ses faces la Madone à l'Enfant, et sur une
autre « un personnage nimbé... dont l'identification paraît impos-
sible (4) ». Il n'y avait pourtant là que d'assez rares exceptions, et il
faut vraiment arriver jusqu'à la sculpture carolingienne pour cons-
tater un développement intense et fécond de ce thème sculptural. La
représentation animée sur les chapiteaux ouvrait en effet à l'in-
géniosité créatrice des artistes occidentaux le champ le plus vaste.
(1) Bréhier, Études sur l histoire de la sculpture bijzanline, dans les Nouvelles archi-
ves des Missions scientif'., nouv. série, 1911, fasc. 3, p. 30. Pour constater l'inlluence de
l'antiquité dans la constitution de l'art médiéval françaisy a toujours profit à se reporter
il
i 5
1
(1) Bien mis en lumit're dans le beau livre de M. E. Mvle, L'art reliçiieux du xin" siècle
en France ; Étude sur l'iconographie du Moyen Age et sur ses sources d'inspiration-, voir
surtout pp. 28 ss. {2'" éd.^,
(2) Encore que l'on doive se garder de vouloir oiistinéinent découvrir une signification
précise à chacune de leurs formules détoralives et un syinholisine très concret dans le plus
minime détail d'exécution. Voir à ce sujet les fines remarques de M. de Lasteyrie [L'arcltit.
relig., p. G27 s.) et de M. Enlart (Manuel... I, p. 384 ss.i.
de la robe. Ils ont, prcs]ue toujours et quelle que soit leur attitude,
les ailes éployées, celle qui est du côté du fond du tajjleau relevée
plus ou moins gauchement au-dessus de leur tète (3) ». Et il n'est pas
jusqu'à l'espèce de génutlexion esquissée par un de nos anges qui
n'ait de bonnes analogies dans ce cycle iconographique.
L'attribution de ce groupe de chapiteaux à seconde moitié du
la
xu' siècle ne paraîtra donc plus trop douteuse détermination de
et la
« l'histoire » qu'ils traduisent, si cette détermination devenait réali-
sable,en augmenterait encore l'intérêt archéologique.
Il spontané de tenter un rapprochement de ces trois petits
était
(1) De Lasteyrie, Éludes sur la sculpture française au moyen âge, dans les Monu-
menls Piot, t. VIII, p. 20
(2) Voir Mâle, L'art religieux... j p. 14.
nent limpides, sans qu'il soit nécessaire de justifier si cette pieuse créa-
tion s'harmonise ou ne s'harmonise pas avec les données de l'Évangile-
Après les premiers incidents qui suivent l'arrestation à Gethsémani,
dès qu'on imagine N.-S. enfermé, pour le reste de la nuit, dans
cette sorte de prison, son attitude et son expression se conçoivent
tout aussi naturellement que la présence des anges. Pour simple que
soit la composition, malgré la mesure des mouvements et le calme
nance de ces chapiteaux. Tous avaient été taillés, en effet, pour se loger
en des encogoures, avec deux faces lisses s'appliquant aux parois.
Dans la situation qu'ils occupent aujourd'hui, sous la retombée
centrale des doubles arcades aveugles sur la galerie du minaret, une
seule de ces faces épannelées trouve sa raison d'être et a permis de
plaquer plus étroitement le chapiteau contre la paroi de fond l'autre ;
montant un support qui devait avoir une hauteur de 2'", 05 (voir pi. I,
coupe). Les élégants supports en marbre remployés dans le mina-
ret sont ainsi constitués en hauteur chapiteau, 0™,31; colonnette,
:
(1) Il n'im|ioile pas de dé ter mi lier ciice moment si le beau minaret d'el-Gliuwon/meh
fut érigé dès la lin du \uv siècle ou seulement dans la première moitié du xiv
(cf. MotDJii! Eu-Dii\, Histoire de Jenisalcm..., Irad. Sauvalre, p. 12.5 s.). 11 se pourrait
aussi (|ue les baies de la chapelle aient été dépouillées de leurs supports, longtemps
avant le remploi de ces matériaux par les constructeurs du minaret.
90 lŒVLE BIBLIQUE.
II
{Suite)
PROVERBES
A
Colleclion Bunjia (I
33 (fin)
ii-iii, 19a
Z. •22 VII, 7-27 (fin)
Mil. 1-lOc, ll-12b, 13-27, 28b.
29, 28a, 30-32, (33), 34-
36 (fini
IX, l-.\, 27
Z. 24 XX, lb-24 (fin)
XXVI. 1 XXVII
xxviii. 1-17, 18-28 (fin)
XXIX, l-22a, 23-49 (fin du livre)
C (2)
(I) tes textes, jusqu'à xxi, 31, édités aussi par Bsciai {Revue Égyplologique, H, pp. 3oG368>.
(-2) Pour quelques rragments de la Nationaie de Paris, voyez r.i-de.ssous. Collée-
BiljliotiȐt|Uc
livns diverses.
J2
'
REVUE lUbUQLE.
22b*, 23*
M, 1*, 2*, 3*, 4-9, 10*, 11*
VIII. 35b*, 36*
IX, r,2*, 3-,(10b-12A)*, 12Bb-
14b*, 15*
X, Ib*, 2-4b*, (4A)*, 5a*, 11-
19b*, (20-28)*
xm, 2b-4, (5-10)*, 13a*i), 13A,
(14-20)*, 22-23, 24*, 25*
XIV, (1-5)*, 8a*,8b-10, (11-19)*.
22b-23, (24-30)*, 33b-35
(tin)
27 (fin)
XXIX, l-12a
ECCLÉSIASTE
Ad)
Col 1er lion Bori/ia
Z. 24 i-iv,sa (Ci. 2)
IV. 8(,--Vl!, 11
VII, 12b-\iii. 3b
VIII, 4-ix, 3
X, 3-xii, 4
XII, 5abcdfe-14 (fin du livre)
(1) Édité aussi par Amélinoau {op. cit., ixi sans indicatiou du Ms.
94 REVLR RIRLIQUE.
C (1)
CoHeclioiis diverses
A
Colleclion Bor (lia
III, Ib. 2
'
C (2)
diverses.
Pour les fragments de la Bibliothèque Nationale de Paris, voyez ci-dessous. Collections
(2)
diverses.
MELANGKS.
Collections diverses
B.\ 43 10b — .
BX 43. 44 13 —
.\an. frag. vi 13, 15, 16 cit.) rMine.) pp. 134,137
II. lia. 12. 13c, 14ab (cit.) - pp. 140, 134
m, G (cit.) - p. 137
V. 7a',7b-8d',9-14a, loabc,
10-17 (fin)
VI. 1. 3-viii, (fin du livre)
JOB
m, 1-12. 13b-2G(fin)
IV, 1-vi, 15a*, 15b-30 (fin:^
viii, (complet)
ix. l-24a, 25-35 (fin)
x, 1-3, 4b-2l (fin)
(1) Édité aussi d'après les mêmes Mss., mais d'une manière peu critii|ue. par E. Amélineau
The Sahidic Translation of the Book of Job (PSBA. IX. 1887).
REVUE RiiUjnrE.
Z. 24 XVI, 23 (fin)
xvii, l-3a, 5h-10a*, 11, 13-10
(fin)
xwii, l-19a, 20
xwiii, l-3a. 4b, 9b-13, 20-21a,
22b-2r)]), 27b-2S (fin)
du livre]
C
Autres Collections (1)
IS-
BN 129' fol. 114 VI, 5ab*, 7ab-, 8-9, 10", 11', (Dieu)
12-15, 16a'
vu, 3b*, 4*, 5a*b, 6-71)-, 9',
10a*, lM2a
BMC 21 CA VI, 19-25a* (Sch. 1,
SAGESSE DE SALOMON
A (1)
Collection Boryia
C (2)
BMC 951 -
I, l*,2a'b,(3-9a)-, ;ilbcd-14)*, (Tho. 2)
15, 16*
II, 1*, 2*, 3a*, (4bcdef)*, 5-7,
^1) Édité aussi par Amelineau [op. cit., ix sans indication du Ms.
(2) Rien à la Bibliothèque Nationale de Paris.
.MÉLANGES.
17b-21 (6n)
XI. l-2a', 2b-3a', 3b-9b', (10-
12)', 13-20d*, 21ab*, 22',
23*, 24a', 24b-26b*
-XII. lab*, 2*, 3-6b*, 7-8a*, 8b'c,
9*, lOabc'd*. 11, 12*, IS-
IS, 16', 17', 18a*b*, 18c-
24b'. 25-. 2r,a-, 2Gb -27
;fin)
xix, (4-8)*
iOO REVUE BIBLIQUE.
XI (complet)
XH. l-8b*, 8c-13b*, 14-2Ga*, 26b-
27 (fin)
Collections diverses
SAGESSE DE SIRACH
A(l)
CoUfction Boryiif
C (21
32-36 (fin)
i23)*,22*,23-27b*,28ab*,
29*, 30-31a'
(li Édité aussi par Amélineau [op. cit., ix) sans indication du Ms.
;2,i Rien à la Bibliolhcque Nationale de Paris.
102 REVUE BIBLIQUE.
(28-31)*
.\xi. (l-4ar, (131*. 12-. (15)-.
18a*b, (19-23a)*
xxvii. (2-12)*, ISab-, (14-19)-,
20ab*, 21a-b, (24)-, 22-
23a*, 23b, 24a*, 24b-
26b*. 27*. 28a*
xxviii, 25*, 26*
* XXIX, (l-lla)-, 12b-, (14-28)-
XXX, (1-11)*, 12ab-, (13-23/,
28c*d*, 29ab*, 30*. Sla'b,
32ab*, 33*, 34ab*, 35a*b,
36-37b', 38ab*c
XXXI. 2b*, 3*, 4a*, 4b-(6)a*, (6)b-
29a*, 29b-30a*
XXXII, 5*, 6ab-, 7ab-, S". 9-lla,
12ab-, 13-15, 16-, 17,
20b*, (21-22C)*, 22d-23a-.
23bc*, 24a*b, 25, 26'
xxxiii, la*, lb-(2)a*, (2)b, 3*, 4ab-.
5-, 6*, (lOb-12)*, 13Aab-,
( 13B)*
xxxiv, r, 2*. 3*. 4a-, 4b-5a-, 5b-
6b-,7-, 8-, 9ab*, 10-, 11-,
12a*b, (13)a*b, 13a*b .
22*,(27r,23*,24\25ab*,
26-, 27cVb, (33) ab-,
(35)ab*, 28a-b, 29, 30',
31a*b, (42)a-b
lub*, (2)*, 2ab*, (3V, 3',
(5)*, 4*, 5ab% 6a-b, 7-8,
0', lOab', llab-, 12, (13-
XXXVII, lab\
XXXIX, 8b-, 9a'b, (13)ab*. 10-17,
(22)% 18-. 19ab% 20ab-,
21a'b, 22-27, 28a*b,
^34)a*b, 29", 30*,3rab*c,
32a'b, 33-, 34-35 (fini
lab',lc-7,8'/J-16b*,17-18a
11*, 12-16d*
i\, lb',2*,3-(9)b*,9a',(13)b*c*.
10-15b*,16a'b, 17-18 (fin)
X, l-4a, 5*, 6-I2b*, (15)a*, 13,
(lG)a*b, 14-18, 19acbd%
20a*b, 22-29, 30*, 31a*b
XI, 1-7, 8b*, 9*, 10-17, 18*,
19a*b,(20)a'b, 20a*b,21-
25, 26*, 27a*, 27b -34b*
XII, r,2a*,2b-9, 10b•,lla*,llb-
16, (16)ab*, 18a-b*c
XIII, l-6c*, (7abcd)*, 7e-15. 1(V,
17*, 18-23a, (29jb*, 24*,
25-26 (fin)
18a*b,19a*b,20-27b*,28*,
29*, 30-31 (fin)
XXVI, l-10,ir,12-13a*,13b-18b*,
28*,(26)ab*,(27)*,29(fin)
XXVII, l-5b*, 6*, T, 8a*, 8b-14a*,
14b-(24)a, 23b*c*d*, 24a*.
25a*, 25b-30 (fin)
XXVIII, 2b*, 3*, 4-9b*, ir, 124(;,
MÉLANGES. 103
îtkrb (fin)
i25)b-25a% 25b-28'(fin)
XXX, l-3b\ 4-5b% 6-12b', 13-
19b-, (20)ab*, 20-26, 27*,
28-37 b*,. 38-40 (fin)
(fin)
13b-30, 31*
^xxvHi, la*, lb-9b*, 10-(18)b*,
20-(28) (fin)
XLii, l-3a*,3b-10a*, 10b*c*, lOd-
17a*,17b*c*,17d-25(fin)
XLiii, lab*, 2a*, 2b-9, 10*, 11-
Collections diverses
VIII, lab*
E, 7a*, 7b-10a*
viii, 13b-F, 11b*
JUDITH
C(2)
Collections diverses : British Muséum
BMC 12 I. l-ii, 5a •
(Tho. I)
VIII-XIII
[A stiivre) A. Vaschalde.
I. — El-'Aoudjeh.
1. L'exploration de 1916.
(i) Juillet 1916 : Audscha el Hafir, p. 155-16'i; Octobre 1916 JSachtrag zu Andscha
:
paix est encore la vraie condition d'un travail propre et sérieux. C'est
elle qui avait favorisé les voyages de Palmer dans le désert de
l'Exode, l'exploration des sites d'el-'Aoudjeh et d"Abdeh par l'École
Biblique, les tortueuses randonnées de M. Musil, les relevés de
MM. Woolley et Lawrence, pour nous borner à quelques noms que l'on
pourra compléter aisément, surtout en ce qui regarde la péninsule du
Sinaï, par la Palastina-Literatur de Thomsen et même par la
Bibliotheca de Rohricllt. Quant à l'histoire des localités de cette région,
elle avait été esquisséedans le Recueil de M. Clermont-Ganneau et dans
au fur et à mesure de la découverte des fragments
\d.Reviie biblique (1),
du Rescrit byzantin deBersabée. Certes, il était loisible au P. Hansler
de négliger les travaux d'origine française ou anglaise, mais il appar-
tenait à la probité la plus élémentaire d'indiquer la source de son
information quand il lui paraissait plus facile de nous traduire litté-
ralement que de s'imposer de patientes recherches. Il eût sans doute
agi autrement si notre disparition n'avait été estimée définitive.
Encore est-ce là une excuse de bien mince valeur. Le procédé néan-
moins vaut d'être illustré par un exemple.
Toutefois, as-Sô'a nous entraîne fort Nur Asoa konnte bisher niclit bestimmt
loin du milieu géographique supposé par werdea, und doch muss es entsprechend
le contexte. C'est au Négeb que doivent der hier vorliegenden Zusaninienstellung
plutôt porter nos recherches. Une an- iu dem Bezirk oder Grenzgeblete von
cienne notice byzantine des évêchés de Elusa gelegen haben. Nun gibt uns aber
Palestine, publiée par Grégoire Palamas, einebyzantinischeNotiz iiber dieBistùmer
en 1862, dans son ouvrage sur Jérusalem, Palâslinas, herausgegeben durch Grego-
nous met sur la voie d'une identihcation rius Palamas 1862 in seinem Werk iiber
très fondée d'Asoa avec el-'Aoudjeh. Jérusalem, deutliche Fingerzeige, Ason
Cette notice, en effet, situe dans l'évêché mit Audscha gleichzustellen. lene stelle
de Gaza, dont le territoire s'étendait fort verlegt namlich in die Diozese des Bis-
loin au sud, deux camps romains, Ason chofs von Gaza, dessen Sprengel sich weit
ou Ausa et Abida, qui ont deux autres gegen Sùden ausdehnte, zwei romische
postes militaires à l'est, Khalasa et Kho- Lager, namlich Ason oder Ausa und
lous. Abida, welche wiederum ostwârls zwei
andere Militarstationen, namlich Chalasa
und Cholus, haben.
Après avoir énoncé que l'identification à' Abida avec 'Abdeh ne faisait
aucun doute (nous avions dit aucune difficulté), l'auteur complète
:
(1) Mit dieser Angabe stimmt auch die Bemerkung des Pilgers Anloninus von Placentia
libereiii, dass man auf der Wanderung durch die \S ûste, ausgehend von Elusa, beim
zwanzigsten Vleilenstein ein Kastrum antreffe, woselbst sich ein Pilgerherberge zu Ehren
des hl. Seigius betinde. Die... Entfernung von 2u romischen Meilen trifTt sowohl fur el
Audsclia wie fiir Abdeh zu. {Das hl. Land, 1916, p. 162).
(2) Heil. Land, 1916, p. 157 s.
110 REVUE BIBLIQUE.
trésors ont fracturé les sépulcres, brisé les épitaphes et mêlé dune
main sacrilège les ossements les uus avec les autres. Au dire d'un
officier supérieur qui se trouva par hasard présent à l'ouverture d'un
de ces tombeaux, les corps devaient être encore très bien conservés;
les moines portaient un habit brun dont je vis quelques restes. Je
n'ai pu savoir ce que les tombeaux contenaient comme mobilier,
suivant l'usage antique on parle cependant de fragments de papyrus.
:
(1) HL., 1916, p. 200 s. A propos des papyrus cependant voici ce que nous lisons dans
une note de la rédaction [HL., 1917, p. 15) « La trouvaille des manuscrits se confirme; il
:
s'agit d'un certain nombre de feuilles de papyrus déjà cédées au Musée impérial de Cons-
(.3)EL., 1916, p. 202 Die meisten Epitaphien sind leider der Zerstorungswut einer
:
rolien Soldasteska zum Opfer gefallen, so dass man kaum melir liicîvenlose Inschriften
antrifft.
CHRONIQUb:. 111
épigrapliiques, mutilés pour la plupart, réunis par ses soins dans son
musée, nous aurions une ample moisson d'épitaphes bien conservées,
de mosaïques intactes et de plans fidèlement dressés. Je suis néan-
moins très reconnaissant au T. R. P. Dom Grégoire Fournier, supé-
rieur des Bénédictins belges, de m' avoir autorisé avec une extrême
bienveillance à relever au musée de la Dormition les frag-ments épi-
graphiques rapportés du Négeb pendant la guerre, ce qui permet de
contrôler la publication de ces mêmes documents dans la revue de
la Société de Cologne. En groupant méthodiquement les notes du
P. Hansler, nous prendrons une idée de l'état actuel des ruines d'el-
Aoudjeh et des découvertes qui y furent faites récemment mais que
l'on n'est plus à même de vérifier.
2. Les églises.
{1) Palestine Exploration Fund, Annual 1914-1915. The Wilderncss of Zin, p. 119 ss.
Dans le texte, cette église, sans doute par suite d'une confusion avec la suivante, est située
1) La lecture de la descriptioo de ceUe église sera facilitée si l'on veut bien se rapporter
au plan ci-dessus (lîg. 1), dessiné d'après EL., 1916, p. 199.
(2) Soraers Clarke, Christian Antiquities in the Nile Valley, pi. IV, V, XX. D'autres
églises du Négeb pourraient fournir aussi de curieux rapprochements que ce n est pas le
lieu d'examiner ici. Enfin tels Qétails comme le baptistère en façade, à l'intérieur du
narthex et la salle derrière l'abside trouvent d'étroites analogies avec une des basiliques de
Flousiyeh =
Ostracine récemment découverte par M. J. Clédat [Annales du serv. des Antiq.
de V Egypte, WU
1916, p. 21 ss. et pi. II) et qui se classe tout à fait à la même période.
.
. CHROMQUE. H3
communica-
nord, divisé en trois pièces dont on ne saisit pas bien les
tions (1), au sud sans divisions apparentes, muni d'une sorte
l'autre
de banquette et communiquant avec l'église grâce à deux entrées dont
l'une (fig. 1, a) avait un linteau de marbre portant une inscription.
Le nartliex où l'on trouva quelques fragments de mosaïques d'un
dessin analogue à celui de l'église de Beit el-Djemdl, s'étendait sur
le front de l'église et de la salle méridionale. Il se terminait au sud
contre une tour présentant des murs extérieurement redoublés sur
les côtés ouest et sud et des pilastres intérieurs. Ces pilastres fort
rapprochés devaient porter un très solide dallage courant sur les
arceaux qui les reliaient. Les bâtiments latéraux étaient sans doute
aussi, comme mainte église de Haute-Syrie, munis d'une toiture de
larges dalles reposant sur des arceaux. Au seuil de l'église dans le
1. Inscriptions iC el-Woiidj ch
2. — Inscription gravée avec soin sur un bloc régulier de calcaire de 0™,57 sur
0™,35. Hauteur des lettres :de 0°i,03 à 0'",04.
(1) Grenfell-Hunt, p. Oxy., 504 1. 3, 3fi ; 1326. Un nom égjplien a déjà été trouvé sur
une inscription de Gaza, RB., 1894, p. 249.
de Gaza. Je ne sache pas que Gaza ait été jamais métropole il est plutôt certain qu'elle
;
dépendait de Césarée.
(3) Gelzer, dans ses annotations de la Dcscripl. 0. R., p. 186.
A la rigueur on pourrait
penser à une abréviation d"EiJiKjriv65v, mais la lecture du texte ci-dessus confirme la
variante d'un scoliaste de la Bibliothèque de Pliotius, cod. 242 : "Efiiaoc. Étie.^ne de
B\ZA^'CE, aux annotations d'Holstein sur "Eue^a.
,
CHRONIOUE. H5
tojIto) ts è'pYoV [àv ;rr,vl 'r-ep]6-r;p(c-:aicu) a' ] '.v(Bt7,-Lwvo;) /;' tcj £-:c'j[ç '-^ç
tr,y.pyiiy.ç] o .
la province 500.
L'écriture Biz-ia-jo:. i-fhn-z. tojtc
TOJTw montre avec quelle facilité les
s'interchang-eaient, phé-
nomène fréquent dans tYTl£PC6)THPUC^l\5C£Pr
les inscriptions du Hau-
BlKT(joPôC ÔIK OctÔMb
rân et dé la Syrie. 'A6:j-
ç:va(vcj semble avoir été
K^blKTôPÔtT^YTbYVbKî^î
le nomd'un clan du Né-
g-eb. On le rencontre dans
une épitaphe de Khalasa
MT^MlCûSCrWNCTOTb
publiée par Tod [Tke l^tuT e P rô r/ ^^hH
Wilderness of Zin, p . 1 40
(1) GuAïiOT, Indejc alphabet, des inscr... publiées par Waddington, V, A, p. 13. Prince-
ton.,. Archseol. Exped. to Syria, D III, A 2, p. 96. La fm de ce texte est ainsi rendu par
irz,.,1916, p. 202 : « Sein Loliii werde ihm ziiteil. Das Werk... Ind. VIII. des labres »
.
+ YÏÏEPeii)TEf
rELilpfUTI/XTP^K^ OMAKA^
HT» NESYTTEP
ON > E KH
ANACTACU AïïE^ Zi
AKE? AP^
^ AN 3 5 yNE
Fac-similés des inscr. n"" 3, 4 et 3.
f^
'IVàp G-o)T£pt(a;) I
r£wpY''(c'j) na-pi7,''(i'j) | r;YO'j;j,£(vo'j) {v.y.\) br.ïp \
àva7:au(J£(a)ç) 'Avaî-a7'!a(ç) |
'A/.s^âvopou.
Powr /e 5a/e^^ de Georges {/ils) de Patricios higoumène et pour le
4. — Texte gravé sur un bloc de calcaire lavé trouvé, semble-t-il, près de l'église III
Il est inscrit dans un cartouche mesurant 0™,3.5 sur 0™,3l. Hauteur des lettres :
0^,035, 0n\04.
hûv (1). Suivant l'ère de Bosra, 436 = 541 de notre ère; le 18 Dios du
calendrier gréco-arabe répond au 5 novembre. Or, l'indiction 5 a
t 'E7.j;rr,0(-/;)|5 ;^.ay.ap(ic;) 1
Wi.y.ziyj.t-) Z[:v(aivcu) sv '^4y') \
Le p. Hansler pense que la date est donnée suivant l'ère chrétienne ou suivant l'ère
(1)
de Gaza, dont U marcfue le début en 61 après J.-C. tandis que c'est en réalité 61 avant J.-C.
De là un coraput fautif qui se répète ailleurs en vertu de cette erreur fondamentale. Il y a
également erreur dans 1 interprétation du chifTre ç.
(2) Ce texte publié par Ton The Wild. of. Zin, p. 136, pi. 34, a été réédité par Alt,
ZDPV., 1919, p. 177 ss., qui ne parait soupçonner que ce document soit connu.
(3) American Journal of Archeeology, 1910, p. 61. RB.. 1905, p. 256, pi. X, 30.
(4) Ton, op. l., p. 139, pi. 35.
(5) ToD., op. L, p. 140, pi. 35, a renoncé à résoudre l'énigme et se borne à la transcrip-
tion 'A>a:a A. E. A. 8oj Z...
118 REVUE BIBLIQUE.
en Arabie, Méddin Sâleh n"" 12, 19) sous la forme %nbï:'-)n à laquelle
répondrait assez bien 'AXâ^aXcç.
6. — Texte assez fruste sur une épaisse dalle de calcaire jûunàtre mesurant 0™,4ô
de long sur 0™,28 de large. Hauteur des lettres 0™,03.
7 Mvr,;j.t;v 2!TS9âv(ci'j) |
'AXasâXcu' ï-t\[tù]\-f:i'i ï-z't v. . [j,[-/;vcç] |
Abu
i, î-[z'oz) 'o'/.C [y.ai Awpo] |
Oliu stov C" ;jJr,vcç... -m-y] \
" kç,y/iy.q
stèle mesure 0™,27 de haut sur 0™,32. Hauteur des lettres 0"'.02 et 0",03.
'E-:SA£'J|-:£S{£V "AcC'JC7lÇ I
©-/joç ? 1 è(v)
(1) 11 est à croireque les Sémites du Négeb exprimaient les souhaits ou les malé-
dictions comme lesArabes par un temps correspondant à l'aor.-indic. grec. Cf. n" 2 .
[AtaOô; èyévÉ-ro que l'on pourrait alors rendre à bon droit « que (cette œuvre) : lui soit à
récompense! »
CHRONIQUE. 119
8. — Fragment de marbre blanc veiné de gris de 0'",40 sur 0™,30. Les lettres
hantes de 0'",05 rappellent comme forme celles de
l'épitaphe de Théodore (588 ap. J.-C.) dont la HB.,
267, donne la photographie. Il est douteux
1904, p.
que ce fragment-ci provienneM'el-'Aoudjeh.
-f SYJi^a 7,aT[aG£(7£a)<;] |
'La\).our,[ko\)] \
fcmm
Sépulture de Samuel Korétns [fils] de
Korétos décédé au ?}wis de Péritios.
Une inscription de Gaza, fragmentaire
malheureusement, commence aussi par
:i:^;xa RB., 1900, p. 117; RAO., lY,
xaTx...
9. —
Fragment d'epitaphe trouvé dans les ruines de l'église III {UL., 1917, p. 14;.
Le début des lignes manque, mais la restitution en est aisée.
ev ar,v IHANE
;xou nPOTHTb
E^o YCYZE
tvAr +
Le nom du défunt devait être très court ou écrit en abrégé. Il
(1) Mais l'identité des deux noms ne s'impose pas. Le grec connaît Kôoy]; Kôp-/;To;. Pape-
Be?*seler, Wôrterb... s.v".
d20 BEVUE BIBLIQUE.
-f 'kvtr.xr^ c \}.y:/Jy.z'.'.z) Oj |
a/.evTÎvcr llÉTpcu ]
àv ;r/;(vt) ZavTr.-/.(cj)y.'
y
une inscription de Bersabée
gravée avec la même élégance
que le présent texte [RB.,
190i, p. 267). Celle de l'ère de
Gaza Y.y-x cï TyZ. a été relevée
dans un texte à Gaza [BB.,
1892, p. 2i3 CI.-Ganneau, Archœol. Bes.. II, p. ilO). La date répond
:
Ms^â I
Xr< EÙAaA'CJ y.aiTaTcOsTtra
wvoç) o£y.i-r,ç. -f
Ci-gil feu Mégalè [fille) d'Eula-
lius qui a été ensevelie le SS août,
indiction10\
T)xTGe^ic;^n^Y
Une Mégalè femme de Balys et rOYCTOY KBIMA
mère de Zenon et de Théodnte
nous est connue par deux épita-
phes provenant de Maioumas de
CHRONIQUE. 121
Gaza [RB., 1892, p. 2V0; Arc/iceol. Res., II, p. i03) datant de 529 et
de 505 de notre ère. S'il s'agissait de la même personne on pourrait
mettre sa mort en 531.
12. — Stèle dont la tête ornée d'une croix eu partie effacée mesure 0'",15 de dia-
mètre. La partie où se trouve l'inscription mesure 0'",2-5 de haut sur 0"'.20 de large.
Hauteur des lettres 0,02, 0,03.
-f 'Avazâs -^ •j.yy.y.z
'
i) ja Zz'n'i{rt) ;j.-/;(vb;; 'Acte j
[j.t^iz'j v.z '.vc^'.y.-r'.wvir'
'
"
^'U.=.ç.-'. ^
'
rind. 6.
13. — Inscription métrique gravée sur uue plaque de marbre blanc de 0™,92 de
long, 0'",27 de large, 0"^,03 d'épaisseur. Lettres grêles et irrégulières de 0'",03-0'^,04.
ûVAEAinuKJXmiTOlOTTkMlTXOON^lAN
^u)PôeLû^^EPAuNTl[AfN^WOfo^M^ ^
(1) G. Lekebvre, Recueil des inscr. grecques chrétiennes d'Egypte, n° 592, p. 110.
122 REVUE BIBLIQUE.
Les deux vers de Dorothée dénotent une situation qui tranche avec
celle qui nous est décrite dans VHistoii^e arcane de Procope ch. 24)
où il que Justinien négligea et méprisa les limitanei (cJc7-£p ai;jli-
est dit
-ravaicjç IxaÀîJv), en particulier ceux qui gardaient la frontière contre
les Perses et les Sarrasins, au point de leur faire attendre leur solde
pendant des quatre ou cinq ans et même à les rayer des cadres.
Mais il n'en alla pas toujours de la sorte : l'œuvre législative, les
vestiges byzantins du limes, les textes épigraphiques prouvent qu'au
temps de sa gloire, Justinien prit un soin spécial des troupes de la
frontière. Le décret de Bersabée s'occupe de l'annone que devront
percevoir les dévoués limitanei (ci y.aecsiojy.îv:'. 'Kv^n-^nzi). Nous avions
d'abord pensé à traduire comme si cjoé se rapportait à aittcÔv : « Bien
qu'il n'ait pas quitté le sol divin de Palestine, Dorothée n'a point eu
part aux gratifications de V empereur. » Dorothée se plaindrait de ce
que la mort l'a privé de participer aux émoluments fixés par l'auto-
rité impériale. Et pourtant il a tenu longtemps sur ce front du Sud
(1) Interprété ainsi par Eustatlie : répa: oà SavovTwv li^n. 6û(i.gov -/.ai airîrr^^ zal û),w: ta
CHRONIQUE. 123
14. —
Fragment d'inscription en style poétique sur un morceau de marbre blanc
mesurant 0"\20 de haut sur 0'",17 de largeur, épaisse de 0™,02.5. Hauteur des lettres :
1.5. — Fragment irrégulier demarbre de 0™,31 de haut sur 0"i,14 de large et dont
l'épaisseur varie entre 0"',03 et 0™,04.5. Hauteur des lettres O-^jOSô et 0"\04. Les
:
lettres ont la même forme que celles des fragm. H, HI, I\ du rescrit impérial de
Bersabée {RB., 1906, p. 88). La forme des A est celle des fragm. I et V iRB., 1903,
p. 276; 1906. p. 414), qui diiïèrent en cela du fragm. VI {EB., 1909, p. 89). Le sigma
est carré dans I, V, VI tandis qu'il est lunaire dans II, III, IV et le fragment en
question' qui provient du même rescrit et devient le fragm. VII. Ces différences
prouvent seulement que le tracé du document a été effectué par plus d'une main.
...7.3cO(2M7.Cj) 0S=[5...
527, laps de temps où Justinien régna avec son oncle. Mais si le nom
gentilice se rapporte à deux consuls, il faut que l'un d'eux soit Justin
ou Justinien à cause du début, le... Sous le règne de Justin P"" nous
avons le consulat de Flavius Justmianus (plus tard Auguste) et de
Flavius Valerius en 521 ;
puis le consulat de FI. Justinus et de FI.
Opilio en 52i (2i.
Sous règne de Justinien, ce prince fut plusieurs fois consul, mai^
le
16. — Fragment de linteau de porte très mutilé orné de rosaces mesurant 0'^.46
de haut sur 0™,44 de large au
sommet, et 0°',42 en bas. Lettres
»|1 i
(^ '',
Ijr^^^r^W tY ^l
calcaire : ÔEosiXé^TaToç -fcCjÇÛTcpo:.
Le reste contient peut-être une
date; le dernier mot : jîo; seul
est clair.
mètre avec un appendice de 0'",14 on lit autour d'une croix pattée 'luawr;: "Ovaivoc.
Hauteur des lettres 0°',03. 0'",05.:
(1) BU. 836 1. 10 : xa/.X'.v;y.oy r,u.wv Sî<77:6Toy <ï>"A9.o-jto'j 'lo-jartviavoù... aÛTOxpaTOpoç, titu-
lature identique dans un papyrus d'Aphrodite publié par J. Maspero dans le Bull, de llnst.
Fr. d'Arch. Orient., VI, p. 19.
(2) Les papyrus dans le cas de l'association de deux Flavii écrivent 4>/.arj-jiwv devant le
premier cognomen ou <ï>>.aojîoj devant chacun. Voir la liste de ces consulats dans
J. Maspero, Catalogue des Antiq. égypt.. Papyrus grecs de l'époque byzantine, I, p. 229.
On trouve par exemple en 530 v);:aT£Îa; «ï'y.aoj-wv 'Opéaxov -/.al AaixTiaôio.., et en 532
: :
liera Trjv OnaTîtav 4'),aoj'ov 'OpETTo-j xai <I>>,aoj:oj Aaii-raSîo'j. Les papyrus ont procuré
l'avantage de suppléer beaucoup de gentilitia qu'avaient négligés les listes consulaires.
(3) D'après l'Art de vérifier les dates, Chronol. des consuls romains, p. 336. Justinien
CHRONIOUE. 125
18. —
Prétentieuse combinaisou au pied d'une croix des quatre lettres du mot
HXï'a sur une tête de stèle de
TOp...
6. — 0™,60 de large sur
0'",30 d'un côté et O'^jSÔ de
l'autre; épaisseur: 0^,035; b.
des lettres : 0'",0.5 à 0".07;
moulures arrondies moins pro-
fondes que celle du pré-
cédent;... -i£c;6]oj-:r,po'j? t,ç
c. — 0'",30 et 0">,46 de
large sur 0™,32 de haut,
épaisseur de 0'°,035; lettres [
issées au minium hautes de 0™,03-" Xo X(p'.
cepeadant, d'après une lettre du pape Silvère, aurait partagé le consulat avec Bélisaire
(FI. Belisarius) pour l'Occident, en 535, Bélisaire étant seul consul pour l'Orient, ce qui
n'est pas confirmé par les documents contemporains.
126 REVUE BIBLIQUE.
23. — Bloc de grès rose de 0"-,32 de haut sur 0°',27 de largeur portant le début
d'une inscription nabat. dont les lettres, de 0'^,19 de hauteur, sont gravées par une
série de petits points. Le texte se lit... nmn. On reviendra à son sujet.
F. M. Abel, O. p.
Jérusalem.
tendre.
Il occidentale de la ville moderne, sur un
est situé vers l'extrémité
des premiers escarpements d TÉbal. La découverte accidentelle re-
monterait, parait-il, aux premières années de la guerre. Par un
souci de sécurité pratique autant que peu honorable, l'état-major
germano-turc abritait une section importante de son personnel dans
les meilleurs locaux du grand hôpital municipal moderne érigé en
cette avantageuse situation et protégé contre les audaces des avions
anglais par un kolossal croissant rouge peint sur le toit. Afin de
développer par des installations de fortune l'espace désormais trop
parcimonieusement mesuré aux malades et aux éclopés que la guerre
faisait affluer, on entreprit de bâtir. La terrasse la plus voisine otfrant
de la terre à mortier, une excavation s'y développa, qui, en livrant
de la terre, fit bientôt apparaître butin inespéré! — de splendides —
pierres d'appareil éparses devant la paroi du rocher. En peu de temps
le trou agrandi laissait voir une base de muraille qu'on ne prit même
pas le loisir d'arracher tout à fait, parce que l'entrée dans une vaste
salle funéraire où s'entassaient de magnifiques sarcophages invitait à
un pillage plus rémunérateur. Quand on estima la rafle absolument
terminée, on s'accorda le malfaisant plaisir de réduire en miettes les
jolis sarcophages et les pièces du mobilier funéraire dont on n'escomp-
tait aucun profit. Un sondage attentif des parois ayant fait soupçonner
(1) Cf. SÉJOURNÉ, RB., 1893, p. 242 ss. ; 1895, p. 619 ss. Enlart, RB., 1896, p. 108 ss.
128 REVUE BIBLIQUE.
Rofii de a
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%i^ . «
^
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^
^
transversale (a), longit. (c) et petit côté (6). 6, Gond en pierre d'un vantail de porte.
132 REVUE BIBMQUE.
Fesjjoir d'en faire monnaie |)ar la suite? Ils sont désormais à l'abri
sur les auges. Au lieu d'un rebord saillant pouvant emboîter les
parois ou s'y insérer, ils étaient munis, sous les angles, de quatre
petites protubérances cylindriques dont l'espacement avait été calculé
pour s'adapter exactement à des onglets réservés dans les angles
intérieurs de l'auge (fig. 4, n" 4, c et n° 5).
Il est clair que la décoration des sarcophages I et II a été régie par
la position qu'ils devaient occuper dans l'hypogée non: toute face
destinée à frapper le regard est demeurée nue, ou présente seulement
de faibles saillies quadr angulaires sur les côtés longs, rondes sur les
petits côtés, mais absolument lisses. On les prendrait d'abord pour
l'épannelage d'un motif ornemental irréalisé; elles doivent cependant
représenter plutôt un élément réservé pendant le dressage ti-ès fin
[V] Il n'est évidemment pas question de chercher une intention de symbolisme quelconque
dans les éléments décoratifs de ces sarcophages. Disques, rosaces, couronnes, palmes, etc.,
quelle qu'en puisse être ailleurs la portée en tant ijue symboles funéraires païens, sont
manifestement ici de simples poncifs ornementaux.
(2) Il ne paraît pas non plusque la tablette ait été recouverte par une plaque, métallique
ou autre, ]iortant une inscription.
CHRONIQUE. 133
d'Adiabène —
vulgo Tombeau des Rois —
et celui des Hérodes, qui sont
dans toutes les mémoires. A la condition, sans doute, qu'on veuille
bien ne pas demander que ces sarcophages se comparent indivi-
duellement trait pour trait, on y retrouvera les plus strictes analogies
de proportions, d'exécution et de motifs ornementaux (2). Comme
de juste, les artistes de la capitale l'emportent dans l'harmonie de
la composition décorative et la souplesse de quelques formes sur
leurs congénères provinciaux, mais sans les dépasser pour le tour de
main et le fini scrupuleux de certains détails. On remarquera aussi
que les ornemanistes de Naplouse trahissent une inspiration plus
courte, plus de sécheresse dans le Iraitement de leurs sujets.
Tout compte fait, on daterait donc assez volontiers ce groupe
funéraire, tombes et sarcophages, de la période qui comprend le
dernier siècle avant et le premier siècle après le début de notre ère.
Mais une difficulté plus considérable subsiste à qui attribuer ces :
(1) Cf. ScnuMACHEK, ZDPV., IX, 1886, p. 328 s.; QS., 1887, p. 85 s. A Tibériade et à
Gainala so retrouve l'étrange détail d'un cartouche demeuré vide sur un sarcophage
ornementé.
(2) A noter par exemple, dans le propre sarcophage de la reine d'Adrabène, les disques
lisses en relief qui constituent toute la décoration, les rosaces peut-être prévues n'ayant
pas été sculptées, faute de temps, ainsi qu'on l'exposera en traitant de cet hypogée en
son lieu.
CHRONIQUE. 13b
éveil, nous avons voulu, sur le chemin du retour, faire une halte à
f'I-Blreh, environ 10 kilomètres au N. de Jérusalem, pour constater
dans quel état la guerre aurait laissé l'intéressante ruine de l'église
médiévale. Comme nous arrivions à l'entrée du village, inquiets
de ne plus apercevoir la majestueuse silhouette des hautes absides
émergeant des terrasses, on nous apprit que, bien longtemps avant
tout combat dans cette région, les belles pierres de l'édifice avaient
servi à construire des piles et des arches de ponts sur les routes
militaires créées autour de la localité le reste des matériaux en
;
temple. Les chroniqueurs Israélites des époques les plus reculées, rapportent que
« Halem était fils d'Adonia, l'im des plus grands Juifs de Babylone. Il était venu à
))
(1) Fouilles de MM. Bliss et Dickie pour le compte du Pal. Expl. Fitnd; cf. Séjoirné,
RB., 1897, p. 299 ss.
CHRONIQUE. 137
L. H. Vincent, 0. P.
Jérusdlem, G octobre 1919.
tas, sed tua fiât (Le. xxii, 42). Cet auguste souvenir rendait cette
L.
1) Vincent et Arel, Jérusalem, t. II, p. 301-337; le plan. p. 331, cf. RB., 1919, p. 249.
Le titre est long, mais il en dit long, et d'abord il laisse entrevoir ce que l'auteur
explique dans sa préface : le présent livre contient une série d'articles, dont le plus
ancien est de 1894 et le plus récent de 1908, les plus importants ayant paru dans le
Hibbert Journal. Le tout a été revisé augmenté, mais il faut sans doute attribuer
et
à ces origines le ton quelque peu combatif de l'auteur, animé par la chaleur des
controverses.
Sa position à clairement indiquée. Il est aussi nettement opposé qu'on peut
lui est
dénaturer.
Tout d'abord une concession importante. Les temps de Baur sont passés. Personne
ne date l'évangile de la fin du second siècle (vers 170). On ne dispute plus sur son
existence, mais sur son autorité comme écrit apostolique. Encore faut-il s'entendre.
Mettons d'abord de côté le verset xxi, 2.5. simple glose de copiste. Ensuite le chapi-
tre XXI. 1-24, ou l'appendice, écrit assez longtemps après l'évangile par un rédac-
teur (R), qui aurait aussi inséré dans l'évangile quelques additions.
Ces éliminations opérées, pourrons-nous du moins dater l'évatigile primitif.' Bien
des passages semblent reconnaître qu'il existait, dès le début du ii'' siècle, date qui
n'est pas éloignée de celle qu'assignent les critiques conservateurs ou les catho-
liques. Les déclarations du critique, p. 21, p. 62, p. 268 paraissent très nettes. Mais
dans d'autres endroits, p. 88, p. un corps de doctrines, un
1-53. ce qui existe c'est
ensemble de traditions qui préparent l'éclosion de l'évangile. Assurément l'auteur —
a pu prêcher son évangile avant de l'écrire, mais il y a un moment où il l'a écrit, et
c'est sur ce point qu'a i^oulé la controverse durant longtemps. On peut déplacer son
' RECENSIONS. 139
pas le fils de Zébédée? Et pourquoi ne serait-il pas aussi l'auteur de l'évangile ano-
nyme? C'est ce que le Rédacteur de l'Appendice (Jo. xxi) admit sans hésiter, et, de
bonne foi, il écrivit le v. 24 pour le suggérer clairement. Toujours fort de son inno-
cence, il fortifia ce sentiment par les additions dont nous avons parlé. L'appendice,
si flatteur pour Pierre, devait assurer la faveur de Pvome à la nouvelle combinaison :
aussi y fut-elle agréée entre les années 160 à 180 et il fut désormais acquis que le
quatrième évangile avec ses additions et son appendice, était l'œuvre de Jean, fils de
Zébédée.
Nous ne saurions exiger qu'un problène littéraire soit toujours résolu simplement,
par oui et par non. Mais une combinaison compliquée n'est pas dispensée d'être vrai-
semblable. La construction de M. Bacon m;inquede vraisemblance. L'auteur pouvait-il
avancer aussi innocemment le témoignage du disciple bien-aimé ? De quel droit par-
lait-il au nom de plusieurs pour confirmer son œuvre.? Où le rédacteur a-t-il pris
même si l'on veut, des églises. Les protestants radicaux ou libéraux paraissent
décidément peu enclins à concevoir l'Église primitive ^autrement que comme un
I D'après la p. 439.
plaires) du journal incorporé par c Luc « dans les Actes? Combien de l'épitre aux —
Romains sans la lettre de recommandation de Phebé? Combien de l'Apocalypse —
sans le cadre ajouté par son éditeur d'Asie (2)? » —
Réponse aucun, parce que de :
sans suppléments?» S'il s'agit du proto-Marc, même réponse-, s'il s'agit de Marc
sans la finale, x.vi, 9 ss., M. Bacon sait très bien qu'il y existe un certain nombre
de rass. qui ne l'ont pas. Il n'y a absolument rien de semblable pour le quatrième
évangile, si ce n'est que xxi, 25 est omis par le grec sinaïtique : que^tion de cri-
tique textuelle sans conséquence pour l'authenticité de l'évangile.
Admirateur de cet admirable ouvrage, ]\L Bacon admettrait sans doute volontiers
qu'il est d'un apôtre si la critique le lui permettait.
Mais elle le lui défend, et d'abord pour une raison qui dispenserait de toutes les
autres. Les deux
fils de Zébédée sont morts à Jérusalem avant l'an 70, non pas
ensemble, car l'épitre aux Galates connaissait encore Jean à Jérusalem après la mort
de Jacques (44 ap. J.-C), mais Jean a été martyr comme son frère, le récit de sa mort
étant même en partie conservé dans celui qu'Hégésippe a consacré à la mort de
fl) p. 203.
;2) P. 212.
RECENSIONS. 141
tyr, c'est à une date très tardive, et il aurait eu le temps de composer Tév ngUe.
D'autant que Papias ;i) attribuait l'Apocalypse à Jean.
Dans le système de Bacon, que l'encadreur de l'Apocalypse se soit ima-
il faut
giné que Jean, mort martyr avant
70, avait été auparavant à Patmos (2
l'an et .
qu'une conclusion exégétique de Papias, nous pouvons la lui laisser pour compte.
Dans les deux cas, Papias ne serait pas décisif contre l'authenticité à supposer que —
nous ne soyons pas en présence d'une confusion des abréviateurs ou des copistes !
plus fidèle des pauliniens, si bien qu'on serait tenté de nommer ApoUo, « ce grand
de Paul (3 ».
et loyal disciple
Ce sont bien des choses. Pour ce qui est du paulinisme d'ApolIo et même du
quatrième évangile, il y aurait beaucoup à dire. Il n'y a pas si longtemps que le
gros de la critique libérale croyait à l'échec de Paul dans le monde grec; la transi-
tion, compromise par son aspect juif, aurait été faite par le quatrième évangile, qui
aurait remplacé Paul, plutôt (ju'il ne l'aurait continué. Laissons donc ces critiques
se défendre, et revenons à la personne de Jean. Et assurément, qu'un fils de Zébé-
dée ait écrit l'évangile, c'est un sujet d'étonnement, cela est peu vraisemblable en
soi. Mais en somme l'auteur était Juif, Bacon le dit très haut. C'est là le point vrai-
ment étrange. — Jean n'avait pas de culture. — Il n'en fallait pas tant pour écrire
l'Apocalypse, ni m'me pour écrire l'évangile. Ce n'est point le manifeste d'un philo-
sophe: c'est l'évangile de l'Esprit. Pour l'écrire, il fallait surtout avoir une convic-
tion profonde de la divinité de Jésus. iMais si c'est le réfléchissement d'une grande
lumière, qui pouvait plus qu'un disciple du Sauveur avoir reçu cette impression?
M. Bacon n'a pas omis de noter une différence à laquelle il eût du prêter plus d'at-
tention. L'incarnation de Jésus apparaît à Paul comme un anéantissement, à Jean
comme une manifestation de gloire. Cela peut se concilier, mais cela empêche de
regarder Jean simplement comme un disciple de Paul, si grand qu'il soit. Et dau-
N.-S. n'était pas au courant de la mort en martvr de l'apôtre quelque trente ans plus tôt. »
(P. 176).
(3; P. 28-2.
142 REVUE BIBLIQUE.
tre part, s'il figure parmi les apôtres de la circoncision dans l'épître aux Galates,
Le distingué critique objecte encore le silence des anciens auteurs. Qu'ils aient fait
Et le silence est -il bien le faitde Papias, comme Bacon le soutient assez longue
ment.' Il lui faut changer le texte, oî -ou Kucîoj [jiaGrjat à propos d'Aristion et du
presbytre Jean en oî pour retarder l'époque où
-tout'ov aa9r,Ta'; a fleuri cet ancien.
personne qui a vécu jusqu'à Hadrien, io>; 'Aocixvoj, de quel droit l'entendre de la fin
plutôt que du commencement du règne (117-138;? Si l'on retarde la date dePapiaf,
il n'en est que plus étonnant qu'il n'ait pas parlé de l'évangile, ayant nommé Jean à
quatrième évangile à un autre qu'au fils de Zébédée? C'est dans ce cas que le
silence d'Eusèbe serait étonnant! Dans le cas contraire il est naturel qu'Eusèbe ne
l'ait cité que pour les cas discutés. Encore est-il qu'Eusèbe nous a fait connaître son
apologie de Marc et de Matthieu. Au nom de qui les attaquait-on? Ce n'est pas à
cause de Luc, lequel suit l'ordre de Marc. Ce ne peut être qu'au nom du quatrième
évanoile. Et l'apologie de Papias n'est guère qu'une excuse. 11 préférait donc l'ordre
de cet autre, il lui attribuait donc une autorité décisive. On regrette que 31. Bacon
n'ait pas examiné ce point.
Quanta distinguer deux Jean dans le texte de Papias, nous ne saurions lui en faire
un reproche, ayant toujours défendu l'exégèse d'Eusèbe. Le fait ne donne pas la
moindre probabilité à l'hypothèse de Harnack, qui attribue l'évangile au presbytre
Jean. M. Bacon est un esprit vigoureux et original. Il a vis-à-vis des. opinions cou-
rantes dans les universités allemandes la même indépeiidance qu'envers la tradi-
tion. Aussi ne s'est-il pas laissé prendre à cette fantaisie. L'évangile était attribué au
disciple bien-aimé, à un apôtre privilégié, où l'on reconnaissait Jean, mais le fils de
Zébédée, et si ce n'était pas lui qui l'avait écrit, on le lui aurait attribué de la même
façon, que l'auteur véritable s'appelât Pierre, Paul ou Jean. L'important était de
faire passer la chose, ce que nous ne croyons pas possible, mais la première précau-
tion devait être de ne pas mettre en avant un autre auteur, portàt-il le même nom.
M. Bacon ne s'est pas dérobé à la tâche de discuter les arguments positifs des
défenseurs. Au témoignage d'Irénée. Mais,
premier rang est le croirait-on?
le — —
il y a ici du nouveau.
D'ordinaire les assaillants font remarquer combien peu on
doit se fier à Irénée, alléguant la tradition des Anciens pour donner près de 50 ans
à N.-S. Mais précisément, d'après M. Bacon, c'est l'ancienne tradition. Luc a tout
brouillé. Plaçant la naissance de Jésus au temps du recensement de Quirinius,lequel
n'a été gouverneur de Syrie que de 3 à 2 av. J.-C, il devait lui donner trente ans en
l'ail 28. En cela il lançait la tradition sur une fausse piste, car Jésus avait quelque
quarante ans quand il coraraença à enseigner. Ainsi Luc, auquel Bacon donne rai-
bonne information ne devrait plus être douteuse pour personne. Mais Irénée n'y
gagne rien, parce qu'il a harmonisé audacieusement en donnant vingt ans à la vie
publique. M. Bacon y tient, et le répète trois ou quatre fois. Et cependant ce n'est
certainement pas la pensée d"Irénée {Haer. If, wii, .5), car son texte, assurément
obscur, insiste cependant surtout sur ce que Jésus n'a enseigné qu'à l'âge parfait,
ayant au moins quarante ans. Et Jean n'y gagne rien non plus, car les 46 ans du
temple (Jo. ii. 20} qui doivent être entendus de Jésus aussi, au début de son ministère
qui a duré trois ans environ, lui assurent l'âge de 49 ans (cf. Jo. viii, 57; au mo-
ment de sa mort, un chiffre jubilaire, et par conséquent allégorique, qui n'a rien de
commun avec l'attestation d'un témoin oculaire.
C'est d'ailleurs de cette façon que B. se débarrasse des text-es qui paraissent si
précis. D'autres diraient peut-être allégorie pure, mince souci de la vérité. Mais il
ne veut pas sacrifier son incomparable paulinien. C'était l'homme de l'Esprit, mais
aussi de l'apologie; il a dû comprendre, il a compris qu'affectant de s'appuyer sur
des faits miraculeux, il eût été de mauvais goût de les inviter lui-même. D'après
certains endroits de Bacon (1), on croirait qu'il va concéder à l'évangile quelque
chose de Mais l'allégorie pénètre partout et non pas seulement dans la
l'histoire.
disposition, si bien que l'on ne sait plus à quoi s'en tenir. Voici le cas le plus
notable. Les « défenseurs » font lionneur à Jean d'avoir suggéré le 14 Nisan comme le
jour de la crucifixion et de la mort de Jésus. C'est bien conforme aux faits. Mais il
ne convient pas d'y voir l'affirmation d'un témoin ou d'un historien, /^'auteur défen-
dait la théorie paulinienne de son église la Pàque c'est la mort de Jésus, tandis que,
:
d'après les synoptiques, l'Eucharistie remplace la Pàque (2). Aussi a-t-il été logique
en reportant l'Eucharistie à la multiplication des pains. C'était une erreur histo-
rique,mais une vérité spirituelle, car en instituant l'Eucharistie, Jésus avait voulu
qu'on se souvienne de sa bonté, si souvent répandue sur les siens, avant le don de
sa vie.
Avouez, lecteur candide, que vous commencez à ne plus comprendre.
Et enfin cette psychologie subtile, raffinée, paradoxale, qui
doit peut-être beau-
coup à M. Loisy, lequel en tout cas développée avec des nuances plus délicates,
l'a
Quant au Béthanie de Jo. i, 28, M. Bacon — s'il lui arrive jaiuaii d'ouvrir un
ouvrage français en dehors de ceux de M. Loisy pourra se rendre compte qu'il —
n'est point mal placé par le R. P. Féderlin à Tell Medech.
Mais évidemment M. Bacon a peu de goût pour ces détails. Il songe surtout à la
portée doctrinale de l'évangile, qu'il croit avoir sauvegardée. Lui aussi est un
« defender », à sa manière. Car Fauteur tout en se donnant l'apparence de témoin,
était pleinement de bonne foi : « La vraie loyauté envers Paul et le quatrième évan-
géliste exige que nous appliquions les catégories de la philosophie et de la psycholo-
gie modernes à la vie du grand Aîné. —
oui et à celle de son plus humble disciple.
— aussi bien et sans plus de crainte que Paul et le quatrième évangéiiste ont appliqué
la doctrine du Logos d'Éphèse et Alexandrie )> (1). Ce qu'ils ont nommé incarnation
n'était qu'une tentative « d'interpréter la signification éternelle de ce suprême
exemple de la vie de l'homme en Dieu, de la vie de Dieu dans Ihomme (2)... »
Alors dites donc clairement qu'ils se sont trompés, ne dites pas qu' « il est tou-
jours possible de présenter la Christologie du quatrième évangile comme le témoi-
gnage personnel de Jésus à lui-même (3) ». Cela n'est vrai, dans votre pensée, ni
historiquement, ni spirituellement. Et si Paul et Jean se sont trompés, eux qui ont
vu plus clair que le brave Marc, si Jésus lui-même s'est trompé à ce points c'est à
peine si vous avez le droit de nommer Jésus le Grand frère Aîné. Vous direz que
nous ne comprenons pas. Mais nous n'acceptons pas de renoncer à tout le labeur de
pas abouti à Hegel, et nous tenons à classer ce palhos parmi les
la raison, lequel n'a
articles démodés -1).
Jérusalem.
(1) P. 535.
(-2) P. 536.
'
(3) P. 535.
(4; P. 290, une faute de grec : Upo; toù; yç-iiri-jz... Lisez Ta; -/pï:».; Ers. H. E.. \u. ,30, i;.
BULLETIN
Nouveau Testament. —
M. Henry J. Cadbury a soutenu, en lOlo, une thèse
de doctorat on philosophie à l'université d'Harvard sur le style et la méthode litté-
raire de saint Luc. La première partie de cette étude a paru sous ce titre The diction :
of LuJie and Acts T. Elle comprend deux sections bien distinctes une sorte d'in- :
divisés en cinq classes Mots employés par tous les Attiques ou par quelques-uns
:
de Schmid des détails complémentaires, tirés des inscriptions et des papyrus. Mais
il a borné son enquête aux mots allant de a à s. Le résultat est de constater le
nombre des mots de Luc dans chaque classe, soit 137. 27, 87, 202 et 22. Comme il
fallait s'y attendre, Luc écrivait surtout la langue de son temps, mais la proportion
des termes attiques est assez forte. Elle serait de 29 p. 100 tandis qu'Aristide a le
maximum avec 52 p. ICO et Elien le minimum avec 2-5 p. 100. Les autres sont Dion
Chrysostome, 47 p. 100, Lucien, 29 p. 100. Philostrate le jeune, 33 p. 100. Eu
revanche, Luc emploierait 42 p. 100 de mots de la langue qui commence avec
Aristote, presque le double d'Élien qui a le chiffre le moins élevé, 23 p. 100.
M. Cadbury emploie la même méthode à la question toujours disputée du style
I) Harvard tlieologîcal studies vi. The style and literary method <jf Luke, I, The diction of
Luke aud Acts. by Henry J. Cadbury, associate professer of biblical literalure and of Creek.
Haverford Collège, In-S" de 72 pp. Cambridge, Harvard Universitv Press. 1019.
(2; StuUgart, 1887.
REVUE BIBLIQUE 1920. — T. XXIX. 10
146 REVUE BIBLIQUE.
médecins grecs, pas plus que Harnack et Zahn qui se sont contentés de faire un
choi.v dans la mine surabondante du savant anglais. Encore est-il que Harnack,
dans son étude célèbre, Lnhas der Arzt (1), avait argumenté des textes, el l'on
ne saurait regarder comme un progrès le procédé un peu trop mécanique de
]\I. Cadbury qui se contente d'une statistique des mots mots qui ont un sens :
prétendu style médical du troisième évangile et des Actes [ne peut pas servir à
prouver qu'ils ont été écrits par Luc, le cher médecin dont parle Paul, ni même à
confirmer la tradition. Nous contestons ce dernier point, parce que la réponse de
M. Cadbury n'est pas adéquate aux arguments positifs allégués. Il a cherché à la
fortifier en faisant sur quelques traités de Lucien une sorte de contre-épreuve.
Lucien aurait employé autant de termes de médecine que Luc. Mais pour le
M. l'abbé Pirot vient de publier un petit volume déjà presque prêt en août 1914
sur Les Actes des Apôtres et la Commission biblique (l). L'introduction traite de la
Commission biblique. Viennent ensuite quatre chapitres L'authenticité des Actes des
:
Apôtres; L'unité Uttéraire des Actes des Apôtres; La date des Actes des Apôtres;
La valeur historique des Actes des Apôtres.
L'étude sur les Actes est bien au point, répondant aux objections soulevées par la
critique, et résolues dans le sens le plus conservateur par M. Harnack. Peut-être
s'est-on un peu grisé, parmi nous, de ce concours inattendu. M. Pirot a très bien
compris que le critique allemand demeure irréductible sur le point du surnaturel. Sa
démonstration d'authenticité ne laisse rien à désirer. L'auteur est très au courant de
la littérature et ne se contente pas aisément il lui faut de bonoes raisons. Aussi est-il
;
trop modeste lorsqu'il ne veut comme lecteurs que les prêtres adonnés au minis-
tère il pourra être fort utile aux maîtres eux-mêmes.
;
Cela dit, la Revue aurait été bien changée par la guerre, si elle ne signalait plu-
tôt les divergences que les points d'accord, puisque c"est là servir le public, et.
comme on espère toujours, la vérité. M. Pirot veut « mettre en lumière toute la
vérité historique et toute la rigoureuse précision » (p. 201 du verset relatif au recen-
sement de Ouirinius. Il prouve contre Zahn qu'il y a eu deux recensements et que
Ouirinius a été deux fois gouverneur de Syrie. Mais si le premier recensement a eu
lieu vers l'an 10 av. J.-C, quel âge avait Jésus lors de son baptême? On tombe de
Charybde en Scylla.
Sur le récit de la mort de Judas (Act. i, 18-19). il faut être de bonne composition
pour admettre l'harmonisation proposée avec Mt. xvii, 3-11.
On ne peut vraiment pas dire que la double recension des Actes, telle que l'a
conçue Blass, est « un fait généralement admis » (p. 215 note autrement il faudrait ;
;p. 166,\ Cependant il lui a consacré dix pages, tout un paragraphe, sous la rubrique
raconte dans les Actes des Apôtres » col. 692). Dans Migne ce scholion est placé
après le sommaire des épitres catholiques ; dans un autre ms. il
est ailleurs. C'est
une addition qu'on retrouve, il est vrai, dans le commentaire dit d'Œcuraénius qui
est à peu près le même que celui de Théophylacte (xr-xtt'^ s.). Et de toute façon la
leçon conforme aux Actes ne peut être qu'une correction du texte divergent de
s. Jérôme. M. Pirot cite encore Lucien au iv s., mais le dialogue Philopatris est une
composition des temps byzantins. Isidore de Péluse cite deux explications données
de son temps du fait des Actes, mais en tablant seulement sur ce fait. Quant à
Amen, le dieu inconnu, c'est encore plus fort! En 333 av. J.-C, il y avait à
Athènes un temple, et non un autel dédié à Ammon. Nous l'apprenons par une
inscription ^'i^, et rien de plus. De ce que le dieu égyptien Amen était un dieu d'une
nature obscure et mystérieuse, il ne s'ensuit pas que les Athéniens l'aient adoré eu
écrivant sur un autel « au Dieu inconnu » ! Car Ammon leur était aussi connu que
les autres dieux de l'Egypte. Et si par impossible cet autel avait existé, les auditeurs
de Paul auraient dû conclure : « qu'il n'avait rien compris quant au sens de l'ins-
cription qu'ils entendaient mieux que lui », c'est du moins ce que dit dom
Leclercq Vraiment M. Pirot n'aurait pas dû prendre la responsabilité de ce jeu
(2)!
plus complètement informé sur cette théologie si leurs ouvrages étaient parvenus
intacts jusquà nous. Mais la prohibition et la destruction acharnées dont ils furent
l'objet de la part soit des empereurs romains stimulés par les philosophes et les
évêques, soit des monarques sassanides ou des califes abbassides, ont réduit de
beaucoup la série des productions manichéennes. L'historien doit donc se borner
à faire fond sur quelques restes échappés à la ruine, sur les informations assez
nombreuses des controversistes chrétiens et les formules d'abjuration qui détaillent
les erreurs de la secte, sur les auteurs persans et arabes qui ont combattu le
manichéisme au nom de l'Islam. Pour contrôler leurs renseignements on possède
maintenant les manuscrits trouvés dans le ïurkestan chinois où jadis le mani-
chéisme fut très florissant, notamment à Tourfan et dans les grottes de Touen
houang devenues célèbres depuis les découvertes de la mission Pelliot en 1908.
Dans sa seconde partie, M. Alfaric passe en revue les Ecritures manichéennes,
essayant de délimiter celles qui sont rœuvre de Mani et celles qui viennent de ses
disciples, puis les Écritures canoniques ou apocryphes des Juifs et des chrétiens.
Bible hébraïque eut pour conséquence une sympathie marquée pour les apoca-
lypses mises sous les noms d'Adam, de Seth, d'Hénoch, de Xoé, de Sem, etc.
Certaines légendes qui ont pénétré dans la tradition populaire catholique en
dépit des avertissements de certains docteurs, telles que l'ensevelissement d'Adam
au centre de la terre et la retraite de Melchisédech sur le Thabor, appartiennent à
cette littérature. Mais la vigilance des apologistes réussit à circonscrire la propa-
gation des erreurs fondamentales du système dualiste qui, traqué de toutes parts,
« Si une lecture superficielle des
devait s'éteindre aux confins de l'Extrême-Orient.
textesmanichéens pouvait en favoriser la diffusion, une étude approfondie de leur
contenu devait soulever contre eu.x une opposition grandissante. Et la réaction
allait être d'autant plus rapide et plus vive que le succès s'était affirmé plus
prompt et plus durable. »
côte égyptienne ce qu'il avait inauguré à Tyr, fondait un grand port pour sa jeune
cité d'Alexandrie. Les splendides recherches de M. l'ingénieur G. Jondet I) ont
révélé tout l'aménagement d'un port immense, depuis longtemps submergé à
l'époque hellénistique. Le mémoire que M. R. Weill (2) consacre à définir l'origine
et la date de ces travaux donne à la découverte de M. Jondet une remarquable
portée historique.
L'ensemble de cette installation, observe M. W., « onfond l'esprit de l'ingénieur
et de l'historien, tant par la hardiesse et l'habileté de la conception que par
l'exécution imperturbable de ces travaux d'une formidable étendue. Tout cela
suppose, outre beaucoup de puissance et de richesse, une organisation navale
exigeante et une grande expérience des travaux maritimes (3^ », et ce n'est point le
fait de l'ancienne Egypte. La marine « était importante, à coup siir, elle connais-
sait la mer et la tenait bien...., mais en Egypte même
elle n'avait point de stations
(l'i Les ports submergés de l'ancienne ile de Pharos, t. IX, 1916, des Mémoires de l'Institut
égyptien.
(2) Les ports antéhellé niques de la côte d'Alexandrie et l'empire- Cretois, dans le Bulletin de
l'Institut français d'archéol. orientale, t. XVI, 1919.
(3) Weii.l, op. l., p. 8 du Ur. à part; cl'. 18, 2-2.
150 REVUE BIBLIQUE.
surélévation du niveau marin, — M. Weill. qui analyse avec soin la double hypo-
thèse, n'adopte aucun parti, — la nécessité s'impose de la reporter assez haut pour
que le souvenir même ait pu s'entemps d'Alexandre.
effacer dès le
D'autre part, si l'installation antique de Pharos est impressionnante par son
ampleur, elle n'est pas unique. M. Weill fait ressortir à bon droit combien
certaines anses du littoral syrien, Rouad, Sidon. Tyr surtout offrent d'analogie
dans leur conception et leur aménagement. Des recherches telles que les a prati-
quées M. Jondet à Alexandrie, rendraient probablement sur chacun de ces points
un port antique aménagé sur le type des ports de Pharos. D'où la conclusion que
ces ports sont l'œuvre d'une thalassocratie particulièrement puissante dans la Médi-
terranée orientale, et l'on a aussitôt en mémoire l'empire crétois (1 . i^^apogée de
de la splendeur crétoise, par conséquent de son expansion la plus vraisemblable,
se C'est l'époque des Pharaons obscurs
place entre 20C(kl.500 avant notre ère.
qiïrse sont succédé entre la XIP
XVIII« dynastie et l'on conçoit sans peine
et la
qu'un de ces potentats n'ait vu aucun inconvénient à concéder aux navigateurs et
aux marchands crétois l'aménagement d'un comptoir sur le rocher de Pharos. S'
des recherches ultérieures démontraient la parenté probable entre les instalIation>
des côtes syrienne, cilicienne, ionique et grande installation du Delta, on pour-
la
rait se demander jusqu'à quel point tous ces ouvrages seraient réellement crétois et
si quelque antique monarque carien jusqu'ici inconnu ne supplantera pas un jour
Mais de toute façon cette origine explique pourquoi la plupart des villes quelque
peu importantes et antiques du littoral comportent une double agglomération conti-
nentale et maritime. Suivant l'importance et la qualité du havre naturel, celle-ci a
iVon loin du célèbre village néolithique de Hal-Saflieui. sur une petite érainence
dans le plateau qui domine le port de La Valette. M. le prof. Zammit a commencé
l'exploration d'un curieux monument mégalithique. Son compte rendu préliminaire
central .2j. C'est le même procédé de structure en grosses dalles plus ou moins frustes
dressées côte à côte et calées par un solide cailloutis (3); on y retrouve les mêmes
cloisons isolant les conques absidales du passade médian pavé avec assez de soin. M
le puits ni le bassin ne font défaut, pas plus que les niches, précédées clairement ici
de leur autel demeuré en place. Trois paires d'absides sont actuellement connues,
avec une seule entrée au sud. Dès qu'il avait franchi cette porte, le visiteur ne
pouvait manquer d'être impressionné par la majesté du lieu. Devant lui. au fond
du couloir soudainement rétréci, se dressait une niche constituée par l'assemblage
de six dalles massives, la dalle antérieure étant largement échancrée au milieu en
ouverture quadrangulaire. En avant de la niche un grand bloc de pierre, orné sur
le devant et sur les petits côtés d'une double frise de spirales, évoque d'autant plus
spontanément l'idée d'un autel qu'il dissimule en sou centre une cassette où ont
été trouvés divers débris sacrificiels mêlés à quelques tessons et à des instruments
de silex, parmi lesquels une très belle lame pourrait bien avoir été le propre
couteau rituel. La cassette, qui s'ouvre sur la face antérieure de l'autel, était
obturée par un cône de pierre ajusté avec une si parfaite exactitude au champ de
la paroi, que le dessin courant des spirales ne paraissait nullement interrompu.
Au premier plan de l'abside orientale, dans une enceinte délimitée par des dalles
couvertes de sculptures demeure en place la partie inférieure d'une statue en
pierre beaucoup plus grande que nature. Il en subsiste assez pour faire reconnaître
une de ces représentations stéatopyges usuelles à Malte, oii le sculpteur, satisfait
d'avoir donné à son personnage des formes puissantes, n'a cure de lui modeler des
membres inférieurs et le laisse campé sur des moignons '4). Il faut déplorer qu'une
mutilation de très vieille date ne permette plus de discerner l'attitude ni le sexe de
cette figure; sa longue jupe avec un volant plissé dans le bas, suggère plutôt une
représentation féminine 5). La plinthe conservée de la chapelle que précédait cette
statue et les blocs épars sont ornés de motifs divers où la spirale domine. La
chapelle symétrique, à l'ouest du corridor, offre une succession compliquée de
réduits avec niches et autels rectangulaires ou cylindriques. La décoration des
blocs est encore plus soignée et dans le réduit le plus intérieur le motif spirali-
forme fait place à des frises d'animaux en bas-relief : chèvres sauvages, daims,
sanglier; ailleurs des taureaux et une truie. Les deux autres paires de chapelles,
dont le dispositif est analogue, livreront sans doute des 'objets de même nature
quand la fouille en aura été complétée.
M. le prof. Zammit semble donc parfaitement fondé à parler ici d'un sanctuaire.
I The Hal-Tarxien NeoUlhic Temple, Malla. Ijy prof. T. Zammit, curator of Uie Valetla
Muséum; 20 pp. gr. in-4° et 1-2 pi. (Extrait de VArchaeologia, vol. LXVii, 1916.)
ri: Voir les plans de la Gigantéïa et de Hagiar Kim dans Perrot et Chipiez, Hist. de larl...:
t. III, Phénicie..., p. 2W ss.. fig. -221 *.
(3) Rappelant la structure des fameuses tombes royales dans l'acropole de My«ènes, voire
même quelque peu celle du palais de Csossos: cf. Lagr.^nce, La Crète..., fig. 7, 8 et 86.
(4) Cf. Perrot et Chipiez, op. l., p. 303 s., Og. 330 s.
io; On trouvera un détail identique dans celte ligurine de femme « allongée sur un lit
bas », reproduite dans Dcssaid, Les civilisations préhelléniques. 2' éd., p. 208, fig. 151 et qui
provient de Hal-Sallieni.
Ib2 REVUE BIBLIQUE.
à l'encontre de la tendance qui s'accentuait depuis quelques années, par une réac-
tion naturelle contre les exagérations d'une mythologie fantaisiste, de voir en ces
monuments des sépultures archaïques de grands chefs. Sa découverte prend
d'autant plus d'importance qu'en éclairant la nature de ces édifices elle fournit des
données très positives sur leur date. Le « temple » de Hal-Tarxien est nettement
de basse époque néolithique. L'absence radicale de traces de métal, le caractère
de la poterie (1), l'outillage de pierre et l'exécution du décor ne laissent aucun
doute sur cette attribution chronologique. Les spécialistes de l'intéressante archéo-
logie maltaise ont d'ailleurs fait depuis longtemps observer que, dans leur île
(1) Dont beaucoup de pièces sont à comparer aux types décrits par M. E. Peet, Prehistoric
painted Pottery in Malta; Annals of arch. and Anthr. de Liverpool, IV, 1912, p. 121 ss. et
pi. XXI s.
(2) Voir par exemple la remarque de M. Tagliaferro, en tête de son excellente monographie :
The prehistoric PoUery found in the Hypogeum at Hal-Saflieni. Casai Paula, Malta, dans
Annals of A7'chaeoI. and Anthropology de Liverpool, IH, liUO, p. 3.
(3) Cf. Vincent, Canaan, p. 419 ss., fig. 292 ss. '
BULLETIN. lo3
Palestine. —
La monographie de iNL H. AV. Finchara sur l'Ordre des Hospi-
taliers et son grand prieuré d'Angleterre (1) contient un rapide aperçu des origines
de l'Hôpital Saint-Jean de Jérusalem, décrit les vicissitudes de son histoire et son
installation en Angleterre où il s'est perpétué jusqu'à nos jours, poursuivant glorieu-
sement ses traditions charitables depuis que son rôle militaire a pris fin. Dans les
Une
série de Plombs du muscc biblique de Sidute-Anne de Jérusalem publiée
par R. P. A. Decloedt, des Pères Blancs 'X, offre plusieurs types nouveaux de
le
que ce doit être « Godeschau de Turholt », connu par divers actes enregistrés au
Cavtuhnve du Saint-Sépulcre et dont Guillaume de Tyr signale la glorieuse mort dans
le combat néfaste de Beaufort sous le roi Baudouin IV, le 21 avril 1179. Un
magnifique sceau Samtae l'raternitatis de Iheruscdem doit avoir appartenu à l'un
des ordres religieux et militaires de la Ville Sainte.
(1) The Order of the Hospilal of St. John of Jérusalem and ils Grand Prionj of England.
by H. W. FisciiAM. In-4<> de x-88 pp., i.l. et il fig. Londres [lOlf.l.
-2-2
des catholiques allemaQcls dans l'Orient turc (1916, n" Ij, ou celui dans lequel
M. le D'' Karge, à propos du commerce d'exportation en Palestine, s'enthousiasme
aux perspectives d'un chemin de Ter Berlin-Bagdad et d'un autre Berlin-Suez-Caire
destinés à assurer la félicité de la contrée sous l'égide allemande (1915, n'^ 4),
reçoivent des événements un commentaire assez ironique. Il n'est ni du domaine
ni dans le caractère de la RB. de relever les insinuations malveillantes glissées à
tout propos, entre des articles consacrés à ou aux oiseaux galiléens, aux
la volaille
écoles et aux missions, à tel commandant turc modèle, ou à propos de rien, contre
la France « athée » et « persécutrice de l'Église », sur le caractère tendancieux
de ses missionnaires en Orient, voire même au sujet de ses libéralités, dont plus
d'un ressortissant allemand a cependant ça et là tiré quelque profit, en Pales-
tine, aux plus mauvais jours de la guerre. Quand on a mélancoliquement mis de
côté celte littérature, il reste peu à glaner d'informations vraiment utiles.
d'assez vastes proportions, étaient précédés d'une ailée et jadis recouverts d'un
tertre. M. K. n'augmente nullement l'intérêt de sa découverte en spéculant sur les
ressemblances étroites qu'il croit saisir entre ces dolmens et les Pyramides! —
M. l'arch. Hasak, L'énigme du clocher sur la façade méridionale du Saint-Sépulcre,
complique d'un contresens archéologique la question d'origine de ce clocher qui
n'est nullement énigmatique 'cf. Jérusalem, II, 153 et 284 en imaginant son
ss.),
raccord avec les chapelles de l'orient du parvis par une église de Sainte-Marie qui
aurait été coupée pour créer le parvis méridional actuel. — R. P. Fr. Dunkel, Le
récit de la création d'après Moudjir ed-D'm (plusieurs articles). — R. P. A. Pilgram,
Par voie de terre de Jérusalem à Constantinople. inaugure une série d'art., en
collaboration avec d'autres auteurs, sur les principales localités de Syrie et Asie-
Mineure que traverse la nouvelle voie ferrée. ÎS" 4. —
Arch. Hasak, Les édifices —
constantiniens à Jérusalem et la mosaïque absidale de Sainte-Pudenlienne à Rome,
groupe les édiGces du Saint-Sépulcre, de Sion et du mont des Oliviers en sens
inverse de ce que suggèrent les faits. Un autre art. résume l'histoire du chandelier
à sept branches et des ustensiles du Temple depuis Titus. Excellente monographie —
anonyme sur Le pkiu des sauterelles en Palestine, en 1915. R. P. Fr. Dunkel, à —
propos du calendrier juif, Les fêtes du mois de Tichri : nouvel an, expiation, taber-
nacles.
tion justinienne. Quant à vouloir prouver que les chapiteaux des piliers du transept
sont d'autre main que ceux des nefs, ou que les architraves des nefs sont elles-
mêmes une œuvre du temps de Justinien, c'est un paradoxe déconcertant. M. Hasak
voit les faits sans doute comme les livres or il a découvert que la monographie publiée
:
par la Société byzantine anglaise est l'œuvre des Américains Harvey, Lethaby et
«
Revue biblique, honorées par lui d'une vive sympathie et en mainte circonstance
d'une active collaboration, tiennent à offrir un hommage de profonde et Odèle
gratitude à sa mémoire. — >'° 2. — M. l'abbé Heidet, Révision d'inu vieille
mais que la suite se chargeait de faire mentir! — Arch. Hasak, La découverte des
Lieux Saints et de la sainte Croix à Jérusalem, plusieurs art. où sont juxtaposés
les textes connus. — Les art. du R. P. Hansler sur Hdfir, el-Aoudjeh, qui sont
les principaux des n°^ 3 et 4, seront examinés ailleurs.
[V.]
(r M. Casaiii'va fait aussi étal de cotte ruine et de sa tradition dans le curieux article où il
vient d'expliquer l'étymologie de Damas par d'ingénieuses déductions mythologiques et philo-
logiques. Damas, Dimashi. Damméseq, signifierait le sang des blessures d'Adonis
.. =
Na'aman ». Journal asiatique. lOU», p. 134 ss.). CeUe philologie est bien risquée, malgré son
ingéniosité, car le nom semble beaucoup plus ancien que les derniers développements du
mythe d'Adonis.
BULLETIN. 157
ville dans l'acception vague qu'elle possède en ce cas^ (2) n'était que le résultat
« d'une mauvaise lecture du traducteur syriaque aux prises avec l'original grec ».
Mais ce qu'il y a de plus piquant, c'est qu'avec ces prémisses qui seront reconnues
(eibung) fiir Qrita arepla = /.wari Sl(apcï)Oa) », puis M. l'abbé Nau, Palrologia
Orientalis VIII (1912), p. 193 : (a K'o^r^iiozr.-oi. a été rendu par in^uî/ )\.^ d'où
)N^.;i |c^.;j3, qui se traduit par. Ko\ar, ;j.ay.pa. » Ainsi donc on tient encore à ce que
Village long soit le résultat de la confusion d'un caph et d'un phi\
Cette théorie pourtant avait été fortement ébranlée par la découverte du fragment
(1) Petrus der Iberer, Teste, p. 111, lli. Traductiou, p. lOo, 107.
2) Parmi les nombreuses communes de France nommées LontjueviUe ou Longi'iU.ers. une
seule dépasse le nombre de mille habitants.
;3) Éludes d'archéologie orientale II, p. Ce travail sur quelques localités de Palestine
-20.
mentionnées dans la Vie de Pierre l'Ibère fut l'objet d'une communication à l'Académie des
Inscriiitlons et Belles-Lettres en septembre 189j.
158 REVUE BIBLIQUE.
à la lecture : |j.«/.,:.à y.<i>[iiri] 'i\ » La conjecture de 1897 devint à bon droit une
aflirmation en 1904. La carte donnait les deux noms de la localité phénicienne, son
nom historique et officiel et son nom populaire et descriptif, indépendants l'un
de l'autre au point de vue philologique. La première interprétation se trouvait par
conséquent caduque et « l'on pouvait, iisons-nous au Recueil d'Archéologie Orien-
tale^ IV, p. 279, maintenir la leçon du texte syriaque de la Vie de Pierre l'Ibère)
sans faire intervenir la correction que j'avais proposée, Village Long » étant le «
/.w;j.t;, car si le traducteur syriaque a suivi l'ordre inverse c'était pour satisfaire au
génie sémitique qui réclame d'ordinaire l'épithète après le substantif. L'auteur grec
de la Vie de Pierre l'Ibère se conformant à l'usage contemporain s'est contenté de
l'appellation vulgaire de « Longueville » sans plus, dans la certitude d'être compris
de tous. Son rôle de glose dans la carte de Mâdabà semble indiquer que le port
phénicien était plus connu sous le nom de Ma/.cà /.«[iï, que sous son vocable histo-
rique de Zy.çîo<)y..
Miracles des saints Cyr et Jean, qui n'a pas été jusqu'ici versé dans le débat (2).
Pas plus que le biographe de Pierre l'Ibère, Sophrone n'éprouve le besoin d'expli-
quer que Maxpà xwijir, est identique à Sarepta, le nom descriptif étant plus répandu
que l'autre dans le monde syro-palestinien. Le chapitre l\i traite d'un diacre
Philémon atteint d'une double maladie et qui est accouru au sanctuaire égyptien
des deux martyrs solliciter sa guérison. Cet homme arrive à toute vitesse de Phé-
nicie. de Lon(jneville qui est le lieu même de son domicile IlapasTtv yàp ô à.^\o, :
a'jv ôpb[AO'j pottrjuaaiv h. <I> o ; v; y. r) ; fj|j.tv àï)ixo;j.;vo;, v.cà IMay.pa? xoj[j.r;; Trj; lx£tj£
Àa-/ojar,ç -rjv Le nom composé Maxpà xiJj;j.r,, que l'on pourrait même écrire
oàijLïiJtv.
en un seul mot, paraît être le terme consacré. Ce qui le prouve, c'est le titre
même du chapitre où l'auteur annonce qu'il va être question de Philémon le
Macrocomite, nous dirions le Longuevillois UioX <l>tXTÎaovo: toj 3[axpoxw|j.r]'Tou,.. La :
traduction latine ayant rendu ce terme par Macrocomite, l'annotateur a cru bon de
rectifier ainsi « Die Macroconieta, a patria Macrocome, longo castello » craignant
:
(1) Éludes d'Archéologie orientale, II, p. 18 a. 4. Ce texte avait été publié dans RB., 1895
p. 588, par le H. P. Germer-Durand.
("2; p. G., LXXXYIIS, 363G s.
BULLETIN. 139
(|ue la finale comité ne fit naître une confusion avec l'ablatif de cornes. Les lecteurs
byzantins comprenaient aisément que ce diacre était de Sarepta en Phénicie. Ils
étaient aussi bien renseignés, sinon mieux, que si Sophroae s'était servi du r/entiUs
ïiapeoerivdç qui se rencontre sur une épitaphe peut-être juive publiée par M. Cler-
mont-Ganneau dans le Recueil... II, p. 250.
Lorsqu'on longe la côte phénicienne, entre Tyr et Sidon, à la hauteur du petit
en 1283 « Sarepta vix VIII clomos habet, cum tamen ruine eius ostendant eain
:
Les deux volumes consacrés à sainte Anne et à son culte par le R.P. Charland (1),
filsde la province dominicaine du Canada, se présentent comme une compilation
des documents relatifs à ce sujet et des opinions émises par tous les auteurs qui se
sont occupés de la question. Si l'on a des réserves à faire sur méthode, la
la
liturgie, des fêtes ou de l'iconographie, nous en avons une preuve évidente dans
l'article « Religiosn Loca » ou le R. P. traite des sanctuaires dédiés à sa sainte de
prédilection et spécialement de l'église Sainte- Anne de Jérusalem. Aux témoi-
gnages en faveur de la naissance de Marie à Bethléem suivant une déduction
exégétique de Luc ii, 4,-5, on eût pu ajouter celui de S. Cyrille d'Alexandrie dans
son commentaire de Michée (P. G., LXXI, 713 (2 . Mais il est assez raisonnable de
conclure à l'existence d'une seule église à la Probatique avant les Croisades. Le
nom du sanctuaire a changé; seulement l'autorité d'Aboulféda est trop faible en ce
qui concerne cette période pour permettre d'assigner au vi'^^ siècle ce changement
de vocable. L'assertion isolée de cet Arabe du xiv^ siècle ne tient pas en face des
attestations antérieures au x*" siècle. Dans l'état actuel de la documentation, il e^t
aussi impossible d'établir l'origine constantinienne du sanctuaire que sa restauration
par Justinien. Ce que l'on peut affirmer de plus sûr est que l'église de la Proba-
tique, connue au vi'' siècle sous le vocable de Sainte-Marie, remonte à la première
moitié du v^^ siècle.
Le Père Charland a été bien inspiré en faisant justice des calomnies répandues à
propos de la découverte des tombeaux de sainte Anne et de saint Joachim que l'on
Madame mincie Anne et son culte au moyen c'nje, deux volumes iii-8' : I. 3lS pp. II.
(1)
700 pp. Paris, Picard. 1911. 1913.
(-2) Une confusion qui aurait pu être évitée est d'identifier avec
Saint Jeaii-d'Acrë la Ptolémais
dont Syaésius fut évèque. II s'agit de la Ptolémaïs de Cyrénaique (Tolmita..
100 REVUE BIBLIQUE.
Le Gérant : J. Gabalda.
chaque saison passait aux mains des courtiers, qui se hâtaient natu-
rellement de la monnayer suivant les hasards de l'offre la plus lucra-
(1) T. XVIII, 1918, pp. 159-182; 225-2i4 (1919) : Selected papjjri from the Archives of
Zenon.
REVUE BIBLIQUE 1920. — T. XXIX. \\
!62 REVUE BIBLIQUE.
;i) que ce nom revient de droit à sa sœur-épouse, la grande Arsinoé (II) et n'a été
On sait
appliqué à Ptolémée « qu'un siècle après sa mort ». L' « histoire, en lui imposant le nom
(2) Kaùvo;, KapixT) t:6),iç xal indiquait Scvlax, Périple, éd. Didot, p. 73.
>.ip.r,v /./.eicTÔ;,
Sur l'emplacement et les ruines de celte localité, voir Collionon, Bxdl. corr. hellénique,
T, 1877, p. 338 ss.
L'Egypte exerça de très bonne heure son attraction sur les peuplades grecques.
(3)
Après !a fondation de la dynastie Lagide, le pouvoir royal s'employa persévérâmment à
favoriser l'afllux d'éléments grecs de nature à consolider sa politique. Dés les jours de
Ptolémée Soter, un coup de main très hardi réalisé par le stratège Philociès, avait assuré
à l'Egypte la possession de Caunos, apparemment vers 309 av. J.-C. (voir Bolché-Le-
«.LERco, Hist. des Lag., I, 62, n. 4; cf. 176, n. 2 et 193, n. 1, contre Droyset^. Hist. de l'hel-
L.\ PALESTINE DANS LES PAPYRUS PTOLE.MAIQUES DE GERZA. 103
plus ancienne date relevée jusqu'ici dans ce qui est déjà étudié de
ses archives est inscrite sur un contrat, qui du reste ne suppose d'au-
cune manière son intervention et fut scellé en la 12' année de Ptolé-
mée Philadelphe soit en 27i 3. Cette pièce absolument isolée pour
:
/xtôv'cv -bv otci/wYj-ï^v, une fois ou l'autre même avec le titre plus nette-
des mêmes droits que les Sidoniens, ils devaient en revanche le service militaire «
{op. l., p. 48). Rien ne précise malheureusement la date du texte, si ce n'est que 1' «ins-
cription semble du temps des Séleucides » (p. 4i). Étudiant par la suite le groupe entier
des « stèles peintes de Sidon », M. Perdrizet les date, et la stèle des Cauniens dans la
série, « de l'époque hellénistique en général (Rev. arch., 1904, I. 234, 239). Il est assez
)>
vraisemblable que l'ancien stratège égyptien Philoclès ayant été mis sur le trône de
Sidon vers 280 par Ptoléraée Philadelphe, on lui ait adjoint, pour appuyer son autorité,
un poste de colons miliciens choisis parmi ces Cariens de Caunos avec qui Philoclés pou-
vait avoir gardé quelques particulières attaches.
Il) Boccué-Leclercq, Hist. Lag., III, 381; IV, 342. Les nouveaux papyrus paraissent
indiquer pour Apollonios une carrière administrative plus longue qu'on ne la connaissait
encore.
164 REVUE BIBLIQUE.
des impôts et des taxes de toute nature. Les documents couvrent une
série de plus de viugtans continus, à dater de la ving-t-cinquième année
de Philadelphe (261); la plus basse date actuellement enregistrée,
encore pourrait-elle être adventice dans la collection, prolongerait jus-
qu'à la première année de Ptolémée IV Philopator, en 223/2, une acti-
vité qui doitbien plus vraisemblablement n'avoir pas dépassé la
première décade du règne d'Évergète, c'est-à-dire l'an 2^0 environ (1).
Edgar a discerné dans cette longue carrière trois phases d'inégale
importance. Dans la plus ancienne, limitée avec exactitude entre les
années 25 à 29 de Philadelphe (201-257), Zenon, qui réside déjà en
principe à Philadelphie, semble doué dune véritable ubiquité. D'un
mois à l'autre on le trouve agissant pour le compte du ministre des
finances sur les points les plus variés non pas de la seule Egypte qui
tasse ses nomes autour dumais dans les lointaines provinces que
Nil,
division navale égyptienne qui appuie le soulèvement d'Athènes contre Démétrius, vers
le milieu de l'année 287 av. J.-C, d'après le décret honorilique des Athéniens (Ditten-
iiEUGER, Sylloge, I, 311 s., n" 193; pour la date voir Bouciié-Leci.erco, Hixt. Lacj., I, 91;
IV, SOI Dans le décret d'Ios publié par M. Grain ior Bull, cor) hellén., XXVIl, 1903,
s.). .
(1) T. III de la trad. française par Bouché-Leclercq. Cf. ^VILr.IC^, Juden und Griechen
vor der mah/iab. Erhebxing 1895 , j». 33 ss., 115 s.
(2) Celte trame historique est, dans l'ensemble, celle de Bouché-Leclercq. Si Zenon le
Catien n'était pas déjà fixé en Egypte, la date de 271 deviendrait ainsi un moment très
propice à son émigration.
(3) TnÉocKiTE, Idylle XVII, 63, 103 (éd. Didot. p. 36 s. : -aï; dyxzviTci-:.... Sav6o/.6|j.a;
siaste du poète montre combien de redoutables peuples ont appris à trembler devans
l'héroïque vaillance du beau rejeton d'Héraclès'.
LA PALESTINE DANS LES PAPYRLS PTOLÉiMAIQL'ES DE GERZA. 167
1) A peine troublée un moment, dans les dernières années du règne, par les agitations
d'Antiochus II qui provoquèrent une nouveIle_« guerre de Syrie dont l'issue demeura
)i
favorable au Lagide.
Bien esquissée par Diîovsen, Ulst. de l'HelUn.
[2] (trad. franc;.], III, 39 ss.; cf. Bouché-
Leclercq, op. L, III, 123 ss.
(3) Dés l'an \xii = 263,2 (cL Bouché-Leci.ei-.cq, Hist. Lag., IV, 314) Ptolémée avait
promulgué la nouvelle réglementation fiscale dont lefameux papyrus du Fayoùm connu
sous le nom de Revenue Lavs ou .( Papyrus des Revenus » nous a conservé un monu-
mental exemplaire.
168 REVUE BIBLIQUE.
(1) Sur les la perception, voir Bolché-Lecleucq, op. t., III, p. 341 ss.
modalités de
(2) On numérotation provisoire des Selected papyri dans les Annales.
suit la Les
numéros omis ne contiennent aucune allusion à la Palestine.
LA PALESTINE DANS LES PAPYRUS PTOLÉMAIQUES DE GERZA. 169
tre lui-même aux prises avec le juif récalcitrant, Oryas demeure chez
lui et se borne à faire accompagner Straton par un de ses employés
chez leddous, auquel.il fait d'ailleurs tenir par écrit Tordre d'avoir à
s'exécuter : 'E70) ;;.èv |;'j v
|
|à'ppo)7^-:;ç i-r;yy.'tz'> £(•/.' çzpy.ay.E(aç (ôv,
cxi:x.7:iQ-.zi\oL — ':pâTO)V',
|
xwv
oè ;j.wv v£av(-z,cv %y}. £7:',7t:/,y;v lypljzj'!/a
| è|
écrite, leddous malmène les envoyés qu'il fait jeter hors du village.
Le percepteur régional rend compte ponctuellement au chef de dis-
trict ou au fermier général Oryas et le roulement hiérarchique fait
aboutir à Zenon, à défaut de la créance attendue, le mémoire justifi-
1) On peut voir dans BoucHÉ-LECLEnco {Hisl. Lag. IV, Les iaslitutions..., p. 266 s., 112 s.)
que les mêmes faits se produisaient en pleine Égjpte.
170 REVUE BIBLIQUE.
appelée sur lui par quelqu'un des « amis du roi (2) ». Avant de rési-
der à Alexandrie, d'où il écrit maintenant, il habitait une ville relati-
vement lointaine, toutefois dans les domaines de la couronne, puis-
qu'il appartient au ministre d'y ordonner une fondation (3), et d'où
l'on pouvait venir par mer. Dévot à Sérapis, Zoïle avait coutume de
l'invoquer pour la santé d'Apollonios et la prospérité du prince. Or
Sérapis lui avait mainte fois prescrit en songe de prendre la mer et
de venir solliciter de la Cour qu'on lui bâtisse un temple à... la —
plus malencontreuse des lacunes dérobe le nom de la cité. Temple —
et téménos devront être érigés àv -r^ "E,\'l.r^^n^/.f^ -pi; toj '/.vj.hi, « dans le
(quartier) hellène, au voisinage du port ». On y devra installer un
desservant et entretenir des offrandes. Comme Zoïle ne s'empressait
pas d'obéir aux injonctions du dieu, il a été frappé dune maladie
grave qui a mis ses jours en péril; pourtant Sérapis l'a guéri sur la
promesse d'accomplir sans délai sa mission. Dans l'intervalle un
Cnidien qu'il ne nomme pas s'est mêlé de prendre à son compte
l'érection d'un Serapaeum en cet endroit et déjà il en avait rassemblé
les matériaux quand le dieu lui fit savoir qu'il n'agréait point son zèle
et lui interdit la construction. Zoïle s'est précipité à la capitale, oii il
(1) Voir les textes coUigés dans Pauly-Wissowa, Real-Encyclopiidie. III, 280 s. n" 5, et
rium pour leur plaisir ou pour leurs affaires, si tant est qu'ils n'aient
pas appartenu l'un et l'autre au personnel hiérarchisé sous l'autorité
suprême d'Apollonios. Il ne serait pas très spontané de chercher ce
centre maritime sur les côtes escarpées de la Pamphylie ou les
rivages plus propices de la Carie. Sans doute, vers 260, cesprovinces
étaient entrées dans le domaine égyptien ; leurs ports durent néan-
(1) Textes réunis dans l'art. Sarapis (Lehmann-Haupt) du Lexicon der gr... Mythologie
de RoscHER, IV, coL 338 ss., ou l'excellente monographie de S. Reinach, Le moulage des
statues et le Sérapis de Brya.iis [Rev. arch., 1902, II, p, 3 ss.) qui en donne de très
utiles traductions.
(1) Séleucie. par exemple, aux bouches de l'Oronle, s'offrirait assez spontanément et l'on
sait toutes ses attaches avec la frondaison des légendes relatives aux origines du culte de
Sérapis. La domination égyptienne y était cependant trop mal assise encore en ce temps-là,
sans parler d'autres contre-indications longues à discuter, pour ((u'on s'arrête à ce choix.
LA PALESTINE DANS LES PAPYRLS PÏOLEMAIQLES DE GERZA. 173
en ce lieu un sanctuaire
taller
du nouveau culte officiel. Bien
que nous en ignorions le résultat,
— Le Sérapis tk Gaza, d'après une ptiot.
sa requête avait d'autant plus de coinmunic|uée pa M, Macridv-bev.
chance d'être bien accueillie que
la fondation projetée entrait mieux dans les vues du Gouvernement
et lui devait être moins dispendieuse puisque Zoïle paraissait en
assumer les frais.
droit et fier, un
on distinguait le modelé du torse... le
sur trône....
bras droit était baissé, étendu en avant et un peu vers le côté.... la
chevelure puissante formait une véritable crinière.... La barbe était
épaisse... et n'était pas partagée en deux moitiés symétriques... (4) »
L'analogie se poursuivrait en de plus caractéristiques détails si le bas
du trône et ses accessoires symboliques étaient conservés. Le bras
gauche manque également; mais, sauf erreur, il devait être levé et
tenir un sceptre on a pour en faire foi l'allure nettement relevée,
:
1) GuTHE, ZDPV., II, 1879, p. 183 ss. avec un dessin peu sûr; Conder, QS., 1880,
Cf.
p. 7 1882, p. 147 s. avec un croquis; Survey, Mem., III, p. 25^. Voir maintenant
ss. ;
(4) W. Amelcng, Le Sérapis de Bryaxis; Rev. arch., 1903, II, p. 195 ss. Je ne vois
pas qu'il soit question du Sérapis de Constantinople dans la série d'environ quarante ré-
pliques passée en revue par M. Amelung. Sans doute l'omission est-elle due au fait que la
statue est classée sous la seule rubrique Zeus. Je crois pourtant que le type Sérapis est
mieux justifié. Le second siècle après J.-C, indiqué par Mendel comme date évidente, ne
fait pas pleine justice à cette statue.
LA PALESTINE DANS LES PAPYRUS PTOLEMAIQUES DE GERZA. 175
sément sur l'un ou l'autre des tells campés sur les deux rives de ce
large estuaire —
Tell 'Adjoul au N. et Tell en-Neqeiz au S. que —
fut trouvé le Sérapis qui nous occupe. Des fouilles déjà envisagées,
semble-t-il (i nous éclaireront peut-être bientôt sur la valeur de
,
où prendre.
On se demandera si le document n'implique pas l'extension à la
Palestine d'une institution très attestée à travers l'Ég-ypte : le mono-
pole des transports. A qui, en effet, aurait pu s'en prendre Zenon,
dans le port d'arrivée, pour retrouver des trafiquants marins cju'on
ne lui spécifie d'aucune manière, un vaisseau chargé d'huile pales-
tinienne pouvant voisiner avec d'autres cargos apportant d'ailleurs la
même denrée aux entrepots d'Alexandrie ou de Péluse? Au lieu de
se représenter l'expéditeur Krotos comme un particulier gérant à
Jaffa — où la spécialité se perpétue — un gros commerce d'huiles,
on le concevrait comme le fonctionnaire préposé au mouvement du
port. Si le monopole des huiles, beaucoup plus draconien en terre
égyptienne que chez nous l'ancienne gabelle, ne parait pas s'être
étendu aux provinces annexées, l'importation des huiles de Syrie,
spécialement réputées, demeurait soumise à une réglementation
strictement surveillée. On les centralisait à Péluse, où elles étaient
(7CJ o'.'x-zlou\j.z'/ ï'J. r.y.v-\ y.a'.poj y.'/tiy.v -rc.zJiiv^::, — on sent qu'il regrette
fl) BoucHÉ-LECi-Encfi, op. L, III, 265 n. 2, d'après un Tarif fourni par un papyrus daté
de 242.
(2) M. Edgar observe 1res judicieusement [Annales.... XVIII, 233)
que ce personnage a
bien des chances de s'identifier avec l'Athénien Heraclite fils de Philippe, mentionné parmi
les officiers d ApoUonios dans un document qui sera étudié plus loin.
L\ PALESTINE DANS LES PAPYRUS PTOLEMAIQUES DE GERZA. 177
Tabsence de Zenon, qui eût sans doute appuyé de son crédit une
réclamation demeurée sans succès auprès d'un certain Nicanor qui
lui est manifestement supérieur dans la hiérarchie provinciale (1).
y.'j-A') h -isojv.. —
Son but parait être de faire dirimer par Apollo-
phanès diverses difficultés concernant certaines expéditions que
Krotos a eflectuées de .laffa par voie de mer à Héraclée, et des Ktiges
douaniers soulevés par le transport de passagers et le cabotage que
Ménéclès, établi à Tyr, pratique entre Gaza et Tyr à/. —
TiÇr^z v.z
Tjp:v. L'intervention d'Apollophanès a l'air de n'aboutir qu'à enche-
vêtrer davantage des questions déjà compliquées et le malheureux
Heraclite, qui demeure dans im terrible embarras, en voudrait bien
être tiré par des instructions directes de Zenon. Mais c'est surtout
contre le Nicanor du début qu'il en a, car en vérité, conclut-il avant
la clausule de politesse, Nicanor abuse de moi comme on ne le ferait
même pas d'un ennemi —
Nf/.avojp vi? -/Ay^T-y.'. r,\v:) wr t> -:;
[j.ï-t
r/Opw -/pr,7aiTC.
qu'il était du moins de condition assez élevée pour tenir en échec un agent égyptien. On
n'ose pas songer à le rapprocher de ce juif alexandrin Nicanor dont l'hypogée familial a
été découvert au mont des Oliviers par Miss G. Dikson [Q.S., 1903 p. 326) avec une
curieuse inscription brillamment interprétée par M. Clermont-Ganneau {Q. S., 1003,
p. 125 ss.; Rec. arch. or., V, 334; cf. R. B., 1903, p. 490. La tournure de l'épigraphe
grecque, insolite quelque peu dans la langue funéraire palestinienne, et ses caractères
paléographiques la rapprocheraient assez sensiblement de nos papyrus; mais la person-
nalité historique de ce Nicanor semble bien appartenir à la période hérodienne. A moins
qu'on ne puisse remettre en cause la chronologie des données talmudiques? mais ce n'est
pas le lieu de le discuter. Cf. Dittenberuer, Or. gr., II, 296.
(2) On les dirait soumis à la même législation que l'Egypte elle-même, où le « transport
des marchandises était affaire privée », mais la navigation et l'utilisation des routes
grevées par des taxes au profit de l'État (cf. Boi ciié-Lei;lerco, op. l., III, 3è4 ss.}.
RKVUE EIELIOrE 1920. —
T. XXI\. 12
178 REVUE BIBLIQUE.
la côte vers le sud eIt* tb KdtTtov scpe??,; ôà Ilotjeiô'.ov v-rSiv/yr^ xa; 'H?à/.>.£'.a. Elta Aaooi-
:
y.i'.a... -/.i/'/io-Tx ïy-\.r;\xi'ir, y.ai £'ja:(a=vo; 7t6>t;. L'opposition entre cette splendide cité avec
son port excellent et les noms qui précédent semble suggérer qu'Héraclée n'était guère
qu'une bourgade, Tro/t/vy), à l'instar de Posidion. C'est au surplus ce que met hors de
doute le passage ultérieur, ch. 12 : tîi yàp Aaoôixcta TÙ:r,Q\6Xfi\ •Ko't.'.yyia., x6 xe IIoffEiôiov xa'i
tioche ». On situerait donc volontiers IHéradée en question dans l'une des criques qui
entourent le Râs Klianzir, par exemple, vers l'estuaire du Xa/u- Kandil.
Ràs Isabey, ou le
monétaire: cf. Bxbelom, Catal. des mon. gr.; Les rois de Syrie, p. clxxx. Voir au>si
rhiOYSEN, Hist. de l'Hell. (trad. fr.), II, 726.
(.3 Strabon XVI, it, 17 (éd. Didot, p. 643) décrit dabord une première partie de la
Cœlésyrie qu'il appelle Mâxpa;. ou Mâxpa tieo-ov. % 18 Mî-à ok tov M-i/.oav ÈTriv ô Ma^irja;.
:
L\ PALESTINE DANS LES PAPYRUS PÏOLÉMAIQLES DE GEUZA. 179
TTpoîAigâvw. La région est habitée par les « Ituréens et les Arabes », aussi peu recom-
niandables les uns que les autres -• xazoùpyot îtâvTs; g 20 Tuèp oè toO MauT-jov — . :
îl; TÔv xOXwva tov Ttpoaayopïvôjxevoi/ Mapaûav, ô; /.sTrat [j.£v [i£Taçù tt,; xaTà tôv Aî^avov xal
TÔv 'Avxt).{êavov Ttapwpeixr. (TovâysTai ô'sl; aievov Otto tûv TipoeiprifjiÉvtov opûv. 2-.ji,gai-c; oè
y.al toOto.v aùrbv tbv tôttov, -q aTSvwTaro; iai'., ôieîpysaôai TEvâyscn xai /.i(jivat<;, k\ wv ô
[AvOEi^txôç xsipî-rat xdtXatio;. 'ETîtxs'.Tai oè xoï? ttevoî; èx iJ.£v ôaTÉpo-j [xépov? Bpô^oc Ttpocrayo-
pî-.i6[j.£v6v Ti xwpîov, èx êè 6a7Épo-j Péppa, aTîvrjv à;io/,£Î7:ov-a Tràpoôov... [Le roi Antiochos se
dirigea: « vers la vallée dite Marsyas or cette vallée est située entre les versants des
,
loin de Zahleh, dans le bassin supérieur du LiiOiiy. Voir dans un sens analogue :
Hoi-SCHER, Palustina in der persisch. iind hellen. Zeit 1903 , p. 8, n. 1. Essais moins
satisfaisants dans Drovsen, Hisl. de iHell., II, 735 s. Irad. fr.;, de situer au contraire la
passe à l'extrémité nord du Massyas, sur l'Oronte. à peu près à la hauteur de Tripoli.
FEppa de Ptolémée, V, 15 — p. 986 —, située dans la Batanée, n'a évidemment rien de
commun avec le tort mentionné par Polybe. Au gré de Pline, Marsyas ne serait que le nom
d'un fleuve, affluent syrien de l'Enphrate (//. N., V, 19, g 1— p. 223 — ; 21, § 1; 29, g 4).
(1) Map-jûa, uô/.i; <^olvcV.•/,:. On a. je crois, voulu rapprocher le nom moderne d'el-Ma-
sijad, dans le dj. Ansùrieh. ou montagnes des Xosa'iris.
180 REVUE BIBLIQUE.
Tbv MznA^p ï<fr, -i ts jto;j-aT;z vS: -y. çzp-ix zy. thy.. Il n'est donc pas
investi d'une autorité décisive comme leùt été, en l'espèce, celle d'un
:l.) Inscriptiott d'iichmounazar. lig. 18-19; Corpus ifiscr. semit., I, 3: ci. Lagra^ge,
J
m
--^^
I Indes sur les relig. sém., 2, p. 48:!, 487. Il n'importe heureusement pas à notre objet
présent d'aborder la célèbre question de chronologie de la dynastie sidonienne (cf. le
résumé du P. Lai.range, R. B.. 1902, p. 521 ss. L'inscription votive des Sidoniens de Jafta
(Laguakge, Jt. B., 1892, p. 275 ss.) est un autre témoignage des relations maintenues entre
Sidon et Jafta.
1) Périple, éd. Didot, p. 79, dans un passage malheureusement lacuneux, mais com-
plété avec assez de certitude par Strabon.
(2i VoirJ. P. Petern et H. TniEisscn, Painted Tombs in ihe Necropolis of Marissa^
p. 9 s., etc. Londres, 190.j. Cf. R. B., l!io2, p. 598 s. 190Ô, p. 317 ss. :
.
182 •
REVUE BIBLIQUE.
'Apo-',v6'/;ç $iAao£A5CJ
Twv c;vT{i)v £V AAsravGpEta. ;j.-/;vbç Zavs'//.sj, àv Bip'x -qz 'A|j.;j.av{-:'.ocr.
[
jor 'Avavicj Ylipzr,: twv TcuStcj ''.-r.ihr/ yj:r,pz\i'/zz.
M'.AV^7lOÇ,
paxcç
Ai;vj-{:u "AtttÉvg'.;;, :•. -iz~y.otz -Cri r.tz\ Xr.z'/JMy.Z'^ -rbv z:z'.v.r,'çj
lonios (1\
(1) Annales..., XVIII, 164 Le contrat est en double copie sur une même feuille de
ss.
n'étaient pas encore parvenus, au mois suivant, jusqu'à la lointaine province où s'écrivait
le contrat; le notaire s'en tire par la périphrase étant prêtre et canéphore « ceux qu'on a
:
installés et qui sont connus à Alexandrie >. Sur l'organisation de ce sacerdoce dynastique,
voir Bov«;.hé-Leclerc<., m's/. Lag., IH, .3:-48: IV, 331 ss.
184 REVLE BIBLIQUE.
dérivant peut-être du fait que l'enfant avait clos [ ^•^\ la lignée de ses frères et sœurs,
ou exprimant un simple tatouage (ow«S('?«).
*
(2) Tel l'Athénien Heraclite, auteur probable de la lettre n' 14 étudiée plus haut.
(3) On ne saisit pas quel peut être le rôle de l'autre milicien perse mentionné à la 1. 7.
L\ PALESTINE ItAXS LES PAPYRLS PTOLE.\L\IQUES DE GERZA. 185
Son nom est estropié, mais il est fils d'Ananie», vocable manifestement plus juif que
<
ô'./.afftâç...
(4) Edgar Annales..., XVIII, 165. Le ri''2T»2 de Néhémie dont nous aurons à parler
bientôt est rendu Ta)g{a; par les LXX, tandis que la recension de Lucien emploie couram-
ment To-^gia;.
186 REVUE BIBLIQUE.
(1) Traduction hypothétique. Ces ÛTroÇûvia 'Apaêt-xà /Ev/.à8-j6 sont littéralement « deux
bêtes de somme arabes, blanches, attelées « donc une paire. Dans l'Arabie moderne le
;
chameau « blanc » est toujours considéré comme un animal distingué. C'est en général la
monture du cheikh.
(2) Le texte dans Edo vr, op. l., p. 232. n' 13. avec d'eïcellentes annotations.
LA PALESTINE DANS LES PAl'VRUS PTOLEMAIOLES DE GERZA.
D'autres documents
des archives de Zenon enregistrent, nous apprend M. Edgar, des
envois d'esclaves, des présents officiels pour l'anniversaire de la nais-
sance du roi ou de son couronnement —
à supposer que les -i-.z-.y--
(1) Bolché-Leclkrcq, op. L, lU, 336. Le tribut portait son vrai nom, çôpo;, seulement
quand il s'agissait des ^ contributions fournies par les possessions coloniales administrées
par des fonctionnaires égyptiens « 7. l.).
(2) Il serait à souhaiter qu'on entreprit de démêler par une critique attentive la peison-
188 REVUE BIBLIQLE.
rable de juifs £v -oXq To-joiz'j. « parmi les gens ou dans les domaines —
— duTobiade » (1) qui s'empresse de les massacrer dès qu'une nou-
velle intervention syrienne a ravivé les rancunes séculaires et reformé
contre eux la vieille coalition Édomite, Arabe, Ammonite 2).
Autour de 265, les populations du pays d'Ammon, constatant les
den Apokr. des A. T., III, 81 dSSSi, sur / Mac. 5. 1.3) établissait que Tvj8;o-j doit être
préféré à la leçon excentrique d'un ms. Tovôîv. Il le comparait toutefois à la région de z^C
en Ammonitide.
(2) I Macch. 5, 1 ss., 13, etc. on ne voit pas qu'il y ait lieu, avec Ilolscher par exemple,
de s'arrêter encore (v. 13) à la mauvaise leçon v. .. bi zo'.; Toooiv pour se lancer à la
recherche dun nom de ville rondement Tôb de Jug. 11, 3 ss. et II Sam. 10. 6.
assimilée à
pour identifier le tout à Pella [Paldstina in der pers. und hellen. Zeit, p. 7.5). Dans
Juges il s'agit d'une « région » au nord de Galaad ;cf. Lagrange, Juges, in loc, p. 194^.
Dans Samuel, Job en relation avec Ma'acà = Ab'd, parait située assez loin au nord-ouest
(cf. DifORME, tH loc., p. 349). Les plus récents commentateurs n'en continuent pas moins à
reproduire les mêmes citations, quittes à suggérer des identifications topographiques pré-
caires. C'est ainsi que M. Charles [The Apocrypha... I, 83 (1913, sur I Mac. 5, 13} indique
la « région de Tubias » à « 12 milles au sud-est du lac de Galilée .Dans // Mac. 12, 17.
au cours de celte même lutte de Judas contre la coalition païenne reparaissent des
>£-;'ou.Évov: To-jêîtvov: [To-.>;i'.avo-J:'i 'Io,.oaîoj; qui représentent à n'en pas douter le même
groupe de population, sans qu on puisse clairement discerner si la narration n'est qu un
doublet de / Mac. 5, ou s'il s'agit d'une nouvelle campagne de Judas, comme paraît le
suggérer l'analyse de Charles, op. l.. I, 127.
LA. PALESTINE DANS LES PAPYRUS PTOLÉMAIQLES DE GERZA. 189
T'.oïc, Cette B'OTa, aux allures de nom propre, ne saurait plus guère
''^"ï*
'^1 h
Fig. 4. —
Le ti'' s ir"Ar;'if|el Kmir. Vue du S. E., au bord de l'ou. essyr. au 1' i)laii,
qasr el-'Abd; lui IimhI la talaisc rocheuse ou sont percées les cavernes. Phot. Savignar.
(1) Princeton Univ. arc/i. Exped. io Syria. Di\. II: Ancicnt ArchUecture..., by H. C.
Butler, Sect. A, I, p. 1-25. Voir aussi Div. III, Inscriptions..., bj E. Littmann; sect. A,
I, p. 1-7. On trouvera dans cette publication (1907) toute la bibliographie utile, qui s'ali-
disposées avec soin, éclairées par de larges fenêtres, sont des salles
d'habitation; les autres, avec leurs mangeoires et leurs anneaux
taillés dans la pierre, sont des écuries ; d'autres, plus grossières, ont
servi de magasins enfinun bloc réservé sur le bord du chemin cou-
:
gnées ; leur plan est lectauiiulaire, les parois sont layées, le plafond a
la' forme d'une voûte surbaissée qui s'appuie sur une moulure conti-
nue, sorte de doucine grossière. Une fenêtre, placée au-dessus de la
porte et largement ébrasée répand une abondante lumière ))(1). C'est
(1) De VoGïiÉ, Le Temple de Jérusalem, p. 38 et 42. Oii ne saurait donner une meilleure
vue d'ensemble que celle de l'illustre maître, qui, le premier, ot en dépit des diUicultés
imposées naguère à son exploration, recoonut l'importance et le vrai caractère de la belle
ruine, signalée par Irbyet Mangles en 1818 ou 1820.
(2) La meilleure vue générale des cavernes est encore celle du Survey of Eastern Pales-
Une, face p. 72. On trouvera aussi, face p. 84^ une excellente vue de la principale façade à
inscription.
(3) Butler, op. l., p. 22 s.
(4) Voyage en Terre Sainte, I, 211-234 (1865); mais surtout dans le Mémoire sur les
monuments d'Aâraq-el-Emyr, beaucoup moins cité, quoique plus technique : Mém. de
l'Institut de France, Âc. Inscr. et B.-L., XXVI, p. 83-117, avec 8 planches ln-4° (1867).
(5) Le Temple de Jér., pi. xxsiv s., in-folio.
LA PALESTINE DANS LES PAPYRLS PTOLE.\L\IQLES FJE GERZA. 103
— Le
*'' 25 80
57.00 ^
Fig. G. temple de Tôbiali. Plan restauré d'après Butler.
Le Temple..,, p. 41.
REVLE BIBLIOUE 1920.
194 REVUE BIBLIQUE.
édifice. Elles ont mis en relief avec une non moins opportune clarté
son caractère -spécifiquement hellénistique. Analysant avec soin ces
éléments nouveaux, Butler a fait ressortir que dans ce monument
d'exécution toute grecque se trahissent des influences aussi nettes que
variées. La recherche du mégalithisme, si visibledans les murailles
extérieures, dérive apparemment de la Phénicie d'époque grecque. La
grande frise courante de lions passants doit bien être d'inspiration
orientale (fig. 7). Les chapiteaux à doubles protomes de taureaux
adossés n'ont pas moins clairement leurs prototypes en Perse, tandis
que les revêtements, peut-être même des stucs peints, viennent pro-
bablement en droite ligne de l'art alexandrin. A se laisser guider uni-
quement par les données archéologiques, le savant américain aurait
choisi comme date la plus vraisemblable de l'édifice précisément ce
règne « de Ptolémée II (285-2i7 av. J.-C.) qui influença particulière-
ment les affaires » et celles de la région d'Araq el-Émîr peut-
de Syrie
être plus que toute autre (2).
Mais à rencontre de cette suggestion archéologique dont on ne
saurait trop admirer la fine pénétration, Butler ne pouvait pas ne
point subir l'obsession d'un témoignage littéraire qui pèse depuis
toujours sur cette discussion, obsession d'autant plus inéluctable
qu'elle dérive du récit de Josèphe qui a fourni la plus brillante iden-
tification des ruines (ï'Ardq el-Émîr avec la puissante Bxpiç érigée
pour la sécurité fastueuse d'un Hyrcan « fils de ïobie » de célèbre
mémoire dans l'histoire juive du second siècle avant notre ère.
L'intéressante narration des Antiquités judaïques (XII, iv, 11) ayant
't.-. ^^m^'m.'--
â -.- ^/ '-
—
Z:Zi:, TTîTr-T^:;;^;;s;^*»««"^.
— i
i
i
I^te:
l'ig. Débris de la frise des lions. Phot. Savi
que le maître français date l'épigraphe de 175 seulement. M. Littmann (op. 1., p. 2 ss.)
est encore plus explicite et discute d'ailleurs plus en détail la question paléographique.
Les plus strictes analogieslui paraissent fournies par les stèles araméennes de Teimà,
Saqqarah, Carpentras documents du v'-iv* siècle. Et s'il conclut, lui aussi, à une origine
:
dans la première moitié du second siècle avant notre ère, c'est derechef en vertu de l'attri-
bution qui paraissait si fatalement s'imposer au Tobiade Hyrcan, d'après la narration de
Josèphe.
LA PALESTINE DANS LES PAPYRUS PTOLEMAIQUES DE GERZA. 197
.V^ii*^^'
.
mÊÊÊKÊSÉBÊOÊÊ.
Fig. 8. — Une des inscriptions de Tôbiali. Pliot. Savignac.
(1)Le fait que ce temple ait été construit au milieu dune sorte de lac artificiel porte
à se demander si on ne l'aurait pas dédié à une divinité particulièrement en faveur sous
les premiers Lagides, cet Ammon antique du désert égyptien dont la légende de cour
faisait le père des rois. On se souvient en elfet que. par une assez singulière adaptation,
Ammon était devenu un Zeus des eaux et des fontaines dans la Syrie hellénistique; cf.
Perdrizet, R. B., 1900, p. 436 ss.
LA PALESTINE DANS LES PAPYRUS PTOLEMAIQUES DE GERZA. 199
(1) Sans parler de la facilité qu'il y avait de la munir de défenses avancées, sur les
points qui commandent les voies d'accès. De ce point de vue on se demandera si la
birthà de Tôbiah et de ses gens ne s'offre pas juste à point pour éclairer un récit biblique
ultérieur. Dans // Mac. 12, 13 ss., Judas qui vient de triompher des Arabes et d'anéantir
la garnison syrienne de Kxm^ivi — assez vraisemblablement Hesbân —
court à la déli-
vrance des To-^o'.avo'j; 'lojoaîoj; assiégés eî; tôv Xàpa/.a (v. 17). La tentative d'évoquer la
vieille capitale moabile, T'p, nmp, Xapazawoa, Kérak ne résiste pas à l'examen (cf.
déjà le com. de Grimm . En dépit de la distance de 750 stades — chiffre de tous points
invraisemblable —indiquée par rapport à KaT-eiv, on ne peut s'empêcher de songer au
ravin de la birthà de TJpo; =
ou. cs-Syr. Les troupes syriennes n'attendent d'ailleurs
pas l'armée macchabéenne victorieuse et se replient hâtivement vers le nord.
200 REVUE BIBLIQUE.
(1) On se souvient que les papyrus araméens d'Éléphanline ont déjà fourni un cas
analogue, où, tout en confirmant un récit de Josèplie, ils obligent à modiûer sa chrono-
n. 11 (1907).
(3) Un gros volume était consacré à ce difficile sujet en 1899 par M. A. Blechleii, Die
Tobiaden und die Oniaden im II Makkab. Bûche und in dei- verirandten jiid. —
liellen. Litterahir. concède sans trop regimber au radicalisme de Wellhausen {Israël,
Il
und jiid. Gesch:- (1895) p. 232) le radotage « naïf » des innombrables anecdotes (p. 97),
à commencer par Ihistoire « risible » (p. 99) et pas très reluisante de la naissance
d'Hyrcan; mais il estime avoir trouvé la panacée qui sauvera la valeur historique du
fond il suffit de situer toute la narration de Josèphe quelque peu plus
: haut, sous le
règne de Plolémée IV Philopator (221-204), ou V Épiphane (204-181), et il entreprend
courageusement (p. 100 ss.) d'en faire saisir l'efficacité. Il aboutit sans doute à ruiner
quelques-unes des attaques trop sarcastiques de Wellhausen et de Willrich [Jiiden und
Griechen vor der mak. Erhebung, 1895, p. 01 ss.), mais pas à mettre en évidence un
fond historique bien précis. Sur la lignée des Tobiades, cf. Schuerer, op. l., I, 195, n. 28,
ou les annotations de Chamonard dans la traduction française des Œuvres cotnpl. de
FI. Josèphe, sur Antiq. XII, 4, p. 82 du t. III.
LA PALESTI.XE DANS LES PAPYRUS PTOLEMAIQUES DE GERZA. 201
d'une ou deux générations, un récit qu'il s'efforçait tant bien que mai
d'adapter aux circonstances contemporaines de Ptolémée V Kpiphane
et Ptolémée VI Philométor, sans prendre toujours assez de soin pour
sauvegarder la vraisemblance et les synchronismes nécessaires avec
les monarques syriens. Josèplie lui-même semble avoir eu çà et là
conscience des imperfections et des impossibilités de sa source (1);
Il s'est néanmoins
guider jusqu'au bout par elle. Tout à la fin,
laissé
dans cet épisode de la retraite d'Hyrcan au delà du Jourdain, qui
produit d'ailleurs l'excellente impression d'une épave historique
dans la légende hyrcanienne, il a tout l'air d'écrire de son cru la
description si vivante et si pittoresque de la Bâris [birtliâ] qu'il
pouvait parfaitement avoir vue dans l'état où elle demeurait au début
du i"' siècle, sans doute encore avec son vieux nom araméen qui
s'hellénise naturellement sous la plume de Josèphe, tout comme la
désignation toponymique ancienne de ce « rocher » ("!lï } dont il fait
(Ij Du moins si c'était lui qui a inséré dans XIF, 4, 1, § 158, après Ba<7Ù£'a lI-oAêfxaTov
ladétermination xôv Ejspyérriv, o; -^v itaxyip toC *i).o7ïâ-:opoç. Mais il y a longtemps (fu'on
soupçonne en ces mots une assez lourde interpolation.
(2) A condition, bien entendu, d'en élaguer ce qui ne saurait jamais faire défaut dans
les meilleures pages de Josèphe les adjectifs emphatiques et les mesures grandilo-
:
quentes; c'est-à-dire dans notre cas : le fossé « large et profond » qui entoure la « forte-
resse » et le développement des cavernes sur « plusieurs stades ».
202 REVUE BIBLIQUE.
L. H. Vincent, 0. P.
(1) La petite esclave Sphragis, objet du contrat qui nous occupe et les envois d'esclaves
dont il est question dans des lettres de Tobiah laissent supposer que
représentant de
le
tradition déjà ancienne dans la birthâ quand il s'y réfugia. Mais les conditions politiques
étaient changées. L'Egypte en décadence depuis Antiochus III ne pouvait désormais plus
rien aux frontières de Syrie et les Arabes sauraient bien en profiter. Hyrcan le comprit et
n'attendit pas leurs représailles.
LES SYMBOLES PROPHÉTIQUES D'ÉZÉCHIEL
remarqué que le bloc, réputé intact, n'allait pas sans quelques fis-
sures; on a cru même y découvrir des pièces rapportées, en sorte que
le monolithe a, dit-on. plus d'un trait de, ressemblance avec les con-
glomérais. On parle de différentes recensions, partielles ou totales,
sous lesquelles l'œuvre d'Ézéchiel aurait d'abord été mise en circula-
tion. Puis serait venue la fusion de ces éléments divers, parfois hété-
rogènes, non sans causer quelque dommage à l'ordonnance générale
et introduire quelque confusion dans l'unité primitive. Avant d'ana-
lyser les symboles, ne convient-il pas d'examiner s'ils nous sont par-
contre terre (i, 28j. Sur l'ordre d'une voix mystérieuse, il se remet
sur ses pieds (n, 1, 2), mais sans retrouver sa force première.
Désormais, il a le sentiment qu'une puissance étrangère s'est emparée
de lui et le guide (ii, 2). Bientôt, il éprouve des hallucinations de
l'ouïe et de la vue (ii, 3 ss. il a des sensations gustatives très agréa-
!
;
(1) Ezéc/iiel : Ein Beitrag zu besserer Wiirdigung seiner Person iind seiner Scfitif't,
piru dans les Tfieologische Sludien und /.ritifier, 1877, pp. 391-439.
206 REVUE BIBLIQUE.
(xxi, 19) ou frappait du pied (vi, 11), tantôt il était saisi de con-
vulsions et de tremblements (xii, 18j, tantôt il poussait des soupirs
(xxi, 22) ou jetait de grands cris (xxi, 17). Quand il pouvait dire
quelques mots, la violence de l'émotion donnait à sa parole un rythme
curieux, un caractère saccadé (xi, 14-22 et tout le chap. vu), qui
dénotait l'ébranlement de tout le système nerveux.
De tels symptômes amènent un mot sous la plume de M. Kloster-
LES SYMBOLES PROPHETIQUES D'ÉZÉCIIIEL. 207
que nous devons considérer Ezéchiel comme un homme qui, déjà pré-
disposé à la catalepsie parun état de souffrance et de faiblesse, fut
soudain frappé de cette infirmité particulière, à la suite d'une vision
troublante qu'il eut durant sa trentième année 2i, » i
parle saint Paul (5) ». Mais en 1897, iM. Bertholet, qui donnait le com-
mentaire d'Ézéchiel à la collection Marti, adhérait sans restriction à la
thèse de Klostermann. Comme ce dernier, il croyait que le prophète,
physiquement prédisposé à la catalepsie, était tombé dans cet état
morbide à la suite delà grande vision inaugurale. Il ajoutait, lui aussi,
que cette infirmité ne dégradait en rien le prophète, attendu que Dieu
(1) Celle-ci par exemple : Une femme cataleptique ne pouvait s'exprimer qu'en serrant
la langue contre les dents; la nourriture lui était un supplice, et parfois il lui semblait
qu'une corde lui descendait de la bouche dans l'estomac pour lui lier les viscères.
(m, 14), et non je fus porté, je fus conduit. Et n'est-ce pas aussi
:
D'autres, Cornill, Bertholet, préfèrent lire anlu^. Le radical est le même, et le sens ne
d'après tous les critiques modernes, forme U7i petit recueil indé-
pendant du chapitre m, ne fait pas la moindre allusion au mutisme.
Si l'immobilité du prophète dont il est parlé iv. i-8, n'est autre
chose que l'hémiplégie cataleptique, et si l'aphasie est elle-même
un des effets principaux de la grande crise, il est à tout le moins
étonnant que le texte n'en dise rien. Pour trouver le mutisme men-
tionné à côté de l'immobilité, Klostermann doit remonter jusqu'au
chapitre m
(v. 25, 26). Je ne sais comment le maître allemand s'arran-
gerait aujourd'hui avec ses disciples qui suppriment soit l'un soit
l'autre de ces versets. En tout cas, si, comme il le semble bien, les
deux versets sont authentiques, Klostermann devrait encore prouver
que les chaînes dont le prophète doit être lié sont une métaphore
pour désigner la. pa)'alf/sie cataleptique, et que le mutisme lui-même
provient de la catalepsie. En attendant cette double démonstration,
il est permis de se rappeler que Zacharie, père de saint Jean-Baptiste,
fut atteint lui aussi de mutisme, sans avoii' pour cela des crises de
névrose.
Revenons à la catalepsie d'Ézéchiel. Cette fois, Klostermann en
découvre jusqu'à trois preuves Yhéyniplégie, la rigidité du visage
:
et celle du bras.
Le prophète reste couché sur le côté gauche, sans pouvoir se
retourner sur le côté droit; puis il se couche sur le côté droit sans
pouvoir revenir sur le côté gauche. C'est donc, conclut-on, qu'il était
atteint d'hémiplégie. —
La conclusion n'est pas rigoureuse. Il y a
bien des raisons qui peuvent nous obliger à rester sur le côté. Sans
parler du cas où l'on serait étroitement garrotté, combien de maladies
ou d'infirmités, localisées dans une partie du corps, qui exigent la
stricte immobilité sur l'autre côté! En dehors même de toute infir-
mité, la volonté de Dieu ne suffirait-elle pas à clouer un prophète
dans une posture de pénitence durant un temps déterminé? Klos-
termann se donne ici un double tort il prend l'immobilité pour une
:
que visage doive rester rigide avec des yeux fixes et hagards? Où
le
voit-on surtout que le bras doive demeurer bandé da?is une tension
menaçante? L'expression hébraïque mentionne seulement un bras
nu, dégagé, dégainé (1). On dégainait son bras pour le travail ou la
(1) La Vulgale et brachium luum erit extensxim exagère un peu dans le sens de Kloster-
LES SYMBOLES PROPHÉTIQUES D'ÉZÉCHIEL. 213
inann, sans aller cependant aussi loin que lui. L'expression des Septante tôv gpayjovi do'-
vent celle-ci pendant une heure, deux heures, selon la durée de l'ac-
Dairs les rapports des médecins analysés par Klostermann, il n'est pas
un seul phénomène anormal qui approche de ces durées exception-
nelles, il y a lieu peut-être de s'en étonner, car, depuis l'époque
lointaine [d'Ezéchiel, il semblerait que la dose de névrose soit plutôt
allée en augmentant dans la pauvre humanité.
5. Enfin, le prophète Ézéchiel avait-il vraiment un tempérament
de névrosé? Je sais bien qu'on ne saurait fonder un jugement définitif
sur les rares données personnelles éparses au cours de son livre. Pour-
tant n'est-ce pas de lui que Seigneur trace ce tableau Voici que j'ai
: ((
rendu ta face dure comme leur face (des Juifs obstinés), et ton front
dur comme leur front. J'ai rendu ton front comme le diamant, plus
dur que le roc. Ne les crains point, et ne tremble pas devant eux,
car c'est une maison rebelle » (iii, 8, 9)? Ce n'est pas Ézéchiel qui
maudit jamais le jour de sa naissance sous le coup de l'adversité,
comme il advint à l'impressionnable Jérémie (xx, 14). iMais c'est lui
qui enterra sa femme, « les délices de ses yeux » (xxiv, 16-18), sans
verser une larme. Est-ce là la conduite d'un homme dominé par la
sensibilité, prédisposé à des accès de nésrose et de catalepsie?
Concluons si Ézéchiel n'a du cataleptique ni la rigidité, ni la pas-
:
précepte divin — ce
qui n'est pas non plus conforme au texte ou —
que Dieu se servait, pour l'y contraindre, de quelque action phy-
sique dont la nature nous échappe. De toute manière, il est établi
II
d'après une certaine chronologie, ce qui ne veut pas dire que les ora-
cles compris entre deux dates remontent nécessairement à cette épo-
que. Chaque cas doit plutôt sexaminer séparément.
Si l'on relève au cours de l'ouvrage certaines hésitations ou incon-
séquences, elles tiennent à la manière morcelée dont Ézéchiela rédigé
ses oracles première rédaction ne s'est faite que peu à peu, par à-
: la
coups, et le prophète
l'a sans doute parfois remaniée dans la suite.
exemple cpie vi, 5', réputé le doublet de vi'', manque dans les Septante,
que XIII, li-16, tout en reprenant l'idée des vv. 11 et 12. lui donne
une expression beaucoup plus riche; que xiv, ï-ù concerne le pro-
phète, tandis que les vv. 6-8 contiennent un message analogue à
l'adresse d'Israël, etc.
Pour le nombre relativement restreint des cas où l'analogie entre
deux passages ne saurait s'expliquer par l'insertion d'une note mar-
ginale, d'une glose, ou parle simple procédé de la répétition orientale,
on se contentera avec Hermann d'admettre une deuxième recension
partielle, qui peut n'être qu'un remaniement du texte primitif, dû à
Ézéchiel en personne. Élargir l'induction et conclure aune seconde
recension générale, d'abord indépendante de la première, c'est
Symbole du siège. IV. Et toi, fils de l'homme, prends une brique, place-la devant
toi et graves-)' une ville, Jérusalem. 2. Mets le siège contre elle, construis contre
elle un mur de circonvallation, élève contre elle des chaussées, dresse contre elle un
camp et dispose contre elle des béliers tout autour. 3. Et toi, prends une plaque de
fer et place-la comme un mur de fer entre toi et la ville : tourne ta face de son côté,
et elle sera assiégée et tu l'assiégeras. Ce sera un signe pour la maison d'Israël.
quité de la maison d'Israël, et durant les jours que tu seras ainsi couché, tu porteras
leur iniquité. .5. Et moi, je t'ai donné les années de leur iniquité suivant le nombre
des jours, 'cent quatre-vingt-dix' jours, et tu porteras l'iniquité de maison d'Is- la
raël. G. Et quand tu auras achevé ces ijours\ tu te coucheras de nouveau sur le côté
droit, et tu porteras l'iniquité de la maison de Juda. quarante jours je t'ai donné :
ton bras nu, et tu prophétiseras contre elle. 8. Et voici que je t'ai mis des chaînes,
pour que tu ne puisses changer de côté, jusqu'à ce que tu aies accompli les jours de
ton siège.
Symbole du pain composite. 9. Et toi. prends du froment, de l'orge, des fèves, des
ainsi que mangeront leur pain souillé parmi les nations où je les chas-
les Israélites
serai. 14. Et je dis Ah! Seigneur Jahvé, jamais je ne me suis souillé, je n'ai jamais
:
mangé de bête morte ou déchirée depuis mon enfance jusqu'à ce jour, et jamais
viande impure n'est entrée dans ma bouche. 15. Et il me dit Vois, je te permets la :
bouse de vache au lieu des excréments humains : tu feras ton pain là-dessus.
Symbole de la nourriture rationnée (application). 16. Et il me dit : Fils de l'homme,
voici que je vais briser le bâton du pain à Jérusalem, et ils mangeront le pain au
poids et dans l'angoisse, et ils boiront l'eau à la ration et dans l'épouvante. 17. en
sorte qu'ils manquent de pain et d'eau, qu'ils dépérissent les uns et les autres et qu'ils
se consument à cause de leurs iniquités.
le V. 7.
(1) <( It seems to be the Prophel's purpose to combine Ihe two » [The Book ofthe Pro-
phet Ezehiel, 1899, p. 47).
LES SYMBOLES PROPHÉTIQUES D'ÉZÉCHIEL. 2il'
placer ici, ne cadre pas non plus entre les vv. 6 et 8, puisque
car il
ment suivre 9"; lorsque ces versets eurent été séparés par l'insertion
des vv. 10-11, l'interpolateur sentit le besoin de modifier le début
de 12 par la mention des galettes d'orge. Les vv. 10-11 qui contien-
nent un symbole du siège ont été alourdis chacun d'une glose (10"
et 11''), et de plus, ils ne sont guère intelligibles. Les vv. 16 et 17
vont très bien ensemble et se rapportent aussi aux épreuves du siège.
Hermann conclut que l'ordre actuel ne vient sûrement pas d'Ezé-
chiel.Le fils de Buzi avait sans doute rédigé lui-même tous ces actes
de 'son activité prophétique, et il va sans dire qu'il y avait mis un
ordre. « Comment le petit recueil a-t-il été brouillé, nous ne
saurions le dire (1 ). »
(1) Wodurch die kleine Samnilung in Unoninung kam, vermôgen wir nieht zu sagen
op. cit., p. I3j.
L1£S SYMBOLES PROPIlEriQUES DEZÉCHIEL. 223
texte hébreu porte dans tous ces vv. 9-1 des traces non équivoques de
'*
sur le côté? Nous répondons que la précision des vv. 4-8 semblait
devoir exiger en cet endroit une précision semblable. Et puis, si la for-
mule est générale et désigne aussi bien le côté droit que le côté gau-
che, pourquoi lui accoler le chitfre 390 ou 190 qui, dans le symbole
précédent, caractérise uniquement l'immobilité sur le côté gauche
(vv. i, ô)? Les critiques qui ont envisagé ces difficultés, n'ont pas su
leur trouver des explications satisfaisantes. Devant ce fait, la
meilleure solution n'est-elle pas encore de regarder 9''
comme une
glose? La glose devrait s'attribuer au scribe qui, insérant à cette
place le symbole du pain composite, aura cru bien faire de le ratta-
cher au symbole précédent de l'immobilité. Il s'est servi pour le rac-
cord de formules empruntées vaille que vaille aux vv. 4 et 5. La
suture étant très maladroite trahit la main de l'auteur secondaire
qui l'a pratiquée. Peut-être cependant lisait-on quelque chose d'ana-
logue dans le symbole de la nourriture rationnée, et peut-être le
224 REVUE BIBLIQUE.
tiiiire. Et qu'elle fit tout cela sur Tordre de son mari, sur ses indi-
cations, voire avec son concours, ce n'était pas non plus la même
chose. C'est Ézéchiel en personne qui était chargé de prendre ces
diverses substances, qui devait les mêler dans un vase et en faire
son pain. C'est lui encore qui imité à cuire sa galette d'org'e
était
nourriture rationnée 10, 11, 16, 17) ait été violemment partagé en
deux. Il est regrett;<bie surtout que le symbole du pain composite
ait été placé avant celui du pain mesuré et qu'on ait semblé ainsi
confondre deux symboles parfaitement distincts.
voici que je vais briser le bâton du pain 14. Et je dis Ah! Seigneur Jahvé,
:
au poids et dans l'angoisse, et ils boiront jamais mangé de bête morte ou déchirée,
l'eau à la ration et dans l'épouvante. depuis mon enfance jusqu'à ce jour, et
17. Afin qu'ils manquent de pain et jamais viande impure n'est entrée dans
d'eau, qu'ils dépérissent les uns et les ma bouche. 1.5. Et il me dit : Vois, je te
autres et qu'ils se consument à cause de permets la bouse de vache au lieu des
[A suivre.)
Denis Buzv, S. C.
MÉLANGES
(1) Les iragmeals grecs du commentaire d'Origéne ont été récemment publiés par
A. Ramsboteiam, The commentary of Origen on t/ie Epistle to the Romans, dans le Jour-
nal of Theological Studies, t. XIII (1912). p. 209 ss.; t. XIV (1913).
(2) RuFi.N'i praefatio ad Heraclium P. G., XIV, 832
, « Addis autem, ne quid laboribus
:
meis desit, ut orane hoc quindecim voluminum corpus, quod graecus sermo ad quadra-
ginta fere aut eo amplius raillia versuum produxerit, abbreviem, et ad média, si fieri po-
test, spalia coarctem.
Par un heureux hasard, nous connaissons aujourd'hui le contenu de chacun des quinze
lis res dOrigène, et nous pouvons ainsi nous rendre compte de la portée des changements
Sous le vêtement que lui a donné Rufin, on retrouve bien encore le plus souvent la pensée
d'Origène.
MÉLANGES. 231
avons affaire à une vieille recension latine, dont il peut être intéres-
sant de déterminer le caractère.
Dans la traduction du De principiis, qui avait paru en 398, Rufin
avait suivi assez exactement le texte biblique cité par Origène il ne ;
faisant appel, pour le détail, à une version latine; mais il avait tenu,
d'une manière habituelle, à traduire lui-même les citations faites par
l'auteur (1). On peut donc comparer les uns aux autres les passages de
rÉpitre aux Romains qui se rencontrent à la fois dans le De jrrinci-
ignoras ignorans
5 (875 A) tibi ipsi tibi
rit).
(1) Cf. G. Bardv, Les citations bibliques d' Origène dans le De principiis, dans Revue
Biblique, 1919, p. 106-135.
(2) Le texte du De principiis est oité d'après l'édition de P. Koetsch\u, Origenes'
\yerlùe, t. V ; Leipzig, 1913.
1
21 an aut
aliud quidem vas in bonorem in bonorem vas [v.ç xlixr^v ctxeuo;)
aliud vero (S. Germ. Vg.). alrud autem (cf. p. 206, 15 ss.;243, 19s.
X, 6 (1160AB)ascendit (S.Gerni.) (57,6) ascendet (Vg.l àvaSrjasTat
boc est (id.) id est (Vg.).
7 descendit (id.) descendet (Vg.) /.aTa6r;5£Txi
reducere (id.) revocare
8 prope est (ii.) prope te est [ît!'^'^ ^°'>^)
(l) La lecture généralement employée par saint Amcroise. Sai.xt Cïprie.x, Ambro-
si< est
siASTER, SAJNT AUGUSTIN lisent Bst, qui est aussi le levle de notre Vulgate. La plupart des
•234 REVUE BIBLIQUE.
(918 C D). Il est remarquable qu'ici la leçon acceptée dans le texte soit
celle que le commentaire indique comme adaptée directement du grec.
Rom. 111,5 (921 G) « numqiiid iniquus Deus qui infert iram? secun-
:
dum horainem dico. Absit. » Telle est la lecture des textes latins et de
quelques-uns parmi les grecs. Mais il faut savoir que dans un certain
nombre d'exemplaires grecs, la ponctuation est placée différemment,
ce qui change le sens du texte : numquid iniquus Deus qui infert iram
adversum hominem (923D-924A) (1).
qui, ajoute-t-il, concorde mieux avec les exemplaires grecs (939 D).
Rom. m, 25 « quem proposuit Deus propitiationem per fidem
:
(946 A) ». La leçon propitiationem n'est pas très sûre ici, et les éditeurs
notent la variante propitiatorem. En d'autres passages, la citation
du même texte porte propitiatorium, vel propitiatorem (946 G);
propitiatorium (947 B, 949 G). Rufin explique du reste que les apôtres
donnent au Ghrist, avec un seul et même sens, les noms légèrement
différents de propitiatorium ou propitiatio, ou, suivant la lecture la
plus fréquente dans les manuscrits latins, de propitiator. Mais il im-
porte peu de lire propitiator, ou propitiatorium, ou propitiatio, ou
même exoratio, puisque chez les Grecs c'est toujours un seul et même
mot qui est employé (951 A) (3).
manuscrits grecs portent ytvsCTÔw; G a ït-w, mais on peut se demander si ce n'est pas là
une leçon corrompue pour esto.
(1) On ne trouve aujourd'hui presque plus de traces de cette dernière leçon. Cf. PmL\s-
TRius, Haeres. 51 : numquid iniustus Deus. qui infert iram suam hominibus.
(2) Actuellement, un très grand nombre de manuscrits grecs ont introduit dans le texte
du Psaume \iii 3 le centon de Saint Paul, Rom. m, 10-18; cf. H. B. Swete, The old Tes-
tament In (jreeh, ad h. l. Saint Jérôme note à ce sujet « non tam aposlolum de psalmo
:
tertio decimo sumsisse, quod in liebraico non habetur, quam eos qui artem contexendarum
inter se scripturaruni apostoli nesciebant, quaesisse aptum locum ubi assumptura ab eo
ponerent testimonium, quod absque auctoritate in Scriplura positum non putabant [in Is.
lib. 16; P. L., XXI V, 548; cité par le R. P. LAGKA^(.E, l'Êpilre aux Romains, p. 70). »
Rom. VI, 11 : « ita et vos existimate vos mortuos quidem esse peccato
(105i C) »; et la correction suit immédiatement le texte : quod melius
quidem in graeco habetur : cogitate vos mortuos esse peccato (id.).
>»«/'. I, et de Spir. et lUt. lit propiliatoriuia. Notre Vulgate porte propitiationem, tandis
que le texte grec a le mot r/a-jr/ipiov.
(1) Dans le De peccat. mer. I, S. Alclstin s'explique longuement à ce sujet; cf. aussi
Ambrosiaster, m h. l.
(2) Seuls les manuscrits latinisants DEFG ont introduit dans le texte grec la traduction
de cette leçon : toO vôfiou toj ôavâroj èv To ; cf. R. P. Lagrange, op. cit., p. 164.
236 REVUE BIBLIQUE.
mêine texte que Rutin, qui n'a aucune hésitation sur sa formule.
Cependant la plupart des latins, S. Jérôme et S. Augustin par
exemple, comme aussi notre Vulgate, ajoutent iustitiae cà legem 2**,
Rom. xii, 2 « ut probetis quae sit voluntas Dei quod bonum et
:
et perfecta. Mais comme le sens esta peu près pareil, Rufin consent
à suivre ici la coutume des Latins (1205 C) (2).
Rom. XII, 3 h Dico enim per gratiam quae data est mihi omnibus
:
qui sunt inter vos non plus sapere quain oportet sapere. sed saperead
sobrietatem (1208 A) ». Ce texte appelle de la part de Rufin plusieurs
part, le mot sobrietas rend le terme grec 70)9po!7jvr; telle est la tra- :
terme temperentia qui rend mieux la force du grec !'3) 1210 C).
(1) Les divers auteurs sont partagés S. Amiîroise, de jide I. 14, lit congemiscit et com-
:
(2) Les explications d'A.Mi'.RosiASTEu sur ce passage sont tout à fait analogues à celles
de Rufin : « Si secundum hoc legamus quod in latinis codicibus invenimus, hic erit sen-
sus..., si vero secundum hoc quod diximus apud giaecos haberi, id est : ut probetis quae
sit voluntas Dei bona et beneplacita et perfecta... »
(3) Sedilils donne ici la même explication que Rufin : « quod in graeco dicitur rjut-^çiodwri
lilinis codicibus legitur. » Rufin fait donc allusion à d'autres qu'à S. Jérôme.
MÉLANGES. 237
cans evangelium Dei (1268 R). Cette dernière formule, que propose
Rufin, ne se rencontre d'ailleurs pas dans la tradition latine la leçon :
(1). s. JÉRÔME, Cont. lovin. ii, 22, traduit aussi : secundum mensuram fidei. Cf. R. P.
LACiiASGE, ojî. cit., p. 298.
(2) S. JÉRÔME, Ep. 21 ad Marcellam écri1, dans le même sens que « Latinorum
Rufin :
codicum viliositatem ad graecam originem se voluisse revocare... Ilii legant spe gau- :
vientes, quod nec loco ipsi competit. Quid enim opus erat summam hanc ponere totius
devotionis, quando singula raembra quae ad obsequia et servitia Dei pertinent memo-
rat? »
'( concertamini mecura in orationibus meis pro me ad Deum. » Mais dans l'ensemble les
Latins restent attachés au texte traditionnel : adiuvetis me.
238 REVUE BIBLIQUE.
bus. Nous ne savons donc pas d'où vient l'emploi dinitium, encore
que, selon son habitude, Rufin semble se référer à une traduction bien
connue de ses lecteurs. A propos de la pairie d'Épénète, le commen-
taire note seulement : appellavit eum primitiae Asiae, sed et in alia
epistola dicit de quibusdam quia sunt primitiae Acbaiae. Cette
réflexion peut être d'Origène, et n'implique pas nécessairement la
présence dans notre verset de la variante Achaiae.
des ancêtres.
Il est d'ailleurs possible, et même probable, que le manuscrit du
^1) Ces conclusions ont déjà été indiquées par Westcott, art. Origenes, dans Smith and
Vf ACE, Dictionanj of Christian biographij: <iRufinus had probably adopted tlie latin text of
a graeco-latin copy, Avich had been in some détails inlluenced by the greek, but wich
preserved essentiallyits original coraplexion. The continnous latin text cannot however be
I
y'
MELANGES. 239
I, 2. qui secundum carnetnex semine factus est David. L'ordre des mots est boule-
ex 6de mea sic LXX ad Hab. II 4; syr. harcl., Hieron. VI 612: om. mea
:
W. W., ceter.
vivit W. W., Ambros., August., Ambrstr, Pelag., SeduL (rr;asTa;).
:
19. propterea quia quod oioTi to graeci pleriq. om. propterea W. W.. lat.
: :
mentum... latine secundum editionem S. Hieronymi... Vol. II, fasc. I, Epistola ad Ro-
manos, Oxonii, 1913. Cf. R. P. Lagrange, Le texte latin de l'Épitre aux Romains, dan.?
Rev. Bibl. 1916, p. 225 ss.
240 REVUE BIBLIQUE.
nous étonner. On sait les relations étroites qui unissaient les deux
Églises de Milan et dAquilée, et il est très naturel que l'une et l'au-
tre aient fait usage d'un même texte du Nouveau Testament. D'un
autre coté, l'Ambrosiaster et le commentaire de Rufîn présentent entre
eux assez de ressemblances, pour que l'on puisse songer à une in-
fluence de l'un sur l'autre sans qu'il soit facile de dire en quel sens
s'est exercée cette influence (Ij.
(1) On trouvera quelques indications sur les rapprochen^ents entre l'Ambrosiaster et Cri-
b
MÉLANGES. 241
II
[Suite]
TOBIE
A
Collpction Borgia
B
BlljUothèque Nationale, Paris
gène-Rufin dans les articles de A. J. Smith, The latine sources of ihe Commentary of
Pelagius on the Epistle of St Paul ta the Romans, publiés par le /our/ia^ of Theological
Studies, t. XIX p. 162 ss., t. XX (1919), p. 127 ss. Le problème de l'auteur
(1918),
et de la date de l'Ambrosiaster n'est pas encore définitivement résolu, malgré les travaux
de Dom Morin de M. Souter. Peut-être une comparaison attentive des deux commen-
et
taires, celui de Rufin et celui de l'Ambrosiaster, jelterail-elle un peu de clarté sur la question
REVtE BIBLIQUE 1920. — T. XXIX. jg
242 REVUE BIBLIQUE.
XIII, lab'
BN(Katam) = Z. 32 XIV, 7a', 7b-ll (Masp. 1)
Autres collections
Citations
OSEE
Collection Bonjia
V, 13a-, 13b-vi, 3
VII. 13-16b'
viii, 1-2
Z. 32 X, 2-10
G(l)
Autres collections
AMOS
A
Collection Borgia
B
Bibliothèque Natidnale, Paris
C
Autres collections
MICHÉE
A
Collection Borgia
B
Bibliothèque Xationak, Paris
C
Autres collections
JOËL
A
Collection Borgia
B
Bibliothèque Nationale, Paris
C
Autres collections
ABDIAS
A
Collection Borgia
Z. 32 8-18 (Ci. 2}
C (1)
Autres, collections
JONAS
A
Collection Borgia
Z. 99 CA I, 10-11, 10 (Ci. 2)
C(2)
Autres collections
\AHUM
A
Collection Borgia
Z. 32 I, l-12a
_
(Ci. 2)
B
Bibliothèque Nationale, Pari.s
HABACUC
A
Collection Borgia
Z. 32 I, 2-1 la (Ci. 2)
C (1)
Autres collections
SOPHOME
A
Collection Borgia
Z. 99 CA I. 14-11. 3 (Ci. 2)
C (2)
Autres collections
AGGEE
A
Collection Bovgia
C (1)
Aut)'e& collections
ZACHARIE
Collection Borgia
Z. 32 I, 12-lOb- (Ci. 2)
z. 32 IX, 9-14a'
z. 99 CA IX. 14a-b-
XI, 12-13
XII, ll-xiii, 4
z. 32 XIII, 5-xiv, 4a
z. 09 CA XIV, 5b-ll
B
Bibliothèque Nationale, Paris
Autres collections
MALACUIE
G(l)
Autres collections
ISAIE
Collection Borgia
V, 18-25
XII, 2-6 (fin
XIII, 2-4a
Z. 32 XIII, 4b-14 »
^
XX, lab-, 2-, 3a-, 3b-6 (fin)
XXX, l-12a*
Z. 98 XXXI, 9b (fin) >
LVIII, l-Ua
LIX. l-17a
LXI, 1-7
LXIII, 1-7
Z. 32 LXIV, 4b*, 5-12 (tin) »
LXV, l-2a
1, Rien dans la collection Borgia ni à la Bil)Iiothèquc Nationale de Paris.
•248 REVUE BIBLIQUE.
B
Bibliothèque Nationale, Paris
21a*
BN 1293 fol. 144 ^J 21b-xi, 5b* iMasp. 1)
BN 129^ fol. 146 = Z. 26 XIH, 13*, 14-, 18", 19a*b. 20*, (Heb.)
21a*
XIV, Ib-, 2a*, 2b-3a*
BN 129^ fol. 147 XVI, 10b*, ll-14b* (Masp. 1)
XVII, 1-lla* »
Autres collections
144, 147
BodL (Hunt. 5) XII, 2-6 (fin) (Erman)
XIII, 2-10
SER 220 X.XII, 2b*, 3-6b-, 7*. 8-20, 21-. (Wes.s. 4)
22-24, 25*
XXIII, l-12a*, 12t)-14b*. 15
BMC 44 XXV, la- (Sch. 2)
CIF = Z. 32 XXVI. 2b*, 3-10 (Lac. 1)
MÉLANGES. 24
Lxvt, la* •
Citations
JÉRÉMIE
A
Collection Borrjia
B
Bibliothérjue Nationale, Paris
Autres collections
Cita lions
LAMENTATIONS
B(l)
Bibliothèque Nationale, Paris
LETTRE DE JE RÉ MIE
B (1)
ÉZECHIEL
A
Collection Borrjia
Vlll. l-3b-
Z. 29 XVIII. 21-25a-, 25b-32 (fin)
XX (complet)
XXI, l-20a-, 32a*b (fin)
XXII. 8b- 16a-. 31b-
1-fSa*.
XLI (complet)
XLII. 1-7, 9-20 (fini
XLIII. l-3b-
Z. 32 XLVI, 1-7
Z. 99 CA XI.VII. 2a-, 2b-9
B\ 1293 fol. = Z. 28
190 I, la*, lb-2a*, 2b-3a-, 3b-10b' Masp. 1)
BN 1293if. 191-2 = Z. 28 m. 23a-, 23b-25b-, 26-27 (fin)
1^^% l-2a% 2b-4b-, 5", 6a-, 6b-
7b-, 8-14b-
BX 1293 ff. 193-198 \i. 17a', 17b- 19a-, 19b -21b-,
22-24a-, 24b-25 (tin)
\n. l-2a-, 2b-7b-, 8a-, Sb-lOb',
11- 16b-, 17-28 (fin)
Mil, 1-lla-, 11b- 13b-, 14- 17b-
BN 129Mî\ 200-203 = Z. XV, 6a-, 6b-8
,
(fin)
Autres collections
16-, 17*
V, (2-6)-, 7a-
Bodl. (Hunt. 5) XXI, 14-17 (Erman)
XX VIII, 1-19
SER 22 = Z. 29 XXXIV. 20a*, 20b-26, 27',28-29b-, (\Vess. 1)
30*, 31a-b (fini
XXXV, l-5b*
Bodl. (Hunt. 5) XXXVI, 16-23 (Erman, Ci. 2)
BMC 953 XXXVII, 21a-, 21b-25a- (Sch. .3)
Citalions
DANIEL
A
Collection Borgia
Z. 32 X, 4-11
B
Bibliothèque Xationale, Paris
II. l-4a*
B.\ 129' fol. 211 III. 36b% 37, 38". 40b-, 41a-.
41b-43b-. 46b-52a-
BX 1293 fol. 212 = Z. 13 V. 30b-, 31-vi. 10b- »
C
Autres collections
Citations
SUZAXNE
B(l)
Bibliothèque Nationale, Paris
IV ESDRAS
C
Autres collections
44-45b*. 46a-
II
NouvEAi Testament.
de notre travail ne comprend que les fragments qui ont été publiés
tels quels et, en général, accompagnés dune description paléogra-
phiqiie qui permette au lecteur de se faire, pour ainsi dire d'un coup
dœil, une idée plus ou moins précise du manuscrit auquel ils ont
appartenu et de la recension qu'ils représentent. 11 exclut donc de
nombreux fragments qui ont été utilisés par M. Horner 1) tant pour
le texte que pour l'appareil critique de son édition complète des
Évangiles Sahidiques, sans avoir jamais été publiés séparément et
dans leur forme originale.
Nous avons, en général, réparti les différentes collections en quatre
colonnes A, Collection Borgia, B, Collection de l'archiduc Rainer
:
(1 1 (G. Horner), Tlie Coptic Version of (he Neu- Testament in the southern dialect other-
wise called sahidic and thebaic with critical apparatus, literal english translation, register
of the fragments and estimate of the version vol. I, The Gospels of S. Matlhew and
:
S. Mark; vol. 11, Luke; vol. III, The Gospel of S. John, Register of the
The Gospel of S.
fragments, etc., facsimiles, Oxford, Glarendon Press, 1911.
(2) Papyrus trilingue acquis à Louqsor (Egypte) en 1891 par le P. Lais, vice-directeur
de l'observatoire du Vatican.
256 REVUE BIBLIQUE.
S. MATTHIEU
A
Collection Borr/ia
V, 1-14
y.. 'tS V, 15ab*
Z. 35 V. 22b*, 23-29, .30*, 31.32b-.
(.33-37 1*. 40a*, 40b-4Db-,
46*, 47-, 48-
VIII, l-4a'
X, l-12a*
Z. 3«J X, 12a% I2b-28b*, 29-34a\ . »
34b-42b'
XI, l-25a*
XII, 30b% 3I-32b*, 33', 34a% '
34b-38b*, 39b*
XVI, l-2a, 4a*, 4b-7a*
XIX, 1-xx, 7
Z. 44 XX, 25a*, 25b-34 (fin)
xxvii, l-45b*
z. 48 XXVII, 45b*, 46-53b-, 54a', 54b-56,
57*, 58-66 (fin)
xxviii, 1-lOb*
{A suivre.)
A. Yaschalde
CHROMOUE
(p. 266-2701 (1 1.
Mac:JuOa : •j.y:/.y.^{izz)
r.xr^...
7 'EvTaJUOa z ;;.a-/.âp(icç)
z-:zzr,z V
,1) Cf. RB., 1902, p. 438; 1903, p. 275; 1906, p. 86. QS., 1903, p. 172.
2G0 REVUE BIBLIQUE.
'EvTajOa au lieu de èvOâ;; n'est pas inusité .(1;. De plus le nom pro-
pre se trouve généralement à la suite de l'épithète [j.a/.âpicç. Ici il se
termine en p:'ç\le sigma final ayant pu être omis par inadvertance
comme le •/. de c',iy.;v:r. L'épigraphie populaire offre d'ailleurs plus
ypô^M'f ï/.-r,: -.vc.; Waddingto', I/îsc. de Syrie, n" 1917 yp'z-/. li/.y.-.r^z :
II
(2) Nous n'avons trouvé à la collection de St-George's Collège que trois des épitaphes
signalées au début.
CHROMQL'E. 2C1
^4 O hT
ukkkmn
v(i;j.'.s;j.aj...
vf ctji.(7,y-aTa)..,
][j....'ASâpojv
premier contact arec les hordes persanes, elle prit la fuite. Les Arabes pouvaient venir!
(3) Voir la description de ce tell dans Béthanie au delà du Jourdain, du R. P. L. Féderlin,
p. 9 s.
CHROMQLE. 263^
Le vrai nom de ce khirbeh est Adar ,:;' qui dans l'usage s'affaiblit
naître dans ces mines les vestiges de notre Adam byzantine, vm[j.t^
Fragment I. —
Sur quel principe sont établis les groupements
(1) Avec les doctes éclaircissement.s de M. Cl.-Ganneau dans RB., 1906, p. 417 ss.
(2) S. T° 'Aôàpo-j itôXtç... £(rc'. oè xai 'Aôapx ovôeTS&o);. zw[jLr, nsvcicÀr, Tpixr,; Ila/awïivïi?
3Quelques-uns des explorateurs qui ont noté l'existence des ruines dont nous pailons
-ous les formes orthographiques Oeddr, Ader. Addar, Adar sont mentionnés par
1jku.\\ow et DoMASZEwsRi, Die Provincia ArabUi, II, p. 41, qui s'en tiennent à la trans-
cription Addir, sans soupçonner la relation de ce khirbeh avec YAdara d'Etienne de
Byzance.
(4) D'après leLivre des Deux Jardim, Rec. des histor. des' Croisades, Orientaux,
IV, p. 253 s. m; Musil qui cite ce texte à propos de la description sommaire de cet em-
placement iArabia Petrxa, I, Moab, p. 27 s., 56] ne somje pas à enrichir sa documenlar-
tion du texte d'Etienne de Byzance.
5> Cf. Mlsil. op. L. p. 36.
264 REVTE BIBLIQUE.
(6) RAO., V, p. 137 s. QS., 1895, p. 225. RB., 1898, p. 430. Mu N. DPV., 1897, p. 39.
Échos d'Or., 1897, p. 37. On pourra compléter cette bibliographie par Brunnow et Domas-
,
CHRONIQUE. 26b
zEwsKi, op. L, p. 58, qui publient une élude du site avec des plans et des photographies,
ainsi que le relevé de l'inscription, p. 49 ss. Cf. Musil., op. L, p. 30 ss. 57.
(1) Greek papyri in the British Muséum, III, p. 345, col. 1. Dans ces
Ke>'vo>! et Bell,
documents la forme de l'abréviation est tout à fait celle que nous voyons ici.
(2) Constatation que M. Cl.-Ganneau n'avait pas manqué de faire, RAO, V. p. 142.
guerre, a cru devoir manifester cette estime dans la revue Art and Archaeology, 1918,
p. 177, en des termes dont nous le remercions malgré ce qu'ils ont de trop flatteur « the :
French Dominican Couvent of St. Stephen, ^^hich may claim to be the greatest school of
biblical archaeology in the \\orld ».
260 REVLE BIBLIQUE.
roès! C'est entre ces deux noms que tient toute la gloire de l'admi-
rable sanctuaire bâti par la pieuse Hélène sur celle des trois « cavernes
mystiques », où le Christ... instruisait ses disciples (1) ». En ce
temps-là du moins subsistaient, pour fixer la mémoire de l'église
('jolie à souhait » qui ravissait la pieuse pèlerine Éthérie, des ruines
ruinae.
De sa cendre tant de fois ])0uleversée l'auguste sanctuaire va
pourtant ressortir. Par une matinée radieuse où un soleil de fête
mettait dans la nature et dans les cœurs des espérances et la douceur
de vivre, le 2 janvier dernier, Son Éminence le cardinal Dubois,
Saints vont donc connaître enfin une ère nouvelle de paix prospère
et de liberté. Tandis que se prépare une renaissance somptueuse du
sanctuaire constantinien de l'Éléona, au pied de la montagne des Oli-
viers, sur le site de l'Agonie de Notre-Seigneur, on se souvient que
les PP. Franciscains, gardiens séculaires des Lieux Saints, ont inau-
guré déjà la restauration dune autre basilique non moins vénéra-
ble, des premiers siècleschrétiens(l i. Le rêve serait-il trop présomp-
tueux désormais de voir restituer au sanctuaire par excellence, le
Saint -Sépulcre, un état plus digne 'à la fois de son incomparable
caractère et du nom chrétien ?
V. A PROPOS DK TitTHSKMA-M.
(1) La première pierre de cette restauration a été posée le 17 octobre 1919, par Son Érni-
nence le cardinal Giustini. Cf. RB., 1920, p. 137.
270 REVUE BIBLIQLl^-
point, puisque le site envisagé dans ce but est tout à fait à l'extré-
mité opposée de la ville. Il n'en est pas moins erroné, puisque les
1 Le Pèlerin, n' 2230, du dira. 21 déc. 1919, p. 5, sous le titre : Une nouvelle école
l'ihlique à Jérusalem.
'"'-
REVUE BIBLIQUE.
document écrit si catégorique et le document photographique dont il
s'illustreconstituent une double méprise de ce témoin
oculaire et
concernent non la fondation de leur Institut, mais
la restauration du
sanctuaire de Gethsémani...
L. H. VixcEXT, 0. P.
Jérusalem, le 4 février 1920.
A
RECENSIONS
dans .Jérusalem une notion plus développée de ces « vestiges », c'est qu'un contact
permanent avec le monument nous mettait en mesure de l'interroger de plus près;
mais du moins les éléments enregistrés par M. J. l'ont-ils été avec beaucoup de
goût, encore que leur détermination archéologique soit insulfisamment approfon-
die ;i), par endroits même erronée Pour décrire « l'église dans sa condition
(2^.
(1 Par exemple en ce qui concerne la façade orientale et les propylées (p. 56-62), cf. Jéru-
so.lem, II, 40-88.
[i) Telles les absidioles indiquées (Gg. M, p. S.")) confime éléments intrinsèques de la rotonde
du iV siècle; cf. Jérusalem, II. 107 ss).
REVUE BIBLIQUE 1920. — T. XXIX. 18
274 REVUE BIBLIQUE.
mais^vec la clarté du techniciea qui opère sur des faits et ue se dupe pas de mots,
que le caractère général de l'orueuieutatiou est celui de la décoration sculpturale
dans le midi de la France (p. 95). Peut-être le trouverait-on seulement un peu
trop sévère pour le clocher dont il déclare le « plan défectueux... tout à fait dénué
l'Entr-cite; les saints Lieux sont aux mains des ennemis... »! Ceci est daté de
parce que Jérusalem a été libérée de la tyrannie turque ne laisse pas que d'être
assez piquant chez ce bon chrétien, énergique d'ailleurs à stigmatiser un peu plus
tard (p. 478) « le fanatisme de l'Islam » qui a « pour jamais » réduit « en pous-
(1) p. 10.^. Cf. Jérus., II, pi. XXV, et p. 13:2 et s., 284.
(2) RB., 1913, p. 339 ss.
Cf.
RB., 1020, p. 133. On a mainte fois signalé avec plus ou moins de détail ces imitations
(3} Cf.
du Saint-Sépulcre en divers pays d'Occident. Voir pour la France en particulier, Enlart,
Manuel d'arch., I, 21G ss. De Lasteyrie, L'archit. relig., p. -276 ss. En rendant com|)te dune
moaograpliie de G. Dalman sur le Saint-Sépulcre de Gôrlitz, M. G. Stuhlfautli rassemblait
naguère les indications utiles sur la bibliographie du même sujet en Allemagne {Thcolog.
Literat., 1916, n° 22, col. 466 s.). Cf. aussi la curieuse église espagnole dite el Seputcro de
Terres, étudiée par Georgiana G. King, Americ. Journal ofArchaeoL, 1918, p. 139 ss.
RECENSIONS. 27a
textes —
que l'on croit avoir approfondis quand on a divagué longuement à leur
propos —
une image théorique de l'édifice 3;. l'adapter ensuite aux réalités archéo-
logiques en ayant soin d'y opérer un triage éclectique impitoyable à tous les faits
(1) Bien qu'on puisse trouver des cas non sans importance où une citation manque.
r2) Dalmax, ZDPV., 1910, p. UiS, 170. II conclut « Si, parmi les fruits imprévus de la guerre
:
joints sur des divagations architecturales de M. Heisenberg. J'ignore si Heisenberg sera très
flatté que ses interprétations architecturales aient été si amplement prises au tragique par
Schmaltz que celui-ci en perd tout à fait le souci de soigner la correction de son grec. Heisen-
berg peut bien faire de l'archéologie défectueuse, mais il se révèle un assez vieux routier
de la philologie grecque. Il ne faut pas souhaiter qu'il entreprenne de critiquer le grec de
son contradicteur, car il aurait la partie par trop belle. Je ne parle pas de l'accentuation,
qui est une sorte de jeu de massacre — une bonne douzaine de taules assez criantes dans
le seul texte d'Eusèbe cité p. 13 s. et combien d'analogues, d'un bout à l'autre du livre dés
qu'interviennent quelques mots de grec! v. g. a-j/.i^ [io), àva^a6[i.oïi; (31), /iitXo-jiJ.£Vfj> (35),
:
upôdwTTov (43), itàvxa et 3 ou 4 analogues {:>[', ëto; fOS), et ainsi de suite. Plus gênantes que
les minuties d'accents sont les non-formes du tyi)e oô; o-j; I6). si^Éopat = é^s'ôpai ('2l>, =
'A-jaTtdcCTcW? et vTTîpIxoyTa (20), TrpoxipÉffci = npox'.pé<;v. (33), àoîSsç = â'^îôs; (53), a-jrâ-s
i.-JO et bH\ TrpoTzovoîjiJ.cv (00 , téxt); =
Et xr/vr)? conséquent dans sa négligence
(-219;. le livre est
;(ce sujet, car en l'ouvrant au hasard vers la fin on ti-ouve xsçàXatov toO Tiavrô; (478) deux —
accents faux dans trois mots et eIoô/wv — =
elSwXwv (480). L'orientalisme ne vaut pas mieux.
A propos d'un texte des Plérophories —
cité en français avec une faute d'orthographe, d'après
Nau —
S. éprouve le besoin de remplacer deux mots syriaques par deux transcriptions en
hébreu et produit deux petits logogriphes qu'il serait oiseux de reconstitueu (p. 66). A la p.
suiv. on approfondit un autre texte des Plérophories au moyen d'un nouveaij rébus hébreu
compliqué d'un lourd contresens sur 1' « église de l'Ascension » dont on veut faire « le
Saint-Sépulcre ' (!) et des coquilles àvy.A-/)[X|!i; pour àvx).-/i[x<l't; et Pleropltien. P. 01, S. omet
de dire d'où il extrait le curieux texte de Photius qu'il émaille de trois ou quatre formes
inconnues à la source que citait le P. Abel. De telles négligences ne donnent vraiment pas le
sentiment <iue S. ait quelque maîtrise des textes qu'il doit mettre en couvre.
2:6 REVUE BIBLIQUE.
bénéûce de disserter sur les particularités graphiques des ampoules de Monza, de-
la mosaïque de Màdaba, des ivoires, miniatures, etc., pour éblouir le lecteur sur la
ScHMALTZ :
* Mater Ectlesiahuw*, HJI
portée pratique de leur traduction d'un monument dont on ne lui a pas fourni la
moindre idée concrète ?^ans doute le lecteur peut d'abord faire crédit. Mais quand
enfin le monument est abordé, il ne l'est ni par le commencement ni par la fin,
mais en plein milieu de son évolution : l'édifice médiéval, encore étudié par lam-
beaux, sans aucun graphique intégral. Il faut chercher en vingt endroits comment
S. conçoit le sanctuaire aux jours de Constantin Monomaque et de Modeste, car
il n'a pas estimé utile de les traduire par le moindre croquis. Le monument cons-
tantinien, objet essentiel de la docte investigation, finit par apparaître à la p. 346 et
il n'absorbe pas beaucoup d'espace. Voici donc surgir la révélation artistique (1).
A l'arrière d'une place déblayée de tout ce qui gênerait son large développement
(V Cette fois du moins on voit enfin apparaître un scliéma pi. ii) simple tracé dépour\Ti —
car c'est de meilleur goût artistique: —
de tout raccord direct avec le texte. Ce diagramme
est fixé en transparent sur le plan du • Saint-Sépulcre et ses environs » par Scliick-Mommert.
Mais comme il n'est pas à la même échelle, on ne devine aucune utilité à cette affectation de
s'attacher au sol. Au lecteur de se débrouiller pour savoir que le tracé pointillé représente
les travaux des « fils de Constantin , et même d'autres choses encore, puisqu'on fait à Vincent
le crédit d'avoir démontré que les absidioles sont de geconde main dans la rotonde (p. 264 s.;.
Et qu'eût été Ijienvenu le plus sommaire diagramme' d'élévation car on verra plus loin que
:
M. S. a des convictions très définies en architecture et ne nous a-t-on pas annoncé que son
]dan devrait servir de base à la restauration du Saint-Sépulcre? Mais le docte auteur estime
si peu utile de multiplier et de préciser sa documentation graphique qu'il brouille même ses
légendes dans la liste des planches. On s'y reconnaît au surplus assez vite, car le matériel
n'est pas l>ien coi)ieux. excepté quelque peu dans les pi. xu, xin et xiv consacrées à documenter
théoriquement la basilique à coupole, qui est ici un contresens archéologique.
KECENSIONS. 277
« fils » ayant tout à coup jugé bon de bouleverser la mirifique création paternelle.
]N'en demandez pas au jeune savant plus qu'il n'a bien voulu en communiquer sur
les sources positives de sa trouvaille. y a cependant gros à parier que cette fan-Il
taisie architecturale dérive moins des textes et des ruines que de spéculations
novices sur les représentations numismatiques du téménos à Byblos et ailleurs (1).
Quant à l'agencement d'une coupole sur le Martyrion. elle met en évidence la fer-
découpé dans les travées de la seule nef centrale devant l'abside. Là dessus, course
à travers le monde, ou du moins à travers les répertoires. Pauvres historiens vieux
jeu qui ont tant peiné pour expliquer la genèse de l'architecture religieuse, les ap-
ports orientaux à la constitution de lart byzantin et le reste! La « terre mater-
nelle », c'est l'Egypte, spécialement l'art alexandrin: d'aucuns l'avaient soupçonné
déjà, mais pas à la manière forte de S., qui découvre là une infinité de thèmes nou-
veaux (2) librement utilisés d'ailleurs par les artistes constantiniens. Ceux-ci, d'où
sortent-ils au juste? On fait mine de s'en préoccuper, mais pas outre mesure, tant
est grande la hâte de montrer réblouissante fortune de l'église-type qu'on leur
attribue. N'est-elle pas devenue « la vraie, la grande mère des églises » de toute
variété.? On estime avoir fait la preuve que ses derniers aboutissants sont aussi
bien « les églises à cinq coupoles de la sainte Russie » que la « giguntische lienais-
sancebau de Saint-Pierre de Rome », sans parler de ses ramifications dans l'art
(! Voir le chapitre sur les éléments de la religion antique dans l'édince de Constantiu •
•
(p. 470 s.;. 11 rappelle Yeorcursus de M. Oalman [PaUistinajahrbuch, IX, 103) .sur l'Aphrodite
de Golgos et le Golgotha, qui avait du moins l'avantage d'être assez court.
(2) Naturellement la iriconquc ou le plan tréflé comme tout le reste (p. 409 ss.;. J'espère avoir
puisque ce tableau s'expUque avec beaucoup plus de naturel dans un sens tout
autre, la coupole étant celle de l'Anastasis et non pas cette lanterne sur plan carré
que le mosaïste n'eiU pas faite aussi large que les jcinq nefs de l'église et dont on
devrait voir le tambour sous un autre aspect s'il coupait la perspective du toit basi-
lical. Libre à S. d'appeler en témoignage, pour étayer sa chimère, le sarcophage
du Latran qu'on a depuis longtemps éliminé du sujet (2). Quant à son argument de
résistance, la copie architecturale de la basilique constantinienne dans la mosquée
el-Aqsa, je laisse à d'autres le souci de le réfuter en détail, aimant mieux croire que
S. ne s'est pas pris lui-même trop au sérieux en risquant avec brio ce déconcertant
paradoxe.
Puisqu'il estime avoir attaché son roman architectural aux vestiges archéologiques,
je voudrais lui soumettre quelques difficultés qui me paraissent de nature à com-
promettre son édifice dont il reconnaissait, au surplus, non sans une pointe d'inquié-
tude, la « complication en plan et en élévation » p. 394;.
seraient beaucoup certains détails de niveaux dont il fait bon marché. Ou plutôt
si,on trouve en cet endroit quelques débris antiques les colonnes qui s'alignent :
en avant du grand mur de l'Hospice russe. Comme elles sont gênantes à agf-ncer,
on les supprime, pour les classes à l'oratoire tardif d'Omar (3) au nom même de la
mosaïque de Màdaba, dont cette colonnade centrale est pourtant un des traits les
Que deux siècles plus tard, l'architecte constantinien se trouvait en face d'un
si.
petit problème à résoudre pour harmoniser la façade de ses propylées à cette colon-
nade, on peut penser qu'il n'était pas pris aussi au dépourvu que M. S. (4 Le jeune .
(1) Il peut se convaincre dans RB., iWJ, p. 297 ss. et l'erratum p. 600 que nos objections à
l'hypothèse de \yeigand n'ont pas été aussi radicalement « pourfendues » qu'il le suppose
(p." 371).
(2) RB., 1913, p. o3o n. 1 ; 1014. p. 'M.
(3) P. 359, 361. La ferme adhésion de Dalman ZDPV., I01!i, p. 167, ne consolide en rien la
caduque hypothèse de son élève.
(4) J'ai pris soin de décrire ces colonnes {Jérus.. II, 66 ss.i d"une manière un peu plus
approfondie que M. S et de discuter (ibid., 84 s., pi. vni> leur adaptation aux propylées constan-
linieas. II pouvait donc s'y référer, au lieu de renvoyer seulement aux diajiiammes de
restauration —
d'ailleurs avec citation fausse: —, pour ajouter la grotesque imputation que
je « déplace tacitement les colonnes » afin de les faire correspondre aux portails p. 338).
Je n'ai jias l'iiabitude de saccager les ruines avec le sans-gêne du jeune maître allemand.
La plaisante énergie de son verdict sur VUnding —
quelque-chose comme une absurdité ou
RECENSIONS. 279
savant se satisfait à bon compte en considérant le vieux seuil de porte dans l'Hospice
russe comme le vestige d'une des exèdres constantiûiennes de l'atrium.
Ce seuil fait
partie du même grand mur à bossage dont il veut bien, au bout du
système que le
sur le grand mur remanié est de réaliser un édifice gigantesque. Ce faux point de
départ entraîne la création d'un narthex, pour sauvegarder certaine ligne structurale
connue. Si je comprends bien le vague diagramme (pi. i) et le texte, ce narihex est
intérieur et non pas, ainsi qu'à Bethléem (depuis le yv s.), uq corps de bâtiment
avancé sur la façade basilicale Ce narthex est inconnu dans les textes comme
{i).
dans les autres églises constantiniennes. Son tracé bizarre, avec deux côtés longs
divergents, pose d'ailleurs une question générale sur Torieutement des lignes archéo-
logiques mises en œuvre, question à laquelle se soude celle non moins importante
des, niveaux et des proportions ,
'3). En décrivant les ruines S. m'a l'air de patauger
laborieusement.
Puisqu'il a opéré lui-même, on est surpris de ne pas l'entendre en appeler à cette
" autopsie » qu'il invoque parfois ailleurs (v. g. p. 238 pour quelque détail que nul ne
pouvait songer à lui contester. Or sur le terrain où son « autopsie » eût du se faire
absolument fondamentale, on doit se rendre à l'évidence quelle a été terrible nent
superficielle. Le plan d'ensemble est emprunté à Schick-Mommert. On donne bien
un plan spécial (pi. \). correct à un détail près, des ruines de l'Hospice russe et du
couvent copte (4 , d'ailleurs dénué de tous raccords précis avec le texte; mais il est
curieux de voir que sou auteur demeure comme embarrassé devant le beau graphique.
en ce milieu.
(-2) Comme l'interprète Dalman, ZDPV., 1919, p. 168.
(3) Il faut féliciter M. S. de tenir à l'étude des proportions et de s'y appesantir volontiers
(V. g., p. 207, 333, 352 ss., 368, 373. tout le ; Zahl und Mass p. 37i ss. Je cite au hasard les pas-
sages oii j'ai essayé de suivre les calculs. L'auteur devrait seulement prendre garde que ce
sujet est (Pune manipulation délicate, exigeant beaucoup de précision et de rigueur. On en
trouve aussi peu que possible dans ses aiialyses. Le sysicme babylonien » a toute sa prédi- •
lection, .le n'entends pas y contredire en ce moment. Mais un édifice est une unité. Si l'on
veut découvrir un pied babylonien dans la hauteur d'assise constantinienne à Bethléem (« 0™,37 >•;)
on fera bien de dire à quoi répondent, dans ce système, les assises du narth. x, et aussi
l'ordonnance générale du plan. Le plus inquiétant est de voir ici ou là M. S. découvrir le canon
de proportions dans les assises d'un mur dont il ne sait pas la date et qui a été plusieurs fois
remanie...
(4) U ne peut que m'étre flatteur de constater que le jeune savant a vu de même sorte que
moi certains éléments essentiels parmi ces ruines... seulement il travaillait à Jérusalem en 1911
et ces éléments étaient détruits depuis longtemps...
280 REVUE BIBLIQUE.
n'est sûr de rien et ne sait plus départager entre Schick qui a relevé cet angle obtus
Même loterie (p. 332) quand il fait argent comptant d'une assertion très imprudente
de Schick sur des niveaux rocheux, quitte à saccager âprement ailleurs ce même
Schick, inculpé sur je ne sais quoi de s'être, <' comme tant d'autres fois, aban-
donné à des illusions » (p. 263). Je n'ai jamais traité Schick avec la désinvolte
sévérité de ce jeune maître. J'ai 'seulement dit 3) pourquoi, éliminant ses plans,
dont l'imprécision était depuis longtemps notoire, nous avions repris d'ensemble
un levé un nivellement dont la base a été soigneusement indiquée en
et surtout
avec l'Aquitaine, ou qu'on prétend démontrer l'origine antique des pièces employées
dans la corniche médiane, pourquoi toujours de simples enfilades de noms propres
(1) Ce que faisant pour le contrôle final du plan de Jéivsalem (II, pi. iii^cf. p. 49 et
Si j'y ,
apportais d'autant plus d'attention que la constatation de cet angle droit m'imposait de me
corriger moi-même fcf. iîB.,1902, p. 43 et i-i]. Au gré de M. Dalman ZDPV,, lOli", ii. ViS j'ai .
intéressantes qui en subsistent, sur rarcluvolte de l'ancienne porte et dans une voûte du
Calvaire, ainsi qu'au tympan du portail méridional. Il en connaît l'existence seulement par
M. de Vogïié. Ses théories d'autre part inspirent par endroits une certaine inquiétude. Pour
documenter certains types iconographiques dans l'ère de Justinien, il cite volontiers Heisenberg
qui date de cette période la décoration de l'église des Sainis-.\poires à Constantinople réalisée
par Eulalios et décrite par Nicolas Mésaritès; voir par ex. p. 251, 278, 288. 302, 32G. Or il semble
assez bien établi, par N. Bées, que cette décoration, dans son ensemble, ne date que du xn«s.
Cf. 'Stihifaitii. Theolofj. Liierat., 1918, n" 14, col. 17C s.
RECENSIONS. 281
(I) Je ne doute pas que tout lecteur allemand u'ait la claire vue île ce qu'est la saillie des
portails romans dans les écoles de Poitou. Saintonge et Guyenne dés qu'il a lu la kyrielle
• so... in Petit Palais, Escliillois, Civray, Aulnay, Orcival. Loupiac, Gensac... > (p. -208). Même
après un contrùle laborieux dans les répertoires, je ne suis pas très persuadé que S. ait aligné
ainsi les exemples le mieux caractéristiques. Tout se peut comparer à tout par cette l'orme
trop peu « approfondie •>. Et peut-on faire ainsi crédit absolu au diagnostic de l'auteur quand
on le voit naïvement bourrer certaine documentation érudite avec une documentation qu'i
déclare lui être demeurée inaccessible? Voir par exemple p. i'H, ioi}, 40", ce qui n'empêclie pas
de citer titre,volume et page!
(•2; Voici, à simple Dn d'écliantillonnage quelques spécimens de titres estropiés relevés au
liasard. P. o, Uistorical reviev [lis. review]. — G, Itinera Hierosolymatana, qui a pour pendant,
[). i4o. Ilia. Hiersol. —
7. Rec... de mémoires. — 3i. La ptise de Jér. par les Perses en i6li
[lis. 0141. — 4.J, Echo de l'Orient [lis. Échos d'Orient]. — 89, bibliographie des Croisades. — 108,
Mommert, Golgatha, et p. 164 Golgotha. — lOi», Rec. des voy. et de mémoires. — M", Kapelle
Sancto Sanctorum racheté, p. 300, par trésor du Sancta Santorum. — 164, Horn, Ichnorjraphia .
et Icknographiae. — 2-23, Jérusalem..., dont le défaut d'accent est compensé, p. i3l, par L'archit.
religieuse, et p. 256, 280, Un Musée Palestinien. — 207, Publikalions of an Amerikan...; cf. 378,
Public... of an Amerikan. —273, ZDPZ, et 348, M. u. X. S. sont de petits rébus allemands pour
ZDPV. et M. u. X., S[eite]. —286, Rassegna Gregoriane. — 288, Hist. de l'ot byz. — 314, Omont,
Évang. avec miniat. byz. de rXI*" siècle. — 347, A travers de Jérusalem. — 36.^, The Site... Iwly
Sépulcre [lis. Sepulchre]. —380, Bulletino di archéol... — 400, The sociely for the promotion
of Hellenie studies. —
4.50, George,... Church of Sle Irène [lis. of Saint Eirene. — 438, Ebersolt,
Le gr. Palais... et le livre de cérémonies. — 472, Rosintal, Pendentifs, Trompen und Salaktiten.
— 483, Altar, israelit. in Religion. — i87 Syrie Contrale. — 489, Die Menastadt, Kaufmann
écrit, sauf erreur, Die Menassiadt. — Un des li\Tes le plus cités est Diehl, Manuel d'art byzan-
tin; mais par un sort fatidique attestant bien que Sclimaitz n'y regarde pas de si près, il
devient généralement Manuel de l'art byzantin — ce qui n'est plus du tout vrai! — et p. 221,
Manuel de l'art byzantine. —
Comme de juste, les auteurs n'ont pas un meilleur sort que les
livres. P. m, Heisenburg est pour Heisenberg. — 93, Leskin = Lesken. — 89, Qu'est-ce que
Le Quin/ — P. 137, ScliOnewolf et Schonewulf. — 171, Horn devient Horus, et p. 180, Hores. —
174, Le Comt Durieu manque d'un e que Cabrole ip. 32i) a de trop. — 360, Gèrmer-Durant
[Durand] et p. 438, Quichérat se reconnaissent tout de même. — 379, Benziger = Benzinger.
— 411, 468, 47i, Strzykowski et 413, Lankoronski sont des nouveautés, mais assez claires. —
«3.J. Bosset = Brosset. — 439, Tierscli = Thierscli. — 481, Pietscliann = Pielsclimann. Le plus
malchanceux est ce pauvre anglais Hasluck, travesti en Husack (p. 4.j,j) pour devenir Haseluck
p. 464) et Haseluk dans la Table, qui d'ailleurs n'a qu'un renvoi a cet auteur. Mais il en
manque tant d'autres dans ces Tables! et que d'autres découvertes fera celui qui y prendrait
intérêt! Bien entendu, lé texte est à l'avenant de la documentation. Par ex. : p. 71, hewn aut.
— 200, Domaine Royale. —209, traveauc — 220, art Muselman, cf. 38-5. — 348, churche et
Bedeutnng. — 352, In =
in?. —
a53, Gol-:} est un petit rébus où le 3 doit passer au chitTre de la
page. — 374, hâte n'est-il pas pour halte? — 407. Christeutum. — 430, byyantinischen. — 4.31,
eider = leider, et Denkmdier doit être Denkmdler. — 459, Massigkeit n'est-il pas pour Mâs-
sigkeit? \ebensehiffe =
Xebenschiffe. On trouve quantité de noms sous des (ormes bizarres,
du type Si Philibus de Tournus [>. 201), Xotre-Dame-des-Domes in Avignon (p. 212;, Baabek
p. 228), Aelia Capilelina (p. 3.52). Biubirkilisse (p. .388) qui est compensé par Buibirkilisse
p. 't2l , Backhus (p. 421 et Bakchos (p. 466;. jsis p. 480, doit être pour Isis; mais le calife Moy
p. 88 ,
qui le connaît? Je soupçonne Mo'iz. Plus déplorables encore sont en général les trans-
criptions de l'arabe. Ou je me trompe fort, ou M. Dalman, qui excelle là dedans, n'est pas
très fier de son pupille sur ce point. Sans raffiner, on trouvera que des formes telles que
Abu-Rosch (183), Kalat Sirnan (possim). Cm mes-Seetun 473), ou quelque terme commun
tel que mighrab (469, 470, 471) sont de beaucoup les pires qu'on puisse adopter. Des lapsus
du genre Grabeskirche in Belhlehem (p. 2-32; ne sont pas assez rares et je ne sais si la valeur
littéraire de ce livre allemand est accrue par l'incroyable quantité de mots français qui
émaille une inûnité de pages, parfois sous des formes un |)eu inattendues, v, g. tendenziôs (71),
eklatant (15.5), Konservierung l\G'), prekâre flOl), flankieren (220), etahlieren (364), stabilen (384),
postulierl (393), Domâne (407). Mais à quoi bon choisir? Ils sont trop! et ceci reprâsentiert (401)
uu phânomen (S'il; linguistique speciell (482) dont la raison m'échappe.
.
Mère des églises et de l'Allemagne, très honorable aussi pour l'Institut évangélique
allemand d'archéologie à Jérusalem (1 »... Affaire de goût!
III. — Quand Tarchéologie est traitée, en Allemagne, par de vrais hommes du
métier, elle est singulièrement plus remarquable. L'ouvrage de MM. Kohi et Wat-
zinger sur Les antiques synagogues de Galilée a tout ce qui manque à Mater eccfe-
siarum, un beau livre, attrayant et utile. Depuis trois quarts de siècle
et c'est
ces remarquables monuments avaient retenu l'attention des explorateurs. Des relevés
partiels et des descriptions plus ou moins compétentes en avaient vulgarisé la
notion sans que nulle recherche systématique ait enregistré leurs restes avec la
précision voulue pour éclairer sur leur exacte nature et leur caractère esthétique.
En 1905 la Société orientale allemande envoyait en Galilée une mission scientifique
composée de MM. Rohl et Hiller architectes et de M. le prof. Watzinger pour
l'étude archéologique. Des fouilles assez développées à Tell Houm, achevées ensuite
par les PP. Franciscains possesseurs du terrain, permirent un relevé fondamental
de ce qui semble bien avoir été sinon le type, du moins le plus monumental édiûce
de tout le groupe. Dix autres synagogues galiléennes (2) furent examinées et déblayées
dans la mesure nécessaire pour ressaisir leur ordonnance générale et enregistrer
Tibériade et qui semble se distinguer par quelques traits particuliers, toutes les
synagogues proprement galiléennes constituent un groupe d'une homogénéité par-
faite. Formes architecturales, motifs ornementaux et composition décorative portent
l'empreinte manifeste de l'art païen dans la Syrie romaine à l'époque des Sévères.
Une discussion extrêmement précise et documentée de manière à forcer la convic-
tion autorise même AY. à définir plus strictement cette époque en la réduisant aux
règnes de Septime-Sévère et Caracalla. c'est-à-dire entre la dernière décade du
second siècle premier quart du nie ap. J,-C. L'examen de la tradition littéraire
et le
judicieusement critiquée apporte au surplus son utile appoint aux conclusions dédui-
tes des faits artistiques.
Le groupe entier a surgi dans l'espace d'une génération (3), réalisé par des maîtres
d'oeuvre locaux et des ouvriers juifs sur les plans d'un architecte syrien qui emprun-
tait ridée fondamentale de son type à la basilique hellénistique et qui s'était initié
aux formes classiques sans en posséder toutefois le sentiment profond. La physiono-
mie eu quelque sorte toute païenne de ces édifices avait frappé depuis longtemps:
elle éclate avec une beaucoup plus vive intensité depuis les travaux de la mission
assez varié, à côté des éléments en quelque sorte vides de caractère religieux strict
et que la symbolisme juif pouvait facilement adopter —
rosettes, figures géométri-
gieuse par le laxisme de communautés trop hellénisées, qui auraient estimé pouvoir
tourner la loi moyennant quelque interprétation symbolique. De cette réelle anti-
nomie \y. fournit une solution très satisfaisante. Le groupe des synagogues a une
origine en quelque manière officielle. C'est sur l'ordre et probablement aux frais du
gouvernement impérial que les communautés juives galiléennes ont été dotées de
ces monuments religieux dont elles n'eussent apparemment pas été en mesure elles-
mêmes de la dépense et qu'elles ne pouvaient, eu tous cas, ériger sans
couvrir
une autorisation administrative. Un architecte impérial a donc dressé les plans et
la main-d'œuvre locale juive a dû s'y conformer, non sans s'offusquer probable-
ment en silence des éléments anti-religieux, du point de vue légal juif, que l'ar-
tiste n'avait pas pris garde d'éliminer. Du mêiue coup est expliquée en toutes ses
hellénistique aux exigences religieuses d'une communauté non païenne. Les nuances
qu'elle avait fait introduire dans l'ancien thème classique étaient imposées par les
usages auxquels elle allait pourvoir. Quand, un siècle plus tard environ, le christia-
nisme triomphant aurait à se pourvoir de monuments en rapport avec son culte, le
problème que ses architectes allaient avoir à résoudre était singulièrement analogue
à celui d'où était résultée naguère la synagogue. Et pourquoi ne pas admettre que la
solution déjà depuis longtemps réalisée put exercer son iulluence sur la solution
chrétienne ? Ceci ne devint pas la copie quel(]ue peu modifiée de cela; mais pour
modifier à son profit l'ordonnance de la basilique classique l'architecte constantiuien
put se guider, et vraisemblablement se guida sur la transformation qu'en avait
opérée l'architecte des synagogues. L'analyse très pénétrante de Watzinger montre
(11 Comme s'il avait |>révu qu"il serait lu avec plus ou moins d'attentive compréhension,
Watzinger insiste à dire dés le début (p. 219;, qu'il ne s'agit pas de faire dériver la basilique
chrétienne en droite ligne de la synagogue. Schmaltz (Mater.... p. 40;i). qui connaît cette théorie
seulement de seconde main, ne manque pas de l'interpréter en ce sens et de ferrailler conU-e.
En recourant à ce beau livre, paru deux ans avant le sien, il eut pu apprendre, avec la vraie
nuance sur ce point de détail, ce qu'est la vraie méthode archéologique e beaucoup d'autres
informations directement utiles à son sujet.
284 REVUE BIBLIQUE.
le lien étroit qui rattaclie au thème hellénistique primordial, ou plutôt tel que l'avait
réalisé Tart syrien de l'époque des Antonins, d'une partie monument juif du temps
des Sévères, d'autre part l'édiûce chrétien de l'ère constantinienne sous la double
forme de la basilique sans galeries supérieures du type Bethléem avant le rema^—
niement du vi^ siècle —
et avec un ordre supérieur et des galeries du type Mar- —
tyriam au Saint-Sépulcre. La synagogue intervient ainsi comme une sorte de chai-
non dans une évolution artistique beaucoup plus normale et plus humaine. Ce ne
sera pas le moindre mérite de ce remarquable ouvrage d'avoir donné un solide fon-
dement technique à ce point de vue déjà envisagé théoriquement à diverses reprises,
quand on a cherché les origines de la basilique chrétienne (1).
(li Voir par exemple G. Leroux, Les origines de l'édifice hypostyJe..., j). 33-2, qui l'attribuait
déjà à M'' Ducliesne dès 1893. Avec la seule documentation scientifique alors accessible sur les
synagogues, Leroux se montrait peu impressionné par leurs relations structurales d'une part
avec la basilique hellénistique, d'autre part avec la basilique clirétienne [op. L, p. 234 s., 3-22 s.).
S'il n'avait malheureusement été victime de la guerre, on peut s'attendre qu'il modifierait
aujourd'hui son point de vue. Peut-être même nuancerait-il sa très fine distinction d'un double
type basilical grec : —
développé en longueur et oriental — —
développé en largeur [Les ori-
gines..., p. 280 ss.\ qui semble déjà pratiquement mitigée dans sa monographie sur Les égalises
syriennes à jjortes latérales... {Mélanges Holleaux, 1913, p. 115 ss.). Watzinger lui oppose en
effet [Synag., p. 178, n" ) que la double lorme se pourrait justifier par une simple conséquence
de placement par rapport au Forum par exemple. En ce qui concerne les anciennes basiliques
chrétiennes, cette ordonnance imposée par le site est absolument évidente dans la basilique
eudocienne de Siloé (cf. RB., 1897, p. 300), qui n'a pas ou la chance d'attirer l'attention dans
cette discussion. Mais ce n'est pas le lieu d'y entrer et il s'agissait uniquement de donner quel-
que aperçu de la variété des questions étudiées et de la richesse des informations fournies par
Watzinger. —
Je n'ai observé que trois inexactitudes dans ce livre dont l'exécution matérielle
n'est pas moins parfaite que sa haute tenue scientifique. P. 91 1. 1 nTrTH IpUJn, lire rnn :
^Pïl?n. —p. 138, n. I, 1. 3 : iMastermann. lire Masterman. — P. l".';, I. 10 d'en bas • Pausanias
vi .;, 2, lire Pausanias X, ."i, 2.
BULLETIN
tique engageait à soutenir et à consoler les âmes sans faire des prédications de
guerre ex professo. Elles ont été si prodigieusement abondantes en Allemagne, sur-
tout chez les protestants, qu'elles ont créé uu genre qu'il a fallu étudier lui aussi,
selon le goût de la race pour les classifications. C'est ainsi que dès l'anuée 1915
M. Koehier a pu étudier huit cents prédications de guerre protestantes [i).
cations sont donc le triomphe du protestantisme moderne qui se sent à l'aise partout
dans la vie religieuse et qui se dégage de toute étroitesse dogmatique. » Alors pour-
quoi exclure Goethe, la seconde incarnation da génie allemand, et certes plus révé-
lateur de beauté que Luther? On y est venu. M. Jaeger a écrit sur le christianisme
de Goethe (3), et a su accorder lepanthéisme du grand païen avec le théisme de
Jésus.
Dans cette explosion de foi protestante, on eût eu mauvaise grâce à nier l'exis-
tence de Jésus. M. Arthur Drews était retourné déjà à ses études de philosophie (4;.
production biblique a sensiblement dimiimé. Et disons aussi que la qualité surtout est
inférieure, sans même entrer ici dans l'examen des doctrines. Aucun mouvement nou-
veau, aucune découverte sensationnelle, aucune étude faisant époque. Chacun est resté
sur ses positions, et au lieu de les soutenir ou de les porter en avant au moyen de gros
livres, on s'est plutôt préoccupé de répandre dans le public les opinions de l'école.
De sorte que, si je ne me trompe, le nombre des brochures ou des livres à la quantité
de pages restreinte a plutôt augmenté, ou du moins s'est maintenu tel qu'il était avant
la guerre, car alors ce procédé de vulgarisation était déjà fortement en train.
1. Écrivains catholiques.
Biblische Studien, dirigées par Ms"" Bardenhewer, qui ont aussi fourni quelques
monographies.
A Paderborn, on semble s'occuper surtout des origines chrétiennes. La maison
Schôningh a édité d'excellents travaux. De M. Wohleb, un peu avant la guerre, une
(1) Helden und Heilige des Protestantismus, Tïibingeu, 1013, recensé année lOKJ, c. -2S1-28-2.
(2) Parmi ces noms, ceux de Tersteegen et de Wichern, les moins connus iieul-ètrc de nos
lecteurs, sont assurément les plus recommandables.
(.3) Das Christentum Goethes, 1916.
(4) Gtschicltte der Philosophie, Band VII, Berlin, 1!)13.
BULLETIN. 287
étude sur la traduction latine delà Didaché (l); il ne la croit pas plus récente que le
iii« siècle, mais, révisée arbitrairement, elle n'aurait pas grande importance pour
l'établissement du texte. M. Schermann a traité de l'ancienne discipline de l'Église (2).
Il faudrait citer tout ce qui a paru dans les Recherches relatives à la littérature chré-
des anges chez les apologistes grecs du second siècle, et ses relations avec la démo-
nologie gréco-romaine », par M. Andres^4). L'ouvragé a été loué très explicitement
par M. Geflfcken qui était ici sur son terrain. L'exégèse proprement dite est repré-
sentée par commentaire de la Genèse, par le R. P. Dier, des Frères Prêcheurs,
le
assez malmené par M. Holtzinger, quoique le recenseur ait été déridé par une cita-
tion du R. P. Hetzenhauer sur Gen. 48, 15 Angélus non est Angélus Custos sed ipse
:
Mais le foyer le plus actif des études bibliques progressistes paraît bien être à
Munster. Deux collections sont éditées par la maison Aschendorff. Les Biblische Zeit-
fragen, que je ne sais comment traduire (actualités bibliques?) se sont succédé rapi-
dement, et traitent en peu de pages de tous les problèmes controversés dans l'exé-
gèse protestante. Des spécialistes distingués ne dédaignent pas de rédiger ces tracts,
évidemment destinés à prémunir les cathohques contre l'influence de l'exégèse
indépendante. Nous ne saurions en dresser le catalogue. Les noms de MM. Dausch,
Nikel. Faulhaber, Euringer, SL-huiz, Meinertz, Sanda, Heinisch, qui ne sont pas
inconnus de nos lecteurs, les recommandent assez.
A côté et on peut dire au-dessus « de ces questions bibliques controversées de
notre temps » une double série contient des traités sur l'Ancien et sur le Nouveau
Testament, sous la direction de M^I. Nikel et Bludau. Ces dissertations s'étendent
M, Stummer une étude très soignée sur le
aussi sur les matières voisines. Citons de
texte araméen d'Éléphantine contenant des fragments de l'histoire d'Ahikar (6). Les
lectures de M. Sachau ont été revisées sur les originaux. M. Stummer admet une
origine assyro-babylonieune, ce que M. Kœnig confirme par le nom même de Nadan,
le neveu ingrat. M. Monse a abordé la comparaison de la doctrine de saint Paul avec
celle de saint Jean (7) dans le sens de la conciliation, tout en mettant en lumière les
dilTérences,
Nous aurons plus tard occasion de signaler plus longuement d'autres travaux impor-
tants(8). Le lecteur curieux nous pardonnera aisément d'insister surtout sur l'exégèse
indépendante. L'esprit humain est ainsi fait qu'il préfère le récit des accidents et
autres faits divers à la description d'une vie tranquille. Incontestablement la hberté
d'allure qui s'est fait jour au sein de l'orthodoxie protestante a sa séduction. L'explo-
ration, les aventures, au risque de s'égarer, ont leur charme, et c'est l'attrait qui
s'exerce encore très puissamment en dépit des expériences fâcheuses que chacun de
ces chercheurs constate chez son voisin. Cette liberté est la loi des études où suffit
l'exercice de la raison. Mais si l'on a compris que pour connaître de la vie divine ce
régions* arabiques, parce que ses travaux sont antérieurs à la guerre. Il appartenait
dont nos lecteur? connaissent les études sur la métrique hébraïque (8). Il a édité
en 1915 les Psaumes et Isaïe. Mais ici nous n'avons guère que la traduction avec
des introductions. Le R. P. Schlœgl soutient l'authenticité de tout Isaïe, sauf
quelques légères additions.
Il va sans dire que l'exégèse autrichienne est encore plus conservatrice que celle
des Allemands catholiques.
Avant de quitter ces derniers, il faut encore rebatlre les oreilles du public
français de ce mot d'organisation, qui devrait le faire réfléchir au lieu de l'exas-
pérer. Les travaux de IMM. Karge et Mader ont été entrepris grâce aux libéralités
pour les études et les voyages, mais qui édite les livres ou du moins y coopère,
même en dehors du domaine religieux catholique (9). L'Autriche avait la Leo-
Gesellschaft.
Rien de semblable en France? JNIais si, il existe qui la connaît? —
une société —
d'encouragement pour les études du Clergé, fondée, si je ne me trompe par l'ini-
tiative du Card. Perraud, et dirigée actuellement par M. Pautonnier, directeur du
collège Stanislas et M. Jordan, professeur à la faculté des Lettres de Paris. Mani-
festement nous sommes menacés de la crise du livre sérieux, surtout du livre muni
A. T. I, -2.
(-) Die heiligen Schriflen der Allen Bundes, unter Mitwirkung von Fachgenossen hrsg.
V. Prof. Dr. Sivard Joh. Schloegl, G. Cist. III Band 1. Die Psalmen, 1915: IV Band Jem-ja, 19ir,.
(8) RB., 1914, 30i.
(9] Par exemple Studien zur Geschichle und KuHur des Allertums.
:
im Auftrage und mit
L'nterstutzung der Goerres-Geselisciiart lierausgegebeu.
BULLETIN. 289
des illustrations nécessaires. J'avoue que je plaide un peu pro domu, car si nos
publications ont été jusqu'à présent assurées par la faveur du public et les plus
coûteuses par les subventions de l'Académie des Inscriptions et Belles-Lettres,
nous entrevoyons un avenir menaçant. Et enfla ily a les débutants qui ne pourraient
compter que sur une société bénévole. Si le, public aidait cette société, et si elle-
même était sévère quant au choix des livres à imprimer, on pourrait en attendre
un notable progrès des études ecclésiastiques en France. Elle pourrait même étendre
ses libéralités à l'étranger, comme a fait l'Institut biblique pontifical, qui a donné
les moyens de publier leurs ouvrages à des auteurs français, italiens, allemands et
autrichiens qui sans cette subvention auraient dû les garder en portefeuille.
2. Écrivains juifs.
L'événement des dernières années est l'essor pris par l'exégèse juive dans le sens
le plus conservateur. Jusqu'à présent les Juifs qui s'occupaient de la Bible, formés
dans les milieux universitaires non catholiques, figuraient assez souvent parmi les
critiques radicaux (t). Il était même assez difficile de les distinguer. Les Juifs
Talmudistes concentraient leurs efforts sur lamidrachîm et autres
littérature des
ouvrages rabbiniques, essayant même d'initieraux charmes de la
les profanes
poésie juive depuis le moyen âge. Ils continuent, et nous leur demandons de con-
tinuer. Ils y sont d'autant plus obligés en conscience qu'ils reçoivent assez mal
ceux qui essayent de pénétrer dans leur maquis. Il n'est surtout pas facile de
suivre l'histoire de leur liturgie.11 faut donc remercier M. Elbogen d'avoir traité
ce sujet, pour lequel on en était réduit aux volumes de Zunz [2). Son ouvrage, qui
a eu la meilleure presse, a été édité par la Société pour promouvoir la connaissance
scientifique du Judaïsme. Encore une société!
Mais les Juifs ne peuvent cultiver comme ils le font maintenant avec tant de
passion leur sentiment national sans s'attacher davantage à leurs livres saints. Les
temps de l'assimilation sont passés, pour tous ceux qui rêvent du Sionisme. Même
ceux d'entre eux qui n'ont aucune foi positive sont bien obligés de se conformer
aux pratiques religieuses du judaïsme. On s'est donc retourné avec ardeur contre
la critique nouvelle qui mettait en pièces les saints livres. M. Jacob (3) combat
im conservateur comme Koenig qui a réfuté les attaques de Dahse (2) contre la cri-
tique des sources dans une monographie sur la critique moderne du Pentateuque C3).
M. Nowack (7) hii fait compliment d'avoir tiré profit des fouilles faites au pays de
Canaan. Le commentaire des Psaumes (8) est une contribution nouvelle, des plus
considérables, sur laquelle nous attendons l'appréciation de M. Podechard.
M. Yolz appartient au même groupe, très érudit, mais relativement traditionnel. 11
a donné un important ouvrage sur les antiquités bibliques (9). On peut être certain
qu'il a déployé une extrême diligence. Le chiffre de 97 illustrations ne serait pas
Der Jude, Eine Monatsclirift éditeur Dr. Martin Buber, Vienne, 1910.
(1) ;
méthode de Wellhausen (l). Le zèle pour ces sortes de travaux paraissait se refroidir,
aussiM. Holziuger se félicite que « dans la jeune géuéralion on trouve de la volonté
et de la patience pour conduire plus loin tout ce pénible travail (2). » —Ne vaudrait-il
pas mieux renoncer à déterminer avec une précision impossible à réaliser ce qui
revient à chacune des sources qu'on fait toujours plus nombreuses?
C'est encore pour défendre
des sources que M. Baumgàrtel a étudié
la théorie
l'emploi du mot Élohim en dehors du Peutateuque (3). On sait que la première
esquisse du système, due au médecin français Astruc, distinguait les documents selon
l'emploi de Élohim ou de lahvé. Tout le monde 'n'a pas le courage de M. Hoberg (4)
qui trancherait le nœud en supprimant lahvé du texte massorétique. Depuis longtemps
on objecte à la critique qu'elle n'est pas assurée de son fondement parce que les
Septante n'ont pas la même répartition des noms divins et parce que chacun peut
avoir sa raison d'être. Il fallait donc distinguer les cas où Elohim est appellatif et
signifié la divinité, de ceux où il est employé pour le Dieu d'Israël. Cela fait, la cri-
tique pourra attribuer au lahviste même des passages comme Gen. 6, 1-8 où entrent
en scène des Bnê-Elohim.
Dans la sphère du Nouveau Testament, l'école conservatrice suit la bannière de
Zahn, le chef vénéré de la doctrine d'Erlangen. Son commentaire de l'évangile selon
saint Luc a paru en 1913. (-5) C'est un ouvrage de 770 pages très compactes, sur
lequel il faudrait s'arrêter longuement. Et dès maintenant nous aurions à faire con-
naître le commentaire des Actes des apôtres, dont la première partie vient de
paraître (6).
La du N. T. sera donc bientôt terminée. Zahn a pris la part du lion, Matthieu,
série
Luc, Jean, les épîtres aux Romains et aux Galates. M. Wohlenberg, qui avait déjà
donué en 1910 le commentaire de Marc, a donné en 1915 celui des deux épîtres de
Pierre et de l'épître de Jude (7). Il déclare que les trois épîtres sont authentiques :
la 1» Pétri adressée à des chrétiens de la gentilité a été écrite par Silvanus, mais
Pierre qui était alors à Rome, a fourni les pensées. La 2^ Pétri serait antérieure,
environ de l'an 63, et écrite en hébreu à des chrétiens de Galilée. L'épître de Jude,
dépendante de cette dernière, aurait été écrite peu après 70. La seconde épître —
aux Corinthiens ayant été étudiée en 1917 par M. Bachmann (8), il ne reste plus
guère à publier dans cette collection que l'épître de saint Jacques, les trois épîtres de
saint Jean et l'Apocalypse. Cet ensemble a droit assurément aux sympathies des
catholiques pour son respect de la tradition, et nul ne conteste l'éteodue étonnante
de l'érudition de Zahn dans le domaine des écrits chrétiens. Mais l'interprétation
dogmatique est souvent plus éloignée de la nôtre que celle de tel exégète qui rajeu-
nit beaucoup plus les textes, et on souhaite plus de rapprochements avec le monde
somme a paru le christianisme.
extérieur dans lequel en
Bernard Weiss a survécu à son fils Johannes, mort à cinquante ans en 1914.
Moins résolument conservateur que Zahn, on ne peut cependant le ranger ailleurs.
(o) Das Evangelium des Lucas, ausgelegt von Tlieodor Zalin, Leipzig, 1913.
(6) Die Apostelgeschichte des Lucas, Erste Halfte Kap. 1-1-2 ausgelegt von Theodor Zahn
Leipzig, 1919.
(7) Der l. und 2. Petrusbrief iind der Judasbrief.
(8;- Der 2. Korintherbrief.
292 REVLE BIBLIQUE.
Il donnait encore en 1914 pour le grand public un exposé sur saint Paul et ses églises,
JB. L'école que nous nommons libérale, et qui se nommerait plus volontiers l'école
M. Paul Wernle, qui d'ailleurs est Suisse, est un maître toujours écouté. Il a écrit
un livre intitulé Jésus (2). Mais ce n'est pas une vie de Jésus. Même pour lui, l'his-
toire se dérobe. Placé, comme le dit agréablement M. Troeltsch (3) avec des substan-
tifs abstraits qui feraient violence à notre langue, « entre la lièvre froide de la moder-
sicrvn[/. —
il voudrait se frayer un chemin, conserver quelque sentiment religieux
dont Jésus soit un peu l'objet, du moins comme inspirateur, du moins comme modèle.
De même M. Weber, qui a dédié à la Faculté de théologie de l'Université de Halle :
L'étude script uraire historico-critique et la foi biblique (4). Dieu, qui est bien un
Dieu transcendant, s'est révélé dans la personne et l'œuvre du Christ, d'une façon
transcendante à l'histoire; mais la critique historique garde ses droits et l'Église doit
en tenir compte, le surnaturel ne que la gêner.
fait
Peu de chefs suivent Ceux qui veulent quand même garder Jésus comme
cette voie.
idéal religieux, et même comme objet de la foi, sentant que l'histoire est impuissante
à le leur fournir après qu'elle s'est laissé anéantir par la critique, renoncent carré-
ment à l'histoire et se réfugient dans la foi. C'est, je pense, le parti qu'a pris M. le
pasteur Peisker (5) en assurant la foi sur l'expérience, et aussiM. Loofs avec son
livre Qui était Jésus-Christ (6)? Ce passé « était » en dit
:
long. Dans la critique libé-
rale, chacun entend Jésus à sa manière. Il n'y a donc qu'à le déclarer inexplicable
et à le saisir p^r la croyance, quand on peut.
christianisme. Les esprits qui se piquent d'une indépendance plus complète objec-
tent que le sentiment catholique a les mêmes droits à créer l'objet de sa foi. et
pour eux, ils renoncent à cette illusion. Si haut qne soit l'Évangile dans la sphère
religieuse, ils refusent de s'y absorber, au détriment de la culture, venue des Grecs,
poursuivie par l'esprit moderne, en Allemagne surtout. Le travail de la critique n'est
évidemment pas terminé, l'école historico-critique n'a pas le droit d'imposer ses
Ce sont du moins ou peu s'en faut les réflexions que l'ouvrage de M. Wernle a
suggérées à M. Troeltsch (1).
Si M, Volter avait réussi à prouver que tous les passages où le Fils de l'homme
a un aspect messianique et eschatologique u'appartienneut pas à l'ancienne tradi-
tion (2), il aurait épargné à l'école libérale l'embarras le plus sérieux.
Mais c'est précisément sur ce terrain que les eschatologistes prétendent constater
sa défaite. En tout cas le procédé qui expulse les textes désobligeants marque trop
de sans gène.
C. La méthode dite d'Histoire des religions.
Depuis plus de dix ans, écrivait M. Windisch en 1917, les recherches sur le Nou-
«
rique. Il ne reste plus qu'à regarder le christianisme comme une religioii quelconque.
Et si ses origines ont suivi les lois ordinaires, si rien n'est venu du ciel, c'est donc
sur la terre qu'il en faut chercher les éléments. L'n second postulat, c'est de réduire
au minimum l'action personnelle de Jésus. Alors il faut trouver dans le monde gréco-
romain, dans l'ancienne Egypte, à Babylone, dans l'Inde, les traits caractéristiques
même de ses paraboles. Et, phénomène assez étrange, c'est du côté de la religion
d'Israël et de ses maîtres juifs que l'on cherche le moins volontiers. C'est évidemment
une entorse à la méthode; elle s'explique apparemment parce que ces recherches
sont censées avoir donné ce qu'elles pouvaient fournir, et surtout parce qu'elles sont
abstruses. Beaucoup de peine et peu de profit, cela n'a rien d'attrayant.
Bousset, puisqu'ils sont les éditeurs de la collection qui met au jour les productions
animées de cet esprit (4).
Mais il est évident qu'une partie de leur tâche consiste à retenir les enfants terri-
bles du que Gunkel semble avoir tenté en publiant diverses études et
parti. C'est ce
dissertations qui réunies forment comme un programme de la méthode (.5). A Jensen
qui a fait sortir de l'épopée de Gilgamech une bonne partie de l'Ancien Testament et
de l'histoire de Jésus, il reproche d'avoir comparé des détails sans tenir compte de
l'ensemble organique des récits. Et tout au contraire, mais non moins justement,
il refuse d'appliquer à Samson l'explication mythique parce qu'il faudrait alors rap-
porter au soleil tous les traits assez divers que la tradition attribuait à un héros
national populaire. Cependant Gunkel lui-même voit dans l'Egypte le principal
modèle de la composition des psaumes, ce qui est bien étrange si l'on compare les
titres de l'Egypte à ceux de Babylone. Ce savant a donné une leçon meilleure, parce
que c'est une leçon de choses, à propos du palais de Suse où s'est déroulée Thistoire
d'Esther. Il a consulté M. Koldewey, si autorisé par ses fouilles en Babylonie, et a
(1) L. i.
-2; Jésus der Menschensohn oder das Beiufsbewusslsein Jesu, Stasbourg, l!»li.
3 Theologisch lijdschrift, 1917, p. 2-28.
l Forschuiigea zur R-iUgion und Literatur des Allen und Neuen Testaments, Gotlingeu.
(•"j Reden und Aufsâtze, GoUingci), 1913.
294 REVUE BIBLIQUE.
lui-même ». Voilà un bon avis aux critiques littéraires convaincus sans avoir quitté
leur cabinet que tous les palais orientaux se ressemblaient! M. Gunkel l'applique
avec un grain de sel attique : « Peut-être les critiques de l'A. T. voudront-ils bien
examiner de nouveau le préjugé courant, que le livre d'Esther a été écrit en Pales-
tine et se rapporte à la persécution religieuse d'AntidcliUS Épiphane ^3) ».
convient le caractère sacré de la fête biblique. Mais le problème posé ne louche que
l'apparence extérieure.
Je revois après quelques semaines les petites huttes de branchages sur les ter-
rasses, les Juifs enthousiasmés, portant haut la tête avec leurs rouflaquettes, j'entends
encore le son des trompettes sabbatiques, les vulgaires flonflons du cinéma notre
voisin, — et tout en admettant que la renaissance sioniste n'est pas à la hauteur de
l'antiquité, — je me demande ce que les Athéniens pouvaient envier à cette pompe.
De pareils excès sont rares. Mais on n'est pas mieux justifié à rabaisser le contenu
divin de lévangile au niveau des antiques superstitions. Qu'on découvre ailleurs le
même langage, les mêmes images, les mêmes manifestations humaines du sentiment,
nous saluons une avance du travail vers une intelligence plus parfaite de l'Ecriture,
mais qu'on y regarde à deux avant d'y transporter des légendes toutes faites.
fois
M. Gressmann n'a pas eu cette réserve quand il a regardé Luc 2, 1-20 comme
une légende spéciale, venue d'Egypte (.5} et quand il suppose entre la naissance
d'Osiris et la nativité de Jésus un intermédiaire juif, qu'il faut bien postuler pour
combler la distance, mais qui n.'existe pas.
Cependant la méthode a cela de bon qu'elle ne se scandalise pas de trouver du
surnaturel —
elle dit du merveilleux —
dans les textes, et elle respecte l'authenticité
de la conception virginale (Le. 1, 35-38) qui est le point central du divin.
La même Gressmann croit avoir trouvé en Egypte un conte, mêlé aux temps
hellénistiques de motifs orphiques, transporté en Judée où nous le voyons apparaî-
tre sous les apparences de la parabole de Lazare et du riche (6). C'est dommage que
(1) Sorte de forteresse précédée d'un très liaut portique, la porte du roi.
(2) Résidence du roi avec une grande saUe des fêtes.
(3) Theol. Lit.-Zeil., 1!)J9, c. 3 s.
(4) Das Eleusisehe Fest ursprùnglich identisch mit dem Lav.bliùltenfcsl der .Jur/en, Mùnchen.
1914.
(5) DoLS Weihnachts-Evangelium auf Ursprung und Gescliiclite untrsuclit. GiUtinsen, 1914.
(6) Yom rcichen Mann und ai-iucn Lazarus, Eine LiterargescliicliUich Seudie, Berlin, 191G.
BULLETIN. 295
communauté [V, : « L'auteur ne marche pas dans les chemins battus de la critique
en savoir gré. Mais malheureusement la critique doit mettre un gros point d'interro-
gation derrière tous ces nouveaux essais de conquérir un pays nouveau pour la criti-
que synoptique, tels que ceux de Spitta, Joh. Weiss, \Yendliag et maintenant aussi
de Haupt. Les essais se dressent les uns contre les autres: chaque critique va son
chemin çà et là il semble qu'on ait fait des observations exactes, mais elles se per-
;
dent dans le tourbillon des hypothèses qui se pressent. Le maître qui nous conduira
vraiment plus loin dans la critique synoptique est encore à venir '2) ».
La dernière grande œuvre de Bousset. Kyrios Christos a paru trop peu de temps
avant la guerre (3) pour que nous ayons pu eu rendre compte dans la Revue. J'y ai
faitallusion dans Le sens du Ch7-istianisme '4 L'auteur a précisé sa position dans .
une brochure nouvelle (.5). C'est une des pratiques les plus usitées de la science
allemande. Quand quelqu'un a traité un sujet, celui qui vient après est tenu sich
auseinandersetzen. de marquer la différence des positions. Naturellement les recen-
seurs font de même et on leur répond. Peut-être aurons-nous l'occasion d'en faire
autant. Nous avions cru pouvoir regarder comme le trait caractéristique de l'exégèse
allemande détre einseitig, trop systématique, trop unilatérale. C'est précisément ce
que Gunkel reproche à l'école libérale (6), et M. Rud. Knopf de Bonn à M. Bous-
set (7). Il est einseitig, c'est-à-dire que « Toute la présentation de Bousset est trop
rectiligne et enprend fortement l'aspect d'une construction ». Si cela est vrai d'un
maître relativement modéré et très bien informé, que penser des autres!
L'ouvrage de ^I. Mac Neiil sur l'épître aux Hébreux i8 ne pouvait qu'être sym-
pathique à Bousset à cause de la part qu'il fait aux mystères. Mais l'Américain n'a pas
été assez conséquent, c'est-à-dire sans doute pas assez einseitig. Il eut dû, cette notion
acquise, revenir sur premiers chapitres de son livre et les écrire de nouveau. Et
les
il faut dire encore combien la nouvelle méthode est parfois d'une exégèse très
sûre, précisément parce qu'elle ne répugne pas à rencontrer du merveilleux « Je :
ne puis que répéter », déclare Bousset « que je me défie de tous les systèmes
qui admettent une Christologie adoptioniste dans la chrétienté primitive, car elle me
semble avoir presque dès le début appliqué au Christ le mythe du Fils de l'homme
préexistant, et que, selon moi, le titre de Fils de Dieu n'a presque rien à faire avec
la conception messianique juive, et a été entendu dès le début purement au sens spé-
culatif métaphysique » 1). Sauf le mot de mythe, et le premier « presque », cela est
excellent.
Par où nous ne voulons pas dire que le titre de Fils de Dieu ait été emprunté à
l'hellénisme! C'est l'erreur deM. Gillis Welter (2), qui n'a pas réussi à trouver dans
le monde ancien un culte assez assuré de fils des dieux qui soient en même temps
des Sauveurs,
Quant à M. Erbt qui met Capharnaûm au bord de la Méditerranée, apparemment
pour faciliter le contact avec la Grèce, et qui recourt à la mythologie astrale, il ne
paraît pas faire partie de la confrérie. Et pourtant lui aussi jette sa pierre à l'école
de Strauss : « La « bouche des gens » à laquelle on a recours ne produit rien. Une
poésie populaire n'existe que dans l'imagination des hommes-à-table-de-travail. Si
quelqu'un du peuple compose, à tout le moins cherche-t-il anxieusement à suivre le
tout à fait son caractère d'école pour devenir un mouvement qui porte les critiques
allemands vers de nouvelles régions, nouvelles souvent en réalité, à la suite des
découvertes, nouvelles aussi parce qu'ils s'étaient trop claquemurés dans la critique
littéraire et dans les opinions protestantes. Les conceptions dogmatiques sont plus
éloignées des nôtres, ou plutôt elles ne comptent plus, ce qui nous permet, cette
réserve suprême bien entendue, de nous trouver d'accord sur bien des points. Qu'on
pousse à fond la recherche dans les documents et d'après les monuments, nous ne
saurions le trouver mauvais. L'un des esprits les plus distingués dans cette manière
positive est assurément M. Hans Lielzmauu. Aussi n'a-t-il pas hésiié, à rencontre
des anciens dogmatistes protestants, à conclure à la grand? vraisemblance de la venue
à Rome de saint Pierre et de saint Paul. Le titre même est siguificatif : Pierre et
(4) Die Schriflen des Allen Testaments im Auswahl neu uberselzt u. liir die Gegenwarl
erklârt, Gôttingen.
(o; Tfieol. Lil.-Zeit., 1916, c. 428.
(6) Die Reste der primitiven Religion im âllesten Clirislentum, Giessen. 1016.
(7) Petrus und Paulus in Rotn. Liturgisclie und arcliaeologische Sludlen. Bonn., 1013.
BULLETIN. 207
l'ancieune église catholique, les catacombes ne sont plus terra incognita. Le manuel
du Nouveau Testament, édité chez ilohr à Tùbingen (1) par Lietzmann, groupe des
savants distingués qui prolongent le religionsgeschichtlich jusqu'au poiut où l'on
rejoindrait les libéraux. A MM. Gressmann et Heitmiiller qui ne sont
côté de certes
pas les collaborateurs principaux, on rencontre MM. W. Bauer iv« évangile), Dibe-
lius (les petites épitres de saint Paul). Erioh Rlostermann ,Tes trois synoptiques),
Preuschen (les Actes), Windisch (épitres catholiques et aux Hébreux). M. Paul
Wendland, mort durant la guerre, avait tracé la synthèse du milieu gréco-romain
et esquissé les formes littéraires du N. T. M. Rademacher a écrit dès 1911 une
grammaire inférieure à celle de Blass pour la quantité des renseiguemeuts, mais plus
claire et plus méthodique. On nous promet l'Apocalypse pour 1920, sans nous dire
qui en est chargé.
Le goût de Lietzmann pour les sources, ou plutôt sa conviction qu'elles sont néces-
saires pour former les débutants s'est manifesté par une riche collection de petits
textes )2;. Nous contiuuoas à applaudir une publication qui va du canon de Muratori
et des anciens martyrologes aux papyrus d'Assouân et aux traités rabbiniques.
Nous n'avons point encore parlé de M. Harnack. Nos lecteurs français ont dû
s'en étonner, car aucun nom n'était parmi nous plus connu, ni même plus popu-
laire que le sien depuis que ses travaux sur saint Luc ont marqué un si net coup
de barre dans le sens de la tradition. Sa sotte adhésion au manifeste des 93 intel-
lectuels allemands au début de la guerre a sans doute refroidi bien des enthou-
siasmes, mais peut-être était-elle exigée par sa haute position ofûcielle, et, en le
plaçant après les autres, notre intention n'était pas de le mettre en pénitence, mais
une école.
plutôt de relever sa personnalité qui équivaut à toute
Comme donné pour les soldats une édition spéciale
ancien chef des libéraux, il a
de son Essence du Christianisme. Mais on sait qu'il s'applique surtout aux études
positives, poussant droit devant lui, pas toujours avec bonheur, mais nullement
einseitig. D'ailleurs il semontre l'adversaire résolu des outrances de la méthode
histoire des religions, comme lorsqu'il revendique 3) pour saint Paul contre les
prétentions de Reitzenstein (4) la formule foi, espérance, charité.
11 a été mêlé aussi à une polémique sur le passage de Josèphe {Ant. XVIII, m, 3)
sur le Christ, et s'est élevé contre purement négative de Norden )5).
la critique
Depuis, M. Goethals a même été assez osé pour accuser Eusèbe d'avoir lui-même
commis une falsification (6). A ce propos j'apprends de M. A'^'indisch (7) qu'un pur
philologue se prononce pour l'authenticité. D'après M. Al. Slijden « Tous les :
manuscrits ont ce témoignage ; il serait impossible qu'on l'ait introduit après coup
dans tous les mss., et cela était spécialement impossible après Eusèbe, car vers l'an
300 Josèphe était déjà beaucoup lu, d'autant que déjà avant Eusèbe les mss. se
divisaient en deux familles d'inégale qualité, Eusèbe lui-même ayant reproduit la
plus mauvaise. »
dans la Zeit. fiir die neut. W'ss., 1914, p. 114 ss. Comme Norden (contre Harnack) il ne croit
pas que Tacite dépende directement de Josèplie. mais il admet une dépendance indirecte. Il se
prononce pour la lalsification par un chrétien avant l'an -200.
Si] Le pseudo-Josèphe {Antiquitis xviii. § 03-84!, Bruxelles et Paris, t0i4.
(7, Dans Theol. Lit.-Zeit., 1017, c. 101, citant Mnemosyoe, 1914, 96-100.
298 lŒVLE BIBLIQUE.
Harnack fait encore figure de conservateur dans l'approbation qu'il donne à notre
Vulgate latine des épîtres catholiques (1).
de l'Hadès ne prévaudront point contre toi. » L'insertion sur l'Église se fit à Rome
sûrement, et vers le temps d'Hadrien. A cela NVindisch répond que le nom de
::3j
Céphas, pierre, appelle nécessairement l'idée d'un bâtiment. Mais il lui semble qu'en
rattachant %\i-r]: a la pierre (et non à l'église) ou en remplaçant aù-^ç par aou, on
obtiendrait cette idée qui lui plaît : Pierre est constitué le représentant du Christ
pour le temps qui précédera la parousie, temps assez court pour que Pierre ne soit
pas pris avant par la mort. La prophétie ne se serait pas réalisée. Mais aou est —
une correction parfaitement arbitraire, et le pronom féminin serait bien mal choisi
pour désigner Pierre, même par l'intermédiaire d'une pierre. D'ailleurs pourquoi
tant d'assauts donnés au texte? —Parce que c'est une pensée choquante de regarder
Pierre et non le Christ comme le rocher de l'Église. — Scrupule admirable! Dire
que Pierre et non le Christ est le rocher, la pierre angulaire, serait en effet
un blasphème dans la bouche de l'un de nous. Mais quand le Christ parle, se
réservant le rôle plus glorieux d'architecte, où mal? Si ces savants n'étaient
est le
des critiques si avisés, on serait tenté de dire : Sanda
simplicitas! Il doit donc y
avoir autre chose. Ce texte est pour le protestantisme une véritable obsession (4).
Le mot de la fin sur l'exégèse. M. Spitta tient encore pour la survie du Christ
afin d'expliquer sa résurrection. C'est plutôt la survie des vieux systèmes qu'on
croyait mis à mort par Strauss.
E. Catholiques et protestants se rencontrent dans le champ de la critique textuelle
et les groupes s'y forment sans tenir compte des confessions.
M. Erwin Preuschen (-5) approuve fort la méthode de Vogels qui fait dériver du
Uiatessaron deTatien les leçons harmonisantes des mss. syriaques sinaïtique et Cure-
ton. Et il maltraite fort Mrs Lewis qui avait maintenu contre Vogels l'antériorité de
la version sur Tatieu. Je ne puis que renvoyer à ma longue recension de la thèse
de Vogels (g;, que les arguments de Preuschen ne rendent pas meilleure. Qu'on en
juge par un cas qui a paru décisif à ce critique. Le texte grec critique est pour
Me. 10, 21 u-ayE, Scîx "s/si? -coXyitov, pour Lc. 18, 22 TiavTa ojx 'e^siç -oiXrjaov, pour
(1) Zur Révision der Principien der neuleslamenllicheii Texlkrilik. Die lîedeutung der Vulgate
fur den Test der katliol. Briefe u. der Anteil des Hieronymus an dem Uebersetzungsweik,
Leipzig, 191G.
(-2) Der Spruch ûber Petrus cils den Felsen der Kirche, Berlin, 1918.
[S] Theol. Lit.-Zeit.. tiilO, c. 197 s. Les arguments censés traditionnels de Harnack sur l'omis-
sion supposée par Ephrem Mœsinger), un païen dans Macaire et Origéne avaient été réfutés
d'avance par M. Dell dans la Zeitschrift fur die neulest. Wiss., 1914, 1-49. Ce savant tient après
Dibelius |iour l'authenticité dans le texte de Mt., mais Jésus ne saurait avoir prononcé ces
paroles, emiiruntées à des conceptions populaires les portes de l'enlér ne prévaudront pas
:
contre l'Éiilise des patriarches au moment de la descente de Jésus aux Limbes, Pierre pourra
lier et délier les incantations des esprits, etc. De la sorte M. Dell n'a pas à imputer à l'église
romaine une falsification qu'elle n'aurait pu faire prévaloir en Orient.
(4) Die Aufersiehung Jesu, Gôttingen, 1918.
(5) Theoh Lit.-Zeit., I91.J. c. 30.-;.
iCj RD.. 1012, |). -2^4--29V.
BULLETIN. 299
Mt. 19, 21 Gnays -ojÀr^aiv aoj -t. j/iâp/ovTx. L'ancienne version syriaque a dans les
trois cas 1) O-ays, -ojÀr.jov n<£vTa Sî7. É/Et; '2). Elle a donc harmonisé quelque peu,
et cette leçon est celle du Diatessaron arabe. Mais voici ce qu'allègue M. Preuschen :
Ephrem a lu j-ays, -ojXyiiov -«vtx t* ûnap/ovra aou. Voilà une leçon vraiment
harmonisante, et ce serait celle du Diatessaron! — Si cela était, Preuschen aurait
prouvé que la version syrienne ne s'en est pas inspirée! Quant à la cause de la légère
harmonisation de l'ancienne syriaque — au détriment de Mt. — il n'y a pas à la
chercher bien loin. 07a à lui tout seul peut être traduit par « tout », par exemple
Mt. XIII, 44. Du moins Preuschen a-t-il refusé de conclure à l'influence du Diates-
saron sur D et les latins, et prié Vogels de tenir compte de ce fait que Tatien s'ap-
puyait sur des textes existants qui ont pu laisser des traces ailleurs.
On apprend avec regret que l'édition du >. T. que Gregory semblait tenir toute
prête n'existait même pas à l'état de travaux d'approche dans les manuscrits qu'il
M. Alfr. Rahifs poursuit toujours l'entreprise commencée d'une édition des Sep-
tante.11 a publié un catalogue des manuscrits grecs, avec une description (5;.
le plus singulier c'est qu'il n'en tire pas toujours la conclusion qu'il faudrait, comme
lorsque SixaaTrjç est simplement juge {Richter) et ôvi/.6c meule
traduit supé-
rieure, etc. Mais c'est beaucoup que d'être renvoyé aux bons endroits. On se
débrouille ensuite.
La RB. a marqué des réserves (8) sur la découverte par M. Hrozny d'une langue
indogermauique sous les cunéiformes de Boghaz-Kani. découverte qui avait excité
tant d'enthousiasme. M. Bartholomae l'a mise en question (9;.
Cette revue rapide ne saurait donner une idée du travail très actif qui s'est fait en
Allemagne, mêuiie pendant la guerre. Je me suis efforcé de l'écrire sans aucune ani-
mosité nationale. Mes amis d'Espagne m'ont reproclié d'avoir été injuste envers les
Allemands dans les conférences sur le Sens du ChrisUanisme. Ce serait une mauvaise
excuse de dire que la préface en a été écrite le malin où Paris était bombardé pour
la première fois par une pièce à longue portée. Je ne crois pas que cet attentat ait
inlîué sur ma pensée. Je disais seulement que les Allemands s'étaient montrés vrai-
ment trop dédaigneux de ce que font les autres. Nous avons toujours rendu compte
de leurs ouvrages, et c'est un fait que nous passions en France pour leur être beau-
coup trop sympathiques. Ce n'est pas que l'école biblique de Jérusalem soit incon-
nue en Allemagne. Mais vraiment le dédain est de trop quand il n'empêche pas
l'emprunt [L.].
L'auteur a pris soin de renvoyer aux ouvrages qu'il citait. C'était indispensable.
Nous croyons qu'il eût pu faire plus. Si bien conçus et exécutés que soient ses
ouvrages, ils ne peuvent assurément satisfaire ceux qui auraient le goût et le loisir
d'étudier les thèm.es plus à fond.
Ne lui a-t-on pas demandé souvent ces indications spéciales? Il semble que ce serait
rendre un service que de dresser sur chaque sujet important une liste d'ouvrages,
non pas tirée des catalogues ou rédigée dans une bibliothèque, mais une liste des
livres qu'on estimerait vraiment utiles.
M. Rendel Harris ennemi des paradoxes, et il sait les appuyer sur des
n'est point
conjectures (3). que les premiers chrétiens ont
C'est ainsi qu'il suppose avec raison
dû avoir de très bonne heure un symbole de foi, qui les distinguât du judaïsme.
Rien n'empêchait qu'il fût écrit. Et il est possible qu'il ait existé de très bonne heure
un recueil de prophéties ^Témoignages) destiné à prouver que Jésus-Christ avait été
annoncé dans l'Ancien Testament. Où M. Rendel Harris entre dans la fantaisie,
c'est lorsqu'il soutient que le premier recueil de ce genre entendait prouver avant
tout que Jésus était la Sagesse de Dieu. D'où ce nouveau paralogisme que la pre-
mière foi des chrétiens ignorait complètement la Trinité.
Il était vraiment superflu de proposer tout cela au peuple chrétien comme un
(l) C'est tout un Cours de religion. Apologétique, avec une Préface de S. Ém. le Cardinal Mer-
cier; petit 8° de vin, 3"6 pp. Bruxelles, Dewit, 1913. —
Dogmatique, 640 pp., li)18; de plus, Précis
d'apologétique, lU pp., 1917; La divinité de Jésus-Christ. in-)i> de l.'iS p|i., 1919.
(!2) € Que dirions-nous d'une généalogie ainsi conçue Roljert le Diable engendra Guillaume
:
en passant que la Trinité est clairement enseignée dans Je Nouveau Testament. Que
l'ouvrage anti-juif des Témoignages soit attribué par Papias à Matthieu l'apôtre, c'est
une nouvelle explication de Papias qui n'a guère chance de prévaloir.
Nouveau Testament. —
Le commentaire de M. Erich Ivlostermann sur l'évan-
gile de saint Luc 1) Venu après ceux de saint xMatthieu
a été retardé par la guerre.
et de saint Marc, il marque, semble-t-il, un progrès dans l'emploi des sources grecques
à peu près contemporaines. C'est une excellente explication philologique, très claire,
malgré une extrême concision, mais à la condition de prendre son parti de cette
brièveté qui exige une constante attention. 11 n'y a pas d'introduction, et il faut le
regretter. M. KIostermann nous renvoie à Wendland Die urchrist lichen Literatur-
:
formen, avec lequel il est d'accord pour l'essentiel. C'est plus que maigre comme
référence, et M. KIostermann aurait sûrement traité les questions avec plus de modé-
ration et de nuances. Il ne faut que comparer ce qui est dit des deux parts de l'épi-
sode de la pécheresse ^I.c. vu, 36 ôo;. Sans avoir rien d'un apologiste, xM. KIoster-
mann n'est pas de ceux qui jettent à la tète de Luc limputation d'erreurs lourdes,
il justement reconnu l'existence d'un Lvsanias d'Abila, autre que celui de
a très
de Josèphe [2]. 11 eût pu citer la nouvelle inscription si péremptoire produite par la
Revue biblique. Mais ce n'est pas son habitude de citer des auteurs étrangers à la
Kultur (3). En revanche Dalman, par exemple, est cité (p. 603; pour deux ou trois
lignes insigniflantes, à propos d'Emmaiis, alors qnon eût pu alléguer des travaux
plus complets et spéciaux. Il arrive même que deux écrivains allemands sont
cités (p. .567; à propos de Le. xxi, 18, tandis que leurs articles ont pour objet
le V. 30.
Ancien Testament. —
Exode. La question de l'itinéraire des Israélites à la sortie
d'Egypte a un pas, car M. J. Clédat semble bien avoir découvert le site de
fait
Filw.khiroth ^4). Chargé d'une mission archéologique dans la partie voisine du Canal
de Suez, qu'on peut appeler le désert syro-égyptien, M. Clédat a d'abord relevé les
stèles déjà signalées, entre autres deux stèles de Rasmsès II. L'une d'elles était située
au sud-est de la station Genefeh du chemin de fer d'Ismaïlia à Suez. Non loin de là,
et toujours sur ce sol rocailleux que les Arabes nomment Abou Has'^a, près de la
route des caravanes qui va du sud au nord-ouest, le distingué explorateur a su
reconnaître à certains ressauts de terrain l'existence d'une construction. Les fouilles
ont mis au jour les ruines d'un ancien édifice rectangulaire qui couvre environ
(1) Handbucli zum neuen Testament, Zweiter Band, Die Evangelien, Lukas. Tiibingen. 1919.
p. 3S'J-61-2.
(-2)La note sur le recensement de Quirinius est Iteaucoup moins trancliante que la disserta-
tion de Schïirer.
(3) Cependant Vincent, Canaan, est cité p. 434.
;i) Notes sur V isthme de Suez, extrait du Bulletin de Vlnstitut français d'archéologie orien-
tale, t. XVI, p. -201-228. Du même auteur Pour la conquête de l'Egypte, même volume, p. 189-
:
302 REVUE BIBLIQUE.
200 mètres carrés, et qui avait servi de temple et de poste fortilié. C'est doue un monu-
ment d'un haut inte'rêt, antérieur à Ramsès II. Ce qui nous regarde, c'est qu'il était
consacré à la déesse Hathor, et que M. Clédat y voit le nom égyptien Pn-Haijtjierit,
« la maison de la déesse Hathor », qui peut sans difficulté être Pi-IIakhirôt. Déjà
Voici maintenant comment M. Clédat comprend l'état des lieux au temps de Moïse.
Le seuil de Chalouf, " contrairement à l'opinion émise, ne barrait pas entièrement
l'isthme ; il s'arrêtait, avant le percement du canal, au bord occidental de la dépres-
sion isthmique, laissant un étroit chenal permettant aux eaux de la mer de péné-
trer dans les lacs. On voyait encore dans la première moitié du xix'^ siècle, avant le
percement du canal, les fortes marées couvrant d'eau, jusqu'aux lacs, les terres
Pourquoi Moïse n'aurait-il pas mis là une première station? Il semble plutôt que ce
lieu aide seulement à fixer Pihakhirot en deçà de la mer. Inclinant toujours à dresser
un Ba'al sur une hauteur, j'indiquerais volontiers le pic du Djebel Chalouf, que les
Hébreux auraient laissé à droite.
Mais c'est surtout à propos d'Etham qu'il me paraît difficile de suivre M. Clédat. Il
(1) L'ilinéraire des Israélites du pays de Gessen aux bords du Jourdain, RB., l'jOO, p. 63 sp.
BULLETIN. 303
Mais les discussions sont trop souvent stériles, les découvertes procurent des points
acquis, et c'est de quoi il faut rendre grâce à l'heureux et habile archéologue [L.].
préface que le traducteur de quelques cantiques de la Bible est très au courant des
travaux sur la poésie biblique et qu'il a même mis à profit les anciennes versions pour
corriger le texte massorétique. Précisément parce qu'il a commencé par établir les
lois des strophes et du parallélisme, il n'eût pas du mettre en tête de ses cantiques
le récit sublime, mais en prose, de la création du ciel et de la terre. L'a-t-on jamais
chanté à Sion?
Et comme le cantique de David sur Saùl à Jonathas est le dernier dans l'ordre
chronologique, on se demande pourquoi non pas ces cantiques sont ceux de Sion et
simplement d'Israël. La traduction est soignée et l'auteur est assurément compétent.
Les notes sont insuffisantes, même pour expliquer les partis embrassés. Et, quelle
que soit la compétence de l'auteur, il est beaucoup de sens qu'il n'eût pas trouvés s'il
ne les avait lus quelque part. Alors pourquoi ne pas le dire (2}?
(1) H. Pérennès, Professeur au grand séminaire de Quimper; 8° de 11-43 pp. Paris. Beaucliesne,
les trois strophes. Le verset U est manifestement le commencement de la strophe qui suit. —
Dans le maschal d'Hésébon, il eût bien fallu se garder de faire disparaître les noms proiires -kr,
Nopiiah. La traduction des Septante révèle seulement une faute fréquente chez les traduc-
teurs, de prendre les noms propres qui ne leur disent rien, pour des noms communs. Dans le
cantique de Débora, « depuis le Sinai » (Jud. 5, 3) ne peut être le sens de l'hébreu; au v. H on
ne comprend guère les justices de Dieu envers les campagnes. Budde avait du moins mis les
campagnards.
(3 .1, A. Knudtzon, Die El-Amaraa Tafeln, -2 vol. in-8 (VII + 1614 pp.). Leipzig, Hinrichs, 1908-
191.J.
,4 RB. 1908, oOO SS.; 1909, iiO SS., 368 SS. ; 191.3, 3G9 SS.
304 REVUE BIBLIQUE.
traduit toutes les lettres. Les annotations dont il émaille sa transcription prouvent
avec quel soin il avait revu tous les originaux. La liste des signes douteux ou diffi-
ciles à lire, qu'il a voulu reproduire autographiquement à la fin du vol. I (p. 1001-
1007), montre à quel degré de scrupule il en était arrivé, dans son souci de l'exacti-
tude. C'est un exemple que feront bien de suivre les éditeurs de textes. Et pourtant,
çà et là, quelques signes ont pu encore être rectifiés. Une édition des originaux con-
servés au Musée de Berlin (1; a permis à M. Schrœder de faire des corrections (mais
combien rares!) aux lectures de Knudtzon. On les trouvera dans VOrientalistische
Literatur-Zeitunçi, 1915, col. 231 s.; 1916, col. 138; 1917, col. 105. C'est dans la
même revue (1916, 181 que M. Ungnad a publié quelques rectifications à la tra-
ss.)
duction. Elles ne font pas double emploi avec celles proposées par Ebeling dans la
seconde partie de l'ouvrage p. 1584 ss.). Si l'on compare l'interprétation de Knudtzon
avec celle que Winckler avait donnée "en 1896 (dans Keilinschriftliche Bibliothek.
vol. Vi, on saisit sur le vif les progrès de l'assyriologie en ces vingt dernières années.
Peu de passages se montrent encore rebelles à l'interprétation .'Le st3le de cette cor-
respondance entre les Pharaons d'Egypte, les monarques de Babylone, les roitelets
de Syrie et de Palestine, est admirable de pittoresque, de vie et parfois de bon-
homie. Ces traits sont bien rendus dans la traduction. Tous les textes alors connus
ont été étudiés. Mais, depuis l'apparition de l'ouvrage, voici que des textes nou-
veaux ont été acquis par le Louvre et seront incessamment livrés au public par
M. Thureau-Dangin (2). Ils apporteront certainement des précisions à notre connais-
sance de l'histoire et de la langue de Canaan. Déjà les remarques de AVeber, dans les
pp. 1009-1357, tirent des lettres tout ce qu'elles recèlent d'intéressant pour la géogra-
phie et l'histoire. Les derniers travaux parus sont mis à contribution avec un rare
souci de ne rien laisser dans l'ombre. La dissertation sur l'empire du Mitanni
(p. 1039 ss. et p. 1070 s.) sera certainement complétée par l'exploitation des maté-
riaux contenus dans les textes de Boghaz-keuï dont la publication est en bonne voie (3).
Ces documents jetteront encore un jour nouveau sur l'exposé de l'histoire des Hittites
telle qu'elle est reconstituée dans les pp. 1086-1092. Weber évite parfois de donner
(1) 0. ScHR(«DEu, Die El-Amarna Tafeln, 11<= cahier des Vorderasiatische Schriftdenkmûley
1013).
(2) Cf. Comptes rendus de l'Académie des Inscriptions et Belles-Lettres, 1918, p. 10'» s.
(3) Keilschrifltexte aus Boghazichdi, fasc. 1-3, par Figilla et Weidnek, Leipzig. Hinriclis, 1910-1019.
BULLETIN. 305
également à Weber, qui a groupé ces noms en trois catégories : noms de personnes,
noms géographiques, noms de divinités. A propos des noms de dieux signalons que,
dans une lettre ds Rib-Addi de Byblos (n" SI, 1. .03-, vol. I, p. 40fi s.), les syllabes
transcrites A)i-da-mu-ia (sans traduction) doivent être lues
(ilu) Da-mn-ia mon «
ne pouvait laisser à son correspondant le choix entre une série de valeurs qui
sont, d'ailleurs, des
identifications proposées par les théologiens. Le malheur est
que nous ne sommes pas encore absolument sûrs de la lecture phonétique de l'idéo-
gramme Nin-ib. Suivant l'hypothèse la plus probable pour le moment, cette lecture
devrait être nanmrla. S'il y avait eu un "laiTT^n, Beth-Nemrod, à proximité de
Jérusalem, nous en posséderions l'équivalent exact dans Bit-Namurta. Remar-
quons, en passant, que notre lecture Bat-ru-na (Batroun), au"*li"eu de Be-ru-na, est
maintenant admise définitivement. Il a fallu à Ebeling une grande patience pour
cataloguer alphabétiquement tous les mots qui se rencontrent dans les lettres. Son
index sera un auxiliaire précieux pour l'étude de ces formes verbales et nominales
(babylonien mélangé de Cananéen), qui sont parfois accompagnées de gloses emprun-
tées à la langue de Canaan. Non content de nous donner un véritable dictionnaire
d'el-Amarna, Ebeling a groupé, sous des rubriques spéciales, tous les mots cana-
néens, égyptiens, mitannites ou hittites. On ne négligera pas les quelques corrections
signalées à la p. 1609, non plus que les dernières suggestions de Knudtzon à propos
de la liste des noms propres dressée par Weber (p. 101.3 s.).
L'ouvrage, ainsi remis vingt fois sur le métier, se présente dans les meilleures
conditions et répond aux exigences les plus sévères de la science philologique. Il
Ce n'est pas sans émotion que nous avons reçu la thèse de M. G. Ryckmans sur
« Les formes nominales en babylonien » qui a valu à son auteur le grade de docteur
en langues sémitiques de l'université de Louvain (3). Cette thèse avait été achevée
avant la guerre. Mais M. Ryckmans, chassé de sa ville d'Anvers par l'invasion et
remplissant,dans l'armée belge, ses fonctions de prêtre et de soldat, avait dû
abandonner son manuscrit à des mains amies qui en prirent soin et réussirent à
qatal. Xès schémas, qur*j!ifëludent à chaque chapitre, sont une synthèse de cette
dérivation. On voit ainsi clairement comment du thème qatula (forme verbale
arabe) se déduiront les formes qatul, qatùl, qutul, qutûl. qitul, qatl et qull. La
logique des langues sémitiques est bien mise en relief. Il ne s'agissait pas,
pour l'auteur, de rechercher le sens de tel ou tel mot babylonien (c'est l'affaire de
la lexicographie, mais de faire toucher du doigt comment le sens du mot était
une conséquence de la forme adoptée. C'est essentiellement une « étude de
grammaire sémitique comparée ». Elle fourDiTa" un guide sérieux aux étudiants
qui voudront pousser un peu leurs études de philologie comparée. De plus en
plus, la connaissance de l'assyriendu babylonien devient indispensable aux
et
donne pas cette branche pour laquelle il possède, comme le prouve sa thèse, les
qualités de précision et d'investigation qui sont requises. Il faut qu'il renoue la
chaîne avec le -3 juin 1914, date à laquelle il signait la préface de sa thèse, dans
1) Uecueillis dons Scuonr;, Urkv.nden des AUbabyl. Ztvil — u.nd Pro:,ess)-echls, Leipzig.
Uinriclis, 1913.
nir.LLTIN. 307
Qu'il nous soit permis de féliciter chaudement M. Michel T. Feghali pour son
très bel ouvrage sur « Le parler de Kfar Abida ». Le titre (1) ne doit pas donner
le change. Si le savant linguiste a étudié, de préférence, le dialecte de ce petit
village maritime, situé à 2 kilomètres au nord de Batroun, c'est parce que c'est son
village natal et parce qu'il était à même d'en mieux connaître l'idiome. Mais, en
réaUté, les constatations phonétiques et morphologiques, entassées avec une grande
impleur d'information, valent pour tout le Liban et, bien souvent, pour la Syrie,
\ compris la Palestine. Plus on étudie les différences qui caractérisent les parlers
de Damas, de Beyrouth, d'Alep et même de Jérusalem, plus on s'aperçoit que ce
sont des différences accidentelles. Il existe un arabe syrieû, parlé dans les milieux
citadins, un arabe des campagnes, parlé chez les fellahs, un arabe du désert, parlé
cîîez les Bédouins. La divergence est plus considérable entre la langue d'A'in-karim
et celle de Jérusalem qu'entre la langue de Jérusalem et celle de Beyrouth. C'est
principalement dans la prononciation que cette divergence est sensible. Les gens de
Bethléem et de Saint-Jean pfemotjcent le k (Mf comme un tch, ce qui les rend
ridiculesaux gens de Jérusalem. Ceux-ci prononcent le q [qdf] comme un '{hamza)
exactement comme à Beyrouth et à Alep, tandis que le Bédouin de la Transjordane
le prononcera q. rejoindra ainsi le nomade de l'Iraq-el-'Arab et rappellera la plus
ancienne prononciation du q à Babylone, où l'on disait gaggadu pour qaqqa'lu etc..
La prépondérance des musulmans à Bagdad, Mossoul et Damas a sauvegardé davan-
tage la prononciation qu'on pourrait appeler coranique. La Syrie occidentale, la
Phénicie et la Palestine, plus accessibles à la pénétration étrangère, surtout dans
les villes, ont certainement une langue commune et c'est celle que nous recon-
naissons très facilement dans l'arabe de Kfar Abîda. Voilà pourquoi le travail de
M. Feghali dépasse la portée de son titre modeste. Ce n'est pas seulement un « essai
linguistique sur la phonétique et la morphologie d'un parler arabe moderne », mais
un exposé didactique des transformations subies par l'arabe classique dans la langue
syrienne d'aujourd'hui. Une
connaissance de l'arabe vulgaire (sa langue
parfaite
natale) et de l'arabe littéraire, une idée très précise des influences syriaques sur
les dialectes actuels, d'excellents principes de grammaire comparée, dus surtout à
phonétique du parler de Ivfar Abîda, comme celle de tout parler caractérisé, forme
un système rigoureux où tout se tient ^doctrine de Meillet] » (p. 132). La morpho-
logie traite successivement du verbe, du nom et du pronom. Nous aurions préféré
voir traiter le pronom avant le verbe, à cause du rôle que jouent les préfixes
pronominaux à liniparfait et les afîormautes pronominales au parfait. Le type du
(1) Le parler de Kfar 'Abida (Liban-Syrie), Essai linyuislique sur la phonétique et la iHor-
phologie d'un parler arabe moderne par Michel T. Fei;hàli, docteur es leUres, professeur
(l'arahe à l'Institut colonial tle iîordeaux. In-8 de xv -f- 307 pp. Paris, Leroux, 1019.
308 REVUE BIBLIQUE. .
selon sa vocalisation) est, à ses S*^^ personnes, le type parallèle à l'impératif (le sujet
n'exprimant plus le besoin, le désir, la volonté, mais simplement le fait). Les autres
personnes du parfait se constituent alors par la simple adjonction des pronoms
personnels comme terminaison, ces pronoms se substituant au sujet de la 3^ personne
et faisaiit corps avec le verbe. De même pour
le nom, nous aurions aimé à ce que
la dérivation, traitée dans les pp.^ 227 commençât par les thèmes à transfor-ss.,
mation purement vocalique et les ramenât aux schémas généraux tels qu'ils sont
reconstitués dans la thèse de M. Ryckmans signalée ci-dessus. Nous aurions pu
suivre ainsi le mot depuis sa naissance à l'état de verbe jusqu'à sa maturité à l'état
de nom simple et enBn~jus'qïi"'â" ses rejetons^ que nous trouvons dans les formes
avec âffbrmantes, informantes et préformantes. C'est le vrai processus logique, car
il ne s'agit pas de ranger les formes chronologiquement, puisqu'elles ont toujours
coexisté. Pour terminer, disons que ce qui nous a le plus déconcerté dans cette
utile et savante grammaire, c'est la multiplicité des lettres employées pour les
consonnes et les voyelles. Nous avons compté 14 signes spéciaux pour les voyelles
brèves non accentuées. Ajoutez-y les voyelles brèves accentuées, les voyelles longues
(avec ou sans accent) et vous aurez une idée de l'effort que doit faire le lecteur
pour ramener à un son connu la voyelle écrite. Sans doute on peut s'y familiariser.
Mais les massorètes, qui sont nos meilleurs guides pour le vocalisme hébreu (peu
différent du vocalisme de l'arabe syrien ou palestinien), se tiraient parfaitement
d'affaire avec un système moins compliqué. Vouloir arriver aux dernières nuances
possibles de la voyelle e ou o par exemple, c'est oublier que la prononciation des
voyelles se différencie non seulement de ville à ville, mais même d'individu à indi-
vidu. Il nous semble qu'on peut ramener les sons de l'arabe vulgaire à des types
voisins de la ponctuation massorétique : a, â, é, è, ê, i, î, o, ô, u, ù, sans oublier e
(le sewa). Inutile alors de faire composer des signes spéciaux qui déroutent le lecteur
aussi bien que le typographe. Quant aux consonnes, remarquons que les aspirées
sont bien rendues par la transcription ordinaire; mais l'auteur distingue deux n,
deux r, deux 1, rend le son ph par un f (spirante labiodentale sourde) ou par un o
(p syriaque spirantisé), multiplie les indices au-dessus ou au-dessous des lettres et
pour la science, à plus de simplicité, en prenant pour base l'alphabet arabe clas-
sique et en indiquant, une fois pour toutes après chaque lettre, les modifications
que la prononciation vulgaire fait subir à l'ancienne. C'est le parti auquel s'était
résigné Wahrmund dans son Praktisches Hcmdbuch, si utile et si commode pour
Nous voudrions que M. Feghali
étudier l'arabe de Syrie. s'inspirât de ce volume
pour nous donner un bon manuel de l'arabe syrien. Il est mieux qualifié que
n'importe qui pour ce travail. Il pourrait alors laisser de côté l'apparat scientifique
BULLETIN. 300
P. Dhorme.
Palestine. —
Le Pi. P. Jérôme Golubovieh, O. M., poursuit avec diligence sous
forme de chronique l'étude des sources et des faits relatifs à l'action des Franciscains
en Terre Sainte et dans tout l'Orient 3 Le tome III dont la guerre avait retardé la
.
Etude sur les cmprunls syriaques dans les~parlers arabes du Liban par MicHF.r. T. Feghali
i;
Nous ferons remarquer [p. 1, n. 2) que l'ancienae forme de Botrys (aujourd'liui Batroun)
yi]
nesi pas Bozruna, mais bien Batruna dans les lettres d'el-Amarna cf. ci-dessus le compte :
P. de Civezza dans Le missioni francescan (III, p. 325 s.) Ces itinéraires, en consé-
quence, pourraient être assignés à quelques années plus tard que la fin du xm" siè-
cle.Leurs dates cependant ne seront guère fixées avec certitude que lorsque les
rapports de ces compositions avec Marino Sanuto et le texte attribué jusqu'ici à
Odoric de Pordenone arriveront à être nettement établis. Il faut ajouter en efïel que
l'itinéraire que nous avions l'habitude, depuis l'édition de Laurent, de citer comme
l'œuvre d'Odoric ne serait en réalité qu'une copie remaniée par ce Franciscain d'un
texte de la seconde moitié du xiii<^ siècle qui lui aurait servi de guide lors de son
pèlerinage. L'auteur en voie de rectifications supprime en 1310 et en 1328 deux
gardiens du Mont Sion qu'il avait introduits dans sa Série chronologique des supé-
rieurs de T. S. sur la foi du peu critique Calahorra. D'autre part il revendique
pour Raymond Etienne O. P., qui devint évêque d'Éphèse, la paternité du Bii'ec-
lorlum ad passaghim faciendum (1), projet de croisade adressé à Philippe VI
de Valois, en 1332, par un dominicain qui avait été longtemps missionnaire en
Arménie. L'itinéraire de fr. Pépin de Bologne O. P. retient quelque temps l'attention
du P. G., à cause de l'indication des sanctuaires où les Latins pouvaient dire la
messe en 1320. Mais c'est à tort qu'il croit que ce document a été publié pour la
première fois par le comte L. Manzoni en 1896. car nous le trouvons chez Tobler
{Dritte Wandertmg nach Palastina, p. 400-12) qui l'a édité en 1859.
Le présent volume réédite les itinéraires qui sortent sans conteste d'une source
franciscaine. On y lira en entier le pèlerinage d'Antoine de Crémone à Jérusalem
(1327) et au Sinaï (1330, ; c'est la troisième édition de ce texte. Mais la perle de ce
tome III de la Bibliothèque bio-bil)liographique est sans contredit l'itinéraire jusque-
là mal édité du franciscain irlandais Syraon Semeonis qui se place en 1323 et non
en 1332 comme le veut Rôhricht {Bihl. geogr. Palaest., p. 72 A l'exemple du pèlerin .
1) Publié flans le tome II des Historiens arméniens des Croisades sous le nom de Brocard.
Kohler qui a fait justice de cette attribulioa tiendrait pour Guillaume Adam, évoque de Sulta-
nieh, mais le P. G. met en avant une bonne raison p. iOS. vi. '^i pour donner la préférence à
Raymond Etienne. Cf. ROL., XII, p. 10'* ss.
BULLETIN. 311
allemand. On en rit beaucoup à Jérusalem, sauf les quelques personnes qui pren-
li; p. 219 : 1)1 ipsa nanique cicilale summe ciget scientia théologie" et phiiosophica. quum
ipsarum nutrix est, H aliariim artium liberalium mater, et magistia justitie, ulique libéra
morum nonna, et Oreviter omnium virtutum moralium atque theologicarum spéculum et
Jucerna.
2 ' Avec xir planchas, par l'abbé Cliaries Mommert, docteur en théologie et chanoine du
-épulcre à Jérusalem, missionnaire apostolique et commandeur de l'Ordre S. et M. du Sainl-
- Iiulcre. •.
312 REVUE BIBLIQUE.
nent les injures pour des arguments (1). Le bon chanoine avait esquissé uue sorte
de triple alliance, qui ne lut pas plus solide que l'autre (2). Les Israélites étaient
appelés à la rescousse; ils se dérobèrent (3).
Voilà encore trop de lignes sur ce sujet. Mais quoi ! On nous accuserait de faire la
Sépulcre; examen nouveau d'un vieux frohlème (4). Son but restreint est de recher-
cher si du sanctuaire actuel est vraioient celui de la Crucifixion et de la
le site
l'auteur a quelque pratique des textes, et même dans les cas où leur discussion
pourrait être plus serrée y a plaisir à retrouver du sens commun dans une
(5), il
enquête que les romans mythologiques des Heisenberg, des Kuemmel, des Schmaitz
et de tant d'autres ont encombrée à profusion. La discussion « topographique » est
plus précaire, parce que les observations directes de l'auteur ont été fatalement
limitées aux éléments assez rares demeurés accessibles aux époques où il visitait
(i; M. Tliomsen, tout en déplorant « un certain parli-pris » dans ce livre qu'il trouve d'ailleurs
circonspect [umsichtùj), utile (nûtzlich) et plein de résullats fort appréciables Wertvolle Ergeb
nis), lui consacre une très grave recension dans la Zeilschr. des deut. Pal. Vereins, xxxvii-
lt>U, p. -20i ss. Pour une réfutation mctliodique et patiente, voir la longue série d'articles de
M. l'abhé Heidet dans la revue du Verein calJiolique de Cologne, Dus heilige Land, des années
VM-> ss.
(2) On
se peut renseigner là-dessus dans le pittoresque chapitre intitule « Protestes motivés, :
de pari des Franciscains, des Jésuites et des Augustins... > Franciscains et Jésuites sont globa-
la
lement représentés par le » P. Fiorowicli S. J. », dont on soupçonnait peu la spéciale compé-
tence. Quant aux Augustins, ils auraient déposé les armes pour ne pas exposer leur « sanc-
tuaire... de S. Pierre » (p. 208). Le seul P. S. Vailhé demeure un champion désintéressé du
« rocher traditionnel •. Il ne peut qu'être llatté d'être si laigement exploité et solidarisé avec
Momniert, Fiorowicli et > l'Église grecque de Jérusalem. •, chaudement applaudie d'avoir marqué
sa foi par " la construction... d'un oratoire » (p. 282 s.) authentiqué par la i)etite supercherie
qu'on omet seulement de rappeler: cf. RB. I!)07, p. 607-011. Voici d'ailleurs un renfort inespéré
a cette Triplice. Grâce à « La Providence... un nouveau champion, le R. P. Nunzio, 0. F. M...
entra en lice avec une brochure anonyme en italien » {p. 211). On l'a connue et elle ne déparait
pas cet arsenal, pour rester dans les métaphores militaires dont raffole le chanoine silésien. —
Si le P. Nunzio ne paraît pas avoir été assez fier de son f'actum pour le signer, son allié tient
fermement à y épiiigler son nom (voy. p. riO, 72, l't5, 146, 211) à tout propos.
(3) Pour éclairer le problème du lieu où les Juifs auraient lapidé les condamnés, le bon
chanoine s'est donné le soin d'adresser une supplique au « Très Révérend Grand-Rabbin des
Juifs de Jérusalem ». Et comme il y avait mis des formes. —
« Mon Très Révérend Père... Je Vous
par le menu l'étrange conception que s'est faite naguère M. Heisenberg du Saint-
Sépulcre constantinien. Il y a lieu de l'estimer avantageux quand cette préoc-
cupation fait naître un ouvrage tel que celui de M. A. Baumstark sur Les cdifices
de Modeste et de Constantin au Saint-Sépulcre de Jérusalem (I). Un sous-titre très
explicite avertit que ce livre va s'employer tout entier à « un contrôle des résultats
auxquels ont abouti les recherches de Heisenberg ». L'archéologie n'intervenait pra-
tiquement à peu près pour rien dans ces « recherches •
. Or comme le problème est,
ressortir l'inanité. Mais pour la catégorie des lecteurs qui saisissent mal la valeur
des données matérielles, ou qui ne s'intéressent pas à des vestiges d'architecture ou
à des éléments de topographie fatalement minutieux et délicats à manier, les spécu-
lations littéraires deHeisenberg pouvaient demeurer impressionnantes aussi long-
temps qu'on ne les aurait pas montrées caduques. Et c'était une tâche d'autant plus
lourde que la thèse était réellement érudite et que la réfutation d'un sophisme ou
d'un paradoxe exige toujours plus de développements que ce paradoxe ou ce
sophisme. C'est fortune qu'elle n'ait pas effrayé M. B., car nul n'était mieux que lui
en mesure de la mener à bonne fm. Rompu à la critique des textes et parfaitement
informé de cette documentation où des sources excellentes se mêlent à de siniples
racontars de pèlerins et à de la rhétorique tendancieuse, il reprend avec une patience
imperturbable tous les textes auxquels Heisenberg avait trop souvent fait violence
pour les plier à sa théorie, ou qu'il interprétait à la légère. Non content d'ailleurs
de démonter ainsi pièce à pièce tous les appuis de cette théorie, Baumstark éclaircit
en maint endroit des données littéraires qui n'avaient pas encore été suffisamment
approfondies et verse au débat quelques informations nouvelles. L'écueil d'une telle
étude est de tomber parfois en arrêt devant une phrase ou un simple mot pour en
une donnée que son auteur soupçonnait apparemment fort peu (2). Mais
faire sortir
quand on il ne reste vraiment rien debout de toutes les
a lu attentivement ce livre,
arguties de Heisenberg. Ce qui n'empêchera manifestement pas son malencontreux
ouvrage d'encombrer longtemps encore le sujet dans certaines écoles où la fantaisie
mythologique est toujours prise d'emblée pour de l'archéologie et de l'histoire cri-
tiques. On s'étonne que M. B. n'ait pas inséré dans sa remarquable étude un plan
des monuments de Modeste et de Constantin qui en faciliterait grandement la
lecture.
célérité avec laquelle a été réalisée leur -publication (3). La section d'archéologie,
(1) Die Modeslianischen und die Konslantinischen Baulen am heil. Grabc zu Jérusalem,
dans les Studien zur Gescli. und Kultur des Attertums, t. Vil. In-8" de xi[-n4 pp. Paderborn ,
Schoningh, 1915.
(2) C'est le cas en particulier du petit chapitre p. 136-141) où B. clierclie ù déduire d'un passage
où Éthérie parle du rassemblement des fidèles in basilica, quae est loco iuxla Anastasim,
foras lamea, l'existence d'une sorte de « salle d'attente où commence la psalmodie nocturne
•>
avant que les portés du sanctuaire soient ouvertes. De même, p. 14" s., dans les computs de pas
chez divers pèlerins.
,3) Coiifjri-s français de la Syrie. Séances et travaux: fascic. gr. in-S"; I. Section éeono-
't
314 REVUE BIBLIQUE.
histoire, etc., présidée par M. Babelon, a été particulièrement active et le volume qui
enregistre ses travaux comprend une vingtaine de mémoires pleins d'utiles infor-
mations. Citons seulement au liasard : L. Bréhier, Les oritjincs des rapports entre
la France et la St/rii'. Le protectorat de Charlemagne [p. l-S-SS); M. Piliet, Les pre-
mières recherches historirjues dans la région de Mossoul. — Les sites antiques et les
monuments historiques (p. 40-62); E. Duprat, Les relations de la Provence et du
Levant, du V' siècle aux Croisades (p. 75-98} M. Clerc, Souvenirs d'un séjour en ;
Syrie en... 1882 (p. 126-130; C. Huart, Les frontières naturelles de la Syrie (p. 139-
;
pot, La question d'Orient en Syrie dans r Antiquité et à l'heure actuelle (p. 170-173);
L. et P. Murât, Les ruines franques en Syrie et en Palestine (p. 188-195; : Babelon,
Trois voyageurs archéologues en Syrie : le duc de Luynes,Louis de Clercq, le mar-
quis de Vogfié (p. 217-224). Le vol. contient une bonne Carte des intérêts français du
Levant en I91i.
La publication est complétée par un beau vol. de M. P. Masson. Eléments d'une
Bibliographie framais'' de la Syrie (1;, présenté avec une modestie charmante dans
l'espoir « qu'il stimulera les curiosités et qu'il donnera une nouvelle impulsion aux
recherches de tout ordre »... (p. xvu. On saura
iiré au savant qui affrontait la
tâche de réaliser un tel ouvrage en peu de mois d'avoir lourni un aussi utile ins-
trument de travail, sans s'efl'arer que des critiques moroses lui puissent chercher
chicane pour quelques lacunes, aussi fatales que peu regrettables dans la plupart
des cas.
Le bulletin de mars-avril 1919 (2) des Comptes rendus de l'Académie des Inscrip-
un important mémoire de M. Clermont-Ganneau sur
tions et Belles-Lettres contient
La mosaïque juive de 'Ain Douq 'd. RB. 1919. p. 532 ss.). Le texte est ainsi traduit :
Soit en bon souvenir le pharnas Benjamin fds de Joseph (Yôseh). Soient (aussi) e)i
hon souvenir quiconque prête assistance et (quiconque) a donné, ou donnera pour ce
Lieu Saint, soit or, soit argent, soit toute [mitre) valeur. — Qu'ils ne (?)... ent
pas leur redevance? pour ce Lieu Saint. — Amen! — Le Lieu Saint est considéré
comme la synagogue de la localité et cette localité ne serait autre que Noorath
bibhque, laxwjAY, >=apâ de Josèphe, No'oran du Talmud et No:po: des auteurs hagio-
graphiques. La mosaïque est datée de l'époque byzantine, 111--1V siècle. Tant que
subsistera quelque espoir de voir enfin déblayer avec méthode ce monument curieux
et si plein de promesses, il serait prématuré de discuter plus à fond ce qui demeure
encore hypothétique dans l'interprétation des éléments connus.
On trouvera dans le même bulletin 01 une notice du prince M. Soutzo sur L(,'.<
Sons le titre La cité de David M. il. Weill vient d'inaugurer, dans la Revue des
études juives (t), le « Compte rendu des fouilles exécutées à Jérusalem, sur le site
de la ville primitive. Campagne de 1913-1914 ». Cette première partie ne comprend
que r « Introduction archéologique et documentaire >>, consacrée à définir le site
initial de Jérusalem sur la petite colline orientale, l'évolution graduelle de ses rem-
parts, les installations hydrauliques dont elle fut successivement pourvue, les « loca-
compte une sorte de gorge, incisée dans le plateau », qui aurait mis
l'existence d' «
«en liaison le haut des pentes des deux vallées » Tyropœon et Cédron (2;. Si les
bases topographiques de Millo en cette situation sont bien précaires, dans l'état
actuel de nos connaissances, les déductions exégétiques destinées à le corroborer le
sont beaucoup plus encore. « Fermer la brèche », dans le texte hébr. de I Rois xi,
27 est déclaré dissemblable des LXX et de la Vulgate. Le coaequavit voraginem
de Vg., qu'on traduit rempart » (?
« il é(.jalisa, p. 27) et le grec tjvéxXs;-
unifia le —
•7£v on en déduit • l'existence d'une ver-
TÔv opayuiôv sont estimés plus techniques et
sion hébraïque perdue qu'ils auraient eue sous les yeux, et qui, en place de « fermer
la brèche », portait « parachever la clôture de l'enceinte » (p. 27}. Ceci ne relève
plus d'aucune exégèse et d'aucune philologie. Les termes yiD et vorayo, pour ne
rien dire de çcayiAÔç. s'équivalent à peu près aussi exactement que possible, dût la
théorie que l'allemand Schlucht ne veut dire ni ravin ni vallée s'en trouver com-
promise. Sur la nomenclature des canaux qui captèrent successivement les eaux
réserves précautionneuses que de droit, est parfaitement conforme aux éléments topograpbiques
connus. Dans cette proportion il correspond au plissement du coteau et au dénivellement des
terrasses signalés dans Jérusalem l, p. 190. Seulement, par la suite on est amené à exagérer
cet « étranglement naturel de la crête » (p. -2', pour justifier l'énorme importance du Millo
« grande chaussée... pont massif sur remblai > :jbid.). C'est revenir éqaivalemment à la fameuse
qu'on doit « se reporter • est précisément ZDPV., v, 1882 p. 31", où Guthe allègue la vraisem- >
blance dass ursprvngUch eine das Tyropôonlhal mît dem Kidronthal verbindende Schlucht...
durchschnilten hat. C'est Gutbe lui-même qui a souligné son assertion. Si le terme allemand
Schlucht veut dire « Rien autre chose que... sillon de crête, et nullement, à e«up sûr, une
• vallée » transversale reliant ïyropœon et Cédron au travers de la colline (WnL!., op. l., p. li >•
n. I), il suffit de s'entendre. On demande seulement alurs une traduction qu' ne ferait pas
injustice à la phrase intégrale de Guthe.
316 REVUE BIBLIQUE.
îaphes dont il serait cependant désirable d'avoir des fac-similés tels quels, au lieu
de transcriptions typographiques pas toujours assez sûres. ]N"" I -j- Qr^v.-t\ 'kiotLpou
o'.vo-pafaToj] x(ai) ^MaToo'vxï Ya[x=-?;; ctjv TÉxvot;, Tombeau d'Isidore le marchand de vin (?)
et de Matronas sa femme avec {leurs) enfants. — N" 2 : T. 4», 'Iepwvup.£ -/priatè xal
aÀj-s yaTpE. 'Etôjv y.6'. C'est la formule des épitaphes d'époque hellénistique ou
romaine. La suivante paraît de nouveau chrétienne, n" 3 Qr^/.r^ à6x ©sotsV.vou : +
Sia/.(ûvoj) -xpafxovapi'oj —. Si la lecture est à l'abri d'incertitude l'expression i^j.
et cupules n'ont rien de très caractéristique. Plus intéressantes sont les marques
en forme de grandes lettres V et E gravées sur une paroi rocheuse au 52Mvilom.
sur la route d'Hébron à Ddherii/eh. Le V rappelle des marques semblables à Jéru-
salem et aux environs, à Tell es-Sâfyeh, etc.: des groupes analogues ont été trouvés
en Grèce par exemple, quoique l'époque n'en soit pas facile à préciser. — J. Offord :
Plaii d'un migdol, découvert par M. J. Clédat non loin des Lacs Amers, sur la rive
sinaïtique. Cette découverte éclaire très utilement sur la structure et l'ordonnance
de ces fortins de type asiatique dont les Egyptiens avaient appris à connaître les
avantages et qu'ils surent utiliser pour couvrir leur frontière orientale. Le migdol
renfermait une chapelle au couple divin Sutek-Hathor = Ba'al et Astarté, à l'usage
du poste cantonné en ce lieu. — E. J. Pilcher : Sceau avec inscription en hébreu
archaïque, lue : isn "''jTN p cV^yS.. A Chalom fds d'Adoniah Kkeper, le dernier
mot demeurant sans explication ferme après diverses hypothèses : [fils de] Kheper.
le Khépérite, etc., fort peu satisfaisantes. Le sceau est en la possession de M. RalTaeli,
qui l'a lu : lai ~i:"iN p nSilS. On reconnaît tout de suite le document signalé
naguère avec de si mirifiques commentaires {RB . 1920, p. 136). Comme 11 n'est pas
au-dessus de tout soupçon, mieux vaut attendre que son authenticité ait pu être
contrôlée pour s'attacher à en discuter la lecture. — J. Ofîord : Notes arch...: le
La « contradiction ou... lacune dans les renseiajnemenls « qui embarrasse Aveill lop. l. p.T8,
(1)
n. dans les relevés de Vincent pour le canal II est d'une solution élémentaire. Les 7:2 métrés
3)
du canal II furent déblayés en 190.'>, malgré des difficultés exceptionnelles. La galerie latérale
qui vient recouper ce canal à 33 mètres seulement du point de départ dans la caverne de la
•<
source >, bien que soupçonnée en 1009. ne put être déblayée que dans les derniers jours de
la campagne de lOii. Les circonstances ne permirent point alors de reprendre et de pousser
plus avant le dégagement du canal II qu'elle aurait singulièrement facilité.
(2 T. XV, 19-20, p. 145.
BULLETIN. 317
Zeitschrift des DP Vereias, XXXVII, 1914, n°= 3-4. H. Klein, Le climat de Palestine
sur la base des anciennes sources hébraïques. — M"'^ L. Einsler, La poterie fabriquée
XL, 1917. — P. Thomsen, D^s unlliaires romains des prormces de Sijric, Arabie
et Palestine (avec cartes); revision et synthèse d'un matériel dispersé à l'infini;
occidental. —
G. Richter, Le Tpalaia rof/al salomonieu. élude exégétiqne visant à se
compléter par le « matériel archéologique et topographique existant ». Le texte
de ï Tlois 7 1-12 n'est guère étudié à fond; comparer par exemple la critique
superficielle du y 6, à propos de la Salle d'attente du trône avec RB., 190.5, 2.58 ss.
est le haut-lieu de Gabaon (cf. RB.. 1892, p. 4.55). Mais on ne voit pas du tout
qu'il ail une notion claire de ces fameuses installations dans le roc, apparemment
beaucoup plus tardives que tous les sanctuaires cananéens possibles. P. Schwartz, —
Néby Sama-'il dans une description de Mouqaddasy (cf. RB., 1912, p. 269). —
E. Wiedemann, A propos du prodige du feu sacre. G. Seybold, Diplôme de —
pèlerinage délivré par le Gardien de Terre Sainte au bénédictin suédois B. Oxens-
tierna, le 29 mai 1613. H. Guthe, — A propos de l'ivraie dans le froment. —
Blanckenhorn. Pluies de l'hiver 1917-8. — Bibliographie.
XLII, 1919. —
H. Fischer, Géographie économique de Syrie, avec d'excellents
diagrammes cartographiques. — K. Schmaltz, Les trois cavernes mystiques du
Christ : la Nativité, renseignement aux disciples, le Sépulcre, ressasse du déjà vu. —
G. Dalman, « L'église du Saint-Sépulcre » d'après K. Schmaltz. A. Alt, Vnc —
inscr. funéraire de Bersabée. — Lient' E. Schaffer, Carte des environs de Damas et
BULLETIN 319
l'icinarques sur cette carte qu'il a dressée en 1913 pour servir aux manœuvres de
l'armée turque. — Bibliographie.
bas Laïul dcr BIbel. — Cette publication, inaugurée en 1914 par la Société
allemande de Palestine cf. BB., 1914, p. 624 s. , sous la direction de M. le prof.
G. Hôlscher, s'estnombreuses monographies. On en a signalé
enrichie d'assez
naguère le caractère et la méthode. Dans le vol. I, fasc. 3, M. Schwôbel achève
son utile esquisse physique de la Palestine (i;. I. 4. ]>L R. Hartmann, La —
Palestini' -^ous les Arabes, 632-1.316 (2): précis bien informé et très pratique. I^nc
excellente amélioration est constituée dans ce fascicule par la présentation de
quelques notes bibliographiques essentielles, groupées dans les dernières pages. —
I, 5-6. M. S. Killerraann, Lk fleurs de la Terre Sainte « échantillons botaniques
d'un voyage de printemps à travers la Syrie et la Palestine >> [o); caractérise à
grands traits la botanique particulière au Liban, à la région Damas-Haurân, à la
(3) Die Blumen des tieitigen Landes: ii -j- 33 pp. et 10 fig., I!il3.
(4) Dentimuler PaUistinas aus der Zeit Jesu, 3!) pp., l'JlG.
(o) Arculf. Eines Pil'jers Reise nacli dem fieil. Landes [ton C70)... ûbers. tend erldart. i-2 -4-
venus à Jérusalem nouveaux textes relatifs à la création publiés par Ebeling dans
les
[\. D. L. R.]
Le Gérant : J. Gabalda.
qui va suivre.
Gomment expliquer ce fait, qui est précisément Ténigme de toute
la critique textuelle?
syr.-vet. n'est pas celle de Ta, elle n'est pas pour cela à qualifier de
syro-latine ; il faut plutôt se demander si elle n'est pas originale.
I. — Le Diatessaron de Tatien.
(1) Ta-jô' ûfj.ïv, avSpcç "E/.^rive;, 6 xoc:à papgàpo-j; ç;i),oa03Ûv TaTiavô; cvviTaça, yevvr.O-i;
(ikv £v TT) Tà>v 'Aaavpitov y^ (Discours aux Grecs, c. XLII).
(2) Épipu. Ilaer. XLVI, 1 Jérôme,
; Chronique, éd. Scboene, p. 173.
LANCIEXNE VERSION SYRIAQUE DES ÉVANGILES. 325
soin qu'il y ait dans toutes les églises un évangile des distincts (ou
séparés), et qu'il y soit lu (i). »
Donc, quoi qu'il en ait été d'abord, Tatien passait en Orient pour un
c'est comme un nom étranger qu'il fallait expliquer (1). Si, comme
nous le pensons, il n'existait pas alors de traduction syrienne des
quatre évangiles, la question ne se poserait même pas, car Tatien
n'aurait pas tout traduit pour faire son choix et négliger le reste. Et
l'onne conçoit pas non jdIus qu'un homme comme lui, chef d'école à
Rome, esprit supérieur et très épris de sa supériorité, se soit mis à la
remorque d'une traduction syriaque et n'ait pas travaillé d'après les
originaux. Celui qui prétendait améliorer le grec de saint Paul enten-
dait bien manipuler directement les quatre qu'il voulait mettre en un
seul. Aujourd'hui encore, qui voudrait composer en français une
synopse sérieuse, devrait d'abord grouper les passages d'après le
grec. Et Tatien pensait, écrivait en grec. Qu'il ait fait ou non la
traduction lui-même, il parait plus que probable qu'il a travaillé '
(I)La traduction de Yllistoii-e d'Eusèbe en syriaque, qui date du iv° siècle, s'exprime
ainsi « Ce Tatien donc, leur premier chef a groupe et mélangé et composé un évangile,
;
et la nommé Diatessaron. C'est celui des mélangés, celui que beaucoup de personnes ont
jusqu'aujourd'hui. » On croit voir le choix des passages, leur rapprochement, les sutures.
Le traducteur ne dit pas comme Eusébe : « Je ne sais comment. » Il est témoin de la dif-
fusion de l'ouvrage. Déjà les séparés sont connus, puisque le Diatessaron est l'évangile
des mélangés. Mais nous sommes à la fin du iv° siècle.
L'ANCIENNE VERSION SYRIAQUE DES ÉVANGILES. 327
restreint. Pourquoi donc Soden a-t-il imcaginé de lui faire une part si
grande dans la transformation des textes? C'est que cette hypothèse
lui est nécessaire pour soutenir sa thèse. Ses recensions H, I, K doivent,
par leurs éléments communs, le ramener à un texte H-l-K régnant
au m" siècle, encore très pur, et il faut bien trouver une cause aux
altérations que l'on constate dans les manuscrits. Comme ces altéra-
question, n'en souffle pas mot. Il faut descendre jusqu'en 530 environ,
au temps de Victor, évoque de Capoue, pour entendre parler de
Diatessaron.
Il tomba sous les yeux un ouvrage de cette sorte, à ce qu'il
lui
faite; on peut dire cependant qu'on n'en a signalé aucun qui soit sur
un type différent du Fiddensis, dont l'influence peut passer pour
négligeable si on la compare à celle du Tatien syriaque.
Nous n'avons plus le Diatessaron syrien, et le ms. Fulcleusi.'< n'en
est pas la reproduction. Heureusement nous en avons une traduction
arabe, par un nestorien du xi*" siècle, Abou-1-Faradj fils de af-Tayib,
publiée par le Cardinal Ciasca (1;, d'après deux mss. égyptiens, A du
(1) Taliani evangeliorum Harmoniae arabice, nunc piimum ex duplici codice edidit
et translatione latina donavit P. Augustinus Ciasca, Romae 1888.
(21Die Ueherlieferung cler arabischen Ueberselzung des Diatessarons von Dr Sébas-
tian ELniNGEB. —
Die Beirutcr Fragmente, herausgegeben und ùbersetzt von Dr Georg
Graf, dans les Biblische Sludien, XVII, 2 (1912).
(3) Dans The Journal of Iheol. Studies, XII (1911), p. 268 ss., dora Connolly a
voulu
prouver que Talien a confondu dans un même récit le malade de Bethesda et le paralyti-
que de Capharnaiim, confusion que ne commet pas l'arabe. Mais la confusion était tout
au plus, dans l'esprit de Jacques de Sarug dont l'bomélie compare l'humanité à un para-
lytique elle doit être sauvée par le bapléme, ce qui amène le malade de la piscine.
;
(4) Il est cité ici d'après la Palrologia sijriaca, vol. I et IF, édition de M»' Graffin,
Paris, Didot, 189i. La traduction latine de dom Parisot manque parfois de précision.
LWNCIENNE VERSION SYRIAQUE DES EVANGILES. 329
(Mt. m, 16); le signe dans l'atmosphère (Mt. xvr, S^-S); l'esprit nou-
veau (Le. IX, 51-56) (ï) l'ange et la sueur de sang (Le. xxii, 43-4i)
; ;
finale de Marc (Me. xvi, 9-20), tous passages attestés non seulement
par la version arabe (5), mais encore (6) par les citations des anciens
Pères syriens. Ces passages faisaient assurément partie du texte lu
par Tatien, et ils se trouvent tous dans les textes occidentaux au sens
propre, c'est-à-dire D et les versions latines, ou du moins dans quel-
ques témoins.
Sur ces points, que vaut le témoignage de Tatien? Est-il seulement
un écho de lOccident, ou un témoin de l'église d'Antioche ou
d'Édesse? Le premier endroit est le plus significatif, précisément
parce que le passage n'est pas authentique. Il faut que Tatien l'ait
(1) Evangelii concordaïUis exposUio fada a Sancto Ephraemo doctore syro in lati-
num translata a H. P. loanne Baptista Alcuek mechitarista, cuius versionem emendavit»
adnotationibus illustravit et edidit Dr Georgius Moesixger, Venetiis, 1876. — Cité Moes.
avec la page.
pris en Occident, ou que les mss. latins l'aient pris à Tatien ou qu'il
3-77^967; h). -M 'Iipoâvy; (3). N'est-il pas plausible de conclure que Justin
lisait ainsi à Rome dans le texte de saint Matthieu? Son disciple
Tatien puisait aux mêmes sources. aura emporté en Syrie un ms.
Il
(1) Quumque ex lumine super aquas exorto et ex voce, etc. (Moes., p. 43).
(2) « Et incontinent, comme l'atteste le Diatessaron, une grande lumière brilla, et le
Jourdain fût entouré de nuages hlancs et l'on vit plusieurs troupes d'êlres célestes chanter
des louanges dans l'air; et le Jourdain s'arrêta tranquillement dans sa course, ses eaux
n'étant pas troublées, et il en sortit une odeur parfumée. » Isho'dad de Merv (vers 850),
dans Horae semiticae, v, édité et traduit par Mrs Gibson, Cambridge, 1911. Il est diffi-
cile de penser que tout cela se trouvait dans Tatien. Ailleurs on ne trouve guère que la
lumière -/.al s.Wj; T.£Ç)ié'/.'X[i.'hi tôv tôttov ^ùç ixiya 'Hvang. des Ébionites, d'après Épiphane,
:
Haer., \xx, 13); cum haptlzarelur. ignem super aquam esse vlsum (dans \a Praed.
Pauli, d'après le Pseudocyprien de rebaptismale, c. 17). Rien de plus significatif que ces
variations d'un trait apocryphe, comparées à la stabilité relative des textes authentiques
(Cf. Zahis, Forschungen, i, 67-125; Gesch. des nevles. Kan., i, 450).
des passages qui attiraient vivement l'attention s'ils n'eussent pas été
admis par l'église régulatrice d'Antioche.
Il faudrait donner ici quelques échantillons du procédé de Tatien.
33); Jésus livré aux Juifs et non aux Gentils, pour rejeter la faute
sur le peuple d'Israël. Mais il n'est pas certain que Sin représente
ici Tatien. Ce ne serait pas une contradiction de marquer de l'aver-
(2j A StucUj of Codex Bezae, dans Texts and Studies, vol. II, Cambridge, 1891.
(3; Bibl. Stud., xn, 5, p. 48 s. Vogels cite encore y^oxpirat de Cur, au lieu de aâvt/.o!.
(Sin), Mt. M, 7.
Toutefois il n'est pas certain que ce trait lui ait appartenu. Nous
trouverons dans Sin une aversion pour la nudité qui s'explique peut-
être par un scrupule encratite. Et n'est-ce pas pour .cela que Jésus
était debout (1) en parlant à la Samaritaine?
VIII, 3; XVI, 15-xvii, 11; xx, 24-xxi, 20; xxviii, 7; Me. i, 12; Me. i,
44-11, 21; IV, 17-41; V, 26-vi. 5; Le. i, 16-38; v, 28 -vi, 11; Joi, 1-25; i,
47-11, 15; IV, 38 -V, 6; v, 25-46; xviii, 24; xviii, 31-xix, 40. L'édi-
tion de Mrs Lewis est notablement en progrès pour certaines lectures.
On attribue généralement le ms Cur au v"" siècle, assez tard. Le
syrsin serait plus ancien, peut-être même de la fin du iv^ siècle.
Le seul que chacun des deux mss. ait pu être noté en variantes,
fait
(1) Sin, mais non Cur ajoute « se tenant debout » [et parlant]. Eplirera semble gloser
cette leçon : ut nos doceret, in verilate firmiter consistentem, conturbari non posse
(.1/065. 140).
(2) Evangelion da-Mepharreshe, The Curetonian Version of the four Gospels, wilh
the readings of Ihe Sinaï Palimpsest and the early Syriac Patristic évidence, Vol. Text; I
(3) The old syriac Gospels or evangelion da-Mepharreshc, being the text of Ihe
Sinaï or Syro-Antiochene palimpsest, including the latest additions and emendations,
with the variants of the Curetonian text, corroborations frora many other mss., and a
list of quolations from ancient authors, London, 1910.
F.'ANC1ENNE VERSION SYRIAQUE DES ÉVANGILES. ;J33
mais toutes ces leçons se trouvent dans Hort (2), le plus court des
textes critiques.
Or beaucoup de critiques ont un penchant pour les textes courts,
penchant en partie justifié par la tendance bien connue de compléter
les évangiles les uns par les autres. Si donc on regarde Sin comme
27; XXII, i3-44; xxiii, 10-12; 3i; xxiv, 40; Jo. v, 3^4 (dans une
lacune de Sin, mais trop courte pour admettre rinsertion;) 12; xii,
8; XIV, 10.11-14.
Ces omissions ne sont que le trait principal. Il y a des transposi-
tions propres à Sin, des additions, grand nombre d'harmoni-
un très
sations. Enfin c'est toute la critique textuelle qui prend un autre
cours si Ton admet comme Merx que le texte de Sin est celui qui nous
rapproche le plus des originaux (1), et il sera difficile de contester
son autorité s'il représente un texte antiochien antérieur au Diates-
saron.
Le Sin aura encore un très grand poids si on le tient comme le
(1) Merx, Die vier hanonischen Evangelien 7iach ihrem altesten behamiten Texte...
Berlin, 1897.
L'ANCIENNE VERSION SYRIAOLE DES ÉVANGILES. 335
meurée cachée, ignorée. Mais alors quelle preuve a-t-on de son exis-
tence? Un pareil travail n'avait pas été fait pour demeurer sous le
boisseau.
Les arguments qu'on oppose sont tirés de la valeur du ms. Sin, car
c'est bien lui qui est en cause dans l'état actuel de la question (1).
(1) Après avoir suggéré quel'e pouvait être du temps d'Eusèbe, Gressrnann linit par
admettre l'ordre syrus velus, Tatien, Sin-Cur, Pes; cf. Siudien zum sijrischen Tetra-
:
à sa manière. Nou^ reviendrons sur Me. xvi, 3. 4. Quant à Jo. xviii, 15-25, Sin a trouvé
le moyen de mettre Jo. d'accord avec les synoptiques par une légère transposition. C'est
si simple et si satisfaisant que l'on est fort tenté d adopter ce texte (CL Comment, du
P. Calmes). Mais s il avait existé avant Tatien, pourquoi aurait-il choisi une autre har-
monie? Car il a suivi Jean selon son ordre ordinaire et regardé la séance chez Anne
comme la séance de nuit, bloquant Me avec ML et Le. pour mettre au matin la séance chrz
Ca'iphe.
.
A supposer donc que Sin représente l'ordre original, il l'a trouvé quelque part et em-
ployé pour améliorer Tatien.
Qu'il y ait dans Sin ([uelques leçons très séduisantes, on ne le nie pas. Mais elles ne
sauraient prouver qu'il est antérieur à Tatien.
M. Gressrnann (p. 151) a penché dans ce sens, déterminé par l'argument de M. Hjelt :
quelques traductions de Sin-Cur sont moins bonnes ([ue celles de Tatien, conservées sou-
vent par la pes. Or les traductions vont normalement en s'améhorant par l'abandon des
contresens, des à peu près, etc. M. Gressmann cite ziar.y.o-^afir, vj ôer^aiç, cov (Le. i, 13;,
:
parfaitement traduit par Ta. e.iaudila est deprecalio tua, comme en fait foi Aphraate. Cette
traduction une fois écrite, comment aurait-on eu l'idée de traduire comme Sin : « Voici,
Dieu a entendu la voix de ta prière >.? C'est cependant bien simple. La « voix de la
prière » est fréquente dans les psaumes (xxvn, 2, 6 etc.), elle est venue sous la plume de
Sin. Cela, je le confesse, est assez pou fidèle; mais c'est le cachet de la traduction,
le sens étant sauL Et qu'une mauvaise traduction puisse remplacer une bonne, on le voit
dans Pes. sur ML xiv, 19 s'asseoir par terre », bien rendu » sur l'herbe » par Ta et
; <(
svr. vet.
336 REVUE BIBLIQUE.
Mais cela est plus que contestable, attendu que ces allusions vont
de Mt. IX à Mt. xiii, puis à Mt. vu et v, et que Tatien (arabe) suit le
même mouvement ascendant et descendant.
Ou serait plutôt tenté d'attribuer à Aphraate la connaissance de
textes évangéliques syriens autres que Tatien parce qu'il cite la
généalogie de Mt. qui n'était pas dans le Diatessaron. Mais peut-être
avait-on suppléé à cette lacune évidente, comme c'est le cas du ms.
A du Cardinal Cîasca, et en tout cas le texte dAphraate se rapproche
plus de la Pescbilta que de celui de Sin, puisqu'il lit avec elle
-iV2s et pli- au lieu de n:uN et pi-i-.
Mrs Lewis (3) a considéré comme évident qu'Aphraate a cité
Mt, xxiii, 13 d'après Sin, lorsqu'il a écrit (vu, 11) :« Écoutez encore,
(4) Nous avons bien7plulùt icFun cas de mauvaise correction de Cur par Sin. En effet
Cur lisait « Vous qui fermez », employant le verbe ~r!N qui, plus ordinairement signifie
:
« tenir ». Le copiste de Sin l'entendant ainsi a ajouté « les clefs » pour aboutir à un non-
sens. Un indice de l'antériorité de Cur c'est qu'il dit royaume de D'eu avec Ta (arabe, au
lieu de royaume des cieux, corrigé d'après le grec.
REVUE BIBLIOLE 1920. T. XXIS. — 22
338 REVUE BIBLIQUE.
giles séparés! — Sans doute! miis ce texte des Actes suivi par
M. Burkitt est de cinq siècles postérieur à celui (du v* s.) dont
Mrs Lewis a retrouvé des fragments au Sinai. Or dans le palimpseste
du Sinaï, le souper et la noce sont absolument mélangés, comme
dans Tatien. Voici ce texte décisif « Au souper j'ai été invité et je
:
pnissé-je en être digne, et qu'on ne lie pas mes mains et mes pieds,
et que je ne sois pas jeté dans les ténèbres extérieures (2). » On aura
noté le négoce, emprunté à Mt. xxii, .5, étroitement fondu avec les
excuses de Luc, exactement comme dans Aphraate (Dem. vi, 1) :
(1) Aphraate ne commence pas la deuxième partie comme Cur par sicut. 11 n'a pas et
nos péchés, mais c'est une addition propre aux Actes.
[2] Horae semiticae, Acta mylhologica apostolortim ; n° Ili, textes, p. 219; n" IV, tra-
elle porte des traces de l'ancienne version, c'est parce que le traduc-
teur Fa consultée ; ce n'est pas parce qu'elle avait un peu partout des
racines qui seraient venues au jour. Si donc nous parlons de l'an-
cienne version, pour faire comme tout le monde, c'est que nous la
croyons en elTet antérieure à la Peschitta, mais rien ne serait plus
faux que d'imaginer deux versions qui auraient eu cours successive-
ment, comme ce fut le cas pour les Latins. Officiellement nous ne
connaissons en Syrie que le Diatessaron et la Peschitta.
Cela n'est pas pour faciliter la solution de la date de la version
ancienne. Puisque le ms. Sin peut remonter à la fin du iv*' siècle, ce
Sin et Cur sont la même version, qui date des environs de l'an 200.
Sin est antérieur, parce qu'il est le plus court. Peut-on concevoir une
communauté syrienne qui eût retranché d'une version existante des
textes aussi importants que l'ange et la sueur de sang (Le. xxii, 43-i4),
le pardon de Jésus sur la Croix (Le. xxm, 34) et la finale de Me. (xvi,
9-20), tous textes qui se trouvent dans Cur comme dans Ta? C'est donc
Cur qui a ajouté ces textes, non pas à la vérité d'après Tatien —
M. Burkitt le prouve très ingénieusement —
mais d'après le grec.
D'autres fois encore Cur a été revisé d'après le grec. Mais beaucoup plus
souvent encore il a été retouché d'après Ta., d'où les interpolations
harmonisantes.
Quant à Sin, il n'a pas été retouché d'après le grec, du moins à peu
près pas, et si ressemble plus à Ta que Cur, c'est que lui
parfois il
aussi, mais bien plus rarement, a été retouché d'après Ta. A part cela,
il représente un texte antiochien de la fin du ii'' siècle.
(1) N'ous modifions ici, et nous estimons corriger, ce que nous avions dit de trop absolu
en sens contraire, RB. 1912, p. 286.
l. — S in rapproché du grec.
possessions. »
£-i7TaTa(2) [bis).
Le. VIII, 31 y.ar, Trapey.aXcuv tj-z^; v/y. [j.r, s-riTa;-/; ajTOf-ç v.: rr;v xo'jiyio'/
(1) C'estdans ce sens qu'il faut entendre souvent ce qui est dit de tel ou tel ms.
(2) Le. V, 5 Sin et pesrabbi (Cur hiat); viii, 45 Sin Cur pes rabban; ix, 33 Sin pes
: : :
rabbi (Cur h.); ix, 49 Sin pes rabban, cm Cur; xvii, 13 Cur Sin pes rabban. Ainsi pour
: :
ce mot propre à Luc, que nous ne trouvons traduit ni dans Moes. ni dans Aphr., Sin et
pes sont toujours ensemble dans leurs divergences !
344 REVUE BIBLIQUE.
grec. —V. 52 Cur « à eux »; Sin (pes) « ceux qui étaient venus
: :
contre lui ». —
v. 58 Ciir « et après un peu de temps), un autre
:
(lit :Toi aussi, tu en es. Lui donc lui dit Laisse, ô liomme; je ne :
Jo. VII, 51 Cur avait mal compris le rôle de -.z TrpoTsciv est-ce que' :
Il est vrai cjiion peut citer des cas où Cur a des termes grecs qui
ne sont pas dans Sin. \ous conclurions simplement qu'alors c'est Cur
qui a été retouché. Car nous ne soutenons nullement l'antériorité
absolue de Cur, nous relevons seulement quelques-uns des indices
que Sin a été revisé. Encore la situation ncst-elle pas tout à fait la
même. Dans Mt. v, 15; Mt. xiv, 1 xviii, 7; xviii, 10, Cur a introduit ;
Cur aurait mieux gardé l'aspect primitif. Il semble que c'est un cercle
vicieux de les alléguer, puisque la question est précisément de savoir
s'ils sont primitifs ou adventices. Nous citerons cependant quelques
insigne, puisque c'est le Pater d'après Le. xi, 2-4. Sin a le texte court
des critiques, qui est incontestablement le bon, tandis que Cur a en
2. — Omissions de Sin.
Les omissions de Sin sont son meilleur titre à l'estime des critiques.
Et certes nous ne pouvons que l'approuver d'avoir éliminé beaucoup
d'harmonisations ou de tatianismes. Il est certain aussi que ni lui ni
Cur d'ailleurs ne contenaient cerlainesadditionsfàcheuses. Parexemple
dans Mt. v, ii Sin et Cur om. sjacy-'-î ~^'^i /.xTapw.asvijç 'j;j.aç et y.aXtoç
r^oiv." Tojç [v.Qcrnxz uixaç et £-::r,p£aCovTwv \>'^.7.z, y^-., qui avaient fait leur
chemin dans Tatien (Aphr. avait la première et la troisième) dans
D et dans plusieurs à Antioche, et même en Egypte avec W. Il
latins,
se pourrait que le ms. grec de l'ancienne syriaque ait été pur de
cette conformation à Le. vi, 27 s. Mais si quelques non-interpolations
sont louables, on ne peut méconnaître le penchant de Sia aux omis-
sions, penchant communaux traducteurs, et que M, Sanday a reconnu
dans k, sur lequel on voudrait appuyer les omissions de Sin. « C'est,
de Sin.
Il faut se mettre en garde contre les harmonisations, surtout d'un
évangile à l'autre, mais il faudrait changer toute la critique, non
Mt. IX. 34, om. Sin D a d k Diat. ar. — Mais cf. Mt. xii, 24: Me. m,
22 ; Le. XI, 15, etc. etc.
Les expressions pittoresques ou un peu redondantes sont naturel-
lement surtout omises dans Me.
Me. 1, 32 C'V.aç ce 7£v:;jL£vr,ç.
V, 4 Taç a).u3-s'.ç xa'. Tar r.iz-j.:.
Le. vn, 7 SIS cjos t\i.y:j-z^) y;;'.(.)7x -p:ç 7£ sXOe-.v difficilement en harmo-
nie avec Mt. viii, 5.
Le. VI, 40 7.aTY;pT',7;x£Vc;ç /.. -.. "/,. XI. 28 ;j.sv;jv. XX, 31 /.y.', 'j'.z: £'.7'.v Ozz'j.
Menues omissions : '.zz-j, -aA-.v. v/.t'.. £jO'jr (dans Me), roA/.a, •:TavT£ç
3i8 REVUE BIBLIQUE.
fait il omet Me. xiv, 51 sn 7j;j.v:j (fam. 1. c k)\ Jo. xxi, 7 r,v -;y.^
:
Hélas! il n'est que trop vrai! Mais c'est ce qui rend ces omissions
suspectes. L'amélioration d'ailleurs est dans le sens d'un style coulant,
mais plat. Avec Sin, il faut opter. Ou bien ce ms. représente un texte
bref indemne de toute surcharge postérieure ou bien c'est une traduc- ;
tion trop souvent par àpeu près, encore réduite par des copistes. On
n'harmonise pas seulement par des additions, et une traduction n'est
pas toujours une paraphrase. Sin s'en est tiré en omettant, et la
recette a paru bonne à ses copistes ou reviseurs.
3. — Arrangements.
Me. IV, 1 Sin (Cur hiat) : « Et il descendit (1), s'assit dans la barque
dans la mer, et toute la foule se tenait debout contre la mer. » De
cette façon Sin évite de dire que Jésus était assis dans la mer, et —
que la foule était sur la terre, ce qui allait de soi (cf. D et latt coddu
Voici ua tout petit changement, mais significatif. Sur Mt. t, 20^
Tatien avait traduit littéralement le texte incontesté : -z -^xp sv y:j-r,
Y£vvy;0£v £y. r.vvj[}.oc-z: î'tiv ayicj. Isho'dad (2) qui nous l'apprend nous^
dit en même temps combien les Syriens étaient embarrassés de -S*pn
qu'ils traduisaient : « ce qui est né ->.
seuls.
de Tatien?
V. 22 Sin et Cur ajoutent « Isaie », après « le prophète » avec D et
quelques latins.
V. 2i et s. Nous retrouvons Tatien et sumpsit eam... in sanctitate
:
(1) Aphraate, xxui, 20 : losepli cum Maria desponsata sibi, ambo de domo David.
(2) nS 13 leçon de Mrs Lewis contre Burkitt nS ~".
(3) Avec pa'-s
(4) Moes. 25. Il y avait je ne sais quel trouble dans je ne sais quel texte, car l'auteur
lisait aussi : habitavit cum ea in sanctilate et sumpsit eam, et s'étonnait de cet ordre
renversé.
I.ANCIENNE VERSION SYRiAnlE DES EVANGILES. 3ol
par Sin, avec k. Tatien ne suppose donc pas cette omission comme
veut M. Burkitt. Plutôt Sin constatant que " en pureté » n'était pas
dans le texte na pas voulu non plus de cette incise qui pouvait être
mal interprétée par rapport à la virginité future de Marie, comme if
avait changé le -p-.v du v. 18. De plus il remplace eam ou Marie par
« sa femme « avec le grec. Mais fidèle à son thème généalogique, il
-.zt zpo)T;TC7.:v.
pronom.
C'est bien, je crois, ce qu'explique M. Burkitt. Mais il prétend que
Sin, qui aurait écrit d'après le texte du groupe Ferrar, serait en
même temps la source de Cur. C'est presque contradictoire. Car si
Sin vient du texte et Ferrar, Cur en est certes plus voisin, ayant
rendu littéralement o> par « lui à qui ». C'est donc Sin qui a rem-
placé ce pronom par Joseph, et qui ensuite a pu croire qu'il se rap-
prochait du grec en en faisant le sujet de t-(z-rrr,ziv.
Nous avons ainsi la série des déformations :
332 REVUE BIBLIQUE.
Jacob engendra Joseph, celui à qui était fiancée la Vierge Marie, elle
qui enfanta Jésus-Christ. De même e. (Jésus-Christ (Messie) tout court,
avec k, selon la manière brève de l'ancienne syriaque). Enfin Sin :
Tel qu'il est ce texte ne peut être authentique. On peut même être
assuré, d'après la pratique constatée de Sin, qu'il n'aurait jamais
mis « fiancée » s'il n'y avait été obligé par la tradition représentée
par Cur. 11 faudrait donc aller plus loin, si on voulait retrouver sur
cette piste le texte primitif, et laisser seulement « Jacob engendra :
De toute cette comparaison il résulte bien que Cur est plus que Sin
conforme à Tatien. En pareil cas faut-il supposer que Cur a été déli-
bérément éloigné du texte syriaque et des textes grecs pour être assi-
milé à Tatien? ou n'est-il pas plus conforme à tous les autres faits
de regarder les leçons anormales comme découlant du premier con-
tact avec Tatien? De ce principe d'ailleurs il faudra conclure que Sin
est plus original que Cur dans son addition plus conséquente de « à
toi » et à lui » (21 et 25), qui n'était ni dans Ta ni dans le grec,
(1
[À suivre.)
Jérusalem.
Fr. M.-J. Laguange.
fl) T. II, p. 266. Je vois un indice de la même tradition dans le passage cité aussi par
Burkitt du ras. A du Gard. Ciasca « Jacob engendra Joseph, mari de Marie, qui d'elle
:
engendra Jésus-Christ. »
LES SYMBOLES PROPHÉTIQUES D'ÉZÉCHIEL
[.mite).
III
VISIOXS SYMBOLIQUES.
« 8. Et toi, Ois de l'horame, écoute ce que je te dis; ue sois pas rebelle. Ouvre
la bouche et mange ce que je vais te donner. 9. Et je vis, et voici qu'une main se
tendait vers moi, et elle tenait un rouleau écrit. Et il le déroula devant moi et il
était écrit sur le recto et le verso, et il contenait des lamentations, des mëdita-
tioDS et des plaintes, m. 1. Et il me dit : Fils de l'homme, maniie ce que tu
trouves, mange ce rouleau et va, parle à la maison d'Israël. 2. Et j'ouvris la
bouche et il me ût manger ce rouleau. 3. Et il me dit : Fils de Ihomme, que ton
ventre se repaisse et que tes entrailles se remplissent de ce rouleau que je te
donne. Et mangeai et il me fut dans la bouche d'une douceur de miel. 4. Et
je le
il me dit Fils de l'homme, va vers la maison d'Israël et tu leur diras mes pa-
:
roles... 10. Et il me dit Fils de l'homme, toutes les paroles que je te dirai, mets-
:
les dans ton cœur et écoute-les de tes oreilles. 11. Et va, rends-toi auprès des
exilés, auprès des fils de ton peuple et parle-leur. Tu leur diras : Ainsi a parlé le
Seigneur Jahvé, soit qu'ils écoutent soit qu'ils ne le fassent point...
Symbole. —
Personne ne s'est mépris sur le véritable caractère
de la scène. Tous les commentateurs reconnaissent que l'événe-
ment s'est passé en vision et que le prophète n'a pas eu à manger
réellement un authentique rouleau.
Remarquons toutefois que le caractère irréel de l'acte ne se
déduit pas de son impossibilité historique. Il n'est pas impossible
après tout qu'un homme absorbe un rouleau de parchemin. La
véritable raison est que ce tableau fait partie de la grande vision
inaugurale qui décrit la vocation d'Ézéchiel au ministère prophé-
tique. Du moment que les chérubins, les roues, le char, le trône,
la gloire de Jahvé ne se montrent qu'en esprit, la scène du livre
ne se passe non plus qu'en vision. « Personne ne prendra au sens
matériel cette saveur ni cette nourriture, dit Théodoret. De même
KËVLB BIBLIQUE 1920. — T. XXIX. 23
354 REVUE BIBLIQUE.
Moi aussi, je vais dresser un grand bûcher. 10. Accumule le bois, allume le feu,
retire la viande, 'répands la sauce' et que l'es os soieiit consumés (glose?;. II. Puis
dispose la chaudière vide sur les charbons, pour qu'elle s'échauffe, que son cuivre
s'embrase, que sa souillure se foude au dedans et que son vert-de-gris s'en aille.
12. Mais masse de vert-de-gris ne s'en va pas, le vert-de-gris ne s'en va pas par
la
le feu. 13. Ton impureté est excessive; puisque je t'ai puriflée et que tu n'es pas
devenue pure, tu ne seras pas purifiée de tes impuretés, que je n'aie assouvi sur toi
mon courroux. 14. C'est moi, Jahvé, qui ai parlé; cela arrive, je le ferai; je ne
lâcherai pas, je n''épargnerai pas, je ne me repentirai point; on te jugera d'après
tes sentiers et tes œuvres, oracle du Seigneur Jahvé.
(1) Où il est dit i[ue le rouleau, absorbé par saint Jean, fat doux à sa lou:/ie et
amer à ses entrailles.
356 REVUE BIBLIQUE.
(1) Pour cette traduction nouvelle, il n'a pas eu besoin de modifier le texte; il lui a
suffi de donner au verbe hébreu le sens authentique qu'il possède en d'autres endroits,
vg., Ez., xxn, 15, ôter, mettre de côté.
LES SYMBOLES PROPHETIQUES DEZECHIEL. 3o7
disparue, ou, s'il n'y avait pas d'explication, ils étaient de nature à
la suppléer, étant donné surtout que la figure de la chaudière et de
la viande était déjà familière aux auditeurs d'Ézéchiel cf. xi, 3, 7) (3).
De plus, à rencontre de Hermann, la fin de ce v. 6 Vide-la :
(1) En lisant plÇH "ï^")^ d'après les Septante qui ont : È/.aTTwflrî ô î;waô;, pour que
la sauce diminue {op. cit., p. 195).
(2) Peut-être est-il préférable de tenir pour une glose ces derniers mots, ([ui manquent
dans les Septante Hermann
(ita ).
[A suivre.)
Denis Bdzv, S. C. J.
(juillet 191i)
En contrat en règle fut conclu; l'argent déposé entre les mains d'un
tiers, et, le vendredi 3 juillet, à 1 h. 10 du matin, nous nous met-
tions en route.
La dernière dépêche venue d'Europe nous avait appris l'attentat
de Sarajeivo; nous étions loin de soupçonner alors quelles seraient
les premières nouvelles que nous recevrions un mois plus tard en
rentrant à lloms.
Jusqu'au village de Duma, la route ne fait guère que traverser des
jardins; au delà, la campagne moins bien plantée, quoique encore
fertile, tend peu à peu à devenir déserte.
A 5 h. 30, nous passons auprès du Khân el-Asâfîr où l'on remarque
une élégante coupole isolée. Ici commence une longue montée sur le
flanc oriental du massif que couronne le pic de Tenyet abou'l 'Ata.
A droite, la plaine s'étend au loin et semble en partie propre à la
culture, du moins au premier plan. Ene piste que les voitures pour-
3(30 REVUE BIBLIQLb:.
sur Demer.
A 6 heures, nous laissons au bord du chemin, à droite, une citerne
avec un escalier pour y descendre; la porte est surmontée d'une
inscription arabe donnant le nom du pieux haigi qui a fait creuser
cette citerne. Nous rencontrerons le long- de la route plusieurs
citernes analogues, aujourd'hui mal entretenues, bâties par de riches
et charitables musulmans.
A 7 heures, nous avons
atteint le sommet de la montée où se trouvent
les ruines informes du Khàn Matnah el-Ma'louleh avec une citerne et
de l'eau. La route descend à travers une vallée large de deux à
trois kilomètres dans laquelle est situé le village de Qeteifeh; nous
Nébek est une petite ville de 7.000 habitants, nous dit-on 'le chiffre
nous parait un peu exagéré sans compter les 2.000 qui ont émigré
,
par une corde ou une simple lanière de cuir nouée sur le devant.
Ces costumes richement décorés ressemblent à ceux des personnages
à demi étendus sur le devant d'un sarcophage ou sur une couche
funèbre dans les tombes de Palmyre. A travers les rues du village,
MELANGES. 365
une goutte (Veau avant le soir et il faut emporter de quoi faire boire
les chevaux en cours de route. Au sortir du village, on fait un
détour vers le nord pour éviter un passage difficile à travers le lit
d'un ouàdy. La plaine s'étend très loin au nord; au sud. une chaîne
de montagnes ininterrompue se dresse à plusieurs kilomètres de
peu à peu pour se rapprocher de nouveau en
distance, et s'éloignera
arrivant à Palmyre. Sauf en quelques rares endroits, le chemin est
excellent.
A 10 h. 25, nous nous arrêtons auprès des ruines de Qasr el-Heir
(fig. 2) où Ton peut reconnaître les restes d'un poste romain. Il y a
encore un pan de mur debout, haut d'une douzaine de mètres, ayant
appartenu à une tour de deux ou trois étages. L'appareil est monu-
mental et bien soigné. Voici la hauteur de quelques assises 0'",55, :
croire à une porte en dessous (1) (ûg. 4). Sur le devant de la clef de
voûte centrale était gravée au trait une croix aujourd'hui martelée.
Le bloc d'au-dessus entaillé au ciseau portait peut-être une inscrip-
tion ou un ornement quelconque. Un fragment de corniche gisant à
(1) Cette porte, très visible à l'intérieur où elle est surmontée d'un arceau, peut mesurer
l'",lO de largeur.
MELANGES. 367
--^
\ \
1M~
Fig. i. — Qasi; el-IIeip.. Voussoirs au-dessus d'un linteau de porte.
grande
^ floraison artistique de
-^
Fig. ti. — QAsn EL-HEir.. Fragment de corniclie
Palmvre. avec deux croix.
(1) Les habitants de la contrée emploient pour la chasse à la gazelle un procédé que
nous rencontrons pour la première fois. Sur le penchant dune colline ou dans un col
où ils facile de rabattre un troupeau de gazelles, ils construi-
estiment qu'il leur sera
sent en pierres sèches deux murs en forme de V, d'abord assez éloisnés, puis se rappro-
chant peu à peu. Quand ils sont sur le point de se rencontrer, ils s'ouvrent de nouveau
en éventail et forment un enclos arrondi, d'une cinquantaine de mètres de diamètre. Au
fond de cet enclos qui paraît ouvert, en face le débouché entre les deux murs, est
creusée une fosse large de deux à trois mètres et profonde de deux mètres environ. Le
troupeau de gazelles rabattu entre les deux murs poursuit sa marche devant lui et,
chassé vivement au dernier moment, se précipite vers la fosse dans laquelle tombent
toujours plusieurs unités.
MÉLANGES. 369
1) Voir plus loin quelques-uns de ces textes donnés par M. l'abbé Chabot.
372 HEVLE BIBLIQUE.
cette tombe, mais très différents; l'un dressé par Otzen en 1899 et
l'autre par les membres de l'Institut archéologique russe de Constan-
tinople en 1900. Le premier, reproduit par Sobernheim (Beitrâge
fur Assyr., IV, p. 215) et par Strzygowski [Orient oder Rom, p. 12)
est faux malgré les cotes qui y sont inscrites et qui pourraient donner
le change. C'est ainsi,, par exemple, que de la porte d'entrée au
fond du corridor, ou au fond de la pièce qui l'ait face à l'entrée,
il y a plus de 22'" alors que le susdit plan porte seulement 13™.
M. R. Savigivac.
3'i REVUE BIBLIQUE.
n
Pour répondre au désir du R. P. SaWgnac je donne l'interprétation
de quelques textes inédits rapportés par lui et par le R. P. Jaussen
de leur fructueuse mission à Palmyre.
La plus intéressante de toutes ces inscriptions nouvelles est celle
qui est gravée sur une borne miliaire (1). Elle nous fait connaître
le nom du père de la reine Zénobie, Antiochus. Comme ce texte est
l'objet, de la part de M. Clermont-Ganneau, d'une étude approfondie
et très développée, je m'abstiendrai d'en parler ici.
Kw T2nc 1:2
"i^
n
NnS[x]
(1) Déjà signalée par Waddington [Recueil, n" 2628); mais les premiers mots grecs
seuls étaient alors visibles.
MÉLANGES. 375
(1) Beitnifje zur Assyriol., IV, p. 212 . Cf. Rép. d'épigr. sém., n"' 30, 131.
(2) La forme Mavôagw/.eîwv, qui se lit dans une autre inscription (Vogué, Journ. as.
1883, I, p. 243) rapppelle mieux l'étymologie du nom propre': SlS~3n'2, contrarté en
376 REVUE BIBLIQUE.
nS "ilp "5- -1 . . . 3
UV2 Nnnn 5
in:r 1 6
[ 7
a exaucés ».
(1) 11 est rossible qu'il n'y eût qu'un seul nom exprimé, la dédicace pouvant être faite
par ( un tel et ses enfants ».
.
MÉLANGES. 377
(1) Ce suffixe l^Z (du pronom '["ij\x) est la forme régulièrement usitée clans le Targoum
d'Onkelos.
(2) Hist. Arianor., cap. 71. L'ouvrage est postérieur de près d'un siècle à la chute de
Zénobie.
(3) Voir le résumé de la situation dans L. Dlchesne, Hist. ancienne de l'Église, t. I,
chap. xxn.
(4) Cf. Rép. d'épigr. sémit., u'^' 1279-1281.
378 REVUE BIBLIQUE.
4)A AioreNHC
•
OYPANlOYGNTHeAYTOYAOnCTIA
THNnACANCTerHNMHTPGONH
THCAGTHCCTOACeKnAAeOON
XPONGON(î)0APICANCYNnANTI
KOCMCOeniCKCYACACKATeCTH
CGNMHNirOPniAIGOTOYOAX
GTOYC
Là date correspond au mois de septembre 328 de notre ère. Il pou-
vait sembler étrange que la ville, ruinée en 272 par Au rélien, fût à
cette époque la résidence d'un /.:Y'.77r,; ou ciimtor urbis. En réalité,
la destruction de Palmyre ne fut point aussi radicale qu'on s'est
plu à le répéter. Nous savons que Dioclétien y établit un camp; et les
nus de Palmyre.
La plus grosse difficulté résidait et réside encore dans finterpré-
tation du dernier mot de la 3' ligne. M. Sterrett en avait fait un véri-
table rébus en écrivant ;r^Tpo)v/;. L'estampage montre qu'il faut lire
|jLr,Tpwv ri . Dès lors la phrase devient claire. FI. Diogènes, étant cura-
teur de la ville, a fait restaurer dans la colonnade l'entablement de
« huit travées ». du moins le sens que le contexte suggère pour
C'est
le mot y.r.Tpwv, qui est évidemment un génitif pluriel, employé ici
dans une acception technique particulière. Mais quel est le mot ainsi
décliné ^.r,-r,p? 'j.r-.^x'l [lé-.pzv, devenu ;j.r,Tp;v par iotacisme? Il appar-
:
IV
TOMNHMATOYTOKAITOCnHAAIOHO)
KOAOMHCEN TOYNOY
PBHAOYTOYAK MOY(t) C • • •
MArePHNGONGICTHNeAYTOYTei
MHNKA!0rHA0YT0YAAeA4)0YAY
TOYKAITGONYICONAYTOONeiCTON^
AIGONAMHNOCZANAIKOYeTOYCOT
Te [vrr,iJ.y. tsjt: v.x: -z 7--/^Aa'.c v) ù)v.zzi[j.r,7iv tsu N:'jpcr,/,:j -zX>
Ay,...[).ou ç;['jay;Jc MaYspr/^wv" sic -ç/ iauToy -.ev^:r,'f /.al 'Oyv.cj tcO
aoôAscj ajTv^ '/.ai twv uîojv ajTwv v.z -'zv aitova' [J.r^vbç Savot7.su e~C'jç ct .
2. 7.t[x[.A]ou sl[ç -ici;j.r,v] 3£jt[oj] te -/.a'. 'MxKycj uiloj a jtiJS y.[a\ ul'.wv
iwS^ ip^S" r^y^b T2px *S';v ^i -^^pa in Snii: ii »i7acS n:2 n:-i xi^p
C'est-à-dire :
le nom d'un insecte, sorte de teigne. Or, chez les Sémites, et en parti-
culier chez les xVrabes, les noms des insectes ont souvent fourni des
noms propres de personnes. Cette dérivation, moins fréquente chez
les Grecs et les Latins, ne leur est cependant pas inconnue : comp.
les noms Tj/./.:ç, Pidex, etc.
.T.-B. Chabot.
III
ODEINAT ET VABALLAT
du nom 2). Quant à son second titre, pia, il paraît être emprunté
textuellement au protocole des impératrices romaines aux-
officiel
partie grecque; en tout cas, si celle-ci a jamais existé, elle n'a pas
été retrouvée. Nous n'avons qu'un texte palmyrénien.
Ce texte reproduit littéralement — mutatis mutandis, bien entendu
— la teneur de la dédicace à Zénobie. Les dédicants y qualifient,
symétriquement, Odeinat de •-"z « leur maître » =r Tbv $=c77r6T-/;v) ;
(1) Cf. Wadd. n°^ 2604, 2(j06, 2006 a, 2607, 2G08, 2609, 2610, et, pour les coulre-parties
être Odeinat, et, semble-t-il, à un autre personnage qui lui est associé, un Septimios
Herodianos (peut-être son fils, le Herodes des historiens?), par un dédicant dont le nom
me paraît devoir être restitué en Idulios Aurelios Septimios Ouorodès. Cette dédicace
caractéristique a pu être faite à l'occasion des campagnes victorieuses d'Odeinat, assisté
de son fils, contre le roi Sapor. Dans cet ordre d'idées, je serais tenté aujourd'hui de
restituer en [Trepl^ix^v le mot énigmatique du début de la deuxième ligne; l'expression
pourrait se rapporter, soit à l'expédition militaire, soit à la prise de possession du titre
iranien transféré au vainqueur palmyrénien. — Sur Palmyre et les Perses, cf. infra, p. 419.
MÉLANGES. 385
aux abois. Elle les appelle à son secours dans Palmyre assiégée.
Quand elle fuit vers l'Euphrate, c'est dans l'espoir de rejoindre leurs
contingents, dont l'intervention fut d'ailleurs infructueuse, ou tout
au moins de chercher un refuge en Perse. L'influence perse à
Palmyre se manifeste encore dans le costume, tant masculin [anaxy-
rides) que féminin, ainsi que dans le mode d'armement et l'organi-
sation militaire {cHbanarii [\), cataphractarii).
autrement dit :
(1) J. Derenbourg (Notes épigr., p. 98) : traduit : « restaurateur de tout son État ».
(2) Ree. d'Arch. Orient., III, pp. 134 et suiv., 200, 349.
(3) Waddington, n" 2602 = Vogué, n« 2-3.
Persico maximo, .Arabico niaximo, Âdiabenico maximo, pio, felici, invicto Au.
.
et ailleurs :
... ille plane cum uxore Zenobia non solum Orientera quem jam in pristinum
refovmavernt statum. sed omnes omnino totius orbis partes reformasset [4).
(2) Cf. l'inscriplion grecque de Rome mentionnant Pomponius Bassus comme l7iavop6w:f,;
7tà(7r,; 'lTa).iaç, SOUS les régnes de Gallien et Claude (cil n° 38.36; cf. C. JuHian, Les trans-
formations politiques de l Italie, p. 149).
voirs beaucoup plus étendus encore que ceux du légat impérial pro-
prement dit. Le « roi des rois» dePalmyre, qui avait passé, comme nous
l'avons vu, par le grade de û-ativiç, de légat consulaire, était donc
loin de déroger en acceptant celui de corrector; en réalité, il obtenait
ainsi de l'avancement et, l'on peut dire, un bel avancement; c'était
un pas de plus dans son cursus honorum, le rapprochant du but qu'il
r.y.zr^z —
ï-y.z'/v.xz » traduction régulière de corrector totius provinciœ.
III
(1) Dicl. des Antiq. de Saglio, s. v. corrector. Cf. E. de Ruggiero, Di:^. epigr., pp. 1242
et suiv.
(2) Voir, outre son ouvrage cité plus haut (pp. 147, 166), sou article de la Reo. hislor. 1882,
pp. 339-340.
390 REVUE BIBLIQUE.
pierre (1).
IV
DN
AYr<. VAL DIOCLE
V COI PA
XIII
A ....... .
THPIACCenTIMIACZHNO
BIACTHCAAMnPOTATHC
BACIAICCHCMHTPOCTOY
B ACIAGCOC ex .... Y ... .
des oesterreich. archaeol. Institut in Wien, 1900; Baad III, Beiblalt, col. 24-25, a° 10)
J'aurai à en reparler plus au long tout à l'heure, ainsi que de deux autres fragments du
même groupe de milliaires, relevés également par Musil (n"' 11 et 12).
Je rappellerai <[ue notre milliaire avait été revu, peu auparavant, parPost [Palest. Expl.
Fund, Stat. 1892, p. 322), qui se borne à le décrire. Il a échappé à l'attention de Slerrett,
qui a relevé, â l'ouest de Palmyre plusieurs autres inscriptions de milliaires plus anciennes
que la nôtre Wolfe Expcd., p. 446, n°^ 648, 649, 650, 651), et, dans la direction opposée
route vers l'Euphrate), d'autres encore [id. n"» 632-636) ; cf. monRec. d'Arch. Or., iv, 69,
(112).
(i) D'après leurs relevés, la borne, en forme de colonne arrondie au sommet, mesure, à
^^^
II 1 s
I
; i
\
MELANGES.
393
v.;-> '
î'^-:? -: v.^
v^l
-:-^.;,,;4 ,
394 REVUE BIBLIQUE.
-'"'"2
N-S'2 N(Tn: DjmzDN nSz.T 2
'1) Ces superpositions d'inscriptions officielles sur les milliaires n'est pas chose rare à
la fin de l'Empire; cf. à ce sujet Gagnât, Cours d'épigr. lat., p. 176.
(2, Sterett, op. c, n°' 648-651. Cf. Musil-Kalinka, op. c, n° 9. Les dates nous reportent
à la période 198-212 J.-C.
MÉLANGES. 395
3 otJiXÉcoç???????????...
'A67;v[oôcôpou.
(1) En tout cas, il faut sûrement écarter la restitution proposée par Kalinka pour le
début, ne fut-ce qu'à cause de l'ordre insolite dans lequel elle présente les deux mots
vsixY); jca'i cwTTipi'a; (au lieu de -Twxïjpia; y.at vjîxr,;). C'est probablement pour cette même
raison que Ditteaberger (OGI, n" 649), tout en reproduisant sans observation, et par
conséquent en adoptant la lecture de Kalinka pour le reste du texte (y compris celle de la
dernière ligne cependant si sujette à caution], en a du moins éliminé tacitement les mots
nous avons désormais
vcfxïî; xxî. D'ailleurs, la certitude que la lacune initiale comportait
une partie beaucoup plus étendue.
396 REVUE BIBLIQUE.
p. 393 :
pour la vie de Septimla Bat-Zabbaï, la clarissime, la reine, la mère du roi des rois,
devait être employée ici, comme elle l'est plus bas (11. ï-5, et l. 6).
J'ai démontré autrefois que ce mode de construction, fréquent en
(1) Rec. d'Arch. Or.. I, .300; II, 177. Cf. deux autres exemples dans l'inscription de
Tomi [RES, n° 3607).
(2) Nous avons en palmyrénien des abréviations de ce genre, à la mode romaine et grecque ;
(3) Celte fois, avec les deux termes dans leur ordre normal. Nous avons vu [supia.
p. 6, n. 5.) combien Vaballat tenait à faire figure de vainqueur, s'adjugeanf, à l'instar des
398 REVUE BIBLIQUE.
«
dédicace de sa statue. Bien que fort maltraités, les mots qui suivent
sont à restituer sans conteste : (-jS"2 n:nx).
— L. 5. — Lire : i- -in; la 3"^ lettre est sûrement un n, et non pas
forme non contractée qui apparaît dans d'autres inscriptions palmvréniennes ? Le mot
X'il'^în, è7:ap-/;a. auquel on aurait pu penser aussi, répond moins bien aux vestiges de
lettres qu'on croit saisir cà et là.
On sait que les deux formes, Nn3''~'Q, et sa contraction ND'i'îa, apparaissent concur-
remment—peut-être avec quelque différence de nuance —
dans l'épigraphie palmyrénienne;
cf. Vogiié, n°^ 1, 15, 16, 124; Gratid Tarifa passim. Les bilingues nous montrent que le
mot équivaut au grec vôIk, a entendre, non pas au sens étroit de « ville », mais bien,
tout comme le latin civifas, au sens large, de « état, pays », sens d'un emploi fréquent,
par exemple dans l'expression : r. ccôv 'PojpLaîwv 7:6)1:, « l'empire romain ».
MELANGES. 399
(1) Une question analogue se pose pour le point d'où partait la voie romaine se dirigeant
de Jérusalem (Aelia Capitolina) vers Naplouse (Neapolisj; cf. Rec. d'Arch. Orient. I, 282.
4C0 RE^'UE BIBLIQUE.
cole royal de Palmyre, cette fois sous la forme que j'avais prévue, de
l-jravcpOw-fjç. Le mot grec est transcrit en palmyrénien', lettre à lettre,
Sans doute, le titre est porté ici, non par Odeinat, mais par son fils
(1) Avec la réserve indiquée plus haut (p. 398, n. 4) sur l'orlhographe du mot.
(2) Si tant est que ce dernier titre n'ait pas été attribué rétroactivement à feu Odeinat
fils l'apparence d'un précédent
par ordre de Zénobie, désireuse de donner à celai de son
1. 2.
MELANGES. 401
VI
I ! 1 1 ! 1 1 1 1 1 1 1 1
^^^^^^^
p. 340.
(3) Jullian, op. c, p. 172.
(4; Rev. Arch. 1887, IT, p. 209, n» 48.
MELANGES. 403
Orientis Grxci inscr., t. II, n" 711, où Ion trouvera les références nécessaires en
(2)
d'Arch Or., V, 300). D'autre part, leur activité militaire nous est révélée par une inscrip^
tion grecque, de l'an 216 J.-C, concernant un corps darchers montés palmyréniens qui
tenaient garnison à Coptos, dans la Haute-Egypte quelque 53 ans plus tard, celte unité
;
Cet imperium ne comportait que le pouvoir militaire; Firmus n'a jamais fait figure
d'usurpateur, quoi qu'en dise l'auteur de sa Vita (2, 1-3); il ne prétendait point au litre
et aux insignes d'empereur, c'est ce qu'affirme nettement la Vita Aureliani (32, 2) :
« sibi Aegyptum sine insignibus imperii, quasi ut esset civitas libéra, vindicavit » La
véritable raison de cette réserve c'est que Firmus avait un maître, au nom et pour le
compte de qui il agissait en bon et fidèle serviteur, le czoo-n-ôz inconnu de l'inscription.
(4) Ou peut-être omis à dessein, si le martelage, peu étendu, s'est borné à supprimer une
date régnale qu'on avait intérêt à faire disparaître à un moment donné?
(5) Je d'is et je répète
corrector, car tel est bien le sens précis, technique, auquel il
faut prendre le mot £7iavop6o3Trj:. On est un peu surpris de voir que des savants qui se
sont occupés de celte inscription, M. Homo lui-même, n'aient pas accordé à cette indica-
tion,pourtant catégorique, l'atlenlion qu'elle mérite, et qu'ils aient prêté au mot des sens
vagues, s'accordant plus ou moins bien avec leurs conjectures historiques.
(6j A moins d'admettre, ce
qui serait de la dernière invraisemblance, qu'.^urélien aurait
accordé au rebelle Firmus le même traitement de faveur qu'a son ex-compétiteur Tetricus
et les choses une fois rentrées dans l'orJre, l'aurait nommé corrector sur le théâtre
même de ses anciens exploits.
(7) Zosirae, i, 60; Vopiscus, VUa Aurel., 31. Cf., sur cet épisode, les observations de
AVaddington dans son commentaire sur les inscriptions n" 2582 et 2629. J'aurai à revenir
un peu plus loin sur la personnalité de cet Antiochus qui soulève une autre question
d'histoire également importante.
MÉLANGES. 405
(1) On trouvera reproduites dans l'ouvrage de M. Homo [op. c. pp. 67-68, et 82-83) les
principales données relatives à ce monnayage palmyrénien d'Alexandrie, qui forme un
ensemble très compliqué.
;2) Au contraire, dans deux papyrus grecs dÉgypte (mentionnés par M. Homo, op. c,
[lc;oyabaaaa0Oy:c€bactoy, ;(stoj;)T'Oùaea>;Aio=j]ss5a^=j.
A compte, Chiudius Firmus aurait été eucore corrector le
ce
20 Epiphi
de l'an 6 de l'Augustus Vaballat correspondant au ,
18 juillet 27-2 J.-C, date cjui n'est pas en désaccord avec celle de
273, qu'on admet généralement pour le dénouement de la tra-
gédie d'Alexandrie marqué par la prise du Bruchium et la mort de
Firmus (2;.
VII
(1) A supposer que cette ligne n'ait pas été précédée d'une autre, coalenaHtiin protocole
plas^ développé.
<!« Vaballat,
(2) D'ailleurs, on pourrait à la rigueur restituer l'an s' au lieu de l'an r'-
ce qui nous reporterait an 18 juillet 271 .T.-C. Sur lépoque à laquelle Vaballat s'est pro-
clamé indépendant en Egypte (entre le 23 février et le 29 août 271 J.-C, cf. Homo,
op. c, p. 82, B° 1 et p. 8^5, n° 2.
C'est par une simple induction très arbitraire que quelques auteurs (Vogiïé, op. c,
p. 32 et p. 36; Goyau, Chronol.p. 324) font mourir Vaballat avant le mois d'août 271.
MÉLA^•GES. 407
(3) Prosopogr. m, n" 355. Dittenberger, op. c, II, p. 347, n» 640. Celui-ci, renchéris-
sant encore sur 1 hypothèse, ajoute même que le Zénohios en «[uestion devait appartenir
à la même famille que le chef de caravane loulios Aurelios Zeheidas, mentionné dans
l'inscription Wadd. n" 2599 == Vog. 4). Inutile de dire que cette hypothèse du second
degré est toute gratuite.
(4) Vog. b" 15 (Wadd. n» 2598). Il est à noter que le texte palmjrénien omet le nom
hellénique de Zénobios, et ne donne que ce que le grec présente comme son surnom (tôv
•/.ai) et ce qui est en réalité son véritable nom
Zabdilà.
national :
Le nom de Zénohios semhle, d'ailleurs, avoir été assez répapdu dans l'onomastique pal-
myrénienne. Nous le retrouvons à Nazala (Wadd. 2571), porté par un grand prêtre; à Pal-
myre même (Wadd. n» 2571 C;, par le père d'un épimélète de la source sacrée d'Ephca;
enfin dans trois bilingues (W. n- 2571 b =
Vog. n" 123 a m; W. 2617 REl, 2153, cf.; =
Rec. d'Arch. Or. vu, 24; et W. 2619 =
Vog. n'' 65 (cette dernière émanant d'une famille
notoirement juive). Dans ces trois cas, le nom de Zénobios correspond uniformément à
celui de nT'IT, Zebidà.
De la racine ï^Sn « remplacer » qui a donné naissance à de nombreux noms propres
(5)
au nom
de l'empereur, afiablèrent de la pourpre impériale un
personnage dont le règne improvisé ne fit pas long feu. Zosime
(i, 60,61) l'appelle .4/i/zocA2^5 (4). Vopiscus {Ai(r. 31) l'appelle à tort
Achilleus, par suite de la confusion à laquelle j'ai fait allusion tout
à l'heure 5); mais il ajoute un détail intéressant, qui prend au-
jourd'hui une valeur singulière, c'est que l'usurpateur étaitparens
Zenobiœ.
Généralement on a pensé jusqu'ici qu'il fallait entendre par là un
un proche quelconque, et non pas le pore, de Zénobie, bien
palpent,
que ce soit là le sens originel et classique du mot parens. C'est ce
qu'admettent, implicitement, Sallet et Waddington, puisqu'ils croient
(1) Vog. n" 9. Malheureusement, elle est sans contre-partie grecque. Il aurait été inté-
ressant de voir si le même équivalent grec 'Avt;o/.o; était encore attaché au nom
palrjjyrénien.
(2; Cf. supra, p. 404. On trouvera les renseignements nécessaires, avec renvois aux
sources et discussion des textes, dans les excellents commentaires de Waddington n'" 2582
et 2629.Voir aussi mon Rec. d'Arch. Or., VI, p. 292, où j'examine la question an point de
vue de la confusion commise dans l'Histoire Auguste entre les usurpateurs respectifs
d'Alexandrie et de Palmyre, Achilleus et Antiochus, en envisageant des hypothèses dont
quelques-unes doivent être écartées.
(3i Waddington croit en retrouver le nom dans son inscription n° 2.582, malheureuse-
ment non datée, mentionnant un ltn-z{i[i:o::) 'A'I/aTo:, qualifié de rpoTToéir,; (patronus,
'
^^rp). '
(1 Kalinka. l. c: Goyau, op. c, p. 326; Homo, op. c, p. 326; Prosopogr., nr, 217,
(4) Voire même de mater, sens qui est normalement conforme à 1 efAmologie. A noter,
entre autres, le passage de la lettre de l'empereur Gallien (T'iï. Prob. 6, 2) où les mots pater
et parens sont curieusement mis en parallèle.
410 REVUE BIBLIQUE.
plutôt que celui de pater, pour définir le lien filial qui la rattachait
à Antiochus.
Mais, auparavant, il me faut parler d'autres documents palmyré-
Diens congénères où apparaît encore le nom d'Ântiochus, et ce,
dans des conditions qui, à première vue, semblent venir compliquer
étrangement la question. Ce sont également des inscriptions, ou des
fragments d'inscriptions de milliaires, jalonnant la même route (de
PalmjTe à Homs) que celle où a été relevée notre trilingue.
C'est dabord le n' 2G29 de Waddington, borne découverte par
lui, en même temps que son n° 2628 (notre trilingue), à environ
Pe.TOY
TITOBANTIOXOY
(2)
(1) Je ne mentionne que pour mémoire, et pour être complet de ce chef, un autre
fragment de milliaire découvert, une heure plus loin, par Waddington (n" 2630), qui n'a
pu y copier que ces quelques lettres, latines, semble-t-il CIMXIRRACC.
:
(2) Nous verrons tout à l'heure {infra, p. 414) comment on peut essayer de restituer ces
quatre lignes dont, à première vue, la lecture semble être désespérée.
(3) Dittenberger a omis —
en quoi il a eu grand tort —
de l'immatriculer dans son
recueil [op. c], et il n'en souille pas mot, bien qu'elle soit, comme on va le voir, un élément
essentiel de la question historique discutée par lui sous ses n°' 649, 650.
1
MÉLANGES. 41
K. n° 11
IIIIA/
Lecture de Kalinka.
^W=[x=
5 ^ /
^ pN Wi
(1) Je crois qu'il en est de même au n» K. 11, dont je parlerai plus loin.
412 RKYUE BIBLIQUE.
ne saurait être fortuite; elle établit un nouveau lien intime entre les
deux bornes qui ont dû être, à mon avis, gravées en même temps,
sur un même patron, et recevoir des textes d'une même teneur,
ou, plus exactement, un seul et même texte ne varietiir. Cette
seconde borne semble avoir reçu plus tard, elle aussi, une inscri-
ption de Dioctétien (1), gravée après coup, toujours au grand dam
du grec.
K. n" 12.
'
(1) Je crois pouvoir y lire, moyennant les restitutions nécessaires, le nom Diocleliano,
plutôt que Antonio. Le nombre des milles est peut-être à restituer en (X)VIII, bien qu'il
paraisse être un peu fort pour la distance de Palmyre, autant, du moins, qu'on peut l'éva-
luer d'après les approximations successives des temps de marche cotés par Musil (195+ 20
+ 30 =
245 minutes, de Palmyre).
Kalinka n'a pas osé ici risquer une transcription, satisfait d'avoir reconnu de
(2)
nouveau le nom d'Antioclius, qui est indubitable. Plus hardi, Dittenberger s'est lancé
dans une lecture et un commentaire tout à fait inadmissibles.
MÉLANGES. 413
^ACIACCHCMHTPOCTOY
BACIAeOOCOYr-TOYANTlOXOY
... '^'j.z\iJ.'zr^z 'j.r,-zï; t:j ^jy.z'.Aio):. O'JY(aTcbç) -.zj 'AvT'.r/cu.
examinant sans parti pris les copies Kalinka-Musil, dont les diver-
gences mêmes trahissent l'inexactitude. Elle s'accorde, somme tonte.,
mais paraissent être, en outre, d'un module plus petit et gravés avec
une certaine négligence, comme s'ils avaient été tracés, après coup
et peut-être, qui plus est, par-dessus une autres inscription (latine?)
antérieure (1). Quoi qu'il en soit, j'estime pouvoir m'arrèter en fin
de compte à cette lecture. Je lai, pour plus de sûreté, soumise au
jugement de mon savant confrère et ami M. B. Haussoullier, qui fait
autorité en matière d'épigraphie grecque; vérification faite, il la
tient pour plausible. Elle est applicable, je le répète, aux autres
miUiaires du groupe, à commencer par celui de Waddington,
n" 2629; malgré l'état désespéré de la copie (2), je crois en effet
pouvoir, en opérant sur cette base, en restituer ainsi le texte :
les pièces du
ramener les copies de Musil à la teneur commune. On a sous les yeux
procès, c'est-à-dire le fac-similé même de ces copies; les gens du métier
pourront donc se
prononcer en connaissance de cause.
(1) Voir plus haut, p. 394, ce que j'ai dit à ce sujet.
VIII
là que des échappatoires, prêtant à des objections qu'il est trop long-
d'exposer ici.
(1) On se rappelle qu'il est porté, entre autres, par le général Seplimius Zabbaï, com-
mandant la place dePalmyre au nom de Zénobie (cf. supra, p. 382). Il n'est pas im,possible
([u'ily ait eu entre la reine et ce personnage quelque lien de parenté ; Vogué {op. c, p. 153)
croit qu'il était son cousin.
Ce dernier cas (/?. £".5^ 10i5, cf. 3'*) est d'autant plus intéressant que
lenom de cette Bat-Malkoii, fille de Zabdi}3ol, est précédé des pré-
nom et gentilice romains Julia Aurélia. A cet état, le nom se présente
'
(1) Je n'insiste pas sur les points de contact qui ont pu exister entre Juifs et Palmyré-
niens. Ils ont été signalés à mainte reprise, parfois avec quelque exagération. Nous avons
à cet égard des indications, trop rares, mais formelles, qui sont bien connues : la famille
juive dans la bilingue Vog. n" 65, datée de 212 J.-C. hébraïques de l'antique
; les inscriptions
(Dittenberger, op. c, n° 129) etc. On sait qu'une légende, qu'il faut accueillir cum cjrano
salis tendait à présenter Zénobie elle-même, comme juive ou tout au moins judaïsante. Le
Talmud parle des mariages entre Juifs et Palmyréniennes.
MELANGES. 417
que le neveu, afin que le nom de ce défunt ne fût pas effacé en Israël.
Telle est, du moins, la théorie de cette prescription. Dans la pratique,
lâche qu'il fût (2). Mais qu'arrivait-il si, d'aventure, cet enfant pos-
thume une fille? par exemple si, après la mort de B, son
fictif était
Ij Cf. le rite du déchaussement et du crachat, dont l'arabe ,j~^ , avec son double sens
de « engendrer » et « dépouiller » a conservé peut-être quelque vague réminiscence.
(2) Peut-être même convient-il de tenir un certain compte de cette habitude pour
expliquer, dans d'autres milieux sémitiques, lechoix de tel ou tel nom, venant interrompre
la généalogie papponymique si fréquente.
Rien, en général, dans les noms d'hommes ne vient nous révéler qu'ils peuvent appar-
tenir à la catégorie de ceux dont le choix est dû à cette convention familiale. Peut-être
pourrait-on, cependant, en trouver quelques traces dans l'usage assez fréquent des
doubles noms en palmyrénien, voire en nabatéen, sans parler du monde grec. A ce point
de vue, je noterai en passant un nom palmyrénien qui serait assez suggestif :
hl'TJ yi Nipn"C n
Ny;j 12 S2"i-\ Yedrbel, ftls de Nesa, qui est appelé Fils-de-
'Abdibel (Vog, n' 123, a I). Seulement la question est de savoir à qui, dans cette généa-
logie, qui a trois degrés, se rapporte celte indication de filiation conventionnelle et s'il ne
s'agit pas d'un cas d'adoption ordinaire, sans motif de lévirat.
c'est une fille. C'est ce dernier cas qui se produit; d'où notre Bat-
Zabbaï, autrement dit la reine Zénobie, laquelle se trouverait ainsi,
au regard de la conception paradoxale du lévirat, avoir en quelque
sorte deux pères Zabbai, son père théorique, et Antiochm, son
:
surnom masculin Zry-A'.zc, lequel aurait pu être porté par l'un de ses
«deux pères », Antiochus, ou Zabbaï? Dans cette dernière hypothèse,
et en optant pour la seconde alternative, on pourrait supposer par
exemple que son père (théorique) s'appelait Ze«oôzo!»Z«ôè«L L'épigra-
phie de Palmyre mentionne plusieurs personnages ayant porté ce nom
hellénique de ZénobiQS (2) dans trois d'entre elles, qui sont bilingues,
;
assez frappant. Or, d'autre part, l'on sait que le nom palmyrénien
(1) Les équivalents onomastiques gTéco-sémitiques nous offrent nombre d'autres exemples
de ce genre qui, pour être basés sur des assonances aussi superficielles, quelquefois davnn-
tage, n'en sont pas moins certains.
(2j W. n"' 2571 b (= Vog. 123 a, m): 2571 c; 2617 (lectures rectifiées R.E.S., n" 2153);
MELANGES. 419
Clermo^t-Gaxnea i
V.-S. — Ce double jeu des Palmyrénieus vis-à-vis des Perses Romaios dont
et des
j'ai parlé plus haut (pp. .3S4, .3851, n'était pas nouveau. Il un pas-
faut lire à ce sujet
sage d'Appien [Gxterres civiles v, 9; qui contient en outre d'intéressants détails sur un
épisode auquel on n'a pas jusqu'ici prêté grande attention et qui nous fait remon-
ter à une assez haute époque de l'histoire de Palrayre. Vers l'an 41 avant J.-C,
Antoine avait envoyé un raid de cavalerie pour attaquer et piller Palmyre, ville
située non loin de l'Euphrate, sous prétexte que les Palmyréniens, étant limitrophes
des Romains et des Parthes, louvoyaient politiquement entre les deux partis.
C'étaient, en etlet, ajoute-t-il, des négociants,
important de Perse chez les Romains
les produits indiens et arabes. Du reste, le résultat de ce coup de main fut un fiasco
complet, les Palmyrénieus ayant, à la première alerte, évacué leur ville et mis leurs
richesses en lieu sûr de fautre côté de l'Euphrate, prêts à défendre le passage du
fleuve avec leurs archers, arme où ils excellent, dit Appien. Le raid romain avant
trouvé la ville vide, s'en revint bredouille et sans coup férir.
RECENSIONS
Ce livre avait paru tout entier dans la Revue d'histoire et de littérature religieuse;
il était donc imprimé, sauf la conclusion, au 1" août 1914. L'auteur a noté qu'il
se « trouve ainsi naître vieux de cinq ans ». Ce n'est point un grave inconvénient
car il est peu vraisemblable que le sujet ait été renouvelé pendant la guerre. Peut-
être cependant la pensée de M. Loisy a-t-elle évolué depuis, son opinion sur Jésus-
Christ étant de moins en moins flatteuse. Dans le livre sur les mystères, Jésus
appartient à « la catégorie des prophètes » (p. 208;. Dans La Religion (1917) :
tion même implique une influence » p. 362, note 1\ M. Loisy, lui, n'ignore pas que
d'après saint Paul les doctrines des mystères sont des doctrines des démons. Quel mal
y a-t-il à reconnaître que Paul a prétendu les vaincre en opposant mystère à mystères
(p. 258 s.) ? « L'Apôtre compare sa (( sagesse » à celle du monde et à celle des
princes ou dieux de ce monde pour en marquer la transcendance; mais cette com-
paraison même témoigne que Paul conçoit sa doctrine comme une philosophie
supérieure à celle des philosophes, comme une théologie supérieure à celle des cultes
païens ». (p. 3.56 note 3). Pourquoi voudrait-on que Paul ait tout ignoré des
mystères? '
xNous avons tenu à citer ces innocentes formules pour montrer que nous sommes dis-
posé à en tenir compte. Pourquoi faut-il que d'autres rendent un son sensiblement dif-
RECENSIONS. i21
férent? Si Ton va au fond des choses, la thèse est celle-ci : « L'idée fondamentale
des mystères » est « celle d'une mort divine dont la vertu salutaire s'étend à tous les
hommes de tous les temps » (p. 351). Et d'autre part : « Jésus lui-mèoie n'avait
pas spéculé sur sa propre mort, encore saint Paul qui a transformé cet
et c'est
événement réel, naturel et humain, en mythe de salut » ^^p. 19;. Or il l'a fait sous
l'influence des mystères païens. Paul « considère d'abord, et principalement, la vertu
mvstique inhérente à être divino-humain qui se trouve par la condition de
la mort d'un
sa double nature, de son caractère typique,
et à raison caractère purement mytholo- —
gique, —
en état d'eutraîner avec lui dans la mort le péché de l'humanité, et
d'élever avec lui dans la gloire l'humanité ainsi rachetée. C'est le mythe païen —
du dieu immolé, comme il se rencontre dans les mystères de Dionysos » p. 248).
Donc « Inconsciemment 1 , sur toute la ligne, il transpose l'évangile parallèlement
aux mystères » (p. 2.59). Il veut faire mieux, c'est entendu, mais l'idée ne lui serait
pas venue de voir dans la mort de Jésus le salut du monde, si ce neût été déjà
l'idéefondamentale des mystères. C'est ainsi que doivent s'entendre les formules ano-
dines, et que l'opposition implique une influence. La thèse est donc suffisamment nette.
Et ce point est d'une telle importance, que tout le reste en découle. En possession du
mythe chrétien du salut. Paul pouvait se passer des mystères pour transposer tout
Les sacrements de l'initiation' chrétienne, baptême et eucharistie, sont en
le reste. «
qui convient à ce mythe et qu'il réclame » p. 296 Paul aurait donc pu les . —
déduire, et nous avons le droit de nous attacher d'abord seulement au principe, pour
en apprécier la valeur.
La tradition chrétienne explique les choses d'une façon très simple. Jésus a eu
la claire vue de sa destinée. Il ne devait parvenir à la gloire qu'en acceptant les
souffrances et la mort, afin d'expier.
On lui refuse même un que cette
pressentiment? Toujours est-il qu'il est mort et
ses disciples, que comme un dessein de Dieu, acceptant cette mort pour le salut
des hommes. Cette pensée s'imposait si Jésus était le Messie, mort et ressuscité*
Paul en a déduit les conséquences avec plus de pénétration qu'aucun apôtre. En
ce raisonnement rien d'obscur, rien assurément qui dépasse les vraisemblances de
l'histoire. Le Messie d'Israël étaiten situation d'expier pour tout Israël. Mais le
monde? Si Paul avait dû se procurer au dehors l'idée d'un Sauveur du monde,
il n'avait pas à interroger les mystères. Cette donnée était courante, on peut dire
officielle Fallait-il que les mystères suggérassent
en Asie. l'idée d'un dieu soufl"rant
et mourant? Mais, d'après M. Loisy, Paul ne croyait pas à la divinité du Sauveur;
il lui a suffi pour créer son système théologique d'un homme céleste. Comme nous
n'admettons pas ce point et que M. Loisy parle d'un être divino-humain, demandons-
nous quelle impression pouvait faire sur sa pensée la conception d'un dieu des mystères
souffrant, mourant et ressuscité, à supposer que cette conception eût été clairement
(Il M. Loisy ne pouvait prétendre <Hre fi\é sur ce que Paul a lait plus ou moins consciem-
ment. Il nous laisse le choix. P. -234 Car, bien évidemment, sans qu'il en ait conscience, il a
:
quitté le terrain du judaïsme. > Et page suivante : « Mais il ne se trompe pas en disant qu'il a
renié la tradition juive. »
422 REVUE BIBLIOUE.
perçue et fermement enseignée. Tout autre serait Fliypothèse d'un ade[ite des
mvstères auquel on proposerait la foi en Jésus, nous y reviendrùns. Pour le moment
nous parlons de Paul, juif ?wonothéiste. Est-il disposé sans plus à recevoir cette
notion étrange pour lui, ou pour mieux dire abominable, et comme M. Luisy l'a
reconnu, une sagesse de démons? Pourquoi ne pas se contenter de son homme
céleste, sauveur du monde, ou même d'un homme prédestiné, exceptionnellement
saint et agréable à Dieu? S'il a adoré Jésus comme Fils de Dieu, c'est parce que
cette croyance s'est imposée à lui. comme il le dit, d'ailleurs, par une révélation
directe.Loin que l'idéal des mystères ait facilité cette cro}'ance. il était plutôt fait
pour l'ancrer dans son pur monothéisme. Il a dû croire au Fils de Dieu souffrant
malgré les mvstères, et non pas à cause des mystères.
Une des bonnes réflexions de 'SI. Loisy. c'est que le christianisme n'est pas «un
agrégat ou un résidu de vieux mythes orientaux... qui. à un moment donné, oa
ne pourquoi ni comment, se seraient coagulés dans le mythe du Christ »
sait trop
(p. 388). Les religions vivent dans les hommes » (p. 359;. A la bonne heure-,
«
voilà un sentiment bien français des réalités et des causes, au lieu de l'agitation
d'abstractions qui s'attirent ou se repoussent dans le vide. Mais alors voyons Paul
comme il est. Est-ce un helléniste, comme dit M. Loisy? Par la culture de l'esprit,
sans doute, mais on sait qu'une haute culture littéraire peut se concilier avec une
intransigeance absolue, et lui nous a dit que c'était d'abord son cas. Pourquoi faut-
il qu'on soit toujours obligé de donner un démenti à ses plus nettes affirmations,
immortelle, est venu d'en haut racheter par sa mort la postérité d'Adam, l'homme
terrestre, prototype de l'humanité charnelle et pécheresse; il suffit de croire en lui
pour être sauvé. Tel est le mythe chrétien du salut. » (P. 136.)
Or, ce « mythe », disons-le encore une fois, n'avait nullement besoin des mys-
tères. D'une part ils n'ont pas l'idée de l'homme céleste 1}, et d'autre part la
divinité souffrante eût été pour lui. comme pour nous, quelque chose d'inintel-
ligible. Il a conçu le Filsmourant dans la chair.
de Dieu souffrant et
rainement invraisemblable. Tant que Jésus ne s'était pas imposé à Paul comme
une personnalité céleste, lui demeurait le rigide Pharisien qu'il déclare avoir été.
Cette conviction une fois acquise, le souci du monothéisme lui interdisait de regarder
vers les mystères, dont les dieux souffrants étaient pour tous les penseurs une
;i} C'est dans les écrits liennétiques que Ueitzenstein est allé la chercher.
RECENSIONS. 423
aberriitiou du sentiment religieux; pour les Juifs, des démons. S'il a connu les
mystères et s'ils ont enseigné ce que l'on prétend, son premier soin a dû être de ne
pas tomber dans cet abime, dV échapper à tout prix, de chercher autre chose. Si
c'est ce que l'on nomme linfluence impliquée dans l'opposition, on peut l'entendre.
Mais évidemment ce n'est pas ce que prétend M. Loisy. Il ne lui convient pas
de réduire sa thèse à un seul point. Les rites chrétiens eussent pu découler du
mythe chrétien. Mais ils ont des analogies avec les rites païens. « Mythes et rites
rieni n'ait été « emprunté ». tout est analogue, tout est transposé. Et c'est en cela
que consiste le danger de ces deux tableaux combinés pour faire un diptyque. On
choisit dans les mystères ce qui est plus où moins analogue, dans le christianisme,
ce qui se prête à une comparaison, fût-ce par transcendance. Mais cette trans-
cendance n'empêchera pas de conclure que le christianisme est un mystère comme
les autres, et qui doit beaucoup à ses aines. Puis, à l'occasion, les mystères repré-
sentent même tout l'hellénisme. Nous ne saurions pourtant pas prouver « que le
christianisme ait grandi sans rien devoir au milieu hellénistique où il a pris nais-
sance » (p. 3G2), et en effet, nous n'y songeons pas.
Il faut donc en venir à l'examen du détail, et ce détail serait infini. Les mystères
examinés sont ceux de Dionysos et d'Orphée, d'Eleusis, de Cybèle et d'Attis, d'Isis
et d'Osiris, de ]\Iithra. Le mystère chrétien est l'évangile de Paul, complètement
distinct de l'évangile de Jésus et de la croyance de la première communauté;
viennent ensuite l'initiation chrétienne, la conversion de Paul et la naissance du
christianisme.
Du mystère chrétien, nous dirons peu de choses pour ne pas entrer dans une
discussion exégétique. Il faut bien cependant constater le scepticisme extrême de
l'auteur, contrastant avec la complaisance crédule qu'il a pour ses hypothèses. Il
sufUt que Paul ait parlé de l'institution de l'Eucharistie en homme sérieux pour
ruiner tout le nouveau système. Alors : a L'effort de l'exégèse théologique pour
sauver l'historicité du récit de Paul et l'indépendance de la tradition synoptique
à son égard en ce qui concerne les paroles : « Ceci est mon corps », « Ceci est mon
sang )), paraît tout à fait vain. Les prétendues paroles de l'institution eucharistique
n'ont de sens que dans la théologie de Paul, que Jésus n'a point enseignée et dans
l'économie du mystère clirétien que Jésus n'a point instituée >' p. 284 . Pourtant
c'est toute la question. Elle est tranchée d'avance. Remarquez qu'en somme, à
supposer que les synoptiques aient dépendu de Paul, — ce qui n'est pas — il
resterait Paul, ce qu'il enseigne aux fidèles, son arïïfmation du fait, et cette autre
affirmation que sa doctrine à lui_repose sur les paroles de Jésus. Cette double
affirmation est non avenue. P^nJ i.'.esL imaginé tenir de Jésus-Christ ce qui lui a été
suggéré par la sagesse des mystères, enseignée par les démons!
Mais enfin, est-il vrai que « l'idée fondamentale des mystères » soit « celle d'une
morflîîvîîié doiït la vertu salutaire s'étend à tous les hommes de tous les temps » ?
424 REVUE BIBLIQUE.
(P. 351,) D'ordinaire on exclut Mithra, le__;/ei<s Invidus, qui ne fait pas du tout
figure d'un dieu souffrant et mourant. Les deux déesses d'Eleusis, Déméter et
DiOTivsos avec Orphée, et d'Isis avec Osiris. Sur Mithra de quelques lignes. il suffira
victime vivante, incarnation du dieu, dont les rayâtes, en proie à leur enthousiasme
délirant, mangent la chair crue et palpitante ainsi avaient fait les Titans pour :
l'enfant divin Zagreus, qui était ressuscité en Dionysos: le dieu mourait encore
mystiquement dans la victime pour revivre dans le myste et faire part à celui-ci de
son immortalité ». (P. 16.)
d'exercer un certain empire sur les espèces animales, et précisément, peut-on croire,
en Immolant un individu de Tespèce afin de s'emparer de son esprit, pour exercer
sur elle une influence. Mais on ne peut guère dire plus, et M. Reiuach me paraît
trop affirmitif lorsqu'il recourt tout droit à l'interprétation que M. Robertson Smith
a donnée du sacrifice « En dévorant tout cru le jeune taureau ou le chevreau, en
:
buvant son sang chaud, en se repaissant de ses viscères, l'ancêtre des Grecs croyait
dévorer la divinité elle-même, se sanctifier et se fortifier en s'assimilant cette vie
mystérieuse » 'p. 2.5.5). On peut objecter en effet que le mj'the de Dionysos a eu
deux formes 'b) ; l'une d'elles ne comportant pas la manducation ; et, de toute
manière, c'est le démembrement qui est le thème priocipal. De plus, si le fidèle
voulait s'assimiler la vie divine, ne fallait-il pas avant tout manger le cœur, qui
restait intact, et, s'il voulait plaire à son dieu, s'unir à lui, pourquoi le masque de
son ou de plâtre dont on se couvrait le visage (6) ? Lobeck îl] n'a vu là qu'un
de Pisistrate) ayant emprunté à Homère le nom des Titans, institua des orgies en l'iionneur de
Dionysos et ût les Titans auteurs des souffrances qu'il avait endurées xw Atovûcto ttôv itaÔYiixiTwv :
sans doute pas à M. Reinach. Il admettra plus volontiers que le meurtrier du dieu
avait conscience de commettre un crime, et ne voulait pas être connu de lui. De
soa côté, M. Loisy n'est guère autorisé à comparer le rite grec aux rites secrets
de la chair crue n'ont point été chez les Grecs des rites secrets. Mais nous n'insis-
tons pas, parce que ces hautes origines ne sont pas de notre sujet. On admettra
donc, si l'on veut, que le ûdèle antique voulant se rapprocher de son dieu, ce
qui est le but mèms de la religion, a jugé que le meilleur moyen était de le con-
sommer.
Lé rite se perpétua, mais les idées changèrent. C'est ce que M. Reinach a très bien
compris. Après la phrase citée il ajoute « Les Grecs civilisés ne comprenaient plus
:
cela. Ils constataient des survivances de ces usages, soit dans les rites, soit dans les
traditions, et ils les expliquaient rationnellement, avec leurs idées d'hommes dégagés
de la barbarie, qui ne croyaient plus à la divinité des animaux et qui, tout en conti-
nuant à en sacrifier, les distinguaient des dieux auxquels ils les offraient surjes
autels » p. 2-55;. Il faudrait copier ces ligues en rouge. C'est une rubrique précieuse
qui gouverne toute la situation.
En effet, le dieu taureau — ou chevreau — est devenu Dionysos, une des plus
brillantes créations du génie poétique et artistique de la Grèce. Non qu'il soit son
image parfaite, comme Apollon, dont l'intelligence est calme et sensée. Dionysos-
Bacchos a gardé quelque chose de l'enthousiasme irraisonné, de la fureur religieuse
des Thraces, mais enfin c'est un grand dieu que la Grèce a adopté. Dès lors c'est
lui qui dévore les chairs du chevreau. Son rôle de victime est désormais rempli par
Penihée qui succombe sous les coups des Bacchantes, par Orphée, déchiré par les
Ménades. Un dieu ne saurait mourir. Ce Dionysos est celui des Bacchantes d'Euri-
pide, et nous n'aurions plus à nous occuper de lui comme dieu immolé, s'il ne
s'était fondu avec Zagreus.
M. Loisy ne semble pas s"être préoccupé des différences si marquées entre le
avec Dionysos, c'est probablement à une époque oij ce dernier était encore regardé
comme un dieu déchiré et dépecé. C'était précisément le cas d'Osiris. 11 était trop
nofoire, appuyé sur l'autorité des Ej:yptiens, pour que les Grecs pussent refuser de
l'admettre, et c'est ainsi que. en dépit de leur parti pris d'unir les concepts de divin
et d'immortel, ils acceptèrent la passion et mort d'un dieu très authentique, d'un
la
dieu auquel Zeus son père avait promis l'empire du monde, et qui, tout enfant
jouait déjà avec la foudre. D'après le texte déjà cité de Pausanias, ce fut Onomacrite,
un contemporain de Pisistrate, qui accusa les Titans du meurtre de Zagreus-Dio-
nysos. Il est probable que dès lors le mythe fut fixé dans ses lignes générales. Zagreus,
fils de Zeus et de sa fille Perséphone, étant encore enfant, fut trompé par les Titans
qui le séduisirent en lui offrant les jouets de son âge, des balles, des toupies,etc
Le jeune dieu essaya de se dérober à leurs coups en prenant des formes diverses. Il
était devenu taureau quand les Titans le tuèrent. Ils le dépecèrent et le mangèrent.
420 REVUE BIBLIQUE.
et, d'après Cléinent d'Alexandrie, après Tavoir fait cuire (1). Le cœur leur échappa,
qui fut recueilli par sa sœur Athéné. Zeus le dévora et c'est pourquoi Zagreus put
renaître en Dionysos, fils de Zeus et de Séraélé, le Dionjsos thébain. Ce mythe,
tout en conservant la notion essentielle du meurtre du dieu, expliquait comment le
principe divin s'était transformé sans disparaître. D'autres récits ne parlaient pas du
repas affreux des Titans. Selon les uns, Apollon avait été chargé par Zeus de
raccommoder le corps de Zagreus et de l'ensevelir à Delphes (2). Selon Diodore (3^ ^
une fois raccommodé il avait repris une nouvelle naissance. C'est la coaclusioa
naturelle du mythe pour ceux qui y voyaient le symbole de la renaissance de la
végétation, en l'espèce de la vigne.
Tel était donc le mjthe, forgé, nous radmettons très volontiers, pour expliquer
le Tlte. IMais cette religion eut la fortune singulière de posséder une doctrine à
tendances philosophiqlies. Les mystères de Dionysos furent le foyer de l'Orphisme.
Est-ce à dire que l'Orphisme s'en est dégagé naturellement, ou bien des théosophes
y ont-ils fait pénétrer des doctrines étrangères? La seconde hypothèse est la plus
vraisemblable, si l'on considère à quel point l'Orphisme, apparenté à la doctrine
attribuée à Pythagore. est en opposition avec le mouvement spontané du génie
grecTDe toute façon, c'est l'Orphisme qui a donné une valeur religieuse hors pair
aux mystères de Dionysos, ce sont ses doctrines qui ont donné à penser aux chré-
tiens qu'Orpheus pouvait en quelque manière figurer le Sauveur.
Rien de plus confus que l'orphisme si l'on cherche à débrouiller sa cosmogonie.
Mais sa doctrine religieuse essentielle est suffisamment claire. Ou a révoqué en
doute son influence. Assurément, il ne formait pas une église une. Mais ses groupe-
ments, ses thlases, étaient nombreux. La découverte de lamelles à inscriptions
déposées dans des tombeaux en Crète, au sud de l'Italie, à Rome, peut-être, prouve
que la doctrine essentielle du salut était partout la même (-1). Ce sont ces docu-
ments du iv^ siècle av. J.-C. au ii^ siècle après notre ère qu'il faut étudier, plutôt
que les spéculations des néo-platoniciens du v« et du vi*^ siècle pour apprécier
la valeur et le sens religieux de l'orphisme dionysiaque, sur le point qui nous
importe le plus. Il enseignait une faute primordiale qui ne peut être que le meurtre
de Zagreus, commis par les Titans. Foudroyés, les Titans avaient disparu, mais
d'eux étaient nés les hommes, qui portaient la responsabilité de la faute originelle.
Renaissants en passant par des formes diverses, selon la doctrine de la métempsy-
cose, les hommes pouvaient être affranchis de ces vicissitudes en menant la vie
orphique. Alors ils espéraient se présenter à Perséphone, devenir des dieux et jouir
du bonheur. La vie orphique comprenait surtout une série de purifications qui
étaient en mêmetemps des délivrances il fallait éviter tout ce qui touche à la vie
:
(3) m, 62, C.
(4; Commodément groupées et commentées dAns Lamellae aureae ovphicae, edidit. conimen-
tario instriixit Alexander Oi.imeri, Bonn, 1!)15.
1
RECENSIONS. 427
aucun texte (!}. Bien plus, cette notion serait en contradiction avec la conception
bien authentique d'un crime commis. LlassQciatian des deux idéçs a paru toute
simple à M. Loisy. C'est bien le cas de la passion du Christ. Mais les anciens n'y ont
pas songé. La passion du Christ répare les péchés et les efface, mais elle n'est pas
le péché originel. Pour le dire dans le style religionsgeschichtlic/i M. Loisy confond .
ici le rédemption. Les Titans ont été foudroyés pour leur crime,
péché originel et la
et les hommes, héritiers des Titans, portent une partie de la peine. La mort du dieu
n'est pas le remède, elle est la souillure, purement et simplement. Elle n'a servi
à personne. Ce n'est point une mort expiatoire, puisque c'est le premier péché
antérieur à la naissance du genre humain, du moins d'après les Orphiques. Aussi
bien le pauvTC petit Zagreus a tout fait pour y échapper; il n'a rien d'une victime
volontaire.
Et il n'est pas vrai de dire comme on le fait d'ordinaire si étourdiment, qu'il ait été
ressuscité. Pour l'Orphisme, M. Loisy l'a très bien dit : « L'orphisme, qui conçoit le
salut comme une libération de l'âme enfermée dans la chair, ignore la résurrection
du corps. » (p. 47 s.). Alors pourquoi dire que l'enfant divin Zagreus était ressuscité
en Dionysos (p. 16), que la réserve du cœur était « coordonnée à la résurrection
du dieu » (p. 33)? Il est trop évident ici que le terme est impropre, mais dans un
autre contexte il rendra plus aisé le rapprochement avec le Christ. Un Juif admet-
tait que la puissance de Dieu pouvait rendre la vie à des ossements desséchés,
mais l'idée du cœur avalé, pour permettre à Zeus d'engendrer de nouveau Dionysos,
dieu comme lui, aurait paru grotesque au plus simple des circoiïcis. On dira peut-
être avec M. Monceaux que la résurrection se place dans cette autre forme du mythe
où Apollon ensevelit Zagreus : « autour de ce cœur se développa une vie nouvelle,
et Zagreus ressuscita (2). » Où a-t-on trouvé cette jolie chose? 11 serait bon de le
savoir. Mais au fait l'endroit n'est pas difficile à désigner, il n'est pas dans Diodore,
car, conformément aux idées païennes, il parle seulement d'une nouvelle naissance,
encore qu'il ne s'explique pas sur le procédé (3K Mais que Dionysos soit ressuscité
et qu'il soit monté au ciel, c'est dit clairement... dans saint Justin 4 . Tout est b
,1) Et notez que M. Loisy, redevenu critique très sévère, estime que « pas plus que Paul ceUe
Kpitre [aux Hébreux] ne présente l'eucharistie comme un sacriûce » (p. 3S1, note \,.
(3) DiOD., III, G2, 6 : Jia/.'.v ô' \)~h Tr,; Ai^iiïitpo; xtôv [JisXwv a-jvapjXQirSc'vTwv, il àp^rj: viov
(4) Dial., LXix, 2... xxl oiadTtapayOÉvTa xal àïîoQavdvTa àvaoT/îvai, el; o-jpavôv -zs àvî)r,).-j6Jva'.
les Titans avaient de qui tenir, étant ûls de Gê et d'Ouranos, de la terre donc et
du ciel, ce qui expliquait leur double nature et la nôtre. Dans les lamelles —
orphiques, l'âme se réclame de cette descendance, c'est pour cela qu'elle est
divine. Il n'est pas dit un mot de la manducation de Zagreus. Elle n'a rapporté
aux Titans que quelques coups de foudre. C'est même pour ce crime que l'homme
est assujetti à la mort.
et de
manducation de la victime? Pour Rhode, c'est un problème, et s'il incline
la
dans ce sens, c'est à cause du dépècement d'Orphée par les Ménades (6). L'affirma-
tion de M. Loisy est très nette, mais non point prouvée : « Que l'omophagie ait été
un rite essentiel de l'initiation orphique, rien ne parait plus certain » (p. 46). Je
ne veux pas insister sur la répugnance des Orphiques pour toute nourriture qui
aurait été animée, à plus forte raison pour une nourriture pour ainsi dire encore
vivante. Peut-être croyaient-ils permis de faire rituellement ce qui était interdit
d'ordinaire. Mais on parlait ouvertement de l'omophagie, on la peignait sur les
vases, ce n'était point un sujet réservé, un rite de mystère, une initiation. Euripide,
il est vrai, en parle en même temps que de la vie orphique. Mais ce texte chante
(1) Contra
Cels., iv, 17. 'Apa oè où Koi'ku) taÛTa, xal iiâ.'/.'.nia. oit ov Ô£Ï rpduov voeiiai,
(7e[j.v6TepaçaveÎTat Aiovycou Ottô tcôv TitâvMv àTCatwfxÉvo-j xal IxntTTTOVTo; aTtô to-j A'.b; Ôpôvo-.'
xai ffTcapaiïCTOfxÉvoy ùu' a-j-rwv xal astà -raC/Ta uâXiv auvTiSîfifvo-j xxl otoveî àvaêiwixovTo; xaî
àvaêaîvovTo: eîç oOpavôv ;
(2) P. .S66.
(3) II, 119, note i.
'
(4) 5t;o les liommes nés des Titans sont pour cela ennemis des dieux.
Dio\ Chkys. or., XXX, :
(6) n, p. 118 Dass auch die orphischen ôpyta die Zerreissung des Stiers, nach altlhrakischem
:
aussi les mystères de Cybèle; on ne peut pas tirer argument de ce syncrétisme (t).
Mais s'il est très invraisemblable que Tomophagie ait été un rite orphique d'initiation,
toujours est-il qu'elle a été pratiquée daus la religion bacchique (2). Etait-ce dans
un but religieux? Assurément! mais était-ce pour se nourrir du dieu, ou comme
dit M. Reinach, étail-ce une théophagie?
Assurément non, dans le domaine de la religion hellénique. L'Euripide des Cretois
est aussi l'auteur des Bacchantes. Les Bacchantes déchirent les chevreaux pour faire
comme Bacchns qui est un mangeur de chair crue, un mangeur de taureau, oiuestis,
contraire à tout le mouvement des idées qui a plutôt été dans le sens des abstractions
et des symboles. Ou bien les cercles dionysiens avaient-ils conservé, caché dans les
mystères, les grossières aspirations des primitifs? Mais si les rites peuvent être sta-
tionnaires, rien ne peut arrêter le développement des idées. Nous savons où en était
le mysticisme dionysien dès le temps d'Euripide. Il faudrait des raisons bien fortes
pour nous convaincre que le dieu qui déchire les faons était lui-même déchiré et
mangé dans les mystères sous la forme d'un faon.
M. Reinach n'a avancé qu'un indice, reproduit par M. Loisy, c'est un texte de
Plutarque dans les Questions romaines : (112) « Les femmes qui sont en proie aux
fureurs bacchiques se jettent aussitôt sur le Uerre, le saisissent avec leurs mains, le
déchirent et le mâchent entre leurs dents. Cela rend assez vraisemblable ce qu'on
dit du lierre : Selon quelques-uns il renferme des esprits violents, qui éveillent et
excitent des transports (3). » Plutarque aurait voulu dire que les Bacchantes seraient
devenues IvOsot, possédées du dieu, par la manducation du lierre, forme primitive de
Dionysos. Mais Plutarque dit bien plutôt qu'elles mâchent le lierre parce qu'elles
sont en proie à l'esprit bacchique, dans le dessein de s'exciter davantage. Quoi qu'il
en soit des primitifs, les Grecs du temps de Plutarque ne croyaient pas que Bacchus
fût le lierre. « Il est assurément bien singulier », ajoutait M. Reinach, « que les
anciens n'aient jamais parlé clairement de la théophagie, qui faisait le fond d'un
si grand nombre de leurs anciens cultes » p. 262). Ce n'est point si singulier, pour
la raison donnée quelques pages auparavant par M. Reinach lui-même : les Grecs
ne comprenaient plus du tout qu'ils pratiquaient la théophagie, si tant est que leurs
ancêtres l'aient pratiquée. Et si Plutarque n'en a pas dit davantage, ce n'est certes
pas par discrétion, « car il n'est pas homme à révéler les mystères » ; il a très bien
dit sa pensée, c'est-à-dire exprimé sa répulsion pour des rites où il ne voyait rien
de divin. Ce ne sont pas des rites d'union avec les dieux, mais pour détourner
l'influence des démons, et d'ailleurs ce ne sont pas des mystères. Car après avoir
(I; Krag., 4"-2, tiré des Cretois, cité par Porpliyre ^De abst- iv. 19 pour recoiamaailer de ne pas
manger de viande! a deux vers très difficiles, que Nauck lui-même n'édite pas de la même
Il
taçon dans ses éditions de Porphyre et des Fragments; d'après les mss. xaî vvx-c'.n6Xou :
Zxypî'w; ppovTà;TàçT' w(Jio5àyovî oatra; Tî>i(Taç. La traduction de M. Hinstin, citée par Loisy
'M note 3) " après avoir pris pari aux omopliagies suivant la règle de Zagreus, ami des courses
:
nocturnes » suppose la leçon êioTa;, qui est une pure conjecture. En lisant fâç avec les mss.,
SaÎTa; signifie « leslius •>, en lisant to-iç, c'est « partageurs > (Hésychius). Quoi qu'il en soit,
et quoi qu'on fasse de ppovrdt;, les omophagies ne sont pas la manducation de Zagreus, mais
un rite qui est le sien.
(-2) Clém. Protr., xn, même
des sœurs de Sémélé at S-jc-aYvov y.psavojxîav (jLvouasvO'..
p. 84, dit
Mais cela doit être pris dans un sens large initiées à la (et non par la] manducation.
:
protesté de son silence au sujet des mystères : « Quant à ces fêtes et à ces sacriQces,
comme les jours néfastes et sinistres dans lesquels on pratique des omophagies et
des dépècements, des jeûnes et des lamentations, souvent aussi des discours obscènes
à propos des choses sacrées, « et des transports et des cris lancés avec le thyrse
superbe ». je dirais que ce sont des cérémonies lénitives et conciliantes non point
offertes aux dieux, mais pour détourner de mauvais démons (1). » Qu'y a-t-il là
d'unitif?
Il est vrai que M. Loisy corrobore le texte de Plutarque sur le lierre par une citation
d'Arnobe qui serait plus topique : Bacchanalia etiam pnetermiltemus immania qui-
bus nomen omophagiis graecum est, in quibus furore mentito et sequestrata pectoris
sanitate circumplicatis vos anguibus, numine ac maiestate
atque *;/ vos plems dei
ne sont point remplis de vertu divine parce qu'ils ont mangé la viande crue, mais
ils en mangent ensuite de leur fureur divine. C'est la pure tradition d'Euripide,
seulement Arnobe regarde très maladroitement cette fureur comme une feinte. Elle
pouvait être très réelle. Toute la religion dionysiaque, suppose que par une sorte
d'influence divine le dieu peut s'emparer de la raison et de la volonté du fidèle, pour
ïïïî faire faire des choses qu'il n'approuverait pas quand il est dans son bon sens.
La principale de ces folies divines est précisément l'omophagie, à l'instar de Dionysos.
Et c'est aussi comme une
excuse que Firmicus Maternus présente la folie des Cre-
tois qui renouvellent le meurtre de Zagreus sur un taureau vivant. Son récit est
d'ailleurs empreint du plus crasse évhémérisme, et l'on peut se demander si le rite
dont il parie existait encore de son temps, ou s'il se fie à quelque réminiscence
littéraire. En tout cas la cérémonie n'était que commémorative. Ou renouvelait la
passion de Dionysos parce qu'en la jouant on croyait l'expier. C'est bien ïapotropè
dont parle Plutarque: Crelemes, ut farentis tyranni saevitiam mitigarent [Z) .^..
Aussi bien la religion dionysiaque, surtout sous la forme orphique, celle qui
compte pour l'histoire du sentiment religieux, n'est nullement une religion de
vertus actives, ou comme nous dirions, d'amour de Dieu et du prochain. Comme
toute religion, surtout mystique, elle se proposait de faire prédominer le divin, mais
ce n'était pas, que nous sachions, par des pratiques positives. Il fallait surtout
dégager la partie céleste de l'homme des entraves du corps et du péché, la purifier
de-^es" souillures. Tout cela est surtout négatif, ce sont les Àuc;;!;, délivrances, et les
"Reste la fameuse formule : « Chevreau, je suis tombé dans du lait »,où M. Loisy
voit toute une mystique de l'initiation, qu'il eût pu comparer à celle du baptême :
texte de la lamelle orphique qui le contient. En voici la traduction très Uttérale (2}.
« Je viens pure, issue de purs ou de pures . ô reine du monde souterrain. Euclès 3 .
Eubouleus (4 , et vous tous dieux immortels : car je me flatte d'être de votre heureuse
race, mais la destinée m'a domptée [et tous les dieux immortels] et celui qui foudroie,
lançant des éclairs. .le me
du cercle douloureux et pénible, et je suis
suis envolée
arrivée d'un pied rapide vers la couronne désirée. J'ai pénétré sous le sein de la
Maîtresse, déesse infernale, [je suis descendu d'un pied rapide vers la couronne
désirée"!. Fortuné et bienheureux, tu seras dieu au lieu de mortel (.5 . Chevreau, je
suis tombé dans du lait ».
C'est l'àme qui parle, arrivée enfin en présence de Perséphone, quand elle va
participer à la vie des immortels. Elle y avait des droits par sa race. Ailleurs, elle
répète trois fois : « Je suis fils de et du Ciel étoile (6
la Terre » Mais elle a été .
sances. Maintenant elle touche au but. Manifestement les mots Chevreau etc., doivent :
nouvelle de l'initié sur la terre? C'est, dit-on, qu'elle est en prose, qu'elle ressemble
aux formules semblables que nous
par Clément d'Alexandrie ou connaissons
Firmicus Maternus. Et que cette formule ait été révélée
il se peut, en eflfet,
à l'initié, mais pour s'en servir au moment voulu, alors que son âme, purifiée par
lait, passe dans du lait. Donc, s'il y a encore quelques règles pour interpréter les
pris la forme. Dieterich s'appuyait sur deux gloses d'Hésychius "Epiyo;- Atdvuaoç, :
et Eîpaçtt6-:r,4- "Eotçoç -apà Ar/.w3;v. Mais l'éditeur avait bien compris que c'était
non point un substantif mais une épithète. Dans Etienne de Byzance, on lit A'.évjaoe.
'Epi'tpioç -apà M£Ta-ovT(votç, et Porphyre (De abst., m, 17) prend pour une
eîpaçiwTr;?
épithète, comparable à pour Apollon, etc.
Xux.to; Dans l'hymne orphique LVIII,
e^pa-fiwTr,? est encore une épithète. Si donc l'initié se donne comme un chevreau,
c'est bien à cause de Dionysos, mais simplement comme lui ayant appartenu. Il veut
dire : dans ma vie humaine, j'étais initié, et maintenant... Ce qui suit ne peut
être qu'uîre-métaphore dont le choix dépend de la qualité prise par l'initié. La
béatitude du chevreau, c'est le lait. Il suffit de le voir suspendu aux mamelles
de sa mère. Mais pourquoi tomber dans du lait? C'est pour marquer l'abondance,
la surabondance du lait, qui signifie bien une vie nouvelle, comme disent MM. Rei-
nach et Loisy, mais non pas celle qui suit l'initiation. Le contexte l'exige, c'est
la vie divine, et celle-là justifie ce que l'expression paraît avoir d' exagéré. Faisons
à Tialre "TOlir un rapprochement : Unde, liceat gaudium aeternae beatitudinis in
cor hominis tamen Dominus ei dicere : Intra in gaudium; ut
intret, maluit
MYSTiCE innuatur quod gaudium illud non solum in eo sit intra, sed undique
illum circumdans et absorhens, et ipsum velut abyssus infinita submergens (\'j.
Il se pourrait même que le chevreau soit venu sous le giron de Perséphone pour
se nourrir de son lait divin, à la manière des petits faons et louveteaux allaités par
les Bacchantes d'Euripide (2). que l'initié était
Et peut-être entendait-on aussi
devenu comme un enfant,une vie nouvelle. Mais il ne s'agit pas de
étant ne "a
l'initiation; c'est plutôt le résultat et le terme définitif de l'initiation et des pratiques
est-il que l'initié était régénéré, était sauvé en s'assimilant le chevreau mystique,
Est-ce à dire que nous ne sachions rien d'autres objets qui en étaient les symboles?
Clément nous les a fait connaître en les qualifiant expressément de symboles de
l'initiation (3). Ce sont les jouets qui ont séduit l'enfant Zagreus. il les énumère,
et ce n'est pas ici le lieu de rappeler les discussions sur la nature précise de ces
objets. Comment se fait-il que M. Loisy, au lieu de s'appuyer sur cette donnée
certaine, ait préféré fonder l'initiation sur un texte arraché de son contexte? Est-ce
parce qu'on ne peut vraiment pas voir des sacrements dans ces symboles? Est-ce
parce qu'ils sont, pour dire le mot, trop puérils? Toujours est-il que non seulement
àorpàya/o:, o-yaîpa, arpôoiXo;, \i.r).ct, pôfiêoç, laoïtTpov, Ttôzo;... un osselet, une balle, une
toupie, des pommes oranges?), une toupie à fouet? un miroir, un peu de laine. Quel était
,
le sens de ces objets dans les cultes primitifs? Nous attendons qu'on nous le dise. Au i" siècle
de notre ère ils ne pouvaient être que commémoratifs du mythe auquel ils avaient donné
dans le texte de Firtnicus Materniis. la traduction les passe sous silence. Ce n'est
pas dans le dessein de les dissimuler, puisque le texte latin est en note, mais
tout de même la traduction est plus large qu'il ne con\ieudrait 1).
Pour tout dire, et quoi qu'il en soit des confréries strictement orphiques, nous ne
songeons pas à on ait eu l'intention de com-
nier que dans les rites des Bacchanales
mémorer mort de Zagreus. Le texte de Firmicus est très formel, et le mythe est
la
assez clair comme interprétation du rite. Mais ce n'est point une raison pour croire
que le taureau était le dieu. II le représentait tout au plus, ou pour parler plus
exactement, il lui était substitué. Les Grecs civilisés croyaient, à tort ou à raison,
que dans plus d'un rite la victime animale avait été susbstituée à une victime
humaine. De la même façon, ne pouvant songer à immoler un dieu, on immolait,
ou plutôt on dépeçait un taureau ou un chevreau. Car. en dernière analyse, le
dépeçage n'est pas proprement mi sacrifice. Le cas de Zagreus était donc le même
que celui de Déméter et de Persephone. celui des autres mystères. On représentait
la destinée du dieu. Comme cette destinée était, cette fois, la plus cruelle de toutes,
la représentation avait l'air d'un sacrifice, mais sa valeur propre comme rite était
d'être une reproduction figurée, une commémoration. La figuration des aventures
de Déméter n'était pas moins efficace, et cependant elle n'avait pas même l'apparence
la plus lointaine d'un sacrifice. Comment et pourquoi les Grecs se sont-ils imaginé
que ces représentations étaient agréables aux dieux, cela n'est nulle part plus étrange
que dans le rite de Zagreus. où l'on semblait renouveler l'offense. Firmicus est
la principale autorité alléguée pour le caractère commémoratif. et conformément à
son système de voir partout des histoires, il suppose qu'en simulant la folie, en se
laissant aller à des transports qui altéraient le libre arbitre, on excusait le crime des
ancêtres, qui avait été commis sous les mêmes violentes impulsions.
Mais les mystères n'étaient pas un jeu d'évhéméristes. convaincus que les dieux
n'existaient pas. Ils n'étaient pas non plus des
deuxième rites de sauvages. Dès le
création panthéistique, si l'on peut associer ces deux mots, plus précisément de la
démiurgie qui a scindé l'un pour produire le multiple, en attendant que l'unité soit
de nouveau rétablie. Ce qui figure nouvelle union, ce n'est pas la manducation
la
de la bête déchirée, c'est la naissance nouvelle que Zagreus recevra comme Dionvsos.
Parmi les textes cités par Lnbeck, celui-ci me parait le plus expressif « Les passions :
tiel étaitd'aboutir à la renaissance. Le rite traversait pour ainsi dire une période
fâcheuse, en vue du résultat à obtenir. Nous en faisons autant pour la Passion du
Christ, mais en lui attribuant une efficacité qui ne pouvait être dans la pensée des
Orphiques.
Or ces idées transcendantes — nous sommes à Athènes — peuvent avoir été presque
contemporaines de la constitution de l'Orphisme. Rohde a rappelé que la division
puer deceptus fuerat mentiuntur de en: p^-of. rel.G] signifie « à la mélodie des flûtes et au :
tintement des cymbales sont produits dans un rite menson^^er les jouets qui avaient trompé
l'entant. .
le nom que tu préfères. xVecepte ce sacrifice sans feu, ces fruits de toute sorte, offerts
à pleines corbeilles. C'est toi qui parmi les dieux du ciel tiens dans ta main le
sceptre de Zeus, c'est toi aussi qui dans les Enfers partages le trône de Hadès.
Envoie la lumière de l'âme aux hommes qui veulent apprendre les épreuves de leur
destinée nouvelle, révèle-leur dès maintenant d'où ils sont venus, quelle est la racine
des maux, laquelle des divinités bienheureuses ils doivent se concilier par des sacri-
fices,pour obtenir le repos de leurs souffrances » (3). Il y a dans cette mélancolie
quelques-uns des accents du disciple de Bouddha qui gémit d'être assujetti au mou-
vement des générations, nullement l'assurance d'un initié sur d'être désormais trans-
formé en un être divin. Les sacrifices y seront utiles, et la révélation implorée ne
fera sans doute que confirmer la pratique d'offrir des sacriûces sans feu.
Le rite d'union qui n'était pas dans la manducation de la bête dépecée était proba-
blement tout autre. Ici nous ne parlons plus des Orphiques.
Les Bacchanales avaient une fâcheuse réputation. Aujourd'hui encore le mot est
mal famé. M. Loisy ne dissimule pas tout à fait le mal « Il n'est pas probable que les :
symboles d'union sexuelle n'y aient tenu aucune place » p. 27 j. Mais quoi! si
c'était un symbole d'union divine! « Le langage de saint Paul, il convient de ne pas
l'oublier, est empreint du même symbolisme lorsque l'Apôtre parle du Christ époux
des âmes, des croyants qu'il a fiancés comme des vierges chastes à l'unique mari
qu'est le Christ » (p. 27j. Ne nous fâchons pas de cet ignoble rapprochement,
mais retenons le mot chaste. Est-il vrai que « pour l'historien il y a épuration
constante, mais non solution de continuité dans l'évolution de la foi religieuse depuis
son départ, le mariage sacré, l'accomplissement liturgique de l'acte sexuel, dont la
les âmes des Orphiques n'étaient pas impuissantes dans leurs nouvelles existences, et, malgré
la grande autorité de Kuhde u, 1-28, je ne crois pas que ce soit le sens du frag. 208 d'Abel. (.e
vers ôpY'-i t' i-f.itt-i(so-j<i: /ûciv Ttpoyôvw/ à6î(xî(îTwv / fjLaiôfXîvo'. me parait signifier ils :
célébreront des orgies p)ur obtenir la délivrance (à la suite du crime) d'ancéues impies •,
ce qui est le but principal de I'Orphisme « mais toi, puissant en leur faveur (Dionysos),
:
tu délivreras ceux que tu vnudras des durs travaux et de la i)eine sans terme ».
436 REVUE BIBLIQLE.
pation est constante, apparaît peu dans les rites, où elle semble avoir été surtout
figurée par la germination du grain », etc. (p. 134;. C'est reconnaître que le sens
du mvtlie était toujours transparent. Laniort d'Oiiris et sa résurrection, c'était la mort
etja_renaissance des céréales. Beau symbole dont cette fois saint Paul a tiré parti
(1 Cor. 15735T Mort comme dieu, Oiiris ne retrouvait la vie que pour la perpétuer
aux enfers. Ainsi que Dionysos, il renaissait glorieux en Horos, le véritable dieu
vatïïqiîêur. Dans les rites égyptiens on ne voit nulle part que les vivants aient
cherché à s'identifler à Osiris de leur vivant, afin de participer à sa vie immor-
telle. C'eût été un non-sens. Le mort ne pouvait être un Osiris qu'après sa mort.
Il devenait alors l'Osiris un tel, c'est tout ce qu'il pouvait prétendre. Encore fallait-il
avec respect, mais sans y voir tant de mystique unitive. Isis « in.stitua donc des
initiations très saintes oîi seraient représentées par des images, des allégories et
11 faut avouer que c'est un peu maigre, et que cela tourne au rationalisme.
Mais enOn, c'est ainsi qu'un esprit cultivé — et platonicien, donc nullement
hostile à la mystique — entendait ces mystères. Admettons que les fidèles y
voyaient quelque chose de plus, une promesse d'immortalité bienheureuse garantie
par l'intimité acquise avec les dieux. Mais on n'a pas le droit de dire que l'initié
comperior, deae quidem me tantum sacris inbutum at magni dei deumque summi
parentis, invicii Osiris, necdum sacris inlustraium. Quanquam enim conexa, immo
vero inunita ratio numinis religionisque esset, tamen teletae discrimcn interesse
maximum — on a bien lu; il y a dans l'initiation une très grande différence. ^Si
n'est pas encore entré au service du dieu me magno etiam deo quoque peti famidum
:
1) De Is, XXVI, Trad. de M. Loisy, p. 141. Noter îUôvaç xal uuovoia; -/.ai îii[j.r)(i.à tûv nô-z
7:a9r,|jâTti)v. L'adjectif possessif manque, comme souvent en grec, mais ce sont Ijicn les
soufTrauces d'Isis comme a compris M. Bétolaud.
HECE.NSIO.NS. 437
et la facétie : « Disons qu'il a reçu deux lois le même sacrement » (p. 158) ne lait
pas moins d'honneur à sa dextérité. Il est vrai qu'Apulée est Apulée; il était dur de
le traiter comme un Paul, en récusant son témoignage. Il faut bien en venir là
cependant « comme
: les mystères d'Oiiris ne pouvaient être que des mystères
d'Isis, de même que ceux-ci étaient incontestablement des mystères d'Osiris >
(p. 158 , et après d'autres ultendti que. on conclut qu'à Rome le clergé d'Isis avait
inventé ces nouveaux mystères « sous prétexte d'honorer O^iris, et probablement
pour augmenter les revenus du sanctuaire » (p. 159). Il se pourrait bien, mais
cela n'empêche pas que Lucius ne savait rien des rites osiriens, et qu'il a dû même
subir encore une troisième initiation, la deuxième osirienne, tant il était mal garanti
par sa prétendue association à Osiris. Isis est dans Apulée une divinité polymorphe,
dont il faut se défier. En quittant lÉgypte. elle s'était beaucoup rapprochée de
Proserpine. M. Lafaye qui a spécialement étudié Isis reconnaît dans l'initiation
d'Apulée « une étroite ressemblance avec Eleusis (1. » Il suffit de lire; c'est le
moment capital : « J'ai touché la frontière de la mort, et, après avoir foulé le seuil
de Proserpine, je suis revenu, porté à travers tous les éléments. Au milieu de la
nuit, j'ai vu le soleil rayonnant d'une pure lumière. Des dieux des enfers, des dieux
du ciel je me suis approché, » Ce n'est pas très
et je les ai adorés de près 2).
il le met partout. Cela dure une bonne page, pour conclure modestement « Il est :
La question est seulement de savoir si Apulée pense à une vi.sion extatique; il est
probable, comme opine M. Cumont, qu'en tous cas on montrait dans les ténèbres
les enfers et le ciel 4).
Mais quoi soit, l'initiation supposait en elTet une mort du myste, mis en
qu'il en
possession pour commencer une nouvelle carrière, comme s'il était né de
du salut
nouveau. Voici les ternies (x.xi) nam et inferum claustra et salutis tulelam in de<ie
:
curricula. M. Loisy traduit : « Car la déesse tient en main les clefs des enfers et la
garde du saint; et l'initiation même
façon de mort volontaire et de se célèbre en
salut obtenu par grâce (ne croirait-on pas entendre saint Paul?) ». Non, ce n'est —
pas le langage de Paul, car la salus precaria. dans ce contexte, ne signifle pas le
salut obtenu par grâce, mais à titre précaire. Apulée est un Occidental qui parle ici
la langue du droit. Le salut en effet, ne durera qu'une nuit, il faudra naître de nou-
veau pour courir la carrière du salut : « Car ce sont ceux qui, leur vie terminée,
sont au seuil de la mort, et à qui l'on peut en toute sûreté confier les grands secrets
de la religion, que la déesse rappelle et qu'elle convie, renés en quelque façon par
sa providence, à courir une vie nouvelle (1) ».
On que cette mort n'est nullement l'union à une mort salutaire. 11 faut
voit ici
mourir symboliquement pour jouir symboliquement du bonheur des élus. C'est pour
cela que l'initié commence en quelque sorte une vie nouvelle. Il n'y a pas lieu de
dire : « On nous dispensera de citer ici les textes de Paul concernant la prédestina-
tion et la vocation, la mort et la résurrection spirituelles des chrétiens, le salut
gratuit par Jésus-Christ » (p. 148 note). — Si la ressemblance était si parfaite, il
faudrait bien pourtant rappeler les dates. Né vers 12-5 ap. J.-C, Apulée n'a guère
pu Métamorpîwses avant l'an 155, c'est-à-dire un siècle après que Paul
écrire les
écrivaitaux Romains. Pourquoi ne pas se demander si cet esprit curieux n'aurait
pas entendu parler de la renaissance chrétienne? Toutefois cela n'est pas nécessaire.
L'idée de la vocation est une vieille idée babylonienne, très biblique, qu'on pouvait
rencontrer un peu partout (2). La nouvelle naissance n'était pas non plus après
tout une idée si rare, et elle se présentait naturellement ici. Mais l'essentiel manque'
à Apulée : le salut, c'est-à-di»e la justitication par les mérites d'un dieu souffrant.
Peut-être nous reprochera-t-on de trop insister sur l'exégèse d'Apulée. S'il est indis-
cutable qu'il a entendu distinguer les rites de l'initiation isiaque des rites osiriens.
s'il est interdit d'entendre son texte, assez clair en somme, en le surchargeant d'élé-
ments étrangers, les rites Osiriens n'en existaient pas moins, et Ton pouvait parler
de la passion d'Osiris, de sa mort et de sa résurrection dont la représentation figurée
était efficace pour le salut du fidèle associé à Osiris.
C'est bien le thème qu'on nous propose, mais il groupe arbitrairement plusieurs
notions disparates, sans parler de rarl)itraire qu'il y aurait à lui appliquer ce
qu'Apulée dit de l'initiation à Isis, qu'il a voulue différente.
Hérodote a parlé des souffrances d'Osiris et de leur représentation : là ôï(/.r)Xa twv
xaeétov aOiou vuatoç roisuat (il, 171). Mais il n'a pas donné de détails, et il parlait des
Égyptiens.
Les autres textes sont relatifs aux mystères d'Isis et à ses fêtes. Or dans ces
lextes. autant que je puis voir, ni la mort d'Osiris, ni sa résurrection n'étaient figurés
dans les rites.
J'avoue que cette proposition est paradoxale, si on la juge d'après l'opinion cou-
rante, mais alors qu'on cite de nouveaux documents.
La mort, évidemment, est supposée, mais je prétends précisément qu'elle est une
donnée nécessaire, antécédente. Les rites d'Isis à la fête principale sont purement et
simplement le deuil d'Isis apprenant la disparition de son frère-époux, rais à mort
et dépecé par Typhon, l'invention du corps, qu'Isis ensuite ensevelit. Qu'après cela
Isis lui rende la vie, lui coufère l'immortalité, il le fallait bien, puisqu'il était dieu
RECENSIONS 439
dès sa naissance. Mais, autant que nous pouvons en juger, cet événement, d'une
nature mystérieuse, n'était point l'objet d'un rite. En tout cas, il est incontestable
que le thème de la joie, ce qui déterminait l'explosion d'enthousiasme après le deuil,
c'était l'invention du corps, VHei/resis, et il n'est pas moins certain qu'après avoir
trouvé le corps de son époux, Isis lui donnait une sépulture décente. M. Loisy s'eb.t
servi d'une formule fort équivoque en écrivant : « Osiris ayant été définitivement
enseveli dans l'immortalité par Isis » (p. 129). — Non, Osiris a été enseveli dans un
tombeau ou dans quatorze tombeaux, selon le nombre des villes qui se flattaient de
posséder ses restes. Mais ce dernier point importe peu, l'essentiel est le fait de
l'ensevelissement.
Firm. Maternus 2 : sic inventum Osirim Isis tradidit sepuHurae.
Athénagore XXII : rj "laiç ^r,Touaa -à aèXr, xa\ SjpouTa r^-jxr^ivj e;; TaçTi'v, r, ras») ï'o;
pris sa place, lui est seulement le dieu des morts. C'est, il faut en convenir, un
inconvénient grave pour une mystique unitive chez les vivants. Dans quel but
s'associer dès à présent par l'initiation à un dieu qui est un dieu mort, si c'est Isis
qui donne l'immortalité? D'autant que les villes égyptiennes prétendaient bien pos-
séder son tombeau — et son corps. Les modernes qui connaissent depuis l'enfance
la résurrection de J.-C, sont toujours tentés d'employer ce mot comme si le monde
gréco-romain avait accepté la notion juive. Les prêtres égyptiens n'étaient pas gênés de
la mort d'Osiris, parce que son âme brillait aux cieux i2> On parlait bien aussi des
vies nouvelles et des renaissances d'Osiris : "Oabtoo; oiaa-aTaoî; xai Ta?? àvaSiwîEai /.ai
r:aXiYY£v£a''a'; Trfe Is. XXXIX , mais la renaissance n'avait-elle pas lieu en Horus?
Toujours que Diodore de Sicile qui, lui, parle bien de résurrection, confond
est-il
En quoi donc consistait la fête principale, les Isia, qui duraient du 28 octobre
au V
novembre (4)? Durant quatre jours durait le deuil d'Isis. Ni elle, ni les
spectateurs ne devaient savoir où était le corps d'Osiris. Rien n'indique qu'on eût
assisté à son dépècement. S'il fallait en croire Plutarque (XXXIX). chacun d^-s
quatre jours avait son rite différent; tous étaient relatifs à la décrue du Nil. Peut-
être a-t-il introduit dans le rite une explication naturaliste. Le dernier jour on se
rendait au bord de la mer. « Là les stolistes et les prêtres tirent de son réduit le
cofîre sacré contenant un petit vase en or dans lequel ils versent de l'eau douce.
Puis l'assistance un grand cri, comme pour faire comprendre qu'Osirls est
jette
retrouvé (5i. » L'invention, heure^ia, était si bien le rite principal, que dès lors,
(3) I, 25, TÔv uiôv "iîoov Otto -thi TtTsvtov £mêo-j),£-j6£VTa xal vêxpov siipsôô'vxa xa-' -jôai-o;
lAri [JÔ/ov àvacr-yjaai Soùtrav Tf|Y 'J^v/iôv, àX/à xal -rr,; àôavao-ia; T^o\.riaot<. [i.ZT(i\'Xoti\
'»; I,aquestion de calendrier est' traitée dans le G. I. L. t. I, -2'-
éd., p. 333.
(a) De Is., trad. Bétolaud.
440 REVUE BIBLIQUE.
la joie éclatait. INous en avons l'expression rituelle stéréotypée dans Athénagore :
ensemble. » On avait trouvé les membres d'Osiris, sauf un, qu'on remplaçait par
un objet en bois, porté en procession. Comment cela saccordait-il avec une statue
d'Osiris couché, dans le Temple de Dendérah, dont la résurrection commence
précisément par là? C'est le cas de dire avec Hérodote sJ'a-roijia -/.iMw. Deux jours :
après, le 3 novembre, une fête joyeuse, nommée Hilaria, comme dans les mystères
d'Attis, terminait le cycle. Était-ce enfin, après l'ensevelissement, la mémoire de
la résurrection.^ Rien n'autorise à le dire puisque, d'après le calendrier phiiocalien.
le !"'• novembre était déjà la fête de la renaissance du Dieu (2).
Qu'y avait-il dans ces rites qui donnât des espérances pour l'autre vie ? Avaient-
ils en eux-mêmes quelque M. Lafaye l'a pensé, mais il ajoute « C'est
efficacité? :
Ils devaient cependant être informés. En eilet, toute représentation d'une passion,
comme étaient celles du moyen âge ou de nos jours celle d'Oberammergau, n'est
point nécessairement un rite magique. Et si c'était un rite magique, si les prêtres
et les initiés avaient conscience « de prendre part à un drame qui s'accomplissait
périodiquement en un certain lieu du monde, toujours avec la même réalité poi-
gnante », quel était ce drame? Les initiés imitaient les gestes d'une mère plongée
dans la douleur, ils s'associaient à sa joie d'avoir retrouvé le corps de son fils ou
de son époux... Que signifiait la perte, que signifiait le recouvrement? Plutarque
n'était pas moins gêné du rite que du mythe dont il écrivait qu'à les prendre pour
des réalités, t il faut cracher dessus et se rincer la bouche »' (XX). Il a donc tout
essayé pour donner au rite un sens raisonnable. Il a cherché dans bien des sens. Pas
un mot n'indique qu'il ait eu une portée sotériologique. Et c'est peut-être parce
qu'il n'inspirait pas moins de dégoût à Apulée qu'il s'est abstenu d'y faire la moindre
allusion.
Puisqu'on nous y invite, au lieu de jongler avec les textes de philosophes qui
ont projeté sur ce fumier quelques rayons d'or de la mystique platonicienne,
représentons nous saint Paul assistant à ces drames misérables... On nous dispensera
de décrire son indignation.
Le plus probable, si le rite était censé efficace, c'est qu'il visait une utilité
temporelle. Dès le moment où le Kil avait baissé, où le grain était jeté en terre,
on souhaitait la crue, procurée par le rite magique de l'eau, et voir revivre le
grain semé en terre. Pour Athénagore, comme pour Piutarque, les membres
d'Osiris sont les fruits, c'est-à-dire les céréales. Oa s'expliquerait ainsi l'importance
de la sépulture, la résurrection des graines étant enfermée dans le mystère de l'avenir-
En semble bien que M. Loisy ait beaucoup exagéré le rôle d'Isis comme
eCfet, il
déesse du salut dans l'autre monde. Elle était prodigieusement variée et cet office
ne pouvait être le sien que dans son rôle de Proserpine. Mais elle en avait tant
d'autres ! D'après M. Loisy, « c'est d'elle que les hommes recevaient maintenant
dans ces rit-îs le ^age de rimmortalité » (p. 124). En note : « voir par exemple
l'inscription de les » etc. Suivent neuf lignes de grec où il n'est question que des
bienfaits temporels d'Isis, comme d'ailleurs dans toute l'inscription. Dans le long
papyrus dont nous avons parlé, les éditeurs ont cru pouvoir lire à la ligne 13 qu'elle
conférait l'immortalité. Mais dans leur commentaire, ils présentent la lecture comme
incertaine; pourquoi ce prédicat auguste comme déesse d'un petit endroit (1)?
C'était d'ailleurs une personne très recoramandable, d'après les éloges qu'elle
se décerne. Elle donnait force au droit, ce qui est bien quelque chose, réglait tout
pour le mieux, surtout les devoirs des enfants envers leurs parents, des époux entre
eux. Parce qu'elle dit tout cela à la première personne, M. Loisy remarque après
M. Deissmann « qu'Isis et le Christ du quatrième évangile parlent tout à fait la même
langue, se révélant eux-mêmes en style de litanies... Mais c'est Isis qui Ta parlée
la première » (p. 124 note 2,. La même langue, c'est exagéré. La ressemblance se
réduit à une énumération à la première personne. Auguste aussi avait parlé cette
langue dans son inscription d'Ancyre. Eu pareil cas, il faut voir le contenu. Encore
une fois, ni dans l'inscription de Diodore de Sicile, en effet antérieure à saint Jean,
ni dans celle d'Ios. qui est du ii'' ou du iii* siècle, Isis ne se vante de donner à
personne la vraie vie.
Nous ne prétendons pas nier le rôle d'Isis comme déesse des enfers. Mais dans
ce rôle elle se rapproche de Perséphone — Proserpine, si bien que Lactance n'a
pas vu une grande différence entre les deux mystères (2 . Osiris diminuait d'autant.
Et c'est toujours à ce point central quil en faut revenir. Comme M. Eoisy l'a très
bien dit, « c'est à elle qu'Osiris devait sa résurrection et l'immortalité » (p. 124j, —
dans mesure où c'était une résurrection. Pour l'immortalité, cela est dit très
la
consenti, cela va sans dire, et M. Loisy le concède. Mais quel dieu l'avait acceptée
à ce titre? Et sans cela, quelle efficacité pouvait-elle avoir? Où trouve-t-on le
moindre indice, dans les mystères gréco-romains dlsis, que l'initié était sauvé par
Isis en faveur de la passion d'Oiiris? Quant aux mystères propres d'Osiris, dont
parle Apulée, ils sont absolument inconnus. Le pâle dieu des morts égyptiens était
devenu un très grand personnage, à la fois Zeus et Hadès, surtout peut-être Zeus,
sous le nom de Sarapis, et s'il faut lui appliquer les destinées et les fonctions de
l'antique Ouseri, on ne lui était assimilé qu'après la mort (4).
Un mot seulement sur Mithra.
Comme la plupart des autres dieux de mystères, il est pour M. Loisy « un dieu
souffrant » i^p. 203 ! Lisez lerakhméël, disait jM. Cheyne, et tout ira bien. Mais
pourquoi Miihra un dieu soutirant? Parce qu'il immole le taureau qui était
est-il
primitivement un animal divin, un dieu, et dont l'immolation avait donc été la
passion d'un dieu. Nous avons résolu de ne pas chicaner sur les temps primitifs,
mais enfin si Mithra, étant d'abord le taureau, était devenu le dieu tueur de
taureau, il y avait bien eu du moins un dédoublement. Alors ne faudrait-il pas expli-
quer meurtre du taureau d'après les idées des Perses? Je ne songe pas à repro-
le
se répand sur les têtes de statues hellénistiques (3;. » Le groupe du Mithra tauroc-
tone peut avoir été conçu au ii^ siècle avant notre ère. A cette raison, M. Cumont
eu joint une autre. Mithra semble avoir égorgé le taureau à contre-cœur, sur l'ordre
du Soleil. Mais M. Loisy conjecture que cette mélancolie s'expliquerait très bien
si le meurtre du taureau était la passion du dieu lui-même (4) a Oh! l'affreux :
religion, et la vie du christianisme n'a point passé par une greffe empruntée au
paganisme.
Lorsque M. Loisy affirme que « le judaïsme lui-même, en tant que religion
(4) « Et nous savons maintenant jiouniuoi il est un peu triste . etc., p. 20:2.
RECENSIONS. 443
(p. 16). Dans le judaïsme il n'y avait qu'un dieu, et ses manifestations étaient
moins sensibles, mais les faits divins étaient la raison d'être de tout le culte; par
lui le peuple s'approchait de son dieu, le plus près possible; souhaitant une union
plus étroite dans l'autre vie, il renouvelait l'alliance par le souvenir des miracles du
passé, représentés par la manducation de l'agneau pascal, la fête des tabernacles, etc.
Il y avait donc cette différence que tout se passait publiquement, selon les règles
Que fallait-il donc, pour muer en mystère cette religion? Elle était déjà très certaine-
ment une religion de mystère au sens indiqué, sans secret, comme garantie d'immor-
talité offerte à tous par l'initiation. Mais en présence du fait de la Passion du Fils
de Dieu, elle dut paraître à la fois vide et étroite. Le Fils de Dieu étant mort
pour le salut du monde, c'est dans cette mort désormais qu'il fallait chercher le
salut, par une initiation nouvelle, celle qu'il avait instituée, le baptême, qui devait
par même être compris comme une union à sa mort. A ce moment l'Esprit, la
là
vie du Christ étaient communiqués. Les œuvres étaient toujours nécessaires pour
le salut, mais des œuvres opérées par une vie divino-humaine. et le Christ étant
Fils de Dieu, il allait de soi que le salut était offert à tous les hommes. II n'était plus
possible de songer à un autre groupement que celui des êtres humains qui lui
seraient associés, le nouvel Israël, le vrai Israël, l'Église.
Il y a donc ici une nouveauté, c'est l'Esprit qui est donné, comme le Christ l'avait
annoncé et qui vivifie tout. Comme c'est l'Esprit du Christ, c'est par le Christ que
l'homme s'unit à Dieu.
Or, nous l'avons vu, la notion d'un dieu mort pour le salut des hommes était
étrangère aux mystères, et ils n'ont pas non plus connu l'Esprit.
Comment s'opérait chez euK l'union mystique? T avait-il plus qu'une intimité, une
païens, nous l'avons déjà dit, ont tenu le même langage (D.
Toutefois, si l'obscénité des mystères n'est que trop avérée, il répugne d'y voir un
attrait pour les âmes. Très probablement on demandait le salut aux mystères non
pas pour participer à des rites ignobles, mais malgré cette ordure traditionnelle.
L'attrait était le caractère spécial des divinités et des rites.
De tout temps làrae religieuse a demandé à son dieu ce dont elle a besoin, et
quand il y eut sur l'humanité grecque, à partir du vi^ siècle av. J.-C, comme une
vague de désir d'immortalité bienheureuse, c'est cette grâce qu'on implora des dieux.
Peut-être les païens, moins convaincus que les Juifs de la nécessité des bonnes
œuvres pour être sauvés, furent-ils plus enclins à s'en remettre aux dieux pour tout
arranger. Très naturellement on s'adressait surtout aux dieux qui régnaient dans
l'au-delà ou qui y exerçaient spécialement leur empire. Et il se trouva que ces dieux
avaient déjà des mystères.
Car la notion de mystères dépasse, si je ne me trompe, celle de mystères du
salut.
Le sujet est assurément très obscur. La seule notion générale qui convienne aux
mystères est fournie par Athénagore; pourquoi ce texte lumineux est-il laissé de
côté? Il a dit « Les_jnystères montrent les passions des dieux (2;. » Remarquez
:
qu'il ne dit pas ta -a6r;|j.aTa, les souffrances, mais d'une façon plus générale, -t. -xOt,,
(1) On vient de découvrir à Rome, pies de la Parla majgiore, un sanctuaire souterrain, une
basilique consacrée aux. mystères. Elle passait au moment de la découverte pour dater du r '
siècle; peut-être est-elle plus tardive. Les stucs de l'abside foimeat un grand tableau, interprété
par M. Curaont comme le voyage de l'àme au séjour des bienheureux. Sur la paroi, outre des
reliefs plaisants, des thèmes religieux, représentant un homme en présence de l'arbre sacré,
dans la position du dieu égyptien Min. Pas d'obscénité, dit on, sentiment des forces productrices
de la nature, de l'âme divine répandue partout. Soit! Mais on peut parcourir des kilomètres
dans les Catacombes sans rencontrer ce geste une seule fois, ni même rien d'approchant. Que
voulez-vous.' Ce n'est pas le même Dieu, ce n'est pas le même Esprit; à l'antique tradition
païenne a succédé le culte en Esprit et en vérité. Et cela d'une seule fois, et par la rénovation
la plus complète. On a beau dire, il n y a pas de continuité. Et comjne cela ne vient pas du
judaïsme, cela vient de Jésus.
(2' -.à TtâÔY) aJTwv ôîihvjOjc [i-.,ffT7Îçia xxxn. Le commentaire de Geffcken ne souligne même
pas ce mot profond.
RECbliNSIONS. 44o
les dispositions morales, les aventures, les -souffrances, tout ce qui rapproche les
dieux des destinées et des faiblesses de l'humanité. Parlant de Mélampous, initiateur
semi-mythique, Diodore, lui aussi, dit qu'il a apporté d'Egypte les mystères de
Dionysos, les mythes relatifs à Kronos et aux Titans, « en un mot l'histoire des
passions des dieux Toutes ces histoires venaient sans doute de l'épopée, mais
(1} ».
si le culte public affectait de n'en pas tenir compte, si les philosophes, avant les apo-
logistes chrétiens, s'en moquaient, elles continuaient à se répéter dans les mvstères.
Et c'est pour cela sans doute qu'on exigeait le secret. De ce secret on a donné
bien des raisons. Des cultes étrangers devaient rechercher l'ombre; mais il y avait
des mvstères nationaux. La sainteté des rites exigeait le silence, mais pourquoi un
secret éternel? Tout s'explique si l'on prend les mystères pour ce qu'ils étaient, des
cultes dont il valait mieux ne pas parler pour éviter toute discussion. Tout y était
de nature à choquer le rationalisme grec grandissant, les -îOr, des dieux, les
histoires qui les mettaient en scène, les objets qui en étaient les symboles, l'assu-
rance qu'on prenait de l'accomplissement des rites, la prétention à pénétrer dars
l'intimité des dieux, la manière dont on s'y prenait pour procurer l'union. Il y avait
là d'étranges éléments, mélangés d'une façon encore plus étrange-, résidu des
anciens cultes avec une dans l'action ma;:ique des rites qui eut été proscrite en
foi
sions, une honte pour la divinité, une perche tendue aiùx hommes. On se demande
ce que Paul pouvait recevoir des mystères même par simple ambiance et incousciem-
'
Dedefeclu orac. xiii; Is. i'i • Ce que les Grecs chantent sur la révolte des Géants et des
:-2 :
Titans,., les exils de Bacclius, les courses errantes de Gérés, tout cela ne diffère en rien des
aventures d'Osiris, etc. Il faut en dire autant de tous les faits qui s'enveloppent de mvsléres et
d'initiations, et que l'on dérobe... aux re^'ards de la multitude • iTrad. Bétolaud .
,
nôtre vaut mieux. Mais il n'implique pas le moindre désir de céder quelque chose de
la divine originalité du christianisme. De leur côté les philosophes disaient : nos
mystères valent bien les vôtres, et ils s'efforçaient de les relever par des sens mys-
tiques, que l'on aurait tort d'antidater.
Lé livre de M. Loisy ne doit pas être mis entre toutes les mains. Mais il sera utile
ilceux qui ont quelque pratique de l'analyse et de la distinction des concepts. La com-
paraison qu'il a esquissée et dans laquelle il a plus d'une fois rendu justice à la
supériorité du Christianisme les comprendre mieux l'origine divine du
aidera à
mystère chrétien qui. si la mort de Jésus, et dans la hgne qu'il
peu de temps après
avait indiquée, se présenta au monde dans une unité féconde, avec une logique
intérieure, une richesse d'institutions qui suffiront aux siècles et défleront la cri-
tique.
On peut en outre estimer que M. Loisy n'aurait même pas dû aborder cette thèse
sans avoir à indiquer l'origine dans saint Paul de la fonction dominante de l'Esprit (1)
C'est par là que peut-être le livre retarde, comme l'auteur l'a dit modestement, car
c'est làqu'en est l'école religionsgeschichtlich. Ce sera sans doute le thème d'un
prochain ouvrage du savant professeur au Collège de France.
(I; Il > a bien aux pages 2G1 et suivantes quelques renvois à ReilKe liste in, mais c'est trop peu
sur ce point capital.
BULLETIN
pour cette critique est réduite à se taire. Mais pourquoi ne pas signaler, dans
fois, la
à des juifs habitant la Perse. C'est passer la mesure, car ces Juifs auraient ainsi
surexcité des espérances contraires aux leurs.
M. John Pierpont Morgan a hérité du zèle de son père à collectionner les monu-
ments relatifs à l'antiquité chrétienne. Mais le mot de collection ne doit pas faire
(1; Retraite préetiée à ses prêtres |)ar D. .). Cardinal Mercier, arclievéque de Malines. Première
édition et dixième mille. Bruxelles et Paris, 1!»18. 191!).
(-2) L% religion a través de los siglos, estudio lomparativo de las religiones de la liumanidad..
Nouveau Testament. —
Critique textuelle. Voici encore un livre qui a paru
avant la du retard auprès de i\L Hoskier, non auprès de nos
guerre. Je m'excuse
lecteurs, car il est toujours temps de signaler des œuvres très utiles. Ces deux gros
volumes (2) ont dû coûter bien du temps, et combien il serait difficile aujourd'hui
de poursuivre une impression aussi compliquée !
Il a déclaré que « c'était à pleurer (3) ». Et quoique Soden ait descendu B du pié-
destal où Hort l'avait placé, il lui est encore trop favorable. Il faut donc frapper
encore, et à coups redoublés, l'idole de l'édition critique anglaise. En notant B et
«es alliés comnie un texte recensé, Soden aurait d'ailleurs suivi bonne piste. Mais, la
L'auteur en avait traité dans son ouvrage antérieur, Conceraing the Genesis of the
veralons of the New Testament (Gospels). Uae série d'actions et de réactions dans
les sens les plus divers est en soi une explication plus vraisemblable que l'emploi
mécanique du Diatessaron de Tatien pour rendre compte de tout le désordre :
les documents latins et syriaques, parce que les documents latins, comme un tout,
s'opposent souvent aux documents syriaques comme un tout » fp. xni). Mais, dans
le système de M. Hoslder, ce n'est que pour reporter plus haut encore les échanges
aient abandonné le copte »? en lisant Àjyojïcv 1. £'.-ov (Mt. xiii, 28). L'influence
ici
du copte est-elte donc si claire et si fréquente? Celle du latin a été prouvée sur D,
depuis longtemps, par M. Rendel Harris, sur V\ naguère par M. Sanders. Mais il y a
cependant une ditrérence. On comprend que dans un pays latin, où le latin est la
langue de tout le monde, des gens cultivés comme du peuple, où l'Église a ses
docteurs latins, on soit tenté de changer un t€xte grec d'après le latin dans un ms.
bilingue. Et sans doute aussi a-t-ou consulté des Syriens, fiers de parler, disaient-ils,
la langue du Sauveur et de l'évangile primitif. Mais que des copistes ou des recen-
seurs du monde grec d'Alexandrie aient interrogé avec déférence une version faite
pour de la Haute Egypte, il faudrait de fortes raisons pour le croire.
les cultivateurs
Et on demanderait aussi de fortes garanties pour laisser passer ce texte original
latin de Marc, traduit en grec en Egypte, où il aurait rencontré la recensioa grecq«e
ordinaire. Lors donc que M. HosUier conclut 'p. t} : « Ma thèiC est que c'étaient B
et N et leurs prédécesseurs avec Origène qui ont revisé le texte d'Antioche », nous
ne pouvons y souscrire. Mais quel service rendu à la critique textuelle que cet
examen diligent de tant de points, avec une si rigoureuse précision et un esprit si
complètement insoucieux des opinions régnantes !
dire. C'est encore une thèse plus contestable que la réhabilitation encore une
HetJm;/!) du ms. A à l'aide de la Vulgate, envers et contre B. Avant de faire
chorus, nous devons nous rendre compte, et du procédé de M. Haruack. et des résul-
tats qu'il a obtenus. Et d'abord il n'était guère autorisé à conclure pour tout le
Nouveau Testament, ni pour les Évangiles seuls, ni même pour l'Apôtre 3 . puisque
son enquête n'a porté que sur les sept épîtres catholiques. Est-il même si certain
que Jérôme ait revisé tout le Nouveau Testament? Haruack ne semble pas en douter,
et se tient assuréque cette revision était chose faite avant la lettre à Marcella. car
il aucun soupçon de l'ironie amusée du grand docteiu- (4). Et il admet tou-
n'a eu
jours que son procédé peut être apprécié d'après les rapports du Brixianus f) avec
la Vg. des évangiles, sans paraître se douter des objections de M. Burkitt. Il y
a assez longtemps que le savant anglais a proposé de voir dans / un ms. revisé
d'après la Vg. et la version gothique, assez longtemps pour que la découverte d'un
ms. bilingue latino-gothique soit venu confirmer son hypothèse lô). Depuis, très
modestement, mais avec une métlwde irréprochable, M. Souter a montré que, du
moins pour le texte de Luc, Jérôme s'était servi du texte représenté par «, et qu'en
attribue à Eusèbe de Vereerl (fi.
(1) Beitnige zur Einleilnng in uns Neue Testament, VII. zur Revision der Prinzipien der
XeutestaynentUchen Textkritik.Hie Bedeutung der Vulgata fur den Text der kalholischen Briefe
mid der .4nteil des Hieronymus an dem l ebersetzuTigswerk. 9," de -130 i>p. Leipzig, I91C.
2 ... dass an allen saclilich wicljtigen Stellen der Evangeiienkritik die Vaïgala den vortritt
liât und zaersî zu befragen ist (p. 11).
Tout cela est non avenu pour l'illustre exégète de Berlin, nuis du moins
il a voulu
tirer une leçon de ses propres découvertes. L'épitre de saint Jacques n'est certes pas
à dédaigner dans le lot des épîtres catholiques. A quoi sert l'étude minutieuse
du texte de la Vg., d'après le critique? Sur 65 cas, la Vg. a raison dans l'addition
de ;j.sv dans iri, 5 et iv, 13 'p. IIG . En revanche elle est en défaut dans 63 cas.
On pensera qne cette apologétique ressemble à la défense du jardinier par le pavé
de Il semble à M. Harnack que, pour cette épître, Jérôme s'est borné à des
l'ours.
corrections de style, sans reviser d'après un ms. grec (1). Puis il applique à l'a-
pôtre (Apostolos) ce qu'il a déduitde Jacques. Et nous voilà mieux documentés sur
sa pratique dans cette section que sur sa méthode à propos des évangiles, quoiqu'il
l'ait expliquée dans une lettre fp. 125) ! Mais alors ce qui témoin du texte grec
est
dans les épîires catholiques, c'est l'ancienne latine, et non
revision de Jérôme,
la
quantité négligeable, en dehors du style. Car il faut sans doute attacher beaucoup
d'importance à la conclusion soulignée
les épîtres catholiques le te.xte de la
: or Dans
Vulgate est une très ancienne traduction latine interlinéaire du texte original, hien
conservée et un peu améliorée pour le style » ^p, 130 .
seule. Sur i, 5 nous voyons apparaître A, /.xi ajTo-., mais la Vg. a vos aidem, ce qui
n'est tout da mêmî pas équivalent, ii, 8 Vg. n'a a.icun appui que copte. Mais
simplex est $ir/i(lum veri, ce qui sauvera bien des traducteurs embarrassés par leur
texte et qui savent tout arranger, ir, 2 çjt-./.oj; avec un cursif et Spcculam
\i, 18)
plus un seul oncial. Restent ii, 4 où Harnack non sius vraisemblance
se pro.aonce
avec N contre B. et n, 13 où il a raison de lire ayx-xu, mais avec B contre A. Ces
exemples sont -ils de nature à soutenir la prééminence accordée à A. à renverser
l'autorité de B?
Il y en a d'autres, sans doute. Mais quoi qu'il en soit des épîtres catholiques, on
ne voit pas le moment où un critique donnera, dans les évangiles, la préférence à
A sur B, ne fût-ce qu'à cause des leçons harmonisantes de A, qui ne pouvaient natu-
(I) Harnack a comparé avec le texte de Wliite celui des fragments de Bobbio (s\
Sur 8a ver-
sets, il n'a relevé que 48 différences. D'où il conclut que c'est le type Bobbiensis qui
a servi de
base à la revision de Jérôme. La conclusion est peut-être prématurée. i{. Buclianan a public
[Journal of th. St. XII p. 301) le texte du ms. p (Perpignan) qu'il regarde comme ancien latin.
Ce ms. p ne va que quatre fois avec s. et pour le reste avec Vg. sauf deux cas. Si p est bien
d'ancienne lutine, (jue penser de s?
452 REVUE BIBLIQUE.
Tellement le contaminer dans les épîtres catholiques. Ajoutons, pour calmer certain
enthousiasmes, que Harnack n'a même pas dit un mot du texte : trcs sunt, etc. de
I Jo. V, 7, qui sans doute n'existe
pas pour lui.
de prendre des allures mystérieuses ou de supposer que tout le monde sait l'armé-
nien, M. Frédéric iMacler a tout traduit, tout présenté d'une façon si claire que le
premier venu —
le recenseur par exemple, peut se rendre compte des faits, —
pourvu qu'il admette, ce qui n'est pas en question, la connaissance solide que l'au-
teur a de cette langue. On commencera donc par le remercier de la peine qu'il a
prise, car c'est à Etchmiadzin même qu'il est allé chercher les matériaux de son
travail.
M. Macler avait même avant la guerre achevé la publication du ms. E 229, celui-
989 ap. J.-C), et, parait-il, le meilleur de tous, paraîtra ou a déjà paru en une
édition phototypique.
Le but de M. Macler dans l'ouvrage que nous avons sous les yeux semble avoir
été surtout de prouverque la version arménienne a été faite d'après le grec. Mais il
n'a pas consacré moins de soin à exposer l'état de la tradition arménienne d'abord,
enfin le caractère de cette version, et spécialement le texte qu'elle suppose.
Malheureusement il ne lui a pas été possible d'étendre ses recherches sur les qua-
tre évangiles, d'une façon qui le satisfît, et par un scrupule devant lequel il faut
travail semblable sur Le. et sur Jo. Il pourrait peut-être sans inconvénient porter
seulement sur la dernière partie, car la thèse principale est désormais suffisamment
prouvée.
Sûr de son affaire, apparemment, M. Macler a mis un peu de coquetterie à décrire
avec soin les opinions régnantes. C'est un accord unanime des savants anglais,
(I) Le texte arménien de l'cvangile d'après Matthieu cl Marc, par Frédéric Macler, professeur
à l'école nationale des langues orientales vivantes, docteur es lettres, in-S" de Lxxn-647 pp. An-
nales du Musée Guimet, Paris, 1919. —
Voir la recension très érudite de M. Louis Mariés dans les
Recherches de science reliaieuse (janv.-mars 19-JO) que l'on n'a pu utiliser ici.
BULLETIN. 433
La tradilioa manuscrite ne remonte pas très haut, miis elle est très homogène
dans le meilleur groupe des«mss., et les mékhitaristes ont été bien inspirés dans leur
choix, car M. Macler n'hésite pas à donner l'édition de Zohrab (Z) comme un texte
excellent. L'abbé Paulin Martin aiaiait à dire Arméniens
que seuls des Orientaux les
avaient su publier une bonne édition de leur Bible, et quil fallait en faire honneur
à des religieux catholiques. On voit que cette louange tient toujours. Le second
groupe des mss. ayant à sa tête le plus ancien (887 de J.-C). Mq de Moscou, n'est
point homogène, et ne contient aucun individu dune égale valeur. \'oici la conclu-
sion d'une étude extrêmement serrée, qui n'occupe pas moins de 31.5 pag-^s « Les :
manuscrits du groupe Z offrent un texte concordant. Tous les autres manuscrits sont
aberrants et entre eux et par rapport au groupe Z; les différences de textes qu'ils
présentent résultent, pour partie, d'erreurs ou de correcùous arbitraires, pour une
partie plus grande, de revisions sur des textes grecs divers » (p. 3J5).
parler de contres *ns qui ne pouvaient se faire que d'après un texte grec. En pareil
cas ce serait à ceux qui soutiennent une origiue syrienne de la version à faire la
preuve de leur paradoxe.
L'étude de la technique de la traduction est naturellement destinée surtout aux
arménisants, mais un profane même ne peut qu'être frappé des efforts du traducteur
pour exprimer, par exemple, le sens précis et total des mots composés. Enfin la liste
Génésar, mais toujours Gernésareth. Pourtant il y a des nuances. C'est ainsi que
dans certains cas l'arni. rétablit le son aspiré sémitique, dans Géliénin pour y"~'/^r^,
Abraham, Isahak, Bethhezda. Ce dernier cas prouve que l'on regardait le grec
BT,6cc^a comme la traduction du terme araméen Beth Kbesda.
De même dans Rayénôn, pour Âtvwv (Jo. ni, 23), où le k semble remplacer le
àùfi des transcriptions syriaques. Mais ces cas sont très rares et ressortissent plutôt
à l'exégèse étymologique qu'à l'office du traducteur. Cela n'est pas allé jusqu'à
changer Bêelzeboul en Béelzeboub. comme nous l'avons dans notre Vulgate, qui n'a
pas été traduite du syriaque. Bétbanie n'a jamais de vestige d'un 'ain. On savait qvie
l'arm. a opté pour rspyscrr.vwv dans les trois cas (Mt. viii, 28; Me. v, 1 ; Le. viii, 26,
37). Le mot Gergésatsiens a sans doute pu venir du grec directement en traitant
Tjvcov comme une finale, sans passer par la forme de syrsin (Me. v, 1) Girgasieh.
Après cela 1 M. Macler qu'à rechercher quelle était la famille à laquelle
ne restait à
se rattachait le ras, grec traduit en arménien. Ce fut sa chance que l'édition du ras.
de Koridethi venait de paraître; mais ce ne fut pas un grand avantage pour Itii de
se servir de l'édition de von Soden. Elle lui fournissait des renseignements nouveaux,
mais aussi un classement auquel, semble-t-il, il a ajouté trop d'importance. On sait
du reste que le faible du système de Soden est sa prétendue recensibn L alors que
ce sigle désigne en réalité une masse polymorphe de mss. et de versions. Quant au
ms. de Koridethi, 6. M. Placier eu a bien vite compris l'importance pour son sujet,
et c'est son mérite d'avoir mis en relief les ressemblances singulières, sur des points
très précis, de 6 et de la version arménienne. Quoi d'étonnant lorsqu'on songe que
Koridethi se trouve dans le pays des Lazes, non loin de la mer Ps^oire, à peu près à
égale distance de Trébizonde et de Tiflis?
Mais cela n'autorisait pas M. Macler à conclure : « Pr<sque chaque fois qu'on
relève une pariicularité en arménien, elle a son correspondant en I, contre H, alors
qu'on ne signale rien de spécial pour K » (p. 631). Ou encore : le texte grec « était
du type représenté par le Codex Bezae et l'Évangile de Koridethi. > (^p. 644.
Par ce jugement sommaire, M. Macler néglige l'évidence qui résulte de ses pro-
pres collations. Je croirais que huit fois peut-être sur dix. l'arm. coïncide avec K
de Soden, c'est-à-dire avec le texte d'Aotioche, devenu le texte reçu, et non pas
même avec sa forme la plus ancienne. Ce qui est très exact, c'est que l'arm. n'a pas
grand'chose de commun avec l'H de Soden, c'est-à-dire les bons mss. B et consorts.
Mais sa parenté avec D est bien loin d'atteindre le degré qu'on trouve dans l'an-
cienne syriaque. Un groupe très caractérisé est celui que D forme avec les latins.
Ily en a des traces dans l'arm., mais peu. Ce qui a entraîné M. Macler, c'est qu'assez
souvent D marche avec Antioche. D'autre part 6 en a beaucoup plus encore subi
l'influence, et pour des leçons secondaires. Il semble donc que l'arm. est issu d'un
texte on peut le concéder à M. Macler, mais cela n'exclut que la parenté avec H,
I,
thèse principale, car les leçons de 6 et d'arm. presque seuls sont au contraire
d'anciennes leçpns qui ont dû peu à peu disparaître devant la marée montante du
textus receplus, comme Mt. v, 37 to vai vat/.atTo oj ou. ou encore Me. v, 7 nr^aty /«t
r.LLI.ETIN. 43o
Arménie sous la forme d'un ms. fortement revu d'après Antioehe ou même Constan-
tinople.
Quant aux rapprochements eux-mêmes, ils sont poursuivis selon les règles de la
qui naquit Ysous, (lui fut nommé Qristos » p. 572;. En opposition avec toutes ses
recherches, M. Maeler ajoute : « Sauf l'addition du « mari de Mariam ». le texte armé-
nien est d'accord avfc syr. sin. : «Joseph, à qui Mariam vierge était fiancée, engendra
léchou.qui fut nommé Mechi'o (Messie) » et là?) le texte de Koridethi : twv 'mti^xj
Mapixç, e; r,; îyEvvr.Oy, It,joj: /.. t. À. En tout cos, si l'arm. ne représentait pas ce texte,
il faudrait le rapprocher pour le sens de Koridethi, non de syrsin. Car « de qui ». à ce
qu'on m'assure, n'indique aucun genre en arménien, et. a cette place, il ne peut
s'entendre que de Marie, comme dans Korideihi, tandis que syrsin attribue la
paternité à Joseph (au sens légal). C'était donc le cas de parler d'une addition d'après
Koridethi.
Comme influence de Tatien, on pourrait peut-être citer Me. xvi, 4 « du tombeau »
(p. 636). En revanche, trop déférent pour la notation de Soden. l'auleur le cite dans
bien des cas où il ne figure qu'en fantôme.
Encore une fois, nous voudrions bien avoir la suite d'un travail si consciencieux
et si utile (2).
Dulaurier. l'illustre arménisant, avait laissé inachevée sa traduction de l'histoire
universelle d'Etienne .\solik de ïarôn. M. Maeler a repris cet ouvrage et publie
aujourd'hui la deuxième partie, comprenant le livre III. allant d'environ 888 à
environ t004 ap. J.-C. (3). La traduction est accompagnée de notes copieuses qui
jettent beaucoup de lumière sur les obscurités de cette histoire. L'introduction n'est
;ii II grande importance au moindre détail, mais se garder d'en tirer des
faut attacher la plus
conclusions immenses N et B font œmTc de puristes, comme il appert dans cette variante,
: <- Si
Is seraient postérieurs aux autres mss. grecs réputés anciens, et ne dateraient pas de l'époque
qu'on leur attribue • (p. 800). Comme si la date de B dépendait de la variante aairsXwva avO^w-
Tio; eçoT£-j(7s-j Me. xii, 1
Le dernier mot est relatif à la date de la version. .4u lieu de dire « en latin », elle écrit • en
(-.>;
dalmate ". M. Maeler en déduit qu'elle date d'un temps où la Dalmatie faisait partie de l'em-
pire d'Orient, au vi" siècle. Mais l'expression n'est-elle pas ancienne/ ?:lle peut dater du jour
où l'on parla latin en Dalmatie. Si la tradition tient pour le v" siècle, elle n'est pasùabandoniiér
pour si peu.
(3 Histoire universelle par Etienne Asolik de Tarôn, traduite de l'arménien et annotée, par
Frédéric Mvcler, lauréat de l'Institut, professeur à l'école des langues orientales vivantes. Grand
8» de xcvrit-209 pp. avec XII planches, Paris, Imprimerie nationale. 1917.
436 REVUE BIBLIQUE.
pas moins propre à orienter le lecteur. Nous ne saurions insister ici; mais nous
voudrions du moins signaler aux théologiens le chap. x\i. qui est une sorte de
profession de foi de l'église arménienne monophysite. C'est bien le seul terme
:
qu'on puisse employer, quoique la polémique soit souvent dirigée contre des notions
que leurs docteurs ont eux-mêmes forgées. S'ils pouvaient éviter de confondre
division et distinction, ils n'auraient peut-être pas tant de peine à admettre la doc-
trine catholique. Il faudrait leur conseiller de méditer l'article de saint Thomas :
^(tnlm in Chn'sto sit unum esse. Mais avec la meilleure bonne volonté du monde on
ne saurait dire qu'ils sont orthodoxes, surtout par leur application à n'admettre
dans le Christ qu'une seule volonté. C'est ce que M. JNIacler a très bien vu.
D"^ Maier cessa de faire partie des collaborateurs. En même temps le nom du Prof.
ainsi que le pratique M. Loisy, tandis que le commentaire catholique place les notes
sous le texte, et procède plus rigoureusement verset par verset. Mais cela n'est
point un obstacle aux développements, d'allure plus compréhensive, ni aux excur-
sus. Nous n'avons pas à indiquer nos préférences parmi ces distingués exégètes, et
il serait impossible de rendre co npte ici de tant de travaux si divers. M. Sicken-
berger est incontestablement plus accueillant que M. Dausch aux hypothèses de la
(I) Bonn, Peter Ilanstein. Le dernier volume a paru en 1910 Die beidea Briefe des heiligcn
:
Paulus an die Korinther und sein Brief an die Rômer, uebersetzt uncl erklaert von Dr Joseph
Prolessor der Théologie an der LniversitiU Breslau. Mit erzhischoeOicher Drucker,
Sickenbf.p,(;eb,
Taahniss. 1-5 raille, Grand 8° de xi-2ai pp. Cette indication donnera une idée de l'étendue du
Commentaire.
BLIJ.ETIN. 4o-
premier rang à la tradition orale. Cependant Luc se serait servi de Marc. Le Mat-
thieu grec canonique a pu être rapproché de Marc, mais dans .une très faible
mesure, car Dausch tient pour la stricte identité de l'original araméen et de la tra-
duction grecque. 0.i ne peut rien affirmer sur la dépendance de Luc ni de Marc par
rapport à Matthieu. La ressemblance de Luc et de Mt. dans les discours peut s'ex-
phquer par la tradition. Quant aux dates, Dausch est embarrassé par celles que
suggère saint Irénée. Mal satisfait des échappatoires subtiles de dom Chapman. il
admet carrément qu'Irénée s'en est rapporté à une tradition erronée sur la ren-
contre de Pierre et de Paul à Rome vers l'an 50. On peut donc fixer plus haut que
ne faisait l'évéque de Lyon la rédaction des évangiles. Mt. serait d'environ l'an -50,
xMc. de 50 à 60, Le. de 61 à 63. Celte date ne donnerait même pas satisfaction à
M. Steinmann qui place la rédaction des Actes avant que Paul ait été mis en liberté,
vers l'an 60.
Le commentaire de l'épitre aux Galates par M. Steinmann a paru la même année
que celui du P. Lagrange. Les conclusions sont exactement les mêmes, soit sur
le caractère des adversaires de Paul, soit sur les destinataires, les vrais Galates, soit
sur l'identité des faits auxquels il est fait allusion dans Gai. 2 et dans Act. 15. Cela
est d'autant plus remarquable que M. Steinmann a aussi commenté les Actes. Il a
su parfaitement tout concilier.
commentaires est excellent. L'exécution répond très
D'ailleurs tout l'ensemble des
bien au plan conçu. Mais que les doctes exégètes ne s'en tiendront
il faut espérer
pas là et qu'ils aborderont des commentaires plus détaillés. Le premier point est
toujours de bien comprendre le texte. Et nous ne voyons toujours pas comment on
peut y parvenir sans aborder le grec, et sans comparer à ce grec le développement
toujours plus riche de la littérature des temps évangéliques. Ce dernier point man-
quait seul aux Commentaires évangéliques de Schanz, dont la valeur exégétiqiie
demeure.
The international Critical Commentanj est maintenant dirigé par le Rev. Francis
Brown, de New York, et le Rev. Alfred Plummer. Il conserve donc son caractère
anglo-américain. Le dernier volume paru vient d'Amérique. C'est le commentaire de
l'épître de saint Jacques, par M. J. Hardy Ropes 1 ). L'auteur a eu soin de citer les tra-
vaux catholiques une exception assez rare dont il faut lui savoir gré. Ce n'est pas cepen-
:
dant que sa critique soit celle des nôtres. Assurément il relègue parmi les opinions
extravagantes celle qui rêve d'un auteur non chrétien. Mais il ne lui parait pas^
possible d'attribuer l'épitre à saint Jacques, évê^jne de Jérusalem, d'abord parce
qu'elle est trop en contact avec l'hellénisme, ensuite parce que l'auteur ne se préoc-
cupe nullement de la question de la Loi, telle qu'elle avait été posée par saint Paul.
C-pendanl M. Ropes met en relief un certain état d'esprit rabbinique de l'auteur
(p, 200). Et l'on pourrait peut-être lui opposer un argument ad hominem. Il n'admet
pas que Pasteur d'Hermas dépende de Jacques, en dépit de beaucoup de formules
le
semblables, parce que les sermons et les tracts de tous les âges procèdent de la
même manière (p. 90 Alors a-t-il le droit d'insister sur la ressemblance de l'argu-
.
mentation de l'épitre avec la Diatribe grecque? La culture des Juifs, au temps de Jésus
1,1 A crilical and e\egeiical commentary on tlie epistle of St. James, by .lames Hardy Kopes.
Mollis professer of divin ity in Harvard Luiversity. S" de xii-319 pp. New-York, l'JI6.
*o8 REVUE BIBLIQUE.
et après, nous est vraiment peu connue. Et si Jacques, évêquede Jérusalem, avait fait
rédiger son mandement par un autre, il n'y aurait là qu'un illustre précédent. Anssi
bien M. Ropes se garde de recourir aux retrancliements violents Il est, en effet, : '/
probable que l'épître a porté dès le début le nom de Jacques, et que par là était
désigné le frère du Seigneur »... alors? « mais rien dans l'épître ou dans les condi-
tions de la production littéraire de cet âge n'exclut l'idée qu'un pareil écrit (tract)
n'a été à l'origine pseudonyme » (p. 47). C'est-à-dire que l'écrit eut pu être pseu-
donyme, certes! mais il faudrait des raisons très fortes pour le conclure, puisque
l'antiquité a accepté le titre dans le sens de l'authenticité. La raison relative à
l'opposition à Paul n'eu est pas une en somme pour M. Ropes. Car il ne prétend pas
que Jacques ait voulu faire de la controverse, mais seulement ceci : « Jacques n'avait
pas appris à se servir de la théoloj,ie de Paul, et ne trahit pas la moindn- com-
préhension de la pensée de Paul sur la foi et les œuvres de la Loi. » p. 20.>;. D'autres
verraient là un indice que l'épître a été écrite avant l'épître aux Romains et non pas
de 75 à 12.5.
M. Ropes a tenu à signaler qu'il adopte une leçon nouvelle, lisant (I, 17) : f, Toonî;?
à;:oc7/.[â(j;j.atoç, leçon de X B soutenue naguère par un papyrus dOxyrhynque. La
nouveauté consiste surtout à lire au lieu de /;, c'est-à-dire la napaXÀa-zTJ
f, « qui est r)
et ne souffre pas de rival pour la loyauté de lesprit humain, et observez que Dieu
donne de la grâce. « (p. 261 On touche dans ces derniers mots le faible de cette
.
«xplication. Elle atténue beaucoup l'opposition avec ce qui précède, exprimée par oi
et par [xs-Çova.
D'ailleurs l'ouvrage est vraiment à jour, parfaitement clair, et complet, avec des
renvois à littérature grecque et rabbinique. Les questions de critique textuelle
la
n'ont pas été oubliées. C'est un caractère général du commentaire de s'attacher plus
à l'explication prochaine des mots et des phrases qu'à l'enchaînement des pensées.
Il es-t vrai que cela nous dispense de beaucoup d'élucubrations fantaisistes sur la
genèse des concepts chrétiens.
de M. Coppieters.
Questions diverses. — M. Bacon attache beaucoup d'importance à prouver que
l'évangile de saintMarc est d'origine romaine I). Pourquoi? Parce qu'il y trouvera
le mo3-en de résoudre l'opposition entre la tradition synoptique et celle de saint
Jean. La christologie des écrits johanniques est une théologie d'incarnation, tandis
que « la christologie d'apothéose domine le champ entier de la littérature synop-
tique » Ces deux doctrines n'ont pu sortir l'une de l'autre quoi qu'en ait dit
(p. 1).
Baur, obligé pour cela de postuler un long intervalle entre les synoptiques et le qua-
trième évangile. M. Bacon les plaçant à peu près à la même époque, les premiers
vers l'an 100 et le dernier vers l'an 110. recourt plus volontiers à la distance géogra-
phique pour expliquer la naissance des deux croyances. Mais vraiment on ne com-
prend pas. Car Jean, le pseudo-Jean, est un paulioiste, et Marc aussi. Ne trouve-t-on
pas dans Paul et la théologie d'apothéose c'est-à-dire la glorification de l'homme
Dieu) et la théologie d'incarnation? Marc aurait-il emprunté les idées de Paul sur les
aliments sans se douter de sa Christologie? Il y a beaucoup d'obscurités dans les
déductions de l'auteur. Que Marc ait écrite Rome, la thèse est solide, et M. Bacon la
prouve bien par la tradition et par les latinismes de Me. Mais les autres preuves,
présence 'et aussi absence; (2> de renseignements palestiniens, paulinisme, jour de
la Passion, etc., n'ajoutent pas grand'chose aux premières et donneraient un étrange
aspect à l'œuvre de Marc, œuvre simple et ingénue, sans être moins élevée pour cela.
M. Luigi Peserico, dont on a les études sur la chronologie égyptienne ^3; et su.
l'histoire des Étrusques (4) s'est appliqué à calculer d'après l'histoire et l'astronomie
les principales dates de La première impulsion lui vint du K. P.
la vie deX.-S. (.5).
est muni est une preuve de la liberté avec laquelle on peut discuter des questions
aussi graves.
(1) Harvard theological Sludies vu. Is Mark a roman Gospel? hy Benjamin W. Bxr.ny, Buc-
kingham Professer of New Testament criticism aud interprétation in Yale university. 8". de —
106 pp. Cambridge Univ. Press, l'Jin.
i2;From the indications acquaintance (ortlie lack of it) witb Palestinian geograptiy elc. :p. 66
o(
a II est possible, dit M. Bacon p. 79 note\ qu'une raison pour le groupe de Marc Pierre, Jacques •<
el Jean » soit le fait que Paul mentionne ces trois noms comme ceux des « piliers > à Jérusalem
(Gai. ir, 9 quoique le • Jacques » de cet endroit ne soit pas le fils de Zébédée ». J'ai souligné ces
.
mots révélateurs de tout un système de critique. On suppose toujours que, comme nous, les
anciens, contemporains des faits, qui avaient connu les personnes, n'avaient d'autre source
d'information que les livres!
(3 Cronolofjia egiziana, verlûcata astronomîcamente e confrontata con le altre cronologie
antiche, 8° de 7i pp. Vicenza, 1919.
(4) Ricerche di storia elrusca, 8° de 3-20 pp. Vicenza, 1920.
(.S) Quanto visse GesM.S" de 143 pp. Vicenza, 1920.
(6) Tbe Ten Lucan Hymns of tlie Nalivity in tlieir Original Language, dans The Journal of Theo-
logical Sludies, 1917 p. 27'»-287, Dix Hymnes, en comptant Le. i, 14-17: 30-33, II, 14 len supprimant
cvoox(aç), etc.
460 REVUE BIBLIQUE.
trouver un mètre hébreu, non d'après les syllabes, mais en comptant les accents. Ce
genre de recherches — je ne voudrais pas dire de sport, — n'est pas aussi nouveau qu'il
paraît le croire : M. Griranied s'y est exercé et il a même abouti à trouver dans sa
traduction un mètre syllabique, ce qui est assurément plus difficile. Même il n'a pas
hésité à prouver de la sorte que les OJes de Saloraon avaient été écrites en hébreu,
travail de virtuose, où il ne pouvait s'appuyer sur Delitzsch. C'est dire qu'on ne
saurait se fier à ces sortes de démonstrations.
brouilla tout, et ne se retrouva pas en 72, car le territoire gouverné par les Romains
et par Agrippa II lut alors étendu notablement vers le nord. Qu'en conclure, si ce
n'est que Luc a écrit avant l'an 66? C'est aussi ce qui paraît de beaucoup le plus
probable à M. Cronin. Il n'est pas de ceux qui accusent Luc d'erreur à propos de
Lysanias, et interprète correctement Tancienne inscription vue par Pocoke,(C. [. G.
4ô21,\ Mais pourquoi ne pas mentionner la confirmation que lui donne l'inscription
nouvellement découverte (3)?
tèmes des éons de la gnose du ii« siècle. Ils en concluaient que les épîtres pastorales
étaient de ce temps ou du moins ne pouvaient être de saint Paul. Déjà M. Hort (5)
avait répondu que ces « généalogies » (aussi Tite in, 9) ne sont pas uniquement des
tableaux généalogiques, mais peuvent s'entendre d'histoires : dans le cas ce serait
une alljsion à Vaggada juive. M. Colsoii transpose cette donnée sur le terrain
hellénistique où elle se trouve tout à fait chez elle. Les grammairiens, c'est-à-dire
les professeurs de littéralure, distinguaient plusieurs sortes d'histoire, l'histoire
mythique et l'histoire réelle, et spécialement quand on s'occupait des personnes, ce
genre de recherches se nommait généalogique •
6 . A propos d'Homère on discutait
indéfiniment sur la généalogie propremeat dite des personnages. On prétendait tout
savoir, et les philosophes s'élevaient contre cette curiosité qui n'était pas seulement
vaine, mais funeste à la bonne formation de l'esprit. Quiutilien ne voulait pas qu'on
se donnât aux anilibits fahulis, comme I ï(m. iv, 7 condamne les (j.j6oi); ypaojoïiç.
Si ce genre était appliqué à la Bible, les inconvénients étaient sans doute encore plus
grands, et l'on comprend que l'auteur des pastorales y ait même vu un grave danger.
/povi/.oy xal yf/tOL/.oyv/.w, elç à C'.aipsïdOxt Triv t<7Top{av saaiv. Int- à Dionysius Uefiriyr^ffiç
p. 81, Lsener, Kleine Schriflen, II, p. -286.
BLLI.ETIX. 461
que Ton trouve dans deux manuscrits de la Bib'e latine à la lin du livre d'Esther et
j'en ai tiré quelques conclusions pour les origines réputées obscures de la Vulgate.
Aujourd'hui je suis obligé de reconnaître que cette interprétation était fausse et que
toute la théorie édiûée sur cette base doit être jetée par terre » — Dont acte. [L.]
Dans son ouvrage, « Saint Luc, Thomme etson œuvre '1} », H. McLachIan, profes-
seur de grec hellénistique à l'Université de Manchester, examine les divers points
de vue auxquels on peut se placer pour connaître et juger les œuvres de saint Luc.
Il tient grand compte du texte occidental, mais il ne croit pas qu'on puisse l'ac-
cepter ou le y a lieu d'examiner chaque passage en particulier.
rejeter en bloc; il
L'auteur des Actes était un homme de haute valeur; un véritable homme de let-
tres. Il est plus classique que les autres évangélistes; c'est un helléniste qui sait
varier les formes de son style, suivant que le sujet l'exige. [1 a dans les Actes si
bien coordonné ses sources qu'il est difficile de les distinguer. Il connaissait la litté-
rature grecque. Sa chronologie est aussi exacte que celle des historiens de son
temps-, il est bien au courant des coutumes et des jinstitutions de son époque. Il
ne semble pas que saint Luc ait connu le latin. Il n'est pas certain qu'il ait connu
l'araméen ou l'hébreu; il est probable cependant docu- qu'il a traduit lui-même ses
ments araméens. En tout cas.beaucoup d'aramaïsmes dans l'évangile de
il reste
saint Luc. Il a édité ses sources avec une certaine liberté, leur donnant sa forme de
style et y introduisant ses expressions caractéristiques.
Comme théologien, Luc a beaucoup insisté sur la prière, sa pratique et son
efficacité, sur les actes du culte. Sa doctrine sur le Saint-Esprit et sur le Messie est
très développée: celle sur l'autre vie, sur la rédemption l'est moins. Il est cepen-
dant question.de la rémission des péchés dans les Actes.
Me Lachlan insiste sur l'humour qui se trahit dans certaines paraboles de l'évan-
gile; y relève même de l'ironie. Les deux lettres qu'on trouve dans les Actes sont
il
authentiques, bien qu'on puisse y reconnaître la main de Luc. Les discours de Pierre
et de Paul ne peuvent être tenus pour des reproductions littérales des discours
originaux, car ils sont reproduits dans la langue et la phraséologie de Luc. Même
dans les discours première partie des Actes, qui sont de provenance araméenne,
de la
les citations de l'Ancien Testament sont empruntées aux Septante. Luc a donc
corrigé le texte targoumique par le texte grec. Dans les discours de Paul on retrouve
des expressions paulinienues et quelques-unes des doctrines de l'apôtre. Luc a
représenté exactement la situation dans laquelle se produisait chaque discours et les
paroles de l'orateur ne sont pas aussi littéralement reproduites que ne sont expri-
més ses sentiments et sa personnalité.
Le Journal de voyage de Luc est à p.ine la dixième partie des Actes, mais il en
est, à certains points de vue. la partie la plus importante; les détails géographiques
et nautiques y sont d'une exactitude parfaite.
L'auteur examine enfin le caractère de Gallion et sa conduite lors du procès de
Paul, devant son tribunal; le passage du coJex de Bèze, Le. vr, 4, sur l'homme qui
travaille le jour du sabbat; les rapports de Luc avec le livre de la Sagesse et la péri-
cope de la femme adultère. D'après lui, elle n'est pas de Jean; elle est absente de
nombreux manuscrits du IV« évangile et n'en reproduit pas le style et la phraséo-
logie. Elle provient de l'évangile de Luc. dont elle a les termes caractéristiques, les
tendances linguistiques et les idées.
(1) St. Luke, The Man and his Work. \ii. 324 pp. Mancliester, at llie Lniversity Press, liJiO.
—
Nous avons déjà parlé plusieurs fois aux lecteurs de la Revue biblique du Voco-
bulary of the greek Testament (jue publient MM. Moulton et Milligan. Par suite du
décès de M. Moulton. M, Milligan reste seul chargé de la publication {\]. Le bateau
qui ramenait M. Moulton, des Indes en Europe, a été torpillé eu 1915 dans le golfe
du Lion. Rappelons que ce Vocabulaire est un recueil des mots dont la signiflcation
peut être expliquée à l'aide des papyrus, des inscriptions et des autres documents
littéraires des temps a voisinant l'époque néotestamentaire. Comme précédemment
nous allons passer en revue les mots que Ton tenait pour des i-x\ Àe-fO'j^va et dire
où l'on en est sur l'usage qui en a été fait dans les inscriptions et les popvrus.
Evyjo:, Hebr. vn, 22. est commun dans les documents légaux; Cf. Pap. Grenfell.
I, 18--, 132 av. J.-C. II est aussi dansXénophon et Polybe — '£Yy.o;j.$6o[j.a:, l Pet. v. 5,
est un ternie rare qui n'a pas été trouvé dans les papyrus. Suidas cite un passage
d'Apollodoros de Caryste, poète comique du iv" siècle avant J.-C. où il se trouve.
— 'E5pafa);Aa. I Tim. iti. 15, rappelle i'osaaaa. cité par Reitzenstein, Poimandres.
— 'E0£/,o6pr,c;/.E(a, Col. Il, 23, est probablement un terme forgé par Paul par analogie
à èOsXooojÀcta. — E?ow)>oXàTpr;ç, I Cor. V,- 13, et îîoioÀoXaTOE'a I Cor. X, 14, sont regar-
dés comme des termes de formation chrétienne. — 'ExTooao;. Hcb. xii, 21, est dans
Philon i^"" siècle ap. J.-C. dans une inscription d'Hadrumète du iii'^ siècle après
et
J.-C. — Ez-yj/'-o, est dans Act. v, 5, 'EÀÂoyâw se retrouve sous sa forme hellénistique
èVaoyéw, dans un papyrus du IP siècle ap. J.-C. — "Ëv8a);j.r,ai:, Apoc. xxi, 18, se
irouvedans Josèphe sous la forme IvSoar.ai:. —
'Ev-raçiaaadç, Jo. xir. 7, rappelle itn
passage de Philodemus. de Morte, i*"" siècle av. J.-C. Hérodas, iif siècle av. J.-C.
— -Il doit être traduit préparation pour la sépulture. Le terme doit provenir
:
de EvTa^ià^w qui est dans l'Anthologie. Plutarque. — 'EÇéoaaa I Pet. ii, 22, n'est
pas dans les papyrus. — 'E-iô-.aTâjcoaai, Gel. m, 15, a son analogue dans
Zi7-7.7zou.jL: qui est dans les inscriptions. — 'E-:oÛ7ioç, Mt. vi. Il; Le. xi, 3; les
papvrus ne fournissent aucune lumière sur ce mot difficile qui a été formé pro-
bablement par le traducteur de Q pour rendre un terme araméen. D'après Moulton.
; iz'.oocjy. serait l'étymologie la plus probable — "E-'-Àei/w, Le. xvi, 21, est expliqué
par une inscription du iii'^ Eph. iv, 16, se trouve
siècle ap. J.-C. — E-v/opr^-^ia,
— Zîu/.T/.p'x, Act. XXVII, 10, n'a été trouvé que dans un papyrus du m^ siècle
après J.-C— 'Hatwpov, Apoc. vni, 1, n'est que dans un papyrus du temps d'Adrien.
Hho^'o/x.toç, I Tliess. IV, 9, rappelle un terme homérique, ajToo'oa/.To;. BoyAiX^, —
Le. X, 21; 60GJ0ÉW, qui a le même sens, est classique — 6ct>-/.o:, .Jae. i, 26, rappelle
epriT/.six qui est dans les Septante et Josèphe. — 0ç'.au.oEÛtu, II Cor. 11, 14. se
Nous ne trouvons pas relevés les termes suivants : È/.rôTr.^i;. I Tim. i, 4; lÀa^pîa,
II Cor. I, 17; £;j.-a;-;'aovT;, H Pr. III, 3: z-'.-ob\7. Rom. XV, 23; IripâîiTw, Me. II.
,1, J. Ho?E MoLLTON and G. Milligan, The Vocabulary of the greelc Teslament illustraîed from
llii papy ri and other noa-Ulerary sourre.s Part. 111, iii-i". p. 177-295; E-b; London, Hodder
.-
E. Jacquier.
Ancien Testament. —
M. ïobac. aujourdTuii professeur à ruuiversité de
Louvaiu. a eomaiencé une étude sur les Prophètes qui doit s'étendre sur trois
volume.s (l). Le premier contient une vue générale sur le Prophétiscne en Israël.
Vient ensuite un tableau de l'action des Prophètes orateuis, puis une analvse des
six premiers petits prophètes. Le but de l'auteur était de réunir, d'une façon simple,
public », mais « cette loi n'a pas pour but de défendre d'une manière absolue tout
sacrifice en dehors du sanctuaire » p. t09 s. note . La perspective messianique des
prophètes est expliquée de la même façon que par M.M. Van Hoonacker et
Touzard : Les prophètes contemplèrent la figure idéale du Messie non pas dans
o
la perspective des siècles qui devaient precéder sa réalisation, mais dune manière
immédiate et absolue, détachée de tout lien avec le temps; ils peuvent ainsi l'asso-
cier aux circonstances du présent ou le projeter sur un avenir plus éloigné, la con-
cevoir ou l'annoncer comme plus ou mdus prochaine » (p. 52 Sur les prétendus .
mariages réels d'Osée nous avons acquis la certitude que la conception purement
: o
S}:jnbolique de ce mariage peut seule se défendre » ^p. 213). A vrai dire cette
conclusion découle sans plus du texte lui-même « Va, prends une femme de :
consentement des criti jues moJerne>, dont q lelques-uns se soucient fort peu de
rendre l'Ecriture ridicule.
^ Correspondance. — Dans un des précédents n°' delà RB. 1919, pp. 281-283),
un correspondant anonyme me fait l'honneur de discuter l'interprétation que je
présentais naguère de Le, vu, 47 {RB., 1917, pp. 184-188). De ses objections je ne
retiens que la plus forte mon interprétation, qui est en harmonie avec la parabole
:
(les deux Débiteurs), serait en désaccord avec Thistoire, où la pécheresse nous fait
l'impression d'une pénitente qui vient implorer son pardon, plutôt que d'une con-
vertie qui vient remercier pour le pardon obtenu.
l" L'objection a une conséquence inattendue : elle rejaillit S'ir les vv. 44-46, où
le Sauveur exalte l'amour de la pécheresse; ces actes eux-mêmes seraient con-
traires à la situation historique, car ils expriment, à n'en pas douter, la reconnais-
sance pour le pardon obtenu. Ce sont « des actes d'amour », dit très bien votre
correspondant, et c'est le sens manifeste de la parabole.
Mais alors, si Jésus célèbre la gratitude de la pécheresse aux vv. 44, 45, 46, pour-
quoi ne le ferait-il pas encore au v. 47? Et pourquoi écarter de ce v. 47, comme
« n'étant pas en harmonie avec la situation réelle », une explication qui ne choque
nullement, qui s'impose mêmeaux versets précédents?
2" Au reste, c'est la contradiction prétendue qui paraît à son tour très contes-
table. En réalité, il n'y a d'opposition avec la situation historique que si l'on sépare
des sentiments unis et qui doivent le rester. La pécheresse est le modèle des conver-
son repentir est tout imprégné de contrition parfaite, et l'on sait qu'une telle
tis-,
contrition est aussi bien un acte d'amour qu'un acte de regret. La femme s'était
présentée aux pieds de Jésus, et le Maître ne l'avait pas écartée. Puisqu'il la^hiissait
faire, n'était-elle pas Ne lisait-elle pas le pardon dans
déjà exaucée et pardonnée?
son regard, dans son attitude, dans sa divine tolérance, avant même que le mot
d'absolution ne fût tombé de ses lèvres? C'est pourquoi, ses actes exprimaient déjà
sa reconnaissance, en même temps qu'ils continuaient à implorer la sentence offi-
cielle du pardon. — Il en va parfois de même, toutes proportions gardées, au
tribunal de la pénitence. Un pécheur qui a la contrition parfaite est pardonné
avant de recevoir l'absolution sacramentelle, laquelle ne sera pour lui que la pro-
clamation officielle et juridique du pardon anticipé. Si ce pénitent a conscience de
l'efficacité des actes qu'il produit, on peut dire que son repentir est déjà transfiguré
par la gratitude et l'amour.
Le tableau historique (vv. 36-40) nous présentait surtout la conduite de la péche-
resse sous l'aspect du repentir. La parabole (41-50) nous la montre plutôt sous l'as-
pect de la reconnaissance. Les deux points de vue ne se contredisent pas, ce sont les
deux laces d'une même réalité. La parabole prolonge l'histoire et elle la complète.
— Et il est naturel aussi que la sentence du Sauveur ne vienne qu'à la fin c'est la :
Le Gérant : J. GABALD.i.
ment un nom de ville, l'une des cités bâties par Nemrod {Gen. x, 10),
et que cette ville n'était autre que la célèbre Agadé (3). Le nom de la
ville passa à toute la région d'Akkad, la langue qu'on
y parlait s'ap-
pela l'akkadien, par opposition au sumérien f^-VCf' çst ra kkadien qui
est la langue sémitique dont les deux grands rameaux furent le
babylonien et l'assyrien, qui ne différaient entre eux que par de
nienues divergences de prononciation.
Les Hébreux, qui avaient essaimé de Chaldée au temps de Ham-
mourabi, appartenaient au groupe amorrhéen, les A?mirrû des ins-
criptions cunéiformes (5). Leur langue, qui était la même que le
Cananéen, avait été plus fidèle que l'akkadien à conserver les sons
primitifs, et en cela elle se rapprochait davantage de l'araméen et de
l'arabe. Mais le contact entre les Babyloniens et les Hébreux constaté à
l'époque dAbraham n'a pas cessé durant l'histoire du peuple de Dieu.
Au retour d'Egypte, les descendants des patriarches trouvèrent, en
(1) Nous avons traité cette question dans Les origines babyloniennes, p. 27 ss. [Confé-
rences de Saint-Étienne, 1909-1910.)
(2) Ibld., p. 33 s.
(3) Pour l'équivalence a-ga-de = Akkadu, voir les passages cités dans Meissner, Sel-
tene assyr. Idéogramme, a" 8878.
(4) Assurbanipal se vante de pouvoir lire à la fois le sumérien et l'akkadien (Streck,
Assurbanipal, p. 256-257, 1. 17 et n. 4).
(5) Voir notre article Hammourabi-Amraphel, dans RB., 1908, p. 217 ss.
I. — LE CORPS EX GENERAL.
(1) Job, X, 8-9. Les mots l'^IC in'' oÉfrent une grosse difficulté au v. 8. La nécessité de
les rattacher au 2' héraist. nous suggère de donner au mot I^ZD « tour » (de 31D
« tourner ») le sens de « cycle, période, temps », en comparant avec "lïl « génération »
(6) Gen. u, 7.
quand elle reconnaît que ce n'est pas elle qui a formé dans son
sein le corps de ses enfants « Je ne sais comment vous êtes apparus
:
ture dans la matrice (4). » Et dans sa prière il dit à son dieu : « Moi
ton prince obéissant, créature de ta main, c'est toi qui m'as créé
et m'as confié la royauté sur la totalité des gens (5). » Le dieu
Nabou, répondant à Asurbanipal, se sert de l'expression « Ta forme :
(4) Inscription de Eait India House, i, 24. Il semble certain que le mot ummu employé
sans suffixe {i-na um-mu) a ici le sens de « matrice » plutôt que son sens ordinaire de
« mère L'idéogramme de ummu « mère
». » est usité pour le sein maternel, la matrice :
isaz « avec son corps », c'est-à-dire « rien qu'avec son corps »,'
vre » et Sian « déluge » plaident en faveur d'une lecture nabâlu « détruire » plutôt que
humains. Pour préciser davantage on disait W^^u ni") i2~iux 1*^ ^-Ss
mes. Le vent fait tomber des feuilles à terre, mais la forêt verdoyante
en pousse d'autres et là saison du printemps reparaît ainsi la géné- ;
ration des hommes : l'une pousse, l'autre périt. » (//. vi, 146-149). Et
ailleurs Apollon compare à la vie des feuilles la vie fugitive des mor-
tels (//. XXI, 463-464). On voit par là que « les générations de chair et
de sang » mentionnées par le Siracide sont les mêmes que les géné-
rations des hommes du poète grec. La chair et le sang, c'est le com-
posé humain, l'homme. Ainsi s'éclairent les passages du Nouveau
Testament où sont juxtaposés la chair et le sang. Par exemple quand
Notre-Seigneur répond à saint Piere « Tu es heureux, Simon fils de :
Jonas, car ce n'est pas la chair et le sang qui te l'a révélé, mais mon
père qui est dans les cieux » [Malt, xvi, 17), on retrouve facilement
le prototype hébraïque dela-^phrase : nxT-nx ^S-nSj Nib WX] iÇ2-t2(3).
(1) Voir surtout Gen. k, 4-5; Lev. xvii, 11 Deut. xii, 23.
;
(2) Dans le Talmud, le terme courant pour désigner l'homme mortel est précisément
due par 1^<•i^ Il nous semble que l'expression ilirn iN'kT [Lev. xviif, 6;
XXV, 49; Num. xxvii, 11) doit se traduire littéralement par « la chair
de son corps ». En akkadien, le mot « chair » était iiru, Uni, corres-
pondant exactement à l'hébreu iKur, tandis que nous n'avons pas
l'équivalent de "lil'n avec ce sens. Il était naturel que le mot spécifique
qui est aussi pioche de l'homme que son propre corps. Loin d'être
un obstacle au mariage, ce lien de parenté en est souvent la con-
dition. C'est ainsi que Jacob épousera les filles de Laban, après
que celui-ci lui aura dit mon os et ma chair »
« Vraiment tu es
:
sang, comme nous l'avons vu, désignent l'homme tout entier, les os
et la chair constituent le corps. Ainsi lorsque Satan désire frapper
Job de la plante des pieds au sommet de la tête, il dit à lahvé :
u Étends donc ta main et frappe son os et sa chair » [Job, ii, 5), c'est-
Nous avons pu, sans sortir du domaine matériel, étudier les nuances
dii mot 1C2. Plus général que "iNiy « la chair » proprement dite, il
sang du raisin » (Z)eMÎ. xxxii, IV; Sir. xxxix, 26) pour signifier le
jus de la treille, le vin.
zumui'ki celui qui vient vers nous, son corps est de la chair des
>'
n'ont pas l'air d'avoir donné ce sens au mot ". Ajoutons que parmi
les synonymes du mot mâru se trouve le mot ierru (qui est le terme
propre pour désigner le petit enfant) et que serru est un syno-
(1) Gf. 38.130, rev. ii, 10 (dans Cuneiform texts..., xii, pL 13) et Ungn\d, Babylonische
Briefe, a° 89, 11. 18-19.
nyme de bBru (1). Peut-être faut-il voir dans ce bisru une survi-
vance de la racine à laquelle appartient lù?n. Le sens primitif aurait
disparu pour céder la place au sens dérivé ;< enfant ».
sang est ici l'équivalent du jus de la vigne sous ses divers aspects.
))
vin (2V£n '^11 de Cant. vu, 10\ dâmu « le sang », kurunnu, Ukaru,
kardnu (3 . 1er encore ddmu
sang de la grappe, le vin.
est le
Si le vin est le le sang pourrra être assimilé au
sang de la vigne,
vin, d'autant plus facilement qu'on insistait sur la couleur rouge
commune à l'un et à l'autre. Ainsi, dans Prov. xxiii, 31 « Ne regarde :
(l) L'idéogramme gekin est composé de ges (= isu y!? « arbre ») et de tin = balâtu
« vie »). C'est le même que gis-ti « arbre de vie » dont nous avons parlé jadis : cf*
« L'arbre de vie et l'arbre de vérité dans RB., 1907, p. 272
» s. L'ancienne forme du
->iv=i«v.o-*.
signe tin {=z balâhi « vie ») est nettement une feuille de vigne. -
^syDans 81-4.-28, recto, 11. 32-33 (Meissner, 5eZ^(îHe assyr. Idéogramme, 3508-3512).
(3) Fragment 93058, reclo, IF, 11. 5-9 C'uneiform texls..., XII, pi. 21).
478 REVUE BIBLIQUE.
béliers fils de Basan, et des boucs, avec la graisse (^Sni des reins du
froment, et tu bois le sang du raisin, le vin! » C'est le génie hébraï-
que dans son plein. La racine nSn fournit d 'abord le liquide gras par
excellence le lait z'^n^puis c'est la graisse dans son senTprop^'^^n,
rouge Nous avons vu plus haut le rôle joué par l'idée de rouge
».
(1) Voir, dans les dictionnaires, les divers sens du verbe ^U/*"T et de l'adjectif qui lui
correspond.
(2) Lire 13 et non "12 ;cl'. Lagrange, in loc).
terme qui signifie la graisse, à savoir ]'i2^r. Ici ]nx! est pris dans son
sens le plus fréquent « l'huile ». Mais, au verset suivant, le poète va
jouer sur le mot et rendre à la racine son sens étymologique « être
gras ». Il s'écrie : « Et lesurun (\) est devenu gras (]Qt2rîi'i) et il a tré-
(2j Le verbe Uns est employé dans son sens propre, qui apparaît surtout au pVel et au
nifal.
(3) HoLMA, Kôrpertheile..., p. 8, n. 2.
(4) Br. 5342 et Meissner, Seltene assyr. Idéogramme, 3671. Pour la lecture subur (var.
subur) du 2"'' idéogramme, cf. Thureau-Dangin, Lettres et contrats..., p. 56 et Delitzsch,
Sumer. Glossar., p. 287. En akkadien, le terme propre pour la graisse de cochon est nâhii.
i5) Cf. K. 4813, 11. 45-46 {Cuneiform texts..., xtii, pi. 39}.
(6) Tantôt les deux signes sont séparés, tantôt ils sont fondus en un seul mais le signe ;
ainsi obtenu avait l'inconvénient de se confondre avec un autre de valeur toute différente.
480 REVUE BIBLIQUE.
relation entre le mot libu (dérivé à'ilibu) et le verbe elêbu est ici
nettement marquée. Nous proposons donc de rattacher l'un et l'autre
à la racine aSn « être gras » et de voir, dans lîbu comme dans elêbu,
d'abord le sens propre « être ou devenir gras » en parlant de l'ani-
mal, puis le sens métaphorique en parlant des plantes. Ainsi nous
retrouvons le même processus que nous avons suivi dans l'étude des
mots -hr\ et \f2'^ {samnu). Ajoutons que lîbu est un synonyme de
tuhdu « abondance, profusion » (5). Ce mot tuhdu est quelquefois
L'ancienne écriture distinguait parfaitement les éléments ia (signe NI) et gis cf. Thl- :
(5) Lire tahâdu, tuhdu, etc.. au lieu de dahâdu, duhdv, etc.. dans les dictionnaires
(cf. ZiMMERN, Zeitschr. der deutsch. morgenlUnd. Wissenschaft, lviii, 1904, p. 952).
Synonymie de tuhdu (lire ainsi au lieu de lildu dans Deutzsch, Assyr. Handuôrterbuch,
p. 376) et de Ubu dans Meissneu, Seltene assyr. Idéogramme. n° 3702.
L'EMPLOI MÉTAPHORIQUE. 481
'"S; « ma peau » {Job, xvi, 15), giladu « la peau » dans deux pas-
sages cités par Holma (l). Nous avonT'noïe^ia'ëjâ que l'idéogramme
km, qui représente la peau, avait, à côté de sa valeur courante
maiku, celle de zumru « le corps >>. Le mot niya « chair » et « corps »
s'appliquait primitivement, comme nous l'avons également signalé,
à la partie visible du corps humain, c'est-à-dire à la peau : l'arabe
(1) Korperlheile..., p. 3.
de mes dents (xix, 20', il emploie le mot -iv>* dans son sens propre.
>>
chair je verrai Dieu, lui que je verrai, moi, et que mes yeux, non
ceux d'un autre, apercevront » (xix, 26-27;, il considère sa peau
comme un rideau (comparer le sens proposé ci-dessus pour "Dp)*»
malgré ce rideau, il pourra voir Dieu.
Avant de terminer ce chapitre sur le corps en général, nous devons
nous arrêter au mot *^*î:j ea akkadien napiUu; car ce qui rend un
corps vivant, c'est la "àzi ou la napistii, c'est-à-dire rûme. De même
que rame vient du mot aninius ou anima « souffle, esprit », en grec
'hz'j.cz « vent, souffle », la racine commune aux langues sémitiques
nafas ou nafaii a le sens de « souffle » ou de « respiration ». C'est
usité, comme w*ï::, pour le souffle et pour l'odeur (1). Il est possible
(3) Ibid.
L'EMPLOI MKTAPHORIQLt:. 483
rait-il gas dans le mot te:? Je crois qu'on peut letablir d'une façon
apodictique. Pour commencer par les textes qui ont offert le plus
de difficultés aux commentateurs, que représente n^çs: S^2n*2 ou .xt"*2
ilne veut pas dire « les eaux m'ont entouré jusqu'à m'ôter la vie »
^Segotid, etc.), mais « les eaux m'ont environné jusqu'à la gorge »,
comme nous disons avoir de leau jusqu'au cou. Quand les Israélites
:
s'éveille et sa néfé^i est vide, et comme l'assoiffé qui rêve et voilà qu'il
boit, mais voici qu'il est altéré et sa néfê:< est resserrée », il est évident
qu'il s'agit du famélique ou de l'assoiffé qui se réveille le gosier vide
et la gorge sèche (2 U est possible que, lorsque le psalmiste dit à
.
Dieu 1;^*D: :|S HKas {Ps. lxiii, 2), il veut dire simplement
: « Ma :
II. LA TÊÏE.
muhhu (1). Il est facile d'y reconnaître les termes hébreux cni « la
tête », "^'^''p « le crâne », nb « moelle » ou c( cervelle ». De bonne
heure, les Babyloniens et les Assyriens confondirent les sens de rêhi
et de qaqqadu pour faire de ces deux mots de véritables synonymes
avec le sens général de « tête ». Mais la distinction primitive reparait
mot qui pouvait devenir synonyme de UJNI était n^aS-i qui, comme
~"p~p, signifie le crâne. L'expression anSaSaS [Nwn. i, 2, 18 etc.) cor-
(6) Cf. les nombreux passages cités par Holma (h'orperteile..., p. 11).
L'EMPLOI METAPHORIQL'E. 485
que ce sens de kullu {jnel de h^z) est encore apparent dans l'emploi
du Verbe hébreu hziz {pilpel de '»•;) pour signifier « tenir droit, sou-
tenir », empêcher de chanceler (dans Ps. lv, 23; cxii, 5).
On commence à s'écarter du sens propre lorsque le mot « tête »
est employé dans le sens d' « individu » par opposition à la masse,
exactement comme dans les formules par tête » ou « une tête de <(
bétail ». C'est bien ainsi qu'il faut entendre "I2a *»rN;"iS « par tête
d'homme » dans le cantique de Débora {Jud. v, 30) et nnSaSaS « sui-
r^v:^:.^} urxi [Ex. xvii, 9), d'un refuge tï^dh utni [Jiid. vi, 2C), du
Garmel '^pi^n ujxi (/ Reg. xviii, 42). Et la montagne elle-même
devient la tête qui surplombe la vallée; c'est ainsi que Samarie est
la couronne qui se trouve « sur la tête de la vallée grasse » dans
h. xxvni, 1, 4. Assurbanipal mentionne une montagne « qui est la
tête du pays de Koumourdâ » (2). C'est exactement la même image.
En akkadien, nous verrons que c'est plutôt le mot « doigt » ubâmi,
qui sera usité pour indiquer le sommet d'une montagne. Mais nous
trouvons rêH û nahli (SnJl tyx"i) « tête et ravin » à la suite de sadi û
hurri montagne et anfractuosité » (3), pour signifier la cime de la
<.<.
(1) Pour les expressions ifl^'-niia, sag-geme, sag-geme-nila, cf. Delitzscii, Sum. Glossar,
pp. 101 et 232. Équivalences de rêsu avec abdu et ardu dans Muss-Arnolt, op. cit.,
p. 5)85.
(2) Cylindre B, m, 59-60. Le mot rés signifie, dans ce passage, non pas ani Anfange
(Streck, p. 103), mais bien le point culminant. Le promontoire à l'embouchure du Nalir-
el-kelb est appelé, par Salmanasar II, la montagne « qui est la tète de la mer » : III, R,
V, n» 6, 22.
p. 62-63, m, 23 s.; p. 138-139, IX, 27-28. Hammourabi élève la tête du mur de Sippar
« comme une grande montagne » (King, Hamimirabi, n" 57, i, 11, 11-14).
L'EMPLOI MÉTAPHORIQUE. 487
tivit cum toto ornatii (Peters, etc.), mais « et il l'a revêtu d'une
couronne splendide » : comparer les expressions ni^f^n nit^i: « dia-
qui surplombe la vallée grasse [Is. xxviii, 1, i). Les termes de fonde-
(1) Étymologiquement i/rfît est le même mot que l'arabe ^^w', ist « le derrière » et
que l'hébreu T\W avec le même sens. Par contre, l'hébreu X\D'^ est emprunté à l'assyrien
rrsi-sa pour rési-sa, sitnuni pour sitmmi; en outre isid-za pour isid-sa (remplaçant
normalement isid-sa). Le premier phénomène se répète dans celte inscription de Nabo-
polassar. La lecture isid-za pour isid-sa est un archaïsme usuel dans le code de
Hammourabi. .
(8) Le n de 'jl^<^ aurait été ajouté lorsque HUJNin, dont on avait oublié le sens primi-
tif, fut considéré comme une apposition et non plus comme un complément.
L'EMPLOI MÉTAPHORIQUE. 480
(1) Reproduit dans Meissner, Plastik, fig. 193, p. 113 [Der alte Orient^ xv, 1915, 3-4).
(2) Guide des antiquités assyriennes et babyloniennes du British Muséum, 2' édition,
p. 107, n" 239 {= n" 22.491).
(31 Description de Longpérier (dans Pottier, Les antiquités assyriennes, f. 133, n-' 153).
Reproduction dans le même ouvrage, pi. 31. Cf. Perrot et Chipiez, Histoire de l'art, II, p. 732.
(4) L'une de ces tètes (en bronze) est reproduite dans Meissner, Plastik, p. 113, fig. 192.
Description du trône dans Perrot et Chipiez, op. cit., II, p. 724.
(5) Mlss-Arnolt, Handworlerbuch, p. 984. Le mot sépifu est un dérivé de sêpu « pied »
avec le sens abstrait « la région au pied de » cf. l'opposition entre rèsu « tète » ou
:
(1) Pour les koudourrous découverts à Suse, voir l'excellente description de M. de Mor-
gan dans les Mémoires, i, p. 165 ss.
On voit le roi porté sur son trône à la tête de son armée. Le chef est
celui qui est en avant, il est « la tête » du corps qui le suit. En akka-
dien, l'idéogramme sag, qui représente rt'su « la tête », pourra
représenter à lui seul les mots amredu « premier » et mahru « anté-
rieur », avec leurs synonymes 1). A l'expression ^w'iz « à la tête »
dans le sens d' « avant » les autres, correspond ina rési dans la phrase
iîia rêsi kî ulzizti-hi « lorsqu'il l'eut placé en tête » (2). Toute une
catégorie de fonctionnaires sera désignée par l'idéogramme sag ou
par le mot rêki avec le déterminatif amêlu « homme » devant l'idéo-
la tête », d'où les Araméens ont tiré le nom de Ncnc et les Hébreux
celui de D'inc « eunuque ». Le d^id n de H Reg. xviii, 17 et de Jer.
XXXIX, 3, 13, le l^ono n de Dan. i, 3, ont leur prototype dans
[amélu) rab sa rés « le grand de la tête » c'est-à-dire le premier des
eunuques i5). Un texte sur lequel Jensen a attiré l'attention (6) con-
(1) Outre les listes d'idéogrammes de Briinnow et de Meissner, voir les vocabulaires iné-
dits cités dans Delitzsch, Sum. Glossar, pp. 230 et 232.
(2) Lettre du roi de Babylone Bournabourias à Aménophis IV (Knudtzon, el-Amarna,
a° 8, 39).
(3) Voir Streck, Assurbanipal, pp. 64-65, 11. 94-95; 200-201, iv, 4; 300-301, 6, etc.. et
Muss-Arnolt, s. V. mutninni'i (p. 624).
(4) Lire sùl rêsi le nom qu'on lisait faussement sud-saqc
li-hal « comme des eunuques qui n'engendrent pas, que ton liquide
séminal se dessèche! » (1). On remarquera que même le mot qaq-
qaclu ("pTO), dont nous avons constaté la synonymie avec i^êhi, aura
quelquefois le sens de « chef » après le déterminatif amêlu « homme ».
tête » {J\id. XI, 8). Il s'agit de les conduire au combat contre 'les
[Jud. XI, 9j. Dans Os. ii, 2, les royaumes de Juda et d'Israël sont
avec Moïse sont les dî? ''î:^s"l « têtes du peuple » {Nwn. xxv, 4;
Dent, xxxiii, 5). Le peuple est partagé d'après les tribus. Chaque
tribu aura sa tête. Moïse et Salomon réuniront les nicDn lusi « têtes
des tribus d'Israël [I Sam. xv, 17). La tribu se divise en familles qu'on
appelle niix-n"'n « maisons paternelles » ou simplement ni2N. Elles
ont aussi leurs chefs qui sont « les têtes de familles » ni:iN~n*3 ''Cnt
ou niax iun^ [Ex. vi, 14, 25, etc.). Le père désignait le fils qui
deviendrait « la tête » de la famille et ce n'était pas forcément le
Le livre de Josué mentionne que « jadis Hasor était la tête d-e tous
(1) Texte K. 2453, m, 14 (Cuneiform lexls..., xxm, pi. 10). Le mot libal vient du verbe
abâlu « être sec «, d'où nâbalu « terre sèche ». Nous considérons sût rcsi comme un
pluriel [sût est le plur. de sa); nlidi est pour ôlidr (au lieu à'cUidàli).
(2) Ki.ALBEii, Assyr. Beamtentum, p. 41.
L'EMPLOI METAPHORIQUE. 493
lement parmi les personnes, les tribus, les cités, mais encore parmi
les objets inanimés. Quand Nabonide parle des temples de Baby-
lone È-sag-U et É-zi-da, il déclare qu' « il a introduit en eux la
rêé mimiiïd danigd usérib kirib-mn (1). Dans Cant. iv, 14 •'aù;2 vc.xt
des autres à cause de leur excellence ou de leur prix [Ex. xxx, 23).
Mais il faut noter que, pour signifier ce qu'il y a de meilleur, l'usage
Nous avons insisté sur le sens de uni et de résu dans les expressions
qui cherchent à peindre ce qui est en avant, ce qui est le premier.
Il nous a semblé qu'on n'avait pas suffisamment reconnu les deux
début d'une propriété foncière, pourra porter le nom de rés eqli « tête
du champ » (3). Nous avons signalé « la tête » rêm, plus souvent « les
deux têtes » riHâ, pour le sommet d'un édifice par opposition à udâ
« le fondement », mais nous trouvons le même mot rêm avec le sens
/ Reg. VI, 3i). Dans tous ces cas la tête est le point où commencent
la frontière, le champ, le monument. C'est dans ce sens que l'hébreu
emploiera "IT w's'"^ « tête de ronte ». Dans Ezech. xxi, 2'i., on place le
route » [Ezech. xvi, 25, 31); c'est bien l'entrée du chemin comme on
le voit par l'histoire de Thamar [Gen. xxxviii, 14 ss.. La Sagesse crie
« à la tête des [ruesj bruyantes » iProv. i, 21), c'est-à-dire, d'après
le aux baies des portes », à l'endroit où com-
parallélisme avec «
mencent les rues qui mènent dans la ville. Les faibles et les morts
gisent nii'wSp u'niz « à la tête de toutes les rues » [Is. li, 20;
Thren. ii, aux carrefours d'où rayonnent les rues. Les
19), c'est-à-dire
rivières, ces chemins qui marchent et qui portent où l'on veut
«
aller » [Pascal), auront leur tète qui sera le point où elles commen-
cent de couler. Hammourabi construit un mur élevé à la tête [in rés)
du canal « Hammourabi opulence des gens » 2). Le fleuve qui
(1) Le mot T"' « maia « nous semble être employé dan> ce passage avec le sens de la
mence ^3) et rês ûmi (i'in rxi) le début du jour [k). Parlant aux
iNum. X, 10; xxviii, 11). Dès les temps les plus anciens, les Babylo-
niens emploient rêii arhi du mois » pour en indiquer le premier
« tête
^:^^ t'u.'^ [Ezech. xl, 1). La fête que les Juifs continuent de célébrer
sous ce nom a son prototype dans le ms satti *< tête de l'année » des
Assyriens et des Babyloniens, jour où l'on célébrait la fête zagmukii,
c'est-à-dire le temps de Hammourabi on disait
nouvel an 2 . Dès le
istu rêè kitti « » jusqu'à tel mois 3
depuis la tête de l'annéeLe .
26, etc.), correspond iiltu rêsi <( depuis le commencement » des textes
akkadiens (4). La formule ï^',D"~î;"i u?n'"iî2 « du commencement à la fin »
\EccL m, pour pendant ultu rês adi kîti qui donne exactement
11) a
le même sens (5). De même que w'x'in signifiait « à la tête » d'une col-
lectivité, on put employer cn'i2 (( à la tête » d'une série de jours,
pour indiquer le premier jour ou première fois. C'est ainsi que
la
•kirxi2 se traduira « pour la première fois » dans / Chron. xvi, T. En
akkadien sattu réé l'année de la tête » sera celle qui ouvre les fastes
((
le mot résii put exprimer la raison d'une chose. Ainsi la phrase rés-sii
sa ana pan éarri là allika IbaUi « la raison pour laquelle je ne suis
pas allé devant le roi est : \1) » . On s'étonne que Tj"i2"î~urNi « la tête de
ta parole », dans Ps. cxix, 160, soit interprété die Sumine deines
(1) JoHNS, Assyr. deeds and documents, w 53, recto 3; n" 57, recto 5; n. 105, recto 5
Cf. Jensen, op. laud., p. 396.
(2; Le mot zag-muk, d'où est venu zagmu/iu était interprété rcs salli (Meissner, Sel-
tene assyr. Idéogramme, n" 4634). L'ancienne forme était zag-mu (Gudéa, Statue E, in,
5, etc.).
(3; Code, rev. xxiii, 10.
(5) Cuneiform texts..., \xu, pi. 29, n" 155, 16-17. Toir la tablette néo-babylonienne
publiée par nous dans Revue d'Assyriologie, viu, 1911, p. 44, 1. 23.
(6j Chronique babylonienne, iv, 3i.
(7) Dans une lettre de l'époque d'Assurbanipal cf. Klauber, Assyr. Beamtentum, p. 75.
:
Figulla conteste cette interprétation {Der Briefaechsel Bêlibni's, p. 10). Mais le passage
qu'il oppose (ibid., p. 22, n" 6, 1. 5), pour réclamer le sens de « dés le commencement »,
est totalement différent. Nous n'avons plus rês-su sa, mais uUu res-su « depuis son com-
mencement ».
L'EMPLOI MÉTAPHORIQUE. 497
ment dit ri^jS: aura le sens de " capitation ». C'est une conséquence
du sens distributif qu'il revêtait dans nnSiSaS « suivant leurs tètes » (1).
(1) Voir ce que nous avons dit ci-dessus sur le sens distributif de U7N'' et de ri^5i^.
(2) Thureau-Dancin, VIU" campagne de Sargoyi, p. 61, n. 10. C'est dans le même sens
([u 'on doit interpréter l'expression guhjullâliin là uinalli « je n'ai pas rempli de crânes »
au bord de l'Euphrale, dans une lettre babylonienne (Hoi.ma, hdrperleile..., p. 12). Ungaad
ne donne pas de raison cogenle contre cette interprétation {Babyl. Briefe, p. 205, n. i).
REVUE BIBLIQUE 1920. — T. XXIX. 32
498 REVUE BIBLIQUE.
positives ana mithhi et ana muh « sur, au devant, au sujet de, etc.. »,
ina muhhi et ina muh « au-dessus, au sujet de, etc.. », iUu muhhi
« hors de », adi 7nuhhi « jusqu'à » etc.. (1). Dans toutes ces locu-
(1) Listes dans les dictionnaires. Cf. aussi le glossaire d'Ebeling à Knudtzon, el-Amarna
Tafeln, p. 1473 s.
(2) Devant
les suffixes il est surtout usité sous la forme ^ii'it, l'affixe û reinplaçant les
j»répositionsana, ina, islii. Mais les anciens textes sont lidèles à la forme ana siri (voir
par exemple Ungnad, Bahyl. Briefe, p. 369).
(3) Déluge. 1. 59.
L'EMPLOI MÉTAPHORIQUE. 499
nouvel an, la seconde pour la fête des Jubilés i 3\ Or, le mot 'ytyà
(J) Lire kurru le mot akkadien dérivé du sumérien gur. Il s'agit du li, mesure usitée
non seulement pour les céréales, mais aussi pour l'huile [Ezech. xlv, 14).
(2) Choix de textes..., p. 256-237.
(3; Distinction de R. Jetiuda, dans la Mishnah, traité Rôé-hassûnâ, chap. iir, 5 (édit.
Fiebig, p. 94).
vage. Dans Gen. xlix, 21, la biche échappée (nm^* nS^X) est en connexion avec "IIDN*
"12^ qui représente l'akkadien immerê sappari « les petits du bouquetin ».
l'orgueil de leur puissance et par ton bon plaisir s'élève (2) notre
corne ». Le vers précédent faisait pressentir ce sens « en ton nom :
Ici encore ce n'est pas la force qui est symbolisée par la corne, mais
la joie et la fierté, comme le prouvent à la fois le parallélisme avec
la lampe (3 et l'opposition à la honte dont sont revêtus les méchants.
De même, dans Ezech. xxix, 21 « En ce jour-là je ferai pousser une :
(1) Le sens de 7i7\ au v. 5 est bien « être insolent » {Thésaurus de Gesenius, s. v.);
au V. 6 l'expression "INlJfi « avec le cou « pour signifier « le cou tendu » comme dans Job,
XV, 26.
(2) Lire DTiri avec le lelfiib.
gloire Eux qui se réjouissent pour rien, qui disent n'est-ce pas
: '< :
par notre force que nous avons pris pour nous deux cornes? » [Ain.
VI, 13 Le verbe npS
. prendre » pour soi s'oppose à "jn: « donner »
•<
ainsi que, dans Sir. xlix, 5, l'hémistiche du début nnxS DJIp ";n''l ne
veut pas dire et dédit potestatem eorum in retrorsum, mais bien « et
il donna leur gloire à un autre » comme le prouve l'hémistiche paral-
lèle « et leur gloire à une nation impie étrangère » cf. G Bor/.av ^ip :
a appliqué. xMais il fallait faire une démarcation exacte entre les divers
passages où ce mot figure. L'emploi de "Jip avec "! ou a"»^."! est sim-
plement parallèle à celui de rx"^ avec ces verbes. Et de même que "Cn-^
a fini par signifier le sommet, la cime, nous retrouvons "j-ip avec cette
signification. « La corne grasse » sur laquelle se trouve la vigne du
bien-aimé Is. v, 1) remplace la tète qui surplombe la vallée grasse
Is. XXVIII, 1, k). « La corne de mon salut », suivie de « ma citadelle
et mon refuge » (II Sam. xxii, 3; Ps. xvui, 3', c'est la montagne d'où
vient le 1 \ c'est « la tête du refuge » 'Jiid. vi, 26),
secours Ps. cxxi,
le point culminant où le persécuté échappe à toute atteinte. L'arabe
n'a pas hésité à donner le nom de qarn « corne » à certaines collines
qui surgissent de la plaine 2 .
de Lagas éleva la corne, comme d'un grand bœuf (3). » C'est dans
ce sens, croyons-nous, qu'il faut mterpréter un passage cité par
Holma ('*) d'après le catalogue de Bezold... [ilii) Bêlit-ilani kinm le
(1) C'esl-à-dire « le sac adhère à ma peau comme s'il y était cousu '.
:
(2) Par exemple qarn Sarfabe dans la vallée <lu Jourdain et qarn Haliin sur la plaine
où eut lieu la dernière bataille des Croisés, à l'ouest de Tibériade.
;3) Cyl. A, xxu. 21-23 (Tfrreau-Dangin, Les inscriptions de Sumer el d'Ahkad, p. 164-165).
'4) Korperteile..., p. 147.
502 REVUE BIBLIQUE.
(4) Voir les têtes de taureau en bronze qui servaient à cet usage dans le Guide du
Brilish Muséum [2" édil.j, p. 108, n"' 319-325; Le trône roulant de Sargon
p, 109, figure.
avait son timon agrémenté d'une tête à corne (Heuzèv, Les origines orientales de l'art,
pi. XII).
(5) Lire magarru au lieu de masaru : cf. ma-ga-ar-ru dans Meissneu, Seltene assyr.
Idéogramme, n" 10363,
(6) Forme duelle qurnô.
(8) Delitzsch, Sum. Glossar., p. 236 : qarnu et qarndle elippi. Cf. Tallovist, Maqlù,
m, 129.
(9) Dans ScHEiL, Textes élamites-sémitiques, II, pi. 17. Comparer les représentations
de barques dans le relief à scènes magiques de la collection de Clercq (Clermont-Ganneal ,
Rev. archéologique, 1879, pi. XXV, et FKA>h, Beschworungsreliefs, taf. Ij et sur les portes
de Balawal (tribut des vaisseaux lyriens et .sidoniens).
L'EMPLOI METAPHORIQUL. 503
(Ij Parmi les cas prévus se trouve celui où les cornes de la goutte d'huile diminuent
(2) Hab. m, 4.
toute puissance de nuire (1). La parabole de Zach. ii, 1-i ss. met
en scène les « pour abattre les cornes des
forgerons qui sont venus
nations qui ont levé la corne contre la terre de Juda afin de la dis-
perser ». C'est Dieu lui-même qui, dans la chaleur de sa colère, a
coupé « toute corne » d'Israël et lui enlève ainsi toute force de résis-
tance [Thren. ii, 3). Dans Moab, le paral-
l'oracle de Jérémie contre
lélisme entre « la corne de Moab a été coupée
son bras a été » et «
brisé » 'Jer. xlviu, 25) montre bien comment la corne est le siège
de la force combattive. Le sens général de « puissance » n'est qu'un
sens dérivé.
Nous devions, comme pour les mots rêsu et r.N"^, suivre de près les
significations dérivées des mots qarnu et ]ijp. C'est par une analyse
minutieuse qu'on arrive à discerner comment l'image primitive de la
corne donne naissance aux significations de « fierté joyeuse, orgueil,
cime, coin, extrémité » et à celles de « force offensive ou défensive,
puissance de nuire ou de résister ». Des observations quotidiennes
permettaient aux pasteurs nomades ou aux agriculteurs sédentaires
de reconnaître dans les attitudes de l'animal les sentiments qui l'agi-
taient. Pour exprimer les sentiments de l'homme on lui prêta les
mêmes attitudes. C'est ainsi que des parties caractéristiques du corps
de l'animal furent greffées, par le langage, sur le corps humain et
(1) Voir le texte cité par Zimraern (Gesemus-Blul, s. v. pp) et parHoiraa [Kôrper-
teile.... p. 147).
2 Miss-Arnoi.t. Huadirorlerbuch, \>. 1121 s.
506 REVUE BIBLIQUE.
(.4 smv7'e.)
P. pUORME.
Jérusalem, l"^'' mai 1920.
(1) Lire ainsi au lieu de kimmatu ; cL Meissner, Assyriolog. Forschungen,i, 1916, p. 51.
(2) Ibid., p. 52. Comparer l'usage de >i6|xyi « chevelure » pour signifier 'c feuillage ».
(1) Isàïe (xLi, 8) employait déjà celte expression de longs siècles avant quelle soit
devenue, pour les musulmans, une antonomase désignant suivant les cas Abraham en
personne ou la ville qui renferme son tombeau. lahvé lui-même, en ce passage, use du
qualificatif Abraliam mon ami >. A proprement parler "'ZHN Dninx se devrait interpré-
"
ter activement « Abraham qui m'aimait », comme le suggère II Chron., xs, 7. Le sens
:
d'ami, facile néanmoins à justifier, est consacré par la tradition biblique; cf. Ep. Jac. ii,
23 'AêpaâfA... ^wo; Oeov é/./.i^fir,. On se demandera s'il n'y aurait point là queli[ue obscure
:
mais plus ou moins positive réminiscence de la plus correcte étyinologie du nom. L'inter-
prétation dunom parl'assyrien râmu (ClI) « être élevé» qui avait depuis assez longtemps
prévalu est tenue pour sujette à caution. Le P. Dhorme, dans une monographie où il
établit «que les noms de la famille d'Abraham sont ou bien de purs noms babyloniens ou
bien des noms" ouest-sémitiques retrouvés à Babylone » (RB., 1908, p. 220), signale « que
rà''(nnu, 7-âinu « aimer » est d'un usage fréquent dans les noms propres dès l'époque de
la première dynastie babyloniennej. Ahi-ràmu, aussi bien que C12N, voudrait donc dire
« mon père aime ». La seconde lecture CTii2>S' pourrait reposer sur une ponctuation avec
rTïÏÏîîThi'ê ?H0/e;- leclionis » (Dhorme, op. l., p. 218 s.;. Au sujet des formes babyloniennes
ra'àmu, romu,t\.c., voir Knldtzon, El-Amarna-Tafeln, p. 149-3, s. v° Ra^àmu. Parmi les
variantes orthographiques sous lesquelles apparaît ce nom à l'époque de la dynastie d'Ham-
mourabi-Amrapbel (cf. Diiorme, BB., 1910, p. 156), la seule qui semblerait de prime abord
échapper à l'élyuiologie proposée est A-ba-ra-ha-am, récemment lue sur une tablette du
même temps (voir A. T. Clak The Empire of (fie Amorties, 1919, p. 41). Le P. Dhorme
a précisément relevé naguère la singularité de certaines transcriptions babyloniennes^'^ii
la seule gutturale /( fut chargée d'exprimer la série des consonnes qui manquaient au
syllabaire cunéiforme {La langue de Canaan, dans RB., 1914, p. 358 s.). On peut voir
»
dans J. S. Skinner [A crilical and exegetical Corn. 07i Genesis, p. 292 s., sur Gen. xvii, 5)
le groupement des théories qui ont eu cours avec plus ou moins de fondement jusqu'à 1910.
Parmi ces théories c'est sans doute à dessein que Skinner ne semble même pas faire
allusion à l'extraordinaire dissertation de T. K. Cheyae {Tradilions and Reliefs of Ancien
Israël, 1907, p. 283-290). Abraham y devient naturellement « l'Arabie lérahméélite »,
(2) Sous ces manifestations bien na'ives à coup sur la piété populaire du juif hébronite
LA SÉPLLTURE DES PATRIARCHES. 509
ne sera certainement pas confondue avec les superstitieux préjugés du musulman. J'entends
bien M. Saloraon Reinach nous affirmer que « chez les juifs instruits, un peu partout, le
rationalisme domine, avec une certaine piété pour leurs ancêtres qui leur lient lieu de foi »
le tort d'en méconnaître la gravité. Le système du mythe astral par exemple n'est plus
linoffensive rapsodie d'un Dupuis élucidant à sa guise YOngine de tous les citlles. Win-
ckler [Gescliichte Israels in Etnzeldarslellunyen et diverses autres éludes) lui rendait,
510 REVUE BIBLIQUE.
voici une vingtaine d'années, la vigueur que peut conférer une critique déliée, servie par
une érudition prestigieuse. La légende astronomique paraît avoir acquis une sorte de consé-
cration scientifique depuis les travaux d'Ed. Stucken, en particulier son gros livre Aslral-
mylhen der Hebraer, Babijlonier vnd Aegypter. Autour de ces grands astres de la
constellalion panbabylonienne gravitent de jour en jour plus nombreux d'autres astres à
peine moins brillants Jereraias, Zimmern, Éd. Meyer, Jensen. Et si tous ces noms sont
:
allemands, parce qu'on choisit les plus célèbres, il serait inexact de penser que ces théories
n'ont pas ailleurs des adeptes marquants. Dés 1907, le Rév. T. K. Cheyne, dans l'Intro-
duction de son volumineux ouvrage Traditions and Reliefs of Ancient Israël (p. vu)
déplorait qu'on méconnaisse l'apport de la critique anglaise en ce domaine. M. A. T. Clay,
en 1909, préoccupé de réagir contre de tels excès, constatait avec une certaine mélancolie
le débordement du panbabylonlsme au delà de l'Atlantique {Amurru, the Home oftlie
nortltern Sémites, p- 20) et s'attachait à montrer que la « religion et la culture d'Israël ne
babyloniennes —
qui ont trouvé en France leur écho, —
la mythologie égyptienne tout
aussi toutfue devait être exploitée. Elle l'a été par exemple dans le livre de M. D. Volter,
Aegijpten und die Bibel. Die Irgeschichte Israels im Lichte der aegypt. Mythologie, en
1904. Le P. Lagrange a déjà cent fois, dans la RB., signalé le vice fondamental et sapé les
principes mêmes de la théorie; voir par exemple RB., 1901, p. 99 ss. contre "Winckler;
1905, p. 141 s., à propos de Vtarly Eebrew Story d'ailleurs plus modérée — du —
Rév. J. P. Peters. Le vigoureux article de M. E. Cosolin, Fantaisies biblico-mytholo-
giques d'un chef d école : M. Edouard Stucken et le folh-lore (RB., 1905, p. 5 ss.)
démontre le dilettantisme compromettant de la méthode suivie par M. Stucken. La théorie
ethnographique ramenant toute l'histoire des Patriarches à l'histoire des clans d'Israël
n'est plus, seulement le fait d'historiens tels que '^'ellhausen ou Stade ;^lle passe dans les
commentaires et M. Burney rappliquait récemment a l'exégèse du livre des Juges. Sur
quoi le P. Lagrange a formulé une réserve de principe qui exigerait des développements
mais qui énerve les plus doctes combinaisons en cette voie « Ce qui est certain, écrivait- :
il, c'est que si la Bible emploie indifféremment le même nom pour un homme et pour une
tribu, ellene généalogise pas par les femmes, et que les noms des femmes des patriarches
ne sont jamais des noms de tribus » {RB., 1919, p. 571 cf. 1899, p. 623 ss. 1902, p. 124; ;
ss., etc.). D'ailleurs les traditions arabes, si complaisamment exploitées d'ordinaire pour
étayer cette constitution légendaire des tribus d'Israël par de simples éponymes, sont loin
d'exclure aussi radicalement qu'on le suppose Ihistoricité de l'ancêtre. Voir Jaussen,
Coutumes des Arabes au pays de Moab, p. 107 ss. : La Tribu. L'ouvrage très solide de
M. Ed. KoENic, Geschichte des alttestam. Religion hritiscli dargestellt (1912) offre
d'un autre point de vue la plus ferme réaction contre ces diverses théories (voir surtout
le ch. V La religion Israélite dans le stade de la religion des Patriarches, p. 119ss.).
:
La critique elle-même détruit parfois ses propres excès. Rarement, en effet, les systèmes
artificielsdu mythisme patriarcal cher à Meyer, Winckler, Stucken et autres, ou de l'ethno-
graphie qui plaît mieux à Guthe, Stade, Wellhausen, ont été plus positivement malmenés
que dans les Alttestamentliche Studien de M. B. D. Eerdmans. La RB. a cependant
signalé combien peu la tradition et l'histoire bibliques réalisent de gain dans cet apparent
plaidoyer en leur faveur (cf. RB., 1908, p. 456 s.; 1909, p. 151 s.). Il serait donc dangereux
d'estimer que la critique se détruit par son outrance même, ou que tout est caduque dans
ses spéculations. Mais elle ne peut être efficacement combattue qu'avec ses propres armes.
La meilleure intention de prouver la réalité des faits et des circonstances de l'histoire
d'Abraham par le témoignage des découvertes modernes offre plus d'inconvénients que
d'avantages quand elle est réalisée à la manière de M. P. Dornstetter je suppose, dans sa
monographie Abraham. Studien ilber die Anfdnge des hebr. Volhes; Biblische Stu-
:
dition Israélite est seulement possible, ce serait folie que de lui pré-
férer une autre pos.sibilité » (2).
Dès lors ne saurait-on taxer de futilité ou d'imprudence le recours
aux sources mêmes de la tradition hébraïque. En parcourant les
antiques récits de la Genèse, avec méthode cela va de soi, mais sans
nous appesantir sur un labeur dévolu aux exégètes, nous y recueil-
lerons mainte indication de nature à éclairer l'origine du monument
d'Hébron, en permettant de contrôler le titre glorieux qui s'y attache.
(Ij C'est de l'histoire ainsi entendue que Cicéron parait avoir donné la définition un peu
emphatique mais si élégante Historia vero teslis temporum, lux veritatis, vita inemo-
:
riae, tnagistra vitae, nuntia velustatis [De oratore, ix, 36, éd. Teubner, II, 75. Voir à
ce propos les remarques très pénétrantes du P. Lagrange, La méthode historique, 2" éd.
p. 186 ss.j. CeUe histoire sous une forme populaire peut n'avoir pas la rigueur et l'acribie
exigées de l'histoire scientifique; elle excelle néanmoins à mettre en relief certains faitt
caractéristiques, à définir les traits d'une physionomie individuelle, à peindre avec mordant
les scènes de la vie privée. Telle fut manifestement l'histoire chère à l'antiquité. S. Jérôme
n'éprouvait aucun embarras à constater ce genre littéraire dans les divines Écritures; une
phrase célèbre de son commentaire sur S. Matthieu (xiv. 9) en fait la preuve Consuelu-
:
mentes, quae vero. historiae lex est 'adv. Helvidium; PL., XXIII, col. 187).
(2) Wen)i sie [la tradition Israélite] auch ?iur moglich ist, so udre es Torheit, ihr
ensevelis ta morte dans le plus choisi de nos sépulcres : aucun de nous ne te refu-
sera son tombeau [pour empêcher] d'ensevelir ta morte. 7. Et Abraham se leva et
salua le peuple du pays, les fils de Khet, 8. et il leur parla, disant : Si vous êtes dans
la disposition d'ensevelir ma morte de devant moi, écoutez-moi, et entremettez-vous
"pour moi auprès d' 'Éphrôn fils de Sokhar, 9. afin qu'il me donne la grotte du Mac-
pélah, qui est à lui, qui est à l'extrémité de son champ : qu'il me la cède pour un
bon prix au milieu de vous, comme possession sépulcrale. tO. Or 'Éphrôn était assis
au milieu des fils de Khet, et 'fiphrôn le Khétéen répondit à Abraham aux oreilles
des fils de Khet, c'est-à-dire de tous ceux qui entraient à la porte de sa ville,
qui y est; je te la donne aux yeux des fils de mon peuple; ensevelis ta morte. 12. Et
Abraham salua en présence du peuple du pays, 13. et il parla à 'Éphrôn aux oreilles
LA SÉPULTURE DES PATRIARCHES. 513
y 1 : l:u, conjecture critique; le mot est omis par TM. A la fin du y effacer
mu? lin 1JU' avec les LXX.
y 6 : commencement du v par conjecture
iS à placer au critique; dans TM. :
2. Qiryath Arba\ Dans la tradition massorétique cette « ville d'Arba' » est cons-
tamment désignée comme tirant son nom d'un personnage appelé Arba'. présenté
tantôt comme un géant parmi les 'Anaqîm (Jos.xiv, 15), tantôt comme le père du
clan de 'Anaq {./os. xv, 13 p^yn ia,x), voire même 'Anôq (Jos. xxi. 11 plJîTn
13N). Gen. xxxv, 27
Néh. xi, 25 ^sans doute par affectation d'archaïsme
et cf. —
Skinner — forme y2ixn 'p. Les LXX la nomment au contraire r.6\ii
) offrent la
'Âp5dx, aliàs \o^6B, et en font « la métropole des 'Anaqîm » >j.-f\zp6Ko'ki; ràîv 'Evay.£ttji »
{Jos. XIV, 15), ou [X. 'Evà/. (xv, 13). Leur coquille KaptapSoJiçsp dans Jug. i, 10, doit
résulter d'une confusion de copiste avec Qiryath Sépher, Kap-.ajjtiçap, qui intervient
aux y^ suivants. Le P. de Hummelauer (sur Jug. i, 10) paraît tenir beaucoup à la per-
sonnalité de cet Arbee » ancêtre des "Anaqîm, d'où la ville aurait tiré sa désigna-
«
tion théorie que Calmet sur Gen. xxiii, 2) n'insinuait déjà plus que timidement,
:
(1) Traduction du P. Lagrange. Je suis redevable à mon maître non seulement de cette
traduction, mais d'à peu près tout ce que l'interprélation pourrait contenir d'exact.
Voici les commentaires plus spécialement utilisés Calmet, Commentaire littéral sur :
un homme, et ce n'est qu'en suite des idées sur les géants » qui sont toujours allées
en se développant dans l'esprit des Juifs. Le sens de « ville des quatre », tétrapole,
ou confédéralion de quatre localités, prévaut aujourd'hui (Skinner, Driver, Holzinger),
contre les anciennes hypothèses des quatre patriarches Abraham, Isaac, Jacob, à —
qui s'ajoutait Adam — ensevelis en ce lieu, des quatre quartiers de la ville, et
autres combinaisons encore plus précaires, telle la cité des « quatre dieux » (dans
Ed. Meyer. Die Isrfieliten und ihre Nachbarstàmme, p. 264). Ceci appelait naturelle-
ment la citédes o quatre déesses » nS^ymN que M. Halévy [Rev. sémitique, 1895.
p. 293) découvre dans >2"lNn 'p de Geu.xxw, '27 Ce qui demeure clair, c'est l'iden-
!
ojne dériverait des Khabiri qui auraient capturé cette ville nommée alors Rubûté,
dans On peut voir dans Dhorme (RB., 1908. p. 517; 1909,
[es Lettres d'el- A inarna.
Clav {The Empire of the Amorites, p. 45 s>.) pense que les Khabiri étaient un clan
hittite et que Qiryâth-Arba' aurait modifié son nom en Uebrôn à l'époque de la
suprématie des Hittites. Pour Eerdemans [Alttest. Studien, ii, 61-65) les IJabiri
représenteraient une sorte de Jacquerie cananéenne en révolte contre les potentats
locaux installés par le roi d'ÉJttptr, Ceci ne serait pas sans analogie avec certains
mouvements soi-diSant nationalistes dans la Palestine contemporaine. On pourrait
démêlé le brouillamini des textes relatifs à Mambré, tantôt identifié avec la ville
même d'Hébron, tantôt distingué avec soiu. Le premier groupe de textes dérive
d'une tradition ultérieure préoccupée de faire disparaître la chênaie, afin d'éliminer
jusqu'au soupçon même de quelque culte des arbres. Le second groupe, au con-
aux meilleures sources anciennes et en conserve toute l'ingénuité.
traire, appartient
Il eîst d'admettre qu'un lieu de campement de nomades
d'ailleurs « impossible
hébreux —
[Gen. xiii, 18] —
ait ete la même chose qu'une ville au pays de
Canaan » (Abel, op. L, p. 151). -Mambré représentant dès lors quelque campagne
suburbaine, vraisemblablement la hauteur voisine d'Hébron au Nord-Ouest, comme
on le verra par la suite, on admettrait volontiers avec Hummelaaer) que le trait
conservé par les LXX. « dans la vallée » est authentique. A insister sur ce détail,
fice d'Isaac, le patriarche est en effet ramené à Bersabée (y 19\ Et c'est sans doute
en vertu de la même la mort de Sarah est expliquée non
conception de l'histoire que
par sa vieillesse, mais par du saisissement que lui causa l'annonce du sacri-
le fait
fice d'Isaac, opinion sévèrement éliminée par Calmet (sur xxiii, 1) « Les Rabbins :
nous content des rêveries, quand ils disent que Sai'a mourut d'épouvante, un démon
lui ayant déclaré qu'Abraham alloit immoler son fils ». On ne saisit entre ces épi-
que les Hétéens étaient « une peuplade palestinienne »; cf. op. t., p. 8. Hoizino'er
admet que Gen. x, 15 apparentait les Hittites aux Cananéens, mais se persuade que
« tout indice fait défaut » concernant leur établissement dans la Palestine méridio-
nale et il conclut à la « vraisemblance d'un archaïsme artificiel, Guukel est mieux
au fait de la situation politique du pays dans l'ère pré-israélite; il n'ignore pas que
dés éléments hittites s'y mêlaient aux cananéens, mais conclut*^anrtant que le
tableau tpacé dans Gen. xxiii n'est pas suffisamment exact : « Us Hittites ne sont
pas devenus la population normale — die eigentlichen Einwohner —
suze- mais les
rains — das Hen'schervolk' — en Canaan
«.C'est exactement ce qui eût pu se dire
jusqu'à nos jours des Turcs en Palestine. La position de Gunkel a de très bons fon-
dements, nous allons bientôt le constater. De ce point de vue toutefois il faudrait
concéder que les termes du récit demeurent peu satisfaisants. On voitmal un histo-
rien contemporain, décrivant une transaction du même genre à Hébron, qui dirait :
d'hui Arta-hipa —
« directement intronisé par le pharaon » à Jérusalem (Dhorme.
op. l, p. 62) et qui se révèle un Hittite de pure race. Naturellement un tel choix
serait peu compréhensible dans la multitude des cas où il se reproduit, si Ton
n'admettait pas « La présence des Hittites dans la population » (Dhorme, op. L,
p. 66; cf. Weber-Ebelixg, Die El-Am. Tafehi, II, 1088 s.) suivant un dosage pro-
portionnel que riea ne permet pour le moment de définir. Mais le caractère entre-
prenant que nous lui connaissons donnait vite à cet élément, même restreint par le
nombre, une certaine prépondérance. Entre ces nouveaux venus et le vieux stock
cananéen local, des affinités de race peut-être, comme la Bible le suggère en
faisant de Khet un frère de Sidon fils de Canaan [Gen. x, 15), en tout cas de culture
et probablement aussi de religion, facilitaient la fusion. Il n'est d'ailleurs pas néces-
saire qu'elle ait jamais été bien complète. Le seul fait dûment constaté désormais,
du mélange de populations hittites à celles que nous avons pris l'habitude de
désigner comme cananéennes en Palestine autorisait plus tard les auteurs bibliques
à parler assez indifféremment de Cananéens et de Hittites, voire d'Amorrhéens,
à propos des peuplades qui avaient précédé les Hébreux dans la contrée. Cest
dans ce sens que le P. Lagrange {Études sur les relig. sémitiques, '2^ éd., p. 49 ss.)
a depuis longtemps résolu l'énigme posée par ces « fils de Khet » au ch, xxm
de la Genèse. En terminant sa démonstration il observait à bon droit que si l'auteur
de ce chapitre a cru devoir user de cette dénomination conventionnelle de pays
hétéen, « on ne peut pas plus lui en faire un reproche qu'à Sargon qui a étendu
ce nom à la côte philisline » {Op. L, p. 50; cf. RB., 1902, p. 481, n. 1 pour le ;
pays de Hatlu dans les Fastes de Sargon, voir Dhorme, RB., 1910, p. 382). Peu
importe, après cela, que nous ne soyons pas en mesure de définir avec certitude
sous quelles influences nos récits de l'époque patriarcale emploient d'aussi diver-
gentes désignations ethniques en les appliquant au même milieu. Abraham par
exemple, qui traite ici avec les Ilétéens, parle aussitôt après des « Cananéens au
milieu desquels [ilj habite » {Gen. xxiv, 4). Un peu plus loin on entend Rébecca
exhaler son dégoût à propos des « filles de Khet... les filles du. pays » (xxvii, 46);
elle s'oppose avec véhémence à ce que .lacob son fils épouse une fille de Khet; sur quoi
LA SEPULTURE DES PATmARCHES. 517
Isaac interdit à Jacob de prendre femme « parmi les filles de Canaan » (x.xviii, 1)
« Ainsi dit Adouai lahvé à Jérusalem Par ton extraction et par ta naissance
:
tu es du pays du Cananéen; ton père fut un Amorrhéen et ta mère une Hittite a._
{Éz. XVI. 3\ L'équivalence était dès lors fondée. Ce qui est dit ensuite à l'adresse
de cette mère hétéenne trahit probablement la nuance qui faisait préférer l'appel-
lation de Hittite dans les documents sacerdotaux quand ils avaient à parler des
populations réprouvées devancières des Israélites dans la Terre promise.
3-1 S. La négociation pou?' l'achat du sépulcre. Entre Abraham et les fils —
de Khet, c'est d'abord un assaut do courtoisie dont on sent que ni les uns ni les
autres ne sont dupes aussi la transaction raenace-t-elle de traîner en longueur.
;
Mais le patriarche est pressé de conclure. Il a jeté son dévolu sur un emplacement
de son goût; il y tient et ne se laissera débouter par aucuue finesse, dùt-il l'enlever
à bon prix. La scène se passe dans l'assemblée des notables, à la porte de la ville;
chacun peut intervenir et dans la joute serrée qui met aux prises seulement deux
inléressés, l'un et l'autre paraît ne s'adresser qu'au cercle entier, et fort peu à
son partenaire. Le dialogue est prompt, animé, pittoresque, empreint de quelque
emphase comme il sied entre gens de condition et pour un sujet de cette gravité.
Les commentateurs tant soit peu au fait des usages immémoriaux en Orient, dès
qu'il s'agit de transactions quelconques, n'ont pas eu de peine à mettre en plein
relief tout le détail de celle-ci et nous n'avons pas à reprendre leur tâche. Le
A peine Éphrôu le Hétéen s'est-il enfin risqué à préciser ses exigences : déjà il
est pris au mot. En présence des témoins qu'il a invoqués 400 sicles d'argent
courant lui sont pesés séance tenante; le champ d'^Ephron et la grotte qu'il
il désire seulement la caverne dont 'Éphron est possesseur; et comme cette caverne
est sise tout au bout d'un champ, la cession peut se faire sans grand préjudice
pour le champ (observation très fine de Dillmann). Probablement la réalité topo-
graphique était-elle un peu différente. En tout cas le propriétaire s'est refusé à
à morceler son domaine, vendu comme un tout. Au début iMacpélah présentait la
caverne incluse. Les LXX l'ont traduit d'après une étymologie peut-être douteuse :
double! Ka\ 'éoxrj ô àypb? 'Eçpwv, ô; ?,v e'v tw ôtJiXw areriXafo)... « exemple de servile
esprit de suite, aux dépens du sens » (Bjilb. La tradition ne s'eu est pas moins
518 REVUE BIBLIQUE.
tation possible après tout, mais dont le contrôle est encore à faire. En réunissant
tous les passages où nSs^a intervient 'cf. xxv, 9-, xlix, 30-, l, 13), il est clair
de termes et un complément qui veut sans doute être plus explicite au y 19 'i3D~Sy :
"(•n^n N\~ XI^D « en face de Mamré (qui) est Hébron ». Malgré cette nuance,
conservée par le /.arx -pdcrcjTrov... et l'àTiÉvavTi... des LXX, :les expressions de TM.
ne veulent certainement rien dire de plus que « en face de... » (Halévy, Rev. sém.,
1895, p. 294 « devant... »}. au sens journellement attribué à ce terme dans beau-
:
coup de langues modernes, sans aucune iuteotion d'orientement mais pour marquer
l'opposition de deux points bien en vue l'un de l'autre. Il est néanmoins incontes-
table que ces mots entendus suivant le principe de l'orientation antique signifieraient
« de Mamré
à l'orient comme le veulent la plupart des commentateurs (Humme-
fi
lauer, Dillmann, Gxmkel; avec plus d'hésitation Driver et Skinner). Par contre
il n'est guère douteux que l'identification Mamré Hébron du y. 19 ne soit une =
pure glose de notre document. Il n'y a aucune possibilité de traduire avec Halévy :
« Mamré qui fnit partie de la banlieue d'Hébron » (ReL\ sém., 1895, p. 294) :
Il reste à noter que le champ acquis par Abraham ne contient pas seulement
une caverne apte à devenir un tombeau, mais aussi des arbres en nombre indé-
terminé sur une surface délimitée strictement par une enceinte. La physionomie
du Macpélah s'évoque donc à nos yeux avec toute la netteté désirable.
lieu-dit
dénudé, car on y mentionne un champ et des arbres dans ce champ. Nous avons
déjà signalé que sur les pentes de la montagne où s'adosse le Haram el-Khalîl
plus d'un enclos trait podr trait le vieil enclos de l'flétéen
moderne reproduit
'Éphrôn. Tout suggère que caveroe de cet enclos n'avait jamais auparavant servi
la
de sépulture; encore moins aurait-elle été affectée à quelque usage religieux. Sans
doute les Hébronites offrent courtoisement au patriarche de choisir parmi leurs
propres tombeaux celui qu'il trouverait à sa convenance pour y ensevelir « sa morte »
(y 6 . Abraham entend bien s'assurer l'entière propriété
toutefois du sépulcre
familial devenu nécessaire (v. 9;. Sous la formule de
qui lui est politesse qui
semble faciliter son choix, il n'a pas de peine à discerner qu'un site consacré par
quelque vénération locale et tout autant par une sépulture privée, demeurerait
manifestement exclu; à tout le moins les droits indigènes antérieurs seraient-ils
Les termes mêmes dans lesquels l'accord est
réservés et limiteraient les siens.
conclu n'autorisent supposer aucune limitation de ce genre. Nous aurons d'ailleurs
à
bientôt à revenir sur ce détail, en essavant de préciser la nature de la caverne.
Abraham en prend possession par l'ensevelissement de Sarah. L'hypogée patriarcal
est désormais inauguré « dans la grotte du champ de Macpélah ».
LA SÉPULTURE DES PATRL^RCHES. 319
9 s. XLix, 29 ss. l, 13 les mots .-ithn {f 4, 9, 20), lur^n (», n^u: (6),
: : ;
Dip « devenir la propriété » (17, 20; cf. Lev., xxvii, 19\ -;p«2 (18)
yj^z yiN (2, 19 et v^^n nnp (2) (cf. Dilhnanii et à peu près toute la
liste des commentateurs cités plus haut, liste qui s'allongerait aisé-
ment, mais sans fruit). Parmi les critiques, Eerdmans (1) a pourtant
fait entendre une voix discordante, cherchant à prouver, sans apporter
nicht noch ein froheres Dalum. » L'école de Wellhausen qui rajeunissait à outrance le
Code sacerdotal devra s'inquiéter de l'argumentation d'Eerdmans.
(3) Dans le caractère que nous avons reconnu à ce récit, on insisterait volontiers
sur
celte expression, en la considérant non point comme l'indication d'une monnaie excel-
lente, sanctionnée par le cours, mais d'une monnaie courante dans les transactions jour-
nalières, par opposition à la monnaie exigée pour les paiements officiels, surtout de nature
religieuse. En pratique le Palestinien de nos jours discerne avec soin dans la discussion
d'un prix l'argent officiel ( ç-^] et la monnaie usuelle, ou « du bazar » (^j*J' iXsS).
représente une valeur sensiblement inférieure à celle de l'étalon officiel, sagh — environ
14 moindre, — on voit la nuance qui en résulterait.
320 REVUE BIBLIQUE.
allure toute profane; le nom divin n'intervient pas une seule fois et
ceci ne laisse pas que de surprendre dans un document tout préoc-
cupé d'ordinaire d'introduire l'activité divine dans les atiaires
humaines (1). Il y a donc lieu de croire que P suivait ici un document
ancien et bien informé, ou qu il enregistrait une tradition locale
excellente. Et le problème ne se présente pas comme une conséquence
de quelque théorie critique dont il serait loisible de se désintéresser.
Dans l'hypothèse la plus conservatrice touchant lorigine du livre
inspiré, subsiste nécessairement un intervalle de plusieurs siècles
entre l'époque de Moïse et l'ère patriarcale. Il faut donc envisager
une modalité satisfaisante de la tradition historique. Dès lors qu'il
s'agit de siècles, c'est le principe même de la transmission qui
importe et non le chiffre exact qui limitera cette durée séculaire.
L'enquête actuelle se borne naturellement au eh. <s^xiii, dont la
lecture produit l'impression si vive de faits vécus et authentiques,
narrés sous une forme populaire. On dénaturerait tout à fait cette
histoire par une assimilation gratuite aux errements de la légende
et aux fantaisies du roman à couleur historique. Le roman excelle
sans doute à détailler les plus minutieuses précisions sur le temps,
les lieux, les personnes combinés par son caprice dans une action
toute fictive; mais le roman
entendu est un genre littéraire que
ainsi
l'antiquité orientale — quoi
en soit de celle des autres contréeg^
qu'il
— n'a jamais pratiqué. La légende elle-même est, par nature, assez
facilement inventrice; ses créations demeurent néanmoins stéréo-
typées. Elle brode sur un canevas qui s'y prêtait par des aspects
héroïques ou pittoresques elle suppose toutefois ce canevas, surtout
:
(2) Même pour un critique aussi radical qu'Eerdraans, « la légende n'invente pas les
personnages eux-mêmes « Die Personen selbsi erfindet die Sage nicht! [Altteslam.
:
;i) .' Depuis un siècle que s'amoncellent les recueils de traditions populaires récoltées
en tous pays, s'il est un fait d'observation bien vérifié, c'est celui-là. Qu'il s'agisse des
" traditions orales » des paysans de France ou de celles des sauvages d'Australie, que
trouve-t-on dans ces recueils? Des contes merveilleux, des contes à rire, des contes d'ani-
maux, des fables ethnogéniques ou cosmogoniques, etc. ; mais des traditions historiques,
non pas » (J. Bédier. Les légendes épiques, t. IV, 267 s., cité d'après Lagrange, RB.,
1919, p. 275).
BÉDIER, /. /., cité d'ap. Lagrange, RB., 1919, p. 275.
(2)
Lagrange, La méthode historique, T éd., p. 188 ss. Voir aussi Conférences de
(3)
Saint-Étienne, II, 1911, p. 19-49 .4 la recherche des sites bibliqiœs,-où il traite plus
:
(4) D'après Halévy (Rev. sémitique, 1895, p. 144) la nuance serait assez sensible entre
les expressions la et 2W^7) dont se sert Abraham au f. 4. "13 est l'étranger qui séjourne <
temporairement dans un pays; 2^171 est celui qui s'établit dans un seul endroit sans
jouir complètement des droits de citoyen. » Ces termes n'ont par conséquent point
l'obscure ambiguïté que leur attribue Skinner (Genesis^ p. 336 s.).
522 REVUE BIBLIQUE.
dans un sépulcre étranger (^'. 5 ss.), pas de simple cadeau fait par
les Hétéens du lieu (13) le patriarche voulait une tombe qui fût à
;
(1) Glnrel, Genesis, p. 250 s. Il est suivi par Skinner [op. l., p. 339) dans son hypo-
thèse d'une contestation judéo-édomite sur la possession du sanctuaire patriarcal.
LA SEPULTURE DES PATRIARCHES. 523
(1) Le fameux tombeau de Housain à Kerbélâ n'est-il pas redeveou de nos jours le
fondement des plus âpres revendications panarabùtes sur la Basse Mésopotamie? Or cette
valeur politique d'uae sépulture comme celle de l'illustre 'Alide nous intéresse précisé-
ment parce qu'il s'agit, à Kerbéla comme à Hébron, d'uae tombe ancestrale, et que dans
la légende musulmane le rôle joué par Housain est fort comparable par son importance
à celui d'Abraham dans l'histoire d Israël. Il passe depuis longtemps pour acquis, dans
certains milieux que Housain est un simple mythe auquel on sait trouver de célèbres
analogies dans tous les domaines de l'Antiquité. Un savant de marque vient même de
cUercher à déduire du propre nom de Kerbélà, ramené à l'assyrien kâr-Bcl ~ >' Enceinte
du (dieu) Bel de quelque lieu de culte funéraire ou autre vénéré « dès l'an-
», qu'il s'agit
tiquité babylonienne » (M. Strecr, Kerbelû, dans Festschrift Ed. Sachau... 1915, p. 393 ss.;
surtout p. 394 s. et 399 Il se peut; mais cette vénération que nous n'avons pas à con-
.
valoir à juste titre que l'assimilation sommaire avec les mythes d'Osiris-.\donis, etc.,
demeure gratuite. Ceux-ci en elïet nous sont présentés dans la légende elle-même comme
des divinités, tandis que la légende de Housain ne contient pas un trait qui autorise à
voir en lui autre chose qu'un homme, d'ailleurs spécialement remarquable par des qua-
lités que cette légende met très en relief. Et ce qui vaut pour Housain vaut de même
sorte pour un grand nombre des ouélys répandus à travers tout le monde musulman et
(1) La fragilité de ces déductions mythologiques les plus érudites ressort de la diversité
même des créations fantaisistes qu'elles ont engendrées. Pour von Gall je»suppose,
Macpélah — qui signifierait bien « caverne double » {Altisrael. KuUsiatten, p. 56, n. 4,
dans Beihefte zur Zeitschrift fiir die altlestam. Wissenschaft, III, 1898) — était « une
caverne sacrée dont 5am était le Numen » mais Sara n'avait : « primitivement rien à
faire avec Abraham « et le jeu de la légende biblique se réduirait à cette association {op.
L, p. 57 s.). davantage à Meyer que Sarai ait été la localité ou le fétiche incorpo-
Il plait
rant la déilé de Dousara-Dionysos, dieu de la Nature, auquel on donnait à Hébron le
vocable spécifique d'Abrâm {Die Israeliten nnd i/ire Nachbarstâmme, p. 270. Voir sur
ce livre dont la fortune a été considérable les observations de RB., 1907, p. 627 ss.)-
M. Cbeyne trouve fort étrange qu'un savant tel que Meyer puisse aboutir à de telles
invraisemblances {Traditions mid Belief's..., p. 288); mais s'il perçoit bien qu'on a fait
fausse route dans toutes les tentatives de diviniser Abraham et Sarah {op. L, p. 285), c'est
pour arriver à se persuader qu'Abraham-Sarah représentent leral.iméel-Assour, c'est-à-
dire l'Arabie du Nord « berceau primitif des anciens héros » (p. 288). Par où l'on voit
revivre une théorie déjà vieille, qui fut surtout patronnée par Hommel, mais que le temps
ne consolide guère (cf. Lagrange, RB., 1902, p. 256 ss.). Avec Slucken-Winckler le couple
Abraham-Sarah de*'ient Tammouz-Iétar, Adonis- Vénus, etc. et la légende patriarcale une
dérivation du très vieux culte lunaire (Wincrler, Geschickte Isr., II, p. 22 ss.). Hébron
et sa caverne sont d'ailleurs éliminés de toute cette affaire et considérés comme des
(1) J. H. BRE.4STED, The earliesl occurrence of the naine of Abram dans American
Journal of semitic LaJiguages, XXI, 1904, p. 22 ss., cit. d'après Ed. Meyer, Die Israe-
liten..., p. 266, n. 4, et la note correspondante, p. xt. Les égyptologues Erman, Schafer
et Spiegelberg paraissent avoir admis une lecture plus ou moins analogue. M. Maspero a
proposé au contraire pour le second élément Abéliin, ''^2N, ce qui ruine l'équation.
(2) Elle était cependant exploitée encore comme une donnée ferme par Ed. Meyer
{Die Israeliten..., p. 266) en 1906, par Chejne [Ti-aditions..., p. 287, toutefois avec la
nuance que ^"pT^ signifierait « contrée « pour aboutir à rt< Arabie-Arammite et à lérah-
méel) en 1907, par Eerdmans [Altleslam. Studien, I, 21 et 88) en 1908. Mais l'égyptologie
scientifique parait bien l'avoir écartée. Sans se rallier à la lecture Abelim de Maspero et
tout en conservant 'A-bi-ra-ma, W. M. que l'interprétation par
Millier déclarait naguère
« champ d'(n° 71) Abraham pratiquement par trop invraisemblable « sachlich
(a" 72) est «
(1) Voir GuÉRiN, Judée, III, 240 ss. Survey of W. Pal., Memoirs, III, 327 s.; Mauss et
;
Sauvaire dans le Voy. d'explor. du duc de Luynes, II, 92; Hanauer, QS., 1901, p. 100.
(2) M. Clermont-Ganneau, dans La Palestine inconnue, a depuis longtemps fait ressortir
l'utilité de ces recherches. Il en a précisé la méthode par des exemples brillants. Ainsi,
pour n'en rappeler qu'un, mais notable : la légende de Djézaïr à Abou Chouche/i, qui
lui a fait retrouver Gézer.
Le conte moderne, relatif à quarante martyrs qui seraient en même temps des
(3)
(( compagnons du Prophète » demeure très flou et ne semble pas avoir de racines bien
profondes. Moudjir ed-Din y faisait déjà une brève allusion, mais uniquement pour noter
qu'il n'avait « trouvé aucune tradition à ce sujet» (voir Sauvaire, Hist... d'Hébron, 225).
L'idée d'une survivance du vieux nom Qiryath- Arba' était admise déjà par von Gall
[Altisr. Kullstotten, p. 51).
(1) D'après une reconnaissance archéologique de M. le prof. Seilin; cf. Anzeiger der
kais. Akademie der Wiss.; pliilos.-histor. Klasse, de Vienne, 1914, n" xviu, p. 204-207.
LA SEPULTURE DES PATRL\RCHES. b29
Damas. —
iMais si exact qu'il puisse devenir, en cette hypothèse,
face de lui. de lautre côté d'un ouâdy qui sépare la vie pastorale de la vie sédentaire
et plus civilisée, se dresse le tell de l'ancienne Hébron [Roumeideh-Arba'in], couvert
d'une oliveraie en étages. On se fîgure aisément, à ce spectacle, la position respec-'
tive du clan d'Abraham et des Hébronites. Tout en étant à proximité les uns des
autres, les uns et les autres étaient chez soi, Hébreux au nord-est, 'Anaqim et
Hétéens au sud-ouest, séparés par une vallée profonde. Les conflits que provoquait
d'ordinaire le besoin d'eau étaient évités grâce à l'abondance des sources On
comprend donnée celte situation de Mambré, qu'Abraham ait demandé
aussi, étant
une sépulture du côté^e ce campement, c'est-à-dire sur le flanc oriental de la vallée
d'Hébron ».
« 1. Ce tombeau, sa grande salle, la petite salle qui est à l'intérieur avec ses
sépultures en forme de locxdi, 2. l'enceinte qui est devant (le tombeau), le portique,
les fosses i?) qui s'y trouvent^ les jardins, le tricUnium, les fontaines d'eau, la ter-
rasse (?), les murs 3. et tout ensemble ce qui est compris dans ces lieux est consacré
avec imprécation à Dousara... et tous les dieux, 4. dans les registres des choses
consacrées, conformément à leur contenu. Et ordonnent Douéara... et tous les dieux
qu'il ...ne soit rien enfreint 5. ni rien altéré... et que nul ne soit enseveli dans ce
tombeau, si ce n'est celui (au nom) duquel sera inscrite une concession de sépulture
danslesdits registres des choses consacrées, à jamais (3) ».
1) Skinner {Genesis, p. 335) a déjà très nettement réagi contre la tendance de Sayce en
particulier qui voudrait retrouver dans les expressions mêmes de Gen. xxni d'étroites
similitudes avec les contrats babyloniens de l'époque de Hammourabi théorie que Gunkel
:
[Genesis, p. 253) parait admettre aussi avec quelque rnltigation pourtant. Driver se per-
suadait avec toute raison que « l'évidence archéologique est tout bonnement neutre »
{Genesis, p. 230}. Les expressions du récit demeurent en effet trop naturelles pour n'avoir
pas été spontanées à toutes les époques et dans tous les milieux en des transactions
de celle sorte.
(2) Citée par Skinner, op. L, p. 338.
'3) Traduction de M. le M'" de Vof;uÉ, RB., 1897. p. 233. Cf. Corpus inscript, semitic.
II, I, p. 307 ss. n" 350. On sait tout ce que l'école historico-raythologique a découvert
dans ce texte précisément à propos de Dousara et de son Mothab « épouse, ou parédre >',
qui seraient Abraham et Sarah; cf. Éd. Meyef, Die Israeliten... p. 270.
LA SÉPLLTLRE DES PATRIARCHES. b31
(1) M. Clay, Tfie Empire of the Amorites, p. 62, émet l'hypothèse qu'« un document
aurait cependant pu être écrit en cette circonstance; mais ce n'est évidemment pas du
»
(1) Aussi bien M. Skinner {op. l, p. 338; a-t-il cité à la cantonade, en même temps que
l'inscription nabatéenne de Pétra, des contrats datant de la l" dynastie babylonienne, des
temps assyriens tardifs et les fameux Papyrus d Ëlépbantine de l'époque perse en Egypte.
Des documents très analogues foisonnent dans toutes les archives des notaires de nos jours
et l'on causerait sans doute quelque ahurissement aux clercs dont ils émanent en leur
demandant quels prototypes babyloniens les ont inspirés.
(2) Cette évidence a été perçue et nettement exprimée par Gunkel « die Hole ist eine
:
profane Hole und die Erziihlung von ihrem Erwerb eine profane Geschichte » {Genesis,
p. 251). Ce qui ne l'empêchera pas d'affirmer tranquillement, un peu plus loin (p. 253) que
les arbres sont sacrés!
LA SEPULTURE DES PATRIARCHES. 533
(1;On trouvera dans les comptes rendus des fouilles en Palestine, ou dans la synthèse
provisoire deCanaan d'après Vexploration récente (p. 204 ss.) l'évolution archéologique
de la tombe palestinienne. Tel exemple comme la grande syringe contemporaine de la
XII' dynastie à GézerOlACALisTER, The Excavation ofGezer, I, 111-141 cf. Canaan, p. 218),
;
(2) /os. xiv, 6-15; cf. Xomb. xiv, 24; Dt. i, 36; Jug. i, 20, cf. L\r.RANGE, in loc.
o34 REVUE BIBLIQUE.
savoir Abraham leur père et Sarah qui les enfante (5) ? Image à coup
sûr et métaphore puissante comme les multiplie volontiers la poésie
ardente d'Isaïe. Et nul évidemment n'eût jamais songé à deviner
l'hypogée de Macpélah si l'allusion à ce « rocher » et à cette « cavité
{l)Jos. XXI, 11 et 13; cf. XX, 7. Von Gall [Altisr. Kultstâlten, p. 58) sigaalait que ce
choix suggère bien le caractère de ville sainte qu'on reconnaissait dès lors à Hébron,
d'ailleurs en vertu d'autres indices, car il ne saurait être question de le conclure pour
toutes les localités diverses qui reçurent le privilège du droit d'asile.
avec les envoyés de Dieu, reçu les promesses qu'on voyait depuis
longtemps réalisées; on savait que leurs restes reposaient dans l'hy-
pogée d'flébron. Ce passé historique, dont on ne pouvait douter,
devenait la garantie des nouvelles promesses du Seigneur à ceux qui
lui avaient voué leur persévérante fidélité. Et l'hypogée ne leur était
donc pas indifférent en ce temps-là puisque le prophète en évoque
l'image (1).
(t) Par un amalgame fantaisiste du texte dis. (u, 1 s.) avec Jér. ii, 27 et Dl. xxxii, 18,
autres images poétiques dérivées du rocher, une critique inventrice a déduit l'hypothèse
d'un culte de pierre sacrée, compliquée de spéculations lourdement réalistes sur les
rapports entre la pierre sacrée =
Abraham et la caverne sacrée Sarah. Dornstetter =
{Abraham..., p. 72 ss.) stigmatise avec la plus légitime énergie de telles excentricités;
cependant il a tort de prétendre exclure l'allusion isaïenne à Macpélah considérée non plus
comme lieu sacré qui aurait créé de légendaires entités patriarcales, mais, tout au rebours,
comme un lieu sanctifié par la sépulture très historique d'Abraham et de Sarah ancêtres
certaines minuties du texte où elle croit entrevoir des trésors de suggestions fétichistes et
àiitres se désintéresse très complètement de tout détail ingénument fourni par ce même
texte sur les circonstances qui donnent au récit sa réelle couleur et son véritable caractère
historique. Notre narration discerne avec toute i'acribie possible dans de tels souvenirs
populaires des sites, des noms, des particularités naturelles la chênaie de Mambré distincte
:
ment profane, et tout autant la caverne qui s'y trouvait. Ces faits évidents n'empêcheront
pourtant pas l'exégèse mythologique d'échafauder ses spéculations sur la plus gratuite
assimilation de tous ces éléments disparates. La caverne se trouve soudain au milieu des
arbres sacrés et l'autel d'Abraham n'est plus qu'un succédané du culte primitif dont l'antre
devra fournir le sens originel. Comme de juste ces équations audacieuses gardent d'abord
une certaine réserve chez un exégète tel que Gunkel, en présence directe du récit biblique.
Elles s'affirment déjà plus confiantes chez les historiens, qui prennent leur point de départ
sur les conclusions exégétiques. Pour Meyer, par exemple, n'y a déjà plus qu'un double
il
lieu de culte mais également légendaire et qu'on ne se soucie dès lors plus d'accrocher en
quelque point du sol [Die Israeliten..., p. 265). Et voici l'aboutissant curieux. Un distingué
professeur de théologie de grande Faculté. M. Ad. Lods, étudie La croijance à la vie
0.36 REVUE BIBLIQUE.
future et le culte des morts dans l'antiquité Israélite, tout animé du bon désir de sauver
une antique tradition patriarcale. Il se persuade d'emblée que le champ acquis par Abraham
était « un téiiîvo; le mot trahit assez le concept religieux. Celte enceinte sacrée
)> :
<(renfermait aussi des arbres, évidemment les célèbres « chênes de Mamré qui sont à
Hébron... » Cet évidemment a de la saveur et une aussi limpide conviction ne pouvait
manquer d'amener au rendez-vous l'autel, etc. : '< Ici donc encore tombeau, arbre sacré,
autel, enceinte inviolable étaient dans la plus étroite relation » (Lods, op. L, II, p. 91,
cf. 98). y aurait de sagesse à lire les vieux textes non pas avec le souci aigu
Combien il
d'y retrouver des concepts modernes, mais avec le scrupule de pénétrer leur caractère!
(1) Cf. les Histoires d'Israël ou les Encyclopédies, en particulier l'article très substantiel
de T. NoLDERE, Edom, dans VEncijclop. biblica de Cheyne. On a en mémoire les prophé-
ties enflammées d'Ézéchiel (xxv, 12 ss. xxxv etc.) et d' Abdias.
;
(2) Macch. V, 65. Kat... 'Iou5ac xal o\ àoîXçol aOroù... £rto\£[jio-jv Toyç Oioùç 'H(jay... xal
/
èitàxaSEv f?iv Xsêpwv xal -à; ôvYaTspa? aÙTrii;' xai xaÔeîXsv to ôxùpwaa a'jTÎji;, xat toù; Trûpyou;
a-jTr,; evenûpidev xyxXôôev. « Or Judas et ses frères... combattirent les enfants d'Ésaû...; il
qui les renferme est caractérisé par une observation sobre comme
il convenait en ce contexte où les détails consacrés au sanctuaire
sont un hors-d'œuvre. En écrivant la Guerre juive, à Rome (3), le
(1) Josèphe, Guerre..., IV, ix, 7, g 531 s. : M-jÔeuo-jti ôà aÙTr,v [-rriv Tto/t'xvriv Xeêptov] x«l
oixr,TT^ptov 'Aêpi(i.o'j toû 'lo-jSaîwv Trpoyovov ysyovévai iiîtà xriv èx Trji; ]Me<7o;tOTa[j.saç dcTtav-
«araoïv, to'jç tï TraîSa; a-jToy )éyo-jO''. xa-a6yiva'. eî: -A'.yuTtxov évôev wv xai Ta [j,VY)fji£ta
(xéypt vOv Èv t^ÔE 75 Ko'/.iyyri ÔEtxvyta', Trâvj v.xlfi^ (tapjxapov xai çi),ot:[j.w; elpYaa-[J.:'vx.
(2) De Saulcy, Voyage en Terre Sainte, I, 156 s. II, 328 (SalzmaQn). Guérin, Descr.
;
Judée, III, 223. Le passage de Josèphe [Antiquités..., I, xiv, g 237) allégué parfois pour
reculer l'origine de ces monuments funéraires n'est qu'une paraphrase biblique sans valeur.
(3) Entre 75-79 de noire ère; cf. RB., 1911, p. 370 s.
-
L.-H. ViNCEXT, 0. p.
*(1) Josèphe, Guerre..., IV, ix, 7, § 533 : As-xvjTai S' inh a-Ta5(wv =; -coû aTtew; Tîps-
MÉLANGES
BARCOCHEBAS ô [;,ovGY£V*(iç
njlw lui-même a pu être un n. pr. cf. le nom 'Aatr.p, dans une épllaphe <de la
(1) ;
nécropole juive de la Via Portuense [Kuovo Bull, d'arch. crisi., 1915, p. 16, n° 4). Il est
Une étoile Jioliab) est venue de Jacob et un sceptre s'est élevé d'Israël (I).
:r,AcT, 17. ;j.£V o'aax <iz^':/j:.<; y.al AY;(7-fty.5ç Ttç àvJ;p, £7:1 ce xf^ Twpctrr^vcpi'a, oix
£-' avcfx::6îu)v, ù>ç oxi èE cjpavcj (fwcTïjp aÙTOîç y.aT£AY)X'jOà)ç xaxou|jL£Vciç
:£ è'TTiAâtJ.'yai TcpxT£ui[J.£v;ç (5).
Les Juifs étaient alors commandés par un nommé Barcochébas, nom qui signifie
« étoile », lequel n'était, d'ailleurs qu'un bandit sanguinaire; mais, grâce à son nom,
ilexerçait une action prestigieuse sur ces hommes asservis, en se présentant comme
un astre descendu du ciel pour les éclairer dans leur détresse.
(2) C'est ce que donnent à croire les n ots par lesquels Eusèbe clôt le récit : [w;j
chetas quidam, quod nomen significat stellam, cetera vir crudelis et scelestus. Sed ex
vocabulo suo vilibus niancipiis persuadebat se ob salutem eorum sidus magnum cœlilus
esse delapsum, aegris mortalibus et longa obscurita'.e damnatis ferre lucis auxilium. »
MÉLANGES. b43^
b §' a'JTbç xa'. toj ts-s xaxà 'Icuoaiwv tuoXî'j^.cu [avt^i^.ovs'jwv Txy-ca T.xpx-zibt-
Tai' -/.al '(xp Èv Tw vuv ^(Z'^o\}Â'fM (5) 'louîaïxo) tïoX£iji.w Bap'/wysSaç, b t^ç
loucaîwv àTCCaTao-so)? àp'/-r]YÉrr]ç, XpKJTiavoùç [j.6vouç tlq Tt;j-o)p(aç cs'.vàç, v.
;j.Y) àpvcCvTO 'I-/;toOv tov Xp'.^-o^^ ax: ÇiKx^zir,[j.oîv/, ï'/.éX='JVf x^^e^Qxi (6).
(Les Juifs nous tiennent pour leurs ennemis et leurs adversaires; comme vous,
ils nous persécutent nous font mourir quand ils le peuvent; vous pouvez en avoir
et
facilement la preuve). Dans la dernière guerre de Judée, Barchochébas, le chef de la
révolte, faisait subir aux chrétiens, et aux chrétiens seuls, les derniers supplices,
s'ils ne reniaient et ne blasphémaient Jésus-Christ.
(1) Migne, Palrol. gr., t. 147, III, p. 257. A noter la variante : Bap^w^^êa?, à ôè à(Tt£ç.a
or,Xor.
nltusque est Christianos, guos illi, Cotheba duce, quod sihi adverms Bomanos non
assentaretitur, excruciabant.
Le commandant de la Judée, qui eut aussi à combattre les Juifs, était Tinnius
(Tineius) Rufus; le commandant de l'insurrection des Juifs était un certain
Chochebas, le fils v.niqv.e, qui veut dire « étoile » ; celui-ci iofllgeait toute sorte
de châtiments aux chrétiens qui refusaient de marcher avec lui contre les Romains.
III
C'est le nom par lequel il est désigné chez les chrétiens et aussi chez les auteurs
juifs du moyen âge ;2). Je ne sais ce que veut dire l'épithète de ô \xow^t^r,i que
lui donne le Syncelle, à moins qu'elle n'ait un sens messianique.
(2) Renan elle sur ce point les Itinéraires de la Terre Sainte de Carmoly (p\>. 2'j2, 253;.
On peut y ajouter le Seder Olam dont un manuscrit porte la leçon H.IZ'Ii 12, au lieu de
l'habituel K2l"n3 "Q (cf. Schiirer, Gesch. d. Jiid. Volkes, i, 670).
ce que dit le fils de Dieu... Il gouvernera (les nations) avec un sceptre de fer... et je lui
donnerai Vétoile du envoyé mon ange... Je suis (do) la racine
matin... Moi, Jésus, j'ai et
(de) la race de David, Vétoile brillante du matin » (.A^pocalypse, 2 18, 27-28; 22 16). : :
bas, nous fasse illusion; n'en (Jéplaise à Renan et à ceux qui incli-
nent avec lui vers cette façon de voir, il ne contient sûrement à
aucun degré une idée messianique (3).
IV
Barcochébas paraît avoir été dictateur absolu; il visait clairement à la royauté et,
comme son oncle, Eléazar, était originaire de Modéïii, patrie des Macchabées, il
n'est nullement impossible que Barcochébas rattachât son origine à la famille royale
des Asmonéens.
il est possible que s,e cache le mot 'AaajiojvoyEvr,;, « descendant des Asmonéens ».
(1) Sanchon. Cosm. éd. Orelli. p. 42. Je reviendrai plus loin sur cette question (cf. i?i-
fra, p. 552).
(2) Saint Epiphane, Panarion, Haeres. 51. Bien entendu, le renseignement doit être
accueilli avec les plus extrêmes réserves, l'Intention évidente de l'auteur étant de trou-
ver à tout prix, sur ce terrain de la Nativité, un point de contact entre la rehgion chré-
tienne et les religions païennes.
(3) Un fait curieux, et que Renan semble avoir ignoré
— car autrement il aurait peut-être
essayé d'en tirer parti pour son hypothèse —
c'est que le mot [j.ovoY£vYiç a pénétré dans
s'appelait Simon ». Voilà, certes, soit dit entre paranthèse, qui ferait
assez bien l'affaire des partisans de l'identité de Barcochébas et du
Simon des monnaies. Mais ce sont là des mirages auxquels il ne faut
pas se laisser prendre. L'expression (;) [j.ovoyîvo?, qui, d'autre part, n'a
sûrement rien à voir avec l'idée messianique, ne nous cache pas plus
le nom de Simon, que celui des Asmonéens. J'estime, quant à moi,
(I) Je ne crois pas, par exemple, qu'il y ail lieu de s'arrêter à la resUtution ô ixovoycv/);
en ojpavùysvô;, qui est venue à l'esprit de mou savant confri-re M. Homolle à la suite de
la lecture de ce mémoire faite à l'Académie. Elle lui a été suggérée par l'expression
métaphorique d'Aristôn que nous avons rencontrée plus haut : wç... 1% oypavoO (pw(7Ty)p
« les Romains étaient commandés par Tineius Rufus; les Juifs étaient
commandés par Barcochébas, Juif lui-même — par un des leurs ».
(1) A en croire le pseudo-Z.ii'/'e de Josué (cb. 48), les Samaritains eux-mêmes, malgré
leur inimitié séculaire, auraient embrassé la cause des Juifs révoltés. La chose ne laisse
pas d'être surprenante et 11 faudrait, pour l'admettre, quelque témoignage moins sujet à
caution.
(2) C'est ce que fait ressortir avec insistance la traduction de M. Pautigny.
RoO REVUE BIBLIQUE.
C'est, bien entendu, sous toutes réserves que je risque cette dernière
conjecture, au sort de laquelle, d'ailleurs, n'est pas nécessairement
lié celui de la première, consistant à corriger simplement le mot sur
place, sans toucher à son état grammatical. Elle entraînerait natu-
rellement cette conséquence, c'est que l'altération du texte primitif
de Justin, source du passage du Syncelle, se serait produite de très
bonne heure, puisqu'elle est attestée par la reproduction qu'Eusèbe
donne de celui-ci et par la traduction de Rufîn [christianos soles).
VI
J'ai parlé incidemment plus haut (p. 54-6) d'une particularité dont
on ne semble pas jusqu'ici avoir fait état, c'est que le mot y-ovov^vv-ç,
sur lequel roule en majeure partie cette élude, a pénétré directement,
sous sa forme hellénique même, dans l'hébreu post-biblique. Tout
en signalant la chose, je m'empresse d'ajouter qu'il serait vain de
vouloir tirer de là argument en faveur du maintien de la leçon fau-
tive du texte du Syncelle et de l'explication de l'épithète appliquée
telle quelle à Barcochébas. Toutefois l'unique passage talmu-
dique (1) dans lequel apparaît ce mot soulève une question subsi-
diaire assez curieuse; il mérite, à ce titre, d'être examiné d'un peu
près. Voici, en substance, ce qu'on y lit. Le fils d'un roi s'étant rendu
(1) Pesikta rabbali, c. 10, p. 38^ On trouvera le passage, reproduit dans ses parties
essentielles, dans le Neuhebr. W. de Levy, t. III, p. 51.
MÉLANGES. Sbl
((Mon Seigneur, vas-tu vraiment faire mourir ton enfant! N'est-il pas
ton fils unique? (i:u3r2, \j.z'>o-;vn^z). » Le roi lui ayant répondu
qu'il ne pouvait pas revenir sur l'ordre ''oionSp -/.rAsujtç) tel qu'il =
l'avait formulé, le précepteur lui indiqua le moyen de s'en tirer,
sans avoir l'air de se rétracter, en jouant sur le sens (1) des expres-
sions qu'il avait employées. Le narrateur ne nous dit pas si le roi usa
de Téchappatoire (2).
Ainsi que tant d'autres légendes midrachiques et agadiques, ce
considéré en soi, semble a priori n'avoir
récit, d'allure assez niaise,
ni queue ni tête. Toutefois une chose est à en retenir, c'est l'emploi
de deux autres mots grecs, en dehors de celui qui nous intéresse,
à savoir TraiGay^'^ï^? ^t x,£Acjj'.ç. Ce sont autant d'indices trahissant,
avec les mots mêmes qu'elle charrie, une dérivation de quelque
source grecque; y a là comme une marque d'origine. L'époque
il
« pédagogue », jouant sur le double sens du verbe Nw*;: « enlever » et « élever », suggéra
au roi, esclave de sa parole, d' « élever la tête de son fils », c'est-à-dire d'augmenter ses
dignités.
Le jeu de mots semble s'être inspiré de la Genèse (40 18 et 19), oii la même expres-
.-
sion, qui a en plus le sens d' « élargir, mettre en liberté », est employée dans l'bistoire
des deux eunuques de Pharaon, le grand échanson et le grand panetier, auxquels Joseph,
leur compagnon de caplivilé, interprétant leurs songes respectifs, prédit des sorts bien
différents, favorable pour le premier, tragique pour le second. Cela rappelle quehiue peu,
comme l'a déjà opportunément remarqué Gesenius, l'expression équivoque visant le jeune
Auguste « adolescenfem (oUendum » (Cicéron, Ed. ad div., 11, 20).
:
(2) Échappatoire à laquelle on pourrait probablement trouver des pendants dans le folk-
lore à propos, par exemple, de quelque vœu inconsidéré, de quelque ordre donné à la
légère, de l'interprétation de quelque oracle de teneur équivoque, etc.
552 revi:e biblique.
Kronos tua de sa main à cause des soupçons qu'il avait contre lui,
préludant ainsi à la mise à mort de sa fille à qui, peu après, il coupe
la tète, à la grande stupéfaction des autres dieux ses alliés les Kronioi
ou Elo'ùn. Là, il est vrai, il n'est pas dit que la victime était le fils
unique de Kronos, mais le rapprochement avec les deux autres pas-
sages (B et C) ne laisse guère de doute à cet égard (2).
B) Dans le second passage, nous voyons notre même Kronos, à
l'occasion d'une peste et autre calamité, offrir en holocauste à son
père Ouranos (3), son propre fils unique, t'iv ï-rj-zX) [j.o^/c';t^if, u-sv, qui,
cette fois, n'est pas nommé, mais est, en revanche, expressément
qualifié. Non content de ce sacrifice, Kronos se circoncit et oblige
ses <' alliés » à en faire autant.
Dans le troisième passage, qui, au dire d'Eusèbe, semble appar-
C)
tenir en propre à Porphyre, le thème est plus développé, avec
l'adjonction de détails qui impriment à la légende une physionomie
particulière. Après avoir rappelé qu'autrefois, dans les grandes
calamités publiques, pour conjurer le péril national, les principaux
personnages du peuple avaient coutume d'immoler solennellement
comme victimes expiatoires leurs enfants les plus chers (4), l'auteur,
ayant visé sûrement pratiques bien connues des Carthaginois,
les
poursuit ainsi or donc, Kronos, que les Phéniciens appellent El (5),
:
ylbv I-/WV novoyevfi, où ce fils unique est qualifié de 'hoûô, nom visant incontestablemenl
TTlV La leçon de A, si déformée qu'elle soit, nous conserverait même la vocalisation
en /du mot en jeu. Voir à ce sujet l'observation présentée à propos du mot 'UaûB, infra
p. 553, n. 1 et n. 3.
(3) En expiation de la façon cruelle dont il l'avait traité en lui faisant subir une odieuse
mutilation.
(4) To rjYairriiAÉvov twv tsxvwv.
(5) "H>. Une leçon, peut-être tendancieuse, dit même 'Idpar,)..
MELANGES. ">o3
unique, u-bv [acvoy^v?;, qu'à cause de cela on appelait 'h^jo (1), mot
encore employé, dit Fauteur, chez les Phéniciens dans le sens de
« fils uniqueLe pays se trouvant en grand danger par suite de la
)>.
guerre, Kronos, après avoir revêtu son fils des ornements royaux et
préparé un autel, y sacrifia celui-ci (2),
Quoi qu'on en ait dit, il est difficile de se refuser à voir, dans cette
légende ainsi présentée sous trois faces plus ou moins étendues, une
coloration juive assez accentuée. C'est ce qui ressort, si on les réunit
en faisceau, de certains traits caractéristiques, épars dans les trois
passages, A, B, C les « alliés » de Kronos appelés EX:£'.;x, les Eluhim:
:
non pas simplement d'hébreu ordinaire. On s'est demandé si le rédacteur n'a pas essayé
de faire jouer en même temps une étymologie populaire rapprochant le mot du nom spéci-
fique nn\ YehoucL qui désigne les Juifs in globo.
Il est à noter à ce propos que la version des Septante évite de traduire, dans le passage
correspondant de la Gené.se (22 2), l'épithète de "îTlV fiU uiw/ue, donnée à Isaac par le
:
texte hébraïque: elle se borne à paraphraser l'expression PiriN I^TX, tov àyaTiriTÔv ov
:
riyânrj'ja; « ton fils bien-aimé que tu chérissais ». Il semble même que ce ne soit pas
une simple paraphrase, mais bien une traduction littérale, le traducteur ayant, soit par
inadvertance, soit à dessein, substitué le mot T''T' bien-aimé » au mot similaire iTl^
^'
« unique ». Voilà qui pourrait peut-être, soit dit en |iassant, contribuer à éclaircir l'ori-
gine de ce nom énigmatique de laSiSoç donné au fils de Kronos dans le passage A (cf. supra,
p. 552, n. 2). Quoi qu'il en soit, voulue ou non, l'omission des Septante est d'autant plus
remarquable qu'ailleurs, —
par exemple dans le cas de la fille de Jephié 'Juge, 11 .34) :
—
les Septante rendent normalement la forme féminine m'^ri'' par [j.ovoyîvt5;. La chose
tient peut-être à un excès de scrupule, les traducteurs ayant pensé qu'Isaac ne pouvait
être valablement qualifié de « fils unique » attendu qu il était le puîné d Ismael. .V ce
point de vue, la tradition musulmane est quelque peu dans le vrai quand elle fait d Ismael,
et non d'isaac, la victime réclamée par Dieu. En tout cas, Joséphe n'a pas été arrêté par
cette considération et, se conformant au texte hébraïque reçu, il dit sans ambages (^n^i^.
S34 REVUE BIBLIQUE.
d'ajouter que le mot est pris ici dans son sens fréquent de « belle-fille », Sarah, femme
et derni-sceur d'Abraham, étant la belle-fille — en môme temps que la fille de Terah. —
Même cas pour la Sarah homonyme, femme du jeune Tobie et vûiJ.;;r„ elle aussi, de Tobie
le père (Tobie, U : 16; 12 : 14).
(4) Cf. Bodiart, Gesenius, Renan, Baudissin, et autres. On s'est peut-être trop exclusi-
vement cantonné sur le terrain séinilique. Qui sait s'il n'y aurait pas quelque chose à tirer
de l'Egypte, où nous reportent plusieurs incidents de la légende d'Abraham, et aussi le
début du passage de Porphyre relatant celle de son Kronos équivalent (Tâa-jToi;. ov Al-
YJTiTioi 0(o6, etc.V? Pourrait-on risquer quelque rapprochement avec les mots noivrou,
•< beauté, bonté », nouert. « jeune fille », Novert, n. pr. de la reine, femme de Ouser-
tesen II, etc.? La beauté célèbre de Sarah, beauté qui faillit coûter cher au patriarche,
aurait pu lui valoir, dans l'adaptation égyptienne, cette dénomination : ha-no'b)ret,
« La Belle ».
MELANGES. Moo
II
(1) Voire, à la rigueur, de Agar, si, chose bien peu probable du reste, la légende avait
déjà subi la déviation qui apparaît dans la tradition arabe et dont j'ai parlé plus haut
(p. 553, n. 3).
(2) Kônigsmann. Prolusio de fontibus com. sacr. qui Lucae nomen praeferunt, Altona,
1798.
(3) Cfr. Bludeau, Die QueUenscfieidungen in der Apostelgeschichie. Biblische Zeits-
chrift, Fribourg-en-Brisgau, 1907, p. 166-189, 258-281, et Jacquier, Histoire des Livres
du Nouvemi Testament, Paris, Gabalda, 1908, t. III, p. 64 sv.
(4) Th. Zahn, Einleitung in das IV. T., t. II, Leipzig, Deichert, 1907, p. 420-421.
(5) A. Harnack, Die Apostelgeschichte, Leipzig, Hinrich, 1908, p. 131-198.
556 REVUE BIBLIQUE.
Harnack insiste surtout sur le séjour que Luc fit à Césarée auprès
de Philippe (Actes xxi, 8) et croit que Luc doit beaucoup à ce dernier
de ce qu'il nous livre d'après la source A (3).
Mais parmi les acteurs qui ont participé intimement aux événe-
ments des ch. i-xv, il y a en premier plan Barnabe et son cousin Jean
surnommé Marc.
Lorsque Pierre emprisonné par Hérode est délivré par l'ange,
chez Marie mère de Jean qu'il se rend et qu'il retrouve la com-
c'est
(1) C. C. ToRKEv, The composition and date of Acts [Harvard Theological Studies],
72 p. Cf. Revue biblique, 1917, p. 300 st.
(2) Jacqoier, op. cit., p. 65.
dans une source d'une autre provenance, il estime que dans le reste
de ce document aucun trait ne rappelle Marc et il préfère en attri-
buer la paternité à Philippe (ly.
Il ne me parait pas qu'il y ait des raisons de penser à Philippe
plutôt qu'à Marc et je crains bien que le motif qui a poussé M. Har-
nack à préférer Philippe ne soit le désir de trouver plus de facilité
pour expliquer naturellement le surnaturel qui apparaît partout dans
ce document. Comme il est dit ch. xxi, 9 que les quatre filles de
Philippe avaient le don de prophétie, il est é\T.demment plus aisé à
M. H. de présenter les faits et les interventions surnaturelles comme
des déformations imposées aux événements racontés par l'esprit
pneumatique et les transports d'enthousiasme prophétique qui
devaient être dans l'atmosphère de cette famille.
Mais si Ton reconnaît Marc comme auteur des premiers récits des
Actes, ceux-ci en acquièrent une autorité plus grande et les critiques
qui considèrent les miracles comme impossibles sont fort en peine
d'expliquer que Marc en raconte comme des faits réels, lui qui cepen-
nant a pu y assister. Le témoignage de Marc est pour l'exégèse
rationaliste plus encombrant que celui de Luc. A propos de l'histo-
ricité du récit de l'Ascension, voici ce qu'écrit M. Harnack (2) « Das :
ch. x-xi>.
Wendt (1) qui estime qu'au ch. xiii commence une nouvelle source
en exclut cependant le ch. xv.
11 me paraît incontestable qu'il faille en tout cas rapprocher le
I. INDICES EXTERNES.
~r,ç /.%'. kp[j:ç/i-J-r,: lUipzj axI y.^j-.zz -,y.'j-z Yli-zzj /.•/; p jtt; ;;.£va £---
(1. Voir leurs témoigaages rassemblés par le R. P. Lagraxge dans son Évangile selon
saint Marc, Paris, Gabalda, 1911, p. xx-xxv:i.
(2) Cf. S. Jean Chrysostome, Homélies sur les Actes I, 1, cilé par le P. V. Rose
Les Actes des Apôtres, Paris, Bloud, 1910, p. vr.
REVIE BIBLIOLE 1920. T. XXIX. — q,:
562 REVUE BIBLIQUE.
((La seule hypothèse admissible qui se place pour ainsi dire entre
« les deux autres, c'est que si Marc a vraiment terminé son livre
« au V. 8, il se proposait d'ajouter quelque chose et qu'il en a été
{(j'/ypb-îpzc ;j.C'J i-i70) ;j.O'j cj cr/, î'.;j.'i '.xzvôç xj'^xç Xyjat tcv îjjiâvTa twv b-ocr-
;aâ-u)V yjTCj. 8. 'Eyo) àcâ-Tisa -r^.xq JoaTi, xjzlc ck '^j.~-izv. Jixxç h ~vfj'^.OL-\
-jp-:, addition que nous ne lisons pas chez Marc pas plus que dans
les Actes.
Nous ne voudrions pas exagérer l'importance de cette particularité,
cependant on s'attendrait naturellement à retrouver dans les Actes
l'addition y.zî --jp'. puisque le rédacteur dans le récit de la Pentecôte
note que l'Esprit-Saint est apparu sous forme de langues de feu
'f/MGGX'. <1)7Û T.UpÔq (il, 3).
'épye~x', ;j.îT è;j.è zj :>/. il[j.l xz'.o: ts \j-bor,[j.y. twv -zcCy^ aDt:/.'..
O-jy jy.wv £7T'.v 7V(ova'. ypi^^yjc r, v.x-.pz-j: z'ùq 5 -xrr,p sOstc h -f^ lâix
ico'jcix.
'Ô64 REVUE BIBLIQUE.
Iltpl ce -f^q r,[jApy.q kvAvrqq r, -f^c oipxç oj$cI; zlov/, O'jSï si à'YYeXc. àv
ôupavw ojcè b 'Ab:, s'. \j.r, s -ny-r^p. Marc xiii, 32, cfr. Matth. xxiv, 36.
3. Les Actes mettent une insistance manifeste à signaler que les
qu'il y conserve des mentions qu'il avait écartées dans son Évangile.
Nous ferons bientôt une constatation semblable à propos de la pré-
sence des certaines expressions hébraïques dans les Actes.
Dans le même ordre didées nous remarquons encore l'absence
dans le troisième Évangile du reproche fait à Notre-Seigneur d'avoii'
déclaré qu'il pouvait détruire le Temple et le réédifier en trois jours :
genre que des faux témoins viennent déposer contre Etienne Actes :
VI, 13 c av6pa)~sç oZ-c:; Cj Taûe-rai AaXôov pr^aa-a v.a-à tcj -Ôt.oj tou àyio'j
•Axl Tou v:;j.o'j' à/,r,xsx;j.£v vis a'jtcj Xs^ov-cç OTt 'I-^cojç 6 Na^wpa^cc
cjTc; y.aTaXycîi tov tÔzcv tcjtcv /.al xKXxcv. -zx 'é()r, à -apéâw/.ev
•rjiJ.Tv McUcï;?.
4. Après avoii' exposé comment Pierre échappe aux poursuites
d'Hérode Agrippa I qui avait fait périr Jacques, le rédacteur des
Actes nous raconte la mort du persécuteur. Elle eut lieu au cours
d'une session du tribunal dans laquelle il avait reçu du peuple les
qui lui sont propres. Lui seul parle de Jeanne, femme de Chusa, pro-
curateur d'Hérode Antipas et le récit du renvoi de Jésus de Pilate à
Hérode ne se lit que dans le troisième Évangile cfr. viii, 3 et xxiii,
7 sv.
Il n'y aurait donc de ce chef aucune invraisemblance à considérer
àosAçbv 'Iwxvi'j.
Au ch. 17 et V, 37 du second Évangile, ayant à parler de Jacques
III,
et Jean, Marc note chaque fois que Jean est frère de Jacques; au
ch. X, 35, il les désigne tous deux comme les fils de Zébédée; il parait
donc soucieux de mettre en évidence le lien du sang qui unit ces
deux disciples.
Une seule fois, tandis que Marc ch. ix, 2 omet de faire remarquer le
lien de parenté qui unit Jacques et Jean — il l'a déjà faitdeux fois —
Matthieu ajoute cette mention ch. xvii, 1.
une fois z\ z-Sz y.lù.foi. Soit en insistant sur la relation de parenté qui
unit Jacques et Jean, soit eu les désignant avec persistance par leur
nom, Marc accorde donc à ces deux apôtres une attention toute spé-
ciale.
Supposons que ce soit Marc le rédacteur primitif du ch. xii des
Actes, nous comprenons beaucoup mieux la remarque du v. 2 Jac- :
'A/.EAc:^:j.â-/ 1, 19; Bap^yyMx; i, 2.3; Bxpvâ6a; iv, 36; Ta6s'.0i ix, 36,
citement que l'Évangile doit d'abord être offert aux Juifs mais qu'à
la suite de leur refus, il sera présenté aux Gentils.
Ch, III,26 Tjj.îv -pWTCV àva(7r«i(7aç b-^toq tbv ::aToa «'jtcj, xr.é'^xtiXvf
£T£i3r, à-(j)8£îa6c ajTov xai où/. à;ic'jç -/.pîvsTe âauTCjç -r,ç a'.wvîcu C<*>'^ç,
[A suivre.)
L. Dieu.
Louvain.
III
lion suivante : Pourquoi le Seigneur n'a-t-il donc pas mis saint Jean
à la tête des autres apôtres? Voici le texte de saint Jérôme :
tem tribuat...
ab uno incipientem sua nem atque rationera sua capite constituto schismatis
auctoritate disposuit. auctoritate disposuit. tollatur occasio.
Qui ecclesiae renititur et resistit in Qui cathedram Pétri super quem fun-
•ecclesia se esse conûdit ? data ecclesia est deserit in ecclesia se
esse confidit ?
MELAiNGES. 571
n'est pas telle que saint Jérôme n'ait pu l'avoir spontanément. Mais
l'exacte similitude du mouvement général de la pensée a toute
l'apparence d'une réminiscence étant donné les habitudes de
:
travail rie saint Jérôme, qui cite autrui sans révéler ses emprunts,
cette apparence n'est pas négligeable.
Puisque nous parlons du De unitate de saint Cyprien, signalons
Irénée et saint Cyprien sur la primauté
le travail de'M. Saltet, « Saint
romaine », Bull, de litt. eccl. 1920, p. 179-206. M. Lacey nous
apprend dans son livre Vnity and Schism, 3*" édition, 1920, p. 177-
187, qu'il était arrivé à la même hypothèse que Dom Chapman, sans
avoir eu connaissance du travail du savant bénédictin. M. Lacey
avait de plus émis l'hypothèse que la leçon b était antérieure à la
leçon a et représentait une première édition donnée par Cyprien
dans d'autres circonstances que celles qui lui dictèrent les cor-
rections de sa seconde édition. En quoi M. Lacey était arrivé à faire
la même hypothèse que moi dans mon Église naissante. Ce dont
je me félicite et prends note.
Pierre Batiffol.
CHRONIQUE
d'une dédicace à deux destinataires, alors que par sa nature même l'ob-
jet devait être individuel; 2" singularités
paléographiques dans la
gravure du texte reproduisant deux inscriptions connues; 3° bizar-
ries des reliefs ornementaux. Chacune de ces observations avait été
naguère envisagée en présence de la pièce et tacitement écartée.
Aussi bien en pouvait-on fournir quelque explication satisfaisante,
si d'autre part l'objet présentait de convenables garanties intrinsèques
d'authenticité. Or c'était le cas, non seulement pour moi, car je pou-
vais êtretrompé par un nouvel examen de l'épée comme je l'avais été
la première fois, mais pour plusieurs savants très qualifiés dont je n'ai
pas àétilerici les noms. Après une étude minutieuse, l'un d'eux, à
qui j'avais préalablement soumis mes propres doutes et les difficultés
spontanées que ce document soulève, concluait « Si c'est un faux, :
(2) M. Héron de Villefosse a été trompé par l'étude exclusive des photographies quand il
dit : « Le métal ne parait pas altéré par
la rouillé; l'objet présente un aspect très neuf»
(p. 333). C'estau contraire l'oxydalion très accentuée et la remarquable patine qui impres-
sionnent le plus vivement tous ceux qui ont pu manipuler la fameuse dague. Nous avons
vainement cherché à Jérusalem un spécialiste assez compétent pour tenter une analyse qui
déterminerait si cette rouille provient de réactifs chimiques récents. J'ignore d'ailleurs si
en mesure d'appliquer à la rouille et à la patine du fer le diagnostic si
les techniciens sont
précieux que M. F. de Villenoisy appliquait naguère à La patine du bronze antique [Rev.
archéol, 1896, I, p. 67 ss 194 ss.;. ,
moyen âge et que le chevet crautrc part est reculé de l^jôO environ,
la basilique primitive mesurait donc au minimum 35'"x 17 : nuance
qui a l'avantage de lui restituer la proportion de 1 à2 si usuelle dans
lesmonuments chrétiens du iv' siècle en Palestine.
Une investigation diligente a déjà fait ressaisir le niveau du pave-
ment ancien et quelques lambeaux de splendide mosaïque \dennent à
souhait confirmer les indices du tracé architectural et suggérer l'or-
donnance intérieure en trois nefs symétriques. La petite nef sud pré-
sente l'ornementation fréquente en guirlandes croisées de bouquets
par leur recoupement un réseau de carrés avec
stylisés, constituant
liers dans une tardive reprise, ces bases avaient eu, à l'époque médié-
vale, un tracé cruciforme consolidant ou reproduisant tout bonnement
un tracé plus ancien.
Le caractère postiche des célèbres « rochers de la triple prière de
N.-S. » éclate désormais. On n'a d'ailleurs pas oublié qu'ils intervien-
nent très tard dans les relations des pèlerins et n'existaient pas dans
(Clichés Savignac.;
I
Plwchi: II.
k^m^.:r:^-^>:^\^^
2. Gelhsémani. L'escaipe de roc dans le bas-côté méridional de la basilique primitive. Au premier
plan, le > rocher » de la ne septentrionale dans l'église restaurée. (Clichés Savignacl
CHRONIQUE. b7:
(1) Une fausse lumière a trompé le P. Abel sur limportance des points à la bouterolle
que le graveur avait alignés sur le dessin des lettres pour guider son ciseau et prévenir les
épaufrures dans le grès très mou.
(2) Cf. RB., 1897, p. 225, ou le CIS.
REVUE BIBLIQUE 1920. — T. XXIX. 37
578 REVUE BIBLIQUE.
L. H. AixcoT, 0. P.
Jérusalem, le 11 août 1920.
RECENSIONS
De Propheten des Ouden Verbonds door Dr. G. Ch. Aalders, Dienaar des
Woords by de gereformeerde kerk van Ermelo (i). Kok, Kampen, 1919, in-8» de
qui révèle chez l'auteur un grand souci d'objectivité. De ton courtois, M. Aalders
défend néanmoins vigoureusement S3S positions de croyant. L'exégèse hollandaise
s'est parfois caractériséepar un radicalisme outrancier. L'ouvrage que nous présen-
tons ici, triomphalement et nous le considérons comme une des meil-
s'en écarte
leures productions récentes issues du sein de l'église protestante des Pays-Bas.
Nous disions cette étude très complète; peut-être l'est-elle trop. Il s'y rencontre
des questions qui sont un peu des hors-d'œuvre, telles celles du miracle, de la
divi-
nation, de la poésie hébraïque; il est vrai que le sujet les amenait assez
naturelle-
ment. Parcourons les dix-neuf chapitres de ce livre; nous nous contenterons de re-
lever les idées principales, d'indiquer également quelques divergences de vues.
Ch. I. Les noms des prophètes. Deux appellations sont caractéristiques de cette caté-
gorie d'hommes. La première c'est nabi' rooprjr,?, prophète, qui les désigne comme
les porte-parole de la Dans quelques cas
divinité. 1 Sam. xviii, iO, xix, 20-24,
:
seur. Eu fait Abraham intercédera pour Abimélech, mais nous ferons remarquer que
cette action ne donne pas un sens nouveau à sa qualité de nabi'.
La seconde roeh ou hozeh, voyant, celui qui reçoit une communica-
appellation :
tion surnaturelle, désigne la même catégorie de personnes qu'on appelle nabi'. En-
core une fois il ne s'agit pas de se baser sur ces deux appellations pour fonder la
théorie des derviches-prophètes qu'on opposerait à une catégorie plus calme, celle
des « voyants ». M. Aalders relève encore les noms d'homme de Dieu, de serviteur
du Seigneur ou de Dieu, d'envoyé de Dieu, de veilleurs, sentinelles, gardiens;
seulement ces désignalions sont plus occasionnelles et moins spéciGques, encore que
souvent elles accentuent le caractère prophétique.
Ch. 11. La notion de prophétie. — Elle comporte un double élément : l'un, productif,
actif; l'autre réceptif, passif. Ce dernier c'est la réception d'une révélation divine, le
prophètes eux-mêmes concevaient leur mission. Ce double élément est bien distingué
dans le Deutéronome xviii, 18-22 ainsi que dans la vocation d'Ezéchiel m, 1-4. L'élé-
ment réceptif est le principal, il commande et règle l'autre. C'est ce qui distingue for-
mellement le vrai du faux prophète. Seulement l'élément actif doit nécessairement
compléter l'élément réceptif pour réaliser la notion prophétique. Il ne suffit pas d'être
gratifié d'une connaissance surnaturelle, il faut que son dépositaire ait mission de la
transmettre et s'il ne le fait pas il est infidèle à son mandat tel Jonas i, 1-10, tels
ceux dont parle Amos ii, 12 et cette intimation est si prégnante que parfois le pro-
phète, le voulùt-il, ne peut pas s'y dérober, ainsi Jérémie xx, 19.
A du prophète, M.-Aalders aurait pu citer saint Thomas;
l'appui de ce rôle actif
l'ange de l'école aurait bonne figure au milieu des nombreuses autorités citées
fait
au cours de ce livre Cujusmodi prophetiam, est-il dit 2^^ 2**^ q. 174. a. 2 ad 3" (se.
:
hagiographa conscripserunt.
Voilà le lien entre les deux éléments : Le prophète est réceptif pour devenir
productif; la raison d'être delà communication qui lui est faite, c'est sa transmission.
Chctp. III. Le fait de la révélation prophétique. — De nos jours on donne au mot
" révélation « les sens les plus élastiques, certains désignant par là tout enrichis-
sement de l'esprit humain par voie de développement personnel. Ce qui importe ici
c'est de savoir ce que les prophètes eux-mêmes entendaient par ce concept. Ainsi la
question est très bien posée car il ne s'agit pas de prêter aux prophètes une concep-
tion qu'on a subjectivement élaborée. Les différentes expressions par lesquelles les
prophètes désignent les communications qu'ils reçoivent font aboutir aux conclu-
sions suivantes :
1" Us sont en possession d'un acquit intellectuel, d'un contenu
conscient, qu'ils ne peuvent pas attribuer à l'activité de leur esprit propre, mais
qu'ils sentent leur venir du dehors. 2° Cet apport ils l'attribuent à l'activité d'un
sujet à la fois personuel et très puissant. 3^ Ce sujet n'est autre pour eux que le
Dieu d'Israël. 4'^ L'action sur eux de ce sujet comporte un caractère nettement
marqué d'objectivité. Cette persuasion ils l'ont commuuiquée à leurs auditeurs et
ils la prouvent par leur manière d'agir : ils font parler Dieu à la première personne,
ils indiquent temps et lieu où une communication surnaturelle leur a été faite, ils
distinguent nettement entre cet apport divin et leurs propres idées par leurs dia-
logues entre eux et Dieu, surtout par l'opposition qu'ils éprouvent parfois en eux
aux communications et aux ordres intimés; ils s'opposent franchement aux faux
prophètes qu'ils disent '( parler selon leur propre cœur ».
être scieDtiÛquemeDt démontrée. Voilà qui est aller trop loin. On peut démontrer
la réalité d'une révélation divine, tout comme celle d'un miracle, par des preuves
d'ordre moral, qui n'en sont pas moins scientifiques pour cela. En tous cas conve-
nons avec lui qu'il est anti-exégétique de dénaturer le sens des affirmations prophé-
tiques comme le fait Kuenen.
Certains théologiens libéraux tels Wildeboer, Oettli et Kittel parlent du revête-
ment humain d'idées divines immuables, de révélation immédiate et médiate ; cette
dernière serait de règle générale et consisterait en un travail subjectif du prophète
sur une donnée immédiatement révélée d'ordre ethico-religieux. L'auteur fait
remarquer que c'est là parler de révélation dans un sens dérivé et analogique qui
ne correspond pas bien aux affirmations explicites des prophètes. Lorsque Kittel eu
appelle à un travail mental inconscient, M. Aalders le réfute en objectant la forme
dialoguée de certains passages prophétiques et l'expression des vrais prophètes
disaot de leurs adversaires qu'ils parlent « selon leur propre cœur », Nous rejetons
avec M. Aalders ce dogmatisme flou qui finit par noyer une quantité infinitésimale
révélée (et encore!) dans une mer d'assimilation subjective, mais lui semble ne tenir
aucun compte du travail subjectif que peut avoir fourni le prophète sur une donnée
révélée. S'il avait lu dans « la Montée du Carmel » ce que saint Jean de la Croix
dit des révélations et visions, il aurait peut-être formulé certaines réserves.
Ch. IV. Mode et moyens de la révélation faite aux prophètes. — Pour d'aucuns,
l'état dans lequel le prophète reçoit ses communications est d'ordinaire un état exta-
tique, ce qui pour ces auteurs signifie un état psychique anormal, sinon patholo-
gique, en tout cas inconscient. Pour d'autres l'extase est l'état exceptionnel et c'est
eu cela que différerait le prophétisme Israélite d'un soi-disant prophétisme cananéen
d'allure plus sauvage.
Certes les prophètes affirment quelquefois avoir perçu des visions, des voix, des
bruits, même des sensations gustatives, avoir eu une impression d'épuisement, mais
jamais ils ne passaient alors par un état d'inconscience et ces phénomènes étaient
d'ailleurs plutôt l'exception. Ces états psychiques extraordinaires ne sont donc
aucunement essentiels de la prophétie. Ceux qui opinent en sens contraire sont par-
tisans de l'origine cananéenne du prophétisme comme si le prophétisme hébreu n'était
pas précisément anti-cananéen. Toujours en faveur de l'état extatique comme carac-
du prophétisme on allègue 1 Sam. x, 5, 10, xix, 20-24 et 1 Reg. xviii. 46.
téristique
Mais on ne voit pas précisément une extase dans ces manifestations musicales et
l'attitude prise par Saiil dans le second cas n'implique pas un procédé général.
L'exploit d'Élie courant devant le char d'Achab est encore un fait isolé, d'ail-
leurs attribué dans le récit même à une intervention de la main -de Dieu. Quant à
invoquer les attitudes excentriques de quelques faux prophètes ce n'est pas tabler
sur une base solide pour juger des vrais prophètes. De tout quoi il résulte que
l'Écriture ne fournit aucun appui solide à la théorie qui voudrait trouver dans
l'extase une caractéristique essentielle du prophétisme.
Traitant du mode des communications divines l'auteur en arrive à la théorie
commune chez les scolastiques (encore qu'il n'emploie pas leur terminologie) des
espèces intelligibles évoquées ou fournies surnaturellement et il appuie son expli-
cation sur certains dires prophétiques qui parlent d'une action interne de Dieu sur
l'intelligence. C'est très bien, mais pourquoi M. Aalders éprouve-t-il le besoin de
faire appeljaux phénomènes de télépathie (p. 51) pour justifier ce mode d'action
surnaturelle? Voilà qui [est dommage et qui dénote une confusion de données
psychologiques. Mais où l'auteur a raison, c'est quand il refuse de partager Tavis
RECENSIONS. o83
de Kônig qui entend à la lettre l'expression : « Ainsi dit le Seigneur », dans le sens
d'une communication auditive. M. Aalders l'explique comme une illumination de
l'intelligence, sinon il aurait fallu une seconde intervention divine pour Faire retenir
de mémoire des discours parfois longs, perçus d'abord par l'organe auditif. Préa-
lablement à cette illumination il y a eu intimation de communiquer ce qui allait
être révélé. Ici encore M. Aalders rejoint la théorie scolastique de la motion dans
la volonté.
vrai, par les communications divines, mais qui habituellement avait une affinité
pour l'exercice de leur ministère, ce qui se manifeste surtout par ceci que leur
niveau religieux était singulièrement supérieur à celui des masses. Quant à une
éducation d'école spécifiquement organisée en vue d'exercer le rôle prophétique,
l'auteur juge qu'il n'y a pas de preuves concluantes pour l'admettre (p. 70 ss.).
D'autre part, prophètes tout en regimbant parfois contre la mission divine qui
les
leur était imposée, en se rendant parfois coupables d'une faute, étaient malgré
tout des instruments souples aux mains de Dieu, ils épousaient l'amour de lahvé
pour son peuple élu et souffraient de le voir s'égarer et ainsi s'attirer des châtiments.
Au reste, la Providence les avait préparés depuis longtemps à l'accomplissement
de leur rôle, à témoin Jérémie i, 5.
une influence surnaturelle, pour faire des pronostics qui prennent la teinte prophé-
tique. On a voulu expliquer de la sorte l'annonce d'événements futurs faite par les
prophètes, mais l'auteur montre bien que de ces procédés-là les prophètes hébreux
n'ont pas usé, que d'ailleurs ces procédés n'expliqueraient pas des prophéties
d'événements devant s'accomplir à longue distance et que le parallèle établi entre
faux et vrais prophètes exclut toute interprétation en ce sens.
Ch. VIIL Communication prophétique de la révélation reçue. — La distinction entre
prophètes orateurs et prophètes écrivains est fausse en principe. Le prophète doit
avant tout communiquer son message par la parole. Cela ressort bien d'Ezéchiel
xxxiiT, 30-33. Et cette parole était pénétrante parce qu'elle s'appuyait sur une
conviction divine. Le premier moyen de communiquer la révélation, c'est donc la
parole; un second ce sont les actions symboliques. D'après M. Aalders ces actions
ont été en général réellement accomplies.
Le cas de Jérémie xiii, 1-7 est solutionné par l'admission de Perathah comme
identique à la Parah de Josué xviii, 23 dans le O. Farà. Le mariage d'Osée est
considéré comme historique. Nous ne partageons pas cet avis. Certes les Orientaux
S84 REVUE BIBLIQUE.
ne se choquent pas facilement pour des choses de ce genre, mais précisément les
Orientaux usent plus que nous aussi d'images et de symboles. De ces actions
symboliques quelques auteurs ont conclu à un état pathologique chez les prophètes
comme Klostermano et d'autres le font pour Ézéchiel, théories contredites depuis,
même au point de vue médical, mais surtout par le fait que chez Ézéchiel eu
particulier ces actions sont positivement voulues ou du moins acceptées et non
passivement subies, sauf peut-être pour son mutisme temporaire. .
accompli des prodiges, ce n'est pas étonnant. Encore que dans l'A. T. on entende
parfois par prodiges non seulement tout acte qui témoigue de l'omnipotence divine
mais même phénomènes de la nature, ceux accomplis par les prophètes
certains
sont ordinairement des actions qui ne sont pas au pouvoir de l'homme. Générale-
ment il faut distinguer ces faits extraordinaires de l'action, elle-même miraculeuse
déjà, qui consiste à prédire des choses futures; mais parfois aussi le caractère
surnaturel de la prophétie découle exclusivement de son accomplissement, alors que
celui-ci consiste dans un fait naturel, tel la mort d'un individu. En appuyant sur
cette distinction M. Aalders fait ressortir l'arbitraire de l'opinion qui attribue les
actions miraculeuses surtout aux anciens prophètes par opposition aux prophètes
de l'Écriture. 11 que les parties narratives contiennent plus de faits
est assez évident
miraculeux que les parties proprement prophétiques tout comme les Actes des
Apôtres en contiennent un assez bon nombre alors que les Épîtres n'en contiennent
guère.
Évidemment une certaine école n'admet pas la réalité des miracles prophétiques
et les classe parmi les faits légendaires ou bien les explique naturellement.
M. Aalders (p. 113) croit la combattre en invoquant témoignage personnel du
le
prophète sûr de sa puissance miraculeuse, p. ex. Isaïe vu, 11. L'argument est nul
parce que dans l'hypothèse combattue ou regardera tout aussi bien comme légen-
daire cette assurance elle-même du prophète. L'auteur s'en prend ensuite à l'expli-
cation naturaliste ou magique des faits miraculeux qu'il réfute par les arguments
traditionnels, au reste probants (p. 114-115). A bon droit aussi rejette-t-il les
considérants qu'on croit énervants pour le miraculeux et qu'on emprunte à l'histoire
ment de la base mosaïque a gagné en faveur dans les derniers temps et conclut que
la priorité de la Loi sur les prophètes est en bonne posture. Ajoutons toutefois : à
condition d'entendre dans un sens large. L'éducation religieuse d'Is-
la partie « loi »
raël depuis son point de départ mosaïque continue toujours, mais elle subit des
fléchissements à chaque époque, fléchissements auxquels la mission des prophètes
doit remédier. Cela contre la théorie évolutionniste de Ivuenen, Stade, Wellhausen,
lesquels tracent la ligne de succession, qu'ils croient générale dans l'histoire des
religions : animisme, fétichisme, naturisme, monolâtrie, monothéisme éthique; théorie
qui se heurte de plus en plus à des faits en sens opposé.
Le ministère prophétique est donc en grande partie un ministère d'enseignement
traditionnel, de rappel au passé, impliquant les manifestations antérieures de la vo-
lonté divine, le pacte divin avec le peuple élu, les interventions divines au cours de son
histoire, lesrécompenses ou les châtiments divins jadis constatés ou devant se réaliser
dans l'avenir en rapport avec la fldélité ou l'iiitidélité d'Israël. Par ces descriptions
nous apprenons la situation réelle au point de vue religieux aux difTérentes époques.
L'objet du discours prophétique est très vaste, car il embrasse toute la vie sociale et in-
dividuelle, publique et privée, voire des alliances politiques et des mesures stratégiques.
Mais l'objet principal c'est la religion et la morale en fonction desquelles les autres
thèmes sont amenés. A ce propos l'auteur admet qu'on tiouve chez les prophètes la
distinction des trois personnes divines mais non d'une manière explicite (p. 138). Cela
est assez ambigu, sinon contradictoire, et aurait besoin de précision et de renvoi aux
ders veut prouver également par l'examen du livre de Daniel. Tout d'abord il ob-
serve que l'histoire du texte de ce livre — si elle était mieux connue — pourrait bien
solutionner certaines difficultés. Après quoi il énumère les diverses identifications
cherchées dans les chapitres ii. vri et viii; constate que pour la prophétie des
soixante-dix semaines i\, 24-27 il n'a pas été donné jusqu'ici d'explication satisfai-
sante et conclut de ce double examen que rien n'autorise à fixer la mort d'Antiochus
Épiphane comme l'extrême limite des prédictions de Daniel. aborde ensuite les
Il
sont réalisées dans de menus détails, telles Zacharie ix. 9, Isaïe lu, 14 et qu'à,
première vue on aurait pu entendre d'une manière figurée.
Il y a aussi des prophéties symboliques, conçues entièrement dans le cadre des
événements de l'A. T. mais dont un état de choses postérieur dans le ]N. T. ou dans
l'Église du Christ précise le sens en même temps qu'il indique leur accomplissement.
Enfin il y a encore des prophéties qui ne verront leur réalisation qu'à la fin des temps.
L'auteur qui ne laisse ni trêve ni repos à Ivuenen, il n'a du reste pas tort. — —
insiste sur les préjugés dominant cette question de l'accomplissement des prophéties.
Rencontre-t-on une réalisation très minutieuse : vaticinia ex eventu; l'est-elle trop
peu : on ia considère comme non avenue et, comme on borne la puissance prophéti-
que du moment, on ne veut pas entendre parler de prophéties à longue
à l'horizon
échéance ou à signification symbolique. Le Christ a rendu le témoignage qu'il
venait accomplir les prophéties, ce témoignage devient dès lors suspect.
M. Aalders estime (p. 188; qu'il faut partir de la réalité de la révélation divine
octroyée aux prophètes pour juger de l'accomplissement de leurs prédictions. Cela
est vrai ^uur d'aucunes, mais cette règle ne peut pas être formulée d'une manière
générale; l'accomplissement de certaines prophéties prouve plutôt la réalité de la
révélation divine. C'est là un argument de saine apologétique.
Ch. XIV. Destinataire.'^ des prophéties. — C'était avant tout le peuple d'Israël,
mais parfois aussi les individus qui consultaient les prophètes pour des questions
personnelles. Cf. 1 Sam. On a voulu attribuer aux anciens
ix, 9, 2 Reg. iv, 23.
voyants le bonne aventure, qui se faisaient rétribuer, pour leur
rôle de diseurs de
opposer les nabis postérieurs, au rôle plus national et plus désintéressé. Toujours la
même théorie tendancieuse qui veut trouver une évolution systématique dans le
RECENSIONS. o87
prophétisme. Que le rôle de prophète fut avant tout national, cela découle de ce
que Dieu s'est choisi Israël comme peuple particulier au milieu de toutes les nations
et c'est comme peuple élu qu'il lui a consacré une providence toute spéciale. Mais
A-ela n'exclut pas que le prophète puisse s'occuper des intérêts privés. L'institution
prophétique doit obvier en partie chez les Israélites aux abominations de la divina-
10-12 assignant aux prophéties des destinataires autres encore que les contemporains
immédiats; mais quand il affirme d'une manière générale que les prophéties qui
nous ont été conservées, ont eu avant tout et principalement pour destinataire
l'humanité entière, il exagère manifestement. 11 y en a incontestablement qui ont
cette portée universelle, mais il y en a d'autres qui n'avaient qu'une destination
immédiate et restreinte.
« Prophète >. Ce terme « fils » indique qu'on appartient à une classe spéciale de
personnes tout comme « fils des chantres, des pauvres, des étrangers ». C'est
depuis l'époque de Samuel que les prophètes commencent à être en nombre, on les
trouve multipliés aux temps d'Achab et d'Elisée, certains d'entre eux vivaient en
groupes ou en colonies sans toutefois mener une vie commune; ils étaient générale-
ment maries, à preuve Moïse, Samuel, Isaïe. Jérémie. Cf. 2 Reg. iv, 1. Pour leur
sustentation plusieurs dépendaient des gratifications d'autrui.
Ona parfois cru voir en eux des espèces d'avocats ou d'ambassadeurs, mais du
faitque ce rôle a été occasionnellement rempli par un prophète on aurait grand tort
de procéder à une généralisation.
Comme signe distinctif de tous les prophètes on ne peut pas indiquer le manteau
de poil et encore moins des tatouages et des incisions, qu'on voudrait trouver dans
Zach. IX, 6, où il s'agit d'ailleurs de faux prophètes.
M. Aalders semble ne pas distinguer entre prophètes de vocation et prophètes de
profession ou, comme il les appelle, primaires et secondaires (p. 212 ss). Il n'y voit
qu'une différence de degré dans la communication de la révélation divine. Ceux
d'entre eux qui étaient moins favorisés auraient plus facilement trahi leur mission et
flatté les instincts populaires et — l'Esprit de Dieu les quittant — ils seraient ainsi
parfois devenus faux prophètes, cf. Jér. ii, 26. On peut concéder que les prophètes
aient été inégalement gratifiés de communications divines, mais il semble pourtant
bien qu'on doive considérer comme formant une catégorie à part et sans vocation
spéciale les troupes d'enthousiastes qui parcouraient le pays à l'époque de Samuel
par exemple et les distinguer de ceux qui ont entendu vraiment un appel divin.
Ch. XVI. Conscience que les prophètes ont eue de leur mission. L'attitude d'un —
Michée vis-à-vis d'Achab, l'inébranlable assurance d'un Isaïe et de Jérémie malgré
toutes les oppositions et les difficultés qu'ils rencontrent, tout cela prouve suffisam-
ment combien ils étaient sûrs de leur mission et, si des prophètes ont prévariqué, ce
588 REVUE BIBLIQUE.
n'était pas qu'ils doutaient de leur mission, mais parce qu'ils redoutaient les consé-
quences de la défaveur populaire.
Cette assurance n'était pas nécessairement produite par des impressions perçues
dans les sens ni par théo- ou angélophanies, ni par des états extatiques, mais
la révélation divine déterminait cette absolue certitude par là même qu'elle était
communiquée.
L'auteur dit que ces expériences-là ne se font plus de nos jours (p. 223), mais on
pourrait légitimement comparer l'inébranlable certitude prophétique à celle qu'ont
les mystiques, de la réalité divine de leurs intuitions.
Ch. XVII. Marques distinctives de la prophétie. —
Cette assurance intime, valable
pour prophète lui-même, ne suffit toutefois pas pour autrui. Comment alors du
le
dehors juger du caractère divin d'une prophétie? Par les miracles? A la rigueur un
faux prophète pourrait opérer des prodiges au dire même du Deutéronome xiii, 1-3.
Par la conduite morale du prophète? Mais un vrai prophète pourrait faillir et un
faux prophète mener une vie extérieurement correcte et un mécréant pourrait même
l'une ou l'autre fois être l'organe d'une vraie prophétie. Cf. 1 Reg. xiii, 21 ss.
Num. xxn, 20 ss. La réalisation des prophéties? Non, car une prédiction d'un faux
prophète peut parfois se réaliser : Deut. xiii, 1-3; ensuite la réalisation est parfois
à fort longue échéance, elle est parfois conditionnelle.
En
règle générale, la meilleure pierre de touche c'est la conformité de la prophé-
tieavec ce que antérieurement lavéh a manifesté à Israël. Cfr. Isaïe viii, 19,20 —
Jérémie xxviii, 8.
Presque toujours, il est vrai, une prophétie comportera une donnée nouvelle, mais
celle-ci doit être en harmonie avec les données antérieures (sauf quelques prédictions
toutes particulières comme celle, par exemple, que Sennachérib ne s'emparera pas
de Jérusalem). C'est encore là la meilleure marque distinctive de la vraie prophétie.
L'on peut voir que le peuple juif en jugeait ainsi dans les scènes racontées au
ch. XXVI de Jérémie.
Ch. XVIII. Trouve-t-on des analogies chez les antres peuples? Il y a dans les —
pratiques de divination des différents peuples —
pratiques dans lesquelles on prétend
trouver des analogies avec le prophétisme hébreu —
une importance capitale
attribuée à la mise en scène extérieure, que l'on ne rencontre pas chez les prophètes
juifs.Peuples de l'Oural, Germains, Assyro-babyloniens, Égyptiens, Cananéens,
Phéniciens, Indiens, Persans, Chinois, Japonais, Grecs, Romains, aucun ne présente
une analogie formelle avec le prophétisme hébreu.
n'y a pas non plus d'analogie matérielle, c'est-à-dire quant au contenu. Certes,
Il
les prophètes d'Israël ont occasionnellement fourni des renseignements sur des
questions de détail (objets perdus, expéditions à entreprendre, etc.) tout comme les
devins chez les autres peuples, mais en quoi ils l'emportent sans comparaison, c'est
dans l'ensemble de leur prédication religieuse, et dans ce domaine-là il ne se rencon-
tre riend'analogue. Chez les Babyloniens et les Égyptiens on connaît également
le thème d'un renouveau national après une période de catastrophes, mais l'élé-
ment moral la vindicte du péché, en reste exclu de même que le salut octroyé
:
par la bonté
et la fidélité divines. Eu plus le renouveau prévu en Israël n'est pas
seulement national mais mondial. L'eschatologie hébraïque, c'est le règne universel
de Dieu, qui est étranger aux spéculations babyloniennes et égyptiennes.
Qu'on ne vienne donc plus parler de rapprochement entre le rôle de l'homme
de douleurs d'isaie lu, 13 —
lui, 12 et le mythe de Thammouz-Adonis!
Ch. XIX. La prophétie d'Israël est unique. —
Cela est reconnu par des représen-
RECENSIONS. Îj89
tants de tendances fort avancées tels que Kuenen, Corail, Jérémias. Cette constata-
tion s'impose. Un aspect très frappant de cette unicité, c'est que nulle part on
trouve ce qui se présente en Israël : une opposition entre vrais et faux prophètes
se réclamant du même Dieu.
A quoi donc attribuer cette unicité? Aune personnalité particulièrement accentuée
chez les prophètes, comme le fait Causse? C'est déplacer le problème. Pourquoi la
prophétie est-elle une particularité exclusive de ce petit peuple juif que bien d'autres
nations dépassaient en culture?
il n'y a qu'une réponse, celle que donnaient catégoriquement les prophètes eux-
mêmes : la révélation divine. <> Gottes wunderbar waltende Hand ) dit Kittel. Pour
qui n'admet pas cette réponse le problème reste insoluble. Évidemment cela requiert
la foi à cette révélation. En principe il faut croire à sa possibilité; sur le témoi-
gnage historique des prophètes, à sa réalité. Et puisque la révélation est la seule
explication possible du fait unique que constitue le prophétisme en Israël qu'y a-t-il
d'antiscientifique à l'admettre?
Il y aurait un pas de plus à faire. M. Aalders est un croyant qui se réclame sou-
torieusement,
J. Vandervorst.
Malines, Grand Séminaire.
langue française; quant aux Anglais, il leur assigne honaêtemeut la portion congrue.
Dans l'ensemble, B. cherche donc à tenir une « média via » qui sauve l'orthodoxie
tout en faisant droit à ce qu'il regarde comme les résultats assurés de la science
contemporaine. Il conserve assez d'indépendance en face des critiques pris un à un,
Spitta ou Wellhausen, Gunkel ou Jeremias: mais il a tendance à s'incliner respec-
tueusement devant la majorité. Ainsi d'une part, on aura grand plaisir à lire sa
dissertation parfaite sur Vautenr. les rapports de l'Apocalypse avec le IV"^ Évangile,
les deux Jean, et la question de Jean l'Apôtre à Ephèse (pp. 343-392,h c'est une des
plus approfondies que je connaisse, et, malgré l'absence de conclusion bien catégo-
riquement exprimée, elle iucline franchement à justifier les thèses traditionnelles. La
différence de langue entre le récit évaugélique et la prophétie s'expliquerait par l'in-
tervention d'un secrétaire pour le IV^ Évangile: c'est une solution très admissible.
Tout en disant l'essentiel sur l'origine mythique probable d'un certain nombre de
symboles, B. note avec bon sens le peu d'importance qu'ont eu ces mythes oubliés
pour la pensée de Jean. Il défend la date traditionnelle, sous Domitien (pp. 197-207);
il tient également pour lunité de l'ouvrage (pp. 216-238). Jean, dont il a eu le mérite
de scruter les caractéristiques littéraires (pp. 239-2-54) — sans pourtant pousser
l'analyse à fond, — lui apparaît comme un
beaucoup trop systématique pour esprit
avoir fait place dans son livre à des intermèdes qui en eussent dérangé les idées
(pp. 219-suiv.) le bon sens lui inspire les mots qu'il faut pour juger le subjectivisme
;
vérité saisie dans une extase, plutôt que pour décrire des symboles actuellement vus «
(p. 175, cf. p. 214). On ne saurait, à notre avis, mieux dire. Enfin, sur un grand
Mais pourquoi faut-il qu'il n'aille Jamais jusqu'au bout des conséquences qui doivent
ressortir de ces vérités ?
C'est que l'ensemble du commentaire repose sur deux postulats généraux fort
Le premier est d'ordre littéraire. Notre exégète, comme la plupart des modernes,
pense ne devoir faire aucune part, ou presque aucune, au système de la « Récapitu-
lation », comme si ce n'était qu'un artifice apologétique des anciens. Il croira donc
que. dans l'esprit de Jean, la succession des Septénaires doit marquer une progres-
sion chronologique dans les fléaux; supposition assez naturelle, et pour cela rede-
venue commune, mais qui pèche justement par trop de simplicité. Jean n'était pas
du tout unallégoriste aux procédés simples, et il est facile de ne pas saisir l'habile
complexité de son plan. Ainsi B. a bien vu que le volume du ch. v ne peut être
déroulé avant la rupture entière des sept sceaux qui le ferment; alors pourquoi faire
de l'apparition des Cavaliers (ch. vi) la réalisation en acte de certaines parties dudit
rouleau, des >< signes éloignés » qui seraient l'ipxïi ojoîvcov? (pp. 264-265, -jOT-suiv.).
Non, ce ne sont que des annonces (analogues à celles des Anges, ch. xiv;, une
représentation idéale des châtiments projetés, que les trompettes seules exécuteront;
ils répondent aux « Vents » du ch. vit, lesquels apparaissent comme tenus en laisse
encore après la rupture totale des sceaux. Mais l'exégète n'a pas saisi l'équivalence
de ces deux symboles, ni de beaucoup d'autres. Les ch. xii-suiv. ne sauraient être
seulement le développement de la 7<= trompette, surtout si l'on considère ce dernier
signal (qui est en réalité celui de la fia du monde) comme introduisant une période
de calamités postérieures De fait, avec le ch. xii, Jean reprend
à celles des six autres.
tout ab initio, depuis les commencements du salut; le ch. xrii décrit des faits déjà
en partie contemporains (la Bête persécutrice); et le 3^ Vae (qui couvre, pour
nous, les mêmes époques que les deux autres), c'est le péril des suprêmes luttes
spirituelles déchaînées par cette chute du Dragon sur la terre qui a eu lieu dès la
glorification du Christ (cf. xi, 18, -à. eôvr, wpy'aer,aav). Il y a donc là « récapitulation »,
au sens d'un parallélisme de fond, sinon de forme, avec les Trompettes (cfr. pp. 606-
suiv.). C'est le contenu du « petit livre ouvert » du ch. x: pauvre est l'explication
qni ne voit en ce contenu qu'un ordre divin transmis à Jean de continuer à prophé-
tiser: elle ne rend guère compte de
la solennité de l'Ange qui l'apporte, ni de la
par conséquent (pp. 157-160^ une contradiction interne de points de vue dans l'Apo-
calypse, entre des affirmations telles que « Je viens bientôt «, et la durée du Millé-
naire qui doit s'interposer. Oui, il y aurait certes contradiction de Jean avec lui-
même, et avec les autres inspirés du Nouveau Testament, s'il s'agissait chez l'un et
les autres de la Parousie comme imminente, et si la Première Résurrection était
corporelle. Mais ces deux points sont également des clichés faux, et Jean était du
reste un prophète trop inspiré et un écrivain trop réfléchi pour admettre des contra-
dictions sans s'en apercevoir. D"autre part, dans l'Apocalypse moins peut-être que
partout ailleurs, le « Règne » ne peut être pris pour un bien qui soit exclusivement
de l'avenir (cf. pp. 429, 491, .54.5. al.) B. interprète jusqu'à m, 20 (p. 491) comme
se rapportant « clairement » à l'Avènement solennel du Seigneur; nous craignons
qu'il n'y ait pas grand'chose à faire contre une conviction si assurée, qui pourtant,
étant donnée la pénétration personnelle de B. sur d'autres points, nous semble
n'être qu'un emprunt docile. Combien de fois le texte cependant u'affirme-t-il pas,
au présent ou au passé, de la manière la plus obvie, que les fidèle? sont « rois » et
« prêtres » déjà en cette existence ! Disons seulement qu'un homme qui a vu si bien
l'affinité générale de l'Apocalypse avec le 1V« Évangile aurait pu se souvenir qu'en
ce dernier écrit la notion de « Vie éternelle » embrasse toutes les phases du salut,
commencé dès ici-bas pour s'épanouir dans l'autre vie, et se parfaire au dernier
avènement. C'est la vraie clé de la Révélation johannique; devant l'usage fréquent
et délibéré du présent indicatif, la philologie même en vérifie la valeur, pourvu
qu'elle se garde indépendante des théories préconçues.
Voici du reste quelques points particuliers où les postulats ont bien pu jouer encore,
au détriment de l'exégèse objective. B., avec la rigidité qu'il attribue aux symboles,
n'admet pas que le Premier Cavalier du ch. vi malgré le parallélisme avec xix),
puisse représenter les conquêtes évangéliques; ce serait un fléau comme les suivants.
Il ne peut s'expliquer 1' « étoile du matin », qui a pourtant un sens bien clair d'après
XXII, 16. Il prend à la lettre la « Jérusalem » du ch. xi, et croit qu'il s'agit là de
conversion des Juifs, ou que les « Deux Témoins » seront des individus des derniers
jours (semblables à Moïse et à Élie), et cela malgré la vaste intention allégorique que
révèle presque chaque trait de la description, constituant un drame qui se joue dans
l'Église militante et dans tout l'univers. Par contre, au ch. vu, il entend les 144.000,
cette multitude et la foule « que personne ne pouvait évaluer ». De même, les autres
144.000 du ch. xiv représenteraient par anticipation toute l'Église dans son avenir
triomphal, et pas seulement la catégorie des saints qui observent les conseils évan-
géliques; -apOÉvoi voudrait dire tous les bons chrétiens. Dans l'exégèse du ch. xvii, —
le « huitième » Nero redux. symbolique ou non, c'est-à-dire l'Antéchrist
serait le
personnel eschatologique, allié aux « Cornes », et mis en dehors de la série histo-
rique des empereurs romains; cependant on nous a dit qu' « il est des Sept >-.
lesquels sont bien la série close des empereurs; de plus, rien dans le texte n'indique
que les « Cornes y aient rapport au retour de Néron. Ce « huitième », ce sont en
réalité les persécuteurs romains de l'avenir, confondus sans doute sous la figure
sinistre de Néron, parce qu'ils seront animés contre les chrétiens du même esprit,
tandis que les « Cornes » sont des puissances futures, en dehors de l'Empire ; car la
Bête n'est pas uniquement Rome. Il n'est pas nécessaire de prêter à Jean toutes les
il écrit? (p. 434). Relevons encore quelques points. Malgré son indépendance ordi-
RECENSIONS. 593
de l'homme », ch. i<^', tout trait sacerdotal, et même de la figure des 2i vieillards,
ces anges intercesseurs? Il ne peut le faire pour ceux-ci (p. .512), qu'en supprimant,
par une pétition de principe, les « prières » des hommes que ces vieillards offrent à
Dieu. C'est du reste la seule mutilation qu'il se permette. Être « prêtre » ne signifie
sert pour différer le « sacerdoce » des chrétiens jusqu'après la Parousie. Non, les
chrétiens sont tous prêtres en un sens dès ici-bas, parce qu'ils intercèdent les uns
pour les autres, et pour l'Église, et cela efficacement, étant des « rois » ; ce n'est
pas là de pure eschatologie.
^,Pour conclure, reconnaissons en ce commentaire l'œuvre d'un savant largement
informé, et assez indépendant à l'égard des individus; un essai consciencieux pour
venir à bout des difficultés d'un livre si plein de mystère. Mais il lui a manqué la
c'est qu'un tel mélange de qualités critiques et rehgieuses individuelles avec des
concessions inconséquentes faites à 1' « opinion publique » des Universités d'Outre-
Rhin nous parait assez caractéristique d'un groupe notable des exégètes protestants
de langue anglaise. •
E. Bern. Allo, 0. P.
Fribourt
The Old Testament in greek according to the text of Codex Vaticauus, ...edited
by Alan England Brooke, D. D. and Norman Mac Lean, M. A., Vol. I The
Ootateuch, part IV, Joshiia, Judges and Riith; Cambridge University Press, 1917,
pp. i-xxi, 675-897 et introduction au premier vol. pp. (i)-(xxvn).
MM. Brooke et Mac Lean ont eu la bonne fortune de pouvoir terminer, malgré
la guerre, l'impression du premier volume de la grande addition des LXX entre-
prise par l'université de Cambridge.
Dans la préface à l'Octateuque, parue avec le présent fascicule, où les auteurs
ont rappelé la genèse de leur travail, le 13 mars 1883. les syndics de VVniversity
Press annonçaient leur intention de publier une édition des Septante, ornée d'un
ample apparat critique et destinée à fournir aux biblistes les principaux matériaux
pour une détermination critique du texte. Comme les travaux préparatoires devaient
durer de longues années, on décida de publier d'abord une édition manuelle sur
la base du Vaticanus, avec les variantes des grands onciaux; c'est l'édition de
Henry Barclay Swete, parue de 1887 à 1894, plusieurs fois rééditée, immédiatement
devenue classique, et dont il n'est pas nécessaire de refaire l'éloge.
Mais Swete, qui a encore fourni à ceux qui étudient les LXX l'admirable manuel
qu'est Yhilroduction to the Old Testament in greek (1), ne put accepter la charge
1891 et Rendel Harris eu 1892, l'entreprise fut couOée en 189-5 à MM. Brooke et
Mac Lean, dont la collaboration remonte ainsi à un quart de siècle. Aidés par
plusieurs érudits, surtout pour la récolte des citations scripturaires dans les ouvrages
des Pères, les éditeurs portent seuls la responsabilité de la rédaction; ils oat
d'ailleurs coUationné eux-mêmes les manuscrits et les versions, ce qui représente
un labeur considérable. Fidèles au principe émis en 1883 et approuvé en 1902 au
congrès des orientalistes de Hambourg, ils donnent, comme on sait, une repro-
duction pure et simple des matériaux critiques, sans chercher à restituer le texte
- (1) Le manuel de Swele a été réédité en 1914, sous la revision de llicliard Rusden Otley,
mais que l'on pouvait l'aire sans modifier la mise en page? (cf. p. 189,
les additions, sauf celles
p. ex.), ont été introduites sous forme de notes additionnelles, p. 498-530. C'est un grave
défaut pour un manuel; quelque grand que soit le respect dû du texte d'un maitrc tel que
Swete, il aurait mieux valu amalgamer avec l'ancienne la documentation nouvelle. Il suffisait
d'ailleurs, pour atteindre le but proposé, de reporter entre crochets dans le texte la pagination
de la première édition, suivant la méthode adoptée pour les éditions successives de Driver,
Introduction to the lileraliirc of l/ie Old Testament.
(-2) Le Dr Rahlfs a eu l'heureuse idée de conserver aux mss. déjà utilisés par Holmes et Par-
sons les nombres par lesquels ceux-ci les ont désignés.
RECENSIONS. 595
celle de la Genèse grecque sur papyrus, achetée en 1906 par Karl Schmidt et
conservée à la bibliothèque de Berlin, que l'on croit écrite au iii'^ siècle, et celle
du manuscrit de Hamouli, appartenant à Pierpont Morgan, qui contient un texte
continu et complet des trois derniers livres du Pentateuque en dialecte sahidique (1).
Moi-même, j'espérais procurer aux éditeurs avant la conclusion de leur premier
volume une collation des fragments de la Genèse et de l'Exode contenus dans
quelques feuillets palimpsestus du ms. Pu II Qvaecus 15 dont j'avais lu plusieurs
colonnes avant les vacances de 1914.
Il y a peu de particularités à relever dans ce volume. Dans Josué, la collection
des variantes, nombreuses dans les listes toponymiques, sera précieuse pour qui-
conque voudra approfondir les questions de géographie biblique; car si certaines
de ces variantes, simples transformations graphiques d'archétypes mal lus, n'ont
d'intérêt que pour les élèves d'une classe de paléographie grecque, d'autres sont
le produit d'un effort pour situer les localités citées et marquent un point dans
l'histoire de l'exégèse.
La rédaction de l'apparat critique du livre des Juges présentait une difficulté
spéciale : on sait que pour ce livre l'AlexaiidrinKs représente une recension très
différente de celle du Vaticanus, —
si différente que l'Université de Cambridge a
fait publier en 1897, par MM. Brooke et :Mac Leau, The Book ofJudges in greek
devraient suivre l'exemple donné par Paul de Lagarde dans ses Septuaginta-sludien,
et imprimer sur les pages se faisant vis-à-vis les textes correspondants de A et de
B. Mais en examinant leurs collations, ils se sont aperçus que certains manuscrits
étaient capricieux dans leurs préférences et qu'il serait très difficile de déterminer
dans quelles pages devraient figurer leurs variantes. Finalement, ils n'ont imprimé
qu'un seul texte continu, celui de B, mais pour permettre aux lecteurs de trouver
sans hésitation la recension attestée par A, ils ont imprimé en caractères gras
les variantes de ce manuscrit. Il n'y a qu'à les louer de cette initiative, qui facilite
beaucoup la lecture de l'apparat critique.
En annonçant llapparition de là Genèse, en 1906, les éditeurs, prévoyant les
lenteurs de la publication, ne mirent en souscription que le premier volume; main-
tenant que celui-ci est terminé, et magistralement, nous souhaitons que la crise
de l'imprimerie, qui arrête plusieurs publications scientifiques, ne retarde pas
l'apparition des fascicules suivants.
Eugène Tisserant.
Rome, le i'J juin 1920.
(1) A check lisl of coptic manusciipts in the Pierpont Morgan Library. ^'e\v-Vork 191'J
p. 3.
BULLETIN
moins solides, et l'on ne serait certes pas agréable à l'éminent auteur en lui attri-
buant des vues nouvelles. Il est cependant un point sur lequel il reconnaît s'éloigner
de la plupart des commentateurs, tombés dans « une erreur et une erreur mani-
feste, car la vérité, bien facile d'ailleurs à contrôler, est qu'en réalité Daniel a prédit
Vabominatio desolationis in loco sancto, pour trois époques très différentes et. très
distantes les unes des autres premièrement, pour le temps de la persécution
:
d'Antiochus (viii, vers. 13, et xi, vers. 31); secondement, pour le temps du siège
et de la ruine de Jérusalem (ix, vers. 27); troisièmement enfin, pour le temps de
l'Antéchrist, de la fin du monde et de la résurrection des morts (xii, vers. 11) (2). »
« Je vous le dis en vérité, plusieurs de ceux qui sont ici présents, ne goûteront
pas la mort, sans avoir vu le Fils de l'homme venir dans sa royauté (3). » La
« pleine évidence » que le Cardinal Billot attribue à cette opinion avait échappé aux
commentateurs catholiques modernes pour la raison donnée par le P. Knabenbauer :
lam si Christus hoc brevissimum spatium designare voMsset, nunquam dixisset : sitnt
ne les indique qu'à la fin, après avoir déblayé le terrain des objections qu'il range
sous quatre chefs : A) l'eschatologie de l'Épître; B) la dépendance de la seconde
épître qu'on dit mêlée de quelques locutions non pauliniennes C) les ; passages
II Thess. II, 2 et m, 17: D) le caractère impersonnel de l'Épitre. — Chemin
faisant, l'auteur rencontre la difficulté sans cesse reproduite de la conviction
qu'aurait eue l'Apôtre de vivre jusqu'à la Parousie. Il y fait une réponse nuancée :
Paul « s'attend bien à vivre encore au moment de la parousie, mais il tient aussi
pour possible qu'il meure avant la Parousie. Dans I Thess. iv, 15 par exemple, il se
range parmi ceux qui vivront encore au jour du Seigneur, mais il ne prétend nulle-
ment donner ainsi une décision certaine; en disant r^iLzXi (nous) il entend seulement
se mettre en contact affectueusement avec la communauté, en unissant ainsi très
étroitement son destin au leur, et en faisant entrevoir qu'ils iront ensemble au-
devant du Christ à son retour. Mais que néanmoins il compte avec la possibilité
d'être mort en ce jour, c'est ce que montre I Thess. v, 10... etc. Nous voyons
parla, qu'on ne peut pas parler d'une conviction initiale de Paul; ses expressions
sur ce sujet ne sont que des conjectures, des espérances » (p. 125}. — La princi-
pale utilité de cette brochure est peut-être sa réponse aux attaques de Wrede
(Die Echlheit des II Thess-Briefs, Leipzig, 1903}, dont le talent original avait
La foi de saint Paul sur les Anges et les démons (1) n'est point un thème
inexploré. M. Kurze a pensé qu'on pouvait le traiter avec plus de méthode. Il
en a donc tenté pour montrer, contrairement à
la synthèse, surtout ce qu'a prétendu
Dibelius, que cette synthèse existait dans la pensée de saint Paul. Non qu'il ait
Christ. Mais enfin, si sa doctrine a des lacunes, elle n'en était pas moins liée dans
son esprit. Il faut féliciter M. Kurze d'avoir assis sa théorie sur une exégèse détaillée
des principaux passages. C'est systématiquement qu'il ne s'est pas étendu sur les
sources extérieures d'information. On le regrettera si l'on estime que la méthode
comparative ne serait pas sans résultats sur ce point. L'Épître aux Hébreux est
traitée à part, pour se placer sur le terrain des critiques et parce que même des
exégètes conservateurs n'admettent pas que sa forme extérieure soit de Paul.
D'ailleurs c'est bien la même Angélologie. L'auteur tient beaucoup à prouver que
Paul ne regardait pas les dieux des païens comme des êtres réellement existants.
Et en on ne peut pas établir qu'il ait cru à l'existence du démon Aphrodite
effet
ou du démon Hermès, etc. Mais s'il pense (I Cor. x, 19 ss.} que les sacrifices
offerts aux idoles profitaient aux démons, il établit donc une certaine connexion
entre ces dieux et ces démons. C'était d'ailleurs la conviction des Septante, non
seulement parce qu'ils ont quelquefois traduit Elohim par £-c;îIo'., mais aussi à
cause de passages comme Dt. xxxii, 17; Ps. xcv, 5; Baruch iv, 7.
(1) Der Engels-und Teufelsglaube d'js Apûstels Paulns, von Dr Georg Kur?e Sclilosskaplan
nie ce qu'où pouvait, ce qu'on devait dire aujourd'hui à rencontre de tant de sys-
tèmes nouveaux, sans montrer moins de souci que qui que ce fût de la précision, du bon
aloi des témoignages et des arguments. Ce n'était là qu'un commencement, car l'au-
teur se proposait de poursuivre l'étude du dogme chez les Pères anténicéens et chez
les Pères du iV siècle Nescio quid maim^ nasdtur opère Petavii. La maladie l'ayant
:
lahvé ne serait qu'une « figure du logos » (p. 235, note 1). II va sans dire qu'on n'a
pas prétendu ici (3j que l'exégèse de Philon emporte les md-mes. conséquences que l'exé-
gèse stoïcienne. Et il serait assurément excessif d'admettre que toute interprétation
symbolique entraîne pour Philon la personnalité. On pensait seulement qu'une inter-
prétatioQ exégétique réelle de Philon l'amenait à des expressions très fortes dans le
sens de la personnalité (4), en contradiction d'ailleurs avec ses principes. Mais dans
l'histoire des idées les formules même aberrantes n'ont-elles pas quelquefois autant et
plus d'importance que les systèmes bien liés?
ducteur était tenu de ménager le génie de sa langue, le latin semblait très propre à
une traduction tout à fait littérale, en particulier de l'arménien. Il a donc traduit
d'abord largement en allemand la Bémonstration de la prédication apostolique de
S. Irénée, ce qui lui a valu bien des déboires. Mais cette petite guerre s'est effacée
dans la grande, et sans doute accueillera-t-on avec une faveur plus unanime la ver-
sion latine '5) très serrée qui a paru en même temps que la traduction française du
R. P. Barthoulot (6). Comme M. Tixeront, M. Weber s'est élevé contre la prétention
de quelques critiques, duce Haniack, qui saluaient dans l'œuvre de l'évêque de Lyon
une théologie dans l'esprit de la Réforme, appuyée uniquement sur l'Écriture, sans
hiérarchie et sans sacrements. Non, Irénée n'a point prétendu exposer toutes les
vérités que devaient croire les ûdèles, ni tous les moyens de salut qui leur étaient
offerts dans l'Église. Son oeuvre n'est catéchétique que dans la forme, mais elle est
(7j Ce n'est cependant pas possible, car le loxte a soin de grou|ier sous la malédiction t\c'i fils
notes. Faut-il entendre les quatorze générations du ch. 20 de siècles, comme propo-
sait le R. P. Bartlioulot?Ce!a paraît bien conforme à la chronologie des Septante. De
la même façon Abraham est placé dix siècles après le déluge (21). Cela du moins est
clair. Mais que peut signifier : (Abraham) qui a proie Sem decimae o.elatis descen-
dens in genealogin recensitus est ?
Ancien Testament. —
La Revue a déjà parlé de la Bible protestante dite du
Centenaire (1). On en a détaché les Psaumes, sans doute comme se prêtant à une
plus grande diffusion 2). On ne sait à quoi se rapporte ici le mot introductions, à
moins que ce ne soit aux deux pages qui renseignent sur le texte suivi et à la note
finale sur les indications musicales, littéraires et liturgiques. On nous explique aussi
pourquoi on a renoncé à traduire le nom sacré par « l'Éternel », traduction fausse
et surannée. On dit maintenant lahvé. Les psaumes sont traduits dune façon assez
large, dans un français coulant qui renonce à reproduire les idiotismes de l'hébreu.
Même on n'a pas hésité à recourir aux Septante contre le texte massorétique. Quand
il a paru altéré, et que la conjecture ne pouvait s'établir avec assez de certitude, les
traducteurs ont mis des points à la place du texte, et indiqué en note le sens littéral.
celles qui donnent des explications, surtout sur le sujet du psaume, sa composition,
le sens des mots et des phrases. INous sommes prévenus que les traducteurs se sont
fait une loi de ne jamais brouiller ni intervertir les vers hébreux ni même leurs
membres rythmiques, mais on ne nous dit pas ce qu'est le vers. Il n'y a pas de ren-
vois aux ouvrages consultés.
la même façon les noms des traducteurs demeurent dans l'ombre. C'est seule-
De
ment par une note que nous apprenons comment le travail a été partagé entre
MM. Charles Mercier, Paul Humbert, Louis Randon, A.-B. Henry. M. Ad. Lods a
revisé l'ensemble du travail. « Le texte a été ensuite examiné et définitivement
arrêté par la Commission de l'Ancien Testament de la Société biblique de Paris. »
Il serait donc exagéré de parler d'une édition officielle du protestantisme français.
Mr Karl Huber a voulu contribuer aux travaux préliminaires que suppose une
grammaire complète des Septante en portant son attention sur le grec du Lévi-
tigue (3). Pour éviter l'encombrement des formes récentes, l'auteur a fait fond sur
le Vaticanus reconnu pour le plus ancien, le plus important et le meilleur repré-
sentant de la version alexandrine, et dont l'utilisation est rendue extrêmement
facile par la grande édition de Cambridge. M. Huber juge pourtant qu'il est des
cas où les éditeurs n'auraient pas dû corriger le texte de B, par exemple Levit.,
II, 2 où la lecture ::Xr5pr] -riv ooiy.% remplace la leçon de B : -Xr^pr;; ->,'/ 5pa/.av,
Psichari est en eflet d'avis qu'on maintienne dans le texte les accusatifs singuliers
en av de la Z'' déclinaison, quoique cette anomalie soit fort rare dans les papyrus
Canaan. L'usage du parfait au lieu de l'aoriste dans vu, 24 (34), xvii, 12 s'explique,
nous semble-t-il, d'une certaine façon. Si l'on se réfère au texte massorétique,
on remarquera que les LXX ont rendu le parfait hébreu par le parfait grec, et l'im-
parfait hébreu par l'aoriste. Il y aurait donc ici ime influence du sémitisme plutôt
que de la xo-.vrî.
noms cependant tels que V.txw:, cjîzÀo;, ûaawTto;, ayant déjà passé en grec, grâce
au contact des Phéniciens, ne sont pas à considérer comme des hébraïsmes parti-
culiers aux LXX. 11 est le mot sic'le soit
assez remarquable qu'au chap. xxvii
traduit constamment par o(ôpa/;jLov. B, comme les principaux témoins des Septante,
est exempt des nombreuses transcriptions hébraïques hexaplaires que l'on relève
dans plusieurs manuscrits.
11 serait à souhaiter que tous les livres de l'A. T. grec fussent soumis à une
étude aussi sérieuse et aussi méthodique que celle-ci, pour le progrès de la con-
naissance du grec biblique.
Si Ion veut serrer de près l'histoire des versions anciennes, il faut procéder par
monographies. C'est ce qui a décidé M. Mager a étudier le texte de la version
syriaque Peschittho du livre de Josné (1). Il fallait d'abord en déterminer le texte
pour le comparer ensuite avec l'hébreu et les autres versions. Parmi les éditions,
d'une part les textes des polyglottes de Le Jay et de Walton. repris par Lee,
remontant en somme tous trois à un médiocre manuscrit de Paris et représentant
une tradition occidentale; d'autre part les textes d'Ourmia et de Mossoul, repré-
sentant une tradition plutôt orientale. De ces deux derniers, M. Mager préfère
l'édition dominicaine de Mossoul, et s'étonne' après M. Diettrich, qu'elle soit presque
complètement ignorée de la critique protestante. Parmi les mss,, le Codex Ambro-
sianus reproduit en photolithograpbie par les soins de Ms'' Ceriani, et cinq mss.
dont quatre du British Muséum et un de Berlin, plus un fragment. Le ras. Ambro-
sianus que Cornill avait cru retouché d'après les Massorètes est un très bon témoin;
(i; Die Peschittho zum Bûche Josua., untersucht von D"^ Hermann >UGEr,, 8° de xi-Ill pp.. Frei-
burg, Herder, 1913. Prix Frs. 2. 23.
BULLETIN. 001
de même que les autres mss. il se rapproche plutôt de la tradition orientale. Cet
examen se termine par une liste des variantes.
La deuxième partie examine la version syriaque comme version. Elle a surtout
voulu rendre clairement l'original, d'où un grand nombre d'additions pour la clarté.
L'intention du traducteur de rendre fidèlement l'original n'est pas douteuse.
D'ailleurs il s'est aidé du Targum. M. Mager rappelle et établit de nouveau les
caractères de cette traduction fidélité au texte, mais préoccupation d'éliminer ce
:
le ïargum est tel qu'il faut supposer une dépendance. C'est la version qui a dû
connaître le Targum, car ce dernier s'éloigne moins du texte hébreu. Et elle
s'est aussi aidée des Septante, sans qu'on puisse dire encore clairement à quel
groupe elle a eu recours. L'ouvrage se termine par une collation du texte hébreu
avec le syriaque. Les noms propres sont mis à part et rangés dans un ordre qui
n'est ni celui du texte ni celui de l'alphabet. M. Mager y compare l'hébreu, la
peschittho, la syro-hexaplaire et les Septante. Il est très regrettable que le Targum
ne figure pas dans cette liste, fût-ce en remplaçant la colonne Syro-hexaplaire.
En effet les noms géographiques de la version syriaque sont souvent défigurés.
Que tirer dune version qui de Ta S"2 fait tantôt -;-a (xi, 17), tantôt xSjiSa (xii,
7:, tantôt TJ^:^2 (xiii. 5 ? Chaque fois elle a eu recours à un équivalent cherché
ailleurs. On ne songera donc pas à redresser un nom hébreu d'après le syriaque.
Mais la version pourrait être très utile, si elle avait substitué un nom moderne
au nom ancien. C'est le cas de Cadès Barné, remplacé par n\s*;- cp"! (\, 41), et
précisément d'accord avec le Targum. En pareil cas le Targum a très bien pu se
guider d'après une tradition vivante, et authentique; il serait curieux de savoir
si la version syriaque lui donne son appui. Et peut-être en somme serait-ce le
principal bénéfice de l'étude de cette version. M. Mager est disposé à la dater du
!«' siècle ap. J.-C, sans assigner d'autre raison que les besoins pratiques des
communautés chrétiennes de Syrie. Si cette version s'est servie du Targum et des
Septante, quelle est son autorité quand elle va avec eux contre le texte masso-
rétique? Et si elle est seule contre trois ou contre deux, quelle chance lui restera
de prévaloir.^ M. Mager n'a pas abordé ce point, fût-ce par quelque exemple bien
choisi. En somme il n'y était pas tenu. Les exégètes qui se serviront de ses listes
lui seront très reconnaissants de les avoir dressées.
Sanhédrin. Après que tant de sang juif avait été répandu, on s'ingéniait à multi-
plier les chances offertes à un accusé d'échapper à la mort. La « mesure de misé-
ricorde ); était vraiment surabondante. De phis, avec cette absence totale de sens
historique qui caractérise tout le Talmud dès le temps de la Michna, les docteurs
juifs n'ont songé ni à décrire l'institution telle qu'elle existait de leur temps, ni à
fixer le point oi^i en étaient les institutions au moment de la ruine. Leur Sanhédrin
était censé dater de Moïse, et ils lui donnèrent tous les traits du tribunal le plus
parfait à leurs jeux, d'un tribunal de docteurs deja loi, que le roi doit consulter
avant d'entreprendre une guerre Mich. ii, 4^ ! Il est aussi peu critique de s'ap-
puyer sur ces textes pour accuser Caïphe d'illégalité que pour révoquer en doute
la réalité historique de l'histoire évangélique. Leur valeur historique est nulle,
même pour le temps où ils ont été rédigés, mais ils sont un précieux témoin de
l'esprit qui les a conçus et de la valeur qu'il convient d'attribuer à la tradition
rabbinique. La traduction de M. Danby est aussi claire que possible. Des notes
donnent les éclaircissements les plus nécessaires, surtout sur les docteurs qui
figurent dans la discussion. L'éditeur regarde comme une section interpolée le
passage si curieux sur ceux qui n'ont pas de part au monde à venir Michna, x, 1-3;
Tos. XII, 9-xiii, V2), quoiqu'il se trouve à la même place dans les deux écrits.
33; VIII, 23, ce qui est encore moins ad rem que GaL iv, 14.
Palestine. — La Néa Sion dont nous avons salué naguère avec sympathie la
propriété plus explicites et des listes comprenant les desservants de l'église avec
leur nationalité, nous en prendrions volontiers connaissance, car notre ligne de con-
duite est tracée par cet axiome : L'histoire se fait avec des documents.
En attendant ce supplément d'information, je profite de l'occasion qui m'est offerte
ici pour en fournir un qui intéresse davantage l'histoire de ce sanctuaire et que notre
recenseur aurait dû nous indiquer, je veux parler de la première mention, de la
Nulle part à Jérusalem ou dans la Terre Sainte, on ne constate les mesures que
prenait Manuel dans les provinces dont il revendiquait la suzeraineté obligation de :
remettre entre ses mains la citadelle à chaque réquisition, contingent armé à fournir
suivant les désirs de l'empereur, remplacement du clergé latin par le clergé ortho-
doxe. Nous y voyons au contraire le maintien du clergé latin dans toutes ses posi-
By|8/.el(A xal àpàh Ttô vâpôr,-/.'. xr,; aCtôO-. dioaufAÎa; £y.xAr,cca; âvopa :£-.o'., ayiov...
(2) n était donc difficile à Sopiirone d'admirer, au siècle suivant, l'atrium à quatre colonnades,
comme Weigand a voulu récemment le faire entendre cf. RB., 1019, p. 300). A rencontre de
cette fantaisie archéologique insoutenable, un spécialiste non moindre que C. Watzinger
[Antike Synarjogen, p. 182. n. 1 n'hésite pas à déclarer que, daus fa fameuse strophe de
sophrone le TSTpicïTO'jv doit s'entendre, ainsi que nous l'avions fait, des colonnades intérieures.
L'esthétique fut sacrifiée non seulement aus nouvelles exigences de. la liturgie, mais aux néces-
sités de la défense. Juslinien lit renouveler les murs de Bethléem, dit l'rocope, probablement
pour mettre le sanctuaire et la bourgade à l'abri des incursions sarrasines et samaritaines. A
cette même époque, S. Sabas obtenait la création d'un fortin avec poste militaire au milieu de
>es fondations monastiques.
604 REVUE BIBLIQUE.
lions (à Bethléem comme ailleurs), la coopération des troupes occidentales aux expé-
ditions communes en vertu de traités d'alliance et non en conséquence d'un hom-
mage, enfin la possession de la citadelle de Jérusalem par le roi latin qui en fait le
symbole de l'indépendance de son autorité (1).
Il nous paraît inutile de revenir ici sur les relations matrimoniales et politiques
qui unirent la cour de Byzance et les princes latins, sur les largesses de l'empereur, sur
la protection qu'il exerçait sur les orthodoxes d'Orient. Nous avons relevé dans
notre ouvrage les éloges que décernent à Manuel les documents occidentaux, recon-
naissant que sans lui le sanctuaire de la Nativité n'aurait pu revêtir une aussi bril-
lante parure. Le caractère byzantin de l'œuvre ne nous a pas échappé non plus,
ni étonné, puisque le même siècle vit se décorer de mosaïques byzantines les églises
du royaume normand de Sicile dont les souverains étaient les adversaires déclarés
de Constantinople. Pendant que Roger II guerroyait contre les armées du basileus,
des artistes byzantins répandaient des inscriptions grecques snr les murs de ses
églises et le représentaient en empereur oriental couronné par la main du Christ. Les
décorations exécutées aux frais des rois de Sicile ou des grands de leur cour, qui
n'étaient pas moins âpres que ceux-là à lutter contre l'Empire d'Orient, présentent
(fait singulier) beaucoup plus de textes grecs que les mosaïques de Bethléem. Les
cription grecque en y voyant, comme Phocas, la preuve que Manuel avait tout fait à
Bethléem, même la bâtisse de l'église. Au reste, si ce basileus avait agi réellement
en souverain instigateur et directeur de l'œuvre ornementale, on ne concevrait pas
qu'il eût laissé une si large part à l'influence latine et accordé tant de latitude à
l'évêque anglo-normand Raoul.
(1) On sait comment les Latins s'opposèrent poliment mais nettement au projet que Jean Com-
néne avait formé de se rendre à Jérusalem avec son armée sous prétexte de faire ses dévotions
aux Lieux saints. Le roi Foulque ne lui ayant concédé qu'une escorte de dix mille hommes,
Jean trouva « qu'il ne convenait pas à la majesté impériale de se rendre à Jérusalem en si
mince compagnie ». La politique de Foulque inspirée par les événements d'Antioche et la crainte
d'une intervention byzantine dans les affaires du royaume fut suivie par Amaury, en dépit de
l'étal précaire de sa situation. N'est-ce pas le sceau de ce dernier (|ui symbolise la souveraineté
du roi sur Jérusalem par la représentation de la Tour de David, accostée du S. Sépulcre et du
Temple .'
BULLETIN. 605
Croisés en quittant les Lieux saints laissèrent derrière eux des ruines, donnant occa-
sion à l'accroissement des malheurs de notre sainte Église qui va traverser une
nouvelle phase de son martyre. » L'auteur oublie l'oppression dont son église était
victime à la fin du xi*^ siècle et les demandes de secours qu'elle adressa à l'Occident.
A la documentation grecque la simple probité historique nous faisait un devoir d'unir
la documentation latine dont l'abondance et la précision nous ont mis à même de
tracer un tableau aussi complet que possible de Tétat de la basilique en ses jours de
splendeur et des vicissitudes de son existence aux époques de la servitude. Si, dès le
IV* siècle, la littérature relative aux Lieux saints est plus riche en Occident qu'en
Orient, ce n'est pas aux auteurs qui l'utilisent qu'il faut s'en prendre. [F. -M. A.]
L'origine de la transcription to2 I'.Xwà[j. des LXX pour l'héb. nSï7n, hassi-
d'une confusion entre mem et het ; je ne sache pas qu'un linguiste quelconque ait
jamais sérieusement émis uu tel paradoxe. Mais quand il imagine une forme duelie
hébraïque hassilôhuîm, contractée en hassilàhâm dans l'articulation courante, il est
à craindre que son étymologie spécieuse ne soit jugée par trop savante. Il se révèle
assez au fait de la duplication des canaux et des piscines dans les travaux straté-
giques d'Ézéchias, et n'a par ailleurs aucune peine à multiplier les exemples de
ces formes duelles dans les désignations toponymiques de l'hébreu. La plupart
néanmoins de ces duels apparents ne sont guère que des jeux de ponctuation
rabbinique et comportent une étymologie tout autre le nom même de Jérusalem :
ment une autre évolution onomastique. Un exemple comme mj'' Yânôah devenu
Ydnoun JS suggère d'abord l'abandon de la gutturale finale, par un phénomène
Anti-chrétien! Anti-catholirjue! — il s'y est repris à deux fois (3) pour dénaturer
les faits.En un langage qui lui est propre, il stigmatise ce qu'il estime une sacri-
lège démence {sakrilegischer Wahnsitin) et un abus pharisaïque dégoûtant de la
dévotion au Sacré-Cœur {in ekelhaft pharisàischer Wcise miszbraudien), pour
perpétuer avec une « extravagante arrogance » la rancune et les pires haines. Ce
qui met le comble à son émoi, c'est que ce temple anti-chrétien doit s'élever au
lieu même où le Sauveur est mort en ayant sur les lèvres le précepte d'aimer ses
ennemis —
apostrophe peu circonspecte malgré sa foi qui transporte le mont des
Oliviers au Calvaire! — Le flair de M. Schmitzberger lui fait découvrir en ce
projet, pourtant bien ingénu, lé" sens « ultra-chauviniste français ». N'a-t-il pas
d'ailleurs découvert « la portée politique anti-allemande que les cercles fanatiques
ANNÉE 1920
N" 1. — Janvier.
rage?.
N° 2. — Avril.
N° 3. — Juillet.
I. L'ANCIENNE VERSION SYRIAQUE DES ÉVANGILES. — R. P. Lagrange. 321
N" 4. — Octobre.
I. L'EMPLOI MÉTAPHORIQUE DES NOMS DE PARTIES DU CORPS EN
HÉBREU ET EN AKKADIEN. — R. P. Dhorme 465
Le Gérant : J. G.oalda.
Jacob.
Quellenscheidung und Exégèse im Pcntateuch. i'89
TABLE ALPHABETIQUE
DES MATIERES PRINCIPALES.
Bersabée, édit byzantin, fragm. vin, 261. 209; —ses symboles, 202; le pain impur,
Bethléem, basilique, 153, 155; narthex, 225; le rouleau, 353; la chaudière 355;
603. critique littéraire, 217; version copte,
,
copte, 247.
;
19-31 — S. -Sépulcre d'après Schmaltz, Paul S., son concept des anges et démons,
;
I. — INSCRIPTIONS GRECQUES.
A . — Noms propres.
1
TABLE DES INSCRIPTIONS
H. — INSCRIPTION LATINE.
— Noms propres.
B. - Titres.
V. 29
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