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ASAC 1997 Albert Lejeune

St. John’s, Newfoundland Lise Préfontaine


Département des sciences administratives
Université du Québec à Montréal

Line Ricard
Département de marketing
École des Hautes Études Commerciales

QU’EST-CE QUE LA TRANSFORMATION DES ENTREPRISES?1

Une réflexion multidisciplinaire sur la transformation des organisations est présentée et


un cadre conceptuel proposé. Cette transformation s’appuie principalement sur les
concepts d’innovation, de compétence et de relation avec le client ou approche
relationnelle. De plus, elle se réalise dans un contexte de déploiement massif de la
technologie de l’information.

Introduction

Qu’est-ce que la transformation des entreprises? Un nouveau buzzword ou une réalité


nouvelle? Est-ce seulement un élan plus fondamental que la réingénierie et l’approche qualité pour
repenser les organisations? Comment en juger alors que le mot transformation désigne actuellement
tout aussi bien le phénomène de réinvention de l’entreprise que des projets de réingénierie et des
programmes d’élimination massive de postes (downsizing), des projets de création de valeur et de
préparation à la déréglementation dans le cadre de l’ALENA, au Canada et au Québec? Ainsi Hydro-
Québec tout comme Bell Canada et les grandes banques canadiennes mettent en oeuvre des projets de
transformation d’entreprise.

Pourquoi parler de transformation et pas de changement ou de réingénierie ? Pour deux


raisons. Tout d’abord parce que la transformation est comportementale et sociale: elle touche au
comportement même des individus, aux liens entre supérieurs et subordonnés, aux interactions entre
les salariés et aux relations avec les clients (Blumenthal et Haspeslagh, 1994). La transformation
menée et réussie par les bons élèves du management - IKEA, ABB, Intel, GE, Corning...- a permis de
transformer des unités économiques en institutions sociales (Bartlett et Ghoshal, 1994) suivant en cela
les observations de Selznick (1957). Ensuite parce que la transformation est totale, c’est la naissance
d’une nouvelle configuration de stratégie-structure (Miller et Friesen, 1984) ou plutôt la naissance -
dans le vocabulaire des années 1990 - d’une nouvelle configuration de projet d’entreprise (purpose),
de personnes et de processus (Bartlett et Ghoshal, 1995c).

1
Les auteurs remercient le Fonds pour la Formation de Chercheurs et l’Aide d’Aide à la Recherche pour leur
support à ce projet de recherche.
Nous proposons dans cet article une réflexion multidisciplinaire sur la transformation des
organisations qui s’appuie à la fois sur les domaines de la stratégie, de la gestion de la technologie et
des systèmes d’information, de la gestion des ressources humaines et du marketing. Comment allons-
nous aborder ce phénomène complexe? D’abord en définissant le concept de transformation des
organisations et en commentant le but et le défi de la transformation qui est l’innovation sur les
produits, les processus et les relations avec les clients. Ensuite nous analysons le contexte de la
technologie de l’information qui vient à la fois fournir des outils et des leviers tout en posant des
obstacles à la gestion par processus et à la cohésion sociale. Nous arrivons ensuite au coeur de notre
article qui consiste en la présentation d’un modèle de la transformation composé de quatre axes qui
sont autant de paradoxes: Positionnement stratégique et/ou projet d’entreprise? Structures et/ou
personnes? Systèmes et/ou processus? Approche transactionnelle et/ou relationnelle avec les clients?
Enfin, nous discutons le processus de la transformation, souvent basée sur la pratique maîtrisée du
conflit, et nous concluons.

La transformation des organisations

La transformation des organisations se définit par un ensemble de changements inhabituels,


tant par leur ampleur que par leur étendue, que doit effectuer l’entreprise qui est confrontée et
menacée par de nouvelles formes de compétition (Moore, 1996) et/ou occasions d’affaires ou par un
environnement en décroissance. L’enjeu de cette transformation est de renouer avec la croissance et la
performance en créant des alignements nouveaux entre la firme et ses partenaires, principalement
avec ses clients. L’atteinte de cet objectif passe d’abord par une restructuration des compétences de
base reliées aux produits et services et par le déploiement de compétences nouvelles. Le plus
souvent, cette transformation se réalise dans un contexte de déploiement massif de la technologie de
l’information qui vise une réduction des coûts, la création d’avantages concurrentiels ou la mise en
place et le support d’un réseau intra et interfirme (Venkatraman, 1990).

La transformation exige ainsi une redéfinition de la mission ou projet d’entreprise qui se


traduira par une plus grande focalisation sur les attentes du client (Day, 1990), sur les compétences de
base (Hamel et Prahalad, 1994) et sur l’efficience des processus d’affaires (Hammer et Champy,
1993).

Dans le phénomène de transformation, il y a invariance d’échelle, c’est à dire que la


transformation peut s’observer au niveau des individus comme au niveau du changement global de la
configuration organisationnelle. Ou, comme le proposent Blumenthal et Haspeslagh (1994), il y a au
moins trois types de transformation: la transformation des opérations; la transformation stratégique
(par exemple de nouvelles compétences pour rencontrer des occasions d’affaires) et la redéfinition de
l’entreprise ou self-renewal.

L’enjeu central : des compétences pour l’innovation


L’entreprise innovatrice cherche découvrir de nouveaux moyens de satisfaire sa clientèle et,
par ses activités de veille environnementale, elle est constamment à l’affût des changements
technologiques et/ou concurrentiels susceptibles d’affecter sa compétitivité. Elle est réceptive aux
nouveaux projets et n’hésite pas à redéfinir ses compétences de base même si cette action rend parfois
désuets les acquis accumulés (Imai et al., 1985). Cette entreprise mise sur ses activités de R-D pour
développer de nouvelles connaissances et sur des projets de collaboration interfirmes pour acquérir et
compléter celles-ci. Mais tout particulièrement, cette entreprise investit dans ses employés qui sont la
source de la création des connaissances; elle favorise la formation, la valorisation des connaissances
et surtout, la mise en place d’un climat organisationnel favorable à l’apprentissage et à la créativité
(Lefebvre et al., 1997).
Car si la transformation de l’organisation passe nécessairement par le déploiement de
nouvelles compétences, encore faut-il que l’entreprise ait inventorié ses compétences actuelles. Le
projet d’entreprise ne peut s’articuler qu’à partir d’un noyau de compétences de base qui confèrent à
la firme son caractère distinctif (Hamel et Prahalad, 1994). Ces compétences de base reposent elles-
mêmes sur des compétences organisationnelles ou savoir-faire institutionnalisés (March, 1991) qui se
traduisent dans les méthodes de travail, les mécanismes de gestion, le climat organisationnel, la
structure et la culture de l’entreprise. Mais surtout, il faut miser sur les compétences individuelles de
employés qu’il faut continuellement mettre à niveau soit par le transfert de connaissances et de savoir-
faire externes, soit encore par la formation. L’entreprise doit également fournir un climat
organisationnel favorable à l’apprentissage et à la créativité (Garvin, 1993). Cette créativité
favorisera la recherche de solutions d’affaires innovatrices aux divers problèmes de l’entreprise,
particulièrement ceux qui ont trait à la gestion de la relation avec le client.

Le contexte général: le déploiement massif de la technologie de l’information


La technologie de l’information (TI) forme un contexte que produit et qui produit
l’organisation (Zuboff, 1991; Giddens, 1990; Barrett et al., 1996). Elle n’est pas seulement un levier,
une source d’avantage concurrentiel (Porter et Millar, 1985), elle est le plus souvent imposée à un
secteur industriel et les investissements se font le plus souvent en mode de rattrapage que
d’innovation. Ce nouveau contexte exige de la haute direction une vision à long terme de
l’infrastructure, la planification serrée d’applications et l’établissement d’un partenariat entre affaires
et systèmes.

L’état de transformation des organisations exige une réflexion nouvelle sur l’arrimage des
infrastructures d’affaires (clients, produits, marchés, technologies) et de la TI (plates-formes
matérielles, logicielles et de communication) ainsi que sur l’arrimage des architectures d’affaires
(processus et stratégie) et de la technologie de l’information (choix des applications) (Henderson et
Venkatraman, 1993). Il s’agit pour les entreprises de décider des attributs de leur infrastructure de la
TI en termes de capacité de manoeuvre, étendue géographique et éventail de services et en fonction de
leur projet d’entreprise ou intention stratégique projetée dans le futur.

L’organisation qui investit massivement dans la technologie (plus de 50 % des


investissements industriels sont des investissements en technologie de l'information) doit revoir ses
processus et modèles d’évaluation ainsi que ses pratiques de planification (Parker, 1996).
L’organisation doit mettre en place les systèmes d’évaluation et de planification qui lui permettent
d’investir dans des capacités stratégiques (Baldwin et Clark, 1994). Ainsi la stratégie, les opérations,
la comptabilité et la technologie doivent marcher main dans la main. Il s’agit maintenant de planifier
pour la transformation (voir Business Week, 1996) dans un contexte économique où les règles du jeu
changent continuellement.

La technologie de l’information offre un potentiel capital pour l’organisation en


transformation. Berry (1995) propose d’emblée sept applications pour soutenir l’approche
relationnelle en marketing. À titre d’exemple, l’automatisation de la cueillette d’informations sur le
client permet de colliger dans un site unique, les renseignements nécessaires sur celui-ci de façon à lui
offrir un service adapté à ses besoins. Grâce à la technologie de l’information et plus spécifiquement
aux télécommunications, l’entreprise peut également multiplier ses points de service, maintenir une
interface avec le client unifiée et lui offrir en tout temps et en tout lieu un service personnalisé et de
qualité: tout ce qu’exige une approche relationnelle en marketing. En résumé, la technologie de
l'information automatise l’interface avec les clients et maintient l’information nécessaire à la relation
avec le client.

La TI offre également de multiples possibilités en production : la conception de processus


d’affaires innovateurs passe nécessairement par l’automatisation et/ou l’informatisation des activités
de logistique et de fabrication. Par exemple, l’échange de documents informatisés (É.D.I.) altère le
cycle des transactions entre clients et fournisseurs et les nouveaux automatismes industriels
transforment les procédés de fabrication et les automatisent.

La technologie de l’information joue également un rôle important en rendant l’information


accessible à tous et sous toutes ses formes: voix, données, textes, images fixes, images vidéo. La TI
peut contribuer ainsi à l’automatisation du processus de conception de nouveaux produits, notamment
à l’aide de la conception assistée par ordinateur.

Soulignons enfin l’apport récent des entrepôts de données qui pourraient contribuer à une
véritable démocratisation de la prise de décision en facilitant l’accès à l’information, son analyse, sa
représentation et son partage. La TI peut ainsi faciliter la définition et la réalisation d’un projet
commun en créant entre les membres d’une organisation, une véritable «communauté virtuelle» via
les réseaux locaux et étendus ou les intranets.

Un modèle de la transformation des organisations

Le modèle proposé s’inspire largement du cadre conceptuel de Bartlett et Goshal (1994;


1995a,b,c) qui suggèrent trois axes de transformation : de la stratégie au projet d’entreprise (purpose),
de la structure aux personnes et des systèmes aux processus. Nous proposons l’ajout d’un quatrième
axe qui représente le passage d’une vision privilégiant les produits et services vers une approche
centrée sur le client (voir figure 1). En fait, cet ajout s’avère très pertinent et en accord avec plusieurs
tendances actuelles telles la qualité totale et l’approche relationnelle qui mettent le client au cœur de
la stratégie. Ceci explique aussi l’intégration du client à la vison de l’entreprise. Nous passons en
revue chacun de ces quatre axes en commençant par la gauche de la figure 1.

Les quatre axes du modèle de base


Vision stratégique : positionnement ou projet d’entreprise. Dans l’entreprise en transformation,
les processus sont menés par des personnes qui poursuivent avec ardeur et cohésion un projet
d’entreprise. Dans l’ancienne configuration, on mettait en place des systèmes qui soutenaient des
structures chargées d’exécuter la stratégie. Hamel (1996) voit la stratégie comme une révolution
sociale qui concerne chaque membre de l’entreprise: « Anyone can be a strategy activist ». Dans
cette mesure, il s’oppose à Porter (1980, 1985) et aux tenants de son école qui ont conceptualisé la
stratégie essentiellement comme positionnement. Il y aurait ainsi pour une entreprise une position
particulière au sein d’un secteur industriel, un lieu où elle exploite au mieux ses forces et les forces du
secteur. L’école de la stratégie basée sur les ressources, les compétences (Leonard-Barton, 1995), les
capacités (Stalk et al., 1992) ou la révolution (Hamel, 1996) a pris le relais.
Figure 1

Modèle de la transformation des organisations

Approche
Projet relationnelle
d’entreprise Personnes Processus Clients
C
o
m
p
é
t Conflits
e
n Technologie
c de l’information
e
s
Stratégie Structure Systèmes Produits/Services
Positionnement Systèmes Approche
d’information transactionnelle

Pour Bartlett et Ghoshal (1994), c’est le projet d’entreprise qui est la vraie stratégie: parce qu’il
inspire de dépassement et de mobilisation des ressources, particulièrement des ressources humaines.
Ce débat entre projet d’entreprise (purpose) et positionnement est à peine esquissé ici. Mais nous
devons convenir avec Mintzberg (1994), Hamel et beaucoup d’autres que la planification stratégique
n’est pas ou n’est plus stratégique. Par contre, la mobilisation des intelligences et l’engagement des
salariés est stratégique.

Un pointeur se déplaçant sur l’axe stratégie-projet d’entreprise (voir figure 1) permet pour
une organisation donnée, de juger de l’ampleur de la transformation réalisée ou à réaliser sur cet axe.
Cet axe implique une redéfinition de la mission, de la culture et des valeurs de l’entreprise pour
refléter l’importance accordée au client. Le respect du client externe implique nécessairement une
valorisation du client interne, l’employé, sans lequel une approche relationnelle n’est pas possible
(Berry, 1995). Parmi les indicateurs qui permettraient à un gestionnaire de positionner son entreprise
et d’orienter les changements à réaliser, nous pourrions suggérer les suivants : La mission de notre
entreprise traduit-elle l’importance accordée au client ? Les mécanismes de communication
permettent-ils à l’ensemble des employés de l’entreprise sa connaître la mission ? Le capital humain
est-il privilégié autant que le capital financier ? Le leadership s’exerce-t-il sous la forme d’un
entrepreneurship ? Les relations entre dirigeants et subalternes sont-elles basées sur le pouvoir ou sur
la confiance? Notre entreprise a-t-elle identifié ou défini son domaine d’excellence distinctif ?

Management stratégique: entre les structures et les personnes. La réduction drastique du nombre
de postes (citons les banques, Bell, Nynex, Hydro...) ou downsizing et l’élimination de pans entiers de
l’organisation transforme les structures. Du côté des personnes, les gestionnaires parlent d’éthique,
d’apprentissage, de collaboration et de coopération: ils parlent de transformation sociale. Ils tentent
de bâtir un contexte organisationnel - ou comportemental - qui facilite la cohésion dans l’action, la
confiance et la créativité (Nonaka et Takeuchi, 1995; Bartlett et Ghoshal, 1995). Il est question aussi
de personnaliser les relations avec les clients. Certaines entreprises semblent s’appuyer nettement sur
les personnes, source essentielle de création de la valeur - plutôt que sur des structures. C’est le cas
des entreprises qui créent de la connaissance, des entreprises qui regroupent un grand nombre de
travailleurs intellectuels ou, d’après l’usage américain, de travailleurs de la connaissance (Davenport
et al., 1996). Ces personnes doivent pouvoir socialiser pour partager et expliciter leur savoir. Le
travail en équipe et un contexte organisationnel adéquat permet alors la transformation de l’entreprise.
Les indices de cette transformation pourraient être: le ratio de professionnels sur le nombre total
d’employés, l’importance des activités conduites par projet; le nombre de brevets déposés, le temps
de développement d’un nouveau produit, le pourcentage du chiffre d’affaires qui provient de produits
ou services inexistants deux années plus tôt; la rémunération par équipe, etc.

On le voit: sur cet axe structures-personnes, la transformation est également paradoxale.


Comment justifier des mises à pied massives et faire croire aux personnes qu’elles sont la vraie
richesse de l’entreprise? Le débat continue; l’idée même de dowsizing se transforme: on veut éviter
de défaire les équipes gagnantes, de casser les réseaux informels par lesquels chemine l’innovation,
on veut éviter de perdre la capacité d’innover (The Economist, 1996).

On jugera de la transformation, à l’aide d’un pointeur, sur l’axe structure-personne à partir de


l’importance accordée à l’apprentissage et aux mécanismes de gestion du savoir. Ainsi, diverses
activités telles la R-D, la formation, la veille technologique et commerciale et les alliances contribuent
à la création, au transfert et au renouvellement des connaissances et des compétences autant
individuelles qu’organisationnelles, et ce, avec un support important de la technologie de
l’information (Préfontaine, 1997). La TI supportera la responsabilisation des personnes en leur
fournissant l’accès à une information de qualité mais facilitera également le traitement de cette
information et ce, de façon conviviale grâce aux entrepôts de données, aux intranets avec leurs agents
de recherche et aux systèmes à base de connaissances. La technologie favorisera également le travail
de groupe avec des collecticiels et des systèmes de communication tels les réseaux locaux ou étendus
pour le courrier électronique ou l’échange de fichiers.

Processus stratégiques : le frein des systèmes établis. Historiquement, les systèmes de contrôle,
d’information, de logistique, de production sont conçus pour spécialiser le travail et le diviser en
tâches parcellaires. Les systèmes d’information en sont l’exemple typique en alimentant la haute
direction en information de contrôle plutôt que de servir à faciliter la résolution de problèmes, là où
les problèmes se posent dans l’organisation.

L’idée de processus - la vision horizontale - s’impose depuis le début des années 90 (Hammer,
1990), avec un souci essentiel: servir le client avec de performances phénoménales en terme de coûts,
de délai et de qualité. La transformation des organisations peut encore une fois faire l’objet d’une
évaluation sur cet axe. Quel est le niveau d’intégration des processus d’affaires et de l’infrastructure
technologique? Quelle est l’évolution en terme de coûts, délais et qualité? Comment,
paradoxalement, les systèmes établis empêchent-ils la réalisation d’une entreprise dite horizontale?

L’axe systèmes-processus réfère au changement au niveau de l’organisation du travail.


L’entreprise qui a adopté un programme de qualité totale, celle qui a amorcé la réingénierie de ses
processus d’affaires ou qui a entrepris des activités d’étalonnage de ses procédés en comparaison des
meilleures pratiques de l’industrie, pourra considérer avoir amorcé un changement significatif.
L’automatisation et/ou l’informatisation de processus tels la conception de produits, la fabrication ou
de l’interface avec le client constituent également des indices de la progression de l’entreprise sur cet
axe.
L’orientation client : l’approche relationnelle. L’axe central de cette transformation est celui du
passage d’une orientation axée sur les produits et services vers une approche dite relationnelle, c’est-
à-dire centrée sur le client. Il s’agit pour l’entreprise de délaisser l’approche transactionnelle où
l’effort vise à multiplier le nombre de transactions pour chercher à rentabiliser dans le temps, chacune
des relations avec le client. Cet axe est au coeur même de la transformation puisqu’il implique une
vision qui articule ces nouvelles valeurs au projet de l’entreprise.

Une approche relationnelle se traduit en premier lieu par la mise en place d’une culture client,
l’élaboration d’un climat de confiance et l’existence de mécanismes favorisant une meilleure
connaissance (Ricard et Perrien, 1997). Pour favoriser une culture client et un climat de confiance, il
devient impératif de revoir la mission de l’entreprise qui doit être orientée vers la satisfaction des
besoins des clients. Il faut aussi s’assurer que les politiques de l’entreprise permettent aux employés
d’être relationnels plutôt que transactionnels. Ainsi, l’évaluation de la performance des employés
basée uniquement sur des critères de volume de transactions ou de nouveaux clients va à l’encontre de
la philosophie même d’une approche relationnelle qui suppose plutôt l’approfondissement de la
relation avec les clients actuels grâce entre autres à la vente croisée (vente de plusieurs produits à un
client). Tout ceci suppose évidemment un changement de compétences puisque le responsable de la
relation n’est alors plus un vendeur mais plutôt un conseiller. Une meilleure connaissance du client
exige aussi le développement de mécanismes de cueillette d’information sur les clients.
L’automatisation de ces mécanismes assure la régularité, la disponibilité et la pertinence des
informations.

La dynamique du modèle: le lien crucial entre conflit et apprentissage

L’apprentissage permet à la transformation de se réaliser. Améliorer le processus de


développement de nouveaux produits, démarrer de nouveaux cycles de vie de produits, mettre en
place une production dite flexible et mettre en oeuvre le potentiel de la technologie de l'information
sont autant d’innovations organisationnelles qui vont transformer l’entreprise.

Ces apprentissages variés sont largement tributaires des capacités d’échange entre les
membres des équipes de travail. L’encouragement et la coordination de ces interactions sont la
marque de commerce des organisations intelligentes alors que le déploiement massif de la technologie
de l'information risque d’altérer les liens sociaux et peut générer de nouveaux mécanismes de
désintégration sociale. L’apprentissage sous-tend tout processus de transformation organisationnelle.
Il permet de rester à la pointe en terme de technologie et de nouvelles pratiques de gestion.

Si l’apprentissage est la caractéristique clé par laquelle les firmes accumulent du savoir-faire
et de la technologie pour mener la compétition, l’apprentissage - parce qu’il résulte d’interactions
dynamiques - est corollaire de conflit (Dodgson, 1993; Pascale, 1990). L’entreprise en transformation
connaît une tension créatrice entre l’exploration et l’exploitation; entre l’innovation et la recherche de
la productivité; entre le changement et la force de l’expérience.

Le conflit, l’opposition et la dissonance (Burgelman et Grove, 1996) peuvent s’analyser sur


les quatre axes de notre modèle. Entre formulation et mobilisation sur l’axe de la stratégie; entre les
personnes et les structures sur le deuxième axe; entre les systèmes fonctionnels et les processus
horizontaux; entre l’approche transactionnelle et l’approche relationnelle. À partir du moment où un
leader pose la question ´Que voulons-nous créer?», question qui donne le signal de la transformation
(Senge, 1990), les conflits vont éclater, même si l’objectif de croissance et les produits retenus font
consensus.

La transformation implique donc un rejet de certaines façons de faire, de penser et de décider.


Celui-ci ne peut donc s’opérer sans crises (Hurst, 1995), sans conflits, sans destruction créatrice
(Abernathy et Clark, 1985) ou sans désapprentissage (Imai et al., 1985). Ainsi, la redéfinition du
projet d’entreprise impliquera vraisemblablement des oppositions, des jeux de pouvoir entre factions
ne partageant pas la même vision. Les systèmes établis pour le contrôle et la production dans un
contexte hiérarchique agiront comme freins à la libre circulation de l’information et à son partage,
condition nécessaire à l’habilitation des personnes et à la valorisation des connaissances.

L’adoption d’une approche par processus nécessite une vision horizontale de l’entreprise
alors que tout, les structures et la division du travail et même les systèmes d’information, concourt à
fragmenter et à spécialiser le travail. L’approche relationnelle elle-même suggère de servir le client
au moindre coût, en lui offrant dans les délais les plus restreints un produit ou service personnalisé et
de qualité. Cette offre est-elle possible sans automatisation et informatisation à outrance, sans
réduction drastique du nombre de postes? Et comment dès lors concilier tous ces changements avec
la création d’une véritable communauté (Garvin, 1993)? La cohésion et la confiance sont-elles
possibles dans un climat d’insécurité (Kumar, 1996)?

La marque de l’entreprise en transformation c’est de vivre dans un état permanent de


déséquilibre, dans un questionnement sans relâche des produits, des processus et de la performance;
dans la recherche d’une vision holistique de l’entreprise et de sa transformation; dans l’acceptation du
conflit. Car le conflit est aussi renouvellement des énergies et élaboration d’un contexte et d’un
climat qui rendent le changement possible. Pour Pascale (1990), la définition opérationnelle de la
vraie transformation, c’est le changement continu des valeurs, des comportements et des processus
organisationnels. Quand cette transformation a lieu, les salariés vont toujours admettre ceci: « Cette
place (ce bureau, cette usine) est complètement différente; il y a vraiment un fossé entre ce que nous
sommes aujourd’hui et ce que nous étions avant ».

Conclusion

Nous n’avons abordé ici que quelques-uns des grands paradoxes que devront élucider les entreprises
en transformation. Il ne s’agit à vrai dire, ni d’une problématique purement du ressort de la stratégie,
du marketing, de la gestion des ressources humaines ou du domaine des technologies et systèmes
d’information. Le cadre conceptuel proposé se veut plutôt un outil d’intégration de diverses
perspectives adoptées par des chercheurs qui partagent un intérêt commun, celui de la gestion des
organisations.

L’essai d’identification de repères sur chacun des axes de transformation démontre, nous le croyons,
tout le potentiel de ce modèle en tant qu’outil de gestion et de recherche. On peut raisonnablement
penser que la transformation est un changement de configuration. Le gestionnaire, comme
l'observateur externe, doit confirmer des changements majeurs sur les quatre axes du modèle (voir
figure 1) pour s'assurer d'un changement de configuration (voir Miller et Friesen, 1984). Les échecs
nombreux de la réingénierie et des programmes de qualité totale pourraient s'expliquer ainsi: ce sont
des changements partiels sur un seul des quatre axes. A eux seuls, ils ne constituent pas un saut
suffisant pour la transformation de la configuration organisationnelle.

Le déploiement de la technologie de l’information constitue un des enjeux majeurs de la


transformation des organisations. Puisque l’expérience passée a démontré que les investissement en
technologie de l'information ne se traduisent pas nécessairement en bénéfices pour l’entreprise,
quelles sont les compétences à mettre en place pour retirer tous les avantages possibles de l’adoption
de nouvelles technologies informatiques ? On peut également se questionner sur l’impact d’une
informatisation poussée sur les personnes et particulièrement sur les clients. L’automatisation des
processus d’affaires et l’avènement de marchés virtuels pourraient dépersonnaliser les relations
d’affaires et dans plusieurs cas, même les éliminer. Comment dès lors garder un client, conserver un
employé motivé ?

On peut également se questionner sur la nature des compétences à mettre en place pour gérer le
changement de configuration. Miller (1992) soulignait à juste titre la difficulté pour l’entreprise de
réaliser à la fois un alignement externe avec son environnement et un alignement interne centré sur
l’efficience des activités de production et de gestion. De plus, comme les compétences se définissent
en tant qu’actifs intangibles (Nonaka et Takeuchi, 1995), elles sont difficiles à identifier et à évaluer.
Tout au plus pouvons-nous baser nos recherches sur leurs manifestations.

Le modèle proposé suscite donc de nombreuses questions. À l’échelle de la société occidentale et


même mondiale, la mise en œuvre de solutions basées sur la technologie de l'information pour réduire
les coûts et accroître la flexibilité transforme - pas toujours pour un mieux - les individus et les
organisations. La transformation issue de la technologie de l’information engendre les équipes, les
organisations et les communautés virtuelles aux frontières floues: c’est la banque, le centre de
recherche ou le marché virtuels. Comment innover, développer des compétences nouvelles, et
exploiter les investissements en technologie de l'information? Seule la maîtrise de la transformation
organisationnelle peut apporter une réponse.

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