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Magazine à dessein philosophique • N°5, Novembre 2008

QUI SONT –ILS ?


LES PLUS AMBITIEUX D’ENTRE EUX ONT LE REGARD
FIXÉ SUR UN POINT DE L’HORIZON.
LES AUTRES, QUI NE SAVENT PAS OÙ POSER LES PIEDS,
NE VOIENT QU’UNE LIGNE QUI N’EN FINIT PAS.
Sommaire
3 : Ici, étudier est facultatif
l'édito de Noé Hocquard
5 : Vers toi
un poème d'Astrid Schumacher
6 : William Burroughs :
Le prophète révolté de la Beat Generation par Cyril Salliot
10 : Qui sont-ils ?
par Julia Vallet
11 : Définir et Identifier :
par Marc Henry
L'ÉTUDIANT

le cas difficile de l'étudiant


13 : L'Étudiant
par Loïc Sautron
14 : L'Étudiant :
Une tentative d'essai ontologique dans son jus par Rémi Nazin
15 : L'Étudiant(e) programmé(e)
par Pierre Willaime
18 : L'Étudiant programmé ?
Par qui, par quoi ? par Astrid Schumacher
20 : Le triomphe de l'homme-outil :
AG et aliénation volontaire par Cyril Salliot
24 : Vis comme avis
un poème de Julia Vallet
26 : Vu de haut
par Julia Vallet
27 : Portishead - Third
un article de musique de Benjamin Racine
29 : Sucrerie
un poème de Louis Ramos-Ibanez
30 : Espace (double) détente
de Pierre Decoup
La Flèche Du Parthe N°5 Novembre 2008

Rédaction : Louis Ramos-Ibanez


Jean-Éric Gerardin
Directeur de la publication : Noé Hocquard Conception graphique et réalisation :
Rédacteurs : Pierre Willaime
Astrid Schumacher
Cyril Salliot Impression :
Julia Vallet MGEL (Mutuelle générale des
Marc Henry Étudiants de l'Est)
Édité par l'Association Rayon Philo
Loïc Sautron 44, cours Léopold
regroupant des étudiants en philosophie Rémi Nazin 54 000 Nancy
Pierre Willaime
à l'université de Nancy2
Benjamin Racine
2
Éditorial
Ici, étudier est facultatif
par Noé Hocquard

L a réflexion que nous allons entreprendre a quelque chose de


schizophrénique. Ecartelée entre la paresse qui nous maintient dans
l’illusion selon laquelle nos lectures et investigations personnelles pallieront
aux lacunes de notre formation, et la raison rassurée par un emploi du temps chargé.

Mais quoi, l’étudiant en lettres et sciences humaines a vingt heures de cours


par semaine!

Aussi, le sentiment dérangeant d’avoir mis trois années à obtenir une


licence pour laquelle deux auraient suffit n’est jamais très loin. Certes, la
qualité d’un enseignement ne peut être jugée sur le seul critère
quantitatif et l’étudiant sérieux et intéressé peut trouver son compte au
sein des cours et des bibliographies et renvois qu’ils contiennent. De
plus, l’élève, lorsqu’il n’est pas assommé par une journée de neuf heures
de cours n’est plus un simple réceptacle à connaissances, il devient actif
dans son apprentissage. D’ailleurs, la nécessité de l’autonomie n’est elle
pas interne aux matières littéraires elles-mêmes? On n’apprend pas
Balzac, on doit le découvrir et l’ enseignant ne peut que donner des
lignes directrices.

Seulement voilà, l’autonomie on en fait ce que l’on veut. Et pendant


que les uns écument les bibliothèques les autres se creusent la tête pour trouver le
moyen d’en faire le moins possible. Car c’est un fait, n’importe quel étudiant inscrit
à la faculté de lettre qui sait faire une dissertation et possède un minimum de
capacité de mémorisation peut, sans se faire violence, obtenir une licence. Grand
bien lui fasse. Mais cette situation
n’est- « …pendant que certains elle pas en partie responsable
travaillent pour pouvoir
aller à la fac, d’autres vont à
de la dévalorisation des la fac pour ne pas avoir à diplômes délivrés par les
universités de lettres et travailler… » sciences humaines?
Effectivement, pour un employeur, il est impossible de se faire une idée du niveau
réel de la personne qui lui présente un tel diplôme ; de sorte qu’aucun étudiant, ou
presque, ayant réussi son cursus à la faculté de lettre ne peut rentrer dans la vie
active sans passer par l’un des très redoutés et très sélectifs concours.
La Flèche Du Parthe N°5 Novembre 2008

Mode de sélection absurde d’ailleurs, car sont évalués certes des capacités,
mais aussi des conjonctures indépendantes du candidat : le nombre de postes
disponibles d’ une part, le niveau des autres prétendants d’autre part. Ainsi
l’obtention d’un concours récompense des facultés relatives et non absolues ce qui
peut aboutir à des situations absurdes : la même personne peut réussir le concours
qu’il avait manqué l’année précédente et ce en ayant produit un travail de qualité
inferieure lors de sa deuxième tentative ; de même l’année où trente Victor Hugo se présentent au CAPES
de lettre alors que vingt-cinq postes seulement sont disponibles, cinq génies absolus resterons sur le
carreau.
3
Mais le fait d’ avoir seulement vingt heures de cours par semaine, auxquelles nous ne sommes
même pas tenus d’aller (puisque la présence des élèves n’est jamais vérifiée), n’est pas seulement à
l’origine d’une dévalorisation des diplômes, il favorise également une pratique très tendance : «
s’inscrire à la fac pour toucher les bourses » comme on dit. Ainsi pendant que certains travaillent pour
pouvoir aller à la fac, d’autres vont à la fac pour ne pas avoir à travailler …

Malgré tout, il convient de ne pas rejeter en bloc ce mode de fonctionnement ; effectivement, il


permet, nous l’avons évoqué précédemment, aux étudiants qui en ont besoin d’avoir un emploi ; aux
personnes qui sont déjà entrées dans la vie active de poursuivre une formation tout en travaillant ; et
surtout la faculté reste un moyen d’accès à la culture pour tous (ou presque) en tant que les critères de
sélection à l’entrée sont moins exigeants qu’ailleurs. Cela ne nous exempte pas pour autant de nous
interroger sur ce système, les qualités de ce dernier ne devant pas masquer les problèmes qu’il soulève.

Le contenu des articles présentés dans ce magazine n'engage que leur auteur et
ne reflète en aucun cas une quelconque ligne éditoriale.

Appel aux articles


Vous voulez vous exprimer ? envoyez nous un article.
Des remarques, réactions, désaccords ?
Faites-en nous part et nous publierons une
réponse.
rayonphilo@yahoo.fr
http://rayonphilo.blogspot.com

De la pertinence de la poésie dans un magazine à


dessein philosophique

C omme vous allez bientôt le constater, ce numéro


contient une part non négligeable de poèmes. À la
réception de ces compositions poétiques, nous nous
sommes interrogés sur leur pertinence dans un magazine
philosophique. La rédaction étant divisée sur la question, nous
avons décidé de publier ces poèmes tout en demandant l'avis du
principal intéressé, à savoir vous, notre lecteur.

Qu'en pensez-vous ?

Pensez-vous que l'art poétique est compatible avec la


La Flèche Du Parthe N°5 Novembre 2008

réflexion philosophique ou qu'au contraire il faut bien faire la


distinction entre ces deux disciplines ?
Nous voulons lancer un débat sur cette question.
Envoyez nous un email pour prendre part à la discussion qui
débutera dans notre prochain numéro.

4
Vers toi par Astrid Schumacher

Jadis,
Les livres étaient parfumés
Avec les mots de tous les jours.

Ici,
Ailleurs,
Je déposais des fleurs
Sur des tombes abandonnées.

Regard distrait sur ce qui va et vient,


Et creuse des sillons sur ton visage.
Je garde les yeux fermés,
Et je t'écoute,
Immobile.

Derrière ces silences,


Ces non-dits;
L'intime de toi-même.

Une musique en suspens,


On chuchote à mon oreille.

Légèreté d'une plume,


Délicatesse d'un sentiment.

Trop fragiles sont mes pas qui hésitent.

Porte-moi vers l'aube d'un instant


La Flèche Du Parthe N°5 Novembre 2008

Qui palpite à l'orée de ton visage

5
William Burroughs Le prophète révolté de la Beat Generation
par Cyril Salliot

W illiam Burroughs est le plus grand écrivain du XXI° siècle. Son oeuvre est
difficile, composite, presque, à l'image des codex maya que l'auteur ne se lassait
pas d'étudier, indéchiffrable. Elle est, à proprement parler, une énigme qu'il tend à
travers les siècles à ceux qui sont ses vrais contemporains, ces lecteurs du futur, nous, seuls à
qui il s'adresse et qu'il n'a cessé de mettre en garde contre les dangers, les innombrables périls
qu'il entrevit, seul, lors de ses voyages, et les troubles qu'il expérimenta lui-même, sur lui-
même, et contre lesquels il ne cessa de lutter personnellement pour nous montrer, à travers
son oeuvre, ses rapports, ses compte-rendus, la marche à suivre pour nous en tirer à notre tour
et ressortir de ces siècle et millénaire naissants aussi libres et vivant qu'il le fut. William
Burroughs n'est pas seulement pas ce qu'il voyait et la période
le dernier écrivain du siècle de rédaction du Festin Nu fut On me dira que bien
passé (il est mort en 1997), mais pour lui une époque d'éveil où il avant Burroughs, d'autres ont
il est surtout le premier, peut- dépassa le simple témoignage exprimé le futur de manière
être le seul écrivain de drogué que constituèrent ses plus compréhensible et de
d'aujourd'hui qu'il faille premiers écrits (Junky, Queer) manière plus clairvoyante que
vraiment méditer et dont il faut pour atteindre à des question lui, comme Isaac Asimov (dès

«Orwell n'est pas prophétique, quoi qu'on en dise, il reste


désespérément ancré dans son époque : 1984 est le récit du
totalitarisme aujourd'hui mort. C'était l'Allemagne du Lingua Tercei
Imperii et l'URSS de Staline, ce n'est qu'emprunts à Zamiatine
donnés dans une expression qui a la lourdeur décevante de cette
époque.»
réussir à s'imprégner. Il est le bien plus universelles et 1939) et George Orwell, en
seul à avoir diagnostiqué la importantes, que son rapport à 1948. Mais qui aujourd'hui
maladie qui étreint notre la drogue lui croirait en
époque, cette ère électronique révélèrent mais qui
Asimov, qui
qu'il prophétisa, le seul à avoir ne s'y limitaient
n'est que
pu nous montrer le vaccin, la pas, et dont toute
solution à ce problème qu'il son oeuvre, par la simple
dénonce dans toute son oeuvre. suite, devait être fiction, et
En effet, William Burroughs des métaphores. Orwell, qui,
n'est pas un écrivain de son Son grand sérieux quoi qu'on
temps, il avait la passion du (1), son cheval de en dise, ne
déracinement. Étranger à sa bataille : le véhicule
famille, à son pays (il s'exila en contrôle, le qu'une idée
effet longtemps à Tanger et en pouvoir, la surannée de
France), à son époque, dont il domination, et la
La Flèche Du Parthe N°5 Novembre 2008

ces notions,
ne pouvait supporter la lutte, l'effort de vestige
pudibonderie et le manque l'homme (de lui littéraire d'un
léthargique d'audace et de vie, d'abord, de nous monde mort
étranger à lui-même, il se ensuite) pour s'en
avec la chute
projeta dans l'avenir pour nous libérer, s'en
en offrir une version hallucinée, détacher, lutte et du mur ? De
changeante et angoissante que effort qui sont les même que
lui-même avait du mal à deux seules formes Burroughs,
contenir. Elle le débordait à d'existence qui ont une valeur ils posent leurs visions à partie
travers l'écriture, il ne maîtrisait en soi. sur leurs souvenirs du passé, à
6
partie sur des visions du futur. d’inerte, d’autoreproducteur propre volonté de domination.
On les juge prophétiques, bien (forme dont n'arrive pas à se Ainsi, le monde que dépeint
plus que Burroughs, qui déprendre Orwell, dans laquelle Burroughs est un monde
divertit. Mais Orwell n'est pas il s'empêtre littéralement), n’est unanimement aliénant et
prophétique, quoi qu'on en dise, que l’effet d’ensemble, qui se menaçant, hostile, mais aussi
il reste désespérément ancré dessine à partir de toutes ces unanimement en réel conflit :
dans son époque : 1984 est le mobilités, l’enchaînement qui toutes les parties en présence
récit du totalitarisme prend appui sur chacune d’elles luttent les unes contre les autres
aujourd'hui mort. C'était et cherche en retour à les fixer. et l'individu au centre de cela
l'Allemagne du lingua tercei Il faut sans doute être n'est plus que le véhicule,
imperii et l'URSS de Staline, ce nominaliste : le pouvoir, ce instable et déchiré, de toutes ces
n'est qu'emprunts à Zamiatine n’est pas une institution, et ce volontés particulières, sienne y
donnés dans une expression qui n’est pas une structure, ce n’est compris. Orwell est victime
a la lourdeur décevante de cette pas une certaine puissance dont d'un relent de XIX° siècle, d'une
époque. Il se projette dans un certains seraient dotés : c’est le modernité à l'agonie qui sans
avenir qu'il ne parvient ni à nom qu’on prête à une situation cesse était à la recherche d'un
toucher, ni même à voir, trop stratégique complexe dans une ennemi identifiable, clairement
empêtré dans ce passé qui défini et contre lequel il fallait
gausse et fausse sa description engager toutes ses forces en vue
du futur, de notre époque. Le de sa destruction. 1984 est le
pouvoir qu'il montre est stigmate d'une époque troublée
monolithique, d'un bloc, venant où tout un chacun organisait ses
uniquement d'en haut, il forces contre son voisin,
s'humilie lui-même car il ne modernité cruelle qui trouva
peut défaire ce qu'il a crée et dans les deux grande guerres un
subit de fait, et même, ni lui, ni aboutissement effroyable au
rien d'autre ne peut le renverser. terme d'un lent crescendo qui a
Le point de vue qu'il prend n'est manqué, par deux fois,
pas celui de l'individu, mais de d'anéantir tout à la fois
la machine. Burroughs lui part l'ennemi, le partisan et le
de l'individu, de son corps, de spectateur neutre ainsi que
ses tripes, et reste à l'intérieur, l'univers dans lequel ils
dans une expression qui dès lors évoluent. Orwell, profondément
résonne en nous inévitablement, choqué et abattu, resta bloqué
société donnée. »(2)
nous tend à travers le miroir sur ces évènements et il écrivit
On voit dans l'oeuvre de
qu'est son oeuvre un reflet peu alors son livre comme les
Burroughs un pouvoir, une
flatteur de ce que nous sommes. conséquences d'une troisième
domination, un contrôle dont on
Le pouvoir dont elle se fait guerre mondiale. Mais mort en
est victime, mais pas seulement
l'écho n'est pas une machine 1950 (son roman l'aurait-il tué
rouage forcé : on en est aussi le
monolithique, mais épouse une ?), il n'a pas pu voir la nouvelle
moteur et la source. Tout autour,
vision qui se vérifie tout le structure du monde, que
le pouvoir suinte des objets et
temps et partout ; il y est Burroughs dévoile à travers les
des individus, mais ils ne sont
omniprésent, mais « non point effets qu'elle a eu sur lui. Et
pas les yeux et la bouche d'une
parce qu’il aurait le privilège de c'est cette hétéronomie contre
figure unique et supérieur, d'un
tout regrouper sous son laquelle il a lutté toute sa vie, et
La Flèche Du Parthe N°5 Novembre 2008

Big Brother, mais leur propre


invincible unité, mais parce son oeuvre nous montre, une
influence sur l'individu qui les
qu’il se produit à chaque fois déchiffrée à travers une
perçoit et avec lesquels il entre
instant, en tout point, ou plutôt lecture conjointe de ses
en relation. Ils ne se rejoignent
dans toute relation d’un point à principaux moments, les
pas, mais cherchent la
un autre. » Il est partout. « Ce méthodes à adopter pour le
domination absolue pour eux-
n’est pas qu’il englobe tout, prendre en exemple et le suivre
même, ils ne sont pas le
c’est qu’il vient de partout ». « sur la voie heureuse qui a été la
véhicule par lequel un pouvoir
Et « le » pouvoir dans ce qu’il a sienne.
effectif se manifeste, mais leur
de permanent, de répétitif, 7
Il faut en effet inconnue en lui lui donna la en détache tous les éléments
considérer son oeuvre comme marche à suivre : « Je viens internes mais qui paraissaient
un commentaire de sa vie, et juste de trouver ça dans mes avant purement extérieurs, il
l'époque de la rédaction du papiers. J'avais oublié l'avoir montre ainsi ce qui agissait à
Festin Nu est le coeur de ce écrit. Ça m'a l'air bon alors je travers lui et l'incitait à faire
mouvement, le moment premier cite : ''Ne jamais se préoccuper telle ou telle chose, ce qui
d'expression de sa lutte. Il ou se soucier de trucs du genre : fondait son hétéronomie. Il agit
compris en écrivant qu'il n'était je dois structurer ce roman, vis à vis de lui-même, à travers
pas le seul en lui, qu'il ne économiser de l'argent, aller ici son oeuvre, comme Foucault
contrôlait pas ce qu'il faisait, ou là. Ces choses là vis-à-vis du discours : il montre
qu'il ne le pouvait pas, et s'arrangeront d'elles-mêmes si ce qui en donne la forme et ce
sentait, pris par une sorte de tu ne t'en mêle pas, laissant tes qui lui donne une volonté, un
fièvre, agir en lui une volonté plus profonds désirs modeler les sens autre que celui qui est
autre que celle qu'il pensait être circonstances. Tout ce que tu manifeste, il montre en quoi il
la sienne : « tu comprends ce peux faire, c'est libérer tes plus n'est pas libre, autonome, en
qui m'arrive ? On dirait
de l'écriture
automatique, produite
«Orwell est victime d'un relent de XIX° siècle,
par une entité hostile et d'une modernité à l'agonie qui sans cesse était à
indépendante, la recherche d'un ennemi identifiable, clairement
affirmant tout
bonnement : ''je vais défini et contre lequel il fallait engager toutes ses
écrire ce qui me forces en vue de sa destruction.»
chante''. En même
temps, sitôt que je tente
de me forcer à structurer ma profonds désirs de toute quoi il est véhicule de volontés
production, à donner forme à contrainte. Une fois cela fait, complexes sur lesquelles il n'a
mon matériau, ou même à inutile de t'inquiéter ou de pas prise, dont il n'a pas
suivre un fil quelconque [...] cet t'indigner de ce qui t'arrive''. conscience, comment le
effort me catapulte dans une »C'est ce qu'il fit, à tous les contexte pèse sur lui et le
espèce de délire où il ne me niveaux. Dans son oeuvre cela modèle à plusieurs niveaux,
reste que les matériaux les plus donna son style particulier qui mais cela non plus seulement
excessifs » (3). C'est là ce que quelques années après, par pour en comprendre les
l'on retrouve, d'une certaine hasard, allait trouver sa mécanismes, mais surtout pour
manière (avec le recul et formalisation dans le cut-up et s'en libérer.
l'évolution de 20 années, dans le fold-in(4), et qui agit comme
Les Terres Occidentales, où un alambic. L'auteur y place et Seulement, Les Lettres
l'individu est possédé par sept atomise son passé, ses de Tanger à Allen Ginsberg
âmes plus ou moins hostiles), souvenirs, ses rêves, son savoir, nous le montrent bien, cette
dès lors, il essaya de découvrir en un mot tout ce qui le oeuvre, cet effort de libération,
ce que cela pouvait être et constitue, pour les mélanger, les il ne put tout à fait le
comment s'en débarrasser. À associer différemment afin d'en commencer seul, il essayait,
travers ses mots, la moindre dégager le véritable sens, le mais en vain : « Je n'ai rien écrit
chose prenait la couleur d'un sens caché et profond, d'en depuis que j'ai quitté Tanger.
cancer, d'une dégénérescence de dégager les constituants et les Tout ce que j'ai pu écrire se
La Flèche Du Parthe N°5 Novembre 2008

ce qui nous construit, et finit par aboutissants : lui, un lui purifié réduit à de simples notes ou
nous asphyxier, comme dans la par cet effort d'écriture, ce qui bribes de romans. L'effort
lettre du 7 février 1954 où il exerçait une contrainte en lui et ultime de création, le roman
critique la démocratie et lui était hostile, et qu'il rejette même, reste au dessus de mes
prophétise le mouvement comme un résidu dans une forces. Je ne peux forcer les
hippie, qui ne sera qu'un pâle oeuvre devenue extérieure à lui. choses et ça ne se fait pas tout
reflet de ce qu'il y présente. Chacun de ses livre, de ses seul. » « Question écriture, je
Voyant le mal en tout, il chercha libérations, dresse ainsi une suis découragé. Il me semble
8 à se libérer et cette force généalogie cryptée du pouvoir, impossible de rien écrire de
vendable, ni même rien qui possède une cohérence quelque peu soutenu pour découvrir et la structure
propre, une unité esthétique. Mes écrits restent à générale et l'intention qui la porte est récompensé
l'état de simple notes, et ne peuvent se lire comme presque immédiatement par un plaisir sans cesse
un roman. L'acte de création nécessaire pour accru de découvrir de nombreuses connections
imprimer au matériau la cohérence d'une oeuvre entre ses livres, des significations profondes à des
achevée me semble excéder mes capacités. »(5) Si passages apparemment vides, des critiques acerbes
Jack Kerouac et Allen Ginsberg n'étaient venus mais déguisées, et, surtout, un humour incroyable
travailler avec lui sur ses notes et construire, à eux qui enchante autant qu'il surprend et effraye et un
deux, ce que l'on connaît aujourd'hui comme étant homme à la densité unique que Kerouac n'hésitait
le Festin Nu, ce roman raté mais génial que pas à présenter comme « l'homme le plus
Burroughs ne cessera de retransformer et de intelligent des États-unis ». Mais au delà de ça, son
développer, jamais il n'aurait eu la force de oeuvre, une fois qu'on est plongé dedans, donne du
l'achever et de poser avec lui la première étape d'un monde une vision novatrice, terriblement complexe
long travail de purification et de libération. À qu'on ne trouve chez aucun autre romancier, et qui
jamais il serait resté ce sous-homme prisonniers porte en elle une critique et une analyse profondes
des rets que tend autour de lui le monde, des mécanismes de pouvoir qui s'exercent sur
il n'aurait jamais pu évoluer comme il l'a fait, et l'individu. Cette oeuvre dépasse celle des autres
c'est, ne nous y trompons pas, ce qu'il annonce dans écrivains qui ont abordé avant et après lui ces
le premier tome de ses Essais (6), lorsqu'il parle de mêmes thèmes, aussi et surtout parce que derrière
la salamandre Xoloth, cet animal bloqué en son pessimisme confondant rayonne un rire franc
néoténie à l'état larvaire et qui d'elle-même ne qui n'est pas que celui du fou, un espoir qui ouvre à
pouvait pas devenir une vraie salamandre. Des la possibilité avérée de libération de ces
scientifiques (une force extérieure) lui mécaniques, qui envoie, à travers le temps et
administrèrent des hormone et elle put évoluer, et l'espace un message à tous ceux qui seront capable
abandonna définitivement cet état intermédiaire, de lire son oeuvre et d'en saisir le sens, un message
relançant un processus nouveau d'évolution. Cette que l'on porte tous en nous mais auquel on ne croit
force extérieure qui réalisa pour lui cet effort qu'il plus vraiment, la promesse d'une libération dont il
ne pouvait seul réaliser, étaient et ne pouvaient être nous faut impérativement retrouver les moyens de
que ses amis, et ce n'est qu'après leur intervention possibilité.
qu'il devint ce qu'il cherchait à être et qui ne
pouvait pas encore s'exprimer : lui-même, en tant Notes :
qu'homme pleinement accomplit, et en tant que 1: Essais : le dernier point que doit prendre en compte une
William Burroughs l'artiste que l'on connaît. C'est critique littéraire, il regroupe les grands thèmes qui
si vrai que reproduisant ce processus vingt ans parcourent l'existence humaine (mort, vengeance, ...)
après dans Les Terres Occidentales, au terme de 2 : Michel Foucault, Histoire de la sexualité 1, la volonté de
cette longue évolution qui fut la sienne, il lui fut savoir, pp 122 et 123 (Tel Gallimard)
permis, seulement à ce moment-là, d'exprimer ce 3 : lettre 7, 7 février 1954, lettres de Tanger à Allen Ginsberg
même regain miraculeux de force, d'énergie qui (C-B, coll. Titres)
permet toutes les libérations, de manière interne, 4 : cut-up : méthode qui consiste à couper un texte en
comme émanant de lui-même et non plus cette fois plusieurs morceaux et à les agencer autrement par la suite.
du monde extérieur, de ses amis. Ce n'est qu'après Fold-in : méthode qui permet en littérature de créer des effets
toutes ces années que véritablement il devint libre, de flash-back, en pliant les pages les unes sur les autres et en
nous en offrant la preuve et le témoignage dans son les insérant ailleurs dans l'ouvrage (ex : on plie le texte de la
oeuvre à travers deux âmes, l'une immortelle et page 1 sur la page 100, et on place le résultat à la page 10, qui
l'autre qui a la voie ouverte devant elle vers se retrouve propulsé avant, page 1, et après, page 100).
l'immortalité, et qui n'attend plus que le moment 5 : lettre 39, 6 décembre 1954, , lettres de Tanger à Allen
La Flèche Du Parthe N°5 Novembre 2008

opportun pour y accéder, le mot « FIN » : son Ginsberg (C-B, coll. Titres)
double romanesque, le seul en qui il peut avoir 6 : La femme, une erreur biologique ? Essais, tome 1,
confiance pour se libérer, et l'énergie, déficiente Christian Bourgois
mais qui réussit malgré sa faiblesse à réaliser ses
projets contre toute attente et toute logique.
William Burroughs nous a donné l'oeuvre la
plus importante qui soit à l'heure actuelle. Pour
aussi déroutante qu'elle soit, elle n'en est pas pour
autant incompréhensible et le moindre effort
9
Dossier

L'Étudiant
Q ui sont –ils ?
Les plus ambitieux d’entre eux ont le regard fixé sur un point de l’horizon. Les autres,
qui ne savent pas où poser les pieds, ne voient qu’une ligne qui n’en finit pas ?

Qui sont ceux qui sont lâché dans la nature, à la sorti de leur bac et font le choix d’une
liberté qu’ils ne savent pas maîtriser ?
Qui sont ceux qui sont dans la plus belle période de leur vie comme on dit ?
Qui sont ceux qui peuvent encore choisir leur voie ?
Qui sont ceux qui ont toutes les possibilités à leurs pieds ?
Qui sont ceux qui sont remplit d’espoir ?
Qui sont ceux qui veulent réussir, la puissance de la jeunesse qui coule dans leur sang ?
Qui sont ceux, heureux, qui apprennent à réfléchir, apprennent enfin ce qu’ils aiment ?
Qui plonge dans leur élément ?
Qui sont ceux qui ont peur de ne pas réussir ? De ne pas trouver leur voie ?
Qui sont ceux qui ont un pied dans l’adolescence et un pied dans le monde de l’adulte ?
Qui sont ceux qui ont peur de l’avenir, ceux qui ont peur de choisir, de se
borner à un boulot, une situation ?
Qui sont ceux qui travaillent sans relâche pour être jugé à la fin de
L'Étudiant

l’année ? Pour être le meilleur et pouvoir être admit dans la cours des
grands ?
Qui sont ceux qui ne cesse de faire des rencontres et qui discute de la vie
à venir ?
Qui sont ceux qui se plante et recommence ? Qui change, et nage dans
l’indécision ?
Qui sont ceux qui se rende compte que apprendre quand on aime le faire
c’est si bon ?

Qui sont ceux qui découvrent la vie sans les parents ? Qui sont amener à
prendre leur responsabilité ? Qui doivent apprendre à être autonome ?
Qui sont ceux qui apprennent la valeur de l’argent ?
Qui sont ceux qui migrent la semaine dans les grandes
villes ?
Qui sont ceux qui en profitent pour faire la fête sans
s’arrêter, parce qu’il n’y a pas les parents derrière pour
dire stoppe ?
Qui sont ceux qui doivent faire attention de ne pas tomber dans
l’alcool ou la drogue ?
Qui sont ceux qui apprennent à voler de leurs propres ailes ? Qui
apprennent à vivre en société?
La Flèche Du Parthe N°5 Novembre 2008

Qui sont ceux qui se rendent compte que nettoyer son linge, faire la vaisselle régulièrement, le ménage,
le repassage, les courses, c’est chiant ?
Qui sont ceux que les vieux aigris ne supporte pas ?
Qui sont ceux qui font du bruit en pleine nuit et ennuient les travailleurs qui vont se lever quelques
heures plus tard?

Julia Vallet

10
Identifier
Définir
Le cas difficile de l'étudiant
par Marc Henry

C ouramment, nous considérons que la définition d’un objet, si elle est suffisamment complète, est
censée nous permettre de reconnaître et d’identifier ce même objet. Ainsi, lorsque vous tentez
d’expliquer à quelqu’un ce qu’est un étudiant, vous pouvez en donner une ou plusieurs
définitions, qui permettront à cette personne de reconnaître et d’identifier l’étudiant le cas échéant.
Pourtant, il n’y a rien de plus faux : une définition ne permet pas nécessairement d’identifier l’objet
défini. Dans l’article qui suit, nous tenterons de définir l’étudiant par ses traits les plus caractéristiques,
puis nous verrons en quoi cela ne nous permet pas de le reconnaître nécessairement lorsque nous le
rencontrons.
L’étudiant est un mot dont la définition peut paraître somme toute fort difficile à donner :
concentrons-nous dès lors sur ce qui nous fait reconnaître couramment qu’une personne peut être dite
« étudiante ».
L’étudiant est étudiant, et ce même lorsqu’il n’étudie pas. Cela le distingue notamment du
passant. L’étudiant, c’est celui qui a droit à un sandwich gratuit au fast-food – mais c’est également celui
qui y travaille. Celui que l’on attend lorsque le politique va mal, mais celui qui coûte cher lorsque tout va
bien. On doit à l’étudiant le Printemps de Prague, les « Etudiant, peu le savent, mais
manifestations de la place Tian’anmen, la défense des
droits de l’homme et du citoyen – et l’invention du c’est un métier »
bizutage. L’étudiant est là de jour comme de nuit :
beaucoup de soirées sont dites « étudiantes », bien que l’on y étudie rarement. C’est celui qui fait la fête,
qui boit, qui crie, qui réveille et vit la nuit jusqu’à ce qu’elle se meure ; parce que la nuit, c’est calme, et
donc mieux, pour travailler. De fait, l’étudiant est un paradoxe vivant : il les manie, les cultive, les
étudient et les dénoncent.
Le jour venu, il change. C’est celui qui se réveille, « tôt demain », car il a cours à treize heures. Dans le
« monde du travail », ce continent inconnu mais dont il connaît les rivages et étudie la géographie, c’est
souvent celui que l’on veut, puis que l’on jette. Nombre de choses quotidiennes se décline à l’étudiante :
ainsi des contrats, des tarifs, des révoltes, des jobs, des logements, des soirées et des baby-sitters. Pour
certains, l’étudiant, c’est celui qui apprend à apprendre, pour, plus tard, apprendre à d’autres apprenants
les joies de l’apprentissage. L’étudiant, c’est le summum de la liberté de penser, mais, si possible, plutôt
sur le papier – on vient juste de changer
les pavés…
« l’étudiant est un paradoxe vivant : il les Etudiant, peu le savent, mais c’est un
manie, les cultive, les étudient et les métier. L’étudiant n’a pas de salaire, mais
des notes, beaucoup de temps, mais moins
dénoncent » d’argent, généralement. Etudiant c’est un
mouvement : de contestations, de révoltes.
L’étudiant aime bouger, dire « non », car
La Flèche Du Parthe N°5 Novembre 2008

on lui a appris que la meilleure affirmation passait par la négation. L’étudiant pense à son avenir, car
l’étudiant prend conscience que justement, il ne pourra pas l’être toute sa vie. Il est en sursis.
La philosophie étudie l’étudiant : l’Etudiant c’est, selon Guitton, un titre. Mais qu’on ne dépose
qu’au tombeau. Bachelard précise : avant de penser, il faut étudier ; seuls les philosophes pensent avant
d’étudier. Qu’en est-il alors d’un étudiant de philosophie ? Dans le monde du travail, on reconnaît cette
espèce plus facilement qu’aucune autre. Généralement celui-ci aime à préciser, lorsqu’on lui enjoint de
passer un coup de balai, qu’il a une maîtrise de philo ; du coup, on lui apprend comment tenir ce même

11
balai. Peu importe, il reste stoïque, rien ne peut nuire à son bonheur.

« Car heureux est l’étudiant, qui comme la rivière, suit son cours sans sortir de son lit ».

Un lit fait de barreaux, de grilles ; l’étudiant s’en plaint, mais les pose aussi. Ainsi sommairement défini
l’étudiant. Mais cela, sans doute, ne vous permettra pas de l’identifier, car une définition ne pouvant
donner que ce qu’elle a, aucune ne saurait donner ce qu’un étudiant contient ; car lui-même ne le sait pas.
Mais rassurez-vous : il cherche, il cherche…
La Flèche Du Parthe N°5 Novembre 2008

12
nt
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par Loïc Sautron
ud
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L'

« Hi-han », dit l’âne des études.


Apprenez par cœur et tout se passera bien. Vous êtes un aspirateur d’informations ne l’oubliez pas !
Certes vous pouvez toujours poser l’argument de votre réflexion, mais à quoi vous sert-elle vraiment ?
Sinon celui de comprendre un système, quel qu’il soit.
Quant au lien que vous pouvez faire avec votre éducation socioculturelle, ou celle d’un autre, cela vous
sert-il vraiment ? Mise à part faire les intellectuels en soirées… Ah oui, j’oubliai : trouver du travail, à la
« bonheur ». Allez loin et passez le bonjour à la réussite, cela fait longtemps que je ne l’ai pas vue, et elle
ne me manque pas. En passant gavez-vous de fierté, c’est là sa seule utilité …
Ou bien est-ce pour votre enrichissement personnel ? Soit. Au moins vous vivrez mieux, au pire vous
arrêterez de vivre. Comme les autres…
Vous souvenez-vous de votre plaisir ?
Quel jouissance de connaître… N’oubliez pas, que ce n’est en rien un pouvoir !
Est-ce le chemin pour le Savoir ?
Sans doute, puisqu’ils y emmènent tous.
Mais vous ne faites pas que cela ?
Vous avez d’autres activités : des plaisirs. Or l’obéissance est un plaisir comme les autres… ou une
perversion !
En quoi est-ce mal de faire ce que l’on aime ?
Je vous dirai que même les tueurs en série aiment ce qu’ils font. Le mal, voyez-vous, a la même valeur
que le bien, il n’y a que leurs conséquences qui changent, et c’est en cela qu’ils diffèrent.
Et alors ?
Alors rien.
Faites ce que vous plait, puisque vous aimez le faire.
Qui a dit que c’était mal ? Ou bien on a la chance de le faire ou non. Et puis, vous faites des rencontres,
ce qui est bien…ou mal!... ? Vous trouvez des réponses, et des questions… a croire que leur but n’est pas
tant d’y répondre, mais de les poser. Ce qui est bien…ou pas !... ?
Au moins, nous, nous faisons usage de notre cerveau, de notre matière grise, qui est comme notre
muscle par excellence… ou par excès. Cet organe qui est comme les autres, un aspirateur de sang, ce qui
n’est pas plus mal ! Peut-être est-ce même lui qui se sert de nous ? Ce qui ne serait pas mieux ! Allez
Savoir ?
Au pire, nous nous arrêterons en cours de route, pour ne plus devoir y aller.... Cette masse gélatineuse qui
nous sert de pensée s’arrêtera alors de marcher… ou pas. Peut-être commencera t-il enfin à fonctionner ?
Ce qui serait un bon début…
Finalement, est-ce que la seule question qui vaille la peine d’être posée est ce que nous faisons là, à nous
taire ?
Ah oui, c’est vrai, ce n’est pas une peine, mais un plaisir…
La Flèche Du Parthe N°5 Novembre 2008

13
L’ ́Étudiant, une tentative d’essai ontologique
dans son jus...
par Rémi Nazin

L 'étudiant. En voilà un sujet complexe et se prononcer et donc de s'affirmer en distinction


difficile à aborder, pour l'art c'était guère avec le groupe qui est plus un fait matériel que
compliqué, on sait ou du moins on a social. Mais être libre, c'est faire des erreurs.
l'intuition de ce qui relève ou non de l'artistique, L'erreur n'a rien d'un mal absolu, elle est
mais pour l'étudiant, cette approche est totalement nécessaire à la créativité dans une certaine mesure,
infertile. Voilà donc mon premier souci ici, au pire elle est une contreperformance sur le plan
distinguer l'essence de l'étudiant sans pouvoir intellectuel ce qui créé une frustration légitime
l'opposer. Qu'à cela ne tienne, lançons nous et mais permet d'ouvrir de nouveaux problèmes.
voyons bien où on arrivera. Pour commencer fort, Étudier, c'est soutenir une vision, la confronter et
je dirais qu'un étudiant étudie (là on a de l'analyse parfois se rendre compte que ce n'est pas la bonne,
profonde). D'un autre côté, le lecteur bien avisé ce qui rend nos positions certaines plus fortes
m'objectera que grosso modo entre 2 et 25 ans on jusqu'à ce qu'elles soient remises en cause, et ainsi
en est tous là et qu'il faut bien alors que l'étudiant de suite (on est quasiment en plein Spinoza là en
diffère en quelque chose fait). Refuser, c'est
de l'écolier. donc déjà un peu
Instinctivement, je construire, à
parlerais de la liberté. Ne condition de s'en
nous trompons toutefois tenir à ce que je
pas de sujet, car entre viens d'écrire et
nous, partir tête baissée comprendre avant de
sur la liberté de sécher refuser en bloc. La
les cours à volonté prise de risque nous
relève d'un d'un intérêt montre donc
assez limité en qu'étudier c'est
définitive. La liberté, comprendre plus
Hannah Kim qu'apprendre, et cela
donc, tient plus d'une
liberté critique dès lors que chacun des acteurs nécessite le courage d'analyser des théories qui
universitaires jouent le jeu. Dans l'absolu, il parfois peuvent a priori paraître évidentes. Cela
s'agirait de pouvoir s'orienter et choisir sa fac en peut à mon avis permettre d'expliquer en partie le
fonction du programme qu'elle offre et pouvoir à rapport de la société qui a tendance à s'autodéfinir
terme se construire une opinion mature. Étudier, comme "concrète" et les étudiants. Elle qui croit
c'est construire en faisant des choix et faire des que tout est confiné à l'impuissance de ses
choix, c'est prendre parti, ça demande un dirigeants devrait peut être se demander où elle va
investissement personnel fort, non pas comme et pourquoi elle y va, ce qui implique une certaine
nous la rabâchent certains en approfondissant juste jalousie vis à vis de ceux qui prennent ce risque
les cours mais réellement les penser. C'est en cela intellectuel quasi-quotidiennement. En effet, le
que l'étudiant est seul, il lui manque en effet la risque de l'erreur est exclu en volonté dans toute
structuration qui lui imposait les écoles primaires société humaine, mais dans la civilisation
et secondaires. C'est un peu comme avec tout en occidentale, la réussite individuelle a pris une telle
fait, c'est une positivité pernicieuse que cette importance sur le plan social que le risque, plus
structuration, car elle se fait par un cadrage que l'erreur, est devenu en lui même un tabou,
La Flèche Du Parthe N°5 Novembre 2008

nécessairement défini d'avance. Pour faire un beau c'est la bonne vieille rengaine que l'on entend
néologisme, devenir étudiant c'est se decarcaniser après un accident; (Qu'est ce qu'il faisait dans la
par une distanciation critique. Pour être plus clair, rue à cette heure là ?) la société tend donc à
c'est penser pour soi même et non pas seulement stigmatiser ce qui va à l'encontre de la norme et la
par soi même. Celà créé une individuation qui prise de risque intellectuelle est aujourd'hui
détruit les repères antérieurs, mais elle seule devenue un acte contre la norme ce qui explique,
permet d'être une personne en complet en partie je le répète, l'hostilité latente vis à vis des
achèvement. Ce qui est permis par le choix est étudiants qui passent pour être, en partie à raison
donc la structure, la seule connaissance d'après ce que j'ai dit plus tôt, des oisifs pensants
encyclopédique étant vide de sens. Ce qui donne dans un monde ou réfléchir est quasiment devenu
14 le sens, c'est le danger de la prise de parti, celui de un luxe...
L’Étudiant(e) programmé(e) ? par Pierre Willaime

O n devient étudiant plus que l'on ne l'est! 1 Le libre-arbitre mystique


En effet, être étudiant n'est pas qu'un
statut, c'est surtout une manière d'être. Dans ce dilemme estudiantin, il y a tout
Interrogez un passant en lui demandant ce qu'est d’abord ceux qui croient (dur comme fer) au libre-
pour lui un étudiant et il y a de grandes chances
arbitre des individus. Ces personnes soutiennent
qu'il vous brosse le portrait quelque peu surréaliste
d'un jeune homme mal rasé et mal coiffé, refaisant que lorsqu’un individu fait un choix, il y a quelque
le monde avec ses amis quand il chose qui empêche ce choix d’être
n'écrase pas les grands-mères «Dieu ne joue pas un simple résultat des
avec son vel0stan. Ce aux dés» déterminations de cet individu. Un
stéréotype, tout caricatural qu'il Albert Einstein exemple de cette position peut se
est (pourquoi cet étudiant ne trouver chez Jean-Paul Sartre :
serait-il pas une femme, par exemple ?), permet de pour lui, l’homme est absolument libre. Il est
faire ressortir une caractéristique principale de même condamné à être libre (il n’a pas le choix de
l'étudiant pour le sens commun: sa liberté. Être choisir de ne pas avoir le choix). Pour que sa thèse
étudiant, c'est enfin faire des choix! Des choix soit quelque peu vraisemblable, Sartre rejette
intellectuels comme celui des études poursuivies l’inconscient freudien qu’il remplace par une
ou celui des courants de pensée adoptés comme mauvaise foi humaine. L’homme choisit parmi les
des choix de vie (faire la fête ou se plonger dans
événements de sa vie, les circonstances qu’il
les bouquins, les deux n'étant pas totalement
décidera déterminantes et, s’il subit un
incompatibles). Mais être étudiant c'est aussi le
moment où l'on s'aperçoit, qu'au fond, on n'est pas traumatisme psychologique, il l’aura choisi mais
si différent de nos parents, nos proches ; ce se cachera son choix (mauvaise foi). Une vision si
moment où l'on s'aperçoit que nos idées, qui nous extrémiste du libre-arbitre a poussé Sartre à dire
ont toujours semblé tellement nouvelles et que « nous n’avons jamais été aussi libre
tellement différentes, ne sont pas en réalité si que sous l’occupation allemande ». Cette
éloignées des idées de nos parents, amis ou position ne rejette certes pas les déterminations
professeurs. Être étudiant, c'est forcément être sociales mais elle les relègue au rang d’options
amené à réfléchir sur ce moi qui fait des choix : que l’individu choisit ou non.
n'est-il qu'un produit dérivé de mon éducation ou Dire que nous pouvons passer outre aux
m'appartient-il à moi seul? Bref, cet article prend influences de notre éducation, de notre milieu, de
prétexte de l'étudiant pour analyser la liberté ou notre expérience, . . . n’est-ce pas enlever à ces
plutôt la liberté du sens commun, c'est-à-dire le différentes déterminations ce qu’elles ont de
libre-arbitre (ou la faculté de faire ce que l'on veut,
déterminant justement ? Sartre diminue
de pouvoir choisir).
l’importance du principe de causalité (qui fait
qu’un enfant de banlieue à moins de chance de
réussir dans la vie qu’un enfant d’une famille
aisée) en érigant cette valeur du libre-arbitre
comme valeur centrale de l’homme. Tout effet a
une cause et dans les mêmes conditions la même
cause produit les mêmes effets, c’est aussi vrai
La Flèche Du Parthe N°5 Novembre 2008

pour le comportement humain, n’importe quel


politicien le sait.
On voit bien que la position sartrienne, si
elle ne manque pas de panache, ne semble pas très
réaliste. Une étude sociologique sur les choix dans
une situation donnée de différents groupes de
population met bien à mal cette position en faveur
d’un libre-arbitre qui a quelque chose de mystique
(on ne sait pas d’où il vient). Il semble alors
15
nécessaire de trouver une position qui prenne en choisir le déterminisme. Mais ce dernier n’est pas
compte à sa juste valeur le principe de causalité. pour autant exempt de critiques.

2 Le déterminisme 3 La Nécessité
mécanique
Une critique du déterminisme est
Le principe de causalité, qui est à la base l’existence de systèmes complexes. On qualifie un
de la science, a donné la position philosophique du système de complexe lorsqu’un observateur ne
nécessitarisme qui veut que tout ce qui est est peut prévoir le comportement ou l’évolution d’un
nécessaire, c’est-à-dire qu’il n’en aurait pas pu tel système par le calcul. En très résumé, un
être autrement. Le nécessitarisme, quand il est système est complexe quand il n’est pas réductible
prédictif, se confond avec le déterminisme. Pierre- à la somme des actions de ses agents. Le système
Simon Laplace[2] a affirmé le déterminisme complexe échappe à la modélisation par le calcul
universel. C’est la position inverse de celle de car il fait intervenir une autre variante : la totalité.
Jean-Paul Sartre et nous allons maintenant essayer Un exemple de système complexe est un morceau
de voir si elle est défendable. de musique. On ne peut pas analyser chaque note
Pour Laplace, tout est ou groupe de notes et dire ce
prévisible, si l’homme créait un «Einstein, groupe ou cette note va produire
ordinateur d’une puissance de calcul cessez de dire cela. L’ensemble des notes s’agence
énorme, qui pourrait avoir accès à nos et produit un résultat qui dépasse
états mentaux, au fonctionnement de à Dieu ce qu'il leur simple somme. On ne peut
notre cerveau, à tout le contexte qui doit faire ! » alors pas utiliser le réductionnisme,
nous entoure, alors cet ordinateur Niels Bohr cette conception épistémologique
pourrait prévoir nos actions. Cette idée défendue par Descartes qui vise à
est celle du démon de Laplace qu’il définit ainsi : réduire la nature complexe des choses à une
Une intelligence qui, à un instant donné, connaîtrait somme de principes fondamentaux. La seule
toutes les forces dont la nature est animée et la manière de connaître un système complexe, c’est
situation respective des êtres qui la compose em- d’en faire l’expérience. L’existence de système
brasserait dans la même formule les mouvements des complexe est un attaque envers la prévisibilité des
plus grands corps de l’univers et ceux du plus léger actes humains mais non envers la nécessité de ces
atome ; rien ne serait incertain pour elle, et l’avenir, actes. De tels systèmes nous rappellent que nous
comme le passé, serait présent à ses yeux. sommes des êtres finis mais pas que nous sommes
des êtres disposants du libre arbitre.
Prenons l’étudiant qui va manger au Une autre critique du déterminisme se
restaurant universitaire et auquel on demande s’il trouve dans la physique quantique, plus
veut du poulet ou de la dinde, ce jeune homme (ou précisement dans le principe d’incertitude
cette jeune femme) va alors marquer un temps d’Heisenberg. Si l’on en croit les spécialistes
d’arrêt, fournir un effort d’introspection personnel (comprendre les raisons d’être de ce principe est «
remarquable, et répondre disons . . . du poulet. assez » difficile pour le commun des mortels), ce
Pour Laplace, si l’on prend cet étudiant à l’instant principe démontre l’impossibilité de connaître
RU-1, c’est-à-dire juste avant qu’il ne commande avec une infinie précision et simultanément la
à manger, si l’on a accès à toutes ses position et la vitesse d’une particule massive
déterminations et à la manière dont son cerveau donnée. Ce principe laisse penser qu’il y a une
les agence, alors nous pourrions prévoir l’instant part de hasard dans la physique quantique.
La Flèche Du Parthe N°5 Novembre 2008

RU0, nous pourrions répondre à sa place . . . « du Einstein s’est fermement opposé à cette
poulet s’il-vous-plaît ». intervention du hasard dans la science et l’a fait
D’accord, cela fait peur, cela va à savoir en disant que « Dieu ne joue pas aux dés »,
l’encontre des conceptions traditionnelles de affirmation à laquelle un autre physicien quantique
l’homme comme être libre et capable de choix, Niels Bohr répondit : « Einstein, cessez de dire à
mais il faut bien avouer que ce déterminisme est Dieu ce qu’il doit faire ! »
bien plus pertinent que le libre-arbitre mystique de Ces deux critiques (auxquelles on peut
Sartre. À ce stade du raisonnement, il semble rajouter la théorie du chaos) critiquent la
qu’entre le libre-arbitre et le déterminisme, il faille possibilité de la prévisibilité des actions humaines
16
pouvait décider de se remettre au travail, jouons
donc notre rôle d’homme libre dans un monde
libre. Ce n’est pas vrai, mais ce n’est pas grave !

Références :
[1] David Hume. Enquête sur l’entendement
humain. GF, 2006.
[2] Pierre-Simon Laplace. Essai philosophique sur
Werner Heisenberg, physicien, un des les probabilités. Gauthier-Villars, 1814.
fondateur de la théorie quantique [3] Baruch Spinoza. Éthique. Flammarion, Paris,
2008.

mais ne remettent pas en cause le fait que ces


actions ne peuvent pas ne pas avoir lieu et ne sont
pas le résultat d’un choix (c’est-à-dire la
nécessité). Il semble donc que, même si le
déterminisme est critiquable, parce qu’il suppose
la prévision, la nécessité n’est pas remise en cause.
Le libre-arbitre ne semble pas être en
mesure d’être sauvé, à part si l’on redéfinit les
termes comme l’a fait Hume[1] qui fournit une
solution à notre problème en définissant liberté
comme pouvoir d’agir ou de ne pas agir selon les
déterminations de la volonté et la nécessité comme
uniformité et régularité des actions humaines.
Pour Hume, je suis libre lorsque je suis mes
déterminations. On peut aussi citer Spinoza[3]
comme défenseur de la nécessité. Pour ce penseur,
tout, dans la nature, est déterminé car Dieu existe
nécessairement et qu’il englobe tout (Éthique 1,
proposition 28). L’homme qui croit choisir ignore
les causes qui le détermine (E1, appendice). La
liberté existe, mais elle comprend, comme chez
Hume, la nécessité. En résumé, la notion
commune de libre-arbitre peut trouver une
nouvelle force dans les sciences. La connaissance
scientifique, basée sur le principe de causalité et le
mécanisme rencontre étrangement, dans ces
domaines les plus avancés (physique quantique,
mathématiques du chaos) des principes
d’incertitudes. Les défenseurs de la valeur du
choix, du libre-arbitre, de la volonté toute
puissante, ont bien sûr profité de cela. Cependant,
il semble que ces principes d’incertitudes soient
plutôt des principes d’indéterminations : ils ne
La Flèche Du Parthe N°5 Novembre 2008

remettent pas en cause la nécessité mais notre


accès à cette nécessité. Pour autant, gardons-nous
bien de proclamer haut et fort que nos choix ne
sont que des illusions, car la croyance dans le libre-
arbitre est elle-même une détermination
socialement très utile puisqu’elle garantit la
responsabilité des individus face à leurs actes.
Faisons comme si l’étudiant qui fait trop la fête
17
L'étudiant programmé ?
Par qui, par quoi ? par Astrid Schumacher

P our commencer distinguons les différent sur comment l'atteindre.


différents concepts. Par conséquent, quand on affirme que la liberté
s'oppose à la nécessité, il ne faut pas comprendre
Par exemple déterminisme a différentes qu'elle est son contraire car le contraire de la
significations mais on ne retiendra que la doctrine nécessité c'est le contingent, "ce qui peut ne pas
philosophique selon laquelle "tous les évènements être et être autrement qu'il est".
de l'univers, et en particulier les actions humaines,
sont liés d'une façon telle que les choses étant ce Maintenant en quoi s'opposent la
qu'elles sont à un moment quelconque du temps, il liberté et la nécessité?
n'y ait pour chacun des moments antérieurs ou A vrai dire je ne vois pas trop.
ultérieurs, qu'un état et un seul qui soit compatible La nécessité c'est le nom que l'on a donné au fait
avec le premier", Lalande, Vocabulaire de la que ce qui a été, a été tel qu'il a été, et que ce qui
philosophie. Ce qui veut dire, en gros, qu'il y a une est, est tel qu'il est. Certains philosophes pensent
liaison entre ce qui a été, ce même que ce qui sera est
qui est et ce qui sera et que « Nous sommes nécessaire, mais comment peut-
l'on peut expliquer comment on être sûr que queque chose
les choses sont telles qu'elles déterminés mais cela ne sera si ça n'a pas encore été? Ne
sont et non autrement. change rien à notre peut-on pas seulement affirmé
Pour nécessaire, il y a une liberté. » que les choses auront été telles
formule que l'on donne au que l'on croyait qu'elles seraient?
lycée qui est très pratique c'est "ce qui ne peut pas Mais ne nous éloignons pas du sujet.
ne pas être, ni être autrement qu'il n'est". La liberté, ou plutôt, l'homme libre, est celui qui a
Maintenant pour la liberté...pour ne pas partir dans la faculté de choisir ce qu'il veut.
tous les sens et s'embrouiller, je propose de Dire, par exemple, qu'il était nécessaire que je
prendre le sens primitif de ce terme, c'est-à-dire fasse des études littéraires parce que je préfère les
que "la liberté est l'état de celui qui fait ce qu'il lettres aux sciences ne signifie pas que je ne l'ai
veut et non ce que veut un autre; elle est l'absence pas choisi.
de contrainte étrangère", Lalande, Vocabulaire de Même si mon entourage "savait" (je le mets entre
la philosophie. guillemets car je suis de l'avis que si ça n'a pas
encore eu lieu on ne peut pas prétendre le savoir)
Ainsi le déterminisme rend compte de ce qui est que je ferais des études littéraires car ils savaient
nécessaire, ce qui est nécessaire est déterminé par que je préférais les lettres, je l'ai quand même
quelque chose. choisi.
On dit souvent que la liberté s'oppose à la Le fait qu'il y ait des raisons à mon choix ne veut
nécessité et je crois que c'est à ce moment-là que pas dire qu'elles ont valeur de cause qui entraîne
les choses ne sont plus très claires ou portent à nécessairement un effet.
ambiguïté... Si mes parents avaient décidé que je ferais des
Déjà il faut distinguer opposé et contraire. études littéraires alors ça n'aurait pas été mon
"p" et "non p" sont contraires, par exemple, si on choix (même si j'aurais été d'accord) mais le leur.
La Flèche Du Parthe N°5 Novembre 2008

dit que la porte est ouverte et qu'elle est fermée Dans ce cas seulement, où une volonté étrangère à
c'est contradictoire. la mienne décide pour moi, je ne choisis pas car je
Par contre, quand on s'oppose à quelqu'un au sujet subie une contrainte extérieure.
de quelque chose cela ne veut pas dire que l'on
défend nécessairement l'avis contraire car si notre Maintenant qu'entendre par contrainte
avis était contraire, il n'aurait même pas la même extérieure?
fin comme les deux points de vue n'auraient rien Je crois que l'erreur qui peut être commise c'est d'y
en commun, or quand on s'oppose, en politique par voir n'importe quelle forme, comme le
exemple, on a le même but mais un point de vue déterminisme.
18
Car en effet nous sommes déterminés par de toujours notre liberté d'action.
nombreux facteurs (et peut-être même une Sinon, en effet, défendre la thèse que nous
infinité), comme le milieu, la société, notre sommes absolument libre a des faiblesses car nous
éducation, notre passé...mais cela ne nous hôte pas avons des déterminations mais peut-être, si avec le
notre liberté. temps nous nous connaissons de mieux en mieux
et arrivons à savoir ce qui nous détermine,
« Nous avons toujours notre pouvons approcher de cette liberté absolue mais
liberté de penser » on n'en ferait qu'approcher car même si on sait ce
qui nous détermine pourquoi aller contre? Car si
ça nous détermine cela veut dire que ça nous
Imaginons que nous soyons indéterminés, qui touche.
serions-nous? Tout serait possible et nous Prenons comme exemple un morceau de musique.
n'aurions aucune préférence, nous ne serions donc Il me déterminera peut-être à pleurer et laissera
personne. mon voisin indifférent.
De toute façon on parle plutôt de déterminisme Supposons qu'avant d'aller à ce concert je me
dans les sciences dures où une cause aura toujours doute que je vais pleurer car on va jouer le
le même effet mais peut-on parler de cause et Requiem de Mozart, pourquoi m'empêcherais-je
d'effet pour les être humains? Des êtres alors de pleurer?
essentiellement imprévisibles car on ne peut savoir Une liberté absolue ne doit pas devenir de
tout ce qui les détermine. l'indifférence. On ne doit pas faire telle ou telle
Parler de cause et d'effet est dangereux car il n'y a chose juste pour se prouver que nous avons le
absolument pas la même probabilité que je me choix de le faire!
brûle en mettant ma main au feu et que demain La liberté doit toujours rester l'occasion à l'homme
j'aille me promener dans la forêt. de se découvrir et de s'apprendre et non de faire de
Et ce qui entraînera avec une même "cause" tel lui-même quelque chose qui se voudrait tout-
"effet" pour l'un, entraînera un autre "effet" pour puissant et qui pourrait indifféremment choisir
l'autre. On ne peut pas parler de cause et d'effet en telle ou telle chose.
ce qui concerne l'être humain (d'ailleurs même en
sciences on peut remettre ce système en cause Pour finir...
avec le principe d'Heisenberg, voir article Pierre J'ai sûrement oublié beaucoup de choses et ce qui
Willaime). devait faire une réponse à l'article de Pierre
De toute façon il est impossible de savoir tout ce Willaime n'en est peut-être pas vraiment une car je
qui nous détermine. ne crois pas avoir répondu à tout...Tant pis.
Ainsi nous sommes déterminés mais cela ne Je tenais juste à faire voir une autre vision des
change rien à notre liberté. choses, dans laquelle notre liberté est bien réelle.
Celle de penser existe toujours (même si elle peut
Au sujet de Sartre... être influencée bien évidemment) à moins qu'un
Son affirmation selon laquelle "nous n'avons jour quelque chose puisse contrôler nos pensées.
jamais été aussi libre que sous l'occupation Par contre pour celle d'action, en effet, comme
allemande" ne doit pas être mal comprise. l'action est toujours extérieure elle est en rapport
On se doute bien que sous la torture, par avec des choses que nous ne contrôlons pas
exemple, on n'est pas libre de refuser de donner forcément..."
des informations.
A mon avis ce que Sartre veut nous faire
comprendre c'est que nous avons toujours notre
La Flèche Du Parthe N°5 Novembre 2008

liberté de penser, et qu'elle apparaît encore mieux


quand nous pensons différemment de la société
qui nous entoure ou du régime dans lequel on vit.
Bien sûr il ne faut pas confondre liberté de penser
et liberté d'action.
Notre liberté peut prendre ces deux formes (peut-
être d'autres aussi).
Ainsi pendant l'occupation nous avions
effectivement notre liberté de penser mais pas
19
Le triomphe de l'homme-outil :
AG et aliénation volontaire.
par Cyril Salliot

L 'an passé, la fac a été bloquée pendant une d'échange, de discussion et surtout d'information.
longue période, et on nous a vendu cela En réalité, elle n'est rien de tout ça. Une AG est
comme le triomphe de l'individu libre qui manifestement un lieu de critique, mais la critique
se rapproprie son existence et retrouve sa valeur qu'on y trouve est au final le contraire de la
dans un conflit face à un gouvernement aliénant, critique : elle est dogmatisme. Leur critique est
conflit dans lequel, merveilleux prodige, étudiants dogmatique dans ce sens qu'ils retirent certains
et syndicalistes « réinventèrent la lutte sociale, objets du champ de la critique : eux, l'AG, leur
réinventèrent la gauche, réinventèrent la action, le blocage, etc. Les seuls objets à critiquer
démocratie. » Aujourd'hui qu'on a tous assez de sont la loi, le gouvernement, l’utilisation des CRS
recul sur les évènements, je pense que chacun sera
(dans un parallèle au
en mesure de voir à
fascisme, à la
quel point tout cela «Sur le papier, une assemblée collaboration et au
n'était qu'auto-
mystification et générale est quelque chose de nazisme glissé par ce
manipulations formidable : un lieu de réflexion, mot qui est loin
honteuses,
chacun verra que le
que
d'échange, de discussion et surtout d’être innocent ou
fortuit : « milice »),
triomphe auquel on d'information. En réalité, elle n'est et c'est tout. Et celui
a tous assisté n'était rien de tout ça. Une AG est qui ose les juger,
que le triomphe de même en toute
l'homme-outil, de manifestement un lieu de critique, objectivité, se
l'individu aliéné et mais la critique qu'on y trouve est au retrouve stigmatisé,
qui trouve dans son
aliénation son final le contraire de la critique : elle hué, désigné comme
ennemi. Car celui
degré le plus haut est dogmatisme. » qui remet le blocage
d'existence.
Comme ils l'on en cause est
affirmé lors de l'AG du 27 novembre 2007, forcément un « allié de Sarko », et par là, quoi
l'objectif principal des syndicats ici, auquel sont qu'il dise, ne peut plus avoir aucun poids dans les
subordonnés tous les objectifs particuliers (comme discussions. On voit ici une des autres raisons qui
faire abroger un projet de loi) consiste à aider font que la réflexion y est absente, raison simple
l'individu à réfléchir, à être critique. Agir pour qui transparaît à travers tous leurs discours : à
l’individu, pour lui redonner sa place dans la partir du moment où l'AG est organisée, il n'est
société et lui faire réinvestir son existence, agir plus question de penser, mais de lancer une action
pour développer en lui sa pensée autonome et sa dans laquelle l'être humain est écrasé, détruit. ils
puissance critique, l’arracher à la condition usent eux-même à chaque assemblée d’un discours
d’esclave aliéné et docile dans laquelle, disent-ils, guerrier. Il s’agit de vaincre à tout prix et
le gouvernement souhaiterait les plonger et d’avancer sur l’ennemi sans reculer jamais. Or,
maintenir pour remettre entre ses mains ses
tout le monde le sait, le temps de la guerre n’est
pleines capacités à agir pour lui et à se défendre
face à l’oppression. Amener l’individu à penser. pas un temps de réflexion. Ce n’est pas un temps
Voilà ce qu’il disent chercher à faire. Pourtant, où on peut cultiver son individualité et essayer de
La Flèche Du Parthe N°5 Novembre 2008

quand on les observe faire, on ne voit pas du tout se tirer vers le haut. C’est juste un temps
comment il peuvent espérer arriver à ces résultats d’urgence panique où il faut choisir son camp et
car toutes leurs actions et discours n'ont qu'un seul s’élancer en avant. Difficile d’amener les gens à
effet : détruire la pensée critique, réduire l'individu réfléchir quand on use d’une rhétorique martiale
qu'ils ont en face d'eux et à qui ils s'adressent. Ce qui parle au coeur et vise à galvaniser et à
décalage, ce fossé, ce paradoxe, se retrouve tout encourager, et place la cohésion et l’esprit de
entier et dans toute sa mesure dans les AG. groupe avant l’individu et son esprit critique qui
n’ont pas leur place dans le lieu du conflit et de
Sur le papier, une assemblée générale est l’assemblée. Ces mots du domaine militaires
quelque chose de formidable : un lieu de réflexion, qu’ils utilisent sont bien plus que des procédés de
20
rhétorique, ils permettent de savoir comment ils foutre le gouvernement qu’on n'ait pas de note. Il
voient la situation et leurs actions, leurs discours en a rien à faire. On bloque, là ça le fait chier, là
sont leur point de vue particulier qu’ils tentent de on a du poids. » Et pour appuyer ce refus
faire partager à tous ceux qui les écoutent. Ils catégorique, on nous redonne l’exemple des
voient cette situation comme une situation de cheminots : les cheminots bloquent les activités
guerre, leurs blocage et manifestations comme des sur leur lieu de travail, ça énerve le gouvernement,
batailles. Les étudiants ont dans cette affaire un et il négocie. Alors nous, étudiants, on fait pareil.
rôle bien limité : conquérir ou périr, en ayant une Il ne faut pas deux minutes pour comprendre que
connaissance assez vague de tout ce qui se passe et ce raisonnement ne tient pas la route.
de leur rôle. Les deux seules choses qu’ils savent Les cheminots bloquent le trafic, pourquoi ? Parce
clairement, c’est qu’ils sont ceux qui ont raison que de leur activité dépend la poursuite de
parce que c’est ce qu’on leur répète tout le temps nombreuses autres : des gens doivent prendre le
et l’action qu’ils doivent mener. Une fois les train pour se rendre à leur lieu de travail, des
évènements passés, ils n’en savent pas d’avantage marchandises être transportées en train, et tout
si ce n’est l’issue du conflit. Autrement dit, cela cela crée un vaste manque à gagner et paralyse au
n’a été pour eux que pure perte. bout d’un moment nombre d’activité. Voilà
comment se comprend le blocage des cheminots.
Forcément aussi, du coup, l'AG ne peut Mais le blocage d’un campus est
plus être ce lieu de discussion et d'échange qu'elle INCOMPREHENSIBLE. Il ne dérange aucune
activité. Peut-être les
restaurants universitaires voient
défiler moins de monde, mais
c’est tout. Pire, l'individu étant
dans la rue, il a plus de chances
de faire marcher les
commerces. En réalité, s'ils
bloquent le campus, ce n'est
que parce qu'ils savent que leur
action n'est que de faible
importance et intérêt et qu'ils
savent qu'elle est en partie
infondée, parce que eux-même
avouent que si la fac n'était pas
bloquée ils iraient en cours :
preuve de leur manque de
conviction. Ils savent qu'ainsi,
personne ne va en cours et que
ceux qui s'ennuient peuvent se
dire : « tiens, si j'allais
manifester ». Ils appellent ça le
prétend être, puisque la parole de celui qui critique pouvoir de mobilisation. À travers ce pouvoir de
ce qui se fait devant lui devient inconséquente, elle mobilisation, l'individu est objectivé, il est nié en
peut être présente, mais personne ne prendra la tant qu'individu et ne trouve plus de valeur qu'en
peine de l'écouter et de la prendre en compte : tous tant qu'unité numéraire, qu'en tant qu'il est un
ceux qui sont là ont déjà une position de départ, et chiffre : jeté dans l'espace de la rue, il ne sert plus
La Flèche Du Parthe N°5 Novembre 2008

rien ne les en fera changer. On se demande alors : qu'à quantifier leur pouvoir, voilà pourquoi à
« à quoi bon faire ces réunions ? » Si on dit ne pas chaque fois les autorités comptent à la baisse et les
être d'accord avec le blocage et la manifestation, syndicats à la hausse. Cet outil est plus vicieux
ils demandent une proposition, et la rejettent encore, car il leur permet de mettre au nombre de
ensuite en deux mots sans prendre la peine de se ceux qui les soutiennent ceux qui en réalité
pencher dessus, en avançant des arguments d'une réprouvent leur action, du simple fait qu'ils ne sont
stupidité effarante : quelqu'un proposa de pas là pour les contredire, qu'ils ne sont pas en
continuer à faire cours, mais de geler les notes. Pas cours.
de partiels. Réponse : « qu’est-ce qu’il en a à 21
Ils présentent aussi l'AG non seulement _ entourée d’un halo de fantasmes et de peurs non
comme un lieu d'information, mais comme le seul basés sur des faits.
lieu valable d'information, tant et si bien qu'ils _ ou encore absolument fausse (lorsqu'ils ont fait
considèrent que ceux qui n'y assistent pas ne leurs votes, ils ont affirmé que 60% de la fac était
peuvent participer aux votes car ils ne peuvent dès pour le blocage. Or, ils étaient pas même 20% des
lors juger en connaissance de effectifs totaux à avoir voté. Je
cause. Du coup, ils excluent un vous laisse faire le calcul, mais
grand nombre de personnes du un tel vote ne peut être pris en
vote : ceux qui ont refusé de les compte. Peut-être est-ce cela, la
écouter parler pendant des réinvention de la démocratie :
heures, souvent qui sont contre un simple retour à la démocratie
leur action, et ceux qui populaire)
préfèrent s'informer ailleurs que Ainsi, le lieu qui se donne pour
dans les AG (mais oui, c'est être le lieu de la vérité est au
possible !). Le seul soucis, c'est contraire le lieu où sont distillés
qu'une AG n'est pas un lieu et concentrés les mensonges, au
d'information, mais de moins par omission. Espèrent-ils
propagande, ce qui tend à me nous aider à penser et nous
faire dire que ceux qui rendre autonomes ainsi ?
devraient voter sont justement ceux qui les fuient. Un mensonge est toujours utilisé pour tromper
En effet, l’information est le compte rendu des celui à qui on ment, afin qu'il agisse comme on le
faits dans le seul but d’informer, de rendre compte voudrait, c'est à dire pour manipuler, pour que
de ce qui ce passe à un certain moment à un l'autre pense ou fasse ce que jamais il n'aurait
certain endroit, de ce qui s’est dit, écrit ou préparé. pensé ou fait sans cette intervention ou en ayant
Cette information accès à la vérité. En
nécessite d’être connaissance de
basée sur des
« elle ne peut plus être ce lieu de cause, le menteur
faits. Et dans le discussion et d'échange qu'elle prétend aliène donc l'autre
seul but être, puisque la parole de celui qui à sa volonté en en
d’informer. Mais faisant le support.
dans ces critique ce qui se fait devant lui devient L'autre alors agit de
assemblées, le but inconséquente, elle peut être présente, manière
n’est en aucun mais personne ne prendra la peine de hétéronome, il
cas d’informer, devient un outil qui
mais bel et bien l'écouter et de la prendre en compte [...] permet de
de lever les On se demande alors : « à quoi bon quantifier le
troupes et de les faire ces réunions ? »» pouvoir du
galvaniser, de menteur. Pourquoi
faire en sorte à ce mentent les
que les esprits puis les corps aillent dans le sens syndicalistes ? Parce que la vérité joue contre eux,
désiré. Cela n’est plus de l’information. Mais bel parce qu'ils savent que leur action est au moins en
et bien de la propagande. Le but visé est de partie infondée et que les étudiants y réfléchiraient
produire un effet qui dépasse de loin la simple à deux fois avant de les suivre s'ils avaient accès à
information et qui ne peut être atteint avec une toutes les informations. Son existence n’est plus
La Flèche Du Parthe N°5 Novembre 2008

information épurée de toute rhétorique et de la que l’aune du pouvoir exercé sur et en lui. Il est
communication d’un avis tranché, péremptoire et littéralement nié, prêt à être exploité et jeté après.
qu’il faut à tout prix accepter. Leurs
« informations » sont : On me rétorquera que ce que je viens de
_coupée de tout contexte explicatif, permettant dire, et les autres choses que je n'ai pas pu intégrer
ainsi de la faire recevoir de la manière souhaitée au texte, sont évidentes. Mais qu'est-ce que
soit pour dénoncer soit pour flatter. l'évidence si ce n'est cette vérité de tout temps
_ simplement partielle en elle-même, et donc disponible, à portée de main, mais qu'on ne peut
forcément, partiale, puisque la partie qu'on oublie voir qu'à partir du moment où quelqu'un a pris sur
de donner est celle qui ne va pas dans notre sens. lui de la pointer du doigt ? Si on s'accorde là
22
dessus alors oui, je n'ai dit que des évidences, mais la question n'est pas là. Car maintenant qu'elles sont
claires pour tout le monde (au moins je l'espère) il faut savoir ce qu'on en fait. Je ne suis pas là pour dire
aux uns et aux autres ce qu'ils doivent faire, c'est à chacun d'en décider pour lui, je me suis juste contenté
de commencer à montrer les limites et les dangers d'un outil auquel on se reporte trop souvent (à chacun
ensuite de poursuivre ou non) et avec trop peu de réflexion afin que :
_ peut-être ceux qui les ont utilisé décident soit de les modifier (et il est impérieux de le faire !), soit de
modifier ce qu'ils présentent comme étant leurs objectifs, car les deux ne peuvent coexister. Prétendre
changer la démocratie et la lutte, ce n'est pas manipuler l'individu et l'abrutir pour le sortir d'un autre
abrutissement, ce n'est pas dénoncer les méthodes du gouvernement pour les utiliser dans son ombre. Ce
n'est pas changer le pouvoir de main, c'est trouver de nouvelles manières de l'exercer, or, ça, quoi qu'ils
en disent, nos syndicats en sont incapables. S'ils veulent rester crédibles et cohérents, il faut soit qu'ils
changent leurs méthodes, soit qu'ils disent clairement que tout ce qu'ils veulent, c'est exploiter l'individu
à toutes fins utiles, non pas agir pour lui mais à travers lui. Abandonner cette prétention à nous rendre
plus critiques, à nous aider à réfléchir, car eux-même, de toute évidence, en sont incapables puisqu'ils ne
peuvent pas faire preuve d'assez de lucidité quant à leurs actions.
_ que ceux qui les ont suivi, quand ils viendront à les suivre de nouveau, le fassent s'ils le veulent, mais
sans être dupes de ce qui se passe, en faisant la part de ce qui est sérieux et acceptable, et de ce qui tend à
annihiler leur pensée critique et à les nier en tant que personne, à les réduire à une voix, à un non, à une
présence vide, purement numéraire, dans une rue, bref à les réduire à un outil en effaçant le plus
important, ce que l'on a pas le droit de détruire ou d'effacer et de mettre au second plan quelle que soit la
cause que l'on défend : l'individu lui-même. Car il faut savoir que les suivre se fait forcément, en l'état
actuel des choses, au détriment de qui et de ce qu'on est. Les actions « politiques » à la fac n'ont jusqu'à
présent rien eu de révolutionnaire, de novateur, et elles n'eurent comme effet sur les étudiants qu'un
dangereux accroissement de leur amour propre et la multiplication de graves illusions. Notre devoir à
tous aujourd’hui est d’apprendre à distinguer notre amour propre, l’autosatisfaction, et l’individu que
nous sommes, et bien comprendre que le développement du premier ne peut que provoquer le recul et
l’avilissement du second.

« Je ne suis pas là pour dire aux uns et aux autres ce qu'ils


doivent faire, c'est à chacun d'en décider pour lui, je me suis
juste contenté de commencer à montrer les limites et les dangers
d'un outil auquel on se reporte trop souvent et avec trop peu de
réflexion. »
La Flèche Du Parthe N°5 Novembre 2008

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Vis comme avis
par Julia Vallet

Décidé,
sans le vouloir tu parts,
le train de la vie
t’emporte et te porte.
Précipité,
sans le savoir tu vires
volte, face et danses.
Excité,
la cadence de la vie
brûle le mystère futur.
Fatigué,
l’avenir ne se comprend pas.
Il se décide.

Echanges de ruines
ruminent et te noient.
La conscience du passé
est trouble et te trouble.
Désorienté,
les souvenirs t’assomment.

Ton insouciance dépassé,


tu plonges dans le coma du désespoir.
Amarré à la jetée du passé
qui n’a jamais supporté la Galère du [présent.
La violence du flot de tes souvenirs
met en danger la sécurité de ton navire.

Accroché à un avenir imaginaire,


idéalisé.
Tes yeux se bornent
à une seule réalité.
« la cadence de Limité de contrariétés
la vie Tu te fermes.
brûle le mystère
Plus d’alternative,
futur. » la ligne du futur
s’est transformé doucement
en un point.
Sa voie d’accès
Changé à sens unique.
La Flèche Du Parthe N°5 Novembre 2008

Attaché à des croyances


erronées et trompeuses.
Tu juges et ne te questionnes.
Tu vacilles et te perd
dans le labyrinthe infini
de tes pensées arrêtées.

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Le présent seul
est dur et dure,
le reste n’est rien.
Joies et tristesses passées
Effacées,
Désirs et angoisses futures
Illusoires.

L’avenir vaste
mais restreint.
T’offre toutes ses possibilités.
le présent
ne doit en élire qu’une.
Le choix de ta vie.

Cette décision si difficile


qui peut donner à ton existence
sa dimension de regret
le sentiment de perdre son temps
sauf que cela ne signifie rien.
Ta vie se trouve dans l’instant.

Prend appui sur ton passé


Ne le laisse pas t’inonder
Regarde le futur comme possibilité
Ne te laisse pas assombrir par de faux [espoirs
Le présent alors sera ta vie.
Et te portera vers tes fins.

Entre le passé et l’avenir…

Dans ce passé et cet avenir

Au creux de ces mouvements insaisissables…

Le temps n’espère pas…

Seule la mémoire sait attendre…

Seule la conscience sait prévoir…

Retarde ton choix…

Il viendra, il est là…

Patiente tant que tu voudras…


La Flèche Du Parthe N°5 Novembre 2008

Tu ne peux échapper…

Tu ne peux même pas fuir…

Tu ne peux que vivre…


Dans le présent.

En fonction de ton passé… 25


En vue de ton futur…
Vu de haut
« Mais tu veux regarder plus haut. Voir au dessus de toutes ces
têtes. Comprendre et grandir toujours. Tout ça pour te rendre
compte que tu es comme tout le monde, que tu es le monde, à ta
manière. »
par Julia Vallet

É
coute-les rire, regarde-les vivre. Tu te rendras compte que le flot t’emporte. Incontrôlable, il
t’enveloppe. Il t’embrasse, te pousse et t’aspire… Tu subits ses mouvements. Tu maîtrises les
distances. Tu apprends à nager parmi la foule. Mais tu veux regarder plus haut. Voir au dessus de
toutes ces têtes. Comprendre et grandir toujours. Tout ça pour te rendre compte que tu es comme tout le
monde, que tu es le monde, à ta manière. Tu veux pouvoir te détacher du temps qui t’étouffe. Ce temps
qui passe sur toi, te sculpte, comme les mouvements de l’eau qui, inlassablement polissent et rongent les
galets. Mais tu n’y parviens pas…
Tu vois cette montagne, imposante et puissante de sa force muette. Ici depuis des millions
d’années, petit à petit elle a poussé. Elle est devenue belle et admirable. Pure, simple, merveilleuse elle
ne cesse de s’imposer. Elle ne fait qu’un avec la terre. Indissociable du tout, hors de notre temps, nos vies
la traversent. Elle nous regarde de toute sa hauteur. Elle ne fait aucune différence. Elle voit cette masse
de vie, cette masse de gens, leur évolution commune. Leur progrès et leur destruction, mais le silence
règne. Le silence du monde. Celui que nous ne voulons comprendre. Ce silence si vrai qu’il nous
échappe.
Toi tu veux monter, grimper, escalader cette immensité. Tu veux voir par ses yeux, entendre les
innombrables sons de la nature. En elle, perché au sommet, tu scrutes l’horizon. Par elle tu observes de
l’extérieur ces vies intérieur. Attiré vers le vide, tu voudrais plonger, sauter, t’envoler. Etre plus haut
encore. Te fondre dans le ciel. Un profond changement s’opère en toi. Cette vision globale que tu n’as
jamais pris l’habitude d’avoir te pousse à reconnaître que tu n’es rien comparé au vaste monde qui
grouille avec toi. La vu qui s’offre à toi, cette beauté qui refuse l’accès aux mots t’immerges dans
l’ineffable. Tu profites, le vent te soulève, tu t’imagines loin d’ici. Loin de tous ces semblants. Loin de
cette apparente distinction. Loin de ta vie… pour te dissoudre dans le monde.
La Flèche Du Parthe N°5 Novembre 2008

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Musique Portishead – Third
par Benjamin Racine

«En un mot c'est un album « parfait », rien ne déborde,


tout est à sa place»

U ne chose que j'aime en musique, c'est la l'album : oppressant, inquiétant, sombre,


surprise, l'étonnement, l'inattendu... pas délicieusement malsain, bref on retrouve là
nécessairement l'originalité, mais plutôt l'univers de Portishead dans toute sa splendeur,
le fait d'écouter quelque chose à laquelle je ne mais exacerbé par ce petit je ne sais quoi qui
m'attend pas. Quand j'ai entendu parler d'un tranche avec les albums précédents. Un rythme
nouvel album de Portishead (sorti en fin d'année hypnotique de batterie sur les toms, une basse
scolaire, en pleine période de révisions et de rauque, un violoncelle dégoulinant, et une guitare
partiels que les étudiants affectionnent tant), je n'ai saturée lançant des notes dans un delay relayant
pu m'empêcher d'avoir un certain a priori une harmonie dissonante et plombante jusqu'au
concernant cet opus : « Portishead » et
break ou rentre en jeu la voix de Beth Gibbons,
« Dummy » sont deux bons albums (et le live à
New York avec orchestre est somptueux), mais on toujours aussi fragile, écorché, mais terriblement
sentait que le groupe commençait à avoir fait le expressive. Tous les éléments sont donnés, le
tour de la question du trip-hop portisheadesque : morceau n'a plus qu'a monter jusqu'au climax
mêmes ambiances, mêmes instrumentalisations, prenant de court l'auditeur et qui l'arrache avec
mêmes boîtes à rythmes bref, je ne pouvais m'ôter violence de son moment d'hébétude.
cette idée de la tête que ce Third pourrait faire Hunter ensuite, propose une ballade d'une
redondance. lenteur de plomb et aux
Heureusement je
me trompai lourdement et
«oppressant, inquiétant, accords rappelant certains
morceaux de Robert Wyatt.
je me rendis compte de sombre, délicieusement Un mauvais rêve d'hiver...
mon erreur dès la première malsain, ... l'univers de Une ambiance de coton,
seconde de la première mystérieuse, nous englobe,
piste qui me donna l'envie Portishead dans toute sa entrecoupée par des breaks
compulsive de repartir avec splendeur» inquiétants, suintants. On est
l'album pour l'écouter dans loin du schéma « boîte à
les meilleurs conditions possibles. L'achat rythme crade tout du long » des premiers albums.
effectué, je m'empressai de mettre le CD et de Le morceau plonge de plus en plus dans les
monter le son, ce qui eut pour effet immédiat de abysses se terminant par l'ajout d'un arpège de
me faire esquisser un large sourire de plaisir guitare venant de nulle part.
musicale. Je pris en effet une grande leçon de Nylon Smile est dans la même veine que
musique. Silence, une batterie au son vieillis donnant une
Cet album n'a rien de redondant et ne pulse hypnotique aux instruments posant une
ressemble en rien aux albums précédents (tout du ambiance parfaitement maîtrisée. Peu de notes,
moins d'un point de vue strictement musical), il seulement celles qui collent parfaitement à
indique clairement une progression de la part du l'ostinato de guitare inversé et au chant envoutant.
groupe. C'est le genre d'album « de la maturité », The Rip, une surprise. Le morceau
sans doute un magnum opus, il est à Portishead ce commence par une suite d'arpège au banjo,
que le diptyque Kid A et Amnesiac est à instrument peu probable sur un album de trip-hop
La Flèche Du Parthe N°5 Novembre 2008

Radiohead : une évolution, une œuvre majeur qui (et pourtant...), posant le fondement harmonique
fait passer le reste pour du bricolage (j'exagère à du morceau, aidé de quelques notes de guitares et
peine). En un mot c'est un album « parfait », rien de theremin, jusqu'à l'entrée de la batterie et d'un
ne déborde, tout est à sa place, tout n'est que pure fondu enchaîné sur un synthé remplaçant le banjo,
nécessité. Mais passons à une étude plus détaillée faisant basculé le tout dans un univers plus
de l'album. électronique et qui donne un caractère de contraste
La première piste, Silence, donne le ton de anachronique avec le banjo, aidé par le son

27
chaleureux de la synthèse analogique. d'éléments, mais placés aux bons moments, tout
Plastic, l'un de mes préférés. Des breaks de est au service du morceau et du rendu global.
batterie hachés façon robot, des sons d'une qualité Voilà présentée de manière très rapide ce
extraordinaire, au service d'une ambiance des plus dernier album de Portishead, qui est sans doute
glauques, une basse des plus rondes comme on en l'Album de l'année 2008, en tant qu'il est à la fois
fait rarement, bref, un bijou. dense, surprenant, impressionnant même, riche,
We Carry On, un morceau d'hallucination travaillé etc... Cela faisait des années que l'on
au rythme de batterie envoutant, a la basse n'avait plus de nouvel de Portishead, on les pensait
distordu et hypnotique et ce son aigu qui fascine. morts (artistiquement), vidés de leur substance
Des accords de guitares d'une jouissive dissonance créatrice, et les voilà qu'ils nous servent un Album
viennent renforcé le tout, avec le renfort de la voix digne de ce nom, un bijou de perfection qui
de Beth Gibbons. Arrive ensuite un riff de guitare vieillira sans doute comme étant un classique de
qui ressemble plus à du Sonic Youth que le ce début de 21ème siècle, tant il reflète avec une
Portishead dont on avait l'habitude. Un grand bouleversante fidélité les troubles de notre époque.
moment d'autisme musical, on atteint rarement ce
niveau d'oppression en musique.
Deep Water, la bouffée d'air frais dans
l'univers tordu de Third. Un ukulélé et une voix.
On est de premier abord surpris par ce choix qui
ressemble peu à Portishead, mais on se laisse
porter avec douceur par la voix de Beth, à laquelle
répond des chœurs sortis tout droit des années 40,
élément complètement inattendu.
Machine Gun, le morceau promotionnel.
Une boîte à rythme aux accents militaires de
mitraillette (d'où le titre) et de la voix. Pas besoin
de plus, on se laisse emporter jusqu'au break où la
voix laisse place à un synthé montant et une basse
électronique complètement distordu précédent
l'arrivée d'un pad (type de son de synthé) très
années 80 tout en puissance qui pour le coup ne
sonne pas du tout kitch mais délicieusement froid.
Small, une autre ballade, aux allures
douces pour ce qui est du début, jusqu'au pont où
l'entrée d'un orgue très sixties (rappelant le son des
premiers albums du Floyd) et d'une guitare folle
change totalement la donne. On aurait plus
l'impression d'un mauvais trip d'acide avec les
Doors que du trip-hop conventionnel. Une fois de
plus, on remarquera l'excellent travail qui a été fait
sur les sons.
Magic Doors, pour moi l'un des plus beau
morceau de l'album. Un couplet à la basse
coulante et au rythme de batterie haché portant un
hurdy gurdy et le chant de Beth. Un refrain sur des
La Flèche Du Parthe N°5 Novembre 2008

accords plaqués au Rhodes et un break avec un


solo de sax basse dissonant. Peu de choses mais si
bien ordonnées, je ne trouve rien à y redire.
Enfin, Threads, morceau lent à
l'atmosphère étrange qu'une note tenue au
violoncelle vient renforcer en donnant l'impression
d'un acouphène obsédant. Encore une fois, peu

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- Sucrerie - par Louis Ramos-Ibanez

B ergamote, Bergamote.

d’habitude tu es sèche
de prémisses
accomplies.

Bergamote, Bergamote.
d’aventure et de plus belle
Enveloppée de toute part … Tu te perds, ensevelie.
… fort perplexe je te cherche.
Je te croque
Bergamote, Bergamote. aïe, tu cris
d’habitude tu es rêche ‘s’il te plait
je t’en pris !’
Encerclée de remparts …
… trop complexe je me vexe.
Bergamote, Bergamote.
Bergamote, Bergamote. d’aventure en haleine
d’aventure tu t’émèches tu succombes étourdie.
exaltée, tu me suis !
Je te lèche et
Je t’embrasse mmmmh tu jouis
tu souris d’un splendide
d’un extase trop exquis.
en sursis.
Bergamote, Bergamote.
Bergamote, Bergamote. s’il te plait, je t’en pris
d’aventure tu t’effrayes épuisé, je te prie
des ardeurs sans répit.
Maintenant c’est fini !
Je te suce
ouh, tu ris

La Flèche Du Parthe N°5 Novembre 2008

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Espace (double) détente
de Pierre Decoup

D e manière générale, un bon moyen de minimiser les risques de dire des sottises lorsqu'on traite
d'un sujet quelconque consiste à commencer par définir avec précision ledit sujet. Hélas, une
pagination malheureuse
ayant relégué cet article en fin de
journal, le critique attentif aura sans
doute remarqué à la lecture des
articles précédents que le mal est
déjà fait. Néanmoins, une certaine
exigence de rigueur alliée à un non
moins certain idéal écologiste me
poussent à révéler, quoique a
posteriori, le moyen qui aurait
permis de faire l'économie des pages
1 à X de ce journal.
La logique étant par excellence
l'alliance de la rigueur et de
l'économie de moyens, la définition
de l'étudiant proposée ci-après
empruntera donc sa forme à cette
science des opérations valides de
l'esprit. Toutefois, conscient du fait
que cet article peut aussi s'offrir à un
public dans une certaine indigence
conceptuelle, - autrement dit : un
public non philosophe, un effort
soutenu sera fait pour réserver une
grande part aux exemplifications imagées, - ce dont je m'excuse d'avance auprès de mes pairs.

Ainsi donc, j'expose mon propos :


On dit de la substance notée "X" qu'elle est un étudiant si et seulement si
1) X est un enthousiaste.
Emprunt d'une certaine naïveté bien naturelle à cet âge de la vie, notre étudiant nourrit l'espoir un peu fou
que tout est encore possible en ce qui concerne sa corporéité, et ce, nonobstant les ornières
comportementales fangeuses dans lesquelles son quotidien l'a enlisé. Ainsi, pour prévenir une éventuelle
et par trop brutale déception, point ne me paraît superflu de livrer à cet étudiant tout gonflé de bonnes
résolution, ce conte philosophique ancestral rappelant les inéluctables effets secondaires indésirables
frappant la misérable condition humaine.
En ce 1er janvier, Marcel, étudiant à la faculté de Laitres décide de changer complètement de mode de
vie pour augmenter son espérance de vie, bien mise à mal il faut le dire par sa vie de débauché. Ainsi, il
se soumet à un régime strict, se lève le matin, fait de la course à pieds, de la natation et prend des bains
de soleil. En quelques mois, Marcel a perdu 10 kilos, réduit d'autant son tour de taille, et développé
dangereusement ses pectoraux. Mince et bronzé, (car l'été fut chaud cet hiver là), Marcel décide de
La Flèche Du Parthe N°5 Novembre 2008

parfaire ce miracle en s'offrant une nouvelle coupe de cheveux.


Mais au sortir du coiffeur, Marcel manque de trépasser sous les roues d'un bus lancé à toute vibrure.
Blessé, prostré dans le mince couloir de bus, Marcel n'a que la force de lever le poing vers le ciel et de
s'écrier : " Dieu, comment as-tu pu me faire ça à moi!"
Et une voix venue des cieux lui répond : " Désolé Marcel, je ne t'avais pas reconnu."

Faisant peu de cas de la querelle entre l'optimiste, qui pense que ce conte illustre le fait que nous vivons
dans le meilleurs des mondes possibles, et le pessimiste, qui craint que ce soit le cas, passons à la suite de
la définition :
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2) X est un débiteur de l'extrême.
Disant cela, certains pourraient croire que ce qui se trouve ainsi pointé du doigt n'est autre que le cordon
d'une bourse estudiantine, et sa fâcheuse tendance à être aussi lâche que ne le sont les lacets de leurs
traîne-savates de propriétaires. Or, en matière pécuniaire, l'étudiant est capable de prouesses qui, parfois,
confinent au génie : n'est-ce pas à lui que l'on doit le principe fondamental d'économie, par ailleurs
appliqué avec tant de succès sur les places financières du monde entier, et s'énonçant "Tant que j'ai pas
remboursé tout ce que je dois, je peux toujours le dépenser." ? Et s'il fallait une preuve de l'existence
d'une telle vertu économique parmi les membres de la future classe laborieuse, ce fait rapporté de source
sûre y satisferait pleinement.
Des voleurs font irruption dans une banque, menacent de leurs armes les clients et le personnel, les
alignent contre le mur et commencent à prendre leurs portefeuilles, montres et bijoux. C'est bientôt le
tour d'un couple d'étudiants, se trouvant là par hasard avec l'espoir de réussir à négocier leurs agios
mensuels, que d'être dévalisés. Soudain, le premier étudiant glisse quelque chose dans la main de l'autre.
Le second, surpris, murmure : "Qu'est-ce que c'est ?" Le premier, maître de lui, répond sur le même ton :
" C'est l'argent que je te devais pour le pack d'hier."

3) X est un militant des causes perdues.


Conscient que la société de demain se peint en trempant le pinceau dans la sueur des combats les plus
acharnés, l'étudiant-artiste, convaincu de sa vocation et de la noblesse de sa tache, n'hésite pas à
s'engager pour les causes dont rien n'indique qu'elles ne sont pas déraisonnables. Que dire alors quand
c'est la raison elle-même qui se trouve foulée aux pieds, dont on va même jusqu'à nier l'existence, sous
prétexte d'une différence sexuelle et d'une pigmentation capillaire peu répandue ? Dans le respect des
valeurs morales les plus pures et en voulant pourfendre la plus odieuse des discriminations, l'expérience
de pensée qui suit se veut l'annonciation d'une ère nouvelle à venir.
Une jolie blonde, dans un avion, se trouve assise à coté d'un avocat. Celui-ci cherche à nouer la
conversation, - allez savoir pourquoi, et propose à sa ravissante voisine de jouer à celui qui fera montre
de la plus grande culture générale. Et avant même que celle-ci accepte, l'avocat précise les règles du jeu
avec un tact tel qu'aucun rapprochement avec un quelconque handicap ne puisse être fait : chaque fois
qu'il échouera à une question émanant de la superbe créature, il sera contraint de se délester de 50 euros ;
tandis que lorsque la femme fatale aura oublié momentanément la réponse à une question posée par
l'avocat, celle-ci aura l'occasion de lui offrir quand même 10 euros.
Sans se départir de sa galanterie, l'avocat commence : " Qu'est-ce qui marche à 4 pattes le matin, à 2
pattes le midi, et à 3 pattes le soir ?"
Sans rien dire, la pin-up lui tend un billet de 10 euros. A son tour, elle interroge : " Qu'est-ce qui monte
en haut d'une colline sur 3 jambes et en redescend sur 4 ?"
Médusé, regrettant déjà d'avoir ouvert sa grande g… et proposé ce jeu à la c…, l'avocat confesse qu'il n'a
aucune idée de la réponse, et tend à la blondasse un billet de 50 euros. Celle-ci l'accepte sans mot dire.
Beau joueur, l'avocat braille qu'il aimerait quand même en avoir pour son argent et réclame de connaître
la réponse à ce mystère.
Hébété, il se voit tendre un billet de 10 euros, accompagné du plus beau des sourires.

Des remarques, réactions, désaccords ?


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